Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)
Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
(HTML) - (PDF)

 

Deuxième séance du mercredi 29 juin 2005

243e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente-cinq.)

Rappel au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, les présidents de séance nous font toujours beaucoup d'histoires si nous dépassons notre temps de parole ne serait-ce que de deux minutes. C'est d'ailleurs normal, puisqu'il y a des contraintes horaires. Je vous signale néanmoins que j'étais là à l'heure et que j'aurais pu prendre le pouvoir, présider, faire n'importe quoi, car il n'y avait alors ni président, ni rapporteur, ni ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais je suis là !

M. Maxime Gremetz. J'avais autre chose à faire ce soir, mais j'ai couru pour venir jusqu'ici. Il faudrait donc respecter les députés qui, eux, sont à l'heure, qui, lorsqu'ils ne le sont pas, ne peuvent pas défendre leurs amendements, et qui ne peuvent pas parler deux minutes de plus.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

    2

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (nos 2403, 2412).

Cet après-midi, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le sentiment dont je veux vous faire part, à l'issue de la discussion générale, est que le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, concerne en réalité 1,7 million de travailleurs français qui travaillent seuls et se trouvent dans une situation difficile.

Si l'on élargit ce cercle, il s'appliquera à environ 5 millions de personnes qui sont soit des travailleurs acharnés, soit leurs compagnons ou leurs collaborateurs, qui travaillent beaucoup également.

Dans l'ensemble, ils ont été les oubliés de nos dispositifs nationaux d'accompagnement.

Si je devais résumer cette loi d'habilitation et les ordonnances qu'elle concerne, je dirais par conséquent qu'il s'agit d'une main tendue, d'une marque de tendresse, de respect et même d'estime pour ces travailleurs français.

Au fond, après avoir écouté tout au long de la discussion générale l'intervention des orateurs des différents groupes, j'ai trouvé peu d'arguments...

M. Maxime Gremetz. Vraiment ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...qui puissent nous décourager de soutenir cette partie de la société française qui travaille d'arrache-pied.

M. François Rochebloine. Vous avez mal écouté, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies. Dans ce cas, nous répéterons nos arguments en présentant nos amendements !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. J'ai entendu, certes, des arguments divers et variés, ou plutôt des commentaires généraux sur la politique du Gouvernement ou le traditionnel débat sur l'utilisation des ordonnances.

M. François Rochebloine. Tout de même !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Franchement, il serait pour le moins étonnant que, dans une enceinte parlementaire, personne n'émette de réserves sur ce point.

M. Alain Néri. Si c'était le cas, vous en seriez le premier surpris !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Toutefois, M. Guy Geoffroy a expliqué avec brio que le recours aux ordonnances est prévu de longue date par nos institutions. En l'espèce, c'est un gage de rapidité et de méthode.

M. Alain Vidalies. C'est du moins ce que prétend la majorité !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il a expliqué, enfin, que ce recours aux ordonnances, autorisé par la loi d'habilitation, est pragmatique...

M. Jean-Louis Dumont. C'est surtout un signe de faiblesse !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...et que celles-ci avaient pour but de lever les incertitudes qui ont trop longtemps pesé tant sur les travailleurs indépendants que sur les responsables d'entreprises de taille modeste et leurs collaborateurs.

J'ai également entendu M. Vidalies nous expliquer, dans un exposé professoral fort bien construit, témoignant d'un style certain et de qualités intellectuelles très grandes, que le Gouvernement était dans une logique générale de remise en cause des droits sociaux.

M. Alain Néri. C'est la vérité !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. La vérité est qu'il n'a pas pu justifier cette assertion : il semble oublier que, il y a encore une quinzaine de jours, les salariés des entreprises de moins de dix employés n'avaient quasiment pas de droits sociaux.

M. Maxime Gremetz. Pourquoi ? Le code du travail ne s'applique pas à leur cas ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il ne nous a pas non plus expliqué en quoi les contrats à durée déterminée, qui représentent aujourd'hui 71 % des recrutements des très petites entreprises, sont en soi un acquis social majeur.

M. Alain Vidalies. Ce n'était pas le cas avant votre texte, mais cela risque de le devenir !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il s'est perdu dans l'exégèse de la convention n° 158 de l'OIT, qu'il a probablement mal lue - ce qui est surprenant compte tenu de sa qualité universitaire - notamment en ce qui concerne les conditions, le contexte et les délais de convenance qu'elle prévoit. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Enfin, il s'est interrogé sur la fraude éventuelle à laquelle pourrait donner lieu le chèque-emploi. Il a raison de poser cette question. Mais je le rassure : bien entendu, le chèque-emploi ne fait obstacle ni aux conventions collectives du secteur ni à la déclaration sur le registre unique, qui est indispensable pour lutter contre le travail clandestin dans notre pays.

M. Alain Vidalies. Mon inquiétude portait en fait sur la déclaration préalable d'embauche !

Mme la présidente. Monsieur Vidalies, c'est M. le ministre qui a la parole !

M. Alain Vidalies. Permettez-moi de l'aider, madame la présidente ! (Sourires.)

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis très sensible au soutien du professeur...

M. Jean-Louis Dumont. Qu'avez-vous contre les professeurs ? C'est une profession noble !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...mais je rappelle que c'est le registre unique qui permet de contrôler les fraudes éventuelles à l'embauche.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mme Valérie Pecresse...

M. Maxime Gremetz. Elle n'est pas là !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...a soulevé un problème crucial en s'inquiétant de l'articulation entre la vie professionnelle des femmes et les autres cadres dans lesquels elles sont amenées à travailler. Elle a notamment rappelé le programme de votre ami Tony Blair, messieurs les députés socialistes, concernant le « re-travail » des femmes. Elle a aussi évoqué la nécessité de développer la fameuse logique de VAE, c'est-à-dire de validation des acquis de l'expérience.

Il y a quatre choses que je tiens à dire à Mme Pecresse.

M. Maxime Gremetz. Où est-elle donc ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. La première est que ce sujet est crucial. Il n'est pas anodin que les contrats d'avenir soient ouverts aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé et aux RMIstes.

M. Maxime Gremetz. Je constate que le ministre répond aux députés absents et omet de répondre à ceux qui sont dans l'hémicycle !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. La deuxième chose que je tiens à dire est que, vendredi dernier, j'étais avec le Premier ministre en Champagne-Ardenne pour tenir une réunion de travail sur les contrats d'avenir, le RMI et l'API. Sur les cinq femmes réunies autour de la table, quatre étaient allocataires du RMI et une, de l'API.

M. Jean-Louis Dumont. Évidemment, aucune n'était ministre ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Décidément, je pense que j'aurais mieux fait de répondre aux orateurs avant le dîner ! (Sourires.)

Une chose est clairement apparue au cours de cette réunion : pour l'essentiel, il s'agissait de femmes qui avaient pu connaître des moments difficiles - divorce, rupture, changement de vie -, mais elles avaient l'envie et même la volonté de regagner le monde du travail et, toutes, elles avaient signé des contrats d'avenir pour y parvenir.

Ma troisième observation concerne le fait que, pour une femme, exercer une profession, c'est devoir résoudre toutes les difficultés de la PME familiale, qui vont de la garde des enfants à celle, dans certains cas, des anciens de la famille. Les femmes sont souvent très impliquées dans ces difficultés. Or le texte de loi sur les services à la personne est de nature à rendre compatibles, pour certaines d'entre elles, le retour à l'activité professionnelle et la nécessité d'assumer les responsabilités de la PME familiale.

M. Simon Renucci nous a parlé des quartiers difficiles et du SMIC. J'aurais aimé lui répondre directement sur ces quartiers puisque, dans sa bonne ville d'Ajaccio, il gère deux dossiers qui sont enfin soutenus par un programme national d'envergure. Quant au SMIC, je rappelle que les socialistes ont partagé pendant un temps le travail et les revenus du travail, selon un principe qui portait le titre aimable de « modération salariale ». Vous conviendrez toutefois, messieurs les députés de l'opposition, que, depuis que l'actuelle majorité est en place, un travail considérable a été accompli, sous l'égide de Gérard Larcher, en ce qui concerne la revalorisation et la convergence des SMIC, ainsi que l'amélioration des grilles prévues par les conventions collectives. Savez-vous que, parfois, les sommes y étaient encore indiquées en francs ? En effet, certaines branches n'avaient pas renégocié depuis huit, neuf ou dix ans les classifications ni les rémunérations minimales. Grâce à Gérard Larcher, ce travail est aujourd'hui enclenché par la DRT. Dans ce domaine, nous n'avons donc aucune leçon à recevoir.

Fort de son diagnostic de médecin et de son ancrage dans sa Bretagne natale, M. Le Guen nous a expliqué à juste titre qu'il fallait passer d'un système d'allocation à un système de gestion des ressources humaines. Il a également souhaité un rapprochement de tous ceux qui contribuent au service public de l'emploi et nous a demandé de défendre l'aide à la personnalisation et au retour à l'emploi, ainsi que le dossier et le guichet uniques, qui feront partie de la convention tripartite.

Quant à M. Gremetz, il nous a expliqué trois choses importantes : d'abord que la loi d'habilitation est un déni de démocratie, ensuite qu'elle témoigne d'un désintérêt à l'égard des partenaires sociaux et enfin qu'elle accentuera la précarité des contrats.

M. Jean-Marie Geveaux. Tout dans la nuance !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et encore ! Je m'en tiens à la journée d'aujourd'hui. Nous avions eu l'occasion d'évoquer d'autres sujets hier.

Le déni de démocratie, monsieur Gremetz, consisterait à utiliser d'autres procédures que celles que la loi et la Constitution autorisent. Quand on applique les textes en vigueur dans une République, on ne quitte pas le cadre de la démocratie.

M. Maxime Gremetz. Vous oubliez le 29 mai !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. En ce qui concerne les partenaires sociaux, vous savez que c'est un sujet qui nous est particulièrement cher, à Gérard Larcher et à moi-même.

M. Maxime Gremetz. Vraiment ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous savez aussi bien que moi, monsieur Gremetz, que les rapports avec les partenaires sociaux ne relèvent pas en permanence des grands-messes symboliques ni de la caméra. Ils se tissent jour après jour. Il en va de l'équilibre de nos institutions.

Dans ce domaine, le principal, c'est la parole donnée. Les organisations syndicales qui gèrent une partie importante du développement de notre pays - le logement social, l'UNEDIC, les différentes caisses pourvoyant à la protection de la santé ou de la famille - et qui assurent en outre le financement de la formation professionnelle ou de l'apprentissage sont des partenaires avec lesquels Catherine Vautrin, Gérard Larcher et moi-même travaillons quotidiennement. En la matière, nous avons évidemment écouté et entendu chacun, et discuté cartes sur table.

Au passage, permettez-moi de répondre à M. Le Garrec, qui nous a reproché nos hésitations sur les mots, les procédures ou la portée du dispositif. Je lui rappelle qu'il ne faut pas confondre l'hésitation et l'écoute. Il n'y a pas d'écoute, en effet, si l'on n'adapte pas son vocabulaire, sa vision ou les dispositions que l'on prend à ses interlocuteurs. Ce que l'on nomme hésitation, lorsqu'on est dans l'opposition, s'appelle, quand on est dans la majorité, respect de l'autre et capacité à prendre en considération des éléments d'information, des événements et des logiques différents.

Avant d'en revenir à vous, monsieur Gremetz, et à la précarité, je profite de l'occasion pour répondre sur un deuxième point à M. Le Garrec, qui s'est cru autorisé à faire état de la « méfiance » de l'UPA. Ne nous y trompons pas.


L'UPA pense, comme nous, que les très petites entreprises doivent, non seulement être capables de prendre la responsabilité d'embaucher, mais aussi être attractives, eu égard à leur taille et à leur secteur d'activité. Il est plus facile de recruter pour EADS que pour un artisan, un petit commerçant ou un tout petit entrepreneur : méconnaître cette réalité serait une erreur.

Le nouveau contrat d'embauche qu'a proposé le Premier ministre essaie de satisfaire à cette double exigence : d'une part, proposer une meilleure voie d'accès à ces secteurs que l'actuel CDD et valoriser ces professions, et d'autre part permettre à celui qui travaille seul, ou avec une ou deux personnes, de sauter le pas d'une nouvelle embauche.

Au fond, indépendamment des critiques, légitimes ou non, qu'on peut porter contre l'action gouvernementale, indépendamment des oppositions entre les différentes visions qu'on peut avoir des réalités sociales, la discussion générale a fait clairement apparaître la difficulté de l'opposition à se positionner face à ce texte.

Vous nous reprochez, monsieur Gremetz, la précarité de ces nouveaux contrats. Soyez sincère : vous n'ignorez pas que 71 % des salariés des très petites entreprises sont en CDD.

M. Maxime Gremetz. Justement ! Il ne faut pas en rajouter dans la précarité !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Cela signifie qu'ils ne bénéficient d'aucune espèce de garantie, qu'ils savent, avant même de commencer à travailler, qu'ils ne resteront pas : quelle merveilleuse, quelle formidable perspective de vie ! Vous allez avoir beaucoup de mal, monsieur Gremetz, à soutenir durablement qu'un CDD de trois mois vaut mieux que ce nouveau contrat.

M. Maxime Gremetz. Je le soutiens !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il est vrai que vous avez soutenu la création des CES, qui étaient, eux, de trois mois renouvelables : il y a donc une cohérence dans vos choix. Mais vous aurez quand même du mal à soutenir mordicus qu'un CDD de trois mois est préférable à un CDI comportant des conditions de rupture adaptées à la taille de l'entreprise, qui permettent d'accéder plus tôt à l'allocation chômage, qui, à la différence d'un CDD, ouvrent droit à des indemnités, supérieures à celles qu'on peut obtenir dans le cadre d'un CDI à l'issue désavantageuse, et payées préalablement à la rupture du contrat.

M. Maxime Gremetz. Mais on ne pourra pas contester le licenciement !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous êtes, monsieur Gremetz, suffisamment familier de nos institutions pour savoir que toutes les conditions particulières de rupture de contrat de travail, qu'elles relèvent de l'ordre public ou de la tradition républicaine - non-discrimination, statut des travailleurs protégés, règles de licenciement économique, etc. - continueront évidemment à s'appliquer dans le cadre de ce nouveau dispositif.

Monsieur Mariton, vous nous avez expliqué pourquoi, au-delà du mot d'« urgence », il était nécessaire tout simplement d'aller vite, et pour plus d'une raison. Vous avez notamment rappelé ce que l'opposition sait aussi bien que nous : lorsqu'on a annoncé publiquement de bonnes dispositions - des aides, telles que les 1 000 euros prévus pour les chômeurs de longue durée ou pour les jeunes des secteurs en difficulté, ce contrat de nouvelle embauche - il faut absolument que ces dispositifs soient immédiatement opérationnels, ou du moins le plus rapidement possible. Il s'agit d'éviter les effets d'aubaine et les conséquences négatives qu'entraînerait tout retard, contribuant encore au discrédit qui frappe le discours politique. Vous l'avez dit, monsieur Mariton, il s'agit de rétablir la confiance, celle notamment des quatre millions de personnes qui travaillent dans ce secteur, et qui travaillent dur.

Cette confiance sera aussi nourrie par la cohérence, améliorée, aménagée, et la complémentarité de l'ensemble des dispositifs en faveur de l'emploi prévus par le plan - apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat d'avenir. Au-delà de mesures ponctuelles se dessine petit à petit la cohérence de l'organisation souhaitée par le Gouvernement et soutenue par le Parlement.

Mme Hoffman-Rispal a parlé de l'attractivité de ces entreprises, et je veux en profiter pour répondre à toutes les questions qui se posent en la matière. Les attentes de l'UPA - puisque c'est d'elle dont il s'agit - sont de deux ordres. Elle nous demande d'une part de mettre à la disposition des artisans et des petits entrepreneurs un contrat qui permette de sortir ces entreprises d'une « ultraprécarisation » qui les rend peu attirantes pour des salariés qui souhaitent vraiment s'engager. Elle veut d'autre part qu'on limite le plus possible les risques insensés que prennent ces entreprises quand elles recrutent.

M. Novelli a évoqué deux points particuliers. Il a d'abord souligné le paradoxe qui voit deux modèles apparemment - médiatiquement ou idéologiquement - opposés, le britannique et le danois, réussir finalement mieux que le nôtre. C'est que les deux avaient préféré, à un système d'allocation, un système de gestion des ressources humaines, et qu'en réalité le débat porte moins sur l'idéologie que sur le mode d'organisation de nos forces. Les deux modèles ont fusionné l'offre publique, institué de véritables bilans de compétences, consacré des moyens au suivi, des entreprises comme des demandeurs d'emplois.

Il a aussi ouvert le débat qui nous attend dans les mois - je l'espère - ou les années qui viennent, celui des exonérations de charges.

M. Maxime Gremetz. Nous y voilà !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce débat a pris des proportions exagérées depuis qu'a été décidé le partage du travail, des rémunérations et de la compétitivité. Vous le savez : les 35 heures ont imposé aux ouvriers français la modération salariale, et à la collectivité nationale, notamment à travers la convergence des SMIC, la compensation de la perte de compétitivité qu'elles ont entraînée. Le coût s'élève aujourd'hui à dix-huit milliards. Personne, sur aucun de ces bancs, ne peut prétendre sérieusement que ces dix-huit milliards ont un impact positif direct sur l'emploi. Il est vrai que si l'on n'avait pas compensé, autant que faire se peut, la réduction de la compétitivité des entreprises françaises, on aurait assisté à une destruction d'emplois dont on ne peut pas mesurer l'ampleur.

En tous les cas, nous en sommes là : dix-huit milliards, et une dépense « dynamique », comme on dit à Bercy, et j'oserais dire « millénaire ».

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas à cause des 35 heures, mais des exonérations sur les bas salaires !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. La question qui se pose aujourd'hui, et que pose Hervé Novelli, est celle des moyens de sortir de ce système. Y répondre suppose qu'on distingue deux sortes de réductions de charges : celles qui bénéficient à des secteurs, du tertiaire en général, qui n'auraient pas de modèle économique s'il n'y avait pas de compensation, ou une autre assiette du coût du travail : il s'agit notamment des services à la personne non solvabilisés, et celles qui bénéficient à des secteurs menacés de délocalisations.

Cette question de la pertinence et de l'efficacité de l'assiette globale du coût du travail mérite à l'évidence d'être posée globalement, pour l'ensemble des secteurs d'activité et des entreprises, quelle que soit leur taille.

M. Besson nous a expliqué que nous revenions finalement à la logique d'un pacte de cohésion sociale, que nous aurions eu le tort de démonter. Il oublie simplement de rappeler ce que nous avons accompli en matière de sécurités, et les réformes si longtemps différées, de la retraite, de l'assurance maladie, et bien d'autres.

Richard Mallié nous a précisé qu'en tant que parlementaire « pur et dur », il n'était pas un fanatique des ordonnances, mais qu'il fallait être en ordre de marche le 1er septembre. Et il a ajouté deux points importants, que j'ai peu entendus de ce côté-là de l'hémicycle.

Il a rappelé que le service militaire adapté, c'était formidable. Le SMA, c'est en effet la puissance de formation professionnelle de l'armée française mise au service de notre économie et des plus fragilisés de nos concitoyens.

M. Maxime Gremetz. Il n'y a qu'à rétablir le service militaire obligatoire pour les pauvres !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ça marche dans nos territoires d'outre-mer : il faut que ça marche en métropole.

Il a enfin soutenu les primes de 1 000 euros.

Vous me permettrez, monsieur le député du Puy-de-Dôme, de corriger votre propos sur quelques points.

M. Alain Vidalies. On ne corrige pas Alain Néri ! (Sourires.)

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous avez ainsi prétendu que les emplois de service allaient faire peser de nouvelles charges sur les conseils généraux. Je vous renvoie au texte de loi, monsieur Néri.

M. Alain Néri. C'est surtout la monnaie que je voudrais que vous me renvoyiez !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous rappelle que ce texte ne crée aucune obligation financière supplémentaire pour les conseils généraux, bien au contraire. Il permet en effet aux associations travaillant dans ce secteur dont une partie de l'activité est financée par les conseils généraux, de développer cette activité de façon à amortir les frais généraux des secteurs dont vous avez la charge. Cela entraînera donc une réduction globale de votre contribution dans ce domaine.

Par ailleurs, monsieur Néri, je ne peux pas vous laisser dire que les contrats d'avenir sont une charge supplémentaire pour votre collectivité. En tant que vice-président du conseil général du Puy-de-Dôme, qui a en charge les bénéficiaires du RMI - « I » comme isolement - vous savez que l'État met à votre disposition des sommes considérables pour permettre à ces populations de passer du RMI à un contrat travail formation. Je pense donc qu'il ne s'agit entre nous que d'un défaut de communication. Vous avez d'ailleurs eu la gentillesse de reconnaître que votre conseil général s'était engagé dans ce processus.

Il est certes toujours loisible de débattre sans fin de la pertinence de la décentralisation et de ses conditions. Mais reconnaissons qu'il s'agit là d'un domaine auquel l'État, bien qu'il ne relève plus de sa compétence, consacre, au titre de garant de la cohésion républicaine, des moyens, hors transferts, pour que ces publics en difficulté bénéficient d'une formation et d'un travail.

M. Alain Néri. Sans vouloir vous corriger, monsieur le ministre, vous me devez neuf millions d'euros pour l'année 2004.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis convaincu, monsieur Néri, qu'on vous doit des kilomètres de routes ou d'autoroutes. Mais je suis en train de vous parler des contrats d'avenir.

M. Alain Néri. Et moi je vous parle du RMI !

M. Pierre Méhaignerie. Combien de dégrèvements sont pris en charge par l'État ?

Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je voulais simplement dire qu'on peut toujours discuter à l'infini, mais que sur ce point il n'y a qu'un défaut d'information.

M. Albertini...

M. François Rochebloine. Ah !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.... a évoqué des points importants. Il nous a ainsi fait part de son intérêt pour la suppression de la contribution Delalande, qui est, vous le savez, entre les mains des partenaires sociaux.

M. Maxime Gremetz. Vous ne les écoutez pas !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. S'agissant, monsieur Gremetz, de sujets qui relèvent directement de la négociation entre les partenaires sociaux, c'est à eux d'être en première ligne pour en débattre, et c'est le cas en ce moment. Dans l'hypothèse où ces discussions n'aboutiraient pas, nous prendrions alors, Gérard Larcher et moi-même, nos responsabilités.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. M. Albertini a ensuite posé quelques questions pratiques à propos du contrat de nouvelle embauche, relativement à la définition du mode de calcul de l'indemnité de rupture ou au niveau du revenu de remplacement.

Il a aussi fait des propositions, telles que la création d'emplois francs ou un meilleur pilotage du service de l'emploi. Il souhaite en particulier qu'on tire toutes les leçons de l'expérimentation Lille-Rouen. À ce propos, je suis heureux de rappeler à M. Albertini que c'est grâce à la loi de cohésion sociale, votée il y a peu par l'UDF, que cette expérimentation a pu avoir lieu.

M. François Rochebloine. Ce qui est bon, nous le votons !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis donc convaincu que vous voterez ce texte !

Je crois, moi aussi, que cette expérimentation était féconde, et nous saurons en tirer les conséquences.


Mais cela n'est possible que dans le cadre d'un service public unifié de l'emploi, pas par de la sous-traitance ponctuelle dans telle ou telle expérimentation.

M. Albertini a aussi demandé des précisions concernant le contrat nouvelles embauches. C'est là tout l'objet et tout le sujet de l'ordonnance. Il aura donc toutes les réponses. Pour ce qui est des conditions d'obtention d'une forme d'allocation chômage, ce sera une aide temporaire de l'État qui sera mise en place. Cela va être arbitré dans l'ordonnance, mais le seuil sera bien moindre que 180 jours - 140, 160 ou 120 jours, en tous les cas ce sera une nette amélioration. Dès lors qu'il y aura eu une indemnité de rupture, elle sera progressive en fonction du temps passé dans l'emploi. En tout état de cause, il y a une chose qui est certaine : cette indemnité de rupture sera payée avant la rupture du contrat. Ce pays a un défaut formidable, c'est qu'on a des droits, mais du mal à les faire appliquer. Songez à la situation du salarié d'une très petite entreprise qui, pour des raisons diverses et variées se retrouve dans une situation de licenciement ; il n'a alors que ses larmes pour pleurer. Il est démuni, en général dans une situation personnelle qui ne lui permet pas de disposer de marges de manœuvre financières considérables. Comme il n'a aucune autre capacité de saisine, il est obligé d'entamer des procédures judiciaires qui durent de sept à vingt-quatre mois, pour obtenir - à condition d'avoir un bon dossier sans faute procédurale - quelques indemnités de licenciement. Avouez que cette situation n'est pas convenable.

Je pense donc que le fait que la rupture ne soit acquise qu'après parfait paiement des indemnités prévues par la loi constitue une avancée pour les salariés concernés. C'est une avancée considérable, une novation juridique dans le cadre du droit du travail. Car vous savez que des droits bien tardifs, des droits incertains ou des droits inconnus, ça ne permet pas de nourrir sa famille au quotidien.

M. François Rochebloine. Et les emplois francs ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Sur les emplois francs, la proposition de M. Albertini rejoint la question posée par Hervé Novelli. Je vais vous donner le fond de ma pensée, qui est évidemment une position gouvernementale - ce qui n'est pas une position gouvernementale, c'est l'arbitrage et la décision, parce qu'il faut travailler. Nous héritons d'un modèle qui a fait reposer l'essentiel de nos sécurités - comme de nos insécurités - sur le contrat de travail. La société a changé. C'est un système qui fonctionnait assez bien en plein emploi théorique, dans un modèle économique franco-centré, dans un système plutôt industriel où la part de salaire est relativement faible par rapport à la part d'investissement. Mais c'est un modèle qui a de plus en plus de mal à vivre et à respirer, plus on va vers la tertiarisation - ce qui explique d'ailleurs le débat sur les charges et sur les compensations. On peut poser le problème en termes d'emplois francs, on peut le poser en termes de modèle économique comme l'a fait Hervé Novelli, mais croire qu'on va rester éternellement à 56 % de charges, que la masse salariale représente 8 % ou 90 % du coût de la prestation, alors qu'un gouvernement, quel qu'il soit, n'a d'autre choix que de compenser tout ou partie des charges, cela mérite à l'évidence d'être reconsidéré. La proposition de réponse faite par l'UDF existe. Mais elle est objectivement partielle puisqu'elle n'est que marginale pour la création d'emploi.

M. François Rochebloine. Elle est positive !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je pense que vous pourrez vous associer, monsieur Rochebloine, à une réflexion plus large, sur l'ensemble du modèle. En tous les cas, aux alentours de Noël, ce sera le grand débat que nous lancerons. Et ne vous y trompez pas, tous les partenaires sociaux, quels qu'ils soient, CGPME, UPA, MEDEF, CGT, tout le monde...

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...est prêt à examiner objectivement deux problèmes de notre système : comment protéger l'individu dans une société de mobilité ? Comment faire évoluer le coût global ou le financement des sécurités sociales ? Nous n'échapperons évidemment pas à ce débat-là. Nous sommes prêts à l'ouvrir entre la rentrée et Noël.

M. Germinal Peiro nous a parlé de l'échec de l'apprentissage. Celui-ci se jauge en fonction de la réponse à deux questions : quel est le taux de fidélité de l'apprenti par rapport à son parcours ? Quel est le nombre de jeunes qui s'engagent dans l'alternance ? Dans ce domaine, je suis bien obligé de dire à M. Germinal Peiro que son chiffre de 40 % d'échecs est inexact. Il est même grave qu'il soit dit dans cet hémicycle. Ce chiffre est supérieur dans une branche professionnelle, que vous connaissez bien, la branche HCR. Mais il est évidemment sans aucun rapport avec la réalité dans la plus grande partie des branches, où on arrive à des taux de fidélité extrêmement élevés, sauf quand l'apprenti, dans son libre choix, décide de changer de branche professionnelle. Mais dans ce cas-là, s'il le fait, c'est parce qu'il va retrouver une activité immédiatement.

En plus, venir nous dire, à nous, que l'apprentissage est un secteur où l'échec est important, alors que nous avons lancé un plan global sur l'apprentissage avec une exonération fiscale de 1 600 euros par apprenti, que nous signons avec les collectivités territoriales, quelles qu'elles soient, de gauche comme de droite, des programmes d'amélioration de 40 % du nombre de places offertes, est déplacé.

M. Fourgous a voulu, dans une fresque dont il a le secret, nous faire partager son amour pour les entreprenants de ce pays. Là où il a absolument raison, c'est qu'une société a besoin d'entreprenants et d'entrepreneurs. C'est une évidence, même si c'est une voix qui porte difficilement dans une ambiance qui est un peu fermée dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), c'est une forme de rappel à l'ordre qui ne fait pas forcément de mal.

M. Alain Néri. Pas le plus grand bien non plus !

M. Gaëtan Gorce. Pourquoi « ambiance fermée » ? Qu'est-ce que ça veut dire, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Cela provient de la configuration des lieux, monsieur le député.

En conclusion, la majorité est très détendue sur ce texte.

M. Maxime Gremetz. Oh non !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Si, elle est très détendue car les ordonnances vont permettre, pour une fois, de réduire la distance entre la parole publique et l'action publique : on dit qu'on va faire les choses, et on les fait dès la rentrée. Elle est détendue, même si nous avons des parlementaires chevronnés qui préféreraient travailler le texte. En même temps, il y a une forme de confiance avec l'habilitation, puis la ratification. Il y a ce souci d'aller vite. Pour une fois, nous n'aurons pas ce délai d'un an ou d'un an et demi, avec lois et décrets. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).

M. Alain Néri. Vous avez peur du Parlement !

M. Maxime Gremetz. Mais supprimez le Parlement, si c'est tellement urgent !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais nous sommes au Parlement, monsieur Gremetz.

La deuxième raison pour laquelle la majorité est au fond extrêmement détendue (Mêmes mouvements),...

M. Maxime Gremetz. On ne légiférera plus !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...c'est qu'on va trouver l'équilibre entre l'aide à ces forçats du travail que sont les travailleurs indépendants et l'aide à leurs salariés. Nous allons leur tendre la main, leur simplifier la vie. Les 1 000 euros, on peut en discuter dans les métiers en tension. Peut-être même qu'il y aura un effet d'aubaine de 10 %.

M. François Rochebloine. Simplifiez, mais vite !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais comme il s'agit de donner un signal à cette France qui travaille, la majorité est détendue. La majorité est heureuse et détendue que l'armée participe, par ses capacités de formation professionnelle, à la formation des jeunes de nos quartiers. Et puis, finalement, vous êtes très embarrassé dans l'opposition, parce que dire non, c'est dire oui aux 72 % de CDD dans les très petites entreprises,...

M. Maxime Gremetz. Arrêtez, monsieur Borloo !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...c'est dire que les entrepreneurs de très petites entreprises ont raison de ne pas embaucher. C'est très embarrassant de dire qu'on ne veut pas les 1 000 euros dans les métiers en tension, qu'on ne veut pas les 1 000 euros pour les chômeurs de longue durée, qu'on ne veut pas que l'armée républicaine de notre pays participe à la formation professionnelle ! C'est très embarrassant tout ça !

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Finalement, ce que vous avez appelé « l'hésitation », nous l'avons appelé « l'écoute », et nous avons ainsi réussi à créer modestement quelque chose. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Vous avez votre projet : c'est celui du MEDEF ! Et vous l'appliquez !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et le plus embarrassant, ce qui fait d'ailleurs que vos propos ont été extrêmement mesurés, c'est que tout ça finit par s'inscrire dans une cohérence, dans plusieurs petits réacteurs : le réacteur « apprentissage », le réacteur « contrat de professionnalisation », le réacteur « contrat d'avenir », le réacteur « CAE », le réacteur « services à la personne », et maintenant le réacteur « CNE ».

M. Richard Mallié. C'est ça qui les ennuie !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il y a beaucoup de contrats différents, nous dit-on. Mais : oui, messieurs, parce que la vie est diversité.

M. Richard Mallié. C'est vrai !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il n'y a pas une situation semblable. On ne traite pas tous les cas de la vie dans le cadre rigide d'un seul contrat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé sur l'article 58, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Il faudrait que le ministre précise les propos qu'il vient de tenir quand il a qualifié cette assemblée de « cercle fermé ».

M. Richard Mallié. Il a dit pourquoi !

M. Gaëtan Gorce. On avait bien compris que le Gouvernement ne souhaitait pas que cette assemblée puisse débattre de son plan emploi. Ce qu'on observe aujourd'hui, c'est que la conception que ce gouvernement se fait de l'Assemblée nationale, lieu où il n'y a que des élus issus du suffrage universel, représentant l'ensemble de notre nation, c'est un « cercle fermé ». Pourquoi pas un cercle privé ? Les affaires publiques se dérouleraient ailleurs. Ce type de propos est véritablement inacceptable. Au nom de l'opposition, je tiens à protester contre la façon dont vous concevez cette assemblée, le débat démocratique, le débat parlementaire. Le débat politique doit se dérouler dans cet hémicycle, monsieur le ministre, pas dans les médias, et pas seulement à l'Élysée ou à Matignon. Nous observons, depuis trois ans, un gouvernement qui se replie sur lui-même, qui ne tient aucun compte du vote des électeurs, et maintenant on nous explique que même cet hémicycle n'est pas le lieu dans lequel devrait avoir lieu le débat public. Un « cercle privé »... Ces propos sont regrettables. J'espère que vous les retirerez.

M. Maxime Gremetz. très bien !

M. Alain Néri. Il y en a qui ne connaisse pas le suffrage universel !

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole !

Mme la présidente. Je vous précise, monsieur Gremetz, que vous n'êtes pas autorisé de répondre à M. le ministre.

M. Maxime Gremetz. Article 58 !

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, non seulement vous parlez de « cercle fermé », mais vous allez plus loin : vous dites qu'il y a tellement urgence dans tous les domaines qu'il ne faut plus passer cinq, six mois à faire des lois, à légiférer. C'est extrêmement grave. Si c'est comme cela, supprimons l'Assemblée nationale !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et on garde le Sénat ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. À quoi on sert ? S'il ne faut pas faire de lois parce que c'est trop long, il faut supprimer l'Assemblée. Moi, je suis élu depuis 1978. Je suis censé participer à l'élaboration de lois, d'accord ?


Ne faut-il plus légiférer parce que, après n'avoir rien fait pendant des années, vous voulez tirer aussi vite que Lucky Lucke ? On comprend que, dans ce cas, l'Assemblée nationale vous gêne. Si c'est ce que vous voulez, alors, gérez tout par ordonnances, mais ne soyez pas hypocrites, ne faites pas semblant ! Dites-le clairement ! Attention aux mots que vous employez ! Urgence ? Une « urgence » que l'on connaît depuis trois ans ! Il vous faut beaucoup de temps pour faire un constat et un diagnostic ; et subitement, maintenant, il faut agir ? Mais comment ? Selon vous, en « écoutant bien » les syndicats. Vous les écoutez si bien que toutes les organisations syndicales condamnent votre contrat « nouvelles embauches ». Un excellent discours, non révolutionnaire mais frappé au coin du bon sens, explique fort bien pourquoi la CFTC - pas la CGT ! - est absolument contre votre projet, et elle vous promet de grandes manifestations à la rentrée. Les gens ne veulent pas de vos mesures. Ils veulent la sécurité professionnelle, ils veulent que l'on combatte le chômage. Ils savent que vous allez à l'échec, ils ont déjà connu tout ça.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous n'êtes plus dans le cadre d'un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. C'est vrai pour la CFTC, mais aussi pour Force Ouvrière, pour la CGT, la CFDT, toutes les organisations syndicales !

Ne nous parlez donc pas de dialogue social ! Vous rencontrez les partenaires sociaux, vous parlez, mais vous ne tenez pas compte ensuite de ce qu'ils vous disent.

Quant à l'Assemblée nationale, vous la mettez carrément au rebut ! Mais on va voir ce qu'on va voir !

M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Richard Mallié. Ce n'est pas sérieux !

Mme la présidente. Monsieur Néri, je vais vous l'accorder, mais soyez bref, parce qu'il y a déjà eu deux rappels au règlement !

M. Alain Néri. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58.

Puisque M. le ministre s'est autorisé à corriger mes propos, je vais me permettre d'en faire autant pour les siens. Il a commis une faute grave, qui laisse penser qu'il méconnaît profondément le fonctionnement des institutions, en particulier de cette assemblée, laquelle est un lieu ouvert à la discussion. C'est même le fondement de la démocratie et de la République.

Et si l'on me permet un peu d'humour, je dirai que la faute est aussi sémantique : comme nous sommes dans un hémicycle, notre assemblée est forcément un demi-cercle ouvert et non un cercle fermé ! (Sourires.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, j'ai presque envie de demander pardon de présenter cette motion de renvoi en commission, tant le Gouvernement veut nous donner le sentiment que nous ne voudrions pas débattre de ce projet de loi d'habilitation, que nous n'aurions rien à dire et qu'il serait plus utile et plus rapide que, tout seul, sans négocier avec les organisations syndicales, ni entendre la représentation nationale, il prenne des dispositions qui, comme par miracle, résoudraient un problème récurrent, celui du chômage, qui nous préoccupe depuis si longtemps.

On aurait aimé que notre nouveau Premier ministre, qui est peu habitué, on le sait, au suffrage universel, manifeste plus d'intérêt à l'égard des élus du peuple. En effet, la France subit une crise profonde et nous n'avons rien à gagner à l'affaiblissement de la représentation nationale. Il est symbolique qu'un Premier ministre, à peine nommé, commence en gouvernant par ordonnances. Certes, il n'use pas de l'article 16 de la Constitution, qui donne des pouvoirs exceptionnels au Président de la République, mais de son article 38. On aurait préféré toutefois avoir quelques échanges avec lui. Certes, nous en aurons avec les ministres présents, mais cela nous paraît bien insuffisant.

Avant d'en venir à des détails plus techniques, je voudrais citer Françoise Giroud qui écrivait, dans Chienne d'année, que « le chômage est comme une marée noire qui recouvre l'herbe verte là où elle a poussé ».

Nous serons au moins d'accord sur le diagnostic : le chômage est incontestablement un fléau, c'est même une pandémie qu'il est impératif d'endiguer. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement de la gauche plurielle n'avait pas, lui, attendu trois ans pour s'en rendre compte. Il avait, dès le départ, engagé des politiques actives de partage du travail sous les formes les plus diverses. Nous étions alors bien conscients qu'il fallait démarrer tôt pour réussir. Et les résultats ont été - j'y reviendrai tout à l'heure - incontestables.

Vous avez mis trois ans pour comprendre qu'il s'agissait d'une priorité. Dont acte. Nous ne sommes pas dupes pour autant et nous n'avons pas le sentiment, après vous avoir entendu les uns et les autres, que votre politique va connaître pour autant de sérieux infléchissements. Les résultats déjà enregistrés laissent plutôt entendre que vous ne ferez pas mieux dans les deux ans qui viennent.

Néanmoins, vous avez bouleversé nos calendriers, même si nous avions prévu, comme les années précédentes, de siéger en session extraordinaire en juillet. Mais ce qui est extraordinaire, en l'occurrence, c'est de siéger moins longtemps et de retarder moins nos vacances cette année, sur un sujet fondamental, que les précédentes, pour des choses beaucoup moins importantes. L'enjeu est essentiel, on nous l'a rappelé, et de façon massive, le 29 mai mais cela, semble-t-il, ne justifie en rien une session extraordinaire. Nous pouvons partir tranquilles pendant que quelques technocrates élaboreront une loi d'habilitation et rédigeront ensuite un certain nombre de textes d'application.

M. Alain Néri. Mais on verra ce qui se passe au retour des vacances !

M. Michel Liebgott. Considère-t-on que le personnel politique n'est plus utile dans ce pays ?

Vous parlez d'urgence pour justifier le recours aux ordonnances. Bien sûr, il y a urgence, mais elle n'est pas nouvelle. Auriez-vous eu une révélation subite ? Non, tout cela cache plutôt des arrière-pensées politiciennes : l'échéance de 2007 se rapproche et ministres et parlementaires se rendent compte que la menace pointe et qu'il faut se mobiliser. Encore faut-il partir à temps !

Nous nous interrogeons d'abord sur le caractère tardif de ces dispositions. Pour paraphraser Françoise Giroud, je dirai que la prairie est déjà bien noire. Allez-vous réussir à la nettoyer et saurez-vous bien la préparer pour la prochaine fauche, le tout en cent jours ? Certains n'avaient-ils pas prédit que le taux de chômage passerait, cette année, au-dessous des 10 % ? Autant de proclamations que l'on peut regretter d'avoir proféré...

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. « Zéro SDF ! »

M. Michel Liebgott. ...mais il faut bien marquer l'opinion : on s'adresse aux médias avant de s'adresser aux élus !

En fait, il n'y a strictement rien d'original dans les dispositions que vous nous proposez. C'est bien là le plus terrible : vous poursuivez exactement la même politique, vous l'accentuez, vous l'aggravez même.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Michel Liebgott. Votre credo libéral triomphe ! Heureusement, il y a M. Fourgous et M. Novelli pour faire office d'épouvantails et montrer que ce pourrait être encore pire : un vrai libéralisme, où ne compteraient plus que les entreprises, la réussite individuelle, où les salariés seraient laissés de côté, où l'on oublierait que la société est la somme des destinées individuelles de gens qui essaient, au jour le jour, de s'en sortir comme ils le peuvent !

Mais venons-en à l'essentiel. L'économie d'un pays, nous en sommes tous convaincus, a besoin de confiance. Les acteurs économiques ont besoin de visibilité pour mener à bien leurs projets et leurs ambitions, sources de richesses pour la collectivité. Cette confiance se gagne parcimonieusement, goutte à goutte. Or, vous en avez fait la démonstration, malheureusement, au travers de la trilogie Raffarin - et le présent gouvernement est à peu près semblable - c'est par litres, voire par hectolitres dans votre cas, que vous perdez de la confiance ! C'est une véritable hémorragie, qui n'est pas prête d'être endiguée !

Les échecs sont patents sur de multiples fronts, c'est sans doute ce qui explique votre fébrilité : la croissance insuffisante, même si elle est là ; l'emploi, dont la situation ne cesse de s'aggraver ; l'accompagnement social, sur lequel je ne m'appesantirai pas, car vous ne faites guère de prosélytisme en la matière ; le pouvoir d'achat - si vous êtes spécialistes en cadeaux fiscaux, c'est pour quelques catégories privilégiées. École, recherche, santé : autant de domaines qui sont, aujourd'hui, en difficultés.

Et vous avez pensé qu'il suffisait d'un jeu de chaises musicales pour qu'en cent jours, l'harmonie succède à la cacophonie ? Eh bien non ! Même sans les sondages, on sent bien que le pays n'est pas rassuré, parce que le mal est beaucoup plus profond.

Messieurs les ministres, vous êtes ici aujourd'hui en service commandé mais les responsables patronaux, qui se sont succédé au ministère de l'économie et des finances, sont les vrais instigateurs de cette politique. En réalité, ce qui caractérise ces gouvernements successifs, y compris le présent, c'est qu'on y a placé, à la tête de ce ministère essentiel - pour vous comme pour nous - qu'est celui de l'économie, des hommes d'entreprises qui ne sont pas, par définition, des interventionnistes. Il faudrait même qu'ils se fassent violence pour l'être.

La gauche plurielle avait au moins eu l'intelligence de placer des ministres « politiques » à ce poste essentiel, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que certains semblent d'ailleurs refuser dans votre majorité, en particulier ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions. Vous voyez de qui je veux parler...de celui qui n'a pas souhaité retrouver le ministère de l'économie qu'il avait bien vite quitté, faute d'avoir eu quelque inspiration géniale en l'administrant. Il a préféré retourner à la sécurité ; on le comprend quand on voit la politique économique qu'il est appelé à soutenir en tant que président de l'UMP !

Mais puisque vous êtes autistes et que vous voulez le rester, mieux vaut que le président de votre parti reste dans l'ombre,...

M. Dominique Richard. Ce n'est pas ce qu'on dit de lui, habituellement !

M. Michel Liebgott. ...car votre politique économique ne lui permettra pas de se présenter en bonne position à l'élection présidentielle.

Comment dès lors caractériser cette politique économique qui est la résultante de votre action depuis trois ans ?

L'emploi, d'abord ; même si le Premier ministre l'a qualifié d'urgence, nous en avons déjà souvent parlé ici, souvent pour en déplorer la situation.

Tous les instruments de la politique audacieuse et dynamique du précédent gouvernement - de 1997 à 2002, bien sûr ! - ont été détruits les uns après les autres. Vous ne le niez pas, puisque vous continuez de critiquer cette politique qui avait pourtant donné des résultats.

Vous avez grandement critiqué les emplois aidés, mais vous y avez eu recours dans vos collectivités locales, fiers d'avoir créé, ici ou là, un CES, un CEC ou un emploi-jeune. Je connais nombre d'élus, dans mon propre département et ailleurs, qui n'ont pas lésiné !

Que ce soit pour les associations ou à l'éducation nationale, vous avez adopté une position purement idéologique, que vous conservez aujourd'hui. Mais ces suppressions d'emplois ont aussi des raisons budgétaires, vos priorités ayant évolué. Rapidement, tout cela s'est révélé catastrophique, puisqu'elles n'ont pas été compensées par des créations, bien au contraire, alors même que, cette année, la courbe démographique s'inversant aurait dû mathématiquement entraîner des créations d'emplois.


Ces suppressions d'emplois ont été lourdes de conséquences tant pour les anciens salariés - il faut penser à eux avant de penser aux statistiques - qui se sont retrouvés, au terme du contrat, sur le marché du travail. Je précise néanmoins, pour ceux qui vilipendent les emplois-jeunes, que nombreux sont ceux qui ont utilisé ce premier contrat comme un tremplin pour trouver un emploi définitif, soit où ils étaient, soit dans des structures parallèles, soit ailleurs, parce qu'il vaut toujours mieux, dans un CV, faire figurer « emploi-jeune » avec, à côté, une formation, que rien du tout, l'inactivité faisant le lit de l'inactivité.

Lorsque vous avez décidé de ne plus les reconduire, nombreuses furent les collectivités locales qui ont dû se substituer à l'État pour pérenniser ces activités, simplement parce qu'elles étaient utiles à la collectivité. De nombreux exemples renvoient à la vie quotidienne, comme les activités périscolaires et tant d'autres actions menées dans nos communes.

Vous avez également vilipendé les 35 heures, à la fois dans vos discours et dans vos interpellations. Parce que vous ne pouviez pas, tel un bulldozer, les écraser, vous les avez, dans un premier temps, grignotées insidieusement au travers de la loi Fillon, en assouplissant le plafond légal des heures complémentaires, puis en pleine lumière, vous dévoilant mieux encore, avec la récente proposition de loi visant à réformer le temps de travail dans l'entreprise. Or ainsi que le confirme le très récent numéro de la revue de l'INSEE Économie et statistique, la mise en œuvre volontariste des 35 heures a bien permis, entre 1998 et 2002, de créer 350 000 emplois. On peut toujours regretter la méthode, mais les chiffres sont là. Certes, ce n'est peut-être pas autant qu'escompté - vous pouvez toujours dire que nous aurions pu faire mieux et plus -, mais si l'on cumule ces emplois et les emplois-jeunes, ce sont plus de 600 000 emplois qui sont directement liés à des mesures concrètes de la politique socio-économique - couronnée de succès - du gouvernement de gauche plurielle.

M. Dominique Richard. Ce sont des sous-emplois !

M. Michel Liebgott. Ce n'est pas en soi une première, puisque le gouvernement Rocard a été, ces vingt-cinq dernières années, le seul gouvernement pragmatique et convaincu qu'il fallait redistribuer, et le seul à réduire le nombre de demandeurs d'emplois : moins 150 000 sous Rocard, moins 711 000 sous Jospin, soit 861 000 chômeurs de moins.

M. Dominique Richard. Alors, pourquoi le 21 avril ?

M. Michel Liebgott. C'est pourquoi la gauche était majoritaire au premier tour de l'élection présidentielle de 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si ce type de scrutin favorise la dispersion des voix. Le premier tour a été catastrophique pour la droite puisque l'actuel Président de la République n'a même pas atteint 20 % des suffrages...

M. Dominique Richard. C'est plus que Jospin !

M. Michel Liebgott. Mais il était l'un des rares candidats dans son camp. À gauche, en revanche, les candidats étaient plus nombreux. Mais je vous rassure, cet enseignement sera retenu !

Bien que présentée comme contraignante, la mise en place de la RTT s'est avérée au final très bénéfique aux entreprises, notamment en matière de productivité. D'ailleurs, c'est la productivité qui, pour moitié, a payé les 35 heures, quoi que vous en disiez, car vous le constatez vous-même dans vos communes.

Dans de nombreux secteurs, les 35 heures se sont accompagnées d'une véritable remise à plat de l'organisation du travail par la systématisation de l'annualisation du temps de travail. Le dialogue social s'est développé, et jamais, dans l'histoire du droit salarial, faut-il le rappeler, autant de conventions de branche et d'accords d'entreprise n'avaient été signés - « sous la contrainte », dites-vous. Mais personne aujourd'hui n'a osé remettre directement en cause les 35 heures, et vous-même, vous ne contestez pas que les 35 heures restent la durée légale du temps de travail.

Comme le relèvent les économistes de l'INSEE, « la réduction du temps de travail est un outil de politique de l'emploi en période de chômage de masse ». Dans ces conditions, il est absurde, comme l'a indiqué récemment le ministre d'État, ministre de l'économie et des finances du gouvernement Raffarin II - vous voyez de qui je parle -, de dire qu'il faut travailler plus pour tout résoudre. C'est un raisonnement singulier et égocentrique qui ne tient pas compte de la réalité ni de la complexité des situations. Comme je vous le disais tout à l'heure, on a parfaitement compris pourquoi il n'a pas souhaité conserver ce ministère...

Le 16 mars dernier, dans le cadre de la question préalable à l'examen en seconde lecture du projet de loi visant à réformer le temps de travail dans l'entreprise, j'avais conclu mon intervention en citant l'historien Denis Lefebvre. Pour ce dernier, « le travail n'est pas un privilège » - nous en sommes tous convaincus - « c'est un droit essentiel à la survie de l'humanité, un partage fondamental de nos richesses ». Partager, et non accumuler. Cela rejoint parfaitement notre philosophie, que je suis fier de rappeler ici : travailler tous et travailler mieux. Les 35 heures sont un choix de société, que nous assumons : soit ceux qui ont un travail gagnent plus et travaillent plus, soit on partage le travail et on embauche. Vous avez choisi le premier, nous choisissons le second, parce que nous pensons que c'est un cercle vertueux : ceux qui travaillent consomment et ceux qui veulent travailler plus le pourront s'ils le souhaitent - l'un n'excluant pas l'autre.

S'agissant des emplois aidés, le gouvernement Raffarin, constatant ses erreurs, et avant même ce plan d'urgence, a bien tenté de réhabiliter les dispositifs supprimés, mais en vain, car le moral des employeurs et la confiance des associations n'étaient plus au rendez-vous : on les avait tellement trompés ! Comment croire quelqu'un qui tente de vous redonner, dans des conditions bien moins satisfaisantes, ce qu'il vous a retiré peu de temps auparavant ? Il faudrait être masochiste ! Voilà pourquoi les deux soi-disant grandes innovations de François Fillon, le RMA et le CIVIS - dont mon opposition municipale ne cessait de me parler lorsque j'évoquais la suppression des emplois aidés - se sont soldés par un échec patent. Seuls 1 000 contrats ont été signés pour le premier et, pis encore, 300 pour le second. Avouez que nous pouvons avoir des doutes, surtout lorsque vous invoquez l'urgence ! Vous dites que les CEJ n'étaient pas opérationnels. Mais, en comparaison, ce furent plus de 250 000 contrats signés, ce qui n'est en rien comparable aux chiffres des RMA et des CIVIS.

Au total, l'analyse chiffrée du chômage est sans appel. En voulant prendre, au début sans doute par pure idéologie, le contre-pied des orientations du gouvernement précédent, l'équipe du Président de la République et de ses gouvernements successifs s'est empêtrée, enlisée, et délibérément mise hors-jeu des réalités de la situation socio-économique.

Depuis 2002, ce sont 230 000 chômeurs de plus et 45 000 jeunes de plus au chômage. Telle est, au-delà des discours, la réalité. Le chômage, avec son lot de drames humains, concerne aujourd'hui 10,2 % de la population active, soit en données brutes, près de 2,9 millions de personnes. Ce qui est encore moins un sujet de fierté pour nous, Français, c'est que nous sommes en vingt-et-unième position des vingt-cinq pays de l'Union européenne, ce qui n'est guère encourageant. La tendance est d'autant plus inquiétante que la croissance du chômage a été de 2,3 % en 2004, alors qu'il a reculé dans treize des vingt-cinq pays de l'Union européenne. Nous affichons aujourd'hui une triste moyenne et nous sommes, pour d'autres paramètres, à la queue leu leu.

Depuis trois ans, les pronostics affirmés péremptoirement par la droite au pouvoir de baisse imminente du chômage sont systématiquement démentis. Plus grave encore, ils sont infirmés, alors que l'évolution démographique devrait, à très court terme, favoriser une diminution statistique automatique du nombre des demandeurs d'emploi. Ces résultats, pitoyables, de surcroît dans ce contexte, s'accompagnent d'un dédain total des populations fragilisées que vous avez littéralement culpabilisées, bien que vous teniez parfois de beaux discours... Récemment encore, et nous sommes nombreux à le regretter, le ministère de l'économie, voulant sans doute faire passer d'autres messages, leur a fait comprendre qu'ils vivaient un peu au-dessus de leurs moyens, alors que d'autres, dans le même temps, qu'il s'agisse de personnes morales, d'entreprises, continuent de bénéficier d'allégements sur les charges - M. le ministre l'a évoqué tout à l'heure - sans aucune contrepartie en matière de création d'emplois, ou voient diminuer leur contribution au titre de l'impôt.

Aux deux tiers du quinquennat du Président de la République, le bilan est le suivant : 10,2 % de la population active au chômage, 230 000 chômeurs de plus depuis 2002, 22,9 % des moins de vingt-cinq ans au chômage, plus 8,5 % d'allocataires du RMI en 2004 et 73 % des embauches en CDD selon la DARES.

Le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui pour apprécier votre plan n'est incontestablement pas très encourageant : une croissance en berne, même si elle n'est pas nulle - et j'y insiste, car vous en faites souvent état pour arguer de votre incapacité à faire baisser le chômage - et une récession industrielle probable.

Selon le FMI, la croissance française sera inférieure à la moyenne européenne dès 2006, ce qui n'est pas, en termes de projection, très encourageant, y compris pour votre plan. Ces prévisions sonneraient-elles le glas du modèle français qui, depuis trois ans, cultive le paradoxe d'une hausse du chômage avec une croissance du PIB ? Et là encore, j'y insiste car, souvent, vous nous accusez d'être de piètres gestionnaires et d'avoir creusé les déficits. En réalité, c'est vous qui, aujourd'hui, réussissez cette nouvelle combinaison de la hausse du chômage avec la croissance du PIB.

Pis encore, la croissance demeure moribonde, voire atone : au premier trimestre, elle n'a atteint que 0,2 %, alors que l'Allemagne, peut-être en sortie de crise ou, en tout cas, en meilleure santé que nous aujourd'hui, après plusieurs années particulièrement difficiles, a fait cinq fois mieux.

Dans ces conditions, on comprend mal comment M. le ministre de l'économie et des finances maintient ses prévisions dans une fourchette de 2 à 2,5 % - il s'agit là d'une question de transparence et d'honnêteté -, alors que les prévisionnistes de l'INSEE ne tablent plus que sur 1,5 % pour 2005. Il y aura donc très probablement des déconvenues budgétaires d'ici à la fin de l'année et nous pouvons d'ores et déjà prendre rendez-vous !

C'est peut-être la loi des séries mais, dans le domaine industriel, la situation n'est pas meilleure : c'est également la zizanie ! Comme le relèvent la plupart des experts, les demandes intérieures et extérieures continuent de faiblir dangereusement, et je m'en inquiète. Si les biens d'équipement résistent mieux, tous les autres domaines, sont dans le rouge : les biens de consommation, l'automobile, l'agro-alimentaire. Conséquence directe de cette situation, ce sont à nouveau l'emploi et les niveaux salariaux qui sont menacés, et donc, la consommation et la croissance. Vous l'avez compris, c'est un cercle vicieux qu'il sera difficile de défaire.

Pour redémarrer, il faudrait que le contexte soit favorable - ce qui est loin d'être le cas - et que les Français retrouvent le moral et la confiance. Mais, comme le montrent tous les instituts de sondage et les résultats du 29 mai, nos concitoyens ont incontestablement le moral dans les chaussettes.

Résultat de cette politique catastrophique pour l'emploi : aujourd'hui, les Français n'y croient plus. Nous sommes dans une spirale dépressive. Les économistes Patrick Artus et Moucef Kaabi ont récemment mis au point un indicateur du bien-être des Français, agrégeant vingt-neuf paramètres socio-économiques. Je ne ferai pas un cours de sociologie, mais il est intéressant de regarder ces analyses.

L'évolution de cet indicateur depuis 1997 est éloquente. Après le pic paroxystique positif de 2001, malgré tout ce que vous avez dit sur la période qui a précédé, ce fut la descente aux enfers jusqu'à aujourd'hui où l'indice stagne à un niveau négatif dangereusement bas.

Pis encore, toutes les composantes du moral des Français se dégradent actuellement de façon importante, la plus forte étant celle des perspectives de chômage, qui explose littéralement avec plus de quatorze points. C'est effectivement - et vous avez raison sur ce point, monsieur le ministre - l'inquiétude numéro un des Français.

La première des sécurités, vous en conviendrez, quoi qu'en disent certains, c'est l'emploi. Ce doit donc être le premier objectif de tout gouvernement en pareille situation. Mais pourquoi avez-vous tant attendu ? Pourquoi vous être obstiné à démanteler des systèmes qui avaient fait la preuve de leur efficacité ? Pourquoi ne pas avoir écouté les députés de l'opposition et l'ensemble des partenaires sociaux - que nous rencontrons aussi, comme vous, mais malheureusement pas lors de négociations officielles - qui n'ont eu de cesse de vous alerter quant aux choix retenus ? Las, vous avez persisté dans l'erreur, et vous n'avez pas su susciter la confiance alors que la croissance, bien que fragile, était au rendez-vous et qu'il aurait fallu agir dans le bon sens pour la consolider. Vous avez créé un climat de défiance particulièrement tenace et éminemment contre-productif.

On peut légitimement, à l'issue de ce court, mais triste bilan de la politique socio-économique des gouvernements UMP qui se sont succédé depuis 2002, s'interroger sur la pertinence d'un nouveau plan pour l'emploi, qui plus est, proposé par voie d'ordonnance.

Sans vouloir faire de la provocation, car les médias l'ont assez repris, c'est la politique socio-économique des gouvernements auxquels vous avez appartenu qu'il aurait fallu passer au karcher et non la cité des 4 000 à La Courneuve !


Bien sûr, certains de nos quartiers, situés entre autres en ZRU ou en ZUS, connaissent des problèmes récurrents. Ils passent par des hauts et des bas. Mais il est clair qu'un gouvernement ne saurait résoudre durablement ces problèmes sans que l'opinion publique retrouve une certaine confiance dans ses dirigeants, ce qui supposerait que la politique menée sur le plan économique - et qui a une influence directe sur la vie du foyer, le pouvoir d'achat, le logement, la possibilité de vivre décemment - atteigne au moins quelques-uns de ses objectifs !

Cela m'amène à la question du pouvoir d'achat. Le budget des Français a souffert de votre politique. S'il est vrai que depuis 2002, le revenu moyen disponible s'est accru de 2,6 %, ce chiffre cache de profondes disparités. C'est sans doute, d'ailleurs, un des aspects de la fracture sociale. En effet, ce sont également les inégalités de moyens - qu'il s'agisse de revenus ou de capital - qui contribuent à la profonde démoralisation de la population. Quoi de commun entre un gros négociant, dont les fins de mois se sont arrondies de 25 ou 30 %, et un ménage d'instituteurs, qui a laissé, sous cette législature, 4,3 % de son pouvoir d'achat au fond de la classe ?

En dehors de l'inflation, passée de 1,5 % en 2000 à 2,1 % en 2004, la principale cause de ce tassement des salaires est bien entendu, par un effet mécanique, la hausse du chômage. En effet, compte tenu de l'importance de la demande sur le marché de l'emploi, les entreprises n'ont pas hésité à resserrer les salaires. Le rapprochement de cette austérité salariale indiscutable avec les bénéfices gargantuesques affichés par certaines entreprises a d'ailleurs quelque chose de choquant. Ainsi que le rappellent de nombreux syndicalistes, et en particulier Jean-Yves Le Digou de la CGT, avec 2,5 millions de chômeurs, le rapport de forces est toujours défavorable aux salariés. Sans vouloir réinventer le marxisme - certaines analyses de son fondateur restent cependant tout à fait valables -, on peut considérer que « l'armée industrielle de réserve » est constituée lorsque le taux de chômage est élevé. Et malheureusement, cela concourt inévitablement à une réduction des salaires.

Pour maintenir leur niveau de vie, les Français, contrairement à ce que vous prétendez parfois, n'ont pas nécessairement travaillé plus, mais ont puisé dans leur épargne. Dans un premier temps, c'est donc la consommation qui a soutenu la croissance. Mais si rien n'est fait pour soutenir le pouvoir d'achat, il est à craindre que ce ne soit plus le cas d'ici peu. D'où les prévisions plutôt pessimistes du FMI pour 2006.

Je ne résiste pas à la tentation de vous lire les conclusions de l'audit de la France réalisé en 2002 par le quotidien Les Échos : il vous fera prendre conscience du gouffre dans lequel nous avons plongé depuis cette époque. « En 2002, inflation, croissance, commerce extérieur, balance des paiements, tous ces indicateurs reflètent une bonne santé de l'économie française : baisse des prix maîtrisée, croissance annuelle faible, mais plutôt meilleure que celle de nos voisins, commerce extérieur revigoré, balance des paiements richement dotée. De ce point de vue, et malgré les récentes alertes sur la récession, le gouvernement socialiste laisse la France en bon état. » Quel contraste avec le triste bilan des gouvernements de la deuxième présidence de Jacques Chirac !

Si vous aviez mis en œuvre une politique contracyclique pour compenser le ralentissement de l'économie, la situation ne se serait sans doute pas autant dégradée. Mais en supprimant tous les dispositifs de soutien à la consommation, vous avez cassé la croissance.

Après ce désastre, et dans la perspective des deux années préélectorales à venir, il vous faut réagir. Il n'y a plus de temps à perdre, et on comprend votre empressement. Mais les mesures d'urgences que le Gouvernement doit prendre par ordonnances sont-elles vraiment de nature à changer fondamentalement les choses et à, selon votre expression, gagner la bataille de l'emploi ? Ce plan comprend huit mesures d'urgence, détaillées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, et qui concernent les petites entreprises, les chômeurs, les jeunes et la fonction publique.

À nos yeux, la portée de ces mesures est limitée. Elles n'annoncent pas un nouvel élan en matière économique et sociale. Bien au contraire : dans la continuité de la politique menée depuis trois ans, elles sont porteuses de nombreux reculs sociaux, notamment en matière de droit du travail. Vous restez donc fidèles à votre credo libéral.

M. Gaillard, dans son rapport, note que de nombreuses idées du plan de cohésion sociale étaient en voie de maturation et qu'il convenait de mieux les formaliser. Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis son adoption, nous pouvons être surpris par une telle réflexion. En ce qui nous concerne, nous avons plutôt le sentiment que ce sont les moyens budgétaires consacrés à ce plan qui ont été insuffisamment mobilisés, empêchant que les premiers effets ne se fassent déjà sentir. En fait, avant le 29 mai, faute d'une capacité d'écoute à l'égard de la population, vous n'aviez pas pris la mesure des enjeux en matière d'emploi.

Sur la forme, en adoptant la voie de l'ordonnance, le Président de la République et le Premier ministre contournent le législateur. Compte tenu de ce choix, et même si M. de Villepin comme M. Borloo affirment multiplier les entretiens avec les partenaires sociaux, nous ne pouvons qu'éprouver des craintes quant au respect des règles essentielles du droit du travail. Un entretien n'implique pas nécessairement qu'il y ait écoute, ni négociation, et encore moins accord !

Dans la première phrase de son rapport, M. Gaillard rappelle que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter. C'est bien la seule affirmation que l'on puisse approuver sans réserve ! Au-delà de cette première phrase, les désaccords sont nombreux.

La première mesure de votre plan de sauvetage de l'emploi - faut-il l'appeler « plan B » ? -, ou du moins la plus emblématique, et celle sur laquelle s'est focalisée la presse, est le contrat « nouvelles embauches », qui prévoit une période d'essai de deux ans. En fait, on ne dira plus « période d'essai », juridiquement impossible, on l'a compris, mais plutôt « période probatoire ». Une telle imprécision dans les termes est d'ailleurs inquiétante, même s'agissant d'une loi d'habilitation.

Par ce nouveau contrat, vous souhaitez donner plus de souplesse au recrutement dans les très petites entreprises. On a d'abord compris que cette notion recouvrait les entreprises comprenant moins de dix salariés. Puis ce seuil a été porté à vingt. On a le sentiment, aujourd'hui, que nombre d'élus de la majorité, sans oser le dire ouvertement, verraient bien cette mesure étendue à toutes les entreprises. Renaud Dutreil n'a-t-il pas appelé à une extension du dispositif ? Mais j'y reviendrai.

Nombreux sont les commentateurs et experts en droit social qui considèrent ce contrat comme l'équivalent, en pire, d'un contrat à durée déterminée de deux ans. Tout à l'heure nous avons entendu le ministre affirmer qu'un CNE valait mieux qu'un CDD. Mais au moins, un CDD est un contrat dont on connaît le terme, qui est entouré d'un certain nombre de sécurités juridiques, et qui peut très bien déboucher sur un autre CDD, voire sur un CDI. Ce n'est pas la panacée, mais il apporte, jusqu'à son échéance, une certaine sérénité aux salariés. Le cas du contrat « nouvelles embauches » est bien différent : on ne sait pas quand en vient le terme, ce qui, vous en conviendrez, ne peut pas être considéré comme une sécurité. En effet, pendant la « période d'essai », le contrat peut être rompu par l'employeur à n'importe quel moment et sans motivation particulière. Le salarié n'aura aucun moyen de s'opposer à cette rupture, ni de la contester sur le plan de la légalité. C'est un contrat de mise à disposition du salarié. Il est donc dangereux, d'autant plus que le risque d'en voir se généraliser l'usage est bien réel.

Quel effet d'aubaine, en effet : plutôt que de recourir à des outils assez contraignants comme le CDD, les employeurs risquent de se précipiter vers cette formule nouvelle, beaucoup moins encadrée. Peut-être verrons-nous diminuer le recours aux CDD, à l'intérim ou à certaines formes d'aménagement du temps de travail, pour le plus grand profit du contrat nouvelles embauches.

Les résultats quantitatifs que vous attendez de ce nouveau contrat sont très optimistes. Nombreux sont pourtant les économistes qui ne partagent pas votre vision. Parmi ceux-ci se trouve l'un des inspirateurs de cette mesure, bien qu'il ne reconnaisse pas son bébé dans ce que l'on connaît du projet gouvernemental. Dans le magazine Challenges du 23 juin, Pierre Cahuc précise : « Ce contrat ne correspond pas du tout à la philosophie du système que nous mettions en avant. Nous voulions créer un contrat unique pour éviter d'avoir une discontinuité entre CDD et CDI pour protéger les salariés. Ce nouveau contrat est plus flexible que les CDD et l'on peut s'interroger sur la qualité de l'accompagnement promis aux chômeurs après les deux ans de période d'essai. Le contrat nouvelle embauche et le chèque emploi entreprise sont des mesures ciblées sur les entreprises de moins de dix salariés, soit seulement 20 % des salariés. Ces entreprises ont déjà recours aux CDD, l'effet sur l'emploi sera donc malheureusement limité. » Dans l'intérêt des Français, on ne peut qu'espérer le contraire, mais de tels propos n'incitent pas à l'optimisme.

Renaud Dutreil, le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, indiquait qu'il faudrait réfléchir à l'extension du dispositif. Pourquoi ne pas l'avoir annoncé tout de suite ? Cela nous aurait évité bien des débats inutiles ! Nous sommes donc confrontés à un nouveau contrat de travail, appelé à s'installer durablement dans le paysage social français. Cela n'est pas fait pour nous rassurer.

Est-il raisonnable d'envisager l'extension d'un contrat ne prévoyant des garanties que pour les employeurs ? Est-ce seulement réaliste, alors que l'on n'a fait que le suggérer - sans parler de le mettre en place ? Ce n'est donc pas le succès qui motive la mesure, mais bien l'idéologie : on estime a priori que ce type de contrat serait meilleur que tous ceux que prévoit le code du travail. Est-ce vraiment une façon de conduire les affaires publiques ? On voit bien que le dispositif est appelé à devenir durable, à en supplanter d'autres, à s'étendre : le Premier ministre lui-même, en déplacement dans les Ardennes, a affirmé qu'en Europe les très petites entreprises comptaient jusqu'à vingt salariés. Mais nous irons sans doute au-delà.


Le Conseil d'État vous a, certes, mis en garde quant aux conséquences juridiques de ce nouveau contrat. Il vous a signifié ses craintes et vous a également précisé qu'il serait particulièrement « attentif, lorsque l'ordonnance lui sera soumise, à l'équilibre des droits et des devoirs du salarié ». De telles craintes émanant du Conseil d'État augurent mal de la pertinence, voire de la légalité de certaines de vos propositions. Nous y serons évidemment particulièrement attentifs, comme beaucoup d'autres, tels les syndicats, même si, nous savons que le législateur triomphera et non le juge.

Ce nouveau contrat s'inspire prétendument - de nombreux orateurs y ont déjà fait allusion - du fameux système danois de « flexisécurité ». Nombre d'économistes, dont les politiques se sont fait le relais, comme d'ailleurs les syndicalistes, ne sont pas opposés à une dynamisation de la création d'emplois dans les petites entreprises. François Chérèque disait lui-même que « Relancer l'emploi dans les petites entreprises, ce n'est pas idiot. » La France compte un million et demi d'entreprises d'un salarié, cela constitue donc un important gisement d'emplois. Pour autant, les garanties apportées aux salariés doivent être suffisantes. Ce n'est pas la création d'emplois que l'on condamne, mais la précarité de ce contrat qui risque de le mettre en péril. On parle en la matière de flexibilité, souplesse, réactivité, je vous laisse le choix du terme. Ce modèle danois extra light, version minimum, ne me paraît absolument pas à la hauteur de l'enjeu.

Ne vous en déplaise, et mon collègue Gaëtan Gorce l'a rappelé lors d'un entretien récent, ce qui menace aujourd'hui la compétitivité des entreprises ne sont pas tant les charges, que l'on évoque souvent, ou le code du travail, mais tout simplement la compétition internationale et la mondialisation à laquelle les entreprises sont insuffisamment préparées, faute d'investissements importants dans les domaines de l'innovation, de la recherche, de la diversification des productions et du financement des PMI-PME. Ne faisons pas du code du travail un épouvantail, même si certains en comptent les pages ! Là n'est pas le plus important ! Seule compte la capacité des entreprises françaises à affronter la mondialisation de notre économie.

Le Gouvernement prône systématiquement des allégements et la dérégulation, alors qu'à l'évidence, les entreprises ont avant tout besoin de salariés formés et impliqués dans la réussite de leur société. Chacun le sait, un certain nombre de demandeurs d'emplois pourraient trouver du travail s'ils étaient formés et nombre d'entreprises sont à la recherche de gens formés. C'est dire qu'il faut sans doute d'abord travailler à la mise en concordance de l'offre et de la demande plutôt qu'à la mise en œuvre de nouveaux contrats de travail.

Vous le savez - et c'est bien le sens du fil conducteur de cette motion - la croissance et le développement économique ont besoin de la confiance de la population et des salariés dans le développement de leur entreprise. À l'inverse, la dérégulation, dont ce contrat nouvelles embauches est un des outils supplémentaires, est source d'incertitude. La défiance, c'est l'absence de croissance et de développement interne. La politique conduite depuis trois ans en atteste et vous n'en tirez manifestement pas des enseignements utiles, bien au contraire.

Vous nous proposez un deuxième dispositif : le chèque emploi-service universel dans les petites entreprises. Nous sommes, certes, tous d'accord pour considérer que tout doit être mis en œuvre pour simplifier les démarches administratives de recrutement. Toutefois, cela ne saurait se faire au détriment des droits des salariés. Les conditions de travail s'en ressentiront, la qualité du travail rendu sera moins bonne. Or une entreprise ne peut fonctionner correctement que si ses salariés sont mobilisés, confiants et dynamiques. Tel ne sera pas le cas si leurs droits ne sont pas respectés et considérés comme secondaires ou subalternes. Avec ce dispositif, il y a un risque évident de détournement. Il n'est, en effet, pas infondé de penser qu'il puisse faire disparaître l'obligation d'établir un contrat de travail en bonne et due forme. Le contrat de travail reste encore, dans notre société, la condition d'une meilleure relation entre le salarié et son entreprise. Ce document contractuel mentionne la rémunération, le temps de travail, la durée du contrat et la convention appliquée. C'est le moins que l'on puisse exiger dans le cadre de l'entreprise. Nous sommes donc favorables à la simplification administrative, mais elle ne doit pas masquer des atteintes inacceptables aux protections des salariés.

S'agissant de la modification des seuils sociaux dans les très petites entreprises, ce projet de loi prévoit deux dispositions visant à gommer financièrement les effets du seuil de dix salariés au-delà duquel une entreprise voit ses charges s'alourdir. Pour l'une comme pour l'autre, il s'agit, en fait, d'un nouvel allégement des charges qui n'ont jusqu'à présent aucunement fait preuve de leur efficacité en matière d'emplois, tout simplement parce qu'elles sont décidées sans exigence de contrepartie, contrairement aux 35 heures qui sont, de ce fait, une réussite. Je le rappelle à ceux qui les vitupèrent !

Votre dispositif prévoit, en premier lieu, la prise en charge par l'État de cotisations supplémentaires correspondant au financement de la formation professionnelle, au 1 % logement, aux indemnités de transport dues pour l'embauche du dixième salarié et pour les dix suivants. L'effet de seuil sera donc tout simplement décalé et il appartiendra une nouvelle fois à l'État, donc à la collectivité, de prendre en charge le coût de ces allégements sans aucune certitude de résultat. Ce ne sera pas gratuit, soit, à titre indicatif, 160 millions d'euros au titre du 1 % logement et 420 millions au titre des indemnités de transport. Or des charges supplémentaires n'entraînent pas automatiquement la création d'emplois. En second lieu, vous entendez ne pas prendre en compte l'embauche des salariés de moins de vingt-cinq ans dans le calcul des seuils sociaux. Comme nous le savons tous, il existe deux seuils sociaux dans notre droit du travail. Les entreprises de plus de dix salariés doivent effectivement organiser l'élection des délégués du personnel et celles de plus de cinquante salariés, les élections du comité d'entreprise et la mise en place du CHSCT de même que la désignation de délégués syndicaux. Cette mesure, si elle était appliquée en l'état serait un véritable recul social, ce dont vous êtes parfaitement conscients. Par ce biais, nombreuses seraient, en effet, les entreprises pour lesquelles ce non-décompte modifierait, de fait, l'organisation et la représentation syndicale. Il est donc à craindre que les salariés de moins de vingt-cinq ans ne servent tout simplement d'alibi à certains employeurs - c'est, là aussi, un effet d'aubaine - désireux d'échapper, en ne dépassant pas le seuil, à certaines obligations que la plupart des dirigeants d'entreprises estiment gênantes dans le cadre de la gestion du personnel. On peut les comprendre, mais leur intérêt n'est pas forcément celui de l'entreprise. Ne pas décompter les moins de vingt-cinq ans constitue, selon nous, une discrimination au regard du droit syndical et est probablement contraire aux règles édictées par le Bureau international du travail. J'attire votre attention sur le fait qu'une catégorie d'entreprises sera sans doute concernée : les entreprises de restauration rapide dont 90 % des salariés sont des jeunes, souvent étudiants, de moins de vingt-cinq ans. De petite dimension, mais importantes de par leur présence dans nos communes, elles n'offriront plus de règles protectrices à ces jeunes salariés qui se verront ainsi privés de nombreux droits. Le code du travail, certes allégé de quelques pages, est une fois de plus remis en cause !

De surcroît, il nous semble que cette disposition est en contradiction avec votre discours récurrent de négociations, de discussions avec les partenaires sociaux qui ne sont d'ailleurs pas dupes et qui se plaignent souvent de l'insuffisance de ces échanges. Comment peut-on, en effet, prôner le dialogue social dans l'entreprise et, dans le même temps, instaurer des systèmes visant à limiter la représentation ? Cela n'est pas cohérent et nuira, à terme, à l'entreprise dont le bon fonctionnement dépend de la qualité des relations entre les salariés et leurs dirigeants. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous pensons qu'il y a, au-delà du véritable recul social inhérent à la modification du calcul des seuils, une véritable contradiction, un décalage, comme en d'autres domaines, entre la réalité et vos déclarations.

Votre projet de loi prévoit également différentes mesures incitatives pour les demandeurs d'emplois et les jeunes de moins de vingt-cinq ans que je qualifierai de gadgets. J'en citerai néanmoins quelques-unes. Ainsi, le versement d'une prime de 1 000 euros à tout chômeur inscrit depuis plus d'un an et bénéficiant d'un minimum social qui reprend un emploi nous a, avouons-le, quelque peu interloqués. Serait-elle démagogique ? En effet, si l'on y réfléchit quelques instants, ce type de mesures reviendrait à accréditer la thèse selon laquelle il suffirait d'offrir des avantages financiers pour que les chômeurs de longue durée reprennent un emploi, ce qui paraît tout de même assez curieux. Il en est de même pour le crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui prennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement. Cette « mesurette » sans réelle prétention témoigne d'une absence totale de prise en compte sérieuse des causes profondes du chômage liées à la croissance qu'il faut soutenir et à la consommation qui doit être relancée.

Il ne faut rien attendre de ces dispositions. Comment déterminerez-vous, entre autres, les seuils de difficulté de recrutement ? C'est une question parmi d'autres qu'il vous faudra résoudre lors de la rédaction, qui risque d'être malaisée, des décrets et des circulaires. Je souhaite en la matière beaucoup de courage aux fonctionnaires qui en auront la charge.

Tout n'est pas, cependant, négatif. Quelques mesures, sans doute très marginales quant à l'ampleur des problèmes posés, nous paraissent intéressantes. Elles ne sont, certes, pas au cœur du projet et complètent un dispositif centré, pour l'essentiel, sur ces seuils et sur le contrat nouvelles embauches. Le système visant à adapter en métropole le dispositif d'insertion professionnelle sur le modèle du service militaire adapté fonctionnant déjà en outre-mer pourra répondre à des besoins singuliers, notamment pour les jeunes en très grande difficulté, ceux qui, tous les ans, sortent du système scolaire sans diplôme et sans qualification. Reste à voir comment et dans quelle mesure va s'opérer cette adaptation. De plus, cela ne concernera pas des milliers de personnes. La suppression des limites d'âge pour les concours de la fonction publique participe également, nous semble-t-il, d'une logique assez positive qui permettra effectivement une formation et surtout une progression sociale tout au long de la vie pour ceux qui le souhaitent. Ce dispositif devra néanmoins être accompagné d'un certain nombre de mesures visant à favoriser le passage des concours de la fonction publique pour les agents relevant de contrat de droit public et privé. Chacun sait, ici, que tout passage de concours est synonyme de temps de préparation important. Vous créez également, ce qui ne nous semble pas négatif, un mode de recrutement permettant aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système éducatif sans diplôme ou ayant des difficultés d'insertion professionnelle de bénéficier d'une formation en alternance rémunérée et d'intégrer, par voie d'examen professionnel, la fonction publique en qualité de fonctionnaire titulaire.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Cela fait longtemps que nous en parlons !

M. Michel Liebgott. L'urgence et l'absence de débat ne nous permettent pas de poser de nombreuses questions. Ainsi, quelle sera leur rémunération ? Cette mesure est-elle cohérente avec l'objectif incontestable affiché du Gouvernement de réduire le nombre des fonctionnaires ? Le principe n'est pas négatif, mais reste à voir dans quelle mesure il est réaliste. Je pense, en particulier, à tous nos jeunes qui vivent dans nos zones urbaines sensibles ou dans des ZRU.

Parmi les dispositifs, je ne peux pas non plus passer sous silence, même si le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'est plus à nos côtés, le plan Borloo dont la mise en œuvre, avec la montée en puissance des contrats d'avenir, devra servir, selon les mots du Premier ministre, à gagner « la bataille de l'emploi dans le cadre des 100 jours ». Le renforcement du plan de cohésion sociale évoqué par le Premier ministre à l'occasion de son discours de politique générale ambitionne de dégonfler les chiffres du chômage en favorisant les emplois à la personne et en multipliant les contrats aidés. Mais ce plan de cohésion sociale, nous ne vous le cachons pas, c'est l'Arlésienne !


Je ne sais pas s'il faut à tout prix sauver le soldat Borloo ! On va peut-être y réussir grâce à ce programme car c'est peut-être dans le domaine des emplois aidés, avec quelques crédits, qu'on va limiter les dégâts et créer quelques emplois. Il suffira de modifier les taux de prise en charge si vous êtes décidés à le faire.

Le précédent gouvernement avait promis la signature de 50 000 contrats d'avenir pour le dernier trimestre 2004, ce gouvernement a revu tous les objectifs à la baisse, le premier contrat ayant été signé avec un semestre de retard, fin mars 2005. Les objectifs de 2005 sont d'ores et déjà amputés de 40 % ! Les contrats budgétisés sont passés de 250 000 à 180 000. On veut bien croire que vous allez donner un nouvel avenir à ces contrats, il n'empêche que cela ne suffira sûrement pas à résorber l'abîme du chômage dans lequel nous sombrons.

Je pensais avoir mal lu ou m'être trompé d'une dizaine en prenant connaissance du nombre de contrats d'avenir signés à ce jour, mais la réalité est bien là, on doit tourner autour du millier de contrats validés. Espérons simplement, et je le dis sans ironie, que le contrat d'avenir ne connaisse pas le sort du RMA et du CIVIS, ce dernier ayant d'ailleurs été purement et simplement supprimé.

Vous allez me dire que notre credo est toujours le même. Oui, tout simplement parce que nous avons la conviction profonde que les emplois que nous avions mis en place, les emplois-jeunes, étaient beaucoup plus pertinents, et nous ne sommes pas les seuls à le penser. Selon Philippe Lagayette, PDG de JP Morgan France, les emplois-jeunes fonctionnaient bien. Pour Marc Guillaume, professeur à Paris Dauphine, des études approfondies ont montré que le bilan de la politique des emplois-jeunes avait été positif et qu'il était curieux que le gouvernement qui a succédé les ait supprimés.

Pour les contrats d'avenir, vous allez sans doute augmenter de façon significative les participations de l'État pour satisfaire vos objectifs. On peut simplement avoir quelques doutes parce que vous ne mesurez sans doute pas à son juste niveau le climat de défiance à votre égard. Il y a eu tellement d'incantations, tellement de promesses, tellement d'engagements non respectés, on en a encore rappelé cet après midi lors des questions au gouvernement ! Les crédits de la politique de la ville ont été amputés de presque 50 % ces dernières années. Entre 2004 et 2005, ils baissent, je crois, de 30 % dans certaines agglomérations. Comment voulez-vous que les associations, les employeurs potentiels vous fassent confiance quand vous affirmez que les moyens de la politique de la ville sont maintenus ? Il y a un gouffre entre les propos que vous tenez et la réalité que nous vivons dans les départements, sur le terrain. C'est bien là que le bât blesse, la confiance n'y est plus. Les équilibres socio-économiques sont fragilisés, vous les avez tellement bousculés que vous ne les maîtrisiez plus du tout.

Incontestablement, vous souhaitez plus de souplesse pour les entreprises, mais nous craignons que ce ne soit au détriment des salariés. Vous voulez réhabiliter les emplois aidés, vous avez perdu la confiance nécessaire à leur développement. Bref, nous ne croyons pas que le drame du chômage puisse être dissipé avec ce plan de bataille qui n'est en fait qu'un catalogue de mesures, je ne ferai pas de publicité pour quelque marque que ce soit. Vous n'avez pas de vision d'ensemble et les perspectives ne sont que des perspectives à court terme, électoralistes, pourrait-on penser, ou en tout cas mesures de dernier recours. C'est peut-être la seule échéance qui vous importe vraiment, et elle passe par une politique d'affichage de lutte contre l'emploi. Il aurait fallu des politiques multiples, audacieuses, avec des échéances adaptées et nécessairement plurielles. Cinq ans n'auraient pas été de trop, trois ans sont déjà passés et, avec des mesures aussi insignifiantes et trop peu respectueuses des droits des salariés, deux ans ne nous paraissent pas suffisants.

Exemple d'oubli de taille alors que l'actualité se focalise à nouveau sur plusieurs délocalisations dont on parle ici et là en France, votre plan néglige totalement le domaine industriel. Même Patrick Artus, directeur des études économiques chez IXIS CIB, que le Premier ministre, si je ne me trompe pas, a consulté dans le cadre de ses entretiens préalables à l'élaboration de cette loi d'habilitation, considère dans un article de L'Express daté du 13 juin que l'industrie est trop absente de ce plan : « Je ne vois rien sur la recherche, sur l'enseignement supérieur, pour lequel on dépense trois fois moins en France qu'ailleurs, et rien non plus sur les commandes publiques de haute technologie aux entreprises innovantes. » « Créer des emplois dans l'hôtellerie et dans le bâtiment ne suffira pas. Le problème de fond est que nous décrochons dans le commerce mondial ».

Je ferai enfin quelques propositions pour une véritable politique publique en matière socio-économique.

La lutte contre le chômage ne passe pas par l'adoption de mesurettes et par une remise en cause d'un certain nombre de dispositions essentielles du droit du travail, mais par une croissance forte, couplée avec des mesures qui soutiennent la consommation populaire et mettent en place des politiques actives de l'emploi. Il faut donc un cocktail qui s'inscrive dans le temps, qui soit pluriel. C'est cette logique plurielle de traitement du chômage qui avait fait le succès du gouvernement dont j'ai parlé tout à l'heure.

Notre pays a besoin d'une politique économique globale et durable qui, seule, peut permettre d'obtenir des résultats en matière d'emploi. L'axe stratégique que vous négligez systématiquement, c'est le partage et la redistribution car les richesses ne sont pas extensibles et il faut bien à un moment donné utiliser celles qui sont disponibles. Si vous ne les utilisez pas à bon escient, si vous les concentrez entre quelques mains, elles ne peuvent produire d'autres richesses. Il faut redistribuer, partager, ce qui sera à terme source de richesses nouvelles.

Cela suppose de remettre en cause les baisses de l'impôt pratiquées par la droite sur la base de promesses aujourd'hui caduques. Vous y êtes finalement arrivés, non par la cohérence et le raisonnement, mais par la pression des événements, par la nécessité de faire des économies pour boucler vos budgets. Ce ne sera pas suffisant car il faut aussi relancer la croissance populaire, augmenter les minima sociaux, accorder des aides sociales supplémentaires dans le domaine du logement mais aussi dans d'autres domaines pour permettre une relance de la consommation. Il ne suffira donc pas de réduire ou de supprimer les réductions d'impôts pour les plus riches, il aurait fallu en temps utile ne pas les accorder et, au contraire, relancer la consommation en apportant de l'aide aux plus défavorisés.

On peut évidemment regarder ce qui se passe ailleurs, beaucoup l'ont fait lors de la discussion générale, les ministres également, je veux simplement revenir en quelques mots sur le modèle danois dit de flexisécurité.

Ce modèle a obtenu des résultats au Danemark, pays beaucoup petit que le nôtre, mais également en Suède et en Finlande.

Les performances obtenues au Danemark sont incontestables : le taux de chômage est actuellement de 5,4 % contre 10,2 % en France, le taux d'emploi est de 75,1 % contre 62,8 % en France, le temps de retour à l'emploi est de l'ordre de trois à quatre mois. C'est évidemment spectaculaire.

Vous allez nous dire, comme le ministre tout à l'heure, que c'est la réactivité, la souplesse ou la flexibilité qui ont rendu possibles ces créations d'emplois, mais il ne peut pas y avoir de réactivité, de souplesse et donc de confiance des salariés dans le dispositif s'il n'y a pas parallèlement des éléments de sécurisation. Il y a en particulier une assurance chômage extrêmement solidaire, qui garantit des taux d'indemnité parmi les plus hauts d'Europe, et une politique particulièrement active de réinsertion et de formation tout au long de la vie. C'est effectivement grâce un tel triptyque que l'on réussira à relancer l'emploi. Or vous, vous ne mettez en œuvre que la flexibilité, notamment à travers vos nouveaux contrats de travail. Tant du côté des employeurs que des employés, mais aussi des pouvoirs publics, cela suppose beaucoup d'esprit de responsabilité et de compromis, et surtout, cela suppose des négociations avec les syndicats, des négociations et pas des échanges, des discussions ou des entretiens, car, sans négociations, il ne peut pas y avoir de flexisécurité à la danoise. Vous en êtes loin. Non seulement il n'y a pas de négociation, mais il n'y a pas non plus de débat au Parlement, il y a simplement des ordonnances. Nous sommes aux antipodes du modèle danois que certains mettent en avant.

Le système finnois de lutte contre le chômage s'est également révélé très efficace puisque, en douze ans, le chômage a reculé de 7,7 points, passant de 16,3 % à 8,6 %. Là encore, les solutions apportées ont été plurielles, mixées selon un savant dosage : soutien à la recherche et au développement, et les exemples sont multiples - l'entreprise Nokia est une magnifique illustration de la résonance des investissements publics engagés, une kyrielle d'ingénieurs des télécoms ont d'ailleurs été formés dans les universités finnoises, ce qui est une excellente chose mais ce qui montre également que nous ne sommes pas à la hauteur ; regroupement et régionalisation des services de l'emploi ; création d'une agence dédiée spécifiquement aux chômeurs de longue durée.

Il nous faut également imaginer ou réhabiliter des outils originaux.

Personne ne le conteste, le chômage fait stagner les salaires, puisque cette armée industrielle de réserve permet aux employeurs de ne pas augmenter la part des salaires. Le déséquilibre entre l'offre et la demande est tel que la négociation entre les salariés et les entreprises est toujours défavorable aux premiers. Conséquence, la part des salaires dans le PIB a chuté de plus de 9 % en vingt ans, et nous devons tous nous en préoccuper. Ce sont ainsi près de 130 milliards d'euros qui vont rémunérer le capital alors qu'ils pourraient bénéficier aux salariés et à leur consommation. Cette analyse, qui a été faite notamment par l'ancien Premier ministre Michel Rocard, est intéressante parce que ces 130 milliards représentent tout de même deux fois le budget de l'éducation nationale et cinquante fois le budget du CNRS. Certains prétendent qu'il n'y a pas d'argent, d'autres savent où trouver des marges de manœuvre, encore faut-il les mobiliser.

La question des bas salaires doit également nous préoccuper car les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux. Ils n'attendent pas de miracle, ils souhaiteraient simplement que leurs faibles ressources soient un peu abondées. Ils ne peuvent plus participer par la consommation à la croissance et donc à la création indirecte d'emplois et de richesses. L'idée serait donc de verser aux bas salaires une prime du type de la prime pour l'emploi, qui a été modifiée par le gouvernement Raffarin en 2003, et qui encourage les familles les plus pauvres à travailler plutôt qu'à bénéficier des minima sociaux.

Il n'y a pas là d'idéologie, Toutes ces considérations reposent sur une réalité sociale que personne ne conteste. Comme le souligne Martin Hirsch, président d'Emmaüs France et auteur d'un récent rapport sur une nouvelle équation sociale, le travail doit permettre de ne pas être pauvre. Dans ce rapport où il formule quinze propositions pour combattre la pauvreté, il envisage notamment la création d'un nouveau dispositif appelé revenu de solidarité active. Selon ses analyses, un allocataire de RMI perd nettement du revenu quand il reprend un emploi à quart-temps et n'en gagne pas à mi-temps, voire à plein-temps.


Ce delta constitue incontestablement une « trappe à inactivité ». L'objectif du revenu de solidarité active viserait donc à compléter les revenus des travailleurs pauvres et pourrait faire coup double en permettant aux chômeurs de rentrer dans l'univers de l'emploi, mais également dans celui de la consommation.

Pour Pierre Saint-Paul, professeur d'économie à l'Université de Toulouse, « le revenu de solidarité active s'inscrit dans la même philosophie que la prime pour l'emploi en atténuant les effets de la trappe à pauvreté, en offrant un supplément de revenu aux allocataires de transferts sociaux si ceux-ci trouvent un emploi ».

L'urgence de votre plan ne doit pas non plus faire oublier les réformes structurelles à engager. J'ai évoqué la politique industrielle, je souhaite maintenant dire un mot des efforts plus considérables qu'il nous faudrait faire dans le domaine de la recherche et de l'innovation, parents pauvres de votre politique depuis quelques années. Les chercheurs vous l'ont maintes fois rappelé en descendant dans la rue - nous ne souhaitons pas qu'ils y redescendent. En tout cas, les investissements en recherche et développement devront nécessairement progresser. Pour cela, ils peuvent faire l'objet d'un traitement fiscal spécifique, une modulation de la taxation de l'impôt sur les sociétés peut être envisagée. Nous vous laissons le choix de la méthode, mais nous ne pouvons pas faire l'impasse sur une politique volontariste dans le domaine du développement et de la recherche.

D'une manière générale, au-delà des mesures particulières, il faut une franche relance de la consommation. Les échecs du tout-libéral, que vous prônez depuis maintenant plusieurs années, appellent le retour d'une politique volontariste, d'une politique d'inspiration keynésienne que vous réfutez. Plus que jamais nous sommes convaincus que l'État doit contenir les poussés, les excès du capitalisme ; il faut avant tout favoriser l'investissement créateur d'emplois et la croissance.

Pour cela, il faut consacrer une part plus importante du PIB au traitement du chômage. Ici encore, malheureusement, la comparaison avec certains États européens n'est pas en notre faveur.

Les pays dont on parlait tout à l'heure, et qui allient souplesse et sécurité, accordent des moyens bien plus importants que nous à leur service public de l'emploi, à l'aide à la réinsertion et à l'accompagnement individualisé des chômeurs - moins de 1 % du PIB en France contre 1,6 % au Danemark et 1,4 % en Suède. Il n'y a pas de secret ! C'est en mettant plus de monde au travail que l'on redonne confiance aux acteurs économiques, qui, par leur consommation et leurs investissements, soutiennent la croissance. À court terme, il faudrait également - je le dis avec gravité - que vous cessiez de voter des budgets en trompe-l'œil ; le gel des crédits du ministère de l'emploi ces dernières années n'a pas été non plus un atout pour nos concitoyens.

Pour les socialistes, l'emploi a toujours été et demeure une priorité absolue.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Pour nous aussi !

M. Michel Liebgott. Nous sommes conscients que satisfaire cette « ardente obligation » aura un coût.

M. Richard Mallié. CQFD !

M. Michel Liebgott. C'est sans doute ce qui nous différencie : vous en faites une priorité, mais vous n'y mettez pas les moyens,...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Seulement 4,5 milliards en plus de ce qui existe déjà !

M. Michel Liebgott. ...ce qui exigerait d'abandonner votre credo libéral pour relancer la consommation et permettre aux plus défavorisés de consommer à nouveau parce qu'ils en auront les moyens.

Peut-être allez-vous me rétorquer, comme l'a fait Thierry Breton, que la France vit au-dessus de ses moyens. Voilà encore une formule lourde de conséquences pour un ancien patron du CAC 40 ! Sait-il d'ailleurs vraiment ce que veut dire vivre au-dessus de ses moyens ?

Je vous rassure : je ne redonnerai pas les chiffres que nous avons eu l'occasion de mentionner lors de l'examen du projet de loi visant à réformer les 35 heures, quelques revenus, quelques stock-options ici ou là, leur évolution comparée à l'inflation. Cela pourrait paraître insultant. Vous trouveriez cela un peu lourd peut-être.

M. Alain Gest. Oui !

M. Michel Liebgott. C'est pourtant cela qui intéresse les Français, et ce qu'eux trouvent lourd, ce sont les charges qui pèsent aujourd'hui sur eux ; ils trouveraient sans doute particulièrement opportun que vous les allégiez ou que vous leur donniez les moyens de mieux les supporter. Nous en sommes sans doute loin, et vous êtes sans doute plus près, de par vos réactions, d'être complices, peut-être sans le vouloir, de ces « golden parachutes », mentionnés de temps à autre dans la presse, comme celui de l'ancien patron du groupe Carrefour.

Sommes-nous déjà dans une société à deux vitesses ? Oui, à l'évidence et François Hollande, notre Premier secrétaire l'a dit avec beaucoup de pertinence (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - comme d'ailleurs tous les dirigeants de notre parti ; ne voyez pas de contradiction là où il n'y en a pas : sur l'essentiel, ils se rejoignent -, « la France est dans un état de défiance ». Sur ce point, il y a convergence, à la fois des dirigeants socialistes, mais sans doute également du peuple de gauche.

Cette crise est profonde. Nous l'avons malheureusement vu avec le scrutin du 29 mai. Les gouvernements auxquels vous avez participé portent une grande responsabilité dans cette situation. Je ne vise pas spécialement ce gouvernement-ci, résultat d'un jeu de chaises musicales : avant lui, Jacques Chirac avait voulu résorber ce que Marcel Gauchet avait théorisé sous le nom de « fracture sociale » et Jean-Pierre Raffarin avait annoncé en son temps vouloir s'occuper de la « France d'en bas ». Nous en sommes à peu près à cette problématique : l'un veut s'occuper de la France d'en bas, l'autre veut traiter le problème du chômage dans l'urgence. Le seul constat sur lequel on peut être aujourd'hui d'accord est que la fracture sociale est toujours plus forte que jamais, et c'est un euphémisme.

Alors que le message des urnes à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel a été on ne peut plus clair et sans équivoque, qu'il témoigne d'une rupture, que personne ne peut contester, entre plusieurs France, vous vous entêtez dans des mesures « libéralisantes » en matière d'emploi.

Comme l'a excellemment écrit Claude Weill dans le Nouvel Observateur, la géographie électorale de ce scrutin confirme un brouillage des repères : « la carte du « non » est le calque de la France du chômage, du RMI, des bas salaires, de la crise agricole et de la désertification des campagnes ». Le score du « non » montre, malheureusement, l'ampleur du problème que vous avez à résoudre.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Que nous avons à résoudre !

M. Michel Liebgott. La France a besoin d'un sursaut, mais sans doute pas celui que propose Michel Camdessus, dont vous avez peut-être lu le rapport. Ce serait le livre de chevet de M. le ministre d'État, si j'entends bien certaines de ses déclarations. Nous ne croyons pas que là se situent les solutions à la crise que nous traversons.

Les « cents jours » du Premier ministre - maintenant quatre-vingts - ne suffiront pas pour redonner confiance au pays.

Mme la présidente. Vous avez bientôt épuisé votre temps de parole.

M. Michel Liebgott. Je vais conclure en expliquant pourquoi le renvoi en commission me paraît être une nécessité absolue.

D'abord, parce que certains dans votre propre majorité ne jugent pas cette loi d'habilitation particulièrement opportune.

M. François Scellier. C'est vous qui le dites !

M. Michel Liebgott. Je ne parle même pas de l'UDF, mais de Claude Goasguen qui disait : « A la rentrée prochaine les députés UMP feront sérieusement le bilan des Cent jours du Gouvernement. » Attention, les Cent jours se sont achevés à Waterloo...

Ce renvoi en commission me paraît également justifié par un texte empreint d'improvisations, d'hésitations, de zones d'ombres, de considérations floues qui ne sauraient satisfaire le message donné par les Français. On constate d'ailleurs qu'au fur et à mesure que le temps passe, vous ajoutez des précisions à un texte qui, pour l'instant, ne semble toujours pas abouti dans votre esprit.

C'est dire combien nous sommes inquiets. Et Jean Le Garrec a eu raison, lors de l'examen en commission, de dire que le Parlement aurait pu siéger quelques jours de plus pour examiner ce projet de loi selon la procédure normale, d'autant que le calendrier s'est allégé en raison des différents reculs du nouveau Gouvernement.

Le recours à l'ordonnance ne nous paraît pas du tout en phase avec les attentes des Français. Ceux-ci veulent un travail de fond, un examen approfondi des conditions dans lesquels on va construire leur avenir. Je note d'ailleurs au passage qu'en commission nous n'avons pas bénéficié des meilleures conditions pour travailler puisque nous avons reçu le texte que la veille de son examen par celle-ci - mais cela n'est sans doute pas le plus important.

Ce plan, comme beaucoup d'autres adoptés selon des procédures normales, va sans doute faire « pschitt », comme beaucoup le redoutent aujourd'hui dans le pays.

Rien ne sert de courir, mieux vaut arriver à point. Vous nous faites croire que vous allez accélérer le processus. Nous craignons simplement que vous ne prolongiez purement et simplement la politique libérale qui anime ce gouvernement, et qui sans nul doute fournira également sa substantifique moelle au candidat de votre camp pour l'élection présidentielle - ce qui, je l'espère, convaincra les Français de ne pas vous suivre, comme nous ne vous suivrons pas sur votre projet de loi d'habilitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons été impressionnés par le talent oratoire de M. Liebgott, mais très sincèrement, au regard de l'ensemble du débat, il nous apparaît peu nécessaire d'ajouter des informations complémentaires.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je souhaite m'élever contre cette motion de renvoi. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a consacré trois réunions à l'examen de ce projet de loi d'habilitation. Elle a réalisé un réel travail d'études et d'échanges autour des questions qu'il peut soulever. Elle a examiné quatre-vingt-dix amendements et en a adopté cinq.

M. Gaëtan Gorce. C'est une plaisanterie !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ces cinq amendements permettent d'ores et déjà de préciser la portée de l'habilitation qui sera accordée au Gouvernement.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Certaines interrogations ont pu être soulevées, et je remercie les membres de la commission, ainsi que le rapporteur, M. Claude Gaillard, qui a fait un excellent travail.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'éprouve cependant un regret sincère : en l'absence de tout député de l'opposition en commission pour défendre les amendements - vous n'étiez pas là, monsieur Liebgott...

M. Gaëtan Gorce. Nos conditions de ce travail n'étaient pas acceptables !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Aucun député socialiste n'était présent ! M. Le Garrec est apparu, a dit trois mots, puis a disparu.

M. Gaëtan Gorce. Jamais la commission n'a si mal travaillé !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En l'absence de nos collègues de l'opposition, pour lesquels nous avons respect et estime, pour reprendre les termes mêmes de M. Le Garrec, les échanges sur les articles ont été de facto réduits.

Il me semble paradoxal de s'indigner du recours aux ordonnances et de ne pas participer aux travaux de la commission, tout en disant que le renvoi en commission était une nécessité absolue, pour reprendre vos termes, monsieur Liebgott.

M. Gaëtan Gorce. Vous débattez des amendements sans avoir le texte ! C'est scandaleux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Gorce, vous n'étiez pas là, et je le regrette infiniment eu égard à votre talent oratoire.

C'est en commission que pouvaient être posées les questions qui permettent par la suite d'établir de manière aussi précise que possible les intentions du législateur et le contenu de la lettre de mission adressée au Gouvernement. Vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues de la majorité, vous qui étiez là !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bien sûr !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Liebgott, vous me permettrez de dire deux mots concernant de façon plus précise votre propos.

Tout d'abord, vous avez évoqué le vote du 29 mai et la défiance qu'il traduisait envers le Gouvernement. Mais cette défiance ne s'exprimait pas uniquement en direction du Gouvernement. Elle s'adressait en premier lieu au parti socialiste. Regardez les résultats de l'élection, voyez les sondages et vous verrez que nous n'avons pas beaucoup de leçons à recevoir. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


Par ailleurs, votre intervention traduit une sorte d'incapacité à faire des propositions innovantes en matière d'emploi. Vous vous en tenez à des postures classiques et à l'ambiguïté d'un discours qui essaie vainement de démontrer que vous avez mesurez l'importance du développement de l'économie, tout en disant que ce développement ne peut pas être entièrement libéré.

Je le dis sincèrement : nous sommes ici un certain nombre à être inspirés par la dimension sociale du gaullisme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il y a soixante ans, en 1945, ne l'oublions pas, Charles de Gaulle, Pierre Laroque, ministre du travail et de la sécurité sociale, et Georges Buisson, rapporteur du projet à l'Assemblée constituante, avaient lancé ce modèle - notre modèle -, qui précisait clairement que la solidarité devait s'appuyer sur le développement économique. L'économie, c'est l'entreprise, notamment les petites et moyennes entreprises, comme l'a rappelé le Premier ministre voici deux jours et comme l'ont dit à plusieurs reprises M. Borloo et M. Larcher.

Permettez-moi, monsieur Liebgott, de m'interroger sur votre analyse du système danois. Je ne sais pas si les ministres ont compris votre propos.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais si ! C'est tout à fait clair !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'avoue que, pour ma part, je n'ai pas compris cette analyse ambiguë. On ne peut comparer notre histoire, notre culture et notre société à celles de pays dont la démographie est beaucoup plus faible.

Votre discours est ambigu et incohérent, car vous ne tenez pas compte du juste équilibre - certes difficile à trouver - entre le développement économique et le développement de la solidarité. Sur ce thème, nous, gaullistes, n'avons pas de leçons à recevoir. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Mansour Kamardine. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Liebgott, pardonnez-moi enfin d'être un peu mesquin, mais il faut bien reconnaître que pendant plus d'une heure vous avez parlé seul, devant un hémicycle vide.

M. Claude Gaillard, rapporteur. À gauche !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce n'est qu'après plus d'une heure que M. Vidalies et M. Gorce sont venus vous rejoindre. Voilà maintenant M. Gremetz qui arrive. Convenez que cela peut susciter quelque interrogation.

M. Gaëtan Gorce. Ce que vous dites est honteux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La discussion qui s'est ouverte n'en doit pas moins se poursuivre. L'examen des dispositions détaillées du projet permettra, j'en suis persuadé, de mener à bien ce travail et de poursuivre le dialogue avec le Gouvernement.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est donc inutile de reprendre les travaux en commission,...

M. Gaëtan Gorce. Lamentable !

M. Alain Vidalies. C'est le dépit de ne pas avoir été ministre !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...et il convient donc de ne pas adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'UMP.

M. Richard Mallié. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, que dire après avoir entendu pendant une heure et demie une telle litanie et un tel Almanach Vermot ? Pour ma part, je serai bref et me contenterai de reprendre, monsieur Liebgott, ce que vous avez dit.

Ce qui ressort de vos propos, en fin de compte, c'est votre incapacité à tenir compte des réalités économiques et sociales qui s'imposent à nous. Quels moyens avez-vous consacrés à l'emploi ? Quel est votre bilan ? Vous nous répéterez que ce sont les 35 heures, c'est-à-dire plus de loisirs et le partage du travail. Certes, il y a eu plus de loisirs, parce que les gens ne travaillaient pas, mais comme leur pouvoir d'achat avait baissé, ils ne pouvaient pas en profiter.

Mme Martine Billard. Vous avez une drôle de conception des loisirs !

M. Richard Mallié. Si le pouvoir d'achat des salariés a baissé, c'est parce que, comme vous l'avez dit vous-même, les grandes entreprises en ont profité, en bloquant les salaires et les heures supplémentaires. Elles ont, en outre, gagné en productivité et en flexibilité. Enfin, elles ont pris les aides de l'État. Vous avez fait des grandes entreprises capitalistiques les gagnantes des 35 heures,...

M. Maurice Giro. Le MEDEF et le baron Seillière ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. ...et leurs bénéfices ont augmenté !

M. Alain Vidalies. C'est clair, c'est limpide ! Il aurait dû être ministre du travail !

M. Richard Mallié. Et nous, qu'avons-nous essayé de faire en trois ans ? Le 1er juillet - dans deux jours ! -, le SMIC augmentera : les six SMIC, dont les montants accusaient une différence de 11 % entre le plus haut et le plus bas, seront harmonisés par le haut.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Voilà un engagement tenu !

M. Richard Mallié. Votre bilan, c'est aussi la promotion de l'assistanat. Nous, nous avons préféré inciter les gens au travail, avec une prime de 1 000 euros.

M. Alain Vidalies. Après trois ans au pouvoir, c'est un beau bilan !

M. Richard Mallié. Quant au contrat « nouvelles embauches », que vous avez évoqué, il semble que nous n'ayons pas les mêmes lectures.

M. Alain Vidalies. Ça, on s'en était aperçu !

M. Richard Mallié. Pour ma part, en lisant le projet de loi et en écoutant les propos du Gouvernement, j'ai compris qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée, d'un CDI.

M. Maxime Gremetz. Ça, c'est extraordinaire ! En voilà une nouvelle !

Mme Martine Billard. Vous avez mal compris, monsieur Mallié !

M. Richard Mallié. Certes, je vous l'accorde, durant les deux premières années, il peut être mis fin à ce contrat de part et d'autre, dans des conditions qui, comme nous l'a indiqué le ministre, restent à définir.

M. Alain Vidalies. Mais ce n'est rien !

M. Maxime Gremetz. Un CDI à l'essai !

M. Richard Mallié. Lorsqu'un chef de petite entreprise crée un emploi et embauche un salarié pour un essai, s'il constate que son entreprise fonctionne mieux et qu'il gagne en chiffre d'affaires, il est évident que cet employeur ne va pas remercier ce salarié au bout de deux ans, mais qu'il va le garder. C'est une lapalissade ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Une fois encore, vous faites preuve d'idéologie, tandis que nous, nous essayons de choisir l'action et le pragmatisme.

M. Maxime Gremetz. Ça se voit !

M. Richard Mallié. Je vous propose d'évaluer ce dispositif après deux ou trois ans.

Pour nous, donc, c'est « oui » aux ordonnances Borloo - mon métier me permet de le dire - et « non » à cette motion de renvoi en commission, à laquelle le groupe de l'UMP s'opposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Mince, alors !

Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce. Il va de soi que le groupe socialiste votera la motion défendue avec talent et efficacité par M. Liebgott. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'êtes tout de même pas surpris que, lors des explications de vote, j'explique pourquoi nous allons voter cette motion !

Mais pour qu'un président de commission avance l'argument que les députés de l'opposition n'aient pas voulu siéger dans les conditions qui leur ont été imposées, c'est sans doute qu'il n'en a pas d'autres pour défendre ce projet de loi.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous avons eu pitié de M. Liebgott, abandonné par son groupe !

M. Gaëtan Gorce. Nous avons découvert le texte d'un projet de loi d'habilitation adopté par le conseil des ministres le mercredi matin, alors que la limite de dépôt des amendements était fixée au soir même à 18 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Mallié. Parlons-en, de vos amendements !

M. Gaëtan Gorce. Sur un texte qui est, à ce qu'il paraît, la mesure phare de ce nouveau gouvernement et qui donne délégation au Gouvernement pour agir et remettre en cause une partie du code du travail et des contrats de travail, les parlementaires n'auraient que six heures pour préparer des amendements !

M. Alain Vidalies. C'est une agression incroyable !

M. Gaëtan Gorce. Que signifient des arguments de ce niveau ? Monsieur le président de la commission, vous avez consenti, depuis que vous occupez cette fonction, à six lois votées en urgence dans le domaine social et dans le domaine de l'emploi. Voilà comment travaille cette commission : d'une manière scandaleuse et indécente au regard de la qualité que devraient avoir nos travaux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je ne peux pas accepter ces propos !

M. Gaëtan Gorce. Il n'est pas normal que vous puissiez mettre ainsi en cause l'opposition, et nous vous rappellerons à l'ordre chaque fois que, dans votre manière de présider cette commission, vous accepterez que le Parlement soit abaissé dans ses droits.

Sur le fond, je suis ravi de voir que le représentant de l'UMP n'a pas d'autre argument que de revenir au bilan d'un précédent gouvernement qui a créé deux millions d'emplois supplémentaires et qui a fait baisser le chômage.

M. Richard Mallié. Dans des conditions totalement différentes, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Parlez donc un peu de votre bilan et de ce texte ! Vous nous dites que vous ne voyez dans le contrat « nouvelles embauches » qu'une forme de contrat à durée indéterminée, mais les Français doivent savoir qu'il s'agit plutôt d'un contrat à garanties indéterminées ! Ce que vous nous proposez, et que le Gouvernement mettra en place par ordonnances, c'est un contrat à durée indéterminée qui permettra, pendant deux ans, de licencier un salarié sans motif,...

M. Maxime Gremetz. Quand on veut ! Comme des Kleenex !

M. Gaëtan Gorce. ...contrairement aux principes qui figurent dans les conventions de l'Organisation internationale du travail et à un principe fondamental du droit qui veut que nul, s'il dispose d'un contrat de travail, ne puisse se voir supprimer son emploi sans un motif disciplinaire ou économique, sans une cause réelle et sérieuse.

Vous êtes en train de mettre en place le licenciement arbitraire pendant deux ans. Et vous nous dites que vous servez l'emploi et que nous sommes dans le cadre normal d'un emploi à durée indéterminée ? C'est un scandale juridique et social que de présenter ainsi les choses ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous n'avez que ce mot de scandale à la bouche !

M. Gaëtan Gorce. Riez donc ! Les Français ne rient plus de la politique que vous leur faites subir depuis trois ans, et qui durera peut-être jusqu'en 2007. Mais vous prenez une responsabilité vis-à-vis des Français en leur disant que tout ce que vous entendez des souffrances et des protestations qu'ils expriment, c'est qu'il faut encore accroître la flexibilité et la précarité et en vous moquant de leur vote et de leurs protestations. Vous en paierez le prix fort en 2007, je vous le dis - et nous y travaillerons avec nos amis.

La politique que vous menez est indécente. Il est indécent, sur le plan politique, de vous maintenir au pouvoir sans confiance et, sur le plan social, d'accroître la précarité alors que ce pays en souffre, à cause de la politique que vous menez depuis trois années. Voilà ce qu'il faut dire - et à cela, vous n'avez pas de réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Je me réjouis que M. Gorce ait réveillé cet hémicycle, avec un lyrisme qui doit enthousiasmer les foules.

M. Hervé Mariton. C'est plutôt de l'emphase !

M. Claude Leteurtre. L'exposé de M. Liebgott était méritant,...

M. Hervé Mariton. Vous êtes trop poli !

M. Claude Leteurtre. ...pour ne pas dire laborieux. Il a tenu une heure et demie...

M. Alain Gest. Tout seul, abandonné par ses collègues !

M. Claude Leteurtre. ...et il faut lui savoir gré de n'avoir oublié aucun poncif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Vidalies. Vous, on ne vous a pas beaucoup entendu !

M. Claude Leteurtre. Laissez-moi m'exprimer ! Après avoir rendu hommage au lyrisme de M. Gorce, pourquoi ne pourrais-je pas dire mon admiration pour le travail méritant et laborieux de M. Liebgott ?

Mais en quoi ce discours peut-il justifier un renvoi en commission ?

M. Alain Vidalies. Nous entrons dans la pensée de l'UDF !

Mme la présidente. M. Leteurtre a la parole, et lui seul !

M. Claude Leteurtre. Merci, madame la présidente.

Je ne vois pas chez M. Liebgott de propositions nouvelles : il ne s'agit que d'une accumulation de propos déjà entendus partout.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bien sûr !

M. Claude Leteurtre. Moi qui suis élu local...

M. Alain Vidalies. Pas nous ?

M. Claude Leteurtre. ...et connais la réalité...

M. Maxime Gremetz. Pas la même que nous !

M. Claude Leteurtre. Peut-être, mais je rencontre régulièrement, chaque semaine, les gens qui sont confrontés au chômage. J'avais mis en place, après la fermeture d'une usine Moulinex, une solution de reprise qui a été bloquée par un recours du comité central d'entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut faire évoluer les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous pouvez rire à gauche, mais les vingt-cinq employés concernés, eux, ne rient pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous m'évoquez ceux qui débattent du sexe des anges alors que Byzance est en train de tomber !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bravo !

M. Claude Leteurtre. Les Français se moquent de savoir si les mesures sont prises par ordonnances ou par un autre moyen : ils veulent une approche pragmatique. En tant que parlementaire UDF, la méthode ne me fait pas plaisir, mais le Gouvernement, qui dispose d'une majorité absolue, a choisi ce mode de fonctionnement et sera jugé sur les actes. Évitons donc ce genre de procédure inutile. L'UDF ne votera pas ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


Mme la présidente.
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Votre repas semble vous avoir un peu énervés, mais vous n'êtes pas plus intelligents pour autant. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il serait plus sage que vous en veniez à votre explication de vote.

M. Maxime Gremetz. J'ai le droit de dire ce que je pense durant les cinq minutes qui me sont imparties, madame la présidente. Compte tenu de la scène à laquelle nous avons assisté cet après-midi, je tiens à insister sur la nécessité de respecter la dignité de l'Assemblée nationale.

M. Alain Gest. Ce n'est pas en traitant ainsi vos collègues que vous la respectez !

M. Maxime Gremetz. Et vous, comment les traitez-vous ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis triste pour mon pays. Partout, j'entends dire : « Nous vivons une fin de règne : nous ne sommes plus gouvernés, nous ne savons plus à quoi nous attendre. Pourtant, on nous avait dit que l'on tiendrait compte des exigences fortes que nous avons exprimées en votant massivement non, et que l'on prendrait les mesures nécessaires. »

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le PCF est pessimiste !

M. Maxime Gremetz. Ceux qui pensent cela ne sont pas si éloignés de vous. Bien sûr, quand on appartient à une majorité écrasante à l'Assemblée, on a pour habitude de se taire - j'ai connu la période des « godillots » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, mais, dans les conversations privées, les langues se délient et on exprime plus facilement son opinion.

Quoi qu'il en soit, ce plan d'urgence pour l'emploi ne correspond pas à ce qui était attendu : personne n'y croit. Et pour cause, non seulement il ne comporte rien de nouveau, mais, de plus, il aggrave la politique que vous menez depuis trois ans et que les Françaises et les Français ont rejetée à plusieurs reprises.

Monsieur le ministre, vous parlez souvent du dialogue social, mais si vous écoutiez vraiment, vous accepteriez que ce texte soit renvoyé en commission. Mieux, vous le retireriez. Les gens vous ont dit qu'ils ne voulaient pas être pris pour des imbéciles et qu'ils en avaient assez des élites qui croient tout savoir. Après avoir reçu une telle leçon, on se doit d'être un peu plus modeste et un peu moins arrogant.

M. Voisin, qui est pourtant très éloigné de nos positions, dit exactement la même chose que nous, tout comme la CGT, Force ouvrière et la CFTC. Avec qui dialoguez-vous donc ? Ce contrat « nouvelles embauches » est bien, comme l'a dit M. Voisin, une régression sociale et une mise en cause sans précédent du code du travail qui a vocation à être généralisée.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, tout à l'heure, vous étiez en retard et je vous ai attendue. Vous pouvez me laisser poursuivre trente secondes, alors que nous avons perdu un quart d'heure en début de séance.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous savez fort bien que ce n'est pas moi qui étais en retard. Vos propos sont inacceptables.

Vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Je vous demande de conclure.

M. Maxime Gremetz. En tout cas, il n'est pas normal que les députés dépendent du bon vouloir du rapporteur ou du ministre.

Pour ma part, monsieur le ministre, je préfère me référer à la sagesse des organisations syndicales, qui, dans leur diversité, vous ont dit qu'elles étaient absolument contre ce projet et que si vous le faisiez adopter, il faudrait vous attendre à une rentrée mouvementée. Nous voterons donc évidemment la motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous connaissez comme moi le fonctionnement de la présidence et vous savez fort bien que je n'étais pas en retard.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2403, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi :

Rapport, n° 2412, de M. Claude Gaillard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Projet de loi, n° 2120, autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel :

Rapport, n° 2410, de M. Jean-Marc Nesme, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2178, autorisant l'approbation de l'amendement à l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004 :

Rapport, n° 2409, de Mme Chantal Robin-Rodrigo, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2336, autorisant l'adhésion à l'accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, de l'Atlantique du nord-est et des mers d'Irlande et du Nord (ensemble une annexe) :

Rapport, n° 2411, de M. Guy Lengagne, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2059, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels :

Rapport, n° 2419, de M. Bruno Bourg-Broc, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2414, autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption :

Rapport, n° 2417, de Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2176, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements :

Rapport, n° 2416, de M. René André, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2180, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement :

Rapport, n° 2418, de M. Henri Sicre, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2337, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements :

Rapport, n° 2420, de M. Jean-Claude Guibal, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Éventuellement, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 30 juin 2005, à zéro heure vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot