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Deuxième séance du mardi 15 février 2005

148e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.

LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'Assemblée nationale va engager, cet après midi, l'examen d'un projet de loi qui, pour notre majorité et, probablement, pour notre pays, répond à une attente considérable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Au terme de près de deux années de réflexion intense, partout dans le pays et dans cette assemblée également, il s'agit en effet de satisfaire, par un texte d'orientation, de programmation et de clarification, les nombreuses attentes qui s'expriment quant à la capacité de notre système éducatif d'assurer la réussite de tous les élèves.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Ce projet de loi est le fruit de ce lent, patient et efficace travail de maturation auquel le Gouvernement nous a invités. Monsieur le ministre, votre majorité est fière d'être à vos côtés pour le porter (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et en faire le texte fondateur pour l'avenir de l'école de notre pays dans les quinze ans à venir.

Au moment d'aborder ce texte, et alors que beaucoup de contrevérités, d'inexactitudes et d'approximations ont été proférées,...

M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de poser votre question.

M. Guy Geoffroy. ...pourriez-vous indiquer quelles sont les priorités que vous souhaitez voir la représentation nationale confier à l'école de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, il n'est pas aisé de réformer l'école. Et cela n'est pas anormal, si l'on veut bien considérer que l'école est au point de rencontre de toutes les fractures et de tous les espoirs de notre société.

Le Gouvernement a écouté les Français à travers le grand débat qu'il avait organisé, et a retenu l'essentiel des propositions qui ont été faites par la commission présidée par M. Thélot, auquel je tiens à rendre hommage à cette occasion. Il vous propose aujourd'hui d'engager la discussion sur un texte qui contient de puissants leviers de transformation de notre système scolaire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avec pour seul objectif d'introduire plus de justice dans un système qui s'abrite derrière des grands principes mais qui, en réalité, développe depuis des années des inégalités de plus en plus criantes et insupportables. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Biessy. Avec votre texte, vous allez aggraver ces inégalités !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En raison de l'immobilisme auquel nous avons été condamnés depuis de nombreuses années en matière d'éducation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), notre système n'a cessé de sécréter toujours plus d'échec et d'exclusion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qui peut aujourd'hui nier que les objectifs fixés par la loi de 1989 en matière de réussite au baccalauréat n'ont jamais été atteints ? Qui peut aujourd'hui nier que le système exclut, chaque année, près de 150 000 jeunes simplement parce que personne ne veut rien changer à l'organisation de l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Eh bien, nous allons, pour la première fois, définir les priorités de notre système éducatif à travers le socle de connaissances. Nous allons, pour la première fois également, mettre massivement en place un système de soutien tendant à individualiser la pédagogie en fonction des capacités des élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous allons aussi proposer un dispositif permettant - enfin ! - à nos enfants d'apprendre, et surtout de parler, deux langues étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Enfin, nous allons rénover en profondeur l'organisation de l'école, en améliorant la formation des enseignants et en apportant une solution au lancinant problème du remplacement des enseignants absents.

Mesdames et messieurs les députés, avec le débat qui s'ouvre, vous allez pouvoir défendre un projet de justice. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous allez aussi pouvoir constater qu'il n'y a pas d'alternative globale crédible à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉLECTIONS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Des élections partielles viennent de se tenir en Polynésie. Elles concernent 60 % de la population et leur résultat est net et sans appel. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les Polynésiens ont d'abord - rendons-leur hommage collectivement - donné une belle leçon de démocratie en se rendant aux urnes massivement et dans le calme.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Comme en Irak !

M. François Hollande. Qui pourrait contester cette approche ?

Ils ont ensuite exprimé clairement leur choix en faveur des listes de M. Temaru , qui est arrivé en tête avec 47 % des voix, soit sept points de plus que le président sortant, Gaston Flosse.

Ils ont enfin, et c'était leur droit, infligé un désaveu au président sortant, M. Flosse, à son système, à ses amis et à sa pratique du pouvoir.

Au-delà de nos sensibilités, nous devons, les uns et les autres, entendre le message des Polynésiens. L'Assemblée de Polynésie va se réunir dans quelques jours pour élire son nouveau président.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. François Hollande. À cette occasion, je souhaite qu'il n'y ait ni manœuvres ni pressions et que l'État puisse se porter garant du bon déroulement de la procédure. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce nouveau président - et je pense que ce sera, par le résultat des urnes, M. Temaru mais il appartient à l'assemblée d'en décider - va approcher les autorités de l'État. Je demande donc au Premier ministre de garantir ici que ce nouveau président, quel qu'il soit, entretiendra avec l'État des relations fondées sur la loyauté, l'impartialité et le respect. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela nous changera de ce qui s'est passé depuis quelques mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Démission !

M. le président. Inutile de beugler ! Seule Mme Girardin a la parole.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, il est souhaitable que chacun fasse preuve de retenue dans ses propos. J'en profite pour appeler l'ensemble de la classe politique de métropole à rester prudente et modérée dans ses commentaires car nos compatriotes polynésiens ne méritent pas d'être les otages de polémiques parisiennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi tout d'abord, monsieur Hollande, de corriger une petite erreur : l'enjeu est d'élire, non pas le président de l'assemblée territoriale, mais le président du Gouvernement polynésien.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. Hollande ne connaît rien au sujet !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je veux souligner par ailleurs que les Polynésiens, dans leur grande majorité, se sont encore prononcés pour les différentes listes défendant l'autonomie, et que la liste indépendantiste n'a toujours pas obtenu la majorité.

M. François Hollande. Ce n'est pas le sujet !

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais peu importe. Monsieur Hollande, depuis des mois, le parti socialiste ne cesse d'accuser le Gouvernement de diverses turpitudes (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), alors que toute notre action consiste précisément à défendre la loi et l'État de droit en Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Que cela vous plaise ou non, nous continuerons à agir ainsi avec la même détermination car c'est la seule façon de défendre la démocratie !

Vous avez inspiré à vos amis indépendantistes plus de trente recours contre l'action de l'État en Polynésie. Mais vous les avez tous perdus. Vous avez même attaqué devant le Conseil d'État la lettre par laquelle j'expliquais à M. Temaru que la dissolution était impossible, car illégale. Or le Conseil d'État m'a donné entièrement raison et a jugé que je n'avais commis aucune erreur ni de droit ni d'appréciation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Ce n'est pas la question !

Mme la ministre de l'outre-mer. Vous nous accusez quand même de nous livrer à des manœuvres. Je ferai observer qu'actuellement, je suis à Paris, et non pas en Polynésie pour essayer de faire émerger des majorités comme M. Dosière, par exemple... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Démission !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je vous donne raison sur un point, monsieur Hollande : il faut respecter le choix des Polynésiens. Croyez-vous que les électeurs de Mme Bouteau et de M. Schyle ont souhaité que la Polynésie soit livrée à l'idéologie indépendantiste ? Je ne le pense pas, quant à moi.

M. Arnaud Montebourg. Parlez-nous du journaliste assassiné !

Mme la ministre de l'outre-mer. Car, contrairement à ce que vous semblez croire, vos alliés indépendantistes ne veulent pas seulement l'alternance.

Je le rappelle, je reste à la disposition de tous les élus polynésiens pour les aider, s'ils le souhaitent, à rechercher une solution consensuelle. Je suis prête à reprendre les discussions que j'avais entamées à Paris. Toutes les hypothèses sont ouvertes, à condition qu'elles respectent la Constitution et le droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

LIBAN

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Hier, l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri a été assassiné. La France est liée au Liban depuis très longtemps par des liens historiques et culturels mais aussi par des liens d'amitié.

Depuis la fin de la guerre, le peuple libanais n'a toujours pas retrouvé la liberté et l'indépendance. Notre pays a signé, en septembre 2004, la résolution 1559 de l'ONU qui prévoit le retrait des troupes étrangères et la fin de l'ingérence syrienne dans les affaires intérieures du Liban, mais qui n'est toujours pas appliquée.

L'UDF s'est toujours montrée attentive aux aspirations et aux revendications du peuple libanais. Elle souhaite qu'il puisse retrouver la paix et sa souveraineté.

Aujourd'hui, alors que cet attentat risque de déstabiliser un peu plus le Liban et de secouer tout le Moyen-Orient, que compte faire la France ? Dans une affaire aussi grave et aussi importante, comptez-vous, monsieur le Premier ministre, proposer à l'Europe de prendre une initiative forte en faveur de la paix et de la souveraineté du Liban ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Monsieur le député, le monde entier a été horrifié par le crime ignoble et lâche qui s'est produit hier à Beyrouth et dans lequel M. Rafic Hariri, ancien Premier ministre libanais, a trouvé la mort, ainsi que quatorze autres personnes.

Comme vous le savez, le Président de la République, Jacques Chirac, a condamné très fermement ce crime au nom de la France. Il a rendu hommage à Rafic Hariri, qui incarnait la volonté indéfectible d'indépendance, de liberté et de démocratie du Liban.

La France demande qu'une enquête internationale soit conduite sans délai pour déterminer les circonstances et les responsabilités de cette tragédie avant d'en punir les coupables. Elle en suivra le déroulement avec vigilance.

Cet acte terroriste et révoltant a suscité l'indignation internationale, que le conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à exprimer sur la base d'un texte proposé par les États-Unis et que la France soutient pleinement. En effet, il nous faut soutenir la démocratie libanaise, gravement atteinte par cet attentat.

Vous connaissez notre attachement constant à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale du Liban. La France l'a affirmé à maintes reprises, et encore récemment lors de l'adoption de la résolution 1559.

Dans cette épreuve tragique, la France fait part au peuple libanais de sa solidarité, de son appui et de sa sympathie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le ministre, la jeunesse, une nouvelle fois, est dans la rue pour protester contre un projet de loi dangereux, inefficace et sans ambition. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Seules l'économie et la sélection guident votre pensée. Vos discours se veulent rassurants, mais personne n'est dupe : vous voulez faire passer en force toutes vos réformes, y compris celle du baccalauréat, puisqu'il faut à tout prix faire des économies ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi, les fermetures de classe dans l'enseignement primaire vont se poursuivre à un rythme effréné.

Économie encore lorsqu'il s'agit d'enfermer les élèves les plus en difficulté dans un « sous-SMIC » culturel. Économie toujours lorsqu'un contrat individuel de réussite éducative, bientôt déguisé en programme personnalisé de réussite scolaire, n'aura d'autre objectif que d'amputer les budgets de fonctionnement des établissements classés en ZEP.

Mais aussi sélection, puisqu'au collège on risque fort de voir se développer les solutions de relégation avec les aménagements différenciés des cursus et des programmes, le brevet à géométrie variable, les dispositions dérogatoires d'alternance dès la quatrième et le délestage vers des dispositifs relais multipliés.

Au lycée, la suppression de formations dans le domaine technologique, la suppression des options, la remise en cause des dédoublements de classe, la suppression des TPE sont significatives : aucune ambition pédagogique ne vous anime, monsieur le ministre !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. François Liberti. Nous refusons naturellement la subordination de la France au diktat européen et à son projet de Constitution, qui sacrifie la valeur de notre éducation nationale et les principes de laïcité.

Parce qu'il faut réformer l'école et que nous sommes porteurs d'un projet éducatif novateur, visant à l'égalité d'accès au savoir pour tous les élèves, à l'école et hors de l'école, nous vous demandons, monsieur le ministre, de retirer votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Liberti, je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler combien d'enseignants et de lycéens manifestaient dans les rues de notre pays lorsque vous étiez vous-même membre de la majorité - jusqu'à 500 000 en 1998 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement n'est pas insensible à l'expression de certains lycéens - il l'a montré en acceptant de reprendre la discussion sur la réforme du baccalauréat, qui n'a rien à voir avec un souci d'économies, monsieur Liberti, mais vise la réussite des élèves. Personne, en effet, ne conteste que le fait d'imposer dix ou douze épreuves en même temps, en particulier à des élèves qui ne bénéficient pas d'un environnement favorable, n'est pas la meilleure façon de les faire réussir ! C'est ce que disent aujourd'hui toutes les associations de parents d'élèves, une partie des associations lycéennes - les mêmes, d'ailleurs, qui manifestent -, une grande partie des organisations syndicales et beaucoup de vos amis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Liberti, l'avenir de l'école exige que nous innovions. Le projet de loi que nous vous présentons, ce sont 2 milliards d'euros supplémentaires pour lutter contre l'échec scolaire !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'avez pas d'argent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le projet de loi que nous vous présentons contient, pour la première fois, des éléments de programmation quant au recrutement des enseignants, soit 150 000 dans les cinq prochaines années.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le projet de loi que nous vous présentons prévoit trois heures de soutien par semaine pour tous les élèves qui en ont besoin.

Le projet de loi que nous vous présentons propose de multiplier par trois les bourses au mérite et par cinq les classes-relais pour lutter contre la violence scolaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Kucheida. Vous ne parlez pas des suppressions de poste !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous verrons si vous allez voter contre ces moyens supplémentaires pour l'éducation nationale et pour l'école. Ce que je constate aujourd'hui, c'est que vous ne proposez rien, mis à part des moyens supplémentaires, sans jamais regarder les performances de notre système, ni l'échec collectif qui est le nôtre depuis vingt ans dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE SPATIALE

M. le président. La parole est à M. Christian Cabal, pour le groupe UMP.

M. Christian Cabal. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche.

Monsieur le ministre, nombreux sont nos concitoyens qui, samedi soir, ont assisté en direct au dernier tir de la fusée Ariane 5. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une grande réussite pour notre pays et pour l'Europe spatiale et de la recherche.

M. Claude Goasguen. C'est magnifique !

M. Christian Cabal. Cette réussite est le résultat des efforts de dizaines de milliers de chercheurs, ingénieurs, techniciens et ouvriers du Centre national d'études spatiales, de l'Agence spatiale européenne, sous la direction d'Arianespace pour les tirs, et avec la participation de grands industriels européens comme EADS et la SNECMA.

Elle est due également à la volonté des politiques, depuis la création du CNES par le général de Gaulle, d'assurer cet effort constant et très fructueux. Je tiens d'ailleurs à saluer ici la mémoire d'Hubert Curien, l'un des grands constructeurs de l'espace, récemment disparu. (Applaudissements sur tous les bancs.)

L'espace nous est utile. Les applications de la recherche dans le domaine de l'espace sont nombreuses, qu'il s'agisse de la défense ou de la surveillance de l'environnement, comme cela a été démontré récemment. Ses apports sont essentiels dans la prédiction des tremblements de terre, dans la prévention des tsunamis et des différents désordres qui menacent notre planète. Mais elle nécessite des moyens et la poursuite d'une volonté politique.

M. le président. Posez votre question !

M. Christian Cabal. Monsieur le ministre, au-delà de l'effort de la France et de l'Europe, comment comptez-vous poursuivre dans l'avenir cette grande politique, dans l'intérêt de tous les pays d'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, comme vous l'avez dit, le succès d'Ariane 5 ECA, qui est aujourd'hui le plus puissant lanceur au monde, est celui de la communauté spatiale, avec ses scientifiques, ses chercheurs, ses ingénieurs, ses techniciens, ses ouvriers, ses organisateurs, dans les laboratoires publics comme dans les entreprises, à l'Agence spatiale européenne, chez Arianespace comme au CNES, avec sa remarquable direction des lanceurs.

Ce succès est aussi celui d'une politique persévérante menée par tous ceux qui, passionnés par l'espace, croient en une politique spatiale européenne. Vous avez nommé Hubert Curien, qui en a été l'un des précurseurs et auquel, au nom du Gouvernement, je voudrais à mon tour rendre hommage.

C'est vrai, il a fallu de la constance, en particulier il y a deux ans, pour relancer le programme Ariane 5. Je rends hommage à tous ceux qui en ont eu la volonté, au Gouvernement et à Claudie Haigneré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette politique, nous en voyons aujourd'hui le résultat : en détenant le lanceur le plus puissant du monde, nous avons conquis l'indépendance et la liberté d'accès à l'espace pour l'Europe, qui est essentielle pour sa souveraineté, ainsi que la compétence commerciale puisque plus de trente satellites attendent leur lancement dans les prochains mois.

C'est enfin un encouragement pour l'Europe de l'espace. La Constitution européenne qui verra prochainement le jour va renforcer les compétences de l'Europe de l'espace, et cela vaut la peine car il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de la recherche scientifique : explorer l'univers, mais aussi la terre, notamment pour prévoir les tremblements de terre, développer les télécommunications et bien d'autres domaines.

Avec ce formidable outil qu'est Ariane 5, l'espace est une nouvelle frontière pour l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PLAN BLANC CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE GRIPPE

M. le président. La parole est à M. Jacques Briat, pour le groupe UMP.

M. Jacques Briat. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

Monsieur le ministre, depuis près de trois semaines, une épidémie de grippe et de gastroentérite touche la France, et particulièrement ma région. Le pic a été atteint ce week-end avec plus de 2 millions de personnes atteintes, selon les estimations de votre ministère.

Cette épidémie a entraîné une importante suractivité de nombreux hôpitaux. De nombreux services d'urgence ont dû faire face à une augmentation élevée de la demande de soins et d'admissions, et les SAMU ont été rapidement saturés d'appels.

Cette situation exceptionnelle met en lumière l'importance des services d'urgence et confirme la nécessité de maintenir les hôpitaux de proximité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), comme vous l'indiquiez il y a quelques mois, monsieur le ministre. Dans ma circonscription, par exemple (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous vous devons le maintien de l'hôpital intercommunal de Castelsarrasin-Moissac, maintien qui s'est révélé particulièrement utile.

J'ajoute que, depuis plusieurs années, les services d'urgence des hôpitaux subissent les conséquences négatives des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Nous y voilà !

M. Jacques Briat. Pour faire face à l'engorgement des services d'urgence et pour répondre rapidement à l'accroissement de leur activité, vous avez déclenché le plan blanc dans six régions : Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Alsace, Auvergne et PACA.

Dans ce contexte, et alors que l'activité reste très soutenue, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire si la mise en place de ce plan a permis de faire face à la situation et nous en détailler les principales mesures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, en effet, mercredi dernier, les SAMU nous ont signalé la saturation de certains services d'urgence dans six régions françaises : PACA, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, mais également Auvergne, Nord-Pas-de-Calais et Alsace.

Nous avons immédiatement répondu en mettant en place des cellules de crise : une cellule nationale au sein du ministère de la santé et une cellule dans chaque région concernée, ce qui correspond au niveau 1 du plan blanc.

Par ailleurs, nous avons déprogrammé un certain nombre d'hospitalisations, notamment dans le secteur de la chirurgie orthopédique, et renforcé le personnel. Dans trois régions, le problème a été résolu. Mais dans trois autres - Nord-Pas-de-Calais, Alsace et Rhône-Alpes -, ainsi qu'à Dijon, le flux est encore tendu. Le plan blanc y est donc maintenu.

Deux enseignements peuvent être tirés de cette semaine.

Le premier, très important, est que le plan blanc a fonctionné. Il a été efficace. Le deuxième - et vous avez eu raison de le souligner, monsieur le député - est que nous devons continuer à mettre en place des lits de soins de suite, en particulier dans les hôpitaux locaux, ceux que l'ancienne majorité a fermés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

STATUT PÉNAL DU CHEF DE L'ÉTAT

M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste.

M. André Vallini. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le statut pénal du chef de l'État.

Lors de la dernière campagne présidentielle, en avril 2002, M. Chirac avait promis que la réforme du statut pénal du chef de l'État serait programmée dans la première année de son quinquennat. Et il devait confirmer cet engagement le 14 juillet suivant.

Un an plus tard, en juillet 2003, un projet de loi était entériné en conseil des ministres et M. Perben déclarait, en octobre de la même année, qu'il serait rapidement inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

Un an plus tard encore, en juillet 2004, le président du groupe socialiste, M. Jean-Marc Ayrault, vous a interrogé à ce sujet, monsieur le Premier ministre, et vous lui avez confirmé que ce projet serait inscrit prochainement à l'ordre du jour du Parlement.

Or, dimanche dernier, votre garde des sceaux, M. Perben, a déclaré sur Radio J qu'il n'était pas sûr que cette réforme importante viendrait au Parlement avant 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Même si ce projet de statut nous semble encore bien trop protecteur, sa discussion reste à nos yeux plus que jamais nécessaire pour rappeler à nos concitoyens les deux conceptions qui s'affrontent sur ce sujet.

La première, celle d'un monarque constitutionnel, bénéficiant d'une immunité absolue (« Mitterrand ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), y compris pour tous les actes commis avant son entrée en fonction.

La seconde, celle d'un président citoyen, responsable devant les Français dans le cadre de ses fonctions, et, pour le reste, responsable comme tout citoyen de ses actes devant la justice.

Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous parler d'impunité zéro à la « France d'en bas » devant cette impunité totale de la « France d'en haut » ?

Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand allez-vous présenter au Parlement la réforme du statut pénal du chef de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur Vallini, la réforme du statut pénal du chef de l'État répond - c'est tout à fait exact - à un engagement pris devant les Français par le Président de la République.

M. André Vallini. Eh bien, faites-la !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. C'est la raison pour laquelle, à la suite de l'élection présidentielle, une commission composée de personnalités incontestables a été réunie sous la présidence du professeur Pierre Avril. Cette commission a accompli un travail consensuel sur la base duquel un texte équilibré a été élaboré.

Ce texte équilibré a été adopté par le conseil des ministres le 2 juillet 2003. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais il s'agit, comme vous l'avez souligné, d'un projet de révision constitutionnelle d'importance.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Vallini, l'encombrement du calendrier parlementaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) n'a pas, jusqu'à présent, permis de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée. Néanmoins, je puis vous rassurer : sous l'autorité du Premier ministre, il sera naturellement inscrit dès que les circonstances le permettront. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'espère vous avoir rassuré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Ça suffit ! Taisez-vous !

POLITIQUE FISCALE EN FAVEUR DES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Binetruy. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lors d'une conférence de presse largement médiatisée, vous avez présenté la semaine dernière les grandes orientations de la politique économique du Gouvernement pour les trente mois à venir. Comme vous l'avez indiqué, vous souhaitez insuffler une politique globale et cohérente pour développer et soutenir la croissance dans notre pays, basée sur l'emploi et la confiance. À cet égard, vous avez notamment annoncé des mesures fiscales pour soutenir la consommation, le pouvoir d'achat et l'activité de nos entreprises.

En effet, dans la continuité de l'action engagée par le Gouvernement et vos prédécesseurs depuis 2002 en faveur des entreprises, il apparaît important de leur donner, et notamment aux PME, les moyens de s'assurer d'une bonne activité en levant les freins qui peuvent peser sur leur développement et les empêchent ainsi de créer des emplois pour nombre de nos concitoyens. Dans ce sens, et pour favoriser l'emploi, qui constitue l'une des priorités du Gouvernement, vous avez annoncé vouloir atteindre l'objectif « zéro charge » au niveau du SMIC.

Pouvez-vous nous confirmer votre intention de poursuivre la baisse du coût du travail par la baisse des charges, qui renforcera la compétitivité de notre pays ? Pouvez-vous également nous préciser selon quelles modalités va se décliner ce dispositif d'allégement de charges pour les salaires au niveau du SMIC et comment celui-ci va donner aux employeurs...

M. Gilbert Biessy. Seillière !

M. Jacques Desallangre. Toujours plus !

M. Jean-Marie Binetruy. ...une marge de manœuvre indispensable pour l'embauche et la création d'emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Binetruy, oui, je confirme la décision du Gouvernement de poursuivre la baisse des charges pour atteindre « zéro charge » sur les bas salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. Et le chômage ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela veut dire concrètement passer de 26 % à 28 % d'exonération. Cette décision sera actée par le Premier ministre dans ses arbitrages budgétaires pour le budget 2006 et le budget 2007.

Plusieurs raisons justifient de baisser les charges sur les salaires les moins élevés.

Première raison : favoriser la création d'emplois. Je vous rappelle que les décisions prises par Alain Juppé jusqu'en 1997 ont permis la création de 500 000 emplois.

Deuxième raison : permettre l'amélioration du pouvoir d'achat, puisque, lorsque les charges baissent, on peut revaloriser davantage le SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et je vous rappelle que depuis 2002, sur trois années, le SMIC aura augmenté de près de 16 %, soit un gain de pouvoir d'achat de 11,5 % !

Enfin, il faut que le travail paye davantage que l'assistance (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), et donc que les revenus du travail soient favorisés. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de réexaminer la mise en œuvre de la prime pour l'emploi.

J'ajoute que le Gouvernement entend développer toutes les activités. Je pense à toutes les mesures qui figurent dans le plan de Jean-Louis Borloo - notamment le contrat d'avenir. Demain, Jean-Louis Borloo fera une communication en conseil des ministres sur les emplois de service,...

M. Maxime Gremetz. C'est l'Arlésienne !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...parce que, on le sait, il y a beaucoup d'emplois à créer dans les services, et notamment dans les services d'aide à la personne.

Voilà quelques-unes des mesures qui ont été décidées.

Pour terminer, je tiens à dire que, s'agissant des entreprises, quelle que soit leur taille, nous avons prévu d'accélérer le remboursement de la TVA et de permettre de compenser les créances et les dettes fiscales, ce qui est une véritable révolution dans les relations entre les entreprises et l'administration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉVELOPPEMENT DE L'ÉTHANOL EN FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe UMP.

Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe mes collègues picards Jérôme Bignon et Alain Gest, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité et concerne le développement de l'éthanol en France.

Le 2 février, le Gouvernement a annoncé qu'il allait agréer la production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants d'ici à 2007, dont 320 000 tonnes pour la filière éthanol. Il est vrai que l'objectif est d'atteindre 5,75 % de biocarburants incorporés dans les carburants routiers dès 2010, contre à peine 1 % aujourd'hui.

De nombreuses études présentent les retombées positives pour notre pays d'un développement des biocarburants. Il en est ainsi pour notre environnement.

Dans le cadre du protocole de Kyoto, la France s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Atteindre l'objectif d'incorporation de biocarburants contribuera, à hauteur de 12 %, à l'économie globale de carbones fossiles que notre pays doit réaliser.

Des retombées positives sont également attendues par notre industrie et notre agriculture. Le développement d'éthanol permettrait en effet l'implantation d'unités de production dans des zones aujourd'hui faiblement industrialisées ou ayant subi une désindustrialisation. Dans le département de l'Aisne,...

M. Maxime Gremetz. En Picardie !

Mme Pascale Gruny. ...premier département français producteur de betteraves, la production d'éthanol représente pour les agriculteurs un débouché important dans les prochaines décennies.

Mais ces impacts positifs pour notre économie et donc nos emplois ne seront possibles que si ces biocarburants sont produits dans notre pays et à partir de matières premières nationales. L'industrie française en la matière ne pourra se développer que si des distilleries de forte capacité sont construites rapidement pour approvisionner le marché de l'éthanol carburant.

Monsieur le ministre, les productions non alimentaires vont devenir un élément fondamental du développement de l'agriculture. Aussi, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les conséquences pour notre industrie et notre agriculture de votre annonce, ainsi que les modalités de la mise en œuvre de ce plan de développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Madame la députée, vous avez raison de souligner l'importance du développement des biocarburants. Vous avez rappelé le processus dans le temps : en septembre 2004, le Premier ministre a annoncé un plan ayant pour objectif le triplement de notre production, et, le 2 février dernier, il a rendu un arbitrage entre les deux carburants possibles - l'éthanol pour 320 000 tonnes, et le diester pour 480 000 tonnes.

Les conséquences, vous l'avez dit, sont très importantes.

D'abord, pour notre agriculture, car il s'agit d'un nouveau débouché, et cela donne confiance à nos agriculteurs de se dire qu'ils vont produire quelque chose d'utile face aux besoins en énergie de notre pays.

Ensuite, pour notre environnement, car cela contribue à diminuer l'effet de serre.

Enfin, pour l'industrie, puisque cela représente à peu près 6 000 emplois rapidement.

Où en sommes-nous à ce jour ?

Les appels d'offre, lancés dès le lendemain de l'annonce par le Premier ministre, seront dépouillés au printemps. Dans trois mois, nous serons donc en mesure d'annoncer les nouvelles unités industrielles qui existeront dans le pays.

Vous m'avez présenté récemment dans votre département, avec M. Bertrand, un projet particulièrement intéressant ; il y en a bien d'autres dans d'autres régions de France. Les choix seront faits très rapidement.

La décision du Gouvernement, avec le soutien de sa majorité, est fondamentale : elle prouve que notre agriculture est sur la voie de l'avenir, qu'elle est capable de produire de l'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DEVENIR DE LA MAISON D'ARIANE

M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste.

M. Daniel Vaillant. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Des faits d'une particulière gravité se sont déroulés au centre d'accueil La Maison d'Ariane, à La Roche-sur-Yon, dont le directeur est incarcéré depuis le 11 février.

Cette structure, créée en 1996, sur fonds exclusifs du conseil général de Vendée, est connue pour son influence sur des jeunes femmes enceintes, seules ou en situation de détresse, incitées à renoncer à l'IVG et à accoucher, si besoin, sous X, c'est-à-dire à porter un enfant qu'elles doivent ensuite abandonner.

La forte pression exercée sur elles a longtemps maintenu sous silence des méthodes d'un autre âge. Renvoyées, mises à la rue en cas de désobéissance, les jeunes femmes n'avaient bien sûr pas la parole, sur des agissements pourtant scandaleux.

Depuis 2000, grâce au travail des associations, des faits ont été rendus publics et des plaintes ont pu être déposées. Ces quatre dernières années, plusieurs directeurs, tous désignés pas le conseil général de Vendée, se sont succédé, mais les pratiques sont restées les mêmes : pressions psychologiques, interdictions multiples, isolement, rien n'a changé pour les pensionnaires.

Après que huit plaintes eurent récemment été déposées pour viols aggravés, agressions sexuelles et harcèlement, l'actuel directeur, d'abord laissé en liberté, a finalement été écroué. Après tant d'années et tant de faits, le conseil général de Vendée n'a pas pris la mesure de ses responsabilités. Cette fois, son président, M. de Villiers, ne pourra pas nous dire que c'est la faute de l'Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, dans un pays où, depuis 1975, la loi autorise l'avortement et protège les femmes qui décident d'y recourir, la Maison d'Ariane n'aurait jamais dû exister. Le discrédit jeté sur cette maison est total. Il est temps d'obtenir sa fermeture définitive. Vous engagez-vous à prendre les décisions nécessaires pour cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. − « Nul ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la justice a été saisie du dossier du foyer maternel de la Maison d'Ariane, à La Roche-sur-Yon en Vendée, et je ne me prononcerai pas sur l'instruction.

Comme tous les foyers maternels, celui-ci dépend de l'aide sociale à l'enfance, c'est-à-dire que son directeur est élu par le conseil d'administration...

M. Henri Emmanuelli. Il n'est pas élu !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il est nommé !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. ...− ou, si vous préférez, choisi. Il bénéficie donc d'un statut associatif, pas d'un statut d'État.

D'autre part, le président du conseil général et le préfet ont décidé l'ouverture d'une enquête administrative, dont les résultats seront connus jeudi prochain. Je tiens à vous dire, monsieur le député, que les conclusions de cette enquête seront toutes rendues publiques, dans la plus grande transparence.

M. Jean-Marc Ayrault. Et alors ?

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Tous, ici, nous souhaitons que la transparence soit la règle dans de telles affaires, mais vous n'avez pas le droit, monsieur le député, de salir un président de conseil général sous prétexte que quelqu'un, dans son département, a commis de tels actes. Ce sont deux réalités qui n'ont rien à voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le député, vous avez vos idées sur l'interruption volontaire de grossesse, et j'ai les miennes : je respecte ceux qui ne pensent pas comme moi.

Mme Martine David et M. Albert Facon. Et la loi ?

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Il n'est pas bon d'associer un président de conseil général, sous prétexte qu'il ne partage pas vos idées politiques, à quelqu'un qui a peut-être commis des crimes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DROITS DES FEMMES

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe UMP.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Madame la ministre, 2005 est une année importante pour les droits des femmes, qui seront réaffirmés au cours de deux grands rendez-vous internationaux : celui du bilan intermédiaire des Objectifs du millénaire pour le développement, en septembre, et, avant cela, à la fin du mois de février, « Pékin plus 10 ».

C'est en effet dans quelques jours que sera célébré, à New York, le dixième anniversaire de la conférence mondiale des femmes, dont la déclaration et le programme d'action ont invité la communauté internationale à s'engager pour la promotion des femmes et leur égalité avec les hommes.

À cette occasion, la quarante-neuvième commission de la femme se réunira au siège des Nations unies, pour faire le point sur la plate-forme de Pékin face aux enjeux du xxie siècle, notamment la lutte contre la féminisation de la pauvreté et les violences faites aux femmes, l'accès à l'éducation et aux services de santé, la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine pour les femmes et pour les filles.

Madame la ministre, nous connaissons l'engagement de la France depuis vingt ans, et tout particulièrement le vôtre aujourd'hui, pour la défense du droit des femmes dans notre pays et dans le monde. Aussi, je souhaite vous poser deux questions. D'une part, quelle sera votre contribution, au nom de la France, à la commission de New York, notamment à travers votre initiative partenaire pour « Pékin plus 10 » ? D'autre part, comment le réseau des femmes parlementaires francophones pourrait-il s'inscrire dans la dynamique de « Pékin plus 10 » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la députée, vous le savez, la France s'est engagée en faveur d'un monde plus solidaire. Cette vision d'une société plus humaine et plus juste est portée, au plus haut niveau, par le Président de la République et le Gouvernement français. Elle vise notamment à faire de l'égalité un facteur de croissance et un vecteur du développement durable, à côté de l'introduction de nouveaux mécanismes de solidarité financière.

Vous avez raison, il y a dix ans, la conférence de Pékin a ouvert un vaste champ d'espérance pour des millions de femmes dans le monde, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Notre objectif est clair : nous souhaitons faire en sorte que le dixième anniversaire de la conférence de Pékin, que nous célébrerons la semaine prochaine à New York, marque une étape positive, constructive, pour la reconnaissance de ces droits fondamentaux − l'accès à l'éducation, aux soins ou à l'emploi.

Madame la députée, la France prend toute sa part dans cette démarche, aux côtés de très nombreux parlementaires que je remercie, et dont vous êtes. Elle participe à toutes les conférences internationales : je pense au sommet de la francophonie, auquel vous avez apporté votre contribution et qui est le premier espace de dialogue et de solidarité, mais aussi à l'Europe, puisque le Conseil des ministres de Luxembourg a adopté une déclaration politique allant en ce sens, initiative qu'il convient de saluer.

Enfin, vous l'avez dit, après le sommet de Pékin doit se tenir le sommet de septembre. La France a décidé de lancer, dans les quelques jours qui suivront le rendez-vous de New York, un appel aux dirigeants mondiaux et aux grandes ONG pour que la prise en compte de l'égalité dans le cadre de ce Sommet du millénaire marque un véritable progrès pour l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ACCIDENTS DE LA VIE COURANTE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le groupe UMP.

M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

Monsieur le ministre, chaque année, en France, se produisent 20 000 accidents mortels de la vie courante ou domestique. Ils touchent principalement les personnes âgées et les enfants. Or, la plupart du temps, ces accidents n'ont rien d'une fatalité. Nous connaissons tous les mesures courageuses qu'a prises le Gouvernement : celles concernant la sécurité des piscines ont notablement diminué le nombre des noyades d'enfants ; celles qui touchent à la protection des conducteurs ont porté leurs fruits, évitant 3 000 morts chaque année.

Monsieur le ministre, vous avez tenu, ce matin, un comité interministériel sur les accidents de la vie courante. Il est important que des mesures soient prises, même si elles ne sont pas toujours populaires. Pourriez-vous nous dire quelles sont celles que vous préconisez, selon quel calendrier, avec quels moyens et en fonction de quels objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en juin dernier, le Premier ministre a souhaité que les accidents domestiques soient une priorité de l'action gouvernementale. Les chiffres que vous avez rappelés montrent l'ampleur du drame : 20 000 décès par an, mais aussi 4 millions de blessés et 800 000 hospitalisations.

Nous devons travailler sur deux axes particulièrement délicats : d'une part, il nous faut tenir compte de la très grande diversité de ces accidents ; d'autre part, il convient de combattre la tentation du fatalisme. C'est pourquoi mes collègues Catherine Vautrin, Marie-Anne Montchamp et moi-même avons tenu ce matin un comité interministériel et, dans le même temps, mis en place, avec Philippe Douste-Blazy, un observatoire pour fédérer les actions menées dans tous les ministères. Ce sera chose faite dans quelques semaines.

Nous préparons par ailleurs un plan d'action que nous pourrons présenter dans quelques semaines au Premier ministre : chaque ministère pourra ainsi mener une véritable action dans ce domaine.

Encore une fois, en la matière, le fatalisme n'est pas de mise. Étudions l'exemple de nos voisins : il est possible d'inverser la courbe et je crois que nous allons y arriver, notamment dans le domaine des chutes. Vous savez en effet que 50 % des accidents domestiques sont liés à des chutes, notamment chez les personnes âgées : Catherine Vautrin a travaillé sur ce sujet.

Je le répète, dans les prochaines semaines, nous présenterons au Premier ministre ce plan d'action interministériel.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

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AVENIR DE L'ÉCOLE

Discussion d'un projet de loi d'orientation

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école (nos 2025, 2085).

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, celui qui s'interroge sur la France et son avenir est inévitablement renvoyé à la question de l'école.

L'école est au cœur de tous les enjeux, au croisement de ce que nous avons été, de ce que nous sommes, et de ce que nous voulons être demain. C'est dire que tout projet sur l'école porte en lui un projet de société.

Ce projet s'organise, à mes yeux, autour de trois axes :

Celui de la liberté intellectuelle, car dans un environnement qui risque d'être « standardisé », « formaté », les prochaines générations doivent être dotées des clés culturelles de cette liberté ; elle signe, depuis le siècle des Lumières, la singularité française ;

Celui ensuite de la responsabilité citoyenne, car, dans un monde que, comme vous, je pressens chahuté et conflictuel, les vertus républicaines seront primordiales ; nos enfants doivent être éduqués au vivre ensemble ;

Celui enfin de l'ouverture et de l'adaptation, car, dans un espace mondialisé et au cœur d'une Europe élargie, notre jeunesse doit être préparée à être acteur et non otage des mutations économiques, technologiques et sociales de son temps.

Brillante, républicaine, moderne : voilà la France de demain telle que je la vois. Et c'est bien autour de ce dessein que le Président de la République, le Premier ministre et la majorité entendent préparer l'école !

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi d'orientation engage une transformation de notre système éducatif et lui fixe de nouveaux objectifs pour les années à venir.

Il est le fruit d'un large débat poursuivi sur près d'une année. Il s'inspire largement des travaux menés par la commission Thélot, dont je tiens à saluer la qualité. Il est le résultat d'une concertation nourrie avec les organisations syndicales et les fédérations de parents d'élèves et des nombreux contacts que j'ai pu nouer avec les membres de la communauté éducative.

Enseignants, chefs d'établissements, élèves, parents, personnels administratifs, il n'est pas une rencontre qui ne m'ait révélé, dans un élan désordonné et passionné, les incertitudes mais aussi les espoirs qui traversent l'école.

Maintenant, vous voilà saisis de ce projet, dont le contenu est éclairé et enrichi par l'excellent rapport de votre collègue Frédéric Reiss.

Je voudrais adresser mes remerciements chaleureux à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à son président et aux membres de la majorité qui ont collaboré à la préparation de ce projet.

Depuis qu'il est connu, des critiques contradictoires lui sont adressées, même s'il est intéressant d'observer qu'aucune alternative globale ne lui est véritablement opposée.

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. On en reparlera !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. On lui reproche, ici, de ne pas changer radicalement le système éducatif, là, de le projeter dans une logique nouvelle.

On lui reproche, tout à la fois, d'ignorer les préoccupations pédagogiques,...

M. Christian Paul. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...de ressusciter des pratiques nostalgiques, ou encore de conforter les méthodes en place.

On lui reproche de ne pas remettre en cause le collège unique ou, au contraire, d'en prévoir le démantèlement par le biais des groupes de niveau en langues, du soutien personnalisé des élèves, de l'enseignement généralisé de découverte professionnelle.

En résumé, certains lui reprochent sa prudence, tandis que les autres l'accusent de bouleverser les équilibres actuels.

Toutes ces critiques ne doivent être ni dédaignées, ni rejetées d'un revers de la main. (« Ah ! Enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Elles sont symptomatiques des fortes interrogations qui parcourent le système éducatif.

M. Jean-Paul Anciaux. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais elles sont surtout révélatrices des lignes de fond qui traversent la société française.

L'école est le miroir de la nation, de ses querelles passées et de ses projections futures. Elle est le reflet de nos espérances individuelles et collectives. Elle est à la jointure de nos tensions libérales et égalitaires, de nos exigences privées et publiques. Elle est à la fois le réceptacle de nos dérives sociétales et de nos illusions sociales. Elle est l'épicentre des services publics. Elle est finalement la colonne vertébrale de l'unité nationale.

Toucher à l'école, changer l'école, c'est remuer, c'est tournebouler tout cela !

Dès lors, tout indique, jusqu'à preuve du contraire, que le chemin tranquille et consensuel de la réforme de l'école n'existe malheureusement pas. Beaucoup de mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, en firent le constat. D'autres, préférant ne pas l'expérimenter, décidèrent de ne rien faire de significatif, si ce n'est d'acquiescer à toutes les demandes. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, sans surprise, ce projet suscite des crispations.

Je ne néglige pas la voix de ceux qui ont entre quatorze et dix-huit ans et dont certains des messages généreux ne me semblent pas antagoniques avec l'esprit de ce projet.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne veux pas d'une coupure entre eux et les responsables publics. Comme tous les parents, je suis préoccupé des risques éventuels qui pourraient survenir.

Ma porte est ouverte et je recevrai, une nouvelle fois, cette semaine les organisations lycéennes.

J'ai déjà eu l'occasion de leur démontrer que je n'étais pas insensible à leurs interrogations.

Sur la question des options autour de laquelle certains percevaient un risque pour les sciences économiques et sociales, j'ai répondu favorablement.

Sur les points acquis dans le cadre des TPE - qui, je le rappelle, sont maintenus en première (« Et en terminale ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) -, j'ai indiqué qu'ils seront pris en compte dans la notation du baccalauréat.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur la réforme du bac elle-même, j'ai dit que je n'avancerais pas tant que les craintes et les malentendus ne seraient pas dissipés.

M. Patrick Roy. Les craintes surtout !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette réforme du bac a cristallisé les inquiétudes. J'en prends acte, sans m'en offusquer, parce que cette disposition n'est pas au cœur de ce projet.

Mme Catherine Génisson. Ah bon ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une partie des manifestants ont vu dans cette adaptation du bac un facteur d'inégalité.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est l'inverse !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je pense le contraire, et je ne suis pas le seul puisque beaucoup de spécialistes, parents d'élèves et mêmes organisations lycéennes - aujourd'hui pourtant dans la rue ! - suggèrent une évolution du bac et notamment l'introduction d'une dose de contrôle continu.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Eh oui !

M. Yves Bur et M. Guy Geoffroy. Quelle contradiction !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai l'intime conviction qu'une dose de contrôle continu ou de partiels - de l'ordre de 20 % de la note finale - serait un gage supplémentaire d'excellence et de justice sociale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ai l'intime conviction que le bachotage, sur dix matières, est excessif, peu propice à la prise en compte des progrès continus et des mérites des élèves, et notamment de ceux qui n'ont pas la chance de bénéficier d'un environnement familial et scolaire approprié à la pression qui entoure le bac d'aujourd'hui.

M. Lionnel Luca. Exactement ! Ceux qui disent le contraire sont des démagos !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quant aux prétendus risques de disparités entre les établissements, ils peuvent être aisément relativisés puisque le bac resterait national, anonyme dans le cadre de plusieurs épreuves terminales, et que seul figure le label de l'académie et jamais celui de l'établissement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ajoute que c'est se faire une idée peu flatteuse des enseignants que de croire qu'ils ne sont pas en mesurer de juger avec intégrité leurs élèves dans le cadre d'un contrôle continu ou de partiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Yves Bur. Quelle défiance !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bref, ma conviction est faite. La réflexion sur le bac se poursuivra sous d'autres formes, mais j'ai dit et promis aux lycéens que nous n'agirions pas dans leur dos. C'est pourquoi le Gouvernement retirera de son texte les dispositions qui s'attachent à l'adaptation de cet examen.

M. Patrick Roy. Retirez tout le texte !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames et messieurs les députés, il n'est pas de meilleur lieu que votre assemblée pour dissiper les craintes et les rumeurs, pour éclairer nos concitoyens sur nos intentions, pour vérifier la nature des contre-propositions, pour jeter, enfin, les bases d'un nouveau pacte entre l'école et la nation.

Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'histoire de ce grand service public qu'est l'éducation nationale. Il reprend certains objectifs de la loi d'orientation de 1989...

M. Yves Durand. Les objectifs seulement !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il reprend, disais-je, certains objectifs de la loi d'orientation de 1989 - cette loi elle-même poursuivant l'esprit de la réforme Haby de 1975 - et en conserve d'importants éléments.

La volonté de conduire 80 % d'une génération au niveau du baccalauréat est ainsi confirmée. Parce que notre pays a besoin d'hommes et de femmes mieux formés, il ne peut plus accepter de laisser chaque année 150 000 jeunes sortir du système scolaire sans aucun bagage ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pourquoi 100 % des jeunes Français devront avoir un diplôme ou une qualification reconnue.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La France aura également besoin, pour s'affirmer dans la compétition internationale, d'un plus grand nombre d'ingénieurs, de chercheurs, de cadres supérieurs publics et privés. C'est pourquoi la loi fixe un nouvel horizon : celui d'atteindre 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur. Plus que jamais, mesdames et messieurs les députés, nous cherchons donc à élever le niveau de formation de notre nation.

Cette continuité, que je revendique, exige cependant de faire prendre un tournant à notre école. En effet, en dépit de ses succès, malgré le dévouement des enseignants, derrière la façade égalitaire, les faits sont là : depuis dix ans, nos résultats stagnent et les discriminations sociales persistent.

Pourquoi cet état de fait, alors même que notre budget consacré à l'éducation est l'un des plus élevés d'Europe, alors même que le nombre d'élèves a diminué de 500 000 et que le taux d'encadrement n'a cessé d'augmenter ? Parce que nous n'avons pas redéfini les priorités de l'école, ses buts, son organisation, ses pratiques ! Aujourd'hui, je vous propose de nous atteler à cette redéfinition.

Le projet de loi fait de la transmission des connaissances et des compétences fondamentales la mission centrale de l'école. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la définition d'un ensemble de connaissances et de compétences indispensables qui doivent être acquises à la fin de la scolarité obligatoire, et qui sera couronné par le brevet, qui sera désormais un examen national obligatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est une anomalie sur laquelle j'attire votre attention, qui n'est pas étrangère à l'essoufflement de notre système éducatif : tandis que les fondateurs de l'école républicaine cherchaient à circonscrire une culture commune pour tous les élèves - et cela alors même que le système éducatif n'était pas totalement démocratisé -, nous avons renoncé à cet exercice au moment même ou l'éducation se massifiait.

Cette « massification » s'est accompagnée d'une dispersion des savoirs, alors qu'en toute logique elle aurait dû conduire à une affirmation des priorités éducatives et culturelles. C'est cet éparpillement qui est à la source d'une discrimination devant la réussite de tous.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, la notion de « socle », qui reprend l'une des propositions phares du rapport de la commission Thélot, ne doit pas donner lieu à malentendu.

M. Jean-Paul Anciaux. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit non pas, comme d'aucuns le prétendent, de l'instauration d'un minimum éducatif,...

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.... mais de la volonté d'assurer à tous les élèves les conditions de l'accès à une citoyenneté réfléchie et de donner à chacun les moyens d'ouvrir les portes de la culture. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. C'est le bon sens !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ceux qui qualifient improprement le socle de « SMIC culturel »...

M. Patrick Roy. On peut même parler de RMI !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...ne sont pas allés à la rencontre des 150 000 jeunes dont je parlais à l'instant. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils semblent oublier ces 80 000 jeunes qui savent si peu lire, écrire et compter à leur entrée en sixième. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mesdames, messieurs les députés, une éducation sans priorités claires, c'est une éducation dont l'essentiel échappe aux enfants qui n'ont pas la chance d'être nés là où il faut. Pour tout dire, c'est une éducation qui, derrière sa vitrine uniforme et idéalisée, est élitiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce socle est un tremplin pour tous les élèves, le tremplin aujourd'hui manquant dans notre système éducatif, pour leur permettre de poursuivre plus loin, de façon plus assurée, leur scolarité. J'affirme qu'il est l'instrument de la qualité des savoirs transmis à tous, et qu'il est celui de la justice devant les savoirs réellement acquis par tous !

Face aux habitudes et aux traditionnelles querelles disciplinaires, ce socle est un choix politique ! Bien sûr, nous aurions pu aisément faire croire que l'école peut continuer à prodiguer tous ses enseignements, sans aucune distinction entre les objectifs affichés. Bien sûr, nous pourrions élargir à l'infini ce socle afin de ne froisser personne. Ce serait commode, mais ce serait lâche.

J'assume ce choix politique (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car il est au cœur de la relance de notre système éducatif. Si, depuis une dizaine d'années, nous plafonnons autour des 60 % de bacheliers, c'est parce qu'entre l'entrée en sixième et la sortie vers le bac, il manque au milieu de ce parcours une étape solide.

Les connaissances retenues dans le socle nous sont apparues être les compétences indispensables à la vie dans la société d'aujourd'hui et à l'accès à la culture universelle. D'abord, la langue française, puis les mathématiques, les éléments d'une culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté, une langue vivante étrangère et, conséquence nécessaire de la grande mutation technologique de la seconde moitié du XXe siècle, la maîtrise des technologies de l'information et de la communication.

À travers ces connaissances indispensables, l'école n'abandonne rien, ne rejette rien, mais se recentre sur les savoirs fondamentaux. Si le socle n'a pas vocation à se substituer aux programmes, il est souhaitable que la priorité donnée à ce nouvel ensemble de connaissances dans le cadre de la scolarité obligatoire conduise en retour à des changements dans les programmes en vigueur ou les méthodes habituellement mises en œuvre.

Ce socle des indispensables, ce socle maîtrisé par tous crée une obligation : celle de tout entreprendre pour atteindre ce résultat.

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour ce faire, il suppose d'être accompagné d'un nouvelle stratégie pour épauler les élèves qui éprouvent des difficultés pour l'acquérir.

M. Guy Geoffroy. Il était temps !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est l'objectif des contrats individuels de réussite éducative. Ces contrats, qui visent à mettre en place, à tous moments de la scolarité obligatoire, des parcours personnalisés, ont une double fonction : empêcher que des obstacles sérieux n'aboutissent à un échec rendant inévitable le redoublement, ou, lorsque le redoublement s'avère nécessaire, faire en sorte qu'il ne se limite pas à une simple répétition, en général inutile pour l'élève.

Pour ces contrats individuels de réussite éducative, trois heures de soutien hebdomadaire par semaine en petits groupes devront pouvoir être proposées aux élèves qui en auront besoin.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur la base de groupes de huit pour 15 % des élèves, le besoin est d'environ 10 000 enseignants, soit un peu plus de 320 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Blazy. On verra !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais la finalité de la scolarité obligatoire ne se limite pas à l'acquisition du socle des indispensables. A côté de ce socle, toutes les disciplines apportent leur contribution essentielle à la formation de l'élève, à la constitution de sa personnalité, que le projet de loi définit en ces termes en son article 4 : « La formation scolaire doit, sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, permettre à chaque élève de réaliser le travail nécessaire tant à la mise en valeur de ses qualités personnelles et de ses aptitudes qu'à l'acquisition des connaissances et de la culture générale et technique qui seront utiles à la construction de sa personnalité, à sa vie de citoyen et à la préparation de son parcours professionnel. »

Au-delà de la scolarité obligatoire, l'objectif général que le projet de loi assigne au lycée est de conduire, au travers de ses trois voies, un plus grand nombre de jeunes au niveau du baccalauréat. Le baccalauréat professionnel pourra être préparé en trois ou en quatre ans.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les lycées généraux et technologiques proposeront, après une seconde générale, des séries recentrées sur un certain nombre de dominantes disciplinaires. Dans les séries générales et technologiques, il faudra que les élèves puissent acquérir des connaissances approfondies et maîtriser des méthodes complexes dans les principaux champs disciplinaires afin de favoriser la poursuite d'études à l'université. Là encore, l'ambition de faire accéder le plus grand nombre d'élèves à la haute culture scientifique, économique et sociale, ainsi que littéraire, doit s'imposer.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez entre vos mains le premier projet de loi sur l'éducation qui affirme aussi clairement l'ambition européenne de la France et de son système éducatif.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au sein de l'Europe du XXIe siècle, je ne puis situer la France qu'au premier rang. Or, toutes les comparaisons internationales montrent que notre pays obtient des résultats médiocres, en particulier dans le domaine de la maîtrise des langues vivantes. Cette situation n'est plus acceptable ! Elle est préjudiciable à la capacité de notre pays d'occuper pleinement sa place dans le monde. Elle limite les possibilités pour chaque Français de participer au développement des échanges internationaux dans les domaines culturels, scientifiques et économiques.

C'est pourquoi le rapport annexé propose un plan déterminé en faveur de l'enseignement des langues. Je vous en rappelle les mesures essentielles.

Le concours de professeur des écoles comportera désormais une épreuve obligatoire de langue vivante. L'enseignement des langues sera recentré sur la compréhension et l'expression orales. Il commencera à l'école primaire en CE1.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au collège, la continuité sera assurée avec la langue apprise à l'école, et une seconde langue sera proposée dès la classe de cinquième. (« Enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au collège et au lycée, l'enseignement des langues sera dispensé en groupes réduits, organisés non plus par classe, mais par niveau de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Encore faut-il avoir les moyens !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les baccalauréats binationaux, de même que les sections européennes et internationales, seront développés.

Financièrement, le dédoublement des groupes de langues est la mesure la plus lourde, et aussi l'une des plus importantes, avec l'apprentissage de la seconde langue vivante dès la cinquième, au lieu de la quatrième. Pour assumer, en termes d'encadrement, notre ambition, 10 000 équivalents temps plein sur cinq ans devront être prévus. Sur cette question des langues, une amélioration décisive de notre système éducatif va s'enclencher.

Mesdames, messieurs les députés, derrière les termes « éducation nationale » résonnent en écho deux principes : non seulement instruire, mais aussi rassembler la nation. Amour de la France, citoyenneté, mérite, autorité, laïcité, égalité et fraternité : ces mots, ces usages, il est du devoir de l'école de les faire partager et de les faire respecter.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Contrairement à certains, je ne crois pas que ces valeurs soient surannées. Bien au contraire ! Dans ce monde désordonné, individualiste, où s'insinuent la violence, les communautarismes, les haines racistes ou antisémites, le projet républicain est plus que jamais contemporain. Entre l'école et la République, il existe un pacte indissociable, que j'entends renforcer.

Ainsi que l'affirme le deuxième article du projet de loi que j'ai voulu : « La Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Cette mission est confiée à tous les membres de la communauté éducative, et elle doit être vécue par tous les élèves dans l'exercice même de leur scolarité comme un apprentissage de la citoyenneté.

La citoyenneté, cela commence, chez l'élève comme chez l'adulte, par l'adoption d'un ensemble de comportements responsables, respectueux de soi, d'autrui et des règles de la vie commune, et cela aboutit à la recherche de l'intérêt général et au souci du bien commun.

La citoyenneté, cela commence par la compréhension que les droits entraînent des devoirs. Ceux qui ont construit l'école de la République, et qui se situaient dans le prolongement de tous les efforts éducatifs antérieurs, le savaient bien : l'école a une fonction éducative, c'est-à-dire que l'éducation a une fonction morale.

Conduire les jeunes à la liberté et à la responsabilité, tel est l'enjeu fondamental de l'éducation scolaire. Mais, comme le faisait justement remarquer Emmanuel Kant, le paradoxe de toute éducation à la liberté est qu'elle suppose nécessairement un certain usage de la contrainte, c'est-à-dire un rapport à la loi.

Concrètement, les enseignements, comme les règles à respecter dans tous les établissements, seront l'occasion de mettre en oeuvre les valeurs de tolérance et de respect des autres, l'égalité des femmes et des hommes, la civilité dans les comportements. C'est ce que je veux promouvoir en intégrant une note de vie scolaire dans le brevet rénové des collèges. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La violence et la délinquance n'ont rien à faire à l'école. Elles s'attaquent prioritairement aux plus faibles et aux plus démunis sur le plan social. Nous les combattrons sans aucun état d'âme, et c'est notamment pourquoi j'ai décidé avec les ministres de l'intérieur et de la justice de multiplier les relations de travail entre les établissements scolaires et les forces de police, de gendarmerie, la justice et les associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Excellent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les élèves qui perturbent gravement le déroulement des classes seront pris en charge et encadrés par des dispositifs relais dont le nombre sera accru ; 200 classes relais de plus chaque année pendant cinq ans sont prévues, ce qui représente 13 millions d'euros supplémentaires par an.

Parmi les valeurs de la République, l'une d'entre elles est vitale : c'est l'égalité des chances. Pour moi, l'école est là pour briser et transcender les barrières sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Anciaux. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous nous en donnons les moyens.

Accordées sur critères sociaux, ce projet de loi prévoit de tripler les bourses au mérite attribuées aux élèves qui obtiendront de bons résultats au brevet national ou au baccalauréat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Excellent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le nombre des bénéficiaires devrait augmenter de 50 000 en trois ans, ce qui représente un effort supplémentaire de 17 millions d'euros par an.

L'égalité des chances, c'est aussi d'offrir aux élèves en situation de handicap une scolarisation en priorité dans l'établissement scolaire le plus proche de leur domicile. C'est pourquoi le nombre des unités pédagogiques d'intégration pour les handicapés devrait être augmenté de 200 par an pendant cinq ans...

Mme Martine David. Oui, il « devrait » être augmenté. Mais quelles inscriptions budgétaires prévoyez-vous ?

M. Lionnel Luca. La gauche, elle, ne l'a jamais fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...de manière à atteindre l'objectif de 1 000 affiché dans le rapport, ce qui représente 16 millions d'euros supplémentaires par an.

L'égalité des chances, c'est encore pour l'école d'assurer sa mission de prévention et de surveillance sanitaire, ainsi que l'éducation à la santé. Pour cela, le projet de loi prévoit la présence d'une infirmière ou d'un infirmier dans chaque établissement du second degré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. C'est une supercherie !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est clair que, si nous nous fixons cet objectif, c'est qu'il n'a jamais été atteint ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La gauche ne l'a jamais fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour atteindre cet objectif, il faut prévoir le recrutement de 1 520 personnels nouveaux, ce qui correspond à 304 de plus par an pendant cinq ans, soit un effort annuel supplémentaire de 10 millions d'euros.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames et messieurs les députés, notre école est actuellement engagée dans un combat difficile...

Mme Martine David. Surtout avec vous !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...contre les forces de la désagrégation sociale et des communautarismes, les effets délétères de l'exclusion et les difficultés d'intégration de certaines populations immigrées.

M. Patrick Roy. Donnez des moyens aux élèves !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce combat, il faut que nous le gagnions. Il suppose, non pas un retour à un autoritarisme dépassé ou la nostalgie d'un âge d'or révolu, mais la volonté renouvelée de ne pas lâcher prise. La volonté de faire partager à des jeunes en désarroi le goût de l'effort, la connaissance d'une culture commune et la confiance en un avenir qu'ils pourront maîtriser : voilà le chemin qu'il faut emprunter. C'est en redressant nos principes moraux et c'est en y mettant les moyens intellectuels et financiers nécessaires que les territoires perdus de la République pourront être définitivement repris ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Oh ! la la !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certains, mesdames et messieurs les députés, ont cru pouvoir affirmer que ce projet de loi restait trop silencieux sur les questions pédagogiques.

M. Patrick Roy. Il n'en dit rien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est inexact. Le projet de loi veut, au contraire, donner à la pédagogie toute sa place, mais rien que sa place.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit de dépasser l'opposition stérile des savoirs et de la pédagogie. Il s'agit de mettre les connaissances à la première place, de se centrer sur les savoirs et les savoir-faire les plus importants. Il s'agit ensuite de mettre clairement la pédagogie au service de l'acquisition des savoirs par les élèves et de la transmission des connaissances et des compétences par les enseignants.

M. Guy Geoffroy. Évidemment !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. À travers les contrats individuels de réussite éducative, les groupes de compétences en langues, la création des conseils pédagogiques, la présence dans le cahier des charges national de la formation des maîtres d'un volet consacré à l'adaptation à des publics hétérogènes, l'inscription dans la loi du principe de la liberté pédagogique qui n'y figurait pas jusqu'à présent,...

M. Patrick Roy. Et rien pour les élèves ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...cette loi est une grande loi pédagogique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans ce domaine, notre projet affirme plusieurs principes.

Tout d'abord, la pédagogie vise en priorité à soutenir les élèves en difficulté, à individualiser les modalités de l'enseignement et à rechercher les moyens de l'adapter à la diversité des classes.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En second lieu, le choix des méthodes pédagogiques relève de la responsabilité de chaque enseignant. Conformément à la tradition scolaire française, réaffirmée avec solennité à travers l'inscription dans la loi du principe de la liberté pédagogique, l'enseignant est considéré comme un « maître », dont la compétence fondée sur la maîtrise des savoirs à enseigner s'étend naturellement à la manière de les enseigner.

Mais l'autorité pédagogique de l'enseignant doit évidemment s'exercer dans le cadre des programmes...

M. André Schneider. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et doit s'enrichir de la concertation et du travail en équipe que la création du conseil pédagogique dans les EPLE a pour fin d'organiser et de promouvoir. Elle doit bénéficier des conseils et du suivi des corps d'inspection. Grâce au projet de loi, la place de la pédagogie à l'école et dans l'établissement scolaire du second degré se trouve donc reconnue et pleinement mise en valeur.

Enfin, dans la formation des maîtres, il s'agit également de redéfinir les liens entre la pédagogie et le savoir. C'est pourquoi j'ai proposé que la formation initiale des enseignants soit confiée désormais à l'Université. Aujourd'hui autonomes et souvent livrés à leur propre logique, les IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, prendront le statut d'école intégrée aux universités, comme c'est le cas dans la quasi-totalité des pays développés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'État fixera dans un cahier des charges national le contenu de la formation initiale des enseignants, qui sera réorientée sur deux ans autour de trois volets : la formation disciplinaire, la formation pédagogique et la formation du fonctionnaire du service public de l'éducation nationale, que l'on ne saurait oublier.

M. André Schneider. Excellent rappel !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. À l'issue de leur deuxième année d'IUFM, les enseignants débutants ne quitteront pas leur académie de formation pour leur première année d'exercice et l'affectation des nouveaux professeurs dans les zones difficiles sera évitée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Schneider. Enfin !

M. Patrick Roy. Vous en prenez l'engagement, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La formation continue des enseignants sera, elle aussi, recentrée sur l'échange de pratiques pédagogiques performantes et sur l'approfondissement disciplinaire. En plus des dispositifs déjà existants, tout enseignant pourra bénéficier, sur présentation d'un projet personnel de formation, d'un crédit d'heures de l'ordre de vingt heures par an. Cette formation s'accomplira prioritairement en dehors des obligations de service d'enseignement et donnera lieu dans ce cas à une indemnisation spécifique.

On le voit, le projet de loi affirme l'importance de la pédagogie. Il en précise la portée dans les classes, dans les établissements scolaires et dans les instituts universitaires de formation des maîtres. La pédagogie est un moyen au service de l'enseignement à tous les niveaux, mais elle ne doit pas devenir une fin en soi.

Il ne faut pas laisser la pédagogie se transformer en dogme. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle doit toujours être évaluée en fonction de ses résultats, c'est-à-dire de la réussite des élèves dans l'acquisition des connaissances et des compétences telles qu'elles sont définies dans les programmes scolaires. L'innovation pédagogique est une bonne chose. Elle sera encouragée, mais à condition de reconnaître que les élèves ne peuvent pas être traités comme des objets d'expérimentation,...

M. Richard Cazenave. Il est dramatique d'avoir à le rappeler !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...que le facteur humain se prête mal à des généralisations hâtives, et que les intentions les plus généreuses - on l'a vu par le passé - peuvent conduire à des résultats désastreux.

M. Richard Cazenave. Pas toujours généreuses ! Elles peuvent être insidieuses.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi mise sur la force et la capacité du service public de l'éducation à assumer ces nouvelles orientations.

Sur le terrain, j'ai croisé tant de professeurs et de chefs d'établissement...

Mme Martine David. Nous aussi ! Ils n'étaient pas très contents de vous !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...motivés, passionnants, passionnés, ajustant leurs méthodes, inventant et construisant l'école de demain.

M. Patrick Roy. Aujourd'hui, ils sont découragés.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai confiance dans l'école de la République, j'ai confiance dans son aptitude à aller à la rencontre des défis de son temps.

Si l'éducation nationale ne continue pas à s'adapter, si elle ne répond pas aux aspirations des Français et si elle n'obtient pas les résultats qu'on en est en droit de lui demander, alors elle est en péril.

C'est la raison pour laquelle il n'est pas acceptable d'opposer la logique du service public à la poursuite de la qualité !

Il n'est pas acceptable de prétendre qu'avoir des objectifs, développer une stratégie et évaluer des résultats serait incompatible avec la culture du service public !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La modernisation du service public passera par des contrats d'objectifs plus clairs entre l'établissement scolaire et l'académie.

Elle passera par un ciblage des moyens là ou l'échec scolaire est le plus flagrant. Ce sera notamment le cas pour les CIRE, les contrats individuels de réussite éducative.

Elle passera aussi par une meilleure utilisation des ressources humaines en matière d'aide et de remplacement des professeurs absents. Cette question des remplacements de courte durée est devenue, pour les élèves et leurs parents, le symbole d'un blocage peu admissible de l'institution scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Recrutez des professeurs !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Personne n'a jamais osé aborder ce sujet quasi tabou. Nous vous proposons de nous y attaquer.

M. Patrick Roy. En recrutant ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Tout professeur absent pourra être remplacé par un de ses collègues de l'établissement exerçant dans sa discipline ou dans une autre discipline si aucune autre solution n'est possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Richard Cazenave. Bien sûr ! Comment font-ils en Allemagne ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'intervention des enseignants dans ce cadre donnera naturellement lieu au paiement d'heures supplémentaires.

M. Patrick Roy. Recrutez !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certains m'accusent de vouloir « réquisitionner » les enseignants.

Mme Martine David. Peut-on appeler cela autrement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En réalité, cette stigmatisation blessante n'a d'autre but que de flatter le statu quo. Dans le service public de l'éducation, j'estime normal que nos enfants soient toujours en présence d'un professeur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il ne s'agit nullement de « réquisition », mais d'un engagement professionnel partagé qui s'inscrira dans la politique pédagogique de l'établissement.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Yves Durand. Ben voyons !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La modernisation du service public passera aussi par la simplification des niveaux de décision entre les rectorats, par les inspections académiques et les services centraux, et par la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

Un Haut conseil de l'éducation sera créé, qui donnera au Gouvernement des avis sur les questions relatives à la pédagogie, aux programmes, à l'organisation et aux résultats du système éducatif, ainsi qu'à la formation des enseignants.

Partout, il s'agit de passer progressivement d'une logique quantitative à une logique plus réactive, plus qualitative. Il faut désormais imprimer une meilleure répartition des moyens et une meilleure gestion des ressources humaines en fonction d'objectifs lisibles et régulièrement évalués. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mesdames et messieurs les députés, la rénovation du service public de l'éducation et l'objectif ambitieux qu'est la réussite de tous les élèves ne se décrètent pas.

Chacun a son rôle à jouer.

Il appartient au Gouvernement d'évaluer la situation et de tracer les grands axes de progression.

M. Jean-Pierre Blazy. De régression !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est ce que nous faisons ici en prévoyant 2 milliards d'euros et le recrutement de 150 000 enseignants d'ici à cinq ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Pour l'instant, vous en supprimez !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il revient ensuite à tous les acteurs de ce grand service public auquel notre pays confie ce qu'il a de plus précieux, l'avenir de ses enfants, de se mobiliser autour d'objectifs partagés.

C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est construit autour d'un principe : celui de la responsabilité.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Responsabilité des élèves, dont l'envie d'apprendre, le sens de l'effort et le respect des règles de la vie en commun doivent être soutenus, reconnus et encouragés.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est le sens de la création des contrats individuels de réussite éducative, de la note de vie scolaire et de l'attribution des bourses au mérite.

Responsabilité si importante des parents, dont l'implication dans le suivi de la scolarité de leurs enfants pourra s'organiser, en cas de difficulté scolaire, à travers des contrats individuels de réussite éducative, dont le rôle dans l'élaboration du projet d'orientation de leurs enfants sera mieux reconnu au collège avec l'aide du professeur principal et des conseillers d'orientation, dont la participation à la réflexion sur les projets d'école et d'établissement sera développée.

Responsabilité des enseignants, dont la liberté pédagogique est inscrite dans la loi, dont le travail en équipe sera organisé par la création originale des conseils pédagogiques, dont le poids dans la délicate décision du redoublement sera effectif, dont le rôle pour contribuer à assurer la continuité des enseignements auxquels les élèves ont droit sera défini et encouragé, et dont l'autorité sera soutenue dans chaque établissement et à tous les niveaux du système éducatif.

Responsabilité des directeurs d'école, dont la charge dans la gestion administrative des écoles, les contacts avec les parents et l'animation des équipes pédagogiques fera l'objet d'une reconnaissance particulière.

M. Guy Geoffroy. Excellent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Responsabilité des chefs d'établissement du second degré, dont la fonction de direction et d'animation pédagogiques sera reconnue à travers la présidence du conseil pédagogique, dont le rôle central dans l'élaboration d'un projet d'établissement doté d'un caractère contractuel sera affirmé et dont l'autorité pour garantir la discipline et la sécurité dans leurs établissements sera accompagnée.

Responsabilité de tous les membres de la communauté éducative, qui sont appelés à participer à la mission de l'école en faisant respecter et en pratiquant les règles de la vie en commun et en apportant, par leur présence, une écoute et éventuellement un soutien aux élèves en difficulté.

Responsabilité des corps d'inspection, dont le rôle de conseil pédagogique aux enseignants et aux équipes éducatives sera confirmé et dont la fonction dans le soutien et l'évaluation de la partie pédagogique des projets d'établissement sera redéfinie et étendue.

Responsabilité, enfin, des services déconcentrés et de toute l'administration centrale du ministère, dont la mission de définition des priorités et des objectifs académiques et nationaux sera établie et dont le rôle dans l'évaluation des résultats de notre système éducatif sera précisé.

La réussite de tous les élèves est un objectif ambitieux qui suppose des changements réels à tous les échelons de notre système éducatif. C'est ainsi que l'éducation nationale poursuivra sa marche en avant.

Telles sont les priorités de ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école et les grands principes qui ont présidé à son élaboration. Il contribuera à assurer à la France un avenir qui soit à la hauteur de ses ambitions.

Mesdames, messieurs les députés, vous savez que le président du Conseil constitutionnel a protesté contre les dérives dans l'élaboration de la loi et que le président de l'Assemblée nationale a tenu un discours de même nature. Je ne peux que leur donner raison sur le principe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), tout en soulignant qu'en matière d'éducation, le noyau dur législatif est par nature restreint. Or, je ne me résous pas à l'idée que le Parlement ne doive plus traiter du premier des services publics : l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Démago !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cependant, je me dois de tenir compte du contexte nouveau créé par les déclarations de ce début d'année. Tel est le sens des amendements que j'ai déposés au nom du Gouvernement et que nous aurons l'occasion d'examiner.

Mme Martine David. On ne les connaît toujours pas !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, contrairement à ce qui est parfois dit, il y a peu de réformes de l'éducation nationale. Ce n'est que tous les quinze ans environ que la nation, par l'intermédiaire de ses élus, a rendez-vous avec son école. Ce rendez-vous, nous y sommes. Ce qui sera dit et ce qui sera fait dans cet hémicycle engagera l'avenir.

Dans la longue histoire de l'école, j'ai l'honneur d'agir dans l'ombre de beaucoup de mes prédécesseurs, dont certains furent illustres. Ils ont voulu et ils ont fait l'école de la République. Avec ce texte, j'ai le sentiment ne pas être infidèle à l'esprit universel qui était le leur.

M. Guy Geoffroy. Au contraire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette école, nous avons le devoir de l'adapter aux exigences de notre temps. C'est notre ambition et c'est ma mission. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le ministre délégué à la recherche, mes chers collègues, plus la société devient hétérogène et complexe, plus elle a besoin de facteurs de cohésion et de lieux d'intégration. L'école est incontestablement le premier d'entre eux.

Reconnaître les différences et les inégalités de toutes natures entre les élèves, en tenir compte dans la transmission des savoirs et des compétences devrait éviter d'enfermer dans l'échec les plus lents, les moins concentrés et les plus éloignés de la culture scolaire. Reconnaître les différences, c'est aussi permettre à ceux qui en ont les capacités d'approfondir certaines matières ou de diversifier leurs connaissances. L'école doit trouver le bon équilibre entre instruire et éduquer, sachant que, dans le domaine des valeurs, du comportement social et des attitudes au travail, elle constitue un complément à l'éducation familiale. L'école doit favoriser le « vivre ensemble » dans un même lieu, dans le respect mutuel des uns et des autres, tout en développant la volonté d'apprendre et en stimulant la curiosité intellectuelle.

En préalable, je voudrais affirmer ici haut et fort que l'éducation physique et sportive est et continuera à être une discipline essentielle dans notre système éducatif.

M. Jean-Pierre Blazy. Elle est menacée !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Je suis d'ailleurs persuadé que nous serons unanimes sur ce point. Le projet de loi ne dévalorise pas le sport à l'école, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Après le grand débat qui a permis aux Français de s'exprimer sur l'école, la commission présidée par Claude Thélot a rendu public son rapport, dont le message principal est le suivant : que l'école fasse vraiment réussir tous les élèves. C'est d'ailleurs cet objectif que traduisent les chiffres de l'article 3, que le Gouvernement a sagement proposé d'intégrer au rapport annexé pour éviter l'écueil du Conseil constitutionnel. Cela n'enlève rien à leur force : l'objectif selon lequel 100 % des élèves doivent posséder un diplôme ou une qualification au terme de la scolarité obligatoire est un idéal vers lequel il faut tendre.

Le rapport au savoir et à l'information s'est profondément modifié avec l'irruption des nouvelles technologies de la communication dans un nombre croissant de foyers, avec l'omnipotence des médias audiovisuels et le puissant impact de l'image. Il en résulte probablement un recul de la place de l'école dans la construction des individus et une perte d'appétit pour le travail scolaire.

La compétition internationale, la mondialisation et la globalisation de tous les aspects de la vie économique obligent à penser l'école hors du strict cadre national, ne serait-ce que pour comparer ses pratiques et ses résultats à ceux des autres nations au regard des budgets qui lui sont consacrés.

M. Yves Bur. Très bien !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La mondialisation nous oblige également à développer l'apprentissage des langues vivantes, registre dans lequel la France joue en sourdine dans le concert européen.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La nécessaire adaptation de notre système éducatif aux bouleversements de la société et à la transformation du public scolaire ne fait de doute pour personne. Les écoliers d'aujourd'hui ne sont plus ceux du siècle dernier, ce qui ne signifie pas qu'il faille condamner des méthodes qui ont fait leurs preuves. Je pense évidemment aux méthodes alphabétiques pour l'apprentissage de la lecture.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Actuellement, 15 % des élèves sont en grande difficulté à l'entrée en sixième, 10 % des jeunes « éprouvent des difficultés graves en lecture », 5 % des difficultés « très graves » et 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. Ces chiffres sont connus et inacceptables. L'échec scolaire n'est pas une fatalité !

Au terme d'une longue et patiente élaboration, un nouveau projet éducatif a été conçu. Il est temps de traduire en termes législatifs cet immense besoin de réforme. Au Parlement de faire les choix qui répondront le mieux aux attentes du pays et à la nécessité de rendre l'école plus juste et plus efficace.

Après avoir auditionné quatre-vingts personnes représentant les acteurs du monde éducatif, j'ai eu le sentiment qu'une réforme de l'éducation nationale relevait de la quadrature du cercle. En effet, parmi mes interlocuteurs, il y avait ceux qui auraient souhaité aller beaucoup plus loin en revoyant les méthodes de travail et en augmentant le service de présence des enseignants et ceux qui ne voulaient surtout pas qu'on y touche ; ceux qui estimaient que les trois heures de découverte des métiers sont une orientation précoce et ceux qui souhaitaient des formations professionnelles dès quatorze ans ; ceux qui voulaient réformer le bac et les examens et les partisans du statu quo, synonyme pour eux d'égalité des chances ; ceux qui se réjouissaient de l'intégration des IUFM à l'université et ceux qui craignaient leur disparition ; ceux qui applaudissaient à la création d'un conseil pédagogique et ceux qui ne voulaient pas en entendre parler ; ceux qui voyaient le redoublement comme une réelle deuxième chance et ceux qui y étaient farouchement opposés ; ceux qui voulaient mettre fin au collège unique et ceux qui y étaient viscéralement attachés.

M. Yves Durand. Il y a ceux qui croient et ceux qui ne croient pas !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Proposer une loi dans ces conditions, c'est un défi que le ministre de l'éducation a relevé avec courage, pragmatisme et ténacité.

M. Guy Geoffroy. Et brio !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. En effet, si une chose était attendue après le grand débat, et par une très large majorité, c'est bel et bien une réforme qui permette à tous les jeunes de mieux s'intégrer dans la vie professionnelle après la scolarité. Pour progresser dans cette direction, le socle de connaissances et de compétences fondamentales est une excellente idée - j'y reviendrai.

Le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école fixe les objectifs et le cap à suivre pour les années à venir. Outre les dispositions législatives qui vont entraîner des modifications importantes du code de l'éducation, il comporte des mesures, figurant dans le rapport annexé, qui devraient permettre d'améliorer les performances de notre système éducatif. Lors de son audition par la commission, j'ai interrogé le ministre sur le financement des mesures annoncées. Je suis heureux qu'il ait donné des chiffres, qu'il a confirmés tout à l'heure,...

M. Yves Durand et Mme Martine David. Où les a-t-il pris ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. ...et que j'ai proposé à la commission de faire adopter sous forme d'amendements au rapport annexé. Si nous adoptons ces amendements, cette loi d'orientation deviendra une véritable loi de programme.

M. Guy Geoffroy. La première !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. J'aborde maintenant les points les plus novateurs du projet de loi, destinés à redonner du sens à la mission de l'école autour de quelques idées forces : faire réussir tous les élèves, les préparer à l'emploi, restaurer l'autorité des enseignants, améliorer le fonctionnement des établissements et développer l'enseignement des langues.

La première est de faire réussir tous les élèves. Trop d'entre eux sont rapidement mis hors-jeu sans pouvoir tirer beaucoup de bénéfices d'une scolarité souvent désespérante pour leurs parents, pour leurs professeurs et pour eux-mêmes. L'une des grandes orientations du projet de loi vise donc à fournir à chaque élève les conditions de sa réussite personnelle et professionnelle.

La mesure essentielle pour réduire les inégalités consiste dans la définition d'un socle commun de connaissances et de compétences indispensables, que la nation s'engage à faire acquérir à tous les élèves à la fin de leur scolarité obligatoire.

L'idée d'un tel socle n'est pas nouvelle. De nombreux pays européens ont essayé de définir des compétences clés, nécessaires et profitables à l'individu et à la société dans son ensemble. L'exercice n'est pas simple, même si, depuis longtemps en Europe, l'idée selon laquelle la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul est une condition nécessaire mais non suffisante pour une vie d'adulte réussie, fait l'objet d'un consensus.

Le projet de loi ne vise pas à resserrer les exigences de l'école sur un bagage commun minimal, mais à instaurer une obligation de résultats qui bénéficie à tous et permette à chacun de développer ses talents. Le contenu de ce socle ne se substituera pas aux programmes de l'école et du collège, mais il en fondera les objectifs pour définir ce qu'aucun élève n'est censé ignorer à la fin de la scolarité obligatoire.

Imaginons ce socle comme un carré.

Le premier sommet, c'est la maîtrise de la langue française - savoir s'exprimer correctement, lire et écrire -, qui est la condition première pour bénéficier de l'instruction dispensée dans les différentes disciplines enseignées à l'école.

Le deuxième sommet, c'est la maîtrise des principaux éléments de mathématiques. Pour les plus jeunes, il s'agit de savoir compter et calculer, puis d'avoir des notions d'ordre de grandeur, de géométrie ou de proportionnalité - notre vieille règle de trois. La maîtrise des principaux éléments de mathématiques permettra de gérer un budget ou de construire sa maison.

Le troisième sommet, c'est la pratique d'au moins une langue vivante étrangère, afin de mieux communiquer en Europe, de pouvoir travailler ou vivre dans un autre pays.

Le quatrième sommet, c'est la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Il s'agit de permettre à l'école de jouer pleinement son rôle pour éviter la fracture numérique et les inégalités sociales. Lorsque je l'ai interrogé sur le sujet, Claude Thélot m'a confirmé que l'ordinateur est un instrument intéressant, même si l'école doit rester le royaume de l'écrit et non de l'écran.

Dans ce carré, inscrivons une culture humaniste et scientifique qui donne des repères dans l'espace et dans le temps et permette d'être un citoyen et de découvrir sa voie d'excellence pour une intégration professionnelle et sociale réussie.

M. Jean-Pierre Brard. Et où est le centre de gravité ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Il ne s'agit pas du tout d'une approche disciplinaire, mais bien d'un cadre permettant d'acquérir les connaissances et les compétences indispensables pour poursuivre des études avec profit. Ce socle n'est évidemment pas une fin en soi. Des approfondissements dans différentes disciplines, des exposés et autres travaux dirigés devront permettre à chaque jeune d'étancher sa soif de savoir.

M. Yves Durand. Et les TPE ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. S'agissant de la procédure d'élaboration du contenu du socle, les connaissances et les compétences qui le composeront seront précisées par décret après avis du Haut conseil de l'éducation créé par le projet de loi.

À ce sujet, je me permets de rappeler qu'une mission d'information parlementaire conduite par Pierre-André Périssol sur les savoirs enseignés à l'école, est en cours et devrait d'ici quelque temps rendre ses conclusions à la commission.

Il est à noter que le brevet rénové, national et obligatoire, avec, comme le propose un amendement, une note obligatoire de sport, viendra sanctionner l'acquisition de ce socle de connaissances.

Pour les élèves qui éprouvent des difficultés dans l'acquisition des connaissances indispensables, l'article 11 du projet de loi prévoit un contrat individuel de réussite éducative. Bien que l'idée du contrat soit séduisante, le projet de loi ne prévoit rien en cas de non-respect ou de rupture du contrat. De même, la réussite éducative, qui ne manquerait pas de responsabiliser la famille en cas d'échec, ne me paraît pas la meilleure solution. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement cosigné par Guy Geoffroy pour substituer au CIRE, contrat individuel de réussite éducative, un PPRS, programme personnalisé de réussite scolaire,...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça change tout !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. ...dont les modalités de mise en œuvre resteront identiques à celles prévues pour le CIRE dans le rapport annexé. Ce PPRS devra être proposé le plus tôt possible, dès l'apparition des premières difficultés et naturellement en cas de redoublement.

M. Jean-Pierre Brard. Il faudra nous expliquer pourquoi vous changez le nom du dispositif !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Pour terminer cette première partie consacrée à la réussite pour tous - nous sommes ici au cœur de la loi -, je voudrais signaler que la réduction des inégalités passe également par la scolarisation des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire ou encore en UPI, dont le nombre augmentera de 1 000 dans les cinq ans, ainsi que par la multiplication de dispositifs relais pour les élèves en rupture avec le système scolaire.

Le deuxième axe de ce projet de loi est de préparer les jeunes à l'emploi.

Dans un contexte de trop fort taux de chômage des jeunes, le système éducatif doit mieux prendre en considération le rôle fondamental que les entreprises jouent dans le développement économique et social du pays. Il doit favoriser le rapprochement de la culture et de l'économie.

Le développement de l'apprentissage, avec la volonté d'augmenter de 50 % le nombre d'apprentis dans les lycées, est un objectif majeur. La création en classe de troisième d'une option « découverte professionnelle » de trois heures hebdomadaires est confirmée.

M. Guy Geoffroy. Excellente chose !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Elle doit permettre aux élèves d'élaborer un projet personnel, avec, à la clef, le cas échéant, une orientation positive vers la voie professionnelle.

M. Yves Bur. Il faut l'imposer aussi aux enseignants !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. C'est pourquoi l'article 13 du projet de loi préconise de prendre en compte, au moment de l'orientation, les aptitudes et aspirations de chacun et d'apporter aux élèves les informations les plus complètes et les plus objectives sur la réalité des débouchés d'un secteur professionnel donné.

Le troisième axe du projet de loi est de restaurer l'autorité des enseignants.

M. Guy Geoffroy. Essentiel !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. L'objectif qui consiste à faire réussir tous les élèves ne peut être atteint que s'il est conduit sous l'autorité des enseignants avec l'appui des parents et si le goût de l'effort est réhabilité.

La qualité du dialogue entre la famille et l'école lors de la mise en œuvre d'un soutien personnalisé, par exemple, est primordiale pour établir des relations de confiance qui ne pourront être que bénéfiques à un élève en difficulté. Et lorsque se pose la difficile question du redoublement, la décision, bien préparée et bien expliquée, ne devra être prise que pour le bien de l'élève.

Malgré ses limites, le redoublement représente souvent un argument décisif pour remettre les élèves au travail et pour combler leurs lacunes. L'article 12 du projet de loi prévoit d'une part que le redoublement devra toujours être accompagné d'un dispositif de soutien, d'autre part qu'il pourra être prononcé au terme de chaque année scolaire et non plus de chaque cycle, par le conseil des maîtres dans le primaire ou le conseil de classe dans le secondaire.

L'enseignant est celui qui connaît le mieux ses élèves et peut le mieux tenir compte de leur diversité ; sa liberté pédagogique est affirmée par la loi. Cela signifie que chaque enseignant pourra adapter ses méthodes et sa démarche pédagogique à la classe et aux élèves. Il le fera évidemment dans le respect des programmes et sous le contrôle des corps d'inspection.

Le rapport annexé précise que le soutien personnalisé aux élèves en difficulté fait partie des missions des enseignants. Il prend sa pleine efficacité dans le travail en équipe et la concertation pédagogique coordonnée par le professeur principal.

L'un des enjeux majeurs pour notre pays est le recrutement et la formation initiale de 150 000 enseignants d'ici 2011. La formation des maîtres assurée par les IUFM fait alterner des périodes de formation théorique et des périodes de formation pratique.

Le point nouveau réside dans le rattachement des IUFM aux universités. Si l'ancrage mieux affirmé des IUFM au sein du système universitaire ne peut qu'être bien accueilli, en revanche la perte de la personnalité juridique des IUFM peut faire craindre une certaine dilution de leur activité et un manque de lisibilité de leurs moyens propres. Le Gouvernement doit apporter des garanties sur ce point.

Le quatrième axe du projet de loi consiste à améliorer le fonctionnement des établissements scolaires.

Le projet d'établissement des écoles, collèges et lycées, voit son rôle élargi et renforcé par le projet d'article 19. Le projet d'établissement devra préciser, outre les conditions dans lesquelles est assuré le respect des droits et des devoirs de chacun, les moyens mis en œuvre pour assurer la réussite de chaque élève et il devra également prévoir les modalités d'évaluation des résultats atteints.

Les projets d'établissement devront définir les modalités de l'accueil des parents et de l'information donnée sur la scolarité de leurs enfants.

En fonction d'objectifs pédagogiques clairement affichés dans le cadre d'un contrat entre un EPLE et l'académie, la LOLF prévoit de nouvelles marges de manœuvre dont devront se saisir les établissements pour une organisation plus efficace.

Par ailleurs, le problème du remplacement des enseignants absents pour de courtes durées devrait enfin être résolu. L'article 24 du projet de loi prévoit que les enseignants peuvent être appelés, pour assurer la continuité de l'enseignement, à effectuer des remplacements de collègues absents. Cette mesure de bon sens ne doit pas être mal comprise et ne doit pas générer d'abus ! Il n'est pas question de dérégler les emplois du temps, bien au contraire, et nul n'imposera à un professeur, sauf s'il est volontaire, d'enseigner dans une autre matière que la sienne.

Le cinquième axe du projet de loi consiste à développer l'enseignement des langues.

La France accuse un retard certain dans l'apprentissage des langues étrangères. Le rapport annexé annonce en conséquence différentes mesures pour améliorer la situation. Au cours de la scolarité obligatoire, chaque élève devra suivre un enseignement de deux langues vivantes autres que la langue nationale. On peut raisonnablement penser que l'anglais sera l'une des deux. L'enseignement des langues régionales devrait trouver sa place dans ce nouveau dispositif.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne s'agit pas de langues étrangères !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. L'enseignement des langues sera organisé afin de privilégier les compétences de compréhension et d'expression, principalement à l'oral. Les élèves seront regroupés par paliers de compétences conformément aux recommandations européennes, avec dédoublements lorsque les effectifs le justifient.

La France devrait ainsi rattraper son retard sur le plan de la communication internationale et permettre aux générations futures de trouver leur place dans l'Union européenne.

En conclusion, quand l'éducation d'un jeune est-elle réussie ? L'éducation est la somme des actions exercées par les générations adultes sur les jeunes pour leur faire acquérir l'ensemble des systèmes de valeurs afin d'assurer la pérennité de la société. Vaste programme ! Mais on peut aussi considérer l'éducation du point de vue de l'individu, c'est-à-dire du jeune qui la reçoit. Elle a alors pour objectif, selon la définition qu'en a donnée Kant, de « développer en l'homme toute la perfection dont il est susceptible ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Dans le langage actuel, on dira que l'éducation permet au jeune de s'épanouir, de s'exprimer, en un mot de se réaliser.

M. Jean-Pierre Brard. Je préfère Kant !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. On assiste à une pédagogie du pronom réfléchi, qui ne peut ignorer que la réalisation de soi n'est possible qu'avec l'aide d'autrui.

On ne peut oublier la dimension inévitablement sociale de l'éducation. Les bourses au mérite permettront à des élèves méritants et issus de milieux défavorisés (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

Un député du groupe socialiste. La Palice n'aurait pas mieux dit !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. ...de poursuivre leur scolarité dans de meilleures conditions.

Le premier devoir d'une démocratie en matière d'éducation est de s'occuper des enfants défavorisés. C'est aussi l'intérêt de la société, à la fois pour assurer sa survie mais aussi parce qu'elle ne trouve que des avantages à élever le niveau d'éducation du plus grand nombre possible. Telle est l'ambition de cette loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souhaiterions tous, j'en suis sûr, qu'un projet de loi pour l'orientation de l'avenir de l'école puisse un jour susciter une adhésion qui, au nom de l'intérêt général, transcenderait les clivages (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), quelque chose qui relève de cette unité que les parlementaires appelaient déjà de leurs vœux en 1791, à l'époque où Condorcet construisait son premier projet sur l'instruction publique.

M. Jean-Pierre Brard. N'est pas Condorcet qui veut !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Malheureusement, et c'est tout sauf une nouveauté, en France le débat sur l'école est toujours biaisé. Il débouche à chaque fois sur des affrontements où les points de vue, dans chaque camp, se déclinent en fonction de stratégies politiciennes. Tout est bon pourvu qu'on nuise à l'adversaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le terrain est propice à toutes les manipulations et l'impact émotionnel prévaut souvent sur le débat sensé. Indépendamment de son contenu ou de ses orientations, un projet de loi émeut toujours « l'opinion scolaire », ballottée entre la crise de l'école et celle du marché du travail. Les parents peuvent être de plus en plus inquiets, les professeurs désemparés, les élèves à la dérive, le système de plus en plus injuste... Rien n'y fait !

Pour un ministre de l'éducation nationale, présenter un texte sur l'école est devenu une gageure. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il lui faut d'abord accepter d'être décrié pour espérer récolter un jour les fruits de sa détermination. Il lui faut ensuite entendre l'éternelle litanie, de grèves en manifestations. La seule alternative serait, bien sûr, de retirer sa réforme ou de la maintenir au risque du blocage. Allez vous étonner que, par le passé, nombre de locataires de la Rue de Grenelle aient sagement choisi de ne rien faire...

M. Yves Durand. Qui ? Des noms !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Si la situation de nos ministres de l'éducation n'est pas facile, celle de nombreux élèves devient dramatique : en 2005, quand on a entre six et seize ans - l'âge de la scolarité obligatoire - on a devant soi en moyenne soixante à soixante-dix années d'espérance de vie. C'est dire l'importance de ce tremplin que doit être l'école pour réussir un parcours personnel et professionnel sur une telle durée. Un parcours, qui plus est, dans une société de plus en plus complexe, mondialisée, en temps réel, une société de plus en plus incertaine, pour ne pas dire anxiogène.

J'ai entendu certains affirmer sur les ondes que le Gouvernement avait du « mépris pour les élèves et le corps enseignant » ! (Exclamations sur divers bancs.) J'ai entendu dire que ce projet de loi allait servir à « maquiller la volonté du Gouvernement d'appauvrissement matériel et intellectuel de l'école ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ai entendu certains s'émouvoir d'un texte prétendument dévastateur, au moment même où leurs propres amis estimaient qu'il était vide ! De qui se moquent-ils ?

M. Yves Bur. D'eux-mêmes !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mes chers collègues, depuis des années, des centaines de milliers d'élèves ne maîtrisent même plus leur langue maternelle. Chaque année, 80 000 d'entre eux entrent en sixième sans savoir réellement lire, écrire, compter.

M. Guy Geoffroy. C'est un drame ! Une catastrophe !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Chaque année, 150 000 élèves sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification reconnue.

M. Guy Geoffroy. C'est une honte !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ils ne sont pas plus bêtes que les autres. La plupart sont incollables sur les programmes télé les plus indigents, comme Jackass sur MTV ; ils connaissent tout de la dernière version de jeux vidéo comme Mario Kart Double Dash sur Game Cube 2 ou GTA San Andreas sur PlayStation (Rires et exclamations sur tous les bancs)...

M. Yves Bur. Quelle connaissance, monsieur le président !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...mais ils sont incapables de faire une règle de trois ou de rédiger une carte postale.

Sur une décennie, cela fait des cohortes considérables d'enfants. Que vont-ils devenir ?

Un député du groupe socialiste. Ils seront chirurgiens !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quelle que soit la profession à laquelle on se destine - ou à laquelle on se résigne -, boulanger, professeur, agriculteur, mécanicien, ingénieur en informatique, banquier ou pompier, ne nous voilons pas la face : on doit toujours être au moins capable de lire, d'écrire et de compter. Sinon, on reste sur le carreau !

Fait moins connu, nos plus grands gériatres sont en passe de prouver que le niveau d'études, et, en particulier, le niveau de performances atteint vers dix ou douze ans, serait un facteur déterminant de la fréquence d'apparition de certaines maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer. Ce point est à vérifier et à garder en mémoire.

M. Jean-Pierre Brard. Pour ceux qui en sont atteints, ça ne va pas être facile ! (Rires.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En dépit des réussites incontestables de notre système éducatif, la sélection scolaire et la sélection sociale tendent à faire de nouveau cause commune. Si les familles aisées parviennent à utiliser l'école à leur profit, en aidant leurs enfants à accéder aux meilleures filières, beaucoup d'enfants du peuple semblent désormais promis à un nivellement sans appel.

Certains dénoncent le prétendu manque de moyens, alors que les sommes consacrées à l'école ont doublé en vingt-cinq ans, cependant que le nombre d'élèves diminuait. D'autres s'en prennent à l' « impuissance gestionnaire ».

M. Patrick Roy. Vous supprimez des postes !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nombreux sont ceux qui pensent que la sensibilité individualiste et anti-autoritaire qui prévaut depuis mai 1968 explique en grande partie les difficultés rencontrées par l'école. Ce n'est pas la nostalgie qui m'inspire ces propos, mais un fait : l'école d'antan avait su relever le défi historique d'ouvrir la voie des études à ceux qui n'étaient pas des « héritiers » et qui, jusque-là, n'y avaient pas accès.

À en croire Hervé Hamon, cette école à l'ancienne aurait été « brutale, bricolée, peu performante ; son niveau était faible, le recrutement des enseignants improvisé, les méthodes d'enseignement abrutissantes ». Est-ce si sûr ? En tout cas, tout le monde s'accordait sur deux idées simples qui facilitaient bien les choses.

D'une part, l'école instruit, les familles éduquent. À chacun sa tâche et, dans les deux cas, sous le signe de l'autorité. Le seul renoncement des parents à leur autorité, la seule « apostasie familiale », reposait en effet sur l'immense confiance faite à l'école de la République : l'instituteur gouvernait sa classe comme un père de famille.

D'autre part, il fallait polir les mœurs de l'enfant, former son caractère, contenir ses débordements. On considérait, avec Simone Weil, que « la formation de la faculté d'attention [était] le but véritable et presque l'unique intérêt des études ». Les enseignants casaient, bon gré mal gré, un bagage disparate dans des crânes de dimensions diverses ; la géographie du maître d'école apparaissait énumérative, son histoire événementielle, sa littérature moulinée en dictées et en morceaux choisis. Ce traitement ne formait pas des raisonneurs ni ne garantissait le bonheur, mais il avait le mérite de préparer chaque petit Français à des « éventualités scolaires futures ».

M. Yves Durand. C'était le bon temps !

M. Daniel Paul. Ça sentait bon l'encre et la craie !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L'avenir était ouvert.

Aujourd'hui, dans beaucoup de quartiers, l'école ne parvient plus à instruire et elle doit parfois se substituer aux familles qui n'arrivent plus à éduquer, si tant est qu'elles le veuillent encore. Quand aux « éventualités scolaires ultérieures », l'école n'a jamais tant désespéré les plus faibles.

Aucun de nous ne « court après l'illusion d'un ordre ancien ». Il ne s'agit pas de faire le procès d'une époque, encore moins de justifier un modèle par l'échec d'un autre. Il s'agit de pointer du doigt ceci : les ratés de notre système éducatif sont loin d'être seulement ceux de l'école. Ils sont aussi, et avant tout, les ratés d'une société qui a évolué trop vite, sans prendre le temps de bâtir ses fondations, une société déboussolée, en mal d'éthique, en plein désarroi. Le philosophe Marcel Gauchet l'explique fort bien : « Les prolongements de la dynamique individualiste ont sapé les conditions de l'efficacité de la transmission fondée sur l'obligation collective, l'autorité du passé et la transcendance des normes et se sont ainsi retournés contre l'idéal émancipateur de l'école. »

Mon propos est aussi de faire un sort à cette idée absurde qui voudrait que la droite soit hostile au milieu de l'enseignement, alors que près de quatre-vingt-dix parlementaires de la majorité en sont issus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ces hommes et ces femmes - professeurs de mathématiques, d'allemand, d'EPS, de lettres, d'économie et de gestion, des sciences de la vie et de la terre, de philosophie, de médecine, d'histoire-géographie, professeurs d'université, maîtres de conférence, inspecteurs généraux de l'éducation nationale, directeurs d'école, principaux de collège, proviseurs, bibliothécaires, infirmières scolaires - connaissent intimement les difficultés de l'école pour les avoir éprouvées.

M. Jean-Pierre Brard. Certains parmi eux auraient besoin de cours de rattrapage ou de se recycler !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le ministre de l'éducation les a consultés et écoutés à maintes reprises.

Que nous soyons enseignants ou issus d'autres univers professionnels, nous sommes tous convaincus que l'amélioration de la situation dépendra pour une large part du climat général, de la considération et de la confiance dont les enseignants jouiront, aussi bien dans la société qu'au plus haut de la hiérarchie. Pour la plupart, ils ne se résignent pas. Cependant, nous ne pourrons durablement leur demander de faire de la résistance, de chercher à faire le bien des enfants aux forceps en leur imposant de l'extérieur une nourriture qu'ils ne sont plus à même de comprendre, de les éduquer parce que leurs parents ont jeté l'éponge, de maîtriser ceux qui ne peuvent plus s'affirmer que dans le rapport de force, de chercher la bonne sanction sans la trouver parce que les valeurs ne sont plus partagées, de jouer à l'envi les jeux du cirque qui ne finissent qu'avec un mort au tapis, lequel, on le sait, sera le plus souvent l'enseignant, qui perdra la face.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est pourquoi nous voulons faire un effort substantiel en faveur de leur formation. C'est pourquoi aussi nous voulons promouvoir ce fameux socle, ainsi qu'un recours massif et tout à fait inédit à l'aide personnalisée aux élèves.

Ce qui nous réunit aujourd'hui, ce n'est pas simplement une affaire d'options ou de TPE, ni de baccalauréat. Si ces sujets posent problème, parlons-en sans ambages ! L'important n'est pas d'être d'accord, disait Vercors, mais que le désaccord soit bien localisé et surtout bien fondé. De grâce, mes chers collègues, parlons de l'essentiel !

M. André Schneider. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Une question vive, toujours renaissante, a été jusqu'ici régulièrement enterrée, restant confinée à la réflexion des spécialistes et des initiés. C'est pourtant une question politique de fond : allons-nous consentir le moindre effort pour nous assurer que les savoirs fondamentaux sont transmis à tous ? Allons-nous procéder enfin à une vraie démocratisation de notre système éducatif ? C'est une question de justice. Serons-nous capables de nous arrêter cinq minutes pour nous mettre d'accord sur cet objectif ?

Jusqu'à présent, nous avons fait comme si l'élévation du niveau général des études, l'élévation du « plafond », allait entraîner mécaniquement l'élévation du « plancher » et son affermissement.

M. René Couanau. Quelle erreur !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. On sait qu'il n'en a rien été, au contraire. D'année en année, des milliers d'enfants ont décroché dans les « oubliettes » de l'échec scolaire.

M. Yves Bur. Que de générations perdues !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est pourquoi il y a urgence à remettre de l'ordre et du sens dans les priorités, là où ils se sont pour le moins délités : nous devons adopter ce socle, dans lequel, comme l'aurait dit Jules Ferry, « il ne s'agira pas d'embrasser tout ce qu'il est possible de savoir, mais bien de mettre ce qu'il n'est pas permis d'ignorer ».

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une condition essentielle, car on ne soigne pas l'anorexie par le gavage. (« Jolie formule ! » sur divers bancs.)

« Celui qui a besoin de recourir à un maître pour écrire ou même pour lire une lettre, pour faire le calcul de sa dépense, pour savoir ce que la loi lui permet ou lui défend, celui qui ne parle point de manière à pouvoir exprimer ses idées, celui-là est nécessairement dans une dépendance individuelle qui rend nul pour lui l'exercice de citoyen et réduit à une chimère humiliante pour lui-même l'égalité reconnue par la loi. »

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez des électeurs de l'UMP ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cette humiliation que, Condorcet décrivait il y a plus de deux cents ans, de plus en plus de jeunes la vivent dans la France du XXIe siècle. Il est des situations où les affrontements politiques ou catégoriels cadrent mal avec les enjeux d'une époque. La logique du système sera-t-elle toujours la plus forte ? L'échec, la rancœur et le cynisme seraient-ils désormais les seules choses que nous puissions mettre en commun ? Je suis sûr du contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La deuxième ? L'éducation. La troisième ? L'éducation ». Qui d'autre que le grand historien républicain Jules Michelet pouvait mieux décrire la mission qui nous incombe : permettre que tous les citoyens puissent s'instruire, promouvoir une société de l'éducation sans laquelle il n'y a ni progrès collectif ni émancipation individuelle ?

Nulle part au monde, l'école n'exprime avec autant de force l'âme d'une nation. Elle est son miroir, sa représentation, son identité. Longtemps, elle fut l'orgueil de la République, la fille aînée de sa réussite. Elle a enraciné la citoyenneté, favorisé la promotion sociale, donné à tous les enfants l'accès au savoir. « Le plus simple écolier, disait Renan, sait maintenant des vérités pour lesquelles Archimède eût sacrifié sa vie. »

Avant de brosser le tableau noir des mécomptes de notre système éducatif, ayons cette vérité en mémoire. La démocratisation de l'enseignement a été une révolution silencieuse sans équivalent. Les 3 % de bacheliers des années trente sont aujourd'hui vingt fois plus nombreux. Les quatre-cinquièmes des enfants arrivent désormais dans la vie adulte avec une qualification ou un diplôme. Aucune autre institution n'a été plus fidèle à ses missions. Si la France demeure l'une des premières nations du monde, si elle continue de rivaliser dans toutes les grandes disciplines, elle le doit en grande partie à son école publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais aujourd'hui, force est de constater que le miroir s'est inversé. La République est en désarroi et son école en subit toutes les avanies. La voilà caricaturée comme un corps malade, une bureaucratie bloquée, une « armée rouge » dévoreuse de crédits, impuissante à se réformer. On lui impute la baisse du niveau, le déclin intellectuel, l'élargissement des inégalités.

Pauvre école à qui l'on ne passe rien et à qui l'on demande tout ! Enseigner, former, éduquer bien sûr, mais aussi pallier les défaillances familiales, soigner les dégâts du chômage, intégrer les exclus, réparer toutes les fractures sociales, ethniques ou communautaires auxquelles notre société ne parvient plus à faire face. Toutes ces exigences sont une forme d'hommage rendu à ses succès. Mais elles sont dorénavant la cause de son malaise. En trente ans, elle a dû absorber quatre chocs majeurs sans avoir les armes politiques pour y faire face : le chômage de masse, la fragmentation sociale, la dérégulation de la société, les flux migratoires et la montée des communautarismes.

Comment peut-elle assurer la réussite scolaire de tous les enfants quand toute la société dérive vers la différenciation sociale ? Comment peut-elle transmettre des valeurs communes quand toutes les nouvelles sources de connaissance - l'audiovisuel, la publicité, le web - renvoient au consumérisme, à l'individualisme et au zapping ? Comment peut-elle porter la grandeur du service public quand la pensée au pouvoir ne cesse d'en dénoncer la pesanteur et les charges ? En d'autres termes, comment peut-elle être une oasis de règles dans une société dérégulée ? C'est une question qui nous interpelle sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre,...

M. Patrick Roy. Il n'écoute pas !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais si !

M. Christian Paul. Il sait lire et écouter en même temps !

M. Jean-Marc Ayrault. ...je vous ai souvent entendu souhaiter rétablir l'autorité des maîtres. Nul ne peut contester cette exigence. Mais de quel poids pèse cette autorité dans une société où un savant est moins considéré qu'une star de reality show ou un footballeur ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Surtout à Nantes ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault. Quelle influence peut-elle avoir quand tant de discours réactionnaires contestent la valeur, l'engagement et même l'assiduité du corps enseignant ?

L'école est malade de cette schizophrénie. À devoir suppléer toutes les défaillances des pouvoirs publics et de la société sans en avoir ni le respect ni la reconnaissance, elle ne sait plus ce qu'elle est ni où elle va. Et l'État n'en a pas pris la mesure. L'éducation nationale est son premier budget, sa première priorité selon les majorités, mais sa gestion demeure sectorielle. Les ministres se succèdent, les réformes s'empilent, souvent de façon néfaste et sans jamais être évaluées : un jour le collège, un autre le baccalauréat, une autre fois l'université. Mais jamais elle ne s'inscrit dans la dimension d'un projet de société global et que j'appelle la priorité éducative pour la nation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

C'est cette vision que je veux défendre aujourd'hui parce qu'elle n'est pas au cœur même de votre projet, monsieur le ministre.

Depuis trois ans, un parfum de revanche politique plane au-dessus de notre école publique. Son expression la plus pratique s'est appliquée dans un lent travail de sape budgétaire. Les premières mesures du gouvernement de M. Raffarin ont consisté à supprimer les aides-éducateurs (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. André Schneider. C'est vous qui ne les aviez prévus que pour cinq ans !

M. Guy Geoffroy. Cessez de dire des contrevérités !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et le plan pluriannuel de remplacements des départs d'enseignants à la retraite.

Mme Martine David. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Les agents de l'éducation nationale ont payé le plus lourd tribut à l'austérité que votre gouvernement a imposée à la France salariée en général et à la fonction publique en particulier. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ils ont encaissé successivement la dure réforme de leur régime de retraites, le gel des salaires, la suppression en deux ans de 15 000 postes et, comme la majorité des Français, la saignée des prélèvements sociaux, la flambée des prix et des loyers.

Et le Président de la République a l'audace d'appeler la nation à reconnaître leur travail ! Mais qui est donc en train de les stigmatiser, de les déclasser, de les paupériser ? Voilà ce qu'ils vivent aujourd'hui et voilà pourquoi ils sont en colère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Guy Geoffroy. Quelle caricature !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est la réalité !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, vous savez très bien que mes propos visent non pas votre personne seule mais l'ensemble du Gouvernement. Vous étiez hier aux affaires sociales, vous êtes aujourd'hui à l'éducation nationale, et vous êtes comme les autres comptable de ces choix.

M. Jean-Pierre Blazy. La réforme de la retraite des enseignants, c'est lui !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est d'ailleurs la superposition de votre réforme des retraites et de la décentralisation autoritaire des personnels TOSS qui a provoqué le plus grand conflit dans l'éducation nationale depuis les lois Devaquet.

M. Jean-Pierre Blazy. En plus, cela n'a rien réglé du tout !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce traumatisme, monsieur le ministre, ne s'effacera pas comme par enchantement. Dénoncer les mouvements actuels de mécontentement dans votre administration comme résultant de « manipulations politiques »...

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. ...n'est pas digne de votre talent. La communauté éducative se sent méprisée par le gouvernement de la République censé la défendre et la représenter. Combien de fois n'a-t-elle entendu les philippiques de vos amis sur « les soixante-huitards attardés » ou « les pédagogues inadaptés » ?

M. Guy Geoffroy. Il y en a !

M. Jean-Marc Ayrault. Combien de fois n'a-t-elle enduré les réquisitoires de votre majorité sur « ses effectifs pléthoriques », « son immobilisme », « sa politisation » ? Je ne fais que citer les expressions utilisées ici par les députés de l'UMP depuis des années, et surtout depuis l'arrivée de votre gouvernement.

La semaine dernière, le Premier ministre en personne a franchi toutes les bornes de l'indécence en dénonçant la « negative attitude » du corps enseignant parce qu'il a le front de ne pas être d'accord avec votre loi d'orientation. Chez M. Raffarin, le barbarisme anglo-saxon ne se limite pas au langage mais il influe également sur la politique : les réglementations elles-mêmes sont mises à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Qu'il ne s'étonne pas alors que les enseignants veuillent le corriger : eux connaissent leurs humanités. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faut le reconnaître !

M. Jean-Marc Ayrault. Les enseignants - je le précise à M. Dubernard qui a un peu exagéré tout à l'heure, mais ce n'est pas vraiment une surprise car il est coutumier du fait -, les enseignants, disais-je, savent lire, écrire, compter.

M. Michel Lefait. Et voter !

M. Jean-Marc Ayrault. Quand le Premier ministre annonce qu'un fonctionnaire partant en retraite sur quatre ne sera pas remplacé, une simple règle de trois leur permet de comprendre que vos ajustements d'effectifs auront pour effet de mettre moins d'enseignants en face des élèves : ce sont ainsi 5 000 emplois qui vont disparaître dans le secondaire à la rentrée prochaine.

De la même manière, à mesure qu'est rendue publique la carte scolaire, quelques connaissances géographiques de base suffisent pour comprendre que les zones les plus touchées par les diminutions de postes et les fermetures de classe - le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine - comptent parmi les régions les plus défavorisées de France. Quant à l'académie de Créteil qui gère la plupart des ZEP de la banlieue parisienne, elle se voit obligée de rendre des moyens qui lui ont été affectés. Incroyable mais vrai !

M. Michel Lefait. Scandaleux !

M. Patrick Roy. Merci, monsieur le ministre !

M. Yves Durand. Et il parle d'égalité des chances !

M. Jean-Marc Ayrault. Qu'il faille mettre en adéquation les postes et la démographie scolaire est une évidence. Mais quelle erreur et quelle injustice de faire porter une nouvelle fois l'effort sur ceux qui ont déjà le moins !

Mes collègues des régions concernées éprouvent, devant cette situation, une grande souffrance. Étant les porte-parole d'une population qui n'aspire qu'à l'émancipation sociale, ils ont une fois de plus le sentiment d'être abandonnés.

M. René Couanau. Vous ne pouvez pas dire ça !

Mme Christine Boutin. Monsieur Ayrault, c'est votre crédibilité qui est en jeu !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est pourtant la réalité !

M. Guy Geoffroy. Regardez lucidement les choses !

M. Jean-Marc Ayrault. L'égalité des chances impose, au contraire, de concentrer le soutien financier et humain sur les établissements confrontés à l'accumulation des problèmes sociaux et scolaires.

Comment ne pas souligner également la contradiction touchant au collège ? Alors que vous faites le constat qu'il est l'un des maillons faibles du parcours éducatif, vous lui imposez une réduction de postes d'enseignant en arguant la diminution des effectifs. On ne peut déplorer l'échec scolaire au collège et se priver de l'arme première pour le combattre : la présence d'enseignants.

Les recteurs, les inspecteurs d'académie, astreints au devoir de réserve, s'arrachent les cheveux pour préparer la rentrée prochaine.

Il en va de même pour la violence scolaire. Comment ne pas mettre en relation son augmentation spectaculaire de 12 %...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. ...avec la suppression concomitante des aides-éducateurs et le non-remplacement de 10 000 surveillants ?

M. Arnaud Montebourg. C'est une vérité ! Quant à leur remplacement par des gendarmes, la belle affaire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vos chiffres sont faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Les opérations coup-de-poing sans lendemain de la police à l'extérieur des écoles...

M. Patrick Roy. Eh oui, c'est la police que vous envoyez !

M. Jean-Marc Ayrault. ...ne vaudront jamais la permanence d'un encadrement à l'intérieur des établissements.

M. Arnaud Montebourg. C'est une vérité !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous venons d'en avoir encore la preuve avec le tabassage inadmissible d'un surveillant par des élèves dans un collège près de Paris.

M. Patrick Roy. Vous préférez la police !

M. Jean-Marc Ayrault. Pour justifier cette politique d'arasement, vous arguez que le budget de l'éducation a augmenté de 30 % depuis dix ans sans que les résultats aient progressé.

M. Guy Geoffroy. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais, sans cet investissement, aurions-nous doublé depuis vingt ans le nombre de bacheliers ?

Mme Élisabeth Guigou. Bonne question !

M. Jean-Marc Ayrault. Aurions-nous connu moins ou plus d'échecs scolaires ?

M. Jean-Pierre Blazy. La réponse est évidente !

M. Jean-Marc Ayrault. Combien de temps encore faudra-t-il rappeler que l'éducation nationale a dû faire face dans cette période au chômage de masse et aux déstructurations familiales ? Et elle y a fait face ! C'est une nouvelle occasion de rendre hommage au corps enseignant pour la tâche difficile qui a été la sienne pendant toute cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Il va nous faire pleurer !

Mme Christine Boutin. Mais il a de la peine à garder son sérieux !

M. Jean-Marc Ayrault. Sans doute, la logique qui consiste à attribuer systématiquement des moyens supplémentaires à l'éducation nationale n'est-elle pas suffisante : celle-ci doit aussi apprendre à évaluer et à repenser l'efficacité de ses dépenses. J'y reviendrai. Mais, dans une société fracturée, l'école publique a largement joué son rôle en contribuant à maintenir l'ascenseur social. Aucun autre pays d'Europe ne remet en cause les dépenses pour l'école comme le fait votre gouvernement. Au contraire. Partout, on procède à des évaluations pour savoir si le système scolaire ne doit pas être encore davantage soutenu. Même la Grande-Bretagne, que l'on critique facilement, investit dans l'éducation nationale.

Mme Élisabeth Guigou. Il en est de même de l'Espagne !

M. Jean-Marc Ayrault. En Allemagne, les Länder s'interrogent sur ce qu'il faudrait faire pour améliorer le système éducatif et cela ne passera certainement pas par une diminution des moyens.

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault. Le discours tenu en France est la cause du divorce profond, mais que j'espère non irrémédiable, avec la communauté éducative. Vous en payez le prix avec le rejet unanime de votre projet de loi d'orientation.

J'ai trop de respect pour vos convictions républicaines, que je sais sincères, monsieur le ministre, pour m'en réjouir.

La République a besoin d'une école qui lui redonne le goût du progrès et de l'optimisme. Elle a besoin d'un nouveau partenariat avec les enseignants, les parents d'élèves et tous les personnels qui concourent à sa réussite. Elle a besoin également d'un nouveau projet de société autour de l'éducation. Elle a besoin enfin - nous le voyons ces derniers jours - de donner confiance à sa jeunesse.

Au regard de ces trois enjeux, je dois exprimer ma déception devant votre texte.

Sur le plan de la méthode d'abord. Par un étrange sortilège, vous avez réussi à transformer le consensus sur les conclusions de la commission du débat sur l'avenir de l'école en une sorte d'« union du non » contre votre texte, pour reprendre la formule malheureuse du Premier ministre. Le professionnel chevronné que vous êtes n'a pas su mieux dépasser l'esprit de système que le philosophe M. Ferry qui s'interroge, mélancolique : « Comment peut-on être ministre ? » En fait, vous avez une vision pessimiste de l'école. Vous pensez que ses acteurs ne sauraient s'abstraire des intérêts catégoriels. Vous commettez toujours la même erreur : croire que l'écoute des organisations syndicales et, en l'occurrence, des organisations de parents d'élèves ou de lycéens, s'arrête là où commence l'écriture de vos projets.

Il aurait été préférable que vous preniez le temps de la réflexion compte tenu des cinglants rappels à l'ordre constitutionnels que vous a adressés le président de notre assemblée. Je n'aurais d'ailleurs jamais cru qu'une exception d'irrecevabilité se justifierait autant. Vous n'êtes certes pas le premier des ministres à confondre loi et règlement ; beaucoup des nôtres ont commis le même impair. Mais l'intervention du président Debré m'apparaît à cet égard salutaire pour nos exercices législatifs présents et à venir.

L'affaire devient plus grave dès lors que vous choisissez la méthode la plus cavalière pour sortir de l'impasse : détricoter votre projet par amendements plutôt que de le retirer et de le représenter dans une version juridiquement recevable. Ce procédé, que nous avons déjà connu lors de l'examen du projet de loi sur le handicap, traduit une insigne désinvolture envers la représentation nationale.

M. Michel Lefait. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous voilà sommés de nous prononcer sur des articles réécrits à la hâte sur un coin de banc, sans savoir ce qu'il adviendra des orientations et des objectifs de la politique nationale d'éducation, déjà renvoyés à un rapport annexé sans valeur législative. Avouez, monsieur le ministre, que n'importe quel correcteur bifferait d'un cinglant « à refaire » une copie aussi bâclée.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n'aurait même pas le contrôle continu !

M. Jean-Marc Ayrault. Votre prédécesseur, pourtant fort maladroit, n'eût pas fait pire.

M. Jean-Pierre Brard. Il n'est pas parvenu à la fin de la rédaction ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault. La sagesse vous commandait de reprendre les choses à zéro car la confusion qui ressortira de nos débats ne pourra qu'alimenter la contestation de votre projet de loi et plonger l'école dans un nouveau maelström dont elle aura grand peine à se remettre.

J'ai décrit la parenté de vos méthodes avec celles de M. Ferry, mais je pourrais évoquer aussi la gémellité de vos idées. Pour vous comme pour votre prédécesseur, la crise de l'école ne vient ni de sa massification, ni des évolutions de son environnement social et culturel : elle a d'abord pour origine les conceptions pédagogiques issues de mai 68.

J'ai été frappé par l'insistance de vos critiques contre la « méthode globale » pour l'apprentissage de la lecture.

M. Guy Geoffroy. C'est en effet une catastrophe !

M. Patrick Roy. Elle n'existe plus depuis vingt ans !

M. Guy Geoffroy. Elle ne dit plus son nom mais elle sévit toujours !

M. Patrick Roy. Vous ne connaissez pas l'école primaire !

Mme Arlette Franco. Oh si !

M. Jean-Marc Ayrault. Cette méthode avait certainement des défauts mais, en réalité, elle n'a jamais été généralisée et elle est le plus souvent croisée avec la méthode classique par les maîtres.

Ces exemples dépassés qui parsèment vos discours sont purement idéologiques. S'il s'agit pour vous d'instruire le réquisitoire d'une pédagogie « progressiste », entre guillemets, qui aurait dépouillé les maîtres de leur autorité et les aurait détournés de leur vocation première, c'est-à-dire l'instruction des savoirs fondamentaux, vous êtes complètement à côté de la plaque ! Je retrouve la trace de la nostalgie d'une école mythique d'avant mai 68 dans le rétablissement de dispositions qui ont pourtant fait la preuve de leur échec aux yeux de tous les spécialistes, comme l'extension des procédures de redoublement ou l'orientation plus précoce vers l'apprentissage.

M. Guy Geoffroy. Il n'est pas question de ça !

M. Roland Chassain. Ce n'est pas dans le texte !

M. René Couanau. Auriez-vous fait une lecture « globale » du projet, monsieur Ayrault ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cette querelle des anciens et des modernes me paraît aussi vide que sans objet. Quand je rencontre des enseignants et que je les entends dans les classes, je suis frappé par leur humilité, par leur refus de l'esprit de système. Ils ont conscience que les chocs culturels auxquels ils sont confrontés ne trouvent pas leur réponse dans la nostalgie du pensionnat de Chavagnes ou dans celle de l'école de Sumerhill. Ce qu'ils cherchent, ce sont les outils d'aujourd'hui et de demain, non ceux d'hier ou d'avant-hier.

M. Guy Geoffroy. Ils cherchent les deux !

M. Jean-Marc Ayrault. Philosopher gravement pour savoir qui, de l'élève, de l'enseignant ou du savoir, doit être au centre du système scolaire n'a pas grand sens. La communauté éducative est un tout.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est l'éducation qui doit être au centre du projet national. Or c'est à l'aune de cette exigence, monsieur le ministre, que votre projet déçoit.

Fallait-il soixante-deux articles et un copieux rapport annexé pour aboutir à des mesures réglementaires aussi restrictives qu'une vague définition d'un socle commun de connaissances, à une inquiétante refonte de l'orientation en troisième et à une timide rénovation du système de remplacement et de formation des enseignants ? Aucune de ces dispositions n'est négligeable en soi - je vais y revenir - mais il n'y a aucune vision d'ensemble. Votre projet ne s'occupe ni de la détection de l'échec scolaire en maternelle et en primaire,...

M. Guy Geoffroy. C'est dans le texte !

M. Jean-Marc Ayrault. ...ni de l'organisation des cycles dans le secondaire, ni de la détresse des zones d'éducation prioritaire, ni du déclin de nos universités, ni de la formation tout au long de la vie.

M. Guy Geoffroy. Mais si !

M. Patrick Roy. Les ZEP sont oubliées !

M. Jean-Marc Ayrault. Visiblement instruit de l'échec des réformes à la hache, dépourvu de tout moyen et peu soutenu par vos amis, vous avez limité votre ambition à ne pas faire trop de vagues. Mais, au vu des mouvements actuels, je crains que votre prudence n'ait plutôt provoqué l'effet contraire.

Dans une interview récente au quotidien Libération, vous dites que votre projet s'adresse aux 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification. C'est en effet l'un des trous noirs de notre école, l'une de ses injustices majeures. Mais vos remèdes pèchent singulièrement par leur pauvreté.

Le socle commun de connaissances devient ainsi l'horizon indépassable, la mère de toutes les batailles. Dois-je rappeler, monsieur le ministre, monsieur Dubernard, que l'acquisition des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter - ...

Mme Christine Boutin et M. Guy Geoffroy. Cela ne marche plus !

M. Jean-Marc Ayrault. ...fait partie des obligations de l'école obligatoire depuis Jules Ferry.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Même Condorcet !

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne connais pas un seul de vos prédécesseurs qui ne l'ait rappelé. Je ne connais pas un seul enseignant qui ne s'y soit attelé. Il est certes bon d'élargir ce socle à la maîtrise d'une langue étrangère et de l'informatique, mais la véritable question n'est pas l'objectif, qui ne peut être contesté par personne : c'est la manière dont on l'atteint. Et là, nous rencontrons ces problèmes matériels qui vous fâchent tant.

Vous prévoyez que la dotation des établissements comprendra le « contrat individuel de réussite éducative ». Viendra-t-elle en surplus ou sera-t-elle prélevée sur d'autres activités éducatives ?

M. Guy Geoffroy. La réponse chiffrée a été donnée.

Mme Arlette Franco. Tout cela, c'est de la soupe !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est concret pour les enseignants. Si vous appelez cela de la soupe, allez le dire dans les écoles, à vos électeurs !

M. Yves Durand. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment développerez-vous - c'est un point concret pour les enseignants - un soutien personnalisé alors que le nombre d'enseignants diminue et que les effectifs dans les classes, souvent les plus en difficulté, repartent à la hausse ?

Mme Martine David. En plus, ils devront remplacer leurs collègues absents !

M. Jean-Marc Ayrault. Dans son rapport, la commission Thélot proposait explicitement l'attribution d'une dotation supplémentaire pouvant aller jusqu'à 25 % pour les établissements rencontrant les plus forts taux d'échec scolaire. Vous vous êtes bien gardé de reprendre cette proposition à votre compte, parce qu'il fallait des crédits dont vous ne disposez pas, hélas !

M. Christian Paul. La dotation a disparu !

M. Jean-Marc Ayrault. Une priorité sans moyens s'appelle simplement un mirage. C'est l'éternelle chanson du chiraquisme. Nous y sommes habitués. Mais le même constat vaut pour l'instauration des bourses au mérite à l'issue du brevet. Réduites aux mentions « bien » et « très bien », elles excluront tous ceux et toutes celles qui travaillent d'arrache-pied mais qui sont un peu moins doués mais beaucoup plus nombreux et qu'il faudrait aider massivement.

M. Patrick Roy. Oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Je crains, monsieur le ministre, qu'il ne reste, à l'arrivée de ce contrat de réussite, que le redoublement ou l'orientation vers l'apprentissage. Comment ne pas redouter dans la « valorisation des parcours d'alternance en quatrième » et l'« enseignement de découverte professionnelle en troisième » le retour des filières de sélection des élèves que certains jugent « irrécupérables » ? Les rectorats ont certes le devoir, selon votre projet, de poursuivre le soutien de ceux qui ont échoué, mais avec qui et dans quelles conditions ? Voilà pourquoi élèves, enseignants et parents craignent fort que le socle commun de connaissances et le dispositif qui l'accompagne ne finissent en « minimum éducatif », bien que vous ayez dit le contraire tout à l'heure.

M. Guy Geoffroy. C'est un mauvais procès !

M. René Couanau. C'est un procès d'intention !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais encore faut-il apporter des preuves pour être cru.

M. Guy Geoffroy. Apportez des preuves !

M. Jean-Marc Ayrault. Quant à moi, je vais vous en apporter une.

Comment, en effet, ne pas douter, quand vous supprimez les travaux personnels encadrés de terminale, qui formaient l'un des dispositifs de soutien les plus réussis ? Vous-même, monsieur le ministre, dans une interview récente, vous avez dit : « Je les conserve en première, mais pas en terminale, parce que j'ai besoin de moyens ailleurs. » C'est un aveu. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais c'est aussi une réalité.

M. Guy Geoffroy. Vous savez bien qu'ils ont été créés au détriment d'autres disciplines !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous les avons mis en place et nous avons eu raison.

Comment ne pas s'inquiéter quand il vous faut un mois de tumulte et tant de cafouillages pour retirer in extremis une réforme du bac unanimement contestée ? D'une mesure positive dans son esprit - l'introduction du contrôle continu -, vous avez fait une sorte d'épouvantail, faute de n'avoir consulté personne, faute de n'avoir procédé à aucune évaluation, notamment sur le risque que constitue la levée de l'anonymat des candidats.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez sous-estimé cette hantise des jeunes des quartiers défavorisés, des banlieues, qui l'ont exprimée avec force, d'être stigmatisés jusque sur la copie de leurs examens, et, au bout, leur peur du chômage. Pourquoi diable faut-il toujours que vous attendiez les mouvements de rue pour commencer à négocier ? C'est une question que l'on est en droit de vous poser. Il n'y a rien d'infamant à cela.

Comme vous l'aviez déjà fait pour les retraites, vous avez commencé par accueillir les protestations avec la courtoisie pessimiste qui vous caractérise. Je citerai vos propos selon lesquels les lycéens seraient un jour « manipulés » ou, le lendemain, « au minimum mal informés ». Quant au corps enseignant, il serait, au mieux, « effrayé de passer de l'idéal au réalisable » et, au pire, « hostile à tout changement ». Seriez-vous donc, avec le Gouvernement, le seul dépositaire de l'intérêt général ?

C'est une ritournelle bien connue du gouvernement Raffarin : susciter la colère populaire vaudrait brevet d'excellence ministérielle. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Singulier exemple pour les enfants et triste image de leurs professeurs ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Croyez-vous vraiment entraîner une communauté aussi pénétrée de ses missions en la renvoyant à la caricature d'un corps immobile ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur ce sujet, je ne suis pas allé aussi loin que M. Allègre !

M. Jean-Marc Ayrault. Pensez-vous la libérer de ses doutes en la culpabilisant sur ses carences et ses faiblesses ? La leçon d'excellence peut entraîner quand elle est portée par un pouvoir exemplaire. Elle se retourne contre lui quand son bulletin de notes est franchement accablant. Ce n'est pas simplement le vôtre, monsieur le ministre, mais c'est celui de tout le Gouvernement, qui exprime en ce moment le mécontentement social dans notre pays. C'est aussi cela la réalité dans laquelle vous intervenez.

Non, les blocages ne sont pas une fatalité ! Non, ils ne sont pas l'expression d'un corps frileux ou borné. De Paul Bert au plan Langevin-Vallon, l'école a toujours suivi ceux qui ont voulu la sortir d'elle-même pour la transcender dans un projet de société. Voilà la dimension qui manque à votre projet et que je veux retrouver avec mes amis socialistes.

Dans votre interview à Libération, vous souhaitiez vérifier « s'il existe un projet alternatif cohérent ».

Mme Christine Boutin. Vous avez lu Libération, mais je ne suis pas sûre que vous ayez lu le texte de loi !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous l'avez encore redit tout à l'heure. Eh bien ! permettez-moi de vous prendre au mot et de profiter de ce débat pour en esquisser l'armature. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Ah ! Depuis le temps qu'on attend !

M. Jean-Marc Ayrault. S'il est une fierté que j'aie d'être socialiste, c'est la première place que nous avons toujours accordée à la question éducative.

Mme Christine Boutin et M. René Couanau. On a vu le résultat !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons été de tous les combats en faveur de l'école publique et laïque, nous avons porté toutes ses exigences parce qu'elle a été, est et restera la matrice de l'émancipation sociale.

M. Guy Geoffroy. Quels résultats !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons ainsi pris nos responsabilités en votant ici même - avec la majorité - la loi interdisant les signes religieux dans l'école publique.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Qui l'a votée ?

M. Jean-Marc Ayrault. Le texte a été dû à l'initiative parlementaire,...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est à l'initiative du Président de la République !

M. Jean-Marc Ayrault. ...à l'initiative de la Conférence des présidents, où, toutes tendances politiques confondues, nous avons accepté, sous l'autorité du président Jean-Louis Debré, de créer une mission d'information parlementaire, à laquelle nous avons participé. Le travail du Parlement a débouché sur une proposition de loi, votée par une écrasante majorité. Nous avons pris nos responsabilités.

Mme Élisabeth Guigou. Exactement !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous demande de reconnaître simplement que les socialistes ont, eux aussi, pris les leurs. Nous ne cherchons pas à en retirer un privilège. Nous disons simplement que, lorsqu'il a fallu être au rendez-vous, nous y étions.

Mme Élisabeth Guigou. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. On peut tout nous reprocher, tout nous imputer, mais on ne pourra jamais nous reprocher d'avoir négligé l'école publique.

Mme Élisabeth Guigou. Jamais !

M. Jean-Marc Ayrault. On nous a même souvent reproché sur les bancs de votre majorité, monsieur le ministre, de lui prêter trop de crédit et d'attention.

Mme Christine Boutin. À Nantes aussi ?

M. Jean-Marc Ayrault. Il est vrai - je ne m'en excuse pas - que c'est sous la Présidence de François Mitterrand que l'éducation nationale est devenue pour la première fois, le premier budget de l'État. C'est sous sa Présidence qu'ont été créées les zones d'éducation prioritaire,...

M. Yves Durand. Que vous sabordez, monsieur le ministre !

M. Jean-Marc Ayrault. ...qu'ont été fixés des objectifs de réussite : 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac, que d'aucuns qualifiaient à l'époque d'utopiques - il suffit de relire les débats.

M. René Couanau. La génération Mitterrand est une génération sacrifiée ! Combien de jeunes en échec ?

M. Jean-Marc Ayrault. On nous reproche aujourd'hui de ne pas avoir tenu cet objectif de 80 %. Bel hommage des ouvriers de la dernière heure à une ambition visionnaire ! Car, si nous n'avons pas atteint le taux de réussite espéré, nous avons néanmoins doublé le nombre d'élèves bacheliers dans la décennie 1985-1995. C'est une réalité.

Mme Élisabeth Guigou. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce sont encore les lois Jospin qui ont redonné leur considération aux enseignants, transformé en profondeur leur formation, entrepris la rénovation de nos universités.

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est son gouvernement qui a créé et négocié à Bologne, en 1992, la création du cursus européen LMD - licence, mastère, doctorat -, si importante pour l'avenir de nos étudiants. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

C'est encore la loi Lang qui a anticipé le bouleversement démographique du corps enseignant, en lançant un plan pluriannuel de recrutements. C'est encore le plan Lang- Tasca qui a relancé l'enseignement artistique à l'école et que votre gouvernement s'est empressé de supprimer dès son arrivée en 2002.

Mme Christine Boutin. Justement ! On a vu les résultats, à l'époque !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous suggérez souvent, monsieur le ministre, que cette politique n'a pas obtenu le succès espéré. Je le reconnais. Je reprends vos propos, je vous écoute, je vous lis. Mais vous déclarez dans le même temps que votre loi d'orientation s'inscrit dans la continuité de la précédente. Il faut choisir. N'est-ce pas là encore une forme de reconnaissance de la validité de notre démarche ? Nous n'avons certes pas le monopole de l'école,...

M. Guy Geoffroy. Moins que jamais !

M. Jean-Marc Ayrault. ...mais nous avons le mérite de la constance et de la lucidité.

Aussi, mes chers collègues, ai-je pleinement conscience des limites et des échecs de certaines de nos approches. L'école peine de plus en plus, c'est vrai, à corriger les inégalités sociales, quand elle ne les aggrave pas. La stigmatisation des ZEP en est le symptôme, de même que la persistance inacceptable de l'échec scolaire.

Mme Élisabeth Guigou. Évidemment !

M. Jean-Marc Ayrault. À l'évidence, l'investissement s'est trop souvent dispersé dans le saupoudrage. Les systèmes de rattrapage n'ont pas joué là où il fallait. Des stratégies d'évitement se sont partout mises en place, renforçant encore l'isolement de certains établissements. Et nous avons tous des exemples dans nos villes ou nos départements.

La politique des pansements ne suffit plus.

M. Guy Geoffroy. Bel aveu !

M. Yves Durand. Il faut faire plus, pas moins !

M. Jean-Marc Ayrault. Si nous voulons redonner à l'école son rôle d'émancipation et de promotion sociale, c'est toute l'architecture de soutien qu'il faut repenser. L'égalité des chances implique de donner aux établissements les plus en difficulté les mêmes chances de réussite qu'aux autres. Je veux le dire avec force : un collège de banlieue défavorisée a plus besoin d'enseignants expérimentés et nombreux (« C'est évident ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), plus besoin de crédits de soutien, plus besoin de classes à effectifs allégés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), plus besoin de surveillance qu'un lycée prestigieux du centre de Paris.

À tous les conservateurs qui vont crier au nivellement par le bas, je réponds : promotion par le haut.

M. Yves Durand. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, mes chers collègues, les inégalités sont une balafre au visage de l'école qu'aucun républicain ne peut cautionner dans notre assemblée. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Voilà pourquoi je juge nécessaire de reprendre la proposition de la commission Thélot, que j'ai évoquée tout à l'heure, d'affecter une dotation supplémentaire pouvant aller jusqu'à 25 % de la dotation globale aux établissements qui cumulent les difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il ne s'agit pas de distribuer la manne financière à l'aveugle,...

M. Roland Chassain. Vous avez l'habitude de le faire !

M. Jean-Marc Ayrault. ...mais de l'attribuer sur des critères spécifiques et précis tenant compte de la mixité sociale et du soutien des élèves en difficulté.

Mme Élisabeth Guigou. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. L'éducation nationale doit avoir l'audace de rompre avec les approches uniformes, dont tous les rapports - ils sont nombreux - mettent en évidence les limites, pour encourager une logique de soutien ciblée sur les établissements les plus en difficulté.

De nombreux établissements expérimentent déjà des méthodes spécifiques pour répondre aux difficultés de leurs élèves. Ce qui leur manque, c'est un pilotage académique qui permette de les évaluer et, en cas de réussite, de les étendre à d'autres. Ce qui leur manque, c'est le courage du politique d'instituer des mesures dérogatoires.

Qui osera dire que, dans certains cas exceptionnels, on peut mettre en place des classes à tout petits effectifs ?

Mme Élisabeth Guigou. C'est la solution !

Mme Arlette Franco. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cela pourra vous paraître fou, mes chers collègues, mais ces dispositifs exceptionnels sont souvent la seule manière de casser la spirale de l'échec. (« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste.) Si nous voulons stopper « la dérive des continents scolaires », selon l'excellente formule de Philippe Mérieux, ...

Mme Christine Boutin. Formule poétique !

M. Jean-Marc Ayrault. ...si nous voulons que chaque quartier ait les mêmes chances, alors boutons l'uniformité hors des classes, dérogeons aux conformismes, acceptons que les établissements qui concentrent les difficultés scolaires, sociales et culturelles aient beaucoup moins d'élèves par classe, des enseignants mieux payés, des dispositifs pédagogiques spécifiques, mieux conseillés en permanence et mieux évalués.

M. Pascal Terrasse. Voilà de bonnes propositions !

M. André Schneider. Que ne l'avez-vous fait ?

M. Jean-Marc Ayrault. C'est ainsi que renaîtra l'égalité et l'équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi n'est-il plus acceptable que ce soit toujours les enseignants les plus jeunes, les plus inexpérimentés, les moins bien formés qui soient affectés dans les zones d'éducation prioritaire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Bien sûr !

M. Guy Geoffroy. Le texte le prévoit !

Mme Christine Boutin. C'est dans le projet de loi !

M. Guy Geoffroy. Il faudrait le lire !

M. Jean-Marc Ayrault. Sont-elles prioritaires pour les élèves ou sont-elles une zone d'éducation des professeurs ? Répondre à la question, c'est rompre avec cette logique de recrutement absurde.

Mme Christine Boutin. Cela s'est fait sous votre règne !

Mme Arlette Franco. Lisez le texte !

M. Jean-Marc Ayrault. Chaque établissement répertorié difficile doit disposer d'équipes pédagogiques mixant l'expérience et la jeunesse. Les primes d'incitation actuelle sont ridiculement basses.

M. Guy Geoffroy. C'est vous qui les avez instituées !

M. Jean-Marc Ayrault. Une revalorisation importante des traitements de ces personnels doit être une priorité budgétaire.

Mme Christine Boutin. Sur ce point, on est d'accord.

M. Jean-Marc Ayrault. Les vocations pour affronter les difficultés naissent rarement par génération spontanée. C'est à l'État de les mobiliser et de les préparer. Il lui faut donner les moyens d'un véritable travail d'équipe au sein des établissements.

M. Guy Geoffroy. C'était si simple de le faire !

M. André Schneider. On se demande pourquoi vous ne l'avez pas fait.

M. Jean-Marc Ayrault. Cela pose la question de la formation des maîtres. J'avoue d'ailleurs, monsieur le ministre, ne pas bien saisir l'intérêt d'intégrer les IUFM aux universités comme vous le proposez,...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le raisonnement est pourtant limpide !

M. Jean-Marc Ayrault. ...sinon pour réaliser de substantielles économies de fonctionnement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est la vraie raison !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez pu vous rendre compte de leur protestation unanime.

L'inconvénient de cette réforme est de revenir à une conception théorique de la formation des maîtres. Elle méconnaît par trop la réalité quotidienne à laquelle ils seront confrontés et, notamment, la disparité des élèves.

Je plaide, pour ma part, en faveur de l'instauration d'une véritable formation professionnelle en alternance des maîtres qui étendrait l'apprentissage en établissement sur deux années scolaires au lieu d'une seule.

M. Roland Chassain, M. Guy Geoffroy et M. André Schneider. Il fallait le faire !

M. Jean-Marc Ayrault. Qu'ils s'imprègnent des expériences pédagogiques de leurs aînés face aux comportements des nouveaux des élèves : le travail en équipe, le tutorat, voire la promotion d'une bivalence au collège ! (« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Schneider. Vous étiez contre !

M. Jean-Marc Ayrault. Cet enseignement de deux matières existe dans d'autres pays.

Mme Arlette Franco. Vous vous y êtes toujours opposés !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est pratiqué en France dans quelques cas - histoire-géographie, français-latin. Il favoriserait la transition entre le primaire et la sixième et améliorerait la continuité pédagogique, notamment dans le soutien des élèves en difficulté. En tout état de cause, c'est une idée qui est soumise au débat, à la discussion, à la négociation.

Mme Élisabeth Guigou. C'est une très bonne idée ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Ayrault. Face à une société en quête de repères et de normes, la mission des professeurs ne peut se limiter à enseigner ; elle doit retrouver désormais une dimension éducative et civique, car il s'agit de former des citoyens complets. La moitié du corps enseignant va partir en retraite dans les dix prochaines années. C'est l'occasion pour l'éducation nationale d'engager la formation d'une nouvelle génération de professeurs. Cette formation initiale devra être accompagnée - j'insiste sur ce point - d'une formation permanente obligatoire pour tous les enseignants,...

M. Guy Geoffroy. C'est prévu dans le texte !

M. Éric Raoult. Le président Ayrault n'a pas lu le projet de loi !

M. Jean-Marc Ayrault. ...avec les moyens de remplacement pour assurer l'enseignement car, sur ce point, vous n'avez pas clairement répondu et vous avez suscité plus d'inquiétudes que vous n'avez donné d'assurances.

C'est ce message-là que je veux envoyer aux enseignants. Trop souvent, ils sont montrés du doigt. Trop souvent, ils vivent un sentiment de déclassement, voire de solitude face à cet ébranlement social qui parfois les submerge. Ils attendent que la puissance publique retrouve sa grandeur, qu'elle les soutienne et les responsabilise. La reconnaissance de leurs mérites est le fondement de leur autorité. Si l'État leur donne les moyens sans barguigner, s'il les considère comme de véritables partenaires, alors je suis convaincu qu'ils seront prêts à toutes les évolutions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième priorité des socialistes est de redéfinir l'organisation du parcours éducatif.

Depuis des années, il est de bon ton de désigner le collège comme le maillon faible du système. L'approche est pour le moins simpliste et elle effleure parfois votre projet. Les handicaps scolaires mais aussi familiaux, sociaux, culturels commencent dès la petite enfance.

M. Patrick Roy. Oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Combien de catastrophes au collège seraient évitées si la maternelle et le primaire jouaient pleinement leur rôle de détection précoce ?

M. Patrick Roy. Rien n'est prévu dans ce domaine !

M. Guy Geoffroy. Si, le socle des connaissances !

M. Patrick Roy. Rien n'est fait pour le primaire !

M. Jean-Marc Ayrault. La Finlande a obtenu des résultats spectaculaires en rénovant le cycle du primaire et en assurant un suivi éducatif et social personnalisé de chaque élève. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chers collègues, il est dans votre intérêt d'écouter les bonnes idées que je vous soumets...

M. Roland Chassain. Nous les connaissons !

M. Éric Raoult. Tout est déjà dans le texte !

M. Jean-Marc Ayrault. ...car vous pouvez en faire votre miel.

M. Guy Geoffroy. C'est un repentir tardif.

M. Jean-Marc Ayrault. Si vous n'êtes pas d'accord, vous le direz. Si vous ne voulez pas dégager les moyens nécessaires, assumez votre choix ! Mais au moins, écoutez !

M. Guy Geoffroy. Vous enfoncez des portes ouvertes.

M. Jean-Marc Ayrault. En France, le Gouvernement fait l'inverse en demandant aux maîtres de se concentrer sur le socle de connaissances tout en les privant du partenariat de la médecine scolaire, de l'assistance sociale voire des psychologues et des pédopsychiatres dont les moyens sont sinistrés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Schneider. Allègre voulait le faire !

M. Jean-Marc Ayrault. Je crois pour ma part que la prévention de l'échec scolaire commence par l'introduction de la maternelle, au minimum pour sa grande section, dans le cycle de l'école obligatoire. (« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce serait une réforme très importante. On pourrait ainsi détecter plus précocement les difficultés des élèves...

M. Daniel Paul. Dès la maternelle !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et assurer un meilleur lien entre la politique familiale et la politique éducative. À l'autre bout de la chaîne, le rapprochement du CM2 et de la sixième éviterait la rupture entre primaire et collège et pourrait être l'amorce d'une redéfinition plus complète des cycles entre l'apprentissage des savoirs, l'approfondissement et la diversification, comme l'a suggéré la commission Thélot.

Parallèlement, les maîtres ont besoin de s'appuyer sur une structure médico-sociale plus efficace.

Mme Martine David. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Il existe des services municipaux de santé. Les services départementaux médico-sociaux, d'aide à l'enfance doivent devenir des partenaires naturels, beaucoup plus engagés, via les contrats éducatifs locaux et départementaux qu'il faut généraliser. Là où ils existent, ces contrats ont fait la preuve de leur efficacité. Ils s'élargissent à toutes les activités périscolaires. Ils permettent l'éveil artistique des enfants. Ce partenariat avec l'ensemble des services qui peuvent être d'une grande aide dans le domaine de la santé, de l'insertion sociale et psychologique des enfants dans l'école maternelle et primaire aiderait à la détection des problèmes familiaux ou sociaux et favoriserait aussi le suivi personnalisé des enfants.

M. Patrick Roy. Le texte ne dit rien sur le primaire !

M. Jean-Marc Ayrault. Car le collège, et vous y avez fait allusion, monsieur Dubernard, ne doit plus être le réceptacle de tous les problèmes. Un enfant qui a raté son CP a beaucoup de mal à arriver en sixième en sachant lire, nous en sommes tous conscients. C'est donc en amont qu'il faut intervenir. Or vous n'en avez pas beaucoup parlé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ai évoqué les améliorations majeures que pourraient apporter, notamment aux collèges, l'expérimentation, l'évaluation et la dérogation. Je voudrais y ajouter un élément essentiel : l'éducation à l'orientation, pour les maîtres eux-mêmes et pas pour les seuls conseillers d'orientation. Nous restons enlisés dans ce débat sans fin, que je trouve pour ma part profondément choquant : latin-grec pour tous ou filières professionnelles pour les plus faibles. Je le dis avec force : il est inenvisageable qu'un gouvernement de la République accepte la sortie déguisée d'enfants de treize ou quatorze ans de l'enseignement général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Les filières de sélection précoce qui existent sont les principaux nids de l'échec scolaire. L'initiation aux métiers doit concerner tous les collégiens, ne pas être théorique et ne pas s'apparenter à une première étape de présélection.

Mme Martine David. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Elle pourrait prendre la forme d'un crédit d'heures mensuel, et - pourquoi pas ? - dès la sixième : des représentants des diverses professions viendraient transmettre les rudiments de leur métier avec la possibilité pour les élèves qui le souhaitent de bénéficier d'heures complémentaires en option. On pourrait même envisager, pour les élèves volontaires, l'ouverture en troisième de section métiers-études comme il existe des sections sports-études.

M. Éric Raoult. Cela existe !

Mme Arlette Franco. Vous plaidez pour des dispositifs que vous avez vous-même supprimés !

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut donner à l'élève un véritable choix, qui corresponde à ses vraies envies, mais aussi la possibilité de changer d'orientation en cas d'erreur d'aiguillage.

M. Guy Geoffroy. On dirait que vous n'avez jamais été au pouvoir !

Mme Martine David. Laissez-le parler !

M. Jean-Marc Ayrault. Malheureusement, c'est souvent le cas. Une fois qu'un élève est engagé dans une filière, il ne peut plus en sortir. Il faut mettre des passerelles partout. Et si j'insiste sur ce point, c'est parce qu'il faut assurer la promotion de la filière professionnelle, dont je souhaite qu'elle devienne un axe majeur de la politique éducative.

L'ancien ministre de l'enseignement professionnel Jean-Luc Mélenchon a défriché des pistes novatrices en proposant la transformation des lycées professionnels en lycées des métiers ou en proposant la création d'une allocation d'études pour les jeunes de milieux défavorisés qui n'ont pas les moyens financiers d'assumer le passage dans le cycle des IUT.

J'ajouterai pour ma part la proposition d'un cursus professionnel européen comme il existe désormais dans l'enseignement supérieur avec le LMD. L'idée centrale est d'en finir avec l'orientation en lycée professionnel fondée uniquement sur l'échec ou le « faute de mieux ».

M. René Couanau. Là, nous sommes d'accord.

M. Jean-Marc Ayrault. Il convient d'adapter le secondaire à l'hétérogénéité de ses élèves sans exclure ceux qui ont le plus de mal à suivre. En d'autres termes, mes chers collègues, faire du collège unique un collège pour tous. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Schneider. Nous sommes d'accord.

M. Jean-Marc Ayrault. J'en viens à la troisième priorité de notre projet éducatif : l'université, dont on ne parle pas dans le projet de loi.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Hors sujet !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment accepter que le pays de Marie Curie et de Georges Charpak dépense trois fois moins pour ses étudiants d'université que les États-Unis ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous le demande !

Mme Élisabeth Guigou. C'est une honte !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment concevoir que les grandes écoles dévorent un tiers du budget de l'enseignement supérieur alors qu'elles ne représentent que 3 % de ses effectifs ?

M. René Couanau. Mais supprimons donc les grandes écoles ! Il ne manquait plus que ça !

Mme Christine Boutin. Quelle ambition ! Cela m'étonne de vous !

M. Jean-Marc Ayrault. La France combine l'injustice et l'échec. À peine plus de la moitié de ses étudiants obtient le niveau de base du nouveau système de diplômes européens, licence-mastère-doctorat. Quelle gifle pour une nation qui se pique d'être un phare de la pensée dans le monde. Aujourd'hui, c'est de plus en plus un clignotant.

Cette réalité a une cause première : le sous-financement dramatique de l'université française.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Parlons-en !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est un défi national, et je ne suis pas sûr que le ministre soit en désaccord avec moi.

Je fais des critiques et je vous livre les propositions des socialistes, qui sont à la fois notre propre bilan et les améliorations que nous voulons apporter à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aussi, je vous demande de bien vouloir croire à la sincérité de mes propos. Je ne verse pas dans l'invective, mais je m'inscris dans le dialogue républicain.

Mme Christine Boutin. Nous aussi !

M. Jean-Marc Ayrault. Car le sous-financement dramatique de l'université française est un problème national. Le plan de rénovation engagé par Lionel Jospin en 1990 - le plan Université 2000 - n'a jamais été vraiment poursuivi.

Mme Christine Boutin. La faute à qui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Un effort d'investissement et de reconstruction est le préalable à une nécessaire réorganisation des structures de l'enseignement supérieur.

On ne peut plus s'en tenir à l'exception française qui sépare les universités, les grandes écoles et les centres de recherche. Elle est à la fois inégalitaire et révolue.

M. René Couanau. Non !

M. Jean-Marc Ayrault. Elle éparpille l'argent, disperse les compétences et affaiblit les programmes.

Commençons donc par mettre en réseau les universités de taille moyenne aussi bien en province qu'à Paris !

Mme Christine Boutin. Avec quels moyens ?

M. Jean-Marc Ayrault. Impulsons un rapprochement avec les grandes écoles et les centres de recherche pour constituer des pôles attractifs capables de rivaliser avec Heidelberg ou Harvard.

Mme Christine Boutin. C'est incohérent !

M. Jean-Marc Ayrault. Aménagement du statut d'enseignant-chercheur, regroupement des laboratoires, conseils d'administration communs, soutien à la recherche fondamentale, développement des programmes de coopération avec les entreprises, ce ne sont pas les outils qui manquent, c'est le courage politique de remettre en cause deux siècles de traditions. À un moment, la France devra choisir entre le repli ou l'ambition, entre la seule formation d'une élite ou celle de tout un peuple.

C'est une offense à tous nos principes que notre enseignement supérieur soit l'un des plus ségrégatifs au monde : 30 % de fils ou filles d'ouvriers seulement y accèdent contre 80 % d'enfants de cadres. Et l'on voudrait faire croire à tous les laissés-pour-compte que nous sommes la patrie de l'égalité et des Lumières ! Mes chers collègues, je crains que les mots ne suffisent pas à toute cette jeunesse impatiente qui veut bien croire dans les vertus et les valeurs de la République. Notre système éducatif connaîtra des explosions à répétition tant qu'un programme d'accès universitaire digne de ce nom ne sera pas proposé aux enfants des milieux populaires. L'extension à grande échelle des bourses au mérite est une dette morale et politique envers la nation.

Mme Élisabeth Guigou. C'est indispensable !

M. Jean-Marc Ayrault. Il en va de même pour la mise en place de filières d'entrée spécifiques analogues à celles que l'Institut des sciences politiques de Paris a, non sans résistances et réticences, expérimentées avec succès.

Mme Martine David. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Ces jeunes qui manifestent dans la rue, et qui ne sont pas manipulés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), souhaiteraient qu'un tel dispositif se généralise !

M. Guy Geoffroy. Vous croyez ?

Mme Christine Boutin. Tiens, tiens ! Le parti socialiste partisan de la discrimination positive ! Je ne m'attendais pas à cela. Quel drôle de principe républicain !

M. Jean-Marc Ayrault. Les réponses à l'angoisse et à la souffrance des jeunes se trouvent ici et pas dans la polémique !

Ce n'est qu'au terme de cette réorganisation volontariste et après son évaluation que pourra être posée la question de la part d'autonomie. L'instituer par dogmatisme ne pourrait conduire qu'au blocage, comme on l'a vu avec les réformes avortées de M. Devaquet ou de M. Ferry.

J'oserai dire cependant qu'en faisant tout cela, nous aurons fait le plus facile : rénover des institutions, certes chancelantes, mais qui ont une histoire, une mémoire, un savoir-faire. La quatrième priorité est autrement plus ardue. Il s'agit de préparer une révolution aussi importante que l'avènement de l'école gratuite et obligatoire : la formation tout au long de la vie.

Depuis la nuit des temps, le système éducatif reposait sur une césure générationnelle. Il s'adressait à la jeunesse et s'arrêtait avec l'obtention d'un diplôme. L'explosion technologique, la mondialisation des échanges et le chômage de masse qui les a accompagnées ont bouleversé cette organisation sociale. La séquence formation, travail, retraite s'efface. Un nouvel homo sapiens est en train de naître qui doit être capable de maîtriser l'accélération du temps, du travail et de la technique.

Mme Christine Boutin. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Tout le processus est déjà inscrit dans les statistiques. Le taux de chômage est cinq fois plus élevé chez les jeunes sans diplômes que chez les titulaires d'une qualification supérieure au baccalauréat. La compétition mondiale mais aussi l'insertion sociale - n'opposons pas l'une à l'autre - se jouent désormais en grande partie sur le degré de qualification et d'adaptation des salariés. Force est de constater que notre organisation sociale n'en a pas pris la pleine mesure.

La formation continue est riche financièrement mais elle est trop pauvre en candidats. Elle concerne en majorité les cadres ou les salariés licenciés. Les partenaires sociaux ont pourtant tenté, à juste titre, d'aller plus loin en concevant, à travers un accord, les prémices de la loi du 5 mai 2004, qui ouvre un droit individuel à la formation.

Mais il me paraît nécessaire d'être plus ambitieux. La formation doit devenir la matrice d'une sécurité sociale professionnelle qui accompagnera chaque citoyen tout au long de sa vie.

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Elle s'appuiera sur la création d'un « compte éducation-formation » dont chacun pourra disposer à la fin de la scolarité obligatoire.

M. Guy Geoffroy. Pourquoi n'avoir pas voté la loi sur la formation ?

M. Jean-Marc Ayrault. Nous l'avons votée !

Ce compte sera mieux doté encore pour ceux qui ont reçu une formation initiale insuffisante. Car nous partons toujours de la même idée, mes chers collègues : compenser les handicaps d'origine sociale. Pour nous la République, c'est la République sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Paul. Celle qu'ils appellent la « Gueuse ».

M. Jean-Marc Ayrault. Dans cet esprit, nous proposons la création de périodes de formation obligatoire, négociées par les partenaires sociaux dans le cadre du contrat de travail, qui tiendront compte notamment du compte épargne-temps. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous verrons bien si M. Seillière est favorable à ces propositions, lui à qui il a fallu arracher bien des accords.

M. Guy Geoffroy. PS-MEDEF : même combat !

M. Jean-Marc Ayrault. Le financement du dispositif pourra être assuré par le redéploiement des crédits affectés aux dispositifs actuels de formation et, le cas échéant, par l'instauration d'une cotisation minimale de sécurité sociale professionnelle, négociée bien sûr avec les partenaires sociaux.

L'objectif général que nous poursuivons, qui est un projet de société, est d'offrir à chaque travailleur, à chaque chômeur, le droit et les moyens d'accéder à l'évolution des techniques et des savoirs. C'est le vieux rêve des Républicains depuis l'origine. C'est l'utopie la plus réaliste pour combattre le chômage. C'est la voie la plus sûre pour relancer l'ascenseur social et relever le défi de la compétition mondiale.

Mme Christine Boutin. Oh ! la la !

M. Jean-Marc Ayrault. Ne vous inquiétez pas, madame Boutin, j'arrive à ma conclusion.

J'entends déjà vos commentaires : « Il est bien joli votre programme, mais il va coûter cher. »

Mme Christine Boutin. Il n'est même pas joli !

M. Guy Geoffroy. Et ce n'est même pas un programme ! Il est mal lié !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce programme n'est pas gratuit.

Oui, mesdames et messieurs, tout est question de choix. Entre une baisse des impôts qui exclut et une renaissance de l'école qui intègre, que croyez-vous que les Français choisiront ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est normal d'aborder ces grandes alternatives dans cette enceinte. C'est à la nation tout entière, à l'occasion de notre débat, de dire ce qu'elle attend de son école, de ses professeurs, de ses parents, de sa jeunesse. Trop rarement nous lui avons parlé en ces termes. Trop peu souvent, nous lui avons proposé les termes d'un pacte fort et clair qui scelle un réel partage de responsabilités.

C'est dans cet esprit que je propose aujourd'hui que l'État s'engage publiquement dans une loi d'orientation et de programmation où les moyens, mais aussi les droits et les devoirs de chacun, seront établis. Comment concevoir que l'État puisse se lancer dans une programmation sur vingt ans pour la construction d'un porte-avions et refuse de faire de même pour le parcours éducatif de nos millions d'enfants ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Quelle comparaison !

M. Roland Chassain. Vous nous décevez !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment accepter qu'un projet de société aussi essentiel, qui dessine notre avenir dans toutes ses dimensions, serve de variable d'ajustement budgétaire, comme nous l'avons vu trop souvent, en particulier ces trois dernières années ?

La loi de programmation que je propose se fondera sur l'engagement solennel d'une pérennité de l'investissement de la nation dans l'école, de la maternelle à l'université, et surtout sur la volonté de le garantir dans la durée.

Mais je veux le dire avec la même solennité : la logique de moyens sera sans effet si la communauté éducative tout entière ne s'investit pas elle-même dans ce contrat avec l'État, contrat qui définira clairement les objectifs à remplir et les réformes à opérer. Sans responsabilisation de chacun des acteurs, sans volonté de dépasser les intérêts catégoriels, l'école de la République ne connaîtra pas de rédemption et continuera à aller de crise en crise. Et à cela, nous ne pouvons nous résigner. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Puisse chaque parent, chaque enseignant, chaque élève m'entendre par-delà cette enceinte ! L'école est notre bien, leur dirai-je.Elle est notre avenir. Vous défendez bien plus qu'une institution. Vous incarnez la conscience, la mémoire de l'État, sa raison d'être : l'instruction d'une nation, son éducation, sa volonté d'être artisan de l'histoire et acteur du monde. C'est une grande, une magnifique force, mais aussi une immense responsabilité ! Sans vous, rien ne sera possible. Voilà pourquoi, au nom des députés socialistes, je veux vous proposer le pacte de l'intelligence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui, un pacte de l'intelligence, chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin. En toute modestie ! D'ailleurs, c'est bien connu, il y a les intelligents d'un côté et les idiots de l'autre !

M. Jean-Marc Ayrault. Madame Boutin, ne faites pas semblant de mal comprendre : l'intelligence est des deux côtés.

L'État, leur dirai-je, vous assurera les moyens de votre mission. À chaque élève, il offrira sa chance ; à chaque enseignant, il reconnaîtra son autorité ; à chaque parent, il donnera sa place. Il vous appartient de relever la grandeur du service public, de rétablir ses lettres de noblesse, de porter son actualité, sa modernité. Vous êtes les héritiers de ceux qui ont bâti la République moderne, celle de la laïcité et de 1'intégration sociale.

Aujourd'hui, reconnaissons-le, notre nation doute. Elle a besoin d'hommes et de femmes...

Mme Christine Boutin. De femmes et d'hommes, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. ...qui transmettent le sens de ses valeurs, qui redonnent goût au progrès, à l'optimisme, à l'envie de créer. Soyez les précurseurs d'une France réconciliée avec elle-même.

Nous, parlementaires, nous votons la loi, mais vous, professeurs et enseignants, vous émancipez les esprits. Nous pouvons concevoir ici les plus beaux textes, mais c'est à vous qu'il appartient de les faire vivre, de leur donner réalité. Nul ne peut se substituer à vous. C'est avec vous que nous voulons construire l'école de tous et de toute l'existence.

Michelet en avait déjà la prescience : « Combien l'éducation durera-t-elle ? Juste autant que la vie. » Tel est aujourd'hui notre défi : fonder ensemble la société de la connaissance, l'école de la renaissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Ayrault, je dois dire qu'en vous écoutant, je me disais qu'il était bien dommage que vous n'ayez pas accepté de participer à la réflexion engagée dans le cadre de la commission Thélot. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous venez de dire que vous approuviez largement ses conclusions. Or, elles constituent justement l'armature du projet de loi que je vous propose. J'aurai l'occasion, tout au long de ce débat, de vous démontrer que la plupart des propositions de cette commission y figurent. Je vous dirai aussi pourquoi je n'ai pas retenu certaines d'entre elles - je pense, par exemple, à l'anglais commercial ou au salaire pour les lycéens des établissements professionnels.

M. Patrick Roy. Et les ZEP !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous y viendrons dans un instant, ne vous inquiétez pas.

Le constat que vous avez fait sur la situation de l'école, les défis qu'elle a dû relever et qu'elle doit encore relever, le choc qu'elle a dû encaisser, du fait des apports de populations aux langues et aux cultures différentes, auquel vous avez fait une mention courageuse, ce constat, la plupart d'entre nous peuvent le partager. De la même façon, nous pouvons nous joindre à l'hommage que vous avez rendu aux enseignants pour le travail qui est le leur.

Mais, monsieur Ayrault, dans les propos que vous avez tenus, je n'ai trouvé ni l'armature d'un réel projet alternatif (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme Martine David. Évidemment, vous considérez que vous êtes le seul à pouvoir faire des propositions !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...ni une argumentation juridique qui justifie que le texte qui vous est soumis puisse ne pas être discuté par votre assemblée au motif qu'il serait inconstitutionnel.

Vous avez, s'agissant de votre projet alternatif, évoqué plusieurs points sur lesquels je veux revenir.

Vous demandez d'abord une priorité plus forte en faveur des zones d'éducation prioritaires. Or le projet de loi préserve parfaitement le dispositif des zones d'éducation prioritaires.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai en effet choisi de ne pas abroger la loi de 1989, mais seulement de la compléter.

M. Michel Lefait. Comme pour les 35 heures !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. De la sorte, toutes les dispositions qui concernent les ZEP seront maintenues dans le code de l'éducation. (« Et les moyens ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

D'après vous, monsieur Ayrault, il faudrait reprendre la proposition du rapport Thélot de renforcer à hauteur de 25 % les moyens des zones d'éducation prioritaires. Nous en sommes aujourd'hui à + 10 %. Je rappelle à ce propos qu'un rapport de la Cour des comptes conteste pour une large part l'efficacité du dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De toute façon, le projet de loi profitera aux ZEP dans des proportions comparables puisque les dotations supplémentaires seront accordées en fonction du nombre d'élèves en difficulté, mesuré par le nombre de contrats individuels, ou de programmes personnalisés, si le Parlement suit la proposition de votre rapporteur. Nous répondons donc largement à votre proposition.

J'ajoute qu'il y aurait bien besoin de revoir ensemble, sans esprit polémique ou conflictuel, la carte des zones d'éducation prioritaires. J'ai déjà dit aux organisations syndicales que j'étais prêt à engager ce travail à condition de mettre en place des critères objectifs. S'il s'agit seulement de rajouter des zones supplémentaires, sans tenir compte des imperfections de la carte actuelle, l'exercice est voué à l'échec.

Votre deuxième proposition, monsieur Ayrault, vise à ne plus envoyer les professeurs les plus jeunes dans les zones les plus difficiles. C'est précisément ce que je propose, d'une part en rompant avec la règle actuelle - que vous avez longtemps acceptée - qui veut que l'on nomme les jeunes professeurs dans une académie différente de celle dans laquelle ils ont suivi leur formation, ce qui conduit, pour simplifier les choses, à envoyer dans l'académie de Créteil les jeunes qui ont été formés dans l'académie de Nantes. Désormais, ce sera terminé ! La première année, les jeunes exerceront dans l'académie où ils auront été formés. D'autre part, nous allons mettre en place des dispositifs pour éviter d'envoyer les professeurs les moins expérimentés dans les zones les plus difficiles.

M. Patrick Roy. Quels dispositifs ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous critiquez la prime qui est prévue, ridiculement basse à vos yeux. Peut-être, mais convenez avec moi qu'elle existe depuis longtemps et que vous n'aviez rien trouvé de mieux lorsque vous étiez aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne la formation des maîtres, vous recommandez une formation en alternance. C'est exactement ce que le projet propose : accentuer la professionnalisation et allonger la durée d'alternance en cours de formation.

Vous feignez de ne pas comprendre pourquoi nous voulons intégrer à l'université les instituts universitaires de formation des maîtres.

Mme Martine David. Ce n'est pas le problème !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela n'a rien à voir avec les moyens. Au sein des universités, les IUFM conserveront leur spécificité en vertu d'un statut comparable à celui des écoles d'ingénieurs. Mais nous voulons que l'université s'implique dans la formation des maîtres, comme elle le fait dans tous les pays européens,...

Mme Nathalie Gautier. Ce sera la mort des IUFM !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...avec, à la clef, un avantage qui ne vous a sûrement pas échappé : les formations initiales, comme les licences, qui seront proposées aux jeunes qui veulent devenir enseignants, pourront être adaptées à leurs besoins propres. Il y a là un vrai progrès qui ne peut pas être refusé.

Vous suggérez également de former des professeurs bivalents. Vous aurez constaté, à la lecture du projet, que nous prévoyons justement d'avancer dans cette direction, certes modestement, en permettant aux professeurs de l'enseignement professionnel qui sont bivalents d'enseigner au collège. Vous devez savoir, monsieur Ayrault, que cette disposition est loin de faire l'unanimité parmi les organisations syndicales. Vous qui nous avez accusés de ne pas être suffisamment à l'écoute de ces organisations,...

Mme Martine David. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...je salue votre courage sur ce point. Il devrait vous valoir des discussions animées avec elles.

Sur la formation continue, je propose d'étendre aux enseignants le principe du droit individuel à la formation, créé par la loi de 2004, dont vous avez bien voulu rappelé que vous l'aviez votée.

M. Christian Paul. Cette disposition seulement !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous auriez pu vous souvenir qu'il s'agissait d'un des projets de loi que j'avais défendus et que la négociation entre les partenaires sociaux qui avait précédé s'était déroulée sous l'œil vigilant du ministre des affaires sociales de l'époque.

Vous nous proposez ensuite de revoir les parcours scolaires, notamment en rapprochant le CM2 et la sixième, comme le préconisait le rapport Thélot. Nous en avons longuement débattu car cette mesure ne suscite pas non plus l'unanimité des organisations syndicales : certaines d'entre elles y voient un démembrement du collège.

Il est vrai qu'il y a matière à débat. S'agit-il de faire dépendre la classe de sixième de l'école primaire ? Ou, plus simplement, de créer une structure de concertation entre l'école primaire et le collège ? Ou encore d'introduire, comme nous le proposons, des professeurs bivalents en sixième pour réduire le nombre des enseignants qui accueillent les élèves arrivant du CM2 ?

Vous nous invitez à une action de prévention dans le domaine de la santé. Nous envisageons de créer un poste d'infirmière à temps complet dans chaque collège de notre pays, ce qui n'a jamais été fait dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - « Avec quels moyens ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous demandez à ce que tous les élèves, et pas seulement ceux qui sont en difficulté, soient initiés aux métiers. C'est exactement ce que je propose en classe de troisième. Tous les enfants, quels que soient leur niveau et leur filière, consacreront trois heures par semaine à la découverte des métiers, pour leur permettre de préparer leur orientation.

Vous avez ensuite abordé, monsieur Ayrault, la question de l'université, et avec courage. Le constat que vous avez dressé, nous le partageons, même si, reconnaissez-le avec moi, le sujet n'est pas exactement celui que nous allons traiter cette semaine. Il mérite un autre débat et un autre projet de loi.

Il faut engager, vous avez eu raison de le dire, le rattrapage des moyens financiers accordés à notre université. C'est vital ! Mais si l'université française est aujourd'hui dans la situation dans laquelle elle se trouve, admettez que vous avez une grande part de responsabilité. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nathalie Gautier. Et le plan pour l'« université du troisième millénaire » ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Qui est à l'origine du statut actuel des universités françaises ? Qui a chaque fois combattu nos tentatives pour le moderniser ? Vous avez vanté en guise de solution miracle l'expérimentation, la diversification des solutions en fonction des publics. Mais lorsque, en 1993, l'Assemblée nationale a voté un texte qui aurait permis aux universités françaises d'expérimenter de nouveaux modes d'organisation, de nouvelles pédagogies, vous l'avez déféré au Conseil constitutionnel, qui l'a annulé au motif d'inégalité devant le service public. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quelques années plus tard, au moment du vote du statut de la Corse, vous avez été pris à votre propre piège, bloqués à votre tour par une jurisprudence du Conseil constitutionnel dont vous étiez à l'origine.

Oui, monsieur Ayrault, l'université française a besoin d'une réforme ! Nous allons d'ailleurs en proposer quelques éléments dans le projet de loi sur la recherche, en particulier pour créer les pôles d'excellence que vous venez d'appeler de vos vœux. Ils permettront de rassembler dans une même structure des universités, des grandes écoles et des laboratoires. Je compte donc, en particulier pour la préparation du projet de loi sur la recherche, sur le soutien actif du groupe socialiste et de son président. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'agissant de la formation tout au long de la vie, reconnaissez avec moi que, même si nous sommes loin d'avoir obtenu un résultat tout à fait satisfaisant, l'étape principale a été franchie avec le vote de la loi sur la formation professionnelle. Or le mérite en revient à notre gouvernement et à notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je me réjouis que vous nous ayez apporté votre soutien. Mais ne dites pas aujourd'hui que tout soit à inventer !

Enfin, vous nous avez promis une loi de programmation en matière d'éducation. J'y vois une façon d'exercer votre droit d'inventaire à propos de la gestion qui a été la vôtre pendant si longtemps. Jamais depuis vingt ans un ministre de l'éducation nationale de votre majorité n'a pu obtenir une programmation des moyens de l'éducation nationale. Eh bien, en votant le projet de loi avec les amendements que vous propose votre rapporteur, vous introduirez pour la première fois dans la gestion de l'éducation nationale des objectifs de programmation précis.

Mme Martine David. Rien n'est inscrit au budget !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'en viens, monsieur le président, à l'exception d'irrecevabilité, puisque tel était le but de la motion défendue par M. Ayrault.

En réalité, sous couvert d'une argumentation juridique dont je vais démontrer qu'elle est erronée, l'exception d'irrecevabilité tend à dénier au Parlement le pouvoir de se prononcer sur la politique que la nation souhaite pour son école. Or l'école mérite que la loi fixe à intervalles réguliers les principes fondamentaux de son organisation et de ses missions.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les arguments qui ont été invoqués pour contester le projet de loi d'orientation vaudraient d'ailleurs contre toute loi sur l'éducation, à commencer par celle du 10 juillet 1989. L'objectif à peine dissimulé est finalement d'interdire à la majorité de modifier la loi de 1989 en inventant un obstacle constitutionnel. Prise au pied de la lettre, l'argumentation qui a été développée revient à soutenir que ladite loi était contraire à la Constitution, et qu'elle ne peut plus être modifiée puisque toute tentative serait nécessairement entachée du même vice. Je crois être en mesure de vous rassurer : la loi de 1989 était critiquable - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est nécessaire de la modifier -, mais elle n'était pas inconstitutionnelle, comme on voudrait nous le faire croire aujourd'hui pour nous empêcher d'y toucher.

Les arguments juridiques que vous avez en réalité fort peu évoqués, monsieur Ayrault, relèvent simplement du débat politique. Certes, le président de l'Assemblée nationale a raison de vouloir que la loi soit moins bavarde, et le président du Conseil constitutionnel de souhaiter que les lois soient plus normatives. Mais nous avons le devoir de nous interroger sur une interprétation de la Constitution qui aboutirait de facto à priver le Parlement du droit de fixer régulièrement au plus grand service public de la nation à la fois ses objectifs et ses principales règles d'organisation. Je ne crois pas que tel était l'esprit des propos du président de l'Assemblée nationale et du président du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Comme le ministre et comme un grand nombre d'entre nous sur ces bancs, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du président Ayrault, qui dénotent un « repentir actif ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais il s'agit avant tout d'un « repentir tardif ». (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En vous écoutant, monsieur Ayrault, nous sommes en droit de nous demander si, de 1981 à 2002, nous n'avons pas rêvé : durant trois périodes de cinq années consécutives, les socialistes et leurs alliés communistes n'auraient-ils pas été au pouvoir ?

M. Christian Paul. Il vous appartient désormais de faire votre boulot !

M. Guy Geoffroy. La nostalgie n'est décidément plus ce qu'elle était. Vous nous reprochez de cultiver la nostalgie sous prétexte que nous voulons restaurer les vertus cardinales du comportement citoyen, notamment l'autorité. C'est que vous cultivez, quant à vous, la nostalgie de ce que vous n'avez pas su faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La preuve, c'est que vous n'avez pas lu, ou pas voulu lire, au sein du projet de loi, ce que vous prétendez être vos propres propositions.

La vérité éclate enfin : les socialistes croyaient, entre autres domaines, avoir la main sur l'école.

Mme Martine David. Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Guy Geoffroy. Non seulement, ils ne l'ont plus, mais, surtout, ils n'ont plus rien à dire sur l'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C'est pitoyable !

M. Guy Geoffroy. C'est la raison pour laquelle vous refusez de reconnaître, parmi l'ensemble des propositions qui constituent ce projet de loi, celles que vous partagez et qui fondent notre ambition...

Mme Martine David. C'est une ambition limitée !

M. Guy Geoffroy. ...pour ce que vous avez vous-mêmes appelé la fidélité aux missions.

M. Gilbert Biessy. C'est incroyable !

M. Guy Geoffroy. Je souhaite revenir à la commission Thélot, à laquelle vous attribuez tant d'importance. Pierre-André Périssol, Pierre-Christophe Baguet de l'UDF et moi-même avons été aussi fiers d'y représenter l'Assemblée nationale durant treize mois que peinés de votre absence récurrente : vous avez dédaigné la proposition qui vous était faite d'aborder avec tous les Français au fond des yeux et sincèrement l'avenir de l'école, alors même que vous affirmiez y prétendre.

M. Pascal Terrasse. Quelle arrogance, monsieur Je-sais-tout !

M. Guy Geoffroy. Oui, prétendre aujourd'hui que les propositions de la commission Thélot ne se retrouvent pas dans le projet de loi, c'est de votre part vouloir simplement faire oublier que vous ne vouliez pas croire au débat sur l'école et que vous souteniez que l'école n'avait pas à être réformée.

M. Gilbert Biessy. Écoutez le pays ! Il est contre la réforme !

M. Guy Geoffroy. Or, vous avez vous-mêmes reconnu que l'école, à laquelle on demande tout, succombe de devoir répondre à trop d'exigences. Ce sont elles qui ont provoqué son malaise. Pour le soigner, il n'est besoin que d'une réforme cohérente, courageuse et lucide, non d'une réforme qui prétende que tout ce qui s'est fait jusqu'à présent n'a aucune valeur, mais d'une réforme qui, en s'appuyant sur l'existant dans la continuité de l'action publique, permettra demain à l'école de remplir mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui la mission que nous lui assignons et qui est de conduire chaque élève à la réussite à laquelle il a droit.

Aux yeux du groupe majoritaire, aucun des arguments juridiques, au demeurant fort minces, que vous avez avancés pour justifier l'exception d'irrecevabilité, ne tient devant la plus petite explication - le ministre l'a noté. Soutenir que le rapport annexé n'a pas de valeur législative, c'est prétendre que celui de la loi de 1989, conçu exactement dans les mêmes conditions, n'en avait pas davantage. C'est donc faire, quinze ans après, le procès d'une loi que vous n'avez su faire aboutir, notamment sur les SIC ou sur les 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat. Cette loi, nous cherchons simplement à la compléter, à la rendre plus dynamique et à en assurer le succès !

Nous serons fidèles aux missions qui sont les nôtres en examinant, en enrichissant et en adoptant ce projet de loi.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Votre texte est rejeté par tout le monde !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d'entendre des arguments visant à montrer que ce projet de loi serait irrecevable. Mais au nom de quoi serait-il irrecevable de légiférer sur l'école, qui est au cœur de notre nation ? Ce que met en jeu toute réforme de l'école, c'est notre capacité à rassembler tous les jeunes de la nation dans une même citoyenneté.

C'est bien l'école, celle que notre République a fondée il y a plus de deux cents ans sur les principes de liberté, d'égalité et de laïcité, qui seule permet de garantir le vivre-ensemble dont le monde aura le plus grand besoin ! C'est bien l'école républicaine et ses enseignants qui sont à la pointe du combat pour la tolérance et la connaissance.

Notre système scolaire est bon, soyons-en convaincus. L'exemple des pays voisins suffit à nous le montrer. La priorité pour l'école aujourd'hui, ce n'est pas que nous jetions tout à bas, mais que nous fassions fonctionner ce qui existe déjà, en fonction de deux objectifs : lutter contre l'échec scolaire et conforter la légitimité des enseignants au travers de leurs compétences et de leurs méthodes.

Cependant, l'école ne remplit pas aujourd'hui toutes les missions qui sont les siennes. Il est en particulier inacceptable que 25 % de jeunes soient laissés sur le bord de la route et que l'ordre ne règne pas dans les collèges et dans les lycées.

Nous ne pouvons non plus rester passifs devant le grave problème posé par la non-maîtrise de la lecture et de l'écriture : 10 % au moins des élèves connaissent de très grosses difficultés en la matière à leur entrée en sixième. Nous devons mettre en œuvre une politique volontariste et efficace et assigner à notre système éducatif une véritable ambition, afin que chaque élève, quel que soit son milieu d'origine, puisse recevoir les compétences qui, solidement ancrées, serviront de base à sa formation tout au long de sa vie et permettront sa réussite scolaire et personnelle.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, on prétend que ce projet a été bâti dans la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. Or, le grand débat sur l'école n'a pas débouché sur le texte qui nous est présenté aujourd'hui. J'en veux pour preuve la colère de la jeunesse : plus de 100 000 élèves ont manifesté aujourd'hui sur l'ensemble du territoire, en dépit des vacances scolaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les partenaires sociaux dans leur ensemble, ou presque, condamnent également votre texte.

Il est temps de rappeler le martèlement idéologique dans lequel s'est inscrite l'élaboration du projet de loi. Votre prédécesseur, en philosophe suranné, affirmait dans un ouvrage destiné à tous les enseignants que l'école était malade, malade d'une baisse de niveau - mais à quel âge d'or doit-on se référer ? -, d'affrontements communautaires et de violences. Elle serait également malade parce que le savoir et l'autorité n'auraient plus leur place légitime au cœur de la pratique des établissements. Ces maux auraient pour seule origine la volonté de démocratiser l'école, visant à permettre au plus grand nombre d'enfants et de jeunes d'accéder à une culture commune. Une méthode est alors dénoncée, celle qui place l'élève au centre du système éducatif.

À grand renfort d'oppositions binaires, on a assené aux enseignants une rhétorique selon laquelle la tradition, le mérite, l'humilité, le travail, la discipline du corps, la rigueur, l'effort et la loi seraient incompatibles avec l'innovation, le jeu, l'expression de soi, la spontanéité, l'authenticité et le plaisir. Quelles nuances !

Et cette dialectique sauvage ne suffit pas : il faut encore subir vos paradoxes. Vous supprimez des postes dans l'éducation nationale, mais vous prétendez lutter contre la fracture scolaire. Vous affirmez ne pas remettre en cause le collège unique, mais vous proposez d'instaurer une diversification des parcours par la voie de l'alternance. Si je vous comprends bien, ces élèves devraient apprendre à découvrir de nouveaux métiers sans être insérés dans une énième structure de relégation. Quel miracle !

Monsieur le ministre, l'école de demain sera-t-elle encore l'école de la réussite pour tous ? Permettez-moi d'en douter. Votre seul objectif est de réorganiser l'école en vue de l'adapter aux exigences d'employabilité des jeunes et à celles de l'individualisme et du conformisme social.

Servir les projets d'une technocratie libérale européenne déshumanisée et répondre à ses injonctions de réduction de la dépense publique ou rechercher l'épanouissement humain, voilà deux véritables choix de société. Malheureusement, il est trop facile de voir de quel côté votre cœur balance ! Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, j'éviterai les envolées lyriques parce qu'elles dissimulent trop souvent des erreurs ou des mensonges. J'ai ainsi entendu de la part de nos collègues de l'UMP et de vous-même l'erreur que je tiens à réparer et selon laquelle nous n'aurions pas participé à la commission Thélot. C'est totalement faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est totalement vrai, au contraire !

M. Yves Durand. C'est totalement faux !

Ce que nous n'avons pas voulu, c'est croire que la commission Thélot, en raison des conditions qui avaient présidé à sa création, pouvait aboutir à un projet de loi permettant de faire avancer l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après les grands mouvements du printemps 2003, il s'agissait, à nos yeux, d'une façon de calmer le jeu ou d'un simple leurre.

M. Claude Goasguen et M. René Couanau. Jésuites !

M. Yves Durand. La lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre, nous confirme dans ce sentiment : étant donné le décalage existant entre les propositions du rapport Thélot et votre texte, nous n'avions pas totalement tort de penser ainsi.

M. Claude Goasguen. Sophisme !

Mme Martine David. Un écart immense, c'est le moins qu'on puisse dire !

M. Yves Durand. En revanche, nous avions dit à M. Thélot...

M. Jean-Paul Charié. Vous n'étiez pas là !

M. Yves Durand. Si, nous étions là !

...que, si la commission souhaitait connaître les réflexions et les propositions du parti socialiste sur le sujet, nous étions à son entière disposition, ce que nous avons prouvé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si vous avez lu le livre synthétisant les travaux de la commission Thélot, vous aurez pu y trouver les propositions du parti socialiste, ce qui prouve deux choses : premièrement, que nous avons réellement participé aux travaux de la commission ; secondement, que le parti socialiste est porteur d'un véritable projet alternatif pour l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaiterais, monsieur le ministre, revenir sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par Jean-Marc Ayrault.

L'égalité est le principe fondamental de notre Constitution.

M. Claude Goasguen. Et la liberté ?

M. Yves Durand. Or Jean-Marc Ayrault a largement démontré que ce principe était battu en brèche par certaines des mesures de votre projet, en particulier celles qui concernent le collège : en effet, qui dit orientation précoce et sélection avant la fin de la scolarité obligatoire, dit rupture de l'égalité entre les élèves. Cette raison justifie à elle seule l'adoption de l'exception d'irrecevabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais il existe une autre raison. Vous et votre majorité nous annoncez un peu à la dernière minute que cette loi d'orientation serait aussi une loi de programmation. Peut-être me trompé-je, mais vous pourrez certainement me répondre, vous qui êtes apparu, dans votre réponse, si féru de constitutionnalité : pour qu'un projet de loi de programmation puisse être discuté par le Parlement, ne faut-il pas qu'il soit soumis auparavant, pour avis, au Conseil économique et social ? Si donc ce texte est destiné à devenir une véritable loi de programmation, nous devons suspendre nos travaux afin que le Conseil puisse rendre son avis !

En outre, vous dites que votre projet de loi vous donnera l'occasion d'annoncer un certain nombre de mesures financières. Encore faudrait-il que vous en indiquiez le montant !

M. Claude Goasguen. Et c'est un spécialiste qui parle !

M. Yves Durand. Vous avez certes commencé à le faire, mais quelles seront les imputations budgétaires ?

M. François Liberti. Très bonne question !

M. Yves Durand. Nous avons toutes les raisons d'être particulièrement inquiets : pour financer les mesures annoncées, vous commencez par supprimer nombre de dispositifs. L'abandon des TPE en est l'exemple le plus net.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Vous nous avez accusés de ne pas avoir fait de loi de programmation, monsieur le ministre. Mais lorsque nous avons annoncé des progrès pour l'école, tels les plans pluriannuels de recrutement, les classes culturelles APAC ou les zones d'éducation prioritaires, nos annonces étaient accompagnées des budgets et des imputations budgétaires correspondants !

En l'état, vos annonces ne sont pas crédibles. Je demande donc à l'Assemblée, au nom du groupe socialiste, d'adopter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de passer au vote sur l'exception d'irrecevabilité, j'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales se réunira à vingt heures trente pour examiner les amendements déposés au présent projet de loi, en application de l'article 88 de notre règlement.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 241

                    Nombre de suffrages exprimés 241

                    Majorité absolue 121

        Pour l'adoption 71

        Contre 170

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion du projet de loi d'orientation est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2025, d'orientation pour l'avenir de l'école ;

Rapport, n° 2085, de M. Frédéric Reiss, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot