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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 12 septembre 2006

9e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Rappels au règlement

M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement fondé sur l’article 58, alinéa 1.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, j’aurais aimé que M. Breton soit présent. Je voulais en effet lui poser une question.

M. Jacques Godfrain. Le Gouvernement est là !

M. Georges Mothron. Il est très bien représenté : M. Loos est en séance.

M. le président. Posez votre question, on la lui transmettra.

M. Alain Bocquet. Ce matin, M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la main sur le cœur, nous a expliqué que ce dont nous discutions n’était pas implicitement la fusion entre GDF et Suez, mais que cela correspondait à l’esprit de ce qui avait été fait pour Air France : il s’agissait de donner les moyens à GDF de pouvoir procéder, demain, à des alliances avec quelque groupe que ce soit.

Or une dépêche de l’AFP nous a appris hier soir que le porte-parole du groupe Suez, interrogé sur le siège du futur groupe GDF-Suez indiquait qu’il « faisait partie des chantiers en cours », sans préciser les lieux envisagés. Chez Suez, on indique qu’il y aura évidemment des doublons au niveau des fonctions centrales, tout en rappelant – pour la forme – qu’il n’y aura aucun licenciement. Cette fusion – rappelons-le – concerne 2 000 personnes.

Depuis l’ouverture de ce débat, on nous parle de transparence, mais nous n’avons pas obtenu communication de l’intégralité de la lettre de grief de la Commission européenne. On nous dit que rien n’est fait en ce qui concerne la fusion envisagée pour Gaz de France et Suez, alors que les directions respectives de ces deux groupes étudient déjà l’installation d’un futur siège.

J’en conclus que l’on méprise totalement la représentation nationale. J’aimerais donc que l’on nous apporte des éclaircissements dans ce domaine, voire que le PDG du groupe GDF soit invité à venir devant nous exposer son point de vue sur le plan de mise en place de la fusion qui s’effectue dans notre dos. Les représentants du peuple que nous sommes ne peuvent être considérés comme de la piétaille, vous en conviendrez, monsieur le président.

Je demande une suspension de séance afin que le Gouvernement réfléchisse et réponde à la question très précise du futur siège de GDF-Suez. En l’occurrence, GDF ne correspond pas aux initiales de Geneviève de Fontenay. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit de l’entreprise Gaz de France. Il s’agit de l’avenir de l’énergie française.

M. le président. La demande de suspension est de droit. Cependant comme le Gouvernement réfléchit très rapidement, la séance ne sera suspendue que cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement fondé sur l’article 58, alinéa 1.

M. Alain Bocquet. Je veux ma réponse !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, nous sommes extrêmement troublés. Nous avançons dans l’examen des amendements, ce qui nous permet de clarifier un certain nombre de choses, mais nous avons le sentiment que le Gouvernement ne sait pas sur quoi nous délibérons : s’agit-il de la privatisation de Gaz de France ou de la privatisation plus la fusion ?

Il existe tellement d’incertitudes autour de la fusion que, finalement, on n’en parle plus. Elle figure pourtant en caractère gras dans l’exposé des motifs du projet de loi. Elle reste donc forcément au cœur du dispositif.

M. Loos a indiqué hier soir que la privatisation n’avait pas été évoquée avec les syndicats reçus. Ils ont parlé d’autres choses, peut-être du sexe des anges. (Sourires.) C’est troublant.

Nous n’avons obtenu de réponses ni sur les actifs cédés ni sur les cessions d’activités exigées par la Commission européenne. De ce fait, des pans entiers d’activité seront pénalisés en matière de services et d’emploi.

M. Bocquet vient d’évoquer les doublons. Chacun sait que un plus un ne font pas deux, mais un en l’occurrence. Des gains de productivité seront nécessaires pour distribuer plus de dividendes.

Nous voudrions donc savoir sur quoi nous délibérons.

La question se pose avec d’autant plus d’acuité que M. Cirelli, président de GDF, vient d’indiquer que l’entreprise avait obtenu une augmentation de 44 % de ses bénéfices sur la dernière période. C’est très bien ! Il affirme que le consommateur français s’y retrouve, puisque le prix du gaz est l’un des moins chers d’Europe. Je laisse les consommateurs apprécier cette affirmation à sa juste valeur, alors que les tarifs ont augmenté de 26 %.

À quoi est due cette augmentation de bénéfices ? On comprend parfaitement pourquoi elle a été réalisée. Il fallait présenter la future mariée GDF sous son meilleur jour et faire en sorte que le montant du cours de l’action augmente pour dégager des dividendes. Il s’agit là de mécanismes bien connus du libéralisme.

Comment des bénéfices ont-ils pu être dégagés, alors que l’on a pleuré misère, quelques jours auparavant, auprès des ministres de tutelles, en se plaignant de ne pas vendre assez cher et de ne pas parvenir à s’en sortir ? S’agit-il de gains de productivité ? La matière première a-t-elle pu être acquise à moindre coût ? Est-ce le résultat de la hausse de tarif appliquée aux consommateurs ? Nos concitoyens sont impatients de connaître les réponses. Un sondage récent montre que 12 % seulement des Français sont favorables à la privatisation.

J’attends du Gouvernement, dont le silence est éloquent, des réponses précises. En effet, lorsque l’on ne répond pas, c’est soit parce que l’on ne sait pas, soit parce que l’on n’est pas à l’aise.

M. le président. J’ai appris que le silence parlait de lui-même.

M. Roland Chassain. Le silence est d’or !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Monsieur le président Bocquet, monsieur Brottes, je répondrai d’abord aux questions générales que vous venez de poser.

Puisqu’il faut sans cesse répéter ce que nous avons déjà essayé d’exposer clairement depuis l’ouverture de ce débat, je vous confirme à nouveau que l’objet de la discussion engagée devant l’Assemblée nationale, c’est bien le texte du présent projet de loi.

M. Pierre Ducout. Et l’exposé des motifs ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Gaz de France et Suez ont annoncé, au début de l’année, leur souhait de se rapprocher.

M. François Brottes. C’est le Premier ministre qui l’a annoncé !

M. le ministre délégué à l’industrie. Or un tel rapprochement n’est envisageable que si l’on donne à Gaz de France de nouvelles possibilités de nouer des alliances avec des partenaires. C’est la raison pour laquelle Thierry Breton et moi-même avons évoqué à plusieurs reprises la situation de France Télécom.

En effet cette entreprise s’était trouvée dans une situation analogue quand elle a voulu s’associer avec Orange. À l’époque, le Gouvernement avait refusé d’ouvrir son capital, mais il lui avait conseillé de l’acheter en empruntant. Vous auriez pu imaginer une solution du même type : si Gaz de France veut travailler avec Suez, elle doit emprunter pour acheter Suez.

Cependant nous avons considéré que la priorité dans le secteur énergétique était aujourd’hui l’investissement, en France et ailleurs. Par conséquent, les entreprises doivent non pas emprunter pour acheter des actions, mais investir et rechercher des fusions afin de créer des opérateurs de taille plus grande sur le plan international.

C’est la raison pour laquelle le texte qui vous est soumis vise d’une part à transposer les directives, étape incontournable, d’autre part à autoriser l’État à réduire sa part de capital dans Gaz de France.

Le débat d’aujourd’hui porte exclusivement sur ces deux points.

M. Paul Giacobbi. Comment ? L’exposé des motifs dit expressément que le Gouvernement approuve le projet de fusion entre Gaz de France et Suez !

M. le ministre délégué à l’industrie. L’on peut imaginer que, au-delà du vote du texte, la possibilité offerte à Gaz de France pourra se traduire par son rapprochement avec Suez, rapprochement souhaité de longue date.

M. Paul Giacobbi. C’est l’objectif annoncé dans l’exposé des motifs !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous me demandez aujourd’hui de commenter des points qui concernent la gestion interne des deux entreprises. Cette question ne figure pas dans le projet de loi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !

M. Jean Gaubert. Il suffit de lire la presse !

M. Paul Giacobbi. C’est invraisemblable !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est une question intéressante, mais vous ne légiférerez pas sur des sujets concernant la gestion de ces entreprises. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Cohen. Pourquoi privatisez-vous GDF alors ?

M. Paul Giacobbi. Vous n’avez pas lu l’exposé des motifs !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce qui est du ressort de la loi est soumis à l’Assemblée nationale ; ce qui relève de la gestion des entreprises sera traité par elles ! Nous vous soumettons aujourd’hui le texte du projet de loi.

M. Jean-Marc Ayrault. Scandaleux !

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Bocquet a évoqué des discussions sur le choix d’un siège social de la future entité. La question est certes posée, mais ce n’est pas d’elle dont nous discutons aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Giacobbi. Cela ne nous concerne pas ? C’est incroyable !

M. le ministre délégué à l’industrie. Notre seule ambition est de donner à GDF la capacité d’investir et d’être un acteur international majeur dans le domaine énergétique.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Je m’exprime toujours au titre de l’article 58 du règlement ; je ne vais pas à nouveau faire appel à l’article 51.

Je note que M. le ministre Loos est en contradiction avec les propos tenus par Thierry Breton ici même ce matin.

M. Pierre Cohen. Eh oui !

M. Patrick Roy. Ils ne se connaissent pas !

M. Alain Bocquet. M. Breton nous a dit que la question posée n’est pas celle de la fusion GDF-Suez. Il s’agirait seulement de donner à GDF les outils nécessaires pour nouer des alliances avec qui elle veut.

M. Paul Giacobbi. L’exposé des motifs du projet de loi ne parle que de Suez !

M. Alain Bocquet. En fait vous vous livrez à un tour de passe-passe. Vous êtes très fort au jeu du bonneteau ! Vous nous expliquez que nous devons légiférer en dehors de toute réalité et ignorer les tractations qui ont lieu entre GDF et Suez. Mais, monsieur le ministre, tout est dans tout, et le reste est dans Télémaque ! (Sourires.)

Nous ne pouvons pas voter une loi en ignorant totalement ce qui est en train de se préparer depuis des mois entre deux groupes dont un groupe public, GDF.

Nous n’avons pas eu connaissance de la lettre de griefs et on refuse de nous informer sur ce qui se passe actuellement dans le cadre des tractations entre ces deux groupes. À quoi servons-nous ?

Vous avez beaucoup œuvré, monsieur le président Debré, pour que l’Assemblée nationale soit respectée, considérée, revalorisée. Or vous constaterez, comme moi, que le Gouvernement tient les députés pour des moins que rien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. David Habib. Exactement !

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Alain Bocquet. Nous avons la nette impression que nous discutons dans le vide et que tout se passe en coulisses.

C’est pourquoi je réitère la demande que j’ai formulée ce matin : pourriez-vous, monsieur le président – puisque nous sommes amenés à siéger quelques jours (Sourires)

M. Maurice Giro. Des mois !

M. Claude Gaillard. Des années !

M. Alain Bocquet. …user de votre autorité, reconnue par tous, pour organiser une séance de questions au Gouvernement afin que M. le Premier ministre et M. Sarkozy – qui, en son temps, tenait un autre langage sur GDF – éclairent la représentation nationale en répondant à toutes les questions posées. Ce serait une bonne façon de revaloriser l’Assemblée nationale.

Y a-t-il oui ou non, des tractations en cours au sujet du siège social du futur ensemble GDF-Suez ? Cela nous intéresse au premier chef. En effet ce n’est pas la même chose que de donner les moyens à GDF pour s’allier avec qui elle veut.

En éludant les questions vous contribuez vous-même à dévaloriser l’Assemblée nationale et le Parlement.

M. le président. Je vous remercie de votre contribution, monsieur Bocquet.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Chaque jour, voire chaque heure, qui passe depuis jeudi dernier, montre à quel point le Gouvernement est dans l’impasse et la confusion.

M. Jean Gaubert. Il est enlisé !

M. Jean-Marc Ayrault. La semaine dernière, le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, a clairement indiqué que nous étions convoqués en session extraordinaire pour débattre de la privatisation de Gaz de France.

M. Didier Migaud. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. Dimanche soir, à la télévision, M. Thierry Breton, dans un long monologue – les journalistes ayant eu beaucoup de mal à poser leurs questions – s’est situé sur la même ligne, en précisant que c’était bien la privatisation de Gaz de France qui était à l’ordre du jour et qu’ensuite, on verrait bien.

Alors, monsieur Loos, comment interpréter votre réponse à M. Brottes ? Il faudrait être un peu plus précis et sortir de la confusion car cette question intéresse tout le monde. Chaque heure qui passe, les Français se posent ces questions et pas seulement les salariés de Gaz de France ou d’EDF qui sont également concernés par les conséquences d’une telle privatisation et d’une alliance éventuelle avec un groupe qui constituerait une vraie concurrence interne.

Nous n’avons pas le monopole du patriotisme parce que nous sommes de gauche. Je constate que des hommes et des femmes qui siègent sur les bancs de la majorité se posent les mêmes questions, comme du reste beaucoup de Français.

Ne sommes-nous pas en train de nous engager dans une fuite en avant à l’issue de laquelle, demain, l’État, la nation française n’auraient plus aucun levier d’action sur une politique énergétique en termes d’approvisionnement, de distribution, de maîtrise et de régulation des prix ?

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Arnaud Lepercq. Nous sommes contre les monopoles !

M. Jean-Marc Ayrault. La question n’est pas mineure. Vous ne pouvez pas improviser des réponses incomplètes comme vous l’avez fait il y a encore quelques instants.

Vous ne répondez pas à une question simple : s’agit-il de débattre de la privatisation de Gaz de France ou d’une simple adaptation de la structure de son capital pour lui permettre de conclure d’hypothétiques alliances dont on ne connaît ni le format ni les conditions ? Dites-le nous clairement.

Que lit-on dans l’exposé des motifs ? « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel porteur de croissance et d’investissements qui suppose la fusion de ces deux entreprises. Le Gouvernement français a indiqué qu’il apportait son soutien à ce projet et présente donc au Parlement les dispositions législatives permettant sa mise en œuvre. »

Vous avez éludé dans votre réponse ce qui figure noir sur blanc dans l’exposé des motifs ! Dans ces conditions, nous ne pouvons poursuivre nos débats sans que vous disiez clairement pourquoi nous sommes réunis à l’Assemblée nationale.

J’en viens aux bénéfices de Gaz de France.

Ceux-ci tombent peut-être bien pour les négociations entre actionnaires de GDF, mais tout le monde s’interroge. Pourquoi ces bénéfices ? Ils sont essentiellement dus à la forte augmentation des prix. Du reste, le président Cirelli ne s’en contente pas puisqu’il est venu vous voir à plusieurs reprises pour demander que les prix augmentent davantage. Quant à Gérard Mestrallet, actuel PDG de Suez, il a, après l’annonce du projet de fusion par le Premier ministre le 25 février dernier, déclaré qu’il aurait été aux côtés des actionnaires de GDF autres que l’État pour exiger une hausse plus importante du prix du gaz lors des précédentes négociations.

Nous sommes au cœur du sujet : l’intérêt national et l’intérêt des consommateurs et des citoyens français, à court terme, et l’intérêt du pays à long terme. À cette question, monsieur le ministre, vous devez nous répondre et nous ne cesserons de vous la poser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons poursuivre…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et la réponse du ministre ?

M. le président. Tant que le ministre ne m’a pas fait savoir qu’il voulait parler et malgré tout mon désir, monsieur Bocquet, de faire en sorte que le Parlement soit considéré, je ne peux obliger un ministre à s’exprimer.

Puisqu’il vient de m’indiquer qu’il souhaitait répondre, je lui donne la parole.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne laisserai pas dire que nous refusons la discussion. Depuis le début, nous faisons preuve d’une volonté de débattre sur tous les sujets : nous l’avons montré avec les cent et quelque premiers amendements qui ont été examinés hier et ce matin.

À la question de M. Brottes, reprise par M. Ayrault, sur les résultats de GDF au semestre précédent, je réponds que l’on ne peut que se féliciter d’une augmentation de 300 millions d’euros de la branche exploration-production et de 200 millions d’euros du secteur achats-ventes. C’est-à-dire que les activités internationales comme l’exploration-production et pour lesquelles nous souhaitons que GDF ait la capacité d’augmenter sa part dans le marché mondial ainsi que les achats-ventes, enregistrent des résultats très intéressants.

M. François Brottes. Il faut remercier le consommateur car c’est lui qui a payé !

M. le ministre délégué à l’industrie. Comme vous le savez, nous avons créé, il y a quelques mois, au moment où Gaz de France souhaitait des augmentations de tarifs, une commission de trois experts qui a analysé très précisément les conditions dans lesquelles on pouvait répercuter la hausse des prix des matières premières sur les tarifs. Ces experts ont rendu un rapport dans lequel ils préconisaient une augmentation de 5,75 %. La CRE s’est proposée de reprendre ce taux qui s’est traduit en effet par une augmentation des tarifs. Je vous rappelle qu’en d’autres temps, lorsque vos amis étaient au gouvernement, vous aviez procédé à une augmentation des tarifs de 30 % en une seule année !

M. Serge Poignant. Tout à fait !

M. Arnaud Lepercq. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’industrie. Sur ces questions, nous avons toujours été transparents comme d’ailleurs sur toutes les autres.

Enfin, s’agissant de la fusion Suez-GDF, je persiste et signe : ce dont votre assemblée a à délibèrer, c’est du projet de loi qui lui est soumis.

M. Jean-Marc Ayrault. Soyez précis !

M. le ministre délégué à l’industrie. Laissez-moi vous expliquer avant de me faire le procès de ne pas être précis. Imaginez une seconde qu’il soit inscrit dans un texte que GDF doit fusionner avec Suez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Giacobbi. C’est inscrit noir sur blanc !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Seulement dans l’exposé des motifs, qui n’est pas soumis au vote !

M. le ministre délégué à l’industrie. Si une chose pareille était inscrite dans le texte…

M. Paul Giacobbi. Mais c’est le cas !

M. le président. Monsieur Giacobbi, ne vous énervez pas !

M. le ministre délégué à l’industrie. Tant que le texte n’est pas voté, ce n’est pas envisageable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si cela le devient, il y aura une négociation.

Comment en effet déterminer un prix sans qu’il y ait eu discussion ?

M. Paul Giacobbi. C’est écrit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous sommes obligés, par la nature des choses, de présenter d’abord ce projet de loi et ce n’est qu’après son vote que l’on pourra envisager une négociation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Mothron. Ils le savent bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. Une telle opération dépend des conditions dans lesquelles elle peut être menée à bien. Si les conditions ne sont pas bonnes, elle ne se fera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. J’ai bien écouté M. le ministre : selon lui, il faut un texte pour créer les conditions d’une éventuelle fusion de GDF avec une autre entreprise. Autrement dit, vous nous demandez de régulariser une situation de fait, à savoir que, depuis plusieurs mois, GDF et Suez travaillent à un projet de fusion, négociant jusqu’au choix d’un siège social commun. Le législateur, auquel il revient d’anticiper, est ainsi mis en position d’adapter la loi aux desiderata de deux groupes industriels, l’un public, l’autre privé. Est-ce conforme à l’idée que nous nous faisons de la République ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En nous faisant délibérer sous la pression des lobbies et des intérêts privés des actionnaires, on nous considère en fait comme de la piétaille et ce n’est pas acceptable. Le propre d’un député est de délibérer en toute conscience, en fonction de l’intérêt national pour une maîtrise publique de l’énergie et non en fonction des dividendes qu’escomptent les uns et les autres.

Monsieur le ministre, vous venez clairement de nous expliquer que les textes en vigueur ne permettant pas la fusion en cours, il est nécessaire de faire une loi, vite fait bien fait, en évitant les débats superflus.

M. Jean-Marc Nudant. Pour le superflu nous avons vu la semaine dernière.

M. Alain Bocquet. Pardonnez-moi mais ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la République citoyenne et de l’Assemblée nationale, que notre président, avec beaucoup d’efforts, veut revaloriser. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour une fois qu’on dit du bien de moi, ne vous exclamez pas !

M. Yves Nicolin. Nous redoutons les baisers mortels !

M. le président. Je profite de ce moment privilégié avant de donner la parole, pour un rappel au règlement, à M. François Brottes, qui sera sans doute moins enclin à faire mon éloge.

M. François Brottes. Détrompez-vous, monsieur le président, j’estime que la façon dont vous menez les débats cet après-midi nous permet d’avancer sur des questions importantes (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui appellent au demeurant des réponses claires.

M. le président. Monsieur Brottes, je partage votre avis : nous avançons car nous ne reculons pas trop !

M. François Brottes. Monsieur le ministre, il est indéniable que, sous d’autres majorités, le prix du gaz a augmenté lorsque le coût de la matière première a progressé puisque, en matière d’approvisionnement, nous sommes totalement dépendants du prix de vente fixé par les fournisseurs. Pour autant, et vous venez de l’expliquer, Gaz de France dégage des profits pour un bon nombre d’activités sans en faire bénéficier les consommateurs. C’est bien cela qui pose problème et c’est ce que nous vous reprochons. Il ne s’agit pas de critiquer les augmentations liées au prix de la matière première. Ne mélangeons pas les deux sujets.

M. Hervé Mariton. Il faut investir pour l’avenir !

M. François Brottes. Passons maintenant aux motivations du projet.

Je comprends bien que ceux qui suivent nos débats n’ont pas forcément lu l’exposé des motifs, préalable à toute délibération. Or il y est indiqué : « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel qui suppose la fusion de ces deux entreprises. Le Gouvernement français a indiqué qu’il apportait son soutien à ce projet. ». Jusque-là, voilà qui ressemble à une hypothèse de travail, la seule, au demeurant, qui soit énoncée ici : aucune alternative concernant d’autres partenaires et/ou d’autres modalités d’alliance n’est évoquée alors que, bien évidemment, d’autres scenarii sont possibles.

Cependant les choses changent avec la phrase suivante : « La fusion de ces deux entreprises conduit mécaniquement l’État à se diluer dans le nouvel ensemble, alors même qu’il ne cède aucun titre ». Passez-moi l’expression, mais les carottes sont cuites : la décision est prise ; vous passez à la dilution, une dilution sans conditions, monsieur le ministre, et c’est bien ce que nous vous reprochons. Nous ne connaissons pas les actifs que GDF devra céder ni les conséquences sur l’emploi et les prix que cela aura. Nous ignorons s’il y aura une parité entre les actions des deux entreprises.

Tout cela n’est pas acceptable. Il nous faut des précisions sur les modalités de fusion entre les deux entreprises : ceux qui sont favorables au projet doivent au moins savoir pourquoi ils le votent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion des articles (Suite)

M. le président. Nous reprenons l’examen des articles du projet de loi.

Avant l’article 1er

M. le président. L’Assemblée s’est arrêtée ce matin à l’examen de l’amendement n° 2238, dans la série des amendements identiques nos 2211 à 2243.

Je constate que Mme Lebranchu, M. Nayrou, Mme Saugues, M. Tourtelier ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

La parole est à M. Michel Vergnier, pour défendre l’amendement n° 2243.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, il est un principe auquel nous sommes très attachés, sur tous les bancs de cette assemblée : celui de l’égalité des territoires. Or, dans les territoires ruraux notamment, nous avons plutôt l’impression, depuis bientôt cinq ans, que nous devons être égaux pour deux. Pourtant, nous savons que le service public, dans les domaines les plus importants de la vie, est le seul garant de l’égalité entre les citoyens.

Chaque privatisation a accentué les inégalités entre territoires ; j’y reviendrai à propos d’un autre amendement. La raison en est simple : dès que l’on applique le principe de rentabilité, ce sont toujours les plus fragiles qui en paient les conséquences, qu’il s’agisse des citoyens ou des entreprises. Cela entraîne invariablement les collectivités territoriales à venir au secours du développement. Pourtant, c’est souvent dans nos territoires qu’on trouve les actions les plus innovantes, en matière de développement durable et d’économies d’énergie en particulier. Et si ce n’était plus le cas, les tentatives de délocalisation, qui sont fortes aujourd’hui, ne feraient que s’intensifier.

Cette libéralisation aura des effets désastreux pour l’ensemble de nos territoires. Pourtant, à aucun moment, vous ne prévoyez la possibilité pour les acteurs de se faire entendre. L’amendement que je soutiens ne vous fera pas changer d’avis sur le fond, monsieur le ministre, j’en suis bien conscient, mais nous aimerions vous convaincre de minimiser les conséquences de cette opération en permettant aux usagers de donner leur avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2211 à 2243.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 2244 à 2276.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 2244.

M. Jean Gaubert. Il est nécessaire de rappeler un certain nombre d’évidences.

D’abord, l’efficacité du service public est un impératif. Je sais qu’on nous a accusés de ne pas y avoir été attentifs. Nous sommes pourtant convaincus que les gains de productivité, la modernisation, l’investissement sont des nécessités pour permettre au service public d’avancer. Les deux services publics de l’énergie, EDF et GDF, l’ont bien compris depuis soixante ans.

Néanmoins nous estimons aussi que cela ne doit pas se faire au détriment de la cohésion sociale. Or l’augmentation des prix est opérée sur le dos du consommateur, parfois sans justification. En effet comment justifier que GDF, société anonyme, réalise de tels bénéfices et que son président considère qu’il en faudrait davantage encore ?

Vous me répondrez qu’il existe un tarif social, mais ce dernier ne concerne que les bénéficiaires des minima sociaux. Tous nos concitoyens dont les salaires sont très faibles ou inexistants voient augmenter mois après mois leurs factures d’énergie et ils les verront encore augmenter. J’ai cru comprendre, en effet, que les parlementaires de la majorité et le Gouvernement sont d’accord pour que le tarif général se rapproche du prix du marché, conformément aux préconisations de la CRE et de la Commission européenne.

Personne ici n’a osé dire que le prix de marché pourrait se stabiliser, voire diminuer dans les années à venir. L’incapacité qu’ont eue certains industriels à investir quand cela était nécessaire sur le marché des énergies fossiles et la raréfaction des offres en matière d’électricité conduiront sans doute à une tension sur ce marché pendant de longues années. Puisque le tarif devra se rapprocher du prix de marché, ceux de nos concitoyens qui ont de faibles revenus devront payer, outre l’essence pour se rendre à leur travail là où il n’y a pas de transports en commun, des factures de gaz et d’électricité qui auront fortement augmenté.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Et tout cela, non pour équilibrer le service, mais pour assurer des bénéfices aux actionnaires qui ne seront, de toute façon, jamais satisfaits.

Au final, les consommateurs se retrouveront devant les commissions de surendettement départementales ou auront recours au fonds d’aide aux impayés d’énergie auxquels EDF et GDF participent un peu.

La cohésion sociale sera donc mise à mal.

M. Francis Delattre. Vous ne savez pas ce qu’est la cohésion sociale !

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 2245.

M. François Brottes. Monsieur le président, si les amendements nos 2244 à 2276 sont identiques, nous les défendons de façon complémentaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J’avais pourtant trouvé M. Gaubert très complet !

M. François Brottes. Nous avons été tentés de ne pas défendre les présents amendements qui disposent que « la recherche de l’efficacité du service public de l’énergie ne peut s’éloigner des objectifs de cohésion sociale auxquels il appartient à ce service de répondre », car ils sont très proches des amendements nos 1830 à 1862…

M. Georges Mothron. Ah ! Vous vous en êtes aperçu !

M. François Brottes. …qui ont été rejetés hier et qui prévoyaient : « Le service public de l’énergie est un moyen privilégié pour la France d’atteindre l’objectif de cohésion économique et sociale qui est le sien. »

Pourquoi insistons-nous sur ce point ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Oui pourquoi ?

M. Jean-Marc Nudant. Arrêtez la musique !

M. François Brottes. Hier, lorsque nous avons parlé de cohésion sociale, M. Lenoir…

M. Georges Mothron. Excellent rapporteur !

M. François Brottes. …nous a pris en quelque sorte pour des « rigolos ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certes, il ne la pas dit comme cela !

M. Michel Vergnier. Il ne nous a pas traités de rigolos, mais il l’a pensé tellement fort que cela revient au même !

M. François Brottes. Il nous a répondu que ce que nous demandions se trouvait déjà dans la loi d’orientation sur l’énergie.

M. Lenoir, avec une application qui caractérise sa manière de travailler, s’est employé à lire l’article 1er de la loi d’orientation sur l’énergie qui a été promulguée le 14 juillet 2005, soit six mois avant que la majorité décide de privatiser Gaz de France.

À mon tour de vous lire le premier paragraphe de cet article auquel nous n’avions pas alors prêté toute l’attention nécessaire : « La politique énergétique repose sur un service public de l’énergie qui garantit l’indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d’entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique ». Aujourd’hui, il y a trahison puisqu’en privatisant une entreprise publique nationale, vous allez à l’encontre d’une décision que vous avez prise il y a peu.

Étant donné que vous êtes en train de dilapider l’un des outils que vous considériez à l’époque comme indispensable pour apporter cette garantie de service public de l’énergie, il nous paraît légitime d’enfoncer le clou pour pouvoir renforcer les missions de cohésion sociale du service public de l’énergie.

Il s’agit du troisième reniement, après ceux de M. Sarkozy qui affirmait qu’on ne descendrait pas en dessous de 70 % – on voit bien ce que cela donne – et que le régime des retraites des industries électriques et gazières ne changerait pas ; or M. Fillon a dit le contraire ce matin.

Monsieur le président, vous pouvez constater que je ne répète pas les arguments qui viennent d’être développés par M. Gaubert.

M. Yves Nicolin. Mais tout cela est très confus !

M. François Brottes. Alors, je les répéterai !

M. le président. Non, moi j’ai compris !

M. François Brottes. Je constate aussi que M. Barroso, président de la Commission européenne, a déclaré hier qu’il envisageait de proposer aux États, en décembre 2006 ou janvier 2007, une nouvelle règle du jeu de régulation du marché de l’énergie en Europe.

Puisque les règles européennes vont changer et que nous sommes en plein brouillard s’agissant des modalités d’organisation de cette fusion, il est urgent de reporter la discussion jusqu’à ce que vous y voyiez plus clair.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille pour défendre l’amendement n° 2246.

M. Christian Bataille. À mon tour de compléter les propos de M. Gaubert et de M. Brottes.

La cohésion sociale suppose une forme de solidarité entre les salariés, les consommateurs et les territoires. Peut-être est-il utile de réaffirmer ici cette solidarité.

Ce matin, dans la presse, M. Fillon a remis en cause, au nom du groupe UMP, (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Pas au nom du groupe !

M. Jean-Marc Nudant. En son nom personnel !

M. Christian Bataille. …la solidarité entre les salariés en matière de retraites.

Il s’agit effectivement, à travers un tarif modéré et juste, de faire en sorte que tous les citoyens soient traités de la même manière par l’entreprise.

Je veux surtout insister sur la solidarité qui doit être organisée entre les territoires, en remarquant au passage qu’il est peut-être significatif que le ministre chargé de l’aménagement du territoire soit l’élu d’une région prospère, le mettant ainsi à l’abri des soucis de solidarité.

Gaz de France est une entreprise en réseau, qui se développe dans des conditions équitables partout. Sans elle, nombre de secteurs ruraux ou de banlieues éloignées ne seraient sans doute pas desservis.

Gaz de France, qui a le souci du service public, n’a pas forcément calculé la rentabilité de tel ou tel réseau quand elle l’a construit.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. Christian Bataille. On a même considéré qu’il y aurait une forme de solidarité entre les territoires, les industries et les consommateurs privés. Je ne suis pas sûr que la future entreprise, qui sera guidée avant tout par le souci de rémunérer ses actionnaires, fera preuve de la même générosité à l’égard des communes qui ne sont pas encore desservies en gaz. En suivant le Gouvernement dans son funeste projet, c'est-à-dire en privatisant Gaz de France, vous rendez donc un bien mauvais service à ces communes-là.

M. le président. M. Ducout, souhaitez-vous apporter des précisions supplémentaires en défendant votre amendement n° 2247 ?

M. Pierre Ducout. Oui, monsieur le président.

M. le président. Cela va finir par être très complet !

M. Pierre Ducout. Pour nous, le mot efficacité n’est pas un gros mot, contrairement à ce que certains, sur les bancs de la majorité, ont voulu faire croire. Les entreprises publiques EDF et GDF sont efficaces depuis soixante ans ; elles ont su s’adapter à l’évolution des besoins et de l’environnement et réaliser des gains de productivité. Entre 1997 et 2002, alors que nous étions au pouvoir, ces gains de productivité ont été utilisés pour faire bénéficier le consommateur d’une baisse du prix de l’électricité.

Dans un journal du soir, on peut lire que Gaz de France a réalisé un bénéfice de 1,7 milliard au premier semestre de cette année. Ce bénéfice étant supérieur de 44 % à celui de la période précédente, monsieur le ministre, j’aimerais savoir si le Gouvernement va inciter l’entreprise à utiliser cette marge supplémentaire de 0,5 milliard pour atténuer l’augmentation des tarifs réglementés, au profit des consommateurs, plutôt que pour faire plaisir à ses actionnaires.

Je peux y lire encore que 81 % de nos concitoyens sont opposés à la privatisation qui se prépare puisque 38 % se disent opposés à toute forme de privatisation et que 43 % sont favorables à la privatisation partielle. Seuls 12 % approuvent la privatisation totale.

Ils voient bien qu’une entreprise privée ne peut pas porter de la même façon qu’une entreprise publique l’objectif de cohésion sociale. Elle favorisera forcément les meilleurs clients, les secteurs les plus concentrés, et cherchera à avoir la plus forte marge possible dans un marché qui n’est d’ailleurs pas un vrai marché, comme le montre la lettre de griefs qui fait état d’une dizaine de marchés différents en Belgique.

Ce projet ne va pas du tout dans le sens des objectifs républicains que nous partageons tous ici, c'est-à-dire la cohésion sociale et géographique. Voilà pourquoi cet amendement n° 2247 a tout à fait sa place dans la conjoncture actuelle puisqu’il permet de montrer à nos concitoyens quels sont les vrais enjeux de la privatisation de Gaz de France.

M. le président. M. Le Déaut n’étant pas présent pour défendre son amendement n° 2248, la parole est à M. David Habib, pour soutenir l’amendement n° 2249 et compléter ainsi ce qui est déjà complet. (Sourires.)

M. David Habib. Ces amendements identiques s’inscrivent dans un contexte très particulier puisque, en un an, la facture énergétique des familles françaises a progressé de 200 euros. Nous ne pouvons pas aujourd'hui évoquer dans cette assemblée le projet de disparition de Gaz de France et le bradage de ce bien public sans rappeler que l’énergie est un bien essentiel à la vie des Français ; c’est du reste ainsi qu’ils la considèrent.

La réalité, nous pouvons tous l’admettre, à droite comme à gauche, est que les gains de pouvoir d’achat se traduisent presque toujours dans les familles les plus modestes par une augmentation de la consommation d’énergie, ces familles – chacun le sait – n’ayant pas encore atteint leur niveau de satisfaction en matière énergétique. On ne saurait donc considérer que l’énergie est devenue pour elles un bien superfétatoire et que les Françaises et les Français la perçoivent comme tel.

C’est pourquoi, rappeler aujourd'hui, au travers d’un amendement, que les objectifs de cohésion sociale doivent s’imposer au service public de l’énergie me paraît essentiel.

Les orateurs précédents ont évoqué une autre dimension : celle de l’équité territoriale. Élu dans un département rural, de plus, éloigné de Paris, je peux témoigner ici de la nécessité absolue d’avoir, sur la question, une vision plus large que celle qu’on peut avoir en Île-de-France. Il existe aujourd'hui de graves disparités territoriales dans l’accès aux services publics, lesquelles suscitent l’inquiétude de nos concitoyens, qui s’adressent à nous afin de les réduire. Chacun a en tête la question des TIC – technologies de l'information et de la communication –, mais il existe également encore des disparités intolérables en matière de fourniture de gaz, même dans le bassin de Lacq, où je suis élu, région qui a tant donné à la France en matière énergétique.

L’objectif de cohésion sociale participe donc de notre volonté de limiter la fracture sociale, concept dont vous connaissez le bonheur politique, monsieur le président. C’est pourquoi nous souhaitons que le rappel de ce principe, auquel chacun, à droite comme à gauche, ne peut qu’adhérer, soit inscrit dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre l’amendement n° 2250.

M. Didier Migaud. Si nous éprouvons tous le besoin d’intervenir, monsieur le président, c’est que nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement nous présente ce projet de loi qui vise à privatiser Gaz de France, alors même que tous, ici, – et les Français partagent le même sentiment – nous convenons que tout ce qui touche à l’énergie doit relever du service public. Nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement veut que la puissance publique n’ait plus la conduite des opérations dans un secteur qui, pourtant, est considéré comme essentiel. C’est pourquoi tous les mots de ces amendements identiques sont importants : « service public », « efficacité », « cohésion sociale ».

La meilleure façon de défendre le service public, c’est encore de permettre à l’État de rester majoritaire. On nous reproche de nous répéter, mais la pédagogie est l’art de la répétition, et le sujet est suffisamment grave, monsieur le président ! Ici même, un ministre de l’économie et des finances nous avait déclaré reprendre à son compte l’engagement qu’avait pris, nous avait-il dit, au cours d’un conseil des ministres, le Président de la République lui-même, et suivant lequel la participation de l’État dans le capital de Gaz de France ne descendrait jamais en dessous de 70 %.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il s’agissait d’EDF !

M. Didier Migaud. Nous reprenons d’ailleurs, presque mot pour mot, les propos du ministre de l’économie et des finances de l’époque rapportant ceux du Président de la République.

Dans ces conditions, pourquoi privatiser Gaz de France ? Chacun sait les conséquences, dans certains pays, du retrait de la puissance publique. Ce matin, sur France-Inter, un prix Nobel américain a déclaré que s’il avait une opinion à exprimer sur le sujet il nous déconseillerait fortement de privatiser Gaz de France. C’est un prix Nobel de l’économie qui l’affirme : si nous décidions de retirer à l’État la conduite de ce service public, nous commettrions une erreur fondamentale, en raison des conséquences que ce retrait pourrait avoir en matière de prix, d’investissements et de sécurité.

C’est pourquoi, monsieur le président, nous ne saurions trop insister sur le sujet.

De même, si les amendements évoquent « la recherche de l’efficacité », c’est qu’un service public ayant recours à l’argent public, c'est-à-dire à celui de nos concitoyens, il convient évidemment d’être attentifs à son efficacité. Toutefois cette recherche d’efficacité doit se faire non pas au bénéfice d’actionnaires privés majoritaires uniquement soucieux de leurs intérêts, mais dans un objectif de cohésion sociale. C’est la raison pour laquelle ces amendements rappellent la mission de « service public » et notre souci de « recherche de l’efficacité », mais à la condition de ne pas « s’éloigner des objectifs de cohésion sociale », c'est-à-dire de l’intérêt du plus grand nombre.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux pour soutenir l’amendement n° 2251.

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement me paraît ne pas avoir conscience du rôle que les services publics peuvent jouer en matière d’égalité, de solidarité et de cohésion sociale. Or ce qui se passe à l’heure actuelle dans les zones excentrées de notre pays suscite la plus vive inquiétude.

En effet, si le courrier arrive peut-être encore à l’heure à Paris, ce n’est plus le cas en province, où les retards peuvent atteindre de huit à quinze jours. Et faut-il parler des trains ? Aussi, alors que la fourniture en énergie est encore correctement assurée, qu’en sera-t-il demain en cas de privatisation du service public assuré par Gaz de France, et ce dans des conditions que nul ne connaît ?

Nos collègues de la majorité peuvent-ils en effet nous dire dans quelles conditions Gaz de France sera cédée ? Connaissent-ils les cessions d’actifs auxquelles nous serons obligés de procéder, à la suite des observations de la Commission européenne ? De fait, ce sont les yeux fermés que nous privatisons ce service public, avec de graves conséquences en termes de cohésion sociale, puisque c’est le service public qui permet d’assurer la solidarité et l’égalité entre les citoyens.

Cela s’est notamment vérifié lorsque le Gouvernement a décidé, l’année dernière, que l’électricité ne serait plus coupée pour les familles en difficulté. Qui a dû assumer le coût d’une telle mesure ? Le service public, évidemment ! Heureusement qu’EDF est encore une entreprise publique ! Mais demain, que se passera-t-il pour le gaz, si Gaz de France est privatisé ? Pouvez-vous assurer les plus démunis de nos concitoyens qu’ils continueront de bénéficier du même service ?

Si, demain, alors que Gaz de France est privatisé, le Gouvernement prend pour le gaz la même décision que celle qu’il a prise l’année dernière pour l’électricité, et dans les mêmes conditions, c'est-à-dire sans se soucier des conséquences financières de la mesure, sur qui la dépense sera-t-elle finalement transférée ? Ce ne sera certainement pas sur l’entreprise privée du gaz, mais sur les départements, qui sont chargés d’abonder le fonds de solidarité logement. Ainsi la solidarité qui, aujourd'hui, a un caractère national, sera transférée aux départements et pèsera sur les contribuables les plus fragiles, ceux qui sont soumis à la taxe d’habitation, qui est l’impôt le plus injuste.

Ces amendements identiques, monsieur le président, sont donc, pour toutes ces raisons, de la plus haute importance.

M. le président. MM. Aubron, Balligand, Bascou et Bosson n’étant pas présents pour défendre leurs amendements identiques, la parole est à M. Marcel Bonnot pour soutenir l’amendement n° 2256.

M. Marcel Bonnot. Monsieur le ministre, si nous parlons bien dans cet amendement d’« efficacité », de « service public » et de « cohésion sociale », c’est que, comme les orateurs précédents l’ont montré, ces trois notions peuvent et doivent aller ensemble. Du reste, elles s’étaient jusqu’ici toujours combinées pour le plus grand profit de nos concitoyens, qui sont très attachés à la gestion publique du service de l’énergie. Ces amendements sont donc plus que jamais indispensables au moment où l’État va se désengager. Du reste, il suffit, pour le comprendre, de se reporter à l’exposé des motifs du projet de loi.

Vous savez à quel point, monsieur le président, monsieur le ministre, cet exposé, que nous avons déjà longuement évoqué, nous inquiète puisqu’il y est affirmé : « La fusion de ces deux entreprises conduit mécaniquement l’État à se diluer dans le nouvel ensemble ». Or l’État, qui est ainsi appelé à « se diluer », représente la puissance publique. Il est le garant des intérêts stratégiques de la nation, le garant de la sécurité de nos approvisionnements et de la pérennité du service public, le garant, dans le cadre de la lutte contre l’exclusion, des principes constitutionnels d’égalité d’accès et de continuité de service public pour tous les citoyens ; toutes choses qu’il nous faut impérativement réaffirmer dans le texte de loi au moment où l’État, je le répète, est appelé à « se diluer ». Ce sont, monsieur le ministre, je le répète, vos propres termes.

L’État, du reste, s’est déjà suffisamment « dilué » en matière de cohésion sociale. Dois-je rappeler que la loi du 13 août 2004 a abrogé l’article L.261-4 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoyait un dispositif national d’aide et de prévention des familles qui ne pouvaient faire face à leurs dépenses d’eau, d’électricité ou de gaz ? Augustin Bonrepaux l’a rappelé à l’instant. Cette loi a révisé le dispositif relatif à l’action sociale, renvoyant désormais aux fonds de solidarité Logement, dont le financement est assuré par les départements, avec le concours financier des opérateurs de distribution d’électricité, de gaz ou d’eau, le soin d’apporter une aide aux familles éprouvant des difficultés financières.

