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Deuxième séance du mardi 21 juin 2005

232e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

HAUSSE DES CARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, l'essence aura rarement coûté aussi cher. Deux facteurs expliquent cette hausse : l'augmentation du prix du baril de pétrole, qui, en ce moment, avoisine les 60 dollars, et la remontée du dollar. Les automobilistes doivent aujourd'hui payer leur litre de gazole 20 % de plus qu'il y a un an.

La première conséquence de cette hausse est une perte de pouvoir d'achat pour nos concitoyens qui ont déjà beaucoup de mal à joindre les deux bouts.

M. Jean-Pierre Soisson. Naturellement, c'est la faute du Gouvernement !

M. Nicolas Perruchot. C'est vrai pour tous, et plus particulièrement pour ceux dont l'activité professionnelle nécessite l'usage d'une voiture.

L'autre conséquence, c'est une augmentation, au travers de la TVA et de la TIPP, des recettes fiscales de l'État.

Dans le contexte de tension économique que traverse notre pays, l'UDF estime qu'il serait juste que nos concitoyens ne soient pas pénalisés par la hausse du prix du baril de pétrole. Monsieur le ministre, quel dispositif entendez-vous mettre en place afin de neutraliser la hausse du prix de l'essence pour les automobilistes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous avons en effet constaté, ces derniers jours, une hausse du prix du baril de pétrole (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui, ne l'oublions pas, fait suite à une baisse assez substantielle il y a six semaines. Nous sommes dans une logique assez erratique sur les cours du Brent.

M. Jean-Pierre Brard. Parlez français !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bien que tout cela ait un impact évident sur l'économie, il faut raison garder.

M. Maxime Gremetz. Excusez du peu : 9 % !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez rappelé, monsieur le député, que, entre le 1er octobre 2000 et le 21 juillet 2002, le Gouvernement avait mis en place la TIPP flottante. Cette mesure avait coûté 2,7 milliards d'euros et n'avait eu, en fin de compte, qu'un impact relativement limité pour le consommateur, qui n'avait ainsi économisé que 1,5 centime d'euro par litre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

N'oublions pas que, aujourd'hui, la TIPP est partagée avec les collectivités locales...

M. Bernard Roman. Pas encore !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et que 20 % de cette taxe financent le RMI.

Monsieur le député, je vous confirme que le gouvernement de Dominique de Villepin n'a pas l'intention de remettre en place la TIPP flottante, qui n'a pas porté ses fruits. En revanche, il a la volonté de poursuivre ses efforts...

M. Jean-Pierre Brard. On en voit les résultats !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...dans la maîtrise d'une politique énergétique indépendante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle s'appuie sur le nucléaire, sur le développement des énergies de substitution, sur le renforcement de la politique d'économie d'énergie, qui est l'une des plus efficaces d'Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

EMPLOI ET POUVOIR D'ACHAT

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le Premier ministre, c'est aujourd'hui une grande journée d'action en faveur de l'emploi et des salaires. Nos concitoyens font tous le même constat : la vie devient de plus en plus chère, pendant que le pouvoir d'achat diminue. C'est l'augmentation des carburants : le gazole à plus de 14 %, le super à plus de 12 %, le fioul domestique à plus de 20 %, ce qui est incompréhensible au moment où Total réalise 9 milliards de profit.

M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !

M. François Liberti. C'est l'augmentation du gaz − plus de 15,4 % étalés sur plusieurs mois, soit 47 % de plus depuis quatre ans − pour séduire les actionnaires dans le cadre de la privatisation de GDF. Une fois de plus, le porte-monnaie des ménages paie l'addition de la privatisation.

M. Maxime Gremetz. Exactement !

M. François Liberti. C'est l'augmentation des loyers et la baisse prévue du taux du livret A.

Tout augmente, sauf le pouvoir d'achat des Français, parce que votre gouvernement, complice du MEDEF, ne fait pas aboutir les négociations sur les salaires. Les fonctionnaires, eux, attendent toujours une revalorisation de leur point d'indice de 5 % pour rattraper le retard, et, malgré vos promesses, rien ne vient. La décision d'augmenter ces tarifs, validée par votre gouvernement, accentue encore la fracture sociale. L'avenir ne sera pas plus brillant avec les mesures que vous concoctez et que vous prendrez par ordonnance, sans débat parlementaire, de la façon la plus autoritaire qui soit. Dans le domaine de l'emploi, vous allez ainsi créer le contrat « nouvelle embauche », assorti d'une période d'essai de deux ans, qui va plonger des milliers de personnes dans la précarité absolue : on pourra licencier sans contraintes, sans accorder aucun droit aux salariés.

Monsieur le Premier ministre, vous n'avez rien entendu du message du 29 mai.

M. Maxime Gremetz. Ils n'ont rien compris !

M. François Liberti. Il exigeait une rupture totale avec la politique menée depuis trois ans. Or vous restez totalement sourd aux exigences d'emploi, de salaire et de pouvoir d'achat. Il est pourtant urgent de stopper ces augmentations infernales et de relancer la croissance par les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais rappeler que le pouvoir d'achat des Français est au cœur de l'action du gouvernement de Dominique de Villepin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La bataille de l'emploi, c'est celle du pouvoir d'achat. Le cœur de la stratégie du gouvernement de Dominique de Villepin, c'est l'emploi, premier vecteur du pouvoir d'achat.

M. André Gerin. Baratin !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous le savez, le Premier ministre a décidé de consacrer 4,5 milliards d'euros à la bataille de l'emploi. Je voudrais encore rappeler, monsieur le député, que, dans quelques jours, le SMIC va augmenter de 5 %.

M. Henri Emmanuelli. Le gaz aussi !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je voudrais également rappeler que le Premier ministre a souhaité, avec Gérard Larcher, que les négociations salariales dans les branches aboutissent avant la fin de l'année.

M. Maxime Gremetz. On n'est pas à Lourdes !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je voudrais encore rappeler que, dès cet après-midi, je défendrai dans cet hémicycle un texte de loi qui, s'il est voté par l'Assemblée, autorisera les entreprises qui ont fait des bénéfices l'année dernière − ce dont on ne peut que se réjouir − à les redistribuer et à les partager par le biais d'un intéressement exceptionnel, et permettra de libérer la participation de façon exceptionnelle en 2005.

M. Jean-Pierre Brard. Guizot !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez parlé des loyers. Vous savez que Jean-Louis Borloo vient de faire voter au Sénat un très important amendement sur l'indexation des loyers. L'indice va changer, ce qui ira dans le sens de l'intérêt des consommateurs.

M. Jean-Pierre Brard. Mais où habitez-vous ?

M. Jacques Desallangre. Dans une chambre de bonne !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, j'ai annoncé ce matin la création de nouveaux indicateurs qui démontrent que, pour la première fois depuis le mois de février, on constate une baisse − certes minime − de la consommation des ménages.

M. Jacques Desallangre. Vous voyez bien que ça va mal !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous voyez donc, monsieur le député, que le Gouvernement de Dominique de Villepin entend se battre sur tous les fronts pour l'emploi et la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe UMP.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, l'Europe traverse la plus grave crise de son histoire. Aujourd'hui, les faits sont là : nos concitoyens ont été trompés. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Où est le fameux plan B de M. Fabius ? (« Où ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qu'y a-t-il de salutaire dans cette crise qu'il avait appelée de ses vœux ? Où est passée l'Europe politique et sociale aujourd'hui en panne ? Où est la solidarité budgétaire ?

M. Jacques Desallangre. Soyez beaux joueurs ! Soyez bons perdants !

M. Pierre Lequiller. Cette tromperie sert les intérêts de M. Blair, qui défend son chèque, sa vision d'une Europe supermarché et atlantiste, et conteste la politique agricole commune.

M. Jacques Desallangre. Reconnaissez-le : vous avez perdu !

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, comment sortir l'Union de cette crise après le sommet de Bruxelles où le Président de la République a défendu avec vigueur les intérêts de la France et une conception solidaire de l'Europe ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La politique agricole commune, pilier fondateur de l'Europe, fait de l'Union la première puissance agricole de la planète, devant les États-Unis. Elle préserve nos terroirs et offre aux consommateurs les produits les plus sûrs au monde. Avec l'industrie agroalimentaire, elle représente le deuxième secteur d'emploi en France.

Monsieur le Premier ministre, comment convaincre nos partenaires de la nécessité de préserver, conformément aux accords de Bruxelles d'octobre 2002, cette politique agricole essentielle pour l'Europe comme pour la France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a quarante ans, l'Europe et la France étaient importateurs nets de produits alimentaires. Aujourd'hui, la politique agricole commune garantit notre indépendance et notre sécurité alimentaires, et participe au développement harmonieux de notre territoire.

M. Jean-Marie Le Guen. Et au chômage !

M. le Premier ministre. La vérité, c'est que la politique agricole commune est un atout majeur pour l'Europe et pour la France.

C'est d'abord un atout économique : il suffit de voir comment, à grand renfort de subventions, les États-Unis soutiennent leur agriculture. Voulons-nous véritablement céder notre place de champion du monde des exportateurs de produits alimentaires ?

M. Jean-Marie Le Guen. C'est le retour de Guignol !

M. le Premier ministre. Nous avons l'esprit sportif, comme nos amis britanniques, mais nous n'avons pas vocation à brader nos médailles d'or à tous les coins de rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est également un atout pour l'emploi. Vous l'avez rappelé, monsieur le député, l'agriculture et la filière agroalimentaire représentent 2,5 millions d'emplois dans notre pays, soit 10 % des emplois.

C'est également un atout pour notre identité. Que l'on regarde nos paysages, nos campagnes ou nos terroirs.

M. Jean-Pierre Brard. Nos clochers !

Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Nos zoos !

M. le Premier ministre. Ils ont été façonnés par notre agriculture. Ce n'est pas parce que certains pays européens ont renoncé à leur agriculture qu'il faut faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

C'est, enfin, un enjeu essentiel pour l'avenir. Avec l'évolution démographique mondiale, les besoins alimentaires du monde deviennent une nécessité vitale.

M. Henri Emmanuelli. McDonald's !

M. le Premier ministre. Et c'est ce moment que nous choisirions pour remettre en cause nos productions et nos capacités agricoles ? Ce n'est pas raisonnable.

M. Jean-Marie Le Guen. Surréaliste !

M. le Premier ministre. Je voudrais enfin répondre à ceux qui s'inquiètent de la part de la politique agricole commune dans le budget européen. Il faut rappeler que l'Europe s'est construite autour de la politique agricole commune, qui est intégrée, entièrement communautarisée. Il est donc faux et injuste de vouloir comparer ces dépenses avec les dépenses d'éducation ou de recherche. C'est un mauvais procès.

M. Jean-Pierre Brard. Blair est un menteur, mais on le savait déjà !

M. le Premier ministre. Nous n'avons pas à opposer les dépenses d'avenir à celles du passé. La politique agricole commune est une dépense du présent. Se nourrir, c'est une dépense du présent et c'est aussi une dépense de l'avenir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen. N'importe quoi !

CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, l'histoire jugera sévèrement les dirigeants européens qui ont provoqué l'échec du sommet de Bruxelles. (« Fabius ! » et exclamations prolongées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Là où le choc du référendum appelait une vision solidaire, le Président de la République s'est enfermé dans un combat de coqs avec Tony Blair à propos du chèque britannique et de la PAC. (« Fabius ! Fabius ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Chirac n'est pas Président de la République ?

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, quel contraste avec le geste noble des pays nouveaux adhérents, prêts à sacrifier une partie de leurs avantages financiers pour sauver un compromis. Ces nations plus pauvres que nous ont démontré plus de grandeur que les grands pays de l'Union.

À aucun moment, Jacques Chirac n'a cherché à sortir de la crise par le haut. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À aucun moment, il n'a tenu compte des recommandations que nous avions faites, notamment ici dans cet hémicycle, pour réorienter les priorités de l'Union sur la nécessité d'augmenter son budget pour faire face aux défis de la mondialisation, je pense bien sûr aux crédits pour une politique industrielle ambitieuse, pour la recherche, pour la formation, pour les infrastructures de transports.

Monsieur le Premier ministre, malgré les efforts pathétiques de votre ministre des affaires étrangères, la France est arrivée à Bruxelles affaiblie, et elle en est hélas ! repartie abaissée. Voilà la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aux termes de nos institutions, le Président de la République n'a de comptes à rendre à personne. Mais la crise est grave. Aujourd'hui, l'Europe ne dispose ni du budget ni des institutions pour faire face à ses responsabilités historiques. Elle est politiquement paralysée.

Ma question est très simple : monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous nous sortir de l'ornière ? Allez-vous enfin accepter une remise à plat claire, ambitieuse, et franche avec nos partenaires, des politiques de l'Europe pour redonner confiance à la France, à l'Europe et à ses peuples ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, le Conseil européen de Bruxelles était un rendez-vous difficile. Revenons sur terre un instant, ceci n'est une surprise pour aucun d'entre nous ici.

M. Henri Emmanuelli. Pour moi, si !

M. le Premier ministre. La France, les Pays-Bas ont rejeté le traité constitutionnel.

M. Didier Migaud. Cela n'a rien à voir !

M. Maxime Gremetz. El le Luxembourg va en faire autant !

M. le Premier ministre. D'autres pays s'interrogent. Dès lors, nous savions que le chemin serait long et difficile.

M. Maxime Gremetz. Mais bénéfique !

M. le Premier ministre. Faut-il, comme vous le faites, monsieur Ayrault, chercher des boucs émissaires ? Ce serait injuste et, surtout, inefficace.

Le Conseil européen de Bruxelles a été un échec. Pourquoi ? D'abord, parce que les Britanniques se sont opposés à toute négociation sur le budget de l'Europe.

M. Jean-Marie Le Guen. Et nous, qu'avons-nous fait ?

M. le Premier ministre. Comme tous nos partenaires européens, nous avions accepté la proposition du président de l'Union européenne, M. Juncker, de relever la part du budget de l'Europe de 1 à 1,06 %. Cela peut paraître infime. Cela représente pour notre pays une contribution supplémentaire de 1,5 milliard d'euros par an, soit 10 milliards sur la période 2007-2013.

M. Julien Dray. Moins que les privatisations !

M. le Premier ministre. Eh bien, les Britanniques ont refusé cette proposition.

M. Jean-Pierre Brard. Perfide Albion !

M. le Premier ministre. La deuxième raison de l'échec, c'est que les Britanniques ont refusé le compromis sur la PAC qui avait été accepté en 2002 par tous les pays, y compris les Britanniques. Par un tour de passe-passe, ils ont voulu mettre sur le même plan la politique agricole commune et le chèque britannique.

M. Jean-Pierre Brard. Les fourbes !

M. le Premier ministre. Ces deux dépenses n'ont pourtant rien, mais strictement rien à voir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

D'un côté, il s'agit de dépenses nécessaires, indispensables pour répondre à nos besoins européens et nationaux, nos besoins alimentaires.

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

M. le Premier ministre. De l'autre, il s'agit du chèque britannique, un héritage du passé, un héritage désuet, aujourd'hui sans objet.

M. Jean-Pierre Brard. Laissé par Margaret !

M. le Premier ministre. Ce chèque britannique, je le dis ici avec toute l'amitié que je porte au peuple britannique, constitue une véritable dépense d'Ancien Régime. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Desallangre. Les Montagnards sont là !

M. le Premier ministre. Que nous prenions en compte le problème britannique de manière graduée pour éviter un choc trop brutal, bien sûr ! Que l'on accepte de préserver des avantages acquis aujourd'hui injustifiés, certainement pas !

Pour moi, aujourd'hui, monsieur Ayrault, la seule véritable question que nous devons nous poser, c'est de savoir comment on reconstruit l'Europe.

Nous avions choisi de mener de front l'élargissement et l'approfondissement avec la Constitution européenne.

M. Henri Emmanuelli. On n'a pas construit !

M. le Premier ministre. Mais, force est de le constater, les Européens et les Français ont eu le sentiment que l'Europe s'éloignait d'eux, s'éloignait de leurs préoccupations quotidiennes.

M. Jean-Christophe Cambadélis. La faute à qui ? C'est vous qui avez négocié !

M. le Premier ministre. Aujourd'hui, nous avons besoin, et nous devons le faire ensemble parce que l'intérêt national le commande, d'appliquer une nouvelle méthode. Il faut avancer projet par projet, avec, à l'esprit, un mot qui nous rassemble et qui nous est cher : le pragmatisme. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Avançons dans la voie d'une gouvernance économique européenne, avançons dans la voie d'une véritable politique de recherche. À ce propos, je vous rappelle que le projet de budget européen que nous avions accepté, comme tous les autres européens à l'exception des Britanniques, prévoyait une hausse de 30 % des dépenses pour la recherche en Europe.

M. Xavier de Roux. Très bien !

M. le Premier ministre. Avançons également dans une véritable politique dans le domaine de la sécurité et de la défense, et nous serons au rendez-vous de l'Europe et de nos peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À DES DÉLÉGATIONS
PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à :

Une délégation de la Chambre des représentants de Bosnie-Herzégovine, conduite par M. Sefik Dzaferovic, président de la Chambre ;

Une délégation du groupe d'amitié Slovénie-France, conduite par Mme Majda Sirca ;

Une délégation de l'Assemblée fédérale suisse, conduite par Mme Françoise Saudan. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

DÉLOCALISATIONS

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe UMP.

M. Pierre Méhaignerie. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les délocalisations, réelles ou celles dont on a peur, ont été au cœur du débat référendaire. Des responsables politiques ont répondu qu'il suffisait de dire « non » pour résoudre ce problème. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste - « Emmanuelli ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On aimerait, après ce week-end européen, qu'ils fassent leur autocritique quant à l'existence de ce plan B. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La négociation menée sur le textile par la Commission est une réponse partielle, mais un très petit pas.

M. Roland Chassain. Quel démocrate !

M. Maxime Gremetz. C'est honteux !

M. Pierre Méhaignerie. Car au-delà du textile, beaucoup d'autres secteurs industriels sont aujourd'hui touchés, la mécanique, le jouet, l'électronique, et de nombreuses PMI s'inquiètent de voir leurs concurrents s'établir en Chine. Si la mondialisation est incontournable, dans le même temps, de nombreux donneurs d'ordres poussent les PMI à la délocalisation. Cette mondialisation doit donc être préparée et régulée.

Parmi les multiples réponses de régulation, il en est une qui est pratiquée aux États-Unis (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), souhaitée par le Conseil national de la consommation, demandée par les organismes de consommateurs, c'est le marquage d'origine des produits. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Abandonné en 1985 sous la pression des importateurs, ce procédé est de nouveau examiné au niveau de la Commission.

Monsieur le ministre, ma question est simple : la France est-elle disposée à peser de tout son poids pour obtenir rapidement ce marquage d'origine afin de permettre à chaque consommateur d'assumer ses choix en toute transparence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous avez raison, il a beaucoup été question, au cours du débat référendaire, des délocalisations. Nos concitoyens nous ont légitimement interrogés les uns et les autres sur ce sujet qui les concerne.

M. Jean-Pierre Brard. Cela devrait vous concerner aussi.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Derrière ce phénomène, il y a la mutation progressive de notre économie, jusqu'à présent essentiellement industrielle. Aujourd'hui encore, c'est notre fierté et le Gouvernement a la volonté de préserver cette situation, l'industrie emploie environ 20 % des actifs.

M. Henri Emmanuelli. C'est insuffisant, vous le savez.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour le reste, l'économie est plus tertialisée.

Cette mutation, il faut l'expliquer, l'accompagner. Il faut, comme vous venez de le proposer, jouer de la différenciation et de l'origine des produits et des services.

Vous avez raison, la Commission réfléchit depuis plusieurs mois à ces questions. Son ambition est de faire en sorte que la propriété intellectuelle soit mieux préservée, à travers des brevets, des marques, ou des indications géographiques qui sont porteuses des différences auxquelles les entrepreneurs sont attachés.

Dans cet esprit, la Commission a envisagé deux types de méthodes, l'une obligatoire, l'autre volontaire. Aujourd'hui, le pragmatisme semblant faire ses preuves, c'est sans doute une approche sectorielle avec les filières professionnelles que la Commission va retenir.

Soyez assuré, monsieur le député, que le Gouvernement et mon département ministériel en particulier feront tout ce qu'ils peuvent, dans l'intérêt des professionnels, pour obtenir un marquage par filière. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Claude Lefort. A l'OMC ?

EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe UMP.

M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le garde des sceaux, mercredi dernier, la commission des lois de notre assemblée a dressé le bilan de la première année d'application de la loi du 9 mars 2004.

Nous avons certes constaté, avec une grande satisfaction, que cette loi produisait, jour après jour, des effets positifs dans de nombreux domaines : la lutte contre les réseaux de criminalité organisée, la lutte contre les pollueurs des mers, qui n'a jamais été aussi efficace en France, la mise en place du fichier des délinquants sexuels, qui va permettre de prévenir de nouvelles infractions, ou le développement de nouvelles procédures pour juger plus rapidement des délinquants reconnaissant leur culpabilité.

Mais nous voulons tirer très fortement la sonnette d'alarme sur les dysfonctionnements des tribunaux en matière d'exécution des décisions de justice.

Si cet après-midi, au moment où nous parlons, une personne est condamnée dans un tribunal correctionnel français à une peine de travail d'intérêt général, ou même à trois mois ou à six mois de prison ferme, que se passera-t-il ce soir pour elle ? Rien. Que se sera-t-il passé pour elle dans un mois ? Rien. Que se sera-t-il passé pour elle dans six mois ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Rien. Rien, parce qu'il faut, actuellement, attendre un peu plus de sept mois pour que les jugements connaissent un début d'exécution. Et si, dans ce délai, cette même personne commet une nouvelle infraction, si elle récidive, le nouveau tribunal qui la jugera n'aura pas même connaissance de l'infraction précédente.

