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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 11 septembre 2006

6e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du Règlement.

Mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner les articles et les amendements du projet de loi relatif à l’énergie. Or la discussion générale a montré, s’il en était besoin, avec les interventions des uns et des autres sur tous les bancs, y compris ceux de la majorité, que nous étions dans le flou le plus complet non seulement sur la possibilité de fusion entre Gaz de France et Suez, mais surtout sur les modalités de privatisation de l’opérateur public, ce point étant pourtant le cœur du texte de loi proposé par le Gouvernement. Texte, je le souligne au passage, présenté en urgence, à la fin de l’été, en session extraordinaire, pour que tout cela passe quasiment inaperçu ! Chacun l’a bien compris à présent, trop d’interrogations subsistent pour que nous puissions nous contenter des réponses apportées à notre assemblée.

Si nous avons demandé des comptes, c’est parce que Gaz de France appartient aux Français. Elle évolue dans un secteur stratégique, l’énergie, qui ne peut en aucun cas être considéré comme les autres : tout le monde – ménages, entreprises – a besoin d’énergie, de jour comme nuit. Nous sommes, à droite comme à gauche, les représentants du peuple, et il est normal que nous sachions selon quelles modalités l’entreprise Gaz de France sera sacrifiée sur l’autel de la privatisation !

À ce jour, ni l’entreprise, mais surtout ni le Gouvernement, actionnaire principal, ne nous ont dévoilé les actifs qui seront cédés – activités, investissements de l’entreprise –, autrement dit les concessions qui seront faites au marché dérégulé.

Monsieur le ministre de l’économie, nous en avons beaucoup parlé avec la complicité du président de la commission des affaires économiques : si, en lisant la lettre de griefs de la Commission européenne – lettre caviardée, de grandes ratures rendant les chiffres importants illisibles –, nous n’avons pu faire une analyse, nous avons néanmoins compris que, pour la Commission européenne, le projet n’était pas recevable en l’état.

En outre, monsieur le ministre, il semblerait qu’il y ait eu deux lettres de griefs, une adressée à Gaz de France et l’autre à Suez. Nous attendons de vous des éclaircissements car deux lettres de griefs n’équivalent pas une lettre commune !

Ensuite, d’après ce que nous pouvons lire dans la presse, le président de Gaz de France semblerait contester la quasi-totalité des remarques figurant dans la lettre de griefs.

Monsieur le ministre, est-il vrai que tout soit contestable, ou bien le Gouvernement et Gaz de France sont-ils prêts à céder aux pressions de la Commission européenne, c’est-à-dire à abandonner des actifs de l’entreprise ? Une fusion EDF-GDF n’est pas possible, nous dit-on, car elle nécessiterait de modifier le périmètre d’activité de ces deux entreprises, mais c’est pourtant ce qui nous est proposé pour Gaz de France et Suez !

Pour la sérénité de nos travaux et afin de nous permettre de débattre au fond, j’appelle le Gouvernement à faire montre de bonne volonté – comme nous sommes prêts à le faire nous-mêmes – en nous disant clairement quels actifs il autoriserait Gaz de France à céder, pour satisfaire aux remarques, aux griefs formulés par la Commission européenne.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se justifie car nous ne pouvons aborder l’examen du projet sans ces précisions importantes. Nous poserons d’autres questions dans la suite du débat.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1.

Monsieur le ministre de l’économie, monsieur le ministre délégué à l’industrie, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, les responsables syndicaux de GDF ont pointé le danger que représente la fusion de GDF et de Suez en termes de restructurations.

Ils ont notamment exprimé leurs plus vives inquiétudes sur l'avenir du personnel de la future holding – le siège –, du personnel commercial, de l'ingénierie, des métiers tertiaires et de l'informatique.

Or, si j'en crois un article paru ce matin dans le quotidien La Tribune, ces inquiétudes sont plus que fondées.

Selon le quotidien d'information économique, un audit aurait été lancé sur les coûts des fonctions centrales de Gaz de France : le siège social, l'administratif, les finances, les ressources humaines et quelques fonctions opérationnelles. Au total, ajoute le quotidien, cet audit concernerait 2 000 personnes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser, nous confirmer ou nous infirmer cette information ? En l’occurrence, nous ne saurions poursuivre nos travaux dans ces conditions, l’audit, destiné à préparer les restructurations, étant conduit avant même que l’Assemblée ait délibéré du projet de loi, ce qui est inadmissible.

Par ailleurs, je voudrais rappeler notre état d’esprit au moment où nous reprenons la discussion de ce texte.

Nous sommes opposés à la privatisation de GDF et à sa fusion avec Suez parce qu'il nous semble que les enjeux énergétiques actuels justifient totalement une pleine maîtrise publique, à l'opposé de la course à la libéralisation qui ne servira que les actionnaires. Et pour ce qui est de votre promesse, y compris avec une action dite « spécifique », de conserver 34 % du capital du nouveau groupe, tant vos orientations fondamentales que le mensonge d'État du Gouvernement depuis 2004 nous amènent à n'avoir, évidemment, aucune confiance dans votre promesse.

Nous sommes opposés à l'ouverture à la concurrence totale au 1er juillet 2007, car tout montre qu'il y a là un risque social et économique énorme, en particulier avec l'interdiction que vous entérinez, par un amendement, de toute réversibilité, c'est-à-dire de tout retour aux tarifs réglementés. À cet égard, l’exemple que vous exposera M. Gerin est particulièrement éloquent.

Nous sommes opposés à tout risque de mainmise par des intérêts privés sur les infrastructures gazières de notre pays, infrastructures payées par les usagers et par des collectivités publiques qui seraient spoliées si votre projet suivait son cours. Mais, précisément, parce que nous sommes opposés à votre texte, nous voulons que vous vous expliquiez sur tous les éléments qu'il contient, que vous répondiez à nos questions, bref, nous voulons que tous nos concitoyens soient informés des conséquences de la privatisation d'une entreprise publique comme GDF.

C'est le sens des amendements que nous avons déposés, et nous n'acceptons pas la campagne de dénigrement qui a cours depuis plusieurs jours.

Dans ce travail de transparence que nous voulons mener, se situe bien sûr notre exigence que tous les documents soient portés à la connaissance des députés. Monsieur le ministre, vous faites un événement de la communication de l'échange de courriers que vous avez eu avec la Commission européenne, mais c'est leur non-communication qui aurait été un événement ! Faut-il rappeler que, dans une démocratie, le législateur doit avoir connaissance de tous les éléments permettant d'éclairer ses analyses et ses choix, y compris ceux provenant de l'exécutif ?

Vous savez notre exigence que nous soit communiquée la lettre de griefs adressée par la Commission européenne aux présidents des deux groupes GDF et Suez et nous n'admettons pas que, s'agissant de l'entreprise publique qu'est toujours GDF et d'un sujet aussi essentiel que l'énergie, le législateur français soient victime d'une telle censure.

Nous l'avons déjà dit, tous les députés, sur tous les bancs, devraient se sentir outragés. C'est la raison d’être du courrier que nous avons adressé au Président de la République afin que les droits du Parlement soient respectés.

Car, contrairement à ce qui se dit ici ou là, la version expurgée de la lettre que vous continuez de nous proposer est parfaitement illisible, car privée de tous les chiffres qu'elle contient. Et puisque vous voulez préserver le papier et les arbres, nous vous proposons que chaque groupe soit destinataire d'un exemplaire complet, c'est-à-dire non censuré, non expurgé.

Mais parce que nous avons aussi le droit de savoir quelles sont les propositions de GDF quant au périmètre du futur gazier, nous demandons à avoir connaissance de la réponse de M. Cirelli à la lettre de griefs.

Monsieur le ministre, vendredi dernier, vous avez « promis » que vous vous réserviez le droit d'intervenir en fonction des décisions de la Communauté européenne ! Eu égard à la gravité de la situation, et si vous allez au bout de vos intentions actuelles concernant le texte en discussion, nous demandons qu'il n’y ait pas de vote avant que l'on connaisse les réponses de la Commission européenne et les prétentions des actionnaires de Suez. Ainsi, chaque député pourra se prononcer en toute connaissance de cause.

Comme vous le voyez, les députés communistes sont décidés à aller au fond de ce dossier, à leurs yeux, essentiel. Au moment où, dans le pays, les inquiétudes s'expriment sur le devenir de GDF et l'évolution de notre politique énergétique, nous voulons ainsi contribuer aux prises de conscience nécessaires dans l'opinion publique et nourrir le mouvement populaire.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour un rappel au règlement.

M. Jean Gaubert. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1.

Monsieur le ministre, depuis déjà plusieurs semaines, nous nous interrogeons sur le futur fonctionnement – mais sera-t-il possible ? – de la nouvelle société que vous voulez créer en fusionnant Gaz de France et Suez. Nous avons donc voulu examiner les cas semblables où l’État a un pouvoir fort, pour savoir ce qu’il en fait.

Avec 34 % du capital, l’État a forcément, nous expliquez-vous, le pouvoir dans l’entreprise – la golden share a été évoquée à de nombreuses reprises, je n’y reviens pas.

Je veux d’abord vous interroger sur la situation de l’entreprise Safran. Et qu’on ne me dise pas que cela n’a rien à voir : l’État y détient 30,2 % du capital, et a donc une position forte !

Safran se prépare à se séparer, dit-on, de certaines usines, qui appartenaient auparavant à Sagem. Cette décision concerne ma circonscription pour 300 emplois, ainsi que Lannion pour 150 emplois et Fougères, ville de 10 000 habitants, pour 1 000 emplois. L’État détient une place importante au conseil de surveillance de cette entreprise. Nous, élus, essayons de savoir quel sort sera réservé aux entreprises implantées dans notre secteur. Or nous nous heurtons à un black-out complet : ce matin, aussi bien à Dinan qu’à Paris, il m’a été répondu qu’on n’avait rien à nous dire et que le ministre pourrait, peut-être, nous dire quelque chose, l’État étant l’actionnaire de référence !

Monsieur le ministre, dites-nous tout de suite comment cela fonctionne, car cela éclairerait notre débat d’aujourd’hui ! Quelles relations avez-vous eues avec les administrateurs d’État de Safran ? Quels conseils, ordres ou directives leur avez-vous donnés ? En clair, comment l’État joue-t-il son rôle d’actionnaire, minoritaire, certes, mais dont le poids est certain ?

Laisse-t-il les choses aller à vau-l’eau − comme on en a le sentiment − ou sa politique industrielle et financière est-elle défendue par les administrateurs qu’il a choisis ? Cette affaire est toute chaude et elle peut nous permettre de mieux comprendre ce que vous avez derrière la tête au sujet de la fusion éventuelle de Gaz de France et Suez.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour un rappel au règlement.

M. Christian Bataille. Mon rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Monsieur le ministre, j’aurai souvent, au cours de ce débat, l’occasion d’évoquer les liens entre votre projet de loi et le parc nucléaire. N’y voyez aucun paradoxe : n’est-il pas scandaleux, en effet, de se servir, comme le fait la Commission européenne, de la privatisation d’une partie de notre parc nucléaire comme élément d’un chantage ? En ce 11 septembre, nous devons tous ensemble, au-delà de nos différences politiques, réaffirmer que tout ce qui touche à l’énergie nucléaire doit rester sous le contrôle public. Je n’imagine pas que quelqu’un ici applaudisse à l’idée que Suez pourrait, d’une façon ou d’une autre, contrôler ce qui relève de la sécurité nationale, voire mondiale. Au moment où les Américains sont prêts à lancer une guerre contre l’Iran pour préserver la maîtrise du nucléaire, nous en céderions des éléments à Sonatrach ou à d’autres ? C’est pourtant ce qui va se passer avec la fusion Suez-GDF.

Nous avons déjà de grosses difficultés à régler le problème du démantèlement de nos propres centrales et sommes en désaccord sur l’identité de celui qui en aura la responsabilité, de même que nous nous sommes affrontés pour savoir qui devait avoir la responsabilité de la gestion des déchets, et voilà que divers interlocuteurs avertis nous disent que, à travers cette fusion Suez-GDF, la France, en raison de sa participation dans GDF, serait responsable du démantèlement des centrales nucléaires belges d’Electrabel. Notre conception du nucléaire, de la gestion des centrales et de leur démantèlement n’a jamais varié : à chacun ses déchets, à chacun le démantèlement de ses centrales, à chaque nation la responsabilité des engagements qu’elle a pris dans les années soixante ou soixante-dix.

Monsieur le ministre, pouvez-nous éclairer avant que nous ne commencions à examiner les amendements : le Gouvernement français sera-t-il chargé du démantèlement des centrales nucléaires belges ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Tourtelier. À la fin de la discussion générale, je souhaite revenir sur un point qui a été souvent abordé, le partage des responsabilités dans les débats qui nous occupent. Je voudrais rectifier une erreur de M. le rapporteur. Je ne la qualifierai pas de mensonge, car je pense que c’est un simple oubli : M. le rapporteur parle souvent sans papier et il devrait faire plus attention à ce qu’il dit − simple conseil amical.

M. le rapporteur a souvent affirmé que, à Barcelone, il y avait eu unanimité en faveur de l’ouverture des marchés. Ainsi, le jeudi 7 septembre, il déclarait que la directive « résulte d’une décision politique prise à l’unanimité des chefs d’État et de gouvernement présents le 15 mars 2002 ». Un peu plus loin, il précisait : « La déclaration soumise alors au vote des chefs d’État précise que le Conseil européen demande à la Commission et au Parlement européen d’adopter dès que possible, en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz. On ne saurait être plus clair. » M. le ministre commentait même : « Exactement », comme si c’était prouvé.

Le mieux est toujours de retourner aux textes, et c’est ce que j’ai fait. Si vous n’avez pas celui des conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, monsieur le rapporteur, je me propose de vous le faire parvenir : cela vous évitera les erreurs de mémoire. Il y est dit que « le Conseil européen […] engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz. »

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Et voilà, tout est dit !

M. Philippe Tourtelier. Exactement ! Mais il est des mensonges par omission, car il faut lire aussi la suite.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Elle est dans le rapport !

M. Philippe Tourtelier. « Cela comporte notamment le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages… »

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et la suite ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Continuez !

M. Philippe Tourtelier. « …à partir de 2004 pour l’électricité et pour le gaz. »

Alinéa suivant : « À la lumière de l’expérience acquise et avant le Conseil européen du printemps 2003, une décision sur d’autres mesures qui tiennent compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d’approvisionnement et, en particulier, de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population ».

Certes, ces conclusions sont un peu sèches, parce que synthétiques. Mais reportons-nous à la conférence de presse qui a suivi. Qu’y a dit M. Chirac ? « Alors, nous avons, naturellement, accepté d’ouvrir le marché de l’électricité aux entreprises, parce qu’il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n’était pas de notre point de vue admissible, acceptable d’aller plus loin et, donc, c’est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions, qui réaffirment par ailleurs, ce qui était pour nous très important, les principes fondamentaux de notre principe essentiel de services publics. Et nous avons obtenu tout à l’heure que la Commission propose une directive-cadre sur le sujet des principes des services publics, directive-cadre qui devrait normalement être faite avant la fin de l’année. »

Quant au Premier ministre, qui a été également interviewé, il a déclaré : « Nous avons donc accepté d’entrer dans le processus d’une libéralisation maîtrisée et progressive… »

M. Éric Raoult. Qui était ce Premier ministre ?

M. Philippe Tourtelier. Lionel Jospin.

M. Éric Raoult. Je ne vous le fais pas dire !

M. Philippe Tourtelier. Il allait dans le même sens que Jacques Chirac. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. On a cru qu’il était muet !

M. Philippe Tourtelier. Si vous ne comprenez pas ce que parler veut dire et ce qui est écrit, c’est dommage, mais, pour vous, je vais recommencer. Jacques Chirac a dit que c’était lié à une directive-cadre, et Lionel Jospin le répète en précisant : « nous ne l’avons fait qu’à partir du moment où ce qui était dit sur les services d’intérêt général, ce que nous appelons en France le service public, nous convenait. D’ailleurs, au sein du Conseil la discussion s’est faite de façon corollaire entre l’article 36 et l’article 41 sur les services d’intérêt général. Le fait d’avoir obtenu le principe de la recherche de l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général est vraiment un motif de satisfaction. »

Enfin, pour que tout soit bien clair, un journaliste lui dit à ce moment-là : « Vous refusez cette même concurrence et donc les possibles baisses de prix pour les consommateurs. » C’est donc bien ainsi que les journalistes ont interprété les choses : un refus de la concurrence pour les consommateurs. Le Premier ministre a répondu, en substance, que, compte tenu des expériences des autres pays, il paraissait prématuré d’ouvrir la concurrence pour les consommateurs et qu’il fallait attendre d’avoir dressé le bilan. Telle est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour un rappel au règlement.

M. André Gerin. Monsieur le président, je voudrais citer l’exemple d’une entreprise ayant choisi le marché dérégulé : Duralex de Rive-de-Gier dans la Loire. Elle a quitté EDF lors de l’ouverture du marché à la concurrence et son fournisseur actuel…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ça n’a rien à voir avec le règlement !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas grave !

M. André Gerin. Ça n’a rien à voir avec le règlement ? Laissez-moi parler, monsieur le président de la commission. Soyez fair-play !

M. le président. Monsieur le président Ollier, laissez parler M. Gerin.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vais me dominer, monsieur le président ! (Sourires.)

M. André Gerin. Son fournisseur actuel est allemand. Depuis qu’un fournisseur privé a été choisi, le tarif d’électricité a augmenté de 175 %.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quel rapport avec le règlement ? C’est de l’obstruction !

M. André Gerin. En 2005, l’entreprise a licencié 135 salariés. Une première coupure d’électricité de quelques heures, pour non-paiement de la facture, a été effectuée par EDF à la demande du groupe allemand. Or cette PME-PMI possède un four électrique qui ne peut être arrêté sans dégâts : elle a certes un groupe électrogène, mais il ne lui offre qu’une autonomie de quatre heures.

Monsieur le ministre, on voit bien que la dérégulation est un mauvais coup porté aux PME et PMI. Elle permet en tout cas d’entrevoir le spectre de la privatisation qui est en train de se préparer. Au nom de la concurrence, vous refusez la concurrence. Qu’allez-vous faire, dans des cas de ce genre ? Sera-t-il possible de revenir en arrière sur des tarifs régulés, dans la mesure où l’emploi est menacé ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour un rappel au règlement.

M. Serge Poignant. Mon rappel au règlement se fonde, lui aussi, sur l’article 58, alinéa 1, du règlement, monsieur le président. Je veux simplement rappeler que toutes ces questions ont déjà été posées dans la discussion générale.

M. Daniel Paul. Vous n’y avez pas répondu !

M. Serge Poignant. Aujourd’hui, il est temps d’entrer dans le vif du sujet et d’entamer l’examen des articles.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce ne serait pas une mauvaise idée, en effet !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Je voudrais remercier les parlementaires présents pour cette importante séance. J’espère en effet que nous allons entrer dans le vif du débat et examiner les amendements. Je remercie tous ceux qui ont pensé qu’il était nécessaire d’apporter des points de vue supplémentaires. Nous vous avons donné ce que nous avions et pouvions vous donner − je dis cela à ceux qui évoquaient la question des commentaires de Bruxelles sur la concurrence. Nous sommes ici pour discuter d’un projet de loi visant à offrir à Gaz de France la possibilité de voir la part de l’État dans son capital diminuer. Nous ne parlons pas de ce que sera l’étape qui suivra peut-être (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui est différente et dont auront à connaître les actionnaires et les administrateurs de ces sociétés.

M. André Gerin. On ne peut pas tout dire aujourd’hui ?

M. Daniel Paul. Il y a de l’eau dans le gaz ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous devons être très clairs : nous sommes là pour vous proposer un cadre dans lequel certaines choses, qui nous semblent répondre aux problèmes de notre époque, deviendront possibles.

M. Gaubert a utilisé le rappel au règlement pour parler de Safran. À ma connaissance, aucun point de l’ordre du jour du conseil de surveillance qui se tient demain ne concerne les questions qu’il a posées. Elles sont certes légitimes et tout élu local doit se les poser.

Enfin, je veux dire à M. Bataille que, si je suis évidemment très attentif à toutes les questions de démantèlement et de déchets, l’État a fixé, en France, sur cette question, certaines conditions, et qu’il n’y a pas de projets concernant la Belgique en débat à l’Assemblée nationale française.

M. Jean Gaubert. Mais il y a les engagements de Suez !

M. Christian Bataille. Gaz de France va payer !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, je veux dire à nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste que leurs questions sont légitimes, qu’il faut débattre de leurs inquiétudes, apporter des réponses à leurs questions. Mais, pour débattre, sans doute faut-il s’appuyer sur des amendements. Chers collègues, vous en avez déposé 137 000. Toutes les questions que vous évoquez seront forcément débattues − vous le souhaitez autant que nous, autant que le ministre –…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …tout au long du débat et au fur et à mesure des séries d’amendements qui sont déposés.

Vous n’avez certainement pas oublié que vous avez déposé 137 000 amendements. Aussi me semblerait-il de bonne méthode d’aborder toutes ces questions, qui sont légitimes et dont nous souhaitons discuter, au moment adéquat du texte, sur la base des amendements déposés à cet effet.

Nous sommes, dans ce débat, en désaccord sur de nombreux points, mais nous devons, entre responsables élus de la nation, être capables de discuter sereinement, argument contre argument.

Le rappel au règlement est une technique qui a ses mérites, mais ce n’est pas un débat. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Micaux. C’est de l’anti-démocratie !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous, nous voulons et nous vous demandons le débat. Vous pourrez ainsi défendre vos amendements et écouter nos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Paul. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Toujours pour un rappel au règlement ?

M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. le président. Je tiens à ce que ce soit bien clair, car cela signifie que nous ne sommes pas encore entrés dans le vif du débat.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Merci de le préciser, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Micaux. C’est lamentable ! C’est une entreprise de démolition, et on le fera savoir !

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, nous avons appris, en commençant la discussion du texte la semaine dernière, que la Communauté européenne avait transmis des observations, et, en même temps, que nous n’aurions droit qu’à leur version shuntée, expurgée, censurée. Depuis, non seulement nous n’avons toujours pas eu droit à en connaître l’intégralité, mais on nous a même brandi la menace du code pénal.

Cette menace semble aujourd’hui disparaître, mais nous réitérons notre demande de pouvoir prendre connaissance de l’intégralité de ces observations, ainsi que de la réponse faite, non par Suez qui est une entreprise privée, mais par GDF, qui, en attendant que vous décidiez éventuellement de la privatiser, reste une entreprise publique.

De surcroît, nous apprenons dans la presse de ce matin qu’un audit du siège de GDF a été lancé, concernant 2 000 salariés, afin de préparer, du moins peut-on l’imaginer, l’éventuelle fusion avec Suez. Ma question est donc simple – je l’ai posée à M. le ministre tout à l’heure : si cette information est exacte, de quelle sorte d’audit s’agit-il ? N’y aurait-il pas là un peu de précipitation ? Vous n’avez pas encore voté la privatisation de GDF – à laquelle je m’opposerai – que, déjà, l’entreprise fait comme si elle était acquise ! La voilà, en effet, qui prépare sa réorganisation, préfigurant la fusion avec Suez ! Ce n’est pas acceptable !

Si poser cette question au moment où nous allons commencer la discussion des amendements n’est pas légitime, à quoi alors servons-nous tous ?

Nous devrions tous ici, et pas uniquement dans l’opposition, nous sentir outragés, ainsi que je le relevais tout à l’heure, par le fait que la Commission européenne nous dénie le droit d’accéder à des informations concernant une entreprise publique. Tous, nous devrions, comme nous l’avons fait, demander au Président de la République d’exiger que la représentation nationale soit totalement informée des tenants et des aboutissants du dossier.

M. Jean-Pierre Soisson. Nous, nous sommes outragés par votre obstruction !

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Mon rappel, monsieur le président, se fonde sur l’article 58, alinéa 1, mais glissera doucement vers l’article 58, alinéa 3. (Sourires.)

Nous entamons ce débat...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin une bonne nouvelle !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est peut-être beaucoup dire !

M. François Brottes. ...et déjà, nous en avons un petit peu assez de recevoir des leçons de pratique démocratique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président Ollier, vous le savez très bien : aucun article de ce texte porte sur la fusion GDF-Suez.

M. Richard Dell'Agnola. Et pour cause !

M. François Brottes. Nos amendements ne permettront donc pas de clarifier les questions qui se posent à propos de cette fusion.

M. Pierre-Louis Fagniez. Vous trouvez qu’il n’y en a pas assez ?

M. François Brottes. Y a-t-il eu deux lettres de griefs ? M. Cirelli a-t-il déjà donné des réponses quant aux actifs qu’il va céder ? Y aura-t-il un impact sur le nucléaire ?

Certes, ces questions, nous venons de les poser sous forme de rappels au règlement. Toutefois, il aurait été convenable d’y répondre, comme M. Loos, j’en prends acte, l’a fait pour certaines. D’autant que si nous avons une réponse, il n’y a aucune raison pour que nous reposions notre question. Nous ne sommes en effet pas là pour bégayer, mais pour clarifier le débat sur l’avenir d’une entreprise publique qui appartient à tous les Français. Il faut arrêter de nous caricaturer !

Le président Ollier, homme aguerri en matière de technique parlementaire, le sait bien, nous n’aurons pas l’occasion, dans le débat sur les amendements, de parler de telles questions transversales,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous oubliez le débat général sur chaque article !

M. François Brottes. ...puisque, entrer dans le corps d’un texte, c’est s’enfermer dans les seuls sujets, parfois anecdotiques, abordés par ce texte.

Ces questions transversales, nous avons pris le parti de vous les poser en amont de la discussion des amendements. Il est essentiel qu’à ces questions précises, nous obtenions des réponses.

Vous ne souhaitez pas y répondre autrement qu’en nous disant : « Circulez, y’a rien à voir ! », autrement dit que le texte ne portant pas sur ces questions, il nous faut entrer dans le vif du sujet.

M. Serge Poignant. La discussion sur les articles et les amendements, cela sert à quoi ?

M. François Brottes. Or le vif du sujet, n’est-ce pas l’avenir de Gaz de France, avec ou sans Suez ? N’est-ce pas la manière dont vous allez brader une entreprise publique, qui est majeure parce que le secteur qu’elle concerne est indispensable à la vie de tous les jours, et qui intéresse les Français parce qu’elle soulève des questions en matière de tarifs, de patrimoine, d’infrastructures, bref d’intérêt national ?

De telles questions méritent, je le répète, des réponses en début de discussion, avant d’entrer dans le détail du texte. Nous ne les avons pas obtenues. Aussi, monsieur le président – j’en viens là à l’article 58, alinéa 3, de notre règlement –, je demande une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour quelle durée, monsieur Brottes – je souhaite, pour une fois, vous être agréable ?

M. François Brottes. Une dizaine de minutes, monsieur le président, le temps que ces réponses soient enfin préparées.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons peut-être entamer maintenant…

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, il serait bon qu’avant d’entamer l’examen des amendements, M. le ministre réponde aux questions qui ont été posées.

M. le président. Nous ne sommes plus à quelques minutes près en effet.

Rappels au règlement

M. Serge Poignant. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour un rappel au règlement.

M. Serge Poignant. Nos débats sont télévisés, et je ne voudrais pas que les Français se laissent abuser par les affirmations de l’opposition.

Vous dites, monsieur Brottes, que vous n’aurez pas l’occasion de poser certaines questions lors de l’examen des amendements. Or non seulement je suis sûr que vous prendrez le temps de discuter sur les amendements, y compris sur les sujets que vous abordez maintenant, mais en plus, vous pourrez profiter de la discussion générale sur chaque article pour revenir sur ces différents sujets.

Mme Muriel Marland-Militello. Absolument !

M. Serge Poignant. Il faut faire un peu de pédagogie vis-à-vis de tous ceux qui nous écoutent. On ne peut pas laisser dire n’importe quoi. Ce débat aura lieu, mais ce n’est pas obligatoirement maintenant que toutes les réponses doivent être apportées. Vous pourrez poser vos questions lors de la discussion générale sur les articles. N’essayez pas de faire croire que vous n’aurez la parole que sur les amendements.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le président, M. Poignant vient de me mettre en cause. Je sais bien que les faits personnels doivent être, aux termes de l’article 58, alinéa 4, du règlement, évoqués plus tard dans la séance.

M. le président. Pour un fait personnel, la parole est accordée en fin de séance, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Toutefois, outre que la mise en cause a été faite avec beaucoup de courtoisie, c’est bien de méthode dont il est en question.

M. Poignant nous dit que nous aurons tout le temps de reposer nos questions dans la discussion sur chaque article. Mais le problème n’est pas de poser des questions, le problème, c’est d’obtenir des réponses.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On vous donnera les réponses quand vous poserez les questions !

M. François Brottes. On peut parler très longtemps en s’inscrivant sur un article et poser beaucoup de questions, les ministres ne sont pas tenus d’y répondre.

M. Daniel Paul. En plus, ils sont deux, les ministres. Ils peuvent tout de même, répondre !

M. François Brottes. Nous avons posé des questions très précises qui ne concernent pas strictement le contenu du texte, puisque, je le répète, celui-ci ne traite pas directement de la fusion Gaz de France-Suez, mais il est normal que nous cherchions à obtenir des éclairages sur ce point car la fusion est bien l’enjeu réel de ce vote qu’on veut nous imposer dans des délais extrêmement rapides, au cours d’une session extraordinaire.

J’ai posé plusieurs questions, très simples : a-t-on une ou deux lettres de griefs ? Ce serait bien que le ministre nous éclaire là-dessus. La réponse est quand même simple, elle tient en un mot. Y aura-t-il, oui ou non, des actifs de cédés ? M. Cirelli a-t-il commencé à apporter des réponses à la Commission européenne sur cette question ? Est-il vrai qu’en cas de fusion GDF-Suez, GDF devra payer la facture du démantèlement des centrales nucléaires en Belgique ?

Il est important que nous obtenions des réponses avant de démarrer le débat, d’autant que ce n’est pas parce qu’il y aura une discussion générale sur chaque article, cher collègue Poignant, que nous sommes certains d’avoir des réponses.

En outre, il serait un peu idiot de se répéter. Autant que le Gouvernement nous donne ces réponses tout de suite, même si – et je fais là une ouverture considérable au Gouvernement – le Gouvernement nous répond qu’il ne sait pas ; il en a le droit. Cela même éclairerait le débat.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qui, lui, sait !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous remercie, monsieur Brottes, de votre ouverture – car c’en est une en effet (Sourires) –, mais je n’ai pas l’intention d’en profiter parce que je vais vous dire ce que je sais.

Depuis le début de ce débat, Thierry Breton et moi-même, nous vous avons expliqué ce que nous pensions, ce que nous savions, nous vous avons communiqué l’ensemble des informations qui étaient à notre disposition et qui nous ont amenés à proposer ce projet de loi dont nous souhaitons la discussion.

Vous nous demandez s’il y a eu deux lettres de griefs ou une seule. Il est évident que les deux entreprises ont reçu une lettre de la Commission et que nous n’avons eu communication que de la lettre de griefs adressée à Gaz de France. Toutefois, celle-ci doit ressembler à s’y méprendre à celle qu’a reçue Suez puisque ce sont les mêmes marchés qui sont analysés.

M. Daniel Paul. Donnez-nous la !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cette lettre est assez exhaustive : elle analyse l’ensemble des marchés et donne beaucoup d’informations – vous le savez, vous avez été un de ceux qui l’ont lue. Vous pouvez déplorer le fait que toutes les informations chiffrées n’y figurent pas, mais cela est normal, cela s’appelle le secret des affaires. Certaines entreprises qui sont directement en cause sont des concurrents de ces entreprises-là. Il est donc naturel que la Commission prenne des précautions d’ordre général.

Ces informations, nous vous les avons transmises avec, il est vrai, une relative discrétion. Nous aurions pu en assurer une diffusion complète dans d’autres cercles que la commission des affaires économiques, mais nous avons pensé que c’était la meilleure méthode pour avoir une bonne qualité d’information, nécessaire pour comprendre le point de vue de la Commission.

Mais, permettez-moi de vous rappeler que ce sujet n’est pas à l’ordre du jour car il ne concerne pas ce projet de loi.

M. Daniel Paul. Oh ! pas vous ! pas ça !

M. le ministre délégué à l’industrie. Excusez-moi d’être un petit peu lourd sur cette question, mais puisque vous voulez que je vous dise tout, je vais parler de France Télécom. Lorsque France Télécom, qui n’a pas pu ouvrir son capital, a acquis Orange, l’entreprise a dû s’endetter considérablement, même si cela a été annulé plus tard.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet !

M. le ministre délégué à l’industrie. Autre exemple, plus frappant encore, celui d’Air France, qui souhaitait ouvrir son capital pour se rapprocher de Lufthansa et qui, finalement, s’est rapprochée de KLM.

Aujourd’hui, nous en sommes au stade où nous vous proposons de discuter de la baisse de la part de l’État dans le capital de Gaz de France.

M. Pierre-Louis Fagniez. Exactement !

M. François Brottes. Pour quoi faire ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Pour donner à Gaz de France toutes les possibilités de devenir plus puissant sur un marché où tous les concurrents se renforcent.

M. François Brottes. C’est un chèque en blanc !

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Paul a évoqué les audits internes en cours chez Gaz de France. Franchement, je serais très vexé que Gaz de France ne réalise pas des audits en permanence. Ils doivent même, je pense, avoir une direction des audits. Il appartient à toutes les entreprises de lancer des audits, notamment les entreprises publiques. Même l’État en fait en ce moment : notre collègue Jean-François Copé n’arrête pas de déclencher des audits sur ceci ou sur cela. C’est tout à fait normal. À la limite, il vaut mieux commander des audits sur un sujet auquel on ne pense pas pour découvrir quelque chose plutôt que de faire des audits sur quelque chose qui est déjà dans le collimateur parce que si c’est dans le collimateur, normalement, on y a déjà pensé. Dans le cas d’espèce, on peut évidemment mettre cette action en exergue, mais, croyez-moi, elle n’a rien d’extraordinaire.

M. Christian Bataille a posé des questions sur le démantèlement. D’abord, nous ne parlons pas de Suez.

M. Jean Gaubert. Si !

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais, si vous voulez, je peux dire un mot du démantèlement.

M. Christian Bataille. Et Electrabel ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne sais pas, je le reconnais, quel est le dispositif en place en Belgique – je peux me renseigner –,…

M. Jean Gaubert. Il faudrait peut-être auditionner les Belges !

M. le ministre délégué à l’industrie. …mais j’imagine qu’il est semblable au nôtre, car l’on ne peut pas ne pas provisionner sur une longue période le coût du démantèlement des centrales nucléaires. En outre, nous avons tous les mêmes normes comptables au niveau international. Voilà ce que je voulais vous répondre, bien que Suez ne soit pas l’objet du débat.

Que Serge Poignant ne m’en veuille pas d’avoir répondu aux différentes questions qui ont été posées, mais j’ai considéré que cela améliorerait la qualité de la suite de la discussion.

Discussion des articles

M. le président. Nous allons aborder l’examen des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de trente-deux amendements identiques nos 1830 à 1862.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l’amendement n° 1830.

M. Jean Gaubert. Tout d’abord, je prends acte des réponses que vient de nous faire M. le ministre délégué, en le remerciant de reconnaître que parfois il ne sait pas. Il ne m’a cependant pas répondu sur le risque, de plus en plus apparent, de voir Gaz de France servir de cagnotte pour rééquilibrer la situation de Suez et déséquilibrer encore un peu plus nos comptes publics. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Je ne boude pas le plaisir qui est le mien de défendre le premier amendement d’une très longue série et je profite de l’attention extrême que vous lui portez certainement pour vous en expliquer le sens. Comprenez bien qu’il s’agit de notre part non pas de dogmatisme, comme certains nous le reprochent, mais de la défense des intérêts bien compris de notre pays, ce qui est extrêmement différent.

Et puisque certains ont une assez forte propension à l’oubli, je veux rappeler comment s’est constitué le service public de l’énergie à l’issue de la Résistance. Même si beaucoup d’entre nous n’étaient pas encore nés à cette époque, il n’en demeure pas moins que nous savons tous dans quelle situation se trouvait notre pays. Nous savons aussi dans quel contexte évoluait le secteur de l’énergie juste avant la guerre. Certains élus locaux de l’époque – je ne vous infligerai pas la lecture de leurs écrits – étaient la proie de groupes privés qui faisaient la pluie et le beau temps – surtout la pluie d’ailleurs ! – en matière d’énergie sur notre territoire. C’est ce simple constat qui a amené le législateur de 1945-1947 à déclarer que ce bien essentiel devait être propriété publique.

Les choses ont-elles changé aujourd’hui ? Certes, nous maîtrisons bien plus l’énergie. Nous avons longtemps cru que nous pouvions en disposer sans compter, mais nous savons maintenant que cela n’est pas vrai. Et nous voyions bien que, chaque fois qu’un pas est fait en direction de la libéralisation de l’énergie, il y a sans doute des gens qui gagnent, mais il y en a d’autres qui paient, qui trinquent.

Je voudrais revenir sur l’augmentation anormale pour le citoyen des tarifs de l’électricité alors que – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, et tout le monde le constate – le lien entre le prix de revient et le prix de vente n’est pas établi. Dans un système libéral, c’est la loi de l’offre et de la demande qui fait le prix. Or, cela ne peut pas satisfaire nos concitoyens, qui ont besoin d’un service public desservant l’ensemble du territoire et apportant à chacun une énergie bon marché, en tout cas au coût le plus proche possible du prix de revient. Un autre problème est celui des économies d’énergie que l’on peut faire, mais considérer qu’il suffit de laisser faire le marché est une énorme erreur.

Enfin, la création de ces entreprises nationales a permis de développer des réseaux et une production de qualité, et nous y étions gagnants. Mais nous savons bien que le secteur privé exercera des pressions pour faire des économies là où il ne faut pas en faire, en particulier sur les réseaux. Comme les entreprises privées auront tendance à faire monter le prix de l’énergie – je pense en particulier à l’électricité, mais c’est vrai aussi pour le gaz –, la CRE pèsera sur les moyens alloués à l’entretien des réseaux pour que le prix moyen payé par le consommateur reste acceptable. Nos réseaux se dégraderont rapidement, et nous nous trouverons dans la situation qu’ont connue les Anglais non seulement pour leurs réseaux de gaz et d’électricité, mais aussi pour le train.

Il nous donc faut réfléchir à l’enjeu de ce texte de loi, qui ne se limite pas à la privatisation de Gaz de France, qui est aussi l’adaptation du système de réseaux à l’ouverture totale décidée pour 2007 et qui est lié – vous nous l’avez assez souvent dit, monsieur le ministre, ainsi que M. Mestrallet – au mariage en vue avec l’entreprise Suez.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 1831.

M. François Brottes. Cet amendement tend à apporter la précision suivante : « Le service public de l’énergie est un moyen privilégié pour la France d’atteindre l’objectif de cohésion économique et sociale, qui est le sien ».

Ce texte concerne non seulement le gaz, mais l’ensemble du secteur de l’énergie, et nous ne sommes ici – c’est une évidence, mais certains l’oublient parfois – ni à la corbeille ni dans le conseil d’administration d’une grande société. Nous sommes à l’Assemblée nationale, où nous avons été élus pour défendre l’intérêt général et voter des lois qui protègent les plus faibles.

Jean Gaubert vient de retracer l’histoire de la naissance de la notion de service public dans notre pays, notion qui n’est que l’application de notre devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Ce n’est pas ringard de le dire ! Nous devons faire en sorte que tout un chacun puisse accéder à ce bien vital fondamental qu’est l’énergie. Toute mesure visant à fragiliser sa mise à disposition, à lui nuire, est donc contestable. Nous souhaitons faire en sorte que l’on y réfléchisse à deux fois avant de s’engager dans quelque privatisation que ce soit.

On nous répondra qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter car les missions de service public figurent dans le contrat passé entre les entreprises du secteur de l’énergie et l’État, qu’elles sont préservées par les directives européennes précisant le périmètre du service universel et qu’elles sont financées par des fonds de compensation – chaque opérateur abonde un fonds de compensation et cela permet de financer le tarif social, l’aménagement du territoire. Mais voyons ce qui s’est passé pour le secteur des télécommunications dont vous avez parlé à plusieurs reprises, monsieur le ministre. Vous nous avez poussés à mettre en concurrence l’annuaire, et chacun voit ce que cela nous a rapporté : cela coûte environ dix fois plus cher aujourd’hui de demander un numéro de téléphone, et quand on tombe sur le mauvais opérateur on a souvent un mauvais renseignement ! Je peux vous donner des exemples si vous le souhaitez. Nous en avons tous à la pelle !

Qu’a gagné le consommateur avec la mise en concurrence de l’annuaire téléphonique ? Le système précédent marchait bien ! On fait de grosses erreurs lorsque l’on se laisse emporter par la vague de dérégulations, sans forcément y être obligé par les directives d’ailleurs. Vous me direz que l’annuaire téléphonique, cela n’est pas vital, que l’on peut demander le renseignement à son voisin si l’on a un mauvais service de la part de l’opérateur qui est d’ailleurs parfois implanté si loin qu’il n’a jamais entendu parler de ce qu’on lui demande. Cela explique d’ailleurs que certains magasins vendant des disques soient classés dans l’alimentaire ! J’ai en tête d’autres exemples qui m’auraient fait sourire si la consultation n’avait pas coûté plusieurs euros.

Nous sommes donc obligés de prendre nos précautions. En effet, si l’on ne rappelle pas ce principe dans la loi, si l’on se contente de dire que cela figurera dans le contrat qui sera passé avec l’entreprise, ils se passera pour l’énergie ce qui se passe pour les télécoms – diminution du nombre de cabines téléphoniques, ouverture à la concurrence de l’annuaire. Voilà pourquoi nous avons présenté toute une série d’amendements qui visent à inscrire dans la loi ce que nous attendons des missions de service public du secteur de l’énergie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nos collègues de l’opposition posent une bonne question et ils ont tout à fait raison de le faire. Ils la posent trente-deux fois, c’est donc qu’ils s’interrogent sérieusement. Oui, « le service public de l’énergie est un moyen privilégié pour la France d’atteindre l’objectif de cohésion économique et sociale qui est le sien ». C’est bien pourquoi la loi d’orientation sur l’énergie, dont nous avons discuté ici de manière consensuelle, dispose que « l’un des quatre objectifs prioritaires de la politique énergétique est d’assurer la cohésion sociale et territoriale » et que « la politique énergétique repose sur le service public ». C’est déjà la loi de la République.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l’amendement n° 1832.

M. Christian Bataille. Notre excellent collègue Patrick Ollier a bien rebondi sur un sujet qui est affiché dans la politique gouvernementale, mais permettez-moi un anglicisme ! Je suis tenté d’imiter Shakespeare et de répondre : words… Ce sont des mots ! Vous inscrivez ces objectifs en termes généraux, messieurs les ministres, mais vous défendez un projet de loi qui nous invite à faire le contraire, c’est-à-dire à privatiser un domaine qui relevait de choix politiques globaux pour la nation. En effet, les choix en matière énergétique, qui comprennent une dimension de cohésion économique et sociale, sont bien des choix politiques. Il en est ainsi depuis la Libération, depuis la loi de 1946. Et vous êtes en train, avec la privatisation de Gaz de France, qui, si par malheur les Français font confiance à votre candidat l’année prochaine, sera inéluctablement suivie de celle d’EDF et des autres services publics, de donner au privé ce qui relevait des choix politiques de la nation. En défendant ces amendements nous montrons notre attachement à une notion de service public qui n’est pas périmée, qui n’est pas dépassée. M. Ollier a d’ailleurs des accents de gaulliste authentique…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le suis !

M. Christian Bataille. …qui montrent bien son embarras sur cette question, car la politique libérale qui va être menée à partir de maintenant pour le gaz et demain pour l’électricité n’a plus rien à voir avec l’« ardente obligation » du Plan que prônait le général de Gaulle en son temps.

M. le président. Je constate que M. Ducout, M. Le Déaut, M. Habib, M. Migaud et M. Bonrepaux ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Marie Aubron, pour soutenir l’amendement n° 1838.

M. François Brottes. Il est défendu.

M. le président. M. Balligand, M. Bascou, M. Besson, M. Bono, M. Cohen, Mme Darciaux, M. Dehoux, M. Dosé, M. Dumas et M. Dumont ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

M. Yves Durand. Monsieur le président, je voudrais essayer de me substituer à M. Emmanuelli, pour défendre l’amendement n° 1849.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce sera difficile ! (Sourires.)

M. le président. Vous pouvez du moins essayer.

La parole est à M. Yves Durand, pour défendre l’amendement n° 1849 de M. Xavier Emmanuelli.

M. Yves Durand. Je ne souhaitais pas intervenir, ne figurant pas sur la liste des signataires de ces amendements, mais les déclarations de M. Ollier, président de la commission, m’incitent à demander la parole. En effet, la notion de service public…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La notion de service public figure dans la loi, je l’ai rappelé !

M. Yves Durand. …est consubstantielle à la conception que, je crois, nous nous faisons tous de la cohésion économique, sociale ou territoriale. Or, c’est bien elle qui est en cause dans ce texte.

Vous avez rappelé, monsieur le président de la commission – sur ce point, par conséquent, il n’y a pas de désaccord entre nous, du moins dans les termes –, que cette notion fondamentale, qui scelle véritablement notre pacte républicain, est inscrite dans la loi. Nous serions tentés de vous croire, si certains propos ne venaient contredire cette affirmation, et non des moindres. Je pense en effet aux déclarations d’un ministre d’État, actuellement numéro deux du Gouvernement et éminent responsable du parti politique auquel, me semble-t-il, vous appartenez.

En 2004, il déclarait qu’il n’était pas question que la participation de l’État dans le capital de GDF soit inférieure à 70 %. Pourtant, le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, qui prévoit très exactement l’inverse, renie cet engagement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est faux !

M. Yves Durand. Il renie donc, monsieur le président de la commission, les mots de « défense du service public » que vous proclamez dans cet hémicycle et qui seraient contredits par le projet de loi s’il était adopté. Voilà pourquoi nous insistons sur cet amendement. Il nous apparaît en effet indispensable de rappeler l’essence du service public dans une loi qui, au-delà de Gaz de France, touche à l’ensemble du secteur de l’énergie et au rôle qu’il joue dans la cohésion économique et sociale.

M. le président. Mme Geneviève Gaillard n’est pas là pour soutenir son amendement n° 1850.

M. Bruno Le Roux. Ce sera encore plus difficile, monsieur le président, mais je voudrais tenter de me substituer à elle pour défendre son amendement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n° 1850.

M. Bruno Le Roux. Tout au long du week-end, j’ai eu l’occasion d’entendre, dans une circonscription populaire comme la mienne, les inquiétudes que suscite ce projet de loi.

Sur la question du service public, je ne serais pas intervenu si M. Ollier n’avait pas fait référence à la loi de 2004. Une loi ne se réduit pas à son seul texte. Les débats parlementaires qui ont abouti à son vote doivent être considérés, eux aussi. Je voudrais par conséquent citer, comme l’orateur précédent, les propos de Nicolas Sarkozy, que tous doivent avoir en tête : « Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement, EDF et GDF ne seront pas privatisés. Le Président de la République l’a rappelé solennellement lors du Conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet de loi. » On pourrait citer d’autres déclarations de ce type, notamment un courrier du syndicat d’EDF, demandant au ministre son engagement écrit, ainsi que sa réponse, précisant que la parole de l’État a été engagée par l’assurance donnée à l’Assemblée nationale qu’il n’y aurait aucune privatisation.

Ces propos sont associés à la loi. Ils figurent dans les débats qui ont accompagné son examen. Si, en reniant aujourd’hui la parole du numéro deux du Gouvernement, on nous oppose seulement le texte de la loi, c’est que quelque chose ne fonctionne pas, preuve que, derrière notre débat, se trouve réellement une malice concernant le service public et la manière dont vous le concevez.

Mais peut-être y a-t-il une autre explication : vous ne considérez pas que le secteur de l’énergie est aujourd’hui un moyen privilégié d’assurer la cohésion sociale du pays.

M. André Gerin. Ils ne veulent pas le dire !

M. Bruno Le Roux. Pour nous, il s’agit d’un point fondamental. La question de l’indépendance énergique et de la maîtrise, demain, des filières de production et d’approvisionnement, de même que celle des prix et de la capacité de l’État à influer sur eux, est un élément essentiel pour assurer la cohésion sociale du pays.

Nous entendons le dire très clairement. Cet amendement rappelle que le gaz et l’électricité font partie des matières premières qui assurent la cohésion sociale. Nous souhaitons vous associer à cette affirmation en l’inscrivant dans la nouvelle loi.

M. le président. Mme Génisson et M. Gorce ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1854, de M. Alain Gouriou.

M. François Brottes. Il est défendu.

M. le président. J’appelle l’amendement n° 1855, de M. Armand Jung.

M. François Brottes. Il est défendu.

M. le président. Je constate que M. Lambert n’est pas présent pour soutenir son amendement.

La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 1857.

M. Jean Launay. En défendant cet amendement, je tiens à redire notre attachement, qui devrait être commun aux orateurs de tous les bancs, à la cohésion sociale et économique de notre pays, et notre conviction que le secteur de l’énergie en est une des clés, à condition que les critères du service public y soient pleinement pris en compte.

À ce titre, le maintien du contrôle majoritaire de l’État sur Gaz de France nous paraît une obligation pour l’avenir du service public de l’énergie dans notre pays et pour son développement. N’oublions pas que ce service public, dont la France s’est dotée à la sortie de la dernière guerre mondiale, garde tout son sens.

Faut-il rappeler les déconvenues qu’a connues le Royaume-Uni dans le domaine du service public de l’énergie ? Nous ne voulons pas les subir chez nous. La cohésion sociale souhaitable serait largement entamée si nous vous laissions dénaturer ce secteur et privatiser Gaz de France.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1858 de Mme Marylise Lebranchu.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je souhaite défendre cet amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement n° 1858.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ce débat suscite bien des attentes dans notre pays. Nous le mesurons particulièrement au retour d’un week-end où, dans nos circonscriptions, nous avons tous entendu les inquiétudes de ceux qui suivent avec attention la discussion que nous avons commencée la semaine dernière.

Nous touchons à un sujet qui préoccupe tous nos concitoyens. Ceux-ci ont bien compris l’enjeu de notre débat : l’ouverture définitive et intégrale des marchés de l’électricité et du gaz, que vous nous présentez comme un bienfait pour tout le pays et tous les consommateurs.

C’est presque d’acharnement qu’il faudrait parler de votre part, tant, malgré les réactions que suscite votre projet, vous restez indifférents. On a l’impression que vous ne prenez pas en compte les paroles des Français qui nous interpellent. Notre pays traverse pourtant une crise énergétique importante, qui ne va sans doute pas se résoudre et dont les conséquences sont graves et immédiates, nous le savons tous, tant sur le pouvoir d’achat des ménages – mes collègues l’ont souligné – que sur la compétitivité des entreprises. Plus largement, elle pèse sur tous les projets propices à l’aménagement du territoire ou concourant à la cohésion sociale.

On ne peut donc que s’étonner que vous choisissiez ce moment pour vous dessaisir de votre responsabilité en matière de politique énergétique et pour confier celle-ci à des actionnaires privés. Chacun sait que leur intérêt sera de prélever le maximum de profits, tant sur les ménages que sur les entreprises. Les hausses de prix récemment décidées par EDF et GDF le prouvent. Elles n’augurent rien de bon pour personne.

L’enjeu énergétique est aussi un enjeu social. C’est pourquoi nous voulons rappeler, par cet amendement, que le problème de l’énergie est un problème de société qui pèse sur les conditions de vie des plus modestes et plus généralement de l’ensemble de nos concitoyens. C’est en cela qu’il représente un enjeu essentiel pour la cohésion économique et sociale, ainsi que pour l’égalité de l’aménagement du territoire. Autant de questions d’intérêt national. On l’a dit, mais je souhaite le répéter : la fusion de GDF avec Suez créera une situation de monopole naturel qui conduira mécaniquement, en l’absence de régulation, à une très forte augmentation des tarifs. Mais nous en reparlerons sans doute.

Mme Chantal Brunel. Ce n’a rien à voir avec notre débat !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les mesures que vous préconisez pénaliseront lourdement les onze millions d’abonnés au gaz. Au reste, plus de vingt millions de personnes sont particulièrement concernés par le logement collectif. C’est pourquoi le débat que vous avez ouvert pose une question de politique majeure, en remettant définitivement en cause la notion de service public.

Dans les services publics nationaux, que ce soit dans le domaine de l’électricité, du gaz, du train, de la poste, les investissements sont obligatoirement lourds et, nous le savons tous, ils ne sont rentables qu’à long terme, contrairement à ceux que recherchent les entreprises privées. Vous le savez, mais vous ne voulez pas le reconnaître.

M. Yves Durand. Très juste !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Votre position sera lourde de conséquences pour l’avenir de notre pays. Chaque jour, elle suscite des inquiétudes fortes sur notre territoire. Durant tout le week-end, j’ai été interpellée, comme mes collègues, sur ce sujet.

Mme Chantal Brunel. Rien à voir !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet amendement s’inscrit dans une série. Il rappelle l’enjeu que représente, pour notre pays, la question de l’énergie. Elle nous semble fondamentale, et nous ferons tout pour souligner l’importance que revêt, à nos yeux, la cohésion sociale et économique. Ce problème politique mérite toute notre vigilance. Nous aurons l’occasion de le répéter en défendant nos amendements.

M. le président. M. Nayrou et Mme Saugues ne sont pas présents pour défendre leurs amendements identiques.

La parole est à M.  Philippe Tourtelier, pour soutenir l’amendement n° 1861.

M. Philippe Tourtelier. L’un des effets pervers de notre débat est que, une fois de plus, vous dévalorisez le rôle du Parlement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La photographie, publiée dans tous les journaux, du président de l’Assemblée nationale posant au milieu de piles de papier vierge, comme si les 577 députés disposaient de l’ensemble des amendements écrits, est une véritable caricature qui ne renseigne pas de manière efficace et pédagogique sur le rôle du Parlement. C’est une mascarade !

M. Bernard Deflesselles. Vous commencez à regretter vos outrances !

M. Philippe Tourtelier. En outre, en déclarant l’urgence, vous limitez les droits d’expression du Parlement. Dès lors, la moindre des choses est que le droit d’amendement de l’opposition soit reconnu.

Par ailleurs, vous dévalorisez la loi elle-même…

M. le président. Permettez-moi de vous faire observer, monsieur Tourtelier, que le débat se poursuit normalement et que personne n’a été contraint.

M. Christian Bataille. C’est vrai, monsieur le président.

M. le président. Je veille seulement à ce que le temps de parole des orateurs sur chaque amendement, c’est-à-dire cinq minutes, soit respecté. Quand bien même ne serait-il dépassé que d’une minute, compte tenu du nombre d’amendements, cela représenterait 1 500 heures de débat supplémentaires ! Il ne sert à rien de mettre en cause la présidence : ce n’est pas productif.

M. Christian Bataille et M. François Brottes. Mais vous n’êtes pas en cause, monsieur le président !

M. le président. Je laisserai le débat se dérouler.

Poursuivez, monsieur Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je tiens à faire une mise au point, qui ne sera pas déduite de mon temps de parole.

M. le président. Bien entendu.

M. Philippe Tourtelier. Premièrement, je ne vous ai pas mis en cause personnellement. Deuxièmement, après la publication de ces photos, j’ai été obligé de préciser que le papier était vierge et je maintiens que ce n’est pas pédagogique.

J’en reviens à mon propos. La loi est dévalorisée, disais-je, par le décalage qui existe entre ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs et la réalité de vos actes. Nous sommes d’accord avec le président Ollier : le service public est bien mentionné dans la loi que nous avons votée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En 2005 !

M. Philippe Tourtelier. Sauf que vous faites le contraire ! Lors des débats, M. Sarkozy avait affirmé que le service public, cela voulait dire que la part de capital public ne descendrait pas au-dessous de 70 %. Comment voulez-vous que les gens continuent de croire en la loi ?

Par ailleurs, j’ai rappelé tout à l’heure que vous n’étiez pas obligés d’ouvrir aux particuliers avant d’avoir obtenu une directive-cadre sur les services publics. Si vous vouliez vraiment défendre ces derniers, vous auriez refusé l’ouverture aux particuliers avant d’avoir obtenu cette directive-cadre, comme cela avait été décidé conjointement au sommet de Barcelone.

M. François Brottes. Très bien !

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1862 de M. Michel Vergnier

M. François Brottes. Il est défendu !

M. le président. Vous remplacez tout le monde, monsieur Brottes ! (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. M. Gaubert disait tout à l’heure son plaisir d’ouvrir enfin la discussion des articles. J’éprouve le même plaisir à répondre à cette première série d’amendements qui touchent au service public. Ainsi que l’a excellemment dit le président de la commission, nous avons déjà voté la disposition que vous proposez.

M. François Brottes. Non, ce n’est pas la même !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’entendais ce matin, sur une radio nationale, l’un de nos collègues ici présents – que je ne nommerai pas pour ne pas lui donner l’occasion de demander un fait personnel – répondre à un autre député du groupe UDF – qui avait qualifié de « débiles » les amendements de la gauche – en lui citant le texte de ce premier amendement, sur lequel, disait-il, le plus grand nombre pouvait se retrouver. C’est le cas, en effet, puisque la majorité a précisément introduit dans la loi d’orientation de 2005 une disposition sur le service public. Si vous l’aviez fait plus tôt, chers collègues de l’opposition, nous n’aurions pas eu besoin de le faire. Arrêtons, je vous prie, de faire figurer dans la loi des dispositions qui existent !

M. Yves Durand. Il ne faut pas la contredire à longueur de temps !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Les citoyens se plaignent déjà de la longueur et de la complexité des lois. Or si, dans chaque nouvelle loi, on rappelle ce qui a été inscrit dans la précédente, les piles seront bien plus impressionnantes que celles que le président de l’Assemblée a dénoncées la semaine dernière.

Je vais donc rappeler ce que dit la loi de 2005, puisque vous l’avez manifestement oublié : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique.

« Cette politique vise à contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement ; assurer un prix compétitif de l'énergie ; préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ; garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie. »

Si je me suis appliqué à lire l’article 1er de la loi d’orientation de 2005, c’est pour ne pas avoir à y revenir ultérieurement, ce qui me permettra de répondre plus brièvement aux centaines d’amendements qui visent à inscrire ces dispositions dans le projet de loi.

Une dernière précision : vous parlez, la main sur le cœur, de la cohésion sociale. Vous avez pourtant eu l’occasion de mettre vos actes en harmonie avec vos généreuses pensées. En 2000, vous avez fait voter par cette assemblée une loi qui prévoyait le tarif social pour les plus démunis. Pourtant, comme je l’ai expliqué la semaine dernière, vous n’avez jamais publié les décrets d’application nécessaires. Pour être généreux, les mots ne suffisent pas : il faut des actes. Nous vous laissons les mots – même dans la langue de Shakespeare, monsieur Bataille ; nous, nous préférons les actes ! C’est sur ceux-ci que nous serons jugés.

Mme Chantal Brunel. Bravo !

M. Jean-Claude Lenoir. J’aurais aimé que la commission puisse émettre un avis favorable à ces premiers amendements, mais j’ai le regret de vous dire qu’elle y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis très heureux de donner l’avis du Gouvernement sur cette première série d’amendements, avis qui ira évidemment dans le même sens que la réponse, excellente, que vient de faire le rapporteur de la commission.

En effet, ces amendements n’ont pas de raison d’être. Non pas que nous ne partagions pas ces préoccupations : nous les partageons tellement que cette disposition a déjà été inscrite dans la loi. Le service public de l’électricité et du gaz contribue à la cohésion sociale du pays : les lois du 10 juillet 2000, du 3 janvier 2003, du 9 août 2004 et du 13 juillet 2005 l’ont d’ores et déjà affirmé et les contrats de service public d’EDF et de GDF l’ont concrétisé dans des documents extrêmement précis – François Loos pourra vous le dire mieux que moi. Au reste, l’instauration par la majorité du tarif de solidarité électrique et, dans ce projet de loi – puisque cela n’avait pas été fait auparavant –, du tarif de solidarité pour le gaz est là pour en témoigner. Le Gouvernement est donc évidemment défavorable à ces amendements, car il souhaite éviter que la loi soit redondante.

En outre, parce que nous sommes très attachés à la solidarité en ce qui concerne les tarifs de l’électricité et du gaz, nous vous rappelons avec une certaine solennité qu’il est urgent de transposer la directive initiée au sommet de Barcelone car, si nous ne le faisons pas au 1er juillet 2007, le flou juridique ne nous permettra sans doute plus de faire bénéficier nos compatriotes des tarifs réglementés. La transposition de cette directive est donc urgente pour maintenir la cohésion à laquelle nous sommes tant attachés. Tel est l’objet du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Le Gouvernement et M. Ollier ont évoqué la loi d’orientation sur l’énergie de juillet 2005, laquelle est malheureusement déjà dépassée. Et je crains que le présent projet de loi ne connaisse le même sort dès l’an prochain. Quand on pense que cette loi d’orientation sur l’énergie, qui est censée s’appliquer pour les dix à quinze ans qui viennent, ne dit pas un mot du secteur des transports ! C’est soit de l’aveuglement, soit de l’irresponsabilité.

Quant au projet de loi actuel, il faut savoir que les prix de l’énergie – qu’il s’agisse du gaz, du mégawatt/heure ou du charbon – sont, qu’on le veuille ou non, indexés sur le cours du baril, au NYMEX, à New York. On peut souhaiter changer les choses mais, pour l’instant, c’est ainsi ! Or le prix moyen du baril est passé de 26 dollars en 2002…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ? On le sait !

M. Yves Cochet. …à 31 dollars en 2003, puis à 41 dollars en 2004, pour atteindre 58 dollars en 2005, alors que M. Sarkozy avait construit son budget en retenant l’hypothèse d’un baril à 36 dollars ! La France a ainsi perdu des milliards d’euros à cause de l’aveuglement de M. Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourtant, au printemps 2004, j’en avais parlé lors de la première lecture du projet de loi d’orientation sur l’énergie, mais Sarkozy était aveugle à ces réalités.

Pour 2006, M. Breton a préparé le budget sur la base d’un prix moyen du baril à 60 dollars, mais quel sera-t-il réellement à la fin de l’année ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce n’est pas nous qui fixons le prix du baril !

M. Yves Cochet. Et quel prix moyen du baril avez-vous retenu pour la loi de finances initiale pour 2007, monsieur Breton ? En tout cas, ne croyez pas, chers collègues, que les prix diminueront après ces hausses importantes car, même à 70 dollars, le baril n’est peut-être pas cher du tout en comparaison de ce qui nous attend dès l’an prochain : 80, 100, 120 dollars ?

Mme Chantal Brunel. On le sait !

M. Yves Cochet. Je rejoins mes collègues socialistes quand ils disent qu’il faut un service public de l’électricité et du gaz et qu’il faut défendre les consommateurs. Mais il ne faut pas pour autant laisser croire aux consommateurs que parce que Gaz de France resterait une entreprise publique, les prix du gaz n’augmenteraient pas.

Mme Chantal Brunel. Il a raison !

M. Jacques-Alain Bénisti. La leçon, c’est aux socialistes qu’il faut la donner, pas à nous !

M. Yves Cochet. S’ils n’augmentaient pas, cela voudrait dire que c’est le contribuable français qui paye pour les gens qui ont des chaudières au gaz. Cela aussi, il faut le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est pour cela que nous faisons ce projet !

M. Yves Cochet. Je crois qu’il faut dire la vérité à nos concitoyens sur le coût réel de l’énergie. Évidemment, si Gaz de France était privatisé, ce serait encore pire. C’est pourquoi je voterai cet amendement.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce sont vos amis de la gauche qu’il faut convaincre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je trouve que l’on devrait vous écouter davantage, monsieur Cochet ! (Sourires.)

Vous avez tout à fait raison d’affirmer que les prix de l’énergie, en particulier de celle provenant du carbone fossile, sont sur une pente ascendante, ce qui justifie toutes les propositions de changements dont on vient de parler.

M. Daniel Paul. Et la privatisation ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai, l’augmentation de prix du gaz n’a strictement rien à voir avec le fait que le capital soit détenu par un acteur privé ou un acteur public. Nous avions, après avoir consulté, comme il est d’usage, tous les acteurs économiques, anticipé le prix du baril de pétrole à 60 dollars ; il est aujourd’hui aux alentours de 67 ou 68 dollars. Nous sommes donc effectivement sur une pente ascendante, qui justifie la démarche engagée par le Gouvernement et soutenue par la majorité. Je vous remercie de m’avoir permis de le dire, monsieur Cochet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. J’étais rapporteur du projet de loi d’orientation énergétique de juillet 2005 et je me dois de vous contredire, monsieur Cochet : le thème des transports y était abordé. J’en veux pour preuve que l’on a beaucoup parlé des biocarburants…

M. Jean Dionis du Séjour. Si peu !

M. Serge Poignant. Trop peu aux yeux de certains, peut-être, mais le fait est que tous les secteurs de l’énergie ont été évoqués.

En ce qui concerne le service public, je ne vais pas reprendre les arguments qui ont déjà été exposés par M. le ministre, M. le président et M. le rapporteur de la commission. Nous sommes attachés au service public et ce projet de loi reflète notre attachement, ce que nous aurons l’occasion de vous démontrer tout au long de l’examen du texte. Ce n’est peut-être pas le cas de tous vos collègues. Je citerai deux d’entre eux, non des moindres. Ainsi, M. Fabius, qui était alors ministre de l’économie et des finances, disait en 2001 qu’« une entreprise investie de missions de service public peut, sans tabou, nouer les partenariats industriels qui se traduisent par une alliance capitalistique. C'est dans ce cadre qu'avec pour objectif un projet industriel et social ambitieux nous serons ouverts pour faire évoluer, le moment venu, le statut de Gaz de France. » Il parlait donc bien de faire évoluer le statut de Gaz de France ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. C’était raisonnable !

M. Serge Poignant. M. Strauss-Kahn, lui, affirmait en janvier 2002 à propos d’EDF – alors que nous pensons quant à nous que la situation de GDF, qui achète et revend son énergie, est complètement différente de celle d’EDF, qui dispose d’un parc nucléaire : « Le changement de statut d’EDF et l’ouverture de son capital sont compatibles avec le maintien des missions de service public. La part résiduelle de l'État devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable, sans pour autant graver dans le marbre le seuil des 50 %. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Strauss-Kahn a affirmé à cette tribune qu’il maintenait ses propos, mais que, pour lui, le projet industriel n’était pas bon.

Alors, mes chers collègues, je vous invite à un peu de mesure quand vous invoquez les prises de position des uns et des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Et de cohérence !

M. le président. Contrairement à ce que le Règlement de notre Assemblée m’autorise à faire, et pour que nous ayons un débat serein, je vais, sur une série d’amendements identiques, donner la parole, non pas à un orateur pour et un orateur contre, mais à un orateur pour chaque groupe.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, je prends acte de votre volonté de voir le débat se dérouler dans les meilleures conditions.

M. le président. Nous avons tout notre temps. Poursuivez, je vous prie, monsieur Brottes.

M. François Brottes. En réponse au rapporteur et à la malice du ministre, personne ici n’a dit qu’une entreprise publique pourrait acheter moins cher des matières premières venant d’ailleurs. Ce que nous avons dit, en revanche, c’est que dès l’instant où il faut faire du profit, le seul moyen d’y parvenir est d’augmenter le prix de vente – puisque le prix d’achat, lui, restera élevé. Entrer dans une logique de privatisation et de distribution de dividendes aura donc forcément pour conséquence une aggravation de l’augmentation des prix, bien que le statut de l’entreprise n’ait aucune incidence sur le prix d’achat de la matière première.

Le rapporteur avait, dans un moment d’égarement ou de lucidité, voté la loi intégrant le tarif social, mais il avait été le seul de son groupe à le faire !

M. Christian Bataille. Oui, c’était le seul !

M. François Brottes. Quand on a voté contre le tarif social de l’électricité, mes chers collègues, on n’a pas de leçons à donner !

J’ai écouté attentivement la lecture détaillée qu’a faite le rapporteur de la loi de 2005, dont l’article 1er est ainsi rédigé : « La politique énergétique repose sur un service public de l’énergie qui garantit l’indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. » Jusque là, tout va bien.

« Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. » C’est bien vous, monsieur Poignant, qui avez fait voter que les missions de service public étaient étroitement liées au maintien et au développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. Pourquoi doit-on, aujourd’hui, à nouveau préciser les choses ? Tout simplement parce qu’il y a un élément nouveau : votre décision de privatiser une entreprise nationale de l’énergie. Et à partir du moment où vous changez la donne, il faut préciser les choses afin de les sécuriser. De notre point de vue, il n’y a pas de redondance, et il n’y a donc pas lieu de ridiculiser nos amendements comme vous essayez de le faire.

M. Ghislain Bray. Ils sont ridicules !

M. François Brottes. Vous renoncez à l’article 1er de la loi de 2005, dans la mesure où une entreprise privée va se substituer à une entreprise publique nationale. C’est donc bien le moment de préciser ce que l’on entend par service public, puisque vous démantelez les entreprises publiques de ce pays.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous sommes bien dans le domaine de la cohésion économique et sociale. À défaut d’obtenir de la Commission européenne qu’elle respecte l’engagement qu’elle avait pris, j’ai demandé à plusieurs reprises, ces derniers mois, à ce que notre assemblée fasse réaliser un bilan de l’ouverture du secteur énergétique à la concurrence sur les quinze dernières années en Europe. Je n’ai jamais obtenu satisfaction sur ce point.

Toutefois, M. le rapporteur nous ayant indiqué qu’il avait lui-même établi un bilan, je me le suis procuré afin de prendre connaissance de son analyse des problèmes qui se posent. Qu’y lit-on ? « Plusieurs fournisseurs d’énergie ont souligné que, de leur point de vue, les tarifs réglementés leur apparaissaient trop bas pour réellement couvrir les coûts. Cela induirait selon eux des effets de trappe tarifaire conduisant les clients à ne pas quitter le tarif réglementé » – on les comprend, si c’est moins cher – « et entraînant des distorsions de concurrence entre consommateurs restés aux tarifs réglementés et consommateurs ayant exercé leur éligibilité. Ils appellent donc à une réévaluation des tarifs réglementés. » – ce qui signifie une augmentation, mes chers collègues – « Ils ont souligné que ce serait une condition indispensable pour déclencher de nouveaux investissements, cruciaux pour la sécurité d’approvisionnement du pays. »

J’en déduis qu’avec les tarifs consentis jusqu’à présent par EDF et GDF, comme le confirme, d’ailleurs, la lettre de griefs de la Commission européenne, qui indique que « la marge brute est négative »…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous l’avez donc lue ?

M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ah ! M. Paul l’a lu !

M. Daniel Paul. Je n’ai jamais nié l’avoir lue, mais je n’ai pu le faire que dans sa version expurgée de tout élément chiffré, ce qui est inadmissible.

Quoi qu’il en soit, il faudra que l’on m’explique, si « la marge brute est négative », comment GDF a réussi en 2005 à réaliser 1,7 milliard d’euros de profits – sans parler de ceux d’EDF, également très importants.

Je poursuis : « Les organisations syndicales ont indiqué que, dans leur esprit, la couverture des coûts incluait bien les moyens nécessaires au renouvellement à venir des installations, donc aux investissements. Elles ont, en revanche, mis en doute la pertinence des prix de marché dans ce cadre. » Cela revient à dire, mes chers collègues, que nous sommes face à un élément de bilan avec, d’un côté, des fournisseurs d’énergie – les grands groupes – qui veulent que les tarifs énergétiques augmentent et, de l’autre, une résistance des organisations syndicales et des consommateurs, qui devraient être défendus par le Gouvernement, mais le sont peu.

Je continue ma citation : « Plusieurs opérateurs énergétiques ont souligné que, dans un marché ouvert, les tarifs avaient vocation à être mis en extinction, sauf à relever d’obligations de service public. Mais cela n’interdit évidemment pas d’instaurer une période de transition ».

Les éléments de réflexion de M. Lenoir me paraissent contenir des éléments extrêmement importants. Ils réaffirment l’importance de la notion de bas tarif de l’énergie – distincte de celle de tarif social – permettant aux entreprises énergétiques de vivre et de faire face à leurs obligations. C’est ce qui se passe depuis soixante ans en France avec la notion de prix coûtant – qui correspond à la somme des coûts des approvisionnements, des transports, de la distribution et du renouvellement des installations. Comme le disait Paul Ramadier en 1946,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il fut rapporteur de la loi !

M. Daniel Paul. …« Il faut préserver l’énergie de la pression des marchés financiers »,…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est également lui qui a créé la vignette automobile, dont les personnes âgées n’ont jamais vu la couleur !

M. Jacques-Alain Bénisti. On est en 2006 !

M. Daniel Paul. …c’est-à-dire faire en sorte que le tarif énergétique ne comprenne pas les dividendes à verser aux actionnaires. Voilà qui me semblerait constituer un élément de cohésion économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai dit que certains amendements étaient d’une débilité insondable et ridiculisaient le Parlement : je persiste et je signe. Mais il ne s’agit pas de cette série-là. Ceux dont nous débattons sont en effet pertinents. Ils sont cependant satisfaits par l’article 1er de la loi d’orientation qui prévoit que « notre politique énergétique doit garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie » et peuvent ainsi apparaître redondants.

Cela étant, et nous y reviendrons à l’article 10 de ce texte portant sur la privatisation de Gaz de France, il y a une contradiction entre ce projet de loi et l’article 1er de la loi d’orientation, qui prévoit aussi que la conduite de notre politique énergétique « nécessite le maintien et le développement d’entreprises publiques nationales ». Il est bel et bien question de plusieurs entreprises publiques.

M. François Brottes. Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Il faudra débattre de cette contradiction.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avançons : nous avons 32 amendements de moins à examiner. (Sourires.) Restons optimistes !

Je suis saisi de 32 amendements identiques, nos 1863 à 1895.

J’appelle l’amendement n° 1863 de M. Ducout.

M. François Brottes. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l’amendement n° 1864.

M. Christian Bataille. Cet amendement met l’accent sur le contrat social passé entre les pouvoirs publics, les personnels et les usagers. La cohésion que permet le service public de l’énergie est mise en œuvre en effet tant pour les personnels que pour les usagers. Or les réactions des organisations syndicales dont nous avons tous connaissance montrent l’inquiétude qu’engendre votre projet de privatisation du service public chez les personnels. La privatisation ne suscite pas en effet l’enthousiasme des foules. Certes, il y a dans la majorité des thuriféraires de la privatisation, ceux qui allaient chercher en Grande-Bretagne ou aux États-Unis des éléments pour étayer leur démonstration. Ils sont sans doute moins enthousiastes maintenant, puisque même les États-Unis renoncent aujourd’hui progressivement aux aspects les plus discutables de la privatisation. Quant aux usagers de ces deux pays, ils ont constaté que leur facture d’électricité allait croissant.

Je passe sur le fait que la facture d’électricité est d’une complexité ubuesque !

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. Christian Bataille. Bref, avec la privatisation, les choses sont plus complexes, le service public est amoindri et la facture est augmentée. L’abandon de la notion de service public est donc une très mauvaise affaire pour les usagers. On est loin de l’adhésion enthousiaste à l’espèce de service public assuré par des entreprises privées que vous cherchez à faire prévaloir. Je connais vos arguments : vous allez nous dire que le service public peut être assuré par des entreprises autres que publiques.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Et c’est heureux !

M. Christian Bataille. Eh bien, nous réaffirmons, au groupe socialiste, que les entreprises publiques sont les mieux placées pour assurer le service public. En outre, elles contribuent à maintenir le lien social et la stabilité des coûts.

Non, contrairement à ce que l’un de nos collèges a tenté de démontrer, nous ne sommes pas dans une société de marché où les prix vont inéluctablement augmenter sans que les pouvoirs publics ne puisse intervenir. Il n’y a là aucune fatalité. Nous ne sommes pas obligés d’avoir un mauvais service public ou d’abandonner le contrat social. Voilà pourquoi nous avons souhaité insister à nouveau sur cet élément qui vaut tant pour les personnels que pour les usagers.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 1865.

M. Jean Gaubert. M. Bataille a dit que nous souhaitions insister sur la notion de contrat social : au risque de déplaire, nous n’insisterons jamais assez sur cet aspect du problème. Le contrat social stipule en effet que nous offrons à tous les citoyens les biens essentiels, parmi lesquels figure le droit à l’énergie, quels que soient les moyens dont disposent nos concitoyens pour le payer. La fin des entreprises publiques que vous avez programmée et à laquelle nous nous opposons signe la fin de cette possibilité d’offrir à nos concitoyens de l’énergie dans des conditions acceptables, quels que soient leurs moyens, le lieu où ils résident et le moment où ils en ont besoin.

Nous avons fait allusion à la situation de la Grande-Bretagne. Nous pouvons également évoquer celle de la Californie où il est apparu que l’ensemble des entreprises publiques n’avait pas la possibilité ou la volonté de desservir l’ensemble des citoyens consommateurs, quel que soit leur lieu de résidence. Et après tout, il est normal, quand on ne cherche qu’à faire du fric, de privilégier d’abord le client qui va rapporter le plus de par sa taille ou sa situation géographique. Quant aux autres, ils passeront après, voire jamais si les entreprises ne sont soumises à aucune obligation.

Nous sommes là au cœur du problème. Il s’agit d’assurer à nos concitoyens la possibilité d’avoir accès à l’énergie. Et cela n’induit pas un quelconque gaspillage. Nous entendons souvent dire, en effet, que si l’énergie n’est pas chère, certains de nos concitoyens pourraient être tentés de la gaspiller. Je m’inscris en faux contre de tels propos : compte tenu des tarifs pratiqués, les Français sont de toute façon obligés d’économiser l’énergie étant donné les revenus dont ils disposent. Ce n’est certainement pas la libéralisation, et donc l’augmentation, des prix qui aura une incidence sur les économies d’énergie. Il faudra trouver d’autres incitations.

Le contrat social est le lien qui doit unir nos concitoyens. L’énergie, comme la santé ou l’éducation, est un bien qui ne peut être bradé ou offert au secteur privé car il ne reviendra pas à celui-ci de desservir les uns et les autres dans les mêmes conditions.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 1866.

M. François Brottes. Monsieur le président, vous faites remarquer que certains de nos collègues ne sont pas en séance lorsque vous appelez leurs amendements. Je note à mon tour que M. le ministre de l’économie s’est absenté quelques instants. Il est vrai qu’il se trouve en pleine contradiction.

Le Gouvernement s’est démasqué, en effet. Comment les choses se sont-elles passées ? Il nous a invités à voter en première lecture une loi d’orientation dans laquelle il s’est engagé à ce que la conduite de la politique énergétique nécessite le maintien et le développement d’entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique, avec toute une déclinaison de principes et d’objectifs rappelés il y a un instant par le rapporteur.

Puis, avant d’aller au bout de l’examen de ce texte, nous avons commencé à débattre d’un autre projet présenté par M. Sarkozy et visant, dans ce cadre, à modifier le statut d’EDF et de GDF. Evidemment, M. Sarkozy a pris à cette occasion l’engagement de ne pas privatiser. Cela a déjà été dit, mais nous le répétons et le répéterons car on met parfois en doute notre parole. Je tiens d’ailleurs l’enregistrement à votre disposition.

M. Jean Gaubert. Il est très instructif !

M. François Brottes. Cet engagement a été pris dans le cadre, cohérent d’ailleurs, de l’article 1er, du titre Ier de la loi d’orientation. Nous n’étions pas forcément d’accord sur la façon de procéder à l’ouverture, mais nous avons reconnu une certaine cohérence. Cela dit, nous n’avions pas voté la loi d’orientation qui nous était apparue comme un rideau de fumée, un artifice qui permettrait de passer à autre chose un peu plus tard. Nous ne nous étions pas trompés.

Deux ans après, en effet, vous arrivez avec ce texte qui supprime, de fait, le pluriel s’agissant du maintien et du développement « d’entreprises publiques », puisque seule l’entreprise EDF sera dans ce cas. Peut-être, par cohérence, faudra-t-il supprimer par amendement cette phrase ? Pour le moment, vous êtes en pleine contradiction.

J’ai entendu la remarque de Jean Dionis du Séjour. Peut-être faudrait-il reporter la discussion sur ces amendements à l’article 10 ? Monsieur le président, s’il vous semble préférable de procéder ainsi pour la lisibilité du texte, nous n’en prendrons pas ombrage. Mais il y a bel et bien contradiction et nous attendons une réponse.

Dorénavant, il y aura donc une entreprise publique et une entreprise privée. Nous ne sommes pas dupes : nous savons bien que la suite du film, c’est la privatisation d’EDF. Vous avez écorné puis trahi les principes que vous avez posés dans un premier temps. Donc, suivant le même schéma, après la privatisation de Gaz de France, vous passerez à celle d’EDF.

Dans la loi prévoyant le changement de statut, nous avons souhaité que tout ce qui relève du contrat de service public pour les entreprises publiques de l’énergie soit inscrit dans la loi. En effet, le contrat concerne deux parties et échappe au contrôle du Parlement. Et si les missions de service public sont sensiblement modifiées dans la confidentialité d’un bureau, les usagers n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. On peut très bien imaginer que les entreprises privées sauront faire valoir leurs exigences auprès du Gouvernement et bénéficieront d’une écoute bienveillante de la part de ceux qui auront engagé la privatisation, ce qui au passage favorisera l’augmentation des dividendes. À la sortie, c’est le consommateur qui sera Gros-Jean comme devant.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, quand allez-vous amender l’article 1er du titre Ier puisque, désormais, ce sont des entreprises privées qui géreront la politique énergétique et les missions de service public qui en découlent ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brottes, je connais votre sérieux et je sais que vous ne dites rien à la légère. Sur le fond, nous sommes d’accord avec les principes que vous évoquez et nous vous renvoyons à la loi de 2005. À cet égard, je vous rappelle que cette loi a été votée après celle de 2004.

M. François Brottes. Elle a été débattue avant !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, mais elle a été votée en 2005. En tout état de cause, c’est dans la loi. Vous voulez cependant qu’on le répète, quitte à être redondants. Pourquoi pas ? Tel n’est pas l’objet de mon propos. Je veux revenir sur un autre point de votre intervention. Vous avez dit en effet que, pour améliorer la cohésion de la discussion, vous étiez prêts à accepter le report de vos amendements à l’article 10. Je crois savoir qu’il y a 4 028 amendements avant l’article 1er. Faisiez-vous allusion à l’ensemble de ces amendements, dont certains d’ailleurs ont été déposés par le groupe communiste ? S’il s’agit d’avoir un meilleur débat sur ce principe à l’article 10, nous sommes d’accord avec votre proposition, monsieur Brottes. S’il faut réserver ces amendements jusqu’à l’article 10 pour améliorer la cohérence de la discussion, nous sommes prêts à le faire. Mais s’agit-il de tous les amendements avant l’article 1er ou seulement des 32 qui ont été appelés ?

M. le président. À titre exceptionnel, la parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, de me permettre de répondre sans attendre à la question que M. le président de la commission vient de me poser.

M. Dionis du Séjour a raison : il serait incohérent de débattre de ces amendements, puisque c’est l’article 10 qui effectue la bascule. Je note au passage que nos amendements ne sont pas aussi « débiles » qu’il le prétendait il y a quelques jours, qu’ils ont même le mérite de pointer certains problèmes.

Quant au président de la commission, ayant compris que nos amendements soulevaient un problème majeur et que nous avions démasqué l’hypocrisie des propositions du Gouvernement et de la majorité, il souhaite, au nom d’une meilleure cohérence du débat – que j’ai moi-même évoquée tout à l’heure – se débarrasser d’un sujet qui sent le brûlé. Il aurait fallu y penser avant : nous avons commencé à débattre de ces amendements, allons jusqu’au bout !

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1867.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. L’amendement n° 1867 de M. Le Déaut touche au cœur du sujet. Ce projet de loi est plus qu’un texte technique, il ne concerne pas uniquement Gaz de France mais l’ensemble du secteur de l’énergie : il s’agit de notre conception de la politique énergétique et industrielle de la France, de sa place au sein du contrat social, c’est-à-dire de la cohésion sociale.

La contradiction majeure que vient de dévoiler François Brottes entre une loi que vous avez votée et le projet de loi que vous nous proposez pose le problème du contrat social et de la démocratie. Certes, c’est dans cet hémicycle que la majorité parlementaire vote la loi, parfois avec l’accord de l’opposition. Pour autant, la loi repose aussi sur un consensus social implicite. Nous, représentants du peuple, ne pouvons aller à l’encontre de ce que le peuple lui-même a défini comme étant son intérêt général. Or, c’est précisément ce que vous vous apprêtez à faire avec ce projet de loi ! Il s’agit d’une atteinte à la démocratie. C’est pourquoi il est essentiel que nous poursuivions notre débat de fond sur cette contradiction politique majeure.

Adopter ce projet de loi en l’état – et vous avez compris que nous ne le souhaitions pas – signifierait la rupture du contrat passé avec le peuple et serait contraire aux engagements d’une loi votée. Certes, ce ne serait pas la première fois – je pense au non respect de la loi Fillon sur la concertation sociale et aux événements du printemps dernier. Aujourd’hui, vous allez encore plus loin puisque c’est l’un de vos projets de loi qui est en contradiction avec une loi que vous avez fait voter.

Seul le peuple est en mesure de trancher la question. Plusieurs intervenants, lors de la discussion générale, ont d’ailleurs demandé que le débat sur un sujet d’une telle importance ait lieu à l’occasion des prochaines échéances électorales. Vous avez refusé, parce qu’au fond, vous préférez la précipitation, sans doute pour masquer la contradiction que François Brottes vient de dénoncer. Nous sommes donc obligés de défendre cet amendement pour vous rappeler à votre propre exigence, que vous bafouez aujourd’hui.

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, je veux bien que nous reportions la discussion de ce sujet essentiel à l’article 10, mais à une condition : que cette contradiction soit levée – donc que vous acceptiez cet amendement.

M. Serge Poignant. C’est moyen !

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l’amendement n° 1868.

M. David Habib. Le service public de l’énergie est un élément du contrat social qui lie l’État à l’ensemble du peuple français, notamment aux personnels de ce secteur et aux usagers.

Après MM. Gaubert, Brottes et Durand, je voudrais vous livrer mon interprétation de ce qui fait l’originalité du service public de l’énergie dans notre pays. Nos anciens l’ont bâti avec la conviction que l’énergie est une richesse essentielle à la vie, au développement économique et à l’aménagement du territoire, qui requiert la participation active des usagers et des salariés des entreprises en charge de sa distribution.

En privatisant Gaz de France, en faisant sortir cette entreprise du périmètre public, vous rompez ce contrat social et vous créez, comme l’a dit M. Gaubert, une distorsion libérale. Cela modifiera immanquablement les relations qui, patiemment, se sont construites sur notre territoire. Aujourd’hui, il existe des fonds sociaux dans le domaine de l’énergie, et la dimension énergétique est prise en compte dans nos politiques de lutte contre les inégalités sociales. Vous allez créer une distorsion, et nos concitoyens craignent que vous fassiez de l’énergie un facteur supplémentaire de ségrégation sociale.

J’arrive à l’instant des Pyrénées-Atlantiques, le département dont je suis l’élu, où je participais à une manifestation des maires, présidée non par un élu du parti socialiste mais par un élu de l’UDF, qui viendra certainement lui-même en rendre compte. Tous les élus présents ont exprimé leurs inquiétudes quant à la cohésion sociale que le service public permet de maintenir. Les questions que nous vous posons sont donc loin d’être une manœuvre du groupe socialiste : elles reflètent le débat de fond qui a lieu dans notre pays. La notion de contrat social, ancrée dans nos esprits républicains, peut rassembler la droite et la gauche.

Cet amendement, en rappelant que « le service public de l’énergie est un élément de contrat social pour les personnels et les usagers », tend simplement à réaffirmer que la République s’est construite sur un certain nombre de valeurs partagées. Mes chers collègues, si vous avez à cœur d’être fidèles à ce qu’a été la politique énergétique de notre pays depuis cinquante ans, vous pouvez aisément voter cet amendement. Il ouvrira la voie à des modifications nécessaires pour effacer les réalités libérales les plus choquantes de ce texte.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1869.

La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.

M. Jean Launay. L’amendement n° 1869 est défendu, de même que l’amendement n° 1870.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron, pour soutenir l’amendement n° 1871.

M. Jean-Marie Aubron. Il est défendu.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1872.

M. Jean Gaubert. L’amendement n° 1872 est défendu, de même que l’amendement n° 1873.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1874.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le soutenir.

M. Bruno Le Roux. Cet amendement reflète les inquiétudes des citoyens usagers du service public du gaz et de l’électricité, qui ne souhaitent pas devenir des clients.

Je crois, mes chers collègues, que vous ne mesurez pas l’attachement de nos compatriotes au service public de l’énergie, que vous ne mesurez pas le retentissement qu’a dans notre pays, à chaque crise majeure, la mobilisation d’entreprises publiques comme EDF. Ne le mesurant pas, vous avez du mal à comprendre la notion de contrat social.

Je le dis très clairement, l’inquiétude des consommateurs et des citoyens ne porte pas seulement sur leur facture de gaz mais aussi sur l’indépendance énergétique et la place de notre pays au sein des grandes nations capables de maîtriser leur énergie. Quant aux salariés de GDF, ils ont exprimé leur inquiétude dans la consultation effectuée la semaine dernière par les syndicats : ils ont à cette occasion massivement exprimé leur refus de la privatisation.

M. Jean Gaubert. C’est tout à fait clair !

M. Bruno Le Roux. Face à la hausse des prix de l’énergie qui grève le pouvoir d’achat de nos concitoyens depuis plusieurs mois – je vous rappelle que le prix du gaz a augmenté de 30 % ces dix-huit derniers mois –, vous ne savez répondre que par le désengagement de l’État et l’absence de contrôle des tarifs. Vous remettez ainsi en cause les fondements du contrat social qui lie les citoyens consommateurs et les salariés de l’entreprise publique, et vous transformez les usagers en clients. Vous oubliez la mobilisation nationale dont est capable le secteur de l’énergie lorsqu’il s’agit de faire face à de grands défis.

Je regrette que ce que nous propose le Gouvernement soit totalement contraire aux engagements qu’il a pris il y a deux ans. C’est précisément pour répondre à nos inquiétudes sur le contrat social que votre prédécesseur, monsieur le ministre, nous rassurait en s’engageant à ne jamais privatiser EDF et GDF. Le Président de la République l’a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet de loi, il ne peut être question de privatiser EDF et GDF. Et le ministre d’État, en posant la question : « Qu’est-ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser plus tard ? », a répondu : « La parole de l’État », ajoutant qu’il n’y aurait pas de privatisation parce que EDF et GDF sont un service public.

M. François Brottes. Mensonge, trahison !

M. Bruno Le Roux. Les salariés de l’entreprise ne croient pas forcément tout ce qui se dit dans cet hémicycle, mais la façon dont vous présentez le débat leur donne raison. Lorsque les salariés de Gaz de France, voulant en avoir le cœur net, ont souhaité une réponse écrite, le ministre leur a répondu, le 29 avril 2004 : « Ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées, compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France et pour la sécurité de nos approvisionnements. Leur capital restera majoritairement public ».

Vous voulez, monsieur le ministre, faire passer ce projet de loi aux forceps, mais la majorité est réticente. Depuis que je suis député – deux législatures – je constate que la plupart des projets de loi pourraient aussi bien être des propositions de loi présentées par des parlementaires de la majorité. À l’évidence, pas celui-ci : votre majorité elle-même y est réticente, parce qu’elle sait qu’il est contraire à la loi sur l’énergie votée en 2004, parce qu’elle sait qu’en permettant le démantèlement de l’entreprise publique GDF aujourd’hui, il ouvre la voie à celui d’EDF demain, et parce qu’elle sait que, au fond, il rompt le contrat social entre les citoyens consommateurs, les usagers et les salariés. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je constate que M. Bono, M. Cohen, Mme Darciaux et M. Dehoux ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1879.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Il est défendu !

M. le président. Je constate que M. Dumas, M. Dumont, M. Emmanuelli, Mme Gaillard et Mme Génisson ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1886.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Cet amendement est défendu !

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1887.

La parole est à M. Alain Gouriou, pour le soutenir.

M. Alain Gouriou. Défendu !

M. le président. Je constate que M. Jung et M. Lambert ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1890.

La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.

M. Jean Launay. Je défends cet amendement car nous sommes préoccupés par la situation de nos compatriotes. Un Français sur trois est desservi par le gaz, soit 11 millions d’abonnés. Nous ne voulons pas que l’édifice de la gestion publique de l’énergie en France soit remis en cause.

Nous savons que les utilisateurs vivent, pour la plupart, dans des logements sociaux – certains collègues de la majorité le reconnaissent.

Nous ne voulons pas que le contrat social qui existe aujourd’hui soit rompu. Le secteur public de l’énergie garantit, par la politique tarifaire, un aspect fondamental du contrat social. C’est la raison profonde de l’amendement n° 1890.

M. le président. Je constate que Mme Lebranchu n’est pas présente pour soutenir son amendement identique n° 1891.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1892.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Défendu !

M. le président. Je constate que Mme Saugues n’est pas présente pour soutenir son amendement identique n° 1893.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1894.

La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour soutenir son amendement n° 1894.

M. Philippe Tourtelier. Le service public de l’énergie est un élément de contrat social pour les personnels et les usagers. Je voudrais insister sur ce point, ancré dans nos mentalités.

Je me trouvais récemment devant le bureau de poste de ma commune et un de mes administrés s’étonnait qu’il ne soit pas ouvert, alors qu’il s’agit d’un service public. Je ne reprendrai pas le débat sur La Poste. Mais, je le répète, ce contrat social est dans nos mentalités.

Les personnels d’EDF et GDF ont également le sens du service public. Personne n’a oublié le dévouement des agents d’EDF pendant la tempête.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. Philippe Tourtelier. Le personnel est fier de travailler dans ces entreprises. La mentalité qui existe au sein d’un service public n’est pas forcément identique à celle des entreprises privées. Cela dépend du management. Au lieu de parier sur cette ressource qui nous a permis de laisser en place un service commun de distribution EDF-GDF, pour la développer et en faire un service public de l’énergie fort, vous privatisez EDF et la fragilisez à terme.

Le prix, quel qu’il soit, même s’il est élevé, représente un supplément de prix pour les actionnaires. On a demandé à M. Cirelli pourquoi il n’était pas allé voir des producteurs de gaz. Il a répondu qu’EDF ne les intéressait pas. En effet, le taux de rentabilité est de 8 %, contre 20 % chez Total.

Lorsque la privatisation sera faite, pourquoi les actionnaires du nouveau groupe ne se tourneront-ils pas vers ce qui rapporte 20 % ? Qui paiera cette différence de 12 % ? Le consommateur !

Un livre vert est paru au mois de mars au niveau de l’Europe. Des propositions seront faites à la fin de l’année. Nous nous situons dans un contexte énergétique complètement différent. C’était donc l’occasion de débattre, tant en commission que dans l’hémicycle, de défendre au niveau de l’Europe un service public de l’énergie EDF-GDF et de redéfinir un marché européen. Mais vous avez choisi la pire des solutions.

M. le président. Je constate que M. Vergnier n’est pas présent pour soutenir son amendement identique n° 1895.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques qui viennent d’être présentés ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements, qui, en termes extrêmement vagues, abordent des sujets sur lesquels on pourrait s’étendre pendant des heures et des heures.

M. Jean Gaubert. Nous n’avons pas l’intention de nous étendre. Nous sommes debout !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous ne sommes pas dans la maison des Charmettes, à Chambéry avec Jean-Jacques Rousseau. Soyons pragmatiques : abandonnons ces amendements et poursuivons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Il est évident que le service public fait partie du contrat social. En France, c’est une chance. Nous considérons qu’il est important et nécessaire qu’il y ait dans le domaine de l’énergie une disponibilité pour l’ensemble de nos concitoyens dans de bonnes conditions.

Le type de phrase proposée par ces amendements se retrouve à travers de lois qui ont traité de l’énergie : celles du 10 février 2000, du 3 janvier 2003, du 9 août 2004 et du 13 juillet 2005. Nous nous sommes toujours attachés à ce que le service public renforce la cohésion sociale et le contrat social entre tous les Français. Les personnels de ces entreprises sont concernés au premier chef. Cela se fait au profit des usagers de ces services.

Vous suscitez un débat sur la question de savoir si une entreprise privée peut servir un service public. C’est déjà le cas dans beaucoup de domaines : l’eau, …

M. Christian Bataille. Et çà coûte cher !

M. le ministre délégué à l’industrie. …par exemple, où une grande entreprise dont vous parlez souvent, est très impliquée. C’est également le cas pour les télécommunications, les transports urbains, où les services publics sont assurés par des entreprises privées. Les conditions dans lesquelles ces entreprises privées interviennent répondent à un cadrage législatif très lourd. C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’énergie.

Je me range à l’avis défavorable du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le rapporteur, à l’inverse de la démonstration qu’il souhaitait faire tout à l’heure, n’est pas revenu sur l’argumentation selon laquelle cela figurait déjà dans la loi de 2005 à laquelle il fait référence et qu’il est en train de trahir.

Cette loi fait mention des entreprises publiques nationales pour gérer la politique énergétique et ses missions de service public. En privatisant Gaz de France, vous savez bien que cette loi n’a plus de sens.

Il y a une double trahison : celle de M. Nicolas Sarkozy, qui disait que l’on ne descendrait pas en dessous de 70 %, et l’article 1er porté par M. Poignant et quelques autres de ses collègues dans la loi d’orientation. Je note que cette argumentation est oubliée. Il y a un malaise !

Monsieur le ministre, vous avez développé une autre argumentation – nous y reviendrons tout au long de ce débat. Vous nous dites que les entreprises privées gèrent aussi bien que les entreprises publiques. Personne ici n’a remis en cause la compétence et la qualité de service proposées par telle ou telle entreprise privée dans tel ou tel domaine. Le sujet n’est pas là.

Vous avez pris les exemples de l’eau et de la collecte des ordures ménagères. J’ose penser, monsieur le ministre, que vous connaissez aussi bien la gestion des collectivités territoriales qu’un certain nombre d’entre nous, présents dans cet hémicycle. Le tarif de l’eau n’est pas fixé par le prestataire mais par la collectivité – il en est de même pour les ordures ménagères – tandis que les tarifs libres de l’énergie seront fixés par les opérateurs. Certes, le Gouvernement pourra avoir une possibilité d’intervention sur le tarif réglementé, s’il perdure. Vous savez que ce dernier est mis en cause par la Commission européenne. De plus, ce tarif réglementé va considérablement augmenter compte tenu de l’« usine à gaz » que vous avez inventé pour le tarif de retour, qui va renchérir le coût de la production d’énergie, puisque EDF devra assumer la réduction de prix accordée aux gros industriels sans que les opérateurs du marché soient concernés.

Si nous souhaitons que la disposition prévue par l’amendement figure dans le texte, c’est parce qu’aujourd’hui tout l’édifice est ébranlé et que vous mettez également à mal vos propres engagements inscrits dans la loi de 2005.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je voudrais compléter les propos tenus par M. François Brottes.

Monsieur le ministre, vous établissez une comparaison avec l’eau. À ma connaissance, nous ne sommes pas dans la même situation. Le réseau n’appartient pas à l’entreprise privée. Elle en est fermière pour un certain temps.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Gaz de France aussi !

M. Jean Gaubert. Nous y reviendrons, monsieur le ministre. Le réseau n’appartient pas à l’opérateur. Il prend pour un temps donné un réseau qu’il est chargé d’entretenir et qu’il rendra à terme.

Nous ne sommes pas ici dans le même schéma. J’ai bien compris que le réseau appartenait à Gaz de France et que celui-ci sera lui-même privatisé. Pour les transports publics, c’est la même chose. La définition des réseaux n’appartient pas à l’entreprise de transports publics ; la collectivité définit ce que sera le réseau.

Nous donnons au privé l’ensemble de la prestation, d’un bout à l’autre, y compris les moyens qui permettent de l’assumer. En commission, un de nos amendements qui proposait de retirer de l’opération les réseaux et de réaffirmer le caractère public a été repoussé. Cela constitue bien la preuve que l’on se dirige vers une situation où l’ensemble de la prestation ne pourra être contrôlée que par le privé.

Comme l’a indiqué M. Brottes, le système de tarif régulé ne sera pas abandonné. Mais une astuce plus intelligente a été trouvée. Il se rapprochera du prix du marché et n’aura plus aucune valeur. Tous les ans, on considérera le marché de l’année précédente et le prix régulé fixé sera proche du marché. Ne nous la faites pas ! C’est aussi le moyen de considérer que l’on abandonne tous les leviers qui permettaient de contrôler le prix de cette énergie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trente-deux amendements identiques, nos 1896 à 1928.

La parole est à M. David Habib, pour soutenir l’amendement n° 1896.

M. David Habib. Cet amendement vise à rappeler avec force qu’il ne peut y avoir d’entreprise industrielle située dans le service public ou relevant de logique plus libérale, qui n’appelle pas une mobilisation de l’ensemble des personnels.

M. Raffarin avait, en son temps, décidé d’inscrire dans la loi la nécessité d’une concertation avec les organisations syndicales pour modifier le contrat de travail. Chacun se souvient que M. de Villepin a abandonné à la première occasion ce principe et oublié de consulter les organisations syndicales sur le contrat première embauche.

Nous nous situons aujourd’hui dans la même logique. Nous sommes dans une société qui ne peut avancer sans concertation, sans la capacité à appeler la mobilisation de toutes les énergies, sans utiliser les intelligences, les réflexions, les suggestions des usagers et des personnels. Nous rencontrons fréquemment dans nos circonscriptions les salariés de Gaz de France : ils font, sur des questions aussi importantes que les travaux, la connexion, la modification des réseaux et l’organisation de l’entreprise, des réflexions intéressantes.

Nous souhaitons que les principes qui ont permis à EDF et Gaz de France d’être ce qu’elles sont aujourd’hui soient maintenus, que les évolutions du service public de l’énergie se fassent en concertation avec les personnels. C’est une nécessité absolue.

Nous vous demandons d’inscrire dans la loi le principe selon lequel « toute évolution du service public de l’énergie se fait en concertation avec les personnels ». Cela permettra de maintenir l’originalité de la filière énergétique nationale.

Je suis surpris que la majorité refuse des principes aussi essentiels, qui ne devraient pas, à mon sens, faire débat. Cela permettrait à la représentation nationale de se retrouver autour d’un certain nombre de valeurs. En proposant cet amendement, le groupe socialiste permet à la majorité de prouver qu’elle est capable d’entendre ce message inscrit dans la loi à la Libération.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l’amendement n° 1897.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1897.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. J’espère que le rapporteur et le Gouvernement feront davantage preuve d’indulgence avec cet amendement concernant l’évolution du service public de l’énergie qu’avec les amendements précédents.

Comment, monsieur le rapporteur, pourriez-vous être hostile à la concertation avec les personnels ? Je n’ose l’imaginer tant cet amendement semble enfoncer des portes ouvertes ! (Sourires.) Et pourtant, nous ne sommes sûrs de rien à ce stade du débat. Toute évolution du service public se fait en concertation avec les personnels : cela tombe sous le sens ! Bien entendu, il ne s’agit pas de dépouiller la représentation nationale de ses prérogatives, mais de recueillir l’avis des personnels au préalable.

Du reste, monsieur le rapporteur, vous auriez été bien en peine de vous appuyer sur l’avis des personnels pour justifier votre réforme. En effet, dans un référendum récent qui a mobilisé 60 % d’entre eux – pourcentage remarquable quand on sait qu’il s’est agi de faire voter les personnels sur une seule journée – ils se sont prononcés contre.

Ce référendum convoqué notamment à l’initiative de la CGT et de FO a été très suivi et 95 % des votants ont émis un avis hostile à la privatisation de Gaz de France. Les personnels ont opposé un refus massif à la privatisation. Or la majorité gouvernementale veut faire une réforme qui va à contre-courant de leur volonté.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 1898.

M. Jean Gaubert. Christian Bataille a eu raison de rappeler une évidence : une entreprise ne peut pas fonctionner sans concertation avec les personnels, sans débattre de l’avenir de l’entreprise, même si c’est la direction qui, au bout du compte, décide des orientations. La concertation est une condition nécessaire pour le bon fonctionnement d’une entreprise, qui permet à tous de se sentir co-responsables. C’est encore plus vrai pour une entreprise publique où la concertation est organisée par les textes.

La concertation a d’ailleurs eu lieu lors de l’ouverture du capital, force est de le constater, même si nous nous étions opposés à cette orientation. Cette concertation avait même conduit le ministre de l’époque, M. Sarkozy, à écrire aux responsables salariés qu’on ne descendrait pas en dessous de 70 % du capital.

Cette fois-ci, nulle concertation. Sans doute aviez-vous cru que, parce qu’un nombre relativement important de salariés de l’entreprise détenait des actions de Gaz de France, cela vous exonérait d’y recourir en vous disant que puisqu’ils étaient actionnaires, ils ne verraient que des avantages à la privatisation : eh bien, non. S’ils sont devenus actionnaires de Gaz de France, c’est parce que GDF est restée une entreprise publique dont ils connaissaient la direction. Dans de telles conditions, ils pouvaient accepter l’idée d’être copropriétaires de leur entreprise. Or aujourd’hui, ils constatent que vous voulez les conduire dans une direction qu’ils ne souhaitaient pas : une situation hasardeuse, une situation dont il faudra bien discuter un jour, monsieur le ministre, compte tenu des conséquences qu’elle implique. Ils ont le sentiment qu’il s’agit de permettre à Suez de faire main basse sur la cagnotte de GDF et de partager sa dette avec elle alors que GDF est une entreprise très peu endettée : le mariage impliquant la communauté de biens, le partage intégral !

M. Jean Dionis du Séjour. Pas forcément.

M. Jean Gaubert. Il est évident que GDF devra partager la dette de Suez. Elle partagera les avantages de Suez certes, mais aussi les inconvénients, à savoir cette dette. Christian Bataille évoquait tout à l’heure le partage des responsabilités par rapport au démantèlement des centrales nucléaires. L’entreprise devra également trouver de l’argent pour la parité des actions, nous l’avons déjà évoqué. Bref, les salariés de GDF se rendent bien compte que ce n’est pas une bonne affaire pour eux !

Une autre question qui se pose est celle de l’opérateur commun qui est en cours de constitution : commun à qui ? Commun pourquoi ? Un opérateur commun à Gaz de France et à EDF : très bien. Ils étaient habitués à travailler ensemble, ils continuent leur métier. Mais un opérateur commun à EDF et Gaz – Suez, c’est autre chose, car Suez dispose d’un certain nombre d’équipes sur le terrain dont on peut penser qu’il les privilégiera. Ces équipes, je l’ai dit lors de la discussion générale, seront très vite capables moyennant une formation aux risques liés au gaz de faire le travail aussi bien que les agents de l’opérateur commun. Pourquoi Suez se priverait-il d’utiliser ses propres salariés et proposerait-il du travail à un opérateur commun qu’il n’a pas souhaité ?

Je suis persuadé, et nombreux sont ceux qui pensent comme moi, en particulier au sein de l’entreprise EDF, qu’il en découlera une situation déséquilibrée et que le coût social sera très élevé pour l’opérateur commun. Il est donc évident que les salariés de l’entreprise Gaz de France doivent avoir leur mot à dire sur ce sujet sur lequel je constate que M. le ministre n’a toujours pas répondu. J’ai relu avec attention ses interventions, mais il n’a pas abordé ces problèmes et de nombreuses questions demeurent.

Que deviendra l’opérateur commun dans une situation aussi déséquilibrée avec un nouveau concurrent à l’intérieur qui dispose de ses propres équipes ? J’espère que nous obtiendrons rapidement des réponses.

M. le président. Je constate que M. Ducout et M. Le Déaut ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

M. François Brottes. Les amendements nos 1 899 et 1 900 sont défendus.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 1901.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Si la majorité et le rapporteur refusent d’adhérer à cet amendement qui prévoit que « toute évolution du service public de l’énergie se fait en concertation avec les personnels », ils témoigneront de leur mépris pour ces personnels. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mépris affiché tant à l’égard des personnels de Gaz de France que de Suez. Je veux rappeler ici parce que nous les avons rencontrés – comme d’autres groupes politiques d’ailleurs – que FO, la CGT, la CGC, la CFDT, SUD, UNSA, tous disent qu’ils ne sont pas favorables à la privatisation de Gaz de France. Lorsqu’un point de vue identique est partagé par autant d’expressions syndicales, cela devrait tout de même faire réfléchir le ministre et les législateurs qui prennent l’initiative d’une telle privatisation.

J’imagine que l’on règle quelques comptes : qui dans la majorité n’a de cesse de fustiger les personnels de la fonction publique en essayant de battre des records de suppression d’emploi, car cela fait bien dans le paysage libéral d’aujourd’hui ? Qui n’a de cesse d’essayer de supprimer le droit de grève dans les entreprises ? Ce sont toujours les mêmes. Ne pas prendre en compte l’avis qualifié et compétent des personnels lorsque l’on prend une initiative d’abord idéologique, montre que l’on n’en a cure. Donc, on ne prend pas le soin de les écouter : c’est bien dommage car les questions qu’ils posent sont très pertinentes qu’il s’agisse – et ce sont les cadres qui le disent – pour Gaz de France de l’absorption, si la fusion se fait, de l’endettement de Suez qui s’élève à 16 milliards d’euros ; ou du financement du démantèlement des centrales nucléaires belges. Or Gaz de France pourrait investir de l’ordre de 40 milliards d’euros pour son développement et ses alliances stratégiques s’il en allait autrement si elle se rapprochait d’une autre entreprise. Je cite quelques exemples et je regrette qu’on ne veuille pas les entendre.

La fusion aura forcément des conséquences sur le personnel. La logique de profit qui consiste à faire des économies sur le plan de la gestion et des coûts de production. C’est un grand classique qui s’opère généralement au détriment de la qualité du service. On observe d’ailleurs déjà quelques initiatives sans attendre la privatisation. Les salariés se montrent inquiets – et nous disposons de témoignages – des économies faites sur l’entretien et la maintenance. Quand il s’agit d’entreprises qui gèrent des installations liées à l’énergie, cela pose problème.

Quant à la fusion, il est évident – et ce n’est pas moi qui le dit : on le dit chez Suez – qu’il y aura des doublons au niveau des fonctions centrales. Quand deux entreprises fusionnent et qu’il y a des services qui font double emploi, il y en a forcément un qui est supprimé. Lequel ? Et combien d’emplois cela représente-t-il ?

Les cessions d’activités qui sont préconisées ici et là par la Commission européenne et sur lesquelles nous n’obtenons toujours pas de réponse, monsieur le ministre, notamment sur les initiatives que vous demanderez à Gaz de France, entraîneront des cessions de personnels. Dans quelles conditions ? Autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses aux personnels.

Nous ne prétendons pas par notre amendement que toute évolution doive se faire avec l’accord strict et conforme des personnels car les personnels ne sont que l’un des acteurs, certes essentiel, des missions de service public ; c’est d’abord l’usager qui est concerné par les missions de service public. Les agents des services publics exercent leurs missions dans des conditions souvent difficiles et avec beaucoup de compétence – je vous défie, chers collègues, de trouver un exemple dans d’autres pays où les missions de service public sont aussi bien rendues que dans le nôtre. Cela dit, les personnels ne doivent donc pas être les seuls à décider, mais il faut les consulter et faire preuve d’un certain respect à leur égard ; cela n’a pas été le cas avec les réponses – fausses pour certaines – à soixante et onze questions. Bref, il n’y a pas eu de réelle concertation ni de réelle volonté d’aboutir à un accord dans une réflexion avec les personnels, qui ne sont pas tous opposés à un rapprochement entre Suez et Gaz de France. Ils préconisent seulement d’autres approches que la vôtre. Vous les avez balayées d’un revers de main. Nous souhaitons que vous entendiez et respectiez les points de vue des personnels, de ceux qui sont parmi les plus impliqués au niveau de la gestion, de l’exploitation et de la mise en œuvre des services publics.

M. le président. Je constate que MM. Migaud, Bonrepaux, Aubron et Balligand ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1906 de M. Bascou.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le soutenir.

M. Bruno Le Roux. Je vais essayer, monsieur le président, même si je n’ai pas l’accent du Midi ! (Sourires.)

M. le président. Cela sera peut-être une des rares surprises que nous aurons dans ce débat !

M. Bruno Le Roux. Cet amendement réaffirme l’attachement des personnels de Gaz de France à la définition de la stratégie industrielle de l’entreprise.

Dès jeudi, nous avons fait savoir que la raison de notre opposition à ce texte est avant tout industrielle. En analysant le projet de fusion et en discutant avec les salariés et les différents syndicats, nous nous sommes rendu compte que l’addition pure et simple de GDF et de Suez dans les métiers du gaz et de l’électricité ne construisait pas une entité industrielle cohérente.

Si, demain, une véritable concertation était menée avec les salariés, cela apparaîtrait au grand jour. Le projet de fusion ignore les divergences qui existent dans les deux entreprises à propos des options stratégiques, il ignore les incidences sur l’emploi. Pire, ce nouvel ensemble, comme nous l’avons démontré depuis plusieurs heures de débat, vient concurrencer EDF, opérateur public, en cassant la complémentarité établie avec GDF depuis 1946.

Voilà pourquoi nous souhaitons que soit inscrite dans la loi la nécessité d’une concertation avec les personnels.

Mais sur la question de la concertation, j’aimerais interroger le Gouvernement de manière plus générale. Son numéro deux, dans une déclaration qui n’est pas la vieille déclaration de 2004 sur laquelle vous pouvez vous asseoir aujourd’hui mais une déclaration toute récente, remontant à quelques jours à peine, vient de proposer une réforme du droit de grève. Or celle-ci porterait une grave atteinte aux droits des salariés et de leurs représentants syndicaux alors que le Gouvernement prétend travailler à une réforme du dialogue social censée faire plus de place aux partenaires sociaux.

Monsieur le ministre, il me semble que c’est le moment de vous demander quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de M. Nicolas Sarkozy. Pour notre part, nous pensons que la soumission du droit de grève a un vote majoritaire des salariés serait contraire aux principes constitutionnels en vigueur selon lesquels la grève est un droit individuel, appartenant à chaque salarié. Par ailleurs, elle manifeste une volonté évidente de contourner les organisations syndicales et les représentants des personnels pour privilégier, au niveau des entreprises, le rapport de force le moins favorable aux salariés.

M. le président. Je constate que M. Besson, M. Bono, M. Cohen, Mme Darciaux, M. Dehoux, M. Dosé, M. Dumas, M. Dumont, M. Emmanuelli, Mme Gaillard, Mme Génisson, M. Gorce, M. Gouriou, M. Jung et M. Lambert ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1923.

La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.

M. Jean Launay. D’une part, chacun sait que les négociations entre Gaz de France et Suez sont nouées depuis un bon moment. Or, je ne crois pas que les personnels aient été particulièrement associés aux discussions dès leur commencement.

D’autre part, dans le présent projet de loi, la négociation avec les personnels est inexistante.

Dans ces conditions, comment expliquez-vous les votes défavorables enregistrés lors des consultations internes organisées par les syndicats ? Pour notre part, nous y voyons un signe fort : ils manifestent la volonté de conserver un service public de l’énergie, primordial pour l’indépendance nationale. Ce message, nous le faisons nôtre.

M. le président. Je constate que Mme Lebranchu, M. Nayrou, Mme Saugues, M. Tourtelier et M. Vergnier ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Permettez-moi d’abord de rappeler aux députés de l’opposition que la commission des affaires économiques a largement ouvert ses portes aux organisations syndicales. C’est un précédent qui, je l’espère, sera suivi en d’autres circonstances. Nous avons consacré à plusieurs reprises toute notre attention à l’audition de représentants syndicaux. Le ministre aura l’occasion de dire ce qu’il en est de la concertation qui a été nouée pendant longtemps avec les représentants du personnel et des organisations syndicales.

Des portes ouvertes, M. Bataille a lui-même indiqué que son amendement revenait à en enfoncer. Ne perdons donc pas notre temps : fermons-les, et je l’espère pour longtemps ! Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Ces amendements sont très importants puisqu’ils rappellent l’exigence d’une concertation étroite avec les personnels. C’est le rôle du dialogue social au sein des entreprises qui doivent, pour évoluer, soumettre leurs projets à leurs salariés.

Le Gouvernement a également dialogué de façon très approfondie avec les représentants du secteur énergétique. Au cours d’une série de rencontres avec chaque organisation syndicale, nous avons dressé une liste de soixante-onze questions, sur la base desquelles nous avons essayé d’apporter des réponses pour bien saisir leurs préoccupations et qu’à leur tour, elles comprennent ce que nous souhaitons faire.

Pour répondre précisément à M. Gaubert, cela se traduit aujourd’hui en matière de service commun, qui, selon l’article 7 du projet, perdurera à travers la gestion des réseaux de distribution. La directive prévoit en outre une séparation entre la gestion des réseaux et la fourniture, autrement dit l’acte commercial qui lie l’opérateur à son client. Les personnels en charge de la fourniture, ceux qu’on appelle les « commercialisateurs », seront sous statut, comme c’est déjà le cas chez Gaz de France.

Selon nous, c’est dans les entreprises que le dialogue social doit avoir lieu et, pour cela, il y a des textes. Je ne crois donc pas nécessaire d’adopter ces amendements.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La commission a effectivement entendu les syndicats au mois de juillet mais nous avons déploré que ces auditions se déroulent à huis clos. Chaque syndicat est venu expliquer les contre-propositions qu’il avait faites et exprimer ses inquiétudes, et pas seulement sur le service commun, monsieur le ministre. Et nous comprenons bien que si la presse écrite et audiovisuelle avait été présente, cela aurait semé quelque trouble.

En juillet, ont suivi les auditions des présidents des deux entreprises concernées ainsi que de M. Gadonneix pour EDF, qui ont eu lieu en présence de toute la presse et ont même été retransmises en direct à la télévision. Nous avons boycotté ces séances considérant qu’ils ne diraient pas autre chose que les semaines précédentes et que nous ne disposions pas encore des éléments de la lettre de griefs.

Il y a donc deux poids, deux mesures : on rend public tout ce qui rend le projet du Gouvernement positif, on traite à huis clos tout ce qui est susceptible de le critiquer.

De la même façon, les plus cent millions de pages de publicité financées par les usagers de Gaz de France qui ont envahi la presse écrite depuis de longs mois ne donnent qu’une version des choses, de sorte que l’opinion n’ait pas d’autre avis que celui du Gouvernement.

Ni l’approche méprisante – et je pèse mes mots – à l’égard des syndicats ni l’attitude faussée à l’égard de l’opinion ne sont acceptables. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous insistons sur le fait qu’il conviendrait d’accorder la même écoute aux personnels de ces entreprises qui sont directement concernés, comme le seront l’ensemble des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il ne faudrait pas que la fatigue gagne trop vite M. le rapporteur, car il risquerait d’être conduit à employer des mots un peu blessants. Il a utilisé les termes « défendus, si j’ose dire » à propos des amendements. On ne peut pas porter de tels jugements car ils sont soutenus par chacun avec cœur et de façon argumentée. Je voudrais donc l’appeler à manifester davantage de respect à l’égard de ses collègues, ce qu’il fait de manière générale. Sinon, il y aurait des risques de dérapage et il pourrait y avoir quelques difficultés par la suite alors que nous avançons bien.

Monsieur le ministre, s’il y a eu un dialogue social, c’est un véritable échec, malgré la présence de la télévision et les pages de publicité qui ont envahi nos journaux. Il faut toutefois reconnaître que les privatisations ont un avantage dans ce pays, c’est qu’elles soutiennent la presse écrite, qui en a besoin, même parfois pour reprendre dans le corps des articles les arguments de la publicité, on l’a vu assez souvent ces derniers temps.

Par ailleurs, j’aimerais revenir à la réponse que vous m’avez faite. Je comprends bien que vous ne puissiez dire autre chose que « tout ira comme avant ». Mais les doublons sur lesquels François Brottes vous a interrogé existeront au niveau des directions mais aussi au niveau du territoire. Suez a des agents qui effectuent les mêmes tâches que ceux de GDF. Ne nous dites donc pas qu’il n’y aura pas de problèmes : il y en aura. Je préférerai que vous nous disiez que nous allons nous atteler à les résoudre car il est clair qu’une fois la fusion effectuée, des difficultés naîtront de la gestion de la prestation demandée aux uns et aux autres, étant donné que GDF aura obligation de puiser ses services auprès de l’opérateur commun et que Suez a ses propres services.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Monsieur Brottes, pas une fois lors des rencontres avec les syndicats, nous n’avons imaginé de leur demander de ne rien dire. Au contraire, nous avons pris en compte le format qu’ils souhaitaient, à savoir des rencontres avec chaque organisation avec la possibilité pour elle de rendre public ce qu’elle souhaitait des discussions.

N’allez pas penser que nous avons cherché une quelconque manipulation. Nous avons eu un débat tout à fait sincère. Et cela répond à M. Gaubert.

M. François Brottes. Tous les personnels sont opposés à la privatisation !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas de cela dont nous avons parlé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous leur avons répondu de façon claire, tout en restant conscients qu’il appartient aux entreprises de répondre à ces questions et qu’il revient à l’État de mettre en place le cadre nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques qui viennent d’être défendus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que, à la demande de M. le président de la commission des affaires économiques, je lèverai la séance à dix-neuf heures quinze au plus tard afin que la commission puisse se réunir.

Par ailleurs, je note qu’au rythme de soixante-quatre amendements examinés par heure, il ne nous reste que deux mille heures de débats. Tout va bien. Voilà qui va vous donner à tous un peu de courage !

La parole est M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, jusqu’à présent, tout s’était bien passé pour ce qui vous concerne. Mais, honnêtement, près de cent amendements par heure, c’est un rythme très convenable par rapport à d’autres débats.

M. le président. Je voulais simplement souligner qu’examiner soixante-quatre amendements par heure était un bon rythme, de manière à encourager tout le monde à maintenir la cadence, vous y compris.

M. le président. Je suis saisi de trente amendements identiques, nos 1929 à 1961.

L’amendement n° 1929 est-il défendu ?

M. François Brottes. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l’amendement n° 1930.

M. Christian Bataille. Les conditions dans lesquelles la loi de 1946 établissant le service public du gaz a été votée n’ont pas varié. Ce qui fait l’originalité du service public à la française par rapport certains pays européens où le service public n’existe pas toujours, c’est qu’il place le consommateur, je dirai même le citoyen, au cœur du système, faisant ainsi du service public un lieu de citoyenneté. GDF n’est pas une entreprise comme les autres, ce n’est pas un simple marchand. Le gaz est un bien essentiel, distribué par une entreprise publique dans le cadre d’une citoyenneté. Les associations de consommateurs ont fait part de leurs inquiétudes quant à vos funestes projets eu égard au service public. Ce sont des interlocutrices qu’il faut prendre en considération.

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez même pas nous dire avoir rencontré les associations de consommateurs, en tout cas on n’en a pas entendu parler. Je regrette que vous ne l’ayez pas fait, mais il n’est pas trop tard. Ce texte a été examiné dans la précipitation, les conditions d’un examen serein n’ont pas été requises. Sans vouloir substituer l’avis d’organisations extérieures à la légitimité de la représentation nationale, il faut demander l’avis des associations de consommateurs. Cela permettrait à notre assemblée de juger sereinement du bien-fondé de vos propositions.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 1931.

M. Jean Gaubert. Monsieur le rapporteur, Christian Bataille exagère car vous avez rencontré au moins une association de consommateurs, l’association des consommateurs industriels, qui se plaignent des effets de la première libéralisation.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ah, la loi de 2000 !

M. Jean Gaubert. On peut en parler, si vous le souhaitez, mais je vous préviens que cela prendra plus de cinq minutes !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous êtes gênés !

M. Jean Gaubert. Les chantres du système libéral, qui pensaient que libéralisation voulait dire baisse des prix, ont découvert qu’elle pouvait aussi engendrer des hausses de prix. Monsieur le ministre, je ne parle pas ici du prix du gaz dont l’augmentation est liée au prix d’achat du gaz, mais de l’électricité. Il faudra leur expliquer les fondements du système libéral. Nous y reviendrons ultérieurement.

Quoi qu’il en soit, si les associations avaient été associées à ce débat, je suis persuadé qu’elles auraient appelé le Gouvernement à la plus grande prudence et qu’elles vous auraient demandé de tempérer vos ardeurs libérales et de garder la haute main sur les tarifs de l’énergie. Vous n’avez pas voulu les rencontrer car vous savez que c’est ce qu’elles vous auraient demandé. Mais vous ne perdez rien pour attendre.

Monsieur le rapporteur, je vous vois vous délecter à l’avance de la réponse que vous ferez, et moi-même je me délecte de celle que j’y apporterai. Bref, nous avons de beaux échanges devant nous !

Si les associations de consommateurs avaient été associées à ce projet, elles auraient appelé votre attention sur les dérives qu’il contient.

M. le président. Je constate que M. Ducout n’est pas présent pour soutenir l’amendement n° 1932.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 1933.

M. François Brottes. Nous souhaitons que toute évolution du service public de l’énergie se fasse en concertation avec les associations représentatives des consommateurs.

Le rapporteur, qui ne manque ni de talent ni parfois de suffisance,…

M. Jean Gaubert. C’est mieux de dire qu’il est suffisant qu’insuffisant !

M. François Brottes. …va nous répondre que cette disposition figure déjà dans les lois précédentes. Mais je le répète aux consommateurs qui sont nombreux à suivre nos débats, désormais ce ne seront plus, comme cela était inscrit dans le marbre de la loi de 2005, des entreprises publiques nationales qui géreront ces missions de service public, mais des entreprises privées, d’abord Gaz de France, demain EDF. La loi doit donc donner des garanties.

M. Loos nous dit que le Gouvernement a reçu tous les syndicats. Mais lorsque je lui rappelle qu’ils sont tous opposés à la privatisation, il me répond que l’on n’a pas parlé de cela ! Il est vrai que si l’on convie des gens à participer à une concertation pour leur parler d’autre chose que de ce dont il s’agit, on aura du mal à aboutir à une écoute réciproque susceptible de déboucher sur un accord ou un minimum de compréhension. Si l’on traite les consommateurs comme on a traité les salariés, je comprends que les premiers soient très inquiets.

Certes, on parle beaucoup de vos projets de class action

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En français, on appelle cela « action de groupe ».

M. François Brottes. …qui permettraient aux consommateurs de rassembler leurs énergies pour mettre à mal une disposition qui pénalise les usagers et les consommateurs, mais vous n’êtes toujours pas au rendez-vous.

Cet amendement vise donc à permettre aux associations de se prononcer en amont de toute décision sur l’évolution du service public. Et cette évolution est bien au rendez-vous puisque vous vous apprêtez à privatiser l’un des fleurons des entreprises publiques qui gère les missions de service public de l’énergie dans ce pays.

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l’amendement n° 1934.

M. David Habib. Je ne comprends pas ce qui conduirait la majorité à rejeter cet amendement, car nous sommes dans la logique de la loi de 1946 et de la loi d’orientation de 2005. Nous essayons d’inscrire dans la loi une réalité économique et industrielle à laquelle peu d’entreprises peuvent échapper, celle qui consiste à concevoir l’évolution industrielle et l’évolution du périmètre économique sans concertation avec les associations représentatives des consommateurs. Mais vous vous opposez à cette nécessité au motif qu’elle serait redondante avec des textes qui ont déjà été votés.

Nous avons ici l’expérience de votre capacité à renoncer à incarner la rupture législative et à renoncer à des textes que vous avez vous-mêmes fait adopter. Nous sommes pourtant dans un domaine qui exige une mobilisation des Français, la facture énergétique des familles ayant augmenté de 200 euros l’an passé, toutes matières confondues. Quelle insolence y aurait-il à vouloir associer les associations de consommateurs aux évolutions de l’entreprise qui génèrent ces modifications tarifaires ? Y a-t-il vraiment quelque chose de choquant à ce qu’elles participent aux réflexions de Gaz de France sur la notion d’équité territoriale des prix, l’évolution des technologies, l’approvisionnement ou la protection de notre environnement ? Il est nécessaire que l’ensemble des usagers de Gaz de France soient étroitement associés à son destin. Renoncer à ce principe de concertation me paraît inacceptable. Il faudra que vous vous en expliquiez devant le pays.

Nous ne demandons pas qu’il soit obligatoire d’envisager les évolutions en accord avec les associations de protection des consommateurs, nous disons simplement qu’il est nécessaire d’adopter un profil plus participatif et de le faire en concertation.

Cet amendement raisonnable permettrait à l’ensemble des partenaires de Gaz de France de voir ces évolutions intervenir de la façon la plus réaliste et la plus correcte possible. En refusant ce que le groupe socialiste vous suggère, vous persisteriez dans une posture idéologue et doctrinaire. Il est surprenant qu’en 2006 vous changiez complètement de doctrine en la matière.

M. le président. Les amendements nos 1935 et 1936 sont-ils défendus ?

M. François Brottes. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron, pour soutenir l’amendement n° 1937.

M. Jean-Marie Aubron. Ignorer les consommateurs, après les représentants du personnel, c’est ignorer ceux qui payent, et c’est aussi ignorer les plus faibles, ceux qui voient évoluer malheureusement les coûts dans tous les domaines et qui consacrent une bonne part de leurs ressources à se chauffer et à s’éclairer. Il serait pourtant juste de tenir compte de leur avis, ils doivent pouvoir être écoutés. Pourquoi dénier à des citoyens qui votent les responsabilités qu’ils sont de taille à assumer ? Vous faites fausse route en estimant qu’il faut éloigner les consommateurs, en ne leur laissant pas leur place. Nos représentants proches du peuple doivent aussi être présents dans les débats.

M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. Je constate que MM. Balligand, Bascou, Besson et Bono ne sont pas présents pour défendre leurs amendements identiques.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1942.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le soutenir.

M. Bruno Le Roux. « Toute évolution du service public de l’énergie se fait en concertation avec les personnels » : tel est le texte de notre amendement.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non ! Cela, c’est le texte de l’amendement précédent !

M. Bruno Le Roux. La question des associations représentatives de consommateurs est liée à celle des personnels…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Cette incapacité à suivre les débats est pénible !

M. Bruno Le Roux. …parce que la réponse que vous nous ferez, monsieur le rapporteur, sera la même à propos des associations représentatives de consommateurs que celle que vous nous avez faite à propos de l’amendement précédent : à savoir que la disparition du service public de l’énergie ne requiert ni concertation avec les personnels ni concertation avec les associations représentatives des consommateurs. Selon vous, nul besoin de concertation ni de débat quand il s’agit de faire disparaître le service public de l’énergie !

Je tiens à me faire l’écho de l’inquiétude, que nous avons pu percevoir ce week-end sur les marchés, lorsque nous sommes allés distribuer aux citoyens consommateurs des documents les informant de ce qui se passera une fois que Gaz de France aura été privatisé. Deux déclarations sont principalement en cause, non de M. Sarkozy, mais de M. Mestrallet. Celui-ci, il y a quelques semaines, a d’abord affirmé que s’il avait été aux côtés des actionnaires privés de Gaz de France, il aurait exigé une hausse plus importante des prix du gaz, ce qui n’est guère rassurant pour les consommateurs, et leurs associations, qui ont déjà assisté à une augmentation de 30 % de la facture du gaz ces dix-huit derniers mois, alors que l’État est toujours majoritaire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’augmentation a été de 34 % en 2000 !

M. Bruno Le Roux. La seconde déclaration de M. Mestrallet que je tiens à citer lèverait, s’il en était encore besoin, le voile, en plein débat parlementaire, sur la principale motivation de la privatisation de Gaz de France : il déclarait il y a quelques jours que le prix du gaz ne doit pas pénaliser les actionnaires. Cette fusion – cette déclaration le révèle –, loin d’être dans l’intérêt des citoyens consommateurs, n’est donc destinée qu'à satisfaire les actionnaires !

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons, avant de démanteler le service public de l’énergie, d’engager un véritable débat avec les Français. Vous le savez bien : ce que nous vous demandons de la part des personnels, des associations de consommateurs et des forces syndicales, c’est de renvoyer le débat sur le démantèlement du service public de l’énergie à la prochaine élection présidentielle, pour qu’il soit tranché directement par les citoyens consommateurs, c'est-à-dire par le peuple français.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. le président. Je constate que Mme Darciaux, MM. Dehoux, Dosé, Dumas, Dumont et Emmanuelli, Mmes Gaillard et Génisson, MM. Gorce, Gouriou, Jung et Lambert ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1956.

La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.

M. Jean Launay. Cet amendement, monsieur le président, pose deux questions fondamentales : celle du prix et celle des conditions de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et du gaz pour les particuliers à compter du 1er juillet 2007. Si nous souhaitons, au travers de cet amendement, évoquer la question de la concertation avec les associations représentatives des consommateurs, c’est bien parce qu’à partir de cette date les particuliers pourront abandonner les tarifs administrés du gaz et de l’électricité pour acheter leur énergie au prix du marché à l’opérateur de leur choix. Or je doute qu’à ce jour les consommateurs comprennent bien ce qui les attend, les élus des communes eux-mêmes s’interrogeant à l’heure actuelle sur une telle possibilité. En effet il convient de rappeler que les particuliers qui opteront pour la concurrence n’auront pas la possibilité de retourner au tarif administré, sauf en cas de déménagement.

C’est pour moi, comme pour Jean Gaubert précédemment, l’occasion de revenir sur les conséquences de cette ouverture pour les entreprises. Le président de la CGPME lui-même, dans un communiqué du 28 août, a déclaré qu’il souhaitait que les PME aient la possibilité de revenir aux tarifs réglementés afin d’échapper à la pression tarifaire imposée par les fournisseurs d’énergie. Les entreprises dénoncent du reste les pratiques anticoncurrentielles de leurs fournisseurs d’énergie et leur préoccupation a été reprise par le président de la commission des finances, qui a récemment affirmé que les grands producteurs mettent le couteau sous la gorge des PME en leur imposant des clauses inacceptables.

Vous nous répondez que l’ouverture du marché, en raison de la concurrence, conduira à une baisse des prix : nous en doutons ! Si l’État devenait minoritaire dans le capital de Gaz de France, il lui serait en effet plus difficile de contenir l’appétit des actionnaires. En ouvrant le secteur de l’énergie à la concurrence, le Gouvernement accepte que le prix du marché puisse devenir la référence sur laquelle s’aligneront les tarifs réglementés.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît primordial d’introduire dans le texte la concertation avec les associations représentatives des consommateurs, ce qui suscitera le débat le plus large et la réflexion collective la plus utile possible aux habitants de notre pays. Tel est l’objet de ces amendements identiques.

M. le président. Je constate que Mme Lebranchu, M. Nayrou et Mme Saugues ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

J’appelle maintenant l’amendement n° 1960.

La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour le soutenir.

M. Philippe Tourtelier. Je souhaite revenir sur la remarque de Jean-Marie Aubron, relative au rapport existant, à l’intérieur de la même personne, entre le consommateur et le citoyen.

Monsieur le rapporteur, nos conceptions de la politique diffèrent : en effet, ce n’est pas s’éloigner du sujet que de noter que vous vous inscrivez dans la logique de la démocratie des sondages, c'est-à-dire dans une vision à court terme. Vous croyez qu’il suffit de marteler quelques contrevérités pour que nos concitoyens deviennent favorables à votre projet et que celui-ci finisse par passer. Certes, La Tribune titrait, le 4 septembre dernier, que 53 % des Français étaient favorables au mariage de Gaz de France avec Suez et vous avez alors dû penser que « c’était gagné », mais il fallait lire l’article : « Sans doute les interviewés ont-ils été sensibles à l’argument des deux groupes qui était rappelé dans l’énoncé de la question : ce mariage vise à approvisionner la France en gaz à moindre coût ». Mais cela n’est nullement démontré ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Si on avait posé la question : « Êtes-vous opposé au mariage Suez-GDF qui fera augmenter les prix ? », je suis certain du résultat ! Voilà ce qu’est la démocratie du sondage !

Nous nous inscrivons, quant à nous, dans la logique de la démocratie représentative et participative : représentative, parce que nous sommes les représentants de la nation au Parlement, et participative, parce que nous nous appuyons sur les corps intermédiaires, notamment les syndicats et les associations de consommateurs – les amendements identiques précédents et les amendements présents sont là pour en témoigner.

Mercredi dernier, j’ai participé à un débat sur le prix de l’électricité : des collègues de toutes tendances étaient présents à ce repas. Le représentant de l’UFC – Union française des consommateurs – s’est résolument prononcé contre votre projet, mais vous ne l’avez pas consulté officiellement. Son argument principal, vous le connaissez aussi bien que nous, c’est la fragilité du tarif régulé. À terme, le prix de celui-ci sera fixé par les actionnaires privés alors que, selon vos propres termes, monsieur le ministre, ils sont « gourmands » : n’avez-vous pas en effet déclaré que les actionnaires de Suez ne devaient pas être « trop gourmands » ? C’est donc qu’ils sont gourmands ! Ils ne se contenteront donc pas d’un taux de rentabilité de 8 %, mais ils voudront 15 %, voire 20 %, comme ceux de Total.

Il s’agit donc bien d’une question de démocratie : il faut consulter les associations de consommateurs sur le prix du gaz.

M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. Je constate que M. Vergnier n’est pas présent pour soutenir son amendement identique.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements qui viennent d’être défendus ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

En fin de journée, chacun peut le constater, les mauvais penchants l’emportent : des mots, des mots, encore des mots ! « Citoyens », « démocratie participative », que sais-je encore ?

Je me contenterai de relever l’expression « consommateurs citoyens » : comprenez-vous-en vraiment la portée ? Non seulement, par ces mots, vous excluez tous ceux qui ne sont pas citoyens, c'est-à-dire de nationalité française, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Launay. Quelle mauvaise foi !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est vrai ! C’est du racisme !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …mais encore, dans la mesure où il n’existe ni entreprises ni professions « citoyennes », vous excluez des pans entiers du consumérisme.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ils se gargarisent !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et cela, dans le seul but de noircir des pages entières du Journal officiel, pour donner l’illusion que vous avez quelque chose à dire sur tous ces sujets. En réalité, c’est un rideau de fumée. Et nous allons devoir vous entendre encore ainsi durant des heures et des heures !

Si vous vous intéressiez vraiment aux consommateurs démunis, pourquoi n’avoir pas mis en application certaines résolutions contenues dans la loi ? Vous avez ainsi créé le tarif social de l’électricité dans la loi de 2000,…

M. Christian Bataille. Cela fait cinq fois que vous le rappelez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …mais le Gouvernement que vous souteniez alors n’a jamais pris le décret permettant d’appliquer cette disposition. Il a fallu attendre le retour de l’actuelle majorité au pouvoir pour que le décret soit publié.

Vous affirmez également que le projet de loi ignore les associations représentatives de consommateurs. Je souhaite vous rappeler que les consommateurs siègent au Conseil supérieur de l’énergie, que j’ai l’honneur de présider. Sa composition a été modifiée par la loi de 2005, dont le rapporteur était Serge Poignant. La place des associations de consommateurs y a été redéfinie et confirmée et je peux témoigner qu’elles jouent tout leur rôle dans les débats que nous menons sur les dispositifs réglementaires relatifs à l’énergie – le gaz comme l’électricité.

Lorsque le ministre m’a chargé de présider un groupe de travail, dont les membres sont issus pour la plupart du Conseil supérieur de l’énergie, visant à examiner les dispositions qu’il convenait de prendre dans le cadre de l’élargissement des marchés de l’énergie et de leur ouverture à l’ensemble des consommateurs, nous avons évidemment invité les organisations de consommateurs à exprimer leur point de vue, ce qu’elles ont fait – mais comment pourriez-vous le savoir puisque vous ignorez même qu’elles ont été parties prenantes dans cette réflexion et qu’elles ont produit des contributions qui nous ont, je me tourne vers vous, monsieur le ministre, beaucoup aidé. Le projet de loi qui a été élaboré par le Gouvernement a pris en compte, sur de nombreux points, les observations ou les suggestions que ces associations ont faites.

Enfin, lorsque j’ai préparé le travail de la commission, j’ai longuement reçu toutes les organisations de consommateurs, comme cela figure dans le rapport que j’ai rédigé, qui a été publié la semaine dernière et que manifestement vous n’avez pas lu, ce qui explique vos affirmations qui, pour beaucoup, sont gratuites et fausses.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais si, ils l’ont lu !

M. Christian Bataille. C’est même notre Bible !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je suis très honoré d’une telle comparaison, monsieur Bataille !

M. Christian Bataille. C’est plus exactement celle que vous avez écrite, ce n’est pas la nôtre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Alors même que le texte qui a été présenté au conseil des ministres – il convient d’en rendre hommage au Gouvernement – ouvre déjà une large part à la protection des consommateurs, votre rapporteur, qui a été suivi par la commission, a proposé des amendements visant à renforcer encore cette protection. M. Brottes a d’ailleurs reconnu en commission quelque mérite au travail du rapporteur, en déclarant que certaines de mes propositions allaient dans le bon sens. Je l’en remercie.

Mais aujourd'hui vous l’avez d’autant plus oublié que vous n’avez pas vraiment regardé le texte. Vos déclarations visent de fait d’autres publics que celui qui est présent dans l’hémicycle.

M. François Hollande. Cela vaut mieux, en effet !

M. Christian Bataille. Et ceux auxquels nous nous adressons sont bien plus nombreux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est pourquoi vous continuerez à asséner un certain nombre de contrevérités.

Pour conclure, je souhaite simplement rappeler à mes collègues qui siègent au centre et à la droite de l’hémicycle que nous entretenons avec les organisations de consommateurs un lien étroit. Je le répète : nous les avons écoutées durant la période qui a présidé à l’élaboration du projet de loi et repris un bon nombre de leurs suggestions, notamment en ce qui concerne un dispositif, auquel elles ont pris une part active, et sur lequel nous reviendrons à l’article 4, relatif aux conditions d’accès aux tarifs réglementés, notamment pour les consommateurs finals domestiques : ce dispositif vise à déterminer l’accès au tarif réglementé sur la base du couple personne/site.

Mes chers collègues de l’opposition – je me tourne de nouveau vers vous –, ne pas reconnaître cette part active prise par les associations de consommateurs dans l’élaboration du texte est affligeant.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est triste, en effet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

L’opposition, là encore, n’a fait que poser trente-deux fois la même question. C’est pourquoi je me contenterai de répéter ce qu'a déjà rappelé le rapporteur, à savoir que le Gouvernement n’est absolument pas défavorable à la concertation avec les corps intermédiaires, notamment les associations de consommateurs, bien au contraire ! Nous avons même souhaité, avec la mise en place du Conseil supérieur de l’énergie – CSE –, que puisse y siéger l’ensemble des associations qui ont leur mot à dire en la matière – les organisations syndicales, les associations de consommateurs ou les acteurs du monde de l’énergie –, et qu’ils s’y expriment de façon paritaire. La consultation du CSE est du reste obligatoire pour tous les textes réglementant le secteur de l’énergie.

Si donc le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements identiques, c’est qu’ils sont redondants par rapport aux dispositions législatives existantes.

M. Bruno Le Roux. Non pas redondants, mais contradictoires avec votre texte !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Contrairement à ce qu’annonçaient certains éditorialistes, nous avons lancé un débat de fond. Nos amendements permettent d’éclairer les Français sur l’intérêt ou la nocivité de la privatisation de Gaz de France et de démontrer, chers collègues de la majorité, que vous vous situez en contradiction, en rupture avec la loi-cadre sur l’énergie que vous avez votée il y a peu. Ce texte impliquait, en effet, que l’État maintienne et développe le service public par le maintien et le développement d’entreprises nationales. Or vous êtes en train de privatiser l’une d’elles, c’est-à-dire de trahir vos engagements !

En ce qui concerne les salariés, M. le ministre nous a indiqué les avoir reçus mais pour parler de tout autre chose que de la privatisation de Gaz de France – dont acte. M. le rapporteur, quant à lui, vient de nous dire qu’il était un homme « habité » du fait d’avoir reçu ici les consommateurs, là les syndicalistes. Certes il les a reçus, c’était au mois de juillet, mais il ne tient absolument pas compte de leurs observations.

Ainsi, si l’on trouve dans le texte quelques dispositions sur les tarifs, elles relèvent du bricolage et si j’ai reconnu, en commission, que M. le rapporteur avait fourni des efforts considérables, c’était aussitôt pour faire remarquer que ses propositions rappelaient la TVA sur la restauration. C’est-à-dire qu’il s’agissait de voter un dispositif inapplicable, les consommateurs se retrouvant dès lors Gros-Jean comme devant.

Or nous considérons la question des consommateurs comme centrale. On ne peut certes reprocher au président de Suez de déclarer que les prix du gaz ne doivent pas pénaliser les actionnaires ; sa préoccupation, légitime, est celle d’un chef d’entreprise privée, qui doit maintenir le niveau des dividendes. Par ailleurs, le président de la commission de régulation de l’énergie, chère à notre collègue Dionis du Séjour, est dans son rôle quand il affirme qu’il faut veiller à ce que les prix de l’énergie ne pénalisent pas les opérateurs entrant sur le marché et, à la rigueur, pourquoi ne pas prendre aussi en considération ces acteurs ?

M. Jean Dionis du Séjour. Cela s’appelle la concurrence.

M. François Brottes. Seulement, personne ne prend en compte les préoccupations des consommateurs, la forte baisse de leur pouvoir d’achat causée par la hausse du prix de l’énergie.

Je note d’ailleurs, au passage, que des ménages ne relèvent plus du tarif réglementé. Certains, qui habitent des logements sociaux, subissent de plein fouet la hausse des prix du marché et l’on ne peut qu’en constater les dégâts quand on observe l’évolution du montant des charges mois par mois. Cette question aussi est soulevée par nos concitoyens dans nos permanences et sur les marchés. En effet, ces ménages sont pénalisés lorsqu’il arrive que le réseau de chaleur qui les fournit est sorti du tarif réglementé, et que les loyers augmentent de 60 ou 80 euros, sous le prétexte de la hausse des prix de l’énergie. La question des consommateurs se trouve donc bien au cœur du débat sur cette privatisation par laquelle, je le répète, vous trahissez vos engagements.

En outre, monsieur le rapporteur, de grâce, s’agissant de la citoyenneté, sachez que, contrairement à vous, nous ne nous inscrivons pas dans une logique d’exclusion. Pour ce qui est des tarifs sociaux, vous n’allez tout de même pas servir de cache-sexe – pardonnez-moi l’expression – à votre majorité qui, lorsqu’elle était dans l’opposition, une opposition toujours bien à droite, c’est son choix, avait refusé de voter la loi instaurant le tarif social de l’électricité ! Certes, les décrets d’application ont tardé à être pris, mais il n’y avait pas malice lorsque les entreprises d’énergie restaient publiques à 100 %, comme c’était notre volonté. De surcroît, monsieur le rapporteur, vous qui connaissez bien ces dossiers, savez pertinemment qu’en attendant la publication du décret, des modalités de tarifs sociaux étaient déjà en vigueur dont certains démunis ont pu bénéficier. Il se trouve que ce n’étaient pas forcément les modalités prévues ensuite par le décret, mais des solutions existaient bel et bien. Aussi, je vous en prie, cessez d’instruire de faux procès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Il est toujours utile, monsieur le rapporteur, de revenir à votre prose dès lors qu’elle concerne les questions dont nous parlons. Le chapitre que je souhaite évoquer, signé par vous, s’intitule : « Protection des consommateurs ».

Vous avez donc rencontré ces derniers dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, afin que vous commettiez ce fameux bilan qui n’est d’ailleurs pas un bilan mais une compilation des analyses et états d’âme des différents acteurs du marché de l’énergie. Nulle part, en effet, et on vous le reproche parfois assez vertement, vous n’établissez de bilan réel puisque lorsque vous êtes confronté à une difficulté, vous la tournez en estimant qu’elle mérite un examen approfondi. Bigre, oui ! C’est avant de nous trouver ici pour discuter d’un tel texte de loi qu’il fallait approfondir le sujet !

Je vous lis : « Les organisations de consommateurs ont souligné l’importance qu’elles attachaient à la situation énergétique actuelle. L’évolution des prix fait peser une contrainte très lourde sur de nombreux ménages. Il est donc indispensable de tenter de proposer des solutions adaptées. Il ne saurait être question d’une dégradation du service public. En particulier, l’électricité est un bien indispensable à tous qui nécessite le maintien et le renforcement d’un service public de qualité. Par ailleurs, elles mettent en garde contre les risques de désoptimisation du système du fait de la mise en place de nouvelles pratiques. »

Or votre projet de loi aura l’effet inverse. M. Sirota, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, que j’ai rencontré au nom de mon groupe à plusieurs reprises venait m’expliquer à chaque fois qu’il était partisan de la fin des tarifs réglementés – inéluctable dans le système actuel.

M. Jean Gaubert. Eh oui !

M. Daniel Paul. Il n’est pas seul dans ce cas, même si le CRE, malgré le respect que j’ai pour la personne de M. Sirota dont je ne partage pas les opinions, est un organisme franco-français. La Commission européenne en effet ne tient pas un autre discours : « Ce sont les barrières à l’entrée sur le marché français, les tarifs réglementés, qui freinent le développement des concurrents ».

On l’a dit : ce ne sera pas par l’abaissement des prix, mais par l’augmentation des tarifs que se fera leur extinction. Et dans le fameux document de la Commission européenne, que j’ai consulté, en effet, fût-il expurgé et difficile à lire, il est bien écrit que les tarifs régulés sont « trop bas ».

J’étais fondé tout à l’heure à parler de marge brute négative. Il n’y a pas de secret en ces domaines. Un tarif comporte les coûts d’approvisionnement, éventuellement ceux des transformations, des transports, de la distribution, des amortissements liés aux infrastructures. Si l’on ajoute la rémunération des actionnaires, alors on passe du tarif au prix du marché. On passe dès lors de la protection du consommateur à celle de l’actionnaire. Aussi, tout en soutenant, bien sûr, la série d’amendements, et puisqu’il s’agit d’entendre les préoccupations des consommateurs, j’attire votre attention sur ce point : c’est du maintien des tarifs et non pas des prix qu’il doit être question.

M. Mestrallet défend ses actionnaires ; il est payé pour cela et probablement bien payé. Les députés de l’opposition, eux, et les communistes en particulier, défendent les citoyens les plus démunis de notre pays !

M. Éric Raoult. Nous aussi !

M. Daniel Paul. Or j’ai le sentiment que le Gouvernement est sur le point de faire le choix contraire, si ce n’est déjà fait : celui de défendre les actionnaires.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Il s’agit d’une explication de vote. Le groupe UMP ne votera pas cette série d’amendements pour la même raison que précédemment lorsqu’il était question du service public ou du personnel. Non que nous soyons opposés au service public, mais nous en avons une autre conception. Quant au personnel, il sera bien évidemment pris en compte et je ne vais pas rappeler les arguments fort bien exposés et par M. le rapporteur et par M. le ministre.

En ce qui concerne les consommateurs, si le projet de loi n’en fait pas une fin, vos propos m’amènent à considérer que vous n’avez pas lu le texte. En effet, il prévoit la possibilité de conserver les tarifs au 1er juillet 2007, disposition qui va bien dans le sens de la protection du consommateur puisqu’il pourra, s’il le juge plus avantageux, continuer de relever d’un tarif régulé.

Quant aux titres IV et V, c’est bien, également, de la protection du consommateur qu’il s’agit !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Serge Poignant. Il y est en effet question de nouvelles offres commerciales dont la lisibilité et la sécurité devront être précisées par le code de la consommation, c’est-à-dire par la loi ! Ne nous faites donc pas dire que nous ne nous soucions pas de la protection des consommateurs. Reste que le groupe UMP ne votera pas cette série d’amendements parce qu’elle nous fait un procès d’intention.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert pour une courte intervention. Je rappelle que nous étions convenus que seul un orateur par groupe pouvait s’exprimer. Nous devons tout de même avancer un peu.

M. Jean Gaubert. Je ne demande qu’à avancer, monsieur le président, encore faudrait-il que nous nous comprenions bien : la règle n’est-elle pas qu’un orateur puisse répondre à la commission et un autre au Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Serge Poignant. Ah non !

M. le président. Non, mon cher collègue, un orateur peut s’exprimer en faveur de l’amendement et un autre contre. Je déroge d’ailleurs à cette règle en laissant la parole à chaque groupe. Vous avez la parole.

M. Jean Gaubert. Quand on parle de concertation avec les consommateurs, il est utile de prendre connaissance du communiqué d’UFC-Que choisir du 7 septembre 2006. J’imagine que vous l’avez fait, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, à moins que le temps ne vous ait manqué. La première partie de ce communiqué rappelle les faits et l’on peut lire plus bas : « En l'absence de modification du texte, indépendamment de l'issue donnée au projet de fusion, et dès le 1er juillet 2007, le Gouvernement va lancer dans le mur des milliers, des centaines de milliers de consommateurs, car les marchés du gaz et de l'électricité dans lesquels se retrouveront enfermés ces consommateurs ne peuvent pas être concurrentiels à court et moyen terme. La libéralisation s'effectue dans le cadre d'un postulat qui aujourd'hui est faux : celui d'un marché où la concurrence peut jouer. » Soit vous les avez reçus et vous ne les avez pas écoutés, soit votre raisonnement est défaillant, monsieur le rapporteur.

Suivent deux paragraphes sur l’augmentation des tarifs de l’électricité, sujet que vous connaissez bien. Enfin, la conclusion : « Si d'aventure le projet de texte devait rester en l'état, le Gouvernement prendrait le risque de soumettre les ménages qui auront cru à tort aux vertus de la concurrence à une inflation intolérable de ces énergies indispensables, et au final de faire échouer sa propre réforme. » N’allez pas prétendre avoir tenu compte de cet avis ! Sans doute avez-vous un peu écouté les représentants des consommateurs et vous êtes-vous dit que puisque la pilule paraissait trop grosse, il suffisait d’en diminuer le diamètre tout en l’allongeant. C’est ce que vous proposez en lissant sur deux ou trois ans la hausse des tarifs pour les gros consommateurs comme pour les particuliers, le tarif régulé devant augmenter, on l’a dit, jusqu’à atteindre le niveau des prix du marché.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)