C’est dire que le retrait de l’État est aujourd'hui déjà très largement entamé, alors même qu’il est nécessaire d’assurer une permanence de la couverture d’énergie et qu’on ignore évidemment si les fonds départementaux auront la capacité de couvrir l’intégralité des besoins.

Pour cette raison il est plus que jamais indispensable de redonner tout son sens à la notion d’efficacité du service public, que nous craignons de voir demain menacée. Il suffit, pour tous ceux qui en douteraient encore, de se tourner vers la Grande-Bretagne qui, depuis 1990, fait la triste expérience de la libéralisation en matière énergétique. Ce pays a le prix du gaz le plus élevé d’Europe et celui de l’électricité, me semble-t-il, y est supérieur de 50 % à 60 % à celui qu’il est en Europe continentale.

Voilà pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est important d’inscrire dans la loi, avant l’article 1er, l’article additionnel qui fait l’objet de ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour défendre l’amendement n° 2257.

M. Pierre Cohen. Ces amendements sont d’autant plus importants que, à l’initiative du Gouvernement, monsieur le ministre, nous avons, plusieurs fois déjà, eu l’occasion de débattre de la cohésion sociale. Certes, nous n’avons ni la même définition ni les mêmes priorités en matière de cohésion sociale, mais notre proposition d’inscrire dans le texte, avant l’article 1er, les mots « cohésion sociale » révèle notre souci de coopérer avec vous. Nous aurions en effet pu proposer un amendement dont la rédaction eût été davantage tournée vers les personnes les plus démunies ou les plus fragiles. Nous avons eu au contraire le souci de reprendre votre terminologie, ce qui témoigne de notre volonté de participer au débat de façon constructive.

Pourquoi l’énergie participe-t-elle de la cohésion sociale ?

À l’heure actuelle, chacun le sait, les Français, surtout les plus démunis d’entre eux, connaissent des difficultés à affronter la triple augmentation des prix du pétrole, des loyers et de l’énergie, pour ne citer que ces trois dépenses, lesquelles amputent largement leur pouvoir d’achat. Or, dans le même temps, Gaz de France annonce un bénéfice de 1,4 milliard d’euros qui, nul ne l’ignore, est le résultat des hausses de prix que vous avez concédées à l’entreprise depuis six mois avec pour seul objectif de lui permettre d’annoncer de tels profits au moment où elle négocie, dans le plus grand des secrets, une fusion qui brade un patrimoine national à des intérêts privés.

Une telle attitude de votre part n’est-elle pas contraire aux principes contenus dans cet amendement que les députés, dans leur ensemble, devraient accepter ? Je le suppose du moins si je me réfère aux précédents débats sur le sujet. C’est à de telles exigences que vous tournez le dos, en créant une entreprise dont la conception de l’efficacité ignorera la notion de service public, ce qui aura pour effet de rogner la cohésion sociale.

Monsieur le ministre, je n’ai pas besoin de vous demander si vous êtes favorable à ces amendements identiques puisque, dans les faits, depuis six mois, et compte tenu de la rétention d’informations dont vous témoignez à notre égard sur l’objectif que vous poursuivez en privatisant Gaz de France, vous tournez le dos, je le répète, à la cohésion sociale que souvent, par ailleurs, dans cette assemblée, vous vous vantez de promouvoir.

M. le président. Je constate que Mme Darciaux, MM. Dehoux, Dosé, Dumas, Dumont, Emmanuelli, Mmes Gaillard, Génisson et M. Gorce ne sont pas présents pour défendre leurs amendements identiques.

Je donne donc la parole à M. Alain Gouriou, pour soutenir l’amendement n° 2268.

M. Alain Gouriou. Vous conviendrez que les députés du groupe socialiste se sont montrés particulièrement attachés à la défense de ces amendements concernant la cohésion sociale. Le contraire eût d’ailleurs été étonnant.

Les précédents orateurs ont démontré qu’il était évident que la cohésion sociale risquait d’être remise en cause par le projet de loi. Nous avons d’ailleurs tous l’exemple britannique – éloquent – à l’esprit, les Bretons en particulier puisqu’en tant que proches voisins, ils ont pu observer ce qui se passait de l’autre côté de la Manche au moment de la privatisation du secteur de l’énergie.

Je songe à ces opérations de publicité à grande échelle, qu’on peut qualifier de mensongères, pratiquées par les opérateurs et les fournisseurs d’énergie en Grande Bretagne. Consommateurs et usagers étaient poursuivis jusqu’à la sortie des aéroports, des supermarchés, des gares, pour qu’on leur vante les mérites de tel ou tel opérateur.

Les désillusions n’ont pas tardé si l’on en croit les chiffres qu’on vient de vous donner, monsieur le président. On a pu constater des progressions de prix hallucinantes, abracadabrantesques pour reprendre un mot devenu célèbre. Dans certaines villes anglaises, en particulier dans les quartiers défavorisés, il arrive qu’on installe des distributeurs d’énergie fonctionnant avec des pièces de monnaie ! Les familles à court de ressources doivent donc s’arranger autrement et recourir aux marchands de bougies et à des voisins bienveillants qui fournissent éventuellement l’énergie manquante.

Je caricature à peine en soutenant que nous risquons d’en arriver là si nous laissons petit à petit des opérateurs privés accaparer le marché français. Le service public doit bien rester le garant de la cohésion sociale.

M. le président. M. Jung et M. Lambert n’étant pas présents pour soutenir leurs amendements identiques, la parole est à M. Jean Launay, pour défendre l’amendement n° 2271.

M. Jean Launay. Je souhaite rappeler à M. le ministre que les principes sous-tendant la loi d’orientation sur l’énergie, promulguée le 14 juillet 2005, c’est-à-dire il y a seulement six mois, semblent mis à mal par le présent texte.

Qui se pose les vraies questions sur la survie du service public de l’énergie, sinon les députés de l’opposition ? Depuis plusieurs semaines, la presse relaie une campagne effrénée de publicité organisée par GDF et par Suez, vantant leurs bons résultats afin de justifier leur démarche de rapprochement. Où, dans ces publicités, font-elles montre d’un souci de cohésion sociale ?

Voilà les vraies questions que nous posons : quelles garanties donner à nos concitoyens sur le maintien des tarifs réglementés du gaz ? Quel est le véritable enjeu de la privatisation de Gaz de France ? Depuis la semaine dernière que nous répétons ces questions, elles commencent à interpeller une opinion encore inhibée : le sondage publié aujourd’hui dans Les Échos nous le montre et vous le montre clairement. Travaillons donc avec pédagogie pour faire émerger cette conscience citoyenne avide de cohésion sociale.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l’amendement n° 2272.

Mme Marylise Lebranchu. Nous entendons souvent parler, sur ces bancs, de la vie des petites et moyennes entreprises, de leur difficulté à s’intégrer dans un monde de concurrence violente.

Dans la grande région où j’habite, quelques-unes de ces petites et moyennes entreprises, discrètes, n’ont pas encore accès au gaz et attendent que la puissance publique, avec l’aide de GDF, tire des tuyaux jusqu’à elles. C’est le cas, notamment, de l’entreprise agroalimentaire bien connue de Pouldreuzic, dont j’ai rencontré récemment les dirigeants inquiets.

Privatiser GDF serait une erreur fondamentale puisque la hausse des tarifs de l’énergie constituerait un obstacle à la croissance. En effet, ce projet de loi adopté, quel actionnaire accepterait de financer une infrastructure à l’intention de deux ou trois PME relevant de l’agroalimentaire, certes dépourvues d’intérêt du point de vue de l’actionnaire, mais vitales pour leur territoire ainsi que pour leur secteur d’activité ? Quel actionnaire accepterait qu’on réalise une infrastructure dont le coût est cinq ou dix fois plus élevé que la rentabilité ?

Vous faites ainsi un cadeau à l’actionnariat : puisque l’énergie est indispensable, il y aura toujours des clients. Et vous commettez une faute vis-à-vis de tous ceux qui vont subir ces inégalités territoriales et tarifaires, une faute à l’encontre du concept même d’aménagement du territoire, une faute enfin à l’endroit des petites et moyennes entreprises, en empêchant leur émergence si nécessaire aux régions défavorisées. Conscients des conditions cruelles dans lesquelles vous allez plonger les plus faibles, j’espère que vous allez avoir un sursaut pour faire de la cohésion sociale et économique une priorité et non plus une simple notion du passé.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour défendre l’amendement n° 2273.

M. Henri Nayrou. Il est essentiel de défendre cette série d’amendements identiques pour des raisons d’intérêt collectif qui prennent tout leur sens dans l’article additionnel qui vous est proposé.

Mesdames et messieurs de la majorité, depuis votre victoire de 2002 vous détenez toutes les manettes du pouvoir, mais vous en avez fait le plus mauvais usage en matière de dette publique, de déficits, d’inégalités fiscales et d’inégalités en général. Vous avez été sanctionnés à quatre reprises par les électeurs qui sont aussi des usagers et des consommateurs. Vous avez été secoués par des crises d’une rare intensité. Aussi est-il vraiment étonnant de constater que vous continuez, comme si de rien n’était, à foncer vers le mur en klaxonnant.

J’en reviens aux « manettes » dans le secteur du gaz dont vous savez que la manipulation peut se révéler dangereuse. En effet, vous avez appris à vos dépens qu’il ne faut pas toucher à l’intérêt général, qu’il s’agisse des services publics ou de la cohésion sociale.

Certains d’entre vous, à l’UMP, l’ont compris dès la première heure. On verra bien ce qu’ils décideront au moment du vote final. Force néanmoins est de reconnaître qu’ils ont eu du nez, ces récalcitrants de la majorité, puisque leurs réticences, qui sont aussi les nôtres, s’appuient désormais sur le sondage BVA paru ce matin dans Les Échos. Il ne s’agit, certes, que d’une photographie de l’opinion – un « négatif » pour vous monsieur le ministre – mais on constate que 81 % des Français interrogés se déclarent opposés à la privatisation de GDF le taux étant de 72 % pour ceux qui se réclament de la droite parlementaire.

Je pourrais vous demander, monsieur le ministre, de renoncer à votre funeste projet tant il fera de mal à la France.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Henri Nayrou. Je pourrais vous demander de vous souvenir de vos récents déboires et des conséquences de votre entêtement. Je pourrais vous demander de réfléchir et de ralentir avant d’aller dans le mur mais, comme c’est peine perdue, je vous demande simplement, monsieur le ministre, quelle est la marque de votre klaxon. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Ce n’est pas le bon sondage, vous vous êtes trompé !

M. le président. Ni Mme Sauge ni M. Tourtelier ne sont présents pour soutenir leurs amendements identiques.

La parole est à M. Michel Vergnier, pour défendre l’amendement n° 2276.

M. Michel Vergnier. Mes chers collègues de la majorité, je ne peux pas croire que vous n’imaginiez pas un instant que ce projet se traduira par une recherche de la rentabilité pour satisfaire les actionnaires, donc par une augmentation des tarifs. Qui peut penser le contraire ? Et pourtant !

Laissez-moi évoquer un secteur dont nous n’avons pas parlé.

L’activité économique ne se décrète pas ; elle se prépare. Quand on évolue dans un secteur rural, c’est tous les jours qu’il faut non seulement la préparer, mais aussi l’accompagner. Chez nous, en matière de création d’entreprises, de création d’emplois, il faut le plus souvent procéder pas à pas. Or savez-vous quel est le principal créateur d’emploi dans nos territoires ruraux ? Il s’agit de l’artisanat que tout le monde prétend défendre en évoquant des allégements de charges, entre autres mesures, du reste inefficaces, contrairement au secteur des PME.

Les artisans nous disent que leur situation devient impossible à cause de l’augmentation du prix du carburant, de celui du chauffage.

M. Roland Chassain. Nous n’entendons pas les mêmes choses !

M. Michel Vergnier. Vous n’entendez peut-être pas les mêmes choses que moi, mais je suis fils d’artisan et je connais donc un peu la situation.

Désormais, les artisans ne se posent plus la question de la transmission de leur entreprise dans les mêmes termes qu’auparavant. Ils estiment en effet qu’il vaut mieux ne pas reprendre leur affaire dans les conditions actuelles. Il faut ainsi savoir que quelque 30 % d’entre eux prévoient de ne pas céder leur entreprise, que 30 % l’envisagent dans des conditions difficiles quand seulement les 30 % restants estiment pouvoir le faire dans des conditions satisfaisantes.

Si la libéralisation de l’énergie gazière se poursuit comme vous l’entendez, cela entraînera une inéluctable augmentation des tarifs et c’est encore un pan complet de l’économie que vous allez condamner en même temps que le tissu social du monde rural. Or nous avons besoin des artisans pour garantir la cohésion sociale sur l’ensemble de nos territoires qui, si l’on n’y prend garde, deviendront de moins en moins attractifs et perdront une part croissante de leur population, d’où mon hostilité au projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai beaucoup écouté et beaucoup appris. Je vais donc vous livrer le fruit de mes réflexions.

Ces amendements identiques ont trait à la cohésion sociale. Ce sujet a déjà été abordé hier lors de l’examen d’une des premières séries d’amendements. J’avais alors expliqué que la disposition proposée était redondante avec une mesure forte que la majorité avait inscrite en 2005 dans la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique : il n’y a pas lieu, disais-je, d’ajouter une phrase qui, même si elle n’est pas strictement identique, risque de surcharger le texte.

L’adoption de ces nouveaux amendements conduirait au même résultat. La commission a donc émis un avis défavorable.

Revenons maintenant sur les différentes interventions.

De la cohésion sociale, mes chers collègues du groupe socialistes, vous êtes assez rapidement passés à la cohésion territoriale, ce qui n’est pas du tout la même chose ! (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je comprends pourquoi : insister sur la cohésion sociale, c’est mettre à nu vos turpitudes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Certains d’entre vous viennent seulement de nous rejoindre et n’ont donc pas pu entendre l’explication que j’ai donnée hier : en 2000, vous aviez inscrit dans la loi le principe du tarif social pour l’électricité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Cela n’a rien à voir !

M. Pierre Ducout. Vous êtes hors sujet !

M. Michel Vergnier. C’est la dixième fois que vous le dites !

M. Éric Raoult. Il n’y a jamais eu de décrets d’application !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je me permets d’y insister car plusieurs de vos collègues étaient absents et il est important qu’ils sachent ce qui s’est passé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Mothron. C’est bien ce qui les ennuie !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous aviez donc inscrit cette disposition dans la loi, mais aucun décret d’application n’a été publié entre le 10 février 2000, date de la publication de la loi au Journal officiel, et les élections présidentielles, soit pendant plus de deux ans !

M. Éric Raoult. C’est typiquement socialiste ! Ils font toujours ça !

M. Michel Vergnier. Des décrets d’application que vous n’avez jamais publiés, nous pourrions en citer par dizaines !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est le gouvernement de M. Raffarin qui a finalement institué le tarif social pour l’électricité. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir !

Mieux, le texte dont nous discutons introduit un autre dispositif : le tarif social pour le gaz, qui n’existait pas jusqu’à présent. Vous n’y aviez pas pensé ; nous le faisons ! Et vous verrez, mes chers collègues, que le décret d’application sera publié rapidement, comme le ministre s’y est engagé, pour le plus grand profit des bénéficiaires de cette mesure.

J’ajoute que nous discutons actuellement avec le Gouvernement pour améliorer les conditions dans lesquelles le tarif social de l’électricité pourra s’appliquer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’espère que, à l’issue de ces discussions, je serai en mesure de présenter à l’Assemblée un dispositif plus intéressant encore que celui qui est actuellement en vigueur.

Quand on parle de cohésion sociale, il faut aussi parler des tarifs.

M. André Chassaigne. Eh oui !

M. Michel Vergnier. Nous n’avons cessé de vous le répéter !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Dans cette optique, j’ai déposé un amendement, adopté en commission, tendant à maintenir les tarifs réglementés au-delà du 1er janvier 2008.

M. Michel Vergnier. Vous serez incapables de tenir cet engagement !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Contrairement à ce qui a été dit, il n’est nullement interdit de maintenir les tarifs réglementés – la directive européenne ne dit rien à ce sujet – et il n’existe aucune obligation de faire monter les tarifs pour qu’ils rejoignent les prix.

M. Pierre Ducout. Cela se fera de façon mécanique !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La Commission s’est contentée de faire remarquer qu’il existait, pour l’électricité, un écart entre les tarifs réglementés et les prix pratiqués dans les contrats librement négociés. J’observe au demeurant que l’écart constaté pour l’électricité ne se retrouve pas dans les prix du gaz. Ce n’est donc pas un vrai sujet pour le gaz : puisque Gaz de France ne produit pas, l’entreprise est quasiment obligée de fixer un tarif proche de l’équilibre. L’écart, en l’occurrence, n’est pas significatif.

M. Pierre Ducout. Et les bénéfices que GDF vient d’annoncer ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Certes, il y a eu des hausses de tarifs. Mais rappelons à ceux qui l’ont oublié qu’en 2000 le gouvernement de M. Jospin avait augmenté les tarifs du gaz de 34 %.

M. Georges Mothron. En une seule année !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Tous les orateurs m’ont donc semblé faire glisser un peu rapidement leur propos vers la notion de cohésion territoriale et j’ai entendu un certain nombre de contrevérités.

Je rappelle d’abord que, s’agissant de la desserte, Gaz de France ne détient pas de monopole national, et qu’il n’y a pas de péréquation tarifaire au plan national ; certains semblent ainsi avoir oublié que, depuis la loi de 1946, il existe cinq zones.

On a aussi regretté qu’il n’y ait pas de desserte pour toutes les communes rurales. Or, si EDF a l’obligation de desservir l’ensemble du territoire, Gaz de France n’est pas contrainte de le faire. De nombreux maires se souviennent de la formule qui a prévalu pendant longtemps : b/i > 1. En d’autres termes cela signifie que le bénéfice de Gaz de France doit couvrir l’investissement pour que l’entreprise décide de desservir un territoire. Ce sont d’ailleurs les fréquents refus de GDF qui ont conduit ses concurrents à proposer des réseaux de desserte locale. Ce phénomène est certes limité ; il n’en est pas moins significatif.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je devine que vous souhaitez me voir conclure, monsieur le président, mais je dois répondre à un nombre considérable d’interventions.

M. le président. Mais je connais votre esprit de synthèse, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai écouté avec intérêt M. Habib, qui connaît bien le sujet dont il a parlé. J’étais persuadé que, en tant qu’élu du Sud-Ouest, il évoquerait la situation des consommateurs de sa région. Qui, en effet, est propriétaire du réseau de gaz dans le Sud-Ouest ?

M. Pierre Ducout. C’est Total, nous le savons bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui : Total, une entreprise privée. Or qui a transféré la propriété du réseau à une entreprise privée ? Le gouvernement socialiste ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Est-ce possible ?

M. Pierre Ducout. Pas au départ !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Par une loi de finance rectificative de 2001, il a cédé à une entreprise privée près du quart du réseau de transport de gaz de la France, de Bordeaux jusqu’aux Pyrénées ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, les socialistes vitupèrent ce gouvernement qui cède des actifs de Gaz de France à une entreprise privée.

M. Robert Lamy. Ils sont amnésiques !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Or, à l’époque, non seulement le gouvernement transférait cette partie du réseau au privé, mais il connaissait les moyens de contrôler l’activité de ce réseau : c’était, comme aujourd'hui, la puissance publique qui fixait les tarifs.

Vous ne pouvez vous mettre en contradiction avec vous-mêmes, mes chers collègues socialistes : démonstration est faite que l’on peut transférer des réseaux à une entreprise privée tout en régulant leur fonctionnement et en maîtrisant les tarifs. Soyez sérieux ! D’ailleurs, je ne sache pas que M. Habib se soit plaint du sort réservé aux consommateurs du Sud-Ouest ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je précise que M. Habib est également maire de Mourenx.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le rapporteur a développé d’excellents arguments. Je confirme que l’amendement est satisfait par plusieurs articles des lois précédentes relatives à l’énergie.

Celle de 2000 prévoit un tarif social pour l’électricité ainsi que l’obligation de desserte en électricité de l’ensemble du territoire.

Celle de 2003, en son article 16, soumet l’ensemble des opérateurs gaziers à toute une série d’obligations de service public : sécurité d’approvisionnement, qualité et prix des produits, continuité de la fourniture, sécurité des personnes, fourniture de dernier recours aux clients non domestiques assurant des missions d’intérêt général, maintien d’une fourniture aux personnes en situation de précarité…

L’article 25 de la même loi fixe les conditions dans lesquelles une commune ou un EPCI peut demander que des travaux de desserte pour la distribution publique de gaz soient entrepris. Plusieurs opérations de cette sorte ont été menées ou sont en cours.

La loi de 2004 définit pour sa part les contrats de service public. L’État en a passé un avec EDF et un autre avec GDF. Ces contrats prévoient le développement des réseaux de distribution, notamment dans les zones rurales, la protection de l’environnement, l’accueil physique des personnes, les éventuelles réorganisations locales. Les contraintes légales ont été précisément respectées. Les obligations très fortes qui en résultent contribuent aux objectifs de cohésion sociale que rappellent ces amendements identiques. De tels objectifs ne peuvent être atteints que moyennant une certaine efficacité du service public.

La même loi a réaffirmé la péréquation pour les tarifs de l’électricité : certaines régions connaissent des difficultés d’approvisionnement et il n’est pas toujours possible d’y construire des lignes ou d’y implanter des centrales, mais, quelle que soit la situation de la production locale, les tarifs de l’électricité restent les mêmes. Quant aux prix du gaz, ils sont soumis à une harmonisation, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

Bref, ce qui se passe en France n’a rien à voir avec la situation en Grande-Bretagne évoquée par M. Gouriou. Ces amendements sont entièrement satisfaits par les dispositions des lois précédentes, mises en application dans les contrats de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. M. le rapporteur avance des arguments qui n’apportent pas grand-chose au débat. Il fait une sorte de retour sur le passé pour éviter les réalités d’aujourd'hui. Quant au conte de fées que vient de nous narrer le ministre, je laisse chacun imaginer ce que pourront être les conséquences d’une privatisation dans les années à venir, au regard des engagements qui ont été pris le 10 juin dernier dans le cadre d’un contrat de service public qui court jusqu’en 2007.

On ne peut amuser la galerie en assurant que les portes seront ouvertes et que le service sera rendu au mieux, alors qu’avec la privatisation les actionnaires attendront avant tout leurs dividendes. Et je ne parle pas d’obligations telles que le stockage du gaz ou le développement des réseaux. Il est évident que la cohésion sociale ne pourra être maintenue.

Cet amendement est donc très important. D’ailleurs, s’il était voté, nous pourrions plier bagage et rentrer chez nous, car la privatisation ne se ferait pas. Il y a en effet une incompatibilité complète entre la notion de cohésion sociale et celle de privatisation.

Vous allez dire que je fais des effets de manche. Pourtant, il doit bien se trouver parmi vous des élus de territoires ruraux, mes chers collègues : ceux-là peuvent constater au quotidien les conséquences de l’ouverture du marché. Quand les directeurs départementaux de La Poste viennent dans nos communes pour fermer des agences, ils affirment que la concurrence à laquelle ils sont soumis dans les secteurs les plus rentables les oblige à abaisser leurs prix, et donc leur interdit de maintenir les services de proximité dans les secteurs où ils perdent de l’argent. Au final, les territoires ruraux sont abandonnés.

Voilà ce que nous entendons au quotidien. Je suis d’ailleurs persuadé que vous êtes les premiers à vous plaindre auprès de vos électeurs des conséquences de ces orientations, les premiers à faire des courriers aux directeurs départementaux, les premiers à intervenir dans les commissions départementales de présence postale pour qu’on ne ferme pas des postes en milieu rural. Mais cela ne tombe pas du ciel ! Le ciel, disait Bossuet, se moque de ceux qui se plaignent des maux après en avoir chéri les causes.

La privatisation aura des conséquences sur la cohésion sociale. Vous savez très bien que les mêmes services ne pourront pas être rendus dans les campagnes et dans les secteurs plus rentables. Petit à petit, de nouveaux abandons accompagneront la désertification de nos territoires ruraux ; vous en êtes tous convaincus.

M. le président. Merci…

M. André Chassaigne. Je n’ai pas terminé, monsieur le président. Pour une fois que le groupe communiste a la parole ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Ne m’obligez pas à devenir tout rouge et à me fâcher !

M. André Chassaigne. Après l’ouverture du marché, je veux évoquer les conséquences de la privatisation.

On a constaté l’été dernier ce que celle de France Télécom a donné : des villages privés de téléphone fixe pendant deux semaines. C’est que l’opérateur, qui de public est devenu historique, n’a plus ni les moyens techniques ni les personnels pour maintenir une permanence. Et je ne parle pas de la téléphonie mobile qui, sans les collectivités territoriales pour rattraper les carences, couvrirait une partie encore moins importante de notre territoire.

La cohérence sociale n’est pas qu’un mot. On ne peut pas distribuer aux actionnaires 50 % des bénéfices tout en maintenant un service auprès des populations les plus éloignées des centres urbains. Vous savez qu’en votant cette loi, vous allez condamner des territoires ruraux à l’abandon.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

J’ai vu que vous demandez la parole, monsieur Dionis du Séjour. L’observation à la lettre du règlement – un orateur pour répondre à la commission et un pour répondre au Gouvernement – ne le permettrait pas. Mais comme je ne suis pas un libéral, je vous la donnerai. (Sourires.)

M. Christian Bataille. C’est bien, monsieur le président !

M. François Brottes. Le président s’engage dans le débat !

M. le président. Allez-y, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous sommes heureux de voir que les antilibéraux sont de plus en plus nombreux dans cet hémicycle ! (Sourires.)

M. le président. Je l’étais avant vous !

M. Jean Gaubert. Je ne cherche pas la polémique sur ce point.

La semaine dernière, vous nous aviez promis des moments fort difficiles, monsieur le rapporteur. Si nous nous attendions au pire, nous ne nous attendions pas à la mauvaise foi dont vous venez d’user. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous êtes le « Monsieur 34 % » de la majorité : vous défendez un texte qui ramènera la part de l’État dans Gaz de France à 34 %,…

M. Michel Vergnier. Que vous ne pourrez pas tenir, d’ailleurs !

M. Jean Gaubert. …et vous nous rebattez les oreilles avec les 34 % d’augmentation du gaz en l’an 2000. Mais si vous pensiez que cette augmentation était trop forte, que n’avez-vous baissé les tarifs en 2002 ! Or non seulement vous ne les avez pas réduits, mais vous les avez augmentés.

M. Robert Lamy et M. Maurice Giro. C’est n’importe quoi !

M. Jean Gaubert. Le Gouvernement a, depuis 2002, le pouvoir de baisser les tarifs s’il les estime trop élevés.

Par ailleurs, s’agissant de Gaz du Sud-Ouest, évitez de transformer la vérité. Vous oubliez trop facilement qu’à l’origine, le partenaire de Gaz de France était Elf et non Total, et que l’opération de substitution s’est faite au moment où Total a absorbé Elf. Je vous rappelle aussi que la golden share dont vous parlez existait aussi pour Elf…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean Gaubert. …et qu’elle a été inopérante – peut-être parce que certains avaient décidé de ne pas s’en servir –, comme le sera celle que vous prévoyez aujourd’hui. Sur ce deuxième point, on ne peut que vous prendre en défaut.

Depuis plusieurs jours, le débat entre tarif social et tarif régulé semble vous servir à combler vos carences argumentaires. Nul doute que vous allez nous le resservir pendant plusieurs autres jours.

Sur le tarif social, vous avez raison : les décrets auraient dû sortir un peu plus tôt. Néanmoins convenez que la situation était différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Vous conservez, certes, le tarif régulé, mais, comme la CRE et la Commission européenne, vous considérez qu’il se rapprochera des prix du marché. Le tarif social n’en aura que plus de pertinence mais, tel que vous le proposez, il ne bénéficiera qu’à une infime partie de nos concitoyens quand la majorité d’entre eux subira l’augmentation du tarif régulé, largement au-dessus de l’inflation. Ceux-là verront, mois après mois, leur capacité de consommation diminuer.

Monsieur le rapporteur, dans ce débat, vous devez avancer des arguments sérieux, sans proférer de telles inexactitudes. Si vous persistiez à le faire, nous serions obligés de vous répondre, au risque de ralentir la discussion.

M. Francis Delattre. Quelles inexactitudes ? C’est bien vous qui n’avez pas pris les décrets d’application !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, au nom du groupe UDF, je vous remercie pour votre interprétation libérale du règlement. (Sourires.)

M. le président. Je sais que vous partagez avec moi le souhait de le modifier, mais nous n’avons pas été suivis.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est exact et nous vous soutiendrons toujours. Ce n’est pas ce débat qui nous fera changer d’avis.

Face à la bonne conscience affichée sur les bancs de la gauche, je tiens à rafraîchir les mémoires.

Avec mon collègue Charles de Courson, nous nous sommes replongés dans les débats sur les lois de finances de 2001. Ainsi nous avons pu constater que, par l’article 31 de la loi de finances rectificative, la majorité de l’époque vend le réseau de transport, propriété de l’État, à Total et à GDF.

M. Michel Vergnier. Oui, mais il manque quelque chose dans votre exposé !

M. Jean Dionis du Séjour. Pourquoi ? Pour se faire un peu d’argent de poche avec Total et pour recapitaliser GDF. Reconnaissez au moins, chers collègues, que le modèle européen qu’il nous est demandé de transposer – séparation de la propriété des infrastructures et de la partie exploitation – vous aurait évité de commettre une belle bêtise. Cela ferait avancer le débat ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier. Quel est l’intérêt de cette intervention ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Elle confirme ce que je viens de dire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je rappellerai seulement à M. Gaubert que, le 1er novembre 2002, le Gouvernement a diminué le prix du gaz de 8 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques qui ont été défendus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’en viens aux amendements identiques, nos 2277 à 2309.

La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l’amendement n° 2277.

M. Pierre Ducout. En 2001, nous avons voulu conforter l’entreprise publique Gaz de France en consolidant l’ensemble de ses métiers. À ce jour, en aucune manière, la Commission européenne n’exige la séparation évoquée par M. Dionis du Séjour, qui va plus vite que la musique. N’oublions pas que l’ultralibéralisme a entraîné des dérives négatives pour notre pays.

Par cet amendement, nous souhaitons souligner que le service public de l’énergie, porté par nos deux grandes entreprises encore publiques, est un vecteur de croissance et de dynamique industrielle, la croissance étant elle-même un gage de pouvoir d’achat et d’avenir pour nos concitoyens. Le maintien de tarifs d’électricité attractifs nous a permis d’accueillir en France de grandes entreprises, notamment à proximité des centrales nucléaires, où elles peuvent bénéficier d’un prix de fourniture très abordable sans frais de transport d’électricité.

Aujourd’hui, les entreprises électro-intensives sont en difficulté et certaines pourraient délocaliser leurs activités. La mise en place du consortium Exeltium était donc nécessaire. Le rapport de la commission de régulation de l’électricité indique que les prix consentis aux électro-intensifs sont inférieurs au prix de revient, mais tel n’est pas forcément le cas : tout dépend du mode de calcul et il faut le signifier à la CRE.

Ceux qui ont accueilli dans leur circonscription des entreprises électro-intensives savent que l’électricité constitue un élément très important d’attractivité du territoire. Pour soutenir la croissance, l’investissement à moyen ou long terme et la dynamique industrielle, des garanties en matière de sécurité énergétique doivent être apportées. Celui qui investit sur quinze ans ou vingt ans doit être sûr qu’il bénéficiera de prix attractifs et qu’il ne subira pas de pénurie.

De ce point de vue, notre pays est relativement bien placé. Une étude récente indique qu’avec un prix du pétrole à 100 euros le baril, la France ne connaîtrait pas une trop mauvaise croissance grâce à l’électricité nucléaire. Encore faudrait-il que, dans le cadre d’une ouverture, on réserve les tarifs réglementés à nos entreprises et non pas à l’ensemble des Européens.

Enfin, le service public de l’énergie porte également la recherche et insuffle croissance et dynamique aux nouvelles technologies de maîtrise et d’économies d’énergie, qui sont aussi une de nos priorités. Dans les nouvelles branches d’activité d’avenir ayant trait aux économies d’énergie – nouvelles motorisations, isolation dans la construction –, nos entreprises de construction et nos matériaux isolants figurent parmi les premiers dans le monde. Notre pays est également particulièrement bien placé dans le domaine des phénomènes climatiques, en particulier dans la lutte contre l’effet de serre grâce aux avancées que nous avons obtenues en matière de surveillance satellitaire.

Il est important de dire à nos concitoyens – mais ils le savent déjà puisque 81 % d’entre eux veulent garder des entreprises d’énergie publiques – que c’est cette politique de service public de l’énergie qui nous a permis et qui nous permettra de conserver des marges de croissance et d’attractivité industrielle.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour défendre l’amendement n° 2278.

M. Christian Bataille. Pour que le service public de l’énergie soit un vecteur de croissance et de dynamique industrielle, il doit préférer les investissements à la distribution de dividendes. La dynamique de croissance trouve son impulsion au niveau du service public ; elle résulte de la volonté de la puissance publique : ministre, Gouvernement. Comme plusieurs d’entre nous l’ont déjà démontré, si la gouvernance d’une entreprise est aux mains des capitaux privés, la distribution de dividendes va immanquablement l’emporter sur l’investissement à long terme, au détriment de la croissance durable.

Pourquoi la France a-t-elle besoin d’investissements en matière de politique publique de l’énergie ? Parce que la facture énergétique extérieure est lourde. Elle représente actuellement un prélèvement sur la richesse nationale et il convient de la réduire dans toute la mesure du possible. Il est cependant à remarquer que, si elle n’est pas plus lourde, c’est sans doute grâce à notre service public de l’énergie qui a su maîtriser les évolutions.

M. Jean-Marc Roubaud. Merci, de Gaulle !

M. Christian Bataille. Si la France doit acquitter une facture énergétique extérieure, c’est parce que sa production de pétrole ne dépasse pas un million de tonnes, que celle de gaz naturel est inférieure à un million de tonnes d’équivalent pétrole et que celle de charbon est nulle. Malgré cela, notre pays jouit d’une indépendance énergétique correspondant à 50 % de ses besoins, et cela grâce à la volonté de la puissance publique.

M. Jean-Marc Roubaud. Nous avons le nucléaire : merci de Gaulle !

M. Christian Bataille. Ce n’est pas le cas de certains de nos grands voisins, comme l’Italie, qui ont renoncé à se doter d’une politique publique et dépendent cruellement de fournitures extérieures pour leur approvisionnement en pétrole, en gaz ainsi qu’en charbon, lequel va effectuer son grand retour sur la scène énergétique mondiale.

La dynamique publique constatée aujourd’hui en France vient de ce que nous avons, contrairement à la Grande-Bretagne et aux USA, un grand service public de l’énergie. Votre projet de privatisation de Gaz de France va, je le répète, atténuer cette dynamique de croissance et accentuer notre dépendance extérieure.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 2279.

M. Jean Gaubert. Bien que cela puisse paraître à contre-emploi en ces lieux, il est souvent question, dans notre assemblée, de compétitivité des entreprises. Nos collègues de la majorité s’arrogent souvent la primauté en la matière, mais ils ne sont pas les seuls à avoir ce souci.

La preuve en est que nous insistons sur l’un des éléments de cette compétitivité, à savoir l’accès à une énergie, je ne dirai pas bon marché parce qu’elle est toujours trop chère pour l’entreprise, mais à un prix non spéculatif et proche du prix de revient. C’est le sens du service public ! Ce dernier a pour but de dégager des marges qui sont ensuite redistribuées aux consommateurs, qu’ils soient domestiques, artisanaux ou industriels. Et c’est cette énergie bien gérée et moins chère que dans les autres pays qui constitue un avantage compétitif.

Nous sommes là, nous le savons bien, au cœur du débat puisque c’est l’une des raisons qui ont conduit la Commission européenne – sous la pression de certains lobbies, mais elle n’en avait pas trop besoin parce qu’elle est elle-même formée à cela – à prendre des directives afin d’éviter que l’économie française ne bénéficie de la rente nucléaire et de faire que tous les pays de l’Union européenne puissent tirer profit des investissements réalisés par les Français à une époque qui n’est pas si lointaine.

Vous nous proposez une entreprise privée pour le gaz. Or tout le monde sait que, dans un conseil d’administration, le premier paramètre pris en compte, c’est la satisfaction des actionnaires, laquelle se mesure au cours en bourse. Pourtant, comme nous l’avons fait remarquer lors de l’ouverture du capital de Gaz de France et d’EDF, la bourse est l’ennemie de la compétitivité économique, surtout en matière d’énergie.

Je pourrais développer longtemps ce sujet car nous avons tous des exemples d’entreprises qui ont profité de cette énergie à des tarifs acceptables. Sans insister sur celles qui sont les plus consommatrices d’énergie, les électro-intensives, je citerai un secteur que l’on oublie souvent : l’agroalimentaire breton n’aurait pas atteint le degré de développement qu’il connaît aujourd’hui si l’on n’avait pas pu l’approvisionner en gaz à des prix raisonnables, connus des chefs d’entreprise. C’est ce qui a permis à des entreprises de rester dans le centre de la Bretagne.

Après la privatisation, il n’y aura plus de certitude. Le prix d’achat du gaz évoluera au même titre que les autres – on sait que chacun prendra sa part au passage –, ce qui poussera de nombreuses entreprises à se poser des questions sur le bien fondé de leur implantation dans notre région puisque l’avantage compétitif que représentaient les tarifs d’énergie ne viendra plus compenser les désavantages compétitifs inhérents à celle-ci.

Vous ne pourrez pas nous dire le contraire, monsieur le ministre : la fin du service public induira d’elle-même la disparition de cet avantage.

(Mme Hélène Mignon remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour défendre l’amendement n° 2280.

M. François Brottes. Avant de défendre, cet amendement, je veux revenir sur les remarques formulées par M. Dionis du Séjour il y a quelques instants.

Ainsi que je l’ai souligné dans la discussion générale, pour moi, la privatisation, c’est du vol ! En 2001, ont été transférés à Gaz de France, alors entreprise à 100 % publique que personne n’avait l’intention de privatiser, les réseaux d’infrastructure qui appartenaient à l’État. Les céder à des intérêts privés revient à les faire bénéficier d’un enrichissement sans cause.

Je nuance ma pensée : la privatisation n’est pas toujours du vol mais, en l’espèce, c’en est bien un puisqu’une cagnotte considérable appartenant à la nation va profiter à quelques actionnaires. Cela est inacceptable.

Je reviens à l’amendement, c’est-à-dire aux raisons pour lesquelles nous souhaitons qu’il soit précisé que « le service public de l’énergie est un vecteur de croissance et de dynamique industrielle ».

Tout le monde en convient : l’emploi, c’est d’abord l’emploi industriel, lié à l’activité économique et de service et, par conséquent, à la croissance économique. Dans le contexte actuel de guerre mondiale sur le plan économique et de désindustrialisation en Europe et en France – nous avons tous en tête le nom d’entreprises qui se délocalisent –, dans de nombreux secteurs, nous ne nous battons pas à armes égales. Cependant nous avions, jusqu’à ce jour, un argument de compétitivité qui était le prix et la qualité de l’énergie.

Je parle également de qualité car nos entreprises publiques nationales n’ont jamais été défaillantes et ont toujours offert un service de qualité, contrairement à celles d’un bon nombre de pays. Cela risque de changer demain quand les économies de coût de production imposeront une diminution de la maintenance, en particulier de celle des installations de transport ou de production.

Comme bon nombre d’industriels – et pas seulement des électro-intensifs – me l’ont fait remarquer, nous sommes passés, pour le prix de l’énergie, de la première place à la cinquième ou à la sixième, si ce n’est à la septième. Alors que le poste énergie ne pesait que 4 ou 5 % dans le total des charges fixes, nous avons fait la culbute et ce taux est passé à 10, 15, voire 17 %, soit souvent plus que le montant du coût salarial.

Quand un chef d’entreprise se rend compte qu’il n’a aucun moyen d’action – parce qu’il a déjà fait toutes les économies possibles – pour diminuer l’impact sur ses charges fixes d’un élément dont il a absolument besoin pour sa production, la seule solution qui lui reste, c’est d’aller voir ailleurs, là où l’énergie est moins chère. Et ce n’est pas en Europe !

La question de l’énergie telle qu’elle est traitée aujourd’hui, monsieur le ministre, à l’échelon du continent européen comme de notre pays, n’est pas conforme à l’intérêt général, lequel commande de favoriser la croissance et la dynamique industrielle. C’est en effet l’énergie au prix coûtant qui favorise la compétitivité industrielle ; et le prix coûtant, ce n’est pas un prix irresponsable. C’est payer les investissements nécessaires pour continuer à produire de l’énergie, à la transformer, à la transporter et à la distribuer. C’est également et surtout ne pas rentrer dans une logique de profit tournée uniquement vers la distribution de dividendes. Cela renchérit en effet le coût de l’énergie et ceux qui en paient les pots cassés, ce sont les ménages et les industriels.

Le sujet est très grave et nécessite que l’on mette au premier rang de nos préoccupations, dans notre pays comme en Europe, la création d’emplois.

On ne doit pas considérer le secteur de l’énergie comme identique aux autres. Il est transversal à tous les autres secteurs d’activité puisque c’est un bien vital pour notre industrie. Mettre en place une concurrence en ce domaine, réguler la distribution pays par pays, privatiser les entreprises de ce secteur avec le risque que leurs dirigeants se mettent d’accord avec le régulateur national pour augmenter les prix, faire perdre la main à l’État et donc ne plus pouvoir contrôler ni faire pression, c’est encourager l’accroissement du prix de l’énergie distribuée et donc affaiblir considérablement – et je pèse mes mots – notre industrie.

Il est donc important que nous réaffirmions dans ce texte que le service public de l’énergie est un vecteur de croissance et de dynamique industrielle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 2281.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement a, à l’évidence, toute sa place dans la partie liminaire du texte car les conséquences de la privatisation de Gaz de France et de sa fusion avec Suez seraient importantes pour le service public de l’énergie.

D’abord – et c’est sans doute d’ailleurs l’une des raisons principales de notre opposition au texte –, nous ne connaissons pas aujourd’hui les contreparties qui vont être imposées par la Commission européenne. Cette dernière demandera certainement à ce que le nouveau groupe cède un certain nombre de ses actifs.

Nous serons donc bien loin de la situation d’aujourd’hui où nous avons deux entités industrielles importantes compétitives au niveau européen.

EDF produit une électricité abondante et peu chère, que l’on vend à un certain nombre de pays européens, notamment à l’Allemagne et à l’Italie Pour les secteurs électro-intensives – comme nos aciéries lorraines – et le développement des PME-PMI, cela constitue un avantage déterminant.

Notre bouquet énergique est le fruit de notre histoire. Après une période où l’on a considéré que l’indépendance énergétique était majeure, et au cours de laquelle on a investi dans le domaine du nucléaire, nous avons aujourd’hui un bouquet énergétique qui fait de la France un des leaders européens et mondiaux dans le rejet des gaz à effet de serre.

M. Jean-Marc Roubaud. Merci de Gaulle !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce bouquet énergétique est intéressant parce qu’il est à base d’électricité fabriquée à partir de centrales nucléaires ; il y a peu de centrales au charbon et, historiquement très peu de centrales au gaz.

M. Jean-Marc Roubaud. Il faut le dire aux écolos !

M. Jean-Yves Le Déaut. Puis nous avons développé les énergies renouvelables.

Monsieur le ministre, dans un paysage industriel éclaté, pourquoi des opérateurs, qui ne seraient pas soumis aux nécessités stratégiques de l’État, se soucieraient-ils que le bouquet énergique soit favorable aux intérêts de la France ? Ils n’y auraient aucun intérêt.

Certains, comme l’entreprise POWEO, souhaitent développer le gaz. On a même vu des opérateurs favoriser finalement le développement de l’éolien. Il faut développer l’éolien – les différents rapports sont unanimes sur ce point – mais jusqu’à un certain niveau en nombre de kilowatts installés. En effet, pendant les périodes d’anticyclone, lorsqu’il n’y a pas de vent, il faut une énergie de substitution. Si le parc éolien est trop important, concentré dans les mêmes régions, le gaz est indispensable en substitution. Le couple éolien et gaz se développe très bien.

Aujourd’hui, les entreprises dont les options stratégiques ne sont pas validées par l’État sont tentées de développer l’énergie qui coûte le moins en investissements et rapporte le plus de dividendes à court terme. Ce n’est pas ainsi que l’on soutiendra la croissance, la dynamique industrielle, ni qu’on luttera contre le réchauffement climatique. Sur ces questions fondamentales nous sommes en parfait accord.

M. Jean-Marc Roubaud. Vous êtes donc pour le nucléaire !

M. Xavier de Roux. Et les girouettes ?

M. Jean-Yves Le Déaut. On en a largement parlé hier soir, un certain nombre de ministres chez vous étant passés maîtres dans l’art de la girouette !

Mme la présidente. Monsieur Le Déaut, poursuivez la défense de votre amendement.

M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la présidente, mon collègue, en intervenant, m’a obligé à lui répondre.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est du vent !

M. Jean-Yves Le Déaut. Le service public de l’énergie, qui met à disposition une énergie peu coûteuse, est un facteur de croissance. L’éclatement du capital de Gaz de France – puis de EDF – et non la constitution d’un géant européen, comme on l’a prétendu, nuira à la dynamique industrielle.

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l’amendement n° 2282.

M. David Habib. Didier Migaud, tout à l’heure, a rapporté devant notre assemblée, en défendant un amendement, l’intervention du prix Nobel de l’économie qui a insisté sur l’hérésie qu’il y avait sur le plan social, au regard de l’aménagement du territoire et sur le plan économique, à privatiser Gaz de France.

François Brottes vient de rappeler combien, de part et d’autre, nous sommes convaincus que, s’il y est un secteur économique capable de créer les conditions d’une croissance stable et d’offrir des perspectives de développement, c’est bien celui de l’énergie.

Par un désengagement de l’État, par un transfert de responsabilités de l’intérêt général vers l’intérêt particulier, du secteur public vers le secteur privé, nous allons priver notre pays d’un outil indispensable à la stabilisation de notre économie et à son développement.

Il y a deux ans, en discutant la loi sur l’énergie, nous avions longuement évoqué les déclarations de Jean-Louis Beffa qui avait mis en exergue les atouts compétitifs de notre pays en matière énergétique. Il avait rappelé que, eu égard à un certain nombre d’éléments – coûts salariaux, évolutions technologiques… –, l’énergie restait encore un atout pour la compétitivité de la France dont il convenait de conserver la maîtrise, et qu’il était souhaitable que notre pays puisse, grâce à l’énergie, offrir à tout le secteur industriel des prix et une qualité de fourniture qui permettent à ce secteur de se développer. Voilà où nous en sommes.

Le Président de la République, à la télévision, a évoqué les trois pôles : l’électricité, le pétrole et le gaz. Il a fait valoir qu’après EDF dans l’électricité, le groupe Total dans le pétrole, nous pourrions avoir un troisième champion dans le gaz, avec Gaz de France et Suez.

Toutefois parce qu’il n’y a pas de projet industriel, parce que nous avons tous le sentiment que la fusion se fera par un rétrécissement des activités, car la Commission européenne imposera des cessions d’actifs, nous allons déstabiliser ce champion qu’évoquait le Président de la République et nous ne créerons pas de valeur.

Nous sommes aujourd’hui dans la situation de constater que, tant sur le terrain industriel que sur celui de la croissance, le choix du Gouvernement est malheureux.

Monsieur le ministre de l’industrie, vous avez évoqué un territoire que j’aime et que j’entends essayer de servir au mieux. À cet égard on ne peut invoquer l’exemple de Total et d’Elf. À titre personnel, j’étais favorable à leur rapprochement. Dès lors qu’il avait été envisagé de part et d’autre par les groupes, nous étions quelques-uns à exprimer un avis positif. Entre nous, voir M. Desmarest avaler M. Jaffré ne nous aurait pas choqué. L’inverse nous aurait davantage inquiétés. Nous avions donc envisagé plutôt favorablement ce rapprochement, mais la question, à l’époque, n’était pas celle du rapprochement entre public et privé puisqu’il s’agissait de deux groupes privés, le gouvernement Balladur ayant décidé de privatiser le groupe Elf, privatisation à laquelle nous nous étions opposés.

À l’époque, toujours avec beaucoup de sincérité, mais aussi avec naïveté, François Bayrou, ministre de l’éducation nationale de M. Balladur, qui venait de découvrir la golden share, annonçait dans le Béarn que nous étions protégés. La golden share était le formidable bouclier qui allait permettre à la France de conserver la maîtrise de la filière énergétique. On a vu la suite : M. Bayrou est encore avec nous, mais plus la golden share ! Aujourd’hui ce bouclier juridique et administratif a disparu et le commissaire européen M. McCreevy a déclaré que les golden shares n’ont pas leur place dans le marché unique.

Mes chers collègues, ne vous abritez pas derrière cet artifice juridique pour imaginer que nous allons maintenir une capacité d’influence de la puissance publique à l’intérieur du groupe que vous vous apprêtez à constituer. Nous avons aujourd’hui une expérience qui nous permet d’évaluer la réalité. Comme mes collègues socialistes, j’ai conscience qu’aujourd’hui l’énergie est un bien suffisamment transversal – pour reprendre l’expression de François Brottes – pour ne pas priver notre économie de ce levier et pour permettre à l’emploi et à la croissance économique d’être la priorité de l’action publique.

Mme la présidente. Je constate que MM. Migaud, Bonrepaux, Aubron, Balligand, Bascou et Besson ne sont pas présents pour soutenir leurs amendements identiques.

La parole est à M. Maxime Bono, pour défendre l’amendement n° 2289.

M. Maxime Bono. S’exprimant sur un précédent amendement, Mme Lebranchu a souligné que le premier facteur de la croissance était l’énergie. Nous le vérifions depuis longtemps, pratiquement depuis la loi de 1946 qui créa Gaz de France.

Souvenons-nous des conditions dans lesquelles elle avait été créée : environnement international particulièrement difficile, contexte de pénurie. On est loin des images de vie facile que l’on nous décrit parfois aujourd’hui.

Cette loi avait promu Gaz de France au rang de service public national. Depuis lors, comme beaucoup d’orateurs l’ont souligné avant moi, ce service public de l’énergie a permis de doter notre pays de champions industriels qui ont contribué à l’indépendance énergétique de notre pays avec les succès que l’on connaît. Les Français y sont profondément attachés. Les derniers sondages montrent en effet qu’une très large majorité de nos concitoyens est attachée à un service public de l’énergie géré de façon publique, marqué par une expression forte de la puissance publique.

Ce modèle a permis l’accès à l’énergie pour tous, la continuité du service public, la sécurité des approvisionnements. Il a préservé et développé l’outil de production précisément parce que nous proposions aux industriels l’accès à l’énergie à des prix concurrentiels. Il reposait sur une vision à long terme de l’investissement.

Je ne suis pas spécialement partisan des raisonnements a contrario, mais l’on peut s’interroger : si la puissance publique aujourd’hui se désengage, en quoi le fait de confier le secteur de l’énergie à des entreprises cotées en bourse, soucieuses de leurs dividendes, pourrait amener une amélioration de la situation, somme toute satisfaisante, qu’a connue le secteur industriel jusqu’à ce jour ?

Ce projet est dangereux en termes de croissance et de dynamisme industriel ; il est dangereux aussi pour les consommateurs qui seront les grands perdants. La fusion qui nous est proposée n’amènerait aucune amélioration réelle de la force de négociation des entreprises sur le prix d’achat du gaz, ni ne renforcerait la sécurité d’approvisionnement. Bref, on voit mal l’intérêt que nos industries, et le pays d’une façon générale, auraient à la réalisation de ces projets.

Voilà pourquoi, avant l’article 1er, je vous propose tout simplement de retenir cet amendement qui précise à nouveau que « Le service public de l’énergie est un vecteur de croissance et de dynamique industrielle. »

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l’amendement n° 2290.

M. Pierre Cohen. Mes collègues ont parfaitement développé les raisons pour lesquelles le service public de l’énergie jouait, par sa maîtrise des tarifs, par sa continuité, par son indépendance, un rôle de développement industriel, donc de croissance.

Je vais essayer de montrer que le service public de l’énergie constitue lui-même un secteur industriel qui mérite aussi que l’on s’y attarde car il joue un rôle important dans le développement industriel et économique et donc dans la croissance.

Permettez-moi de revenir sur les débats que nous avons eus, lors de l’examen du projet de loi sur la recherche et lors de la création de l’Agence pour l’innovation, à la suite du rapport Beffa.

Comme vous le savez, les entreprises privées, qui devraient jouer un rôle moteur en matière de recherche et développement, financent de moins en moins l’innovation et la recherche, et ces dernières années la puissance publique a dû prendre le relais. C’est pourquoi, après avoir, les deux premières années de votre mandat, asphyxié la recherche publique en pratiquant des coupes claires dans ses budgets, …

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Cohen. …ce qui a eu pour effet de jeter dans la rue l’ensemble des chercheurs, vous avez été contraint de revenir en arrière et d’augmenter les dotations budgétaires. En effet, alors que l’Europe s’est fixé comme objectif 3 % du PIB consacrés à la recherche d’ici à 2010, notre budget de recherche s’élève à 2,2 % du PIB, dont plus de la moitié relève du financement public. Cela signifie que la puissance publique devra consentir un effort accru dans les années à venir.

Or ce financement public de la recherche est assuré, non seulement par le budget de l’État – ce qu’on appelle le budget civil de recherche et développement – mais également par les entreprises publiques. On sait parfaitement, et le précédent de France Télécom est venu le confirmer, que la privatisation se traduira par une tentative de réduire les coûts au détriment des investissements d’innovation et de recherche.

En démantelant le service public de l’énergie, vous cassez ce qui aurait pu être une dynamique économique et industrielle de croissance.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Comme nous le savons tous, seul un grand service public de l’énergie peut assurer au mieux l’approvisionnement énergétique nécessaire à l’avenir de nos petites et moyennes entreprises. Nous pouvons tous citer des exemples d’entreprises dont la facture énergétique s’est considérablement accrue depuis qu’elles ont quitté le marché régulé. Ce sont les salariés qui souvent paient cash la hausse de la facture, via des licenciements motivés par cette hausse des coûts.

Je pense notamment à la verrerie de Verzège, dans mon département, que des problèmes de marché, mais aussi l’augmentation de la facture énergétique ont contraint à fermer un four et à supprimer 290 emplois. Comme vous le voyez, chers collègues, la dérégulation effrénée porte de mauvais coups à nos PME-PMI, et la concurrence en matière d’énergie entrave la croissance de nos entreprises en affaiblissant leur compétitivité.

Cela se vérifie aussi pour certains services publics. Je pense notamment à l’hôpital de Besançon. Vous avez, François Brottes, rappelé à ce sujet que notre collègue de l’UMP Françoise Branget s’était émue dans une question écrite au Gouvernement du fait que « l’hôpital de Besançon avait vu sa facture énergétique augmenter de 450 000 euros par an » depuis qu’il avait fait le choix d’un fournisseur concurrent d’EDF. Elle souhaitait savoir « si le Gouvernement comptait mettre en place un dispositif qui offrirait une ultime possibilité d’accéder au tarif régulé d’EDF, notamment lorsque le surcoût peut affecter le financement de tâches de service public à l’instar des hôpitaux ». Ce qui est vrai pour EDF vaut aussi pour GDF.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les amendements en faveur d’un grand service public de l’énergie soit adopté.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Vous me permettrez, mes chers collègues, pour défendre ces amendements, de revenir à l’exposé des motifs du projet de loi, qui n’a été jusqu’ici que survolé, même par le Gouvernement. alors que sa lecture est riche d’enseignements.

En effet les mots sont toujours importants : là où votre projet de loi parle curieusement du « secteur » de l’énergie, notre amendement parle du « service public » de l’énergie. La différence est fondamentale. Notre amendement évoque la croissance et la dynamique industrielle, alors que le projet précise que « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel porteur de croissance et d’investissements ». Il me semblait que ce nom désignait un groupe industriel, mais j’ai cru comprendre que tel n’était pas le cas : il doit s’agir de la ville de Suez, ou du canal de Suez…

Ces amendements ne visent qu’à rappeler que l’énergie est un service public. La précision est nécessaire puisque le projet de loi se contente de parler d’un « secteur » de l’énergie, au même titre qu’on parle du secteur de la chaussure, de l’habillement ou de l’automobile. Or ces secteurs, qui sont tous importants pour notre économie, ne sont cependant pas des services publics, à la différence de l’énergie : la raison fondamentale en est qu’on ne peut en aucun cas se passer de l’énergie.

Alors que la définition de l’énergie comme un « vecteur de croissance et de dynamique industrielle » est susceptible de rallier tous les suffrages, puisqu’on peut la retrouver dans l’exposé des motifs de votre texte, la qualification de « service public » semble terriblement gênante. Dans le même temps on semble ne pas cesser de s’excuser de la privatisation, et surtout de la fusion, dont il ne faut même pas parler.

L’exposé des motifs va pourtant très loin dans ce sens, monsieur le ministre. Ainsi le titre III, titre le plus important, ne parle pas de privatisation, mais « des dispositions relatives au capital de Gaz de France ». Cela revient à reconnaître que ces dispositions ont pour unique objectif la fusion entre Suez et Gaz de France, et non la faculté de passer d’hypothétiques alliances avec d’autres partenaires. C’est l’essentiel du texte.

D’ailleurs, monsieur Loos, quand vous avez évoqué les autres dispositions du projet, vous avez eu un geste de la main qui révélait le caractère accessoire de la transposition.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est tout à fait important au contraire !

M. Paul Giacobbi. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais je vous assure que tel ne semblait pas être le sens du geste dont vous avez accompagné votre présentation. Je n’ai nul besoin d’ailleurs de me référer à ce que vous nous avez dit, puisque la lecture de l’exposé des motifs du projet lui-même, signé par M. de Villepin et M. Breton, suffit à convaincre que les dispositions permettant la fusion entre Suez et Gaz de France sont les dispositions essentielles.

Il y a là une divergence fondamentale. L’exposé des motifs, et l’ensemble du texte en réalité, avalise la volonté circonstancielle de deux entreprises de s’associer, inspirée par leur incapacité, celle de Suez notamment, à se prémunir contre une dynamique d’alliances européennes. Telle est l’idée toute simple qui sous-tend ce texte. Du point de vue de Suez, l’alliance avec une entreprise publique a en outre l’avantage d’être peu coûteuse.

Vous avez fait vôtre cette idée, comme le reconnaît l’exposé des motifs : celui-ci reconnaît que « le gouvernement français a indiqué qu’il apportait son soutien à ce projet ». Ces mots montrent suffisamment qui est à l’initiative du projet. Reste une petite formalité, que nous sommes en train d’accomplir ici. En effet, une fois que ces messieurs ont pris la décision, et que le Gouvernement l’a approuvée, nous n’avons qu’à entériner le tout !

Nous sommes là aux antipodes d’une logique de service public. Pardonnez-moi, mais je connais peu de pays qui connaissent de telles pratiques : même dans les plus favorables au libéralisme, les Parlements ne sont pas réduits au rôle de « facilitateur » juridique de décisions qui ne sont même pas celles du Gouvernement, mais d’acteurs économiques.

Tout cela justifie l’utilité de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Je crois que le texte même de ces amendements suffit à lui seul à convaincre l’unanimité de nos collègues.

L’aménagement est un des maîtres mots des interventions du groupe socialiste. Il est de l’intérêt évident des territoires de réunir l’ensemble des facteurs les plus favorables à leur développement, tels que les infrastructures ou les divers réseaux, ou encore l’énergie.

Aujourd’hui en effet une défaillance de l’offre d’énergie sur un point du territoire voue tout projet industriel ou toute implantation à l’échec. Le gaz naturel figure au nombre des éléments décisifs s’agissant des choix d’implantation d’entreprises.

J’illustrerai cette vérité d’un exemple concret – après tout, il est de notre rôle de député de porter à la connaissance de la représentation nationale et des membres du Gouvernement les préoccupations de la population de notre circonscription – celui des serristes. Depuis quelques années, ces maraîchers exploitent dans certains terroirs des serres qui leur permettent de cultiver diverses variétés de légumes dans des conditions optimales de productivité et d’acheminement. Aujourd’hui un hectare de serres représente un investissement d’environ 1,5 million d’euros ; le prix de l’énergie s’élève, dans le budget d’un exploitant, environ à onze euros par mètre carré et par an. Vous voyez que cela représente un budget conséquent pour des exploitations qui peuvent atteindre 1,5 voire 2 hectares.

Selon les zones, les prix pratiqués par Gaz de France peuvent varier de un à cinq. Bien que les serristes puissent bénéficier aujourd’hui de prix relativement attractifs, ils les jugent pourtant élevés, tant la concurrence des pays européens et extra-européens, méditerranéens en particulier, est devenue forte.

On comprend dans ces conditions que ces exploitants craignent beaucoup une augmentation notable du prix du gaz. En effet, une augmentation brutale de 30, 40, voire 50 % – cela s’est vu, et vous nous en avez cité des cas, monsieur le rapporteur – suffit à rendre ces productions immédiatement invendables sur un marché où la concurrence est vive.

Ces producteurs sont donc légitimement préoccupés par le texte que nous examinons aujourd’hui, et sont très attentifs à ce qui va se passer dans cet hémicycle dans les jours à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. La privatisation de GDF, rejetée par 80 % des citoyens, est dangereuse politiquement – pas pour nous, mais pour vous – et n’est pas justifiée sur le plan économique et industriel.

Je passerai sur le coût direct de la fusion, qui s’élève à 5,2 milliards d’euros avec une action à 40 euros au lieu de 30, et du désendettement de Suez, qui est de 16 milliards d’euros si l’on en croit les sources syndicales. Je passerai également sur l’indépendance énergétique de la France, pour évoquer un sujet qui m’est cher : la solidarité territoriale en matière industrielle sur les bords de montagne et en fond de vallée.

Le service public de l’énergie serait à tous égards un réel vecteur de croissance et de dynamique industrielle. A contrario, son abandon serait lourd de conséquences et porterait un rude coup à cette solidarité territoriale, du fait de l’impact de la facture énergétique sur ces industries.

Je prendrai deux exemples : dans une papeterie d’Ariège, au pays d’Aristide Bergès, le coût de l’énergie nécessaire à la fabrication du papier journal représente 30 % du chiffre d’affaires de 30 millions d’euros ; dans une toute petite usine, ce coût est de 45 %. Je vous laisse imaginer le destin de ces petites unités, porteuses d’emplois et d’espoir pour les salariés et les citoyens, si le pôle énergétique français était voué aux appétits des grands groupes privés, qui ont deux impératifs : se payer et encore se payer.

La privatisation de l’énergie entraînerait une baisse des prix ? Chacun aura bien vu que c’était un leurre. L’amendement se justifie donc pleinement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le débat, qui a été très intéressant, a permis d’ouvrir diverses perspectives et de souligner la place et le rôle de l’énergie dans l’économie d’un pays – rôle dont tous conviennent et qui a d’ailleurs été rappelé fortement dans l’Histoire. Ainsi, Vladimir Ilitch Oulianov, plus connu sous le nom de Lénine (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) affirmait que le communisme, c’est les soviets, plus l’électricité. Laissons de côté la première partie de la phrase et notons que, dans le monde, bien des chefs d’État et de gouvernement insistent sur la problématique de l’énergie, comme par exemple le président Lula, au Brésil, personnalité célèbre et estimée, que j’ai entendu s’exprimer sur cette question. L’électricité pour tous est un programme brésilien, car ce pays a considéré que le progrès passait par l’accès à des sources d’énergie. Nous en sommes tous d’accord dans cet hémicycle et c’est d’ailleurs bien dans cet esprit qu’a été entrepris, au début du siècle dernier, le développement de l’électricité qui a été poursuivi et consolidé par les lois de l’après-guerre.

Dans ce domaine donc, le débat, sans être clos, me semble avoir largement apporté satisfaction à ceux qui reconnaissaient le besoin de ces sources d’énergie.

Je tiens maintenant à saluer la capacité d’imagination de nos collègues, qui se sont efforcés d’éviter de donner un caractère trop répétitif à leurs interventions – il a pu, certes, arriver qu’un orateur répète ce qu’un de ses collègues avait déjà exprimé, mais cela peut tenir au fait que vous n’étiez pas tous présents en séance en même temps.

J’ai, pour ma part, écouté tous les intervenants et j’ai été très frappé de constater que nous avons assisté, pendant l’heure qui vient de s’écouler, à une attaque en règle de la loi ouvrant le marché de l’électricité que le gouvernement socialiste de M. Jospin a fait voter en 2000.

M. Pierre Ducout. C’était une transposition au minimum !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous venons d’entendre que certaines entreprises sont victimes de cette loi de 2000 car, après avoir quitté le tarif en faveur des prix négociés, elles subissent aujourd’hui une hausse spectaculaire des prix du marché qui les désavantage par rapport à leurs concurrents. Certains serristes, par exemple, alléchés par des contrats qui faisaient valoir une diminution du coût de l’énergie pour leur production, ont ainsi renoncé au tarif et subissent aujourd’hui une forte augmentation des prix.

M. Paul Giacobbi. La directive avait été adoptée par Juppé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cette situation a été causée par la loi de 2000. Pourtant, je ne vous ai pas entendus, à l’époque, expliquer qu’il y avait des risques et qu’il fallait peut-être instaurer des garde-fous pour éviter une situation qui n’a pas manqué de se produire.

M. Paul Giacobbi. On aurait dû se méfier !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je n’ai, quant à moi, voté cette loi que parce que vous aviez finalement accepté d’y inscrire un dispositif de tarif social pour l’électricité et que je ne croyais pas pouvoir voter contre une loi qui prévoyait un tel dispositif.

M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la présidente, il a déjà dit tout cela ! C’est de l’obstruction !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je fais devant vous acte de repentance, comme d’ailleurs vous venez de le faire vous-mêmes, chers collègues du groupe socialiste, en condamnant la loi de 2000 proposée par le gouvernement de M. Jospin et que vous avez votée à une très grande majorité – presque à l’unanimité. En prenant de telles initiatives, il faut prendre quelques précautions.

M. Paul Giacobbi. Cette fois-ci, nous en prenons, et nous prenons notre temps !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Deuxième observation : j’ai apprécié, même si nous ne souscrivons pas forcément à tout ce qu’ils ont dit, que plusieurs orateurs aient insisté sur le rôle du nucléaire. Vous avez avancé plusieurs principes, comme celui du maintien de l’avantage – incontestable, je l’ai déjà dit – que représente la fourniture du nucléaire par l’intermédiaire des tarifs réglementés.

Un orateur du groupe socialiste a souligné le fait que les pouvoirs publics devaient continuer à jouer un rôle majeur – certes, à condition toutefois qu’ils tiennent une ligne cohérente. De fait, avant 2002, certaines décisions majeures n’ont pas été prises, comme le lancement du réacteur nucléaire EPR. Certains d’entre vous, que je ne citerai pas pour ne pas les mettre mal à l’aise, attendaient cette mesure et ont insisté auprès de M. Jospin pour qu’il lance ce programme. Il n’en a rien fait, pour des raisons bassement politiciennes, les Verts participant alors au Gouvernement et la majorité plurielle étant fortement divisée.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il se répète ! C’est encore de l’obstruction !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Aujourd’hui, vous reconnaissez une évidence, et je vous en félicite.

Troisième observation, qui manifeste le rôle des débats : à force de dire les choses, elles finissent par pénétrer les esprits et des idées qui étaient mal reçues sont corrigées. Ainsi, j’ai entendu admettre qu’il était possible, dans un marché ouvert, de continuer à bénéficier des tarifs et que la puissance publique avait la main sur les tarifs régulés. C’est l’évidence, c’est le b a ba que nous vous répétons depuis des jours et des semaines : nous gardons la main sur les tarifs. Il n’est pas question que les tarifs du groupe privé issu de la fusion entre Suez et GDF ne soient pas fixés par la puissance publique.

Quatrième observation : pour ce qui concerne les énergies renouvelables, je vous rappelle que j’évoquais récemment dans cet hémicycle la part qu’a prise notre majorité, conduite par le gouvernement actuel, dans le développement des énergies renouvelables, notamment par des dispositifs très incitatifs d’ordre fiscal.

Enfin, pour ce qui concerne la recherche, le projet de loi de finances pour 2007, qui viendra en discussion d’ici quelques semaines, comporte un dispositif prévoyant la contribution de toutes les entreprises à l’effort de recherche. Le vœu exprimé par M. Cohen est donc largement satisfait par des mesures responsables qui seront proposées par le Gouvernement.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je répondrai, pour finir, à l’orateur qui a évoqué le problème du CHU de Besançon, dont j’ai eu à connaître récemment. En vertu de la loi, ce CHU a quitté le tarif réglementé pour accepter un contrat de fourniture au prix du marché. En prenant connaissance de ce cas, je me suis demandé comment les responsables de ce CHU – je n’insisterai pas, mes chers collègues, mais peut-être pourrez-vous vous tourner vers eux, car vous devez bien les connaître – avaient pu s’engager sur une telle voie. En effet, la consommation électrique d’un CHU est très importante et la décision de quitter les tarifs réglementés au profit de prix aléatoires se traduit aujourd’hui par un surcoût important – de l’ordre de 300 000 euros par an. Avant de prendre une telle décision, il faut réfléchir.

Toujours est-il que je suis sensible à la situation du CHU de Besançon et que, dans les propositions que j’ai faites à la commission en accord avec le président de celle-ci et le Gouvernement en vue d’instituer un tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, j’ai prévu que cette disposition concernerait également les établissements publics. Je tenais à le préciser pour que vous puissiez rassurer des personnes que vous connaissez, à l’évidence, très bien. Nous pouvons, en effet, corriger certaines erreurs.

Mme la présidente. Je tiens à souligner, monsieur le rapporteur, que j’écoute, moi aussi, avec beaucoup d’attention tous les intervenants. (Sourires.)

Quel est l’avis du Gouvernement sur la série d’amendements identiques en discussion ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je me contenterai de compléter par quelques remarques les observations que vient de présenter excellemment le rapporteur sur la série d’amendements présentés.

D’abord, une remarque factuelle : en des termes pratiquement identiques au texte de ces amendements, la loi du 13 juillet 2005 dispose que le service public de l’énergie favorise la compétitivité économique de la nation. Il ne semble donc pas nécessaire de voter lesdits amendements.

Sur le fond, le texte que nous présentons vise à permettre le maintien des tarifs au-delà du 1er juillet 2007 pour l’ensemble des consommateurs. S’il n’était pas voté, nous ne pourrions pas maintenir les tarifs, ce qui, compte tenu des prix actuels de l’électricité, serait moins efficace pour la croissance et la dynamique industrielle de notre pays. Nous faisons donc tout, puisque le texte du projet de loi le permet, pour assurer que le secteur public de l’énergie soit effectivement un vecteur de croissance.

Nous avons imaginé des mesures particulières pour les cas extrêmes des électro-intensifs qui ont été évoqués. Pour certaines entreprises en effet la part de l’électricité dans la valeur ajoutée est considérable. Ces entreprises sont donc très sensibles aux prix de l’électricité et, dans la compétition internationale, ne peuvent pas supporter des prix très élevés. Nous leur avons donc proposé, au moyen d’un alinéa de la loi de finances rectificative de l’année dernière, de s’organiser en un consortium qui pourra négocier de meilleurs tarifs de gros avec les producteurs d’électricité.

Vous avez également évoqué le cas pratique de la consommation de gaz des serristes, pour qui le prix de l’énergie est fondamental. Là encore nous avons veillé, au moyen d’un amendement déposé sur le projet de loi, à améliorer la rentabilité des cogénérations agricoles, ce qui bénéficie à l’ensemble de ces dernières. En outre, le ministre de l’agriculture prépare un « plan serres » prévoyant une péréquation des différences de tarif du gaz entre les différentes zones. En effet, à la différence des prix de l’électricité, ceux du gaz ne sont pas les mêmes dans toute la France. Nous veillerons donc à ce qu’une meilleure péréquation permette à tous les exploitants de serres de bénéficier du meilleur prix.

Vous voyez donc que nous avons bien, dans les deux cas que vous avez cités, à cœur de prévoir les moyens nécessaires, et le cadre juridique qui permet d’assurer les meilleurs tarifs et les meilleurs prix aux industriels et aux serristes concernés. Premièrement, ces amendements reprennent pratiquement une phrase qui existe déjà dans la loi du 13 juillet 2005 ; deuxièmement, on applique déjà la proposition émise comme le montrent les deux exemples que j’ai cités. Il me semble donc inutile de les voter.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai été vraiment époustouflé – je ne suis sans doute pas le seul – par les propos du ministre, qui vient de nous dire que tout est fait pour les meilleurs tarifs, que tout est fait pour les meilleurs prix, que tout est fait aujourd’hui et que tout sera fait demain ! Je n’exagère pas en disant, monsieur le ministre, et je pèse mes mots, que vos propos sont mensongers. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pèse mes mots, et je le prouve ! Gaz de France, vous ne l’ignorez pas, monsieur le ministre, vient d’annoncer ses résultats pour le premier semestre 2006 : le résultat net du groupe progresse de plus de 40 %, passant de 1,2 milliard d’euros fin juin 2005 à 1,7 milliard d’euros fin juin 2006. Vous allez dire que cette progression est due au dynamisme particulier de Gaz de France.

M. Jean-Marie Geveaux. Bien sûr ! C’est normal !

M. André Chassaigne. Or il s’avère que la progression est due pour l’essentiel aux profits qui sont faits sur la vente du gaz, avec des augmentations de tarifs qui ont été supérieures à ce qui était nécessaire.

Nous avons tous en tête les pleurnicheries de la direction de Gaz de France, qui nous disait qu’il fallait compenser la hausse des coûts d’achat du gaz, que l’entreprise vendait à perte et qu’il fallait cependant fournir un gaz le moins cher possible, si bien qu’au final la hausse des tarifs du gaz, en un an, a été de 26 % entre juin 2005 et mai 2006 ! On y retrouve la part la plus importante de la marge dégagée puisque la progression est de 40 millions d’euros sur le premier semestre, soit plus de 13 %, pour l’essentiel dû à des augmentations de coûts qui n’étaient pas nécessaires, du moins avec cette ampleur.

Il y a donc mensonge, et c’est bien l’illustration que ce projet n’est pas pour la croissance, parce que celle-ci est aussi due au pouvoir d’achat des consommateurs ; or une famille qui doit payer 150 euros de plus pour l’achat du gaz, c’est autant de dépenses en moins pour la consommation, au détriment de la croissance. Vous allez me répondre qu’il s’agit tout de même de croissance parce que cet argent va dans les caisses de l’entreprise, mais derrière tout ça il y a désormais des actionnaires privés qui, eux, ont besoin de dividendes toujours plus forts ! Et ces dividendes qui vont dans les poches des actionnaires ne servent pas la croissance ! Ils servent au contraire la spéculation boursière. Nous avons donc la démonstration que vous venez de proférer des mensonges, monsieur le ministre (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), parce que c’est la réalité des chiffres ! Ces chiffres ont été rendus publics, vous ne pouvez pas dire le contraire.

En plus, derrière ces hausses se profilent d’autres exigences ! Quelle est par exemple l’exigence de l’Association française du gaz, dont Gaz de France est le principal membre ? Dans un communiqué de presse du 1er septembre 2006, elle demande tout simplement la disparition des tarifs administrés. Quelle est l’exigence de l’Union professionnelle des industries privées du gaz, dont Suez est un principaux membres, exigence formulée dans le bulletin de l’industrie pétrolière du 27 juin 2006 ? Elle demande elle aussi la disparition des tarifs administrés. Il est bien évident qu’avec cette privatisation accentuée, avec cette fusion, on aura ce qu’il faut bien appeler un hold-up du service public, et, derrière tout ça, les actionnaires qui attendent pour accumuler toujours plus de profits, au détriment de la croissance ; d’où la nécessité de voter ces amendements.

M. Alain Bocquet. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie des finances et de l’industrie. Je ne peux laisser passer ce qui vient d’être dit. Je ne veux absolument pas polémiquer, mais je ne peux pas laisser traiter de menteur un membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Monsieur Chassaigne, je veux bien croire que vous n’avez qu’une connaissance partielle de la manière dont Gaz de France réalise son résultat et ses profits.

Gaz de France a réussi à investir dans l’amont gazier – on en a déjà parlé, mesdames, messieurs les députés – ; pas assez, pas suffisamment, mais un petit peu. Nous souhaitons lui donner la possibilité d’investir plus massivement dans l’amont gazier en achetant des concessions…

M. Pierre Ducout. Et en vendant Suez !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …dans des champs, et c’est précisément ainsi que le groupe a réalisé ces profits.

M. Pierre Cohen. Mais non, et nous le savons bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je le dis clairement, cela a été validé et vérifié, et par la Commission de régulation de l’énergie et par la commission indépendante…

M. André Chassaigne. Dont on connaît l’indépendance !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …dont j’ai confié la présidence à M. Durieux, et qui continue à examiner très attentivement l’évolution des prix. Il est démontré que ce n’est pas, contrairement à ce que vous dites – propos que je ne qualifie que d’erreur et pas d’un autre terme – sur le dos des consommateurs que s’est fait le profit :…

M. André Chassaigne. J’ai cité des chiffres, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …on a acheté le gaz, on l’a vendu exactement au prix d’achat…

M. André Chassaigne. C’est faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …– non, ce n’est pas faux –, et l’augmentation à laquelle vous faites allusion est inférieure à l’augmentation du coût d’achat des fournisseurs de Gaz de France. Cela nous rappelle à tous ce qui s’est passé entre 1999 et 2000, où en moins de douze mois, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le prix du gaz pour les consommateurs avait augmenté de plus de 30 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Eh oui ! 34 % !

M. David Habib. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On ne parlait pas à l’époque du grand capital ni des actionnaires, alors que c’était la même loi qui s’appliquait. Si Gaz de France faisait un peu de moins de profits à l’époque, c’est parce qu’il n’avait pas assez investi dans l’amont gazier. C’est précisément la raison pour laquelle nous voulons, pour préserver le pouvoir d’achat des Françaises et des Français,…

M. André Chassaigne. Oh là là !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …donner à Gaz de France la possibilité d’investir dans l’amont gazier pour sécuriser les contrats d’approvisionnement et éviter une situation où, comme en 2000, ce soient les consommateurs qui payent.

Je conclurai en soulignant que j’apprécie la qualité de ces débats. Je le dis au nom du Gouvernement. Certes, ils sont un peu répétitifs (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je suis obligé de le constater, mais il est à mettre au crédit d’une partie de l’opposition qu’elle sait se renouveler sur un amendement, dix fois, quinze fois, vingt fois. C’est vrai que l’imagination est là. Cela dit, le Gouvernement est satisfait de voir que la discussion se passe dans un esprit républicain, même s’il est vrai que plutôt nous rentrerons dans le corps du sujet, dans le débat sur les articles, mieux ce sera pour la France et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la présidente, je voudrais répondre au ministre et poursuivre par un rappel au règlement.

Monsieur le ministre, nous prenons acte de la volonté du Gouvernement d’accepter le débat. Depuis que celui-ci a commencé, autant du côté du rapporteur il y a eu beaucoup de dérision, systématiquement dirigée contre les arguments des uns et des autres, parfois du cynisme,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oh !

M. François Brottes. …autant du côté du Gouvernement je reconnais qu’il y a eu échange d’arguments, et apport de clarifications et de précisions.

Mais, monsieur le ministre, dans votre démonstration à la suite de l’intervention d’André Chassaigne, je ne vous ai pas entendu nous expliquer que les 44 % de bénéfices supplémentaires de Gaz de France allaient être réinvestis dans l’amont gazier. Cela aurait été une bonne nouvelle ! Ils vont être redistribués alors que vous nous avez dit que c’est parce que la société a investi dans l’amont gazier qu’elle a fait des bénéfices, si je vous ai bien compris.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oui.

M. François Brottes. J’aurais préféré que vous nous disiez que les bénéfices ainsi dégagés seraient réinvestis dans l’amont gazier, sachant que nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin en Europe, et pas seulement en France, de consolider l’amont gazier puisque c’est là que nous sommes les plus fragiles.

M. André Chassaigne. C’est sûr !

M. François Brottes. D’ailleurs le syndicat CGC de Gaz de France indique que, sans un accord avec Suez, Gaz de France pourrait investir de l’ordre de 40 milliards d’euros dans l’amont gazier. Vous voyez donc que si on s’y prenait autrement dans la gestion de cette entreprise au demeurant publique, avec ces 40 milliards et les bénéfices qui viennent d’être dégagés, on pourrait prendre des positions efficaces sur l’amont gazier, si bien sûr on ne bradait pas l’entreprise publique comme vous vous apprêtez à le faire dans des conditions que malheureusement vous ne pouvez nous préciser parce que vous ne connaissez pas avec précision toutes les données du problème. Dont acte, mais nous le déplorons puisque nous débattons en amont d’une clarification qui est indispensable.

Monsieur le rapporteur, la dérégulation et l’ouverture du marché ont certes été engagées par M. Juppé en 1996 lorsqu’il a accepté le principe de la directive, que nous avons transposée – c’était obligatoire – a minima en 2000. Il y a eu le sommet de Barcelone en 2002, où a été confirmée l’ouverture du marché à l’ensemble des entreprises et pas seulement aux gros consommateurs, à deux conditions : l’adoption d’une directive sur les services d’intérêt économique général, et une étude d’impact avant d’aller plus loin. Lorsque votre majorité est arrivée au pouvoir, sentant venir une aggravation de la situation en matière d’énergie et de tarifs, plutôt que de stopper avant d’aller plus loin et de demander cette étude d’impact sur laquelle il y avait eu un engagement, elle s’est empressée avec zèle – nous l’avons dénoncé – de dire qu’il fallait continuer à aller dans le mur, qu’il fallait libéraliser pour les ménages et advienne que pourra. Elle aurait pu à ce moment-là, le 25 novembre 2002, freiner ; elle aurait pu en 2004, lorsqu’elle a changé le statut d’EDF et de GDF, transposer d’ores et déjà la directive concernant les tarifs réglementés. Vous nous dites qu’il y a urgence à le faire, et on en est d’accord. Il faut transposer cette directive et poser des bases pour consolider les tarifs réglementés. Mais vous auriez pu le faire dès 2004.

J’espère, puisque nous disposons de temps dans ce débat, messieurs les ministres, que lorsque nous arriverons à l’article sur les tarifs,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ah ! On y arrivera !

M. François Brottes. …vous pourrez nous confirmer que la Commission européenne est d’accord avec le montage que nous propose, avec de grands « je », le rapporteur. En effet, il nous a dit : « j’ai proposé »,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous proposons !

M. François Brottes. …« je proposerai », « j’ai imaginé ». Mais j’ai cru comprendre que le président de la commission était un peu impliqué dans le dispositif, et d’autres députés de la majorité aussi. Il s’agit donc d’une approche plus collective. En tout état de cause, j’imagine que vous n’avez pas pensé à cela tout seul, monsieur le rapporteur, et que la commission va vous apporter l’aval nécessaire. Nous vous interrogerons donc pour savoir quelles garanties vous a donné la commission pour que ces tarifs de retour soient applicables, parce que sinon ce sera une chimère, on fera croire aux usagers des choses auxquelles en réalité ils n’auront pas accès. Voyez ce qui s’est passé pour la TVA sur la restauration : c’est un sujet qui court depuis les engagements pris et non tenus par le Président de la République sur ce dossier économique majeur.

J’en viens à mon rappel au règlement, que vous transmettrez sans doute, madame la présidente, au président de l’Assemblée nationale. J’aurais voulu le faire en sa présence tout à l’heure, mais je ne souhaite pas interrompre les débats lorsqu’ils portent sur un amendement : M. le ministre a d’ailleurs lui-même reconnu que les arguments développés étaient étoffés. Dont acte.

Je me suis livré à un petit calcul. M. le président, après avoir empilé sur son bureau des feuilles de papier – vierges, comme chacun sait –, avait estimé que, pour distribuer aux 577 députés les trente-deux amendements que nous venons de défendre, il faudrait imprimer 18 464 feuilles de papier. En réalité, seulement deux pages sont nécessaires pour présenter ces trente-deux amendements : il a donc fallu en réalité distribuer 140 feuilles. Autant dire que la pile de deux mètres d’épaisseur qui a été présentée à la presse n’aurait dû faire que 1,8 centimètre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La photographie n’aurait pas été la même si l’on s’en était tenu à la réalité ! Mais on a voulu frapper les esprits. Je voulais donc, sans rouvrir le débat, dénoncer cette caricature inacceptable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je sens que mon propos échauffe un peu les esprits : au nom du groupe socialiste, je vous demande donc, madame la présidente, une suspension de séance.

M. Alain Bocquet. Je souhaite auparavant faire un rappel au règlement.

Mme la présidente. Je donne d’abord la parole à M. Dionis du Séjour sur les amendements. Vous aurez ensuite la parole, monsieur Bocquet.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre groupe n’est pas d’accord avec le ministre de l’économie : nous ne considérons pas que le débat soit de qualité. L’opposition, et il faut qu’elle l’assume, pratique une obstruction délibérée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Assumez-le tranquillement ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. S’il vous plaît, les débats se sont déroulés paisiblement cet après-midi : terminons la journée dans le même climat.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes pressés de débattre du fond. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. J’aimerais que chacun reprenne son calme, afin que M. Dionis du Séjour puisse s’exprimer dans des conditions normales.

M. Gilbert Biessy. C’est lui qui fait de la provocation !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous ne voterons pas ces amendements, car, comme l’a dit M. le ministre, ils reposent sur une pétition de principe sympathique, mais redondante avec la loi d’orientation de 2005.

En revanche, notre collègue Giacobbi a posé avec clarté une question importante au sujet du bénéficiaire de la rente du nucléaire : ou celle-ci bénéficiera à EDF et à son actionnaire, l’État, ou elle bénéficiera aux consommateurs industriels et résidentiels. Voilà un vrai choix politique, lourd de conséquences, sur lequel nous devrons nous prononcer lors de l’examen de l’article premier.

M. André Chassaigne. Et les actionnaires ?

M. Jean Dionis du Séjour. J’aimerais pouvoir m’exprimer : je me suis tu tout l’après-midi !

M. Alain Bocquet. C’est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. Selon le groupe UDF, cette rente doit bénéficier en priorité aux consommateurs. Nous aurons sur ce sujet à trancher entre deux amendements intéressants, celui de la commission des affaires économiques, défendu par le rapporteur, et celui de M. de Courson, qu’a repris la commission des finances. Beaucoup d’industriels et d’acteurs économiques, qui ont des décisions à prendre, nous attendent.

M. Christian Bataille. Surtout les banques et les actionnaires !

M. Jean Dionis du Séjour. Pressons-nous donc un peu, et mettons-nous au travail ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Je considère toujours qu’il est anormal que nous n’ayons pas eu en main la lettre de griefs de la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis néanmoins allé la consulter. Et qu’y ai-je découvert ? Que, sur 195 pages – le nom du président de la commission des affaires économiques étant apposé sur chacune d’entre elles –, 133 comportent au moins une censure, soit 64 % !

M. Christian Bataille. Eh oui !

M. Alain Bocquet. Ce ne sont pas les mots fléchés, mais les mots cachés !

M. François Brottes. En effet !

M. Alain Bocquet. Au total, 1 553 chiffres ou mots ont disparu, ainsi que 301 lignes complètes…

M. François Brottes. C’est ce qu’on appelle la transparence !

M. Alain Bocquet. …et 34 tableaux, comportant sans doute des chiffres et des noms.

M. André Chassaigne. Transparence !

M. Alain Bocquet. Telle est l’information que vous donnez à la représentation nationale. Pour avoir lu de près plusieurs paragraphes, je peux vous dire que certaines informations ne relèvent pas de la confidentialité commerciale.

M. Pierre Ducout. Tout à fait !

M. Alain Bocquet. M. le ministre de l’économie nous assure, la main sur le cœur, qu’il ne s’agit que d’un texte législatif, destiné à permettre à GDF de nouer les alliances qu’elle voudra.

Or, ce que l’on peut lire page deux de la lettre de griefs est très clair : « les conseils d’administration des deux groupes, le 25 février 2006 pour Suez, et le 26 février 2006 pour GDF, ont d’ores et déjà approuvé le projet de fusion. Celle-ci se fera par le biais d’un échange d’actions une par une. » Fin du premier acte.

Deuxième acte, en page trois : « Par ailleurs, la mise en œuvre de ladite opération est soumise à la modification, par le Parlement français, de la loi du 9 août 2004 visant à réduire la participation de l’État dans le capital de GDF à moins de 50 %. »

Je résume : d’abord, les entreprises décident de fusionner, et ensuite, nous nous réunissons pour valider cette décision.

Sans vouloir prolonger une lecture que je poursuivrai dans la suite du débat, il est intéressant de relever ce que l’on peut lire, par exemple, à la page 155, article 663, de cette même lettre : « cependant, GDF – SPE – avait déjà » suivent quelques mots censurés. « En outre, en septembre 2005, SPE a lancé » – suivent deux lignes censurées. Allez comprendre ! Page 183, article 776 : « le 17 août 2000, COGAC a acquis une participation de…

M. André Chassaigne. Censuré !

M. Alain Bocquet. …dans la société…

M. André Chassaigne. Censuré !

M. Patrick Roy. C’est le Gouvernement de la censure !

M. Alain Bocquet. …holding du groupe » – on ne sait lequel – « en plus de la participation de…

M. André Chassaigne. Censuré !

M. Alain Bocquet. …COGAC a consenti » – suivent deux lignes rayées. Si c’est ce que vous appelez l’information du Parlement, s’il ne s’agit que de nous parler de transparence la main sur le cœur, alors que tout se joue en coulisses et que nous ne sommes que de la piétaille, ce n’est pas sérieux ! Il y va tout de même de l’avenir du service public et de la maîtrise publique de l’énergie en France et en Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2277 à 2309.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner la parole avant la suspension de séance, afin de répondre brièvement à M. Bocquet.

Tout d’abord, je rappelle que la lettre de griefs permet seulement d’ouvrir une procédure : dès lors qu’une proposition de fusion, dont elle estime qu’elle peut poser problème au regard du droit des concentrations, lui est présentée, la Commission ouvre une procédure en adressant à tous les acteurs de l’opération envisagée une même lettre, laquelle contient des informations utiles à chaque entreprise destinataire. C’est la raison pour laquelle la Commission envoie à celle-ci, en l’occurrence à GDF, les éléments qui la concernent, et biffe les autres, afin de préserver la confidentialité dont elle est garante. C’est la lettre que vous avez eue sous les yeux. Les éléments disponibles concernent l’entreprise Gaz de France, et ils ont été transmis en l’état au président de la commission des affaires économiques.

Vous indiquez par ailleurs que les conseils d’administration des deux entreprises ont évoqué le projet de fusion. Mais, je le rappelle, ce n’est pas à eux qu’appartient la décision finale. Vous vous souvenez sans doute que lorsque Renault avait décidé de se marier avec Volvo, les conseils d’administration avaient soutenu le projet, et que l’assemblée générale des actionnaires de Volvo avait finalement voté contre. L’alliance ne s’est donc pas faite, mais grâce à la loi de 1993, Renault a pu nouer, avec le succès que l’on sait, un autre partenariat avec Nissan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 2310 à 2342.

La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Ces amendements font la synthèse de tous les arguments que nous avons évoqués depuis hier.

Nous considérons en effet que les principes de service public doivent garantir des prestations d’un haut niveau de qualité. Il s’agit donc tout simplement d’inscrire dans la loi la nécessité d’axer la stratégie énergétique française sur la recherche de ce haut niveau de qualité en matière environnementale, industrielle, économique et sociale, qui doit nous permettre de mobiliser toutes les énergies et toutes les capacités du pays pour que la France puisse disposer dans les domaines de l’électricité, du pétrole et des hydrocarbures ainsi que du gaz de champions, investis de responsabilités, ayant autorité et privilégiant la recherche de long terme.

On a vu hier, en évoquant les éléments qui viennent pervertir la formation du prix du pétrole, le rôle joué par les tendances structurelles héritées des réalités mondiales, mais également celui de l’insuffisance des capacités de raffinage françaises qui ont induit une hausse du pétrole. Nous sommes convaincus aujourd’hui que, tout comme pour le raffinage, il est nécessaire en matière de gaz de conférer aux outils industriels chargés de ce service public de l’énergie des missions de recherche et d’investissement de long terme, permettant d’assurer un haut niveau de qualité.

S’agissant de la qualité, la place qui est consentie au travail des salariés et des agents chargés de faire fonctionner cet outil industriel est fondamentale, et l’angoisse est réelle parmi les agents de Gaz de France qui, au-delà de l’attachement bien compréhensible au statut de l’entreprise, voient bien que la recherche de la rentabilité à court terme va inévitablement entraîner une dépréciation des prestations assurées aujourd’hui par l’entreprise et ses salariés.

Nous réaffirmons enfin – et c’est un élu de province qui s’exprime – l’efficacité de ce service public et de cet outil industriel, comme nous réaffirmons cette proximité à laquelle les Français sont attachés.

Voilà pourquoi notre volonté d’exprimer cette exigence d’un haut niveau de qualité ne me paraît pas superfétatoire. Elle est aujourd’hui induite par la nécessité d’offrir à notre pays la meilleure des prestations. Elle est induite aussi par la tradition française, l’application de la loi de 1946 et des dispositions législatives qui ont suivi.

Madame la présidente, si nous n’étions pas dans un débat où la majorité veut chaque fois récuser par principe nos propositions, je suis persuadé qu’il s’en trouverait dans ses rangs pour voter les amendements que je viens de défendre.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Pour garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie, pour préserver la santé humaine et l’environnement, assurer un prix compétitif de l’énergie et contribuer à l’indépendance énergétique de notre pays, il est nécessaire de maintenir – voire de développer – des entreprises publiques, nationales et locales, dans le secteur énergétique.

Tels sont les principes que nous défendons. Mais si vous les avez rappelés, monsieur le ministre, vous ne les mettez guère en pratique, puisque vous souhaitez privatiser les entreprises publiques. Il vous faudra donc modifier la loi d’orientation sur l’énergie de 2005, que nous avons élaborée collectivement. Constatant que vous traversez une phase de reniement – ce qui est très grave, compte tenu du sujet qui nous occupe – nous ne cessons de vous rappeler à vos devoirs.

Le privé, c’est l’opacité. Cette assertion peut sembler provocatrice, mais, M. Bocquet vient de le démontrer, quand il s’agit d’accords entre entreprises privées, il faut surtout ne pas dire les choses ! On parle à demi-mot : en attestent les soixante-cinq pages noircies de la communication de griefs de la Commission européenne. Le privé aime le secret… Et c’est normal, car ce sont des intérêts particuliers qu’il défend. Il y a d’ailleurs des textes pour les protéger. Mais, s’agissant de Gaz de France, qui est encore une entreprise publique et qui appartient de ce fait à la nation et à l’ensemble des Français, nous n’acceptons pas que son devenir ne soit pas envisagé en toute transparence.

Si nous rappelons haut et fort, dans cet amendement, que les principes du service public de l’énergie garantissent des prestations d’un haut niveau de qualité, c’est parce que nous estimons que, dans le cadre d’entreprises publiques encadrées par des textes définissant ce qu’est le service public de l’énergie, personne n’est oublié, qu’il s’agisse de la consommation des ménages ou de création d’emplois. Personne ne peut être spolié puisque les entreprises publiques ne visent qu’à l’intérêt général. Le service est rendu à prix coûtant, puisqu’il n’y a pas de dividendes à distribuer. La sécurité des installations est garantie – c’est même une priorité – en toute transparence, contrairement au secteur privé, qui vit dans l’opacité.

La stratégie industrielle des entreprises publiques de l’énergie s’inscrit dans une démarche de développement durable, quel qu’en soit le coût, parce qu’il y existe une responsabilité vertueuse et un esprit civique. Dans le secteur public, on ne fait pas l’impasse sur la recherche – qui demeure une priorité – ni sur la formation des personnels, compte tenu du haut niveau de qualité requis. Et c’est ce niveau que nous voulons maintenir en préservant la motivation des personnels.

Aujourd’hui, nombre d’entre eux ont exprimé leur inquiétude, et pas seulement ceux qui sont descendus dans la rue. Je les ai rencontrés et je puis vous assurer qu’ils sont extrêmement inquiets, voire angoissés : non seulement M. Fillon, le bras droit de M. Sarkozy, leur a annoncé que leur système de retraite passerait à la trappe, mais ils savent qu’ils vont changer d’employeur du fait de la privatisation de GDF ; enfin, ils craignent de changer de statut…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ils ne changeront pas de statut.

M. François Brottes. …malgré les dénégations de M. Breton. Cela étant, monsieur le ministre, vous m’avez interpellé au début de ce débat, à propos de la privatisation de France Télécom.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’était à titre amical, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Vous savez pertinemment qu’il sera facile, au détour d’un amendement, de supprimer le statut de fonctionnaires des agents de France Télécom. Car aujourd’hui, cette entreprise, totalement privatisée et n’étant plus la seule à faire du service public, le statut de fonctionnaires ne tient plus. Il suffirait d’une saisine du Conseil constitutionnel – à laquelle nous avons renoncé par esprit de responsabilité – pour que l’édifice s’écroule et que, compte tenu de la situation d’insécurité dans laquelle vous les avez placés, les agents de l’ancien opérateur ne soient plus considérés comme des fonctionnaires.

Je mets en garde les personnels de GDF, car les garanties qui leur sont données aujourd’hui ne pourront être maintenues : ils deviendront des « hors-la-loi », le statut et les missions de service public ayant changé de périmètre.

Aujourd’hui, les agents de Gaz de France travaillent dans la sérénité parce que leurs contrats sont à durée indéterminée, qu’il y a depuis des années une forte culture d’entreprise et qu’ils bénéficient de formations. On est bien loin de la précarité généralisée que vous aimez tant – je pense au CPE ou au CNE, toujours en vigueur, malheureusement. Si, demain, les agents de GDF perdent leur sérénité s’agissant de leur avenir professionnel, le service rendu s’en ressentira. Qui en effet, mieux qu’une entreprise publique, peut garantir un service public de haute qualité ? Actuellement, il n’existe rien de mieux. Aussi, ne le détruisez pas ! Las, vous avez déjà commencé à faire réaliser des profits aux entreprises publiques pour, demain, distribuer des dividendes et passer de meilleurs accords avec des entreprises privées. Nous le regrettons. Aujourd’hui, les agents se méfient, car ils ont compris la manœuvre.

Nous vous demandons d’adopter cet amendement, afin de clarifier votre position.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Il importe de rappeler aujourd’hui le haut niveau de qualité attaché depuis une soixantaine d’années au service public de l’énergie et les risques qu’on lui ferait courir en privatisant notamment Gaz de France.

Ce haut niveau de qualité concerne l’ensemble de la chaîne, qu’il s’agisse de la production, de la distribution, du transport ou du stockage. Dois-je rappeler le dévouement des personnels d’EDF après les tempêtes de 1999 ? Dois-je également rappeler l’engagement d’EDF auprès des municipalités en faveur de l’amélioration du réseau, pour limiter les incidents dans la distribution ou le délestage en période de pointe ? Tout cela a pu se faire grâce à la mise en place de grandes entreprises publiques totalement intégrées – production, transport, distribution, et recherche. Or l’ouverture demandée par l’Europe risque de les fragiliser. Le président de la Commission, M. Barroso, propose d’aller encore plus loin dans la voie du démantèlement des services publics. Une telle libéralisation n’irait pas dans le sens d’une amélioration du service public en France et nuirait à sa qualité. À l’évidence, ce sont les familles les plus modestes qui en pâtiraient le plus.

Tout à l’heure, nous parlions d’aménagement du territoire. Vous savez sans doute que, selon les secteurs, les réseaux sont plus ou moins bien entretenus et qu’il peut y avoir des baisses de tension. Dans certains pays, les investissements nécessaires n’ont pas été réalisés, compte tenu du marché. Je citerai l’exemple du black-out qui a privé d’électricité tout le nord-est des États-Unis et le sud du Canada, alors qu’il s’agit pourtant de la puissance industrielle la plus développée au monde. Je rappelle également les terribles conséquences de la faillite d’Enron sur l’État le plus riche des États-Unis, la Californie.

Il importe donc de le rappeler, le haut niveau de qualité que nous avons acquis ne va pas de soi. Ne prenons pas le risque d’y renoncer, en prenant des mesures inconsidérées, telles que la privatisation de GDF. Même s’ils s’en rendaient compte avec retard, nos concitoyens ne comprendraient pas que le législateur ait pris un tel risque.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. J’y insiste, nous avons la certitude que les principes du service public de l’énergie garantissent des prestations d’un haut niveau de qualité. Dès lors que les critères de rentabilité l’emportent sur toute autre considération, ces principes ne pourront plus garantir les mêmes prestations.

La perspective de la privatisation de Gaz de France est inquiétante à tous égards. Elle risque de mettre en cause le service public lui-même, la qualité du service rendu par l’ensemble des personnels, la tarification, l’investissement, la sécurité : c’est la loi des entreprises privées qui s’appliquera, sacrifiant tout au nom des critères de rentabilité.

Les orateurs précédents ont cité plusieurs exemples : ce qui s’est passé aux États-Unis et au Canada montre que la dérégulation du marché et la libéralisation à outrance dans des secteurs aussi essentiels que l’énergie peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les usagers et mettre à bas la conception que nous avons du service public. Tout à l’heure, j’ai cité le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz. Je pense qu’il serait bon de suivre certains conseils, qui correspondent d’ailleurs, selon diverses enquêtes, aux sentiments d’une grande partie de l’opinion et de nombre de nos collègues de la majorité – à leur corps défendant !

Je suis donc surpris qu’à nos arguments de bon sens – soutenus bien au-delà de nos bancs – le ministre se borne à opposer une réponse purement idéologique que l’on peut ainsi résumer : « Il faut privatiser Gaz de France, coûte que coûte. » Peu importent, donc, les conséquences, c’est l’unique objectif ! Pour notre part, nous pensons que le service public, dans un domaine aussi essentiel que l’énergie, mérite autre chose qu’une position idéologique, surtout après que le Président de la République et le numéro deux du Gouvernement ont pris des engagements solennels à son sujet. Or nous constatons – et cela n’étonnera sans doute pas la majorité de nos concitoyens ! – que les plus hauts responsables de notre pays reviennent en quelques mois sur la nécessité de garantir le contrôle du secteur public de l’énergie. Nous sommes stupéfaits d’un tel reniement de la part de votre majorité !

Aussi, nous souhaitons l’adoption de ces amendements qui tendent à garantir la qualité des prestations fournies dans le cadre du service public.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Bono.


M. Maxime Bono
.
Certains de nos amendements pourraient facilement recueillir votre adhésion, monsieur le ministre, ou du moins celle d’une partie de votre majorité, qui s’est montrée plus que réticente à soutenir ce texte. Mais malgré votre entêtement et votre opposition de principe, nous continuerons à défendre les fondements du service public, en particulier dans ce secteur important qu’est l’énergie.

Cette nouvelle proposition d’article additionnel avant l’article 1er dispose que les « principes du service public de l’énergie garantissent les prestations d’un haut niveau de qualité ». Bien sûr, on pourrait s’interroger sur la nécessité d’affirmer à nouveau cette exigence, tant nos concitoyens y sont attachés, comme le montrent les derniers sondages publiés. Elle a en effet entraîné un dynamisme économique important et la constitution de fleurons industriels dont nous sommes aujourd’hui tous fiers. Elle a garanti l’égalité territoriale et sociale. Nous devons donc affirmer que cette qualité de prestation sera maintenue, de même que les principes du service public.

Mais comment le croire, alors que la fusion, selon les termes de l’exposé des motifs du projet de loi, « conduit mécaniquement l’État à se diluer dans le nouvel ensemble » ? Et ne prétendez pas que la golden share assurera la protection de ses intérêts : nous avons vu ce qu’il en était pour Elf. Le désastre d’Enron, les coupures survenues en Californie font que nous sommes, comme tous nos concitoyens, très attachés à cette garantie de qualité. C’est la raison pour laquelle je vous demande de vous prononcer favorablement sur cette proposition d’article additionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. La corrélation entre les principes de service public et des prestations d’un haut niveau de qualité a été démontrée, en particulier par François Brottes : si une entreprise est inspirée par la recherche de l’intérêt général et par la volonté d’offrir des prestations pour le plus grand nombre, si elle a le souci de l’avenir et non celui de faire du profit à court terme, elle sera conduite à investir dans les ressources humaines, notamment dans la formation, et dans la technologie, la recherche et l’innovation. Il y a donc bien un lien. Je ne reprendrai pas les exemples de privatisations ayant entraîné des déconvenues dans certains pays étrangers, en particulier s’agissant de la continuité de l’approvisionnement. Mais je rappellerai a contrario qu’en 1999, grâce à des personnels formés, motivés et soucieux de l’intérêt général, cette continuité a été rétablie très rapidement alors que notre pays affrontait une catastrophe sans précédent.

On pourrait également insister sur l’intérêt social du service public, notamment à l’égard des personnes défavorisées, mais je me porterai plutôt sur votre terrain pour en montrer la valeur économique. Dans le contexte de la mondialisation, vous ne parviendrez jamais à rendre la France concurrentielle sur le coût du travail. Je sais que vous n’avez en tête que la volonté de le réduire, par exemple en remettant en cause les 35 heures ou en diminuant les prestations sociales. Mais vous ne pourrez pas être concurrentiels face à des pays pour lesquels le faible coût du travail constitue une stratégie économique.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est évident.

M. Pierre Cohen. En revanche, dans tous les secteurs, et en particulier dans celui de l’énergie, une prestation de haute qualité peut être un facteur de rééquilibrage des effets de la mondialisation face à des pays où l’éducation, la santé et la continuité de la fourniture énergétique sont mal assurées. Le service public sert donc autant l’économie que l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. La privatisation de Gaz de France et sa fusion avec Suez reviendraient en effet à sacrifier le service public. Une telle décision coûterait très cher à notre modèle énergétique : outre l’abandon au privé d’un réseau public, elle entraînerait la fragilisation d’EDF, confrontée à l’émergence d’un concurrent redoutable à l’intérieur même de nos frontières. Cette fusion ôterait toute portée au contrat de service public qui, sur la période 2005-2007, et conformément à la loi, appelle GDF à respecter ses obligations s’agissant de l’évolution des tarifs, de la qualité du service rendu, de la protection de l’environnement et de l’effort de recherche. L’entreprise, qui a dégagé un bénéfice record en 2005, n’a désormais pour but que d’améliorer la plus-value des actionnaires afin de convaincre les marchés du bien-fondé d’une fusion qui signe pourtant la perte de la maîtrise publique sur le secteur énergétique.

La privatisation de GDF me semble aussi présenter un danger important pour l’environnement. Devenu privé, le groupe serait soumis à la seule loi des actionnaires et donc à une volonté d’un retour rapide sur investissements. Or la recherche et l’investissement en matière énergétique ne peuvent se réaliser qu’à long terme.

Mme la présidente. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Évidemment, certaines entreprises privées relèvent le défi des prestations de haute qualité – heureusement pour nous – et il serait injuste de les accabler toutes d’opprobre. Inversement, une entreprise publique peut faillir en ce domaine. Mais si une entreprise distingue la performance technique et la réussite financière parmi ses critères de réussite, elle doit aussi prendre en compte le respect de l’environnement, la promotion sociale, la sécurité des biens et des personnes. La marque d’une entreprise publique est d’assigner une autre hiérarchie à ces critères. À l’avenir, pour la gestion de l’eau ou celle des énergies, il est donc essentiel que le souci du rendement financier n’ait pas priorité sur toute autre considération, ce qui serait pourtant le cas dans l’hypothèse d’une privatisation.

Sans être exagérément pessimistes, nous devons regarder autour de nous : l’eau est déjà à l’origine de tensions et de guerres ; et demain, l’énergie pourra l’être tout autant. La vie des États-nations ne doit pas être rythmée par de tels soubresauts, et ils ne doivent pas être soumis aux intérêts privés dans ces domaines.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Nos grandes entreprises nationales, qu’il s’agisse d’EDF ou de GDF, ont développé des réseaux de qualité, mais le secteur privé, demain, risque de vouloir faire des économies sur leur entretien pour optimiser les dividendes des actionnaires. J’ai rappelé ce matin les dividendes versés par GDF – 699 millions d’euros, en hausse de 60 % par rapport à 2004 – et par Suez : un milliard et demi. Cette politique menée au bénéfice des actionnaires risque d’entraîner une dégradation des réseaux. L’Angleterre en offre un exemple, non seulement pour le gaz et l’électricité, mais aussi pour le chemin de fer : jamais il n’y a eu autant d’accidents que depuis la privatisation de celui-ci, parce que l’entretien a été négligé au profit de la rentabilité.

Quel avenir pour ces réseaux qui maillent notre territoire et assurent une égalité d’accès de tous à l’énergie, quel que soit le lieu où l’on réside ? Je pense aux habitants des Cévennes qui accèdent déjà difficilement à la téléphonie mobile ou à l’Internet à haut débit. J’ai peur qu’il en soit de même, à l’avenir, en ce qui concerne l’énergie. Qui peut croire que ces petites communes bénéficieront encore de réseaux de qualité et seront aussi bien desservies qu’aujourd’hui ?

Nous avons vécu, dans mon département, des inondations catastrophiques en 2002. C’est grâce à nos entreprises nationales que la population a pu retrouver rapidement un certain confort de vie. C’est pourquoi nous présentons ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Depuis ce matin, nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de rappeler les grands principes du service public. Nous avons longuement débattu de la transparence qu’il offre à ses usagers, de la justice qu’il garantit aux hommes comme aux territoires, de l’égalité de traitement et de prix qu’il se doit de préserver. Il faut ajouter – et ces amendements sont l’occasion de le rappeler – qu’il permet d’assurer des prestations de grande qualité, grâce à la compétence de ses agents, soucieux de l’intérêt général, et au contrôle des citoyens.

La recherche de profits à court terme est un frein à l’investissement. Or la mauvaise qualité des réseaux et des matériels peut se traduire à plus ou moins long terme par des catastrophes industrielles – nous en avons connu par le passé et risquons d’en connaître à nouveau – dont les conséquences humaines et environnementales seraient dramatiques, et auxquelles la puissance publique serait ensuite obligée d’apporter des solutions. C’est pourquoi je le répète à nouveau : le haut niveau de qualité assuré par le service public est aussi une assurance contre la dégradation de notre qualité de vie et de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. La qualité est pour nous une véritable exigence. En termes de service public, et particulièrement de service public de l’énergie, cela signifie qualité de l’équilibre social par la tarification, qualité de la desserte, maintien de l’équilibre territorial, respect environnemental.

Que précise la Commission européenne ? En 2005, elle a initié une enquête sur le secteur de l’énergie qui a relevé nombre d’obstacles au fonctionnement d’un véritable marché. Elle a d’ailleurs lancé des procédures d’infraction aux règles de la concurrence à l’encontre de dix-sept États membres. Par ailleurs, les fameuses lettres de griefs adressées à Suez et à Gaz de France, souvent évoquées dans cet hémicycle, confirment que la Commission européenne serait en droit de demander des cessions d’actifs ou des contrats de fourniture à la concurrence pour compenser les effets de la position dominante du nouveau groupe. Lesquelles ? Nous ne le saurons qu’une fois ce débat terminé. Nous nous inquiétons aujourd’hui très légitimement de l’impact collatéral de ces obligations qui pèseront sur Gaz de France et sur le haut niveau de qualité de ses prestations.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je suppose que le ministre en est convaincu, mais cela ne transparaît pas obligatoirement dans la politique qui est actuellement conduite.

« Les principes du service public de l’énergie garantissent des prestations d’un haut niveau de qualité. » Il est évident que, dans le domaine énergétique, la recherche – Pierre Cohen l’a évoqué –, doit jouer un grand rôle. Aujourd’hui, une partie de nos problèmes énergétiques vient de l’existence d’un certain nombre de verrous technologiques tels que le stockage de l’électricité, la filière hydrogène de manière globale, l’enfouissement de gaz carbonique en couche profonde et, à plus long terme la fusion, les filières de fabrication de nouveaux carburants par des hydrolyses enzymatiques en phase liquide. Nous devons tout de même reconnaître aujourd’hui que notre pays n’a pas suffisamment investi dans la recherche. Nous possédons de grands organismes de recherche et notre système de recherche est globalement axé sur le secteur public. La recherche industrielle diminue, ce qui est d’ailleurs très inquiétant. En effet, un certain nombre d’entreprises du secteur des biotechnologies quittent aujourd’hui l’Europe pour s’installer aux États-Unis. Actuellement, en dépit de la politique des pôles de compétitivité dont on pourrait reparler, le système de recherche industrielle, qui ne s’est finalement pas développé, décroît. Le secteur public doit donc assurer la recherche pour obtenir la qualité dans ce domaine.

J’indiquais ce matin, qu’à côté des grands sujets politiques que sont le chômage et la sécurité, l’accès à l’énergie sera un grand sujet politique du XXIe siècle. Le service public et la priorité donnée à la recherche permettront d’obtenir un système de qualité. Un peu jésuite, le rapporteur, Jean-Claude Lenoir, nous a répondu à plusieurs reprises que c’était chose faite. Non, c’est ce que vous avez dit que vous alliez faire, mais ce n’est pas ce que vous avez fait !

M. François Brottes. Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut. Pierre Cohen l’a rappelé, la recherche publique dans le secteur des énergies renouvelables n’est pas à la hauteur des ambitions que nous affichons. Un service de qualité nécessite le développement de ce secteur. Le service public doit y jouer un rôle très important. C’est lui qui permettra demain de traiter les grandes questions pour que notre pays ne soit pas en déclin, comme le disait un ancien Premier ministre. C’est ici la contribution que nous voulons apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. J’aimerais répondre à nos collègues de l’opposition.

Monsieur Migaud, vous vous êtes plaint, et vous n’avez pas été le seul, du caractère répétitif des arguments du ministre et du rapporteur. Pardon, mais il me semble que la répétition est plutôt du côté des orateurs qui viennent de défendre trente-trois amendements identiques, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’étions que douze à les défendre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’entends bien que vous étiez douze. Chacun appréciera donc où se trouve le caractère répétitif. Asséner trente-trois fois des contrevérités n’apporte pas de réponse aux questions posées.

M. François Brottes. Ne faites pas comme le rapporteur, monsieur le président de la commission !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Puisque nous sommes ici pour faire la loi, j’aimerais que l’on m’explique comment des « principes » peuvent garantir des « prestations ». Je tenais à le préciser pour que, dorénavant, les amendements aient un caractère plus normatif et plus précis.

S’agissant du débat de fond, il est vrai qu’il existe une différence fondamentale entre vous et nous. À des questions répétitives, on ne pourra opposer que des réponses répétitives. En effet, si nous sommes d’accord pour nous retrouver sur certains principes, nous ne le sommes pas quant à leur mise en œuvre.

Ainsi, nous sommes soucieux de voir préserver les missions de service public. Il est également vrai que leur préservation, les ministres et le rapporteur s’en sont expliqués, a été largement garantie par la loi que ce soit la vôtre, celle de 2000, celle de 2003, celle de 2004 et enfin, comme le rapporteur l’a rappelé, celle de 2005 rapportée par M. Poignant. Comme vous, nous avons, lorsque cela s’est avéré nécessaire, mis en exergue les missions de service public dans les premiers articles de ces textes. Nous ne pouvons laisser penser que, parce que ce texte porte sur le capital de Gaz de France, nous ne respectons pas les missions de service public déjà prévues par quatre lois différentes ! Cela suffit !

Enfin, je comprends et je suis prêt à admettre certains des arguments que vous développez. Il est légitime que les députés socialistes et communistes défendent avec force leurs convictions, ce à quoi je rends d’ailleurs hommage, mais ils ne peuvent pas tenter de faire croire qu’il y aurait une relation de cause à effet entre la nature du capital et la formation des tarifs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Bien sûr, c’est évident !

M. François Brottes. Entre les deux, il y a les dividendes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Puisque c’est si évident que cela, vous aurez, tout au long de l’examen des 120 000 amendements, l’occasion de tenter de nous convaincre.

Donc, si c’était vrai, pourquoi, en 2000, M. Jospin, alors Premier ministre et propriétaire au nom de l’État à 100 % de Gaz de France, a-t-il laissé augmenter le gaz de 34 % dans l’année ?

M. François Brottes. L’approvisionnement qui coûtait plus cher ! C’est normal ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’y avait pas de dividendes à distribuer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne vous critique pas, monsieur Brottes. Nous débattons au fond. Je dis que si vous aviez raison, M. Jospin aurait empêché l’augmentation de 34 % des tarifs du gaz.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais non !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On connaît très bien les composantes que sont le prix de revient, le transport, la commercialisation !

M. Pierre Ducout. Ce ne sont pas des surbénéfices !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Donc, il est établi qu’il n’y a pas de relations de cause à effet entre le capital et la formation du tarif.

M. André Chassaigne. C’est bien évident !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Vous vous exprimerez tout à l’heure, mes chers collègues, laissez parler M. Olllier ! Poursuivez, monsieur Ollier !

M. Pierre Ducout. Il fait de la provocation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous m’interrompez souvent, monsieur Chassaigne !

Mme la présidente. Ne lui répondez pas !

M. André Chassaigne. Ce sont des propos anti-gaullistes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si la démonstration est faite qu’il n’y a pas de relation de cause à effet, nous ne pensons pas la même chose, mais pardonnez-moi de vous répéter ce dont nous sommes convaincus.

S’agissant des tarifs, ils sont aujourd’hui décidés par le Gouvernement en fonction des coûts de production. Ils le seront de la même manière demain.

M. André Chassaigne. Mais non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes personnellement convaincus que le fait que l’entreprise soit de droit privé n’empêche pas la préservation de garanties que nous estimons suffisantes en termes de présence de l’État.

M. Gilbert Biessy. Les actionnaires sont des naïfs !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, nous ne nous engageons pas pour le plaisir de débattre pendant un, deux ou trois mois, mais nous sommes convaincus que la France ne peut pas rester l’arme au pied alors qu’une révolution est en train de se produire dans le domaine de l’énergie, à commencer par l’Europe. Nous sommes donc décidés à aller jusqu’au bout de ce débat.

Monsieur Brottes, je connais vos convictions et je les respecte. Mais, quelles qu’elles soient, vous n’empêcherez pas que Gaz de France, qui ne produit plus son gaz, ou d’une manière tellement marginale qu’il est inutile d’en parler, achète aujourd’hui sur le marché mondial le gaz à un prix qu’elle ne fixe pas. Ce prix, qui est indexé sur le prix du pétrole, est décidé par des instances dans lesquelles l’Europe et la France n’ont pas, voire très peu, leur mot à dire. Donc, Gaz de France, qui est obligée d’acheter son gaz sur le marché international, doit pouvoir s’adapter aux conditions de ce marché pour mieux négocier ses prix d’achat.

M. Pierre Ducout. Avec Suez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si tel n’est pas le cas, Gaz de France continuera à subir ces hausses sans pouvoir intervenir. Chers collègues de l’opposition, le fait de créer à travers ce groupe – si cette fusion se fait, car on peut en envisager d’autres –, le quatrième leader mondial de l’énergie n’est négligeable ni pour la France ni pour l’Europe. Ce groupe franco-belge est aussi européen que s’il était…

M. François Brottes. Franco-italien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait, monsieur Brottes !

Le fait d’être le premier leader mondial sur le gaz naturel liquéfié est essentiel pour nous. En effet, les méthaniers sont des éléments de l’indépendance énergétique d’un pays, dès lors qu’ils n’obligent pas de passer par des oléoducs. On a, en effet, vu ce qui s’est passé en Ukraine : lorsque des problèmes politiques interviennent, la source d’approvisionnement risque d’être coupée. Cette évolution est mondiale. Si nous ne nous y inscrivons pas en anticipant les événements, nous commettrions, me semble-t-il, une omission grave dont nous serions responsables devant la nation.

En devenant premier acheteur européen de gaz, ce groupe aura des capacités de négociations qui permettront d’avoir des prix d’achats moins élevés, évitant ainsi que les tarifs ne continuent trop d’augmenter. Ceux qui prétendent que l’on pourra faire diminuer le tarif du gaz se trompent ou méconnaissent totalement le problème de l’énergie dans le monde…

M. Maxime Gremetz. Il ne s’agit pas de cela !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …et je ne veux pas que l’on mente aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. André Chassaigne. C’est caricatural !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, nous ne retirons rien à la puissance publique, car la fixation des tarifs par l’État est préservée. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Des garanties que le rapporteur et moi-même demanderont au Gouvernement en soutenant des amendements viendront renforcer ce projet et achever d’en faire un bon projet pour la France, pour l’Europe et pour les consommateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je m’aperçois que, depuis le début de l’examen des amendements hier, je réponds à chaque fois la même chose : ce qui est proposé est déjà contenu, sous une forme éventuellement un petit peu différente, dans les textes sur l’énergie qui ont été votés en 2000, 2003, 2004 ou 2005. C’est à nouveau le cas. Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas favorable à que les principes du service public de l’énergie garantissent des prestations d’un haut niveau de qualité. C’est déjà dit et, bien évidemment, je le souhaite.

Par contre, les raisons avancées pour justifier ces amendements sont parfois assez étonnantes. Vous supposez que, dès lors qu’il y a recherche de rentabilité, il n’y a plus de qualité.

M. Gilbert Biessy. Ce n’est pas le souci premier !

M. le ministre délégué à l’industrie. L’économie en France est faite de 95 % d’entreprises totalement privées qui vendent des produits de qualité.

M. Pierre Cohen. Pas dans tous les domaines !

M. le ministre délégué à l’industrie. Sinon, ça ne marcherait plus. La qualité est une réalité qu’il faut prendre en compte.

M. Pierre Ducout. Vous parlez d’entreprises intervenant sur de véritables marchés. Dans le cas de l’énergie, le contexte est totalement différent.

M. le ministre délégué à l’industrie. Dans les domaines du gaz ou de l’électricité, il y a forcément un très haut niveau de qualité parce qu’il faut un très haut niveau de sécurité. Par conséquent, que le service public de l’énergie doive garantir des prestations d’un haut niveau de qualité, ça coule de source.

Vous pensez par ailleurs qu’il n’y aurait plus continuité du service public si l’État ne détenait plus que 34 % du capital de Gaz de France mais, aux termes de l’article 6 de la loi de 2003, cette continuité est obligatoire et nos entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, sont soumises à de très nombreuses contraintes.

Vous pouvez donc avoir confiance, ces amendements sont déjà satisfaits par les textes existants. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. On aurait pu rédiger ces amendements différemment : la privatisation entraînera une baisse du niveau de qualité.

Dans toutes leurs interventions, le Gouvernement, le rapporteur et le président de la commission essaient de nous convaincre, par une forme d’acte de foi, que la privatisation n’aura pas de conséquences négatives sur la qualité, mais ils n’y croient pas.

M. le ministre délégué à l’industrie et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si !

M. André Chassaigne. Il suffit de voir ce qui arrive à chaque fois qu’il y a privatisation.

J’ai parlé de ce qui s’est passé au mois d’août dans un grand nombre de communes du Massif Central. Elles sont restées parfois deux semaines sans téléphone, et la direction régionale de France Télécom a expliqué qu’ils n’avaient plus le personnel compétent pour intervenir. À force de faire des économies sur le personnel en faisant appel à des sociétés privées, il n’y a plus la compétence technique et la connaissance du terrain…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est dû aux 35 heures !

M. André Chassaigne. …et la qualité des prestations s’en ressent, vous le savez tous.

Si on recherche la rentabilité financière, si on fait en sorte que les actionnaires aient le plus de profits possible avec des dividendes en augmentation, il faut bien prendre l’argent quelque part, et chacun le sait, quand il y a privatisation, il y a baisse de la qualité. Vous ne pourrez pas donner un exemple contraire.

Je vais vous donner un second exemple, qui concerne le respect de l’environnement. Au Canada, dans la province de l’Ontario, à la suite de coupures d’électricité, des entreprises ont dû s’alimenter par des groupes électrogènes. Parce qu’il y a une baisse de la qualité, on ne peut pas garantir une production régulière. On fait des économies et on essaie ensuite d’apporter des solutions par ce qu’il faut bien appeler des artifices. Si vous considérez que c’est de la qualité, c’est un peu forcé.

Demain, dans nos régions isolées, quand il y aura une coupure d’électricité ou de gaz naturel, il y aura des délais d’attente, la réactivité ne sera pas la même. D’ores et déjà d’ailleurs, on encourage les agriculteurs à acquérir des groupes électrogènes.

La baisse de la qualité pose déjà des problèmes pour la sécurité de l’alimentation, et j’en ai lu un exemple dans un document de l’Union des industries de la fertilisation. Ces industries utilisent beaucoup de gaz naturel, notamment pour la fabrication de l’ammoniac. Le prix du gaz influe directement sur le prix de l’ammoniac, il représente 80 % de son prix de revient, mais je ne veux pas parler du coût, je parlerai de la régularité de l’alimentation. Il y a d’ores et déjà des arrêts de la production, tout simplement parce que, à certains moments, on préfère vendre sur d’autres marchés que de vendre au consommateur français. La qualité dépendra donc aussi de la régularité de la distribution.

J’ai lu dans un magazine que vous connaissez sans doute mieux que moi, La Vie financière, que, grâce à ses terminaux de gaz naturel liquéfié, Suez-GDF pourrait livrer son gaz au pays le plus offrant et que ce ne serait pas forcément la France. S’il y a des ruptures dans la distribution, est-ce de la qualité ? Votre définition ne correspond sans doute pas à celle du dictionnaire !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Si nous n’étions pas à la fin de cette séance, madame la présidente, je vous aurais demandé une suspension de séance parce que ce que vient de déclarer sur une chaîne de télévision M. Devedjian, ancien ministre de l’industrie, est assez troublant. M. Devedjian, qui, au demeurant, connaît le sujet, vient en effet d’indiquer qu’il souhaitait que le réseau gazier reste public à 100 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Fillon, ce matin, nous a expliqué qu’il fallait rompre avec les régimes de retraite des industries électriques et gazières. M. Devedjian nous dit qu’il faut que le réseau reste à 100 % public.

M. Maxime Gremetz. Qui croire ?

M. François Brottes. C’est le plein brouhaha du côté de la majorité et, quoi qu’en dise le président Accoyer, il semble que les 81 % de Français qui sont contre le fait que l’État perde la majorité dans cette entreprise commencent à faire bouger les consciences. Les arguments sont en effet très fragiles.

Vous nous répondez à chaque fois, monsieur le ministre, et ça me désole, que ce que nous proposons figure déjà dans la loi de 2005, mais, aux termes de cette loi, ce sont des entreprises publiques nationales qui garantissent un service public de l’énergie. Vous allez sûrement, après l’article 10, proposer un amendement tendant à remplacer « publiques » par « privées ». Si vous ne le faites pas, cela veut dire que vous n’allez pas privatiser Gaz de France, auquel cas je conviens avec vous que notre méfiance, notre défiance même, n’a pas de raison d’être. Si nous sommes inquiets, c’est parce que c’est la logique de la privatisation et de la distribution de dividendes qui va l’emporter.

Monsieur le président de la commission, vous avez peut-être un boulanger en bas de chez vous. Il achète de la farine, fait du pain et vous en vend. Que ce soit la gauche ou la droite, si le prix de la farine augmente, il y a de fortes chances pour qu’il augmente le prix de son pain. Ainsi, quand, sous le mandat précédent, le prix du gaz a augmenté, c’est parce que le coût de la matière première avait augmenté.

Si votre boulanger est racheté, parce que, ici ou là, il y a des entreprises qui veulent franchiser les boulangers, il fait le pain de la même façon, achète la farine au même endroit, mais il doit rémunérer celui qui l’a racheté, en dividendes. Vous achetez donc votre pain plus cher non pas parce que la farine a augmenté mais parce que quelqu’un s’est accaparé votre boulanger et exige en retour une rétribution.

C’est cela que l’on dénonce, c’est le résultat de la privatisation.

M. André Chassaigne. C’est évident !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas sérieux !

M. François Brottes. On va donc cumuler une augmentation du coût d’approvisionnement et l’obligation de redistribuer des dividendes.

Quant à l’argument selon lequel, en ajoutant 4 % à 16 % du marché du gaz, on pourrait faire les gros bras face à Gazprom et à quelques autres, je crois que le vice-président de l’équivalent du MEDEF en Russie vous a répondu il y a quelques jours avec un sourire extrêmement cynique en disant que, de toute façon, tout cela se négocie entre les États. Compte tenu de l’alliance passée notamment avec des sociétés algériennes, ce n’est pas cela qui va faire trembler les fournisseurs de gaz.

Nous avons des principes, et c’est aussi ce qui sépare la droite de la gauche.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous aussi, nous avons des principes !

M. François Brottes. Nous sommes attachés aux principes de la République et, pour mener toute politique, définir des objectifs et les mettre en application, ce sont eux qui nous guident.

Quand, par opportunité, copinage ou je ne sais quoi, on décide un beau matin, sur le perron de Matignon, six mois après avoir dit le contraire, de privatiser Gaz de France parce qu’il y a le feu dans la maison Suez, on n’agit plus en vertu des principes, et, effectivement, il y a là une différence entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous tenons donc à rappeler dans ces textes les principes fondamentaux, les principes fondateurs des valeurs de la République.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2310 à 2342.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)