Cette situation ne peut plus durer. Ma question est très simple : pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l'initiative de lancer un plan d'urgence pour mettre en place en France l'exécution en temps réel des décisions de justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Glavany. Qu'a fait M. Perben ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. La réponse est plus difficile que la question.

Je voudrais d'abord remercier Jean-Luc Warsmann, et je suis heureux de le faire devant un hémicycle au complet, pour tout ce qu'il a fait depuis trois ans, en particulier comme rapporteur des lois Perben 1 et 2.

M. Jacques Desallangre. Il devrait être ministre !

M. le garde des sceaux. Je salue notamment l'initiative qu'il a prise, avec le président de l'Assemblée nationale, de demander un suivi de la loi après un an d'application. Nous n'avions jamais fait ça jusqu'à présent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quant à l'audit qui m'est ainsi offert, si je puis dire, pour mon arrivée Place Vendôme, je voudrais signaler que j'avais souhaité que Jean-Luc Warsmann vienne présenter ce matin son rapport devant l'ensemble des directeurs de la chancellerie pour que chacun puisse en tirer le maximum de profit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.

Dans votre rapport, vous avez d'abord insisté sur ce qui est positif, à savoir les nouvelles formes de jugement rapide, en particulier la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou l'ordonnance pénale. Je rappelle, à cet égard, que plus de 10 000 affaires ont été jugées selon la procédure de CRPC. C'est donc un franc succès.

S'agissant, en revanche, de l'exécution des peines, il y a de vrais progrès à faire. Le taux d'exécution des peines a progressé depuis trois ans, mais les délais d'exécution n'ont pu être raccourcis. J'ai donc demandé ce matin, devant Jean-Luc Warsmann, aux directeurs de la chancellerie d'élaborer un plan d'action, mais je peux d'ores et déjà indiquer à la représentation nationale que la plupart des personnels qui seront recrutés - une centaine de magistrats, 500 fonctionnaires et une centaine de greffiers - seront dédiés à l'application des peines. Si besoin est, nous pourrons aussi créer des postes de vacataires.(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous pourrons ainsi mettre en œuvre concrètement la loi votée il y a maintenant un an et les délinquants sauront que l'exécution des peines sera rapide. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les organisations syndicales ont appelé à une mobilisation contre l'ouverture programmée du capital de GDF et d'EDF.

Les théoriciens du libéralisme annonçaient, depuis plusieurs années, une baisse du prix de l'électricité. Or, du fait de la libéralisation du marché, il a au contraire connu une hausse sans précédent - il a doublé en trois ans et augmenté de 50 % la seule année dernière. Le prix de l'électricité ne correspond plus en rien à son prix de revient réel et devient artificiellement élevé en raison de son alignement, contraire à toute logique, sur ceux du pétrole et du gaz.

L'abandon des tarifs réglementés et de toute politique industrielle menace des activités grosses consommatrices d'électricité et pourvoyeuses d'emplois. C'est le cas de la papeterie, de la sidérurgie, de l'aluminium ou de l'industrie du verre. (« Très bien ! »sur les bancs du groupe socialiste.)

Selon un expert, M. Jean-Louis Beffa, président de Saint-
Gobain, par ailleurs conseiller écouté de M. Jacques Chirac,...

M. Jean-Pierre Brard. Un collègue à eux !

M. Christian Bataille.... « la France est en train de perdre l'un de ses principaux avantages comparatifs : le prix bas de l'énergie. Si cela continue, sachez-le, nous partirons vraisemblablement vers la Russie. »

Monsieur le ministre, cette politique a des conséquences catastrophiques pour notre industrie et pour l'emploi. Et maintenant, ce sont les particuliers qui vont faire les frais de cette hausse des prix. Celle-ci correspondra, en fait, à une baisse de leur pouvoir d'achat, notamment pour les plus modestes.

Monsieur le ministre, EDF n'est pas encore privatisée et vous conservez la possibilité, au nom de l'État, de peser sur les décisions de l'entreprise. Entendez-vous donc, au nom de l'intérêt général, faire prévaloir votre point de vue d'actionnaire et donner des instructions pour stopper cette hausse des prix de l'électricité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous avez évoqué plusieurs problèmes. Le premier, c'est le prix du pétrole. Celui-ci a augmenté de 50 % en un an et, parallèlement, le dollar est remonté.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous sommes donc obligés de suivre une politique consistant à faire plus d'exploration-production, plus de transparence sur les stockages et des économies d'énergie. C'est la première réponse au problème du prix de l'énergie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. La question porte sur le prix de l'électricité !

M. le ministre délégué à l'industrie. Ensuite, vous avez parlé du gaz et de l'électricité. Je commencerai par le gaz. Nous avons, avec Gaz de France, un contrat de service public qui prévoit la possibilité d'une indexation des prix sur celui du baril de pétrole.

M. Henri Emmanuelli. Nous parlons de l'électricité !

M. le ministre délégué à l'industrie. Lorsque nous appliquons ces tarifs, nous devons soumettre cette formule à la Commission de régulation de l'énergie. Or, celle-ci aurait préféré - cela figure dans son avis, que j'ai reçu ce matin - que le rattrapage des prix soit moins étalé dans le temps. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Quant à l'électricité, ...

M. Henri Emmanuelli. Enfin !

M. le ministre délégué à l'industrie. ... les tarifs régulés sont aujourd'hui inférieurs à ceux du marché qui a anticipé le besoin de construction de nouvelles centrales. Nous avons créé un groupe de travail avec les industriels électro-intensifs  auxquels nous ferons, dans les prochains jours, des propositions qui répondront parfaitement à votre souci. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCHERESSE

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UMP.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. (« Hou ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Madame la ministre, vingt-six départements sont aujourd'hui touchés par des arrêtés préfectoraux de restriction d'eau et une partie de l'ouest du pays est désormais asséchée. Dans de nombreuses régions, les nappes d'eau accusent un déficit très inquiétant. Dans ma circonscription du nord de la Mayenne, sur le plan du débit, les cours d'eau affichent un déficit de l'ordre de 50 %, qui avoisine les 80 % dans le sud du département.

Les nappes phréatiques sont, elles aussi, anormalement basses et il faudrait qu'il pleuve sans discontinuer pendant plusieurs semaines pour compenser un manque d'eau qui, en Mayenne, se fait sentir depuis déjà deux ans. L'enjeu est de trouver un équilibre entre l'utilisation des eaux souterraines et des eaux de surface pour pallier la faiblesse des précipitations actuelles.

Les mesures de restriction de la consommation d'eau peuvent être vécues douloureusement, notamment par les exploitants agricoles, d'autant plus que le nombre d'hectares de surfaces irriguées est passé de 400 000 en 1955 à 1,6 million en 2000. Si les cultures ne semblent pas encore trop souffrir de ce déficit hydrologique, les semaines à venir s'annoncent pourtant difficiles pour nos agriculteurs. Il est donc indispensable de les aider à passer ce cap.

Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin d'aider les départements les plus touchés par la sécheresse à traverser cette période qui, si elle n'est pas encore exceptionnelle, peut rapidement devenir très préoccupante ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Effectivement, monsieur le député, la situation est aujourd'hui particulièrement préoccupante dans vingt-huit départements - trois départements se sont ajoutés ce matin aux vingt-cinq de la semaine passée. Il y a dix jours, dix-neuf départements étaient touchés, ce qui était déjà beaucoup.

Dès le mois de mars, nous avons pris des mesures sérieuses qui consistent à économiser l'eau, devenue un bien précieux : interdictions d'irrigation dans certains cas, de remplissage de piscine, de lavage de voiture et d'arrosage de jardin. De plus, les préfets ont régulièrement demandé des informations et tenu les usagers au courant de la situation. Depuis mars, nous avons défini un plan d'action rigoureux qui permet aujourd'hui, même si la situation sur le terrain est difficile, de répondre à cette crise.

Dans certains départements, la situation est plus grave qu'en 1976. Les mesures prises sont contraignantes pour les agriculteurs. Je tiens donc à remercier tout particulièrement ceux d'entre eux qui ont accepté de réduire leurs surfaces cultivées de maïs afin d'économiser l'eau.

Le Gouvernement est mobilisé au quotidien et suit la situation de près, département par département. Dans certains d'entre eux, il est actuellement interdit d'arroser, mais des lâchages de barrage auront probablement lieu au moment opportun pour préserver les cultures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. René André, pour le groupe UMP.

M. René André. Ma question s'adresse à M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

Monsieur le ministre, la bataille pour l'emploi, la lutte contre le chômage sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens et de ce gouvernement. C'est une bataille difficile aux résultats aléatoires, que chacun doit aborder avec modestie, mais détermination.

L'entreprise est au cœur de cette bataille, car c'est elle qui crée des emplois durables. En 2003, nous avons voté une loi visant à favoriser la création d'entreprises : 200 000 ont été créées en 2003...

M. Jean-Pierre Brard. Et combien ont fermé !

M. René André.... et 240 000 en 2004. Mais nous savons aujourd'hui que cela ne suffit pas. Il faut permettre aux entreprises de se développer, de vivre et, au besoin, d'être transmises en préservant les emplois.

Les petites et moyennes entreprises, les très petites entreprises, les artisans, sont donc au cœur de ce dispositif de lutte contre le chômage, au cœur de cette bataille pour l'emploi. Vous préparez, monsieur le ministre, un projet de loi pour les petites et moyennes entreprises. Quelles mesures contient-il qui permettront à ces entreprises de continuer à se développer et de maintenir leurs emplois, afin que la bataille qui nous mobilise tous puisse être gagnée ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le député, vous avez raison de le dire : c'est notre majorité qui a libéré l'esprit d'entreprise en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avec cette loi de 2003 qui a été combattue ici à gauche et plébiscitée dans le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De la même façon, nous allons libérer l'envie d'embaucher grâce au contrat « nouvelle embauche » et les mesures qui l'accompagnent, mais il faut aller plus loin. Je vais vous donner trois exemples de ce que le projet de loi relatif aux PME va apporter.

Premier exemple, voilà dix ans que des femmes travaillent dans des centaines de milliers d'entreprises sans droits sociaux. La gauche leur avait promis un statut. Elle ne l'a pas mis en place. Nous ne l'avions pas promis, mais nous allons l'instaurer avec le statut de conjoint collaborateur qui sera ouvert à toutes les femmes d'artisans et de commerçants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Deuxième exemple, voilà des années que l'on tire la sonnette d'alarme s'agissant de la transmission d'entreprise. Près de 500 000 entreprises vont changer de mains dans les années à venir. Nous mettons en place un volet attractif pour les repreneurs avec une baisse de la fiscalité sans précédent. Voilà des réponses pratiques et pragmatiques !

Troisième exemple, depuis 1997 les relations commerciales en France sont empoisonnées par la dérive de la coopération commerciale et des accords de gamme. Personne n'avait traité ce problème sous le gouvernement Jospin. Nous, nous proposerons des solutions justes et équilibrées qui seront débattues ici même. Les PME sont le fer de lance de notre économie. Des mesures concrètes sont au rendez-vous de leurs attentes. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


RÉCIDIVE

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Monsieur le garde des sceaux, ma question porte sur le traitement de la récidive. Depuis son retour au ministère de l'intérieur, votre collègue, M. Nicolas Sarkozy, multiplie les déclarations et les annonces sur un sujet qui, dans sa dimension pénale, dépend de vous.

M. Jean-Pierre Brard. Où est-il, au fait, M. Sarkozy ?

M. Christophe Caresche. Vous avez d'ailleurs semblé découvrir ses propos, alors qu'on nous avait assuré qu'ils étaient tenus en plein accord avec vous. Tout cela donne le sentiment d'une grande confusion sur un sujet dont la gravité, convenons-en, réclamerait davantage de rigueur.

C'est pourquoi je vous poserai trois questions précises.

Tout d'abord, un projet de loi sur la récidive sera-t-il soumis au Parlement avant le 14 juillet, comme l'a annoncé M. Sarkozy la semaine dernière dans cet hémicycle ?

Ensuite, retiendrez-vous l'idée de peines planchers pour les récidivistes, suggérée récemment M. Estrosi, avant qu'il n'entre au Gouvernement, dans une proposition de loi signée par un grand nombre de députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) Ou allez-vous au contraire écarter cette proposition, comme le préconisait la mission d'information parlementaire sur la récidive, que vous avez présidée lorsque vous étiez président de la commission des lois ?

M. Michel Bouvard. Cette mission d'information a accompli un excellent travail ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. Enfin, quelles suites donnerez-vous au rapport dans lequel M. Warsmann - qui vient d'intervenir - demande un plan d'urgence pour la justice, quatre ans après l'arrivée au pouvoir de votre majorité ?

M. Jean Glavany. Un plan d'urgence : c'est tout dire !

M. Christophe Caresche. Ce plan se traduirait notamment par un renforcement drastique des moyens dévolus à l'exécution et à l'application des peines. Lors de la présentation de son rapport, notre collègue a d'ailleurs déclaré qu'il était inutile de faire de grands discours sur la récidive si l'on ne s'attaquait pas au problème de l'application des peines. Partagez-vous cette opinion, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous me permettrez un bref rappel en arrière, pour vous rafraîchir la mémoire. Voilà plus de dix-huit mois, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, lançait le débat sur la récidive.

M. Jean-Pierre Brard. Et naturellement, il ne l'a pas conclu ! (Sourires.)

M. le garde des sceaux. J'étais alors votre collègue à la commission des lois et j'ai pris l'initiative de lancer une mission d'information sur ce sujet.

Je me suis donc mis au travail, avec vous, avec votre collègue M. Vallini, et surtout avec M. Gérard Léonard, qui fut le rapporteur de cette mission, puis l'auteur d'une proposition de loi qui fut signée par près de 140 députés du groupe de l'UMP, auxquels je déplore que vous ne vous soyez pas associé.

C'est de l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, que nous repartons aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Brard. Dans l'intervalle, il ne s'est rien passé ?

M. le garde des sceaux. Aujourd'hui, le Premier ministre, Nicolas... (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Allons, mes chers collègues, la récréation est finie !

M. le garde des sceaux. Pardon ! Le Premier ministre Dominique de Villepin nous a demandé, à Nicolas Sarkozy et à moi-même, de travailler sur ce sujet afin que nous puissions, dans un délai rapide, proposer aux Français une proposition de loi sur la récidive.

D'ores et déjà, nous proposons de ne pas autoriser plus de deux sursis avec mise à l'épreuve. Nous préconisons l'utilisation d'un bracelet électronique relié au système de localisation GPS, qui est sans doute l'un des moyens les plus remarquables pour éviter la récidive. Enfin, parmi les pistes de réflexion retenues, puisque vous m'en demandez, figure l'allongement du délai de prison avant qu'un récidiviste puisse obtenir une libération conditionnelle. Telles sont les premières pistes que nous envisageons.

Dès la rentrée parlementaire, une proposition de loi sera présentée par M. Gérard Léonard et soumise à la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SMIC

M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe UMP.

M. Pierre Morange. Monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, le Gouvernement a placé la cohésion sociale au cœur de son action et la politique de l'emploi au centre de ses priorités.

Les réalisations en la matière sont déjà significatives et s'inscrivent dans des choix clairs : l'incitation au travail, grâce à l'assouplissement de la loi sur les 35 heures, et le retour vers l'emploi durable, avec une politique d'accompagnement des personnes les plus fragiles vers le marché du travail, la mise en place du RMA, le financement de 100 000 contrats jeunes en entreprise ou encore la mise en place du chèque-emploi-service universel. En outre, il y a quelques semaines, le Gouvernement a fait le choix de mobiliser toutes les volontés et toutes les énergies, puisque M. le Premier ministre a annoncé un plan d'urgence de 4,5 milliards d'euros pour gagner la bataille de l'emploi et répondre aux attentes de nos compatriotes.

Cette politique de l'emploi porte aussi sur la question du niveau des salaires, notamment des plus modestes. Le Gouvernement s'est ainsi attaché à mettre fin à la multiplication des SMIC et à la modération salariale que nous avait léguées la gauche. C'est pourquoi, en 2003 et 2004, le SMIC a été revalorisé et unifié. Le 1er juillet prochain, il devrait connaître une nouvelle augmentation.

M. Maxime Gremetz. Quelle chance !

M. Pierre Morange. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer cette hausse, nous indiquer son montant et nous expliquer les effets que vous en attendez ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- « Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, lundi prochain, la commission nationale de la négociation collective se réunira pour examiner la proposition d'augmentation du SMIC horaire. Pour la troisième année, nous procéderons ainsi à une convergence pour passer du SMIC pluriel, héritage des lois Aubry, à un SMIC unique. Notre majorité aura ainsi établi - enfin ! - l'égalité des salariés dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ajoute que l'augmentation du SMIC horaire aura été de 17,6 % en trois ans, ce qui représente une croissance du pouvoir d'achat de plus de 11 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René André. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Combien de salariés profitent-ils de cette augmentation ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais nos préoccupations ne s'arrêtent pas là. Le 10 juin dernier, la sous-commission des conventions et accords a examiné l'évolution des négociations salariales de branches et, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a demandé à celles-ci d'achever les négociations salariales avant la fin de l'année.

Nous sommes en effet préoccupés par le resserrement des grilles. Les salaires intermédiaires, notamment, marquent le pas. Nous avons donc engagé l'ensemble des branches à poursuivre les négociations et à conclure un accord, faute de quoi nous serions amenés à mettre en parallèle leurs efforts et ceux du Gouvernement.

Enfin, je rappelle un principe auquel nous sommes fidèles: le travail paie.

M. André Chassaigne. Le ministre brode !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. C'est pourquoi, pour encourager les jeunes et stimuler le retour des chômeurs de longue durée vers l'activité, nous sommes favorables à un différentiel entre les revenus du travail et ceux de l'assistance.

M. Maxime Gremetz. Et les revenus du capital, où en sont-ils ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. C'est, je crois, une position commune à tous ceux qui siègent sur ces bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SERVICES À LA PERSONNE
ET COHÉSION SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, l'Assemblée nationale va voter tout à l'heure le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Nous en mesurons tous la dimension économique, sociale et humaine.

Ce texte apporte une réponse pragmatique aux besoins de services de nos concitoyens, qui concernent non seulement la famille, les enfants, les personnes âgées, handicapées ou dépendantes, mais aussi la qualité et le cadre de vie. La société bouge et ses besoins aussi.

Il y a là un véritable gisement d'emplois. Encore fallait-il que le Gouvernement et l'Assemblée aient la volonté de l'exploiter, de supprimer les contraintes et de rendre l'accès aux services plus simple et moins coûteux, afin de favoriser la demande.

Madame la ministre, comment entendez-vous professionnaliser ce secteur économique en plein essor, et créer et développer de nouveaux métiers dans le cadre d'agréments garantissant la qualité des prestations et la confiance ?

M. Jean-Claude Lefort. Elle compte sur l'aide de Bolkestein !

M. Bernard Perrut. Comment allez-vous promouvoir ces services dans le respect des missions et des contraintes tant des associations du secteur médico-social, dont nous mesurons l'efficacité et le savoir-faire sur le terrain, que des artisans et commerçants qui, par leur présence, créent un lien social indispensable dans nos communes et nos villages ?

Enfin, que pouvons-nous attendre de cette nouvelle dynamique liée à la suppression ou à l'allégement des charges ? et comment le nouveau chèque-emploi-service universel va-t-il devenir un instrument efficace de simplification et de solvabilisation ? Dans ce domaine, il est permis de rêver : si chaque ménage français utilisait ce chèque pour régler deux heures de services par semaine, un million d'emplois seraient créés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Évidemment !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous avez raison monsieur le député : le secteur des services à la personne emploie aujourd'hui 1,3 million de salariés et en embauche 75 000 de plus chaque année.

Cet essor correspond à l'évolution de notre société, notamment au vieillissement de la population et à l'activité des femmes, qui créent autant de besoins. Pour autant, il existe de nombreux freins dans ce secteur. C'est ce qui donne tout son sens au projet de loi relatif au développement des services à la personne, voulu par Jean-Louis Borloo, qui dynamisera demain ce secteur grâce à trois leviers.

Le premier consiste à diminuer le coût des services, c'est-à-dire à prévoir, pour les prestataires de services, une exonération des charges patronales...

M. Maxime Gremetz et M. Daniel Paul. Des cotisations patronales !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...ainsi qu'une réduction des charges salariales...

M. Maxime Gremetz et M. Daniel Paul. Des cotisations salariales !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...pour les particuliers qui choisiront la déclaration au réel, parce que choisir de déclarer son salarié au réel, c'est arrêter de lui offrir une protection sociale au rabais.

Le deuxième levier est la simplification. Le chèque-emploi-service universel permettra à nos concitoyens qui n'en ont pas encore l'habitude de consommer des services, avec une participation de l'employeur.

M. Maxime Gremetz. Il suffit de leur donner des sous !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le troisième levier est celui de la qualité. Il permettra de s'attaquer au travail au noir et de professionnaliser le secteur.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, plutôt que d'institutionnaliser des petits boulots, le Gouvernement de Dominique de Villepin a choisi la voie de l'accompagnement et de la professionnalisation. C'est là un véritable enjeu de cohésion sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

URGENCES HOSPITALIÈRES
À LA RÉUNION

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la canicule de 2003 a révélé à tous la situation des urgences hospitalières. La Réunion n'échappe pas au triste tableau que les Français ont alors découvert. Chaque mois, des centaines de patients attendent sur des brancards, parfois pendant plus de vingt-quatre heures, dans les couloirs des urgences.

Pourquoi une telle situation persiste-t-elle ? Parce que, aux urgences, le personnel manque et que les surfaces sont trop exiguës,...

M. Roland Chassain. Qu'ont donc fait les socialistes ?

Mme Huguette Bello. ...parce que la permanence des soins de vie est insuffisante et prive de médecins de garde des communes entières, parce que les maisons médicales sont quasiment inexistantes, mais surtout parce que le nombre de lits et de places d'hospitalisation est largement insuffisant, quelle que soit la durée du séjour, et que le taux d'équipement accuse un retard considérable par rapport à la moyenne métropolitaine. Il est même douze fois inférieur pour les services de long séjour.

