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Première séance du mercredi 9 mars 2005

170e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

FINANCEMENT DE L'HÔPITAL PUBLIC

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, vous avez engagé une réforme du financement de l'hôpital qui porte atteinte à ses missions de service public. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle s'effectue dans une confusion regrettable, déstabilisant complètement la communauté hospitalière. La tarification à l'activité, qui se met en place laborieusement, prévoit une convergence des tarifs entre établissements publics et établissements privés alors que leurs contraintes respectives ne sont pas les mêmes. Le risque est évident : un transfert des crédits de l'assurance maladie du service public hospitalier vers l'hospitalisation privée.

Le 4 mars, vous avez diffusé votre circulaire budgétaire avec deux mois de retard, ce qui rend très difficile la préparation des budgets pour 2005, qui doivent pourtant être présentés aux agences régionales d'hospitalisation avant le 15 mars. De plus, la circulaire prévoit un sous-financement saisissant des hôpitaux en 2005 : la diminution de l'ordre de 1,4 % des moyens provoquera fatalement des reports de charges et des suppressions d'activité.

Concernant les missions d'intérêt général qui font la spécificité de l'activité hospitalière publique, le manque de pilotage clair et l'absence de définition du financement plongent la communauté hospitalière dans une grande perplexité.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de répondre à quatre questions. (« Une seulement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Premièrement, comment comptez-vous financer le simple maintien des moyens des établissements hospitaliers, qui implique mécaniquement un accroissement de 5 % de leur budget ?

Deuxièmement, les engagements de l'État prévus dans les contrats d'objectifs et de moyens seront-ils honorés en 2005 ? Et si oui, sur quels budgets ?

Troisièmement, quel est le montant pour 2005 des moyens transférés du public vers le privé à cause de la convergence des tarifs ?

Quatrièmement, - et ce sera ma dernière question, monsieur le président - quand publierez-vous l'arrêté tant attendu définissant les missions d'intérêt général et les activités contractuelles de l'hôpital, et qui aurait dû l'être, je le rappelle, à l'automne 2004 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille qui trouverait sûrement plus simple de répondre par écrit à toutes vos questions...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, il est vrai que nous avons adressé à toutes les agences régionales d'hospitalisation un cadrage budgétaire le 3 mars dernier.

Nous avons décidé que la tarification à l'activité passerait de 10 % à 25 % cette année.

Ensuite, je crois, et cela m'étonne de votre part, monsieur Claeys, que vous n'avez pas compris le cadrage budgétaire. Les missions d'intérêt général ne seront pas mises sur le compte des tarifs hospitaliers, de sorte que les 4 milliards d'euros affectés aux missions d'intérêt général, qui relèvent des missions du service public hospitalier, ne se retrouvent pas dans les tarifs. Sans doute est-ce la raison pour laquelle vous vous faisiez du souci...

M. Alain Claeys. Ce n'est pas la question !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Je vous rassure tout de suite.

Par ailleurs, n'essayez pas de faire croire qu'il y a un sous-financement des hôpitaux publics alors que la représentation nationale a voté en leur faveur 2 milliards d'euros de plus cette année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sur ces 2 milliards, 360 millions sont consacrés à des plans de santé publique : plan « santé mentale », plan « cancer », plan « maladies rares », plan « périnatalité » et plan « urgences ».

Enfin, je conclus sur les prothèses orthopédiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Depuis vingt ans, les prothèses orthopédiques sont prises sur le budget global, si bien qu'à la fin de l'année, les hôpitaux publics ont le choix entre arrêter de poser des prothèses en novembre ou implanter les prothèses les moins chères possible. J'ai décidé d'enlever ces prothèses du budget hospitalier et des tarifs, ce qui devrait grandement aider les services de chirurgie dans les hôpitaux publics.

Monsieur Claeys, ceux qui ont fait le plus de mal à l'hôpital public sont ceux qui n'y ont pas financé les 35 heures ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française -Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

AVENIR DU PAQUEBOT France

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe UDF.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, la France peut-elle de nouveau abandonner le France ?

Depuis 2003, le navire est à quai en Allemagne et cela fait plusieurs mois que la chambre de commerce et d'industrie de Lisieux se bat aux côtés d'un investisseur privé pour le faire revenir en France, à Honfleur, face au port du Havre où il a tant d'amis. Le Gouvernement a accepté le principe d'un classement partiel du navire en monument historique, et le port autonome du Havre a confirmé sa participation éventuelle. Or les dernières nouvelles sont inquiétantes. Le France risquerait d'être vendu pour devenir un hôtel flottant à Singapour. Cela signifierait qu'il irait directement sur une plage du Sud-Est asiatique pour y être dépecé, cette vente n'étant qu'un prétexte pour que les ferrailleurs puissent contourner les règlements européens sur le désamiantage. Comment accepter une telle perspective ?

Le projet honfleurais représente 45 millions d'euros, dont près des deux tiers ont déjà été trouvés, du travail pour le port de Cherbourg où le France serait aménagé pendant deux ans, et ensuite 600 emplois directs pour le Calvados.

M. le président. Pourriez-vous poser votre question, cher collègue ?

M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre, le France appartient à notre patrimoine national et présente un intérêt économique. Alors, quelles dispositions entendez-vous prendre pour qu'il revienne au pays dont il a porté le pavillon sur toutes les mers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, dès que nous avons appris, l'été dernier, qu'on projetait le retour du France dans notre pays, nous avons proposé notre soutien sur le plan technique - car le projet pose plusieurs problèmes à cet égard - et notre aide aux promoteurs du projet en ce qui concerne l'infrastructure d'accueil. Ainsi, avec le soutien de l'État, des collectivités territoriales et des organismes consulaires, le port autonome de Rouen a prévu des équipements à hauteur de 16 millions d'euros.

Cela étant, nous avons également pris la mesure du coût d'un tel projet : la remise en état du navire se chiffre en centaines de millions d'euros, et la maintenance annuelle en dizaines de millions. C'est la raison pour laquelle, avec l'accord du ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, nous avons pensé à un classement partiel du navire en monument historique, synonyme d'aides fiscales considérables, pouvant aller jusqu'à 50 millions d'euros.

Voilà ce que nous avons fait pour aider ce projet à forte valeur symbolique et qui, comme vous l'avez dit, monsieur le député, peut avoir des répercussions en matière d'emploi. Mais encore faut-il que le projet soit économiquement viable.

Pour vous répondre complètement, il me faut rassurer ceux qui craindraient que le France ne soit vendu à des ferrailleurs de je ne sais quel pays, sans autre forme de procès. Les États européens sont signataires de la convention de Bâle, qui interdit l'exportation de quelque matériel que ce soit qui comporterait des produits polluants. Or, en l'occurrence, le paquebot contient près de 900 tonnes d'amiante. Il faut donc être particulièrement vigilant, et nous le serons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LA COMMISSION EUROPÉENNE ET
LE SECTEUR MUTUALISTE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le Premier ministre, « mettez un terme aux exonérations fiscales en faveur du secteur mutualiste sur les conventions d'assurance pour les risques autres que la maladie », telle est la dernière injonction de la Commission européenne qui, poursuivant inlassablement son travail de sape, veut supprimer « des avantages dénoncés par leurs concurrents assureurs privés ». Faudrait-il pleurer avec eux sur les 25 % de bénéfices supplémentaires d'AXA en 2005, par exemple !

Déjà, en novembre 2001, la Commission européenne avait demandé à la France de mettre fin à une exonération fiscale sur les conventions d'assurance maladie, et le Gouvernement avait répondu favorablement. Déjà, vous aviez transféré une part croissante de la dépense de santé sur les ménages. Allez-vous empêcher les mutuelles, qui représentent 20 % de la couverture santé, de remplir leur œuvre sociale en venant en aide aux plus démunis ? Allez-vous encore céder au dogme libéral de la concurrence sans règle ni entrave, qui inspire la directive Bolkenstein, mais que vous faites mine de rejeter parce qu'elle arrive pour vous au mauvais moment et dévoile crûment ce que la Constitution européenne recèle de menaces ? Si oui, une fois encore, les simples citoyens débourseront plus et les assureurs privés, après avoir élargi leurs parts de marché et engrangé de plus gros bénéfices, distribueront de copieux dividendes aux actionnaires.

Dumping social, dumping fiscal, délocalisations, suppression des services publics, c'est toujours la même Europe libérale qui veut maintenant asphyxier les mutuelles si utiles à nos concitoyens. Et rien, dans le traité portant constitution européenne, n'est de nature à nous rassurer, bien au contraire !

M. le président. Votre question, mon cher collègue ?

M. Jacques Desallangre. Monsieur le Premier ministre, allez-vous vous plier à la nouvelle injonction de la Commission européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, il est évident que nous n'avons absolument aucune leçon à recevoir sur les mutuelles et les organismes complémentaires. (« Ce n'est pas une réponse ! » sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je suis en train de vous répondre, mais, puisque vous avez fait croire la semaine dernière que l'augmentation des tarifs des organismes complémentaires était due à l'assurance maladie, (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) permettez-moi de saisir l'occasion de votre question pour vous démentir. Je l'ai dit, et je le répète devant la représentation nationale, il n'y a aucune raison que la réforme provoque une augmentation des assurances complémentaires. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le dire, il y a aussi le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie auquel participent des parlementaires, dont certains appartiennent à l'opposition. Les principaux représentants des organismes complémentaires, dont la Mutualité française, se sont accordés sur une augmentation de 5 %, mais la réforme de l'assurance maladie ne s'accompagne d'aucun transfert du régime obligatoire vers les régimes complémentaires.

Il ne faudrait pas que certains organismes complémentaires fassent comme les présidents de région socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui augmentent les impôts en prétextant des transferts qui n'existent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Desallangre. Vous n'avez pas répondu à ma question !

bilan de la loi Perben II

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, pour le groupe UMP.

M. Maurice Giro. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, voici maintenant un an que nous avons discuté et adopté la loi d'adaptation de la justice aux évolutions de la délinquance et de la criminalité, dite loi Perben II.

Depuis 2002, le Gouvernement a engagé une politique résolue contre la délinquance, le crime organisé et l'insécurité au quotidien. Les résultats se font sentir, les statistiques régulièrement rendues publiques en témoignent. La volonté de restaurer l'autorité de l'État et de donner les moyens aux équipes de sécurité devait nécessairement s'accompagner d'une évolution de notre législation tant au niveau des procédures qu'au niveau des dispositifs juridiques à la disposition des policiers et des magistrats, afin de lutter efficacement contre toutes les formes de délinquance.

Pourtant, le texte qui porte votre nom, monsieur le ministre, a été, c'est le moins que l'on puisse dire, très critiqué. Certains qui l'ont décrit comme inapplicable, y voyant même une menace pour les libertés individuelles, promettaient qu'il tomberait rapidement dans l'oubli.

Alors, monsieur le garde des sceaux, qu'en est-il de ces prédictions et de l'application de cette loi ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Maurice Giro, vous avez raison de rappeler la volonté du Gouvernement et de la majorité de lutter contre toutes les formes de criminalité et de restaurer l'autorité de l'État et la sécurité de nos concitoyens.

La loi que la majorité a votée l'année dernière, en dépit des critiques que vous avez rappelées, est désormais appliquée : elle fonctionne et elle est efficace.

En effet, huit nouvelles juridictions consacrées à la lutte contre la criminalité organisée, souvent de dimension internationale, ont été mises en place, soixante-dix-sept magistrats, assistés dans leurs tâches par 150 fonctionnaires, ont été nommés et près de 130 dossiers de grande criminalité ou de délinquance financière importante attendent d'être traités dans le cadre de ces juridictions qui fonctionnent.

Nous avons également fourni aux magistrats, aux policiers et aux gendarmes les nouveaux moyens prévus, que vous avez rappelés : les techniques d'infiltration ont déjà été utilisées deux fois dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris pour lutter contre d'importants trafics de drogue et la « sonorisation » l'a été dans un cas de trafic d'armes. Démonstration est faite qu'il convient de lutter avec des moyens adaptés contre un type de criminalité très professionnelle.

Face à une délinquance plus quotidienne, nous avons instauré la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité, appelée également « plaider coupable ». Elle fonctionne : 130 juridictions sur 180 l'utilisent et près de 5 000 dossiers ont déjà été traités de cette façon. Cela signifie que ceux-là même qui, à l'époque, ont critiqué l'adoption de cette procédure l'utilisent aujourd'hui.

Enfin, la loi que vous avez votée, dans le cadre de la lutte contre la pollution maritime, après la scandaleuse affaire du Prestige, nous a permis d'arraisonner dix-sept bateaux et de faire prononcer des peines d'amendes très dissuasives. Là encore, la sécurité de nos concitoyens a été renforcée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe UMP.

M. Daniel Garrigue. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'appartenance à la zone euro est un élément fort de solidarité et d'aucuns ajoutent même de sécurité et de relatif confort pour les États qui ont adopté la monnaie unique. Mais elle les soumet à certaines exigences, qui ont été définies par l'article 104 du traité de Maastricht et précisées dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance de 1997.

Or, nous le savons, la mise en œuvre de celui-ci a soulevé de sérieux problèmes : le critère du déficit a été privilégié par rapport à celui de l'endettement et, de plus, l'application du pacte a été faite souvent de façon trop rigoriste, trop automatique, voire, si l'on en croit un ancien président de la Commission européenne, « sans intelligence ».

C'est la raison pour laquelle une démarche commune a été engagée, associant la Commission et le Conseil européen, en vue de réviser les modalités de mise en œuvre du pacte. La France, par la voix du Président de la République et par celle du Premier ministre, a fait des propositions...

M. le président. Monsieur Garrigue, je vous prie de poser votre question.

M. Daniel Garrigue. ...tendant à mieux prendre en compte les objectifs du pacte, certaines réalités et certaines catégories de dépenses, considérées comme plus vertueuses que d'autres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Cela ne marche pas !

M. Maxime Gremetz. La question !

M. le président. Monsieur Gremetz, je ne vous ai rien demandé !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, vous avez participé, ces deux jours derniers, au Conseil Ecofin qui doit préparer la révision des modalités d'application du pacte.

M. Augustin Bonrepaux. La question !

M. Maxime Gremetz. Cela suffit !

M. Daniel Garrigue. Pouvez-vous nous dire, par-delà les appréciations souvent pessimistes que nous lisons dans la presse aujourd'hui, où en sont les discussions avec vos collègues ministres des finances et quelles sont les chances d'aboutir à un accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'industrie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député Daniel Garrigue, vous avez raison de souligner l'importance de la refonte du pacte de stabilité à la veille des grandes échéances européennes. Au cours des cinq dernières années, vous avez pu le constater puisque vous êtes un expert (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jean Glavany. Ça commence mal !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ce pacte a été appliqué de façon beaucoup trop rigide et il n'a pas su tenir compte des différences entre les États membres.

La réforme est, aujourd'hui, en bonne voie. Trois éléments sont à prendre en considération : le premier consiste à rendre plus vertueux les pays en haut de cycle et, pour les pays en bas de cycle, à tenir compte des disparités. Sur ce point, les douze ministres de l'économie et des finances de la zone euro sont parvenus à un accord.

Le deuxième élément concerne les dépenses structurelles liées à certaines réformes, notamment de la santé et des retraites. Il convient d'en tenir compte dans l'appréciation générale par rapport au taux de référence de 3 %. Là également, l'accord me paraît acquis.

Le troisième élément concerne les dépenses spécifiques. Nous devons nous interroger sur l'Europe que nous voulons. («  Bravo ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. On ne saurait mieux dire !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voulons-nous une Europe tournée vers l'avenir et vers les autres ? Le Président de la République a répondu oui à cette double question. Une Europe tournée vers l'avenir, c'est une Europe qui intègre la stratégie de Lisbonne favorisant les dépenses d'investissement, notamment en faveur de la recherche et de l'innovation.

Une Europe tournée vers les autres, c'est une Europe qui sait tendre la main aux pays les plus défavorisés...

M. Albert Facon. Il n'y a rien dans la main !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et se projeter sur le théâtre des opérations extérieures lorsqu'elle y est appelée. J'ai plaidé au cours de la réunion de l'Eurogroupe pour que de telles dépenses soient prises en compte. Certains États membres nous soutiennent. J'ai donc bon espoir que nous arrivions à un consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

TOURISME

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe UMP.

Mme Claude Greff. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au tourisme.

Monsieur le ministre, l'activité touristique est un secteur économique très important, pour mon département, l'Indre-et-Loire, mais c'est surtout un des secteurs économiques les plus importants pour la vitalité et le dynamisme de la France. Or, cette activité est particulièrement sensible à la situation internationale et de plus en plus soumise à la concurrence qui s'est développée dans ce domaine.

Les nombreux événements sanitaires, géopolitiques et économiques des dernières années ont fortement déstabilisé le monde et ont eu des conséquences immédiates sur le tourisme. Ainsi, en 2003, l'attentat survenu à Bali deux ans après le drame du World Trade Center n'a fait que renforcer la tendance au ralentissement du tourisme. Toutes les destinations sont concernées, notamment la France.

Depuis deux ans et demi, face à l'inquiétude qui a frappé un grand nombre de nos concitoyens et aux incertitudes qui pèsent sur le secteur, le Gouvernement a réagi en faisant résolument le choix de dégager des solutions pérennes pour le tourisme. À cet effet, depuis 2002, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a présidé deux comités interministériels (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), indispensables pour engager des réformes dans l'activité touristique. De plus des assises nationales ont été organisées, pour la première fois en 2003,...

M. le président. Je vous prie de poser votre question, madame.

Mme Claude Greff. ...et le 1er décembre dernier.

L'Organisation mondiale du tourisme estime que l'année 2004 a été plus positive et que 2005 devrait être une année de consolidation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser le bilan de l'année écoulée et nous présenter la stratégie à long terme dans laquelle le Gouvernement désire s'engager, stratégie qui doit tenir compte notamment de la qualité de l'offre touristique ...

M. le président. Je vous prie de terminer votre question, madame.

Mme Claude Greff. ...et du soutien à la compétitivité et à l'attractivité de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Loncle. Il ne s'agit pas d'une question !

M. le président. Monsieur Loncle, je ne vous ai rien demandé !

La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame la députée Claude Greff, je souhaite vous livrer quelques éléments essentiels du bilan de l'activité touristique en 2004.

Les flux touristiques ont progressé, vous l'avez rappelé, de 10 % dans le monde mais seulement de 4 % en Europe. Alors que le contexte international est de plus en plus concurrentiel, et en dépit des nombreux aléas politiques, sanitaires et économiques, nous avons stoppé la chute commencée depuis deux ans et nous avons réagi - vous l'avez également rappelé - dans le cadre des comités interministériels présidés par Jean-Pierre Raffarin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Il faudrait en réunir toutes les semaines !

M. le ministre délégué au tourisme. Un grand nombre de mesures ont été prises : nouveau plan « marketing », en vue de promouvoir à l'étranger la destination France, plan « qualité France », pour rehausser le standard de nos prestations et, dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme, création d'Audit France.

Les premiers effets observés cette année sont les suivants : arrêt de la baisse de la fréquentation touristique - cette année, plus 100 000 touristes -, retour des clients long courrier à haute contribution financière - je pense évidemment aux Américains, plus 7 %, et aux Japonais - et, depuis le 1er septembre dernier, arrivée des Chinois en tant que véritables touristes. Je tiens également à signaler la reprise dans les départements d'outre-mer : plus 5 % de fréquentation touristique, grâce au plan que Brigitte Girardin et moi-même avons mis en place.

De plus, les résultats des entreprises sont encourageants : hausse de 3,9 % du chiffre d'affaires des agences de voyage liée à l'augmentation du nombre de déplacements des Français à l'étranger - plus 16 % -, progression du taux d'occupation de l'hôtellerie homologuée, surtout le haut standard, et forte progression de l'hôtellerie-restauration en termes de création d'emplois.

Tels sont, madame la députée, les éléments d'information que je souhaitais vous livrer. Je vous remercie de votre question. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô !

M. le ministre délégué au tourisme. Elle me permet en effet d'affirmer que nous sommes sur la bonne voie. L'année 2005 est aussi celle de la candidature de Paris aux Jeux olympiques pour 2012. Autant dire que c'est une année importante. Ce sera une chance supplémentaire pour le tourisme, lequel est, ne l'oublions pas, la première industrie de France : elle rapporte 60 000 euros à la minute tout en créant 30 000 emplois par an. Le tourisme, c'est un petit budget qui rapporte gros ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ÉCOLE

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le groupe socialiste.

Mme Hélène Mignon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, hier les lycéens ont de nouveau manifesté pour demander une autre loi sur l'école. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'avez su, monsieur le ministre, que leur fermer la porte une nouvelle fois. Ils seront sans doute demain encore dans la rue

Votre projet de loi, ajouté à la suppression de postes que vous êtes les seuls à trouver logique, a de quoi les rendre inquiets. Les jeunes ont peur de l'avenir (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), non pas, comme vous voudriez le laisser croire, par manque d'ambition ou perte d'esprit d'initiative, mais parce que leur horizon est bouché.

La suppression de certaines matières et de certaines filières et les effectifs pléthoriques de nombreuses classes sont loin d'être porteuses d'avenir. Ne pouvant construire une vie personnelle et professionnelle dans les meilleures conditions, ils sont inquiets.

Oui, lorsqu'ils examinent les chiffres du chômage, qui frappe un Français sur dix, les jeunes sont inquiets pour leur avenir puisqu'ils sont les plus touchés et les plus fragiles.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est de votre faute !

Mme Hélène Mignon. Chacun d'entre eux se demande quelle sera sa place dans la société : contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, temps partiel, travail temporaire avec le risque de devenir un travailleur pauvre ? La France a la plus mauvaise politique de l'emploi des pays développés, et c'est à votre gouvernement qu'on le doit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous êtes responsables !

Mme Hélène Mignon. Devant l'insuffisance des crédits de la recherche, qui les conduit à constater le manque d'ambition du Gouvernement en la matière, ils sont inquiets. Devant le droit du travail mis à mal, ils sont inquiets. Devant la diminution du nombre de postes mis au concours dans les administrations, ils sont inquiets. Devant les difficultés à se loger et l'impossibilité de quitter leurs parents, ils sont inquiets.

Monsieur le Premier ministre, quel projet de vie leur offrez-vous après trois ans de pouvoir ? Allez-vous enfin tenir compte des revendications dont ils sont porteurs (« Non ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et engager avec les partenaires de l'éducation de réelles négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, ce n'est pas l'immobilisme qui permettra de répondre aux inquiétudes de la jeunesse de notre pays, c'est la réforme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La France a besoin de réformes : elle le sait et, dans le même temps, elle les craint. Elle les craint parce qu'on lui a trop longtemps expliqué qu'elle pourrait les éviter et s'adapter sans effort à l'évolution du monde. Le discours tenu a été trop longtemps un discours anesthésiant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est l'honneur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin que de définir la ligne de l'intérêt général, en écoutant toutes les revendications, en étant attentifs à tous les mouvements de protestation, mais en refusant de privilégier systématiquement les plus bruyants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

C'est l'honneur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir voulu réformer l'école en définissant enfin des priorités éducatives pour lutter contre l'échec scolaire, qui est la raison principale du taux de chômage particulièrement élevé des jeunes dans notre pays.

Cette réforme a été votée par l'Assemblée nationale la semaine dernière. Elle sera examinée la semaine prochaine par le Sénat. Il reviendra ensuite au ministre de l'éducation nationale, en concertation avec tous les partenaires sociaux, y compris les organisations de lycéens, de rédiger les textes réglementaires qui permettront de l'appliquer dès la rentrée prochaine.

M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Comme vous le voyez, madame la députée, la détermination du Gouvernement est totale, tout simplement parce qu'en réformant il fait son devoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONSTRUCTION DE LOGEMENTS

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe UMP.

M. Jacques Le Nay. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous annonciez une augmentation de 20 % du nombre de logements construits entre 2002 et 2004.

M. Alain Néri. Baratin !

Un député du groupe socialiste. Et combien de duplex ?

M. Jacques Le Nay. Tout le pays ne peut que se féliciter avec le Gouvernement de ces bons résultats. Il nous faut poursuivre cet effort tous ensemble, en lien étroit avec les maires, qui ont la charge de délivrer les permis de construire. Et là, monsieur le ministre, nous avons besoin de vous.

Nos concitoyens veulent construire : construire sa maison est souvent le projet de toute une vie. Mais, au moment de concrétiser leur rêve, ils se heurtent à un droit de l'urbanisme très complexe, dont les modalités d'application sont parfois peu compréhensibles et peu comprises.

Nos concitoyens bâtisseurs ont tout d'abord à choisir entre douze types d'autorisation différents, du permis de construire à la déclaration de clôture, de la déclaration de travaux à celle qu'il faut effectuer pour les travaux « en périmètre de restauration immobilière », et j'en passe ! Ensuite, ils constituent leur dossier et le déposent en mairie. Puis - grand mystère ! - ils attendent patiemment une réponse du service instructeur. Certains se verront notifier un délai de trois mois, mais recevront au bout de deux mois et trois semaines un avis pour dossier incomplet !

Cette étape franchie, si leur projet n'est pas parfaitement conforme au plan local d'urbanisme, à la carte communale, ou encore au règlement national d'urbanisme, ils recevront souvent une simple lettre les informant que le projet de leur vie, la maison de leurs rêves, a reçu un avis défavorable pour des problèmes de hauteur de faîtage ou d'implantation de bâtiments !

Ma question est simple, monsieur le ministre. Nos concitoyens veulent participer à l'effort de construction : que comptez-vous faire pour les aider ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez deux fois raison, monsieur Le Nay. Oui, nous sommes passés de 300 000 mises en chantier par an quand la gauche était au pouvoir à 362 887...

M. Gérard Charasse. Et demie !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. ...en 2004. Ce sont 40 000 de plus que les objectifs fixés par l'INSEE, 40 000 emplois créés et 900 000 personnes mieux logées.

Mais vous avez également raison de souligner les handicaps dont nous souffrons : les services instructeurs se trouvent engorgés, si bien qu'il est très difficile aujourd'hui de faire instruire un dossier de permis de construire.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a pas assez de personnel !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. L'urbanisme est une matière difficile. Nous avions déjà apporté des simplifications dans la loi Urbanisme et habitat, qui a relancé le logement : nous voulons maintenant aller plus loin et passer d'une culture du contrôle à une culture du conseil, de l'assistance à l'acte de construire.

À titre d'exemple, nous sommes en train de préparer une ordonnance pour faire passer de douze à trois le nombre d'imprimés relatifs aux actes de construction. Neuf imprimés seront donc supprimés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Par ailleurs, certaines DDE fonctionnent bien, d'autres moins bien. J'organise actuellement des rencontres pour que celles qui abritent les meilleurs centres de ressources fassent profiter les autres de leur expérience.

Nous allons aussi réduire à un mois le délai durant lequel les services instructeurs pourront réclamer des pièces supplémentaires au maître d'ouvrage.

M. Albert Facon. Mais vous n'avez plus de personnel ! C'est l'anarchie !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Enfin, nous allons mettre à profit les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour obtenir une parfaite traçabilité des dossiers et permettre ainsi au maire comme au maître d'ouvrage de savoir exactement où en est tel dossier à l'instant t. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MÉTIERS DU GRAND ÂGE

M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet, pour le groupe UMP.

Mme Marcelle Ramonet. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État aux personnes âgées.

Madame la secrétaire d'État, en 2020, la France comptera 27 % de personnes de plus de soixante ans. Cette évolution se traduit par un besoin croissant de professionnels pour s'occuper des personnes âgées à leur domicile ou dans un établissement. Les solutions apportées au problème de la dépendance seront un enjeu majeur pour la qualité de vie de nos aînés.

Pour répondre à ce besoin, vous avez lancé lundi la campagne des métiers du grand âge, dont l'objectif est de revaloriser et de développer les métiers au service de la vie tels que les professions d'infirmier, d'aide-soignant, d'aide à domicile ou encore d'aide médico-psychologique.

Les métiers du secteur des personnes âgées sont diversifiés et intéressants. Les formations sont nombreuses et les perspectives d'évolution existent. Je peux mesurer chaque jour dans ma circonscription le rôle de ces métiers tournés vers les personnes âgées, qui exigent à la fois des aptitudes professionnelles et des qualités humaines d'écoute et de dialogue. Votre volonté de développer et de revaloriser ces professions au service de nos aînés va dans le bon sens et répond aux attentes qui existent sur le terrain.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer quelles sont les principales mesures que vous avez décidé de prendre ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes âgées.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'État aux personnes âgées. Vous avez raison, madame le député. (« La ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Aujourd'hui, une famille sur trois est concernée par une question liée au grand âge : c'est dire s'il convient d'équiper notre pays pour aider nos concitoyens à faire face à la perte d'autonomie, que ce soit en établissement ou au domicile. Il faut équiper, accompagner, former.

Pour que des jeunes qui choisissent leur métier ou des personnes qui envisagent une reconversion professionnelle puissent s'engager dans ces domaines, il faut les leur faire connaître. C'est l'objet de la campagne que j'ai lancée : mettre en avant les métiers tournés vers le grand âge, qui sont des métiers au service de la vie. Dans les trois prochaines années, plus de 70 000 emplois seront créés dans ces secteurs, et ce grâce au fruit du travail des Français : cette journée de solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) nous permettra de créer des places dans les établissements ou d'offrir aux personnes âgées un accompagnement à leur domicile.

Voilà pourquoi il faut aider dès à présent les jeunes à se diriger vers ces métiers, tant par la formation initiale que par la valorisation des acquis de l'expérience. Une plateforme sera mise en place et un numéro de téléphone, le 0845042042, permettra d'obtenir des informations. Une semaine consacrée aux métiers du grand âge sera organisée du 9 au 15 mai, ainsi qu'une journée portes ouvertes le 11 mai dans les établissements et dans les services de soins.

M. Albert Facon. Et les services qui ferment ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes âgées. Nos concitoyens pourront voir les possibilités qui s'offrent à eux. C'est ainsi que, ensemble, nous répondrons aux défis de la longévité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CHIFFRES DE LA DÉLINQUANCE

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Ma question d'adresse à M. le ministre l'intérieur.

L'Observatoire national de la délinquance vient de rendre public son premier rapport annuel, lequel témoigne d'un travail considérable et ouvre de nombreuses pistes de recherche, notamment dans la connaissance des violences faites aux femmes.

S'agissant de la réalité de la délinquance et de sa mesure, je retiens deux enseignements.

Premièrement, la nécessité de compléter les statistiques de police et de gendarmerie par d'autres outils statistiques, car celles-ci ne peuvent à elles seules rendre compte de la réalité de la délinquance. L'Observatoire le dit très clairement.

Deuxièmement, la confirmation des carences de l'outil statistique de la police et de la gendarmerie, et notamment du chiffre communiqué mensuellement par le ministre de l'intérieur. Selon le rapport, « il est très difficile d'interpréter le chiffre total donné par l'état 4001 comme une indication sur l'évolution générale de la délinquance, tant en raison de ses lacunes que par sa construction elle-même ». Ce chiffre et son évolution, livrés chaque mois par le ministre de l'intérieur comme mesure de la délinquance, sont donc très contestables. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Mais la délinquance baisse réellement !

M. Christophe Caresche. L'Observatoire national de la délinquance s'impose aujourd'hui comme une autorité incontournable pour collecter et analyser les statistiques de la délinquance : il faut s'en féliciter, sur quelque banc que l'on siège. La question est désormais de savoir si peuvent coexister durablement deux sources d'information sur la délinquance, le ministère d'une part et l'Observatoire d'autre part, sachant que la seconde émet des critiques sur la première À l'évidence, il faudra franchir une nouvelle étape en confiant à l'Observatoire la pleine et entière responsabilité de la communication sur les chiffres de la délinquance. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave. Et pourquoi ne l'avez-vous pas fait vous-mêmes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, on se demande parfois si nous ne sommes pas en pleine schizophrénie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Si vous le dites !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'Observatoire de la délinquance a été créé par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin...

M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...et, dans le cadre des services du ministère de l'intérieur, par Nicolas Sarkozy. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons d'ailleurs sollicité votre expertise, monsieur Caresche, et nous vous en remercions. Je n'accepte pas de polémique sur les statistiques alors que, je l'ai dit, nous nous engageons sur la vérité des faits et des chiffres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Parlez-nous plutôt de l'échec de votre politique !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ne cachons pas la vérité aux Français : que l'expert que vous êtes, monsieur Caresche, ne s'abrite pas derrière l'homme politique !

La vérité, c'est que la délinquance n'a cessé de baisser depuis trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et qu'elle a connu en 2004 sa plus forte baisse.

M. Julien Dray. Qu'avons-nous vu hier dans les rues de Paris ? Et dans les banlieues ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Elle reste un enjeu national, car nous entendons bien faire baisser les violences contre les personnes. Je remercie l'Observatoire de la délinquance d'avoir, à ma demande, fait des propositions que j'ai acceptées en comptabilisant aussi bien les actes que les menaces. En 2004, les violences contre les personnes ont été stabilisées à 0,7 %. Sur les deux premiers mois de l'année 2005, elles baissent de plus de 2 %. Telle est la réalité !

M. Jean Glavany. Vous ne répondez pas à la question !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai demandé à l'Observatoire, dans le cadre des services du ministère de l'intérieur - dont vous connaissez la contribution à votre rapport ! -, de nous faire de nouvelles propositions. En acceptant cette exigence de clarté, je vais dans votre sens. Travaillons au service des Français pour répondre à une grande exigence nationale ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche.

Le Premier ministre s'est engagé à faire de la recherche une priorité pour notre pays. Cet engagement a d'ores et déjà été tenu pour 2005 par l'augmentation sans précédent d'un milliard d'euros des moyens publics destinés à la recherche.

La toute nouvelle Agence nationale de la recherche est chargée de financer, en toute transparence, les meilleurs projets de recherche sur les thématiques prioritaires.

Monsieur le ministre, vous avez souhaité que cette agence soit bien ancrée sur nos organismes de recherche et soit rapidement opérationnelle afin que les premiers laboratoires retenus puissent bénéficier, dès la fin du premier semestre 2005, des financements des premiers appels à projets.

Cette agence suscite un formidable espoir au sein de la communauté scientifique. Elle va dans le bon sens et nous vous en remercions. Mais elle suscite aussi des réflexions. Ses financements ne risquent-ils pas d'être détournés au profit d'une recherche trop finalisée, au détriment de la recherche fondamentale ? Les crédits récurrents des laboratoires ne risquent-ils pas de s'amenuiser ?

Nos chercheurs manifestent une certaine inquiétude. Pouvez-vous, monsieur le ministre, donner à la représentation nationale des détails complémentaires sur cette agence, afin de rassurer la communauté scientifique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, vous avez souhaité que l'Agence nationale de la recherche, qui vient d'être créée, soit très rapidement opérationnelle. Son conseil d'administration s'est réuni hier et a décidé d'un programme pluriannuel de 700 millions d'euros, ce qui représente le triple des crédits incitatifs accordés auparavant aux laboratoires publics.

Vous souhaitez également que cette agence concerne l'ensemble de la communauté scientifique. Ce sera le cas, puisque 30 % des crédits seront consacrés aux « projets blancs » émanant des laboratoires et permettant de réaliser concrètement des recherches sur de nouvelles pistes.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le ministre délégué à la recherche. Vous souhaitez enfin que la recherche publique ait sa part. Celle-ci représentera 75 % des crédits de l'agence et permettra de financer en même temps les réseaux technologiques.

Cette agence est un atout pour la recherche française et son avenir.

D'abord, c'est une agence de moyens, finançant des projets, à l'instar de ce qui existe en Allemagne et en Angleterre.

Ensuite, ce seront des moyens supplémentaires pour les laboratoires, moyens qui viendront s'ajouter à leurs « crédits de base ».

Enfin, 50 % de la programmation de cette agence seront consacrés à la recherche fondamentale, dont nous connaissons le rôle dans le fonctionnement, la réactivité et la qualité de l'outil de recherche, (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EXONÉRATION DE CHARGES DES MAÎTRES D'APPRENTISSAGE

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe UMP.

M. Jean-Jacques Gaultier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

L'article 130 de la loi de finances pour 2005 prévoit la suppression de l'exonération de cotisations sociales patronales dès l'obtention du diplôme par l'apprenti, avant même la fin du contrat d'apprentissage. Cela constitue un frein pour cette filière, par ailleurs encouragée par le Gouvernement. Une telle mesure pénalise en effet les maîtres d'apprentissage et neutralise les crédits d'impôt dont ils bénéficiaient jusqu'alors.

Il faut pourtant ne pas alourdir les charges qui pèsent sur les entreprises très impliquées en matière de formation des apprentis dans des domaines très variés comme la restauration, l'hôtellerie, la coiffure, le bâtiment, pour n'en citer que quelques-uns, et ne pas compromettre la formation en alternance qui s'avère une véritable priorité en matière d'emploi.

J'aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement. Comment adapter cette mesure en conciliant les intérêts de chaque partie, et ce de la manière la plus équitable ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Après nos collègues Christ, Fourgous, Dassault et Thomas, vous appelez l'attention du Gouvernement, monsieur Gaultier, sur les difficultés de mise en oeuvre de l'article 130 de la loi de finances pour 2005.

Cet article prévoit que l'exonération de charges financée par l'État pour les apprentis s'arrête au diplôme. La logique est évidente : cette exonération est destinée à compenser les frais engagés par l'entreprise pour accueillir le jeune en formation.

De nombreux chefs d'entreprise ont souligné les difficultés pratiques et concrètes de mise en œuvre de cet article : problèmes de « paperasserie », de computation, démarches supplémentaires. Averti, le Premier ministre a souhaité qu'avec Christian Jacob nous puissions consulter les organismes consulaires et les organisations patronales.

D'ici à la fin du mois, nous demanderons, avec Jean-Louis Borloo, à l'ACOSS - agence centrale des organismes de sécurité sociale - de suspendre l'application de cet article en attendant, en mai ou juin, une régularisation de la situation par la loi sur les entreprises. Nous vous proposerons, par voie d'amendement gouvernemental, de prolonger l'exonération de charges jusqu'au terme du contrat de travail, au-delà du diplôme. C'est, de notre point de vue, le meilleur moyen de donner toute sa portée au plan de cohésion sociale qui prévoit plus de 600 millions d'euros de « bonnes nouvelles » - crédit d'impôt aux employeurs, exonération d'impôt pour les apprentis et leur familles, fonds national de modernisation et de développement de l'apprentissage. Il n'est pas question de freiner cette ambitieuse politique par des problèmes administratifs.

Nous vous demanderons de trancher cet été en ce sens, sur arbitrage du Premier ministre.

MARCHÉ DU PÉTROLE

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous savez que pendant l'année 2002, le prix moyen du baril de pétrole était de l'ordre de 26 dollars ; en 2003, il était de 31 dollars ; en 2004, de 41 dollars ; aujourd'hui il est de 55 dollars. Et j'ai de bonnes raisons de croire que cette hausse se poursuivra.

Première raison, d'ordre économique : depuis l'année dernière, on assiste à une demande structurellement supérieure à l'offre. Le manque relatif de pétrole, face à la demande des consommateurs, qu'ils soient asiatiques ou occidentaux, ne peut qu'augmenter. Cette raison est nouvelle. Les chocs de 1973 et de 1979 étaient politiques.

Deuxième raison, nous allons très rapidement être confrontés à un choc géologique, en raison du dépassement du pic de Hubbert, c'est-à-dire le déclin de la production intrinsèque de pétrole. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On aura beau ouvrir le robinet, il en coulera moins !

M. Bernard Deflesselles et M. Jean-Claude Lenoir. Vive le nucléaire !

M. Yves Cochet. Troisième raison : depuis le 11 septembre 2001, nous sommes entrés dans un monde où se multiplient les attentats, les sabotages et les guerres. On sait très bien que la guerre d'Irak n'a pas été déclenchée parce que Saddam Hussein était un dictateur ou qu'il détenait des armes de destruction massive, mais parce qu'il avait du pétrole ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Cochet, posez votre question !

M. Yves Cochet. Cette situation me semble extrêmement grave. Monsieur le ministre, partagez-vous mon analyse de la situation mondiale et de la crise énergétique dans laquelle nous nous trouvons ? A partir de quand, selon vous, le déclin de production pétrolière se fera-t-il sentir ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Devant cette situation à la fois inéluctable et dramatique, que propose le Gouvernement ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il est vrai que la France importe à peu près la moitié de son énergie : 141 millions de tonnes équivalent pétrole sur 266. Il est vrai qu'au cours des douze derniers mois, le prix du baril a progressé de 32 % alors que le dollar a baissé de 8,8 %. La facture énergétique de la France, en 2004, a donc atteint 28 milliards d'euros.

Le Gouvernement n'a pas attendu pour réagir. En 2003, par le biais du Livre blanc sur l'énergie, il a pris plusieurs décisions, que je rappelle.

Trois grandes voies ont été tracées : un mixte énergétique d'abord, avec le nucléaire (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

M. Yves Cochet. Non !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ... l'hydraulique et les énergies renouvelables.

Je rappelle que l'ambition du Gouvernement est qu'à l'horizon 2010, 21 % de notre électricité soient produites à base d'énergies renouvelables. Les investissements nécessaires sont faits.

Ensuite, une politique vigoureuse d'information par le biais de l'ADEME, ...

M. Jean Glavany. Dont les crédits baissent !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui commence à donner les résultats que l'on peut voir tous les jours.

Enfin, une action dans le domaine des transports a été menée. Ceux-ci, je le rappelle, consomment 50 millions de TEP. Pour la première fois, en 2004, on a assisté à une baisse de la consommation de carburant par les automobiles.

Le Gouvernement prend donc les bonnes décisions. Au lieu de réduire les investissements, il fait des choix. On commence à en voir les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard-Kunstler.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Explications de vote et vote par scrutin public d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, du projet de loi de sauvegarde des entreprises (n° 1596).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public en application de l'article 65, alinéa 1, du règlement.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, les travaux menés depuis huit jours devant votre assemblée ont été d'une grande qualité. Ils nous ont permis de bâtir un droit moderne et efficace des procédures collectives. Je veux très sincèrement vous en remercier. Ces remerciements s'adressent, bien sûr, au premier chef à M. Clément, président de la commission des lois, à M. de Roux, votre rapporteur, et à M. Chartier, votre rapporteur pour avis. Vous avez abordé ce projet de loi forts des très importants travaux effectués au sein de la mission d'information sur le droit des sociétés, puis des auditions nombreuses réalisées à l'occasion de ce texte. Rarement une telle action préparatoire aura été ainsi conduite. Cette action a rejoint celle que j'avais engagée depuis deux ans pour élaborer cette réforme. Je suis heureux de voir que nous partageons totalement les lignes directrices de celle-ci.

Le droit actuel inspire de la crainte aux salariés et aux chefs d'entreprise. Face à cette situation, il faut anticiper pour éviter la casse. C'est tout l'objectif des nouvelles procédures de conciliation et de sauvegarde. Il faut aussi créer de la sécurité juridique. C'est une nécessité pour inciter à anticiper les difficultés, comme pour traiter celles-ci lorsqu'elles surviennent.

Vos travaux préparatoires, comme nos débats, ont montré que la majorité partageait ces convictions qui sont les miennes. Ils ont aussi permis d'améliorer le texte, ce dont je me réjouis également. Je retiens notamment quatre avancées significatives.

D'abord, vous avez partagé l'idée qu'il est nécessaire de bénéficier, avec la conciliation homologuée par le juge, d'un dispositif sécurisé de règlement amiable des difficultés. Vous avez souhaité préciser que cette option s'ajoute à celle, dont doit toujours disposer l'entrepreneur, de mettre au point confidentiellement un accord qui n'est pas homologué et donc non opposable aux tiers. Cette option permet de disposer, en fonction de la variété des situations, d'une gamme diversifiée de traitements très en amont des difficultés de l'entreprise.

Ensuite, a reçu votre plein accord l'institution d'une procédure de sauvegarde entraînant, avant la cessation des paiements, la suspension de poursuites. Je m'en réjouis beaucoup. C'est évidemment le point fort du texte, que vous avez amélioré en le simplifiant. Le chef d'entreprise disposera ainsi d'une procédure efficace avec des comités, dont vous avez étendu le champ et précisé la composition.

Nous avons encore, grâce notamment au président Clément, eu de très intéressants échanges sur la cession totale de l'entreprise. Celle-ci pourra avoir lieu, tant en redressement judiciaire qu'en liquidation judiciaire. Il en ira ainsi avec des mécanismes de cession efficaces et vertueux, distinguant bien le rôle de chacun. J'en remercie particulièrement M. Houillon, dont j'ai partagé entièrement les interventions sur ce sujet.

Enfin, je veux souligner que le texte marque, à la suite de nos débats, encore davantage l'implication des pouvoirs publics. Le projet innovait déjà beaucoup en permettant la remise du principal des dettes fiscales. Mais j'ai également été conduit à accepter plusieurs amendements de votre rapporteur, notamment sur la déductibilité fiscale des abandons de créances réalisés en procédure collective. L'État prend ainsi encore mieux sa part dans le traitement des difficultés des entreprises.

Au total, mesdames, messieurs les députés, je veux vous redire mes remerciements pour le travail accompli ensemble. Ce texte moderne est fondamental pour l'économie et l'emploi dans notre pays. Il va nous permettre de sauvegarder des entreprises et des emplois. Aidons nos concitoyens à anticiper pour éviter la casse. Les difficultés des entreprises, traitées plus en amont, seront demain, j'en suis convaincu, moins synonymes de chômage et d'échec. C'est vraiment tout le sens de l'ambition économique et sociale de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la faible efficacité du droit de la faillite des entreprises rendait la réforme nécessaire, tout le monde l'a dit. L'UDF ne peut que souscrire à l'amélioration des procédures pour détecter en amont les difficultés des entreprises et éviter les liquidations trop fréquentes dans notre pays, à la simplification du recours aux procédures collectives et à la mobilisation de tous pour sauvegarder les emplois.

Il nous semble toutefois que, quitte à entreprendre un si grand chantier, la loi doit être adaptée à la réalité des pratiques. C'est pourquoi j'ai réclamé que la confidentialité, fondamentale dans le cadre de la négociation en amont, soit respectée, que le plan de cession soit réintégré dans le redressement judicaire, et que les sanctions de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer prévues à l'encontre du chef d'entreprise soient allégées. Les amendements votés ont répondu à ces préoccupations.

Il nous semble aussi que la loi doit être claire et transparente si nous voulons changer les comportements. Le travail de la commission des lois puis celui de ces derniers jours rendent le dispositif désormais plus simple : il distingue mieux les quatre procédures et clarifie les rôles des professionnels qui en seront les maîtres d'œuvre.

Enfin, nous pensons que toute modernisation de notre droit ne peut s'envisager sans prendre en compte les développements récents du droit pour les entreprises européennes : c'est l'intérêt de la France de ménager les filiales françaises des groupes européens et d'exporter ses « bonnes procédures ». Je note, monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé à entreprendre les démarches d'inscription des nouvelles procédures dans le règlement européen.

Vous l'avez compris, nous adhérons à votre démarche. Toutefois, l'amendement de Roux, négligeant la situation des salariés au regard du régime des licenciements dans la procédure de sauvegarde, aurait pu remettre en question notre soutien. Nos collègues, porteurs un temps de cet amendement, ont eu la sagesse de le retirer. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) L'UDF l'a enregistré avec satisfaction, car, pour elle, il n'était pas question d'utiliser l'examen de ce texte pour déréguler le droit du travail et léser les salariés. Au contraire, il faut sortir de l'antagonisme entre chefs d'entreprise et salariés et rechercher un équilibre qui respecte les droits de chacun. Les grandes lignes qui ressortent maintenant de l'examen de la loi, y participent. C'est à cette aune que l'UDF juge votre texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, améliorer les procédures de traitement des entreprises en difficulté afin de mieux garantir leur sauvegarde, l'intention est louable. Mais que vaut l'intention quand elle ne parvient pas à trouver sa traduction dans les actes législatifs ? Le décalage entre l'affichage public de cette intention et le texte adopté par votre majorité est, en effet, patent. Au terme de ce débat, l'espoir est déçu. Pourtant, 90 % de liquidations judiciaires sur 45 000 défaillances annuelles méritaient autre chose qu'une attention exclusive aux intérêts des créanciers les plus nantis - les banques -, auxquelles vous accordez, malgré leurs superprofits de nouveaux superprivilèges, au détriment des intérêts de la collectivité, de l'emploi, du développement durable et des créanciers publics.

Derrière ces chiffres, combien de vies détruites, combien de bassins d'emplois mutilés, combien d'insupportables gâchis humains ? Celles et ceux qui souffrent le plus de cette dramatique réalité sont aussi celles et ceux qui ont le plus intérêt à sauvegarder leur entreprise : les salariés, ceux-là même sans qui aucune richesse n'est créée, aucun progrès n'est possible, aucune entreprise n'est viable. Cette conviction nous a conduits à proposer tout au long de l'examen des articles que les salariés soient mieux, c'est-à-dire plus activement, associés à toutes les étapes des différentes procédures.

Mais non ! Ils seront, dans le meilleur des cas, simplement entendus, sans droit d'intervention véritable. Dans le meilleur des cas, disais-je, car dans les établissements où il n'y a ni comité d'entreprise ni délégué du personnel - c'est-à-dire la majorité des 45 000 entreprises qui emploient moins de onze salariés -, ils ne le seront même pas. Vous les voulez sujets quand nous proposions de les faire acteurs du redressement de leur entreprise. Vous l'avez refusé. Pis, vous les préférez victimes, en les cantonnant au statut peu enviable de variable d'ajustement des dispositifs de sauvegarde des entreprises. Il nous aura fallu dépenser beaucoup d'énergie pour vous imposer le retrait de l'amendement du rapporteur, qui proposait le recours à la procédure simplifiée des licenciements économiques dès la procédure de sauvegarde, c'est-à-dire une accélération des délais, une réduction de l'information des salariés pour des licenciements plus rapides et plus faciles.

Vous avez reculé, mais rien n'est encore définitivement gagné puisque les sénateurs de votre majorité pourraient réintroduire ces dangereuses dispositions en adoptant des amendements du même genre. Et le choix de la procédure d'urgence, annoncée, contre toute attente au cours de l'examen de ce texte (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), ne fait que renforcer notre inquiétude.

Des salariés victimes, de grands donneurs d'ordre épargnés, c'est là votre credo. J'en veux pour preuve votre silence lorsque j'évoquais ici même l'exemple de Metaleurop, que je rappelais l'invitation du Président de la République à légiférer pour empêcher ces comportements de patrons voyous ou que je faisais le constat que rien dans ce texte ne concrétisera cet engagement.

Une fois de plus, après avoir affiché, à grand renfort médiatique, une tonitruante désapprobation de tels agissements, rien, dans vos actes, ne suit. C'est affligeant !

Personne ne sera dupe et le groupe des député-e-s communistes et républicains moins que quiconque. C'est pourquoi nous voterons contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je fais annoncer le scrutin.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe UMP.

M. Philippe Houillon. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est une réforme courageuse et particulièrement ambitieuse que nous allons voter aujourd'hui. Elle est le fruit d'une très large concertation, engagée avec les professionnels et l'ensemble des acteurs depuis près de trois ans, ce qui était nécessaire au regard du diagnostic à établir et des enjeux.

Il nous est présenté une vision d'ensemble des adaptations que nécessite notre droit des procédures collectives pour être effectif et performant. Le traitement des difficultés des entreprises est en effet devenu inadapté aux exigences économiques de notre société : ses règles datent de près de vingt ans dans un monde économique qui évolue chaque jour, le taux d'échec des procédures collectives est accablant - 90 % des entreprises en redressement finissent par être liquidées et 150 000 emplois salariés se trouvent ainsi détruits chaque année -, enfin, les procédures lourdes et complexes qui le composent n'interviennent que lorsque la situation de l'entreprise est déjà largement compromise, selon une logique d'échec avéré qui impose d'être moribond avant d'être soigné.

Votre texte, monsieur le ministre, opère une véritable rupture, non seulement en créant un droit spécifique pour le sauvetage de l'entreprise, mais également en adoptant une démarche volontariste propre à faire évoluer les mentalités et les habitudes.

Dans cette optique, l'anticipation des difficultés devient la clé de voûte du redressement de l'entreprise, la procédure de sauvegarde permettant au chef d'entreprise de se placer sous la protection du tribunal avant toute cessation des paiements.

Dans une logique de prévention, les solutions non judiciaires sont également privilégiées, notamment par la création de la procédure de conciliation et l'affirmation du mandat ad hoc qui devient une procédure autonome.

C'est vraiment selon une logique de continuation de l'activité que notre droit se construit aujourd'hui.

Au-delà de cette approche préventive, le texte simplifie et rationalise les procédures collectives en les délestant de leurs dispositions superflues. Il contient également des mesures destinées à rassurer : elles concernent les cautions et la procédure de liquidation judiciaire mais aussi les chefs d'entreprise avec la mise en place d'un système de sanctions plus juste dirigé uniquement contre ceux d'entre eux qui ont commis des indélicatesses.

Je tiens, comme vous, monsieur le ministre, à rendre hommage au travail considérable réalisé par la commission des lois et notamment par son excellent rapporteur M. de Roux ainsi que par le rapporteur pour avis, M. Chartier, qui ont su dissiper les craintes et les peurs qui constituaient autant de freins psychologiques à la démarche, par exemple en privilégiant la confidentialité ou en replaçant les cessions dans le redressement judiciaire.

Votre texte, monsieur le ministre, est intelligent et va dans le bon sens. Il dote notre pays d'outils précieux, sur le plan économique comme sur le plan social. C'est d'ailleurs déjà l'opinion de la doctrine qui a commenté votre projet, comme le confirme un article que je lisais encore ce matin.

Je regrette que certains, dans cet hémicycle, aient préféré politiser le débat à outrance plutôt que de chercher à enrichir une réforme tournée uniquement vers la sauvegarde des entreprises et de l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

D'un autre côté, vous aurez remarqué que, malgré leur compétence technique, aucun des orateurs de l'opposition n'a, faute d'arguments sérieux, développé de véritable critique de fond ou de raisonnement juridique affiné. Leurs interventions se sont réduites à de la caricature ou à des développements complètement hors sujet, quand elles n'étaient pas purement et simplement des slogans. (Mêmes mouvements.)

C'est indirectement le signe que ce texte procède d'une véritable ambition économique et sociale pour notre pays. Cette attitude est révélatrice chez eux d'un manque de considération certain à l'égard de nos entreprises et des salariés qui les font vivre.

L'opportunité d'une telle réforme est indiscutable et ses enjeux sont fondamentaux : moderniser notre droit, protéger nos entreprises, restaurer la confiance et rendre ainsi un visage humain à notre droit des procédures collectives.

C'est donc avec détermination, que le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste.

M. Arnaud Montebourg. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il me semble nécessaire de revenir quelques instants sur les conditions quelque curieuses dans lesquelles ce texte a été examiné. Après tout, on ne réforme pas le droit de la faillite tous les ans et ce projet qui contient 200 articles et sur lequel ont été déposés près de 500 amendements méritait que l'on prenne tout le temps nécessaire pour parvenir à une loi sérieuse.

Déposé en mai 2004, le présent texte a été soudainement inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée neuf mois plus tard. La commission des lois a statué à son sujet avant que la commission des finances, saisie pour avis, n'ait rendu ses conclusions. Le rapporteur en a réécrit seul des pans entiers. Beaucoup d'amendements ont été examinés de façon très rapide au titre de l'article 88. Le ministre a déclaré l'urgence par voie de presse. Enfin, tout au long des débats, le rapporteur et le président de la commission des lois ont ouvertement refusé de répondre aux questions sérieuses que nous avons posées et qui se poseront aux praticiens de ce texte nouveau.

Ces anomalies vont de pair avec les problèmes posés par ce texte, lesquels ne sont pas minces.

D'abord, il fait primer l'intérêt des banques sur tous les autres. C'est le choix politique qui est fait dans ce projet et ce n'est pas la critique la plus mince. Dans la procédure de conciliation, à travers le superprivilège de l'argent frais, elles se voient reconnaître un statut supérieur à l'État et aux organismes sociaux. Dans la procédure de sauvegarde, la procédure nouvelle la plus importante, elles disposent du pouvoir total sur l'issue de celle-ci et donc sur la survie de l'entreprise. Ce sont les banques qui décideront de la vie ou de la mort des entreprises : la justice ne se rendra plus dans les tribunaux, mais aux guichets des banques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans les procédures de redressement ou de liquidation, elles voient, là encore, se renforcer leurs privilèges. Je ne parle même pas de l'aggravation du régime des cautions. Nous aurons l'occasion de revenir, en commission mixte paritaire et devant le Conseil constitutionnel, sur ce scandale que constitue l'abandon du délit de soutien abusif, pourtant contraire au principe républicain, reconnu dans la Constitution, de responsabilité de chacun devant ses actes, fût-ce une banque.

Comme nous le voyons, loin de sauvegarder les entreprises, ce texte sert les intérêts des banques au détriment de l'emploi.

M. Charles Cova. C'est une obsession !

M. Arnaud Montebourg. L'intérêt financier des créanciers bancaires est préféré à l'intérêt économique de l'entreprise et au sauvetage des emplois.

Nous remarquons qu'aucune analyse n'a été menée sur les défaillances du système bancaire privé dans notre économie, trop réticent à la prise de risques. Aucune contrepartie des privilèges nouveaux accordés par le texte aux banques n'a été examinée, en dépit des nombreuses propositions que nous avons faites.

Mais ce projet, mes chers collègues, présente encore un défaut plus grave : il fait des salariés les grands laissés pour compte des procédures de faillite. La nouvelle procédure de sauvegarde, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, est devenue - il faut le dire avec force - une procédure de réduction des effectifs que pourront imposer les banquiers, les salariés devenant une simple variable d'ajustement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par le droit de tirage illimité qu'elle autorise, elle risque, de surcroît, de faire exploser les comptes de l'AGS. Mais qui alors paiera les salariés en cas de faillite ? Qui paiera les heures supplémentaires qu'on les aura obligés à effecteur et à placer sur leur compte épargne temps ? Ce n'est rien moins qu'une spoliation qui se profile, et qui plus est une spoliation - je le dis tout de go - légale !

C'est grâce la vigilance de l'opposition (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et des organisations syndicales que le Gouvernement a enfin obtenu, au bout de dix jours, que le rapporteur, obstiné - et néanmoins talentueux - retire ses amendements qui auraient totalement dérégulé le droit du licenciement. Nous serons particulièrement vigilants lors de l'examen des diverses dispositions d'ordre social car l'idée pourrait vous prendre de les faire adopter à la faveur d'une séance nocturne. Nous sommes sûrs que c'est encore dans vos intentions.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, vous avez oublié un élément essentiel : vous modifiez le droit des faillites mais non le fonctionnement des institutions consulaires et judiciaires chargées de le mettre en œuvre. Où sont dans votre texte les mesures tendant à la moralisation, pourtant si attendue, des tribunaux de commerce et des pratiques des professionnels de la faillite ? Tout cela reste à entreprendre...et à réussir.

Alignement sur le droit anglo-saxon qui financiarise la procédure des faillites, accroissement exponentiel du pouvoir et des privilèges des banques, écrasement des salariés au cours des procédures, risque d'explosion des comptes de l'AGS, absence de moralisation des tribunaux de commerce et des professionnels de la faillite : pour toutes ces raisons, vous souffrirez, monsieur le garde des sceaux, que nous n'apportions pas nos voix à ce projet dont nous reparlerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 490

                    Nombre de suffrages exprimés 489

                    Majorité absolue 245

        Pour l'adoption 372

        Contre 117

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

    3

AÉROPORTS

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (nos 1914, 2045).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, mes chers collègues : « Si, dans le passé, les grands ports ont amené la richesse aux pays qui ont su les construire, demain la même richesse viendra aux pays qui auront su construire les grands aéroports ». Voilà ce qu'écrivait, en novembre 1944, M. Alain Bozel dans un rapport remis au général de Gaulle et qui a inspiré la création d'Aéroports de Paris.

La France a su construire de tels grands aéroports et, plus généralement, acquérir et maintenir une place de premier plan dans le secteur aérien. Outre son réseau aéroportuaire, notre pays a su se doter d'une industrie aéronautique civile puissante et d'une compagnie aérienne qui, ayant surmonté ses difficultés, est désormais au premier rang mondial.

Le secteur du transport aérien joue un rôle considérable dans notre économie. Il emploie directement plus de 115 000 personnes en France et génère pour chaque emploi direct un emploi indirect, notamment dans la construction aéronautique, et deux emplois induits.

L'économie générale du transport aérien et, plus largement, le contexte général dans lequel doit s'inscrire une politique aéroportuaire ont toutefois été profondément modifiés depuis une quinzaine d'années.

En effet, les aéroports ne sont plus des équipements simples, pouvant se développer de manière extensive et bénéficiant de monopoles locaux. Ils sont de plus en plus des plates-formes très sophistiquées, en concurrence entre elles et appelées, pour conserver et développer leurs activités, à réaliser des investissements croissants, notamment afin de prendre en compte les impératifs de développement durable. Il est donc temps de redessiner un cadre juridique nouveau pour remplacer celui qui a été conçu en d'autres temps, dans un contexte qui n'est plus le nôtre. C'est ce que propose le projet de loi relatif aux aéroports, adopté en première lecture le 9 novembre 2004 par le Sénat.

Il constitue la première réforme législative d'ensemble du secteur aéroportuaire en France, laquelle s'inscrit dans un ensemble d'initiatives prises par le Gouvernement et inspirées par le Parlement dans le domaine du transport aérien.

Ainsi, outre les travaux, conclus en juillet 2004, de la mission d'information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs - présidée par Mme Saugues -...

M. Jean-Pierre Blazy. Excellente présidente !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. ...et dont j'étais le rapporteur, un cadre juridique permettant la poursuite du développement de la compagnie nationale a été mis en place par deux lois, : celle du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien, notamment à la société Air France, et celle du 26 juillet 2004 la modifiant.

S'agissant des questions strictement aéroportuaires, une réflexion d'ensemble a été conduite par notre assemblée dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir du transport aérien français et la politique aéroportuaire qui a publié son rapport en juillet 2003. La mise en place d'un nouvel outil au service d'un développement aéroportuaire durable a ensuite été rendue possible par la loi du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires.

M. Jean-Pierre Blazy. Là aussi, on attend toujours !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Enfin, et surtout, la première étape d'une réforme d'ensemble du secteur aéroportuaire a été engagée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dont l'article 28 ouvre le droit au transfert de la propriété et de la gestion des aérodromes civils appartenant à l'État et ne présentant pas d'intérêt national ou international aux collectivités territoriales.

Mme Odile Saugues. C'est un délestage sauvage !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Deux catégories d'aéroports commerciaux ne sont pas concernées par cette décentralisation : les aéroports exploités par Aéroports de Paris, d'une part, et les grands aéroports régionaux et ultramarins d'intérêt national ou international, d'autre part.

L'objet principal du présent projet de loi, qui achève la réforme d'ensemble engagée par la loi d'août 2004 et qui en constitue l'étape principale, est de moderniser le régime de gestion de ces deux catégories d'aéroports.

Compte tenu de la présentation très complète qui sera faite par M. le ministre, je n'évoquerai que rapidement le dispositif qui nous a été transmis par le Sénat, pour rendre compte de manière plus précise des travaux de la commission des affaires économiques.

Le titre Ier du projet de loi transforme Aéroports de Paris, qui est actuellement un établissement public, en société anonyme détenue majoritairement par l'État.

Cela permettra à ADP de valoriser ses compétences en diversifiant ses activités, ce qu'entrave aujourd'hui le principe de spécialité. En outre, et surtout, cela rendra possible une augmentation de capital nécessaire, compte tenu de la situation financière de l'entreprise. Celle-ci est, en effet, très endettée avec un ratio dettes sur fonds propres cinq fois supérieur à celui des grands aéroports concurrents et elle est, en outre, appelée à financer - nous le savons - au cours des prochaines années des investissements particulièrement lourds. Il s'agit donc de donner à ADP les moyens juridiques et financiers lui permettant de poursuivre son développement.

Je précise que la réforme ne remet nullement en cause ni la propriété publique d'ADP, qui restera détenue majoritairement par l'État, ni ses missions de service public, intégralement préservées et qui seront précisées par un cahier des charges, ni, enfin, le statut des personnels. Le projet de loi prévoit explicitement que le changement de forme juridique de l'entreprise n'emporte pas de conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels.

Sur ce titre, la commission des affaires économiques vous proposera des amendements qui seront essentiellement d'ordre rédactionnel ou de précision.

Le titre II du projet de loi offre aux exploitants des aérodromes d'intérêt national ou international la possibilité de transférer leur concession à des sociétés qui pourront bénéficier de prolongations de leurs concessions. La liste des grands aéroports concernés, que le ministre a déjà précisée lors de la lecture devant le Sénat, sera fixée par un décret en Conseil d'État, dont la publication est imminente.

Ces aéroports sont aujourd'hui gérés par les chambres de commerce et d'industrie qui sont concessionnaires de l'État. De nombreuses concessions arrivent à échéance, dès 2005 ou 2006, par exemple pour Nantes, Nice ou Bordeaux. D'autres, celles de Marseille ou Strasbourg, courent au contraire jusqu'en 2017.

On sait que, globalement, ces aéroports ont été bien gérés par leurs concessionnaires. Pour autant, les durées de concession, l'absence de fonds propres disponibles et de droits aux excédents d'exploitation, ainsi que la difficulté d'organiser des alliances entre aéroports du fait de leur absence de personnalité morale, entravent aujourd'hui leur développement.

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Diverses pistes de réforme ont été envisagées. Celle retenue par le présent projet de loi a été de privilégier la continuité avec le système en vigueur tout en lui apportant les éléments de souplesse nécessaires.

La commission des affaires économiques estime que le dispositif est pertinent, mais qu'il doit être précisé sur deux points.

En premier lieu, la commission a jugé nécessaire de préciser les conditions de mise en place des nouvelles sociétés. C'est pourquoi elle vous propose des amendements visant à préciser que le transfert de la concession des CCI aux nouvelles sociétés aéroportuaires se fera à la demande de la CCI concernée, qu'il s'agit d'un apport et non d'une cession,...

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. ...que le capital initial de la nouvelle société est entièrement public.

Un certain nombre de nos collègues ont exprimé des interrogations sur la composition du capital des nouvelles sociétés en soulignant la nécessité de préserver le rôle des gestionnaires historiques qu'ont été et sont les chambres de commerce Nous partageons, en partie, cette préoccupation et nous serons très attentifs, monsieur le ministre, à vos explications sur ce point.

Le meilleur instrument pour apporter aux CCI les garanties auxquelles elles aspirent légitimement nous semble être une sorte de pacte d'actionnaires spécifique à chaque aéroport et associant tous les partenaires publics, notamment les collectivités territoriales.

Les assurances que vous nous donnerez sur ce point, monsieur le ministre, sont très attendues, et nous les écouterons avec beaucoup d'attention. D'autres interrogations appellent, en revanche, des réponses législatives. Il s'agit des questions relatives à l'avenir des personnels des aéroports - ceux concernés par l'article 7, mais aussi ceux des aéroports de plus petite taille - qui constituent le second point sur lequel la commission vous proposera des amendements visant à préciser la rédaction actuelle du texte. Le projet de loi prévoit que les agents publics affectés à la nouvelle concession seront mis à disposition de la nouvelle société pour une période de dix ans, à l'issue desquels ils devront définitivement opter entre la conclusion d'un contrat de travail avec le nouvel exploitant ou le retour dans le giron de la CCI.

Tous les personnels concernés ne sont toutefois pas des agents publics. Une clarification de la situation est sans doute souhaitable, mais la question dépasse très largement le cadre du projet de loi puisqu'elle concerne tous les personnels des CCI. Elle relève donc plutôt de la réforme d'ensemble des CCI annoncée par le Gouvernement. Il convient toutefois de garantir dans le présent projet de loi le devenir de l'ensemble des personnels affectés aux plateformes aéroportuaires. Or la rédaction actuelle ne précise pas les garanties applicables aux agents de droit privé. La commission, à mon initiative, souhaite donc préciser qu'ils se verront appliquer le droit commun, à savoir l'article L. 122-12 du code du travail, qui prévoit que les contrats en cours au jour de la modification dans la situation juridique de l'employeur subsistent avec le nouvel employeur.

La commission estime également nécessaire d'apporter des garanties supplémentaires à l'ensemble des personnels ne relevant pas du statut d'ADP en organisant la négociation d'une convention collective nationale des salariés des aéroports. Je précise : de l'ensemble des aéroports, à l'exception de ceux gérés par ADP. Une telle convention doit fournir aux personnels concernés un cadre juridique protecteur, permettant notamment aux agents statutaires des CCI de renoncer sans inquiétudes à leur statut actuel.

Enfin, le titre III du projet de loi comprend diverses dispositions de modernisation du droit aéroportuaire.

Le Sénat a ajouté en son sein un article additionnel prévoyant la mise en place d'une commission de conciliation aéroportuaire. Le dispositif proposé n'emporte toutefois pas notre conviction. En effet le Sénat n'a pas véritablement tranché entre la création d'une véritable autorité administrative indépendante et la mise en place d'une simple instance de concertation. Il en résulte une structure aux missions confuses, appelée commission de conciliation mais, en réalité, dépourvue de tout rôle de conciliation. La commission des affaires économiques, à mon initiative, vous proposera donc de clarifier le dispositif en donnant clairement un rôle simplement consultatif à cette instance qui deviendrait ainsi une structure nationale de concertation entre usagers et exploitants des aéroports, instance directement rattachée au ministre chargé de l'aviation civile.

Hormis cette instance, les dispositions essentielles du titre III concernent le régime des redevances aéroportuaires. La base de calcul des redevances est modifiée pour mieux prendre en compte la réalité économique. Je pense, monsieur le ministre, que vous insisterez sur ce point très important. Des possibilités de modulation sont ouvertes pour des motifs d'intérêt général. En outre, des contrats pluriannuels, d'une durée maximale de cinq ans, conclus entre l'État et l'exploitant de l'aéroport sont créés pour donner une prévisibilité dans la durée à l'évolution des redevances.

À mon initiative, la commission vous proposera également de modifier ce dispositif pour favoriser la desserte des aéroports par des moyens de transport collectif en site propre. Il y a, en effet, là un instrument puissant de développement durable. J'ajoute que des temps de trajets de plus en plus longs et de plus en plus aléatoires représentent aujourd'hui en France, notamment en région parisienne, une limitation au développement des aéroports les plus importants.

L'amélioration de la desserte des aéroports est donc de nature à accroître l'attractivité des aéroports concernés, au bénéfice de tous les acteurs.

En conclusion, la commission des affaires économiques vous propose d'adopter, en continuant à l'enrichir, ce projet de loi qui modernise enfin notre droit aéroportuaire et qui créé ainsi les conditions de la poursuite d'un développement durable d'un secteur stratégique pour l'ensemble de notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s'est saisie pour avis du présent projet de loi dans sa totalité. En effet, qu'il s'agisse du changement de statut d'ADP suivi de l'ouverture de son capital, du déclassement du domaine public aéroportuaire, de l'ouverture des aéroports régionaux au privé ou du mode de fixation des redevances, l'ensemble de ces dispositions concerne les finances publiques. D'ailleurs, il convient de rappeler que, lors des deux examens de la réforme du statut d'Air France, c'était la commission des finances qui avait été saisie au fond.

Ce projet de loi traite principalement de trois sujets : le changement de statut d'ADP, l'évolution des grands aéroports régionaux, le mode de fixation des redevances aéroportuaires.

En ce qui concerne le changement de statut d'ADP, le texte va dans le bon sens, mais pas assez loin. La commission des finances vous proposera donc quelques améliorations.

Aujourd'hui, la poursuite du développement d'ADP nécessite une évolution de son statut d'établissement public, car celui-ci n'est plus adapté à son développement dans un contexte concurrentiel. Le statut ne permet notamment pas de faire face au besoin de financement d'ADP. En effet, ADP est extrêmement endetté : le rapport de l'endettement net sur les fonds propres est de 2,1 milliards d'euros sur 1,4 milliard, soit 150 % alors qu'un ratio normal est au maximum de 1. Le déficit de fonds propres est ainsi de l'ordre de 0,4 milliard d'euros. ADP doit donc améliorer sa structure financière.

Son besoin de financement ne peut pas être comblé par l'État, en raison de la situation dans laquelle se trouvent les finances publiques. Les investissements programmés pour les années 2005 à 2007 représentent en effet 1,9 milliard d'euros, soit 650 millions par an. Or la capacité d'autofinancement d'ADP était de 393 millions d'euros en 2003, et, une fois déduite la variation du besoin en fonds de roulement, il ne reste que 220 millions d'euros pour financer les investissements.

ADP a donc besoin de l'apport de capitaux privés que l'établissement peut obtenir par le biais d'une augmentation de capital, ce qui implique au préalable un changement de statut, pour en faire une société anonyme, lequel se fera dans la continuité. Il n'y aura donc pas de changement de statut pour le personnel. Néanmoins il aurait été dans l'intérêt d'ADP, comme des employés eux-mêmes, d'élaborer une convention collective à l'avantage de tous, après extinction du statut, comme nous l'avons fait pour Air France. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Ah !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. La transformation d'ADP en société anonyme s'accompagnera du déclassement du domaine public aéroportuaire.

Aujourd'hui, ce domaine comporte des biens qui appartiennent au domaine public de l'établissement public ADP - il en est propriétaire - ainsi qu'au domaine public de l'État. Or, en vertu du principe d'inaliénabilité du domaine public, les biens relevant de ce dernier ne peuvent pas appartenir à une personne privée.

L'État aurait pu récupérer tous les biens du domaine public - ceux de l'État et d'ADP - et les mettre à la disposition d'ADP, par AOT ou concession. Ce dispositif aurait toutefois comporté certains inconvénients. Le Gouvernement a donc choisi une autre solution : ADP deviendra propriétaire de l'ensemble du domaine aéroportuaire, lequel devra donc être déclassé du domaine public. C'est à mon sens la meilleure solution qui a été retenue, mais il demeure beaucoup d'ambiguïté.

Ainsi, ce déclassement est encadré, ce qui complique la situation : certains biens sont conservés dans le domaine public de l'État, la navigation aérienne principalement ; l'État pourra s'opposer à la cession par ADP de tout ouvrage ou terrain nécessaire à la bonne exécution de ses missions de service public ; l'État récupérera au moins 70 % des plus-values foncières en cas de fermeture d'un aéroport, dans le cadre d'un dispositif peu lisible.

Il convient d'être cohérent : en n'assumant pas toutes les conséquences de la domanialité privée, ce projet de loi aboutit à des dispositifs d'une complexité extrême, qui risquent de nuire à la valorisation d'ADP.

M. François Brottes. C'est vous qui le dites !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. J'insiste sur le fait qu'il serait souhaitable que le régime juridique des biens d'ADP affectés au service public soit clarifié. La commission des finances vous proposera un amendement en ce sens, afin de qualifier d'ouvrages publics les seuls biens affectés au service public.

Le titre II concerne les douze plus grands aéroports régionaux, qui sont aujourd'hui gérés en concession par les CCI. Ces dispositions comportent certaines incertitudes au regard du droit de la concurrence, qu'il faudrait lever. Il s'agit des aéroports qui sont exclus de la décentralisation prévue par la loi du 13 août 2004.

La plupart des concessions vont arriver à leur terme à très brève échéance, ce qui offre l'occasion de moderniser le mode de gestion de ces aéroports qui n'est plus adapté. Les CCI sont des établissements publics administratifs d'État. Comme dans le cas d'ADP, le statut d'établissement public constitue un frein au développement économique des aéroports. Puisqu'elles ne peuvent pas affecter l'IATP aux exploitations aéroportuaires, les CCI n'ont d'autre moyen que l'autofinancement, ainsi que d'éventuelles subventions des collectivités territoriales.

Le Gouvernement a choisi une solution d'ouverture au secteur privé s'appuyant sur les opérateurs historiques, les CCI, qui ont fait la preuve de leur capacité à bien gérer les aéroports. À la demande de la CCI concernée, l'État créera une société avec elle et, éventuellement, avec les collectivités locales qui le souhaiteront. L'ordre de grandeur de l'apport par l'État à titre gratuit à la CCI serait de 25 %, et celui offert aux collectivités territoriales de 15 % environ.

La concession sera apportée par la CCI, avec l'accord de l'État, à cette société aéroportuaire. Ensuite, la concession pourra être rallongée, au maximum de quarante ans, en contrepartie d'un programme d'investissement et d'une ouverture de capital par la suite. J'insiste sur le fait que cette prolongation de la concession impliquera des contreparties de la part du concessionnaire. Ce sont ces contreparties qui justifieront que la prolongation des concessions soit exemptée des obligations de mise en concurrence prévues dans la loi Sapin. À défaut, cette disposition risquerait d'être contraire au droit communautaire. La Commission européenne n'a d'ailleurs pas donné un accord écrit sur ce dispositif juridique ; elle examinera, au cas par cas, les dossiers pour vérifier que les contreparties à la prolongation de la concession sont conformes à la jurisprudence en matière de concurrence. La commission des finances vous proposera un amendement afin que ces contreparties figurent dans la loi.

M. François Brottes. Quelle improvisation !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Sagesse !

M. Jean-Pierre Blazy et Mme Odile Saugues. Non !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. En tout cas, je me réjouis de l'apport de capitaux extérieurs dans ces exploitations.

Le troisième et dernier point important de ce projet de loi précise utilement les principes de fixation des redevances aéroportuaires, afin de leur donner un cadre juridique, conformément à une demande du Conseil d'État. Le montant des redevances prendra en compte la rémunération des capitaux investis. Les redevances pourront être modulées sur certains critères ; face aux craintes que suscite cette disposition, je tiens à rappeler que les modulations sont évidemment soumises au principe de non-discrimination.

Le principe de la caisse unique n'est pas remis en cause, mais il s'agit d'une pratique qu'une filialisation peut facilement remettre en cause.

Enfin, la commission des finances a adopté un amendement qui tend à rendre possible l'immobilisation des aéronefs en cas de non-paiement des amendes infligées par l'autorité de contrôles des nuisances sonores aériennes, l'ACNUSA. Je souhaiterais également que le produit de ces amendes puisse être affecté, pour l'aérodrome où se situe son fait générateur, au financement des aides aux riverains, comme pour la TNSA. Si l'article 40 de la Constitution interdit à un parlementaire de déposer un amendement en ce sens, le Gouvernement peut le faire.

En conclusion, je dirai que ce projet de loi va dans le bon sens, mais qu'il présente quelques incertitudes qu'il conviendrait de lever. La commission des finances vous proposera donc quelques améliorations, et vous recommande d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, après son examen en première lecture par le Sénat le 9 novembre dernier, constitue, pour les grands aéroports français, la première réforme d'importance depuis la seconde guerre mondiale, M. Gonnot l'a fort justement rappelé.

Ce projet vise à asseoir durablement un service public aéroportuaire de qualité, en dotant les entreprises aéroportuaires de structures modernes et en leur donnant les moyens de leur développement.

Au cours des dernières décennies, l'exploitation des grands aéroports a progressivement changé de nature. Elle est aujourd'hui une activité économique à part entière où se sont développés, aux côtés du service public, de nombreux métiers comme les activités commerciales et immobilières ou l'ingénierie. Les aéroports sont devenus des pôles d'emploi considérables dans les régions où ils sont implantés.

La réforme qui vous est soumise est ainsi très importante pour l'avenir des aéroports et pour l'emploi. Elle l'est tout autant pour le secteur du transport aérien, secteur essentiel à la compétitivité de l'économie nationale, à l'attractivité de la France et à l'aménagement de notre territoire. Aujourd'hui, les compagnies aériennes, dont beaucoup sont devenues privées, évoluent dans un environnement fortement concurrentiel et expriment de nouveaux besoins vis-à-vis des grandes plates-formes aéroportuaires, en termes d'efficacité, de réactivité et de qualité de service aux clients.

Dans ce contexte, les grands aéroports ont vu, un peu partout en Europe et dans le monde, leur mode de gestion évoluer et s'ouvrir vers le secteur privé. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ainsi, BAA, gestionnaire des aéroports londoniens et premier opérateur aéroportuaire en Europe est, depuis de nombreuses années, une société entièrement privée.

M. Maxime Gremetz. C'est le seul en Europe !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. FRAPORT, qui gère l'aéroport de Francfort, a vu son capital ouvert au secteur privé en 2001, et cela devrait être le cas prochainement pour la société gestionnaire d'Amsterdam-Schiphol.

D'autres aéroports comme Athènes, Bruxelles, ou encore Rome s'appuient également sur des acteurs privés pour leur exploitation.

Il n'est que temps pour nous de faire évoluer le statut des aéroports français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Blazy. C'est une position idéologique ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. J'évoquerai en premier lieu ce que nous proposons pour Aéroports de Paris.

Cet établissement public gère les aéroports d'Ile-de-France, notamment ceux de Roissy et d'Orly. Avec un trafic annuel de plus de 70 millions de passagers et de près de 1,8 million de tonnes de fret, ADP emploie directement plus de 8 000 personnes ; il a permis de créer plus de 100 000 emplois et investit près de 500 millions d'euros par an. Il figure ainsi parmi les grands opérateurs aéroportuaires mondiaux.

Le statut actuel a néanmoins montré ses limites. Alors qu'Aéroports de Paris doit faire face à un important programme d'investissement pour améliorer ses capacités d'accueil, il lui interdit certaines voies de financement.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Le principe de spécialité des établissements publics entrave également les possibilités de développement de l'entreprise, notamment à l'international. Ce principe limite aussi les possibilités de valoriser l'expérience acquise par ses équipes dans différents secteurs.

En conséquence, le Gouvernement propose de passer à un statut de société, cohérent avec la nature d'entreprise d'Aéroports de Paris.

Cette évolution permettra à Aéroports de Paris de mieux exercer ses missions, en progressant en matière de réactivité et de responsabilité vis-à-vis des transporteurs aériens, des passagers, des riverains et des pouvoirs publics.

Outre la continuité de la personne morale Aéroports de Paris et le maintien de son autorisation légale d'exploiter les aéroports franciliens, la réforme prévoit la continuité du régime applicable au personnel d'Aéroports de Paris, actuellement assujetti à un statut réglementaire.

S'agissant de la domanialité, le Gouvernement a choisi de proposer un régime de domanialité privée, dans lequel l'ensemble des biens aéroportuaires serait la propriété de la société Aéroports de Paris. Cette solution est cohérente avec les réalités économiques actuelles, la plus grande partie des emprises et la totalité des installations aéroportuaires étant aujourd'hui la propriété de l'établissement public, qui en a financé l'achat et la réalisation. Cela permettra également à ADP de mieux maîtriser le développement de ses activités.

Ces évolutions sont assorties de dispositifs permettant de garantir la bonne exécution des missions de service public et la protection des intérêts patrimoniaux de l'État.

Ainsi, feront retour dans le domaine public de l'État les biens nécessaires à l'accomplissement par ce dernier de ses missions, principalement les installations de navigation aérienne. Je vous confirme que le remboursement à ADP des sommes liées aux investissements ainsi repris ne constituera pas une charge nouvelle, ni pour l'État, qui effectuait déjà des versements annuels à l'établissement public à ce titre, ni pour les compagnies aériennes, qui supportaient ces coûts au travers des redevances de navigation aérienne versées à l'État.

Par ailleurs, l'affectation au service public des biens nécessaires à l'exploitation aéroportuaire et à son développement prévisible est garantie par un contrôle de l'État sur tout projet d'aliénation les concernant.

Un cahier des charges détaillé, approuvé par décret, définira précisément les obligations de la société et les conditions d'exercice, par l'État, de ses propres missions sur les aéroports, notamment l'exercice du pouvoir de police. L'entreprise sera également soumise à toutes les obligations générales applicables aux exploitants d'aéroports, notamment en matière de sécurité, de sûreté et de préservation de l'environnement.

Le Gouvernement estime nécessaire que l'État conserve la majorité du capital d'ADP, qui constitue, je l'ai rappelé, un élément stratégique de la politique de transport et de la politique d'aménagement et d'attractivité du territoire. Cela est clairement inscrit dans le projet de loi qui vous est soumis.

Pour faciliter la poursuite du développement de l'entreprise et le financement de l'important programme d'investissement engagé, le Gouvernement envisage une ouverture du capital, mais l'État restera majoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Odile Saugues. Comme pour Air France !

M. Jean-Pierre Blazy. Pour combien de temps !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Le projet qui vous est soumis concerne en second lieu le régime de gestion des aéroports régionaux structurants qui resteront de la compétence de l'État, à l'issue du processus de décentralisation prévu par l'article 28 de la loi sur les libertés et les responsabilités locales.

Une douzaine d'aéroports sont concernés : ils génèrent un chiffre d'affaires total de plus de 500 millions d'euros et ont globalement géré en 2004 un trafic de 40 millions de passagers. Naturellement, les départements d'outre-mer feront l'objet d'un traitement particulier, au cas par cas, qui tient compte de leurs nombreuses spécificités. Cela ne relève pas de la loi, et le dispositif prévu à l'article 7 étant facultatif, il sera sans conséquence pour ces traitements spécifiques.

Plus globalement, notamment pour la métropole, le projet de modernisation qui vous est présenté est le fruit d'une longue réflexion et d'une concertation menée avec les chambres de commerce et d'industrie qui en sont les gestionnaires actuels.

M. Jean-Pierre Blazy. Elles n'en sont pas très satisfaites !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Cette réforme est indispensable pour mettre fin à la situation de précarité qui caractérise aujourd'hui l'exploitation de nos aéroports d'intérêt national et pour leur permettre de disposer des moyens nécessaires à leur développement sur la durée.

Le Gouvernement veut mener cette modernisation en s'inscrivant dans la continuité. Il souhaite en conséquence pouvoir s'appuyer sur les chambres de commerce et d'industrie, qui ont démontré leur qualité d'exploitant aéroportuaire.

M. Jérôme Rivière. Très juste !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il attend de ces dernières qu'elles continuent, comme par le passé, à améliorer la performance des plates-formes concernées en apportant leur expertise et en s'appuyant sur les compétences développées par leurs équipes.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il souhaite également associer les collectivités territoriales à cette modernisation afin d'assurer une meilleure insertion des aéroports dans le développement régional et l'environnement local.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a l'intention de donner aux acteurs publics, chambres de commerce et d'industrie et collectivités territoriales, une place significative dans le capital des sociétés concessionnaires qui seront créées pour exploiter ces aéroports. De manière plus précise, le Gouvernement compte proposer au moins 25 % du capital initial aux CCI et au moins 15 % aux collectivités. Le Gouvernement tient à une évolution progressive qui sera facilitée, j'y insiste, par la constitution d'un noyau dur public inscrit dans la durée.

Le projet de loi qui vous est soumis, enrichi par les amendements adoptés en commission, constitue un texte équilibré, optimal pour atteindre les objectifs que nous poursuivons d'un commun accord avec les gestionnaires actuels. Il s'agit de se donner la possibilité de créer, en y associant des collectivités territoriales, des sociétés aéroportuaires viables, qui pourront en particulier s'appuyer sur des investisseurs privés pour financer le développement de nos grands aéroports régionaux.

Le Gouvernement a ainsi l'intention d'ouvrir le capital de ces sociétés au secteur privé, mais de manière progressive, en tenant compte de la situation spécifique de chaque aéroport, notamment de ses besoins de financement. Il va de soi que l'État engagera préalablement à cette ouverture une concertation avec ses partenaires publics actionnaires, CCI et collectivités, sur les modalités de l'opération.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il me paraît très souhaitable que les collectivités locales soient également associées au développement de ces grands aéroports qui les concernent. La loi a prévu que cette participation pourra prendre la forme d'une présence des collectivités dans le capital des sociétés aéroportuaires.

Par ailleurs, le Gouvernement est, et restera attentif, à la situation des agents actuellement employés sur ces aéroports. Des dispositions les concernant ont été prévues dans le projet de loi. Ils seront maintenus en fonction, par l'effet de l'article L. 122-12 du code du travail pour les agents de droit privé et dans le cadre d'une mise à disposition pour les agents de droit public.

Les partenaires sociaux envisagent la négociation d'une convention collective nationale des personnels des exploitants des aéroports régionaux et le Gouvernement y est très favorable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, un volet indissociable de cette réforme concerne la modernisation du régime des redevances aéroportuaires et de leur régulation, en particulier pour ADP et les aéroports régionaux.

Les dispositions législatives proposées dans ce domaine, normalement régi par la voie réglementaire, visent à établir un cadre clair pour la détermination des redevances, juridiquement sûr, et à offrir une souplesse indispensable aux entreprises aéroportuaires, tout en préservant les intérêts des utilisateurs de ce service, monopolistique par nature.

Je souhaite rappeler que le pivot de la régulation économique dans un tel secteur est la consultation des usagers, principalement les compagnies aériennes qui doivent exprimer des positions claires en matière d'investissement à effectuer et de niveau de redevance acceptable pour le développement de leurs activités. Le rôle des commissions consultatives économiques des aéroports doit donc être affirmé et conforté.

Au-delà de la jurisprudence actuelle, il est proposé de préciser que les redevances doivent pouvoir rémunérer les capitaux engagés par l'exploitant et permettre un préfinancement de certains investissements afin de lisser l'évolution des redevances. Et, dans la mesure où leur produit reste globalement plafonné par le coût des services rendus, il est également proposé d'ouvrir la possibilité de modulations pour motifs d'intérêt général.

Le régime de régulation proposé pour les exploitants des grands aéroports comporte, par ailleurs, une forte incitation à la contractualisation pluriannuelle avec l'État. Les contrats qui seront conclus dans ce cadre pourront intégrer la dimension de la qualité du service public aéroportuaire et ont vocation à donner de la visibilité à l'ensemble des partenaires concernés.

Le Gouvernement prévoit, dans la mise en œuvre détaillée de ces dispositions, de maintenir l'application du principe dit de la caisse unique, dans lequel les recettes issues des activités aéroportuaires qui ne relèvent pas du service public, mais qui sont liées au transport aérien, telles que les commerces ou les parkings, contribuent à maintenir les redevances aéroportuaires à un niveau raisonnable. Ce principe, internationalement reconnu, doit être pérennisé dans la gestion des aéroports nationaux.

Voici, mesdames et messieurs les députés, dans ses grandes lignes, l'économie du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.

Pour finir, je tiens à remercier François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et Charles-Amédée de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la qualité du travail accompli sur ce texte. Le Gouvernement est maintenant à votre disposition pour discuter, dans un esprit d'ouverture, des différents amendements dont nous allons débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la privatisation de nos aéroports et la libéralisation du secteur aérien sont à l'ordre du jour de notre assemblée. Le projet de loi qui nous est présenté ne s'en cache même pas.

Formellement, ce texte poursuit deux principaux objectifs : d'une part, la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, avec en filigrane, comme toujours, sa privatisation, qui vient s'insérer dans une longue liste d'opérations de ce genre ; d'autre part, le changement de statut des actuels établissements publics gérant les grands aéroports régionaux dits d'intérêt national ou international - plus d'un million de passagers par an - en sociétés aéroportuaires dont le capital resterait, dans un premier temps, majoritairement public. Mais qu'en sera-t-il dans un second temps ?

Autant dire que ce projet de loi, sous couvert de modernisation du transport aérien, est source de régression pour les usagers et les salariés du transport aérien, mais également pour les riverains de plates-formes aéroportuaires et leurs élus.

Derrière le glissement de statut juridique, s'affirme plus fondamentalement le passage d'une logique de service public, d'emploi et de cohésion territoriale à une logique de libre concurrence.

L'abandon du statut d'établissement public d'ADP au profit de celui de société anonyme ne répond pas, c'est le moins qu'on puisse dire, à des impératifs d'intérêt général. Paradoxalement, le changement de statut juridique d'ADP interviendrait alors que ses résultats économiques et financiers sont plutôt positifs, comme en témoignent la hausse de son chiffre d'affaires et de son résultat net d'exploitation. D'ailleurs, vous pouvez observer que le Gouvernement privatise les sociétés qui font le plus de profits, laissant dans le secteur public celles qui ont des déficits.

Nous ne sommes pas convaincus par les arguments avancés par le Gouvernement pour justifier la privatisation déguisée d'ADP, encore que ce déguisement ne trompe plus que le Gouvernement lui-même, et même pas tout le Gouvernement. Le projet de loi s'inscrit en effet dans un processus maintes fois utilisé par le Gouvernement : il consiste, dans un premier temps, à ouvrir le capital des entreprises et, dans un second temps, à remettre totalement en cause leur statut pour aboutir à leur privatisation pure et simple. Cela s'est passé ainsi chez France Télécom et pour les sociétés d'autoroutes.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est le gouvernement que vous souteniez qui a privatisé ASF !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous n'avez pas de chance : nous avons voté contre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Seul M. Gremetz a la parole !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il y avait pourtant des ministres communistes au Gouvernement !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Qui était alors ministre des transports ?

M. Maxime Gremetz. Jean-Claude Gayssot, avec qui nous n'étions pas d'accord ! (Mêmes mouvements.)

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. On en apprend de belles !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Gremetz a la parole ! Vous lui répondrez tout à l'heure.

M. Maxime Gremetz. Il nous arrive d'avoir des divergences entre nous. Pour ma part, j'assume complètement. Vous ne pouvez pas en dire autant, vous qui dites une chose quand vous êtes dans l'opposition et son contraire mais quand vous êtes dans la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Schizophrène !

M. Maxime Gremetz. Mes chers collègues, élevons un peu le débat, puisque c'est le sujet : nous sommes au ras du sol ; passons à 10 000 mètres ! (Rires sur divers bancs.)

Mme la présidente. Ne montez pas trop haut, monsieur Gremetz ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, il est difficile de s'exprimer à la tribune !

Mme la présidente. Je trouve que vous répondez bien aux interpellations !

M. Maxime Gremetz. Je mériterais une prime de dureté du travail !

Mme la présidente. Ce n'est pas toujours le cas, mais je reconnais que, cette fois, c'est le ministre qui vous a effectivement coupé la parole. Cela étant, poursuivez.

M. Maxime Gremetz. Je dis « élevons le débat » car il n'y a que des Picards ici !

Mme la présidente. M. de Courson n'est pas Picard !

M. Maxime Gremetz. M. de Courson est un Picard annexé puisqu'il est en Champagne-Ardenne !

M. Jean-Pierre Blazy. Un Picard peut en cacher un autre !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, veuillez revenir au sujet qui nous intéresse !

M. Maxime Gremetz. M. de Robien nous présente donc un projet pour justifier l'abandon de la création d'un troisième aéroport international, dont la nécessité a pourtant été reconnue par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite. M. de Robien est arrivé : il a mis un coup d'arrêt au projet, malgré tout le débat public qui avait été engagé.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Et il a eu raison !

M. Maxime Gremetz. Il a dit non, après s'être prononcé pour au conseil régional, au conseil général et à Amiens Métropole ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. C'est une attaque personnelle contre le ministre !

M. Jérôme Rivière. Cinéma !

M. Maxime Gremetz. M. de Robien a eu peur des Verts et il s'est prononcé contre la création d'un troisième aéroport avant les élections municipales.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, quittons la Picardie pour revenir au débat !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas de ma faute si le choix qui avait été fait par le Gouvernement concernait la Picardie, choix qui a été remis en cause, y compris contre l'avis des riverains de Roissy qui ont manifesté avec nous.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Maxime Gremetz. Vous aviez affirmé, monsieur le ministre, qu'après le 11 septembre 2001 le trafic international allait baisser durablement. Manque de chance : après trois ans de baisse, aujourd'hui il remonte et le troisième aéroport international est toujours nécessaire.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Maxime Gremetz. On prétend aujourd'hui qu'un troisième aéroport n'est pas nécessaire car la question va être réglée avec le développement des aéroports régionaux. Ne prenons pas les gens pour des gogos, comme on dit en Picardie !

Mme Odile Saugues. Ailleurs aussi !

M. Maxime Gremetz. Vous savez bien qu'aucun aéroport régional ne remplacera un troisième aéroport international.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Ce n'est pas le débat !

M. Maxime Gremetz. Monsieur Gonnot, je ne vous ai pas interrompu !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Pour une fois !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. C'est vrai !

M. Maxime Gremetz. Le troisième aéroport, où ira-t-il ? En France ou à Amsterdam ? Contre la France, au nom de l'Europe ?

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Que vient faire l'Europe ici ?

M. Maxime Gremetz. Peut-être certains ministres sont-ils plus malins que les experts. Moi, je ne suis pas plus malin qu'eux : je ne suis expert en rien, je lis, j'étudie, je regarde. On s'enrichit quand on écoute les autres, surtout ceux qui ont les compétences adéquates !

Deux gouvernements successifs, un de droite dans lequel M. Pons était ministre des transports, puis un de gauche, ont abouti, à partir d'études différentes, à la même conclusion : la nécessité d'un troisième aéroport. On n'y échappera pas !

Le sénateur-maire de Saint-Quentin, qui sait de quoi il parle, m'a écrit pour me demander de remettre le troisième aéroport à l'ordre du jour. Il appartient à l'UMP. Ce n'est donc pas une question de parti pris politique, mais de réalité, de nécessité. Il faut prendre en compte non seulement l'intérêt régional, mais surtout l'intérêt national.

L'association pour le troisième aéroport, qui est composée de gens venant de tous les horizons politiques, économiques et sociaux, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres consulaires est favorable à la construction d'un troisième aéroport international. Telle est aussi la position du MEDEF. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Le MEDEF !

M. Maxime Gremetz. Je parle des MEDEF locaux et régionaux, pas du baron Seillière !

Mme Geneviève Colot et M. Jérôme Rivière. Et les riverains ?

M. Maxime Gremetz. Seuls M. Gonnot et M. de Robien sont contre ! Mais les sièges sont éjectables.

Le troisième aéroport s'imposera à nous un jour.

En fait, le choix fait par le ministre et le Gouvernement va priver la France d'une infrastructure indispensable permettant à la Picardie d'être la tête de pont d'un ensemble intermodal composé du canal Seine-Nord qu'on vous a imposé, de la nouvelle autoroute Paris-Bruxelles et de la gare TGV « dans les betteraves », unique en Europe et peut-être dans le monde. Celui-ci desservirait Amiens, grande capitale régionale, qui n'a toujours pas de TGV...

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Merci M. Gayssot !

M. Maxime Gremetz. ...et Eurotunnel qui en a besoin.

Vous semblez faire le choix d'Amsterdam pour construire cette infrastructure indispensable. Est-ce là l'Europe que vous nous proposez ?

La transformation du statut d'ADP en société anonyme n'est pas une obligation liée à de réelles contraintes économiques et financières. Partant d'une démarche plus soucieuse de l'intérêt général, le Gouvernement aurait pu envisager une recapitalisation ou la mise en place d'un pôle bancaire et financier public pour répondre aux besoins futurs. Cela aurait l'avantage de ne pas fragiliser l'établissement, tout en préservant son statut d'établissement public.

En choisissant l'option la plus libérale, celle d'ouvrir le capital et de réduire le champ d'intervention de l'État, le Gouvernement prend des risques que son projet de loi ne semble pas soupçonner.

D'abord, on peut craindre une fuite en avant pour assouvir les appétits des marchés financiers...

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Vous êtes féroce !

M. Maxime Gremetz. ...par le biais de la recherche d'une diminution des coûts, d'un accroissement de la productivité, d'un développement de la sous-traitance et d'une précarisation du personnel. À cela s'ajoute la perte de la garantie d'emprunt d'État, qui se traduira automatiquement par une hausse des taux d'intérêt et un alourdissement de la charge de la dette.

Ensuite, on peut craindre la filialisation des activités d'ADP pour répondre aux exigences d'une rentabilité financière immédiate. Ce mouvement s'accélérera encore plus avec la présence d'actionnaires privés. Cela fragilisera la situation financière d'ADP, et ce d'autant plus si certaines activités sont cédées à des intérêts privés.

La recherche de la réduction des coûts se traduirait aussi par la poursuite de la diminution du nombre des emplois et de la masse salariale, y compris dans un contexte de reprise économique.

Enfin, la recherche d'une productivité accrue dans un contexte d'intensification de la concurrence ne pourra s'effectuer qu'au prix de la qualité du service public et de la sécurité des usagés.

Soulignons qu'en matière de transport aérien, les enjeux de sécurité et de sûreté sont immenses. Il serait dangereux pour tous, personnels, usagers et riverains, de laisser la seule loi du marché dicter les règles du fonctionnement aéroportuaire. Il est impératif de faire de la sécurité un élément incontournable sur lequel l'État français ne peut transiger.

En l'état, ce projet de loi ne peut nous rassurer. Il est nécessaire de réaffirmer clairement que la sécurité relève intégralement de l'État, au travers de la seule direction générale de l'aviation civile. Or le poids donné à Aéroports de Paris, qui devient propriétaire des installations destinées aussi à la sécurité et à l'entretien des équipements, complexifie davantage cette question essentielle.

Cela est d'autant plus vrai que nous ne pouvons faire nôtres les conceptions de la Commission européenne quand elle affirme : « Il ne fait aucun doute que la communication, la navigation, la surveillance, l'information aéronautique et le traitement des données de vol pourraient être fournis sur une base concurrentielle. » Et on parle de la sécurité des personnes ! « Cela renforcerait aussi les relations entre les fournisseurs et leur clientèle en facilitant des compromis sur la qualité des services et des coûts. » C'est bien de l'ultralibéralisme !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Quelle est la date de cet avis de la commission ?

M. Maxime Gremetz. Je vais vous la donner !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est un débat d'il y a dix ans !

M. Maxime Gremetz. Non ! Voulez-vous que je retourne à ma place pour trouver les références ?

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Chiche !

Mme la présidente. Non, poursuivez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je l'ai déjà fait une fois mais j'ai eu un blâme.

Mme la présidente. Restez donc là !

M. Maxime Gremetz. Je ne vais pas recommencer, ce serait trop facile. Je n'apporte pas toutes mes fiches à la tribune, mais j'ai la date et je vais vous la transmettre.

Cela renforce l'idée que la sécurité et le contrôle aériens doivent être impérativement exclus du champ concurrentiel afin qu'ils puissent être assurés en toute indépendance. Malheureusement, force est de constater que le texte proposé et les motifs évoqués ne garantissent pas cette nécessaire indépendance, technique, morale, matérielle et humaine.

Pour en venir à l'objet même de cette motion d'irrecevabilité, je souligne d'abord que l'article 2 du projet de loi prévoit le déclassement et la cession en pleine propriété à la société anonyme des biens du domaine public appartenant tant à l'établissement public ADP qu'à l'État.

Ce changement du régime de propriété foncière et le passage de la domanialité publique à la domanialité privée soulèvent de sérieuses questions, notamment d'ordre juridique, et je m'étonne beaucoup qu'un brillant juriste comme vous, monsieur de Courson, ne les ait pas repérées. C'est tellement gros que vous n'avez rien vu. Dommage ! Puisque j'appelle votre attention, peut-être nous ferez-vous un cours sur la propriété domaniale foncière.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Tout à l'heure !

M. Maxime Gremetz. Les biens immobiliers et mobiliers dont sont propriétaires les personnes morales de droit public sont protégés, comme les biens des particuliers, par les dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, celle que vous n'aimez pas, je le sais.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Mais si !

M. Maxime Gremetz. La Révolution française, ce n'est pas votre fort, pas plus que celui de M. de Robien d'ailleurs !

Le Conseil constitutionnel rappelle ce point important dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication, et dans sa décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 sur la loi complétant le code du domaine de l'État et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public.

Dans son arrêt du 21 mars 2003, SIPPEREC, le Conseil d'État le reconnaissait en ces termes : « En vertu de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, auquel se réfère le Préambule de la Constitution, la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel. »

Non seulement, le Gouvernement n'a pas tenu compte de cet argument juridique, mais il n'a pas fait l'effort de rechercher un dispositif plus concevable.

Ainsi, pourquoi n'a-t-il pas été envisagé, dans l'hypothèse où ADP deviendrait une société anonyme, de lui attribuer une licence d'exploitation et de permettre ainsi à l'État de rester propriétaire des terrains ? Comment concevoir que l'État, responsable de l'aménagement du territoire, garant des missions de service public et du statut du personnel, puisse renoncer à conserver la propriété du foncier ? On en cherche tellement aujourd'hui. Le déclassement des biens du domaine publics met en danger la mission même de service public.

Par ailleurs, comment comprendre que les aéroports régionaux demeurent la propriété de l'État, pour les plus importants d'entre eux, et celle des collectivités territoriales pour les autres, et que l'on transfère à une société les deux principaux aéroports français, qui accueillent, rappelons-le, plus de 70 millions de passagers ? Deux poids, deux mesures, c'est le moins qu'on puisse dire ! Où est l'égalité de traitement dans tout ça ? Montrez-la moi ! En effet, les aérodromes situés en province resteraient, conformément à l'article 7 du projet de loi, la propriété soit de l'État, soit des collectivités territoriales ou de leurs groupements, en application de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Qu'il s'agisse de spéculation immobilière ou de spéculation commerciale, où est l'intérêt général ? Cette conception purement commerciale est incompatible avec la domanialité et le service public.

À cet égard, permettez-moi de rappeler l'arrêt de principe rendu par le Conseil d'État le 19 octobre 1956 - l'arrêt Société Le Béton - qui est important pour deux raisons. D'abord il introduit la notion de service public dans la définition de la domanialité publique. Il fixe ainsi une évolution amorcée en 1932 par l'arrêt Société des autobus antibois, et confirmée en 1944 par un arrêt du 5 mars, Compagnie maritime de l'Afrique Orientale. Dans cette affaire, le commissaire du gouvernement Bernard Chenot affirmait alors que le domaine public « est un bien dont l'administration doit assurer dans l'intérêt collectif la meilleure exploitation ». Par conséquent, c'est la notion même de propriété, plus précisément le principe de l'inaliénabilité du domaine public, qui constitue la base de cette motion d'irrecevabilité.

L'inviolabilité de la propriété est consacrée précisément dans le préambule de la Constitution. Ce dernier se réfère en effet à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Il s'agit là de la propriété privée !

M. Maxime Gremetz. La décision du 21 juillet 1994 du Conseil constitutionnel vient préciser cette notion de propriété et étendre son champ à la propriété publique. Ce sont particulièrement les deuxième et troisième considérants qui sont importants en l'occurrence.

Ainsi le deuxième considérant indique que « le législateur, lorsqu'il modifie les dispositions relatives au domaine public », ne doit pas « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté ».

Le troisième considérant précise, lui, que les dispositions de l'article 17 « ne concernent pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l'État et des autres personnes publiques ».

Si l'on s'attache au seul texte du projet de loi, il est significatif de remarquer l'absence de disposition envisageant la possibilité pour l'État de reprendre la propriété d'infrastructures indispensables pour assurer la bonne marche du service public. Or cela peut se révéler nécessaire, notamment dans l'hypothèse d'un manquement flagrant de l'exploitant à ses obligations ou encore dans l'hypothèse de difficultés économiques sérieuses, que les actionnaires privés refuseraient de supporter. Pour aller encore plus loin, la modification du statut d'ADP pourrait également jouer sur les principes de fonctionnement du service public eux-mêmes.

Un dernier argument vient motiver notre exception d'irrecevabilité. Il se rapporte à deux des lois dites de Roland définissant les règles prétoriennes du fonctionnement des services publics, à savoir l'égalité et la continuité du service public.

Comme c'est déjà le cas avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le principe d'égalité sera mis à mal avec le présent projet de loi, notamment en raison des redevances et taxes aéronautiques. De fait, leur augmentation substantielle aura de graves conséquences, et ce de manière inégalitaire sur le territoire, d'une part sur les usagers directs des aéroports, au premier rang desquels les compagnies aériennes, et, d'autre part, sur les usagers indirects, tels que les clients du transport aérien.

Le principe d'égalité est un corollaire du principe général d'égalité devant la loi, principe à valeur constitutionnelle inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le principe d'égalité des usagers des services publics en matière de tarification lui est lié. Cette notion a été circonscrite dans une décision du Conseil constitutionnel du 12 juillet 1979 et dans plusieurs arrêts du Conseil d'État, dont le célèbre arrêt Denoyez et Chorques du 10 mai 1974, bien connu des étudiants en droit.

Ce dernier arrêt prévoit justement la possibilité d'ajustements dans la fixation des tarifs, sous certaines conditions, comme l'existence entre les usagers de différences de situation appréciables ou une nécessité d'intérêt général. Or, en l'espèce, aucun impératif d'intérêt général ne justifie une augmentation des taxes. Celle-ci résultera simplement d'un impératif à visée purement et uniquement financière.

En matière de continuité, la mise en cause d'un service public essentiel au développement de notre pays, notamment à un aménagement du territoire harmonieux, aura pour inévitable conséquence de mettre à mal ce principe à valeur constitutionnelle. Dans tous les cas de figure, c'est la mission même de service public qui pâtira de ce projet de loi.

Dans ces conditions, vouloir déposséder la nation sans avoir la compétence de cette initiative et sans prévoir de garde-fous nous paraît tout à fait contraire à la Constitution. C'est la raison pour laquelle nous jugeons ce projet de loi irrecevable.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'évolution du statut des grands aéroports régionaux, les nouvelles sociétés créées pourraient récupérer la concession dont bénéficient actuellement les chambres de commerce et d'industrie. Les aéroports régionaux concernés sont, par ordre d'importance, Nice, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Montpellier, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis et Cayenne, mais ni Amiens-Glizy ni Beauvais-Tillé ne sont visés. Leur importance est capitale en matière d'aménagement du territoire et justifie la pérennité de l'intervention publique. En ouvrant la possibilité de créer des sociétés pour l'exploitation de ces aéroports, le Gouvernement invite clairement les collectivités territoriales à passer à la caisse, alors même qu'elles se seront déjà vu transférer la gestion de nombre d'équipements dans le cadre de la récente loi relative aux libertés et aux responsabilités locales et qu'elles n'ont pas fini d'en supporter les conséquences financières.

L'article 7, qui concerne les grands aéroports régionaux, a également pour objectif de transférer l'exploitation, actuellement concédée par l'État aux CCI, à de nouvelles sociétés aéroportuaires initialement détenues majoritairement par des personnes morales publiques : collectivités territoriales, État. Ces nouvelles sociétés pourront donc rapidement être totalement privatisées, ce qui ne manque pas de susciter l'inquiétude du personnel des chambres de commerce et d'industrie, actuellement sociétés concessionnaires. Ce projet de loi pourrait être en effet la première phase d'un processus de regroupement des gestionnaires d'aéroports qui, à terme, remettrait en cause les missions de service public ainsi que le statut du personnel.

Je m'attarderai sur deux cas significatifs.

Le premier a trait aux préoccupations qui s'expriment en Nord-Pas-de-Calais, concernant le statut et l'avenir de l'aéroport de Lille-Lesquin. Au vu des informations qui ont été rendues publiques, il semble en effet que ce site pourrait ne pas figurer dans la liste des installations d'intérêt national de la loi de modernisation des aéroports. Si une telle éventualité venait à être confirmée, elle constituerait une décision particulièrement pénalisante non seulement pour l'équipement lui-même, son fonctionnement, son développement et ceux des entreprises environnantes, mais aussi pour l'économie régionale et le rayonnement du Nord-Pas-de-Calais.

Ce serait en outre une mesure profondément injuste si l'on veut bien considérer que le nombre de passagers utilisant chaque année cet aéroport se situe au-delà des 900 000, assez proche donc du million qui ouvre droit au statut d'aéroport d'intérêt national. Comment envisager d'ailleurs que Lille-Lesquin, équipement emblématique d'une région placée au cœur de l'Europe du Nord, utilisé par la Belgique, ne soit pas l'aéroport d'intérêt national qui manque au nord de Paris ?

Les enjeux d'essor économique et touristique, l'urgence de développer toutes les potentialités d'implantation d'activités et donc de créer des emplois dans une région en crise, l'appel d'air constitué par Lille 2004 et l'évidente nécessité d'en prolonger les effets, qui plus est au moment où l'opération Louvre-bis trouve un débouché à Lens, sont autant d'éléments qui plaident en faveur de l'inscription de Lille-Lesquin au nombre des aéroports d'intérêt national bénéficiant de l'attention et du soutien de l'État.

Ensuite, le texte sur les dispositions relatives aux grands aéroports régionaux interpelle également les personnels de l'aéroport Marseille-Provence. Contrairement aux affirmations de M. le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, tous les syndicats n'ont pas été sollicités.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Ils l'ont été.

M. Maxime Gremetz. Ils n'ont pas tous donné leur accord au projet de loi en discussion aujourd'hui.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. La CGT s'est montrée sourde à nos appels.

M. Maxime Gremetz. Vous affirmez donc avoir consulté tous les syndicats. Cela figurera au Journal officiel. Demain des syndicats vous rappelleront que vous les avez oubliés.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Il n'est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. Maxime Gremetz. Vous ne voulez pas les entendre ! C'est différent !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Vous les écoutez mais vous ne les entendez pas.

Les agents de l'aéroport Marseille-Provence sont inquiets. Comme leurs collègues de Lille et une grande partie de leurs collègues de Lyon, ils manquent d'informations en ce qui concerne leur statut. Ils souhaitent que leur situation professionnelle soit clarifiée une fois pour toutes : sont-ils des agents publics ou des agents privés ? La réponse est simple. A question précise, réponse précise, et ne venez pas nous dire, monsieur de Courson, que nous simplifions les choses à outrance et que la réalité est bien plus complexe !

Cette incertitude repose sur un rapport d'audit réalisé en 2004 par l'Union des chambres de commerce et d'industrie gestionnaires des aéroports et adressé à la direction générale de l'aviation civile.

Si le projet de loi est voté en l'état, il est essentiel que les agents dits privés puissent recourir au même dispositif que les agents publics. Ce projet n'apporte, en réalité, aucune garantie sérieuse au personnel. Certes, le texte prévoit que les agents publics affectés à la concession transférée aux nouvelles sociétés aéroportuaires seront mis à disposition de ces dernières pour une durée de dix ans. Mais qu'en sera-t-il effectivement ? On se dirige vers l'abandon du statut du personnel, sous la pression du nouvel exploitant, comme on l'a précisément observé dans de grandes entreprises publiques récemment privatisées.

En outre, nous savons que le statut juridique des personnels des aéroports régionaux employés par les chambres de commerce et d'industrie n'est pas homogène : deux tiers de ces agents sont sous statut, 25 % sont titulaires de contrats de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée et 10 % sont couverts par la convention collective des ports autonomes maritimes comme cela est le cas, par exemple, à l'aéroport de Marseille-Provence.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. C'est le seul !

M. Maxime Gremetz. Cela est vrai ou pas ?

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Seulement à Marseille !

M. Maxime Gremetz. Je vous remercie de le confirmer !

Le troisième alinéa de l'article 7, qui fait pourtant référence aux agents publics, ne correspond pas à la réalité du terrain.

Les organisations syndicales de l'aéroport Marseille-Provence, que M. Dutoit a eu l'occasion de rencontrer - CGT, CFE-CGC, FO et CFDT - craignent que la création de ces sociétés aéroportuaires et l'ouverture au capital privé ne soient qu'une étape vers la privatisation, visant la seule rentabilité financière et pouvant entraîner de nombreuses fermetures de lignes pour ne maintenir que celles dont la rentabilité sera garantie. Regardez autour de nous en Europe : il n'est question que de rentabilité !

Dans le cadre de la mondialisation et de la régionalisation européenne, certaines lignes européennes et internationales pourraient être concentrées sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, provoquant ainsi la mutation des autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux. Autrement dit, certains aéroports régionaux pourraient être sacrifiés, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques pour les régions concernées. Les secteurs du commerce, du tourisme et de l'industrie et, par voie de conséquence, l'emploi régional en subiraient directement les répercussions.

C'est donc une véritable concurrence entre les différents aéroports régionaux qui se dessine. L'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, par exemple, ne tentera-t-il pas d'imposer sa dimension internationale au détriment de celui de Marseille-Provence ou encore de celui de Nice-Côte d'Azur, cette ville n'étant toujours pas desservie par une ligne ferroviaire à grande vitesse ?

À terme, monsieur le ministre, combien de grands aéroports régionaux, sur la douzaine qui existe actuellement, résisteront-ils : cinq, six ?

M. Jean-Pierre Blazy. C'est une vraie question !

M. Maxime Gremetz. Ce sera véritablement dramatique pour les économies locales et régionales touchées par ces éventuelles fermetures. Ces nouvelles sociétés aéroportuaires, qui auront à faire face à une forte concurrence du TGV, risquent de faire pression sur la masse salariale et d'accroître le recours à la sous-traitance. Elles chercheront à diversifier leur activité au détriment du cœur de leur métier et de leur vocation aéroportuaire.

On ne peut en définitive que s'interroger sur un cadeau foncier fait à des sociétés privées qui pourront bénéficier gratuitement des infrastructures financées par l'argent public.

Certains articles du titre III soulèvent aussi de multiples inquiétudes. Il semble en effet que l'on veuille donner un chèque en blanc en matière de fixation et de modulation des redevances : mise en place d'une double caisse, diminution des tarifs pour attirer les compagnies à bas coûts, augmentation des tarifs aux heures de pointe sont autant de risques réels.

En modifiant le statut d'ADP et en permettant la privatisation à terme des principaux aéroports régionaux, ce projet de loi participe à l'entreprise de démembrement du service public.

Le Gouvernement abandonne le système de garantie dont bénéficiaient les chambres de commerce et d'industrie, - à ce sujet, monsieur Gonnot, vous irez vous expliquer avec la chambre régionale de Picardie - et fait peser de grandes incertitudes sur les statuts des personnels au-delà de dix ans.

Comment croire que la modernisation des grands aéroports régionaux n'entraînera pas un désengagement de l'État, alors que ce projet de loi prévoit l'ouverture du capital des nouvelles sociétés gestionnaires ? La recherche de la rentabilité les conduira inéluctablement à sacrifier des aéroports et à ne maintenir, au terme de regroupements d'aéroports régionaux, que cinq ou six grandes unités aéroportuaires régionales. Ce sera pour nos régions un désastre économique et social et, d'une manière générale, une atteinte à l'aménagement de notre territoire.

Cette offensive gouvernementale cherche à inscrire l'organisation du transport aérien dans la logique de libre concurrence de la Constitution européenne - puisqu'il n'y est question que de cela - et à suivre les préconisations libérales de l'AGCS. Le groupe communiste, républicain et citoyen refuse d'entériner un tel choix de société, qui lamine nos services publics.

Il faut saluer, de ce point de vue, les grandes manifestations qui se déploient aujourd'hui dans toute la France, des points les plus centraux aux plus difficiles d'accès, comme à Guéret la semaine dernière. Les Françaises et les Français montrent de plus en plus fort leur refus de la disparition progressive des services publics, notamment en milieu rural. Tel sera notamment le sens de la grande journée nationale qui aura lieu demain.

Le service public, c'est aussi l'éducation nationale, et on voit manifester dans les rues les jeunes lycéens. Ceux qui, non contents de négliger ces grands mouvements des salariés mécontents de leur pouvoir d'achat, des atteintes portées aux 35 heures, de la situation de l'emploi et de la casse des services publics, ne sont pas capables de mesurer pourquoi les lycéens sont de plus en plus nombreux dans les rues, vont se réveiller douloureusement.

Je ne le souhaite pas pour notre pays, qui a déjà connu de telles expériences. Certes, l'histoire ne repasse pas les plats...

M. François Asensi. Dommage !

M. Maxime Gremetz. ...et ne se répète jamais. Cependant il ne faut pas oublier les leçons de l'expérience : quand la jeunesse lycéenne et étudiante commence à descendre dans la rue, ce n'est pas tant à cause de tel ou tel aspect précis que pour traduire à sa façon, et souvent avant les autres, un profond malaise à l'égard de cette société. Voilà la réalité.

Mes chers collègues, vous avez été très attentifs à ma démonstration. M. de Courson, qui a pris des notes, va devoir s'expliquer en grand juriste qu'il est.

M. Charles de Courson. Je vais répondre, en effet.

M. Maxime Gremetz. M. le ministre a aussi écouté avec beaucoup d'attention.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Toujours !

M. Maxime Gremetz. Je vous appelle, quant à moi, à voter cette exception d'irrecevabilité qui, vous en conviendrez, est pour le moins justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme. la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je répondrai brièvement à M. Gremetz, qui est largement sorti du cadre du débat, mais je ne lui tiens pas rigueur de cette habitude que je lui connais bien, à Paris comme à Amiens.

Monsieur Gremetz, notre projet de loi s'inscrit pleinement dans la continuité en assurant une participation publique majoritaire. En même temps, il favorisera la mobilisation des capitaux privés pour assurer le développement d'ADP. Cette conjonction du public et du privé permettra de réaliser des investissements que le public ne pourrait assurer seul et de valoriser l'expérience des équipes d'ADP en mettant fin au principe de spécialité.

Je sais que vous respectez la loi quand elle est votée.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Pas toujours !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Presque toujours !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Sauf le code de la route !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je compte donc sur vous pour voter ce texte, qui assurera au secteur public la majorité au sein d'ADP.

M. Jean-Pierre Blazy. Non !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Gremetz, pour éviter la privatisation dont vous parlez tant, il faut voter ce projet.

Par ailleurs, et bien que ce ne soit pas là le sujet du débat, je ne puis laisser sans réponse la question, récurrente chez vous, d'un hypothétique troisième aéroport dans la région parisienne.

Vous avez, il est vrai, le droit de défendre cette idée, même si elle est probablement impossible à réaliser, du moins dans les vingt prochaines années. Mon prédécesseur - dont vous ne souteniez guère, pourtant, les autres projets - n'avait lancé cette idée, à la veille des élections, que pour faire croire aux riverains de Roissy que, du jour au lendemain, un troisième aéroport réglerait le problème du bruit.

M. Jean-Pierre Blazy. On en reparlera !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je n'ose parler de naïveté, mais je m'étonne que M. Gayssot ait réussi à vous faire croire cela !

M. Maxime Gremetz. M. Gayssot n'était pas candidat aux élections !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Depuis notre arrivée aux affaires, au lieu de répondre, comme vous, aux riverains avec des mirages, nous avons apporté quelques réponses concrètes. Nous avons ainsi fortement réduit les nuisances pour les riverains.

M. Jean-Pierre Blazy. Non !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il est notamment incontestable que nous avons diminué le trafic nocturne, entre minuit et cinq heures du matin.

M. François Asensi. Les enfants ne se couchent pas à minuit !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous avons éliminé presque tous les avions les plus bruyants, et les vols de nuit ont accusé une baisse de 15 % à Roissy.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est faux ! Venez donc sur place !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Blazy, la bonne foi que je vous suppose et celle que je nous connais doit conduire chacun à admettre que, pour la première fois, malgré le rebond du trafic aérien, est intervenue une nette réduction des nuisances à Roissy.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous en reparlerons !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour ce qui est de la sécurité, monsieur Gremetz, notre projet de loi conforte le rôle de régulateur de l'État. Voilà une deuxième raison pour le voter.

En outre, la réforme de la direction générale de l'aviation civile - la DGAC - s'est traduite par le transfert à cette direction d'administration centrale des opérations de navigation aérienne qui relevaient d'ADP. Relisez bien le texte : vous ne manquerez pas d'être rassuré, je l'espère, à l'idée qu'en votant ce projet de loi, vous conforterez l'État dans son rôle de propriétaire des installations chargées du contrôle aérien.

Puisque vous avez été aussi attentif que je l'ai été en vous écoutant, je ne doute pas que ces arguments vous auront convaincu que votre exception d'irrecevabilité est inutile. Je souhaite vivement que les députés votent contre et que vous-même, monsieur Gremetz, votiez, le moment venu, un projet de loi qui vous apporte les éclaircissements et les garanties que je viens de vous exposer.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je me bornerai à répondre aux trois arguments constitutionnels avancés par M. Gremetz, qui a fait par ailleurs de nombreuses digressions.

Premier problème soulevé par M. Gremetz : le transfert à une personne privée de biens appartenant au domaine public est-il constitutionnel ?

La réponse est très simple : ce bien doit être préalablement déclassé, sous peine d'annulation de ce transfert en application de la jurisprudence 86-217 du Conseil constitutionnel. Or le texte prévoit ce déclassement dès la première phrase du premier alinéa de l'article 2 qui dispose : « À l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État, les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'État qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société ». Le premier argument de M. Gremetz tombe donc.

M. Maxime Gremetz. Ce déclassement n'est prévu que dans le projet de loi !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Bien sûr, mais cette disposition s'appliquera quand la loi sera votée.

M. Maxime Gremetz. Elle n'est pas encore votée !

M. Charles de Courson. Le dispositif n'a donc rien d'inconstitutionnel.

Deuxième argument : le service public est-il synonyme de propriété par une personne publique ?

Là encore, la réponse est négative. Ainsi la transformation d'EDF et de GDF en sociétés anonymes par des lois que nos collègues socialistes ont votées comme nous - même si vous ne l'avez pas fait, monsieur Gremetz - et dont le Conseil constitutionnel a été saisi, n'a pas été jugée contraire à la Constitution, bien que ces entreprises assurent un service public. Dans cette hypothèse, il est en revanche nécessaire de préserver le contrôle public sur l'exercice des missions de service public : c'est ce que fait l'article 6 du projet de loi dont un alinéa indique : « Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés au premier alinéa et exécute, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent ».

Votre deuxième argument, monsieur Gremetz, tombe donc lui aussi, ce qui, bien entendu, ne serait pas le cas si le cahier des charges n'avait pas été prévu.

Enfin, vous avez soulevé une question très intéressante, que j'avais d'ailleurs évoquée moi-même sans que vous l'entendiez, car vous n'avez pas très bien écouté mon intervention.

M. Maxime Gremetz. Si, j'ai bien écouté ! J'ai même lu votre rapport !

M. Charles de Courson, J'ai en effet souligné l'importance de la définition de l'ouvrage public. Il ne s'agit pas là d'un problème spécifique à ce texte, mais d'un problème général. Au cours des débats en commission des finances, j'ai même proposé un amendement visant à clarifier cette question et j'espère, monsieur Gremetz, que vous voterez en faveur de cet amendement de clarification.

Aujourd'hui, en effet, la définition de l'ouvrage public est une construction jurisprudentielle. Or, bien qu'étant ancien magistrat, je pense que ce sont les représentants du peuple, et non les magistrats, qui doivent définir les règles qui régissent notre société : les malheureux magistrats ne le font que faute d'interventions du Parlement.

Les ouvrages publics sont actuellement définis selon deux critères. D'abord, si le bien concerné est affecté à un service public, il s'agit d'un ouvrage public, tout le monde en est d'accord. Toutefois la jurisprudence a eu tendance à élargir cette notion à une deuxième catégorie : celle des biens utilisés par le public. Or ce serait une extension abusive que de considérer que le parking dans lequel on gare sa voiture à Orly ou à Roissy est un ouvrage public. J'ai donc proposé, par un amendement que la commission des finances a accepté, de clarifier ce point en définissant l'ouvrage public comme un bien affecté à une mission de service public.

Voilà, monsieur Gremetz, les trois réponses juridiques que je tenais à faire à vos trois remarques.

Mes chers collègues, je vous invite donc à repousser cette motion d'irrecevabilité, qui est infondée.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, le règlement dispose clairement que seul le rapporteur de la commission saisie au fond et son président peuvent intervenir en réponse à l'auteur d'une exception d'irrecevabilité. Il convient donc de considérer que votre intervention vaut explication de vote au nom du groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Je n'y vois pas d'inconvénient, madame la présidente.

M. Maxime Gremetz. Est-ce qu'elle ne pourrait pas valoir aussi pour l'UMP ? (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Serge Poignant. Vous avez, monsieur de Courson, en excellent juriste que vous êtes, parfaitement démontré la constitutionnalité du texte. Il est vrai, monsieur Gremetz, que si vous avez avancé quelques arguments pour soutenir une prétendue inconstitutionnalité, vous avez passé les trois quarts, sinon les quatre cinquièmes du temps qui vous était imparti à parler d'autre chose. Vous avez versé dans votre dogmatisme coutumier qui vous ferme à toute évolution, ce qui ne saurait surprendre ceux qui ont l'habitude de vous écouter.

Je ne vais pas revenir sur le concept de domanialité, puisque Charles de Courson a parfaitement répondu à vos arguments, sinon pour souligner qu'il est tout à fait possible de modifier la domanialité, à condition de prévoir les garanties propres à assurer la continuité du service public. Or, je le rappelle après lui, l'article 2 maintient dans le domaine public les biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public, telles les tours de contrôle, pour ne citer que cet exemple.

Je ne vais pas non plus revenir sur ce que vous a répondu M. le ministre à propos d'ADP et des aéroports régionaux : il s'agit non pas d'une privatisation mais d'une ouverture de capital.

Quand vous dites, monsieur Gayssot (Rires et exclamations sur de nombreux bancs), je veux dire monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas pareil !

M. Serge Poignant. Ce n'est pas pareil en effet, puisqu'il admet comme simple membre du parti communiste des arguments qu'il rejetait quand il était ministre !

Vous avez donc indiqué que les aéroports régionaux risquaient d'être sacrifiés, mais le seul risque qui pèse sur eux est celui de l'immobilisme. M. de Robien vous a d'ailleurs rappelé que les aéroports d'Athènes, de Bruxelles ou de Rome bénéficiaient de capitaux privés. Cependant on pourrait en discuter aussi longtemps qu'on voudrait, votre position ne changerait pas d'un iota : vous refusez de voir que cette réforme est une nécessité et que toute possibilité d'évolution d'ADP, autant que des aéroports régionaux, est suspendue à l'ouverture de leur capital.

Pour terminer, monsieur Gremetz, n'est-ce pas M. Gayssot lui-même - c'est parce que je pensais à cela que je vous ai confondus, bien que vous paraissiez le renier tout à l'heure - qui a diminué la part de l'État dans le capital d'Air France ? N'est-ce pas lui qui a ouvert le capital des Autoroutes du sud de la France ? N'est-ce pas la gauche qui a privatisé Aérospatiale ?

M. Maxime Gremetz. J'avais voté contre !

M. Serge Poignant. C'est facile à dire maintenant !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Il fallait renverser le gouvernement d'alors !

M. Serge Poignant. Ces opérations ont-elles été des échecs ?

Vous avez bien compris, mes chers collègues, que c'est sans aucun d'état d'âme que l'UMP votera contre cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste.

Mme Odile Saugues. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une seule phrase du long exposé de Maxime Gremetz suffit à motiver notre vote de soutien. En effet, monsieur le député, vous avez évoqué le « glissement d'une logique de service public à une logique de libre concurrence ». Vous avez par cette seule formule défini le sens de ce projet de loi, qui s'inscrit dans la continuité des précédentes privatisations larvées. Je pense en particulier à celle, toute récente - c'était il y a deux ans - d'Air France, qui est l'exemple même du jeu de dupes auquel vous nous conviez, monsieur le ministre. Quand on sait en effet que l'État ne possède plus à l'heure actuelle que 18,7 % du capital d'Air France...

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Combien en avez-vous privatisé vous-même ?

Mme Odile Saugues. ...on ne peut qu'être opposé à un texte qui entérine une privatisation en deux temps d'Aéroports de Paris.

Le transfert de domanialité, sur lequel vous avez beaucoup insisté, monsieur le député, est pour nous un écueil majeur, et il nous paraît, autant qu'à vous, entaché d'inconstitutionnalité.

Outre que, pour tout dire, ce texte nous paraît bâclé, il risque de remettre en cause le principe d'égalité, notamment, comme vous l'avez relevé, en matière de tarification. Nous partageons votre inquiétude à ce sujet.

En ce qui concerne les dix grands aéroports régionaux, ce texte conduit à l'entrée de partenaires privés dans leur capital, avec tous les risques de remise en cause par la logique financière d'un aménagement équilibré du territoire qu'elle comporte.

Le groupe socialiste est interpellé par l'inquiétude des personnels, que, tout comme nous, vous avez su entendre, car ce texte ne leur apporte aucune garantie sérieuse.

Enfin nous partageons votre sentiment que ce texte est un appel à la mise en concurrence des aéroports régionaux.

Nous ne suivrons pas le Gouvernement dans cette entreprise de démembrement du service public aéroportuaire. Les quelques arguments que je viens d'exposer suffisent à motiver notre vote de soutien à cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy et je cède ma place à M. Leroy. (Sourires.)

(M. Maurice Leroy remplace Mme Paulette Guinchard-Kunstler au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la question préalable que j'oppose à ce texte au nom du groupe socialiste vise à montrer que les enjeux de ce projet de loi dépassent largement la simple question d'un changement de statut juridique de nos aéroports parisiens et de province. Ses dispositions actent le désengagement de l'État du secteur fondamental et éminemment stratégique qu'est le transport aérien.

Ce projet de loi est lourd de conséquences, à la fois pour les salariés des aéroports, pour les riverains, pour les compagnies et les usagers, mais aussi pour la nation tout entière car il porte en lui l'abandon par l'État de toute politique aéroportuaire, au travers de la privatisation rampante d'Aéroports de Paris et des grands aéroports de province, alors même que ces aéroports sont des leviers fondamentaux de toute politique d'aménagement du territoire, alors même qu'il est aujourd'hui indispensable de concevoir une politique de développement durable du transport aérien en France et en Europe, qui concilie l'exigence économique et la double exigence du respect de l'environnement et de la sécurité.

Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte préoccupant : celui du désengagement de l'État et du démantèlement des entreprises et des services publics, processus que le Gouvernement a enclenché il y a trois ans. Il est une nouvelle illustration d'une politique libérale dont nos citoyens ressentent les conséquences destructrices au quotidien.

Ils étaient 500 000 dans la rue le 5 février dernier pour manifester leur rejet de la politique de casse sociale conduite depuis bientôt trois ans ; ils seront certainement à nouveau très nombreux dans la rue demain. Les salariés d'Aéroports de Paris participeront également à la grève nationale pour la défense de l'emploi, des salaires et des 35 heures.

Après France Télécom, après EDF, après Air France, et peut-être avant la SNCF ou La Poste, l'État continue à se désengager de secteurs stratégiques. Il s'abrite derrière le droit communautaire pour procéder en réalité à des privatisations que seule son idéologie libérale impose. C'est le même processus qui est enclenché dans ce texte, pour les aéroports cette fois, et le maintien du caractère majoritairement public du capital initial qu'il affirme ne trompera personne.

L'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a exposé en février dernier son programme, et ce n'est certainement pas son successeur, M. Breton, qui modifiera cette feuille de route. La Société des autoroutes du sud et de l'est de la France devrait rapidement faire son entrée en Bourse.

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. C'est déjà fait !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Par vous !

M. Jean-Pierre Blazy. AREVA d'ici à la fin de l'année, GDF d'ici à la fin de l'été et EDF d'ici à la fin de l'année devraient être privatisées.

Monsieur le ministre, l'exposé des motifs de ce projet de loi évoque de nouveaux besoins en matière de capacité d'accueil, de réactivité des grandes plateformes aéroportuaires, la volonté de créer les conditions d'un développement du hub d'Air France à Roissy, dans un contexte d'intensification de la concurrence. C'est l'occasion de présenter un bilan de la politique que vous conduisez depuis trois ans dans le domaine du transport aérien, et ce sera l'objet de la première partie de mon intervention.

Votre politique aéroportuaire a fait le choix de l'hypertrophie parisienne, au détriment des riverains et de l'environnement des Franciliens, mais aussi au détriment des aéroports régionaux et d'une politique équilibrée d'aménagement du territoire. Cela traduit l'absence d'une vision à long terme d'un développement durable appliqué aux aéroports, que confirme votre obstination à refuser un troisième aéroport parisien.

Contrairement à ce que vous venez de dire, vous n'avez rien fait pour décongestionner le trafic aérien parisien ; vous avez au contraire aggravé une situation déjà critique. Alors que le gouvernement Jospin avait décidé d'implanter une nouvelle infrastructure à Chaulnes, chez vous en Picardie, monsieur le ministre, quarante-huit heures après votre prise de fonctions, vous vous êtes empressé, depuis la Picardie et sans aucun examen préalable du dossier, de remettre en question le choix de vos prédécesseurs. Vous avez cru bon de geler immédiatement les procédures engagées par le préfet de Picardie et la définition du futur périmètre autour de Chaulnes.

Vous avez déclaré au Sénat ce que vous venez de répondre à M. Gremetz, à savoir que la décision prise par le gouvernement Jospin de créer un troisième aéroport parisien à Chaulnes avait été une décision purement électorale. C'est faux, monsieur le ministre : le contexte dans lequel elle a été prise prouve qu'elle avait été mûrement préparée.

Le choix annoncé par le Premier ministre Lionel Jospin en novembre 2001 était l'aboutissement d'un processus de débat public qui avait duré près d'un an. En application de l'article 155 de la loi de février 2002, relative à la démocratie de proximité, un décret en Conseil d État avait défini un large périmètre autour du site de Chaulnes, les propriétaires d'immeubles situés à l'intérieur de ce périmètre ayant la possibilité de mettre l'État en demeure de procéder à l'acquisition de leurs biens. Des dispositions précises avaient donc été prises pour engager la mise en place de ce complément d'infrastructure conçu pour fonctionner en bipôle avec Roissy. Dans ces conditions vous ne pouvez pas prétendre qu'il s'agissait d'une décision préélectorale.

Le 25 juillet 2002, vous prononçant en faveur « d'un développement durable des aéroports parisiens », vous avez annoncé une série de dispositions destinées à lutter contre les nuisances aériennes. Vous évoquiez alors un « traitement volontariste des nuisances sonores générées par les vols de nuit », au moyen de « mesures concrètes et significatives ». Force est de constater, près de trois ans après, que les résultats ne sont pas significatifs, pour ne pas dire qu'ils sont insignifiants.

À Roissy-Charles de Gaulle, entre minuit et cinq heures du matin on est passé de 26 000 mouvements annuels à 22 500, soit une diminution de 13 % exactement, et non pas de 15 %. En fait cette baisse est marginale et, sur le terrain, les riverains en ressentent d'autant moins les effets qu'il y a des reports de vols pourtant prévus avant minuit et après cinq heures. De toute façon, une nuit de cinq heures, avec encore beaucoup trop d'avions, c'est un peu court, monsieur le ministre. Les riverains apprécieraient de pouvoir s'endormir avant minuit et se réveiller après cinq heures, chacun en conviendra.

Avec 160 vols par jour entre minuit et cinq heures, le trafic de Roissy est dix fois supérieur à celui de Londres-Heathrow. À Francfort, monsieur le ministre, un accord vient d'être trouvé, et l'arrêt des vols de nuit a été décidé en échange de la construction d'une nouvelle piste. L'aéroport de Hahn, pourtant situé à 150 kilomètres de Francfort, en zone faiblement peuplée, pourra accueillir des vols de nuit. Des solutions peuvent donc être trouvées pourvu qu'il y ait une volonté de dialogue.

En outre, monsieur le ministre, les règles que vous avez instituées ne sont pas toujours respectées. En 2004, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, a déjà pris 248 décisions. Au 30 novembre 2004, elle avait prononcé 215 amendes, représentant un montant de plus de deux millions d'euros. Malgré tout 792 dossiers lui ont été transmis au 31 décembre 2004. Ce chiffre élevé s'explique par le grand nombre de décollages non programmés entre minuit et cinq heures, au mépris de limitations déjà insuffisantes. En 2004, 800 avions, soit plus de deux par nuit, ont donc décollé illégalement entre minuit et cinq heures, alors qu'ils auraient dû partir avant minuit. Dans les faits les amendes ne suffisent pas à faire respecter les règles, faute d'être suffisamment dissuasives.

Comment pouvez-vous dès lors prétendre, monsieur le ministre, agir significativement contre les nuisances aéroportuaires ? L'amorce de la privatisation d'Aéroports de Paris, l'engrenage du profit à tout prix que vous mettez en place laissent craindre le pire. Comment imaginer que, demain, des actionnaires privés, uniquement intéressés par la recherche de profits à court terme, accepteront de limiter ces mouvements pour prendre en compte la gêne des riverains, alors que c'est déjà si difficile dans la situation actuelle ?

Le Parlement réuni en Congrès a pourtant consacré, le 28 février dernier, la valeur constitutionnelle de la Charte de l'environnement. Or, parmi les grands principes énoncés dans cette dernière, l'article 1er dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Selon son article 6, « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». Il est évident que la politique aéroportuaire actuelle ne respecte pas ces principes, y compris en province. À ce titre, je ne doute pas un seul instant que les associations de riverains engageront des actions contentieuses sur la base de cette charte. Ils n'auront pas d'autre issue pour faire reconnaître leurs légitimes revendications.

Le rapport d'information de juillet 2003 - Quelle politique aéroportuaire à l'Horizon 2020 ? - de M. Gonnot, rapporteur du présent projet de loi, nous conduit dans l'impasse. Les vingt et une propositions qu'il contient ont été la caution du Gouvernement pour dire non au troisième aéroport. Les adjectifs utilisés dans ce rapport pour qualifier la situation actuelle de l'Île-de-France étaient pourtant appropriés : M. Gonnot y parlait de « situation explosive » à Paris, « d'état des lieux dramatique », de Franciliens « sacrifiés ». Pourtant, les réponses apportées, quoi que vous en disiez monsieur le ministre, ne sont pas du tout satisfaisantes. La mission s'était donné trois priorités auxquelles étaient censées répondre les vingt et une propositions. Vous aviez pris l'engagement d'en tenir le plus grand compte. Force est de constater que nous sommes bien loin d'avoir atteint ces trois objectifs.

Le premier objectif des mesures proposées par M. Gonnot au nom de la mission était la réduction des nuisances des aéroports de Roissy et d'Orly.

À cet égard la mission Gonnot proposait l'instauration d'un vrai contrat avec les Franciliens, animé par un délégué interministériel. Cette proposition n'a jamais été suivie d'effet : nous attendons toujours la nomination du délégué interministériel.

Le rapport de M. Gonnot pointait aussi la nécessaire internalisation des coûts environnementaux en accord avec l'application du principe pollueur-payeur, principe qui n'a pas été retenu, malgré notre demande, dans la Charte de l'environnement. Toute mesure dissuasive en termes de coût pour les compagnies qui ne tiennent pas compte des contraintes environnementales va dans le bon sens. Pourtant, où en sommes-nous ? Les progrès sont marginaux et ce n'est pas la nouvelle TNSA qui peut faire office de taxe environnementale favorisant l'internalisation du coût environnemental.

Toutefois il y a encore plus grave que l'absence de mise en œuvre de ces mesures, puisque ce rapport proposait, véritable provocation, la création d'une piste alternative à Roissy pour « soulager », selon ses propres termes, les riverains des deux aéroports parisiens. Pour justifier le rejet d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire dans le grand Bassin parisien, on nous a opposé des arguments essentiellement économiques : la concurrence européenne et la mise en garde contre toute prise de décision unilatérale.

Le rapporteur avait au moins reconnu la nécessité de déterminer « un plafond absolu de développement de l'aéroport ». Voilà une question essentielle. Qu'en est-il aujourd'hui au moment où il faut réviser enfin le plan d'exposition au bruit et qu'il est donc impératif de formuler des hypothèses d'évolution du trafic pour les années à venir ?

Selon le rapport 2003 de la Cour des comptes, la capacité annuelle des pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle est estimée entre 750 000 et 900 000 mouvements. Oserez-vous aller jusque-là, monsieur le ministre ? En 2004 on a compté à Roissy 51,3 millions de passagers pour 526 707 mouvements, ce qui déjà énorme. Ne faut-il pas se donner les moyens de préparer l'avenir, c'est-à-dire d'accueillir de façon raisonnée la demande structurelle de transport aérien, qui va doubler à long terme ?

Le politique ne peut plus différer sa décision ; il en va de son autorité et cela procède de sa responsabilité. Or c'est le choix de la fuite en avant vers le gigantisme aéroportuaire parisien que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre, et qu'il vous faudra assumer. Vous avez du mal à l'affirmer au point que la procédure de révision du plan d'exposition au bruit de Roissy - j'appelle votre attention sur cette question essentielle - tarde à être engagée par le préfet de région alors qu'il reste un an maximum pour le faire, comme la loi l'impose, car cela vous contraindra à annoncer les hypothèses de trafic pour les années qui viennent. Or vous savez qu'annoncer aux élus et aux riverains franciliens une hypothèse de 750 000 à 850 000 mouvements va déclencher des réactions de rejet très fortes.

Vous avez d'ailleurs d'ores et déjà pris le risque d'être hors la loi s'agissant de Roissy puisque la révision du plan d'exposition au bruit nécessite au moins dix-huit mois et que l'échéance est fixée à mars 2006. J'espère que vous pourrez apporter des réponses précises à cette question. Elle n'est pas hors sujet.

Votre choix se confirme à la lumière de l'absence de toute réalisation du deuxième objectif avancé par le rapport Gormot, à savoir le redéploiement des trafics afin de développer les synergies entre plates-formes parisiennes et plates-formes de province. Il était notamment question du rôle de Vatry au sein d'un futur système aéroportuaire français, s'agissant particulièrement du trafic de fret.

Chacun sait, en effet, que la croissance du trafic de fret est plus rapide que celle du trafic des passagers. L'implantation autorisée par le gouvernement d'Alain Juppé du hub de Fed Ex à Roissy et le développement de l'activité express en général ont entraîné un fort développement du trafic de fret, avec des vols cargos ou postaux qui deviennent la cause essentielle de la gêne des riverains la nuit. Roissy a ainsi pratiquement rattrapé Francfort, premier aéroport européen pour le fret.

Faut-il rappeler, comme M. de Courson l'avait fait dans son rapport sur le budget de l'aviation civile du projet de loi de finances pour 2004, que la compagnie Fed Ex a bénéficié de conditions d'implantation à Roissy particulièrement avantageuses ? Le protocole d'accord signé en 1996 entre ADP et la société Fédéral Express Corporation offre à Fed Ex des opportunités de développement « avantageuses et exclusives » écrivait-il. Fed Ex vient d'ailleurs de faire jouer son droit d'option sur une réserve foncière de plus de quatorze hectares. Est-ce de cette façon, monsieur le ministre, que vous comptez réaliser le troisième réseau aéroportuaire et desserrer le fret grâce à d'autres plateformes telles que Vatry, alors que vous permettez à Fed Ex de poursuivre son développement sur Roissy ?

Vatry est pourtant une alternative économique viable et immédiatement opérationnelle. Vatry est sous exploité. Le Gouvernement devrait faire le choix de son développement. Or nous n'avons aucun signe tangible de cette volonté. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a même été décevant de ce point de vue. L'utilisation de la plate-forme de Vatry comme solution de moindre nuisance n'a pas été véritablement examinée et aucun calendrier n'a été précisé.

Le troisième réseau aéroportuaire est pourtant officiellement annoncé : « La desserte équilibrée du territoire national s'appuiera sur un troisième réseau de plates-formes moyennes, existantes ou à créer » indiquait le document final de ce comité interministériel. Mais où en sommes-nous ? Nulle part ! Rien n'est fait. Rien n'avance.

Enfin, le dernier objectif mis en avant par la mission Gonnot était de miser sur les lignes à grande vitesse.

Pourtant, le TGV, comme l'avaient démontré la mission DUCSAI et le débat public, à l'issue desquels le gouvernement Jospin avait annoncé la création de l'aéroport de Chaulnes en Picardie,...

M. Maxime Gremetz. Tout à fait ! C'est la chance de la Picardie !

M. Jean-Pierre Blazy. ...n'est pas en mesure de constituer une réelle alternative à la création du troisième aéroport. Le transport aérien est concurrencé par le TGV, mais on estime que le marché n'est favorable à la grande vitesse qu'en deçà d'une distance de 800 kilomètres, ou en deçà de trois heures de voyage. Cela ne peut mener qu'à long terme à une baisse de la demande aérienne à l'intérieur de l'Europe quand on voit déjà l'extrême lenteur de la mise en œuvre des projets ou pire, l'absence de volonté politique. Et je ne parle pas d'éventuelles et hypothétiques lignes de fret ferroviaire.

M. Gonnot avançait la nécessité d'optimiser le fonctionnement du réseau existant, de développer les lignes à grande vitesse transversales pour interconnecter les aéroports, de développer l'intermodalité, de favoriser la substitution modale dans une perspective d'aménagement du territoire. De telles propositions allaient dans le bon sens mais leur réalisation aurait un coût élevé, sûrement plus important que la seule réalisation du troisième aéroport. Aucun début de mise en œuvre n'a d'ailleurs été constaté, à l'exception de la réalisation du TGV Est, décidée par la gauche.

De rapport en rapport, nous en arrivons à celui du sénateur Legrand, qui propose la création des communautés aéroportuaires, conçues par notre collègue sénateur comme « l'outil d'une meilleure gouvernance du territoire d'influence des grands aéroports ». Pourtant, la proposition de loi sur les communautés aéroportuaires que l'Assemblée a adoptée en décembre 2003 - et dont vous étiez aussi le rapporteur, monsieur Gonnot - n'est qu'une coquille vide, privée de toute substance financière.

Cette loi a créé une nouvelle catégorie d'établissement public administratif, défini comme un organe de gouvernance territoriale et destiné à permettre aux différents acteurs des territoires aéroportuaires de se concerter, notamment en matière d'environnement et de qualité de vie, en particulier s'agissant de la gestion du bruit, mais aussi en matière de développement économique et humain. Nous attendons toujours, monsieur le ministre, le décret d'application sur la composition du conseil d'administration de la communauté aéroportuaire. Il tarde vraiment à être publié, ce qui tranche avec la rapidité avec laquelle la loi avait été adoptée au Parlement, dans un contexte préélectoral.

Alors que le rapport Legrand préconisait la création d'un fonds d'investissement et de services de la communauté aéroportuaire, la proposition de loi Legrand n'a retenu que les contributions volontaires des entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, des gestionnaires d'aéroports, des collectivités locales. Ces dispositions ont été élaborées à la hâte. Comment les présidents de région qui doivent être à l'initiative de la création de ces futures communautés aéroportuaires peuvent-ils, sans ressources véritables, être réellement incités à développer ces dispositifs que je crois utiles ?

Finalement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez fait le choix unilatéral du tout Roissy. Telle est la vérité et la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme va dans le même sens : elle ne pourra que renforcer le gigantisme aéroportuaire au détriment de l'environnement et de la sécurité, dans une logique essentiellement libérale.

L'histoire se répète : déjà il y a eu la privatisation d'Air France en 2003, alors que M. Gayssot avait simplement ouvert le capital de cette compagnie et que l'objectif du gouvernement de gauche n'était pas la privatisation.

M. Jérôme Rivière. Donc il y a bien une différence entre ouverture et privatisation ! Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est bien une différence entre la gauche et la droite ; vous avez raison de le souligner !

Précisément, vous, vous avez privatisé Air France. Vous avez opté pour le tout libéral contre l'intérêt général, au détriment des salariés, des passagers, des riverains et des aéroports. Alors que votre projet avait été présenté à l'époque comme une simple adaptation technique, la part de l'État dans le capital d'Air France a été rapidement réduite depuis. Elle est aujourd'hui de seulement 18,7 % ! Il est vrai que le Gouvernement a besoin d'argent frais : c'est pourquoi il vend ses parts de capital qu'il avait promis de garder.

Vous organisez le même schéma pour Aéroports de Paris. Bien que votre texte prévoie une majorité publique du capital, vous imaginez déjà que la part de l'État devienne minoritaire. La pression des 49 % de parts privées initiales sera trop forte pour que vous résistiez à la spirale de la privatisation. La pression des intérêts privés sera également trop forte et ils primeront sur la réalisation des missions de service public.

Avec ce nouveau projet de loi, vous privez à nouveau l'État d'un levier d'aménagement du territoire pourtant essentiel, et ce sans aucune réflexion sur la nécessaire complémentarité des modes de transport et des infrastructures dans un souci d'économies d'énergie et de réduction de la pollution, donc de développement durable.

S'agissant des aéroports de province, vous vous abritez derrière la décentralisation pour dissimuler la réalité de vos desseins. Or la décentralisation du gouvernement Raffarin n'est que la défausse de l'État sur les collectivités territoriales. Vous avez dévoyé le grand principe de la décentralisation. Nous avions déjà, avec la loi sur la démocratie de proximité de février 2002 - juste à la veille de l'alternance malheureuse - prévu l'expérimentation possible de la gestion des aéroports dit de proximité, à l'exception des grands aéroports.

Vous ne pouvez pas traiter des aéroports comme vous avez traité des compagnies aériennes. Les premiers sont fortement dépendants des secondes. Ils n'obéissent pas aux mêmes logiques. Alors que les compagnies aériennes, en particulier les compagnies à bas coût, de plus en plus nombreuses en France, obéissent à une logique de court terme correspondant à l'exigence de leurs actionnaires, la planification des infrastructures aéroportuaires ne peut, quant à elle, s'envisager qu'à moyen ou long terme.

Les aéroports régionaux sont et seront de plus en plus en plus vulnérables de ce point de vue. Le phénomène est récent puisque, alors qu'en 2000, les compagnies à bas coût étaient à l'origine de 10 % seulement du trafic international des aéroports régionaux, leur poids, aujourd'hui, atteint pratiquement 25 %. Cela est encore plus vrai s'agissant des aéroports départementaux de taille moyenne, comme l'atteste le cas de Beauvais, où 93 % des vols de commerciaux au premier semestre 2004 ont été des vols Ryan Air. Cette dépendance n'est pas sans poser de problèmes. Qu'adviendra-t-il de Beauvais et de ses emplois si cette compagnie change de stratégie et décide même - pourquoi pas ? - de quitter cette plate-forme ?

Par ailleurs, le contexte mondial et européen dans lequel s'inscrit l'industrie du transport aérien devrait inciter à plus de prudence. Les événements du 11 septembre 2001, les incertitudes géopolitiques, la peur du terrorisme et le renchérissement des coûts de sûreté, l'augmentation du prix de l'énergie, la récession économique, sans oublier l'épidémie de pneumopathie venue d'Asie du Sud-Est ont entraîné de nombreuses faillites de compagnies en Europe : Swissair, Sabena, AOM, Air Liberté puis Air Lib, enfin Air Littoral et Aeris. De nombreuses compagnies se portent mal, y compris des compagnies américaines : trois des six principales compagnies américaines sont menacées de faillite. Delta Airlines, partenaire d'Air France dans l'alliance Skyteam, vient d'engager une nouvelle guerre des prix en décidant une baisse de 50 % de ses tarifs. Cette guerre des tarifs, qui recommence, va inévitablement tirer les comptes vers le bas, alors même que l'énergie est de plus en plus chère.

En Europe, le passage accéléré à une concurrence déréglementée, qui se poursuit toujours, en particulier avec l'ouverture du marché de l'assistance en escale, s'est fait sans que soit définie une compétence de l'Union européenne dans ses relations avec les États tiers, notamment avec les États-Unis, ce qui n'a pas assuré aux compagnies aériennes les meilleures conditions pour faire face à la très forte concurrence du secteur au niveau mondial.

Finalement, monsieur 1e ministre, vous voulez imposer votre choix du tout libéral, au moment où les effets négatifs de la déréglementation du transport aérien nécessiteraient, au contraire, un réexamen prudent et attentif de la situation et non la fuite en avant.

Qui ne voit, en réalité, que, plus que jamais, le hub d'Air France impose son modèle centralisateur et monopolistique pour le trafic domestique. Les disparitions récentes d'Air Lib, d'Aeris, d'Air Jet, d'Air Atlantique, d'Euralair et, en 2004, d'Air Littoral ont accru la dépendance des aéroports de province vis-à-vis de Paris et d'Air France. Strasbourg, Montpellier, Lille, Ajaccio et Clermont-Ferrand ont été durement pénalisés en 2004.

Cette centralisation renforcée sur Paris se traduit par une offre régionale quasi inexistante en matière de liaisons internationales extra-européennes régulières. Les aéroports régionaux ne peuvent compter qu'avec les liaisons intra-européennes pour développer leur trafic international, en acceptant alors de dépendre de plus en plus étroitement des compagnies à bas coût. Telle est la réalité aujourd'hui et c'est en partie le résultat de la politique que vous menez depuis trois ans.

L'exemple de Bâle-Mulhouse avec Easy Jet est très significatif de ce point de vue. Nous sommes donc dans un schéma où la force excessive du tout Air France se nourrit de l'affaiblissement des aéroports régionaux et, surtout, de leur dépendance aggravée vis-à-vis des compagnies à bas coût. Ce schéma à haut risque, vous allez le conforter avec votre projet de loi. En dressant ce constat, nous sommes au cœur du sujet, et il nous faut en débattre. J'attire l'attention de tous mes collègues sur cette situation.

J'en viens à la deuxième partie de mon intervention.

Aéroports de Paris a été créé le 24 octobre 1945, sous le gouvernement provisoire de la République française, par une ordonnance qu'ont signée le général de Gaulle, Charles Tillon, ministre de l'air, Alexandre Parodi, ministre du travail et de la sécurité sociale, René Pleven, ministre de l'économie nationale et des finances, Raoul Dautry, ministre de la reconstruction et de l'urbanisme, et Eugène Thomas, ministre des PTT. Cette ordonnance de 1945 déterminait les éléments qui faisaient partie de l'ensemble constitué par l'aéroport et qui comprenaient : les aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile, les voies d'accès aux aérodromes destinées au trafic des lignes aériennes mondiales, continentales et nationales, les routes aériennes réservées aux transports commerciaux, les dispositifs de protection de ces routes, les installations et dépendances rattachées à l'aéroport en vue de permettre son exploitation complète.

ADP est actuellement un établissement public. À ce titre, il est régi par un principe de spécialité ne l'autorisant pas à exercer certaines activités qui ne rentrent pas dans la mission pour laquelle il a été créé. L'établissement public ADP a été créé pour aménager, exploiter et développer l'ensemble des installations du transport civil aérien dans la région Île-de-France, ce qui regroupe les trois aéroports du Bourget, de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly ainsi que neuf aérodromes et l'héliport d'Issy-les-Moulineaux.

Monsieur 1e ministre, vous justifiez la transformation d'ADP en société anonyme en arguant du fait que 1e principe de spécialisation entrave sa diversification, s'agissant notamment de son développement international, alors que l'établissement public intervient déjà très largement au plan international.

Rien n'impose ce changement : la loi aurait pu redéfinir, en les élargissant, les missions d'ADP - car il y a des évolutions à envisager - en maintenant son statut d'établissement public et en créant un nouveau type d'établissement public à vocation économique internationale.

Aucune exigence communautaire n'impose la transformation d'ADP en société anonyme. Certes, vous mettez en avant, monsieur le rapporteur, les critiques qu'a formulées la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2002, sur le non-respect par ADP du principe de spécialité. Monsieur le rapporteur, vous balayez d'un revers de main la possibilité de contourner ce problème, en faisant croire que la transformation en société anonyme est inéluctable. Il aurait pourtant été possible de créer un autre statut. Il aurait fallu étudier cette voie, la plus à même de répondre aux impératifs d'intérêt général auxquels doit, précisément, répondre ADP.

Dans la réponse du ministère aux critiques formulées par la Cour des comptes sur la méconnaissance du principe de spécialité par ADP, à aucun moment, il n'était indiqué que ces observations justifiaient la transformation d'ADP en société anonyme. Pourquoi, comme le prétend le rapporteur, le justifieraient-elles maintenant ? M. le ministre de l'équipement considérait alors que « les analyses juridiques effectuées à l'époque n'ont pas montré que [ces activités] étaient incompatibles avec le statut de l'établissement ».

Ce qui est aussi en question, ce sont les missions d'ADP. Que veut-on en faire ? Il n'est pas illégitime que l'établissement puisse exporter son savoir faire, son ingénierie. Dans sa réponse aux critiques de la Cour des comptes, le président d'ADP estimait que les actions à l'international étaient « le complément de sa mission » et présentaient un « intérêt direct pour l'amélioration des conditions d'exercice de celle-ci ». Le statut d'établissement public ne semblait pas vraiment le gêner.

Interviewé dans l'hebdomadaire L'Hémicycle, le président d'ADP définit les axes de son travail en vue du changement de statut. Ses propos sont sans ambiguïté : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de services ». C'est donc pour permettre à ADP de faire du business qu'on nous propose ce changement de statut.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. De « services » !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous allez comprendre pourquoi j'emploie le « franglais », contrairement à mon habitude !

Avant même le vote de la loi, Aéroports de Paris envisage la construction d'un centre commercial à Roissy, sans d'ailleurs se soucier des conséquences négatives inévitables sur les entreprises commerciales situées sur le territoire de l'EPA Plaine de France. Les élus de toutes tendances s'opposent à ce projet.

M. François Asensi. Pas tous !

M. Jean-Pierre Blazy. Peut-être pas le maire du Tremblay, évidemment !

ADP ne prend pas en compte les réalités du territoire qui l'entoure et pourrait être à l'origine d'une concurrence déloyale qui déstabiliserait le commerce local. Ce type d'activité commerciale constitue-t-il vraiment un motif légitime pour affirmer que le principe de spécialité encadrant l'établissement public ADP bride son développement ?

Selon notre rapporteur, créer un nouveau statut d'établissement public pour ADP serait un choix purement idéologique. C'est plutôt la transformation d'ADP en société anonyme qui en est un. Vous prétendez faire un choix pragmatique, mais il est en réalité dogmatique, fondé sur le credo libéral. Vous mettez en avant le fort endettement d'ADP. Pourtant une opération de recapitalisation initiée par l'État était tout à fait possible en cas de nécessité. Les règles européennes exigent uniquement que l'État se comporte en actionnaire de droit commun, sans volonté de fausser le jeu de la concurrence.

Il est hasardeux d'ouvrir le capital d'ADP dans le contexte actuel. Huit mois après l'effondrement du terminal 2E de l'aéroport de Roissy, qui a fait quatre morts et trois blessés, la commission d'enquête administrative, présidée par Jean Berthier, a rendu son rapport. Il est à bien des égards accablant pour les architectes et pour Aéroports de Paris. Il montre en effet que, dès la construction, des fissurations existaient. Des déformations ont fatigué la structure et la coque s'est fragilisée. De graves erreurs de conception sont en cause. Il faudrait même s'attendre à une série de mises en examen. La responsabilité d'ADP est mise en cause et les défauts de construction pourraient même impliquer la destruction de la jetée, dont la construction a pourtant coûté quelque 150 millions d'euros. La future société anonyme Aéroports de Paris que vous envisagez se révèle donc être, avant même sa constitution, particulièrement fragilisée. Une ouverture de son capital risquerait de lui être fatale.

M. Graff avait déclaré que l'ouverture du capital devrait se faire à la fin de 2005. S'exprimant sur les conséquences des conclusions du rapport Berthier pour ADP, le secrétaire d'État aux transports, François Goulard, avait affirmé, en février dernier, que le calendrier de la privatisation ne serait pas reculé. Pourtant le ministre délégué à l'industrie, Patrick Devedjian, a déclaré ensuite que la privatisation serait plus tardive : « Tant que cela ne sera pas derrière nous, cela ne sera pas propice ». Vous-même, monsieur le ministre, avez envisagé l'ouverture du capital d'ADP fin 2005-début 2006. Ce qu'il faut retenir de ces différentes déclarations, c'est que la privatisation est programmée, que ce soit à court ou à moyen terme.

Nous sommes donc bien dans une logique libérale. C'est d'ailleurs de cette même logique que relèvent les conclusions du rapport établi par M. Mariton, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle, sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics. Après avoir ouvert le processus de privatisation des aéroports, la majorité envisage déjà celle des gares.

Le choix de privatiser ADP est une option idéologique, qui n'avait pourtant rien d'inéluctable.

La validité de ce choix est biaisée par la consanguinité qui existe dans le microcosme du transport aérien. Comme le montre une affaire récente, révélée par Les Echos et Le Canard enchaîné, ce sont les mêmes personnes qui passent d'un poste à l'autre, en circuit fermé, entre les cabinets des ministres, la direction générale de l'aviation civile et la direction d'Aéroports de Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Hunault. De tels propos sont scandaleux dans notre hémicycle !

M. Jean-Pierre Blazy. Comment, dans ces conditions, parler de choix objectifs faits au nom de l'intérêt général ? Les politiques eux-mêmes se laissent déposséder de leurs responsabilités. Le directeur de cabinet du secrétaire d'État aux transports et à la mer, M. François Gauthey, a ainsi été rémunéré par ADP, où il a travaillé de 1995 à 2002, à hauteur de 7 000 euros bruts par mois, comme l'ont révélé récemment Les Echos et Le Canard enchaîné. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Michel Hunault. C'est une attaque personnelle ! De votre part, c'est indécent !

M. Jean-Pierre Blazy. Cela vous gêne peut-être, mais c'est dans la presse.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy. Puisque vous arrivez à l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourrez vous exprimer sur le sujet !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est nul !

M. Jean-Pierre Blazy. La réalité vous gênerait-elle ? La presse serait-elle indécente ? Je m'y réfère : si elle s'est trompée, à vous de rétablir la vérité !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Vos propos sont inadmissibles !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'avez pas à les juger ni à me donner des notes.

M. Michel Hunault. Nous en reparlerons lors des explications de vote !

M. François-Michel Gonnot. Rendez-nous Maxime Gremetz !

M. Jean-Pierre Blazy. M. Gauthey percevait également un salaire de chef de service clients d'Aéroports de Paris alors qu'il était conseiller aux transports du Premier ministre, de juillet 2002 à mars 2004.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Et les emplois Air France sous Mitterrand ?

M. Jean-Pierre Blazy. Le remboursement du salaire de M. Gauthey à sa société d'origine n'a toujours pas été effectué. Voilà ce que dit la presse.

Comment accepter un tel mélange des genres : un cadre supérieur d'une entreprise publique occupant un poste de responsabilité dans le ministère chargé de la privatiser ? On tente ensuite de nous faire croire que la transformation d'ADP en SA est inéluctable et va dans le sens de l'intérêt général. Nous attendons vos explications.

Parallèlement à cette transformation en société anonyme, le texte prévoit la mise en place d'un régime de domanialité privée, exception faite des biens nécessaires à l'exercice par l'État de ses missions de service public. Le transfert des biens d'Aéroports de Paris pour les infrastructures directement liées à l'activité aérienne, qui constituent des outils permettant l'accomplissement de missions de service public serait inacceptable. Or le texte reste flou sur les biens non transférables dont il renvoie la définition à un décret. Les tours de contrôle et les installations techniques associées, les radars, les pistes et les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant, les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant pour aéronefs ne sont pas explicitement préservés : ce n'est pas acceptable et il faut clarifier ce point.

S'agissant de la mise en œuvre des missions essentielles de service public d'ADP, nous restons dans une inquiétante incertitude. Le texte renvoie à un cahier des charges qui doit être défini par décret, mais ces missions sont trop importantes pour que leur désignation ne soit pas soumise à la représentation nationale. Or le Sénat n'a fourni qu'un large cadre législatif insuffisamment contraignant. Le pouvoir réglementaire aura donc le loisir de mettre ce qu'il veut dans ce cahier des charges.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. C'est la Constitution !

M. Jean-Pierre Blazy. On nous demande un véritable chèque en blanc. Dans quelles conditions ces missions seront-elles assurées ? Nul ne le sait. Plus grave, on ne retrouve pas la déclinaison des principes du service public : continuité, adaptabilité, universalité, neutralité, prix raisonnables.

Monsieur le ministre, ce texte est lourd de menaces quant à l'exercice par Aéroports de Paris de ses missions de service public, à savoir l'aménagement, l'exploitation et le développement des aéroports parisiens. Ces missions sont banalisées parmi les multiples nouvelles activités que votre texte veut permettre à la future société anonyme d'exercer. J'en ai donné un exemple tout à l'heure avec le projet de centre commercial. Les nouvelles activités seront encadrées par un statut fixé par décret. Vous exigez donc de notre assemblée un blanc-seing pour faire d'Aéroports de Paris une entreprise aux activités multiples, au détriment des missions de service public.

L'État aura-t-il les moyens de faire respecter ce cahier des charges déjà minimaliste ?

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Saura-t-il résister à la pression des actionnaires privés seulement intéressés par la recherche du profit maximum ? Les impératifs de sécurité ne risquent-ils pas d'être revus à la baisse si le transport aérien n'est plus régi que par des critères de profit ?

S'agissant des personnels, vous maintenez dans le texte le statut des employés d'Aéroports de Paris. Mais pour combien de temps ?

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Le temps de la loi.

M. Jean-Pierre Blazy. La régression sociale, si elle n'est pas immédiate, histoire de maintenir la paix sociale, est programmée. L'intersyndicale d'Aéroports de Paris est inquiète : comment ne le serait-elle pas ? Transformer ADP en société anonyme, c'est aussi faire de ses salariés des employés comme les autres du secteur marchand.

Votre texte annonce la privatisation d'Aéroports de Paris...

M. Michel Hunault. Caricature !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. La loi précise qu'elle restera une entreprise majoritairement publique.

M. Jean-Pierre Blazy. ...que M. Bussereau, alors secrétaire d'État, avait publiquement souhaitée. Comment imaginer que des actionnaires privés, uniquement intéressés par le profit, acceptent le statut des agents d'Aéroports de Paris ? L'existence et le maintien du statut du personnel relèvent de l'article R 252-12-2 du code de l'aviation civile. Cet article n'est pas abrogé, mais ce gouvernement, ou un autre, pourra y mettre fin par une nouvelle loi, voire par un simple décret.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Un gouvernement de gauche, oui ! De droite, jamais !

M. Jean-Pierre Blazy. La préservation du statut des personnels n'est que provisoire en cas de transformation en société anonyme, comme le montre l'exemple d'Air France, à qui la dernière loi donne deux ans pour négocier un accord d'entreprise raccroché à la convention collective du transport aérien, qui se substituera au statut réglementaire du personnel. Un vote du nouveau conseil d'administration de la SA, ratifié par le ministre, suffira donc à mettre fin au statut des personnels d'Aéroports de Paris. Vous ne leur donnez aucune garantie : en réalité, vous les trompez.

On s'extasie toujours sur la capacité du transport aérien à créer des emplois. On dit qu'un million de passagers génère mille emplois directs et autant d'emplois indirects, mais on oublie le développement de l'emploi précaire sur les plateformes aéroportuaires. Aéroports de Paris a beaucoup sous-traité et de nombreux emplois précaires ont été créés dans la sous-traitance. Il est désormais à craindre que cette logique de l'emploi précaire ne soit étendue aux nouveaux emplois qui seront créés par ADP, devenue société anonyme.

J'en viens au titre II du texte, qui concerne les grands aéroports de province.

À ce propos, peut-on vraiment parler d'une deuxième partie, tant votre projet de loi est déséquilibré ? Si les dispositions concernant Aéroports de Paris sont réglées sinon dans le détail du moins assez clairement, la partie du texte concernant les aéroports de province semble n'être que résiduelle. La liste des aéroports de province concernés n'est même pas clairement énoncée dans le projet de loi.

Est-ce là toute l'importance que vous accordez à ces outils fondamentaux d'aménagement du territoire que sont les aéroports de province ? Cette disproportion choquante montre une fois de plus que vous faites le choix du tout-Roissy et de l'hypertrophie parisienne. Le rapporteur, sans doute bien informé, se hasarde à citer une liste de douze aéroports, dont huit sont métropolitains et quatre ultramarins. Les onze premiers de la liste sont des aéroports dont le trafic a largement dépassé le million de passagers.

Si ce seuil est le principal critère à retenir, il faut y ajouter Beauvais, aéroport picard, sans doute cher à votre cœur, monsieur le rapporteur, qui vient de dépasser le million de passagers en 2004 et dont le trafic est supérieur à celui de l'aéroport de Lille - évoqué par Maxime Gremetz - qui est pourtant incontestablement un aéroport régional, bien que non retenu par M. Gonnot dans sa liste. L'État s'intéresse-t-il à Beauvais ? Va-t-il le considérer comme un aéroport régional ? Il serait bon, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de préciser au cours des débats la liste des grands aéroports concernés par le titre II. Il serait logique que la représentation nationale en soit informée avant la publication du décret.

La gestion des aéroports de province reste depuis de longues années une question non résolue. Dans la plupart des cas, dès la fin de la Première guerre mondiale, l'État s'est rendu propriétaire de vastes domaines, généralement plats et proches des grandes agglomérations. Devenu propriétaire et créateur, il concède, par une disposition de 1933, aux chambres de commerce et d'industrie la gestion et le développement de l'aéroport, dans le cadre d'une concession d'outillage public de longue durée. L'État reste le promoteur et l'acteur du développement du transport aérien, mais il le confie à un acteur public.

Sur la plupart des aérodromes, ces concessions ont été menées à leur terme jusque dans les années quatre-vingts. À cette échéance, l'État a constaté que les gestionnaires avaient généralement bien conduit le développement des aéroports ; que les concessionnaires avaient fait appel aux collectivités territoriales pour financer les investissements des équipements aéroportuaires, comme à Bordeaux, par exemple, avec la communauté urbaine et le département ; qu'ils avaient néanmoins assuré le développement des aéroports bien que la concertation avec les collectivités locales soit souvent insuffisante.

Je ne conteste pas la nécessité d'une évolution du statut des grands aéroports régionaux. Pour autant, la transformation en société anonyme n'est pas inéluctable, comme vous tentez de nous le faire croire. Votre position libérale dogmatique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) vous a empêchés d'envisager d'autres solutions et vous a conduits à choisir la privatisation. On aurait pu imaginer la création de sociétés inspirées des sociétés d'économie mixte avec l'indispensable participation au capital des chambres de commerce et d'industrie, mais aussi la participation des collectivités locales qui le souhaiteraient. On aurait pu également explorer la possibilité de créer un établissement public industriel et commercial regroupant les grands aéroports de province.

Si l'on observe la situation des aéroports chez nos voisins européens, qui ne sont pas tous privés, on se rend compte que l'ouverture du capital n'est pas inéluctable.

M. Michel Piron. Pour l'instant !

M. Jean-Pierre Blazy. Certains aéroports sont gérés par des sociétés aéroportuaires à capitaux publics à 100 % : c'est le cas en Irlande, qui n'est pourtant pas un modèle de ce point de vue, ou au Portugal.

Votre texte prévoit que l'exploitation de ces aéroports, actuellement assurée par les chambres de commerce et d'industrie territorialement compétentes, sera transférée en cours de concession à des sociétés de droit privé, spécialement créées, à capital détenu par l'État, la chambre de commerce et, le cas échéant, des collectivités locales. À leur création, ces sociétés seront majoritairement détenues par des personnes publiques, voire entièrement si l'amendement de la commission des affaires économiques est voté. En réalité ce ne sera qu'initialement puisque le capital de ces sociétés devrait progressivement être ouvert au secteur privé. Il ne suffit pas de dire « entièrement », monsieur le rapporteur, car il y a toujours l'adjectif « initial ». C'est en tout cas ce que souhaite le Gouvernement.

Il faut donc redouter - et c'est ce que craignent les chambres de commerce comme les collectivités territoriales qui pourraient être intéressées - que le Gouvernement organise, sans le dire, le premier étage de la fusée de la privatisation des aéroports de province, puisqu'il prévoit que le capital de ces sociétés aéroportuaires serait réparti à hauteur de 60 % pour l'État, 25 % pour les chambres de commerce et d'industrie et 15 % pour les collectivités locales, si l'on en croit un article de presse. Vous-même, monsieur le ministre, avez parlé de noyau dur public. Mais ensuite, que fera l'État ?

Les chambres de commerce, pourtant demandeuses d'une réforme du statut des aéroports, sont d'ailleurs très critiques sur cette partie de votre projet de loi. Elles souhaitent rester au centre des nouvelles sociétés et obtenir une minorité de blocage, ce que le texte ne prévoit pas. Vous ne donnez aucune indication sur la composition du futur capital des nouvelles sociétés. Vous ne répondez pas à leurs attentes, tant sur la fin des systèmes de concession que sur la propriété domaniale.

Rien n'est précisé sur l'entrée des partenaires privés dans le capital. Dans leur livre blanc, les chambres de commerce plaident pour un droit de préemption sur les parts de l'État, à leur profit et à celui des collectivités locales, pour éviter que les aéroports nationaux ne passent dans les mains de sociétés étrangères. Le projet de loi n'en fait pas mention, mais le risque existe pourtant, et il est grand. On pourra aussi, un jour, voir ADP, désormais privatisée, chercher à contrôler en partie le capital de certains aéroports régionaux, les plus rentables, évidemment. Comment imaginer que la politique aéroportuaire des grands aéroports de province soit un jour entre les mains de groupes privés étrangers ? Comment concilier une telle situation avec les exigences du service public et l'aménagement du territoire ? On ne peut éluder de telles questions.

L'exploitation privée des grands aéroports régionaux ne doit pas aboutir à remettre en question le développement équilibré des territoires et des régions, mission fondamentale de l'État. Vous ne prévoyez pourtant aucun garde-fou contre ce libéralisme excessif, contre cette décentralisation débridée, qui auront pour résultat une concurrence effrénée et destructrice entre les territoires. Ce n'est pas notre conception de l'aménagement du territoire.

Certaines collectivités territoriales déclarent leur intérêt à participer au capital des futures sociétés aéroportuaires, d'autres s'interrogent légitimement, ou encore considèrent qu'elles n'auront pas les possibilités financières de s'engager, ayant à faire face à d'autres nécessités imposées par la loi de décentralisation. Certaines, enfin, auront déjà à gérer les aéroports de proximité décentralisés, comme devront peut-être le faire certains départements. Nous souhaitons en tout cas garantir un droit de préemption en faveur des chambres de commerce dans le cas où les sociétés aéroportuaires seraient finalement créées.

Une question se pose, monsieur le ministre : aussitôt après l'entrée de la CCI dans le capital de la nouvelle société aéroportuaire, l'État lui renouvellera la concession, mais sans nouvel appel d'offres, dans la mesure où il y a une forme de continuité de la délégation. Ce dispositif est-il compatible avec le code des marchés publics et la loi Sapin ?

Ce texte fait également planer de sérieuses menaces sur le personnel. Il dispose en effet que les agents des chambres de commerce sont, sur la base d'une convention signée entre la CCI et la nouvelle société concessionnaire, mis à la disposition de cette dernière pour une durée de dix ans. Pendant cette période, chaque agent pourra demander qu'on lui propose un contrat de travail et, à l'issue de cette période, la société exploitant l'aéroport devra le lui proposer. Le salarié, s'il refuse, sera alors réintégré dans la CCI, mais les chambres de commerce pointent leur incapacité à réembaucher ces agents après dix ans. Dès lors, qu'adviendra-t-il ? Les nombreuses inquiétudes qu'expriment les personnels des chambres de commerce sur la pérennité de leur statut sont donc légitimes.

Monsieur le ministre, votre texte est inacceptable parce qu'il participe à une privatisation à grande échelle de nos infrastructures aéroportuaires, parce qu'il marque le désengagement de l'État d'un secteur pourtant stratégique et fondamental, et parce qu'il constitue la victoire d'un libéralisme à tous crins au détriment de l'intérêt général.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce sont des mots !

M. Michel Piron. Que d'excès !

M. Jean-Pierre Blazy. Sur le plan économique, seule comptera désormais la satisfaction des futurs actionnaires des aéroports, donc la logique du profit à court terme, dans un contexte de concurrence renforcée.

Sur le plan social, et quoi que vous puissiez en dire, vous compromettez la pérennité du statut du personnel d'Aéroports de Paris, fragilisez la situation des employés des aéroports régionaux, et ouvrez la porte à une précarité de l'emploi encore plus importante sur les plateformes aéroportuaires. Une telle précarisation est déjà à l'œuvre, nous le constatons de plus en plus, sauf dans les entreprises à statut public, et encore !

En ce qui concerne l'aménagement du territoire, vous renforcez inévitablement l'hypertrophie parisienne et vous affaiblissez les aéroports régionaux.

M. Jean-Pierre Gorges. C'est le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce texte marque le triomphe de la logique de marché au détriment des objectifs de développement durable, pourtant proclamés tout récemment dans la charte de l'environnement.

C'est pourquoi il vous est demandé, mes chers collègues, d'adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Votre intervention, monsieur Blazy, a été longue - plus d'une heure -, mais pour le moins décousue et, surtout, de qualité très inégale.

M. François Asensi. Au contraire, c'était excellent !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez même été jusqu'à évoquer certains ragots, notamment au sujet du terminal 2E. Vous avez ainsi cité des extraits de presse concernant de prétendues mises en examen, affirmations qui ont pourtant été démenties par le juge en charge du dossier.

M. Jean-Pierre Gorges. C'est grave !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. En outre, il n'existe aucun lien entre le statut d'ADP et l'accident survenu au terminal 2E.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne l'ai jamais prétendu !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Une telle confusion n'est pas digne du débat parlementaire, encore moins lorsqu'elle s'appuie sur un autre ragot, personnel celui-là, dont je ne parlerai même pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous m'avez interrogé sur les communautés aéroportuaires. Le décret d'application sur ce sujet est examiné par le Conseil d'État depuis quelques semaines et devrait être publié très prochainement. Il en est de même de celui contenant la liste des aéroports, qui est d'ailleurs inchangée depuis le vote de la loi. Il ne vous causera donc aucune surprise.

Vous vous êtes demandé si les dispositions relatives aux aéroports régionaux étaient compatibles avec la loi Sapin. Il suffit de lire l'article 7 du projet de loi, en particulier le dernier alinéa du II : « L'article 38 et les deuxième à quatrième alinéas de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux opérations réalisées selon les dispositions du présent II. » Certes, lire le texte du projet demande un peu de temps, mais il est si simple d'y trouver des réponses !

Vous avez aussi attaqué les compagnies à bas coût, tout en saluant les performances de certains aéroports régionaux. Ces compagnies contribuent sans aucun doute à la démocratisation du voyage aérien : grâce à elles, beaucoup de gens découvrent le monde et acquièrent une plus grande mobilité. En outre, elles participent au développement économique de certaines plateformes aéroportuaires et conduisent à créer des emplois, ...

M. François Asensi. Elles conduisent surtout à précariser le travail !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. ...le tout, évidemment, sans empêcher les compagnies traditionnelles de se développer également.

Par ailleurs, les compagnies à bas coût sont évidemment aussi contrôlées que les autres.

M. François Asensi et Mme Odile Saugues. Ce n'est pas si sûr !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez consacré une grande partie de votre intervention au troisième réseau d'aéroports. Le texte qui vous est présenté vise justement à développer, avec de nouveaux moyens, les aéroports structurants pour le pays. Il s'agit de constituer un réseau équilibré, non exclusivement centré sur la région parisienne, mais irriguant tout le territoire national. Je suis aussi ministre de l'aménagement du territoire et, à ce titre, plus enclin à promouvoir un tel équilibre qu'à décider la construction d'un nouvel aéroport dans le Bassin parisien. Un tel projet, vous le savez bien, a toujours été un leurre. Il est tout à fait impossible de le mettre en œuvre dans les prochaines décennies.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument pas !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. En ce qui concerne Vatry, le volume du fret y augmente rapidement. La France a ainsi pu présenter, sur le plan technique, la meilleure candidature à DHL et, bien que l'entreprise soit restée en Allemagne, elle a salué la qualité du dossier.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est Fed Ex qu'il fallait faire venir à Vatry !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Par ailleurs, vous êtes très mal placé, monsieur Blazy, pour nous critiquer au sujet du CIADT du 18 décembre 2003. En effet, alors que le gouvernement Jospin avait supprimé le FITTVN, seul outil de financement des infrastructures, nous avons, nous, institué l'agence de financement des infrastructures de transport, dont le conseil d'administration est désormais réuni et qui dispose de ressources propres.

Mme Odile Saugues. Vous l'avez vidée de son contenu !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il manque malheureusement les ressources qu'auraient pu procurer les sociétés d'autoroutes que vous avez privatisées, comme ASF. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odile Saugues. Ça, ce n'est pas nous !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Sachant que les actions de cette société ont presque doublé de valeur depuis que vous l'avez privatisée, vous pouvez imaginer quel manque à gagner cela représente pour l'AFITF ! Heureusement, nous avons conservé la SAPRR et la SANEF, dont nous allons ouvrir légèrement le capital pour lui permettre de rembourser plus rapidement ses dettes et de distribuer des dividendes. Ces derniers alimenteront l'AFITF, d'ici à 2012, à hauteur de 3,5 milliards d'euros, au grand bénéfice des trains à grande vitesse, des lignes ferroviaires, des canaux fluviaux et de quelques autoroutes.

Nous mettons ainsi en application un principe qui a toujours été le nôtre : la route doit financer le transport en général, notamment le transport propre. Cela constitue un énorme progrès, avouez-le, par rapport à votre pratique puisque insister sur la nécessité d'inscrire le transport dans un processus de développement durable ne vous a pas empêchés de faire perdre au fret ferroviaire 1 % par an pendant vingt ans ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Sur tous les points sur lesquels vous avez pris position en défendant la question préalable, monsieur Blazy, je constate que vous vous êtes trompé. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'en donnerai deux exemples.

Au sujet des nuisances aériennes, tout en vous déclarant favorable à la réduction du bruit à la source, vous avez affirmé, au moment du débat sur Air France, que nous avions atteint certaines limites en ce domaine. Or vous venez de reconnaître que les nuisances aériennes avaient baissé de plus de 11 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Je n'ai pas dit cela. Vous m'avez sans doute mal compris !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est vrai : comme je l'ai déjà indiqué, le trafic nocturne a baissé à Roissy. Nous avons plafonné le nombre de mouvements, évité d'attribuer à nouveau certains créneaux horaires lorsqu'ils se libéraient. Ceux qui ne respectent pas la réglementation se voient enfin sanctionnés, ce qui n'était pas le cas auparavant. L'État fait son travail et exerce son autorité pour protéger les riverains.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous devriez venir sur place ! Je vous invite !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez certes raison d'affirmer que le trafic nocturne n'a pas diminué de 15 % : en réalité, la baisse est de 17 % ! Nous avons inversé la tendance, et l'entrée dans un cycle de réduction des nuisances se confirme.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous devrez apporter la preuve de ces résultats !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez par ailleurs établi un parallèle entre la privatisation d'Air France et le changement de statut d'ADP. Or nous ne privatisons pas ADP : nous ne faisons qu'ouvrir son capital, de même que vous avez ouvert celui d'Air France. Et lorsque nous l'avons privatisée, vous avez affirmé que, dans la période incertaine où nous étions, cela constituait un risque majeur pour l'avenir du transport aérien français. Voyez ce qui est arrivé depuis : Air France a pu réaliser la meilleure affaire possible pour le transport aérien français et européen !

M. Richard Mallié. C'est la meilleure des compagnies !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Grâce à la fusion avec KLM, elle est devenue la première compagnie aérienne mondiale.

Mme Odile Saugues. Nous en reparlerons !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Si c'est ce que vous appelez un risque majeur, monsieur Blazy, je suis prêt à en prendre tous les jours ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Rivière. En défendant une question préalable, l'opposition met en cause le bien fondé de notre assemblée à débattre de ce texte au prétexte qu'il signifierait l'abandon par l'État de toute politique aéroportuaire. C'est du moins ce que je vous ai entendu dire, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous m'avez mal entendu !

M. Jérôme Rivière. Comment nier, pourtant, les évolutions considérables qui, sur le plan de l'environnement commercial ou des services, sont intervenues depuis des années dans le domaine du transport aérien et qui affectent les aéroports ? Comment ne pas reconnaître la nécessité d'un cadre juridique nouveau pour donner à ces derniers les moyens de lutter à armes égales dans un secteur particulièrement concurrentiel ?

Le président du Conseil constitutionnel trouve que la loi est parfois bavarde. Ce n'est pas le cas de ce projet. Rappelons-le : il n'existait, jusqu'à présent, aucun texte de loi concernant les aéroports régionaux, et celui-ci est particulièrement attendu par les CCI, gestionnaires des plus grandes plateformes régionales.

Concis, ce texte se compose de trois titres et s'avérera, j'en suis convaincu, très efficace après notre discussion.

Le titre Ier propose de transformer ADP en société anonyme non par idéologie ou par dogme, comme vous avez voulu le faire croire à plusieurs reprises, mais pour donner à cette plateforme l'opportunité d'un développement, en particulier à l'étranger. Ne pas débattre, c'est condamner cette société, c'est condamner un meilleur avenir pour ses personnels, c'est leur refuser le droit de mettre en valeur leurs compétences professionnelles face à la concurrence.

Le titre II ouvre le droit pour les CCI d'apporter comme le précisera, je l'espère, un amendement, leur concession afin de créer des sociétés aéroportuaires. Le Gouvernement a choisi de maintenir un système concessif, choix non libéral. Je vous rappelle d'ailleurs que la norme européenne repose sur la licence. Quelle meilleure preuve de son non-désengagement ! L'État restera donc omniprésent.

Tous les acteurs du secteur attendent un texte. Nos débats et les réponses des ministres seront essentiels. Monsieur Blazy, ne pas débattre de ce texte, c'est ne pas se doter d'un titre II qui nous permettra de choisir l'avenir de notre plateforme d'intérêt national ou international. Soyons lucides : ne pas légiférer, c'est nous soumettre, en raison de notre inaction, à des décisions communautaires qui ne correspondraient pas nécessairement à nos choix.

Le titre III définit le mode de fixation des redevances, modernise leurs mécanismes et autorise notamment leur modulation ainsi que l'encadrement de leur progression sur un rythme pluriannuel. Ne pas légiférer, c'est conserver un ancien système, sans base législative, notamment pour la perception des redevances domaniales.

Monsieur Blazy, faute d'arguments, vous avez trébuché et fait état de considérations nauséeuses en attaquant des personnes, discréditant encore l'éventuel bien-fondé de votre démonstration. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Loncle. Arrêtez !

M. Jérôme Rivière. Non, décidément, ce texte est indispensable.

Pour ces raisons, le groupe UMP rejettera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Odile Saugues. C'est la langue de bois !

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole et à M. François Asensi.

M. François Asensi. Le groupe communiste votera cette question préalable.

La vision quelque peu catastrophiste que vous donnez d'Aéroports de Paris n'est pas tout à fait conforme à la réalité. Sixième aéroport mondial, Aéroports de Paris a vu croître, entre 2002 et 2003, son chiffre d'affaires de 15 %. De plus, la plateforme aéroportuaire compte 115 000 salariés.

Vous auriez pu aussi envisager une recapitalisation par l'État, comme vous l'avez fait pour Alstom, eu égard à sa place sur le front atlantique, sans risque pour l'État en raison du monopole public et de la permanence des produits captifs tels que les redevances et les taxes.

Aujourd'hui, cinquante à cinquante et un million de passagers transitent par Roissy. Même si le chiffre n'est pas officiel, vous envisagez un trafic de quatre-vingts millions de passagers.

Mme Odile Saugues. Ils sont muets sur ce sujet !

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Nous parlons en termes de vols !

M. François Asensi. Les techniciens d'ADP affirment qu'un accroissement jusqu'à 100 millions de passagers est possible. J'appelle votre attention sur les risques écologiques encourus du fait d'un accroissement considérable du trafic : un avion décollera, alors, toutes les quinze secondes !

M. Jérôme Rivière. Il y a des gros avions, maintenant !

M. François Asensi. Des problèmes de santé publique se posent du fait des vols de nuit, même si vous mentionnez le couvre-feu entre minuit et cinq heures du matin. En effet les jeunes enfants ne se couchent pas à minuit et ne se réveillent pas à cinq heures du matin. Le couvre-feu doit commencer plus tôt.

Selon vos propos, il convient également de revenir sur le principe de spécialité d'établissement public avec des investissements lourds.

De plus, monsieur le ministre, aborder la question du troisième aéroport ne constitue en rien une digression. Passer de 700 000 à 900 000, voire à un million de mouvements implique des investissements sur Roissy, faute d'avoir opté pour l'idée d'un troisième aéroport. D'autres solutions auraient été possibles.

La question rédhibitoire concerne celle de la domanialité.

Vous pouviez maintenir la domanialité dans le domaine public. Vous faites, ici, un cadeau extraordinaire à la future SA. À vous entendre, l'État conservera 90 % du capital. Toutefois, Jean-Pierre Blazy a bien montré qu'à force d'évolutions, on finit par ouvrir totalement le capital et par privatiser.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. La loi ne le permet pas !

M. François Asensi. La loi le permettra.

M. Richard Mallié. Quand vous le faites, c'est une augmentation de capital ; quand on le fait, c'est une privatisation !

M. François Asensi. Vous avez déjà pris des dispositions pour accélérer la privatisation.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera la question préalable déposée par le groupe socialiste.

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Jean-Pierre Blazy, dans la présentation de la question préalable, a fort précisément exposé les incohérences de la politique aérienne et aéroportuaire menée par le Gouvernement : non-respect des problèmes environnementaux aux abords des aéroports puisque vous refusez l'idée d'un troisième aéroport dans le bassin parisien malgré l'adoption de la Charte de l'environnement ; choix de la fuite en avant vers le gigantisme aéroportuaire ; fuite en avant au travers de plusieurs textes de loi sur les aéroports qui, préparés sans aucune cohérence, mènent à un bradage de notre service public aérien.

Ce projet, quant à lui, malgré les arguments alléchants que vous nous avez présentés pour nous le faire accepter, nous apparaît tout à fait inutile. Il n'assoira pas durablement un service public de qualité. D'autres choix pouvaient être faits pour une meilleure gestion d'ADP et de ses activités annexes sans, pour autant, se priver d'un outil d'aménagement essentiel, comme l'a souligné Jean-Pierre Blazy. Il organisera, selon toute vraisemblance, la dépendance à de grands groupes qui maîtriseront la politique aéroportuaire. Jean-Pierre Blazy l'a fort bien démontré.

Pour toutes ces raisons, nous le suivrons dans ses conclusions et nous voterons cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Le groupe UDF rejettera cette question préalable de M. Blazy.

Il y a, en effet, urgence à légiférer sur une question essentielle. Monsieur le ministre, nous vous soutenons dans votre volonté d'adapter les outils juridiques et financiers de gestion des aéroports.

Quelle est la situation, monsieur Blazy ?

Vous êtes un expert et vous connaissez parfaitement votre dossier. Des concessions arrivent à échéance, les besoins d'investissements sont énormes. Aucun financement n'est susceptible d'être assuré au regard de l'endettement. En réponse à ces défis, vous proposez au Parlement de ne pas légiférer et de voter une question préalable. Vous poussez la caricature en parlant de privatisation, mais, que je sache, ce texte est le fruit d'une concertation.

Monsieur le ministre, vous reprenez l'essentiel du Livre blanc élaboré depuis quelques années par des experts, ce dont je vous félicite. Ainsi l'État conservera ses prérogatives en matière de service public...

M. François Brottes. Très peu !

M. Michel Hunault. ...d'environnement et de développement durable et vous donnez les moyens juridiques et financiers permettant d'assurer l'avenir, véritable défi pour un gouvernement.

Je m'exprime ici avec fermeté. Vous savez, en effet, monsieur Blazy, que le seul dossier d'avenir consensuel, quelle que soit la couleur politique des collectivités locales, est celui du futur aéroport de l'ouest. Vous vous êtes même permis de venir dans ma circonscription pour dire qu'il n'y avait pas lieu de créer une nouvelle zone aéroportuaire dans l'Ouest ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François-Michel Gonnot, rapporteur. C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sont des ragots ! Je n'ai jamais dit cela !

M. Michel Hunault. Vous dites, aujourd'hui, au nom de votre groupe, qu'il n'y a pas lieu de légiférer. De plus, vous citez, ce qui est assez comique venant de vous, l'ordonnance de 1945 et le général de Gaulle. Vous devriez éviter de telles références !

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi ?

M. Michel Hunault. Nous ne sommes pas en 1945, mais en 2005. Nous devons relever un défi : adapter les outils juridiques et financiers pour assurer l'avenir.

Depuis trois ans, monsieur le ministre, vous avez essayé d'accorder les moyens juridiques et financiers nécessaires au développement des routes et du rail. Celui des aéroports est une troisième étape. C'est pourquoi nous devons débattre ce soir et, en conséquence, rejeter cette question préalable présentée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

DÉCRET RELATIF AU RÉFÉRENDUM SUR LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. Monsieur le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

                    Paris, le 9 mars 2005

        Monsieur le Président,

        J'ai l'honneur de vous communiquer le décret par lequel j'ai décidé, sur proposition du Gouvernement et conformément à l'article 11 de la Constitution, de soumettre au référendum un projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce projet de loi est annexé au décret.

        Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération.

                    « Jacques Chirac. »

Je donne lecture du décret annexé à cette lettre :

DÉCRET DU 9 MARS 2005 DÉCIDANT DE SOUMETTRE UN PROJET DE LOI AU RÉFÉRENDUM

« Le Président de la République,

« Sur proposition du Gouvernement,

« Vu la Constitution, notamment ses articles 3, 11, 19, 52, 53 et 60,

« Le Conseil constitutionnel consulté dans les conditions prévues par l'article 46 de l'ordonnance n° 58-1067 portant loi organique du 7 novembre 1958,

« Décrète :

« Art. 1er. - Le projet de loi annexé au présent décret, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera soumis au référendum le 29 mai 2005, conformément aux dispositions de l'article 11 de la Constitution.

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, le scrutin sera organisé le samedi précédent à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, en Polynésie française et dans les centres de vote des Français de l'étranger situés sur le continent américain. »

« Art.2. - Les électeurs auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question suivante :

« Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? »

« Art.3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française. »

« Fait à Paris, le 9 mars 2005.

              « Le Président de la République,

          JACQUES CHIRAC. »

ANNEXE

Projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe

« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, dont le texte est annexé à la présente loi. »

Acte est donné à M. le Président de la République de cette communication.

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1914, relatif aux aéroports :

Rapport, n° 2045, de M. François-Michel Gonnot, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

Avis, n° 2055, de M. Charles de Courson, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot


s