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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 7 septembre 2006

3e séance de la session extraordinaire 2005-2006

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. François Brottes, François Loos, ministre délégué à l’industrie ; Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Pierre-André Périssol, David Habib, Jean Dionis du Séjour, Alain Bocquet.


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Brottes, pour une durée qui ne pourra excéder trente minutes.

M. François Brottes. Monsieur le Président,

Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps.

Je viens de recevoir

En session extraordinaire

Un papier délétère 

– « délétère » se dit le plus souvent d’un gaz nuisible à la santé –

Pour brader notre histoire.

Monsieur le Président,

Je ne veux pas – avec d’autres – le faire.

Je ne suis pas sur terre

Pour voler les pauvres gens.

C’est pas pour vous fâcher,

Il faut que je vous dise,

Si vous privatisez

Vous serez désavoué…

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. François Brottes. …Ce dont on a besoin

Pour vivre chaque jour,

S’éclairer chaque nuit,

Se chauffer chaque hiver,

C’est notre bien commun,

C’est parfois un secours,

Ce n’est pas un profit

Pour le vendre plus cher.

Cette lettre est comme un cri

Pour vous dire d’arrêter.

Vous n’êtes pas mandaté

Pour une telle ineptie.

Depuis qu’on vous connaît,

Vous en avez fait d’autres.

Vous êtes bon apôtre,

Monsieur le Président.

Mais là reconnaissez

Qu’en apprenti sorcier

Vous bradez l’héritage

De valeurs bien ancrées…

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est beau !

M. François Brottes. …La France en éclaireur

Dans notre République

Inventa des répliques

Pour le droit au bonheur.

Et le service public

Est membre fondateur

D’une certaine éthique.

N’en faites pas une relique.

Monsieur le Président,

Avant de nous quitter – l’échéance approche –

Devenez un peu sage,

Respectez ce message.

Pour la postérité,

Ne faites pas naufrage

De la fraternité,

De notre égalité,

Sinon ça va chauffer !  (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous allez regretter

D’être passé en force

Au détour d’un été,

Pour quelques intérêts

Sûrement particuliers.  (Sourires.)

M. Yves Nicolin. Brottes à l’Académie !

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué à l’industrie, je ne doute pas que Boris Vian, cet homme aux multiples talents – ingénieur, écrivain, musicien, chroniqueur de jazz, parolier et chanteur – me pardonnerait d’avoir un peu détourné son œuvre pour cette « écume du jour » qui, dans notre jargon, s’appelle la « question préalable ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Boris Vian m’a inspiré cette interpellation solennelle parce que le Président de la République, et il doit s’en rendre compte, est encore le garant de ce qui rassemble notre peuple, de ce qui permet à nos concitoyens les plus démunis, aux territoires les plus éloignés, aux entreprises les plus fragiles, d’avoir un espoir de s’en sortir, de rebondir, d’exister dans la dignité : à la base de la cohésion sociale, il y a l’État, qui donne des garanties, qui pérennise l’égalité des chances, qui n’est pas obsédé par le profit et la rentabilité à court terme,…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Parlons-en !

M. François Brottes. …l’État qui est soucieux d’une qualité de service, d’un prix d’égal accès pour tous, mais aussi d’une compétitivité favorable à la création d’emplois industriels dans tout notre pays.

L’énergie, c’est une évidence, ce n’est ni des chaussettes, ni des croissants. L’énergie, nous en avons besoin tout le temps, elle est indispensable à la vie et à l’activité, la nuit et le jour. L’énergie n’est pas un bien comme les autres.

M. Yves Nicolin. Et ceux qui se chauffent au pétrole ?

M. François Brottes. Nous ne devons pas banaliser le rôle de l’État dans ce dossier, même pour ceux qui se chauffent au pétrole. Ce n’est pas un dossier économique ou industriel classique qui vous autorise, après que Nicolas Sarkozy, il y a quelques mois, a pris dans cet hémicycle un engagement lourd de sens –celui de ne pas privatiser Gaz de France – ...

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’était un amendement parlementaire !

M. François Brottes. …ce n’est pas un dossier de circonstance qui vous autorise à vous venger d’un monopole public en le transformant en monopole privé, ce que dénonce d’ailleurs la Commission européenne dans sa dernière lettre de griefs.

Nous refusons cette fatalité à laquelle vous voulez nous soumettre, au prétexte que la privatisation, c’est le sens de l’histoire.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Bien sûr !

M. François Brottes. Nous refusons de sacrifier le contrôle de l’État, le volontarisme public, à l’organisation de la concentration des cartels, qui, demain – écoutez bien –, contrôleront les États.

Où sera l’intérêt général des populations ? Quelle place conservera l’expression de la démocratie et comment se traduiront ses choix ?

M. Alain Vidalies. C’est une vraie question !

M. François Brottes. Puisque c’est une évidence et que nous la partageons, reconnaissez que l’énergie n’est pas un bien comme les autres et que cela ne doit pas devenir le privilège de quelques-uns que d’y avoir accès dans des conditions normales et au juste prix.

Oui, au risque de vous choquer, je pense que, parfois, « la privatisation, c’est du vol », lorsque des actionnaires privés accèdent à vil prix à un patrimoine national, comme le réseau de transport de gaz. Oui, ces actifs ont été transférés à Gaz de France sous notre majorité, mais dans un contexte où Gaz de France demeurait à 100 % public.

Autant de « questions préalables » pour vous faire réfléchir, peut-être vous faire réagir.

L’un de vous, à l’UMP, que je ne citerai pas, nous a dit en commission : « Attention, une entreprise de l’énergie, cela ne se privatise qu’une fois ! » (Rires sur les bancs du groupe socialiste) – « one shot » disent les Américains. Un autre, qui se reconnaîtra, nous a démontré que le nouvel ensemble GDF-Suez, pour lequel vous sollicitez un chèque en blanc de la part du Parlement, était une entité « opéable » ! Il avait tellement raison que les présidents de ces deux groupes reconnaissent qu’une OPA est improbable, ce qui signifie clairement qu’elle n’est pas impossible, comme lorsque l’État est nettement majoritaire, ce qui est le cas aujourd’hui.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi le film de cette privatisation, je veux rappeler quelques étapes qui dénoncent d’elles-mêmes l’inconsistance de vos choix et l’inconséquence de vos actes.

Il y a deux ans à peine, vous nous avez fait voter deux textes dits fondateurs pour le secteur de l’énergie : une loi d’orientation, certes avec beaucoup d’intentions louables, mais sans aucune mesure concrète, en dehors de la fleur que représente EPR dans le bouquet énergétique. Souvenez-vous : au cours de ce débat, le président de la commission des affaires économiques, pour lequel j’ai un immense respect…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Le respect est réciproque !

M. François Brottes. …a tout fait pour qu’on finisse par enterrer les éoliennes – il n’était d’ailleurs pas le seul !

Et puis, sans attendre le vote final de ce texte d’orientation, qui était un alibi, vous faites voter le changement de statut d’EDF et GDF, en jurant vos grands dieux – laïques, j’imagine – que jamais, au grand jamais, vous ne privatiserez des entreprises aussi stratégiques pour l’intérêt national que les entreprises publiques de l’énergie qui, disons-le ensemble, constituent un modèle de compétence et d’engagement des personnels, comme de performance et d’efficacité pour l’ensemble des usagers.

Il suffit d’aller dans n’importe quel autre pays d’Europe ou d’Amérique du Nord, sans parler de pays en voie de développement ou de pays « soumis », comme vous le dites parfois, au collectivisme, pour se rendre compte de la chance qui est la nôtre, jusqu’à ce que vous vous lanciez dans le démantèlement méticuleux de ce secteur, au bénéfice d’intérêts particuliers.

Qui d’entre nous n’a pas reçu un courrier commençant par ces mots : « Madame la députée, monsieur le député, comme tous les industriels, nous constatons que la dérégulation a conduit à l’inverse de l’effet escompté » ?

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. François Brottes. « Les baisses initiales, au moment de l’ouverture du marché, ont été marginales. Les entreprises qui ont opté pour la libéralisation » – un mot que vous adorez, mes chers collègues de la majorité – « ont perdu en compétitivité du fait de l’augmentation drastique des prix de l’énergie, alors que la France bénéficie d’un coût de production de l’électricité parmi les plus compétitifs au monde. Elles se délocalisent, elles suppriment des emplois et parfois elles ferment » – je peux vous fournir des exemples, et vous-mêmes en avez certainement dans vos circonscriptions. « Il est essentiel qu’elles puissent revenir aux tarifs administrés. »

Tel est le souhait que nous expriment les entreprises. 

M. Xavier de Roux. On va les faire revenir !

M. François Brottes. Aluminium, fonderie, chimie, papeterie…, aucune entreprise qui irrigue l’emploi dans notre pays n’est épargnée, alors que les bénéfices de nos grands fournisseurs d’énergie ne cessent de croître.

À ce jour, messieurs les ministres, non seulement le Gouvernement refuse de s’impliquer, mais il encourage EDF et GDF à réaliser ce profit à court terme sur le dos des industriels – et demain sur le dos des ménages. Il faut, c’est une évidence, faire grimper le cours de l’action en vue de la privatisation, aujourd’hui de Gaz de France et demain d’EDF.

Le Gouvernement refuse d’avoir, sur ce dossier comme sur d’autres, une approche offensive à l’échelle européenne. L’Europe de l’énergie est à reconstruire, et sûrement pas en fonçant tête baissée vers toujours plus de libéralisme, sûrement pas en ne s’intéressant qu’à la question, si légitime soit-elle, des interconnexions entre les pays, sûrement pas en laissant les prix s’aligner sur l’électricité la plus chère et dont la production est la plus polluante.

Non, l’Europe de l’énergie doit tout mettre en œuvre pour concilier les exigences de la lutte contre l’effet de serre, et celles des nécessaires économies d’énergie, notamment dans les secteurs des transports et de l’habitat. Elle doit améliorer l’équilibre entre l’offre et la demande et renforcer les volumes produits à partir des filières renouvelables ou vertueuses à l’égard de la lutte contre l’effet de serre. Les conclusions du sommet de Barcelone vous en donnent les moyens.

Avant d’évoquer à mon tour le sommet de Barcelone, je veux rappeler la réalité historique des décisions prises. En effet, si le rapporteur, M. Lenoir, a de nombreux talents, comme ceux d’orateur, d’écrivain, voire de poète, il n’a pas celui d’historien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Il n’a pas de mémoire !

M. François Brottes. C’est bien M. Juppé, Premier ministre, qui a validé politiquement la directive ouvrant le marché de l’énergie en 1996.

M. Michel Piron. Ça, ce n’est plus de l’histoire, c’est de l’archéologie !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Et M. Jospin, qu’est-ce qu’il a fait à Barcelone ?

M. François Brottes. La France l’a transposée, c’est vrai, mais a minima et parce que c’était obligatoire, dans la loi du 10 février 2000. M. Juppé accepte donc l’ouverture à la concurrence pour les entreprises, puis M. Raffarin, avec la complicité de Mme Nicole Fontaine, revendiquant – nous avons les textes – de s’inscrire en rupture avec l’archaïsme et l’isolement de la gauche en Europe, accepte avec zèle, enthousiasme et vivacité, le 25 novembre 2002, l’ouverture à la concurrence pour les ménages au 1er juillet 2007. Vous trouverez cela en page 4 des conclusions de cette rencontre.

Cette ouverture, Lionel Jospin l’avait effectivement refusée à Barcelone. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Vous n’êtes pas historien non plus ! Falsificateur de l’histoire ! Révisionniste !

M. François Brottes. Je note en passant que je n’entends plus beaucoup de députés de la majorité se réjouir à haute voix de la paternité politique de cette décision. Ce n’était pas le cas lorsqu’elle a été prise : je me souviens par exemple que notre collègue François-Michel Gonnot – mais il n’était pas le seul – était très fier de cette initiative de déblocage du verrou posé par la gauche au niveau européen. Nous vous transmettrons quelques copies.

M. Augustin Bonrepaux. On a les textes !

M. François Brottes. Barcelone vous donne les moyens de limiter la casse, mais vous refusez de les utiliser, messieurs les ministres.

Lionel Jospin avait réussi à faire accepter plusieurs conditions par les autres États de l’Union européenne.

M. Michel Piron. C’est l’instruction d’un procès en béatification !

M. François Brottes. Je vous invite à consulter les conclusions du sommet de Barcelone. Ce texte est certes un peu long à lire, et je ne citerai ici que deux de ces conclusions.

La première est la demande expresse faite à la Commission européenne d’élaborer rapidement une proposition de directive cadre donnant des garanties aux usagers sur la mise en œuvre des services d’intérêt général – l’énergie est, bien sûr, concernée. Le groupe socialiste au Parlement européen a fait une proposition très précise dans ce domaine. Nous attendons toujours les vôtres et la Commission a du mal à s’y mettre.

La seconde conclusion de ce sommet, intéressante et que vous pourriez appliquer, est l’engagement de réaliser une étude d’impact sur l’ensemble de l’Europe pour mesurer les effets du début de l’ouverture du marché de l’énergie.

Si le Gouvernement, avant de se lancer dans des solutions quelque peu bricolées, comme celle qu’on nous propose ici pour essayer de neutraliser tous les effets pervers de l’ouverture de ces marchés, avait fait valoir ces deux exigences, nous n’en serions pas là.

Je suis convaincu qu’en le demandant avec force et conviction, le Gouvernement français aurait trouvé un accord avec les autres pays, qui subissent d’ailleurs les mêmes augmentations très fortes des prix.

Un accord pour pérenniser la protection des tarifs réglementés : je suis certain que d’autres pays européens partageraient votre souhait à cet égard. Pour l’instant, la situation est très fragile et nous ignorons si la Commission validera cette initiative.

Un accord pour réguler ce marché : il est absurde de le faire, comme c’est actuellement le cas, pays par pays – à l’échelle du Luxembourg, de la Belgique ou de la France ! Il faut donc le faire sur l’ensemble du continent, avec une régulation unique qui se préoccuperait aussi – une fois n’est pas coutume – du service rendu aux usagers, et non pas seulement du bonheur des opérateurs entrants.

Un accord qui s’intéresserait à toutes les composantes du sujet – à la production et au stockage autant qu’au transport et à la distribution – et intégrerait, bien entendu, l’application des accords de Kyoto, signés par l’Europe.

Cela renforcerait la pertinence du maintien de l’alliance efficace et économique entre EDF et GDF et celle d’un dispositif commun à toute l’Europe, destiné à sécuriser les approvisionnements en gaz. Il importe que la réflexion ne se limite pas à des alliances particulières, mais qu’on traite cette question collectivement, à l’échelle européenne.

Mais rien ! Pas de volonté ni de courage du côté du Gouvernement, qui s’enferre dans une gestion « à la petite semaine », si je puis dire, de ce dossier de l’énergie, en faisant voter au cours d’un même mandat un chapelet de lois contradictoires, en amalgamant des sujets qui n’ont rien à voir entre eux, comme la privatisation et la transposition de la directive, et en agissant dans l’urgence et l’improvisation – comme on en a vu un bel exemple en juillet dernier.

Il me faut expliquer pourquoi je parle de solution « bricolée » ou « improvisée », en rappelant comment s’est décidé le projet de privatisation de GDF. Ce projet a désormais l’aval de M. Sarkozy, qui a déclaré ici même… mais je préfère lui laisser la parole. (L’orateur approche du micro un téléphone portable et enclenche la lecture d’un enregistrement sonore.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. On n’entend rien !

M. le président. Monsieur Brottes, je vous rappelle que l’usage des téléphones portables est interdit dans l’hémicycle.

M. François Brottes. La fonction « téléphone » est désactivée, monsieur le président. Quoi qu’il en soit, je tiens l’enregistrement à votre disposition.

Quant aux propos tenus par M. Sarkozy dans l’hémicycle, les voici : « Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisées. Le Président de la République l’a rappelé solennellement lors du conseil des ministres. » (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Une très belle chanson interprétée par Julien Clerc – que vous devez apprécier – dit : « Ça commence par un rêve d’enfant, on croit que c’est dimanche... » Avec M. Sarkozy, ça commence par un vrai reniement et on se dit qu’avec lui, ce ne sera pas souvent dimanche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. – « Oh ! la la ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Après le reniement, c’est « l’annonce faite à Cirelli » sur le perron de Matignon. ENEL est aux portes de Suez : les légions gazières de M. Cirelli, une fois privatisées, doivent venir au secours de Suez assiégée.

M. Michel Piron. Quel lyrisme !

M. François Brottes. Peu après, l’Italie se débarrasse enfin de M. Berlusconi et l’argument de l’OPA inamicale d’ENEL, liée à l’État italien, perd un peu de sa substance, mais même si M. Prodi ne veut pas se laisser aller à trop de … prodigalité (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il reste prêt à laisser ENEL investir des dizaines de milliards d’euros, pour récupérer peut-être, au bout du compte, les actifs délaissés par GDF et Suez, comme semble l’avoir déjà négocié M. de Villepin lors de son récent voyage en Italie. La négociation coûtera d’ailleurs moins cher à ENEL qu’une OPA inamicale pour en arriver là, comme ne manqueront pas de le dire les salariés et les citoyens.

L’argument suivant est développé par le Président de la République lui-même : il nous faut un grand du gaz, comme nous avons un grand du pétrole et un grand de l’électricité.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. François Brottes. L’accroche n’est pas mauvaise, mais la comparaison ne tient pas.

Avec la fusion annoncée, il n’y aura pas de champs gaziers, pas de renforcement de l’amont gazier, et donc pas de comparaison possible, par exemple, avec EDF, qui est non seulement un distributeur, mais aussi un producteur très significatif.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’argument n’est pas très bon, monsieur Brottes ! Vous étiez meilleur tout à l’heure !

M. François Brottes. Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, la fusion entre Gaz de France et Suez ne créera pas de site de ressources en amont de la filière gaz : il s’agit simplement d’une alliance de transporteur-distributeur.

De plus, le Président oublie dans sa démonstration de nous dire quels seront les dégâts collatéraux pour EDF, qui sera fragilisée par le bradage de GDF et de ses réseaux, comme l’a très bien expliqué François Hollande en défendant l’exception d’irrecevabilité.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Huit erreurs !

M. François Brottes. Alors, comme l’argumentation du Président ne convainc pas vraiment, c’est le ministre de l’économie, M. Breton – que je salue –,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Moi aussi, je vous salue, monsieur Brottes, et je suis heureux de vous retrouver !

M. François Brottes. …et dont je sais que la vivacité d’esprit n’est jamais encombrée par les scrupules, comme j’ai d’ailleurs pu le vérifier à mes dépens (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui vient nous expliquer en commission des affaires économiques – voyez le compte rendu de la commission – que le problème n’est autre, en fait, que Gaz de France, qu’il nous présente comme une petite PME sans moyens de développement, trop fragile pour survivre dans ce monde de brutes qu’est celui de l’énergie. C’est cette petite chose qui pèse tout juste 28,1 milliards d’euros de capitalisation boursière, ne réalise que 22,4 milliards d’euros de chiffre d’affaire et dégage seulement 1,4 milliard de résultat net qu’il faudrait, selon lui, sauver d’urgence de son isolement.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est M. Fabius qui l’a dit en 2001 !

M. François Brottes. Cet isolement, monsieur le ministre, était hier vanté par le Gouvernement et les économistes au titre de la stratégie du « stand alone », notamment pour rejeter l’alliance avec EDF.

Enfin, pour le bouquet final, le Conseil d’État corrige le tir et impose au Gouvernement, qui n’y avait pas pensé, d’enrober la petite ligne de votre texte qui sert à privatiser GDF d’une série d’articles de loi servant utilement, dans leur principe – nous reparlerons plus tard du fond –, à finaliser la transposition de la directive « Énergie ». Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas y avoir pensé avant ?

Cette contrainte de transposition à laquelle M. Sarkozy aurait déjà dû faire face en 2004 arrive presque à point nommé pour essayer de « noyer le poisson » de la privatisation, et vous avez déjà commencé à le faire. Elle recommande d’ailleurs, comme nous l’avions fait pour l’électricité, la mise en œuvre d’un tarif social pour le gaz.

Pour ce qui est du décret, monsieur le rapporteur, je tiens à souligner que, pour les plus démunis, la menace existe surtout quand les entreprises sont privatisées.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oh !

M. François Brottes. Eh oui ! car il n’y a que les dividendes qui comptent !

Monsieur Lenoir, pourquoi avez-vous voté contre le tarif social de l’électricité ? C’est bien dommage, mais il vous faut savoir prendre vos responsabilités historiques.

Du coup, ce texte sur la privatisation deviendrait presque présentable ! Mais, ne nous y trompons pas, la manière dont vous procédez à cette transposition est une véritable opération de marketing politique, qui promet par amendement de faire durer le tarif réglementé et, si nous avons voté cette disposition en commission, nous restons très inquiets quant à son application en direction des ménages. Combien vont-ils devoir payer en plus ? Comment vont-ils s’y retrouver, entre toutes ces offres et toutes ces factures, face à des opérateurs qui vont leur vendre même ce dont ils n’ont pas besoin ? Si vous suivez le secteur des télécommunications libéralisées, vous savez bien que certaines entreprises vendent aujourd’hui des téléphones qui n’ont même plus la fonction de téléphone.

Certains autres amendements que vous proposez sont plus pervers, notamment celui qui va faire croire aux entreprises qui sortiront du tarif réglementé qu’elles pourront quasiment y revenir. Beaucoup de députés de la majorité y croient.

Nous ferons à cet égard trois remarques, sans nier votre effort d’imagination et le réel travail réalisé par le rapporteur sur cette question.

Tout d’abord, ce dispositif va mécaniquement augmenter pour tous le tarif réglementé, puisque ce sont les gros producteurs, et en particulier EDF, qui vont financer les rabais consentis et que, voyant leurs coûts de production augmenter, ils revendiqueront une augmentation du tarif réglementé.

En deuxième lieu, c’est une manière camouflée de faire disparaître en deux ans les tarifs réglementés car, à la date de sortie de votre dispositif, ne s’appliqueront plus que les prix du marché. Ainsi, au bout du compte, ce sont les ménages qui paieront la différence pour le compte des entreprises. Sur cette question du retour aux tarifs, vous proposez deux amendements : l’un promet que tout ira bien, que ce sera moins cher et qu’on rasera gratis, et l’autre reconnaît qu’il faut bien que ce soit la production qui paie – ce qui revient à dire que le tarif réglementé paiera la baisse des prix du marché.

Enfin, il n’est pas certain que cette formule soit eurocompatible – rendez-vous à Bruxelles ! –, auquel cas certaines entreprises auront eu à connaître de votre majorité, après la non-application du vote sur la baisse de la TVA dans la restauration, la non-application de cette véritable « usine à gaz » relative aux tarifs de l’énergie, à laquelle la Commission européenne sera opposée – à moins que vous ne nous indiquiez, en réponse à cette question préalable, que vous avez obtenu formellement son accord préalable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Abrioux. Y a-t-il un interprète dans la salle ?

M. François Brottes. Je peux répéter si vous le souhaitez. (« Oui ! oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En effet, il était une fois la baisse de la TVA sur la restauration, promise en campagne électorale ; il était une autre fois une majorité qui souhaitait inscrire cette disposition dans la loi, mais chacun aura noté – il suffit d’aller dans n’importe quel bistrot ou restaurant, …

M. Philippe Cochet. On n’est pas au café-théâtre ! De toute façon, vous êtes un mauvais chansonnier !

M. François Brottes. …ou même au café du Commerce – qu’elle n’est toujours pas mise en œuvre. Ce n’est donc pas parce qu’on vote et qu’on promet des choses que l’on sait pour autant les mettre en application. Mais maintenant, personne ne s’y trompe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Parole d’orfèvre !

M. François Brottes. S’agissant spécifiquement de la fusion GDF-Suez, qui, répétons-le, ne fait pas partie du texte – M. Accoyer lui-même nous l’a dit –,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Merci de le rappeler !

M. François Brottes. …chacun a observé le cartel des intérêts financiers de quelques-uns, qui ont fait un lobbying sans précédent auprès des parlementaires et des chroniqueurs patentés de l'économie officielle, c'est-à-dire libérale bien sûr. Vous me direz : comment ne pas céder à la tentation d’acheter des kilomètres carrés de publicité, aux frais des abonnés du gaz, pour faire la promotion d'un projet du Gouvernement ? La question n'est pas ici de savoir qui a payé l'hélicoptère, mais qui a intérêt à ne donner qu'une seule version sur le sujet.

M. Alain Vidalies. Bravo !

M. François Brottes. Je ne suis pas a priori contre le fait d'entendre les arguments des uns et des autres, mais je trouve que, dans cette affaire, le matraquage médiatique des uns a couvert l'expression des autres, et, n’en déplaise au président Debré, il y aura eu plus de papier consommé pour imprimer ces pages entières de publicité que pour imprimer nos amendements, ne nous y trompons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Que le président de notre assemblée empile des pages blanches sur le perchoir pour caricaturer le rôle de l'opposition n’y change rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je passe sur le refus de votre majorité de mettre en place la commission d'enquête sur la formation du prix de l'électricité, que j'avais proposée avec le groupe socialiste. Il est révélateur de cette volonté de cacher les choses. Je passe aussi sur la manière dont notre assemblée a traité les organisations syndicales, d'ailleurs toutes clairement opposées à la privatisation de GDF…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pas toutes !

M. François Brottes. En effet, elles ont été auditionnées à huis clos, alors que les présidents des entreprises ont pu faire la promotion de leur projet en direct à la télévision et devant la presse. Je passe également sur les mystères qui ont entouré l'accès à la lettre de griefs de la Commission européenne (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas vous !

M. François Brottes. …et je prends acte de l'effort du président de notre commission des affaires économiques pour éviter au Parlement de sombrer dans le ridicule absolu eu égard à l’impossibilité –antidémocratique, nous l’avons déjà dit – de savoir ce qui va être imposé à une entreprise publique une fois qu’elle sera privatisée.

Je passe enfin, monsieur Lenoir, (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) sur la mascarade de ce rapport oral intermédiaire, à la fin du mois de juillet, qui n'avait d'autres fonctions que de préconiser des solutions repoussoirs pour faire rentrer dans le rang les députés UMP récalcitrants. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais je ne passe pas sur les tissus de mensonges répétés, qui n’en deviennent pas pour autant des vérités, et qui ont servi à convaincre certains dubitatifs du caractère salutaire de cette privatisation-fusion.

Il nous faudrait constituer un géant gazier pour acheter moins cher les matières premières ! « Même pas peur ! » a déclaré ce matin le vice-président du MEDEF russe, qui a rappelé la prédominance des accords entre États dans ce domaine stratégique qu’est l'énergie.

De toute façon, lorsqu'on additionne les chiffres d'affaire de GDF et de Suez, on ne constitue pas pour autant un géant gazier : ce ne sont pas les petits 4 % de Suez qui vont changer la face du monde sur le marché du gaz, surtout à l'heure où une sorte d'OPEP du gaz est en train de se constituer. Suez plus GDF,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. 60 % de plus en valeur !

M. François Brottes. …cela ne fera pas « un plus un égale deux » puisque Bruxelles va imposer à chacun d'abandonner des parts de marché, de céder des activités et les personnels qui vont avec. Et les personnels de Suez en sont très inquiets. La décision de la Commission européenne, nous ne la connaîtrons qu'après nos débats, et c'est la raison pour laquelle nous contestons le fait que le Gouvernement veuille arracher ici le vote d’un chèque en blanc. Ce n'est pas correct. Ce n'est pas sérieux. Et vous voudriez que l'on ne fasse pas de la résistance sur ce texte, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il n’est pas question de chèque en blanc !

M. François Brottes. GDF-SUEZ, ce serait un pour un au niveau de l'actionnariat. Des voix s'élèvent chez Suez pour refuser d'ores et déjà une telle parité, et l'on sent bien que, sur ce point, les deux PDG sont un peu gênés aux entournures. Ils se contentent de dire : privatisons d'abord, on verra la question plus tard. Mais cette question pèse tout de même plusieurs milliards.

Certes, admettons-le, ce projet peut renforcer nos positions sur le GNL, mais il ne s'agit pas là d'un véritable renforcement de l'amont gazier. Un méthanier ou un lieu de stockage, ce n'est pas un champ gazier. Chers collègues, c'est un peu comme si l'on disait que Leclerc fusionne avec Auchan, et donc qu’ainsi il y aura plus d'agriculteurs... C'est absurde, mais certains y croient !

Autre argument, entendu hier matin sur une grande radio périphérique : la distribution du gaz représentant 50 % du prix, l'alliance entre deux distributeurs serait donc une très bonne chose pour faire baisser les prix. Cet argument n'est pas honnête parce que ce sont le transport, le stockage et la distribution qui pèsent 45 % du prix. Il faut rappeler que 92 % des coûts du gaz – monsieur le ministre, vous le savez bien – sont indépendants de l'ouverture du marché à la concurrence.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Boris Vian, c’était mieux !

M. François Brottes. Faire croire que le nouvel acteur issu de la fusion fera baisser les prix est une supercherie, monsieur le ministre. Car, au contraire, pour satisfaire les actionnaires et distribuer des dividendes, la seule solution pour lui sera d'augmenter encore plus les prix, puisqu’on ne peut pas agir sur le reste.

Enfin, s’agissant de l'argument de sécurisation de l'actionnariat pour garantir à cette nouvelle entité franco-belge de rester française, au nom du patriotisme économique – cherchez l'erreur ! –, vous nous dites que l'État conservera une minorité de blocage. Mais dans GDF seul ou dans l'ensemble issu de la fusion ? Vous nous affirmez que vous placerez au cœur de l'actionnariat des actions spécifiques dites golden shares à tous les étages de l'entreprise pour bloquer toute dérive. Mais si les golden shares, peu appréciées par l'Europe, constituaient un rempart infranchissable, ça se saurait ! D'ailleurs personne ne peut garantir, les yeux dans les yeux, que ce nouvel ensemble né de la fusion ne pourra pas être finalement maîtrisé par d’autres, amicalement, inamicalement, discrètement ou bien par trahison. Tel ou tel marchand de gaz, que ça arrangera de faire main basse sur un gros distributeur en vue d’imposer son prix aux réseaux de distribution, ne s’en privera pas. L’argument est tellement peu solide que Patrick Ollier ne cesse de dire qu'un pacte d'actionnaires plus des salariés – qui ne sont d’ailleurs pas encore au courant ! – permettrait de sécuriser le capital du nouvel ensemble autour de 50 %. S’il le dit, c’est parce qu’il sait bien que la minorité de blocage ne suffira pas.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas dit 50 %, mais 46 % !

M. François Brottes. Ne le nions pas : il y a un sujet Suez, et Suez a certainement intérêt à nouer une alliance forte, mais cela n'a que peu à voir avec le service public et la prétendue impérieuse nécessité de privatiser Gaz de France.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Bonne nouvelle !

M. François Brottes. …je vous demande, monsieur le ministre, en posant cette question préalable, de renoncer à ce projet mal préparé, qui n'envisage qu'une seule hypothèse pour Gaz de France, et qui intervient avant que l’on ne connaisse l'avis définitif de Bruxelles sur la fusion avec Suez, avant que l’on ne sache si le « un pour un » entre les actions de GDF et celles de Suez sera bien l'écriture finale de l'accord, avant que la Commission européenne ne propose – ce sera en décembre prochain – le nouveau cadre « paquet énergie » qui fera peut-être évoluer les choses. La gestation improvisée, bricolée, de ce projet de loi traduit une volonté féroce de démanteler l’État, de brader le bien public.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Allons, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Mais si ! Les Français risquent de le payer cher, comptant – au sens de « compter » – et pour longtemps !

Nous considérons que l'État, s'il ne doit pas tout faire, ne doit pas renoncer à être présent, avec des outils qu'il maîtrise, dans un secteur aussi stratégique et vital qu'est celui de l'énergie.

La légèreté de votre approche, votre attitude strictement conjoncturelle, l'obstination de votre posture idéologique, votre absence d'analyse d'impact de cette décision de privatisation nous imposent de résister pour vous convaincre de renoncer. Nous le ferons ! Nous le ferons pour les Français, nous le ferons pour donner un signal fort dans le sens d'une mobilisation pour une véritable Europe de l'énergie.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. François Brottes. Nous combattrons pied à pied pour que l'État ne renonce pas à sa souveraineté lorsqu'il s'agit de l'intérêt supérieur du pays. Nous ferons tout pour empêcher la privatisation de Gaz de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Yves Nicolin. Sortez les trotskystes !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur Brottes, je vous ai écouté attentivement, et j’ai apprécié votre référence à la chanson de Boris Vian. Mais en connaissez-vous le titre ? C’est Le déserteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et c’est exactement l’impression qu’a donnée la suite de votre discours parce que nous, nous faisons face au problème, alors que votre seule ambition est de justifier le passé et de vous dérober devant les questions de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je voudrais néanmoins être constructif et continuer un exercice d’explication que je crois indispensable.

Vous avez parlé de l’Europe, et déjà plusieurs sur ces bancs ont souhaité une politique européenne de l’énergie. Mais cette politique existe ! C’est même cette politique…

M. Daniel Paul. Que nous subissons !

M. le ministre délégué à l’industrie. …que nous faisons en sorte d’appliquer à la France de la façon la plus douce pour nos consommateurs. C’est la raison pour laquelle nous ne transcrivons pas n’importe comment, mais par cette loi qui est indispensable pour que la politique européenne de l’énergie soit conforme aux souhaits et aux nécessités de notre économie, d’une part, et de nos consommateurs, d’autre part. Sachez que c’est la France qui prend toutes les initiatives dans ce domaine avec le mémorandum européen sur l’énergie que nous avons présenté à l’Union européenne l’année dernière, Thierry Breton et moi, à la demande du Président de la République, mémorandum qui s’est transformé en un Livre vert sur l’énergie, lequel reprend très largement, à 90 %, des propositions françaises.

Aller plus loin, c’est possible. Mais cela veut dire plus d’investissements dans l’Union européenne. Voulez-vous que, demain, les stockages de gaz souterrains français servent à suppléer l’absence de capacités de stockage dans des pays tels que la Pologne, qui n’ont jamais fait les investissements nécessaires pour assurer leur sécurité d’approvisionnement ?

M. François Brottes. Ça se discute.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est la France qui a inspiré la politique européenne de l’énergie dans le passé, et c’est la France qui aujourd’hui fait en sorte que l’application des directives se fasse suivant ses besoins.

M. Alain Vidalies. Vous savez bien que c’est faux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Pour les étapes suivantes, nous avons des idées qui sont reprises dans le Livre vert de l’Union européenne.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous savez que tout cela passe par des investissements, dans notre pays comme dans les autres. Pour que ces investissements se réalisent, il faut des entrepreneurs qui prennent des risques et qui sachent construire ce qui est nécessaire pour assurer la satisfaction de nos consommateurs et l’économie de nos entreprises.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. Alain Vidalies. Et ce n’était pas vrai il y a deux ans ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Quand vous regardez Gaz de France aujourd’hui, vous constatez, compte tenu de la situation du marché international du gaz, qu’être le propriétaire des tuyaux français ne met pas dans la meilleure situation possible pour faire face aux vendeurs de gaz, qui sont aujourd’hui extrêmement puissants.

M. Alain Vidalies. Et en 2004 ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Que faut-il faire ? Il faut donner à l’entreprise une taille plus considérable…

Mme Hélène Mignon. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et des moyens d’investissement plus importants. La meilleure façon de le faire, c’est de lui donner la possibilité de se fondre dans une entreprise plus grande. Nous voulons en conserver la minorité de blocage et les golden shares. Nous avons par-dessus tout une politique qui s’applique, que l’entreprise soit publique ou privée.

C’est cette politique d’investissement et de préparation de l’avenir pour nos consommateurs et pour nos entreprises que nous sommes en train de mener à bien. Nous fortifions nos opérateurs pour y parvenir. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Fossoyeurs !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, mes chers collègues, M. le ministre vient de répondre d’une façon excellente, et j’avais quelques scrupules à prendre la parole. Je le fais néanmoins parce que François Brottes n’a pas bien regardé ses dossiers.

M. Alain Vidalies. Ça m’étonnerait !

M. François Brottes. Nous n’en avons pas la même lecture, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il m’a expliqué que j’avais exagéré à la tribune tout à l’heure en mettant en cause le gouvernement de M. Jospin qui n’avait pas pris les décrets sur le tarif social de l’électricité.

Monsieur Brottes, je vous rappelle, pour vous rafraîchir la mémoire, que la loi de février 2000…

M. Christian Bataille et Mme Geneviève Gaillard. Vous avez voté contre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …prévoyait un tarif social de l’électricité, mais que c’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a finalement tenu cet engagement.

M. Jean-Pierre Brard. Vous noyez le poisson !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai une confession à faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : oui, j’ai voté la loi de février 2000. Je voulais voter contre, mais il y a un point qui m’a fait changer d’avis : dans le texte, il y avait une disposition en faveur du tarif social de l’électricité. (Mêmes mouvements.) C’est la raison pour laquelle je me suis ravisé…

M. François Brottes. Il n’y a eu que vous à droite !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …et que j’ai voté pour.

Notre collègue Brottes citait Boris Vian au début de cette séance. Pour ma part, je me référerai à La Fontaine,…

M. Michel Piron. Ah !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …et sa fable Le Corbeau et le Renard : pour une fois, j’avais un jour fait confiance à des socialistes, mais je vous assure que l’on ne m’y reprendra pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe socialiste vient de défendre une question préalable : ainsi, selon les socialistes, il n’y aurait pas lieu de délibérer. Pourtant, tout le monde sait que le prix du pétrole a triplé en trois ans, tirant celui du gaz ; que les besoins en gaz vont doubler dans les vingt ans qui viennent ; que les investissements nécessaires pour faire face à cette situation sont colossaux ; que les producteurs s’organisent ; que les entreprises énergétiques, enfin, se concentrent. Mais pour les socialistes, cela ne justifie ni débat, ni propositions.

Le monde bouge. Or les socialistes nous suggèrent, non seulement de ne pas agir, mais de ne pas débattre : bref, ils nous proposent de mettre la tête dans le sable, pour ne pas entendre le mouvement s’accélérer, dans le monde qui nous environne.

Nous sommes des parlementaires,…

M. Alain Bocquet. Mal informés !

M. Pierre-André Périssol. …et non des autruches. Nous avons donc à prendre nos responsabilités. J’avais le même sentiment que François Loos en écoutant notre collègue Brottes.

M. Jean-Pierre Brard. Vous appelez cela un « sentiment » !

M. Pierre-André Périssol. Nous ne sommes pas des déserteurs !

On peut être contre le projet, et même faire des contre-propositions. Mais prétendre qu’il n’y a pas lieu de débattre sur un sujet pareil, cela me semble pour le moins osé !

M. Jean-Pierre Brard. Périssol à Coblence !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ça suffit, monsieur Brard !

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie.

M. Philippe Auberger. M. Brard est un déserteur repenti !

M. Pierre-André Périssol. Pardonnez-lui : il n’a pas écouté M. Brottes !

J’ai cru un moment, monsieur Brottes, que vous utilisiez le sujet du débat à des fins internes à votre parti, pour reconstituer votre unité à bon compte, après les divisions que vous avez connues. Cette manœuvre permettrait à tous ceux qui se déchirent à tout propos de dénoncer ce projet de loi, au mépris même des discours et des actes qui étaient les leurs lorsqu’ils étaient au gouvernement.

En fait, je vous crois, sinon de bonne foi, du moins cohérent. En effet, dans un premier temps, vous déclarez, avec cette question préalable, qu’il n’y a pas lieu de débattre. Et comme celle-ci sera sans doute repoussée, vous vous préparez, dans un second temps, à faire de l’obstruction pour empêcher tout débat.

M. Alain Bocquet. Mais non !

M. Pierre-André Périssol. Selon notre groupe, il faut que le débat ait lieu. Tout d’abord pour maintenir les tarifs au-delà de 2007, mais aussi pour permettre un retour aux tarifs réglementés dans certaines conditions, et offrir un tarif social aux plus fragiles.

M. Michel Vergnier. Méfiez-vous : ce que vous dites pourra se retourner contre vous !

M. Pierre-André Périssol. Or M. Brottes n’a mentionné aucun de ces points.

Nous devons aussi délibérer des moyens structurels, juridiques et financiers dont GDF, entreprise majeure à l’échelle française mais pas à celle du monde, a besoin pour relever les défis internationaux. Il y va de notre avenir énergétique.

Il est légitime de poser des questions, et l’opposition serait dans son rôle de proposer des solutions alternatives, plutôt que de s’en tenir à des postures. Cela suppose évidemment qu’elle respecte le cahier des charges qui s’impose à nous : comment, demain, renforcer nos approvisionnements et nos capacités à aller négocier la position de GDF face aux producteurs ? Comment réunir les financements pour investir dans la prospection de nouveaux gisements ? Comment protéger les consommateurs ? J’ai pris note de ce que le ministre des finances a déclaré sur ce dernier point.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous le croyez ?

M. Pierre-André Périssol. Comment, demain, présenter une offre économique globale ? Autant de questions auxquelles nous devons répondre.

Si les socialistes sont convaincus que le statu quo est la solution, et ce contre l’avis déclaré de leurs ténors lorsqu’ils étaient aux affaires, ils le diront ! Mais pour le dire, encore faut-il un débat, et que celui-ci ne soit pas détourné, étouffé ou bloqué. Le groupe de l’Union pour un mouvement populaire estime en tout cas que les Français y ont droit, et empêcheront l’opposition de les en priver. Nous voterons donc contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez presque moins pire au sujet du logement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste.

M. David Habib. Comme M. Périssol vient de l’indiquer, il y a tout lieu de penser que, après avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité, le groupe de l’UMP va repousser la question préalable.

Pourtant, monsieur Périssol, François Brottes a, comme François Hollande tout à l’heure, démontré, article après article, qu’il n’y avait pas lieu de délibérer aujourd’hui. Le texte s’appuie en effet sur de telles inconnues que l’adopter reviendrait à signer un chèque en blanc. Ce serait là un acte contraire à la tradition parlementaire, surtout sur un sujet aussi important que celui-ci, et à quelques mois des échéances présidentielles et législatives.

Alors que nous sommes engagés dans l’« après-pétrole », que la raréfaction des matières énergétiques fossiles est devant nous, que le prix de celles-ci ne cesse de croître, que les zones de production sont des espaces de fortes tensions internationales, que nous avons l’expérience de plusieurs chocs pétroliers et même de la récente crise ukrainienne, l’enjeu est de définir et de construire une vraie politique énergétique, non pas nationale mais européenne, capable d’assurer dans la durée et la sécurité le destin de nos économies et la nécessaire préservation de notre environnement.

Or, depuis 2002 – François Brottes l’a rappelé –, le Gouvernement n’a cessé de parler sans jamais agir. En cette fin de législature, ce texte confirme par l’absurde, messieurs les ministres, que vous n’avez pas plus de politique énergétique qu’industrielle. La précipitation et la manœuvre vous servent de fil conducteur, mais ils ne permettent pas d’organiser une stratégie à moyen terme dans un secteur aussi décisif que l’énergie.

Pourquoi ce projet de loi, et pourquoi ce débat ? François Brottes a parfaitement retracé la genèse de ce dossier : je ne reviendrai pas sur l’OPA du groupe italien Enel, ni sur les actifs que M. de Villepin lui promet aujourd’hui, ni sur le pôle environnement – chacun sait que la vente de ce pôle, dans le cas d’un périmètre qui additionnerait Suez à GDF, serait fatale –, ni enfin sur un certain nombre de menaces qui guetteraient le nouvel ensemble constitué, menaces qui ont été évoquées par les observateurs les plus attentifs. Ces derniers promettent, à l’issue des échéances électorales dont je parlais, de probables OPA lancées par des groupes venus de l’Est ou de l’Ouest, et qui pourraient déposséder notre pays d’un outil indispensable à son développement, l’outil gazier.

Vous nous demandez de nous prononcer sur un projet industriel dont nous ignorons aujourd’hui le périmètre exact, lequel ne résultera pas de l’addition de GDF et de Suez. Comme on l’a dit, un plus un ne feront pas deux : nous le savons par le simple fait que des actifs seront cédés.

Il n’est pas difficile, en revanche, d’imaginer les conséquences sociales de cette opération sur les 50 000 salariés d’EDF-GDF Distribution. Nous avons aussi évoqué, cet après-midi avec François Hollande et ce soir avec François Brottes, les conséquences tarifaires de cette privatisation. Certes, la hausse des matières énergétiques s’explique par des tendances structurelles. Mais en substituant à une entreprise publique – utilisons le terme – un monopole privé, vous placez la question tarifaire dans les seules mains d’actionnaires et de directions qui ne subiront aucun contrôle et aucune concurrence. Les marchés ont d’ailleurs anticipé cette perspective.

François Brottes a évoqué la question fondamentale des tarifs de retour, la sécurisation du capital et les actions spécifiques. Messieurs les ministres, l’élu du bassin de Lacq que je suis pourrait longuement vous parler de la « golden share » qui était appliquée au groupe Elf, et dont nous avons vu, avec le temps, la fragilité.

La question préalable s’impose enfin par la dimension morale et politique de ce débat. Il est important de le répéter : en 2002, lors des élections présidentielles, M. Chirac avait-il évoqué la privatisation de notre secteur énergétique ?

M. François Brottes. Non !

M. David Habib. M. de Villepin l’avait-il mentionnée lors de la déclaration de politique générale qui a suivi sa nomination à Matignon ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pire : tout au long de cet après-midi, nous avons rappelé l’engagement solennel de Nicolas Sarkozy de ne privatiser ni EDF ni Gaz de France. Deux ans plus tard, à huit mois de l’échéance présidentielle, et dans la plus grande opacité, vous vous précipitez et vous apprêtez à brader le bien public.

Vous avez cité Laurent Fabius. Je veux moi aussi rappeler qu’il a évoqué la possibilité de saisine du peuple par voie référendaire. La révision constitutionnelle de l’article 11, décidée par le Président Chirac, nous ouvre en effet la possibilité d’interroger le peuple français. Il apparaît aujourd’hui inévitable que celui-ci se prononce, par référendum, ou, plus vraisemblablement, lors des prochaines consultations du printemps 2007. Cela suppose que ce débat soit reporté, et la question préalable retenue, afin que les intérêts des Français et de notre pays ne soient pas sacrifiés.

Monsieur Loos, la désertion, pour un responsable politique, c’est de se soumettre. En votant cette question préalable, nous refusons de nous soumettre au fatalisme libéral que bien des pays qui s’y étaient engagés ont aujourd’hui abandonné. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous aimons, à l’UDF, écouter François Brottes. Ses analyses de fond sont toujours intéressantes. En l’occurrence, nous avons retenu deux points dans son intervention.

Tout d’abord le questionnement sur le tarif réglementé. Nous n’avons pas très bien compris. Cette question, selon nous, est centrale. La directive européenne dit que la production et la vente sont libres, et que le transport et la production sont régulés. Elle est en revanche muette sur le tarif imposé au consommateur final. Inutile, donc, de se « mettre la pression » sur ce point ! Le sujet est néanmoins central pour la France : en raison de la rente nucléaire, notre pays produit le mégawattheure à 35 euros, contre 50 pour le marché. À qui va-t-on attribuer la rente ? À EDF et son actionnaire, ou bien aux utilisateurs et aux PME ? C’est là un véritable enjeu. À l’UDF, nous souhaitons clairement un tarif réglementé favorable aux usagers – nous aurons l’occasion d’y revenir.

Quant au plaidoyer en faveur d’une Europe de l’énergie – des directives pour les services d’intérêt général, un régulateur européen et des investissements européens –, nous en avions plein les yeux ! À l’UDF, on en rêve ! Mais nous avons aussi appris la méfiance, notamment depuis mai 2005. Lorsque le ministre déclare que l’on pourrait commencer à transposer les directives existantes, il n’a sans doute pas tort : commençons par l’Europe du quotidien, en transposant progressivement et efficacement les directives ; puis on verra. À mon tour de citer La Fontaine : « Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras. »

Le groupe UDF ne votera donc pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, jamais question préalable n’a eu davantage de raison d’être : il n’y a en effet pas lieu de délibérer, et nous demandons d’ailleurs que ce texte soit retiré.

Sur le fond, sans revenir sur ce qui a été expliqué en détail à la tribune, l’enjeu est la privatisation de l’énergie, en l’occurrence du gaz, c’est-à-dire la fin de la maîtrise publique et sociale de ce secteur. C’est donc aussi, forcément, l’augmentation des tarifs : l’expérience des libéralisations dans d’autres pays le prouve – les tarifs de gaz ont par exemple augmenté de 91 % en un an au Danemark, et de 80 % en Grande-Bretagne. C’est enfin une entreprise qui se trouverait fragilisée, opéable par n’importe quel groupe étranger.

Quant à la méthode, je veux revenir sur ce dont nous avons largement discuté cet après-midi : il n’est pas normal, ni démocratique, que la représentation nationale soit privée de toutes les informations relatives au débat qui nous occupe. Le Gouvernement refuse, malgré ma proposition de constituer l’Assemblée nationale en comité secret, pour garantir la confidentialité des débats, de nous faire connaître le texte intégral de la lettre dite de griefs de la Commission européenne. Autant dire que vous nous cachez des choses, ainsi qu’au peuple français. Voilà qui méritait d’être dit.

Que dire du coup de l’obstruction et de la mise en scène de ces montagnes de papiers empilés sur la tribune ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La ficelle est bien connue : comme le dit un proverbe chinois, « quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Eh bien, nous ne tomberons pas dans le panneau, parce que nous voulons discuter du fond du problème et du danger de votre loi scélérate ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. C’est du Mao, ça !

M. Alain Bocquet. Mes chers collègues, les Françaises et les Français ne veulent pas de votre texte. Et si vous voulez respecter leur avis, je vous mets au défi, comme nous le réclamons, d’organiser un référendum.

Un sondage publié ce matin indique que 73 % des Françaises et des Français sont très inquiets de cette fusion éventuelle entre Gaz de France et Suez. Les salariés ont également été consultés aujourd’hui par leurs syndicats, la CGT et FO. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous méprisez les salariés de Gaz de France, je le savais (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais la dépêche AFP qui est tombée ce soir indique que 60 % des agents de Gaz de France ont participé au référendum interne organisé par FO et la CGT et que 94 % d’entre eux sont opposés à la privatisation de l’entreprise publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) 31 500 des 53 000 salariés inscrits sur les listes ont donc participé et se sont déplacés pour dire non à votre projet.

On parle beaucoup de Barcelone, et en son temps le groupe communiste et républicain a dit tout le bien qu’il pensait de Barcelone (Sourires) – je n’y reviens pas.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous étiez au Gouvernement avec Jospin !

M. Alain Bocquet. Mais, comme le disait Paul Éluard, le passé est un œuf cassé, l’avenir est un œuf qui couve. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Chers collègues, il s’est quand même passé quelque chose depuis Barcelone ! Non seulement vous méprisez les Français et les salariés mais vous méprisez aussi le suffrage universel, parce que, le 29 mai dernier, nos compatriotes ont non seulement dit non à la constitution libérale européenne, mais ils ont du même coup implicitement dit non à Barcelone. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Ils ont dit oui à Staline !

M. Alain Bocquet. Vous persistez pourtant sur une voie que refusent vos concitoyens. Voilà pourquoi nous sommes contre votre projet et pourquoi le vote sur la motion préalable mérite qu’on vérifie le quorum. Je vous en fais la demande, monsieur le président. Et nous voterons bien évidemment la question préalable après cette vérification. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Demande de vérification du quorum

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la question préalable.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

M. Jean-Pierre Brard. Comment le savez-vous ? Vous n’avez pas compté !

M. le président. J’ai le coup d’œil, monsieur Brard.

Conformément à l’article 61 du règlement, le vote aura lieu dans une heure, c’est-à-dire à vingt-trois heures trente-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Vendredi 8 septembre, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)