Le plan « urgences » lancé en 2004 n'a pas permis d'amélioration notable, et pour cause : il s'est concrétisé, pour l'essentiel, par une réaffectation des crédits déjà affectés.

De l'avis de tous, des mesures fortes et urgentes s'imposent si l'on veut éviter de mettre en péril la sécurité des soins à la Réunion. L'amélioration des urgences passe au minimum par la dotation de moyens financiers supplémentaires - et non pas déjà affectés -, ainsi que par un mode de financement mieux adapté à un secteur par définition non rentable, c'est-à-dire largement déconnecté des critères prévus par la TAA, la tarification à l'activité.

De façon plus générale, compte tenu de l'augmentation et du vieillissement prévisibles de la population, la création de nouveaux lits d'hospitalisation est indispensable. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à agir pour éviter la catastrophe vers laquelle se dirige le secteur hospitalier de la Réunion, dont la situation des urgences est l'un des révélateurs ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la députée, depuis 2004, avec la mise en place du plan « urgences », les urgences sont au cœur de notre politique de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Xavier Bertrand et moi-même veillons tout particulièrement à son application ainsi qu'à la prise en charge des malades après l'urgence, car nous voulons qu'ils ne restent pas aux urgences après les premiers soins et qu'ils puissent, s'ils en ont besoin, trouver une place à l'hôpital.

Nous y veillons aussi, naturellement, à la Réunion. Pour ce département, le plan s'est déjà traduit par 1,2 million d'euros de crédits complémentaires en 2004 et 1,8 million d'euros en 2005. Ces moyens ont d'abord permis de financer, à hauteur de 1 million d'euros, les contrats signés pour les urgences du centre hospitalier de Saint-Denis et de l'hôpital sud. Ils ont également permis de financer, à hauteur de 2 millions d'euros, la création de postes ou de services non prévus aux contrats.

La Réunion dispose aujourd'hui d'une meilleure couverture en équipes d'intervention de service médical d'urgence. Les postes d'infirmières pour les urgences psychiatriques ont été renforcés, ainsi que les équipes médicales. J'ajoute que, aujourd'hui même, l'Agence régionale de l'hospitalisation de la Réunion va annoncer la création de postes supplémentaires de médecins urgentistes et de personnels non médicaux.

Enfin, et c'est essentiel pour désengorger les urgences, 167 nouveaux lits de soins de suite et de réadaptation seront installés en 2005 et 2006, et encore 60 lits supplémentaires en 2007.

Au total, la Réunion bénéficie d'une croissance annuelle des financements de 2,5 % supérieure à la moyenne nationale, et je m'engage à maintenir cet effort de solidarité nécessaire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

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DÉVELOPPEMENT DES SERVICES
À LA PERSONNE ET COHÉSION SOCIALE

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de remercier les parlementaires pour les contributions qu'ils ont apportées à ce débat et pour les enrichissements que l'Assemblée a procurés au texte. Je remercie tout particulièrement Maurice Giro (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui avec l'esprit de synthèse et d'analyse...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Et la finesse !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...ainsi que la finesse, en effet, et la gentillesse que nous lui connaissons, a été le rapporteur de ce texte. Je lui sais gré d'avoir accepté de travailler dans les conditions de l'urgence déclarée.

Ce projet de loi, qui constitue le programme 9 du plan de cohésion sociale, a fait l'objet, non pas d'une simple consultation, mais d'une véritable coproduction de l'ensemble des acteurs du secteur des services à la personne, un secteur très important qui regroupe près de 1,2 million de salariés en France. Faisant suite à différents rapports du Conseil d'analyse économique, du commissariat au Plan, du Conseil économique et social, de l'Assemblée et du Sénat, il a pour objet d'améliorer les conditions de travail des salariés du secteur des services et les conditions de vie des personnes recourant à ces services, tout en permettant le développement d'un emploi passionnant et non délocalisable.

Un certain nombre de facteurs constituent actuellement des freins à l'activité, donc à l'emploi, dans le secteur des services à la personne. Le projet de loi vise à agir contre ces facteurs au moyen de dispositions spécifiques.

Premièrement, il organise la professionnalisation du secteur. Pour répondre à certaines observations, je signale que les employeurs des deux principales branches du secteur des services à la personne ont mis en place un groupe de travail commun visant à favoriser l'emploi et la professionnalisation de leurs salariés. Cette mesure s'inscrit parfaitement dans l'esprit de notre texte.

Deuxièmement, il simplifie les conditions d'accès aux métiers de ce secteur tout en préservant les acquis de la loi de 2002 dans le domaine médico-social, notamment les agréments des départements.

Troisièmement, il permet d'ouvrir ce secteur à des métiers voisins grâce à la polyvalence, ce qui contribuera à rapprocher certains emplois du temps plein, tout en offrant la garantie aux personnes qui le souhaitent de bénéficier, de façon très simple, d'une ou deux heures de prestations.

Quatrièmement, il institue les grandes enseignes dans le secteur des services à la personne. Grâce à l'engagement de sociétés mutualistes et de coopératives dans ce domaine, cinq grands réseaux se mettent en place, créant ainsi de véritables « plates-formes », gages de bon fonctionnement. Les exonérations sociales prévues, intégralement compensées par le budget de l'État, auront pour effet de rendre le coût du service le plus faible possible.

Enfin, le chèque-emploi-service universel devrait jouer le rôle d'un turbo en permettant dans les mois qui viennent un développement exceptionnel des services à la personne, comme le chèque-restaurant l'a fait pour la restauration il y a quelques années. Je rappelle que le chèque emploi-service universel vaudra embauche occasionnelle, titre de paiement et abondement. Toutes les entreprises publiques, privées, parapubliques et administrations le mettront à la disposition de leurs salariés et pourront l'abonder, c'est-à-dire en réduire le coût. En ce qui concerne les entreprises privées, l'abondement sera partiellement compensé par une exonération fiscale.

Toute la question était de savoir si ce chèque vaudrait titre de paiement complet. La Fédération bancaire française a fait savoir, par un communiqué du 17 juin dernier, qu'il serait considéré comme un titre de paiement à part entière et que les banques en assureraient la distribution et la compensation financière à tous leurs guichets.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dès le 1er janvier, nous disposerons donc, grâce aux négociations de branches, d'un outil exceptionnel qui va changer la vie, réduire le stress, améliorer les conditions de travail de nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel bonheur !

M. Maxime Gremetz. La révolution est en marche !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...et, n'en déplaise aux uns et aux autres, améliorer considérablement les conditions d'emploi de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, mes chers collègues, notre assemblée a achevé jeudi dernier l'examen en première lecture du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Je vous remercie tout particulièrement, monsieur le ministre et madame la ministre, pour votre implication dans ce projet de loi et surtout pour votre sens de l'écoute tout au long des débats. Je remercie également l'ensemble des députés ayant participé à ces débats pour la qualité du dialogue qui s'est instauré, en dépit de quelques divergences.

Je me contenterai de rappeler les modifications les plus notables intervenues à l'issue de cette première lecture. Sur le titre I du projet de loi, deux modifications essentielles ont été apportées au projet de loi.

Tout d'abord, l'Assemblée nationale a souhaité ouvrir le chèque-emploi-service universel aux moyens modernes de paiement. Il faut préparer l'avenir, impliquer les réseaux bancaires dans cet instrument appelé à se banaliser dans la vie courante des Français. À cet égard, le volet social, chèque ou titre de paiement, peut aujourd'hui être dématérialisé, dans le respect des conditions de sécurité du code monétaire et financier. Tout moyen de paiement pourra donc être utilisé en remplacement du chèque ou du titre spécial de paiement. Le titre spécial de paiement pourra également être encaissable et remboursable sans restriction particulière.

Mais il convient de renforcer la sécurité du circuit financier du CESU. L'Assemblée a donc exigé de verser sur un compte bancaire ou postal exclusivement dédié à cet usage les fonds perçus au titre de la cession des titres spéciaux de paiement, jusqu'à leur remboursement.

De même, l'encadrement des transmissions d'informations sur les salariés rémunérés et déclarés par CESU a été renforcé dans le sens d'une protection accrue des données personnelles.

La tâche n'est cependant pas terminée. Je pense qu'il convient en effet de réfléchir au contrôle de l'encaissement des titres spéciaux de paiement, qui n'est pas traité par le projet de loi.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, apporté trois modifications destinées à apaiser les inquiétudes légitimes de nombreux députés.

Tout d'abord, il était indispensable de tracer une frontière aux interventions à domicile afin de ne pas générer une concurrence déloyale vis-à-vis des artisans et des entreprises ordinaires.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est très important !

M. Maurice Giro, rapporteur. Les services à la personne sont appelés à se développer fortement, mais ils ne sont pas destinés à se substituer aux entreprises de l'artisanat ou des services. Ils doivent donc se limiter au dépannage, au secours, à des interventions ponctuelles. Sinon, les avantages fiscaux et exonérations de cotisations sociales auront pour effet d'inciter à détourner la loi par la création d'activités économiques visant à profiter de ces avantages.

M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait !

M. Maurice Giro, rapporteur. Un amendement a donc été adopté pour limiter en valeur ou en temps de travail les interventions concernées par les activités de services à la personne.

En second lieu, la discussion a permis de confirmer l'éligibilité des mutuelles au dispositif des services à la personne : elles peuvent être agréées dans les mêmes conditions que les entreprises ou les associations, et bénéficier des mêmes facilités.

Enfin, les départements s'étaient inquiétés de la modification des règles de versement direct de l'allocation personnalisée d'autonomie. Les explications nécessaires ont été données ; un amendement a été voté pour souligner la possibilité pour les conseils généraux de financer des titres spéciaux de paiement sur lesquels sera mentionné le nom de l'association ou de l'établissement auxquels ils seront payables. Cela permettra aux départements d'orienter, comme à présent, les bénéficiaires de l'APA vers les structures conventionnées choisies.

Par ailleurs, j'indique que l'ouverture du CESU à tous les moyens de paiement devrait permettre à l'avenir de procéder aux paiements par virement comme cela se fait actuellement.

Enfin, la discussion du titre Ier a permis de donner les explications nécessaires sur l'articulation de l'agrément des services à la personne et les autorisations délivrées aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. La réforme du médico-social va entrer pleinement en vigueur en 2006, en même temps que le nouveau régime des services à la personne.

Les deux régimes peuvent coexister. Le Gouvernement s'est engagé à simplifier les mécanismes et à permettre aux services titulaires d'une autorisation médico-sociale d'avoir automatiquement un agrément de qualité sur le département dès lors qu'ils répondent à la définition des services à la personne. Les critères de qualité des services à la personne ne se substitueront donc pas aux critères de délivrance des autorisations médico-sociales.

Concernant le titre II, un amendement a été adopté à l'initiative de la commission. Il est destiné à réserver la possibilité d'abaisser la durée minimale du contrat d'avenir à six mois aux seuls cas - dérogatoires - où des conditions particulières, liées au secteur professionnel ou au profil des postes, le justifient.

En outre, l'Assemblée a adopté un amendement permettant le travail des apprentis mineurs les dimanches et jours fériés, ...

M. Maxime Gremetz. Quelle honte !

M. Michel Piron. C'est un amendement de bon sens !

M. Maurice Giro, rapporteur. ...dans des secteurs pour lesquels les caractéristiques particulières de l'activité le justifient, et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.

Un autre amendement est venu répondre de manière opportune à une difficulté qui se présente dans le domaine des courses hippiques, où prévaut le travail de nuit et où il est donc souhaitable de permettre aux apprentis mineurs d'y travailler de vingt-deux heures à minuit.

M. Maxime Gremetz. Magnifique ! Et pourquoi pas toute la nuit ? C'est de l'esclavage !

M. Maurice Giro, rapporteur. Concernant le logement, l'article 17, relatif à la location de logements dans des conditions spécifiques par l'intermédiaire des CROUS et des associations d'insertion a été supprimé à la demande du Gouvernement, de sorte que la concertation engagée puisse encore se poursuivre sur cette importante question.

Il faut noter enfin l'adoption d'articles additionnels qui contribuent à apporter un certain nombre de précisions relatives aux dispositions résultant de l'adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

Je vous rappelle que chaque groupe dispose d'un temps de parole de cinq minutes.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe communiste.

M. Daniel Paul. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous mesurons tous l'accroissement des besoins de services aux particuliers. Celui-ci est lié, bien sûr, au vieillissement de la population, à la dépendance des personnes âgées et à la volonté souvent exprimée de rester à domicile. Mais ce phénomène s'explique aussi par l'intensification du travail et de la flexibilité, et par la variation des rythmes de production. Enfin, cet accroissement est dû aux désengagements financiers des pouvoirs publics dans des secteurs essentiels de la vie comme la garde des jeunes enfants, le soutien scolaire ou encore l'aide à domicile.

Pour répondre à cela, vous nous avez présenté un projet de loi fourre-tout qui mêle dans un même ensemble les besoins en matière médico-social et le reste. Sans prendre le soin de faire la différence entre les personnes qui ne peuvent pas faire et qui doivent recourir à un soutien, et celles qui ne veulent pas faire et qui, pour convenance personnelle, souhaitent recourir à un service.

Vous avez été plus prompt à multiplier les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs et à élargir le champ des déductions fiscales pour les entreprises qu'à tenter d'ériger les fondations d'un secteur en devenir qui garantisse la qualité et la continuité du service, la professionnalisation de ces métiers, et le développement des carrières des salariés, gages de cette qualité.

Votre objectif devenait donc plus clair : il s'agissait de s'attaquer aux statistiques du chômage au prix de la pérennisation et du développement d'emplois précaires et partiels. Or nous connaissons tous les caractéristiques de ces métiers : bas et très bas salaires, temps partiels subis, droits sociaux réduits, journées à rallonge et manque de formation initiale et continue.

Avec la menace fondamentale que représente le principe du gré à gré que vous avez encouragé avec ce texte, vous donnez un élan sans précédent à la multiplication des employeurs par salarié, plaçant ce dernier en position de surexploitation avec une amplitude de travail journalière dépassant largement l'amplitude horaire normale.

Un véritable développement de ce secteur aurait mérité deux actions fortes : la solvabilité de l'offre d'emploi et un secteur public et associatif fort, et subventionné par les pouvoirs publics.

Cela nécessitait, comme nous vous l'avons proposé, de solvabiliser les populations moins aisées, par l'instauration d'un crédit d'impôt plutôt que d'une déduction fiscale ne profitant qu'à ceux qui ont les moyens, et l'augmentation des prestations aux personnes dépendantes, telles que l'APA, ou encore l'augmentation des salaires et des pensions.

Cela nécessitait aussi de concentrer les deniers publics sur les structures publiques ou associatives qui, aujourd'hui, souffrent de la réduction de moyens tant humains que financiers pour assurer correctement leurs missions devant une demande de plus en plus importante.

En d'autres termes, les services à la personne doivent être organisés dans un cadre collectif, avec des financements publics identifiés, propres à garantir la qualité et la sécurité du service rendu, la professionnalisation des salariés et leurs rémunérations dans des conditions satisfaisantes.

Quant à la deuxième partie de ce projet, elle confirme la volonté du Gouvernement de ne pas tenir compte du message adressé le 29 mai dernier par nos concitoyens, qui ont sanctionné la politique de régression sociale menée par les précédents gouvernements.

Une seule satisfaction dans tout cela : le retrait de l'article 17 permettant la location de « logements » de neuf mètres carrés. Mais c'est une bien maigre consolation au regard des dispositions qui ont été prises pour les apprentis mineurs et le RMA.

Monsieur le ministre, vous allez faire voter des dispositions autorisant les jeunes apprentis mineurs à travailler les week-ends et les jours fériés. Dans les centres hippiques, ils pourront même travailler la nuit !

M. Maxime Gremetz. On n'arrête pas le progrès !

M. Maurice Giro, rapporteur. Cela répond aux exigences du métier qu'ils ont librement choisi !

M. Daniel Paul. Pour conclure, ce projet de loi de développement des services à la personne est, au mieux, un projet inabouti. Au pire, il confirme votre volonté de poursuivre, coûte que coûte, le travail que vous avez entrepris depuis 2002, sans tenir compte des messages de colère et d'inquiétude qui vous ont été adressés et notamment de celui exprimé le 29 mai dernier.

Vous espérez berner une fois de plus en affichant un objectif de 500 000 emplois mais en « oubliant » de préciser qu'il s'agit là d'emplois à temps très partiels, ce qui signifie beaucoup moins d'emplois à temps plein. Et cela, sur des fonds publics favorisant une fois de plus les plus privilégiés et précarisant les salariés.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, le temps de parole de M. Paul est épuisé !

M. le président. Monsieur Paul, il faut conclure ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. J'ai été interrompu, monsieur le président !

M. le président. Vous vous exprimez depuis sept minutes ! Veuillez terminer, s'il vous plaît !

M. Daniel Paul. C'est une vision étroite, de courte vue, mais aussi dangereuse, de l'enjeu qui nous était posé. Votre texte n'est pas à la hauteur du défi. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Le président de la commission m'a fait observer, à juste titre, que j'étais d'une coupable indulgence à votre égard, monsieur Paul. (Sourires.)

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à M. Paul, nous considérons quant à nous, qu'il s'agit là d'un bon texte. En effet, il comporte à la fois une dimension économique, sociale et humaine, et c'est ce qui fait toute sa force. Nous le voterons donc et nous soutiendrons son application sur le terrain en espérant que celle-ci interviendra le plus rapidement possible.

Ce projet de loi, qui constitue une nouvelle concrétisation du plan de cohésion sociale, part d'un constat partagé sur tous ces bancs. Il existe en effet aujourd'hui des besoins en termes d'aide et de services à domicile du fait de l'évolution de la société et des nouvelles habitudes de vie. L'allongement de la durée de vie, le nombre croissant de personnes âgées, de personnes seules ou de familles monoparentales, les problèmes de garde d'enfants expliquent ce phénomène.

Dans le même temps, il est aujourd'hui indispensable de trouver de nouveaux gisements d'emplois. Nous le savons, la plupart des emplois se crée précisément dans le secteur des services à la personne. Il faut donc faire en sorte de favoriser leur développement. Rappelons-le, ces emplois présentent l'avantage d'être non délocalisables, accessibles à tous - non qualifiée ou très qualifié, au contraire - et présent sur tout le territoire, du village de campagne à la grande ville.

Ce texte permettra de lever les blocages - administratifs ou financiers - qui freinent la croissance de ce secteur et favorisent le développement du travail au noir. Il donnera un nouvel élan à ce secteur. L'objectif affiché est clair, il s'agit de créer des emplois mais aussi de faire face aux besoins de notre société en termes d'aide et d'accompagnement à la personne, et ainsi de faciliter la vie quotidienne de tous.

Le projet de loi apporte une réponse à cette double préoccupation. Tout d'abord, il rend l'accès aux services plus simple grâce à la création du chèque emploi service universel, et moins cher à travers les allégements de charges sociales tant pour les structures agréées que pour les employeurs. Il encourage également, et c'est ce qui fait sa force, la participation des entreprises dans la fourniture de services à ses salariés. Tant les institutions publiques que les entreprises privées pourront participer au dispositif.

Ce texte favorise aussi l'entrée sur le marché des services à la personne de nouveaux acteurs, en développant les actions relatives au cadre de vie. Des métiers seront ainsi reconnus en tant que tels. Mais vous avez aussi veillé, monsieur le ministre, à prendre des garanties pour ne pas que s'instaure une concurrence déloyale au détriment des artisans et commerçants qui tissent le lien social dans nos villes et nos villages. Il était important de les protéger. C'est ce qui a été fait grâce notamment à un amendement de la commission et à des dispositions délimitant très strictement le champ des activités des uns et des autres.

Ce texte vise aussi à susciter de nouvelles vocations en renforçant l'attractivité de ce secteur. Il n'est pas question ici de créer des « petits boulots ». Il s'agit de reconnaître de véritables métiers, avec de meilleures formations et rémunérations et un encouragement à la négociation collective dans les branches. L'objectif est de parvenir à de meilleurs droits sociaux pour les salariés qui seront désormais déclarés. Ceux-ci pourront donc constituer des droits grâce à leur travail et il y aura moins de travail au noir.

Je veux encore insister sur le respect que nous devons avoir pour toutes les associations et structures qui œuvrent dans le domaine médico-social. On sait que certaines avaient des inquiétudes. Chacun est à présent rassuré. La loi de 2002 s'applique bien, en tant que telle, à ces structures qui mènent un travail de services et de soins à domicile qui est essentiel et qui correspond à des règles de formation et de qualité bien précises. Les associations doivent être informées qu'elles pourront continuer leur travail dans les mêmes conditions. Il importe simplement de comprendre que, dans le marché prévu par ce texte, des entreprises, des agences ou des structures nouvelles pourront aussi se constituer pour répondre au maximum de besoins.

Je veux enfin souligner les intéressantes évolutions prévues par ce texte. Elles concernent les contrats d'avenir, l'apprentissage, en permettant aux jeunes de connaître les réelles conditions de travail, mais aussi les dispositions prises dans le domaine du logement.

Voilà toutes les raisons qui font que, au lieu de partager le pessimisme d'humeur des bancs de gauche, nous prônons un optimisme de volonté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est bien cette attitude qu'il faut adopter dans le domaine de l'emploi. Nous serons à vos côtés, madame et monsieur les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en trois ans, le nombre de chômeurs s'est accru de 230 000 personnes, le taux de chômage des jeunes dépasse désormais 25 % et 60 000 emplois ont été détruits. Tel est le bilan de la majorité. C'est dans ce contexte que vous nous proposez de développer des emplois dans le secteur des services à la personne.

Vous nous annoncez 500 000 emplois, mais quels emplois ? Des emplois précaires ! Vous le savez, la durée hebdomadaire de travail rémunéré par le biais du chèque-emploi-service est en moyenne de huit heures. Et vous savez aussi, monsieur le ministre, que selon les spécialistes, ce sont 100 000 à 150 000 équivalents temps plein qui seront créés dans le secteur.

Nous avons tous été d'accord, au cours de notre débat, pour dire qu'il était nécessaire, si nous voulons développer ces emplois, de solvabiliser la demande, d'organiser les services offerts et d'en améliorer la qualité, mais surtout de lutter contre la précarité du travail qui touche principalement les femmes, qui sont majoritaires dans ce secteur.

Il nous faut donc solvabiliser la demande. Vous espérez, en créant le chèque-emploi-service universel, obtenir un investissement financier plus important des entreprises. Vous augmentez les exonérations des charges sociales pour les entreprises et les associations de services à la personne, vous les étendez aux employeurs particuliers, sans aucune contrepartie concernant la qualité des services offerts et des emplois créés. Vous maintenez, enfin, ce qu'il y a de plus inégalitaire, ce que le Gouvernement et sa majorité ont développé et accentué, à savoir les réductions d'impôt. Depuis 2002, vous avez accordé 5 milliards de baisses d'impôt et 1,8 milliard d'euros de réductions d'impôt pour l'emploi à domicile. Or, vous savez fort bien que ces mesures profitent aux catégories les plus aisées.

Ensuite, madame la ministre, monsieur le ministre, en refusant de privilégier les emplois dans les associations et les entreprises et de limiter l'emploi direct par les particuliers, vous contribuez à créer des emplois précaires et des emplois partiels subis. Sachant le lien qui existe entre précarité et pauvreté, on ne peut que craindre que vous nous proposiez plus de précarité pour de nombreuses femmes, donc plus de pauvreté.

Par ailleurs, monsieur le ministre, malgré de nombreuses demandes sur tous les bancs de cette assemblée, vous avez refusé de lier l'agrément de ces structures à l'obligation de la qualité prévue par la loi du 2 janvier 2002, ce que M. Perrut a implicitement demandé aujourd'hui même dans une question d'actualité.

Vous n'avez pas voulu reconnaître concrètement dans la loi la place des conseils généraux dans l'organisation de ces services en direction des publics les plus fragiles que sont les personnes âgées dépendantes, les personnes handicapées, la petite enfance, comme le prévoit la loi de décentralisation dite loi pour l'égalité des droits et des chances.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Absolument !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. L'accompagnement de ces publics fragiles nous oblige à rechercher la meilleure prise en charge. En refusant de lier ces nouveaux emplois aux responsabilités des conseils généraux, vous contribuez à nier la mission publique qui doit être la leur dans ce secteur. Pourtant, vous le savez, de nombreux conseils généraux s'y attellent depuis la création de l'APA et la loi du 2 janvier 2002. La loi sur l'égalité des chances, madame la ministre, a déclenché un véritable investissement de la part des conseils généraux en créant un dispositif pour les emplois destinés aux publics fragiles.

Dans la deuxième partie de ce projet de loi, dit de cohésion sociale, vous allez encore plus loin dans le « détricotage » du droit du travail en autorisant le travail de nuit et le dimanche des apprentis mineurs dans les secteurs de la pâtisserie et du hippisme.

Mais jusqu'où irez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas ainsi que vous attirerez les jeunes dans ces professions.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi et vous interrogera régulièrement, madame la ministre, monsieur le ministre, sur les problèmes liés à la précarité et à la pauvreté dans lesquelles vous installez les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, plusieurs d'entre vous ont adressé des remarques à la présidence sur le fonctionnement de la climatisation. Il semble que celle-ci marche à l'envers et chauffe certains bancs de cet hémicycle...

M. Maxime Gremetz. C'est sûr !

M. le président. Je crois qu'il s'agit des bancs de l'UMP ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vos remarques, mes chers collègues, seront rapidement transmises au service compétent.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, après plusieurs heures de débat fort intéressant et, je le souligne, d'une grande qualité, nous voici parvenus aux explications de vote et au vote de ce texte.

Que retirons-nous de ce débat ? D'abord, la volonté unanime de donner un élan significatif aux activités de service à la personne ; ensuite, une volonté commune de préciser l'étendue du périmètre couvert par ces activités, afin notamment d'éviter toute concurrence déloyale avec les artisans et enfin, la conscience que ces emplois ne pourront se développer durablement s'ils sont exercés dans des conditions de précarité, et qu'ils nécessitent une formation adéquate.

Pour notre part, nous regrettons que nos interrogations sur les modalités de validation des cotisations au trimestre d'assurance retraite lorsque ces cotisations n'atteignent pas le seuil de 200 heures par trimestre n'aient pas été levées. Or, cela correspond à des emplois à temps très partiel, nombreux dans ce secteur.

Que ce problème, selon le rapporteur, soit commun à tous les salariés à temps partiel ou à ceux dont l'activité est intermittente n'enlève rien à l'acuité de la question et à la nécessité d'y répondre.

Nous regrettons également que plusieurs de nos amendements n'aient pas trouvé un écho favorable auprès du Gouvernement, alors qu'ils nous semblaient améliorer sensiblement plusieurs dispositions du texte. Je pense notamment à la définition, au niveau de la branche, des règles relatives aux modalités de modification des heures de travail en cas de temps partiel annualisé, aux missions de l'agence nationale des services à la personne ou encore à la majoration du crédit d'impôt pour les entreprises embauchant des apprentis domiciliés en zone urbaine sensible ou en zone d'éducation prioritaire. Sur ces questions, l'UDF restera vigilante.

Nous notons par ailleurs avec satisfaction les engagements du ministre sur la nécessité de compléter ce texte par une convention collective des activités de services à la personne. Nous relevons également les efforts du Gouvernement pour éviter les situations de concurrence déloyale entre activités de services à la personne et activités artisanales. Même si les mesures qui ont été prises ne sont pas celles que nous recommandions, elles nous paraissent aller dans le bon sens.

En ce qui concerne la seconde partie du texte, nous notons avec satisfaction l'adoption, à l'unanimité, de notre amendement majorant le crédit d'impôt dont bénéficient les personnes handicapées qui créent ou reprennent une entreprise. Nous apprécions également le fait d'avoir été entendus par le Gouvernement à propos de l'article 14, qui instaurait une exception à la règle de la surface minimum de 9 mètres carrés pour la mise en location d'un logement. Nous avons présenté un amendement de suppression de cet article et nous prenons acte de la décision du Gouvernement de retirer cette disposition.

D'une manière générale, monsieur le ministre, madame la ministre, la qualité de l'emploi a été au cœur de nos débats. Ceux-ci ont parfaitement illustré le fait que pour lutter contre cette plaie qu'est le chômage, nous ne pouvons faire abstraction des risques de précarité du travail dans la définition et la mise en œuvre de nos politiques d'accès à l'emploi. L'emploi qui attire est d'abord un emploi de qualité. L'emploi ne règle pas tout, mais le chômage dérègle tout : il nous faut garder à l'esprit les deux éléments de cette formule, monsieur le ministre, madame la ministre, pour les débats qui nous attendent, malheureusement hors de ces murs, dans les semaines qui viennent.

Pour les raisons que je viens d'indiquer et parce que l'UDF a obtenu du Gouvernement des garanties (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) sur des points qu'elle estime cruciaux pour le développement significatif des services à la personne, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 497

                    Nombre de suffrages exprimés 497

                    Majorité absolue 249

        Pour l'adoption 350

        Contre 147

L'Assemblée nationale a adopté.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

    5

CONFIANCE ET MODERNISATION
DE L'ÉCONOMIE

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (nos 2249, 2342, 2329, 2333).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le texte que je vous présente aujourd'hui prend une nouvelle dimension dans le contexte de la nouvelle impulsion que le Gouvernement souhaite imprimer à son action, avec laquelle le titre du projet de loi « pour la confiance et la modernisation de l'économie » est parfaitement en phase. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de la présentation de ce texte devant votre commission des finances le 11 mai dernier, c'est un projet que j'ai pris en chemin, certes, mais que je n'ai pas voulu repousser pour ne pas perdre de temps, car je partageais l'intégralité de ses objectifs. Le léger retard dans le calendrier parlementaire m'a permis de le prendre, ou de le reprendre, « à bras-le-corps » pour en faire un vecteur d'accélération d'un certain nombre de réformes dont notre économie a un besoin urgent pour se moderniser. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite donc évoquer dès à présent, au fil de ma présentation, ces additions au texte qui pourraient résulter de la discussion parlementaire. Je voudrais d'ores et déjà rendre un hommage appuyé à Gilles Carrez avec qui nous avons eu des échanges très fructueux dans cette perspective. Ainsi charpenté, le texte une fois voté par votre assemblée pourrait prendre une dimension nouvelle, et remplir de manière plus complète à mes yeux les objectifs qui lui sont assignés.

Ces objectifs sont à la fois ambitieux et réalistes. Ambitieux, car il s'agit de remédier aux faiblesses de notre économie. Réalistes, car ce texte ne prétend pas apporter toutes les réponses. Rien ne remplacera la mobilisation des hommes et des femmes qui sont les acteurs de notre économie : entrepreneurs, investisseurs, salariés. Comme l'a rappelé le Président de la République, ajouter des textes aux textes ne peut pas être un objectif en soi. C'est pourquoi ce projet de loi vise simplement à fournir un certain nombre d'outils aux acteurs de l'économie, à lever des blocages pour rendre l'action plus fluide et à tracer des pistes et des opportunités, qu'il appartiendra aux Français de saisir.

Les faiblesses structurelles de notre pays auxquelles je souhaite m'attaquer avec le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie sont au nombre de trois : les entreprises françaises sont sous-capitalisées ; elles ne sont pas assez dynamiques dans leur effort de recherche et d'innovation ; elles n'associent pas toujours suffisamment les salariés à la direction stratégique de l'entreprise, ce qui crée parfois une rupture inquiétante, alors que la pédagogie doit être incessante dans une économie mondialisée, réactive.

Première faiblesse, donc, la sous-capitalisation des entreprises françaises et en particulier des petites et moyennes entreprises.

Certes, nous savons, en France, créer de très nombreuses entreprises. Mais nous avons, peut-être plus que d'autres, une difficulté certaine à les aider à grandir. Je rappelle que 90 % des entreprises françaises comptent moins de neuf salariés. C'est une force car, derrière chaque entreprise, il y a un homme ou une femme, un entrepreneur qui se bat pour son entreprise ; c'est donc un vivier tout à fait encourageant pour notre économie. Mais c'est en même temps une faiblesse parce que ces entreprises sont trop petites et ont parfois du mal à aller chercher la croissance là où elle se trouve, en dehors de nos frontières, en particulier dans les pays à forte croissance comme les pays asiatiques.

Je rappelle également que l'Allemagne, par exemple - qui a traité le problème différemment -, a le même euro que nous, la même banque centrale que nous, les mêmes règles environnementales européennes à respecter, et est pourtant le premier exportateur mondial, devant les États-Unis et le Japon. Elle tire ses atouts d'une spécialisation réussie, mais aussi d'une base de petites et moyennes entreprises exportatrices plus solide.

M. Jean-Claude Sandrier. Ça va mieux en Allemagne ?...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour faire grossir nos PME, il y a plusieurs signaux à lancer. Le Premier ministre a ouvert un chantier salutaire en s'attaquant au blocage du passage à plus de dix salariés, jusqu'à présent victime d'un effet de seuil financier très dissuasif. Le projet de loi défendu par Renaud Dutreil facilite la transmission et le développement des très petites entreprises. Pour ma part, je souhaite, avec ce projet de loi, connecter très vite les entreprises avec les marchés financiers et la bourse. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est un mode de financement profond et régulier, auquel une entreprise devra presque automatiquement se confronter lorsqu'elle aura grandi et voudra continuer à se développer. Et plus vite elle aura compris comment fonctionne ce système financier et se sera organisée pour répondre aux attentes que ce type de financement suscite, plus vite elle se placera dans une logique de croissance.

Le texte vise à créer cette dynamique selon trois axes.

Le premier axe, c'est de simplifier le premier accès au marché. C'est l'objectif du chapitre Ier du titre III, qui propose une véritable stratégie ordonnée pour que les PME en croissance aient accès aux marchés financiers. Là où les obligations croissantes qui pèsent sur les entreprises pour protéger les investisseurs - et c'est un objectif légitime - avaient conduit à créer un effet de seuil très difficile à franchir, de sorte que les entreprises repoussaient l'introduction en bourse et stagnaient, le projet de loi propose d'organiser une progressivité des obligations d'information des entreprises selon la maturité du marché sur lequel elles s'introduisent, et donc selon le type d'investisseurs auxquels elles s'adressent.

L'appel public à l'épargne, notion hier monolithique et donc devenue très exclusive, pourra être ainsi gradué, avec un niveau de base - ce qui ne veut pas dire vide - pour la cotation libre, et un niveau plus élevé d'exigences pour l'Euroliste de la bourse de Paris. Entre les deux, un marché organisé comme Alternext, qui cible le premier accès à la bourse tout en visant une base solide et profonde d'investisseurs, et qui est donc à la recherche d'un double label de souplesse et de qualité, pourra discuter avec l'Autorité des marchés financiers un niveau intermédiaire, taillé sur mesure, d'obligation d'informations financières. Ainsi, un émetteur s'introduisant sur Alternext ne devra pas se soumettre aux normes IFRS, contrairement à l'Euroliste, et ne dépendra pas du droit des offres publiques. Mais l'investisseur bénéficiera de la garantie de cours et de la protection contre les abus de marché. Je me suis rendu hier au palais Brongniart pour rencontrer les promoteurs d'Alternext et les entreprises qui ont fait le pari de s'y coter : je peux vous dire que c'est un équilibre gagnant et que nous avons là un formidable outil de développement de nos entreprises. La liste des candidats s'est étoffée plus rapidement que ne le pensaient initialement les créateurs d'Alternext, et je pense que les investisseurs répondront aussi vite présents, comme le montre le succès des premières cotations.

Le deuxième axe, c'est justement de consolider une base d'investisseurs, solide, profonde et durable.

Pour cela, après une discussion avec la commission des finances et en particulier avec son rapporteur général, j'ai tenu à renforcer sensiblement le projet de loi initial. Le Gouvernement avait des projets en ce sens et comptait les faire aboutir dans le cadre du projet de loi de finances, qui sera débattu à l'automne au Parlement. Mais, nous devons en être conscients, il y a urgence aujourd'hui à adresser des signaux clairs de mobilisation et de modernisation de notre économie. C'est pourquoi j'ai fait accélérer les travaux sur ces dossiers et l'expertise de mes services sur les propositions émanant de plusieurs parlementaires. Ainsi, le Gouvernement vous proposera de compléter le texte en introduisant un nouveau titre Ier, placé en tête du texte, intitulé « Encourager la détention durable d'actions ». Un volet « incitation des investisseurs » viendra ainsi équilibrer le volet « simplification pour l'entreprise » que je viens de présenter, avec une très forte cohérence.

Il s'agit de faire démarrer Alternext sous les meilleurs auspices, non seulement réglementaires, mais aussi fiscaux. Trois pistes vous sont ainsi proposées dans des amendements du Gouvernement, mais aussi d'initiative parlementaire, auxquels le Gouvernement porte un grand intérêt.

La première piste vise à donner un régime fiscal attrayant au nouveau marché Alternext, avec deux mesures favorables. Premièrement, en direction des personnes physiques, Alternext sera rendu éligible à l'avantage fiscal dit Madelin consistant en une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % à la souscription pour les participations dans les PME. Deuxièmement, pour créer un effet de signal, la réforme des plus-values de cessions à long terme, que vous avez adoptée dans la loi de finances pour 2005, sera anticipée pour les entreprises mises sur le marché sur Alternext. Ainsi, Alternext ne serait pas désavantagé par rapport à son premier concurrent, le marché londonien AIM.

La deuxième piste, suggérée dans un amendement parlementaire, serait de déclencher l'orientation de l'assurance-vie vers l'investissement en actions, en permettant aux épargnants, sur une base contractuelle, de transformer leurs contrats obligataires en euros en contrats multisupports pouvant comporter des actions. Compte tenu du stock très important d'assurance-vie en euros - environ 400 milliards -, même une réorientation progressive de ce montant considérable aurait un effet important sur l'investissement des ménages en actions, ce que nous souhaitons encourager.

Enfin, je souhaite qu'au-delà de ces mesures concrètes, nous ayons une discussion opérationnelle et constructive sur le régime d'imposition des plus-values réalisées après de longues détentions, conformément aux vœux du Président de la République. Il est en effet souhaitable que la détention durable d'actions bénéficie d'un avantage comparatif par rapport à une démarche à court terme plus spéculative, encore qu'il faille se garder de définitions trop hâtives. Pour la plupart des épargnants, cette détention longue est encouragée globalement dans le cadre du PEA : même si l'épargnant peut, sans frottement fiscal, faire évoluer son portefeuille afin de tirer le meilleur parti de ses investissements, il est encouragé à les maintenir durablement sous forme d'actions dans le cadre du plan. Il n'y a plus, en revanche, de telles incitations dans notre système fiscal lorsque la participation atteint, individuellement ou familialement, 25 % d'une entreprise : c'est pourtant ce type de participation, significative et stable, dont les PME ont réellement besoin aujourd'hui pour se développer. Le Gouvernement envisage donc d'aligner la fiscalité des plus-values pour ces participations sur le régime de l'immobilier. Je souhaite que nous ayons une discussion approfondie sur le sujet, à partir de l'amendement déposé par le rapporteur général, en vue de la discussion du prochain projet de loi de finances.

Ce serait toutefois une erreur de considérer que pour consolider une base stable et profonde d'investisseurs en actions dans notre pays, la seule fiscalité suffirait. Ce qui est en revanche indispensable, et fait l'objet pour cette raison du troisième axe proposé pour orienter l'épargne des Français vers les entreprises, c'est de renforcer la confiance des investisseurs.

Les Français retournent progressivement vers la bourse, après avoir subi des déconvenues dans le cadre de l'éclatement de la bulle spéculative, dite « bulle internet ». Des leçons ont été apprises qu'il ne faut pas oublier. Les informations données aux épargnants ont sensiblement progressé avec la loi de sécurité financière. Mais pour que Paris soit la place financière de premier plan que nous souhaitons, nous devons faire en sorte qu'elle soit toujours au meilleur niveau de protection des investisseurs. Or il y a urgence, car au moins une directive européenne est en retard de transposition à cet égard, et plusieurs autres arriveront incessamment. Avec le présent texte, nos marchés réglementés rejoindront le club, très fermé, des bourses aux meilleurs standards internationaux, ce qui est indispensable pour répondre à notre objectif.

Ainsi, il est prévu de revoir les règles relatives au prospectus diffusé lors de l'émission des titres, en imposant notamment un résumé plus accessible pour les investisseurs et une mise à jour tenant compte de faits significatifs ayant touché l'émetteur. Parmi les mesures permettant de renforcer la confiance des investisseurs, je relève plus particulièrement l'extension du champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers en matière d'injonction et de sanction, un meilleur encadrement des recommandations d'investissement portant sur des titres cotés, y compris lorsqu'elles émanent de journalistes financiers, le renforcement des règles relatives à l'information périodique des investisseurs et une coopération accrue entre l'AMF et ses homologues européennes. Toutes ces mesures viennent compléter les dispositions détaillées dans un DDAC sur les marchés financiers voté en première lecture au Sénat, que l'Assemblée examinera dans la foulée du présent projet et qui met en place deux nouvelles procédures sur les marchés réglementés : la tenue par les entreprises et leurs correspondants de listes d'initiés qui ont accès à des informations privilégiées et la mise en place d'une obligation de déclaration de soupçon d'opérations d'initiés par les intermédiaires financiers qui reçoivent un ordre suspect.

Je m'attarderai quelque peu sur le renforcement du pouvoir de sanction de l'AMF, qui est essentiel au bon fonctionnement des marchés financiers. Selon notre droit actuel, avant de sanctionner une manipulation de marché, l'AMF doit faire la preuve qu'elle a eu un impact effectif sur le cours d'un titre ou sur le bon fonctionnement du marché. Or l'auteur d'un comportement condamnable ne parvient pas toujours à ses fins. Le droit européen nous demande de considérer que lorsque les comportements fautifs sont avérés, le manquement peut être sanctionné. Cela est de nature à accroître l'efficacité de l'AMF, qui a aujourd'hui du mal à sanctionner les manipulations de cours. Dans la même veine, elle pourra désormais sanctionner les tentatives de délits d'initiés. Enfin, le projet de loi réorganise le champ d'application des délits et manquements boursiers sur les marchés : les abus de marché seront désormais frappés par l'AMF de sanctions administratives sur tous les marchés, même ceux non réglementés.

Pour compléter cet arsenal élargi, le Gouvernement songe depuis un certain temps à confier à l'AMF un pouvoir de transaction en matière de manquements et de délits boursiers. Je ne suis pas hostile à une telle démarche, qui renforcerait l'autorité de l'AMF en lui permettant de punir rapidement un comportement fautif. La nécessaire consultation de la place, dans toutes ses composantes - émetteurs, investisseurs et professions juridiques - a fait ressortir un intérêt certain pour une telle approche : tous soulignent l'intérêt de la procédure, même si chacun reste, et c'est bien naturel, vigilant. Sur un sujet de cette importance, j'ai estimé qu'il fallait prendre le temps nécessaire pour une concertation préalable approfondie. Après concertation et examen par le Conseil d'État, je vous saisirai d'un projet de texte dédié à cette question particulière, qui conjuguerait l'attractivité de cette procédure, sa sécurité juridique et le respect des prérogatives de la justice. Confier à l'AMF un pouvoir de transaction la conduirait à évoluer dans ses méthodes et probablement dans son organisation. Le législateur devra donc sans doute accompagner la réforme sur ce plan. C'est alors qu'il conviendra de se reposer des questions sur ses structures : le faire aujourd'hui, sans vision stratégique claire et dans un texte qui n'a pas cet objectif, serait inopportun.

Après leurs problèmes de capitalisation, la deuxième faiblesse structurelle de nos entreprises, c'est leur dynamisme insuffisant à soutenir la recherche et l'innovation. Ce dynamisme dépend peut-être plus de l'initiative des acteurs économiques. Ce que je propose aujourd'hui, c'est de ne pas être passif, mais de s'attacher à orienter les comportements dans cette direction, en utilisant tous les leviers possibles.

Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie vous propose de donner une impulsion nouvelle aux sociétés de revitalisation économique, qui aident les territoires à se remettre en cause et à aller de l'avant. Il autorise la création de l'Agence industrielle de l'innovation, qui aura pour objectif, en finançant un nombre restreint, mais très structurant, de programmes ciblés sur ce qu'on appelle des technologies de rupture que le marché peine à financer seul, d'ouvrir les marchés de l'avenir pour nos entreprises. Je veillerai à ce que cette agence soit correctement dotée - le Premier ministre avait annoncé 1 milliard d'euros dès la première année - et à ce que ses grands projets structurants mobilisent de petites et moyennes entreprises pour 25 % des montants qui leur seront alloués, afin de rendre celles-ci plus innovantes et plus performantes.

À cette base, j'ai souhaité un complément en proposant une mesure destinée à encourager les entreprises à consacrer une partie de leurs résultats 2004 à des efforts de recherche. Je me réjouis que votre rapporteur envisage de lui donner encore davantage d'ampleur, tout comme je suis favorable à son projet, à mes yeux très complémentaire, d'aligner le régime du capital investissement sur celui des participations en matière d'exonération de plus-values voté dans la loi de finances pour 2005.

La troisième faiblesse structurelle à laquelle ce texte ambitionne de remédier est le manque de confiance des salariés, et parfois des actionnaires, dans la direction de l'entreprise. Pour y répondre, je vois deux chantiers principaux : le développement de la transparence et l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le projet de loi comporte plusieurs mesures pour améliorer la fluidité de la prise de décision collégiale dans l'entreprise. Ainsi, la disposition facilitant le recours aux nouvelles technologies pour la tenue des conseils d'administration va permettre qu'ils aient lieu plus fréquemment, et plus facilement en cas d'urgence. La participation plus aisée d'administrateurs géographiquement éloignés, en France ou à l'étranger, aidera à diversifier les conseils. De même, l'abaissement des quorums à atteindre lors de la première convocation des diverses assemblées générales devrait développer la démocratie actionnariale, ces quorums devenant atteignables, alors qu'aujourd'hui, vous le savez tous, la première convocation est une formalité coûteuse dans l'attente d'une seconde convocation sans quorum.

J'ai souhaité développer ce volet du projet de loi, en renforçant la transparence des dirigeants vis-à-vis de l'assemblée générale sur les rémunérations dites « différées », car certaines pratiques ont pu heurter, ces derniers temps, faute d'avoir été portées à la connaissance des actionnaires. C'est pourquoi je propose que ces éléments de rémunération soient désormais inclus dans les conventions réglementées soumises au vote de l'assemblée générale.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cet amendement est très utilement complété par un amendement de la commission des lois, qui renforce d'une manière générale l'information sur les rémunérations des dirigeants portée à la connaissance des actionnaires dans le rapport annuel. Une fois saisis, ce sera donc aux actionnaires de se déterminer en toute connaissance de cause.

Le chantier par lequel je voudrais clore cette présentation du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, c'est le développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Je sais que vous y êtes très attaché, monsieur le président Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Premier ministre a repris très clairement cet objectif dans son discours de politique générale qu'il a prononcé à cette même tribune et je m'en réjouis car je suis personnellement convaincu qu'il s'agit d'un axe de progrès déterminant de notre économie et de notre consensus social. J'ai eu l'occasion, comme chef d'entreprise, de jouer à fond la carte de l'intéressement et de l'actionnariat salarié, et je n'ai jamais eu à le regretter.

Le projet de loi actuel contient d'ores et déjà une série de mesures très concrètes pour développer l'intéressement en dehors de sa base habituelle des grandes entreprises. Dans le même esprit, une « prime exceptionnelle d'intéressement », ouvrant la possibilité d'offrir en 2005 un bonus d'intéressement de 15 % ou 200 euros, et ce même dans les entreprises qui n'ont pas d'accord, rejoint le même objectif d'y faire prendre goût aux PME. Nous voulons ainsi les inciter à entrer dans une logique de dialogue social sur ces thèmes très importants pour la bonne dynamique de nos entreprises.

Comme annoncé par le Premier ministre, il vous est aussi proposé, par amendement, de rendre possible le déblocage de la participation 2004, après conclusion d'un accord collectif pour ne pas perturber la gestion des fonds d'actionnariat privé. Cette mesure ponctuelle favorisera le pouvoir d'achat des salariés, ce dont notre économie a besoin. Elle aura, je pense, un impact positif sur l'adhésion des salariés aux mécanismes d'épargne salariale, puisque leur capacité de choix sera accrue. Mais je ne souhaite pas préempter les conclusions de la mission de réflexion et de concertation sur la réforme de la participation que le Gouvernement a confiée à vos collègues MM. Godfrain et Cornut-Gentille.

Je tiens à vous assurer que vos messages seront, dans ce contexte, particulièrement écoutés.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, telle est la présentation, par grands axes stratégiques que je souhaitais faire du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Vous me pardonnerez, je l'espère, de n'avoir pas suivi l'ordre du texte, qui obéit à des considérations juridiques de codification, et que nous retrouverons dans le cours de la discussion. Mais je tenais à en donner ma vision, replacée dans le contexte de l'impulsion de modernisation vigoureuse que le Gouvernement souhaite insuffler pour que notre pays et nos concitoyens aillent de l'avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, c'est le premier projet de loi que vous présentez devant notre assemblée. C'est un projet de loi très important puisqu'il répond à l'objectif de relance de la croissance et de l'emploi en favorisant le financement des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises, en déployant de nouveaux moyens pour l'innovation et la recherche et en améliorant le pouvoir d'achat immédiat des Français.

C'est aussi un projet de loi technique qui peut s'apparenter à un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier car il comporte des mesures de transposition de directives européennes.

Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier d'emblée d'avoir musclé ce texte et de l'avoir adapté aux conditions du moment grâce à une série d'amendements présentés par le Gouvernement ou par notre assemblée, dans le cadre d'une concertation approfondie que je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que l'ensemble de vos collaborateurs d'avoir menée.

Je rappellerai rapidement la genèse du texte que nous examinons.

Il est issu d'une question économique et sociale vitale pour notre pays : celle du développement des petites et moyennes entreprises. Cette question était abordée dans son ensemble dans le projet de loi sur les PME, dit à l'époque projet de loi Jacob, pour l'élaboration duquel nous avions constitué des groupes de travail. Je tiens à cet égard à saluer tout particulièrement le travail de la commission des affaires économiques.

Ce projet de loi a été enrichi au cours des derniers mois de l'année 2004 et des premiers mois de l'année 2005 jusqu'à dépasser largement les 100 articles, d'autant qu'il a dû accueillir le dispositif nécessaire de réforme des relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Par souci de cohérence, nous avons souhaité le scinder. Le Gouvernement nous a suivis et ce sont deux textes qui nous sont maintenant présentés : le projet de loi dit « Petites et moyennes entreprises » - en discussion au Séant depuis la semaine dernière - qui traite du fonctionnement des PME, en particulier des très petites entreprises, et de la réforme de la loi Galland, et le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dont nous abordons aujourd'hui l'examen qui est centré sur le financement des entreprises, et notamment des PME, et sur des mesures de transparence des marchés et d'amélioration du pouvoir d'achat des Français.

Le projet de loi PME viendra en discussion devant l'Assemblée dans quinze jours, la commission des affaires économiques étant cette fois-ci saisie au fond et celle des finances, pour avis. Je tiens à souligner que les différents rapporteurs ont pris soin de coordonner les dispositions des deux textes, lesquels montrent clairement quelle est la priorité du Gouvernement : relancer la croissance et l'emploi en faisant notamment appel aux petites et moyennes entreprises.

Ces deux projets de loi, qui sont parfaitement articulés entre eux, s'accompagnent aujourd'hui d'un troisième texte : le projet de loi d'habilitation à prendre des mesures d'urgence pour l'emploi, à la suite de la déclaration de politique générale du Premier ministre,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...avec, notamment la suppression des effets de seuils à partir de dix salariés - mesure cruciale car, lorsqu'une PME embauche un dixième salarié aujourd'hui, elle subit une véritable avalanche de taxes supplémentaires et de complexités administratives et fiscales - et la mise en place du contrat nouvelle embauche.

Avec ces trois textes, nous avons un ensemble cohérent qui met l'accent sur la croissance et le développement de l'emploi grâce à nos petites et moyennes entreprises.

Je voudrais insister sur plusieurs dimensions présentes dans ce projet de loi.

La première est la dimension communautaire.

Plusieurs articles visent à transposer des directives, notamment « prospectus », « abus de marché » et « transparence ».

La directive « prospectus » est une directive dite « d'harmonisation maximale », qui limite singulièrement la portée de la question que nous nous posons : « faut-il transposer toute la directive, rien que la directive ou existe-t-il encore, dans le respect des objectifs poursuivis à l'échelon européen une marge d'appréciation sur les moyens d'y parvenir ? »

En outre, la Commission européenne, après consultation des représentants des professionnels au niveau communautaire, vient de prendre un règlement d'application immédiate qui fixe le contenu, la structure et les modalités de publication du prospectus et nous devons en tenir compte.

Voilà un exemple de contraintes dont nous devons tenir compte dans notre travail législatif par rapport à ce qui a d'ores et déjà été décidé à l'échelon européen.

La deuxième dimension intéressante dans ce texte, qui nous conduit vraiment à méditer, est le rôle des autorités administratives indépendantes.

En effet, en de nombreux articles, il est fait référence au règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, qui a succédé, aux termes de la loi sur la sécurité financière de 2003, à l'ensemble formé par la COB et le Conseil des marchés financiers.

On voit que la ligne de partage entre ce qui relève de la loi, voire du règlement, et du règlement général de l'AMF n'est pas toujours très facile à identifier. Cela pose la question générale des responsabilités du législateur par rapport aux autorités indépendantes qui ont été créées dans un certain nombre de domaines.

La troisième dimension à relever est que le texte s'inspire de pratiques en vigueur à l'étranger qui fonctionnent de façon satisfaisante.

Cela prouve que le projet est marqué par un souci de pragmatisme. J'en veux pour preuve la mise en place du crédit hypothécaire rechargeable, sujet que nous évoquons depuis plusieurs années sans avoir jusqu'à présent abouti, et du prêt viager hypothécaire qui, dans certaines circonstances, peut se révéler très intéressant, notamment pour des personnes âgées.

Le Gouvernement nous demande de l'autoriser de légiférer par ordonnances. Je salue à ce propos le travail de la commission des lois qui a souhaité, à l'initiative de son rapporteur devenu depuis lors président, bien encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement dans ce domaine délicat qu'est le droit des sûretés, dans la foulée du rapport Grimaldi.

M. Jérôme Chartier. Bravo !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'en viens maintenant aux dispositions essentielles en matière économique et financière du projet de loi.

Le premier ensemble de dispositions porte sur la modernisation du financement des entreprises.

Il comporte plusieurs aspects complémentaires.

Le premier est une harmonisation européenne. Il est de l'intérêt de nos entreprises de pouvoir faire appel à l'épargne dans un cadre européen harmonisé avec les mêmes règles du jeu en matière de qualité, de sécurité de l'information financière et de répression des abus de marché, bref de tout ce qui permet de sécuriser l'appel public à l'épargne.

Plusieurs articles du projet de loi sont consacrés à la transposition de la directive « prospectus » qui instaure une obligation d'informer à l'occasion de l'opération d'émission elle-même - établissement du prospectus -, une obligation permanente d'information du public pour protéger les investisseurs qui détiennent des titres de l'opération et un dispositif d'injonction ou de sanction au bénéfice du superviseur. Le but recherché est de créer une sorte de « passeport » européen, de sorte que si, par exemple, l'AMF donne son visa à une opération réalisée sur le territoire français ou par une entreprise française, ce visa puisse valoir pour les autres pays européens dans lesquels l'opération pourrait avoir des prolongements.

Mais dans ce domaine, comme dans tous les autres d'ailleurs, nous devons faire attention à ne pas imposer des obligations inutiles ou disproportionnées, des contrôles redondants qui n'amélioreraient pas la sécurité de l'épargne et qui surtout, monsieur le ministre, engendreraient des coûts dissuasifs pour les entreprises, notamment en termes de délais. Il faut donc trouver un bon niveau de protection, d'équilibre. Je crois sincèrement que vos propositions vont tout à fait dans ce sens.

Il s'agit, je le répète, de sortir du champ de l'appel public à l'épargne les opérations de petits montants, ainsi que celles de très gros montants intéressant les seuls investisseurs qualifiés.

Il s'agit d'harmoniser les contenus des prospectus  et donc de rationaliser l'intervention des différentes autorités de marché.

Deuxième aspect : dans le cadre de cette harmonisation européenne, il est essentiel que les marchés financiers français se montrent compétitifs. Vous avez insisté, avec raison, monsieur le ministre, sur ce point. Nous avons aujourd'hui en France avec Euronext un marché financier performant. Il faut faire en sorte que nos PME, et plus spécialement nos moyennes entreprises, puissent également se porter sur le marché financier, à des conditions de coût et de réglementation simplifiées. C'est l'objet d'Alternext, créé le 17 mai dernier. Des mesures de sécurisation juridique prévues dans le présent projet de loi accompagneront la création de ce qu'il faudra appeler un marché organisé - qualité de l'information financière, sanction des abus, garantie de cours.

De plus, comme vous venez de l'annoncer, monsieur le ministre, un amendement prévoira des mesures d'incitation fiscale.

La première concerne l'extension du régime de réduction d'impôt « Madelin » au bénéfice des investisseurs, au titre de l'impôt sur le revenu.

Dans la loi de finances pour 2005, nous avons mis en place une vraie réforme, à l'image des autres pays européens s'agissant de la taxation des plus-values sur titres de participation, qui n'aura son plein effet qu'en 2007. Vous venez de nous annoncer une mesure forte, simple, consistant à permettre aux entreprises arrivant sur Alternext de bénéficier pleinement de ce dispositif dès 2005.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela me semble une excellente initiative. Il est frappant de constater que le marché londonien Alternative Investment Market - AIM - comparable à celui que nous voulons créer avec Alternext, qui existe depuis des années et fonctionne très bien, a été mis en place à partir de mesures d'incitations fiscales du même type.

Troisième aspect : il convient d'inciter les Français à porter leur épargne vers les placements en fonds propres de nos entreprises, plus particulièrement des PME. Il existe de nombreux dispositifs fiscaux rodés, comme le plan d'épargne en actions. La part des actifs liquides dans l'épargne a reculé et, malheureusement, cela ne s'est pas fait au bénéfice de la détention directe d'actions. Les épargnants français privilégient encore l'épargne intermédiée et l'assurance-vie. Cette dernière représente depuis 1990 l'essentiel des placements des ménages - 14 % de leur patrimoine financier en 1990 et 38,5 % en 2003.

L'occasion m'est offerte de saluer le travail de partenariat entre le Gouvernement et notre assemblée. En effet, Jean-Michel Fourgous a proposé un amendement tendant à aménager le régime de l'assurance-vie, permettant de transformer des contrats en euros en contrats multisupports comportant des actions de PME, sur lequel vous avez manifesté votre accord. Vous ajoutez également une autre mesure permettant de créer un nouveau type de contrat intermédiaire entre les contrats en euros et les contrats multisupports.

Autre point, qui me paraît essentiel : j'ai déposé un amendement d'appel sur la taxation des plus-values au titre de la détention longue d'actions, en particulier dans les PME familiales assujetties à l'impôt sur les sociétés. Ne faut-il pas s'inspirer en ce domaine de ce que nous avons fait pour les plus-values professionnelles au titre de l'impôt sur le revenu ? Le dispositif issu de la loi Dutreil date d'il y a deux ans et celui issu de la loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement n'ont pas la même approche. Il conviendrait de les harmoniser et de les amplifier.

Ne faut-il pas, à l'image de la réforme à laquelle nous avons procédé dans le cadre de la loi de finances pour 2004 tendant à supprimer, au terme d'un délai de détention de quinze ans la taxation des plus-values immobilières...

M. Richard Mallié. Bonne idée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...s'inspirer de ce dispositif très simple pour les valeurs mobilières et notamment les participations familiales ? Nous sommes soucieux de maintenir la stabilité de l'actionnariat familial de nos PME.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. C'est une bonne proposition !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est la meilleure garantie pour qu'elles ne passent pas sous la coupe de groupes internationaux. Nous avons fait beaucoup d'efforts en ce sens, au titre des donations, des successions et vous me permettrez de m'en féliciter, car je suis à l'origine de cette mesure - même si c'est un sujet tabou - au titre de l'ISF.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Richard Mallié. N'ayons pas peur des mots !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le dispositif d'engagement de conservation qui permet de sécuriser, de pérenniser nos PME et de bénéficier d'un abattement de l'ISF me semble une manière de rendre plus intelligent cet impôt...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Vous avez raison.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et d'éviter qu'il ne provoque des délocalisations d'entreprises et d'emplois. Je pense qu'il faudra aller plus loin dans cette voie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Vous avez raison !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'action en faveur de l'innovation constitue un volet majeur de ce projet de loi. Dans son rapport, Jean-Louis Beffa constate que l'inquiétant n'est pas tant l'insuffisance de notre effort de recherche rapportée à la valeur ajoutée, lorsque l'on effectue des comparaisons par rapport à nos voisins, mais dans la trop faible spécialisation dans les industries de haute technologie les plus intensives en recherche et développement. Beaucoup de choses ont été faites - crédit d'impôt recherche, pôles de compétitivité. D'autres vecteurs sont actuellement à l'étude.

Le rapport Beffa insiste sur la nécessité de grands programmes industriels porteurs d'innovations fortes, situés en aval du processus de recherche, mais en amont de la commercialisation. Cela me semble une idée extrêmement intéressante, dès lors que seront associés non seulement des fonds publics mais également des fonds privés avec les mêmes risques.

Deux grandes questions se posent en ce qui concerne la création de l'agence d'innovation industrielle.

Premièrement, les dotations en capital. Nous avons reçu récemment la bonne nouvelle selon laquelle on passerait de 500 millions à un milliard d'euros.

Deuxièmement, l'articulation de l'Agence d'innovation industrielle avec l'ensemble du monde de la recherche et des agences, comme l'Agence nationale de la recherche de création récente.

J'évoquerai l'articulation avec les PME et notamment avec le dispositif OSEO/ANVAR. Nous voudrions, monsieur le ministre, avoir un certain nombre de précisions à ce sujet.

L'amendement du gouvernement déposé, il y a quinze jours, va permettre aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés de bénéficier d'un crédit d'impôt dès lors qu'elles investissent ou apportent en compte courant des moyens pour la recherche, soit en direction de laboratoires d'universités publiques, soit en direction de PME innovantes.

Je terminerai en évoquant tous les points permettant de renforcer la croissance, le pouvoir d'achat et plus généralement la confiance de nos concitoyens dans le fonctionnement, les mécanismes de notre économie de marché.

Dans l'immédiat, il est proposé de prolonger des mesures simples, que tout le monde comprend et qui marchent. La possibilité de donner 20 000 euros aux descendants directs, en franchise de droits, a permis de réinjecter dans l'économie, en quelques mois, l'année dernière, plusieurs milliards. Cette mesure est prolongée jusqu'au 31 décembre 2005 et amplifiée, puisqu'elle passe à 30 000 euros et cela me semble une très bonne chose.

La prime exceptionnelle d'intéressement versée dans les entreprises me semble très importante. Elle sera versée dans celles pratiquant l'intéressement, mais aussi - et il est important d'insister sur ce point - dans celles qui n'ont pas encore d'accords d'intéressement. Si ce dispositif pouvait avoir une vertu pédagogique pour développer les accords d'intéressement dans les petites entreprises, ce serait extrêmement utile. Ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, prendre des mesures de simplification des accords d'intéressement, afin que ceux-ci se répandent dans les PME, car il est étonnant que l'intéressement y soit aussi peu diffusé ?

Je reprends votre expression, monsieur le ministre, sur le déblocage de la participation 2004 : « C'est une mesure spot ». Celle-ci, monsieur Ollier, nous permettra d'avoir une réflexion plus générale sur l'évolution de la participation.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. C'est ce que je souhaite !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous restons très attachés, monsieur le ministre, aux mécanismes d'épargne salariale, d'une part parce qu'elle vient abonder les fonds propres des entreprises, d'autre part à cause de son lien avec le financement des retraites - et cet aspect ne doit pas être négligé. Je sais que la mission Cornut-Gentille ainsi que la commission des affaires économiques y travaillent.

Nous ne pouvons restaurer la confiance que si chacun comprend les règles du jeu et si elles paraissent équitables - j'ai déjà évoqué plusieurs mesures liées au fonctionnement des marchés financiers. Dans cet esprit M. le ministre va nous proposer un amendement très important sur la rémunération des dirigeants d'entreprise.

La question de l'indexation des loyers préoccupe beaucoup nos compatriotes. L'indice de la construction ne fonctionne plus et il convient de le remplacer.

Vous avez insisté, monsieur le ministre, lors de votre conférence de presse, ce matin, sur le panier de la ménagère Cela peut paraître très terre à terre, mais c'est un élément essentiel sur la perception par nos compatriotes du fonctionnement de l'économie et donc de la restauration de la confiance. Je souscris totalement à votre démarche consistant à présenter, tous les trois mois, à travers un tableau de bord, selon des critères que tout le monde peut comprendre, le fonctionnement de notre économie.

Ce projet de loi est excellent. Il a été considérablement nourri par les réflexions de ces dernières semaines. Il s'insère bien dans la nécessaire relance de notre économie. La commission des finances vous invite donc à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, rapporteur pour avis.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économique, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis constate avec justesse que l'existence d'un certain nombre de blocages au sein de notre économie entrave la réalisation de projets qui pourraient être porteurs d'emploi et de croissance.

Il faut absolument éliminer ces blocages, et c'est ce que ce projet entend faire, notamment par la mobilisation de l'épargne, et en particulier de l'épargne salariale, que les articles 15 à 20, dont la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis, concourront à diffuser plus largement. Je n'aborderai donc pour ma part que ces cinq articles, M. le rapporteur général venant avec beaucoup de talent et de pertinence d'évoquer l'ensemble du projet de loi.

Monsieur le ministre, ces cinq articles sont utiles, intéressants, et nous les voterons car ils présentent un intérêt incontestable pour la vie de l'entreprise, mais nous ne pouvons pas considérer que par le biais de ces mesures certes nécessaires, mais techniques, le grand projet de la participation puisse être totalement satisfait.

Ce projet, cette ambition, c'est l'ambition gaulliste de la participation. Lancée par le général de Gaulle dès 1947, l'idée de participation se présente comme une profonde modification des rapports entre capital et travail au sein de l'entreprise, tendant à transformer le statut du salarié et à privilégier, dans l'intérêt de chacun, une démarche partenariale plutôt qu'une démarche conflictuelle.

Malheureusement, nous n'avons pas su faire aboutir ce projet. Si les salariés passent du statut de simple exécutant à celui d'acteur à part entière de l'entreprise - comme nous le souhaitons - nous ferons en sorte que les hommes ne soient plus des adversaires, mais deviennent des partenaires.

(Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Éric Raoult au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La participation est un véritable projet de société, un projet de concorde qui vise à transcender les antagonismes de classe, chers à certains partis ou syndicats !

Il ne s'agit pas d'acheter la paix sociale par une association en trompe-l'œil, mais de favoriser la réussite des projets économiques en reconnaissant à sa juste valeur la contribution de chacun.

En cela, c'est un projet qu'il faut bien qualifier de révolutionnaire, n'en déplaise à certains. De Gaulle ne récusait d'ailleurs pas le qualificatif : « si une révolution, disait-il, consiste à changer profondément ce qui est, notamment en ce qui concerne la dignité et la condition ouvrière, alors, certainement, la participation en est une ».

M. Jean-Claude Sandrier. Même lui, n'a pas réussi !

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et fallait-il que ce soit une révolution pour que tous les conservatismes, de droite comme de gauche, s'emploient à entraver sa mise en œuvre !

C'est ce qui explique la concrétisation progressive, étape par étape, du projet participatif. Quelle longue marche !

On peut ainsi citer l'ordonnance du 7 janvier 1959, qui crée l'intéressement ; les ordonnances du 17 août 1967, qui créent « la participation des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise », obligatoire dans toutes les entreprises de plus de cent personnes, et le plan d'épargne d'entreprise ; les ordonnances du 21 octobre 1986, simplifiant les systèmes précédemment mis en place et facilitant l'accession des représentants de salariés aux conseils d'administration des entreprises ; la loi du 27 décembre 1973, qui développe l'actionnariat dans le secteur privé ; la loi du 25 juillet 1994, dite loi Giraud, qui doit beaucoup à M. Balladur, alors Premier ministre, auquel je rends hommage, et qui fut votée dans le prolongement du rapport établi par notre collègue Jacques Godfrain. Outre le volet financier de la participation, ce texte abordait également le volet « participation aux décisions ». C'était un progrès, certes timide, mais néanmoins un progrès.

On peut citer aussi la loi du 19 février 2001, qui crée notamment le plan d'épargne interentreprises et le plan partenarial d'épargne salariale volontaire.

Depuis lors, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a créé le plan d'épargne pour la retraite collectif. La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a profondément modifié les modalités de conclusions des accords collectifs. La loi du 31 mars 2005, issue de la proposition de loi que j'ai déposée avec Jean-Michel Dubernard, Hervé Novelli et Pierre Morange, a également renforcé les liens existant entre l'organisation du temps de travail et l'épargne salariale.

Il convient également de saluer l'initiative d'Édouard Balladur qui a permis, à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2005, d'augmenter l'abondement de l'em- ployeur aux sommes versées par un salarié sur un plan d'épargne d'entreprise, dans le cas où les sommes sont utilisées pour l'achat d'actions de l'entreprise. Cette initiative a également prévu un nouveau dispositif d'attribution d'actions gratuites aux salariés et mandataires sociaux de l'entreprise. Il faut aller plus loin !

Comment décrire le paysage de la participation en France aujourd'hui, dans ses trois dimensions, participation financière, participation à la gestion et actionnariat salarié ? Trois dispositifs coexistent aujourd'hui.

Tout d'abord, l'intéressement, qui est facultatif. Versées chaque année, les primes sont immédiatement disponibles, et peuvent être affectées par le salarié à un plan d'épargne d'entreprise. L'entreprise comme les salariés bénéficient, sous certaines conditions, d'avantages fiscaux et sociaux.

Ensuite, la participation aux bénéfices. Obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés, facultative dans les autres, elle permet d'attribuer aux salariés de l'entreprise une part des bénéfices réalisés par l'entreprise. « réserve spéciale de participation ».

Les sommes sont indisponibles pendant cinq ans, sauf exception. Vous avez annoncé une mesure très intéressante, monsieur le ministre : le déblocage exceptionnel de cette participation bloquée pendant cinq ans pour 2004.

Enfin, les différents plans d'épargne : plan d'épargne entreprise, plan d'épargne interentreprise, plan d'épargne pour la retraite collectif - le Perco. Néanmoins, il ne s'agit là que de balbutiements par rapport à ce que devrait être un vrai projet sur la participation, monsieur le ministre. Il faut avoir le courage d'aller plus loin, et je sais que vous en êtes animé. Vous l'avez affirmé, et je vous fais confiance.

Même s'il ne s'agit que de balbutiements, ce n'est pas sans incidences, et je me permets de rappeler quelques chiffres : fin 2002, 52 % des salariés travaillaient dans une entreprise ayant mis en place au moins un dispositif de participation financière. Près de six millions de salariés ont reçu une prime pour un montant total de 10,6 milliards d'euros, soit en moyenne 1 756 euros par salarié.

Si nous allons jusqu'au bout de la logique de cette société de participation à laquelle nous aspirons tous, nous contribuerons à la paix sociale, au développement de l'entreprise et, j'en suis convaincu, à l'augmentation du pouvoir d'achat.

Mme Arlette Franco. Très bien !

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais il est vrai que les salariés des PME ne bénéficient encore que trop rarement de ces dispositifs. Aujourd'hui, 95 % des salariés des entreprise de plus de 1 000 salariés bénéficient d'au moins un des mécanismes d'épargne salariale précités, et seulement 10 % dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il faut donc y remédier.

Les mesures qui nous sont proposées aux articles 15 à 20 ont précisément pour objet d'approfondir l'enracinement de la participation dans notre paysage économique.

Nous en débattrons, mais je tiens à dire à ce stade que si ces mesures sont utiles, et c'est là un point incontestable - et je vous félicite de les avoir prévues - il s'agit de mesures que l'on qualifiera de « techniques ». Peut-on se contenter d'une règle arithmétique de distribution des bénéfices ? Peut-on donc se contenter de ce que vous avez entrepris ? Je ne le crois pas. Pourquoi ?

Tout d'abord, parce que certaines des mesures qui avaient été annoncées par Jean-Pierre Raffarin devant le Conseil économique et social, et par vous-même, monsieur le ministre, ne figurent toujours pas dans le texte actuel.

M. Jean-Claude Sandrier. Il y a peu de changements alors !

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En effet, vous comptez y remédier, par voie d'amendement, au cours de notre discussion, notamment s'agissant de la prime exceptionnelle d'intéressement. J'attends donc avec impatience notre débat.

Pour l'heure, un déblocage exceptionnel me paraît une solution sage, la réflexion devant se poursuivre afin d'apprécier la pertinence d'un certain nombre d'options : déblocage total, élargissement des cas de déblocage individuel, renvoi à la négociation collective.

En ce qui concerne la participation, de manière plus générale, je proposerai pour ma part, une modification de la formule de calcul de la réserve spéciale de participation, qui tend à substituer au bénéfice fiscal actuellement retenu le bénéfice comptable. Nous y reviendrons.

Je crois également qu'il nous faut aller plus loin parce que la participation est un des leviers qu'il nous faut actionner pour surmonter la crise que traversent notre société et notre économie.

Je partage l'idée selon laquelle la participation doit être le fondement d'une voie française dans la mondialisation : cette troisième voie que nous étions un certain nombre à espérer de nos vœux entre le capitalisme dit « sauvage » et ce que l'on appelait autrefois le collectivisme.

M. Jean-Claude Sandrier. Elle a échoué !

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En effet, la participation est un projet d'émancipation, un projet visionnaire et porteur d'espoir, qui place l'homme au cœur de ses préoccupations, et récuse, selon le mot du général de Gaulle, « le dirigisme qui ne dirige rien et le libéralisme qui ne libère personne ».

La participation pourrait donner à notre majorité, et à notre mouvement l'UMP, un véritable projet économico-social. Au niveau de la justice, de la générosité, de l'équité, de la responsabilité mais aussi de l'augmentation du pouvoir d'achat, nous aurions intérêt à fixer le contenu de ce grand projet, et grâce à lui, très rapidement, nous réconcilierons l'économie et le social. Telle est notre ambition ! Telle est votre ambition, monsieur le ministre !

C'est la raison pour laquelle l'on ne peut se contenter des cinq articles que vous proposez. II faut une initiative de plus grande ampleur, qui permettra de relancer et d'accomplir ce grand dessein. Ce nouveau projet de loi que j'appelle de mes vœux, devra être un moment fort qui donnera de la perspective à notre action, et un horizon d'espérance aux Français.

C'est aussi la raison pour laquelle je me félicite que le Gouvernement ait confié à nos collègues Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille un rapport qui a pour objet d'avancer et de jeter les bases d'un futur projet de loi sur la participation.

Il faut également se féliciter de ce que le champ de leur mission leur permette d'explorer la manière dont les partenaires sociaux pourront contribuer à ce grand dessein, et qu'après leur audition, l'on puisse envisager un certain nombre de pistes. Pour ma part, j'en ai proposé une. Je vous la soumets à nouveau : la création d'un dividende du travail.

Dans le cadre de l'association capital-travail - que nous devons encourager - et donc de l'actionnariat salarié, l'on peut imaginer qu'au-delà de la légitime rémunération du capital, par le dividende, et de la rémunération non moins légitime du travail par le salaire, les surplus de richesse dégagés grâce à l'action commune des deux puissent être, à due proportion, répartis entre le capital et les salariés ! Une fraction du bénéfice pourrait être distribuée chaque année aux salariés, serait immédiatement disponible sous forme d'actions réservées à ces salariés, à condition que ces actions restent, quoi qu'il advienne, au sein de l'entreprise, qu'un fonds soit créé et que le salarié qui quitterait l'entreprise serait alors obligé de monétariser ses actions. Ainsi, les salariés pourraient recevoir chaque année, comme les capitalistes, le dividende du travail que l'on aurait ainsi créé. Voilà une proposition parmi d'autres.

Le temps est donc venu de modifier en profondeur notre système de participation, de lui donner plus d'ambition et d'en faire une grande cause économique et sociale de nature à changer les relations entre les individus dans le monde du travail. Ce temps est venu pour notre majorité et je souhaite monsieur le ministre que vous ayez autant à cœur que nous la mise en œuvre de ce grand projet.

S'agissant du texte qui nous est soumis aujourd'hui, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des articles 15 à 20, même si je proposerai quelques amendements qui ont été acceptés par la commission des finances, et j'en remercie son président et le rapporteur général.

Dans ces conditions, nous voterons un bon texte pour l'activité économique et les entreprises. Nous voterons avec confiance et enthousiasme ce projet de loi. Mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez votre volonté de prévoir un texte sur ce grand dessein qu'est la participation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Launay. C'est de l'autosatisfaction !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, président et rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République

M. Philippe Houillon, président et rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie comporte vingt-trois articles principalement consacrés au financement de l'économie, qui ont été examinés au fond par la commission des finances.

Ce projet, le rapporteur général vient de l'exposer avec infiniment de talent, vise essentiellement à adapter l'environnement juridique des entreprises, à moderniser leurs outils de financement, à simplifier l'accès aux marchés financiers, à renforcer la confiance des investisseurs, et enfin à mieux mobiliser l'épargne au service de la croissance.

La commission des lois s'est saisie pour avis de huit articles, et tout d'abord des articles 1 à 3 qui visent à faciliter la tenue des assemblées générales et conseils d'administration ou de surveillance des sociétés. Il était normal que la commission des lois les examine car ils recoupent en partie les travaux de 2003 sur la gouvernance des entreprises que notre commission a menés - sous la conduite de mon excellent prédécesseur - dans le cadre de la mission d'information consacrée au droit des sociétés.

La commission s'est également saisie de l'article 6 qui, dans le cadre de la modernisation des outils de financement des entreprises, propose d'habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnances une partie du droit des sûretés au sein du code civil. Ce sujet relève bien, en effet, de la compétence traditionnelle de la commission des lois, et la méthode proposée appelait notre vigilance.

Enfin, nous nous sommes saisis des articles 10 à 13, qui prévoient une extension des compétences de l'Autorité des marchés financiers et une adaptation de certaines règles d'information de celle-ci et du public. Les interventions du législateur sont fortement contraintes sur ce sujet, puisqu'il s'agit de transposer les récentes directives dites « abus de marché », « prospectus » et « transparence ». Mais la modification, à l'article 10 du droit pénal financier applicable en matière de délits boursiers impliquait, là encore, une saisine de notre commission.

S'agissant des articles 1 à 3, les dispositions visant à abaisser les seuils de présence dont le respect est requis pour le calcul du quorum dans les assemblées générales de sociétés nous ont semblé aller dans le bon sens : la tenue de ces assemblées sera facilitée sans que les droits des actionnaires soient menacés pour autant, puisque chacun d'entre eux recevra dans tous les cas une première convocation.

En revanche, l'assouplissement des règles permettant la tenue de conseils d'administration et de surveillance par télétransmission nous a paru un peu excessif, même si la démarche de simplification est légitime. En effet, si la visioconférence, déjà prévue, présente des garanties assez substantielles, il n'en est pas de même de la conférence téléphonique. La commission des lois a donc adopté un amendement qui a deux objets : en premier lieu, il prévoit qu'un certain nombre de réunions, telle que celle requise pour l'élection du président, ne peuvent avoir lieu par conférence téléphonique ; en second lieu, il limite ce type de « réunion téléphonique » à des situations de nécessité.

Quant à la disposition relative à l'âge de la retraite applicable aux dirigeants des établissements publics de l'État, elle reprend un dispositif déjà adopté par le Parlement, mais annulé le 5 août dernier par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure procédure parlementaire. Cette nouvelle disposition simplifie très sensiblement le droit applicable en posant le principe que la limite d'âge est de soixante-cinq ans pour les dirigeants, sauf dispositions statutaires, législatives ou réglementaires contraires. Notre commission a toutefois adopté un amendement de coordination à cet article, car une exception applicable à un nombre réduit de hauts fonctionnaires avait apparemment été oubliée.

Enfin, il nous a semblé opportun d'enrichir ce titre du projet de loi en y incorporant quelques-unes des propositions formulées à la suite du rapport d'information sur le droit des sociétés, que le président Pascal Clément, devenu garde des sceaux, avait consacré, en 2003, à la gouvernance d'entreprise. La commission des lois a donc souhaité proposer des modifications pour donner une traduction législative aux propositions de la mission d'information, qui concernent notamment l'information sur les golden hellos, les golden parachutes et les « retraites-chapeaux ».

S'agissant ensuite de l'article 6, l'habilitation donnée au Gouvernement de réformer une partie du droit des sûretés par ordonnances permettra une mise en cohérence et des simplifications très positives, qui sont envisagées depuis longtemps mais n'ont jamais pu aboutir, faute de temps. Il s'agit en effet d'une matière complexe qui, depuis 1804, n'avait été modifiée que par touches successives.

Les changements envisagés s'inspireront fortement des propositions formulées dans le rapport du groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi, qui a été remis en mars dernier au garde des sceaux.

S'agissant des hypothèques, la démarche visant à donner un nouveau souffle à cette forme de garanties, aujourd'hui en déclin dans l'accès au crédit, pourra trouver une traduction juridique grâce aux rapports réalisés en 2004 par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des services judiciaires et le conseil général des Ponts et Chaussées sur l'hypothèque et le crédit hypothécaire, d'une part, et sur le prêt viager hypothécaire d'autre part.

L'idée de clarifier certaines de ces règles et de rendre au droit des sûretés sa cohérence, tout en donnant une base légale à certaines pratiques reconnues par la jurisprudence - comme la garantie autonome, la lettre d'intention ou le droit de rétention -, nous a semblé légitime. Mais il est vrai, monsieur le ministre, que le recours aux ordonnances a fait l'objet d'un débat en commission. Sur le fond, on peut comprendre qu'il soit nécessaire d'agir rapidement, notamment en matière hypothécaire. Mais l'article tel qu'il était rédigé nous a semblé beaucoup trop vague ! Or, il ne faut pas perdre de vue que, notamment d'un point de vue constitutionnel, le recours aux ordonnances doit être entouré de précautions suffisantes. La commission des lois a donc adopté une série d'amendements qui permettront de mieux circonscrire le champ des réformes projetées et d'en préciser la finalité. Notre commission a d'ailleurs vivement souhaité, monsieur le ministre, être associée aux travaux d'élaboration de ces ordonnances, dont la plupart devront être prises dans un délai de neuf mois.

Je ne m'étendrai pas sur les articles 10 à 13, qui procèdent à la transposition des directives de 2003 et 2004. Je constate seulement que la confiance des investisseurs pourra être renforcée grâce à une série d'innovations qui élargiront les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers afin de mieux réguler le fonctionnement des marchés financiers - qu'ils soient réglementés ou seulement « organisés ». Les innovations du projet de loi consistent essentiellement à réprimer plus efficacement les délits boursiers, notamment en l'absence d'impact sur les cours, à améliorer l'information périodique délivrée par les entreprises tant à l'AMF qu'au public, ou encore à offrir de nouvelles garanties, telle que la « garantie de cours », à ceux qui investissent sur des marchés financiers non réglementés.

Tous les articles dont nous nous sommes saisis, s'ils peuvent être améliorés et complétés comme nous l'avons vu, partagent une même philosophie, qui est la marque de ce projet de loi : moderniser et stimuler le financement de l'économie, pour renouer avec une croissance plus soutenue. La commission des lois est convaincue que les innovations proposées vont dans le sens du retour à la confiance des investisseurs. Elle a donc émis un avis favorable sur les articles qui lui étaient soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur ce qui a été brillamment exposé par le rapporteur général et mes collègues présidents de commission. Je voudrais simplement vous faire part de quelques réflexions, après que la majorité de la commission des finances s'est réunie hier toute la journée pour aborder l'ensemble des problèmes auxquels nous allons être confrontés.

En premier lieu, il nous semble que les entreprises françaises ont besoin d'un choc de confiance. Ce texte permettra d'y parvenir, en partie, dès lors que ses conditions d'application seront simples et rapides, ce qui n'est pas nécessairement dans la tradition de l'administration française.

Nous avons à vaincre, vous le savez bien, monsieur le ministre, un climat de scepticisme et un climat d'attente. Votre article dans un journal du soir indique le chemin, et je vous en remercie. Mais encore faut-il que nous puissions passer ensuite aux travaux pratiques. Il ne suffit pas de répéter : « trop de lois tuent la loi ». Nous avions promis de simplifier la vie des Français et celle des entreprises, il y a trois ans : nous ne l'avons pas fait ! Et ajouter des textes aux textes ne peut pas être un objectif en soi, comme vous l'avez dit tout à l'heure.

Dès lors, je pose une question pour tous les projets de loi à venir : pourquoi ne pourrions-nous pas disposer d'études d'impact préalablement à l'étude des textes législatifs ?

M. Richard Mallié. C'est juste !

M. Jacques Remiller. Très bonne proposition !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela changerait beaucoup de choses : il y a des textes qui ne nous seraient même pas soumis, s'ils étaient précédés d'une étude d'impact. Pourquoi une telle absence d'évaluation des textes législatifs ?

Il y a deux ans, nous avions beaucoup débattu du texte sur les fonds d'investissement de proximité, qui nous avait paru ouvrir des perspectives optimistes. Où en est-on ?

M. Jean-Louis Dumont. Nulle part !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. De surcroît, il est désagréable de voter des lois et de les voir soit inappliquées, soit remises en question, après un changement de Gouvernement.

La commission des finances attend que trois messages soient adressés aux entreprises.

Le premier porte sur la fiscalité : la France peut-elle rester la seule à maintenir le système actuel de l'ISF qui aboutit à des aberrations économiques, comme chacun le sait sur tous les bancs de notre assemblée ?

M. Jacques Remiller. C'est vrai !

M. Pierre-Louis Fagniez. Bien sûr !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il est choquant de voir le dynamisme économique pénalisé par des impôts excessifs. Élu du Grand Ouest, où est née la première génération des entreprises industrielles, je suis inquiet de constater qu'en cas de succession, la vente soit préférée à la continuité de la transmission. Mais, monsieur le ministre, nous y reviendrons lors du prochain budget.

La deuxième attente tient à une nécessaire simplification administrative, y compris celle du code du travail. Certains disent que, pour entreprendre en France, il faut aimer vivre sous la menace.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La multiplication des administrations chargées du suivi des entreprises crée un contexte de défiance plutôt que de soutien et de confiance. Les entreprises en France ont, au contraire, besoin d'être aimées. Cet amour, elles ne le ressentent pas et cela a des conséquences sur la création d'emplois. Personnellement, je n'ai pas voté le principe de précaution et je ne suis pas très favorable à ce que l'on nous annonce à propos des class actions.

Par ailleurs, allons-nous continuer à multiplier les textes et les contraintes pesant sur les entreprises alors que le Premier ministre a déclaré que la priorité des priorités était l'emploi ? Nous pensons que nous ne parviendrons à une économie performante qu'en accroissant l'efficacité des dépenses publiques. À cet égard, il faut une volonté claire. Ce matin, le président Séguin nous a rappelé que la dépense publique, en 2004, n'avait pas augmenté seulement en fonction de l'évolution des prix, contrairement à ce que nous disons publiquement. Compte tenu du fait que certains ministères ont contourné la règle par la voie des allégements ou des réductions de recettes, son niveau est en fait plus élevé que celui qui est affiché.

Voilà rapidement exposé les attentes de notre commission. Mais je ne peux conclure sans souligner que plus d'efficacité passe par davantage de justice. L'un ne va pas sans l'autre. À cet égard, nous nous interrogeons sur les nouveaux allégements de charges sociales, auxquels deux milliards d'euros supplémentaires sont déjà destinés - soit 19 milliards d'euros au total au lieu de 17 milliards. Ne vaudrait-il pas mieux les reprofiler en les limitant éventuellement à 1,5 SMIC, et consacrer prioritairement les 2,2 milliards prévus à l'amélioration de la prime pour l'emploi des salariés gagnant de 1 à 1,5 SMIC ? Si nous améliorions la PPE et si nous la mensualisons, je vous assure que le contexte économique et social de la rentrée prochaine serait profondément modifié. De plus, faire cet effort de justice servirait de levier à des réformes nécessaires.

Vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur le soutien de votre majorité. S'il est sincère, il n'en est pas moins vigilant : c'est notre travail de législateur. Pour le premier texte que vous nous soumettez, je tenais à vous résumer le sentiment majoritaire de la commission des finances de notre assemblée, que partage, je le crois, celle du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus. Monsieur le ministre, le groupe socialiste m'a demandé de présenter cette exception d'irrecevabilité, ce que je fais bien volontiers.

Vous me permettrez d'abord d'observer que vous ne pouvez pas en revendiquer l'entière paternité. Je ne vous en ferai pas le reproche ; cela me permettra de le critiquer sans vous mettre en cause.

Depuis 2002 - je reprends ici vos déclarations de ce matin - la croissance n'a jamais retrouvé les niveaux atteints entre 1997 et 2001. Bien qu'avec une croissance mondiale de 4,6 % l'année 2004 ait été l'un des meilleurs crus des trente dernières années, la progression en France n'aura été que de 2,5 %. En 2005, en dépit de l'optimisme de vos prédécesseurs, les chiffres publiés très récemment par l'INSEE pour le premier trimestre sont pour le moins alarmants puisqu'ils font état d'une croissance de 0,2 %, au lieu des 0,4 ou 0,5 % prévus. Ainsi, pour la première fois depuis 1998, la croissance française est inférieure à celle de la zone euro, qui atteint 0,5 % pour le premier trimestre. L'OCDE a dû réviser ses prévisions de croissance pour la France et vous lui avez emboîté le pas ce matin. Voilà une très bonne chose. Il faut toujours être lucide si l'on veut qu'un débat s'engage ici.

Cette situation économique a des conséquences sociales que vous connaissez. Le nombre des demandeurs d'emploi n'a cessé d'augmenter depuis 2002. Avec 2  775 000 demandeurs d'emploi, le taux de chômage a atteint 10,2 % à la fin du mois de mars. La dégradation est particulièrement sensible pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. On comprend que votre collègue Jean-Louis Borloo refuse aujourd'hui de s'engager dans des promesses qu'il qualifie lui-même de démagogiques, contrairement à l'ancien Premier ministre qui pensait pouvoir, d'autorité, faire baisser le chômage de 10 %.

Face à cette situation, le titre de ce présent projet de loi me semble un peu ronflant - mais je sais que ce n'est pas vous qui l'aviez intitulé ainsi - pour un ensemble de mesures qui ne nous permettent pas de discerner une stratégie économique. En écoutant les précédents orateurs, je me disais qu'on avait là finalement un patchwork, et qu'on y a rassemblé tous les laissés-pour-compte qui n'avaient pas pu être intégrés dans un texte à l'orientation bien définie.

M. Jean-Louis Dumont. Très juste !

M. Tony Dreyfus. Ce n'est pas le représentant du groupe socialiste que je suis qui vous reprochera de trop légiférer. L'actuel garde des sceaux nous a souvent appelé à changer les comportements, nous assurant que les choses iraient mieux après. Mais, et vous le savez comme moi, changer les comportements sans un minimum de contraintes légales n'est pas toujours évident.

Votre texte est un peu lisse et je suis sûr que si nous avions eu l'occasion d'en discuter de manière plus approfondie, il présenterait un caractère plus achevé.

En commission des finances, vous avez fait preuve d'ouverture en annonçant d'emblée des amendements de la majorité et du Gouvernement. C'est bien, mais élaborer un texte à partir d'amendements uniquement revient à faire un véritable patchwork. Il n'y a pas tout à fait l'unité, la cohérence nécessaire.

Le titre 1er de votre texte est censé adapter l'environnement juridique des entreprises. En fait, la volonté de ses auteurs est de revenir sur des dispositions de la loi NRE qui a déjà été démantelée.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois, rapporteur pour avis. Pas assez !

M. Tony Dreyfus. Peut-être, mais elle l'a déjà été en partie.

Certaines propositions peuvent surprendre. À l'heure où l'indignation semble générale quand on évoque les indemnités de retraite accordées à tel ou tel PDG, et où le ministère annonce des mesures visant à assurer un contrôle plus important de l'assemblée générale sur ce type d'engagement de la société, le projet de loi assouplit au contraire les modes de décision relatifs à la désignation ou la rémunération des membres de la direction et abaisse les règles de quorum dans les assemblées générales. Le praticien que je suis n'est pas gêné par cette seconde disposition, vous l'avez compris. En revanche, la première ne semble pas aller dans le bon sens, surtout à un moment où l'exigence de transparence est de plus en plus forte.

J'ajouterai que la présence de dispositions relatives à la fonction publique dans ce titre ne clôturera pas le chapitre sur les règles de limite d'âge des dirigeants des entreprises publiques. Êtes-vous bien certain que cette disposition devait figurer dans ce texte ? Je n'en suis pas sûr. Le Conseil constitutionnel a déjà sévi une fois. Souhaitons qu'il ne sévisse pas à nouveau.

Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué la nécessité d'un amendement visant à fluidifier les rapports entre sphère publique et sphère privée. Deux ans au lieu de cinq suffiront désormais pour passer de l'une à l'autre, ce qui va à l'encontre de la réflexion du groupe socialiste. Vous ne serez pas surpris en effet si je vous dis que nous n'avons pas tout à fait les mêmes conceptions sur ce sujet.

Le titre II prétend moderniser les outils de financement des entreprises. Je vous dirai, sans aucun esprit de malveillance, que la copie n'est pas très ambitieuse. Vous me répondrez que nous voyons toujours la bouteille à moitié vide alors qu'elle est à moitié pleine et que des progrès ont été réalisés. En réalité, des auditions auxquelles nous avons pu procéder il résulte que très peu de très petites entreprises ou de PME, comme l'a constaté la CGPME, sont concernées par des mesures touchant l'accès au financement du marché.

Quant à vos propositions, elles se résument à deux axes principaux. Tout d'abord, la création annoncée, à la suite du rapport Beffa, d'une agence industrielle de l'innovation dont l'intérêt et la place au sein des dispositifs existants restent flous. Dans un rapport qu'il a remis sur la question, notre collègue Bernard Carayon insiste sur la nécessité de prendre des mesures visant à faciliter la lisibilité et la cohérence des outils et leur inscription dans une réflexion stratégique plus complète. En la matière, les gouvernements précédents semblent avoir comme stratégie essentielle de faire suivre chaque rapport public d'une nouvelle mesure, sans réflexion sur leur complémentarité possible. Ainsi, ce sont les pôles technologiques qui ont fait suite aux rapports de Christian Blanc et de la DATAR. Puis, un certain nombre de grands programmes pompidoliens ont suivi le rapport de Jean-Louis Beffa.

Jean-Louis Beffa a peut-être raison de dire qu'il serait bien utile aux entreprises, aux ténors du CAC 40, de bénéficier de financements complémentaires. Mais ces financements ne présenteront-ils pas un caractère très marginal ? Seront-ils vraiment conformes à la réglementation communautaire ? Je ne suis pas sûr que votre proposition aille dans le sens du comportement général actuel quand je lis la dernière appréciation de la commissaire à la concurrence sur ces projets en matière de réforme des aides d'État.

Le deuxième axe de votre proposition consiste à réformer, par ordonnance, le droit des sûretés et du crédit hypothécaire. Il me semble difficile de procéder par ordonnance quand il s'agit de dispositions aussi essentielles. Sans jouer les parangons de vertu judiciaire, de telles dispositions me semblent devoir être très réfléchies. Autant je n'aurais pas été choqué de voir réformer par ordonnance les conditions de tenue d'un conseil d'administration ou d'une assemblée générale, autant toucher par cette procédure à des règles essentielles du code civil me semble pour le moins audacieux.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas agressif, j'essaie seulement de faire preuve de bon sens.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Il y a la loi de ratification, après !

M. Tony Dreyfus. Bien entendu, mais ce n'est pas du tout de même nature.

Le titre III vise à simplifier l'accès au marché et renforcer la confiance des investisseurs. Si les intentions sont bonnes, je me demande quels en seront les réels bénéficiaires.

Le titre IV a trait à l'épargne salariale que l'on souhaite encourager pour faire redémarrer la consommation. Les représentants de toutes les organisations syndicales ont marqué des réticences, car cela s'apparente, pour elles, à contourner les conditions de fixation du salaire ou toute forme d'indexation. On peut les comprendre. Mais je ne suis pas sûr que le projet de participation évoqué par M. Ollier soit entièrement rejoint par les propositions qui sont faites aujourd'hui. Ce n'est pas à moi de plaider son dossier, mais cela donne un caractère assez « touche-à-tout » à ce texte qui ne me semble pas convaincant.

Sans agresser ce texte ni ses auteurs, vous comprendrez pourquoi j'ai pu qualifier ce projet de loi d'un peu lisse. En fait, il se refuse à aborder les problèmes de fond et à trancher sur des questions fondamentales. Naturellement, vous me répondrez que tel n'était pas l'objet de ce texte.

Néanmoins, je voudrais évoquer la gouvernance des entreprises ainsi que la responsabilité et la rémunération des dirigeants, problèmes que vous êtes obligés de traiter sous la pression.

S'y attaquer dans un contexte de stagnation des revenus des ménages, c'est-à-dire justifier des salaires proprement exorbitants, n'est pas forcément opportun. J'ai appris dans le cadre de ma vie professionnelle qu'un dirigeant sollicité par une grande société avait réclamé une rémunération de 7 millions d'euros par an. Si l'information est exacte, il y en a qui « disjonctent » complètement, pour reprendre l'expression de mes enfants. Tous les contrôles en la matière sont parfaitement justifiés et proposer une information des actionnaires, et même de l'opinion, n'est en rien dirigiste, stalinien ou éthiquement irresponsable. Il faut simplement éviter les dérapages.

À défaut, le statu quo doit avoir pour contrepartie une responsabilité accrue des dirigeants d'entreprise. Aujourd'hui, elle n'est mise en jeu qu'en cas de liquidation de biens ou de faillite. En dehors de ces deux cas, il n'y a pas de sanction, ainsi qu'en a décidé la Cour de cassation.

Nos collègues Caresche, Balligand et Montebourg - ce dernier se montrant parfois plus « sanguinaire » - (Sourires) ont voulu aller plus loin.

M. Jean Launay. Pas sanguinaire, réaliste !

M. Tony Dreyfus. L'adjectif « sanguinaire » n'a pas de connotation péjorative dans ma bouche.

Car il n'est pas possible de maintenir l'irresponsabilité actuelle. Mais c'est au législateur d'en décider, et non pas à l'exécutif par le biais d'une ordonnance. Vous êtes mieux placé que quiconque, monsieur le ministre, pour savoir qu'il faut des sanctions à l'encontre de certains dirigeants. Or votre projet n'en comporte aucune.

En conclusion, le texte a beau prévoir plusieurs mesures intéressantes, il manque de cohérence, il est lisse et entretient le flou. Il eût été préférable d'approfondir plusieurs points. Le président Méhaignerie nous a exhortés à juste titre à ne pas surcharger les textes, mais les sujets que traite le projet de loi méritent mieux que des amendements. Vous nous avez présenté un texte nu, monsieur le ministre, en proposant de l'habiller d'amendements gouvernementaux ou parlementaires. Encore aurait-il fallu, pour ce faire, qu'il y eût un corps. Or il n'y en avait pas.

C'est la raison pour laquelle, et sans faire de procès d'intention à qui que ce soit, je me sens fondé, au nom du groupe socialiste, à soulever l'exception d'irrecevabilité et à vous demander de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, comme vous avez pu vous en rendre compte, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention.

Je passe rapidement sur vos remarques liminaires sur la croissance. Elle a été très forte entre 1997 et 2002, et même exceptionnelle sur une année ; la dette de la France n'en a pas été réduite pour autant. Pourtant, il s'agit d'un sujet majeur qui concerne non plus seulement nos enfants, mais nous aussi directement. La croissance au premier trimestre a été atone, je l'ai dit ce matin, en effet, mais la reprise se fait d'ores et déjà sentir. Le trou d'air est passé et, dès le second semestre, la croissance devrait être plus dynamique, entre 2 % et 2,5 %.

Le texte est certes différent du projet initial, comme le rapporteur général l'a rappelé. Il comporte désormais des éléments fondamentaux pour notre économie. Vous me pardonnerez de ne pas partager du tout votre analyse sur un texte qui a été très travaillé avec la commission des finances. Il n'est pas « lisse », au contraire.

Il prévoit des mesures qui doivent être mises en œuvre sans attendre, dans l'intérêt de tous, en particulier des petites et moyennes entreprises, lesquelles constituent l'un des fers de lance de notre économie. Ainsi, entre 1985 et 2005, elles ont créé des emplois, plus de 2,2 millions, alors que les entreprises de plus de cinquante salariés en ont détruit. C'est donc les PME que nous devons viser, afin d'améliorer leur capitalisation pour affronter la compétition internationale. Plusieurs articles du texte visent donc à remobiliser l'épargne des Français en leur faveur, et sans attendre. Il y a même urgence à armer les entreprises françaises qui affrontent la compétition mondiale.

En ce qui concerne les dispositions sur la limite d'âge des dirigeants, vous êtes trop fin juriste, monsieur le député, pour ignorer que, si le Conseil constitutionnel les a censurées, c'est parce qu'il s'agissait d'un « cavalier » législatif, si j'ai bien compris les explications du président Méhaignerie - c'est la première fois que je présente un projet de loi, mais j'espère apprendre vite - et non pour des raisons de fond.

Nous avons la chance formidable de vivre dans une société où nombreux sont ceux qui sont encore jeunes à soixante-cinq, voire soixante-dix ans et même au-delà. Dès lors, il y a une certaine logique à aligner le régime du public sur celui du privé, c'est-à-dire à laisser les actionnaires décider en fonction de la capacité des dirigeants à assumer leurs responsabilités. J'en connais beaucoup, croyez-moi, qui sont très vaillants même s'ils ont dépassé soixante-cinq ans ! Cette mesure va donc dans le sens de la modernisation de l'économie.

Il ne faut pas non plus perdre de temps en ce qui concerne les outils de financement des entreprises.

La mise en œuvre de l'Agence industrielle pour l'innovation est fondamentale. J'ai noté ce que vous disiez et je prends l'engagement de m'entretenir avec Mme Neelie Kroes et avec la direction générale de la concurrence de la Commission. Mais l'expérience des autres pays, notamment les États-Unis et même le Japon, montre qu'il n'y a pas une seconde à perdre. Il ne faut pas être naïf car, dans une économie mondialisée telle que la nôtre, il est absolument essentiel pour garder un socle industriel digne de ce nom - et c'est ce que veut le Gouvernement - de se doter des mêmes instruments que les autres pays. L'Agence industrielle pour l'innovation va nous y aider.

À cet égard, la doter dès le départ de 1 milliard d'euros produira un effet de levier considérable puisque la somme viendra abonder les investissements dans des programmes de recherche et des programmes industriels réalisés par les entreprises. Là aussi, il faut aller vite. Le Premier ministre a d'ailleurs décidé d'accélérer les choses en doublant la dotation initialement prévue, qui était de 500 millions d'euros.

Quant à la réforme par ordonnance du droit des sûretés, je rappelle que le Parlement interviendra au moment de la ratification. Vous pourrez donc en discuter. Nous sommes d'accord sur l'importance de l'enjeu. C'est un sujet technique et nous aurons l'occasion, dans les neuf mois qui viennent, d'en débattre avec ceux qui sont intéressés.

Concernant la bonne gouvernance et la responsabilité des dirigeants, il ne faut pas tout mélanger. Le texte vise à améliorer ce qui peut l'être, notamment la rémunération différée des dirigeants, mais il faut laisser le conseil d'administration décider de ce qui est bon pour l'entreprise, ses salariés et ses actionnaires. En contrepartie, et c'est une première, nous proposons que l'assemblée générale des actionnaires entérine le bien-fondé des décisions du conseil d'administration par le biais de conventions réglementées. La rémunération différée s'apparentant d'une certaine façon à un contrat entre le dirigeant et l'entreprise, il est donc normal, pour renforcer la sécurité juridique, qu'elle soit considérée comme une convention réglementée, c'est-à-dire approuvée par l'assemblée des actionnaires.

Telles sont, monsieur le député, les raisons pour lesquelles le texte mérite d'être débattu et je vous demande de voter contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera l'exception d'irrecevabilité dans la mesure où la croissance est l'enjeu de fond du projet de loi, indépendamment du caractère constitutionnel ou non de ses dispositions.

La majorité répète qu'il faut travailler plus pour obtenir davantage de croissance. Mais il manque des mesures dans ce projet de loi comme dans le plan présenté par le Premier ministre il y a quelques jours.

Premièrement, il faut, même si ce n'est pas simple, accroître le pouvoir d'achat des Françaises et des Français dans la mesure où c'est la consommation qui est le véritable moteur de la croissance. Cela passe donc par une augmentation des salaires et des pensions, par l'arrêt des hausses de tarifs et des taxes, ceux notamment qui dépendent de l'État. Vous allez nous objecter la flambée des prix du pétrole, mais le prix du timbre-poste n'est pas forcément directement lié à celui du baril. La baisse des taux d'intérêt versés sur le livret A et le CODEVI aura également un impact négatif sur le pouvoir d'achat.

Deuxièmement, il s'agit de mettre en place des crédits sélectifs. Alors que vous faites des cadeaux aux entreprises, sans aucune contrepartie, nous proposons de leur offrir des crédits sélectifs à taux réduit en échange de créations d'emplois, donc de richesses.

Enfin - sans doute le plus difficile pour vous -, il faut arrêter le système, ou plutôt l'engrenage irresponsable qui conduit des investisseurs à exiger des rendements annuels de 15 à 20 %, voire plus, alors que la croissance plafonne à 2 %, que l'inflation ne dépasse pas ce chiffre et que le pouvoir d'achat est en augmentation très légère, quand il ne stagne pas.

Une création de richesses à 2 % ne peut donner lieu à une rémunération des dividendes allant de 15 % à 20 % ! Un tel système ne peut pas fonctionner. Il ne s'agit donc pas seulement ni essentiellement de travailler plus : la solution du problème réside dans la création de richesses qui n'aillent pas s'évanouir dans les placements financiers. En France, vous le savez, la sphère financière mobilise huit fois plus d'argent que les investissements productifs ! Une meilleure répartition de la richesse est donc nécessaire.

Telle est la raison pour laquelle nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, Tony Dreyfus a dit, avec son talent habituel, de manière à la fois concise, précise et incisive - non à votre endroit, mais à propos du texte - ce qu'il convenait de penser d'un projet de loi qui, pour le moins, manque de charpente et s'apparente plus à un ensemble regroupant diverses dispositions d'ordre économique ou financier, un DDOEF, qu'à un texte de loi.

Ce qui est le plus étonnant, c'est qu'alors que le président de la commission des finances vous appelle à la lucidité, monsieur le ministre, les présidents des deux autres commissions, en écho, n'observent pas qu'il ne s'agit pas tant, ici, de légiférer que d'autoriser le recours aux ordonnances, lesquelles seront ratifiées par le Parlement dans quelques mois, voire dans quelques années.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Mais non ! Elles seront devenues caduques !

M. Jean-Louis Dumont. Le recours aux ordonnances pourrait se justifier, monsieur le président Ollier, s'il s'agissait de simples dispositions techniques, à adopter rapidement, et dont nous souhaitons tous qu'elles n'encombrent pas l'ordre du jour parlementaire. Mais tel n'est pas le cas. Le Parlement devrait pouvoir réfléchir à ces questions et, d'ailleurs, les présidents de ces mêmes commissions demandent au Gouvernement d'être associés à ses travaux.

M. Roland Chassain et Mme Arlette Franco. Hors sujet !

M. Marc Laffineur. Revenons-en au texte !

M. Jean-Louis Dumont. Ainsi, le Gouvernement et sa majorité travaillent ensemble tout en refusant notre souci de prendre du recul, de formuler des analyses critiques ou des contre-propositions ou encore d'appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que notre pays n'est pas soumis, en la matière, à une sorte de monoculture.

Dernièrement, le Gouvernement a choisi de présenter au Parlement un texte technique, relatif au code des assurances, sur l'assurance-vie. Il s'agissait de la transposition d'une directive européenne que nous devions intégrer. Mais là, il y a introduit des éléments qui allaient au-delà de ce que réclame l'Union européenne et qui étaient contraires à notre souci de défense du consommateur. Dans ces conditions, quelle confiance accorder au Gouvernement ?

Il est évident que notre groupe ne peut pas voter le texte qui nous est proposé. C'est pourquoi nous voterons la motion d'irrecevabilité défendue par Tony Dreyfus.

Nous la voterons d'autant plus volontiers que les conseillers qui vous entourent, monsieur le ministre, semblent victimes, en matière de prêt hypothécaire, du mirage anglo-saxon.

M. Marc Laffineur. Madame la présidente, l'orateur a épuisé son temps de parole !

M. Jean-Louis Dumont. J'ai à peine commencé, mon cher collègue. Laissez-moi développer deux ou trois arguments !

M. Roland Chassain. Vous pouvez aller faire votre propagande ailleurs !

M. Jean-Louis Dumont. À titre personnel, j'étais plutôt favorable au crédit hypothécaire, parce qu'il convient d'enclencher une dynamique en faveur de l'accédant à la propriété, voire de l'investisseur. Mais nous appelons votre attention sur les dangers que pourrait comporter cette nouvelle mesure si elle n'était pas « francisée » - j'ose le terme. Notre économie et notre culture doivent, assurément, bénéficier d'une nouvelle dynamique, mais à la condition de ne pas nous contenter de transférer simplement dans notre droit un modèle importé. Tony Dreyfus a su appeler votre attention sur les précautions à prendre en la matière, monsieur le ministre, lesquelles confortent notre décision de voter l'exception d'irrecevabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Madame la présidente, le temps de parole de M. Dumont est écoulé !

Mme la présidente. Monsieur le député, lorsque M. Dumont aura fini, je vous ferai connaître la durée exacte de son intervention. Quatre minutes ne se sont pas encore écoulées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Nous n'avons pas les mêmes montres, madame la présidente !

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, je vous remercie de prendre la défense d'un parlementaire qui jouit, me semble-t-il, du même droit de parole que chacun de ses collègues au sein de cet hémicycle.

Quant à la gouvernance des entreprises et aux salaires des dirigeants, le problème est aujourd'hui très préoccupant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or, il est dommage que le Gouvernement ou sa majorité ne réagissent jamais que dans l'urgence, à partir d'un cas précis. Tony Dreyfus a évoqué des salaires qu'on ne saurait justifier, même pour attirer des compétences !

Mme la présidente. Monsieur Dumont, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Madame la présidente, comment expliquer qu'il ait épuisé si vite son temps de parole, alors qu'à l'instant, il n'avait pas encore parlé quatre minutes ?

Mme la présidente. Monsieur Ollier, présidant la séance, il m'appartient de faire respecter les temps de parole !

M. Jean-Louis Dumont. Le décompte de vos interruptions, monsieur Ollier, me donne encore droit à trente secondes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Dumont, je vous prie de conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Je vous remercie, madame la présidente.

Je ne comprends pas ce brusque coup de fièvre chez nos collègues.

M. Pascal Terrasse. Nous refuserons de nous laisser bâillonner !

M. Marc Laffineur. Voilà dix minutes que M. Dumont parle !

M. Jean-Louis Dumont. Nous devrions au contraire faire preuve de notre capacité à nous écouter mutuellement. Vous montreriez ainsi, mesdames et messieurs les députés de la majorité, que vous êtes également capables d'écouter le pays et de donner de bons conseils au ministre et à son entourage. Car, de toute évidence, les ordonnances les feront déraper ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. Nous savons ce que nous faisons !

M. Jean-Louis Dumont. Tout en renouvelant nos compliments à Tony Dreyfus, je confirme que le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. Vous avez parlé sept minutes !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, la nouvelle inscription de ce texte à l'ordre du jour, en dépit de l'échec flagrant de votre politique économique, du désaveu que vous ont de nouveau infligé les Français le 29 mai et du changement de Gouvernement, témoigne de votre volonté de demeurer opiniâtrement sourd et aveugle aux attentes de nos concitoyens et apporte la preuve que vous n'êtes nullement conscient de la nécessité qu'il y a à sortir de l'impasse où conduit l'aggravation des logiques libérales.

Ce projet ne répond en rien à la première préoccupation des Français - l'emploi - que vous faites mine d'avoir entendue. Depuis votre arrivée au pouvoir, la richesse nationale stagne et le pouvoir d'achat des Français régresse. Seul le chômage progresse - près de 10 % en trois ans, si l'on ne tient pas compte des radiations abusives ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs il n'y a pas lieu de statuer sur votre texte : on vient de démontrer que son article 8 était inconstitutionnel en ce qu'il transpose une directive directement contraire à l'article 2 de notre Constitution, qui demeure notre loi fondamentale.

En dépit du vote massif du 29 mai, voilà que vous souhaitez de surcroît ranger notre langue aux oubliettes : fini le français ! Désormais nos propres administrations, ou les autorités administratives indépendantes, permettraient la publication d'éléments d'information essentiels en anglais. Il ne s'agit pas d'une mesure visant à favoriser le bilinguisme, mais d'une substitution de l'anglais au français. Nos juges devront-ils bientôt s'initier à la sémantique juridique anglaise pour trancher les différends portant sur l'interprétation du document d'information d'appel public à l'épargne ? Vous oubliez un peu vite l'article 2 de notre constitution qui, toujours en vigueur quoique vous en ayez, dispose très clairement que « la langue de la République est le Français », non l'anglais comme, apparemment, vous le souhaitez.

La langue française et la République semblent vous encombrer : souhaiteriez-vous vous en séparer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. Il ne faut pas exagérer !

M. Jacques Desallangre. Acceptez que, pour notre part, nous y restions viscéralement attachés.

Si vous aviez pris la mesure véritable des attentes de nos concitoyens et de leur désir d'un changement politique majeur, en matière de progrès social et d'augmentation du niveau de vie, jamais vous n'auriez osé présenter de nouveau un texte qui, à l'exemple de celui-ci, porte à ce point la marque de ce que les Français ne veulent plus.

De surcroît, vous écartez le Parlement et votre propre majorité en procédant par ordonnances. L'article 6 n'est qu'un amuse-bouche au regard de ce qui nous attend dans quelques jours ! Une fois de plus, vous allez déposséder l'Assemblée nationale de ses pouvoirs et de sa mission. Si notre assemblée ne vous convient pas, demandez à votre chef de la dissoudre - ce ne serait pas la première fois ! Mais vous vous retrouveriez alors devant le peuple et le problème, c'est que le peuple, lui, vous ne pourriez pas le dissoudre ! Bertold Brecht l'a dit avant moi : puisque nous ne pouvons pas changer la politique, changeons le peuple ! Ce qui reste bien difficile à faire !

Vous allez donc user et même abuser des ordonnances pour reformer sans débat des pans entier du code civil et du code du commerce. L'habilitation que vous demandez est si large et inconstitutionnelle que même votre majorité s'en est émue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais le rapporteur n'a pas tiré les conséquences de cette désapprobation et a préféré faire preuve de docilité face au Gouvernement, en dépit des risques de sanction par le Conseil constitutionnel.

Quoi qu'il en soit, vous tenez à rester « droits dans vos bottes », persuadé qu'il n'existe aucun plan B pour la politique économique de notre pays. Vous faites montre d'une constance inébranlable dans l'application des recettes libérales. Vous restez fidèles à votre idéologie. Alors que le message envoyé par le peuple exigerait un virage radical, vous préférez poursuivre dans la voie de la rigidité dogmatique et maquillez votre indigence en nous payant de mots.

Vous parlez de « confiance » : mais à qui prétendez vous donner confiance en vous inscrivant dans la continuité de politiques économiques qui ont conduit à l'échec ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Desallangre. Est-ce une coïncidence si le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé en France depuis dix ans ? Au travers du titre IV, vous souhaitez financer la croissance par la mobilisation de l'épargne. Cet objectif est tiré du constat selon lequel les Français épargnent plus que leurs voisins européens et américains. Injecter de nouveau cette épargne dans l'économie et la consommation stimulerait la croissance. Mais vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les Français épargnent ? Vous êtes si loin d'eux ! Les Français épargnent parce qu'ils savent que leur avenir est incertain, que leurs retraites sont hypothéquées par vos réformes libérales et que l'avenir de leurs enfants s'annonce difficile. Ce sont l'insécurité sociale et la peur du chômage qui poussent les couches de la population qui le peuvent encore à thésauriser.

Vous prétendez « moderniser » : encore une chausse-trape. La modernisation n'a pas nécessairement les vertus du progrès, mais vous vous gardez, bien évidemment, d'employer ce terme, dont les connotations vous font grincer les dents !

Les propositions que vous formulez n'apportent rien de nouveau. Elles s'inscrivent dans la droite ligne des mesures que vous préconisez par ailleurs, monsieur le ministre, lorsque vous vous êtes fait le chantre de l'assouplissement du contrat de travail dans les petites entreprises, de la remise en cause des seuils sociaux et de l'interruption des baisses d'impôt aux fins de financer de nouveaux allégements de charges pour les entreprises.

M. Roland Chassain. Vous nous lisez Germinal !

M. Jacques Desallangre. Toute votre politique répond à une logique jamais démentie de privatisation des profits et de socialisation des pertes. Vous n'en faites d'ailleurs pas mystère, à en juger par les propos que vous avez tenus il y a deux mois sur l'actuel projet de loi dans un grand quotidien du soir. Vous prétendiez alors « permettre aux entreprises d'accéder plus tôt, plus vite aux marchés financiers tout en améliorant la sécurité juridique des investisseurs ». Vous présentiez le recours au crédit bancaire comme un moyen « traditionnel » mais dépassé de financement des projets des entreprises. Il est vrai que votre credo, c'est de déresponsabiliser toujours davantage les banques - le rêve de ces dernières étant de jeter le mot « risque » aux oubliettes, du moins en ce qui les concerne. Vous vous faites fort de les y aider !

À ce titre, l'article 4 de votre projet traite des activités de revitalisation économique des territoires qui ont eu à subir des délocalisations ou, comme à Soissons, dans ma circonscription, une désindustrialisation massive et des licenciements économiques abusifs. Face aux comportements de ces patrons voyous, vous ne proposez nullement la coercition que les salariés, les citoyens et les collectivités locales seraient en droit d'attendre, mais vous élargissez les garanties de crédit accordé par l'État. Plutôt que de responsabiliser les patrons en les obligeant à assumer la totalité des préjudices qu'ils font subir aux salariés et aux territoires, vous préférez faire supporter à la collectivité des risques financiers accrus. Voilà une nouvelle leçon de dogmatisme libéral.

Vous vous faites également fort de renforcer l'emprise du pouvoir des actionnaires dans l'équipe dirigeante des entreprises et de faciliter la pénétration des logiques de marché dans tous les interstices de notre économie. Comme si c'était là ce dont elle avait le plus besoin ! Tel est le point de vue que vous défendez, mais sans apporter le moindre commencement de preuve de l'efficacité d'une telle démarche.

Vous aurez plus de mal encore à nous convaincre et à convaincre l'opinion publique que le projet de loi que vous présentez aujourd'hui ne privilégie pas abusivement l'intérêt de l'employeur et l'actionnaire, sur le client et le salarié. Vous n'avez cure en effet de renforcer le pouvoir d'intervention et de contrôle des salariés au sein des entreprises et de faire progresser la démocratie. Après les scandaleux « golden hello », « golden parachute » « golden retraite », même la majorité se disait qu'elle devait agir en vue de répondre à l'indignation de nos concitoyens. Peut-être allez-vous sortir de votre escarcelle un amendement cosmétique non contraignant ? Pour ma part, j'avais proposé, bien avant les multiples scandales causés par des patrons gloutons, que les rémunérations des cadres dirigeants soient, dans leur intégralité, adoptées par l'assemblée générale des actionnaires, afin que chacun sache ce que coûtent les rémunérations des employeurs et puisse vérifier si elles sont justifiées au regard de la plus-value qu'ils apportent à l'entreprise et de la santé de celle-ci. Je souhaitais que cette obligation de transparence soit également renforcée par l'utilisation d'un nouveau ratio, exprimant les rémunérations des dirigeants en multiple du salaire le plus bas pratiqué dans l'entreprise, la rémunération de chacun étant censée représenter la valeur relative que le salarié apporte à l'entreprise.

L'utilisation de ce ratio révélerait combien les dirigeants estiment apporter de plus-value par rapport au salarié de base : sachant que les patrons des entreprises du CAC 40 touchent en moyenne cinq cents fois le SMIC, les actionnaires et les salariés pourraient être très intéressés de savoir que ces dirigeants ont une rémunération représentant parfois dix millions de fois le dividende par action ou deux mille fois la rémunération annuelle du salarié au bas de l'échelle.

Nous souhaiterions que ces éléments de transparence permettent un meilleur contrôle et préviennent ainsi des abus dont la démesure nous a scandalisés.

À quoi bon proclamer - et nos collègues de la majorité avec vous - que vous entendez promouvoir la participation des salariés à la gouvernance d'entreprise, si vous limitez cette participation à une forme d'assujettissement ? L'idée d'associer les salariés aux progrès de leur entreprise a surtout vocation à leur faire supporter des risques qui incombent à l'employeur seul. Dans les faits, les salariés se trouveront pris dans l'étau, contraints qu'ils seront à renoncer aux revalorisations salariales au nom des objectifs de gestion financière. Vous vous défendez de vouloir remettre en cause le salaire, mais en faisant la promotion de l'intéressement vous vous attaquez ouvertement aux attributs du salaire.

Je ne développerai pas les éléments disparates dont votre projet de loi est fait, me contentant de souligner que ce texte ne modernise évidemment en rien notre économie. Alors que la modernisation que les Français appellent de leurs vœux passe par la remise en cause de la domination des marchés financiers, votre projet ne vise qu'à la conforter et à la développer.

L'urgence est aujourd'hui de se doter de nouveaux instruments susceptibles de promouvoir d'autres principes de financement des entreprises et de l'économie. Tel est le sens de nos propositions en faveur de la constitution d'un pôle financier public regroupant l'ensemble des institutions financières ayant, de par leur statut, une mission d'intérêt général, ou encore de la création de fonds régionaux pour l'emploi et la formation, qui pourraient notamment prendre en charge tout ou partie des intérêts des crédits accordés par les banques aux entreprises, afin de financer leurs investissements en fonction des créations d'emplois. Alors que vous renforcez le poids de l'exigence de rentabilité financière dans le financement des projets de développement de l'emploi et des capacités productives, nous préconisons de les réduire.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, les raisons ne manquent pas de voter contre votre projet et d'adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je répondrai brièvement sur quelques points.

Je tiens tout d'abord à rappeler que le pouvoir d'achat a augmenté de 1,4 % en 2004,...

M. Jean Launay. Après avoir baissé durant trois ans !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et que nous en sommes aujourd'hui, en moyenne annuelle, à 2 %. Ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas la régression que vous dénoncez ! Et le Gouvernement a bien la volonté d'accompagner cette augmentation du pouvoir d'achat.

Quant à l'utilisation de l'anglais dans les documents d'information, je rappelle qu'il ne s'agit de rien d'autre que de la langue d'origine. Le français subsistera. Du reste, le fait que l'anglais figure à côté du français n'est pas pour me choquer : il faut aujourd'hui s'y habituer. Il y aura éventuellement la traduction en anglais à côté du français. Dans le monde où nous vivons, cela peut aisément se comprendre ! Nous privilégions évidemment le français, mais tout le monde ne parle pas encore notre langue... De plus, je ne saurais déplorer que des investisseurs étrangers viennent investir dans des entreprises françaises.

En ce qui concerne le recours aux ordonnances, j'ai déjà répondu et n'y reviendrai pas.

Je souhaite que les entreprises françaises aient plus et mieux accès aux marchés financiers : c'est vrai, monsieur le député. C'est un objectif de ce texte, et vous avez vous-même souligné à plusieurs reprises que les entreprises ont des actionnaires. Or, pour avoir des actionnaires, il faut avoir un accès aux marchés financiers. C'est la raison pour laquelle nous soutenons clairement la possibilité de mieux mobiliser l'épargne des Français. Jusqu'à présent, ceux-ci ne pouvaient pas soutenir les petites et aux moyennes entreprises parce qu'ils n'y avaient pas accès. Nous étions un des derniers pays du monde où cet accès n'était pas possible. Le texte permet de l'organiser en toute sécurité juridique.

J'ai déjà répondu sur la rémunération des dirigeants et la gouvernance. Le Gouvernement, par le biais de l'amendement que j'ai déjà évoqué, veut donner à l'assemblée générale des actionnaires un pouvoir total de décision et de vote sur les rémunérations différées, les conseils d'administration restant évidemment libres de décider de la rémunération usuelle des dirigeants. C'est une bonne chose et il vaut mieux en rester là.

Ce texte, enfin, ne vise pas uniquement à conforter les marchés financiers.

M. Jean-Claude Sandrier. Allons donc !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Son objectif global est de moderniser notre économie en permettant à nos entreprises de mieux investir dans la recherche et le développement. Vous avez d'ailleurs oublié d'évoquer cette question, ce qui m'étonne beaucoup car un grand nombre de vos amis y sont comme moi très sensibles. Chacun sait ici qu'il s'agit d'un point fondamental.

Vous avez également oublié les aspects industriels. Je ne partage pas votre sentiment sur l'Agence pour l'innovation industrielle, qui est un outil très important pour permettre à notre industrie de poursuivre son développement. Je vous croyais pourtant sensible à cet aspect...

Le Gouvernement souhaite utiliser l'Agence pour permettre à nos entreprises d'investir dans l'avenir. Ce ne sont donc pas les marchés financiers à proprement parler que le texte vise, mais les entreprises, qui se verront dotées des moyens pour mieux accéder à des ressources qui sont le moteur de leur développement, dans l'intérêt - tel est l'ordre de priorité que je tiens à rappeler - des salariés, des clients et, in fine, des actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. Madame la présidente, monsieur le ministre, nous avons écouté attentivement la question préalable de Jacques Desallangre. Nous partageons ses constats critiques lorsqu'il rappelle le devoir d'écouter les citoyens après le vote du 29 mai dernier, lorsqu'il dénonce durement les golden protections des patrons gloutons ou lorsqu'il appelle à la transparence et au contrôle.

Nous avons aussi entendu ses interrogations sur l'assujettissement que la participation pourrait représenter et sur les attaques contre les attributs du salaire qu'elle pourrait entraîner.

Nous sommes sensibles à ses propositions sur la nécessaire modification du fonctionnement des marchés financiers ou sur la création de fonds régionaux pour l'emploi et la formation.

Partageant ces constats et ces propositions, nous ne croyons pas que les dispositions du projet de loi favoriseront véritablement l'orientation de l'épargne vers le financement de la croissance et le développement des petites et moyennes entreprises. Aussi les députés du groupe socialiste voteront-ils la question préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Selon vous, monsieur le ministre, les bénéficiaires de votre projet de loi seraient, dans l'ordre, les salariés, les clients et les actionnaires. Nous pensons que c'est exactement l'ordre inverse : à preuve, depuis des années, la répartition de la valeur ajoutée se fait en faveur du capital plus que du travail. Il faudra donc réviser vos raisonnements !

Quant au pouvoir d'achat, il dépend d'abord de la façon dont on le calcule. Et le mode de calcul vous pose à l'évidence un problème : sinon, vous n'auriez pas inventé le « caddie », ce qui est d'ailleurs, à mon sens, une bonne idée...

M. Philippe Auberger. C'est simplement le chariot des familles !

M. Jean-Claude Sandrier. Le chariot renvoie à une réalité objective. Mais chacun sait que tout ce qui fait le pouvoir d'achat n'est pas dans le chariot. Vous devriez donc élargir votre réflexion. Depuis trois ans, le pouvoir d'achat baisse, même si vous invoquez la légère hausse récente - entre 0,4 et 1,5 %, si l'on en croit la presse, et pas seulement L'Humanité. (Sourires.) Au regard de cette situation, les mesures que vous proposez apparaissent bien pâles, et surtout très inadaptées. Quel effet pourront-elles avoir quand on nous annonce une croissance inférieure de 20 à 40 % à celle qui avait été prévue ? Où est le nouveau ? Où est le moderne ? L'éditorialiste d'un journal du soir estime, dans l'édition d'aujourd'hui, que « les propositions du ministre sont classiques ». On ne saurait mieux dire, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles ne changeront pas grand-chose au sort de nos concitoyens.

M. Philippe Auberger. Le ministre ne propose que de respecter les fondamentaux !

M. Jean-Claude Sandrier. Ensuite, vous avez dit cet après-midi quelque chose de fort juste à l'occasion des questions au Gouvernement, à savoir que la bataille de l'emploi, c'était la bataille du pouvoir d'achat. Or, précisément, nous n'avons pas trouvé dans votre texte de mesure sérieuse et efficace en faveur du pouvoir d'achat.

Enfin, on a beaucoup parlé d'assistance, visant sans doute les sans-emploi, les RMIstes, etc. Je pense que, de votre côté, vous laisserez une empreinte, que j'espère très provisoire, en matière d'assistanat. On passera en effet de l'assistance des plus modestes, de ceux qui ont besoin d'un minimum pour manger et se loger, à l'assistance des entreprises. Or certaines d'entre elles font des profits exorbitants, tandis que d'autres, moyennes et petites, subissent la loi des donneurs d'ordres et des banques. C'est plutôt du côté des donneurs d'ordre et des banques qu'il faudrait voir comment aider les PME.

Ce projet de loi est inadapté à l'objectif que vous prétendez poursuivre. C'est pourquoi nous voterons la question préalable.

M. Jacques Desallangre. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2249, pour la confiance et la modernisation de l'économie :

Rapport, n° 2342, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 2329, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

Avis, n° 2333, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot