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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 7 septembre 2006

1ère séance de la session extraordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

Ouverture de la session extraordinaire 2005-2006

M. le président. En application de l’article 29 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire de 2005-2006 convoquée par décrets du Président de la République du 5 juillet et du 28 août 2006.

J’ai reçu de M. le Premier ministre les lettres suivantes :

« Paris, le 5 juillet 2006

« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en application des articles 29 et 30 de la Constitution, le Parlement sera réuni en session extraordinaire le jeudi 7 septembre 2006.

« Je vous communique, pour information de l’Assemblée nationale, une ampliation du décret du Président de la République qui ouvre cette session et qui sera publié au Journal officiel.

« Je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de ma haute considération. »

Je donne lecture du décret annexé à cette lettre :

DéCRET du 5 JUILLET 2006 PORTANT CONVOCATION DU PARLEMENT EN SESSION EXTRAORDINAIRE

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,

« Décrète :

« Art. 1er. − Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le jeudi 7 septembre 2006.

« Art. 2. − L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra l’examen et la poursuite de l’examen des projets de textes suivants :

« - projet de loi portant adaptation du secteur de l’énergie ;

« - projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ;

« - projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

« Art. 3. − Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 5 juillet 2006.

« Jacques Chirac

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Dominique de Villepin. »

La seconde lettre est ainsi rédigée :

« Paris, le 28 août 2006

« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous faire communiquer, pour information de l’Assemblée nationale, une ampliation du décret du Président de la République qui complète le décret du 5 juillet 2006 portant convocation du Parlement en session extraordinaire et qui sera publié au Journal officiel.

« Je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de ma haute considération. »

Je donne lecture du décret annexé à cette lettre :

Décret du 28 AOÛT 2006 complétant le décret du 5 JUILLET 2006 portant convocation du Parlement en session extraordinaire

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution ;

« Vu le décret du 5 juillet 2006 portant convocation du Parlement en session extraordinaire,

« Décrète :

« Art. 1. − L’article 2 du décret du 5 juillet 2006 susvisé est complété par un cinquième alinéa ainsi rédigé :

« “L’ordre du jour de la session extraordinaire comprendra également une déclaration du Gouvernement devant chaque assemblée, qui sera suivie d’un débat sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en œuvre de la résolution 1701 (2006) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.”

« Art. 2. − Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 28 août 2006.

« Jacques Chirac

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Dominique de Villepin. »

Hommage à la mémoire de
Nathalie Gautier

M. le président. C’est avec une profonde tristesse et beaucoup d’émotion que nous avons appris le décès de celle qui fut notre collègue et surtout notre amie, Nathalie Gautier, députée de la sixième circonscription du Rhône.

Nous sommes d’autant plus frappés par sa disparition que son retour sur nos bancs, il y a quelques semaines, nous avait laissé espérer qu’elle parviendrait à surmonter les épreuves de sa terrible maladie. C’est un moment d’une grande tristesse pour nous, car Nathalie Gautier était estimée de tous.

Je prononcerai son éloge funèbre lors d’une prochaine séance, mais je voulais, dès aujourd’hui, en hommage à notre collègue décédée, inviter l’Assemblée à observer une minute de recueillement. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

Remplacement d’une députée décédée

M. le président. En application des articles LO 176-1 et LO 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l’intérieur, en date du 1er septembre 2006, m’informe du remplacement de notre collègue Nathalie Gautier, députée de la sixième circonscription du Rhône, décédée, par M. Lilian Zanchi.

Situation au proche-orient

Déclaration du Gouvernement et
débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en œuvre de la résolution 1701 (2006) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames et messieurs les députés, c’est un honneur pour moi de me trouver devant vous pour ouvrir ce débat.

Cet été, la violence et le deuil ont une nouvelle fois frappé le Proche-Orient. Nos compatriotes ont été profondément touchés par la souffrance du peuple libanais, qui a connu tant de déchirements et de guerres. Devant les images du Liban dévasté par les bombardements israéliens, devant la peur et à la colère légitime des habitants de Haïfa frappés par les tirs de roquette du Hezbollah, nous avons tous éprouvé un même sentiment de révolte.

Dans cette nouvelle crise qui a secoué le Proche-Orient, la France, sous la conduite du Président de la République, a pris toutes ses responsabilités. Elle l’a fait dans un esprit de rassemblement et d’unité que je tiens à saluer et pour lequel je veux remercier, au nom du Gouvernement, l’ensemble de la représentation nationale.

Aujourd’hui, la situation au Proche-Orient nous oblige à l’action. Il est au cœur d’un arc de crises qui s’étend de la Somalie à l’Afghanistan. Alors que la mondialisation ne cesse de créer de nouveaux liens et de nouveaux échanges, cette région semble au contraire s’enfermer toujours davantage dans une spirale de violence et de haine.

Nous ne pouvons pas être indifférents à ce qui se joue au Liban, dans les territoires palestiniens, à Damas, à Téhéran ou encore à Kerbala. En effet le défi du Proche-Orient, c’est la paix, c’est notre capacité à faire vivre le dialogue et la tolérance entre les cultures, c’est la sécurité de nos compatriotes.

Au cœur de cet arc de crise, se trouve le conflit israélo-palestinien. Après plus d’un demi-siècle d’affrontements, la paix semble toujours hors d’atteinte. Des millions de personnes en rêvent et ne la voient pas. Des hommes de raison et de sagesse la construisent, mais leurs projets ne se réalisent pas. Tout ce qui s’imagine de grand et de bien pour cette région est à chaque fois emporté par les haines et les violences. La paix ne se décrète pas. Néanmoins aucun des échecs du passé ne doit nous décourager pour l’avenir.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Plus de 70 % des Palestiniens vivent en dessous du seuil de pauvreté. La victoire du Hamas aux élections législatives témoigne des frustrations du peuple palestinien. Dans le même temps, malgré le retrait de Gaza et la construction de la barrière de sécurité, les Israéliens ont besoin de garanties supplémentaires pour leur sécurité. Le conflit du Liban l’a encore montré : plus que jamais les parties au conflit semblent incapables de parvenir seules à une solution.

Si nous voulons sortir de cette impasse, il faut donc que la communauté internationale se mobilise avec bien plus de détermination et d’énergie qu’elle ne l’a fait jusqu’ici. C’est le sens de l’appel lancé la semaine dernière par le Président de la République en faveur d’une nouvelle réunion du Quartet. Il repose sur une conviction forte : seuls une solution politique et un règlement négocié permettront de parvenir à une paix juste et durable pour l’ensemble des peuples de la région, avec deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité.

Au-delà du conflit israélo-palestinien, la multiplication des crises dans cette région est aujourd’hui pour nous tous un risque majeur. Un profond sentiment d’injustice causé par la pauvreté, les inégalités et la violence, mais aussi l’histoire, ont fait de cette région une terre fragile, marquée par des plaies profondes qui ne se sont jamais refermées. Par les liens qu’elle entretient avec ces pays, la France connaît mieux que personne l’importance des motivations culturelles et religieuses qui sous-tendent ces crises. Elle sait mieux que personne tout ce que les identités blessées renferment de ressentiment et d’amertume.

Dès 2003, en pleine crise iraquienne, le Président de la République l’affirmait : la force seule n’est jamais la solution. Les aspirations identitaires qui sont en jeu appellent d’autres réponses que la seule intervention armée. Aujourd’hui, l’Irak s’enfonce dans la violence et constitue un nouveau foyer de crise qui déstabilise la région et nourrit le terrorisme.

N’oublions pas enfin que ces crises font le jeu de tous les extrémistes. Nous le voyons avec le terrorisme : qu’il cherche à frapper à l’intérieur ou à l’extérieur de nos frontières, il se greffe sur les conflits et instrumentalise la souffrance des populations. Contre le terrorisme, ce n’est pas une guerre qu’il faut engager ; c’est, comme la France le fait depuis des années, une lutte déterminée qui repose à la fois sur une vigilance de tous les instants et sur une coopération efficace avec nos partenaires. Cependant nous ne viendrons à bout de ce fléau qu’en luttant aussi contre l’injustice, contre la violence, contre les crises.

Restons vigilants également face au risque de la prolifération. Le programme nucléaire iranien suscite des inquiétudes légitimes. Avec ses partenaires européens, la France a pris l’initiative du dialogue avec Téhéran. Là encore, il n’est pas d’autre solution que politique. La réponse de l’Iran à l’offre faite par la communauté internationale n’est pas satisfaisante, notamment concernant la nécessité de suspendre l’enrichissement. Avec l’ensemble de la communauté internationale, nous privilégions aujourd’hui la voie du dialogue. Il revient maintenant à l’Iran de prendre toutes ses responsabilités.

Nous le voyons : c’est bien la stabilité de l’ensemble de la région qui est en jeu, avec un risque véritable de contagion et de radicalisation. Agir au Liban, c’est se donner les moyens de prévenir un nouveau conflit régional et défendre les intérêts de la France.

Dans ce contexte instable, la France a fait, pour le Liban, le choix de l’initiative et de l’action, sur le plan politique d’abord. Ainsi, à la demande du Président de la République, je me suis rendu à Beyrouth le 17 juillet pour manifester la solidarité de la France et offrir notre assistance aux autorités libanaises. Le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie et le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, sont également allés sur place ou dans la région à plusieurs reprises. Dominique Perben se rendra demain à Beyrouth à l’occasion de la reprise des vols d’Air France entre Paris et la capitale libanaise.

Notre pays a pris une part déterminante dans l’adoption, à l’unanimité du Conseil de sécurité, de la résolution 1701 le 14 août dernier. Au-delà de l’indispensable cessation des hostilités, notre objectif est bien de parvenir à un cessez-le-feu et à une solution durable qui garantisse la pleine souveraineté du Liban comme la sécurité d’Israël.

Tout au long de la crise, nous n’avons cessé de dialoguer avec les deux parties. Je tiens ici à saluer le courage et l’esprit de responsabilité du Premier ministre, M. Fouad Siniora, qui a déclenché, le 7 août, le déploiement de l’armée libanaise au sud du pays, après presque quarante ans d’absence. Nous avons également entretenu un dialogue constructif avec les autorités israéliennes. Lors d’un échange avec Ehoud Olmert, à la veille de mon départ pour Beyrouth, comme lorsque j’ai reçu à Paris Mme Livni, vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères, j’ai pu mesurer combien la relation entre la France et Israël demeurait solide et confiante.

Nous avons aussi fait le choix de l’action pour répondre dans l’urgence aux besoins des populations. Nous avons évacué 11 000 Français ainsi que 2 500 ressortissants d’autres nationalités. À cet égard je tiens également à rendre hommage aux personnels civils et militaires, dont la compétence, le dévouement et le courage ont permis le succès de cette opération. Nous avons également aidé nos compatriotes présents dans le nord d’Israël, exposés aux tirs de roquette, et auxquels le ministre des affaires étrangères est allé manifester sur place notre soutien.

Pour répondre aux besoins humanitaires de la population libanaise, nous avons apporté des vivres, des médicaments et des équipements sanitaires pour près de 20 millions d’euros. Avec l’installation en cours de quinze ponts métalliques Bailey, pour lesquels notre pays mobilise plus de 200 militaires du génie, la France apporte une contribution décisive au rétablissement des voies de communications vitales pour le pays. Nous avons également pris notre part à l’effort humanitaire européen, soit 7 millions d’euros supplémentaires.

Au-delà des moyens matériels, nous avons décidé de rouvrir, y compris dans le sud du pays, notre important réseau d’établissements scolaires. Ces écoles, ces collèges, ces lycées, qui accueillaient l’an dernier plus de 45 000 élèves libanais, seront au rendez-vous de la rentrée, le mois prochain. Enfin, nous contribuons à hauteur de 700 000 euros à la lutte contre la marée noire sans précédent qui a affecté le pays après le bombardement de la raffinerie de Jiyeh.

La France a également assumé ses responsabilités sur le plan militaire.

Face aux risques de la situation, nous avons demandé des garanties précises : garanties quant à l’efficacité de la mission confiée à une FINUL renforcée ; garanties aussi pour la sécurité de nos soldats. Ces garanties, nous les avons obtenues.

Sur cette base, le Président de la République a pris la décision de déployer deux bataillons au sein de la force des Nations unies. Au total, ce seront bientôt 2 000 militaires français qui serviront sous casque bleu au Liban. Nous assumerons le commandement de la force sur place, avec le général Pellegrini, jusqu’en février 2007. À cet effort s’ajoutent les 1 700 hommes déployés au titre du dispositif aérien et naval Baliste et chargés, depuis le 12 juillet, de l’approvisionnement de la FINUL. Ils participent aussi, de façon temporaire, à la surveillance des côtes libanaises.

Nos forces sont engagées dans le cadre des Nations unies, en pleine conformité avec notre attachement au droit et à la sécurité collective. C’est également un engagement européen. À notre demande, les ministres des affaires étrangères des États membres de l’Union européenne se sont réunis le 25 août en présence de Kofi Annan. Au total, 7 300 militaires européens seront déployés sous casque bleu au Liban. Je veux saluer en particulier la contribution de l’Italie. L’Europe montre ainsi que, lorsqu’elle sait unir ses forces, elle peut être un acteur de poids sur la scène internationale.

Au-delà du soutien militaire à la paix, la France veut aider à la reconstruction du Liban. Lors de la conférence de Stockholm, le 31 août dernier, la ministre déléguée aux affaires européennes a annoncé une contribution de plus de 40 millions d’euros.

Il faudra bien sûr aller plus loin : ce sera l’objet de la conférence internationale de reconstruction dont le Président de la République a proposé la tenue, et où la France tiendra toute sa place. Une mission interministérielle d’évaluation se rendra aujourd’hui même à Beyrouth.

Au Liban comme dans l’ensemble de la région, la France doit se mobiliser toujours davantage en faveur de la paix.

Au Liban la situation reste fragile. Le conflit peut reprendre à tout moment et compromettre le processus politique. Or nous ne pouvons accepter que ce pays serve une nouvelle fois de champ de bataille aux guerres des autres.

Nous devons désormais placer les différents acteurs régionaux devant leurs responsabilités.

Pour ce qui est de la Syrie, il importe qu'elle contribue à une application pleine et entière des résolutions 1559, 1595 et 1701. Concernant cette dernière, je salue la levée du blocus annoncée hier par Israël et qui devait prendre effet cet après-midi. L'application de cette résolution implique également de veiller à l'achèvement du retrait israélien, parallèlement au déploiement de la FINUL renforcée, à la libération des soldats israéliens enlevés, au respect de l'embargo sur les armes, au désarmement des milices et, enfin, au règlement de la question des fermes de Chebaa.

Nous devons également favoriser le dialogue interlibanais et travailler à préserver la coexistence harmonieuse entre les différentes communautés. L'effort international devra se poursuivre dans la durée, pour permettre au gouvernement libanais de mettre en œuvre les indispensables réformes économiques et sociales que réclame le pays.

Par son aspiration à faire vivre la diversité des cultures et des religions, le Liban incarne le message de respect et de tolérance que nous voulons défendre pour toute la région. J'en suis convaincu : pour agir au service de la paix au Proche-Orient, nous devons préserver notre faculté d'écoute et de dialogue face aux peurs et aux frustrations qui s'expriment de toutes parts. Par notre proximité géographique, mais également historique et culturelle avec la rive sud de la Méditerranée, nous avons un rôle particulier à jouer entre l'Europe et le monde arabe, contre la tentation du rejet ou du repli sur soi.

C'est le devoir de la France et de l'Europe de montrer que le choc des civilisations n'est pas une fatalité. Personne d'autre que nous, Français et Européens, ne porte cette sagesse héritée de l’histoire. Personne d'autre que nous ne porte cet espoir pour une région du monde que beaucoup croient vouée à la violence et au fanatisme.

Plus que jamais nous devons, avec nos partenaires européens, faire entendre notre voix. C'est ce qu'attendent nos compatriotes et nombre d'autres peuples. Plus que jamais, nous devons défendre et assumer notre vision du monde : une vision qui est fondée sur la conviction que la violence appelle toujours la violence et que seule une perspective politique, fondée sur le droit, permet de sortir des crises ; une vision qui repose sur le respect de l'identité des peuples et sur l'attachement à l'universalité des droits de l'homme ; une vision qui s'appuie sur une exigence : l'unité de la communauté internationale, pour laquelle les Nations unies jouent un rôle central, car il ne peut y avoir de paix durable sans légitimité et adhésion de tous.

Tirons toutes les leçons de cette crise : la France doit se donner les moyens de jouer un rôle toujours plus important sur la scène internationale. Nous avons besoin d'un outil diplomatique fort et efficace. Je l'ai dit voilà quelques jours à nos ambassadeurs, mais je tiens à le réaffirmer ici : il n'y a pas de diplomatie efficace sans un outil de défense performant.

Grâce à la loi de programmation militaire que vous avez votée, nous sommes présents aujourd'hui sur de nombreux théâtres de crise. Conformément aux orientations définies par le Président de la République, le Gouvernement veillera cette année encore au respect des engagements pris dans la loi.

Enfin, nous devons également poursuivre nos efforts afin de faire de l'Union européenne un acteur de premier plan au service de la paix.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas pour demain !

M. le Premier ministre. Nos opinions publiques attendent une Europe efficace sur la scène internationale. C'est un domaine dans lequel nous avons accompli de vrais progrès ces dernières années. Le Liban le montre. Cependant nous devons aller encore plus loin.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, une nouvelle fois, dans la crise, la France a fait face. Elle a assumé ses responsabilités et su faire entendre sa voix, dans le respect des principes et des convictions qu'elle défend partout dans le monde.

Au moment où l'arrêt des violences a suscité tant d'attentes dans la région, où l'espoir renaît mais où rien n'est encore acquis, l'exigence d'action et d'engagement reste entière. Soyez assurés que le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, mettra tout en œuvre pour continuer à défendre les valeurs de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Bayrou. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes à l'entracte de la tragédie 2006 du Proche-Orient. Un acte vient de s'achever, un autre va commencer. Pourtant, c'est la même tragédie qui se poursuit.

L'acte I de la guerre de 2006 s'est achevé, ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le Premier ministre, au moment où la résolution 1701, dans la rédaction de laquelle la France a joué un rôle positif, a mis un terme à la période la plus brûlante du conflit. En revanche l'acte II commence sans que son issue soit définie. Nous l'espérons positive, mais elle peut être aussi inquiétante et dangereuse selon que nous saurons ou non faire évoluer la situation sur le terrain.

Disons-le d’emblée : ce conflit ne pouvait être qu'un cas de conscience pour la France, dont la politique peut certes connaître des hésitations et des éclipses, être plus ou moins lisible, mais est guidée par des constantes, quels que soient les époques et les dirigeants.

La France a un lien avec les trois protagonistes du conflit : avec Israël – un lien fort, impossible à briser –, avec le peuple palestinien et – un lien là aussi impossible à éluder – avec le Liban.

La France, qui est bien au-dessus des aléas de la politique, veut l'existence, la paix et la sécurité d'Israël, toutes qualités qu’elle lie à l'équilibre du monde, non seulement parce que des résolutions diplomatiques ont été prises, depuis 1948, qui ont donné force de loi internationale à cette existence, mais aussi parce que la France a vécu comme une blessure pour l'ensemble de l'humanité, comme une blessure sur le visage du monde, le sort fait pendant des siècles à ce peuple d'exilés, à ce peuple sans terre, sort qui a débouché, par la folie hitlérienne et nazie, sur une shoah, une catastrophe à l'échelle du monde. Est en effet une blessure pour l'ensemble de l'humanité cette tentative délirante et planifiée, en Europe, sur notre terre, chez nous, et parfois avec l'aide et la complicité de nos compatriotes, de réaliser l'extermination des femmes, des enfants, des malades, des filles et des garçons, des sages et des savants, jusqu'au plus ordinaire des enfants du peuple juif. De cela, nous nous sentons débiteurs, non pas à l'égard de ce seul peuple, mais à l'égard du peuple humain.

C'est pourquoi la France, au-delà des péripéties de l'histoire, considère que la décision du peuple juif de retrouver une terre, un foyer et une patrie, est une décision dont l'humanité doit être solidaire.

Ceux qui, si longtemps, avaient enduré, ceux que, si longtemps, l’on avait fait plier, qui n'avaient pas d'armes et dont les mains étaient nues, se sont levés, à bout de désespoir, d'humiliation et d'infinie douleur, pour dire « Plus jamais ! ». Non seulement au nom des victimes de Dachau, d'Auschwitz, de Drancy ou de Gurs, mais à celui des générations humiliées dans la suite des siècles. La France doit être solidaire de ce « Plus jamais ! ».

Pourtant, nous n'ignorons rien des souffrances que cette décision a fait naître. Il y avait sur cette terre d'élection non pas seulement le désert, comme on le prétend quelquefois, mais des familles, des femmes, des enfants, des hommes faits et des vieillards que cette catastrophe a touchés aussi, bien qu'ils n'y eussent aucune part. Ceux-là aussi – le peuple de Palestine – sont des victimes, qui ont bien le droit à leur tour de dire « Plus jamais ! ».

Voilà pourquoi la France considère que l'équilibre nouveau à trouver entre l'État qu'ont formé les humiliés juifs d'hier et l'État que doivent former les humiliés palestiniens d'aujourd'hui importe à l'ensemble de l'humanité.

La France a un lien indissoluble avec le Liban qui, sans elle, n'existerait pas. C'est la France qui a pris la responsabilité historique de donner une chance à l'indépendance libanaise face à la revendication de Grande Syrie.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. François Bayrou. C'est la France qui, plus d'un siècle auparavant, avait protégé le Mont-Liban pour en faire une province autonome de l'empire ottoman. Et c'est la France qui a servi de garant à cette idée historique de faire une même communauté nationale d'un peuple éclaté entre tant de communautés liées par un contrat de coexistence complexe.

Cette fidélité a été lourde de conséquences pour notre pays. Dois-je rappeler que la France a vu son ambassadeur, Louis Delamarre, assassiné le 4 septembre 1981 parce qu’elle voulait aider ce pays à sortir de la guerre civile ? Que la France, le 23 octobre 1983, à six heures quinze du matin, a payé le lourd tribut de cinquante-huit hommes dans l'attentat du Drakkar ?

C'est bien un lien indissoluble qui unit la France au Liban, pour qui notre langue est une seconde patrie. C'est pourquoi la France a d'emblée vécu cette guerre comme une épreuve.

Autant le dire nettement : nous avons, pour l'essentiel, apprécié et soutenu dès les premiers jours l'équilibre de la ligne fixée par le Président de la République. Nous avons ainsi apprécié que celui-ci exprime très clairement, le 14 juillet, la responsabilité du Hezbollah dans l'explosion du conflit par les tirs de missiles à Safed et à Nahariya et par l’enlèvement de deux soldats, après celui, près de Gaza, d'un premier soldat, franco-israélien. Cette ligne était claire et juste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Chemin faisant, nous avons eu un désaccord grave sur un point : nous avons trouvé déplacés et dangereux les signes multipliés en direction de l'Iran. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Charasse et M. Paul Giacobbi. Très juste !

M. François Bayrou. Que le ministre français des affaires étrangères se rende à l'ambassade d'Iran à Beyrouth et délivre de surcroît un brevet de respectabilité à ce pays en le désignant comme « une puissance stabilisatrice dans la région », nous a paru un risque que la France n'aurait pas dû prendre.

M. Jacques Myard. L’Iran est incontournable !

M. François Bayrou. Nous avons suivi les péripéties de la décision de participation à la FINUL, d'abord revendiquée, puis éludée, enfin assumée, et nous avons compris, au terme de ce processus, les interrogations que la France a exprimées et que vous avez rappelées, monsieur le Premier ministre, à cette tribune. Néanmoins si nous soutenons cette décision, nous avons une question qui n'est pas de principe ; elle est, au contraire, la première question politique de ce deuxième acte.

Nous sommes tous d’accord sur la démarche consistant à reconstruire le Liban et à demander à la communauté internationale d’aider ce pays, en particulier devant le drame et la menace que représentent pour des centaines de milliers de Libanais les mines antipersonnel et les résidus de bombe à fragmentation. Toutefois la question, donc politique, est celle-ci : quel est exactement le mandat de la FINUL ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) S’il est le même que le précédent, la FINUL II, la nouvelle force des Nations unies au Liban, ne servira pas davantage que la FINUL I, la première force. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Charasse. Tout à fait !

M. François Bayrou. Et l'on risque d’assister, sous les yeux même des contingents armés de l'ONU, au réarmement de la milice du Hezbollah.

Cela ne serait pas conforme à la lettre, et pas davantage à l'esprit, des résolutions des Nations unies : la résolution 1559, qui oblige au désarmement effectif des milices et à l'exercice de l'autorité sur le terrain par l'armée libanaise, et la résolution 1701, qui affirme que l'armée libanaise est la seule autorité légitime en matière de sécurité au Liban.

Surtout, le risque serait immense pour le Liban, pour Israël, et pour la paix. Cela signifierait qu'une faction, qui vise ouvertement la destruction d'Israël, s'arroge, sur le terrain, la domination sur une région d'un pays souverain. Chacun voit bien les conséquences de déconsidération des Nations unies, de déstabilisation de la région et du Liban tout entier que cette acceptation supposerait.

Les mots qui ont été prononcés sur le sujet sont des mots vagues, des mots diplomatiques sans doute, mais leur flou recèle un monde de menaces. Nous demandons que ces menaces soient prises en considération à leur juste poids, et qu'il y soit mis un terme. Le réarmement des milices serait l'échec assuré pour la nécessaire politique de paix et de restauration de la souveraineté d'un Liban indépendant.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. François Bayrou. Je vais conclure par deux considérations plus lourdes encore de conséquences, si c'est possible.

La première concerne l'Iran.

Les démocraties de la planète se trouvent devant une question plus grave qu'aucune de celles qu'elles ont eu à traiter depuis des décennies ; une question aussi lourde que la question qui fut posée à nos pères le jour du réarmement de l'Allemagne ou le jour de Munich. De la même autorité politique, exprimée par la même voix, celle du président iranien M. Ahmadinejad, viennent aujourd'hui, sans ambiguïté, une décision et une affirmation qui mettent en danger l'ordre mondial.

Les gouvernants iraniens actuels sont engagés dans une double obsession mortifère : l'appel sans ambiguïté à la destruction d'Israël…

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est un scandale !

M. François Bayrou. …et la décision d'acquérir la puissance nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Charasse et M. Paul Giacobbi. Très juste !

M. François Bayrou. Et l'obsession de la destruction d'Israël donne à l'obsession nucléaire sa portée et son sens, sa véritable dimension.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. François Bayrou. Quand le président iranien déclare en juillet : « le problème fondamental du monde musulman est l'existence du régime sioniste qui doit être éliminé » ; quand il déclare en octobre dernier : « comme l'a dit l'imam Khomeiny, Israël doit être rayé de la carte... La nation musulmane ne permettra pas à son ennemi historique de vivre en son cœur même »…

M. Paul Giacobbi. C’est ce que certains appellent être respectable !

M. François Bayrou. …cela ne peut être ignoré, et ne peut pas ne pas être mis en rapport avec la question du contrôle de l'arme nucléaire.

Les démocraties sont donc devant une question qu'elles ne pourront éluder : acceptent-elles le fait accompli ou en train de s'accomplir, ou disent-elles non ?

M. François Sauvadet. Voilà la question !

M. François Bayrou. Acceptent-elles de considérer que la question qui leur est posée doit trouver une réponse, ou éludent-elles la réponse ?

Recommencent-elles Munich 1938 en 2006, ou manifestent-elles la détermination et la solidarité des démocraties ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Charasse et M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. François Bayrou. Les démocraties ne peuvent pas accepter la prolifération nucléaire, de surcroît dans un pays qui affirme haut et fort qu'il faut en détruire un autre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Philippe Folliot. Il faut se rappeler Munich !

M. François Bayrou. Le peuple iranien ne peut entendre cette détermination que si nous l'exprimons sans ambiguïté, que si les démocraties l'expriment ensemble et spécialement, nous, la France, dont le monde sait que la voix a su se faire entendre, par votre bouche, monsieur le Premier ministre, lorsqu'il s'est agi de résister à l'inexorable mécanique de la décision américaine préparant la guerre en Irak. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Maryse Joissains-Masini et M. Gérard Charasse. Très juste !

M. François Bayrou. Au lendemain de Munich, Winston Churchill a eu une phrase que personne ne peut oublier. Alors que le peuple britannique fait une ovation à Chamberlain, il s’exclame : « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur ; vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. » Et à Paris, un jeune professeur d'histoire signait un éditorial dans un petit journal qui s'appelait L'Aube. Ce jeune professeur d'histoire allait connaître un destin glorieux d'abord, controversé ensuite.

M. François Hollande. Plus que controversé oui !

M. François Bayrou. Certes, mais la suite n'efface pas, pour Georges Bidault, la gloire et l'honneur d'avoir été, à la suite de Jean Moulin, le président du Conseil national de la Résistance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. François Bayrou. Le 30 septembre 1938 au matin, dans L'Aube, excédé de l'applaudissement unanime que toute la classe politique et tout le pays réservent à Daladier, Georges Bidault écrit cette autre phrase que je trouve sublime, qui fait écho aux mots de Churchill : « Lorsqu'il s'agit de dire non, le meilleur moment, c'est le premier... » Et encore, eux ne savaient-ils pas la suite. Nous, nous savons.

Nous demandons donc aux gouvernants français que vous êtes d'être fermement du côté du refus, du côté de la solidarité avec tous ceux qui diront non.

Ma seconde réflexion concerne l'Europe.

J'ai été frappé, vous aussi sans doute, par le caractère distrait de notre démarche européenne pendant cette période.

Nous n'avons accepté de réunion européenne en fait que quand tout fut fini, et nous avons pris soin d'annoncer l'ensemble de nos décisions à la télévision la veille au soir de la réunion européenne, pour qu’il soit bien clair que c’était ici qu’on décidait et pas dans le cadre de l’ensemble européen.

Les autres nations européennes, car nous ne sommes pas seuls, ont fait comme nous : elles ont joué leur carte diplomatique nationale, bien ou mal, mais, pour l'essentiel, elles ont joué cette carte chacun pour soi.

Tant que nous adopterons cette attitude, ne nous étonnons pas que notre division nous condamne à l'évanescence. Les Européens envoient les troupes et l'argent, mais ce sont les Américains qui, trop souvent, décident !

M. François Rochebloine. Absolument !

M. François Bayrou.. La France devrait être celle qui propose d'utiliser la capacité diplomatique de chacun au sein d'une démarche réfléchie et travaillée en commun.

Le jour où l'Europe s'éveillera, le monde changera de face. Or la France est la seule qui puisse donner le signal de cet éveil de l'Europe.

M. Jacques Myard. C’est pas demain la veille !

M. François Bayrou. J’ai achevé l’intervention que j’avais préparée à propos du Proche-Orient, mais je veux avant de conclure, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous demander, au nom de la représentation nationale, de faire en sorte que ce qui se passe au Darfour depuis quelques jours ne demeure pas ignoré. Les événements, le refus par le gouvernement de Khartoum d’accepter l’intervention de soldats de l’ONU, et le déclenchement d’une opération militaire extrêmement dure dans la partie nord du Darfour méritent, me semble-t-il, que la France et le Gouvernement saisissent l’occasion de cette déclaration pour dire où nous en sommes et ce que nous allons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche. Il a raison !

M. François Bayrou. Nous sommes nombreux à considérer que quelque chose de grave est en train de se nouer, qui n’est d’ailleurs pas étranger au sujet que nous avons eu à traiter aujourd’hui et qui mérite la mobilisation du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je me félicite que l'Assemblée nationale puisse, comme le président Alain Bocquet l’avait demandé au Président de la République, débattre de la situation au Proche-Orient et de l'engagement de la France, car nous savons tous ici les attentes exprimées par les peuples de la région envers notre pays afin qu’il contribue au respect du droit des peuples à leur souveraineté et à la paix.

Il y a encore quelques semaines, le Liban, petit à petit, pansait les dernières plaies de la guerre civile. Le retrait des troupes syriennes lui laissait enfin entrevoir une souveraineté pleine et entière. L'intégration du Hezbollah dans le jeu politique libanais était à ses tout débuts, ouvrant peut-être la possibilité d'un consensus inter-libanais préalable au désarmement de la milice chiite.

Cette description de la situation au Liban, fragile et pleine d'espoir, me fut faite par le Premier ministre libanais, lors d'une visite dans ce pays. C'était en juin dernier. Depuis, la folie meurtrière de la guerre est passée.

En Palestine, un accord venait d'être trouvé, entre toutes les organisations palestiniennes. Il ouvrait une nouvelle situation politique pouvant permettre la reprise d'un processus politique de règlement du conflit. Dans une situation de tensions et de grave crise régionale, ces fragiles évolutions n'effaçaient pas les inquiétudes. Elles constituaient cependant des étapes prometteuses pour l’avenir.

La violence a tout emporté.

Le double enlèvement, inacceptable, de soldats a permis au Premier ministre israélien de lancer, à Gaza comme au Liban, deux interventions militaires de grande ampleur : la guerre ! Les bourgeons d'espoir ont été brisés. Toutes les infrastructures de Gaza ont été détruites. Un grand nombre d'élus palestiniens ont été enlevés et de nombreux civils tués.

Le Liban a été dévasté : habitations, routes, ponts, aéroports, centrales électriques ont été ravagés. Son approvisionnement a été rendu impossible par le blocus, lequel a été levé aujourd’hui grâce à l’action du secrétaire général de l’ONU.

Des bombardements d'une violence inouïe, des cibles choisies sans discrimination – je pense aux victimes de Cana – ont constitué, si l'on en croit les conclusions de l'enquête d'Amnesty International, des crimes de guerre.

La population israélienne a elle aussi, subi cet engrenage de guerre et de violence.

De part et d'autre de la frontière, ce conflit a provoqué plus de 1 500 victimes. Aujourd'hui encore, ce sont des milliers de civils qui, selon l'ONU au Liban, sont sous la menace de bombes ou de munitions non explosées.

C’est à toutes ces victimes que vont nos pensées. C’est pour elles que la communauté internationale doit se mobiliser pour construire enfin une solution politique durable dans cette région.

Il faut se mobiliser, car l’autre drame de l’été, ce fut la tolérance d'une grande partie de la communauté internationale à l’égard de cette guerre. L'action diplomatique aurait pourtant pu, plus rapidement, gagner un cessez-le feu. Ce fut par exemple le cas, il y a dix ans, lors d'une précédente crise opposant Israël au Liban. Les diplomaties française et américaine, tous les pays de la région avaient alors été impliqués dans le règlement de cette crise.

Une telle initiative n'a pas été possible cet été.

Ce constat de trop longue impuissance de la communauté internationale est difficilement supportable. Cependant il doit surtout nous interroger sur l'organisation actuelle des relations internationales et sur les moyens qui pourraient permettre aux Nations unies d'être bien plus efficaces dans la prévention et la résolution des conflits.

Cette impuissance pendant des semaines s'est, à vrai dire, d'abord nourrie du soutien actif de l'administration américaine à la guerre. Ce conflit fut lu, à Washington, sous le prisme du prétendu combat entre le bien et le mal, du choc des civilisations. L'offensive israélienne fut dans ce cadre considérée par la secrétaire d’État américaine comme « les douleurs de l’enfantement du nouveau grand Moyen-Orient », placé sous ingérence américaine.

Cette théorie du choc des civilisations ne peut pourtant être matérialisée, au Liban encore moins qu'ailleurs, peut-être parce que cette vision du monde, après tant d'années de guerre civile, tant d'années où les nombreuses communautés libanaises ont été instrumentalisées par différentes puissances régionales, ne s'accommode guère avec la volonté commune actuelle à tous les Libanais de vivre, enfin tous ensemble, dans une nation démocratique, dans l'indépendance et la paix.

Les résultats de cette tentation hégémonique américaine sur l'ensemble du Moyen-Orient montrent aujourd'hui son caractère profondément nuisible. Qui aujourd'hui pourrait contester que la France a eu raison de s'opposer, par votre voix, monsieur le Premier ministre, à l’ONU, à l’intervention armée en Irak, comme des millions de manifestants de par le monde ?

Les résultats de la politique américaine là-bas rappellent ceux d’un autre empire que dénonçait Tacite en son temps : « Ils avaient créé la désolation et lui avaient donné le nom de paix. »

La politique de menace de sanctions, de guerre préventive ne met pas fin à l’inacceptable terrorisme, loin s’en faut ! Elle en nourrit le terreau.

L’Union européenne aurait pu faire entendre une autre voix, une voix forte, face à la tragédie du Liban. Ce ne fut pas le cas. On se souvient pourtant d’une époque où l’Europe savait affirmer des positions privilégiant le respect du droit sur la politique de la canonnière. En 1980, le conseil européen de Venise avait créé l’événement en reconnaissant le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. En 1995, l’Europe lançait le partenariat euro-méditerranéen et l’idée de coopérations soutenues entre les rives nord et sud de la Méditerranée.

La crédibilité de cette politique a été aujourd’hui profondément atteinte. Cela souligne la nécessité de réorienter la politique de l’Union européenne au service des peuples et de la paix. Cela appelle au développement d’un partenariat euro-méditerranéen fondé sur le co-développement, le partage des cultures.

C’est dans ce contexte particulièrement délicat que nous avons vu favorablement évoluer la position du Gouvernement, monsieur le Premier ministre. Il s’agissait d’arrêter une guerre, une guerre qui ne pouvait que rejeter très loin l’horizon d’une paix durable au Liban et en Palestine, une guerre qui semait, au-delà du sang et des larmes, le ressentiment et la haine, une guerre qui ne pouvait donc que fragiliser la sécurité d’Israël.

J’ai entendu, à ce titre, pendant l’été, des voix défendre l’État hébreu au nom de leur amitié avec Israël. J’aimerais dire ici qu’un véritable ami d’Israël doit savoir lui dire quand sa politique va à l’encontre de son aspiration à vivre en paix et en coopération avec ses voisins.

Alors oui, nous nous sommes félicités que la France agisse de façon efficace au plan humanitaire et défende la voix de la paix et le respect de la souveraineté du Liban, et qu’elle devienne, par ce fait, l’un des principaux artisans du cessez-le-feu au Moyen-Orient.

La résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU fut insuffisante sur plusieurs points ; elle occulte notamment la question palestinienne. Néanmoins cette résolution a permis l’essentiel dans l’immédiat, à savoir faire taire les canons.

Mes chers collègues, c’est maintenant la question de la construction d’une paix durable au Proche-Orient qui se pose sur les ruines et la désolation semées par cette guerre.

Le rôle de la FINUL renforcée sera très important. C’est bien pourquoi une définition claire de son mandat était nécessaire. La France a obtenu, aux Nations unies, certaines précisions justifiant l’engagement qui est le sien aujourd’hui. Ainsi cette force sera, je crois, bientôt en mesure d’accompagner la recherche d’un règlement politique de la crise à condition que l’on ne lui fasse pas faire ce que la résolution 1701 ne prévoit pas, à savoir désarmer le Hezbollah.

J’ai apprécié la position défendue par la France et agréée par les autorités libanaises consistant à inscrire ce désarmement comme le résultat d’une entente entre les forces politiques libanaises. C’est le choix de la sagesse si l’on veut éviter d’autres tragédies au Liban. Toutefois l’essentiel est bien, à terme, de poser les jalons de la paix, et ce n’est pas à cette force d’interposition seule que peut incomber une telle mission. Cette responsabilité est celle de la communauté internationale. La solution ne pourra résulter que d’un accord politique.

Aussi, les peuples concernés attendent-ils une France qui, comme elle l’a fait, sache rester ferme lorsque le respect des valeurs fondamentales et du droit international l’exige, quitte à déranger aujourd’hui pour gagner la paix demain. Ils attendent une France qui soit sans concessions contre toutes les atteintes, d’où qu’elles viennent, aux droits des peuples, à la paix et à la sécurité des nations. Ils attendent une France qui, comme disait Jaurès, « défende la paix avec les armes de la raison et du courage ».

Ils attendent donc de la France, en ce qui concerne le Liban, qu’elle accompagne l’accession de ce pays à une pleine souveraineté. Ils attendent qu’elle accompagne la construction au Liban d’un État solide dans lequel les pouvoirs publics soient les seuls à disposer de la force armée. Nous le savons : un tel consensus est possible entre l’ensemble des forces politiques libanaises, mais ce consensus dépend aussi de la capacité de la communauté internationale à garantir le cessez-le-feu et l’intégrité du pays en impliquant tous les pays de la région dans la recherche d’une solution pacifique, tous les pays de la région sans exception, y compris l’Iran et la Syrie. Cette évolution dépend aussi des moyens mobilisés par la communauté internationale pour aider à la reconstruction de ce pays.

La France est attendue aussi sur la question de la Palestine. Nous n’avons pas le droit de laisser un peuple vivre dans un tel dénuement – vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre –, dans la plus extrême tension et sans aucune perspective d’avenir. Le silence actuel de la communauté internationale sur ce drame est humainement insupportable. Vous savez combien cette désespérance est lourde de menaces pour la paix et la sécurité dans la région. Et vous savez tout autant que l’occupation israélienne viole depuis des dizaines d’années plusieurs résolutions de l’ONU.

Très rapidement, la France devrait, comme s’y est engagé le Président de la République, agir pour obtenir un rétablissement total des financements internationaux de l’autorité palestinienne. Elle devrait s’engager fortement contre l’annexion des territoires occupés et contre la construction de ce mur inacceptable.

La seule solution viable au conflit israélo-palestinien est connue : dans le cadre du droit international, l’existence à côté de l’État d’Israël d’un État palestinien souverain dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Le droit au retour des réfugiés palestiniens doit être aussi reconnu, les modalités concrètes d’application de ce droit devant être négociées. Une paix entre les deux États doit être signée afin que les peuples palestiniens et israéliens puissent enfin vivre durablement dans la sécurité et la coopération.

Israël a accepté, avec la résolution 1701, que la « ligne bleue » soit la frontière israélo-libanaise internationalement reconnue. II faut maintenant que son gouvernement reconnaisse la « ligne verte » de 1967 comme celle des frontières internationalement reconnues entre le futur État palestinien et l’État d’Israël.

Rien de ce qui a été conclu auparavant, qu’il s’agisse des accords d’Oslo ou de la feuille de route, ne peut être abandonné, même si ces accords semblent bien loin dans le contexte actuel. De nouvelles négociations, avec comme perspective un accord global, doivent être lancées. Nous soutenons l’idée de la convocation d’une conférence internationale. Nous attendons de la France qu’elle l’appuie avec force.

À travers la résolution des conflits, spécifiques, du Liban et de Palestine, c’est aussi la question de la sécurité régionale dans l’ensemble du Moyen-Orient qui est posée. C’est bien pourquoi la France doit agir avec détermination afin de tarir les sources de tous les conflits, en faisant baisser les tensions et en recherchant une démilitarisation progressive de la région, notamment sur le plan nucléaire. Cela concerne tout le monde, car il n’y aura bien sûr aucune paix durable au Moyen-Orient dans un équilibre de la terreur entre Israël et l’Iran. Mais nous savons aussi que le président iranien profite du déséquilibre actuel des puissances militaires au Moyen-Orient pour légitimer son programme nucléaire et faire avancer ses thèses fanatiques.

Notre responsabilité serait donc, parallèlement à la recherche d’un accord politique, d’agir pour un désarmement multilatéral et contrôlé, et de porter dans cette région un discours de justice loin du « deux poids, deux mesures ». La sécurité et la paix sont en effet de notre responsabilité collective.

Mes chers collègues, tout cela peut apparaître relever aujourd’hui d’un doux idéalisme, de ces rêves qui suscitent le mépris des bellicistes, de ces espérances que ceux-là noient sous les mensonges et les préjugés, mais la grande majorité des hommes et des femmes qui vivent dans cette région veut la fin de la violence, des guerres. Ils veulent pouvoir vivre en paix, en sécurité, dans des États démocratiques. Ils veulent pouvoir coopérer et se développer. C’est cette réalité, monsieur le Premier ministre, que la France peut saisir avec toujours le même objectif : une paix juste, une paix durable, une paix arrachée à tous les fanatismes et à tous les impérialismes.

Monsieur le Premier ministre, si, dans la lignée des derniers positionnements de la France sur l’Irak et aujourd’hui sur le Liban, le Gouvernement s’engageait sur cette voie, les députés communistes et républicains seraient à ses côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Garrigue. Très bien !

M. le président. Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Proche-Orient vient d’être, une nouvelle fois – hélas ! –, le théâtre d’affrontements meurtriers. Trente-trois jours de combats ont provoqué un enchaînement dramatique de deuils, de souffrances et de destructions innombrables, avant qu’un cessez-le-feu n’intervienne sous l’égide des Nations unies.

Au Liban, le terrible décompte s’établit à plus de 1 200 morts. Un million de Libanais, ayant souvent tout perdu, ont été contraints à l’exode. Beaucoup d’infrastructures et d’habitations ont été détruites, réduisant à néant quinze années d’efforts pour la reconstruction du pays.

Dans le nord d’Israël, quarante et un civils ont perdu la vie tandis que des centaines de milliers d’Israéliens ont vécu quotidiennement au rythme des hurlements des sirènes et de l’impact des quelque 4 000 roquettes tirées par le Hezbollah.

Les responsabilités sont multiples dans le déclenchement de ces dramatiques événements.

L’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah est évidemment inacceptable. Ils doivent être libérés, tout comme doit être libéré le soldat israélien encore détenu dans les Territoires par le Hamas. Les bombardements du Hezbollah sur le nord d’Israël, avec des armements sophistiqués fournis par des puissances étrangères, sont tout autant inacceptables, d’autant qu’ils ne sont destinés qu’à alimenter un processus de provocation-riposte dévastateur pour la région.

Pour autant, la disproportion est manifeste entre ces actes et la vigueur de la riposte militaire israélienne, d’abord aérienne sur l’ensemble du Liban, puis terrestre au Sud.

C’est pour stopper ces dramatiques événements que la France s’est mobilisée dès le début de la crise. Nous pouvons être fiers du rôle décisif joué par notre pays pour l’arrêt des hostilités.

L’action du Président de la République, Jacques Chirac, a été déterminante pour aboutir à un cessez-le-feu et dégager, avec la résolution 1701 acceptée par tous les protagonistes, les perspectives d’un règlement global. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

À cette action, il faut associer vos efforts, monsieur le Premier ministre, ceux de la diplomatie française derrière le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, ceux de nos forces armées sous l’autorité de notre ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie.

La diplomatie française a eu deux priorités immédiates.

Première priorité : apporter une aide aux populations grâce à la création rapide des couloirs humanitaires réclamés par le Président de la République afin de permettre à nos compatriotes qui le souhaitaient de quitter le Liban.

Les liaisons maritimes et aériennes mises en place dans des conditions souvent très difficiles, en particulier grâce aux moyens militaires de l’opération Baliste, ont permis l’évacuation de plus de 10 000 de nos compatriotes et profité également à plusieurs milliers de Libanais.

Ce sont nos forces armées qui ont également assuré, seules, le ravitaillement de la FINUL au milieu des combats. Il faut aussi le souligner.

Au nom des députés du groupe UMP, je veux saluer la réactivité et l’efficacité de nos forces armées (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), aussi bien dans ces opérations d’évacuation que pour le transport du fret humanitaire vers le Liban. Nous leur affirmons ensemble ici notre admiration et notre reconnaissance.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Seconde priorité pour la France, après l’aide apportée aux populations : l’établissement d’un cessez-le-feu immédiat, préalable incontournable à un règlement global. La force des liens d’amitié entre la France et le Liban, ce pays historiquement si proche de nous ; le crédit incontestable de la France, fruit d’un dialogue constant avec les pays du Moyen-Orient, d’un dialogue confiant avec Israël ; les positions équilibrées que la France défend depuis des années afin de parvenir à la paix pour tous ; la sécurité pour chacun, au Proche-Orient, en premier lieu pour Israël, ce sont ces atouts qui ont donné force et crédit aux propositions défendues par notre diplomatie.

Votre déplacement au Liban, monsieur le Premier ministre, à la demande du Président de la République, ainsi que ceux effectués dans la région par le ministre des affaires étrangères, ont marqué notre solidarité avec les populations victimes des combats. Ils ont montré la volonté sans cesse renouvelée de la France de contribuer à trouver une issue rapide à cette crise, sous l’égide des Nations unies.

En effet, il est certain pour nous que toute solution globale et durable ne pourra être élaborée que par le respect du droit, dans le cadre de l’ONU. Les actions unilatérales, quelles que soient leurs motivations, ont clairement montré leurs limites.

Aussi la France s’est-elle employée à agir au sein du Conseil de sécurité, en harmonie avec les États-Unis, comme elle l’avait déjà fait pour l’adoption de la résolution 1559.

Cette action de la France s’est déployée dans le respect du droit, avec deux exigences que partagent les députés du groupe UMP : le retour à la souveraineté libanaise sur l’ensemble du territoire national, garantie indispensable pour un Liban stable et démocratique ; la sécurité d’Israël, à commencer par celle des habitants du nord.

Après de longues négociations, c’est la position défendue par le Président de la République qui a prévalu, fondée sur un plan en trois points : la cessation immédiate des hostilités, la recherche d’un accord politique et le déploiement d’une force internationale.

La France a su mobiliser, convaincre, entraîner ses partenaires de la communauté internationale, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies et tous les acteurs de la région pour faire adopter la résolution 1701. C’est une contribution décisive que nous voulons saluer.

Cette résolution prévoit la cessation immédiate des hostilités sur le terrain, le déploiement, accepté par tous, de l’armée libanaise au sud du pays avec le soutien d’une FINUL renforcée, le retrait concomitant de l’armée israélienne, un embargo sur les livraisons d’armes, la recherche d’un accord politique global garantissant la souveraineté pour le Liban et, bien sûr, la sécurité pour Israël.

Où en est-on aujourd’hui de l’application de cette résolution ?

Le cessez-le-feu est globalement respecté de part et d’autre. L’armée libanaise a commencé son déploiement au Sud Liban, en application de la décision courageuse prise par le gouvernement de Fouad Siniora, laquelle a constitué un tournant dans cette crise.

Nous voulons saluer les efforts de l’armée libanaise pour faire respecter l’embargo sur les armes, ainsi que les interceptions qu’elle a déjà réalisées à la frontière syro-libanaise. Ces efforts sont indispensables pour éviter que les populations du nord d’Israël ne restent une cible permanente pour les tirs de roquettes du Hezbollah, alors même que l’armée israélienne a commencé son retrait du Sud Liban.

La France continue d’assurer le commandement de la FINUL après que notre pays a déjà fourni un premier renfort. Des unités françaises et italiennes ont commencé leur déploiement afin de la renforcer.

Le déploiement d’une force internationale dans un contexte particulièrement délicat exigeait que son mandat soit très soigneusement défini. En effet, la France a fait, par le passé, la douloureuse expérience, dans le cadre de certaines opérations de l’ONU – au Liban mais aussi en Bosnie ou en République démocratique du Congo –, des graves conséquences pour la sécurité de nos forces armées, ainsi que pour l’efficacité des missions elles-mêmes, de mandats mal définis et de règles d’engagement inadaptées.

Mme Henriette Martinez. Très juste !

M. Bernard Accoyer. Depuis sa création en 1978, la FINUL a payé chèrement son engagement pour la paix au Proche-Orient. Elle a perdu 258 hommes, auxquels il faut ajouter les 300 soldats français et américains qui ont payé de leur vie les attentats d’octobre 1983 à Beyrouth. Nous nous souvenons aussi des 90 soldats français qui ont trouvé la mort en Bosnie avant 1995, dans le cadre d’une mission et de conditions d’engagement insuffisamment définies au préalable.

Ainsi que l’a souligné Michèle Alliot-Marie, il n’était donc pas question d’exposer la vie des militaires sans leur assurer les moyens nécessaires à leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Il y va également de la crédibilité des opérations de maintien de la paix diligentées par Nations unies. Les garanties apportées par l’ONU sur la mission de la FINUL renforcée, ses règles d’engagement et sa chaîne de commandement sont importantes. Nous espérons tous qu’elles permettront à la force internationale de remplir efficacement sa mission en préservant la sécurité de ses effectifs.

Deux mille soldats français étant engagés au sein de cette force internationale, il était indispensable d’obtenir ces garanties avant de déployer nos forces sur le terrain, même si cela a pris quelques jours supplémentaires. Il ne peut y avoir là matière à polémique, pas plus d’ailleurs que sur la hauteur de l’engagement militaire de la France, d’autant que notre pays, qui participe déjà à des actions de maintien de la paix sur de nombreux théâtres extérieurs – en Afghanistan, au Kosovo ou en Côte d’Ivoire – n’a pas de difficultés à envoyer des forces sur un nouveau théâtre d’opérations.

La réforme de 1996 portant professionnalisation de nos années, voulue par le Président de la République, a conféré à nos forces militaires des capacités de projection rapides, conséquentes et adaptées. La loi de programmation militaire adoptée en 2003 et intégralement respectée depuis quatre ans a permis de doter enfin nos forces armées de moyens matériels modernes particulièrement adaptés à ce type de mission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le statut international de la France, membre permanent du Conseil de sécurité, et son engagement constant très actif sous l’égide de l’ONU en faveur du respect du droit, de la paix et de la justice exigent en effet que nous ne relâchions pas notre effort de défense.

On ne peut, dès lors, que regretter les prises de position du premier responsable du principal parti de l’opposition, prônant une diminution de notre budget de la défense. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées . Il fallait le dire !

M. Bernard Accoyer. D’autres polémiques ont pu être soulevées sur de prétendus « atermoiements » de la France, par des commentateurs étrangers dont les pays ne comptent aucun engagement humain parmi les effectifs de la FINUL. Il est fort regrettable qu’elles aient parfois pu trouver des relais complaisants chez certains responsables politiques de notre pays, troublant ainsi un consensus national bienvenu et que nous saluons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comment ne pas trouver déplacés les propos à l’emporte-pièce tenus par certains présidentiables de l’opposition plus enclins à constituer prématurément des états-majors électoraux qu’à écouter les conseils avisés des états-majors militaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Restez dans le sujet !

M. François Bayrou. Ce n’est pas au niveau du débat !

Mme Martine David. L’attaque est petite et mesquine, comme d’habitude !

M. Bernard Accoyer. La conduite de la politique étrangère de la France exige de l’expérience, du sang-froid et une connaissance approfondie des dossiers. Nous savons gré au Président de la République d’avoir pris le temps d’obtenir les garanties indispensables pour la sécurité des militaires français, mais aussi d’avoir fixé une clause de rendez-vous, dans six mois, pour faire le point de l’opération.

Bien des questions restent malheureusement en suspens pour progresser vers une solution politique durable au Liban sud.

Dans l’immédiat, tout doit être fait pour favoriser la consolidation du cessez-le-feu et permettre le retour des populations déplacées, ainsi que le redémarrage de l’économie libanaise. La levée – en cours – du blocus aérien, maritime et terrestre, comme l’avait demandé le Président Jacques Chirac, est une étape majeure.

La reconstruction du Liban s’engage désormais, en particulier grâce au premier élan de solidarité internationale enregistré lors de la conférence de Stockholm. La France y prendra toute sa part, notamment pour la remise en état des infrastructures et la réparation des dégâts environnementaux.

À terme, seul le dialogue, sous l’égide des Nations unies, pourra ramener la paix et la sécurité dans la région. Il devra porter sur la démarcation des frontières, en particulier dans la zone des fermes de Chabaa.

Un accord politique passe forcément par un dialogue avec l’ensemble des acteurs régionaux. Le désarmement du Hezbollah, inscrit dans les résolutions des Nations unies, demeure un objectif essentiel et incontournable pour le rétablissement de la paix, car il ne peut y avoir un État dans l’État. Il ne pourra toutefois être obtenu que par un processus interlibanais sur la base d’un consensus politique national.

M. Gérard Bapt. Il est bon de le rappeler !

M. Bernard Accoyer. Le Hezbollah est actuellement représenté dans le gouvernement libanais. Souhaitons qu’il en tire toutes les conséquences pour se transformer en force politique et renoncer à l’option militaire.

Le dialogue avec l’Iran, sans complaisance, doit porter sur le rôle que cet État peut jouer dans la région en se comportant comme un grand pays respectable. Quant à la Syrie, pour participer à ce dialogue, il lui revient de respecter le droit et la légalité internationale, sans chercher à remettre en cause la souveraineté du Liban. Elle doit aussi satisfaire aux exigences des Nations unies dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri et les nombreux autres crimes et attentats perpétrés au Liban.

Chacun sait que la crise libanaise est la conséquence d’autres crises dans cette partie du monde au cœur de tant d’enjeux : conflit israélo-palestinien, instabilité en Irak, tensions dans le Golfe, montée des fondamentalismes... Rien ne pourra faire avancer la paix dans la région si un règlement négocié n’est pas apporté à chacune de ces situations, en particulier pour la question israélo-palestinienne.

C’est la raison pour laquelle nous appelons de nos vœux, comme l’a souhaité le Président de la République, une réunion rapide du Quartet pour relancer le processus de paix. L’Union européenne, qui en est membre à part entière, doit y prendre toute sa part. Elle dépassera ainsi le reproche qui lui a été adressé d’avoir été absente dans la crise libanaise – malgré les propositions formulées par la France – faute d’unanimité entre les vingt-cinq.

Au Liban, cependant, les effectifs engagés par l’Union européenne, qui représentent plus de 7 000 soldats, constitueront la colonne vertébrale de la FINUL renforcée, redonnant ainsi vie à l’idée d’une défense européenne. Il faut saluer ici les efforts engagés de la diplomatie Française pour atteindre ce résultat important.

C’est au Liban que nous, Français, pensons tout particulièrement. Terre de diversité, ce pays a trop souvent servi – et sert encore – de terrain de manœuvre aux stratégies tortueuses et complexes des uns et des autres. À nous de tout faire pour aider à préserver le miracle libanais. Il symbolise, dans cette région déchirée par les conflits, la capacité de vivre ensemble de populations d’origine et de confessions différentes.

Les députés du groupe UMP font confiance au Président de la République,…

M. François Hollande. Et à Nicolas Sarkozy !

M. Bernard Accoyer. …à son expérience, à son autorité sur la scène internationale, ainsi qu’au gouvernement de la France pour agir en ce sens, en faveur de la paix au Proche-Orient et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, cette guerre des six semaines a été un nouveau désastre pour le Proche-Orient. Jamais la paix n’a paru si éloignée. Jamais le fossé entre Israël et ses voisins n’a semblé plus profond. Jusqu’où cette région va-t-elle s’enfoncer entre tentatives de paix avortées et déploiements de forces, entre guerres chaudes et accalmies glaciales ?

La question va bien au-delà de la stabilité régionale. Elle engage la sécurité internationale dans son ensemble, tant le risque de fracture entre Orient et Occident s’accroît un peu plus à chaque confrontation. Je reviendrai sur ce point essentiel qui justifie, à mes yeux, l’engagement fort de la communauté internationale.

Tous les faits de cette guerre ont en effet démontré l’impasse de la logique militaire. Le Liban, qui commençait à se redresser de vingt ans de guerre et qui est une des rares démocraties de la région, a été durement éprouvé : des milliers de victimes civiles, la destruction de trop de villes et d’infrastructures, un blocus maritime et aérien inacceptable et qui sera heureusement levé, aujourd’hui même, par Israël.

De son côté, Israël n’a pas atteint ses objectifs : ni la sécurisation de sa frontière nord, ni la destruction du Hezbollah, ni la libération de ses soldats kidnappés. Sa supériorité technologique ne lui a été d’aucun secours pour terrasser un adversaire enraciné sur son territoire, rompu aux techniques de guérilla. Politiquement, Israël est plus que jamais isolé. La disproportion de sa riposte à l'attaque lui a aliéné les sympathies de ceux qui, dans le monde, reconnaissent son droit à se défendre et elle a renforcé les plus virulents de ses adversaires, qui nient son droit à l'existence et ont juré sa destruction.

J'admire la faculté de la démocratie israélienne à reconnaître ses erreurs, à en débattre au grand jour sans rien esquiver. Toutefois la question ne peut se limiter aux choix militaires de son gouvernement et de son état-major. Elle est d'ordre stratégique : Israël veut-il rester une forteresse assiégée dans une région hostile ou devenir une nation insérée dans un ensemble régional pacifié ? Croit-il pouvoir continuer à régler unilatéralement le sort de la guerre ou de la paix ou est-il prêt à se conformer aux résolutions de l'ONU comme il le fait pour la 1701 ?

Il faut avoir le courage de le dire sans relâche à nos amis israéliens : défiez-vous de la funeste tentation d'un deuxième round. Ce serait la politique du pire, le risque de guerre sans limite de Beyrouth à Bagdad, de Jérusalem à Jéricho. Tous les efforts de l'ONU et des nations qui concourent à la paix seront vains si n'émerge pas une volonté réciproque des belligérants de négocier une solution politique.

Le dire n'est pas ignorer les lourdes responsabilités du Hezbollah. Son refus obstiné de reconnaître l'existence d'Israël, les agressions répétées contre son territoire et sa population, l'enlèvement de deux de ses soldats ont été les détonateurs de l'embrasement. Les dirigeants du Hezbollah ont pris délibérément le risque d'exposer leurs compatriotes libanais aux ripostes israéliennes. Une résistance a pour but de défendre un peuple, pas de le conduire à la ruine. Les Libanais ont eu le sentiment d'être pris en otage, d'être jetés dans une guerre qu'ils ne voulaient pas. La solidarité qu'ils ont exprimée envers leurs compatriotes chiites, leur opposition à l'offensive israélienne ne signifient pas adhésion à la stratégie du Hezbollah. Le processus de réconciliation nationale s'est bâti sur le départ de l'armée syrienne, mais aussi sur la volonté de reconstruire un État souverain.

Je salue à cet égard la décision du Premier ministre Fouad Siniora et de son gouvernement de déployer l’armée libanaise au sud-Liban. Elle traduit sa volonté de recouvrer la pleine souveraineté de l'État libanais sur tout son territoire, de ne plus accepter un État dans l'État, armé, équipé, financé par l'ancienne puissance occupante. Jusqu'où ira cette détermination ? Le juge de paix sera le désarmement du Hezbollah, qui est prévu dans la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Aujourd'hui, ce désarmement ne peut venir que d'un accord entre les Libanais eux-mêmes, non d'une intervention étrangère. Cependant il faut, en retour, que l'État libanais et le Hezbollah donnent des garanties, qu'ils établissent un calendrier contrôlé et vérifié par la communauté internationale. C'est la condition d'un retour de la confiance et du dialogue avec Israël.

C'est dans ce contexte que nous avons soutenu les efforts de notre pays pour aboutir à la cessation des hostilités. Nous avons, en ce domaine, une heureuse continuité diplomatique depuis vingt-cinq ans : proposer et agir sous les auspices des instances internationales chaque fois que la paix et la concorde sont menacées. Ainsi sommes-nous présents en République démocratique du Congo, en Côte-d'Ivoire, en Bosnie, au Kosovo, au Cambodge, en Afghanistan et, bien sûr, au Liban.

Pour cette région, les principes de notre action n'ont pas changé depuis la déclaration de François Mitterrand, le 17 juin 1982, c'est-à-dire depuis vingt-quatre ans. Je les rappelle : rétablir la souveraineté, l'intégrité et l'unité du Liban ; respecter les résolutions du Conseil de sécurité sur le cessez-le-feu et le retrait des forces israéliennes et de toute armée étrangère du territoire libanais ; assurer la sauvegarde et la protection des populations ; reconnaître les droits légitimes du peuple palestinien ; respecter les frontières internationalement reconnues de chacun des pays de la région, ce qui signifie garantir le droit à la sécurité d'Israël.

Ce refus de la fatalité, cette volonté d'être un acteur impartial du Proche-Orient valent à notre pays l'estime et le respect de toutes les parties prenantes. Oui, la France a bien agi au Liban. Face à un conflit inutile et meurtrier, elle a su entraîner les belligérants et la communauté internationale dans un processus de cessation des hostilités. Face à la catastrophe humanitaire qui a touché les populations civiles, elle a été la première à offrir son concours logistique. Face à la nécessité d'une force d'interposition internationale, elle a su prendre ses responsabilités, en acceptant de renforcer la FINUL et d'en assumer le commandement.

Sur ce dernier point, je considère que le chef de l'État a eu raison d'exiger des garanties avant de déployer nos forces sur le terrain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les Italiens et les Espagnols ont fait la même demande. François Mitterrand avait exprimé la même exigence en 1983…

M. Jacques Myard. C’est le bon sens !

M. Jean-Marc Ayrault.… en ces termes : « Je n'exposerai pas la vie de nos soldats, qui méritent eux aussi d'être aidés au-delà de la nécessité. »

Nous avons tous en mémoire l'attentat qui a coûté la vie à 55 de nos soldats à Beyrouth cette année-là. Nous nous souvenons tous de l'impuissance de la FORPRONU en Bosnie ou de la MINUL au Rwanda. L'ONU doit donner à ses troupes les moyens de faire respecter leur mandat. La clarification de la chaîne de commandement, la possibilité d'ouvrir le feu en cas d'agression d'un des belligérants ou d'attaques contre la population civile, le déploiement de matériels terrestres lourds vont dans ce sens. De même a-t-il été clairement établi que le désarmement du Hezbollah n'est pas du ressort de la FINUL, mais de l'armée libanaise.

Nous avons approuvé ces décisions parce qu'elles correspondent à l'urgence de la situation et à la sécurité de nos troupes, mais nous devons dire clairement à nos concitoyens que cette mission reste des plus périlleuses. Des violations du cessez-le-feu ont déjà été observées de part et d'autre ; l'approvisionnement en armes du Hezbollah se poursuit et son traitement fait l'objet d'un grand flou. Nous sommes à une sorte de mi-temps, entre guerre et escarmouches. Un statu quo conduirait inévitablement à la reprise du conflit et exposerait nos soldats à devenir les premières cibles dans le jeu d'influence des puissances régionales. Sans avancée diplomatique, je crains que l'évaluation de la mission promise par le chef de l'État dans six mois n'arrive trop tôt ou trop tard.

À cette première réserve, j'en ajouterai deux autres sur la méthode.

Je regrette d’abord que la France n'ait pas su coordonner ses efforts avec ses partenaires européens – je pense à l'Italie et à l'Espagne – qui œuvraient parallèlement à un cessez-le-feu. S'il était légitime, au Conseil de sécurité – dont nous faisons partie –, de rechercher en priorité un accord avec les États-Unis, partenaire incontournable de toute solution, le poids de l'Europe eût été un effet de levier supplémentaire pour accélérer l'évolution de la position américaine et l'arrêt des combats. L'Europe a en tout cas prouvé qu'elle pouvait être efficace en décidant en moins de deux heures sa participation au sein de la FINUL.

De la même manière, je voudrais comprendre, monsieur le Premier ministre, les contradictions de notre diplomatie vis-à-vis des États commanditaires du Hezbollah. D'un côté, le chef de l'État refuse tout contact avec la Syrie ; de l'autre, le ministre des affaires étrangères a été jusqu'à louer le rôle stabilisateur que pourrait jouer l'Iran au Proche-Orient.

M. Eric Raoult. Et Jack Lang ?

Mme Martine David. Il n’est pas ministre !

M. Jean-Marc Ayrault. Je peux comprendre la méfiance qu'inspire le régime syrien mais, dans l'échelle des risques, le pouvoir de nuisance de l’Iran, avec son programme nucléaire et ses fatwas contre Israël, apparaît autrement plus dangereux. A cet égard je veux condamner une nouvelle fois les propos négationnistes du président iranien et sa volonté de détruire Israël. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

De deux choses l'une : ou bien l'on considère, comme les Américains, qu'existe un axe du mal, et il faut mettre la Syrie et l'Iran au ban des nations ; ou bien l'on reconnaît plus lucidement qu'une solution négociée au Liban doit impliquer toutes les parties, et il est impossible d'ignorer la Syrie. Ce point n'est pas mineur, d'une part, parce qu'il engage la sécurité de nos troupes déployées au Liban, d'autre part, parce qu'il dessine la perspective politique que l'on veut tracer pour le Proche et le Moyen-Orient. Et c'est le dernier terme de mon propos.

L'urgence est évidemment la reconstruction du Liban. La conférence de Stockholm a permis de fixer les priorités et de collecter 1 milliard de dollars. La France doit bien entendu participer à cette reconstruction. Outre les aides d'État traditionnelles, la coopération décentralisée doit permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de participer au parrainage des villes et villages détruits mis en place par le gouvernement libanais. Cette contribution n'aura de sens qu'à deux conditions. La première est qu'elle aille bien aux populations concernées et qu'elle ne soit pas détournée à d'autres fins par le Hezbollah. C'est une occasion pour l'État libanais d'affirmer son autorité en organisant le bon acheminement des aides. L'autre condition est d'adosser cette reconstruction à des garanties politiques et diplomatiques entre tous les acteurs concernés, faute de quoi ce qui a été bâti peut être à nouveau détruit.

Ne nous voilons pas la face : la proposition d'une conférence internationale, pour souhaitable qu'elle soit, est à ce stade prématurée et irréaliste. Il n'existe aucun canal de discussion, aucun plan de règlement qui puisse réunir sérieusement les belligérants et leurs soutiens autour d'une table. Et de quoi parlerait-on ? Avec qui ? Limiterait-on la négociation au contentieux israélo-libanais ? Élargirait-on au problème palestinien ? Embrasserait-on le conflit avec la Syrie ? Toutes les formules de ce type ont échoué.

Je crois qu'il nous faut être plus modestes et en même temps plus ambitieux. Plus modestes parce qu'il n'existe pas de clé unique, de formule magique qui permette de démêler l'écheveau du Moyen-Orient. C'est la grande erreur et le grand échec de l'administration Bush. En faisant du Proche et du Moyen-Orient le poste avancé de sa guerre contre le terrorisme, en réduisant tous les problèmes à un « western biblique » entre démocratie et islamisme, selon la juste expression de l'ancien ministre libanais Georges Corm, en soutenant les thèses les plus extrémistes de la droite et de l’extrême-droite israéliennes, l'Amérique s'est coupée des populations arabes et musulmanes.

M. Philippe Vitel. C’est passer le 11 septembre par pertes et profits !

M. Jean-Marc Ayrault. Le seul résultat tangible de cette politique est d'avoir renforcé tous les adversaires d'un règlement négocié.

La France, notamment lors du conflit en Irak, a été l'un des rares pays à pressentir cet échec. Malheureusement faute d'avoir pu ou d'avoir su en convaincre l'Europe, faute d'avoir eu une perspective de rechange qui soit autre chose que le simple retour de la realpolitik, elle n'a pu agir qu'aux marges.

Notre problème, aujourd'hui, est de trouver une nouvelle force médiatrice qui soit suffisamment impartiale et reconnue pour retisser le lien entre Israël et ses voisins, pour trouver de nouveaux canaux de communication et de dialogue. Et c'est là que nous devons être plus ambitieux.

Il nous faut rompre avec la vision unilatérale qu'a imposée l'administration Bush à cette région, non par antiaméricanisme, mais parce que, derrière l'apparente glaciation des rapports de force, les lignes ont bougé, la place des acteurs a changé. La Syrie est affaiblie, l'Iran émerge, l'Irak se débat dans la guerre civile, l'autorité palestinienne est moribonde et Israël retombe dans l'isolement.

Cette fragmentation nous oblige à repenser nos analyses et nos méthodes. Nous devons séparer les conflits, casser le front du refus intégriste, jouer sur les intérêts contradictoires entre les États et les groupes qui le composent. Une telle démarche nécessite de multiplier les canaux de dialogue et de négociation, de n'écarter aucun interlocuteur pourvu d'une légitimité. Nul n'a jamais fait la paix avec ses seuls amis.

Soyons clairs : nous savons tous que la paix au Liban passe inévitablement par une négociation directe entre Israël et l'État libanais incluant toutes les forces politiques, y compris le Hezbollah. C'est le seul moyen de conforter le consensus politique entre Libanais et d'amener le « parti de Dieu » à passer de la lutte armée au terrain politique. L'échange de prisonniers peut être l'amorce de cette négociation.

De la même manière, nous pouvons pressentir que le refus de parler avec la Syrie la jettera dans les bras de l'Iran. Il ne s'agit pas d'oublier sa responsabilité dans les drames du Liban mais, au contraire, de la placer face à ses responsabilités de puissance régionale.

Quant à l'Iran, nous savons les risques que recèle la conjonction du dossier nucléaire et de ses liens avec le Hezbollah. Les sanctions internationales que prépare le Conseil de sécurité seront insuffisantes si l'Europe ne s’engage pas et ne parvient pas à organiser une négociation directe entre Washington et Téhéran. Nous avons un rôle essentiel à jouer. Aujourd'hui, les menaces de confrontation unissent les Iraniens autour de leur régime et peuvent les inciter à utiliser les menées du Hezbollah comme moyen de pression. À l’inverse, une offre de négociation sérieuse, dans la clarté, donnerait la chance de séparer les problèmes et d'aboutir à un compromis acceptable.

Cela étant le nœud gordien de tous ces conflits demeure le règlement de la question palestinienne.

Tant que l’abcès de fixation demeurera, aucune normalisation ne sera possible entre Israël et le monde arabe. Alors, comment admettre la résignation de la communauté internationale devant la reprise des affrontements à Gaza et en Cisjordanie ? Comment accepter la passivité de l’Amérique et le suivisme de l’Europe ? Nous faisons l’autruche alors même qu’un timide faisceau d’espoirs existe : la conviction d’une majorité d’Israéliens du caractère inéluctable d’un État palestinien, le plan Sharon de retrait unilatéral des territoires occupés, le ralliement du Hamas à l’échange des prisonniers qui reconnaît implicitement l’existence d’Israël, la tentative de formation d’un gouvernement d’union nationale autour du président Abbas.

Tout cela est bien ténu, c’est vrai, mais on peut y voir les bases fragiles d’un accord possible, à la condition, là encore, de sortir du manichéisme qui veut trier entre les bons et les mauvais interlocuteurs. Je pense évidemment au Hamas. Quand on demande aux Palestiniens des élections libres, on ne peut pas commencer par les sanctionner au prétexte que les représentants qu’ils se sont choisis ne correspondent pas à ce que l’on souhaiterait. C’est une contradiction insoutenable qui contribue à brouiller notre message démocratique dans les populations arabes et à durcir le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen. Hitler aussi avait été élu !

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut revenir sur le boycottage du Hamas, obtenir la libération de ses ministres et rétablir l’aide internationale aux Palestiniens. Nous serons alors mieux à même de le couper de ses alliés syriens et iraniens et d’exiger qu’il reconnaisse la légitimité et la sécurité d’Israël. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Parler, mes chers collègues, ce n’est pas pactiser avec l’islamisme radical ; ce n’est pas donner droit à ses fausses vérités ou concéder nos principes démocratiques ; c’est, au contraire, chercher à dissocier les durs des modérés, les politiques des jusqu’au-boutistes.

M. Guy Tessier, président de la commission de la défense. Bla-bla !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est casser l’image d’un monde arabe monolithique, comprendre qu’existent en son sein des intérêts contradictoires où certaines forces peuvent trouver plus d’avantages dans la négociation que dans la fuite en avant. C’est, enfin, aider ceux qui, au sein du monde musulman, travaillent à la démocratie et au dialogue des civilisations en recherchant des solutions équitables et justes. La guerre fait le jeu des extrémistes. La négociation est l’atout des démocrates.

M. Claude Goasguen. Et le terrorisme ?

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, la voie est escarpée. Elle demande une diplomatie ferme dans ses principes mais subtile dans sa méthode, impartiale dans ses choix mais déterminée dans sa conduite, offensive dans ses objectifs mais patiente dans ses résultats. Elle ne garantit pas le succès, mais elle donne sa chance à la paix.

Parce qu’elle a toujours défendu un ordre mondial équitable, parce qu’elle a tissé des liens d’amitié avec toutes les parties du Moyen-Orient, la France peut contribuer à cette nouvelle donne. Cela suppose de sortir de la diplomatie du cavalier seul et des coups d’éclat sans lendemain. Nous avons, en Europe, des partenaires qui ont pris conscience des impasses américaines, qui sont prêts à s’engager dans des médiations communes comme l’ont fait l’Espagne et l’Italie dans la FINUL. Fédérons ces énergies. Coordonnons nos efforts diplomatiques. Ensemble, nous pouvons faire évoluer la stratégie américaine et davantage peser sur les choix déterminants.

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les députés, il n’y a pas de malédiction du Moyen-Orient. Il n’y a pas de fatalité au choc des civilisations. C’est la résignation qui fait le lit de l’extrémisme. C’est la passivité qui engendre la guerre. Au Liban, nous avons stoppé la course à l’abîme. Il nous faut maintenant construire la paix. Les socialistes – qui n’entreront pas dans les polémiques où certains, entendus à cette tribune, voudraient les attirer – seront de cette bataille. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la fin du mois de juin avait été organisé, ici même, un débat sur la situation au Proche-Orient. Deux mois plus tard, jamais cette région du monde n’a été dans une situation aussi grave : le Liban est en partie détruit, Israël n’a pas gagné la guerre pour autant et s’interroge, les Palestiniens sont désespérés, le Hezbollah et l’Iran se laissent aller à un dangereux sentiment de victoire.

Les risques sont plus importants que jamais, la tension grande, les perspectives de paix éloignées. Que de nombreuses erreurs aient été commises, nous le savons : celle des Américains qui voulaient démocratiser la région, de gré ou de force, celle des Israéliens, qui ont cru trouver une solution dans des décisions unilatérales et radicales, celle des dirigeants du Hamas et du Hezbollah et de leurs protecteurs iraniens recourant systématiquement à la violence. La région est dans le chaos, les extrémismes s’y renforcent. De la gravité de la crise peut-il surgir une prise de conscience ?

L’ONU a réussi à imposer un cessez-le-feu et la France s’y est heureusement employée. Kofi Annan a appelé chacun à respecter ce cessez-le-feu et à faire des concessions pour une paix durable ; il ne semble pas qu’il ait été entendu par tous. Quant à la France, elle a joué – et bien joué – un rôle conforme à sa tradition et à son amitié pour le Liban, un rôle de paix, qui a permis le vote de la résolution 1701 du Conseil de sécurité et la constitution de la force internationale.

Maintenant, il faut réussir non seulement sur le court mais aussi sur le long terme. Or nous ne voyons pas clair sur tous les points ; nous vous demandons, monsieur le ministre des affaires étrangères, de nous y aider.

Premièrement, pour ce qui est du rôle de la FINUL renforcée, qui n’a pas été placée sous l’égide du chapitre 7 de la Charte, la France a heureusement obtenu des garanties pour le recours à la force. Pourriez-vous, sans enfreindre la nécessaire confidentialité des règles édictées par les Nations unies, nous préciser les situations dans lesquelles la FINUL pourrait recourir à la force en dehors des cas classiques de la légitime défense et de la possibilité d’assurer la liberté de mouvement des troupes ?

M. François Bayrou et M. Éric Raoult. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Deuxièmement, en ce qui concerne la surveillance de la frontière syro-libanaise, alors que la Syrie semble s’opposer au déploiement de la FINUL, le gouvernement libanais est-il, selon vous, en mesure de lutter efficacement, comme l’a affirmé son Premier ministre, pour empêcher tout trafic d’armes ?

M. Éric Raoult. Bonne question !

M. Claude Goasguen. Très bonne question !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Troisièmement, s’agissant du désarmement du Hezbollah, qui semble n’être ni dans la mission de la FINUL ni dans celle de l’armée libanaise, vous avez déclaré, devant notre commission, qu’il ne pourrait résulter que d’un consensus réalisé entre les Libanais eux-mêmes. Pour cela, il faudrait reconstruire un État libanais avec un gouvernement solide et une autorité assurée, ce que nous souhaitons. Croyez-vous, monsieur le ministre, que ce consensus soit proche ?

Si tel ne devait pas être le cas, si les milices devaient demeurer armées – le Hezbollah y paraît résolu – si la frontière avec la Syrie et le Liban ne devait pas être contrôlée, alors la présence de la FINUL renforcée dans la région comprise entre la « ligne bleue » et le Litani se prolongerait durant de longues années, sauf à laisser le chaos régner à nouveau au Liban.

M. René Couanau. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Les Nations unies doivent être prêtes à maintenir un engagement important, la France également. Qui ne voit les devoirs que nous créerait une pareille situation, mais également les risques qu’elle ferait peser sur nous ?

Cela doit nous conduire à affirmer une volonté d’aboutir enfin à une solution durable et globale du conflit au Proche-Orient, conflit qui pèse depuis plus d’un demi-siècle sur la vie internationale et spécialement sur les intérêts de l’Europe, aussi bien économiques que politiques. Il y a trop longtemps que cela dure, nous devons tout faire pour en sortir.

Les solutions partielles, les solutions unilatérales, ne fonctionnent pas. Tout est lié : les relations entre Israël et la Palestine, l’avenir du Liban, la fin de la guerre civile en Irak, les relations avec la Syrie et l’Iran. Force est de constater l’échec des solutions unilatérales ou partielles, mises en œuvre depuis des dizaines d’années et dont la feuille de route est le dernier exemple. Israël s’est retiré du Liban il y a six ans, Israël s’est retiré de Gaza l’an dernier, Israël aurait voulu il y a quelques mois se désengager de Cisjordanie ; pour autant, l’unilatéralisme n’a rien résolu.

Monsieur le Premier ministre, le Proche-Orient a besoin de la paix. Cela veut dire une frontière définitive et reconnue pour Israël, pour la Palestine et pour le Liban. Cela veut dire pour ces trois États la garantie de leur sécurité.

Comment y parvenir ? Par la réunion d’une conférence internationale, avec la participation de tous les intéressés. À mes yeux, cela signifie, non seulement le Quartet, c’est-à-dire les États-Unis, l’Europe, la Russie, l’ONU, mais également les voisins d’Israël et du Liban. Sans leur accord, rien ne sera viable. Le Quartet, à lui seul, n’est pas en mesure d’assurer une paix durable. Cela suppose donc que nous rétablissions le dialogue avec la Syrie.

Je sais tous les reproches qui peuvent être faits au gouvernement de ce pays et les soupçons qui, à bon droit, pèsent sur lui, mais je sais aussi qu’il y a cinq, dix, quinze ou vingt ans, il n’était pas plus respectueux des droits de l’homme – nous l’avons cruellement éprouvé nous-mêmes – que de l’indépendance du Liban. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) Cependant la France avait des relations avec lui.

M. François Bayrou et M. Pierre Lellouche. Très juste !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il faut tenter de rétablir ces relations. En effet, qu’est-ce que la politique arabe que, depuis le général de Gaulle, notre pays entend mener à bon droit, sinon la capacité de parler avec tous, quels que soient les griefs légitimes que l’on peut avoir envers tel ou tel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Bayrou. Excellent !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il faut poursuivre le dialogue avec l’Iran et c’est peut-être le problème le plus difficile, car les ambitions nucléaires de ce pays interfèrent avec l’influence qu’il exerce au Liban. Regardons la réalité en face, comme M. le ministre des affaires étrangères a eu raison de le faire : l’Iran aspire à jouer un rôle plus grand dans cette région ; il aspire également à se voir reconnaître, en matière nucléaire, des droits que ne lui reconnaît pas le traité de non-prolifération.

M. Pierre Lellouche. Dont il est signataire !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Je ne veux pas aborder ici ce problème au fond, sinon pour dire que c’est une complication supplémentaire et que nous devons tout faire pour trouver une solution équitable, faute de quoi ce serait la fin du traité de non-prolifération et toutes les digues céderaient. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette solution équitable, nous devons aussi la trouver en Irak, où l’avenir passe par un retrait progressif des États-Unis et par un équilibre nouveau entre les diverses communautés. Le plus vite sera le mieux.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, j’approuve ce qu’a été l’action de notre pays pour mettre un terme aux souffrances du Liban et à celles des Palestiniens, tout en maintenant notre objectif d’assurer la sécurité d’Israël.

Je souhaite la réunion d’une conférence internationale qui ne soit pas limitée au Quartet et qui, en associant tous les intéressés, examinerait l’ensemble des problèmes.

Tous les pays de la région doivent faire l’effort d’accepter qu’Israël existe et qu’il a le droit à la sécurité. Toutefois la reconnaissance de ce droit ne doit pas non plus cacher les évolutions qu’Israël doit accepter et auxquelles les États-Unis seraient bienvenus de l’inciter. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

Si, pour assurer la sécurité d’Israël, la présence d’une force internationale durable s’avérait nécessaire, je l’approuverais. C’est sur ce plan que le rôle de l’Europe peut être important.

L’Europe doit saisir cette occasion pour jouer enfin un rôle conforme à ses ambitions, sans cesse affichées et à mes yeux trop rarement réalisées : en associant un certain nombre de pays musulmans, elle peut être la garante de la paix et de la sécurité de la région et un artisan essentiel de sa reconstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, en annonçant sa décision d'envoyer 2 000 militaires français au Liban, dans le cadre de la force internationale prévue par la résolution 1701 du 11 août 2006, le Président de la République a voulu que se tienne un débat sur ce thème au sein de notre Assemblée, et ce, dès l'ouverture de la session extraordinaire.

Je tenais à saluer cette initiative en commençant mon propos. Après une période d'intense activité diplomatique et des choix militaires décisifs, il importait en effet que la représentation nationale puisse débattre et s'exprimer librement sur l’engagement de la France.

Pour moi, la position ne peut être que celle de l'approbation totale de l'engagement diplomatique et militaire de la France dans la résolution de la grave crise qui secoue le Proche-Orient. Il n'était en effet pas possible, pour la communauté internationale, de rester inactive face aux souffrances endurées par les populations civiles, libanaises comme israéliennes, et la France se devait d'être au premier rang de l'action.

Elle a été un acteur majeur dans la préparation comme dans l'adoption de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité de l'ONU, tenant pleinement son rôle de membre permanent. La France se devait aussi d'être un acteur majeur, un catalyseur, pour l'engagement de nos partenaires européens dans la constitution de la force multinationale nécessaire pour un retour durable à la stabilité dans la région.

L'attente en faveur d'une position aussi résolue était forte à plusieurs niveaux.

Sur la scène internationale tout d'abord, et particulièrement au sein de l'ONU, la voix de la France était attendue pour sa position équilibrée entre les parties, seule à même de parvenir rapidement à un cessez-le-feu.

Au sein de la population libanaise ensuite, où les appels ont été nombreux vers notre pays pour que cessent les souffrances. Loin d'être acquis dans son ensemble à des thèses extrémistes, le peuple libanais subit les dérives d'un conflit régional qui le dépasse. En raison des liens multiséculaires qui l'unissent à notre pays, c'est un appel au secours qu'il nous a envoyé.

Chez nous enfin, où nos concitoyens ne pouvaient accepter que la France reste en retrait dans l'action entreprise pour que cessent les destructions et les malheurs de peuples amis. Il n'était pas possible de déroger à la tradition de grandeur de la France.

Dans cette impatience, des critiques n'ont pas manqué de fuser pour fustiger les prétendus « atermoiements » qui auraient affecté la décision de la France quant à notre participation à la nouvelle force internationale, devenue FINUL 2. À mon sens, les exigences du Président de la République ont démontré la maturité de la position française. Elles ont servi, et serviront, les intérêts de la communauté internationale dans sa recherche d'une action diplomatique crédible et d'une intervention militaire efficace.

Dès lors, des précisions et des garanties devaient être données par rapport au texte de la résolution avant d’envoyer des bataillons dans cette zone si risquée du sud du Liban. Hier, Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a justement indiqué à la commission que l’ordre de riposte pourrait être donné à nos soldats. Que n'aurait-on entendu si nos militaires, projetés précipitamment, s'étaient retrouvés en situation périlleuse, rappelant les expériences douloureuses d'impuissance, voire d'humiliation, connues dans les Balkans sous d'autres responsables ? Me reviennent à l'esprit les images, lors d'un voyage en Bosnie en 1994, de colonnes stoppés dans leur action par le moindre milicien mal armé et assis, seul, sur une chaise en formica.

Les dispositions de la résolution 1701, notamment ses paragraphes 11, 12 et 14 qui fixent les objectifs assignés à la FINUL, étaient trop générales, et prévoyaient d'ailleurs que le Secrétaire général devait prendre les mesures nécessaires à la bonne exécution de ces objectifs. Comme nos lois renvoient à des décrets d'application, la résolution 1701 demandait des précisions ultérieures. Celles-ci, je le répète, ont précisément été données hier, devant la commission, par la ministre de la défense.

Il fallait donc prendre le temps nécessaire, tout d'abord à la fixation des missions pour atteindre les objectifs fixés dans la résolution. Le soutien à l'armée libanaise risque de se révéler particulièrement délicat. Ne faut-il pas, au-delà de l'action propre de la FINUL, lui fournir les équipements qui lui font défaut, mieux assurer la formation de ses hommes, et aussi – disons-le – équilibrer les factions et les clans composant aujourd’hui l’armée libanaise ?

Il fallait, ensuite, mettre en place une chaîne de commandement efficace et réactive, donc courte, ce qui est acquis.

Il était primordial, enfin, de préciser les règles d'engagement, et notamment d'ouverture du feu, afin d'assurer l'efficacité et la liberté de manœuvre indispensables aux troupes déployées. Tout est-il réglé, monsieur le ministre des affaires étrangères ? Je pense notamment au risque de remise en cause de nos relations diplomatiques et à leurs conséquences jusque chez nous, en cas d’accrochage grave entre les belligérants et les militaires de la FINUL.

Ces précautions exigées sont le fruit de l'expérience et visent à donner toutes les chances de succès à la nouvelle force d'interposition.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. L'échec n'est en effet pas permis car les enjeux sont d'importance. Il s'agit d'abord de prévenir toute reprise des combats qui pourrait déstabiliser toute la région, et même au-delà. Les parties en présence sont en effet soutenues par d'autres pays dont la participation à de nouveaux combats pourrait être plus apparente encore qu'elle ne le fût lors de la guerre en juillet-août. Il y aurait donc un risque majeur de dérapage en cas de reprise des hostilités. C'est la paix qui se joue dans tout le Proche-Orient.

L'Union européenne, quant à elle, en s'engageant comme elle le fait pour constituer la colonne vertébrale de la force, met en jeu sa crédibilité. Elle ne peut se permettre ni d'échouer, en n’atteignant pas les objectifs assignés, ni même de réussir à moitié car cela serait vraisemblablement synonyme d’enlisement. Si la réunion du vendredi 25 août sur la participation de chacun laisse espérer qu'elle accède à une certaine identité politique, elle revient de loin. Absente, en tant que telle, dans la phase la plus aiguë de la crise, ses différents pays membres ont eu des positions pour le moins divergentes. Sans réelle politique commune, sans exécutif capable de décider rapidement, sans représentant doté de réels pouvoirs, elle a souffert du rejet de l'organisation institutionnelle proposée par le traité de Constitution européenne.

Il était donc illusoire de vouloir lui laisser le rôle premier, au détriment des pays membres les plus engagés, comme certains ont cru pouvoir le regretter, après la bataille. Lors de la réunion du 25 août, la France, avec l'Italie, a tenu un rôle moteur pour que l'Union européenne retrouve sa place dans une perspective multi-latéraliste qui reste son avenir.

Les participants, au moins occidentaux, étant connus, et les missions fixées, il revenait à la réunion dite de « génération de forces », de déterminer les moyens nécessaires. C'est sans surprise que le choix a été fait de prévoir des moyens puissants et dissuasifs, de feu, de protection et de pénétration, indispensables dans ce contexte particulier. L'intérêt pour notre armée de terre d'être dotée de chars Leclerc, accompagnés d'une infanterie mécanisée sur AMX 10P, soutenus par des canons d'artillerie automoteurs AUF1, apparaît en pleine lumière, élargissant la gamme des possibilités d'action, dans une situation nouvelle.

Outre le fait que ces choix répondent aux exigences de protection et d'efficacité des troupes, ils présentent l'avantage d'élargir le vivier des unités capables de participer à la FINUL 2, réduisant les risques de surchauffe au fil des relèves à venir. De fait, cette décision nous permettra de remplir plus aisément notre contrat, et apporte une réponse aux interrogations aussi déplacées que blessantes sur les capacités militaires de notre pays à faire face à son ambition internationale.

Pour conclure, je veux souligner que la place tenue aujourd'hui par la France, aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan militaire, est le résultat direct de l'effort entrepris depuis quatre années en faveur de notre défense. Nos armées sont ainsi parmi les rares à disposer des capacités, des savoir-faire et de l'expérience nécessaires à la conduite d'opérations multinationales complexes dans des situations politico-militaires risquées, à l’exception des Britanniques qui sont aujourd’hui les grands absents.

Tous ces constats sur nos possibilités militaires, donc sur notre place internationale, mais aussi sur nos insuffisances, doivent conduire à bien mesurer la responsabilité qu'il y aurait à vouloir refaire du budget de notre défense une variable d'ajustement du budget de la nation.

Les missions confiées à nos militaires, à la FINUL 2 en général, ne seront pas faciles à mener à bien. Nos concitoyens doivent en être conscients. Notre soutien et notre confiance au nom de la nation tout entière n'en revêtent alors que plus d'importance. Ils doivent s'exprimer sans retenue dans les mots ; ils doivent se concrétiser sans équivoque dans les actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.) .)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier les différents orateurs pour leurs interventions. En définitive, ils ont tous dit que, au-delà du conflit israélo-libanais, c’est tout l’avenir du Proche-Orient qui est en jeu.

La diplomatie, notamment la diplomatie française, s’est beaucoup mobilisée pour parvenir à la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 11 août dernier. Elle doit maintenant s’engager sur le terrain pour assurer le respect et la mise en œuvre de cette résolution.

La première priorité, c’est la levée du blocus maritime et aérien qu’Israël imposait au Liban et sans laquelle il ne peut y avoir de reconstruction économique et de retour à la vie normale. Les Israéliens ont décidé de mettre fin à ce blocus et il faut les en remercier car cela a aussi un coût politique pour eux.

La deuxième priorité, c’est le double mouvement. Tel est l’esprit de la résolution 1701 : le déploiement de l’armée libanaise au Sud Liban, d’un côté, et le retrait de l’armée israélienne, avec l’appui de la FINUL, de l’autre, au sud de la « ligne bleue », comme Mme Buffet l’a fait remarqué. Il s'agit d'une étape très importante dans l'application de cette résolution. Il convient de continuer dans cette voie avec le déploiement d'une FINUL renforcée.

Ainsi que M. Accoyer l’a rappelé, c’est dans cette perspective que le Président de la République a décidé, comme vous le savez, l'engagement de 2 000 soldats français sous casque bleu au Liban. Le calendrier de déploiement de ces nouvelles forces devrait être le suivant : en sus des 200 hommes qui étaient déjà présents sur place avant le renforcement de la FINUL, un premier renfort d'urgence a été déployé quelques jours après l'adoption de la résolution 1701. Sur les deux bataillons supplémentaires que nous avons prévu d'envoyer, le premier devrait être sur zone au complet d'ici à la mi-septembre. Le second arrivera dans le mois qui suit.

La France prend donc toute sa part à la mise en œuvre de la résolution 1701 et il convient de souligner que c'est elle qui assurera le commandement de la FINUL jusqu'en février 2007 en la personne du général Pellegrini. Il convient ici de vous apporter quelques précisions sur la nature et les modalités de notre contribution militaire à la FINUL.

S'agissant des règles d'engagement, nous avons souhaité, dès l'origine, qu'elles soient robustes et permettent à la nouvelle FINUL de remplir ses missions dans les meilleures conditions de sécurité et de faire face à toute éventualité.

À cet égard, monsieur Balladur, nous avons reçu des garanties de M. Kofi Annan et les règles d'engagement seront bientôt définitivement arrêtées à New York. Elles devraient répondent à nos attentes puisqu’elles garantissent la légitime défense et la libre circulation de la FINUL renforcée. L’ordre de riposte pourra être donné à nos forces, comme l’ont rappelé hier après-midi Mme Alliot-Marie et ce matin le président de la commission de la défense.

M. Claude Goasguen. Par qui ?

M. le ministre des affaires étrangères. Deux missions, monsieur Bayrou, nous incombent au sein de la FINUL.

La première consistera à soutenir le déploiement de l'armée libanaise dans le sud du pays et, parallèlement, le retrait des troupes israéliennes. Au-delà, il s'agira de mettre en place une zone d'exclusion où seule l'armée libanaise sera autorisée à porter des armes.

Notre deuxième mission sera d’apporter notre assistance, à la demande des autorités libanaises, à la mise en place effective et concrète d’un embargo sur les armes et, par voie de conséquence, aux contrôles qui devront être effectués aux différentes frontières du pays pour faire respecter cet embargo.

S'agissant de la surveillance des côtes libanaises, le Secrétaire général des Nations unies vient de solliciter l'assistance de la France. Le Président de la République lui a donné une réponse de principe favorable. Nous étudions actuellement avec les Nations unies et nos partenaires les meilleures réponses à cette demande dans le cadre des moyens dont nous disposons déjà dans cette zone. Dans notre esprit, une telle assistance ne peut être qu'immédiate et transitoire, destinée à accompagner la levée du blocus annoncé par Israël, en attendant la mise en place pérenne de la FINUL ; je pense en particulier aux forces allemandes dans le domaine maritime.

Plusieurs d'entre vous, en particulier M. Balladur et M. Bayrou, se sont interrogés sur le désarmement du Hezbollah. Je vous rappelle que le désarmement de toutes les milices, y compris le Hezbollah, est prévu par la résolution 1701 ; il s’agit de l'application des accords de Taëf et de la résolution 1559. C'est l'objectif de la communauté internationale, mais aussi et surtout celui des Libanais.

M. Balladur s’interroge sur la solidité du gouvernement libanais : tout l’enjeu de la résolution 1701 est de lui redonner la souveraineté qui avait disparu depuis le retrait des troupes israéliennes en 2000, l’armée libanaise ne se rendant jamais dans le sud du pays ! C'est aux Libanais d'atteindre cet objectif dans le cadre du dialogue national qui a commencé au début de l'année et qui doit aujourd'hui se poursuivre. Ce dialogue national a permis de mener une réflexion sur la stratégie gouvernementale en matière de défense nationale et d'organisation de l'armée.

C'est dans ce contexte que les Libanais devront décider de la manière de procéder au désarmement des milices. Plusieurs d’entre vous l’ont dit, je le répète et ce conflit vient de le confirmer : il n'y a pas de solution purement militaire au conflit israélo-libanais, pas plus, comme l’a dit Mme Buffet, qu’au conflit israélo-palestinien.

M. Claude Goasguen. Oui, mais il faut désarmer quand même !

M. le ministre des affaires étrangères. En outre, nous attendons des pays voisins qu'ils contribuent pleinement à la mise en œuvre de la résolution 1701. Toute violation de ses dispositions – notamment de l'embargo sur les armes à destination du Hezbollah – risquerait de compromettre le cessez-le-feu, comme l’a souligné M. Teissier, et la recherche d'une solution durable.

M. Paul Giacobbi. Dites-le à l’Iran !

M. le ministre des affaires étrangères. Cela constituera un test quant aux intentions et à la volonté des différents acteurs régionaux concernés.

J’en viens précisément à l’Iran, que plusieurs d’entre vous ont évoqué.

Je veux d'abord rappeler à M. Bayrou et à M. Ayrault que j’ai été le premier ministre des affaires étrangères occidental à condamner les propos inacceptables du président iranien Ahmadinejad sur Israël. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est l’occasion pour moi de rappeler que la France est l’amie d’Israël et que nous sommes très attachés aux droits et à la sécurité du peuple d’Israël. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Il faut le montrer !

M. le ministre des affaires étrangères. Par ailleurs, monsieur Bayrou, c’est précisément le 31 juillet, le jour où je rencontrais à Beyrouth le ministre des affaires étrangères iranien, M. Motaki, que, sous la présidence française, le Conseil de sécurité des Nations Unies votait, à l’unanimité moins une voix – celle du Qatar – la possibilité de prendre des sanctions contre l’Iran s’il ne répondait pas positivement à sa demande ambitieuse sur les plans économique et politique, en matière de nucléaire civil ; c’est le chapitre 7, article 41 de la résolution 1696.

M. François Bayrou. Et c’est ce pays que vous appelez « puissance stabilisatrice » !

M. le ministre des affaires étrangères. Je vais m’en expliquer !

Sur le dossier nucléaire – il ne vous a pas échappé qu’il y a deux dossiers iraniens – l’Iran n’a pas répondu de manière satisfaisante à la proposition des six – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne – et il n’entend pas suspendre l’enrichissement.

M. François Loncle. Cela vous étonne ?

M. le ministre des affaires étrangères. Or cette suspension essentielle à la sécurité internationale et exigée par la résolution 1696 du 31 juillet est une condition indispensable à la restauration de la confiance et à la reprise des négociations. Le rapport de l’Agence internationale pour l’énergie atomique, que vient de transmettre M. El Baradeï au Conseil de sécurité des Nations unies, confirme que l’Iran ne s’est pas conformé à la résolution du Conseil de sécurité.

M. Paul Giacobbi. Ils ont dit qu’ils ne voulaient pas s’y conformer !

M. le ministre des affaires étrangères. Nous sommes aujourd’hui avec nos partenaires dans une phase de consultation. Les directeurs politiques de chacun de nos six pays se trouvent en ce moment même à Berlin pour examiner les suites à donner l’attitude de l’Iran.

Je le dis devant la représentation nationale : l’adoption de sanctions suppose l’approbation d’une résolution du Conseil de sécurité. Notre objectif est d’amener l’Iran à se conformer aux demandes de l’Agence internationale pour l’énergie atomique et du Conseil de sécurité. Dans ces conditions, monsieur Bayrou, et si je comprends parfaitement ce que vous avez dit, je pense que le risque majeur pour nous aujourd’hui est la division de la communauté internationale.

M. Claude Goasguen. Nous n’arriverons jamais à obtenir l’unanimité !

M. le ministre des affaires étrangères. Nous devons absolument l’obtenir, comme la France a obtenu, le 12 juillet – date importante – au Quai-d’Orsay, la signature des Russes et des Chinois aux côtés des Américains et des Européens.

M. Claude Goasguen. C’est pour cela qu’il y a eu la guerre !

M. le ministre des affaires étrangères. Au moment où nous parlons, c’est tout l’enjeu de notre action !

Parallèlement à cette phase de consultation, il est plus que jamais nécessaire, comme l’a rappelé M. Balladur, de maintenir le dialogue avec l’Iran.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. François Bayrou. Avec fermeté !

M. François Loncle. Et avec la Chine !

M. le ministre des affaires étrangères. Telle est la ligne que défend la France et que nos partenaires européens ont justement reprise à leur compte. Si chacun prend ses responsabilités, nous pourrons sortir de l’impasse actuelle. J’espère que Téhéran comprendra qu’il faut régler la question nucléaire par la négociation. La France est ouverte au dialogue avec l’Iran, pour autant que ce dialogue soit sincère et concret.

M. Paul Giacobbi. L’Iran et son rôle « stabilisateur » !

M. le ministre des affaires étrangères. J’en viens au deuxième dossier que vous avez abordé, à savoir l’Iran dans le conflit israélo-libanais.

L’Iran aspire à ce qu’on lui reconnaisse un rôle régional de premier plan. Si nous devons l'encourager à assumer ses responsabilités tout en oeuvrant en faveur de la stabilité, nous resterons vigilants et attentifs aux gestes que les autorités de Téhéran feront pour faire baisser la tension au Liban. (Exclamations sur divers bancs.)

Je vous rappelle que, depuis le 14 août, 5 heures GMT, un cessez-le-feu qui correspond exactement à la résolution 1701 est en vigueur dans le conflit israélo-libanais. Pour qu’il y ait cessez-le-feu, il faut que les deux parties cessent le feu. Or nous assistons – ce qui ne vous a pas échappé – d’un côté, au retrait de l’armée israélienne et, de l’autre, à l’arrêt de la part du Hezbollah de l’envoi de roquettes sur le nord d’Israël.

M. Claude Goasguen. Cela est dû à l’annonce du désarmement !

M. le ministre des affaires étrangères. Je vous rappelle que nous avons condamné le Hezbollah dès le premier jour.

M. François Bayrou. Vous êtes en train de dire que le Hezbollah c’est l’Iran !

M. le ministre des affaires étrangères. Il est indispensable d’affirmer la nécessité d’un cessez-le-feu respecté par les deux parties.

Quant à la Syrie, monsieur Balladur, l'expérience nous conduit à la vigilance. Les autorités de Damas doivent respecter les règles du jeu fixées par la communauté internationale. (Murmures sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Cela vaut pour la résolution 1701 qui prévoit l'embargo sur les armes, mais également pour la résolution 1559 qui exige le respect plein et entier de la souveraineté et de l'indépendance politique du Liban. Cela vaut enfin pour la résolution 1595, votée à l’unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris par les membres de la Ligue arabe, et qui instaure une commission d'enquête internationale sur les assassinats de Rafic Hariri, de parlementaires et de civils libanais. La Syrie doit apporter son entière coopération à cette commission.

Les clés du retour à la confiance sont aujourd'hui à Damas. Pour retrouver sa place dans le concert des nations, la Syrie doit remplir les obligations internationales qui s'imposent à elle comme aux autres pays. C’est ce que nous souhaitons, comme l’a affirmé le Président de la République.

Ainsi que Mme Buffet le rappelait, la résolution du conflit israélo-palestinien est la clef de la stabilité régionale.

Mme Marie-George Buffet. C’est évident !

M. le ministre des affaires étrangères. Or la solution de ce conflit, comme au Liban, n’est pas militaire. A court terme, notre objectif doit être d’engager un processus de désescalade : la libération du caporal Shalit et la levée du blocus de Gaza constituent des étapes indispensables.

M. Gérard Bapt. Et le Parlement palestinien ?

M. le ministre des affaires étrangères. Au-delà, nous devons nous atteler à favoriser la reprise des négociations israélo-palestiniennes. La formation d’un futur gouvernement palestinien pourrait également être une opportunité. L’ignorer serait une erreur, même si nous restons naturellement vigilants et très fermes quant au respect des trois principes que nous avons adoptés vis-à-vis du Hamas. Nous apporterons tout notre soutien au président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour apaiser les tensions interpalestiniennes.

Le Président de la République l’a dit : il est indispensable que le Quartet se réunisse au plus vite pour permettre la relance du processus de paix israélo-palestinien, en faveur de laquelle la communauté internationale doit s’impliquer fortement. Il n’y aura pas de stabilisation durable de la situation au Proche-Orient sans règlement de la question israélo-palestinienne.

J’en viens enfin à la question du Darfour qu’a évoquée M. Bayrou.

Je vous rappelle que, il y a quelques jours, la France a voté, au Conseil de sécurité des Nations unies la résolution 1706. Comme vous le savez, celle-ci propose le transfert aux Nations unies de l’opération de maintien de la paix actuellement gérée par l’Union africaine. Je retournerai bientôt au Darfour pour rencontrer les autorités soudanaises et évoquer avec elles la nécessité de faire cesser les violences.

La situation humanitaire au Darfour est dramatique. Louise Harbour, haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, parlait récemment d’actes d’une gravité telle qu’ils relèvent du tribunal pénal international. Nous devons tout faire, avec nos partenaires européens et au sein des Nations unies, pour trouver au plus vite les bases d’un accord politique dans cette région.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de vos remarques et du soutien que vous avez apporté à la diplomatie française au cours de l’été. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le débat est clos.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quinze.)