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Première séance du mercredi 29 juin 2005

242e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE
A UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue, en votre nom, à une délégation de la chambre des députés du Royaume hachémite de Jordanie, conduite par son président, M. Abdel Hadi Al-Majali. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

FISCALITÉ LOCALE

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le Premier ministre, une commission d'enquête sur la fiscalité locale a été mise en place alors que vous étiez ministre de l'intérieur, chargé des collectivités locales. Présidant cette commission, je ne souhaitais pas m'exprimer avant la fin de ses travaux. Mais le rapporteur général du budget s'est permis de faire hier des déclarations d'une démagogie inacceptable. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Au mépris de la réalité des chiffres, il a affirmé que les dépenses de communication, de réception, de représentation étaient responsables de la hausse des impôts des régions. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oubliant toute décence, il a même assuré que ces dépenses étaient la cause de la hausse de la taxe professionnelle et des délocalisations d'entreprises !

Ces déclarations font honte à notre commission des finances (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) car les dépenses citées étant sans commune mesure avec les désengagements de l'État, dont les travaux de la commission d'enquête prouvent qu'ils sont massifs et qu'ils pèsent lourdement sur les dépenses locales. Ce fait est confirmé par la Cour des comptes.

Le transfert du RMI, le RMA, les contrats d'avenir représentent pour les départements une charge croissante, non compensée à partir de cette année.

M. Yves Nicolin. Augustin Baratin !

M. Augustin Bonrepaux. La fiscalité régionale augmente à cause de ce désengagement de l'État, dont une des plus récentes manifestations est le transfert non compensé des transports en commun à la région Île de France.

Cette augmentation est également la conséquence de la gestion passée de certaines régions avec le Front national. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, la décentralisation voulue par votre prédécesseur est une équation dangereuse : un transfert de charges croissant, et des compensations insuffisantes et plafonnées.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Augustin Bonrepaux. Votre seule réponse aujourd'hui est une réforme de la taxe professionnelle qui consisterait à interdire aux collectivités des zones rurales et industrielles d'augmenter les taux de cet impôt et à les obliger à augmenter massivement les impôts pesant sur les ménages. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Gest. Vous les avez déjà augmentés !

M. le président. Monsieur Gest !

M. Alain Gest. Mais ce qu'il dit est scandaleux !

M. le président. Avez-vous une question à poser, monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux. Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous remettre en cause l'autorité financière des collectivités locales et les obliger à augmenter les impôts les plus injustes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, ce qui est bien avec vous c'est que vous ne décevez jamais.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Et vous toujours !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Si j'ai bien compris votre message, vous venez d'annoncer à la représentation nationale que les exécutifs régionaux de gauche, non contents d'avoir augmenté l'année dernière les taux de leur fiscalité dans des proportions inédites dans toute l'histoire territoriale, vont procéder l'année prochaine à de nouvelles augmentations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements et huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Il ment !

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En tout état de cause, monsieur Bonrepaux, je voudrais rappeler un point : c'est celui qui vote l'impôt qui en assume la responsabilité.

Mme Janine Jambu. Comme c'est facile !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Le Gouvernement a fait la démonstration depuis trois ans que les baisse d'impôts servent l'économie et la croissance. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Si c'est une plaisanterie, elle n'est pas drôle !

M. Christian Bataille. C'était donc ça la cause de notre situation économique florissante et de notre croissance exponentielle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je constate que ceux qui dénoncent les délocalisations augmentent dans le même temps la taxe professionnelle, c'est-à-dire l'impôt supporté par les entreprises qui investissent et qui embauchent.

Voilà pourquoi, monsieur Bonrepaux, je ne permettrai pas de faux procès sur le dos de la décentralisation. Je le permettrai d'autant moins que nous avons désormais un juge de paix en la matière, monsieur Bonrepaux : c'est la commission consultative d'évaluation des charges. Celle-ci a rendu un rapport parfaitement clair : en ce qui concerne le transfert des TOS, des routes, du RMI, et plus largement l'ensemble des transferts de compétences qui ont été mis en œuvre, la commission a conclu que l'État avait assumé ses responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt et M. Bernard Roman. C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Vous mentez !

M. le président. Asseyez-vous, monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Sur ce point, monsieur Bonrepaux, je ne permettrai ni polémique, ni désinformation. Chacun doit avoir à l'esprit que la clé de notre démarche est la responsabilité, et non la polémique. Pour notre part nous saurons nous en souvenir devant nos électeurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Olivier Jardé. Ma question, à laquelle j'associe notre collègue Stéphane Demilly, s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Bernard Roman. Ministre des mensonges !

M. Olivier Jardé. Nous approuvons, monsieur le ministre, votre politique visant à développer les services aux personnes âgées. Elle répond en effet à un besoin réel, notamment en cette période de canicule, où celles-ci doivent être particulièrement entourées.

Pourtant la Caisse nationale d'assurance vieillesse vient de décider, de façon unilatérale et avec la plus grande brutalité, une baisse de 10 % du volume d'heures d'aide ménagère au domicile des personnes âgées.

Plusieurs députés du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains. C'est scandaleux !

M. Olivier Jardé. Vous connaissez les conséquences concrètes d'une telle décision : une personne âgée qui bénéficie actuellement de dix heures d'aide ménagère, n'aura plus droit qu'à neuf heures. Elle peut, certes, introduire une nouvelle demande, mais celle-ci ne sera pas examinée avant 2006.

Cette décision va donc totalement à l'encontre de votre politique et de vos déclarations.

M. Bernard Roman. C'est un réquisitoire !

M. Olivier Jardé. Le groupe UDF aimerait savoir si cette diminution sera effectivement mise en œuvre, et quelles mesures vous comptez prendre pour améliorer le sort de nos personnes âgées.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui est-ce ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la politique d'aide au maintien à domicile de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

M. Christian Bataille. Présentez-vous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Lutter contre l'isolement des personnes âgées est une des premières priorités du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. On a déjà entendu cent fois ce genre de baratin !

M. Maxime Gremetz. De « babaratin » !

M. Jacques Brunhes. Vous n'auriez pas une autre soupe à nous servir ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C'est tout particulièrement vrai dans cette période de forte chaleur. J'étais hier en Savoie, où je n'ai pas manqué de rappeler la nécessité pour nos communes et pour les associations d'être très au contact de nos aînés,...

M. Jacques Desallangre. Comment ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. ...tout particulièrement en ce moment, car ils sont plus vulnérables que nous.

M. Maxime Gremetz. Nous en restons babas !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ils ont besoin d'être aidés et soutenus.

M. Jacques Desallangre. C'est à la CNAV qu'il faut le dire, pas à nous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je vous le dis tout net : il ne saurait y avoir de désengagement de l'assurance vieillesse dans le domaine de l'aide ménagère.

M. Alain Néri. Nous ne sommes pas rassurés !

M. Jacques Desallangre. La CNAV ne le sait pas !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la CNAV préserve intégralement les moyens nationaux alloués à cette politique.

M. Maxime Gremetz. Vous voyez bien que ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je constate cependant des disparités entre régions, que vous avez eu raison de souligner, monsieur le député. Elles seront corrigées. La CNAV va redéployer des crédits...

M. Jacques Brunhes. Lesquels ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. ...afin de créer des heures d'aide ménagère supplémentaires en complément des heures déjà allouées. La présidente et le directeur de la CNAV me l'ont confirmé.

M. Jacques Desallangre. Et vous croyez encore à tout ce qu'on vous dit, à votre âge ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L'objectif du Gouvernement est de promouvoir une politique plus ambitieuse de prévention de la perte d'autonomie.

M. Bernard Roman. Comment ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Elle passe par de nouveaux types de service, tels que l'aide au logement, la prise en charge des petits travaux d'urgence, la téléalarme, le portage des repas, et par le financement d'emplois directs au domicile de la personne aidée.

Vous pouvez compter sur ma détermination et celle du Gouvernement pour maintenir les moyens nécessaires à cette politique. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POUVOIR D'ACHAT

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le Premier ministre, l'une des revendications majeures des salariés, du public comme du privé, des retraités et des titulaires de minima sociaux est l'augmentation de leur pouvoir d'achat. Ce dernier a baissé en 2003, et la faible hausse constatée depuis est insignifiante : un salarié qui gagnait 1 500 euros nets en 2002 aura vu sa paie augmenter de trois centimes fin 2004.

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !

M. Lucien Degauchy. Les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. Le pouvoir d'achat est amputé...

M. Georges Tron. Par les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. ...par des hausses répétées : gaz, loyer, fioul domestique, complémentaire santé, assurance habitation, eau, ordures ménagères, carburant, timbre-poste, transport.

M. Georges Tron. Merci les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. La liste est longue, et ce n'est pas l'augmentation de 5 % au bénéfice de la moitié des salariés payés au SMIC - qui n'est en réalité qu'un rattrapage, l'autre moitié n'ayant droit qu'à une augmentation de 1,6 % - qui va répondre aux préoccupations de nos concitoyens.

Alors même que la précarité grandit, multipliant le nombre des travailleurs que leurs revenus laissent en dessous du seuil de pauvreté, et alors que le pouvoir d'achat est l'un des éléments clés de la croissance et de l'emploi...

M. Georges Tron. Les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. ...vous continuez de recourir à vos vieilles recettes d'allègements de charges au bénéfice des entreprises, dont la Cour des comptes vient de reconnaître que l'impact sur la réduction du chômage est incertain : c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Georges Tron. Les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous continuez votre politique des cadeaux fiscaux, qui représentent 20 % des recettes de l'État, et vous osez nous parler de déficit !

Pendant ce temps les grandes sociétés du CAC 40 ont vu leurs bénéfices nets augmenter de 64 % en un an, alors qu'elles suppriment des emplois, comme MBDA-EADS à Bourges.

M. Georges Tron. Et les 35 heures ?

M. Jean-Claude Sandrier. Vous prétendez vouloir revaloriser le travail, mais en vingt ans la part des salaires dans la richesse créée a baissé de 10 %, alors que la part des profits capitalistes a augmenté d'autant.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour agir sur ce levier essentiel de l'économie que sont les salaires, les retraites, les pensions et les minima sociaux ?

M. Jacques Desallangre. Rien !

M. Georges Tron. Les 35 heures !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quelques députés du groupe socialiste. Rhodia !

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, le pouvoir d'achat est effectivement, avec la bataille pour l'emploi, au cœur de la politique du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Tron. Parlez des 35 heures !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme vous l'avez implicitement rappelé, vous avez, avec les 35 heures, voulu partager le travail : vous avez partagé les salaires. Voilà la situation que nous avons trouvée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il faut le dire !

M. Jacques Desallangre. Comment se fait-il que les prix augmentent ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et c'est pour remédier à cette situation que le Gouvernement a pris un certain nombre d'initiatives.

Mais il faut d'abord rappeler les chiffres : le pouvoir d'achat a augmenté de 1,7 % en 2004, et on attend pour cette année une augmentation de plus de 2 %.

Je rappelle également que les prix, qui sont une des composantes importantes du pouvoir d'achat, commencent à baisser. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Lesquels ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On l'a mesuré notamment par le « chariot-type », qui a baissé de 0,5 % depuis le mois de février.

M. Christian Bataille. Trucage !

M. Alain Néri. C'est la nouvelle arnaque depuis que plus personne ne croit aux chiffres de l'INSEE !

M. Bernard Roman. Les associations de consommateurs ont d'autres chiffres !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je rappelle également que les prix ont baissé de 2 % depuis l'été 2004.

M. Maxime Gremetz. Où faites-vous vos courses ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas assez, mais c'est une réalité.

Je voudrais enfin rappeler, mesdames, messieurs les députés, que le pouvoir d'achat, c'est la bataille pour l'emploi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de consacrer 4,5 milliards d'euros à la bataille pour l'emploi en 2006.

M. Jacques Brunhes. On a déjà entendu ça tellement souvent !

M. Jacques Desallangre. Vos allègements de charges, ça ne marche pas !

M. le président. Calmez-vous !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est également, comme vous l'avez rappelé, l'augmentation du SMIC horaire de 5,5 % dès vendredi.

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez pour le MEDEF, pas pour la France !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est aussi le déblocage de la participation dès cette année. C'est enfin la mise en place d'un nouvel indice de révision des loyers.

Voila ce que fait le gouvernement de Dominique de Villepin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MOYENS DE LA GENDARMERIE

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Sébastien Huyghe. Madame la ministre de la défense, le Gouvernement va achever dans les semaines qui viennent la préparation du projet de loi de finances pour 2006.

Ce projet de loi sera marqué par la perspective de la mise en œuvre, au 1er janvier prochain, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Un programme particulier sera consacré aux moyens de la gendarmerie. Il s'inscrira dans une mission « Sécurité intérieure », commune aux ministères de la défense et de l'intérieur.

Une telle présentation constitue une avancée considérable en matière de visibilité de l'action de l'État pour la sécurité de nos concitoyens. Il offrira au Parlement la possibilité de mieux identifier les moyens qui y sont réellement consacrés.

M. Jean-Pierre Brard. Qui lui a écrit sa question ?

M. Sébastien Huyghe. Ma question concerne précisément ceux de ces moyens que votre ministère envisage de consacrer à la mission « Sécurité intérieure » en 2006.

Êtes-vous déjà en mesure, madame la ministre, de rassurer les élus et les militaires de la gendarmerie quant à la poursuite de l'effort entrepris depuis 2002, notamment au travers de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure ?

M. Maxime Gremetz. Elle peut le faire !

M. Jacques Desallangre. Elle va le faire !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

M. Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Huyghe, l'effort sans précédent fait en faveur de la sécurité des Français par le Gouvernement depuis 2002...

M. Maxime Gremetz. C'est raté !

Mme la ministre de la défense. ...sera maintenu et même amplifié en 2006.

La gendarmerie prend toute sa part dans l'amélioration de la sécurité des Français. Les résultats le prouvent. Ses crédits sont inscrits dans deux lois de programmation : la loi de programmation militaire et la LOPSI. Ils seront maintenus car ces deux lois seront intégralement respectées - le Premier ministre l'a rappelé.

En 2006, 2 000 emplois de gendarmes seront créés, ce qui portera à plus de 5 000 le nombre des créations depuis 2002.

M. Jacques Desallangre. Vous rassurez M. Sarkozy !

Mme la ministre de la défense. Ces 2 000 emplois de gendarmes viennent s'ajouter aux 1 200 emplois de policiers créés par le ministère de l'intérieur.

M. Henri Emmanuelli. Alors qu'est-ce que raconte Sarko ?

M. Jean Glavany. Des âneries !

Mme la ministre de la défense. L'effort du Gouvernement pour la sécurité des Français est donc confirmé.

Par ailleurs, le plan d'adaptation des grades aux responsabilités sera poursuivi. Il permet de renforcer l'encadrement de la gendarmerie, en liaison avec la réforme de l'accompagnement territorial.

Pour les équipements, en 2006, les crédits LOPSI s'élèveront à 200 millions d'euros, ce qui est à comparer avec les 120 millions d'euros en 2005. Avec les ressources qui proviennent de la loi de programmation militaire, ces crédits d'équipement atteindront 550 millions d'euros au total, soit 20 % de plus qu'en 2005. Ce budget permettra notamment d'améliorer le logement des gendarmes...

M. Henri Emmanuelli. C'est les départements qui payent !

Mme la ministre de la défense. ...et de renforcer la modernisation des équipements.

Monsieur Huyghe, vous pouvez donc rassurer et les élus, et les militaires de la gendarmerie. (« Et M. Sarkozy ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quand je prends des engagements, je m'arrange pour les tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

AGENCE DE L'INNOVATION INDUSTRIELLE

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Auberger. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, un rapport a été confié l'année dernière à M. Beffa, président de Saint-Gobain, sur les problèmes de compétitivité de l'industrie française. Ce rapport a conclu à la nécessité de développer l'innovation dans les entreprises industrielles, et pour cela d'y consacrer des fonds publics, le cas échéant sous forme d'avances remboursables. Le Président de la République, dans son discours des vœux aux forces vives, a approuvé les conclusions du rapport Beffa, et a demandé la mise en place, dès cette année, de cette agence pour l'innovation industrielle.

M. Jacques Desallangre. L'argent public a du bon parfois !

M. Philippe Auberger. Vous nous avez demandé, monsieur le ministre, dans votre projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie que nous avons voté hier, d'approuver la création de cette agence.

Dans ces conditions, je souhaite vous poser quatre questions : quand cette agence pourra-t-elle être véritablement opérationnelle, c'est-à-dire quand les textes constitutifs seront-ils prêts, et les premiers fonds mis à disposition ?

M. Henri Emmanuelli. En 2008 !

M. Philippe Auberger. Quel est le montant de la dotation financière prévue pour cette année ? Quelle part de cette aide sera réservée aux PME, afin que celles-ci ne soient pas exclues de cet effort d'innovation ?

M. Henri Emmanuelli. Et Nestlé à Marseille ?

M. Philippe Auberger. Enfin, des contacts ont-ils été pris au niveau européen pour élargir l'éventail des entreprises susceptibles de bénéficier de cet effort exceptionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Auberger, en effet, l'innovation industrielle est un vecteur puissant de développement de l'activité et de création d'emplois dans notre pays. Je pourrais vous citer de nombreux exemples, mais je n'en prendrai que deux. D'abord, un moteur de recherches d'images, dont on voit que la mise au point ouvrirait de nombreuses possibilités dans le domaine de l'informatique et de l'électronique, et dans celui de la muséographie. De même, on se rend bien compte de toute l'efficacité qu'une IRM très puissante apporterait aux entreprises du secteur médical. De nombreux projets de ce type existent, et nous sommes déjà en train de les réunir avec nos collègues allemands, avec nos amis italiens. Nous avons de très nombreux dossiers qui sont effectivement en préparation pour cette agence. Le premier acte a été le vote, hier, en première lecture, de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, de Thierry Breton. Ce premier acte est donc passé. L'acte suivant sera le vote de ce texte au Sénat dans les jours qui viennent. Ensuite, un décret devra être pris pour préciser la composition de cet établissement. Ce décret est déjà prêt.

Le Premier ministre a annoncé, quant à lui, qu'un milliard d'argent public sera disponible dès 2005 pour cette agence. Par conséquent, les moyens sont également là. Vous nous avez demandé qu'une part significative puisse être réservée aux petites et moyennes entreprises. Nous avons l'objectif de mettre 25 % de ces crédits à leur disposition parce que l'innovation passe très souvent par elles, et la création d'emplois encore plus.

Enfin, sur le plan européen, les contacts existent de façon régulière et approfondie avec nos collègues allemands. Avec la Commission européenne, au niveau des services, les travaux ont été menés en commun. J'ai moi-même tenu hier une réunion avec le commissaire Verheugen, qui est chargé des questions industrielles à la commission de Bruxelles, pour mettre au point le dispositif et pour que celui-ci soit euro-compatible.

Nous avons les moyens. Nous avons la volonté. Et nous avons d'excellents dossiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TRANSPORT ROUTIER

M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Philip. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, les transporteurs routiers français ont lancé un cri d'alarme sur la crise du pavillon français, causée par des coûts sociaux et fiscaux supérieurs aux autres pays (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), et par la hausse du gazole.

Le premier problème a des conséquences directes sur le cabotage routier, puisque nous savons qu'une entreprise d'un autre pays de l'Union européenne - sauf, pendant cinq ans, cinq des sept nouveaux entrants - peut effectuer des transports intérieurs. Mais, dans le respect du droit européen, votre prédécesseur avait indiqué que des règles pourraient être prochainement définies dans notre législation pour interrompre certaines pratiques abusives concernant la durée maximale de présence du véhicule sur notre territoire et le droit social applicable aux conducteurs.

Pour ce qui est du second problème - la répercussion de la hausse du prix du gazole -, des mesures législatives sont également nécessaires si l'on veut renforcer la transparence des contrats entre les transporteurs et leurs clients. Il faut modifier la loi de 1992 sur les prix abusivement bas, pour répercuter les hausses de prix du gazole.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Christian Philip. Le prix du carburant devrait être explicitement mentionné dans les éléments qui constituent la rémunération du transporteur, les charges du carburant figurer clairement dans les contrats et sur les factures.

Pour les transporteurs routiers, monsieur le ministre, ces dispositions annoncées vont dans le bon sens. Bien entendu, ils se demandent quand elles se traduiront dans les faits. Ces mesures ont été identifiées, des solutions concertées, c'est pourquoi je souhaiterais savoir si vous pouvez nous confirmer ces mesures, et dans l'affirmative, selon quel calendrier législatif ? Quand pourrez-vous présenter à l'examen de cette assemblée le projet de loi nécessaire ? Quand estimez-vous que ces mesures, nécessaires pour surmonter la crise connue par les transporteurs routiers, pourront s'appliquer dans les faits ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Julien Dray. Et les radars ?

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Christian Philip, vous avez raison de souligner la crise que connaît actuellement le transport routier, ainsi que l'aspect paradoxal de cette crise puisque le tonnage des marchandises à transporter croît régulièrement d'année en année, et pourtant cette profession connaît de graves difficultés. Cela pour deux raisons principales que vous avez clairement identifiées.

M. Julien Dray. Et les radars ?

M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. D'une part, une concurrence absolument anormale - j'y viens dans un instant - et, d'autre part, une difficulté à répercuter les coûts qui pèsent sur ces entreprises, en particulier le coût du gazole.

S'agissant de la concurrence déloyale, j'ai reçu, depuis une dizaine de jours, l'ensemble des représentants de cette profession, et nous avons convenu, dans la prolongation de ce qui avait été envisagé par Gilles de Robien, de mettre au point un dispositif législatif. En effet, nous sommes dans le domaine de la loi puisqu'il y a des sanctions, même pénales, à prévoir, par exemple l'immobilisation du véhicule lorsqu'il y a cabotage manifestement illégal - c'est une mesure indispensable. En accord avec mon collègue Renaud Dutreil, ce dispositif législatif sera proposé sous forme d'amendements à la loi relative aux petites et moyennes entreprises, donc dès cette semaine puisque la commission des affaires économiques doit s'en saisir dès cet après-midi et que le texte devrait être examiné par votre assemblée dans les tout prochains jours. Je pense donc que ce point sera réglé.

S'agissant de la transparence des coûts et de la possibilité de répercuter d'une manière plus efficace la hausse du gazole, je poursuis actuellement les discussions avec l'ensemble des professionnels pour trouver un dispositif qui soit non seulement efficace en apparence, mais aussi dans la réalité. Car il ne faut pas seulement se dire qu'on va changer un texte de loi, encore faut-il que, dans la pratique commerciale, dans la négociation entre fournisseurs et clients, il y ait une mise en œuvre de ce dispositif. C'est sur quoi nous travaillons actuellement, et j'ai bon espoir d'y parvenir rapidement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SYNDICAT DES TRANSPORTS DE L'ÎLE-DE-FRANCE

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la réponse que vient de donner votre ministre à notre collègue Augustin Bonrepaux (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) illustre de quelle honteuse façon vous dissimulez aux Français l'insuffisance des moyens transférés aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Nudant. Menteur !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Chers collègues, je vous rappelle que cette insuffisance constitue une violation des obligations que la loi du 13 août 2004 a mises à la charge de l'État. Je vais par ma question le démontrer en évoquant l'enjeu essentiel du transport public dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Hier matin, de nombreux élus franciliens ont manifesté leur refus des conditions imposées par votre gouvernement à l'occasion de la décentralisation du syndicat des transports de l'Île-de-France, le STIF. En effet, les conditions de ce transfert sont inacceptables ! Vendredi prochain, les élus locaux sont censés prendre les rennes du STIF, et ne savent toujours rien des modalités de ce transfert ! Les compensations financières envisagées n'intègrent aucun moyen pour assumer le coût du demi-tarif attribué aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle, aucune dotation pour la rénovation du matériel roulant de la SNCF alors que les autres régions en bénéficient, aucun fonds de roulement pour le STIF ! Ce qui est en cause ici, c'est la qualité, peut-être même l'existence des transports publics en Île-de France, c'est la vie quotidienne des 12 millions de voyageurs et de l'ensemble des salariés de la RATP, de la SNCF et des entreprises de transports. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) À trois jours de l'échéance, nous vivons une situation de crise totale. Monsieur le Premier ministre, Jean-Paul Huchon, président de la région d'Île-de-France, vous a alerté personnellement sur l'urgence de la situation. C'est à vous de vous emparer de ce dossier. Que comptez-vous faire dans les prochaines heures pour sortir de cette impasse ?

M. Julien Dray. Rien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La population et tous les élus d'Île-de-France attendent de vous, monsieur le Premier ministre, une réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je suis un peu surpris de la teneur de votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, le Parlement a voté une loi et, en tant que parlementaire, je pense que votre premier devoir est de considérer que les lois sont faites pour être appliquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La loi de décentralisation du syndicat des transports de l'Île-de-France a pour but d'en confier la responsabilité aux élus, proches du terrain. Je rappelle que, depuis 1948, l'État et les collectivités territoriales, avec les sociétés de transport, ont mis en place dans la région parisienne un système de transport exemplaire.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est du pipeau, tout ça !

M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. D'ailleurs, le Comité international olympique a relevé, parmi les éléments positifs de la candidature de Paris, la qualité des transports en commun. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas le problème !

M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. C'est une indication, me semble-t-il, de la qualité de ce que l'État se propose de décentraliser, et donc de mettre sous la responsabilité du président de la région.

Tous les textes sont en place : la loi, je l'ai dit, est applicable au 1er juillet et tous les décrets d'application ont été publiés, j'y ai veillé, à la suite de Gilles de Robien.

M. Julien Dray. Et l'argent ?

M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Parlons-en !

Il faut que les Français, en particulier les Franciliens, sachent que l'État contribue, chaque année, à hauteur de 900 millions d'euros, aux transports de la région parisienne : 114 millions au titre des transports scolaires, 212 millions au titre des différentes collectivités, 203 millions versés spécifiquement à la région et 380 millions au titre des retraites de la RATP.

Comme le disait tout à l'heure Jean-François Copé, la commission d'évaluation des charges, vous le savez très bien, monsieur le député, a donné un avis tout à fait positif aux chiffrages qui lui ont été présentés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. La région était présente à cette réunion.

Je reçois M. Huchon ce soir même. Nous en parlerons ensemble, mais je veux dire clairement qu'au 1er juillet, chacun devra assumer les responsabilités qui lui ont été confiées par la loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

MÉDECIN TRAITANT

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe UMP.

M. Christian Ménard. Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et porte sur les conséquences que peuvent avoir certaines mesures contenues dans la loi du 13 août 2004, relative à la réforme de l'assurance maladie, sur l'installation des jeunes médecins généralistes.

Ce texte oblige chaque assuré social à avoir un médecin traitant, librement choisi. Son rôle sera prépondérant tant dans l'orientation que dans le suivi du parcours de soins du patient. Ce dispositif préserve la liberté du patient tout en freinant l'accès anarchique aux soins spécialisés de deuxième intention, ce dont on ne peut que se féliciter. Il n'en demeure pas moins qu'il est vécu par les jeunes médecins généralistes, mais aussi par les étudiants en médecine - nos futurs médecins - comme une possible entrave à leur installation. Chaque année, ce sont, en effet, près de 6 000 jeunes praticiens qui vont se lancer dans la vie professionnelle, avec une inquiétude, celle de voir les patients opter pour des médecins traitants déjà installés plutôt que pour eux qui n'auront pas eu le temps de faire leurs preuves.

Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour éviter que ces jeunes médecins ne soient l'objet d'une discrimination, dès leur phase d'installation ? Et, puisque nous sommes aujourd'hui à une date charnière du processus du médecin traitant, pouvez-vous m'informer sur les écueils qu'a rencontrés cette réforme, mais aussi sur les progrès qu'elle a enregistrés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Ménard, nous aurons atteint, ce soir, le cap des 20 millions de Français ayant déjà choisi leur médecin traitant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est au-delà des objectifs que nous nous étions fixés ensemble et cela montre bien que, pour les Français, le médecin traitant relève de la même logique que le médecin de famille. Je les remercie d'avoir fait ce choix et de faire réussir un pan important de la réforme.

Ce médecin traitant, qui sera celui qui connaîtra le mieux chacun d'entre nous, pourra donc mieux le soigner et mieux l'orienter dans son parcours de soins. Il en va de la qualité de ces soins. C'est une mesure de bon sens.

Nous devons être pragmatiques. Je sais combien vous êtes attaché, monsieur le député, car vous avez déposé des amendements à ce sujet, à la question de la démographie médicale. Il n'est pas question que le dispositif du médecin traitant entrave l'accès des jeunes à l'exercice de la profession.

Nous avons remonté le numerus clausus et nous devrons veiller à ce que les jeunes médecins n'aient pas de difficultés à faire leurs preuves, comme vous le craignez. C'est pourquoi nous allons proposer, dans le cadre d'un décret, qui sera soumis, à partir de demain, à la concertation, un moratoire pour les jeunes médecins en ce qui concerne la majoration du ticket modérateur pour ceux qui ne voudraient pas choisir de médecin traitant. Cela signifie qu'un patient qui viendrait consulter un jeune médecin pour la première fois serait pris en charge de la même façon que les autres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est aussi une question de bon sens. Il nous faut, en effet, encourager les vocations car il faut qu'il y ait des médecins partout sur notre territoire - des rendez-vous sont prévus à la rentrée pour discuter ensemble de ce problème - pour que soit respectée l'égalité d'accès aux soins. Grâce à cette mesure, demain, il n'y aura pas de déserts médicaux dans notre pays. La réforme de l'assurance maladie nous permettra de garder la sécurité sociale à la française, et le bon sens nous aidera à trouver les meilleures solutions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE CULTURELLE EN
LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc, pour le groupe UMP.

M. Paul-Henri Cugnenc. Ma question s'adresse au ministre de la culture et de la communication et j'y associe M. Robert Lecou et l'ensemble de mes collègues du Languedoc-Roussillon.

Monsieur le ministre, à l'occasion de votre visite dans notre région, samedi dernier, vous avez participé à des manifestations culturelles majeures, en inaugurant, à Lodève, chez Robert Lecou, une grande exposition, et en assistant au festival Montpellier Danse.

Votre déplacement fut l'occasion pour vous, en qualité de ministre de la République, de rappeler l'intérêt et la nécessité d'un large partenariat pour la mise en œuvre d'une politique culturelle ambitieuse dans notre région. Votre propos et vos actions se situent dans un secteur qui ne peut laisser indifférente la représentation nationale, car il y va du respect du pluralisme républicain et des valeurs démocratiques.

Terre de dynamisme et d'ouverture, le Languedoc-Roussillon, en raison des décisions et des déclarations de son président Frêche, (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est en train de glisser dans un climat de brutalité et de terreur qui porte atteinte à l'expression culturelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec son sens inné de la concertation, le président de région a, en effet, décidé de mettre fin, de façon unilatérale, à l'accompagnement financier de manifestations culturelles de qualité, enracinées dans notre région et qui ont toujours fait l'objet d'un consensus transpartisan. (Exclamations sur de nombreux bancs.) Je ne citerai que les plus célèbres : le festival de musique de Maguelonne, la Festa d'Oc de juillet, à Béziers, le festival de Saint-Guilhem, le festival international des voix méditerranéennes de Lodève, le festival international Visa pour l'image de Perpignan. Les exemples ne manquent pas ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul-Henri Cugnenc. Il est inutile, mesdames et messieurs de l'opposition, de rajouter une dose de sectarisme à un dossier qui en contient déjà trop ! (Protestations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Cugnenc, quelle est votre question ?

M. Paul-Henri Cugnenc. Par ses déclarations, ses invectives et ses décisions, le président de région compromet l'avenir de ces manifestations et condamne toute idée de partenariat constructif et vertueux entre nos villes, la région et l'État en matière culturelle.

M. le président. Si vous ne posez pas votre question, je vais être forcé de couper le micro !

M. Paul-Henri Cugnenc. La dérive extrémiste (Protestations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe socialiste) prenant le pas sur le pluralisme républicain, le président de région laisse entendre qu'il se vengera...

M. le président. Merci, monsieur Cugnenc !

M. Paul-Henri Cugnenc. ...sur les villes de droite ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Cugnenc, c'est terminé, il n'y a pas de raison pour que vous preniez sur le temps de parole de vos collègues ! Asseyez-vous ! (Exclamations sur plusieurs bancs.) M. le ministre de la culture et de la communication va vous répondre.

M. Alain Néri. Mais quelle est la question ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Cugnenc, les petites phrases assassines et les comportements partisans et sectaires ne m'impressionnent pas et c'est pourquoi j'étais à Lodève et à Montpellier, samedi dernier, et je serai à Perpignan et à Béziers à la fin du mois d'août ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je dénonce comme vous - et j'espère, comme vous tous - l'esprit partisan et sectaire - avec traitement « à la tête du client », selon « deux poids, deux mesures » - qui règne en maître aujourd'hui au conseil régional de Languedoc-Roussillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

L'attractivité culturelle et touristique et la défense de l'emploi, qui doivent nous mobiliser tous, passent par la conjugaison des énergies. Nulle part en France, grâce aux décisions du Premier ministre, je ne suis « Monsieur Désengagement de l'État ». Et je souhaite que, dans chacune des collectivités territoriales, nous ayons à cœur de faire jouer l'esprit de partenariat pour que s'additionnent les énergies afin que toutes les manifestations culturelles et touristiques aient lieu dans de bonnes conditions. Nous devons nous réunir autour de ces valeurs que sont l'indépendance artistique et la liberté de création, dont l'État doit être le garant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je le dis avant qu'il ne soit trop tard (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car je ne voudrais pas que, dans les semaines qui viennent, un certain nombre de grandes manifestations qui concourent au rayonnement international de notre pays soient supprimées. Je vais vous en donner un exemple, dont le rayonnement est réellement mondial : le festival Visa pour l'image qui se déroule à la fin du mois d'août et au début du mois de septembre à Perpignan. Cette manifestation, qui réunit des gens venus du monde entier, est menacée et, aujourd'hui, alors que l'on craint tant les délocalisations, la ville voisine, Barcelone, n'attend qu'une chose : la récupérer ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Alors, je souhaite que le président de la région Languedoc-Roussillon saisisse la main que je lui ai tendue. En tout cas, j'assure à tous les artistes de la région que l'État et la République sont solides et qu'ils restent à leurs côtés : je ne voudrais pas que les décisions prises en Languedoc-Roussillon ressemblent à celles que prend le maire d'Orange ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !


POLITIQUE DE LA VILLE

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.

M. Jean Glavany. Sans polémique aucune (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), permettez-moi de vous dire tout d'abord que ce type de question et de réponse soulève une question de principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Jean Glavany. Le maire de la principale ville de ma circonscription, Tarbes, n'est pas de mon bord politique. Mais où irions-nous si je posais des questions à l'Assemblée nationale pour régler des comptes politiques locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les séances de questions ont pour objectif d'interroger le Gouvernement, non de régler des comptes avec des élus qui ne sont pas là pour se défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il en va d'une certaine conception de la République.

M. le président. Posez votre question, monsieur Glavany !

M. Jean Glavany. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la politique de la ville et sur des décisions qui contredisent formellement son discours.

Premier exemple : le Gouvernement vient de supprimer les crédits d'investissement à la politique de la ville. Les associations qui demandent des subventions pour renouveler leur parc automobile ou leurs locaux ne recevront plus d'aide de l'État qui, par l'intermédiaire du préfet, demande aux collectivités locales de prendre le relais. Si nous le faisons, ce sera sur le dos du contribuable local, et M. Carrez et M. Copé continueront à faire leur numéro de mensonge éhonté. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxième exemple : en trois ans, les subventions de fonctionnement destinées à la politique de la ville ont baissé de 45 %. (« Menteur ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes ainsi contraints de revoir la liste des projets que nous aidons : soutien scolaire, aide aux personnes en difficulté. Là encore, l'État, par l'intermédiaire du préfet, nous demande de prendre le relais. Même réflexion à l'endroit de M. Carrez et de M. Copé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Troisième exemple : à Tarbes, notre modeste office d'HLM - 7 000 logements - attend un retard de paiement de deux millions d'euros. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

M. Jean Glavany. Je ne comprends pas pourquoi vous vous agitez ainsi... C'est l'État qui est ici en cause, non une région ou un département, et je m'adresse au Gouvernement.

M. le président. Monsieur Glavany, veuillez poser votre question !

M. Jean Glavany. Le conseil d'administration a donc décidé d'annuler des programmes de construction.

M. le président. Posez votre question !

M. Jean Glavany. Monsieur le président, je vais tenter de le faire dans ce démocratique tohu-bohu ! (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous avez trente secondes pour poser votre question !

M. Jean Glavany. L'an dernier, nous avons été reçus en grande pompe dans le bureau ministériel où nous avons signé une opération de renouvellement urbain. Nous avons, cette année, quatre millions de moins.

M. le président. Veuillez poser votre question !

M. Jean Glavany. Je suis continuellement interrompu, monsieur le président ! (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Si vous ne posez pas votre question immédiatement, je serai contraint de vous interrompre, comme je l'ai fait avec M. Cugnenc.

M. Jean Glavany. Ces quatre millions d'euros ont été réservés...

M. le président. Merci, monsieur Glavany !

La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous venez de nous expliquer que nous étions dans cet hémicycle pour parler de sujets d'intérêt national. Nous sommes ici également pour regarder les faits sans céder à la désinformation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or s'il est sujet sur lequel, depuis trois ans, notre majorité montre une forte détermination, c'est bien la politique de la ville. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Examinons calmement les faits. Il y a deux ans, ici même, vous examiniez la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine : 35 milliards d'euros, tous partenaires confondus. Deux ans après, 120 chantiers ont été lancés dans notre pays...

M. Julien Dray. Aucun chantier n'a commencé !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...et de nombreux quartiers sont aujourd'hui en pleine transformation : les grues sont là, les choses évoluent.

M. Julien Dray. Baratin ! Vous n'avez pas l'argent !

M. le président. Monsieur Dray !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Chacun sait ici que, parallèlement à la rénovation urbaine, un accompagnement social, que vous revendiquez haut et fort, est indispensable. Qui a enfin apporté une dotation pérenne à ces communes urbaines sensibles, avec 600 millions d'euros annuels ? C'est le plan de cohésion sociale, proposé par Jean-Louis Borloo (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), avec la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Si vous en avez beaucoup parlé, nous, nous l'avons fait !

M. Julien Dray. Vous n'avez rien fait ! Vous avez derrière vous trois années d'incompétence !

M. Jean Glavany. Vous coupez les crédits !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour la première fois, cette année, les communes ont reçu une subvention en augmentation : Garges-lès-Gonesse, par exemple, s'est vu octroyer un million d'euros. Nos concitoyens compareront cette pérennité avec vos effets d'annonce.

Enfin, les équipes de réussite éducative pour accompagner les tout petits bénéficient de 500 millions d'euros et trente-huit programmes vont commencer dès cette année.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l'action déterminée du gouvernement de Dominique de Villepin pour la politique de la ville, outil de cohésion sociale et d'égalité des chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Afin d'éviter tout procès d'intention, je vous informe, monsieur Glavany, que vous avez mis 3,50 minutes pour poser votre question, contre 3,45 minutes pour M. Cugnenc. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES

M. le président. La parole est à M. Denis Merville, pour le groupe UMP.

M. Denis Merville. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Le 6 juillet, le Comité international olympique sélectionnera la ville qui accueillera les Jeux olympiques et paralympiques de 2012. Dans son rapport, la commission d'évaluation du CIO a félicité Paris pour la très haute qualité de son dossier de candidature et son travail d'équipe exceptionnel.

Depuis plusieurs mois, cette candidature est portée par les plus hautes autorités de l'État et par un appui populaire croissant. Les opérations de soutien se sont multipliées dans tout le pays, à Paris comme en province, où de nombreuses communes ont délibéré en ce sens. Si cette candidature est celle de Paris, c'est également celle de toute la France !

Ces jeux auront un impact sportif, économique, social et culturel sur chaque citoyen français. Par exemple, l'implantation du village olympique dans le quartier des Batignolles, au cœur du XVIIe arrondissement, dont notre collègue Françoise de Panafieu est le député-maire, en sera une parfaite illustration. Forte de l'amour des Jeux exprimé par des millions de citoyens au cours de divers rassemblements, Paris est plus que jamais déterminée à être choisie comme ville des JO de 2012. L'Assemblée nationale, elle aussi, est unanime.

À quelques jours du vote par les membres du CIO, pourriez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur notre dossier et sur les chances françaises ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous avez raison, monsieur Merville, l'union a donné du souffle à la candidature parisienne. Le consensus politique s'est créé autour du président de la candidature, le maire de Paris, du président de la région et du Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Vous allez nous faire perdre !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Dominique de Villepin avait lui-même présenté, en tant que ministre de l'intérieur, les dispositifs de sécurité liés à l'organisation des Jeux.

Mais je tiens, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à vous remercier de votre engagement, de la mobilisation dans vos circonscriptions et dans chacune de vos communes pour faire de la candidature parisienne celle de la France.

Les Françaises et les Français se sont mobilisés derrière le projet parisien et ont fait en sorte, comme cela a été le cas le 5 juin sur les Champs-Élysées, de donner une belle image de notre pays.

Et puis, comme un symbole, le Président de la République a décidé d'accompagner la candidature à Singapour où il portera cette détermination devant chaque membre du Comité international olympique.

Si nous avons l'honneur d'organiser les Jeux, nous devrons nous mettre très vite au travail. Dès la rentrée, je vous présenterai la loi olympique qui donnera un cadre général à l'organisation des Jeux. Cela sera l'occasion d'un grand débat sur le développement du sport dans notre pays, avec les moyens nécessaires que j'obtiendrai du Premier ministre. Cela vaut la peine d'être entrepris grâce aux Jeux olympiques et paralympiques !

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je peux vous dire en attendant le 6 juillet et, je l'espère, le mois d'août 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INSTITUT EUROPÉEN DE TECHNOLOGIE

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, ces derniers jours ont été fastes pour la recherche française. Après Cadarache, après l'effort budgétaire exceptionnel accordé aux chercheurs, je voudrais vous poser une question sur une annonce faite par le Premier ministre lors du salon du Bourget au sujet de l'Institut européen de technologie.

Le Premier ministre a en effet proposé la création, en Île-de-France d'un ensemble d'un type nouveau qui permettrait aux chercheurs, aux PME innovantes et aux universités de garder dans des conditions compétitives les chercheurs français les plus brillants et d'attirer ceux de l'étranger, de manière à confirmer l'intérêt que porte le Gouvernement à l'innovation et à la recherche.

Je souhaite savoir, monsieur le ministre, s'il ne s'agit que d'une annonce ou si le Gouvernement s'attache réellement à réaliser en Île-de-France cet institut que nous, parlementaires, attendons tous, ainsi que les chercheurs et les universitaires. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le député, notre pays a la chance d'avoir des pôles d'excellence en matière d'enseignement supérieur et de recherche, tant dans nos universités et nos grandes écoles que dans les grands organismes de recherche.

Il est cependant admis que ces établissements sont trop dispersés et aussi trop cloisonnés. Nous manquons donc de visibilité internationale, du fait d'une taille insuffisante. Et il y aurait avantage à ce que ces différents organismes d'enseignement supérieur et de recherche travaillent plus en commun : c'est d'ailleurs un des objectifs du futur projet de loi sur l'orientation et la programmation de la recherche et de l'innovation.

D'où l'idée de créer un ou plusieurs instituts européens de technologie qui rassembleraient sur un territoire donné toutes ces forces d'enseignement supérieur et de recherche, pour atteindre la taille critique qui assure la reconnaissance internationale et rapproche les équipes de recherche, avec pour objectif de tourner notre enseignement et notre recherche vers l'économie et les entreprises. Car si une vérité s'impose aujourd'hui au plan mondial, européen et, bien sûr, national, c'est que la recherche et l'enseignement supérieur sont des facteurs essentiels de compétitivité.

Avec cette grande idée d'institut européen de technologie, c'est l'outil d'enseignement supérieur et de recherche du XXIe siècle que nous sommes en train de définir. C'est un défi majeur pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé la dernière séance de questions au Gouvernement de la session ordinaire. La session extraordinaire va s'ouvrir et nous continuerons à travailler sans les questions d'actualité. J'espère qu'à la rentrée, elles reprendront dans un bon climat.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

DÉVELOPPEMENT DES SERVICES
À LA PERSONNE ET COHÉSION SOCIALE

Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 28 juin 2005

Monsieur le président,

Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

    4

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (n°s 2403, 2412).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Maxime Gremetz, porte-parole du groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, le 29 mai 2005, le peuple s'est exprimé pour rompre avec l'ensemble des politiques économiques de régression sociale en œuvre depuis des années. Ces politiques sont pratiquées au niveau national, certes, mais s'appuient bien souvent sur la transcription d'exigences antisociales décidées, voire dictées par l'Union européenne. C'est donc en toute conscience, face à ce dévoiement de l'idée européenne au service de la déréglementation sociale, que s'est exprimé ce grand élan populaire qui apparaît comme un vote de classe.

Selon toutes les études, en effet, les Françaises et les Français - et en particulier les classes populaires - ont exprimé par leurs votes un refus net du chômage, des délocalisations et de l'insécurité sociale. Ils sont aussi...

Je constate que l'on ne m'écoute guère sur les bancs de la commission et du Gouvernement. Je peux vous laisser ensemble, messieurs... (M. Maxime Gremetz quitte la tribune.)

Je vous laisse terminer votre conciliabule. À quoi cela servirait-il de continuer ? Personne ne m'écoute !

M. le président. M. Gremetz ne souhaite pas poursuivre son intervention. J'en prends acte, et je donne la parole à l'orateur suivant.

La parole est à M. Hervé Mariton. (M. Maxime Gremetz regagne la tribune au moment où M. Hervé Mariton s'apprête à s'exprimer depuis cette tribune.)

Monsieur Gremetz, j'ai donné la parole à M. Mariton. Je vous prie d'arrêter ce cinéma.

M. Maxime Gremetz. C'est moi qui ai la parole. Je demande simplement à être écouté.

M. le président. Monsieur Gremetz, c'est moi qui donne la parole. Vous avez quitté la tribune, c'est donc au tour de M. Mariton de s'exprimer.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le président. Je vais donc suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur Gremetz, je tiens à vous rappeler que chacun d'entre nous est tenu de respecter le règlement de cette assemblée.

Il revient au président de séance de donner la parole aux orateurs. Je vous invite donc à monter à la tribune et je souhaite que ce genre d'incident se reproduise plus !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je suis descendu de la tribune parce que personne ne m'écoutait !

M. le président. C'est un autre problème. Je ne peux pas obliger les gens à écouter.

M. Maxime Gremetz. Les ministres doivent écouter !

M. le président. Je n'ai pas le pouvoir de les contraindre à écouter. L'incident est clos !

Vous avez la parole, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Vous refusez, disais-je aux ministres, d'entendre le message que le peuple vous a adressé le 29 mai. À un vote profondément antilibéral, vous répondez avec dédain par une nouvelle potion amère, libérale, entraînant les travailleurs salariés vers toujours plus de précarité, de flexibilité, d'insécurité sociale, ce qu'ils refusent. Dédain également envers la représentation parlementaire à laquelle vous confisquez le droit de débattre des politiques que vous souhaitez mettre en œuvre dans ce pays. C'est ce que vous faites aujourd'hui en nous soumettant ce projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi. Gouverner par des ordonnances, que ce soit, je le répète, le fait de la droite ou de gauche va non seulement à l'encontre des droits du Parlement qui doit légiférer en permanence, mais aussi des aspirations des Françaises et des Français qui veulent participer, être écoutés et entendus.

Par ce texte, donc, et on le comprend lorsqu'on en prend connaissance, vous évitez le débat parlementaire. Vous méprisez les élus de la nation. Nous ne pouvons que dénoncer ce déni de démocratie.

Votre attitude envers les partenaires sociaux est également méprisante, puisque leur parole et leurs avis ne sont plus qu'un gadget. Comment croire sérieusement que leur consultation aura le moindre impact alors que les textes sont visiblement déjà prêts dans les tiroirs des ministères concernés ? Ce n'est qu'une mascarade. Le MEDEF est certes satisfait du contenu des ordonnances. Il en va de même lorsque l'on réforme la Constitution : quand le MEDEF dit oui, les salariés, qui savent ce qui les attend, ont intérêt à dire non. Ce n'est pas une surprise !

De plus, vous imposez votre politique antisociale à la veille des vacances d'été, coupant court, à brève échéance, à toute contestation populaire ; une méthode éprouvée, devenue classique, lorsque vous voulez faire passer les pilules les plus amères ! Les exemples passés ne manquent pas. Deux réformes récentes ont réuni un certain nombre d'entre nous jour et nuit, la première pendant trois semaines, la seconde pendant un mois : la réforme régressive des retraites et celle de la sécurité sociale. C'est toujours en période de « prévacances » ou de vacances que les mauvais coups pleuvent. C'est devenu une tradition gouvernementale !

Vous justifiez le recours aux ordonnances par l'urgence. Mais, je vous interroge à nouveau : pourquoi parler d'urgence, alors que vous êtes au gouvernement depuis trois ans ? Nous vous savions autistes, mais vous êtes, de plus, aveugles. Vous refusez, depuis trois ans, de proposer des mesures pour améliorer la situation actuelle. Vous nous aviez pourtant demandé de patienter : des réformes seraient envisagées pour lutter contre le chômage, améliorer le taux de croissance et augmenter le pouvoir d'achat ! Or c'est l'inverse qui se produit !

Par ce plan d'urgence pour l'emploi, vous justifiez le passage en force, à la hussarde et sans débat parlementaire de ce projet aux accents ultralibéraux !

Certains parlaient de modernité, d'innovation et de créativité, alors que ce plan se situe dans la continuité parfaite des politiques menées jusqu'à ce jour avec les conséquences que nous savons pour notre pays ! L'imagination n'est véritablement pas au pouvoir dans ce domaine ! Je ne suis pas le seul à le penser !

Depuis votre arrivée, vous avez multiplié les contrats à un point tel que personne ne s'y retrouve et qu'une brochure explicative serait nécessaire ! Aujourd'hui, vous créez un nouveau contrat « première embauche ».

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non, c'est le contrat « nouvelles embauches » !

M. Maxime Gremetz. Vous êtes rapporteur, vous avez eu le temps de vous pencher sur le problème. Mais si je vous interrogeais sur les multiples contrats, je ne suis pas certain que vous pourriez me donner des explications ! Donc, faute de trouver une solution réellement nouvelle, on en crée un de plus !

Ce contrat nouvelles embauches est assorti d'une période d'essai de deux ans.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Non !

M. Maxime Gremetz. Ne contredisez pas le Premier ministre à ma place, sinon, je n'ai plus qu'à m'en aller !

Le Premier ministre a donc indiqué, lors de son discours de politique générale, que le contrat nouvelles embauches aurait une période d'essai de deux ans. Je ne l'ai ni inventé ni rêvé ! Ce contrat indéterminé, cet OVNI, comme il en existe déjà, sera inscrit dans le code du travail et permettra à un employeur de dire à son salarié à tout moment pendant deux et sans se justifier : « Vous ne faites plus l'affaire, je vous jette. » Il ne sera donc pas tenu de motiver le licenciement. Cela pouvant paraître un peu brutal, vous avez, en contrepartie, introduit quelques mesures de dédommagement, mais il sera impossible de discuter du bien-fondé ou non du licenciement, ce qui ne s'est jamais vu dans notre pays !

À ce propos, permettez-moi de lire quelques lignes d'un un article, ce qui vous permettra peut-être de réfléchir. Un homme très représentatif a, en effet, écrit ceci : « Le Premier ministre n'a pas cessé de varier sur la question du contrat de nouvelle embauche et celle de l'assouplissement de seuils pour les PME. » Ce sont, pour nous, les deux questions essentielles. « On est passé des micro-entreprises à dix, puis vingt salariés. » Ainsi, près de 3,8 millions de salariés concernés par ces contrats pourront être exploités sans merci ! Avouez que, l'on pourrait faire mieux en matière de progrès social ! Je poursuis cette lecture intéressante : « Résultat : une remise en cause complète de la protection des salariés. Le Gouvernement Villepin est en train de donner sur un plateau ce que réclamaient depuis des années le MEDEF et la CGPME, à savoir la déjudiciarisation du contrat de travail des salariés. Cela signifie : « ...qu'on pourra bientôt, en vertu du contrat de nouvelle embauche de Dominique de Villepin, licencier tout salarié récemment embauché sans lui fournir la moindre justification. » Il pense comme moi, en l'occurrence !

« Ce dernier n'aura aucun recours pour se défendre, c'est la porte ouverte au délit de sale gueule et au patron de « droit divin », au licenciement abusif. Bientôt, il n'y aura plus de garde-fou pour les salariés. Quand on sait ce qu'un licenciement représente en termes de souffrance humaine et sociale, je trouve cette réforme tout à fait inacceptable. »

Qui dit cela ? Maxime Gremetz ? Non ! Un élu communiste ? Non ! La CGT ? Non ! C'est M. Voisin, le président de la CFTC, pas très révolutionnaire à mon sens mais dont l'analyse est tout à fait juste. Elle attirera peut-être un peu plus votre attention que si c'était moi qui le disais car je suis censé avoir un esprit partisan. Lui n'en a pas en l'occurrence.

Si le Gouvernement maintient un tel contrat alors qu'il y a déjà une si grande flexibilité dans notre pays, la rentrée sociale sera agitée, ajoute-t-il. « Je peux vous dire que tous les syndicats sont d'accord là-dessus. Villepin nous endort avec ses grands discours sur la politique industrielle et il ratiboise les droits des salariés. » C'est parler clair, c'est parler net !

C'est en effet un cadeau formidable au patronat, c'est une insécurisation encore plus grande dans ce pays, et l'insécurisation professionnelle, sociale, c'est la cause du malaise qui règne dans cette société. Quand les précaires, les intérimaires, qui sont des millions, auxquels vous voulez en ajouter quatre, ne peuvent pas obtenir un emprunt, avoir un logement, comment voulez-vous que les jeunes en particulier puissent imaginer leur vie et leur devenir ? Tant qu'on ne réfléchira pas à cette question, on aura tous les problèmes de société. Je suis au regret de vous le dire, et je ne suis pas le seul à vous le dire, vous prenez les problèmes à l'envers. Quelle société aurons-nous demain ?

Vous proposez ensuite d'atténuer l'effet de seuil dans les TPE qui embauchent un dixième salarié. L'État prendrait en charge les coûts supplémentaires, estimés à 5 000 euros par an en moyenne. Bercy précise que le Gouvernement irait plus loin encore en prenant totalement en charge ces surcoûts également pour les entreprises comptant entre dix et dix-neuf salariés. Qu'en est-il ici de la responsabilité sociale de l'entreprise ? Le MEDEF réussit ici un coup de maître grâce à vous, le tour de force de faire financer les créations d'emploi par les deniers publics, donc par les contribuables, par les salariés eux-mêmes.

Cette mesure s'ajouterait à la proposition que l'embauche des jeunes de moins de vingt-cinq ans ne soit plus prise en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise. Le contrat, c'est un OVNI, on ne sait pas où le classer dans la législation sociale, mais le salarié aussi, car il n'existe pas, il n'est pas censé être inscrit sur les listes du personnel, il n'existe pour personne.

Outre l'allégement des diverses contributions que l'État va prendre en charge, cette mesure pose la question du torpillage de la mise en place des structures représentatives du personnel dans l'entreprise car ces structures représentatives du personnel dépendent, rappelons-le, du nombre de salariés. C'est le cas par exemple pour l'élection de délégués du personnel ou encore pour la mise en place du comité d'entreprise.

De plus, cette mesure remettrait en cause un certain nombre d'autres droits sociaux qui ne trouvent à s'appliquer que lorsque l'entreprise dépasse cinquante salariés, droits sociaux tels que la mise en place d'un CHSCT, la participation aux résultats de l'entreprise, la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi comportant obligatoirement des mesures de reclassement en cas de licenciement collectif, la négociation annuelle obligatoire.

Ces mesures constituent donc de ce fait une remise en cause larvée mais brutale du code du travail, entraînant de fait une modification substantielle de la législation sociale mais aussi fiscale. Peut-être même peut-on y voir une remise en cause implicite des conventions collectives passées entre partenaires sociaux de la part de l'État, une situation grave et sans précédent. Avec l'introduction de ce contrat, il faudra bien revoir l'ensemble des conventions collectives parce qu'elles ne prennent pas en compte cette nouveauté.

La segmentation du marché du travail se trouverait sans conteste accentuée par l'application des mesures envisagées. Comme l'affirme d'ailleurs le directeur adjoint de l'OFCE, il y aura les entreprises de moins de dix salariés et les autres, les jeunes et les autres. Dans ce dernier cas, ne s'agit-il pas d'ailleurs d'une forme de discrimination à l'embauche sur l'âge ? Le salarié de vingt-quatre ans est-il si différent de celui de vingt-six ans ? Cette segmentation ne va pas sans poser d'autres interrogations concernant la taille de l'entreprise.

Ainsi, alors que ces mesures sont destinées aux TPE, se pose un problème d'application puisque le Gouvernement lui-même reconnaît qu'il n'existe pas de définition légale des TPE. La seule définition est celle, fiscale, qui considère comme TPE les entreprises de moins de vingt salariés.

Ajoutons qu'un grand nombre de TPE sont en fait des filiales de grands groupes qui externalisent. Ainsi, avec ces aménagements, les grands groupes pourront multiplier la création de ces filiales pour profiter de l'aménagement du code du travail. C'est donc de fait une incitation à contourner la loi, en l'absence de prise en compte non pas seulement de l'entreprise, mais aussi du groupe.

M. le président. Il faut penser à conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Parmi les autres mesures prévues, pas grand-chose de nouveau dans les choix effectués, au contraire même. Ainsi, avec le chèque emploi, sous couvert de simplification administrative, il est à craindre un fort affaiblissement des garanties pour les salariés concernés. Dans les faits, ce dispositif à destination des entrepreneurs des TPE n'aurait-il pas à la fois valeur de contrat de travail et de bulletin de salaire, une confusion qui se ferait au détriment des intérêts du salarié, avec, en ligne de mire, une forme de retour au travail à la tâche ou journalier ?

On annonce également qu'il faut renforcer le contrôle des chômeurs, c'est-à-dire qu'il y a la carotte, la prime de mille euros, mais aussi le bâton : vous acceptez n'importe quoi, autrement on vous supprime vos droits au chômage...

Je vais terminer, monsieur le président,...

M. le président. Ce serait souhaitable, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. ...pour vous faire plaisir...

M. le président. Vous avez utilisé les vingt minutes auxquelles vous aviez droit.

M. Maxime Gremetz. Quant aux salariés de plus de cinquante ans, on nous dit qu'il faut absolument favoriser l'embauche des seniors et tout cela a été accompagné de nouvelles exonérations de cotisations patronales, qui ne vont pas à notre protection sociale. Après, on parlera de déficit !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous pourriez peut-être vous acheminer vers la conclusion.

M. Maxime Gremetz. Je termine...

M. le président. Vous dites cela depuis deux minutes déjà !

M. Maxime Gremetz. Il y a un excellent rapport que M. Gaillard semble avoir oublié et que je recommande à tous les membres de cette assemblée et au Gouvernement, un rapport de la Cour des comptes, présidée par un président illustre de cette assemblée, M. Philippe Séguin,...

M. Claude Gaillard, rapporteur. Un homme de qualité !

M. Maxime Gremetz. ...un homme de qualité, comme vous le dites, un rapport d'extrême qualité qui montre que les milliards d'exonérations de cotisations patronales n'ont jamais amené à créer un seul emploi et qu'en plus, les effets d'aubaine en faveur des groupes et des entreprises qui n'en ont pas besoin ont été multipliés.

M. le président. Merci, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.

J'ai cité longuement le président de la CFTC,...

M. le président. Concluez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je conclus.

...mais j'aurais pu parler de toutes les organisations syndicales. Maryse Dumas, pour la CGT, tire des conclusions identiques, M. Mailly porte les mêmes appréciations sur le contrat nouvelles embauches. Il conclut qu'on ne laissera pas faire, que le Gouvernement se moque du monde et n'entend personne, que la rentrée sera chaude et qu'on en reparlera, même si vous avez décidé, de façon très démocratique, de décider par ordonnances. Cela évitera aux députés de la majorité de courir la veille d'élections législatives avec au derrière un tel contrat, avec tout ce que cela représente.

M. le président. Monsieur Gremetz, je crois qu'on va s'arrêter là. Vous avez largement dépassé votre temps de parole,...

M. Maxime Gremetz. Oh, à peine...

M. le président. ...rendez-vous à la rentrée.

M. Maxime Gremetz. J'étais tellement troublé, monsieur le président,...

M. le président. Non, on ne vous a pas troublé du tout !

M. Maxime Gremetz. Vous avez compris, messieurs les ministres, que nous voterons contre, vingt-deux fois contre, votre projet à la fois sur la forme - ordonnances jamais, démocratie toujours - et sur le fond, car l'ultralibéralisme gagne de bout en bout.

M. le président. Je salue le conseil municipal des enfants de la ville de Colmar, qui est présent dans nos tribunes. (Applaudissements sur divers bancs.)

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la question du chômage est ancienne, le problème est grave, depuis longtemps et, pourtant, il y a urgence.

Le taux de chômage, un peu supérieur à 10 %, nous inquiète et nous alerte. Sous des gouvernements de gauche, il y a quelques années, la situation, malheureusement, a été plus grave encore, mais c'est une maigre consolation.

Cette situation qui dure depuis trop longtemps dans notre pays reflète la résignation à une situation de chômage de masse. Il faut évidemment rompre avec une telle attitude et, surtout, s'il y a urgence aujourd'hui, c'est que, comme on l'a observé lors de scrutins récents, la gravité du chômage, au-delà de l'enjeu déjà considérable que cela revêt, depuis trop longtemps, provoque aujourd'hui le délitement de notre société.

Pour rétablir une société de confiance, pour reprendre, en matière d'emploi, un chemin plus favorable, les ordonnances sont nécessaires. Elles correspondent à une démarche d'urgence, d'intelligence, de pertinence : urgence à répondre à une exigence économique, sociale et politique ; urgence à délibérer d'une loi d'habilitation ; urgence, pour le Gouvernement, à les promulguer. En effet les décisions nécessaires doivent être prises avant la rentrée.

Lorsqu'on se souvient des propos de l'opposition qui, l'été dernier, criait au scandale parce que le Parlement débattait durant l'été de la réforme de l'assurance maladie, on se dit que les mêmes critiques n'auraient pas manqué de se faire jour si, au lieu de recourir aux ordonnances, le Gouvernement avait emprunté la voie législative. Tel aurait peut-être pu être le cas mais, outre les contraintes de temps, cela n'aurait pas épargné les critiques de la part de l'opposition, comme de nos concitoyens, sur le travail législatif accompli durant l'été. Par conséquent, l'urgence commandait que l'on recourre aux ordonnances.

Ces ordonnances s'inscrivent dans une démarche d'intelligence parce qu'elles sont comprises, par les salariés tout d'abord, qui sont conscients que des mesures doivent être prises pour résoudre les difficultés de recrutement liées à l'âge et apporter des réponses mieux adaptées aux jeunes en grande ou en très grande difficulté. Ils comprennent que les règles peuvent ne pas être les mêmes selon que l'on postule dans une grande ou dans une très petite entreprise.

La logique des ordonnances est également comprise par les entreprises qui souhaitent recruter, ce à quoi nous les encourageons. Elles apprécient la logique de consolidation du contrat de nouvelles embauches. Il s'agit d'une bonne idée, de nature à encourager des comportements d'embauche, notamment pour les petites entreprises. Il est bien que le contrat de nouvelles embauches soit ouvert aux entreprises jusqu'à vingt salariés ; il n'y aurait aucune raison de le rendre trop restrictif.

Les entreprises apprécient aussi le lissage des effets de seuils, de même que la simplification de procédure apportée par le chèque emploi universel.

Ces ordonnances doivent aussi, je pense, être comprises de nous-mêmes parlementaires et il est bon qu'un large débat puisse avoir lieu à l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'habilitation. Le Premier ministre a d'ores et déjà apporté nombre de précisions au-delà du texte même des lois d'habilitation. Il sera souhaitable, une fois l'habilitation donnée, que le Gouvernement poursuive cette concertation. Il est d'ailleurs prévu que les présidents de commission soient consultés, ce qui est bien la moindre des choses. Viendra ensuite le temps de la ratification, très important lui aussi. Dans l'intervalle, tout effort de concertation avec tous les acteurs, mais aussi les parlementaires, sera naturellement bienvenu.

L'accord politique autour de ces ordonnances peut donc être large. Il aurait pu l'être plus encore.

J'ai eu, il y a quelques semaines, un échange public avec un responsable politique, M. Filoche, inspecteur du travail de profession. Celui-ci, plutôt classé à gauche du parti socialiste, ne fait pas partie des supporters traditionnels de la majorité et n'apparaît pas, dans le débat, comme un libéral ou un ultra-libéral. Or il a tenu des propos très intéressants. De son point de vue, le contrat unique était contestable, et il défendait l'idée d'une adaptation des procédures d'embauche dans le cas des très petites entreprises.

M. Maxime Gremetz. Tel que vous le proposez ?

M. Hervé Mariton. Je trouve dommage qu'il ne soit pas entendu de ses amis politiques. Peut-être M. Gremetz pourra-t-il l'entendre !

M. Maxime Gremetz. Ne racontez pas d'histoire !

M. Hervé Mariton. Par ailleurs cette démarche est pertinente parce que ces ordonnances sont marquées du sceau du pragmatisme. Ainsi elles sont adaptées à la taille des entreprises ; à cet égard je viens d'évoquer les réflexions d'un responsable politique et syndical connu. Cela est simple, logique, de bon sens. En outre elles participent à l'action du Gouvernement à la fois sur l'offre et sur la demande de travail. Notre politique économique et notre politique de l'emploi ont trop souvent été marquées, et parfois à contretemps, par une vision unilatérale mettant l'accent tantôt sur l'offre, tantôt sur la demande. Une vision unilatérale de ce type fait courir le risque de ne jamais être en phase avec la réalité. Votre démarche évite cet écueil puisqu'elle prévoit à la fois incitation à l'embauche et incitation au travail ; à cet effet une prime de 1 000 euros n'est pas négligeable. L'équilibre de votre démarche et son pragmatisme méritent d'être salués.

Oui, le projet de loi d'habilitation et les ordonnances qui viendront sont de nature à rétablir la confiance. C'est la pierre angulaire de votre politique, de notre politique en tant que majorité. Les ordonnances comporteront des mesures utiles ; elles seront le fruit d'une démarche claire. Elles s'inscriront dans la continuité du plan Borloo et feront suite au diagnostic que le ministre de l'économie, Thierry Breton, s'attache à faire partager avec beaucoup de pédagogie, de lucidité et d'exigence. Elles s'inscriront également dans une stratégie d'avenir en matière d'innovation industrielle et d'infrastructures.

Seules, les ordonnances ne suffiraient pas à rétablir un climat de confiance, mais dans le contexte que je viens d'évoquer, elles y participeront.

La démarche doit être poursuivie et approfondie. Les ordonnances sont certes nécessaires, mais notre ambition doit être plus grande. Nous ne pouvons pas nous résigner collectivement au chômage de masse ; nous devons, au contraire, avoir pour demain l'ambition du plein-emploi. Nous ne serions pas pardonnables de ne pas mener une politique de rétablissement de la confiance et de recherche rapide de résultats.

Dans le monde globalisé et ouvert qui est aujourd'hui le nôtre, les challenges sont nombreux. Permettez-moi de citer ici deux aphorismes prononcés par le Chancelier de l'échiquier, Gordon Brown, la semaine dernière à l'occasion de son traditionnel discours à Mansion House. Ce sont des idées très simples mais qu'il est important de rappeler dans le cadre de la politique de plein-emploi que nous souhaitons. « Il n'y a pas de changement sans sécurité. Il n'y a pas de sécurité sans changement. »

M. Maxime Gremetz. C'est merveilleux !

M. Hervé Mariton. Le second aphorisme dit à la fois la modestie nécessaire et l'ambition qui doivent caractériser nos actions. Je cite toujours Gordon Brown :...

M. Maxime Gremetz. Vous n'avez rien trouvé en France ?

M. Hervé Mariton. ...« Il y a moins que le Gouvernement puisse faire pour empêcher les personnes de perdre leur emploi. Il y a plus qu'il devrait faire pour les aider à en trouver un ».

Pour apporter plus de sécurité à nos compatriotes, il faut effectivement en finir avec la résignation, et changer les politiques qui, depuis tant d'années, n'ont pas suffi à résoudre le problème du chômage. Nous devons retrouver confiance et volonté.

Je lisais avec intérêt et curiosité, ce que Dominique Strauss-Kahn suggérait voilà trois mois et, de nouveau, il y a quelques jours, pour rétablir la confiance : un Grenelle des salaires. Voilà une idée neuve, contemporaine, efficace, convaincante, une idée qui a bientôt quarante ans ! Pour ceux qui veulent aujourd'hui retrouver pour l'emploi le chemin de la confiance et de l'efficacité, elle ne veut pas dire grand-chose.

Le Gouvernement aura eu le courage, par les mesures proposées dans les ordonnances, d'ouvrir un chemin sur lequel il nous faudra poursuivre.

Avec ces ordonnances, vous nous proposez le premier chapitre de l'ouvrage. Dès la rentrée, il faudra écrire le second, plus ambitieux encore, véritable projet pour le plein-emploi, qui traitera à la fois de l'offre de travail, nourri de toutes les propositions et décisions que vous avez prises pour la recherche, pour les politiques industrielles, projet tourné aussi vers la demande et la valorisation du travail.

Depuis trois ans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin puis maintenant celui de Dominique de Villepin s'y emploient. Cela suppose de mettre l'accent sur l'adaptation de la formation ; cela suppose également un projet riche d'une décentralisation plus vertueuse dans laquelle les conseils généraux seront encouragés non pas à rémunérer davantage de RMIstes et à revendiquer la contrepartie auprès de l'État, mais, au contraire, à faire en sorte que leur nombre baisse, améliorant ainsi leur situation financière ; cela suppose enfin de mettre en place un service de l'emploi plus efficace encore. À cet égard, les maisons de l'emploi représentent un progrès intéressant.

Le risque est que, parfois, les démarches de structure emportent la démarche de fond. Il faut appliquer au service de l'emploi des critères de performance. Sa rémunération doit être liée à son efficacité. Il faut faire en sorte que les demandeurs retrouvent un emploi.

Analyse, concertation, propositions doivent se dérouler au niveau national et aussi sur le terrain. À ce sujet les ordonnances marquent un temps de mobilisation, de décision, de confiance et de résultats escomptés.

Le groupe UMP approuve la loi d'habilitation et invite en même temps le Gouvernement à préparer un chapitre 2 qui prolonge ce que nous engageons aujourd'hui et qui soit marqué par une ambition toute simple, une ambition à laquelle on n'ose plus trop croire, mais à laquelle nous aspirons, celle du plein-emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, messieurs les ministres, en relisant attentivement le discours du Premier ministre, une phrase m'a quelque peu étonné, au sens fort qu'avait ce mot au xviie siècle. Selon le Premier ministre, en effet, « nous avons entre nos mains l'une des dernières chances de sauver le modèle social français ». L'expression est lourde de sens, car ce modèle social, produit d'une histoire et de combats ouvriers et politiques - d'une histoire grande, lourde et difficile, qui a eu ses hauts et ses bas - n'appartient à personne.

Dans une telle situation, le Premier ministre devrait se montrer très prudent et, si j'ose dire, très modeste. En effet, alors que se pose le problème de la confiance, une telle phrase semble accorder à ce texte, avec lequel je suis en désaccord et dont je doute de l'efficacité et de la pertinence, des vertus qu'il n'a pas. Pour créer, dans une situation de grande sensibilité sociale, la confiance que vient d'évoquer M. Mariton, il faut éviter ce genre de déclarations. Que j'évoque la formule du Premier ministre en amorçant mon intervention en est un signe.

Je suis prêt, en revanche, à reprendre à mon compte le mot « urgence ». Oui, il y a urgence, non à légiférer par ordonnances, mais à prendre en compte le message des Français. C'est la première des choses que doit faire ce gouvernement. Nous gardons, en effet, trois dates en mémoire.

La première est celle de l'élection présidentielle de 2002 : de deux candidats républicains, l'un a obtenu le score le plus faible de tous les candidats depuis que le Président de la République est élu au suffrage universel, et l'autre n'était même pas présent au second tour. C'est là un premier signe, énorme !

M. François Bayrou. Il y avait d'autres candidats républicains !

M. Jean Le Garrec. J'évoquais les deux candidats républicains arrrivés en tête.

M. François Bayrou. Je n'étais pas en tête !

M. Jean Le Garrec. Votre score était certes très honorable, mais vous n'étiez pas en tête, et c'est regrettable pour vous.

M. François Bayrou. Votre candidat non plus !

M. Jean Le Garrec. Je prends acte de votre remarque !

M. François Bayrou. Merci !

M. Jean Le Garrec. La deuxième est celle des élections régionales et cantonales de 2004.

La troisième, formidable, a été celle du référendum, pour lequel le taux de participation a dépassé les attentes.

Il suffit de recouper les résultats des régions avec la désespérance, la désindustrialisation, l'angoisse et la peur de l'avenir - et je suis bien placé pour en parler -, pour conclure que la première chose à dire aux Français était que vous les entendiez, mais vous ne l'avez pas dit.

Avec 230 000 chômeurs en plus - le chiffre est connu -, vous ne pouvez pas faire comme s'il n'y avait pas, depuis trois ans, un gouvernement auquel vous appartenez ou que vous soutenez. Sur quatre nouveaux actifs, l'un est chômeur, un autre a un emploi précaire et deux seulement occupent encore des emplois relativement stables. Vous rendez-vous compte de ce que cela représente ? Mon ami Gaëtan Gorce l'a démontré avec beaucoup de talent, et les chiffres sont impressionnants : 2,9 millions de salariés en CDD, intérim ou stage, 1,2 million de salariés - surtout des femmes - en temps partiel contraint, subi. Comme l'exprime l'un des meilleurs analystes de la situation sociale, « comment ne pas partager l'indignation, la souffrance, l'amertume de ceux qui vivent au plus près l'aggravation d'un délitement social sans précédent ? »

La deuxième urgence était, puisque vous gouvernez depuis trois ans, d'évoquer votre bilan, votre action, vos succès et vos échecs, vos valses-hésitations, vos jeux de yo-yo avec les contrats aidés, l'augmentation permanente du nombre d'heures supplémentaires, fixé successivement à 120, 180 et 220, auquel s'ajoutent les sept heures de travail gratuit de la « journée de solidarité ». On aurait souhaité en connaître les résultats en termes d'emploi, voire en termes de consommation d'heures supplémentaires. Au lieu de cela : passez, muscade ; il n'a rien à voir ! Cela revient à encourager les entreprises à ne pas embaucher, puisqu'elles peuvent recourir plutôt aux heures supplémentaires.

De même, nous avons entendu des déclarations fracassantes à propos des mesures destinées aux entreprises de restauration, qui ont coûté 1,5 milliard d'euros : on nous a d'abord parlé de 30 000 emplois créés, puis de 20 000, puis on ne nous en a plus rien dit !

Une troisième urgence aurait été de stabiliser les règles. Pour recréer la confiance, il faut en effet, dans le domaine social comme dans le secteur économique, des règles que chacun puisse comprendre. Je défie quiconque - à l'exception de quelques spécialistes de la direction du travail - de dresser un bilan exhaustif des mesures prises depuis trois ans. On n'a vu que changements, contradictions et ajouts perpétuels. Alors qu'il n'y a pas de politique de l'emploi efficace sans stabilité, sans durée et sans continuité, vous sembliez pris d'un mouvement brownien. Alors que tous les indicateurs, notamment du commerce extérieur et de l'investissement, étaient dans le rouge - à l'exception d'un seul, qui restait au beau fixe : la croissance à deux chiffres des bénéfices des très grandes entreprises -, un ministre de l'économie s'est contenté de déclarer que la France ne travaillait pas assez. Avec 6 millions de chômeurs et de travailleurs précaires ou en intérim, la France vivrait donc au-dessus de ses moyens ! Comment voulez-vous donc faire passer un message de confiance dans les régions en difficulté avec de telles réflexions ?

Il y avait, enfin, une quatrième urgence : mobiliser les partenaires sociaux et économiques. Quoi que vous en disiez, si cette mobilisation ne se fait pas, comme le sait M. Borloo, rien ne peut réellement se mettre en place. Or les partenaires sociaux restent l'arme au pied, désemparés, hostiles et ne comprenant plus ce qui se passe. Ils sont à la recherche d'une réponse collective qu'ils ne trouvent pas encore.

A cet égard, il s'agissait non pas de faire un Grenelle sur les salaires, mais d'organiser une conférence nationale sur l'emploi et les salaires, en mettant tout le monde autour de la table. Si le modèle social français est menacé, cela mérite bien cette initiative, que diable ! Je peux vous dire que les parlementaires étaient prêts à y consacrer le temps nécessaire.

M. Pierre Albertini. Certainement !

M. Jean Le Garrec. Posons les problèmes ! Regardons ! Disons ce qui est possible et ce qui ne l'est pas ! Allons jusqu'au bout de cette déclaration du Premier ministre, déclaration inquiétante, troublante, excessive et que je n'accepte pas !

En définitive, vous avez confondu l'urgence dont je viens de faire la démonstration et la précipitation. Vous avez gommé tout ce qui est obligatoire pour tout texte législatif : pas d'étude d'impact, pas d'approche quantifiée. Vous nous avez donné le terrible spectacle de vos hésitations, de vos contradictions et des différences entre les ministres, à tel point qu'on se demandait parfois s'il y avait un pilote dans l'avion.

Avec tout le respect que j'ai pour les deux ministres assis en face de moi, je me demande s'ils n'ont pas été les accompagnateurs d'un processus qui se décidait ailleurs. C'est à croire que M. Breton, qui est un homme très occupé, n'a lu qu'en diagonale le rapport Camdessus, avant de le donner à Matignon, qui l'a à peine analysé. C'est invraisemblable !

On pourrait multiplier les exemples. Sur le contrat « nouvelles embauches », on évoque un seuil fixé tantôt à dix salariés, tantôt à vingt, voire, pour certains ministres, à cinquante ; je n'invente rien : tout est dans la presse. Pour comble, on a même relevé une contradiction, dans le texte du projet de loi, entre l'exposé des motifs et l'article technique correspondant. Vous pourriez au moins relire les textes que vous nous présentez.

Quant aux seuils sociaux, il s'est d'abord agi des moins de vingt-cinq ans, puis des plus de cinquante-cinq ans. Cela revient à entériner cette catastrophe française qui consiste à limiter à trente ans le seuil d'activité. C'est un constat terrible et pourtant vous continuez sur cette voie.

Tout cela crée une confusion terrible. Les organisations syndicales ne savent plus très bien où elles en sont.

Le recours aux ordonnances est détestable et dangereux. Sur deux points au moins, cela remet même en cause les engagements pris : celui du Président de la République, d'abord, qui affirmait la nécessité de négociation avant toute intervention éventuelle de la loi ; puis celui solennel pris, voilà deux ans par M. Fillon, de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Est-ce à cause de cela que M. Fillon n'est plus au Gouvernement ? Il ne s'agit pas d'être méchant. Toujours est-il que le Président de la République, qui avait pris des engagements, lui est toujours là !

Tout cela n'est ni fait, ni à faire. Vous savez très bien, messieurs les ministres, qu'il n'y a pas eu négociation. Tout au plus avons-nous vu des échanges bilatéraux qui ont eu pour résultat de casser les négociations timidement engagées, notamment celles qui portaient sur le travail des salariés les plus âgés. Un syndicaliste du Nord que je connais fort bien, homme important dans son syndicat mais que je ne nommerai pas, me disait son embarras. Selon lui la négociation était difficile, car on venait lui « casser la baraque ». Il ne savait plus quoi négocier ; on lui « coupait l'herbe sous le pied ». La démocratie sociale est en panne. C'est un grave problème politique, qu'évoquent avec moi les organisations syndicales.

Du moins ai-je retenu une leçon fondamentale de Crozier, que vous avez lu comme moi : en la matière, on ne gouverne pas par décrets. Tout cela se fera donc en traînant les pieds, et nous en verrons les résultats.

Et ne vous référez pas à d'autres utilisations de la procédure des ordonnances, au demeurant parfaitement légale et prévue par notre Constitution. Le Premier ministre a évoqué celles de 1982, qui portaient sur les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à soixante ans. Or il y a une différence fondamentale : ces ordonnances intervenaient après des élections, et ces points, qui faisaient partie du programme, avaient été ratifiés par la volonté populaire. C'était clair, net et précis : le Gouvernement avait parfaitement le droit d'appliquer rapidement ce pour quoi les Français avaient voté.

On pouvait être en désaccord sur le contenu, mais cela était parfaitement clair. En tout cas, cela n'avait rien à voir avec ce que vous faites. Aucun des membres du gouvernement actuel, qui ont fait campagne sur le thème de la fracture sociale, n'a annoncé qu'il fallait créer un contrat « nouvelles embauches » sans aucune garantie. La moindre des choses était donc de passer devant le Parlement. Dès lors, la procédure des ordonnances n'a aucune signification politique ; elle est détestable et redoutable.

En ce qui concerne ce nouveau contrat, qui a été longuement évoqué par M. Gorce et M. Vidalies, le Premier ministre, qui a du talent, a usé d'une remarquable litote. En effet, il s'est aperçu qu'en parlant de période d'essai, il aurait été en contradiction avec les quelque 245 accords de branche qui la définissent. Le principe de faveur aurait alors joué. Il a donc parlé - le talent littéraire peut aider en politique mais, généralement, cela ne dure pas longtemps - d'un « temps de consolidation de l'emploi ». Quelle merveille ! De la période d'essai, qui relève des rapports normaux entre le chef d'entreprise et le salarié, nous passons au « temps de consolidation de l'emploi ». Pour venir de l'entreprise, je peux vous dire que si vous annoncez cela à un chef d'entreprise, il va - pardonnez-moi l'expression - se foutre de votre gueule, car s'il embauche, c'est parce qu'il a besoin d'un salarié supplémentaire. Cette expression absurde ne correspond donc pas à la réalité.

Par ailleurs, lequel d'entre vous, messieurs les ministres, est capable de dire quelles seront les garanties dont bénéficieront les salariés ? On parle d'un préavis de quinze jours, d'une absence d'entretien préalable, de protections qui dépendront de l'ancienneté dans l'entreprise. Qu'est-ce que cela signifie ? Dites plutôt que vous voulez créer des emplois jetables, qui ne seront ni des CDD ni des CDI. J'attire cependant votre attention sur le fait que ce type d'emplois est dangereux pour une petite entreprise et, plus encore, pour une très petite entreprise.

M. François Bayrou. Absolument !

M. Jean Le Garrec. En effet, les salariés comprendront très vite et il faut prendre garde à ce que, dans les secteurs qui souffrent d'un manque de main-d'œuvre, ce ne soient pas les entreprises qui soient finalement jetées. L'UPA a d'ailleurs exprimé son inquiétude à ce sujet, car ses représentants savent parfaitement que, dans les métiers du bâtiment par exemple, si les entreprises n'offrent pas une sécurité de l'emploi, des conditions de travail et des salaires attractifs ainsi que des formations adaptées, elles ne trouveront plus de salariés compétents. On peut donc se demander si vous savez de quoi vous parlez. Il est vrai, mes chers collègues, que le temps où je travaillais à IBM est loin, mais la culture dont j'ai hérité ne se perd pas.

De même, vous voulez supprimer les seuils de contribution des entreprises à la formation permanente, qui sont de 0,15 % et 0,25 % ; mais qui va financer ? Au reste, est-ce vraiment une charge si lourde pour l'entreprise ? Et le 1 % logement géré par les organisations paritaires et consacré au logement social, allez-vous le compenser, monsieur Borloo ? Vous dites que la France vit au-dessus de ses moyens, mais j'ai parfois l'impression que vous passez votre temps à compenser des recettes que vous annulez. En somme, vous jouez au bonneteau.

Depuis vingt ans, nous avons tout connu. On a supprimé l'autorisation administrative de licenciement créée par Chirac, au motif qu'elle était un frein à l'emploi : aucun emploi n'a été créé ; quant aux emplois à contraintes allégées de M. Gattaz, ils n'ont pas eu plus de résultat. Simplification, heures supplémentaires, diminution des moyens : c'est toujours le même discours.

Alors que la force de travail est une richesse, la compétence une nécessité et qu'il n'y aura pas de réflexion sur le développement économique sans réflexion sur l'organisation du temps de travail, vous considérez que le salarié n'est qu'une charge ; c'est en tout cas ce qui ressort de vos textes.

En conclusion, mon constat est très sévère.

Depuis trois ans, vous regardez en arrière et vous escamotez les problèmes, au lieu d'avoir le courage de les poser dans toute leur complexité. Me revient en mémoire cette phrase tirée des Shadocks, que Claude Piéplu prononçait de sa voix inimitable : « Quand on ne sait pas où l'on va, l'important est d'y aller le plus vite possible. » C'est précisément ce que vous faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la France est inquiète, elle n'a plus confiance dans son avenir, elle s'enfonce dans le doute. Le sursaut, tel est le titre significatif du rapport remis en 2004 par un groupe de travail présidé par Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France. Il n'est plus temps de tergiverser, de polémiquer : il faut agir pour rendre au pays le tonus qu'il perd insensiblement depuis une vingtaine d'années.

Dans sa déclaration de politique générale, au lendemain d'un vote qui a plongé l'Europe dans une crise profonde, dont nous n'avons pas encore mesuré tous les effets, le Premier ministre en a appelé au « soutien de l'ensemble de la nation, de l'État, des collectivités locales, des syndicats, des entreprises et des associations », pour gagner le combat contre le chômage.

Aujourd'hui, vous nous présentez un projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures en faveur de l'emploi. Votre exposé des motifs insiste sur la nécessité de « lever les freins à l'embauche des nouveaux salariés » et de « faciliter l'insertion professionnelle des jeunes ». Qui ne souscrirait à de tels objectifs ? Sur l'ensemble de ces bancs - hélas ! un peu vides aujourd'hui, ce qui illustre le dessaisissement du Parlement -, qui pourrait spéculer secrètement sur l'échec de votre action sans condamner en même temps la France à connaître demain une situation aggravée ?

Toutefois en tant que représentants du peuple, il est de notre devoir de porter un jugement sur le contenu des mesures envisagées et sur la pertinence de la méthode utilisée au regard même des objectifs que vous vous fixez. Au nom de la liberté que tout élu possède, je tiens à apporter ici la réponse critique - au sens philosophique du terme - du groupe UDF à la double question du contenu et de la méthode.

La situation économique et sociale de notre pays fait aujourd'hui l'objet d'un diagnostic largement partagé, comme le Premier ministre l'a reconnu hier. La France dispose d'un niveau de protection sociale élevé, d'une forte productivité par heure travaillée, mais elle souffre depuis vingt ans d'un chômage structurel qui évolue entre 8 et 10 % de la population active. Non seulement son taux d'activité est trop faible, mais elle cumule deux handicaps inquiétants : la jeunesse est la première victime du chômage et les seniors sont également exclus du travail. Le taux d'emploi des jeunes de seize à vingt-cinq ans est ainsi de 24 % contre 44 % en moyenne dans l'OCDE, celui des cinquante-cinq à soixante-quatre ans de 34 % contre près de 50 % en moyenne dans l'OCDE.

Ce double échec n'est pas acceptable. Il traduit un net décrochage dans la création d'emplois depuis quelques années. Ainsi, de septembre 1997 à septembre 2000, plus de 1 100 000 emplois salariés ont vu le jour.

En 2004, malgré une croissance supérieure à deux points, 17 000 postes salariés seulement ont été créés. Plus grave encore, pour le premier trimestre 2005, le solde net serait négatif, avec 6 000 emplois salariés en moins. Tous les indicateurs sont simultanément au rouge : creusement des déficits, envolée de la dette, balance négative des transactions courantes, c'est toute la compétitivité de notre pays qui se dégrade. Comme vient de le reconnaître, lucidement, le ministre des finances, nous vivons « au-dessus de nos moyens ».

Pourtant, comme le montre le rapport publié en 2003 par la DARES, nous avons, depuis trente ans, accumulé de nombreux dispositifs, dont aucun n'a démontré sa capacité à résorber le chômage. Mesures catégorielles tantôt en faveur des jeunes, tantôt en faveur des plus âgés, tantôt en faveur des chômeurs de longue durée, aides mises en œuvre au bénéfice du secteur marchand ou du secteur non-marchand, allégement du coût du travail, développement des stages, réduction incitative ou - plus grave - obligatoire de la durée du travail, rien n'y a fait. Si les dépenses pour l'emploi ont considérablement augmenté, on ne peut malheureusement pas en dire autant de leur efficacité.

La conséquence en est la multiplicité de statuts, le foisonnement d'allocations qui conduisent inévitablement, aujourd'hui, à une société fragmentée dont la cohésion s'émousse. L'effort demandé, au lieu d'être massif et équitablement réparti, s'est perdu en une multitude de mesures ponctuelles, destinées à apaiser successivement les agriculteurs, les médecins, les transporteurs, les restaurateurs, les fonctionnaires, les marins pêcheurs, les pompiers etc., tout cela, pour une contrepartie quasi nulle de ces professions. Cette énumération à la Prévert illustre le catalogue d'une politique qui a toujours hésité sur les priorités à mettre en œuvre. On ne compte plus les plans d'actions qui se sont succédé, chacun d'eux étant systématiquement présenté comme plus pertinent que le précédent.

Comment s'étonner, dans ces conditions, qu'en refusant de choisir, on ait peu à peu développé chez nos concitoyens des réactions de scepticisme, de précaution, voire de repliement sur leur sphère privée ? Le taux d'épargne des Français est d'ailleurs parmi les plus élevés du monde, à plus de 15 % aujourd'hui.

Depuis quelques années, les rapports se sont multipliés. Camdessus, de Virville, Cahuc-Kramarz, Hirsch, Marimbert...

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Pierre Albertini. ...chacun de ces rapports - encore ma liste n'est-elle pas exhaustive - a proposé des pistes intéressantes pour répondre à la question centrale suivante : comment conserver un haut niveau de protection sociale sans fournir, en même temps, une quantité de travail supérieure ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) La quasi-totalité de ces propositions est restée lettre morte. L'heure de choix cohérents et durables est maintenant venue.

Une anecdote circulant parmi les observateurs de la vie politique française laisse entendre que, sur le bureau de chaque Premier ministre, serait affiché le précepte suivant, à l'intention des visiteurs : « Je sais ce que j'ai à faire, dites-moi plutôt comment le faire ». Est-ce si simple ? Nous ne le croyons pas.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Pierre Albertini. Au point où nous en sommes de dépression collective et de creusement des inégalités, nous avons besoin d'un débat de fond préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste) pour arbitrer en faveur du travail et non du capital, en faveur de la protection des personnes et non de la conservation des avantages acquis, pour remettre en marche l'ascenseur social et non laisser se développer la pauvreté et la précarité, pour redonner confiance et faire de chaque Français un acteur de son propre destin.

M. Jean Le Garrec et M. François Bayrou. Absolument !

M. Pierre Albertini. En précipitant le mouvement en faveur des ordonnances, ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Nous le regrettons profondément (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

D'une part, vous dessaisissez le Parlement au moment même où nous aurions besoin du plus large consensus. Un gain de temps de quelques semaines ne saurait compenser l'absence de vraie confrontation des points de vue. Certes, depuis des années, l'opposition, quelle qu'elle soit, a la fâcheuse habitude de s'opposer systématiquement et de juger une idée en fonction non pas de sa pertinence mais de son origine politique, parfois même en pratiquant l'obstruction parlementaire.

M. Hervé Novelli. C'est vrai !

M. Pierre Albertini. Néanmoins ce n'est pas une raison pour priver les assemblées de leur rôle naturel de législateur. C'est à un véritable dévoiement de l'esprit des institutions que nous assistons depuis quelques années.

Chacun peut vérifier, en se reportant aux travaux préparatoires de la Constitution de 1958, que le recours aux ordonnances de l'article 38 devait en principe être réservé aux réformes d'une certaine ampleur ou d'une grande technicité. Ce fut le cas notamment dans les années soixante en ce qui concerne la sécurité sociale. Aujourd'hui, et depuis plusieurs années, on se sert des ordonnances pour des sujets tout à fait secondaires.

M. François Bayrou. Absolument !

M. Pierre Albertini. On sait pourtant d'expérience qu'à légiférer trop vite, on légifère souvent mal. Ce risque est aggravé par le fait que les ordonnances ne donnent plus lieu à une éventuelle correction parlementaire, en l'absence désormais courante de ratification explicite. Ainsi, toute erreur commise - il y en a eu et il y en aura encore - ne peut être corrigée avant de longs mois à compter de la publication des ordonnances. L'étroitesse avérée des moyens budgétaires dont vous disposez aurait dû vous conduire, monsieur le ministre, à poser clairement, devant l'opinion, la question des priorités, afin d'obtenir l'adhésion des Français à ces priorités.

M. François Bayrou. Tout à fait !

M. Pierre Albertini. D'autre part, et surtout, le contenu des futures ordonnances n'est pas à la hauteur des enjeux. Certes, plusieurs mesures sont, dans leur principe, positives : la simplification de l'embauche et des déclarations, l'utilisation du chèque-emploi par les très petites entreprises et l'effacement des nombreux effets de seuils que comporte notre code du travail - 10, 20, 25 ou 50 salariés -, vont dans la bonne direction. Au-delà du projet de loi dont nous débattons, l'annonce de la suppression de la contribution Delalande, instituée en 1987 et dont on a malhreusement mesuré les effets pervers, reçoit également notre soutien.

En revanche, la création d'un nouveau type de contrat de travail, le contrat « nouvelles embauches », nous paraît inutile, voire dangereuse.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Pierre Albertini. Ainsi comment sera garanti l'équilibre entre les droits et les devoirs des salariés ? L'existence d'une période d'essai - terme que certains préfèrent éviter - beaucoup trop longue, offrira incontestablement à l'employeur des motifs de rupture facilitée.

M. Jean Le Garrec. C'est évident !

M. Pierre Albertini. Qui plus est, cette rupture du contrat de travail sera-t-elle accompagnée du versement d'une indemnité ? Le cas échéant, comment celle-ci sera-t-elle calculée ? Mystère !

M. François Bayrou. Personne n'en sait rien !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Vous auriez dû écouter les explications qui ont été données !

M. Pierre Albertini. Nous avons toutes les raisons de craindre un report de la charge sur la collectivité. Depuis vingt ans, les mesures de licenciement coûtent très cher à l'ensemble de la collectivité, ce qui explique que la locomotive ait parfois du mal à tirer les wagons. Le code du travail, comme vous le savez, ignore largement la période d'essai : celle-ci relève plutôt des conventions collectives et des accords de branche qui s'appliquent à l'immense majorité des salariés.

M. François Bayrou. Tout à fait !

M. Pierre Albertini. Or la plupart de ces conventions retiennent une période d'essai de trois mois. En la portant à deux ans, vous tournez le dos, délibérément, aux accords conclus de longue date par les partenaires sociaux.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Pierre Albertini. Il est pourtant bien des domaines dans lesquels le contrat vaut mieux que la loi, ou plutôt que l'ordonnance, en l'espèce. Quant aux mesures en faveur des jeunes de moins de vingt-six ans, dont nous savons peu de chose, elles risquent de compléter la panoplie des accessoires louables mais relativement inopérants.

À moins d'être sensiblement complété, ce qui n'est guère probable au vu de la tournure de cette discussion, l'ensemble n'est pas de nature à créer le choc ou le sursaut escomptés.

À nos yeux, une politique de l'emploi n'a pas de sens si elle est considérée isolément. Elle doit s'inscrire dans une vision plus large incluant la formation, la recherche et l'innovation, la fiscalité et la politique des revenus, la démographie et la famille, le tout dans une perspective européenne. Or je n'ai pas entendu une seule référence à l'Europe depuis l'ouverture de ce débat. Cette politique de l'emploi ne peut être que l'élément d'un tout, c'est-à-dire d'un véritable contrat avec le peuple. Est-il besoin de souligner que ces conditions ne sont pas réunies en 2005, quelle que soit votre bonne volonté personnelle et celle du Premier ministre, qui ne sont pas en cause ?

Dans l'attente d'un tel pacte, indispensable pour redresser la France, les propositions de l'UDF portent sur quatre volets complémentaires. Elles sont toutes inspirées par la nécessité de concilier efficacité économique et équité sociale.

Il s'agit d'abord de l'assiette des charges sociales qui pénalise excessivement le travail, valeur pourtant centrale de notre société. Le dispositif des cotisations patronales et salariales a été établi lors d'une période de plein emploi. Je rappelle qu'avant le premier choc pétrolier de 1973-1975, le chômage était de 3 %. Ce dispositif ne convient plus à la situation d'aujourd'hui où l'on compte plus de 4 millions de chômeurs. En effet, aux demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE il convient d'ajouter 1,5 million de RMistes et 400 000 allocataires de l'ASS, dispensés officiellement de toute recherche d'emploi.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Pierre Albertini. Pour éviter que les charges continuent d'assécher le travail qui procure à l'homme sa dignité dans nos sociétés occidentales, nous suggérons un transfert significatif vers la CSG dont le socle, plus large, englobe aujourd'hui 97 % des revenus. Certains de nos collègues sénateurs, ont même proposé la création d'une TVA sociale.

Quoi qu'il en soit, on ne pourra supporter longtemps les effets malthusiens d'un système de financement qui pénalise si injustement le travail. Faut-il rappeler que la réforme des retraites, laissée inachevée, obligera encore à des choix douloureux demain ou après-demain ?

Ensuite, il convient de favoriser l'accroissement de la quantité de travail fournie dans notre pays. Augmenter l'emploi est bien notre objectif commun. Or notre problème majeur est celui du déficit de travail tout au long de la vie, par rapport aux autres économies, par rapport aux pays européens qui nous environnent, par rapport à nos grands concurrents.

M. Jean-Michel Fourgous. Par rapport aux pays libéraux !

M. Pierre Albertini. Certes, la durée hebdomadaire du travail mérite sans doute certains assouplissements mais, surtout, le taux d'activité des jeunes et des seniors est beaucoup trop faible. D'une manière générale, c'est vers une modulation du temps de travail tout au long de la vie qu'il faut aller, selon la pénibilité des métiers et leur exposition aux risques et selon la diversité des souhaits que nos concitoyens formulent.

M. François Rochebloine. Bien sûr !

M. Pierre Albertini. Est-il raisonnable de prévoir la même durée du travail pour un jeune de vingt ans et pour un salarié de soixante ans ? Mes chers collègues, c'est l'absurdité même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Il faudra bien, un jour ou l'autre, sortir de ce schéma.

Pour les jeunes, c'est d'abord le handicap de l'absence d'expérience professionnelle qu'il faut surmonter. Pour cela, nous vous proposons d'expérimenter le mécanisme des emplois francs que François Bayrou a imaginé : il s'agirait d'emplois - un pour les petites entreprises et deux au maximum pour les plus grandes - dont les cotisations sociales seraient limitées à 10 % du salaire brut, pendant une durée de cinq ans. Voilà qui serait significatif et qui permettrait de favoriser l'embauche de jeunes dans de nouveaux emplois.

Pour les plus âgés, c'est la suppression des restrictions à l'activité - préretraites, contribution Delalande - qu'il convient d'envisager, en même temps qu'un plus large cumul d'un emploi rémunéré et d'une retraite.

M. François Bayrou. Avec limitations !

M. Pierre Albertini. Oui, avec limitations. On ne s'en sortira pas autrement.

Dans le même temps, il est indispensable de procéder à l'adaptation du code du travail...

M. Jean-Michel Fourgous. Il est intouchable !

M. Pierre Albertini. ...à sa double mission : fournir un cadre à l'activité des entreprises, protéger les droits des salariés. Ces deux missions sont tout aussi respectables l'une que l'autre et c'est l'équilibre entre les deux qui fait l'intérêt d'un tel code. Une mission ne doit pas chasser l'autre. Or le code du travail est devenu, au fil du temps, un code de procédures plus que de principes,...

M. François Bayrou. Très juste !

M. Pierre Albertini. ...ce qui en obscurcit le sens et multiplie les contentieux.

Cette insécurité juridique est préjudiciable à l'employeur comme au salarié et elle est funeste pour nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) En outre, cela donne aussi au juge une fonction permanente d'interprétation, au-delà de ce qui devrait être le rôle d'un code du travail simple et clair.

Aussi, une refonte du code s'impose-t-elle, sans recul qualitatif mais dans un souci de clarification. Il faut revenir aux principes au lieu de se perdre dans les questions de procédure.

Dans cette perspective, la proposition, qui figure dans plusieurs rapports récents, notamment le rapport Camdessus, d'un contrat de travail unique doit être rapidement étudiée. Dans notre esprit, il s'agirait d'un contrat à durée indéterminée, assorti d'un renforcement progressif du mécanisme d'indemnisation et de protection du salarié.

Si l'on vous suit, monsieur le ministre, au lieu de la simplification attendue, nous aurons demain trois contrats : le CDD, le CDI et le contrat nouvelles embauches.

M. François Bayrou. Un contrat de plus !

M. Pierre Albertini. Cela ne nous paraît guère pertinent. Le refus d'embaucher, de la part d'un employeur, surtout si l'entreprise est de taille modeste, est moins imputable à l'inadaptation des outils existants qu'à la crainte de l'avenir...

M. Jean Le Garrec. Bien sûr !

M. Pierre Albertini. ...et à la lourdeur des charges qui pèsent sur le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Tout le reste n'est que fantaisie !

Enfin le dernier axe de nos propositions concerne le pilotage du service public de l'emploi. Les sommes que nous consacrons aux diverses interventions sur le marché du travail sont considérables. Le rapport Marimbert les évalue à 50 milliards d'euros ce qui nous classe à un bon niveau dans la comparaison internationale. Pourtant les résultats obtenus demeurent décevants.

Certes, il est inutile de créer de nouvelles structures, génératrices de coûts de gestion supplémentaires. En revanche, par grand bassin d'emploi, il est nécessaire de rapprocher les principaux partenaires - ANPE, ASSEDIC, organismes de formation, entreprises, collectivités publiques - afin d'assurer une meilleure coordination de leurs actions territoriales. Tel est peut-être, d'ailleurs, le principal enseignement à tirer des expériences étrangères qui ont réussi : la mobilisation et la mise en réseau des énergies au service d'un projet de développement local.

D'une manière générale, c'est dès les premières semaines du chômage, et non pas après plusieurs mois d'inactivité ou d'installation dans un illusoire confort, qu'un accompagnement individualisé doit être mis en œuvre. À cet égard, l'évaluation des expériences menées conjointement à Rouen et à Lille, entre l'ANPE et une société privée, sera certainement instructive. J'espère que nous en disposerons rapidement. Tout ce qui concourt à une démarche active de recherche d'emploi doit être encouragé. On n'y arrivera cependant que si reprendre un travail est plus rémunérateur que le maintien dans une position d'assistance, complétée, le cas échéant, par des rémunérations au noir échappant à tout contrôle.

M. François Rochebloine. Évidemment !

M. Pierre Albertini. Le travail doit être réhabilité et récompensé.

Compte tenu de la gravité de la situation, nous ne pourrons pas faire l'économie d'un débat de fond que nos propositions ont pour objet d'alimenter. Comment renouveler un modèle social, protecteur pour tous mais plus dynamique en termes de croissance et plus solidaire à l'égard des plus démunis ?

Vous avez choisi, monsieur le ministre, une autre voie : celle des ordonnances qui contourne la représentation nationale, au moment où tous les Français devraient se rassembler. Nous ne pouvons pas l'approuver.

Vous revendiquez d'être jugé sur les résultats que vous obtiendrez. Nous ne vous faisons pas de procès d'intention, mais nous craignons qu'ils ne soient pas à la hauteur du mal très profond que nous ressentons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. En 1995, Jacques Chirac promettait de lutter contre la fracture sociale. Dix ans plus tard, la crise s'est fortement accentuée après une reprise de l'emploi durant la période où la gauche fut majoritaire. Jamais, en effet, les inégalités n'ont été aussi fortes ; jamais les différences de salaires entre les plus riches et les plus pauvres n'ont été aussi prononcées ; surtout, jamais la politique n'a été aussi peu crédible puisque, à chaque fois que vous dites quelque chose à propos de la situation de l'emploi, de la croissance ou des finances, vous et votre majorité faites le contraire de ce qu'il faudrait faire. Pire, vous menez, autant sur les orientations que sur la méthode, une entreprise de restauration monarchique.

L'analyse du résultat du 29 mai a sévèrement fait apparaître la crise démocratique et la crise de confiance à l'égard de la représentation politique, mais, vous n'en tenez pas compte.

Ainsi, vous dites que ce vote montre que les Français « veulent conjuguer la défense des intérêts de notre nation et l'Europe, la promotion de notre modèle social et le projet européen et qu'ils défendent une certaine vision de l'homme avec ses droits et ses devoirs, refusant les seules logiques du marché et de la mondialisation ». Toutefois, dans le même temps, vous vous employez méthodiquement à casser le code du travail et la démocratie sociale dans l'entreprise, en démantelant tous les mécanismes protecteurs des salariés, facteurs de cohésion sociale et de relance, par exemple en annonçant le nouveau contrat précaire de deux ans d'essai.

Vous vous employez à étendre les dispositifs précaires d'apprentissage - sous-payés naturellement - à de plus en plus de professions, favorisant toujours les effets d'aubaine des entreprises et toujours au détriment de l'enseignement professionnel. Pourtant, plus de 40 % des jeunes apprentis rompent leur contrat d'apprentissage avant la fin de leur formation, en raison essentiellement des mauvaises conditions de travail d'autant que, trop souvent, leur rémunération, qui peut varier entre 25 % et 78 % du SMIC, selon l'âge et la durée de l'apprentissage, est exonérée de toutes charges patronales. Dernièrement, en votant un amendement du Gouvernement, la majorité a même instauré la possibilité pour ces jeunes apprentis de moins de dix-huit ans de travailler le dimanche et la nuit, bien que, pour des raisons de santé, cela soit interdit pour les jeunes mineurs de moins de dix-huit ans par les conventions de l'OIT.

Est-ce votre vision du modèle social français ? Peut-être celui d' il y a deux siècles alors !

À propos des Français, vous dites encore : « Ils veulent rester fidèles à leur identité, soucieux de préserver un équilibre entre la solidarité et la liberté [...] la mondialisation n'est pas un idéal, elle ne peut pas être notre destin. Ils attendent de nous que nous affirmions nos valeurs. Notre vision héritée de 1789 a sa grandeur et sa vérité. Oui, la France veut rester une conscience vivante ! Oui, la France veut être aux avant-postes ! Oui, la France veut se tourner résolument vers l'avenir ! »

Cependant, avec toute la candeur que nous vous connaissons, vous restaurez au même moment un ordre de privilèges pour les mieux lotis, en brisant le pacte républicain par la flexibilisation de l'emploi, c'est-à-dire la position sociale des salariés de ce pays, et vous prévoyez de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans contreparties. Et puisque vous avez abandonné en cours de route vos promesses de baisse de l'impôt sur le revenu, vous vous rattraperez en allégeant les cotisations sociales. Faut-il rappeler l'inefficacité des baisses de cotisations ? Dans le budget de 2005 cela a coûté 18 milliards d'euros sans effet sur l'emploi.

Lorsque vous affirmez que vous voulez lutter contre les discriminations au travail, vous encouragez une politique fondée sur l'élitisme en prônant une société méritocratique dans un pays où l'égalité à la base n'est même plus garantie selon le lieu de naissance, l'origine sociale, la couleur de peau. Ainsi, le mérite revient-il à l'élève qui vient d'un lycée prestigieux et qui accède à une grande école pour finir directeur de l'entreprise de son père ou à ces nouveaux immigrés que vous allez trier sur le volet et livrer au MEDEF avec votre politique de quotas ? Lutterez-vous pour favoriser l'insertion de quelques exemples promotionnels en vous contentant de faire de la discrimination positive ou bien serez-vous ambitieux pour tous en recherchant une mobilisation massive pour l'égalité réelle grâce à une vraie politique de mixité sociale partout sur le territoire, y compris à Neuilly-sur-Seine ?

Enfin, entre autres décalages entre vos discours et votre politique, vous invoquez « le génie français » fait de « solidarité et initiative, protection et audace » et vous nous promettez « le chèque emploi, qui aura valeur à la fois de bulletin de salaire et de contrat de travail ». Comme protection, on pourrait mieux faire !

Comme lorsque Jacques Chirac prétendait lutter contre la pauvreté dans le monde, votre niveau de crédibilité est proche de zéro. La politique que vous conduisez est un passeport pour le divorce entre les citoyens et leurs élus, une preuve de votre incapacité à mener ce pays vers le progrès social et l'égalité des chances. En réalité, vous ne connaissez pas les Français.

La France compte actuellement 1,2 million d'allocataires du RMI, et 70 % des embauches se font en CDD. Face à cette situation, vous incarnez le renoncement et l'impuissance en cédant au marché ce qu'il reste de protection des travailleurs et, au lieu de réfléchir à une ambition pour la France - je veux dire à une vraie politique qui tire tout le monde vers le haut et permet de relancer la croissance - vous capitulez devant les intérêts financiers d'une poignée d'hommes qui font le malheur du monde en défaisant notre modèle social.

Celui-ci était à reconstruire sur la base de l'égalité réelle. Vous organisez la destruction de la cohésion sociale à partir d'un dogme libéral qui se nourrit de la reproduction des inégalités et de la concurrence entre les individus. La marchandisation des hommes est-elle l'ultime étape du libéralisme ?

M. Jean-Michel Fourgous. Vous n'êtes pas crédible !

M. Germinal Peiro. J'en viens à la méthode que vous employez, et je tiens à insister sur ce point.

Vous proclamez la « démocratie moderne » tout en restaurant les ordonnances pour contourner le débat républicain au sein de l'Assemblée nationale. Pourtant les ordonnances, vous le savez, n'ont pas porté chance à un précédent chef du gouvernement, Alain Juppé, missionné lui aussi par Jacques Chirac pour remédier à la fracture sociale. Les cent jours ne sont pas la promesse d'une confiance retrouvée pour le Gouvernement, mais le temps qui lui reste, lui qui prend la démocratie pour une lanterne mais n'a pas l'esprit des Lumières !

Certes on prête un bel esprit au chef du Gouvernement. Ignorez-vous ce que disait Jean le Rond d'Alembert, philosophe corédacteur de l'Encyclopédie, à propos du bel esprit ? Il disait : « Le faux bel esprit tient de plus près qu'on ne le croit à la barbarie ».

Lorsqu'un siècle plus tard, par ordonnance du roi datée du 25 juillet 1830, Charles X suspendait la liberté de la presse, il préparait son départ. Peu avant lui, un autre Napoléon n'avait pas tenu plus de cent jours.

Voyez, messieurs les ministres, le sort que le peuple de France réserve à ceux qui veulent faire de lui l'esclave qu'il ne sera jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes là aujourd'hui pour nous mobiliser, tous ensemble et sans idéologie, afin de redonner à 2,5 millions de nos concitoyens ce à quoi ils aspirent, à savoir un emploi.

On nous vante un modèle social exceptionnel - « l'exception française » -, mais peut-on encore vendre ce modèle social à un chômeur qui n'a pas d'autre perspective que des allocations ? Il s'agit, d'ailleurs, d'allocations à crédit, car pour un État déficitaire de près de 45 milliards d'euros, accorder de nouvelles allocations signifie simplement que l'on va détruire l'emploi du voisin en prélevant un nouvel impôt.

Peut-on encore vendre ce modèle social à un jeune qui, sans succès, a envoyé cent courriers pour décrocher un contrat en alternance dans une entreprise ?

Dans les salons parisiens ou dans un cours de l'ENA, peut-être ce modèle social se vend-il, mais, dans ma permanence, à Trappes, je n'arrive pas à le vendre, pas plus qu'à Bois d'Arcy ou à Élancourt.

La vérité, c'est que le modèle social français ne fonctionne pas. Il est même devenu le modèle de ce qu'il ne faut pas faire. Il n'est plus, depuis environ vingt-cinq ans, que le reflet d'une certaine décadence.

Qu'est-ce que le modèle social français ? Une culture dirigeante, issue d'une école de fonctionnaires, qui entretient la défiance envers les entreprises. C'est une idéologie contre l'emploi - nous sommes le seul pays au monde à avoir adopté les 35 heures, mesure qui coûte 12 à 17 milliards d'euros par an. Quand on sait qu'avec 1 milliard d'euros, on peut créer 30 000 emplois marchands on est fixé sur la compétence de ceux qui ont osé présenter cette mesure.

C'est aussi une fiscalité contre le capital : on retrouve le vieux combat marxiste que mènent certains de nos collègues contre le capital et la propriété. Quant à ce fameux impôt sur la fortune, la France est le seul pays au monde à prélever un impôt dont l'assiette est aussi large et le taux aussi haut.

M. François Rochebloine. Si c'était le seul problème, il serait facile à régler !

M. Jean-Michel Fourgous. Les effets de ce modèle, vous les connaissez. En réalité, dans notre pays, on nous incite à investir dans le passé. Si vous investissez dans les tableaux, vous êtes exonérés d'impôt, mais si vous investissez dans l'avenir, c'est-à-dire dans les entreprises, vous êtes imposé.

C'est enfin un système éducatif qui apprend à nos enfants - tenez-vous bien - que ce n'est pas l'entreprise qui crée la richesse, mais l'État. Voilà ce que notre système éducatif national apprend à nos enfants.

Sortons des idéologies ! Les doctrinaires et les théoriciens divisent notre pays depuis de nombreuses années, et ils lui font un mal considérable.

M. Jean Le Garrec. Oh là là !

M. Jean-Michel Fourgous. Avant d'être député, j'ai été chef d'entreprise. Nous, les chefs d'entreprise, choisissons toujours ce qui fonctionne. Nous réconcilions les salariés avec l'entreprise, et ils nous approuvent.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il n'y a vraiment pas de quoi !

M. François Rochebloine. Il y en a d'autres qui connaissent les problèmes des entreprises !

M. Jean-Michel Fourgous. Nous n'avons pas de problème avec cela. Nous sommes des praticiens, et seuls les praticiens peuvent réconcilier. Dans les autres pays européens, des gens qui sont arrivés au pouvoir avec une idéologie font en sorte que leur politique fonctionne et, si elle fonctionne, ils sont réélus, comme nous l'ont montré les récentes élections qui ont eu lieu en Europe.

Nous devons avoir le courage d'admettre que, depuis vingt-cinq ans, nous avons commis toutes les erreurs qu'il était possible de commettre. D'ailleurs, si aucun de nos voisins ne choisit les recettes de la France, il y a peut-être une raison !

M. Jean-Jacques Descamps. C'est vrai !

M. Jean-Michel Fourgous. On nous a d'abord expliqué qu'il fallait partager le travail, avec la fameuse - ou devrais-je dire fumeuse ? - RTT.

M. François Rochebloine. Il faut remettre les 35 heures en question, et rapidement !

M. le président. Monsieur Rochebloine !

M. Jean-Michel Fourgous. Aujourd'hui, il n'y a plus de mystère ; tout le monde connaît la réalité. Les cinq pays de l'OCDE où l'on travaille le moins ont, en moyenne, un taux de chômage qui se situe autour de 10 %, tandis que les cinq pays dans lesquels on travaille le plus, tournant le dos aux 35 heures, ont un taux de chômage d'environ 5 %. Cela montre la pertinence, la compétence, voire la moralité des gens qui ont osé imposer les 35 heures à un pays comme la France.

On nous a fait croire qu'embaucher toujours plus de fonctionnaires allait faire baisser le taux du chômage. Nous détenons le record du nombre de fonctionnaires, avec 50 % de plus que la moyenne européenne. Pourtant le chômage s'est aggravé dans notre pays. Or je vous rappelle qu'un emploi public détruit environ deux emplois privés.

Nous sommes d'ailleurs le seul pays au monde où l'on enseigne, de l'école primaire à l'ENA, cette grande école que vous connaissez tous, que le système public est plus moral que le privé. Nous sommes bien partis !

Il n'y a qu'en France qu'un chef d'entreprise en difficulté a du mal à obtenir de sa banque 15 000 euros pour sauver une dizaine d'emplois. En revanche, on a créé les emplois-jeunes qui - écoutez bien - coûtaient 15 000 euros par an et par jeune. Tant mieux pour les jeunes ; j'aime bien tout le monde, mais tout de même : 75 000 euros sur cinq ans, même pas pour créer une entreprise. Alors que l'on ne trouve pas 15 000 euros pour aider un chef d'entreprise à renforcer ses fonds propres, on dégage 75 000 euros pour créer un emploi dans le secteur public, un emploi qui n'est pas directement productif. Voilà de quoi le système français a accouché à la face du monde.

Autre exemple, messieurs : la BDPME reçoit environ 120 millions d'euros pour aider plus de deux millions d'entreprises, soit plusieurs millions de salariés. Dans le même temps, la SNCF, avec ses collatéraux, reçoit environ 12 milliards d'euros, c'est-à-dire cent fois plus, pour 180 000 salariés. Cela s'appelle de l'intégrisme public - et c'est la culture française. N'est-il pas temps d'admettre nos erreurs et d'en discuter ensemble ?

Nous avons entretenu le mythe de la protection de l'emploi en faisant croire que, pour éviter le chômage, il suffisait de protéger au maximum les emplois existants, jusqu'à en bloquer carrément l'entrée et la sortie. Cependant une étude nous montre que les pays les plus protecteurs ont un taux de chômage de 60 % supérieur aux autres.

Ce n'est pas une théorie libérale ; c'est une réalité économique. Il est vrai qu'ici, lorsqu'on évoque une réalité économique, on nous rétorque qu'il s'agit d'une théorie libérale !

Aujourd'hui, en Grande-Bretagne ou au Danemark, un salarié met de trois à six mois pour retrouver un emploi. En France, il lui faut quelquefois presque un an. Est-ce cela la justice sociale française, l'exception française ?

Aujourd'hui, on ne peut plus décemment opposer modèle social et modèle économique. Souvenez-vous : il y a vingt-cinq ans, les hommes politiques parlaient du modèle social économique. Après 1981, ils ne parlaient plus que du modèle social, étant entendu que l'économie suivra, que l'intendance suivra, en quelque sorte. Le pouvoir politique commande, l'économie exécute. Toutefois l'économie, c'est comme Lagardère : si vous ne venez pas à lui, c'est lui qui vient à vous. Vous connaissez le résultat : record de déficit, record de dette, record de chômage, record de précarité.

D'autres pays, comme le Danemark, ont su réformer leur droit du travail, le rendre plus flexible, tout en conservant leur modèle social. Les résultats sont là : dans ce pays le taux de chômage qui était, en 1993, de 12 %, est passé à 5 %. En France, nous en sommes à 10 % et nous continuons à fanfaronner.

Quant aux Allemands, ils ont su mettre de côté leurs clivages idéologiques, ce qui, on l'a vu, a donné de bons résultats. En France, nous continuons à débattre. Ne sommes-nous pas le seul pays au monde qui organise des colloques ayant pour thème « Pour ou contre la mondialisation », et non, comme dans les pays étrangers, « Comment profiter de la mondialisation » ?

Même notre vocabulaire est dépassé. Modèle social, politique sociale, traitement social : que de belles formules, mais pour quelle réalité ?

J'ai la conviction que ce qui va dans le sens du social, c'est la croissance et l'emploi. Une vraie politique sociale consiste à donner du travail aux gens et non à organiser des débats ou des colloques, ni à promouvoir des idéologies, des doctrines ou des théories du travail. Une vraie politique sociale permet de créer des emplois marchands durables, qui ne se financent pas en détruisant l'emploi du voisin.

Il faut donc faire confiance à ceux qui créent des emplois, c'est-à-dire nos entrepreneurs. Nous devons les encourager, les aimer et changer de langage à leur égard.

À la télévision, lorsqu'on parle d'une entreprise, c'est pour évoquer un plan social, un accident du travail ou un scandale financier. Ici même, dans cette assemblée, on a un jour entendu un député dire qu'il fallait faire rendre gorge aux chefs d'entreprise ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'étais présent et je puis vous affirmer que ces propos ont été tenus par un député de gauche. Il y a quelques minutes, l'un de nos collègues a parlé de « marchandisation des hommes ». Quel archaïsme culturel pour un pays où les députés sont élus au suffrage universel.

On a également entendu traiter de « cadeaux aux patrons » une exonération de charges que nous avions proposée. Il y a donc ici un type qui ne sait pas que, dans une entreprise, 80 % du chiffre d'affaires TTC revient, au titre de la solidarité, à l'État, aux salariés ou à toute la communauté, et qu'un chef d'entreprise ne prélève en moyenne que 1 % net d'impôt sur l'ensemble du chiffre d'affaires TTC. L'expression « cadeaux aux patrons » illustre le décalage culturel qui, malheureusement, affecte notre pays. On a également entendu des ministres parler de « patrons voyous » !

M. François Rochebloine. Des voyous, il y en a partout !

M. Jean-Michel Fourgous. Si M. Durand est coupable d'une indiscrétion, on dit qu'il a commis une grave erreur. Mais entendre quelqu'un associer les mots « patrons » et « voyous » me reste en travers de la gorge ! Néanmoins gardons le sens de l'humour !

Quoi qu'il en soit, de mon expérience de chef d'entreprise, je peux vous dire que si j'ai été amené à licencier, ce fut un véritable déchirement. Entendre dire ici que les patrons prennent du plaisir à licencier leurs employés est très préoccupant, intellectuellement et moralement.

M. François Rochebloine. Nous n'avons jamais dit cela !

M. Jean-Michel Fourgous. Certains députés de gauche l'ont dit !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Jamais !

M. Jean-Michel Fourgous. Il faut donc redonner confiance aux entrepreneurs. La croissance dépend de la confiance dans le travail - c'est mal parti avec les 35 heures - et dans le capital - c'est mal parti avec l'ISF. Il faut donc recréer un climat de confiance, mais je ne pense pas qu'avec de tels archaïsmes idéologiques, vous puissiez instaurer cette confiance qui génère la croissance. Or il n'y a pas de croissance sans confiance.

Nous devons passer d'un traitement social du chômage à un traitement entreprenarial. Avec quelques-uns de mes collègues du groupe Génération entreprise, j'ai proposé qu'il soit possible de placer une part de l'épargne dans l'entreprise, plutôt que dans les obligations. Nous avons obtenu satisfaction et j'en remercie le Gouvernement : nous pourrons désormais transférer certains moyens financiers vers nos entreprises. C'est comme cela que l'on créera la confiance.

Voilà quelques éléments de réflexion que je voulais vous soumettre, messieurs les ministres.

J'appelle par ailleurs votre attention sur le fait que le code du travail comportait 1 600 pages en 1984, 2 000 pages en 1994 et 2 300 en 2004. Il serait bon qu'un jour, nous nous mettions d'accord pour faire cesser cette inflation. Il est très difficile à un chef d'entreprise qui ne peut faire appel à un DRH ou à un directeur juridique de comprendre les règles du jeu. C'est injuste ! Le citoyen français qui propose un emploi de service doit lire, seul, un code du travail de près de 2 500 pages. Quelle injustice !

M. Pierre Albertini. Pourtant, vous voulez y ajouter quelques dispositions !

M. Jean-Michel Fourgous. Nous devons prendre en compte ces préoccupations.

En conclusion, messieurs les ministres, quand vous parlez de modèle économique et social, nous aimerions vous entendre dire, car c'est important, qu'il n'y a pas de modèle social sans modèle économique.

M. François Rochebloine. Le problème, c'est l'emploi !

M. Jean-Michel Fourgous. J'ajoute que nous ne ferons pas, en France, l'économie d'une explication approfondie sur ce que sont l'économie de marché et la culture d'entreprise. À vous tous de vous préparer à cette échéance inévitable qui, je le crois, sera salutaire pour notre pays.

En attendant, messieurs les ministres, j'approuve vos propositions et je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Messieurs les ministres, votre recours aux ordonnances est tout à fait contestable. Ce n'est pas de notre part - comme d'ailleurs de la part des représentants syndicaux - une simple question de principe ni une protestation de pure forme. Bien sûr, nous le savons, les ordonnances sont prévues par notre Constitution mais votre majorité a été élue il y a plus de trois ans maintenant et vous nous dites aujourd'hui que la procédure des ordonnances est indispensable, car il faut agir vite. Il vous aura donc fallu le choc du 29 mai pour vous rendre compte de la gravité de la situation sociale dans notre pays.

Monsieur Fourgous, je suis très surprise : vous avez passé dix minutes à critiquer la politique d'avant 2002, les emplois jeunes, la réduction du temps de travail entre autres. Certes les emplois jeunes ont été financés, mais quand 350 000 jeunes trouvent un emploi, cela fait revenir la confiance dans les familles et crée de la croissance. Je crois que vous l'oubliez. Vous pourrez toujours les critiquer, mais 2 millions d'emplois ont été créés. Moi, j'attends de vous voir agir, et je vous applaudirai, monsieur Fourgous, le jour où vous aurez créé 2 millions d'emplois. Or je n'en vois aucun pour l'instant !

M. Jean-Michel Fourgous. Mais vous en avez détruits deux fois plus !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Vous plaisantez !

À la culture idéologique des entreprises et à cette espèce de critique et de mépris des fonctionnaires à laquelle vous venez de faire allusion, monsieur Fourgous, les députés de gauche vous répondent qu'ils ne sont pas tous des fonctionnaires. Certains ont, comme vous, travaillé dans le monde de l'entreprise. Je l'ai répété cent fois ici : j'ai été salariée, j'ai été chef d'entreprise. Pour avoir connu les deux situations, je peux en parler et j'estime de mon devoir d'exprimer certaines positions parce qu'on peut avoir une culture d'entreprise, mais comprendre, aussi, que ce n'est pas toujours facile pour les salariés !

M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez voté les 35 heures !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je n'étais pas députée à l'époque, mais je les aurais votées avec plaisir !

M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez voté les emplois jeunes !

M. le président. Mes chers collègues, n'interrompez pas l'oratrice !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. En outre, le Président de la République s'était engagé à faire du dialogue social un préalable à toute évolution du droit du travail. Cette pratique devait être la marque de la politique sociale du quinquennat. Qu'est-elle devenue ? Tous vos textes législatifs ont été adoptés sans concertation avec les partenaires sociaux et le paritarisme a été gravement remis en cause, notamment par la création de la CNSA. Les organisations syndicales ont été mises sur la touche depuis 2002, et c'est désormais le cas des parlementaires. Vous comptez, à l'évidence, vous appuyer sur cette méthode pour faire passer, sans aucun débat et pendant les vacances des Français, de nouvelles mesures que je qualifierais « de régression sociale ».

En effet le contenu précis de ces ordonnances ne manque pas de nous inquiéter. Que restera-t-il de l'engagement du Premier ministre, pris lors de son discours de politique générale, de mettre en place le « contrat nouvelles embauches » dans - je le cite - « le respect du code du travail » ? Le texte de ce projet de loi est suffisamment vague pour rendre possible toutes les dérives. Et les précisions, encore très partielles, de M. le Premier ministre hier après-midi montrent votre gêne, mais ne nous rassurent pas.

Les propriétés qui s'attacheront à ce futur contrat de travail en font un objet nouveau. Par avance, vous lui prêtez les avantages à la fois du CDI et du CDD, pour les employeurs comme pour les salariés. C'est une illusion à laquelle personne ne croit. Il est probable qu'il en cumulera plutôt tous les inconvénients pour le salarié, et que sa mise en œuvre entraînera un bouleversement considérable et l'abandon de droits sociaux fondamentaux. Pendant deux ans, le salarié pourra être licencié à tout moment et sans justification, avec un préavis très court et - peut-être, mais nous n'en sommes pas sûrs - une indemnité dérisoire, sans les avantages qui s'attachent aujourd'hui dans le code du travail aux contrats précaires. Les euphémismes dont sont remplis vos discours ne masquent pas la réalité : vous remplacez le CDI et le CDD par un contrat qui risque de passer par pertes et profits la protection élémentaire des droits sociaux.

Quant à la prétendue alliance de la flexibilité pour l'entreprise et de la sécurité pour le salarié, elle semble bien improvisée pour être crédible. La sécurisation du parcours professionnel est un enjeu essentiel pour sortir la société de la précarité. Là encore, vous ne vous donnez pas les moyens de la mettre en œuvre.

Vous prétendez, en outre, vouloir lutter contre les effets pervers dus aux seuils inscrits dans notre droit social. Or, en choisissant finalement le seuil de vingt salariés, vous élargissez le champ de votre nouveau contrat de travail à toutes les petites entreprises, qui emploient au total plus de 4 millions de salariés et dont je continue à penser qu'elles sont un gisement de créations d'emplois.

M. Hervé Novelli. Eh oui !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous l'avions déjà dit lors du débat sur le temps de travail,...

M. Jean-Michel Fourgous. Grand débat !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...à l'occasion d'une proposition de loi, ce qui permettait d'éviter le passage devant le Conseil d'État. Nous en avions beaucoup parlé à ce moment-là, monsieur Novelli, et vous le constatez, la représentation nationale est toujours malmenée.

M. Jean-Michel Fourgous. Parce qu'avec Mme Aubry, il y a eu une concertation sur les 35 heures ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Pendant deux ans et demi pour la première loi Aubry, monsieur Fourgous !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous l'avions donc déjà dit dans le débat sur le temps de travail, il y a quelques mois : ce n'est pas en baissant l'attractivité des petites entreprises - qui est très importante - que vous inciterez les jeunes à travailler en leur sein. En généralisant des règles et des conditions de travail différentes, vous dévalorisez le travail aux yeux des salariés, pourtant important dans ces petites entreprises, alors que les salaires versés y sont déjà très souvent bien plus faibles en moyenne.

Cette différence de traitement n'est pas justifiée. Elle crée deux droits du travail distincts. Elle est source d'inégalités, que nos concitoyens ne comprennent pas. J'aurais voulu en espérer des créations d'emplois, mais je n'y crois pas. Elle correspond plutôt à tout ce que vient de dire M. Fourgous, c'est-à-dire à une volonté très idéologique.

M. le président. Il faut penser à conclure, madame.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous avons la conviction que le chômage est dû non pas à un droit du travail trop rigide, mais d'abord à la faiblesse de notre économie, à l'insuffisance du pouvoir d'achat et au sacrifice des instruments de la politique de l'emploi comme des outils permettant l'insertion dans le monde du travail.

Nous avons entendu M. Breton, dimanche, nous dire qu'il ne croyait pas à la possibilité pour le Gouvernement de relancer la croissance. J'ai le sentiment que cela résonne comme un aveu d'impuissance, qui révolte nos concitoyennes et nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, approuver un projet de loi d'habilitation permettant de prendre certaines mesures législatives par ordonnances n'est jamais une chose aisée pour un parlementaire. En effet, il n'est pas naturel, pour le Parlement, de se dessaisir de son pouvoir d'établir la loi. Il faut donc une raison impérieuse pour nous convaincre, moi et mes collègues, de renoncer à exercer notre pouvoir et notre droit d'amendement.

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est vrai !

M. Hervé Novelli. Et cela plus encore pour ceux qui, comme moi, considèrent que notre Parlement n'a pas aujourd'hui la place qui lui revient dans nos institutions et qui militent donc pour une revalorisation de son pouvoir législatif.

M. Éric Besson. Vous avez changé de discours !

M. Hervé Novelli. J'ai toujours tenu le même discours, ce qui n'est pas votre cas, monsieur !

Cependant je vous le concède, messieurs les ministres, certaines circonstances exigent le recours aux ordonnances et je pense que tel est le cas aujourd'hui. En effet nulle personne de bonne foi ne peut nier qu'il y a urgence à lutter contre le chômage. Nulle personne de bonne foi ne peut nier qu'il faut prendre rapidement des mesures fortes en la matière.

Nous savons tous, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, qu'une discussion parlementaire nous aurait amenés au cœur de l'été et aurait retardé la publication des décrets d'application. Avec les ordonnances, le Gouvernement entend mettre en place l'ensemble de son plan pour le 1er septembre. C'est pourquoi, au-delà de la frustration de ne pouvoir jouer pleinement mon rôle de législateur, j'approuve le recours aux ordonnances.

Il est vrai que l'emploi est la priorité des priorités du Gouvernement et ce ne sont pas les collègues manifestant avec moi depuis maintenant trois ans leur volonté de prendre à bras-le-corps la question clef pour notre pays - la lutte contre le chômage - qui vous démentiront. Nous ne pouvons donc qu'approuver votre volontarisme, incarné par le dépôt de ce projet d'habilitation.

Encore faut-il que ce projet contienne des mesures susceptibles d'être efficaces à court terme et ouvre une voie nouvelle par rapport à la panoplie des sempiternelles, traditionnelles mesures que, obstinément, nous nous épuisons à mettre en œuvre dans ce pays. Je veux parler de la politique de redistribution sociale et de l'allégement, inefficace, des charges sociales sur les bas salaires ; j'en reparlerai dans quelques instants.

Nous approuvons votre plan car celui-ci repose sur une prise de conscience, celle en vertu de laquelle les gisements d'emploi se trouvent dans les très petites et les moyennes entreprises. Comme vous le savez, je partage cette analyse. Encore faut-il que ces entreprises soient incitées à créer des emplois.

Si le taux de chômage est de 10 % et qu'il n'a jamais été, comme cela a été rappelé tout à l'heure, inférieur à 8 % au cours des vingt dernières années, c'est que notre moteur économique est asphyxié, c'est que la création d'emploi est sous contraintes, c'est que les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises ne peuvent pas se développer.

De nombreuses études ont démontré que le moteur économique était anémié du fait de l'impossibilité pour les PME de se développer, de croître. Il n'y a pas de Microsoft à la française, pas d'Intel, car notre réglementation et notre fiscalité sont fossoyeuses d'énergie.

Tout le monde connaît aujourd'hui le cycle infernal dans lequel nous nous débattons depuis des années : des dépenses publiques trop élevées, liées pour partie à un système de redistribution qui atteint ses limites ; une fiscalité trop lourde pour les financer ; ...

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Hervé Novelli. ...la spirale des déficits et de l'endettement.

Le système français ne marche pas : chômage élevé, stagnation de l'investissement et - c'est nouveau - recul de la France dans le commerce mondial avec, à la clef, un déficit commercial, preuve intangible de notre recul en matière de compétitivité. Comme l'a expliqué Thierry Breton lors de sa dernière conférence de presse, la France vit au-dessus de ses moyens. On l'a suffisamment rappelé sur tous les bancs de cette assemblée.

Face à cette situation qui ne satisfait personne et qu'il ne s'agit pas de pérenniser, il est de bon ton d'opposer deux modèles, le modèle danois, scandinave, et le modèle anglo-saxon : le modèle danois, c'est la combinaison d'un accompagnement poussé des demandeurs d'emploi avec un fort volant d'État providence, ce qui se traduit par un niveau élevé de prélèvements ; le modèle anglo-saxon repose sur une protection allégée des demandeurs d'emploi et un contrôle strict de ceux-ci.

Ces deux modèles donnent de bons résultats : le taux de chômage au Danemark, en Suède ou au Royaume-Uni est largement inférieur au nôtre et - surtout - la durée moyenne du chômage y est de quelques mois, contre plus d'un an en France. Toutefois au-delà de leurs différences, ces deux modèles ont un point en commun et pas des moindres : la flexibilité,...

M. Alain Néri. Et la précarité !

M. Hervé Novelli. ...ou la réactivité si le mot vous fait peur !

Que ce soit au Danemark ou au Royaume-Uni, la réactivité est au cœur de la politique de l'emploi et constitue la carte maîtresse de la réussite. La réactivité, ce n'est pas la jungle, mais c'est la possibilité de créer des emplois et de mettre fin aux contrats facilement et à moindre coût.

En France, paradoxalement, au nom de la protection de l'emploi, l'insécurité a été instaurée comme système dominant de notre monde du travail.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Hervé Novelli. Que ce soit au Danemark ou dans les pays anglo-saxons, l'objectif est de minimiser le temps de passage au chômage. En France, on constate l'inverse car le code du travail, en multipliant les dispositifs, les chicanes, pour tenter de limiter les licenciements, a sclérosé l'ensemble de ce marché.

M. Jean-Jacques Descamps. Exact !

Le licenciement n'est pourtant pas un problème majeur si le salarié peut retrouver un emploi au bout de quelques jours ou de quelques semaines.

M. Jean-Michel Fourgous. Eh oui !

M. Hervé Novelli. Toute structure, toute entreprise évolue, naît, grandit et, parfois, meurt. Nul n'a pu maintenir des emplois condamnés, mais force est de constater que certains ont su empêcher de nombreux emplois d'apparaître. En France, malheur à ceux qui perdent leur emploi, car ils savent que la marche pour réintégrer le monde du travail est très élevée.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Hervé Novelli. En fait, au nom de la protection sociale et d'un système d'État providence, on a institué une redoutable machine à exclure.

M. Richard Cazenave. Très juste !

M. Hervé Novelli. Jusqu'à maintenant, les bénéficiaires d'emplois stables s'accommodaient de cet état de fait, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. La réalité, c'est que la stagnation du pouvoir d'achat, la montée des déficits, l'existence d'un chômage structurel sont l'amère traduction de la rigidité de notre droit du travail.

La réalité, c'est qu'à vouloir trop corseter l'emploi, les gisements se sont taris. Par nature, les PME qui sont précisément les premiers de ces gisements sont vulnérables face à l'hypercroissance de la surréglementation.

La réalité, enfin, c'est qu'à vouloir se prémunir contre le chômage, on a favorisé le développement de la précarité. À refuser la flexibilité, on a multiplié les régimes dérogatoires sous forme de stages ou de CDD.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est vrai ! Ça, c'est la précarité, monsieur Néri.

M. Hervé Novelli. Messieurs les ministres, j'approuve l'instauration du contrat « nouvelles embauches » qui permettra aux PME d'embaucher sans subir toutes les contraintes liées à un licenciement éventuel. Contrairement à ce que certains ont souligné, il ne s'agit en aucun cas d'instituer un contrat d'essai pour deux ans ni d'accroître la précarité. En effet, ce contrat, qui s'accompagne d'un volet de droits supplémentaires pour le salarié concerné, fait le pari de l'emploi et de la simplicité. Cela mérite d'être tenté.

De même, le gel des seuils sociaux entre dix et vingt salariés constitue une bouffée d'air...

M. Éric Besson. Vous appelez ça comme ça ?

M. Hervé Novelli. ...pour de nombreuses petites et moyennes entreprises. Le coup de massue des 5 000 euros de plus à partir du dixième salarié constitue aujourd'hui un frein irrationnel au développement. En vertu de quoi une entreprise de plus de dix salariés doit-elle payer plus de charges et être soumise à plus de réglementations qu'une entreprise de neuf salariés ?

À l'instar de ce qui se pratique dans de nombreux pays, il est temps d'établir un code du travail spécifique pour les petites et moyennes entreprises.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Hervé Novelli. De même, lorsqu'on facilite l'accès des PME aux marchés publics, nous ne pouvons qu'approuver.

La reconnaissance du rôle et des spécificités des petites et moyennes entreprises doit s'accompagner d'une rénovation de notre contrat social.

Je parlais de la flexibilité comme point commun des modèles danois et anglo-saxon. Je pourrais insister sur un autre point commun : le rôle dévolu aux partenaires sociaux. Je ne cesse, avec mes amis, de réclamer que les partenaires sociaux s'approprient des champs de compétences et que ces derniers soient juridiquement protégés. L'exécutif et le législatif n'ont pas en permanence à jouer avec la réglementation sociale. Le travail et l'emploi ne peuvent prospérer que sur un cadre garanti et établi par les parties prenantes. C'est pourquoi je suis pour une responsabilisation accrue des partenaires sociaux s'attelant ensemble à une refondation sociale et à une réforme du code du travail.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Hervé Novelli. Ce projet de loi d'habilitation est aussi pour moi l'occasion de réfléchir aujourd'hui à la politique massive menée dans notre pays en matière d'exonérations de charges sociales. La baisse des cotisations sur les bas salaires, engagée en 1993 et poursuivie depuis douze ans, amplifiée par les différentes majorités, est-elle efficace aujourd'hui ? La question mérite d'être posée, d'autant que les allégements de charges n'ont jamais pesé autant sur les finances publiques − 18 milliards d'euros − et que le chômage n'a jamais été aussi important : plus de 10 % de la population.

Nous sommes l'un des seuls pays à avoir opté pour cette voie. Cela pouvait se comprendre en 1993, lorsque le gouvernement d'Édouard Balladur a mis en place les premiers allégements. À cette époque, l'incitation était nouvelle et le choix de la délocalisation pour des raisons salariales beaucoup moins naturel qu'il ne devait le devenir dans les années suivantes. Entre 1993 et 1996, la mesure a sans nul doute permis d'enrichir la croissance en emplois.

Désormais, dans l'économie mondialisée que nous connaissons aujourd'hui, deux cas de figure se présentent : soit le coût du travail est déterminant pour certaines activités, et c'est la délocalisation qui est choisie ; soit le coût du travail est un élément non déterminant dans le processus de formation des prix, et l'allégement des charges est inopérant. Dans les deux cas, il n'est plus une réponse.

Dans une économie mondialisée comme la nôtre, le facteur important, c'est l'offre, car la demande existe. Favoriser l'offre − c'est-à-dire les nouveaux produits, les nouveaux process, l'innovation − devient fondamental et le poids des 18 milliards d'allégements de charges − plus d'un point du déficit de notre pays − insupportable.

Je vous demande, monsieur le ministre, d'apprécier les marges de manœuvre que nous pourrions retrouver si nous entamions dès maintenant la décrue de ce montant dont, soit dit en passant, la moitié incombe à l'application des 35 heures. Remplacer ces allégements par des incitations fiscales pour favoriser l'offre en dynamisant l'innovation, en allégeant la fiscalité de l'entrepreneur et de l'entreprise, voilà des pistes autrement fécondes, parcourues dans d'autres pays, avec de meilleurs résultats.

En conclusion, monsieur le ministre, je veux souligner votre projet de loi comporte des propositions sérieuses qui visent à accroître la flexibilité du marché du travail et à doper l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Il marque la volonté du Gouvernement de récuser toute fatalité en matière de lutte contre l'emploi. Tout n'a pas été tenté, loin de là, et il n'y aurait pas de pire service à rendre au pays que de le faire croire. Il y a une voie à tracer : celle de la flexibilité et de la liberté. J'espère ardemment que c'est celle que le Gouvernement est en train de prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Messieurs les ministres, peut-être trouverez-vous à mon intervention un caractère répétitif, car, comme tous les orateurs de gauche et comme, je l'imagine, nombre de députés UMP s'ils pouvaient s'exprimer librement sur le sujet, je veux dire à mon tour combien nous sommes choqués que le Gouvernement ait choisi de recourir aux ordonnances pour modifier notre législation et notre droit du travail.

M. Richard Cazenave. Allons donc !

M. Jean-Michel Fourgous. Ce n'est pas la gauche qui ferait un truc pareil !

M. Éric Besson. Quelle réponse apporter à ce qui s'est passé le 29 mai ?

Depuis plusieurs années, politiques et commentateurs dissertent sur la crise démocratique que traverse notre pays, mais la seule réponse que vous croyez devoir y apporter consiste à court-circuiter le Parlement. Nous avions donc un Président de la République politiquement irresponsable, en cela qu'il ne rend jamais compte de son mandat et reste hermétique au message des urnes, comme il l'a malheureusement montré constamment depuis le 5 mai 2002. Nous avions un Parlement aux pouvoirs très limités ; il est désormais bâillonné. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Pourtant, vous parlez, il me semble ! On vous a enlevé votre bâillon ?

M. Éric Besson. Le paradoxe, c'est que vous recourez aux ordonnances alors que vous disposez dans cet hémicycle d'une majorité absolue, sinon pléthorique. Je note, en passant, que vous rendez ainsi un bel hommage à Lionel Jospin, qui, malgré la cohabitation contraignante qu'il eût à connaître, malgré une majorité diverse − à l'époque, on la disait « plurielle » - et parfois turbulente, malgré un Sénat qui pratiquait une opposition systématique et ralentissait en permanence nos travaux, n'eut jamais recours aux ordonnances

Je n'insiste pas sur le dialogue social − d'autres en ont parlé avant moi − et je dis simplement que, après avoir reçu, en la matière, tant de leçons de la droite de l'hémicycle, on s'attendait à davantage d'action. On voit ce qu'il en est.

Pourquoi recourir aux ordonnances ? Le Premier ministre nous l'a expliqué : c'est l'urgence et la gravité de la situation qui le justifient. Il est vrai que la situation est grave mais cet aveu même n'est-il pas la reconnaissance d'un échec ? Nous vous en donnons acte. Certes, ce n'est pas mécaniquement le vôtre, monsieur le ministre : on vous a appelé comme un pompier, alors que le mal était déjà fait depuis deux ans et demi.

M. Jean-Jacques Descamps. Depuis 1981 !

M. Éric Besson. L'échec est grave. Votre majorité prétendait réhabiliter le travail, libérer les énergies. Je me souviens des slogans de la campagne de 2002. On voit le résultat : vous avez ouvert les vannes du chômage.

M. Richard Cazenave. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Jacques Descamps. Qu'avez-vous fait, depuis 1981 ? Le chômage s'aggravait quand vous étiez au pouvoir !

M. Éric Besson. En effet, 230 000 chômeurs de plus en trois ans, ce n'est pas rien.

M. Richard Cazenave. Vous avez bénéficié de la croissance mondiale ! Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Et Mauroy ?

M. Éric Besson. Au bout de trois ans de gouvernement Jospin, on comptait 700 000 chômeurs de moins.

M. Jean-Jacques Descamps. Ne parlez pas de Jospin !

M. Éric Besson. Au bout de trois ans de gouvernement Raffarin, il y en avait 230 000 de plus. Les chiffres sont incontestables.

Pour la première fois depuis 1993, notre économie a détruit des emplois. Tous les clignotants, sans exception, sont au rouge, qu'il s'agisse du nombre de RMIstes ou de celui des chômeurs de longueur durée, des personnes de plus de cinquante ans et des jeunes au chômage : un jeune de moins de vingt-cinq ans sur quatre.

L'échec était prévisible. Vous dites − c'est implicite dans toutes vos déclarations − que c'est la faute du manque de croissance.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est la faute du socialisme !

M. Éric Besson. Cela sous-entend que la croissance était forte entre 1997 et 2002, et qu'elle aurait faibli depuis. Or cela est faux, totalement faux : depuis 2002, la croissance mondiale est forte, très forte, exceptionnellement forte. Elle n'est faible que dans la zone euro, particulièrement en France.

M. Richard Cazenave. Non, pas particulièrement en France !

M. Éric Besson. Pour la première fois depuis huit ans, nous faisons moins bien que nos partenaires européens de la zone euro.

M. Richard Cazenave. C'est faux !

M. Éric Besson. Ce sont les statistiques officielles du ministère de l'économie et des finances : si vous les contestez, parlez-en à votre ministre.

M. Richard Cazenave. Nous faisons mieux que la moyenne européenne !

M. Éric Besson. De toute évidence, il y a un mauvais pilotage macroéconomique. On a vu, en 1997, ce que pouvait être un bon pilotage.

Tout cela est lié au slogan de votre campagne électorale de 2002 : priorité aux baisses d'impôts. Vous les avez donc baissés, mais pas tous : si l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune ont diminué, dans le même temps, d'autres impôts, d'autres taxes − ceux que payent la grande majorité de nos concitoyens − ont augmenté. Vous vous êtes ainsi privés de moyens budgétaires et vous avez mis à bas des politiques actives de l'emploi à un très mauvais moment de retournement conjoncturel. On l'a vu avec les emplois jeunes.

M. Richard Cazenave. Ils n'étaient pas financés !

M. Éric Besson. M. Borloo et M. Larcher essaient de reconstruire à la hâte ce que M. Fillon a détruit en deux ans et demi.

Oui, il y a urgence, et vous en êtes responsables. Il était d'ailleurs plaisant d'écouter tout à l'heure M. Novelli et M. Fourgous. Quand on les entend − quand on entend beaucoup de députés de l'UMP −, on se demande s'ils appartiennent bien à la majorité depuis trois ans. À les écouter dresser en permanence un tableau apocalyptique de la situation et des actions publiques, on se dit : vivement qu'ils arrivent au pouvoir ! Si leur description est fidèle à la réalité, qu'attendent-ils pour agir ?

En fait, la seule réponse que vous apportez dans ce plan, c'est d'accroître la précarité. Cela est d'autant plus grave que, parmi les raisons qui expliquent ce qui s'est passé le 29 mai, il y a la saturation qu'éprouvent nos concitoyens à l'égard de la précarité, notamment les jeunes qui enchaînent des CDD et des stages ne débouchant sur aucun emploi. Pour seule réponse, après avoir beaucoup glosé sur le prétendu modèle danois − flexibilité, sécurité −, le Gouvernement propose davantage de précarité avec cette fameuse période d'essai − ou d'embauche, puisque j'ai compris qu'il fallait parler ainsi − de deux ans. Comme si un chef d'entreprise avait besoin de deux ans pour juger quelqu'un, comme si quelques semaines, à l'extrême rigueur quelques mois, n'étaient pas suffisants.

Comment bâtir sa vie sur la précarité ? Qui, sur ces bancs, ignore que, aujourd'hui, sans CDI, personne ne peut obtenir un logement, une voiture, un crédit ? Le contrat que vous allez proposer, le contrat « nouvelles embauches », ne permettra pas à ses bénéficiaires de construire leur vie. Et, comme si cela ne suffisait pas, vous prévoyez qu'ils ne seront pas compris dans le décompte pour le déclenchement des seuils sociaux. Ils seront donc non seulement précaires, mais transparents. Telle est la réponse que vous donnez après le séisme qu'a connu notre pays il y a quelques jours.

Bien plus, vous provoquez des glissements successifs des seuils. Autrefois, on considérait qu'une toute petite entreprise compte moins de cinq salariés. On est passé à moins de dix. Aujourd'hui, vous nous expliquez qu'elle peut en compter moins de vingt. Pourquoi ne pas continuer ainsi, allègrement, jusqu'à cinquante, cent, cinq cents ? Vous êtes dans une logique de toboggan : on sent bien qu'on va aller jusqu'au bout.

La conclusion est simple : ni sur le fond ni sur la forme, vos mesures ne sont acceptables. Je ne vous surprendrai pas en disant que nous les combattrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le recours aux ordonnances n'est jamais une procédure anodine pour un gouvernement.

M. Alain Néri. C'est bien vrai !

M. Richard Mallié. Empiéter sur le domaine de compétence des élus de la nation, qui ont pourtant été mandatés par leurs concitoyens pour mener à bien le travail législatif, n'est jamais bien accueilli par les parlementaires, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.

Cet outil juridique, s'il est particulièrement adapté lorsque les circonstances imposent une action rapide, n'est pas, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, une procédure « normale ». Je sais combien vous respectez les parlementaires que nous sommes, et notre travail. Permettez-moi donc de vous mettre en garde et de vous rappeler que cette procédure, si elle est nécessaire - j'y reviendrai - n'en reste pas moins exceptionnelle.

Il ne pourra en effet jamais être considéré comme normal que les locataires de cet hémicycle acceptent d'être dépossédés, même ponctuellement et pour des raisons circonstanciées, du cœur même de leur mission. Et cela plus encore lorsque le sujet est aussi sensible pour nos concitoyens.

Toutefois, s'il ne peut et ne pourra jamais être normal, le recours à cette procédure n'en était pas moins cette fois nécessaire, et cela pour deux raisons.

La première, et je vous rejoins pleinement sur ce point, monsieur le ministre, c'est qu'il y a urgence. Un nombre de près de trois millions de chômeurs ne peut et ne pourra jamais être acceptable dans un pays tel que le nôtre. Nous nous devions de donner un signe fort à ces hommes et à ces femmes qui perdent espoir et qui attendent des pouvoirs publics une pleine mobilisation en faveur de l'emploi. Sachant que quatre à six mois sont nécessaires avant qu'un projet de loi aboutisse, nous ne pouvions emprunter les voies traditionnelles pour mener cette bataille, qui est aussi la nôtre, en faveur de l'emploi.

La seconde raison qui me conforte dans l'idée que le recours aux ordonnances était justifié, tient au caractère improductif et puéril dont font parfois preuve certains de mes collègues ; je veux bien entendu parler des élus de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Oui, c'est à cause de vous, mesdames et messieurs les députés de gauche, que le Gouvernement a dû faire ce choix !

M. Alain Vidalies. Cela mérite presque un fait personnel, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. Nous savons tous ici combien vous aimez l'obstruction et de quelle imagination vous êtes capables lorsqu'il vous faut barrer la route à ceux qui, enfin, ont décidé d'agir pour donner à chacun ce qu'il est en droit d'attendre. Oui, mesdames et messieurs les députés de gauche, j'ose l'affirmer avec force : le Gouvernement n'avait d'autre choix que de trouver un paratonnerre à l'inaction que vous chérissez tant !

M. Éric Besson. Paratonnerre : le mot est bien trouvé !

M. Alain Néri. C'est vrai que la colère gronde comme le tonnerre !

M. Alain Vidalies. De même que la foudre populaire !

M. Richard Mallié. Parce que nous ne pouvons nous résoudre à ne rien faire, nous nous devions de donner à notre bataille pour l'emploi toutes les chances de réussir.

J'entends déjà les commentaires scabreux s'élever contre mes propos. Pourtant, à quiconque m'accusera de mauvaise foi politique, il me suffira de mentionner deux des projets que nous avons portés non sans mal, en raison de votre attitude improductive : la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie.

Je me suis personnellement beaucoup impliqué dans cette dernière et les heures passées sur ces bancs m'ont amené à la conclusion que si une palme devait être un jour décernée au parlementaire roi de l'obstruction et de l'inaction, vos rangs regorgeraient de prétendants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Après être allés d'exception d'irrecevabilité en renvoi en commission, faudrait-il donc aller de milliers d'amendements en milliers d'amendements ? Mais comment pourrions-nous alors expliquer aux Français que sur un sujet aussi grave que l'emploi nous nous permettions de les faire attendre ? Chaque amendement serait du temps de perdu, de gaspillé, au détriment de l'emploi.

M. Alain Néri. On a connu pire en d'autres temps !

M. Richard Mallié. Pour toutes ces raisons, et parce que le plan que vous nous proposez, monsieur le ministre, me semble particulièrement juste et opportun, je vous soutiendrai pleinement dans votre démarche.

Je tiens notamment à saluer le dispositif d'insertion professionnelle inspiré du service militaire adapté, disposition judicieuse qui a montré toute son efficacité outre-mer, comme j'ai pu le vérifier à La Réunion et à Mayotte. Les entreprises se montrent en effet particulièrement friandes de ce type de formation qui prépare les jeunes non seulement sur le plan professionnel mais tout simplement aussi à la vie.

De la même manière, si la prime à la reprise d'activité est une mesure que nous pouvons saluer, il sera à mon sens nécessaire de parer à d'éventuelles dérives du dispositif, en instaurant un certain contrôle quant à la pérennité de l'emploi proposé au chômeur. On risque en effet de retrouver, une fois de plus, un système D à la française, par lequel les entreprises accepteraient d'embaucher un inactif - qui bénéficierait alors de ces 1 000 euros de prime - pour le débaucher quelques mois plus tard. Cette somme représente un mois de salaire pour un smicard, ce qui n'est pas rien.

Je demeurerai vigilant sur le droit de regard et de modification qui devra rester le nôtre s'agissant des dispositions proposées, mais je n'en suis pas moins convaincu que vous avez fait le bon choix, monsieur le ministre.

Vous ne pourrez toutefois m'empêcher de continuer à déplorer que ce soit la mauvaise foi de certains occupants de cet hémicycle...

M. Alain Néri. Les occupants ? C'était dans un autre temps !

M. Richard Mallié. ...qui nous oblige à bafouer la démocratie pour que les droits de chacun soient préservés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ainsi donc, le Gouvernement a décidé de mettre en place un nouveau plan pour l'emploi - je devrais dire un énième plan - et de prendre des mesures d'urgence par ordonnances.

Le Premier ministre qui, paraît-il, est à l'origine de ce plan, semble vouloir tout faire dans l'urgence. Cela se comprend car le temps lui est compté par le mécontentement populaire. Lui-même a d'ailleurs imprudemment inscrit son action dans un délai de cent jours, ce que personne ne lui demandait. Mais attention : cent jours riment avec Waterloo !

Vous réussissez ainsi, messieurs les ministres, le tour de force d'esquiver deux fois le débat devant la représentation nationale, et cela sur le sujet qui préoccupe de façon prioritaire les Français, à savoir l'emploi : la première en déclarant l'urgence sur le présent texte, la seconde en recourant aux ordonnances, soit deux procédures d'exception. Cela est d'autant plus incompréhensible que votre majorité pléthorique devrait vous rassurer quant à l'issue du débat, à moins que vous ne redoutiez dans ses rangs quelques grincements de dents ?

L'urgence, tel est votre maître mot. Certes, la situation catastrophique de l'emploi nécessite la mise en place rapide de mesures, mais vous semblez confondre vitesse et précipitation. À l'évidence, le projet de loi relève de l'improvisation. Il n'est porteur d'aucune nouveauté et encore moins d'espoir. Il s'inscrit dans la continuité de la politique de régression sociale des gouvernements Raffarin, dont vous étiez d'ailleurs membres. Vous êtes donc à ce titre comptables des mesures prises depuis trois ans et qui ont conduit notre pays à l'état de déprime économique et sociale actuel. Les résultats, catastrophiques, sont éloquents.

La croissance est cassée et ne peut en aucun cas créer des emplois. Compte tenu des résultats déjà enregistrés, elle sera en 2005 plus proche de 1,5 % que de 2 %.

Le chômage a enregistré une hausse vertigineuse : depuis 2002, notre pays compte 230 000 chômeurs de plus, le taux de chômage atteint 10,2 %, soit le vingt et unième rang sur vingt-cinq en Europe, et près d'un jeune sur quatre est au chômage. Quant aux femmes et aux chômeurs de longue durée, ils sont également durement frappés.

Les inégalités et la précarité ont, pour leur part, connu une explosion : la France compte ainsi 1,2 million d'allocataires du RMI, et les embauches se font à 70 % en CDD. L'augmentation annoncée du RMI ne vous dérange d'ailleurs pas beaucoup puisque vous laissez la note aux conseils généraux. Je vous rappelle à cet égard, messieurs les ministres, que vous n'avez toujours pas soldé celle de 2004. Les conseils généraux n'ont pas vocation à être les banquiers de l'État en difficulté financière.

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Alain Néri. Enfin, nous sommes dans l'impasse financière : outre que la dette publique dépassera 65 % du PIB en 2005, 50 milliards au moins de dette sociale sont d'ores et déjà reportés sur les générations futures.

Aussi, contrairement à ce qu'essaie vainement de faire croire le Président de la République, changer de Premier ministre ne signifie pas changer de politique.

Le plan du Gouvernement ne comporte aucune mesure capable de restaurer la confiance et de stimuler l'activité économique et l'emploi. Il risque plutôt d'accroître le désarroi et la colère des Français, coupables à ses yeux de ne pas travailler assez et de faire vivre la France au-dessus de ses moyens. Or c'est toute la politique menée depuis trois ans qui est responsable du désastre économique et social dans lequel se débat notre pays et dont les Français sont les premières victimes. Prétendre le contraire serait une véritable provocation. En ayant recours aux ordonnances, vous voulez simplement avoir les mains libres pour légiférer sans aucun débat.

Le plan pour l'emploi incarne la poursuite de cette politique d'abandon social, qu'il s'agisse de la suppression des cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC à l'horizon 2007 - disposition qui n'aura d'autres effets que de bloquer les bas salaires - ou du développement des emplois de service à la personne. Après avoir accru, dès 2003, les avantages de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, toujours au profit des Français les plus aisés, le Gouvernement entend en effet multiplier les emplois de service qu'il fera financer, comme d'habitude, par les autres, c'est-à-dire par les collectivités locales, plus particulièrement par les conseils généraux.

C'est dans le même esprit que les contrats d'avenir ont été inventés. Destinés aux titulaires de minima sociaux dans le secteur non marchand, ils deviendraient une priorité absolue. Pourtant, rien ne permet à ces contrats à durée déterminée rémunérés au SMIC et d'une durée de vingt-six heures en moyenne par semaine, de favoriser une réinsertion durable, alors qu'ils constitueront une charge supplémentaire pour les conseils généraux. Celui du Puy-de-Dôme, par exemple, dont je suis le premier vice-président, vient de signer - voyez que nous ne sommes pas sectaires - un projet de 650 contrats d'avenir, ce qui représente - excusez du peu ! - une charge de 2 millions d'euros pour les six mois qui restent à courir.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pas du tout !

M. Alain Néri. Comme la participation de l'État va être dégressive, monsieur le ministre, nous allons voir la nôtre croître et embellir chaque année. Merci pour le cadeau !

Le plan pour l'emploi rassemble une collection de dispositions simplistes et dangereuses pour les salariés. Nous y sommes bien entendu totalement opposés. Il traduit l'ambition d'imposer une société de précarité généralisée. Que cache en effet l'instauration du « contrat nouvelles embauches » ?

Les petites entreprises comprenant au moins vingt salariés - ce nombre était encore de dix hier ; il sera peut-être de cinquante après-demain car il semble être à géométrie variable ! - pourront recourir à ce contrat d'un nouveau type : un contrat avec une période d'essai de deux ans. Au nom de la souplesse d'embauche, le Gouvernement invente ainsi un contrat à la précarité extrême.

Les petites entreprises pourront finalement multiplier des embauches pour une durée limitée - de quelques jours ou de quelques mois - sans apporter aux salariés concernés les protections liées habituellement aux CDD en termes de primes de précarité, d'indemnités de licenciement, voire de protection prud'homale. La période d'essai pourra être rompue à tout moment par l'employeur, sans motif et sans recours possible pour le salarié.

Pour les entreprises, le plan est une incitation à ignorer les seuils sociaux, ce qui est inacceptable car ceux-ci garantissent la mise en place de la concertation entre les partenaires sociaux.

Votre politique, messieurs les ministres, se caractérise par une baisse constante du pouvoir d'achat des plus modestes. Tout espoir de relance par la consommation des ménages est ainsi - pardonnez-moi l'expression - « plombé », ce qui est une catastrophe tant économique que sociale. Vous êtes d'autant plus dos au mur que même la baisse de la population active, conséquence mécanique du papy boom, n'enraye pas la montée du chômage.

Certes, votre politique économique et sociale est cohérente depuis 2002. Depuis trois longues années, en effet, vous faites peu pour les investissements, peu pour les salaires, mais beaucoup pour les actionnaires. Il en va ainsi des prélèvements obligatoires, exemple tout à fait instructif : ils ont baissé de 6,1 milliards d'euros pour les entreprises tandis qu'ils augmentent de 1,5 milliard pour les ménages.

Votre politique n'est faite que de bluff et d'annonces jamais suivies d'effet.

M. François Rochebloine et M. Pierre Albertini. Ne soyez pas excessif !

M. Alain Néri. Vous me rappelez celui que l'on montre du doigt dans nos villages et dans nos quartiers, celui qui va au café avec les copains, qui commande la tournée et qui part sans payer, laissant la note aux autres. Vous, vous laissez l'addition aux collectivités locales.

Vous justifiez parfaitement le sigle de votre mouvement politique, l'UMP, qualifié par certains de mes administrés d'Union pour un maximum de précarité...

M. Pierre-Louis Fagniez. Oh !

M. Alain Néri. ...ou bien d'Union pour le malheur des pauvres ou encore d'Union pour une minorité de privilégiés. Je vous laisse le choix. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous pourrions nous livrer à ce petit jeu avec le signe PS, ce serait encore pire !

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est vrai !

M. Alain Néri. Les Français en ont assez. Ils vous l'ont dit trois fois en 2004, lors des élections cantonales et régionales, puis lors des élections européennes. Ils vous l'ont répété le 29 mai dernier en disant non à un traité constitutionnel européen qui aurait encore aggravé la dérive ultralibérale de votre gouvernement. De promesses non tenues en mesures non appliquées, les Français ne vous croient plus.

M. Pierre Hellier. Cela aurait sans doute été mieux avec vous !

M. Alain Néri. Ils ne vous écoutent d'ailleurs même plus. C'est grave, mais il est vrai que vous le leur rendez bien puisque vous êtes sourds aux messages de désespoir que les Français en général, et les plus modestes en particulier, vous ont adressés. Ils vous ont dit qu'ils voulaient plus de social, plus de solidarité, plus d'équité, plus de justice. Ne les désespérez pas davantage.

Et voilà que, maintenant, vous refusez de débattre avec les élus de la nation. Vous refusez d'entendre la représentation nationale. Oui, monsieur le Premier ministre, oui, messieurs les ministres, la France est en crise. Oui, monsieur le Premier ministre, oui, messieurs les ministres, la France est malade de votre politique antisociale et ce ne sont pas les ordonnances du docteur de Villepin qui auront la moindre chance de la guérir, ou même de la soulager.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Ils préféreraient celles de Fabius ?

M. Alain Néri. Les Français sont en colère, ils refusent votre potion amère.

Le divorce entre l'opinion publique et votre gouvernement est tel, le décrochage est si grand, que je suis persuadé que vous ne mesurez pas la gravité de la crise sociale actuelle. Votre attitude de mépris, véritable provocation pour le Parlement est inacceptable. Sous prétexte d'aller vite, vous procédez par ordonnances. Vous voulez avoir les mains libres, vous voulez décider seuls pour remettre en cause le droit du travail. En réalité, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, vous avez peur du suffrage universel et vous craignez le Parlement. Je vous le dis tout net : ce n'est pas ainsi que l'on défend les valeurs de la démocratie et de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, dernier orateur inscrit.

M. Patrick Bloche. Messieurs les ministres, mes chers collègues, intervenant à la fin de la discussion générale, je vais me permettre d'aborder devant vous un sujet qui, à ma connaissance, n'a pas encore été traité dans ce débat.

Alors que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale et dans la présentation du projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre approbation, a évoqué l'urgence de mettre en place des mesures pour l'emploi, je suis frappé de constater qu'un secteur entier de l'activité économique de notre pays, même si ce n'est pas que cela - je veux parler du secteur culturel - n'a pas été pris en compte alors qu'il représente 500 000 emplois.

M. Pierre Albertini. Plutôt 400 000 !

M. Patrick Bloche. Vous savez, cher collègue, pour être membre comme moi du comité de suivi, que les estimations sont variables. En tout cas, on recense plus de 100 000 salariés indemnisés par l'UNEDIC. En l'occurrence les chiffres sont plus précis.

Ce secteur d'activité, qui crée de la croissance, qui apporte donc de la richesse à notre pays, notamment à de nombreuses collectivités territoriales, est en crise depuis deux ans. C'est en effet le 26 juin 2003 qu'a été signé ce que tout le monde considère aujourd'hui comme étant un mauvais accord, celui qui vise à modifier les annexes VIII et X du règlement annexé à la convention relative à l'assurance chômage, c'est-à-dire le régime spécifique qui s'applique aux artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel.

Son objectif était de réduire le déficit de ces deux annexes.

M. Pierre Albertini. Erreur !

M. Patrick Bloche. Or, nous le savons aujourd'hui, et les chiffres sont sans appel, le déficit, loin de décroître, a crû. Et cet accord, mis en œuvre il y a deux ans, a même entraîné des effets si pervers que ceux qui devraient être les plus aidés par l'assurance chômage ont souvent été exclus du bénéfice des indemnités alors que d'autres dans une situation plus favorable, appelés les « permittents », ont vu leurs indemnités augmenter parfois de façon conséquente. C'est donc un mauvais accord, agréé pourtant par le Gouvernement de l'époque.

Depuis deux ans, un comité de suivi s'est créé, à l'Assemblée nationale, pour essayer de résoudre ce problème. À ceux qui me reprocheraient de parler chômage, et pas emploi, je répondrai que c'est d'emploi culturel dont il s'agit. Si nous n'arrivons pas collectivement, évidemment avec les partenaires sociaux, à apporter une réponse à la nécessaire réforme des annexes VIII et X, nous n'arriverons pas à stabiliser l'emploi culturel, extraordinairement fragilisé par ce mauvais accord qui a exclu un grand nombre des bénéficiaires de l'assurance chômage avant le 26 juin 2003. Après une forte mobilisation des intermittents, après les demandes formulées par le comité de suivi, le ministre de la culture et de la communication a dû, dans l'urgence, mettre en place un fonds transitoire lequel a permis, si j'ose dire, de récupérer 4 500 intermittents qui avaient été exclus mécaniquement du bénéfice de l'assurance chômage.

Durant ces deux ans, beaucoup de choses ont été dites sur l'emploi culturel : d'abord dans l'excellent rapport de M. Guillot, qui avait été commandé par le ministre à la demande du comité de suivi, puis par la mission d'information parlementaire Paillé-Kert. Cette mission a formulé plusieurs propositions tendant à stabiliser, à pérenniser l'emploi dans ce secteur marqué par le phénomène d'intermittence. De nombreux acteurs culturels passent en effet d'une période d'activité à une période de moindre activité, même si, pour un artiste, ne pas être en répétition ou ne pas jouer sur scène chaque soir ne signifie pas automatiquement qu'il ne fait rien : souvent, il prépare un autre projet culturel.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Patrick Bloche. Les propositions du rapport Guillot devraient interpeller très directement les deux ministres qui siègent au banc du Gouvernement et je suis très heureux d'ailleurs d'avoir M. Borloo et M. Larcher en face de moi aujourd'hui car notre interlocuteur habituel est le ministre de la culture et de la communication alors que je considère que ce domaine devrait être un domaine partagé.

Parmi ces propositions, je rappelle la nécessité du développement des emplois permanents, de l'accroissement de la durée moyenne du travail annuel rémunéré et des contrats, de l'activation de tous les dispositifs de contrôle et d'emploi, de la prise en compte, lors de nouvelles conventions collectives, des temps de répétition et de préparation. Nombre de ces propositions mériteraient un examen sérieux, voire une traduction dans la loi.

Pour conclure, puisque je pense arriver au terme du temps qui m'est accordé, je vais souligner qu'il faut commencer par résoudre le problème des annexes VIII et X. Le temps passe et le problème n'est en rien résolu puisque nous sommes encore et toujours dans le provisoire.

Certes, la convention UNEDIC doit être renégociée à la fin de l'année mais - je parle au nom du comité de suivi, du moins en accord avec mon collègue Pierre Albertini et les parlementaires de tous les groupes qui le composent - il nous paraît indispensable, puisque le dialogue a été renoué avec les partenaires sociaux et qu'un nouveau rendez-vous a été fixé à la mi-septembre, de parvenir dès l'automne à une solution. Il serait détestable que nous passions l'année, et que nous repoussions au début de l'année prochaine la résolution de ce problème.

Une proposition de loi, signée par 307 députés, c'est-à-dire par la majorité des députés, vient d'être déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale. Nous attendons son inscription à l'ordre du jour de notre assemblée.

Je voulais, messieurs les ministres, chers collègues, rappeler ces quelques éléments pour que, dans notre débat, nous n'oubliions pas ceux que l'on devrait appeler plus souvent les « travailleurs de la culture ». Il y a urgence. Il s'agit certes d'une question d'assurance chômage mais aussi d'une question d'emploi, et d'un emploi qui profite, nous le savons, à toute la collectivité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2403, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi :

Rapport, n° 2412, de M. Claude Gaillard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot