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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 13 septembre 2006

11e séance de la session extraordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est Mme Marylise Lebranchu, pour un rappel au règlement.

Mme Marylise Lebranchu. Comme convenu hier soir avec M. le président, je souhaite faire un rappel au règlement pour fait personnel.

Je tiens à dire à M. Dionis du Séjour que ses propos mettant en cause deux de mes collègues et moi-même sont très difficiles à entendre. Il a prétendu en effet que c’était pour nous amuser que nous défendions nos amendements. Il doit être clair pour chacun, et je réponds également ici à M. le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, qui s’exprimait sur France Inter ce matin, que nous ne faisons pas cela pour jouer.

M. Xavier de Roux. Bien sûr que si !

Mme Marylise Lebranchu. Nous avons bien d’autres choses à faire dans nos circonscriptions! Si nous agissons ainsi, c’est que ce texte est très particulier. En effet, la plupart des textes qui sont déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale prévoient des dispositions concernant la vie de la société française sur lesquelles les parlementaires peuvent revenir lorsque la majorité change. L’actuelle majorité l’a d’ailleurs fait largement à propos de textes votés avant son arrivée, en 2002. Or, dans le cas précis, et même si le peuple change la majorité – ce que je souhaite –, nous ne pourrons pas revenir sur les dispositions du projet de loi qui nous est soumis. Après le vote de ce projet, le dossier global de l’énergie française sera bouclé pour des années et des années. Or l’énergie devient la première barrière à l’entrée des économies à venir.

Il est donc logique d’utiliser aujourd’hui des procédures – peut-être mal expliquées à l’extérieur de l’Assemblée – tendant à allonger le débat car nous ne voulons pas du vote de ce texte, qui finira par intervenir puisque la majorité a changé d’avis pendant l’été.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est la démocratie !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Eh oui !

Mme Marylise Lebranchu. Rappeler aux citoyens Français que l’actuelle majorité n’avait pas annoncé une telle mesure lorsqu’elle s’est présentée aux élections, et qu’un ministre connu, M. Sarkozy, avait même dit quasiment le contraire, c’est aussi la démocratie puisque le peuple n’a pas pu s’exprimer en connaissance de cause.

Enfin, je précise à M. Dionis du Séjour, qui a fait référence aux accords de Barcelone, que ceux-ci n’exigeaient absolument pas ce texte. Quant à l’ouverture du marché à la concurrence au niveau européen qu’il semble approuver, je lui rappelle que, le 29 mai – en l’occurrence, ce n’était pas ma position, mais c’est aussi la démocratie –, le peuple français a refusé ces nouvelles règles de concurrence qu’il a jugées mauvaises pour le pays.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Auriez-vous rejoint le camp du non ?

Mme Marylise Lebranchu. Dès lors, dire que nous nous amusons en défendant nos amendements est une injure. Si nous sommes ici, c’est que nous pensons avoir une chance de faire en sorte que les députés de la majorité qui n’étaient pas d’accord avec ce texte ne le votent pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour un rappel au règlement.

M. Paul Giacobbi. L’article 81 du règlement de l’Assemblée prévoit que les projets de loi sont enregistrés à la présidence. Or il me semble qu’il y a une incertitude sur la rédaction du présent texte. À ce stade de la discussion, il est donc important d’éclairer l’Assemblée sur ce point.

En effet, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas question dans ce projet de la fusion entre GDF et Suez. M. le ministre Loos est même allé très loin en disant : « Imaginez un instant qu’il soit inscrit dans un texte que GDF doit fusionner avec Suez ! » Cela lui paraissait extravagant, tout comme à moi d’ailleurs. Cette fusion ne serait donc envisageable qu’une fois le texte voté et il serait hors de question qu’on y fasse allusion auparavant dans un projet. Or le document qui m’a été remis par le service de la distribution – j’ai évidemment toute confiance dans les services de l’Assemblée –, et qui ressemble à s’y méprendre à un projet de loi, comporte deux passages qui me font penser qu’il y a sans doute erreur.

On peut y lire que « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel […] Le gouvernement français a indiqué qu’il apportait son soutien à ce projet et présente donc au Parlement les dispositions législatives permettant sa mise en œuvre. » Cela ne peut pas être plus clair ! Il est donc question de la fusion, et c’est même, d’après l’exposé des motifs, l’objectif principal du projet.

Le titre III est d’ailleurs relatif « aux dispositions permettant la fusion entre Suez et Gaz de France ». Là encore, cela ne peut être plus clair.

Je ne vois que quatre hypothèses pour expliquer cette contradiction. J’écarte les trois premières : en effet, je ne peux imaginer un instant que le Gouvernement soit de mauvaise foi, frappé d’amnésie – comment aurait-il pu oublier le texte qu’il a rédigé ? – ou d’un analphabétisme foudroyant – hypothèse bien invraisemblable. Je ne vois donc qu’une explication : ce texte n’est pas celui dont dispose le Gouvernement. Il importe de procéder à une vérification.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je me fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. En effet, le président de l’Assemblée nationale porte un certain nombre de jugements sur nos débats.

M. Michel Piron. C’est son droit, il est président !

M. François Brottes. Je précise cependant que nous n’avons aucun reproche à faire sur sa façon de présider lorsqu’il est à votre place, madame la présidente. Mais il a caricaturé en amont la discussion en se faisant prendre en photo entouré de piles de papier de deux mètres de hauteur alors que, comme je l’ai démontré hier, ces piles ne devaient être que de deux centimètres compte tenu du nombre de feuilles effectivement distribuées. Nous donnerons d’ailleurs le chiffre précis car nous sommes en train de compter les feuilles des séries de nos amendements.

M. Jean Ueberschlag. Cette photo vous ennuie, mais elle reflète la réalité !

M. François Brottes. Par ailleurs, on entend dire qu’un certain nombre de nos amendements tomberaient du fait de la suppression de l’article auquel ils se rapportent, à la suite de l’adoption d’une nouvelle rédaction de cet article. Nous sommes convaincus que cette technique va être largement utilisée. Il en a du reste fait état. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité déposer de nombreux amendements avant l’article 1er. Nous étions certains que ceux-là au moins ne tomberaient pas.

Et, comme d’autres ici, M. Dionis du Séjour, qui a employé des mots désagréables, voire inacceptables, à l’encontre de ces amendements, a dû reconnaître, amendement après amendement, que ceux-là n’étaient pas débiles.

M. Xavier de Roux. C’est vous qui avez employé ce terme, pas nous !

M. François Brottes. Nous vous invitons à en trouver qui le seraient…

Ainsi, depuis que ce débat a commencé, et je remercie le Gouvernement d’accepter la discussion, nous avons pu clarifier un certain nombre de points, ce qui s’imposait avant qu’une décision extrêmement grave ne soit prise. Marylise Lebranchu l’a fort justement souligné.

Nous avons compris, au regard des arguments invoqués pour envisager une fusion entre GDF et Suez, que tout se faisait un peu dans l’improvisation. Nous avons pointé les différentes contradictions qui traversent la majorité. Je n’évoquerai que les récentes déclarations de M. Fillon sur l’abandon des régimes spéciaux de retraite ou celles de M. Devedjian sur la nécessité de faire en sorte que le réseau de Gaz de France reste à 100 % public. Nous avons bien noté que les choses n’étaient toujours pas claires sur les conditions de la fusion. Par exemple, quelle cession d’actifs le Gouvernement va-t-il proposer pour répondre aux exigences de la Commission européenne ? Combien de suppressions d’emplois cela va-t-il entraîner du fait de l’abandon de certaines activités ? Quels actifs seront « protégés » par l’action spécifique, la golden share ? Le commissaire européen chargé du marché intérieur a posé des questions à ce sujet au Gouvernement, qui ne lui a toujours pas répondu.

Le débat nous a permis de soulever toutes ces interrogations au point d’ailleurs qu’on nous a finalement dit qu’il n’était plus question de fusion. C’était l’objet du rappel au règlement de M. Giacobbi. Tout cela montre que notre discussion n’est pas inutile.

S’agissant de la mise à mal du service public de l’énergie, on nous répond que la loi de 2005 est là pour nous protéger. Non. Cette loi, que vous avez rédigée et votée, stipule clairement que ce sont les grandes entreprises nationales publiques de l’énergie qui garantissent le service public de l’énergie. Dès l’instant où ces entreprises seront non plus publiques, mais privées, l’édifice tout entier s’écroulera.

Enfin, nous avons pu démontrer l’incidence de la privatisation sur les tarifs qui seront pratiqués en direction des ménages ou des entreprises, compte tenu de la recherche de profits et de dividendes.

Nous avons donc montré que le débat – et c’est l’objet du débat parlementaire – était utile et je remercie encore une fois le Gouvernement de l’accepter. Nous pouvons ainsi, heure après heure, jour après jour, identifier clairement les points qui sont en suspens et qui, malheureusement, mettent en péril les certitudes que quelques-uns avaient jusqu’à présent sur ce dossier.

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, le vote sur les amendements identiques nos 2343 à 2375 avant l’article 1er a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2343 à 2375.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Sans aucun esprit de polémique, je voudrais apporter un élément au débat ouvert par nos collègues de l’opposition afin que nous puissions ensuite cheminer vers la discussion du texte, qui commence à l’article 1er.

Chers collègues, Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale, a jugé non pas le débat, mais la méthode utilisée : 137 000 amendements déposés dont 110 000 venant en discussion. S’agissant du débat, tout le monde reconnaît que nous allons vers des échanges constructifs dans le cadre d’une discussion sereine.

Au cours de ces échanges, nous constatons que nous ne sommes pas d’accord. Nous sommes ici dans le temple de la démocratie et nous avons été élus pour défendre certaines valeurs. Il nous appartient donc de prendre des décisions. Le président Debré nous propose de débattre. Le Gouvernement accepte le débat et la majorité, patiemment, y participe de manière constructive.

Le président Debré vous a proposé de débattre dix heures sur les thèmes qui vous intéressent le plus. C’est une proposition extrêmement intéressante. Mais le problème n’est pas là, monsieur Brottes ! Vous prétendez avoir déposé autant d’amendements parce que nous aurions voulu utiliser certaines méthodes qui sont à notre disposition pour vous empêcher de débattre. Sachez, monsieur Brottes, que j’aurais pu, aux termes de l’article 95 du règlement, demander la réserve des quelque quatre mille amendements déposés avant l’article 1er. Je ne l’ai pas fait !

Nous sommes ici, monsieur Brottes, dans le lieu sacré de l’expression de la démocratie. J’ai depuis ma jeunesse une haute idée de ce qu’est l’Assemblée nationale : un lieu où le débat, au-delà de toutes les vicissitudes de la vie quotidienne, doit permettre de s’élever au-dessus des problèmes. Il n’en reste pas moins que les échanges se concluent par un vote.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le vote lui aussi est sacré, puisque nous représentons ceux qui nous ont élus. Et si nous sommes plus nombreux que vous, c’est que nous sommes la majorité ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le président Debré a eu raison de montrer aux Français ce que représentaient concrètement 137 000 amendements…

M. Pierre Ducout. C’est faux !

M. Paul Giacobbi. Il a menti !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …même si la plupart d’entre eux sont identiques et ont été déposés 140 fois, même si la répétition ne tient que sur une seule feuille. Puisque vous faites preuve d’un certain humour, permettez-moi de dire avec un peu de malice que, d’après les calculs que j’ai fait faire, si l’on avait imprimé tous les amendements pour chacun des députés, cela aurait représenté douze arbres par député. Voilà ce que signifie une telle avalanche d’amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Et la publicité des groupes ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quel sens cela a-t-il de déposer 6 000 amendements uniquement pour décliner centième par centième la part que l’État doit détenir dans le capital de GDF ? Qu’est-ce que cela apporte au débat ? Il nous suffit de voter la part que vous proposez, ou de la refuser. En tout état de cause, il n’était pas nécessaire de déposer six mille amendements !

M. Alain Vidalies. Cela n’a rien à voir !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le fait de répéter 6 000 fois ou 37 000 fois la même chose n’en fait pas pour autant une vérité. Ce qui compte, c’est le vote des députés sur une proposition de l’opposition, ce qui est légitime. Monsieur Cohen, vous tenez votre légitimité de ceux qui vous ont envoyé à l’Assemblée pour les représenter.

M. Alain Vidalies. Encore heureux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’ai moi aussi, monsieur Vidalies, cette légitimité ! Discutons dix heures s’il le faut de la part que doit détenir l’État dans le capital, ou cinq heures du délai dans lequel devront être élus les délégués du personnel – nos collègues communistes ont déposé 8 000 amendements sur ce sujet, proposant toutes les possibilités en partant de 180 jours. Je salue à cet égard la pugnacité du groupe communiste, qui se bat contre quelque chose qu’il n’accepte pas. À sa place, je défendrai mes arguments avec la même force.

Je suis de ceux qui n’ont pas accepté les 35 heures, et d’ailleurs je ne les accepte toujours pas. Mais l’opposition de l’époque, responsable et soucieuse d’avoir un débat de fond, n’avait déposé que 1 500 amendements. Nous avons perdu et nous avons l’avons accepté, reconnaissant votre légitimité.

Je ne voudrais pas que l’on accuse le président Debré d’avoir tenu des propos offensants à l’égard de qui que ce soit. Il a simplement dit que les Français ne comprenaient pas ce qu’ils considèrent comme une obstruction.

M. Alain Vidalies. Ce sont de mauvais arguments !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous, nous démontrons que nous sommes des démocrates. Nous acceptons le débat et sommes d’ailleurs impatients de le commencer en abordant l’article 1er ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. On nous a menti hier !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président de la commission, vous vous avancez sur un terrain extrêmement dangereux : s’il est normal pour la majorité d’accuser l’opposition de faire de l’obstruction – nous l’avons fait lorsque nous étions majoritaires –, il est inadmissible, comme vous venez de le faire, de chercher à frapper l’opinion en attribuant un coût au travail parlementaire.

Vous avez dit, monsieur Ollier, que distribuer tous les amendements sur ce texte à chaque député représenterait douze arbres par député.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S’ils avaient été édités !

M. Pierre Cohen. Demain, de la même façon, quand le Parlement aura travaillé un jour supplémentaire ou au-delà d’une heure du matin, nous dirons que cela représente le coût d’un enseignant, ou, lorsque des parlementaires effectueront une mission à l’étranger, que cela correspond au coût d’un policier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela me rappelle les tracts de l’association Les contribuables associés, que nous jetons à la poubelle dès que nous les recevons car ils alimentent les idées lepénistes. Je m’étonne, monsieur Ollier, que vous vous aventuriez sur un tel terrain ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il serait raisonnable de revenir maintenant à l’examen du texte.

M. Paul Giacobbi. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour un rappel au règlement.

M. Paul Giacobbi. Madame la présidente, mes chers collègues, le ministre nous a indiqué hier qu’il était impossible d’évoquer dans la loi la fusion entre Suez et Gaz de France, mais que le vote de cette loi était indispensable pour que des négociations entre les deux entreprises puissent « avoir lieu dans le futur » – je me réfère au compte rendu analytique de nos débats.

Or, en première page du Financial Times, M. Cirelli déclare que la négociation a d’ores et déjà eu lieu et que le prix a été fixé, agréé, convenu. Et il précise que les résultats de Suez et de GDF ne sont pas de nature à modifier la parité convenue. Qui dit vrai ?

M. Xavier de Roux. C’est M. Cirelli qui dit cela, pas le ministre !

M. Paul Giacobbi. Bien sûr, mais qui a raison ? La négociation a-t-elle eu lieu ou pas, ce qu’a affirmé hier M. Loos, que j’ai toute raison de croire ? Si elle a eu lieu, la parité a été convenue et agréée. Si ce n’est pas le cas, M. Cirelli dit n’importe quoi et il n’a pas sa place à la tête de Gaz de France, où il engage l’État, son principal actionnaire, de manière inconsidérée. Si elle a eu lieu, soit il n’en a pas informé le Gouvernement, soit quelqu’un est de mauvaise foi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Quel procès d’intention, monsieur Giacobbi, essayez-vous de faire au Gouvernement dans cette affaire ? Vous le savez parfaitement, cette loi est nécessaire pour autoriser GDF à négocier avec un partenaire – qui sera probablement Suez.

M. Paul Giacobbi. La négociation a eu lieu et le prix est fixé !

Mme la présidente. Monsieur Giacobbi, laissez le ministre vous répondre !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous ai écouté, monsieur Giacobbi, et je suis très patient car je vous répète depuis le début de ce débat qu’une loi est indispensable pour qu’une telle négociation ait lieu !

M. Paul Giacobbi. Vous mentez ! Elle a eu lieu !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cela étant, vous ne pouvez pas empêcher des journalistes d’anticiper le vote de la loi et de faire des suppositions…

M. Paul Giacobbi. Il ne s’agit pas de journalistes, mais d’une déclaration solennelle de M. Cirelli lui-même !

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Cirelli défend son entreprise, comme c’est son rôle, en soulignant sa valeur. Il entend la faire respecter, quelle que soit l’hypothèse qui sera retenue.

Monsieur Giacobbi, quel problème y voyez-vous, alors que tout est parfaitement clair sur le plan juridique ? Je voudrais comprendre.

M. Paul Giacobbi. Madame la présidente, je souhaiterais répondre au ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, qui m’avait demandé la parole avant vous.

M. Daniel Paul. C’est un point important. S’il s’agissait d’un problème mineur, il est clair qu’aucun groupe de l’opposition ne défendrait ses amendements avec la pugnacité dont parlait le président de la commission tout à l’heure. Mais il s’agit de la privatisation de GDF, entreprise vieille de soixante ans, que vos prédécesseurs comme les nôtres ont contribué à mettre en place.

Aujourd’hui, on nous demande de voter sa privatisation. On nous dit certains jours que le futur partenaire de GDF sera Suez, mais qu’il pourrait y en avoir d’autres.

M. Gérard Charasse. Eh oui !

M. Daniel Paul. Nous proposons, nous, que ce partenaire soit EDF, comme cela semble naturel. D’ailleurs, cette union existait auparavant.

On nous dit aussi que la Commission européenne ne rendra qu’en octobre sa décision sur le patrimoine du nouveau groupe. Cela soulève un certain nombre de problèmes, comme les infrastructures et les cessions nécessaires d’actifs, qui appartiennent pourtant au patrimoine national !

La question des prix elle-même n’est pas tranchée : s’alignera-t-on sur le plus bas ou le plus élevé ? Ce batifolage est-il de mise dans un domaine aussi important que l’énergie ? Ne faudrait-il pas se limiter au prix le plus raisonnable, c’est-à-dire calculé à partir des coûts – dans lesquels je n’inclus pas les dividendes versés aux actionnaires ?

Enfin, les actionnaires de Suez aussi auront leur mot à dire, et c’est en décembre qu’ils feront connaître leur position. Nous allons donc voter une loi en septembre, sachant que le dernier mot n’appartiendra pas au législateur, mais aux actionnaires de Suez.

Une question se pose, dont la presse se fait l’écho : que fera-t-on des bénéfices de GDF, qui s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros ? Car GDF, pour une entreprise accusée de vendre le gaz au prix coûtant, n’en réalise pas moins des bénéfices importants.

Serviront-ils à résoudre certaines difficultés de Suez ? Nous ne le savons pas ! Le pire est envisageable.

Il y a quelques jours, des actionnaires de Suez, en l’occurrence un fonds de pension important, s’est payé une page entière dans la presse pour dire que l’accord passé et la parité n’étaient pas justifiés. Les Échos de ce matin mentionnent cette hypothèse. Le surcoût pour l’opération s’établirait à 1,3 milliard d’euros à chaque fois que serait rattrapé, dans la parité, 1 euro, ce qui représenterait un total de plus de 5 milliards d’euros.

Ce sont des questions de fond. Or il est demandé aux parlementaires français de « casser » une entreprise publique, GDF, sans savoir comment les choses se passeront par la suite !

Monsieur le ministre, nous sommes vraiment fondés à demander le maximum d’explications pour que tout le monde soit éclairé : les salariés, avec lesquels je suis solidaire et à qui je fais confiance – ils sont capables de se défendre – ; les entreprises, pour lesquelles je suis plus inquiet, le gaz et l’électricité étant des marchandises indispensables ; les particuliers, pour lesquels mon inquiétude est très grande, les plus démunis d’entre eux risquant de rencontrer de très grandes difficultés dans le maelström que vous préparez.

Mme la présidente. Monsieur Giacobbi, pour la troisième fois depuis le début de la séance, je vais vous donner la parole. Je souhaiterais néanmoins que nous examinions les amendements car, ne croyez-vous pas, chers collègues, que tout ce qui vient d’être exposé le sera à chaque amendement ?

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

M. Paul Giacobbi. J’en suis désolé, madame la présidente, mais nous souhaitons obtenir des informations très précises.

Selon le ministre, on ne peut pas empêcher des journalistes de parler ! D’abord, il ne s’agit pas de n’importe quels journalistes, mais de la presse libre, en l’occurrence le Financial Times, qui n’a pas coutume d’écrire des bêtises en matière financière. Ensuite, il ne s’agit pas d’un journaliste, mais de M. Cirelli qui, s’exprimant très solennellement, ne fait pas allusion à des idées, des projets, mais à un  accord. Le texte rédigé en anglais – que je ne citerai pas, craignant me voir reprocher l’usage de cette langue par M.  Ollier – précise que l’accord sur la parité a été passé au mois de février et que, depuis février, il n’y a pas eu d’événement significatif pouvant altérer la parité qui a été convenue.

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’errements ! L’État n’est pas seul dans le capital de GDF, il y a d’autres actionnaires, qui ont des droits ! Un journal de cette nature ne peut pas publier n’importe quoi, sauf à se retrouver devant des juridictions.

Je tiens donc cette information pour acquise, sauf si, demain, le même journal ou les autres journaux ayant publié la même information écrivent que M. Cirelli n’a jamais dit cela, qu’il n’y a pas eu d’accord, et certainement pas en février, et qu’il n’y a aucune parité reconnue par les deux parties.

Il me faut vous rappeler ce qu’est une transaction en droit : une vente est réputée parfaite lorsqu’on est certain de l’objet et du prix. Nous y sommes : on annonce publiquement être certain et en accord sur l’objet et sur le prix. Tout cela est extravagant !

Ou M. Cirelli ne vous a pas informé, monsieur le ministre, et c’est grave. Ou il dit n’importe quoi, ce qui l’est tout autant. Ou il doit faire un démenti !

Il serait heureux que le Gouvernement nous réponde, dès aujourd’hui, que M. Cirelli dit n’importe quoi, qu’aucun accord n’a été convenu ni de prix fixé. Sinon, dites-le, monsieur le ministre, et prenez des sanctions à son encontre,…

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est vraiment ce que vous voulez ?

M. Paul Giacobbi. …ou faites publier un communiqué dans la presse, y compris internationale, pour indiquer que, contrairement aux propos de M. Cirelli, il n’y a eu aucun accord, encore moins sur la parité et encore moins en février ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur Paul, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt exprimer vos convictions. En avançant des arguments, entendus également du côté du groupe socialiste, vous avez souhaité un débat et rappelé un certain nombre de questions auxquelles vous êtes très attaché – les députés de la majorité ne sont d’ailleurs pas sans vouloir obtenir des précisions sur un sujet d’une telle importance. Vous avez parfaitement situé l’enjeu, ce qui m’a plu, soulignant que ce débat, certes long, devra apporter des réponses dans ce lieu de la démocratie.

En revanche, madame Lebranchu, vous qui avez exercé les fonctions éminentes de garde des sceaux, ministre de la justice, j’ai été particulièrement choqué de vous entendre tenir un discours tout à fait différent. Quand certains disent vouloir un débat, prendre du temps, voire créer les conditions de l’obstruction, vous avez la volonté d’ « empêcher » l’adoption du texte.

employez le mot « empêchement » !

Mme Marylise Lebranchu. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous dites vouloir empêcher le vote de ce projet.

En droit, le mot « empêchement » signifie qu’une minorité veut se donner les moyens d’empêcher une majorité d’aller jusqu’au bout de ses projets ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Nous avons déjà réussi sur le CPE !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce n’est même plus du blocage !

J’ose espérer, madame, que vos paroles ont dépassé votre pensée car, sinon, cela signifierait que quelques personnes, dans une assemblée, pourraient empêcher un gouvernement et sa majorité de mener à bien les réformes qu’ils ont décidé d’engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Irène Tharin. Très bien !

M. Alain Vidalies. C’est de la provocation !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Fait personnel !

Monsieur le rapporteur, ne faites pas de provocation ! Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, nous sommes convaincus que ce projet de loi est une erreur, et une erreur grave, sur laquelle nous ne pourrons pas revenir si la majorité change. Qui plus est, ce projet n’a pas été soumis au peuple français dans un programme électoral. Notre rôle, notre devoir est d’essayer, j’ai même dit de convaincre, à force d’arguments, un certain nombre de nos collègues de l’UMP, qui, avant le mois d’août, n’étaient absolument pas d’accord avec ce projet de loi,…

M. Gérard Charasse. Et ils sont nombreux !

Mme Marylise Lebranchu. …de revenir à leur opinion première et de voter contre ce texte ! C’est notre travail ici !

Si nous n’avions aucun espoir de convaincre ne serait-ce que quelques députés UMP de la nocivité de ce texte qui, je le répète, crée une situation irréversible pour l’énergie française, nous ne ferions peut-être pas autant preuve d’énergie, d’enthousiasme, de pugnacité !

Monsieur le rapporteur, je respecte totalement la légitimité du Gouvernement et de sa majorité, je l’ai dit. Mais j’ai aussi ajouté qu’il s’agit d’un des rares textes de loi sur lequel il sera impossible de revenir en cas de changement de majorité. Voilà pourquoi notre devoir est de faire durer ce débat pour convaincre, argument par argument, une partie de la majorité UMP, afin que ce texte ne soit pas adopté.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. Ollier a dit des choses inacceptables, mais nous y reviendrons plus tard ; nous saurons lui expliquer les choses.

Pour l’instant, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de dix minutes au nom de mon groupe. Il nous faut traduire l’intégralité des propos tenus par M. Cirelli et rapportés par M. Giacobbi, pour en faire part à l’ensemble de nos collègues. Ainsi, nous pourrons les vérifier et savoir s’il s’agit d’une posture, comme l’a dit M. le ministre en nous expliquant que M. Cirelli défend son entreprise, ou s’il s’agit d’un accord. Ce n’est tout de même pas la même chose ! Soit les choses sont signées, entérinées, soit cette déclaration est une posture de négociation. Nous avons besoin de le vérifier, madame la présidente.

Mme la présidente. La suspension de séance est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

M. François Brottes. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sur quel article ?

M. François Brottes. Sur l’article 58, alinéa 1.

Nous avons demandé une suspension de séance pour avoir le temps de traduire les propos du président de Gaz de France, M. Cirelli,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il parle chinois ?

M. François Brottes. …que rapporte ce matin le Financial Times. Ils mettent l’accent sur un point important pour notre débat.

Je lis : « M. Cirelli a nié hier que son entreprise soit dans un concours de beauté avec Suez »…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Encore un concours de beauté ! (Sourires.)

M. François Brottes. …« concernant les excellents résultats dont il a pu faire part sur le premier semestre. Toutefois, il indique que ces résultats historiquement bons le rassurent sur le fait que la valorisation convenue en février dernier reste équitable. “Il n’y a pas eu d’événement significatif ou fondamental, dit-il, depuis l’annonce de la fusion pour modifier la parité dont nous sommes convenus.” » L’adjectif « convenu » vise-t-il un accord ayant été explicitement approuvé par les conseils d’administration des entreprises et effectivement signé, ou cet accord « convenu » n’est-il qu’une posture à l’origine de l’annonce de la fusion ? Telle est la question que nous vous posons.

Avant que vous ne nous y répondiez, monsieur le ministre, laissez-moi vous faire part de la conclusion du journaliste qui signe cet article : « Le gouvernement français est au milieu d’une bataille délicate pour privatiser Gaz de France. Toute indication selon laquelle Gaz de France devrait prélever sur ses ressources au bénéfice des actionnaires privés de Suez, pourrait compromettre le soutien qu’apporte au Gouvernement le parti majoritaire UMP sur le projet. »

On voit bien, madame la présidente, l’importance de la question !

M. Pierre Cohen. Elle est fondamentale !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Passons plutôt à la discussion des amendements, madame la présidente ! Cela permettra de répondre !

Mme la présidente. M. le ministre m’a demandé la parole. Je ne puis que la lui donner, monsieur Ollier.

M. le ministre délégué à l’industrie. M. le président de la commission a raison. Cela dit, dans le cadre de l’esprit d’ouverture que je manifeste depuis le début de la discussion, je suis prêt à commenter les articles du Financial Times, si le groupe socialiste le souhaite...

M. Pierre Cohen. Oui ou non, y a-t-il eu accord ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne peux que répéter ce que j’ai déjà dit : la mise à l’étude de la fusion de GDF et de Suez a évidemment conduit chaque conseil d’administration à indiquer ce qui lui semblait être, à ce moment-là, la valeur naturelle. C’est cette prise de position que M. Cirelli rappelle dans l’article de presse cité.

Cependant, entre cette prise de position, qui date de quelques mois, et les résultats de la négociation qui aura lieu à l’issue du vote de la loi, des évolutions sont possibles, que je suis absolument incapable de prévoir, si ce n’est que l’actionnaire de Gaz de France qu’est l’État n’acceptera en aucun cas que cette entreprise, qui appartient à tous les Français, ne soit pas évaluée à sa juste valeur, qu’il s’agisse de son potentiel, de ses ressources ou de ses résultats.

M. Christian Bataille. Donc, l’État a approuvé cet accord ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas un accord : c’est une hypothèse qui a été envisagée voilà quelques mois.

M. Paul Giacobbi. Si, c’est un accord ! L’article de presse en fait foi !

M. le ministre délégué à l’industrie. En tout état de cause, toute cette discussion n’avance à rien. Nous aurons en effet l’occasion de revenir sur ces questions lors de l’examen des articles.

Quant à considérer comme un événement le fait qu’il y ait eu des discussions entre Suez et Gaz de France, ce n’est pas un scoop. C’est un fait connu depuis des mois.

M. Christian Bataille. GDF est déjà vendue !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Allons, allons !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre, vous avez lu comme nous la publicité parue dans Le Monde, qui pose bien le problème qui est aujourd’hui abordé. J’en cite un extrait : « La structure du projet, telle qu’elle est envisagée, est à la fois défaillante dans son concept et profondément contraire aux intérêts des actionnaires de Suez. »

Si jamais ces derniers se battent et obtiennent une revalorisation de Suez ou une minoration de Gaz de France, ce sont des milliards d’euros que l’État, c’est-à-dire le contribuable français, devra payer, et donc que nos compatriotes paieront sur leurs factures. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains députés de la majorité ont également soulevé le problème.

M. François Brottes. Et là, ce n’est pas que de quelques arbres qu’il s’agit !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous vous demandons donc de nous dire s’il y a eu accord – comme le suppose Français Brottes – entre Suez et Gaz de France sur l’échange d’une action contre une autre, avec un euro supplémentaire, ou s’il n’y en a pas eu, ce qui signifierait qu’il y aura une bataille d’actionnaires. On aura donc privatisé Gaz de France et déstabilisé EDF et Suez, et, en plus le contribuable aura à payer des milliards d’euros ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour un rappel au règlement.

M. Paul Giacobbi. Je souhaite rappeler à M. le ministre l’extraordinaire légèreté avec laquelle le Gouvernement a récemment agi au regard du droit des sociétés. Il n’y a pas si longtemps, en effet, il a encouragé le conseil d’administration d’une société et son président – je rappelle que M. Cirelli est, jusqu’à preuve du contraire, mandataire apparent de GDF et que, lorsqu’il parle, il engage l’entreprise, même s’il n’a pas le droit de le faire, ce qui était manifestement le cas – à convenir d’une fusion extravagante avec une société russe, sans consultation de l’assemblée générale. Interrogé sur ce point, le mandataire social de la société en question, l’illustre M. Dollé, s’est contenté de répondre que l’assemblée générale serait convoquée plus tard, et qu’il serait toujours temps de voir ce que l’on ferait si, par hasard, les actionnaires se prononçaient majoritairement contre !

À quoi, finalement, a abouti cette façon de considérer le droit comme un simple corps gazeux ? D’abord, à une lettre recommandée des actionnaires minoritaires ; ensuite, à l’annulation, bien sûr, de l’assemblée générale ; puis, à l’obligation d’accepter l’OPE amiable ; enfin, au versement d’une indemnité de 140 millions d’euros,... sans compter le ridicule de la situation.

Dans ce contexte, si demain un actionnaire minoritaire de GDF s’empare de l’article du Financial Times, il ne pourra qu’y lire, sauf démenti du mandataire apparent de l’entreprise, que celui-ci y fait état d’un accord sur la parité dans l’échange d’actions. Vous pourrez alors faire toutes les lois du monde, cela ne changera rien devant les juridictions : des indemnités seront accordées, dont je voudrais d’ailleurs bien savoir, une nouvelle fois, quel en sera le montant.

Vous nous reprochez de faire de l’obstruction. Mais soyons un peu sérieux ! Tel n’est pas notre propos ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous essayons simplement d’éclairer le débat.

Certes, s’agissant d’un article de journal, il faut rester prudent. Et si M. Cirelli devait démentir cet article et dire très clairement qu’il n’y a pas eu d’accord, je retirerais instantanément tout ce que j’ai dit. Cependant, lorsque l’on emploie publiquement certains mots, un certain formalisme existe encore dans notre pays.

Vous nous dites que les conseils d’administration ont discuté de cet accord. Quel courage d’ailleurs que de discuter de fusion sans en avoir parlé à l’assemblée générale des actionnaires ! Cependant, je le répète, les mots ont leur importance. Or, lorsqu’un mandataire social d’une société indique dans la presse, sans le démentir ensuite, qu’il y a eu un prix convenu pour une transaction et qu’il donne une date, vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez, rien d’autre ne tient devant une juridiction !

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Cirelli a pour le moins été maladroit !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais à nouveau intervenir sur la conduite de nos débats.

J’ai entendu, comme tout le monde ici, y compris les journalistes, nos collègues de l’opposition affirmer ne pas vouloir faire d’obstruction, mais avant même que l’article 1er n’ait été abordé, ils posent, par l’intermédiaire de rappels au règlement, des questions qui empêchent de commencer l’examen du texte !

M. François Brottes. Nous posons des questions importantes auxquelles vous ne savez pas répondre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Elles sont légitimes, et vous avez raison de les poser.

M. François Brottes. Vous contournez l’obstacle !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous y répondrons, mais le moment venu.

Vous affirmez, disais-je, ne pas vouloir faire d’obstruction. Pourquoi, dans ces conditions, poser, avant l’article 1er, des questions qui concernent l’article 10, relatif au capital d’EDF et de GDF, sur lequel je vous rappelle qu’il y a 30 000 amendements ?

Mme Martine David. Gardez votre calme !

M. Michel Vergnier. Ne vous énervez pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Vergnier, nous sommes tous deux issus d’une région où le calme, vous le savez, préside toujours aux débats.

Je vous le répète, mes chers collègues, c’est à l’article 10, relatif au capital de ces deux entreprises publiques, que ces questions se poseront. Comment peut-on imaginer d’en parler avant même d’avoir abordé l’article 1er ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Parce que l’on ne veut pas du dépeçage de GDF !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si vous ne voulez pas faire d’obstruction, faites-en donc la démonstration devant ceux qui nous écoutent en nous permettant d’aborder l’article 1er avant d’examiner l’article 10 et vos 30 000 amendements !

Je vous le dis, monsieur le ministre : si nous entrons dans cette logique qui consiste à répondre à des questions avant même que les articles sur lesquels elles portent ne soient appelés,...

M. Gérard Charasse. Cela vous gêne !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...cela ne peut que me poser un problème en ma qualité de législateur.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. C’est un dévoiement de l’institution !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite donc que les réponses aux questions portant sur l’article 10 du texte soient données lors de l’examen de cet article.

Si vous ne voulez pas faire d’obstruction, mes chers collègues, faites-en la démonstration en nous permettant d’entrer dans le débat. Celui sur le capital est légitime, mais nous l’aurons, même s’il doit durer une heure ou deux, monsieur Brottes, le moment venu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Il est essentiel d’avoir maintenant les réponses à nos questions !

M. François Brottes. Nous voulons éclairer le débat avant de légiférer !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ce n’est un secret pour personne que nous sommes contre ce projet. Aussi, nous estimons de notre devoir d’obtenir le maximum de réponses aux questions que nous nous posons, et que nous ne sommes pas tout seuls à nous poser, si j’en juge par certains sondages parus ces derniers jours. Ceux-ci montrent non seulement que le groupe majoritaire dans cette assemblée est isolé et que même en son sein des voix discordantes se font entendre – ce qui signifie que, sur ce texte, la majorité n’est pas aussi majoritaire que cela ! –, mais également que, dans le pays, de plus en plus de gens s’interrogent sur la raison qui peut amener le Gouvernement à privatiser une entreprise énergétique publique.

Monsieur le ministre, vous avez à nouveau déclaré que, si les prétentions avancées lors de leur assemblée générale de décembre par les actionnaires de Suez n’étaient pas acceptables – s’agissant de la Communauté européenne, je parlerai plutôt de décision, encore que... –, le Gouvernement n’accepterait pas la fusion. Dans ces conditions, que se passera-t-il pour GDF ?

J’ai le sentiment que l’on se retrouve dans un cas de figure analogue à celui que nous avons connu pour le projet de Constitution européenne : on a modifié la Constitution française préalablement au référendum. Ce dernier ayant abouti au refus du projet par le peuple français, notre Constitution n’en est pas moins restée modifiée. Le bon sens aurait voulu qu’on la rétablît dans sa version antérieure.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Bravo pour le subjonctif imparfait ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. De même, ici, le bon sens voudrait qu’avant de procéder au vote sur une éventuelle privatisation de GDF, nous sachions ce qu’exigeront les actionnaires de Suez.

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. Michel Vergnier. C’est en effet le bon sens !

M. Daniel Paul. Or vous nous demandez un blanc-seing, vous nous demandez de vous faire confiance. Eh bien, je n’avais pas besoin de la promesse de M. Sarkozy de 2004 de ne pas descendre en dessous de 70 %, mais je ne vous fais aucunement confiance pour protéger les intérêts du secteur énergétique français.

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous avez tort !

M. Daniel Paul. Nous continuerons donc de demander des précisions sur la façon dont les choses se passeront après la décision de la Commission de Bruxelles, qui devrait intervenir en octobre si j’ai bien compris, et sur la façon dont les choses se passeront si 33 %, c’est-à-dire le tiers, de l’assemblée générale de Suez fait preuve, en décembre, d’exigences, ce que laisse entendre la réponse de M. Cirelli, quand il dit qu’avec des bénéfices records, GDF pense pouvoir apporter beaucoup à Suez. Comme s’il nous disait : ne soyez pas trop exigeants, sinon nous serons un peu dans la panade.

Nous ne voulons pas que GDF soit dans la panade. Nous voulons que GDF puisse continuer à faire le bon travail que cette entreprise a réalisé depuis 1946, du moins jusqu’en 2004, parce que, depuis, cela se dégrade un peu tout de même. Nous ne voulons pas que GDF tombe entre les mains des fonds de pension, d’autant que nous savons ce qu’ils en feront.

M. Jean Le Garrec. Excellente intervention !

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 3108 à 3140.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons évoqué hier le poids des principes de la République, et notre attachement à ces valeurs incomparables qui fondent le fonctionnement de notre société. Si d’aucuns, ici, considèrent qu’il faut légiférer en fonction de l’actualité, d’anecdotes ou encore de la conjoncture, nous considérons, quant à nous, alors qu’il est question de brader, de privatiser le patrimoine national, qui a prouvé sa qualité d’intervention et de service depuis des dizaines d’années, que l’heure est grave et qu’il faut rappeler chacun à l’essentiel.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’il soit clairement spécifié dans ce texte qu’« Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays. » (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cet amendement reprend une déclaration de Marcel Paul, ministre de la production industrielle à la Libération à qui nous avons souvent rendu hommage. Je renvoie ceux que cela fait sourire au programme du Conseil national de la Résistance, qui a posé les fondements de bon nombre de valeurs qui nous sont chères, mais qui a aussi mis en place bon nombre d’outils qui sont désormais indispensables à la cohésion sociale.

Marcel Paul s’exprimait ainsi en 1950 – certains d’entre vous n’étaient pas nés – devant une assemblée d’électriciens de la nouvelle entreprise publique EDF réunie à la Bourse du travail, comme cela se faisait souvent à cette époque-là. Aujourd’hui, toutes les déclarations que vous faites sont lancées à la corbeille.

M. Maxime Gremetz. À la Bourse !

M. François Brottes. Autre temps, autres mœurs !

On peut comprendre que vous soyez gênés par le débat que nous essayons d’avoir pour éclairer la situation sur les engagements qui ont été pris par M. Cirelli. M. le ministre fait des efforts pour nous répondre tout en sachant que ses propos risquent d’avoir des incidences immédiates sur le cours de l’action. Nous ne pouvons plus aujourd’hui avoir un débat aussi franc et démocratique que par le passé, parce que ce sont d’autres que nous qui gèrent les intérêts de ces grandes sociétés. Et la difficulté est bien là.

Pour autant, je renvoie ceux que cela fait sourire sur les bancs de la majorité aux déclarations de M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, quand il s’était engagé vis-à-vis des députés lors de la présentation de ce fameux projet de loi à ne jamais privatiser EDF et Gaz de France. Avec solennité, et même grandiloquence – cela lui arrive d’utiliser ce ton même si c’est pour dire l’inverse de ce qu’il a dit la veille – il avait déclaré : « Nous sommes aujourd’hui en 2004, et je vous demande avec la même conviction de ne jamais oublier lors de ce débat que nous avons en charge avec EDF un instrument fondamental de la vie de notre pays. » L’amendement vous fait sourire mais, vous voyez, en 2004, votre leader, votre champion, utilisait exactement la même expression. De ce point de vue, nous n’avons aucun reproche à lui faire, si ce n’est d’avoir rompu cet engagement solennel quelques mois ou quelques années plus tard.

M. Jean-Yves Le Déaut. Girouette !

M. François Brottes. Le texte porte sur Gaz de France, mais bien également sur Électricité de France puisqu’il aborde la tarification de l’énergie, de l’électricité, du gaz et autres, et nous ne sommes donc pas hors sujet, je tenais à le rappeler au cas où, éventuellement, le président de la commission nous ferait une remarque désobligeante, une fois de plus.

EDF, c’est plus qu’une entreprise, plus qu’un capital, plus qu’une addition de compétences : c’est un instrument fondamental de la vie du pays. Sans cet élément de cohérence, qui irrigue la totalité du territoire, qui concerne l’ensemble des entreprises et des ménages, la situation deviendrait catastrophique. Or la privatisation de Gaz de France serait l’amorce d’une privatisation de toutes les grandes entreprises de l’énergie, et notamment d’EDF dans la foulée, quoi que vous en disiez puisque, dorénavant, nous ne pouvons plus vous croire après vos revirements de ces derniers mois.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. EDF est, comme Gaz de France, à la base de la compétitivité industrielle et du niveau de vie. L’électricité et le gaz, il faut le répéter, ne sont pas des produits commerciaux ordinaires, comme le tissu ou le papier. Comme le pain, qui avait acquis une valeur symbolique au XVIIIe et au XIXe siècles puisqu’il figurait dans les programmes politiques, l’électricité et le gaz sont devenus des produits symboles. Ce sont des ressources de première nécessité, indispensables à la vie et qui, à ce titre, relèvent de l’autorité, de la puissance publiques.

Ces ressources sont fondamentales sur deux plans : la compétitivité industrielle et le porte-monnaie de la ménagère.

En ce qui concerne la compétitivité industrielle, les représentants des industries électro-intensives, que j’ai reçus, s’inquiètent de la montée des prix. Ils veulent continuer à produire dans des conditions compétitives sur le marché international, comme ils le font aujourd’hui grâce à l’électricité à bas coût fournie par l’énergie nucléaire. Notre amendement a justement pour but de faire en sorte que l’industrie française puisse continuer à exister, qu’elle n’émigre pas à l’étranger. Cette menace a été agitée notamment par M. Beffa, le PDG de Saint-Gobain, qui a parlé d’aller s’installer à Moscou. Sans doute lui propose-t-on là-bas du gaz à un prix plus intéressant.

Quant aux ménages, ils vont devoir intégrer le risque de croissance exponentielle des prix de l’énergie. Jusqu’à présent, l’électricité et le gaz restaient neutres dans le coût de la vie : ils coûtaient mais n’intervenaient pas trop négativement. Mais l’effacement de l’État que marque votre projet, monsieur le ministre, va se traduire par une augmentation des dépenses domestiques en matière énergétique – c’est un aspect tout à fait fondamental. Ce projet, ce n’est pas simplement des actions-papier à la Bourse : il aura également une incidence sur le porte-monnaie des ménages à échéance régulière, plusieurs fois dans l’année.

Pour toutes ces raisons, réaffirmer comme nous le proposons à travers cet amendement que l’électricité est un élément fondamental de la vie du pays est indispensable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, vous nous reprochez de poser dès maintenant des questions sur l’actionnariat de Suez, qui, selon vous, concerneraient l’article 10. Sur la forme, vous avez raison. Sur le fond, vous avez totalement tort.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sur le fond, j’ai également raison !

M. Jean Le Garrec. Et le fond l’emporte toujours sur la forme, dans un débat politique.

M. Maxime Gremetz. C’est cartésien !

M. Jean Le Garrec. Sur le fond, les interventions de mes collègues, et en particulier celle de M. Daniel Paul, sont d’une grande clarté, et pas seulement grâce à l’utilisation de l’imparfait du subjonctif.

M. Daniel Paul. Ah !

M. Jean Le Garrec. Si vous ne pouvez répondre aux questions concernant le débat des actionnaires de Suez, c’est toute l’architecture de votre projet qui ne tient plus.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela concerne l’article 10 !

M. Jean Le Garrec. Vous faites un saut dans l’inconnu, sur un problème capital, celui de la maîtrise énergétique et de l’indépendance énergétique. Ce débat n’a plus de sens car nous ne savons pas ce que vous maîtrisez et vous ne savez même pas où vous pourrez aller.

On voit bien que ces interrogations sont très fortes : il suffit de voir le rôle de M. Frère, actionnaire principal de Suez.

M. Daniel Paul. Un de vos camarades, messieurs !

M. Jean Le Garrec. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de coût, comme cela a été démontré, mais il s’agit aussi d’un problème d’articulation de l’ensemble.

Or, à l’heure actuelle, vous êtes incapable de répondre à ces questions. Vous ne savez pas où vous allez et vous n’avez aucune maîtrise du dispositif que vous êtes en train de mettre en place.

Compte tenu de ces questions concernant l’actionnariat de Suez, compte tenu de la lettre de griefs de l’Europe, vous devriez, monsieur le ministre, retirer votre texte, seule attitude possible. Sinon, vous obligez l’Assemblée à débattre d’un problème clé, sur l’environnement, sur la maîtrise énergétique, sur l’indépendance énergétique, sur le futur, avec un dossier dont aucune des données ne sont maîtrisées et il est logique que ces questions soient posées avant que le débat ne s’engage sur les articles puisque c’est l’architecture d’ensemble du projet qui est concernée.

M. François Brottes. Bien sûr, et il le sait !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Après Nicolas Sarkozy en 2004 et Marcel Paul en 1950 – nous n’étions pas âgés mais son action a marqué notre pays –, il nous paraît important de rappeler qu’Électricité de France est un instrument fondamental de la vie de notre pays.

Électricité de France a été pendant près de soixante ans, et elle l’est toujours, un des piliers de la cohésion de la République. Aujourd’hui, cette cohérence est menacée par divers éléments, notamment par les difficultés d’intégration de certains de nos concitoyens.

EDF a porté les grandes politiques qui ont fait notre fierté et qui ont permis à tous les Français de disposer de ce bien essentiel – je pense en particulier à la grande politique d’hydroélectricité. Nous savons aujourd’hui qu’il ne faut pas forcément montrer du doigt, même pour des raisons compréhensibles de protection de l’environnement, tel ou tel pays qui s’équipe en hydroélectricité. Certains équilibres sont certes discutables, vis-à-vis de l’ensemble des Chinois en particulier, mais le barrage des Trois-Gorges, par exemple, sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler, est un élément remarquable.

EDF a également permis de porter le programme électronucléaire. La France est ainsi le seul pays à avoir un tel niveau de production d’électricité à partir du nucléaire. Nos concitoyens acceptent cette énergie, qui présente certes des risques indiscutables, mais également des avantages importants quant à la lutte contre l’effet de serre et pour une partie de notre indépendance énergétique.

EDF assure en outre la desserte complète de notre territoire. Tous les Français reçoivent ce bien essentiel. Je me souviens de la discussion de la loi sur les paysages, en 1995, où un amendement de la majorité de droite, arrivé nuitamment, proposait d’enterrer l’ensemble des lignes électriques.

J’avais indiqué que, dans certains secteurs peu habités – je pense en particulier au département des Landes où, par endroit, il y a quatre habitants au kilomètre carré –, la présence d’une ligne électrique voulait dire qu’il y avait de la vie. Électricité de France, dont le travail est remarquable, serait fortement déstabilisée, fragilisée par une fusion entre Suez et Gaz de France. Ce serait contraire aux intérêts de notre pays, qu’il s’agisse de notre spécificité nucléaire, de notre sécurité énergétique ou du niveau des prix, qui sont intéressants.

Enfin, EDF est l’entreprise préférée des Français. Souvenez-vous de la grande tempête de 1999 qui a particulièrement touché l’est et le sud-ouest de la France ! Pendant cette période d’hiver, fin 1999-début 2000, tout le personnel d’EDF a fait le maximum pour permettre à nos concitoyens d’avoir à nouveau l’électricité.

M. Jean-Charles Taugourdeau. De nombreuses entreprises privées l’ont fait aussi !

M. Pierre Ducout. On peut penser que les personnes âgées des communes perdues en pleine compagne ont l’habitude de vivre à la bougie, mais cela n’enlève rien à l’attitude remarquable d’EDF. Vous avez pourtant essayé de porter atteinte à son honneur en créant, dès votre arrivée au gouvernement en 2002, une commission d’enquête pour démolir ce qui avait été fait en présentant de manière très orientée les difficultés supposées de l’entreprise, notamment sa politique d’acquisitions internationales. J’avais alors dit qu’il fallait non pas prendre en considération les chiffres immédiats, mais comparer l’évolution des sociétés européennes filiales d’EDF, dans les trois ou quatre ans à venir, à l’évolution vraisemblable du marché de l’énergie et de l’électricité. Et c’était évident : deux ou trois ans plus tard, des entreprises comme ENBV en Allemagne ou Edison en Italie étaient parmi celles qui dégageaient le plus de revenus et de marges pour EDF ! Le fait d’avoir des positions dans d’autres pays est par ailleurs très positif sur un marché qui tend vers la pénurie. Du reste, deux ans plus tard, pour permettre l’ouverture, que nous ne voulions pas, de 30 % du capital d’EDF, vous avez souligné tous ces éléments positifs. Il est donc très important d’insister sur le fait qu’Électricité de France est un instrument fondamental de la vie de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Si nous proposons ces amendements visant à inscrire dans la loi qu’Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays, c’est non seulement parce que Marcel Paul l’avait dit en 1950 et que le ministre Sarkozy l’a récemment répété, mais aussi parce que nous sommes persuadés que la fusion entre GDF et Suez va fragiliser Électricité de France.

Alors qu’il eût été beaucoup plus simple de créer, au niveau national, un pôle public de l’énergie qui aurait eu un rôle au niveau européen, on introduit de manière artificielle un concurrent dans le domaine de l’électricité et des services, à savoir Suez, par l’intermédiaire du cheval de Troie GDF qui n’est présent que sur le gaz. On sait très bien que la concurrence ne s’exercera pas au bénéfice des consommateurs. En effet, dans les pays où elle joue pour des activités relevant du secteur public, les prix tiennent compte de la rémunération des actionnaires. Le fait d’avoir deux entreprises moyennes au lieu d’une grande entreprise nationale sera un élément de fragilisation. Le Gouvernement fait donc une erreur stratégique en proposant cette fusion.

Par ailleurs, l’ouverture des marchés ne s’étant pas traduite par une baisse des prix, on a envisagé le droit au retour au tarif réglementé dans le domaine du gaz, avec le tarif réglementé transitoire d’adaptation au marché. C’est un nouveau mauvais coup porté à EDF. En effet, comme ce n’est pas l’État qui va payer, cela se répercutera sur les factures d’électricité. C’est le nucléaire et l’hydroélectrique qui vont finalement compenser le manque à gagner du tarif réglementé. D’ailleurs, dans un grand journal national, un lecteur réagit de la façon suivante : « Qui paie la facture ? Je ne vois pas pourquoi, quand le cours du pétrole monte, je paierais, avec mes impôts, le surcoût pour ne pas que les gens qui se chauffent au gaz soient pénalisés. Ce n’est pas égalitaire. Celui qui a 500 mètres carrés à chauffer dans sa baraque pourra le faire sans compter puisque nous, pauvres couillons, lui payons la facture ! » C’est dit de manière on ne peut plus claire.

Il y a de grands services dans notre pays : l’éducation nationale ; la santé ; la sécurité, avec la police, la gendarmerie et l’armée ; le logement. Et, dans le logement, il y a l’énergie. Nous souhaitons qu’il y ait un droit à l’énergie et, pour ce faire, nous souhaitons qu’EDF soit considérée comme une grande entreprise nationale et que cela soit inscrit dans la loi. En 1950, on a sacralisé EDF, entreprise aimée des Français, à la bourse du travail. En 2006, on privatise GDF à la bourse du capital !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous vivons une période extrêmement ambiguë. En effet, dans le contexte de la mondialisation, les règles du jeu sont de soumettre partout où cela est possible les services aux lois du marché, l’objectif étant, pour certains de s’enrichir, pour d’autres d’accéder à ces services. Cette analyse est sans doute un peu caricaturale et ne tient peut-être pas compte de certaines subtilités, mais l’on sait bien que, au sein de l’OMC, la France, sans doute en raison de son histoire – Jean Dionis du Séjour nous a parlé en commission du service public de 1946 –, est un des pays qui s’attachent à éviter que certains services, comme l’éducation ou la santé, fassent partie du domaine marchand. D’autres services sont marchands, mais ne doivent pas obéir totalement aux lois du marché – l’information, le transport ou l’énergie. Ils doivent être réglementés ou régulés. Il aurait été intéressant, après ce qui s’est passé au moment du référendum, de se demander comment l’on peut réagir au fait que des monopoles publics d’État sont de plus en plus fragilisés par la concurrence, voire banalisés par les privatisations, alors qu’il s’agit de secteurs stratégiques pour l’intérêt national, et même pour notre intérêt économique. Tout cela nous amène à réfléchir et, peut-être, à imaginer que l’objectif sera d’avoir un pôle énergétique européen.

Nous avons condamné les lois que vous avez déjà fait voter, notamment le début de la privatisation d’EDF et GDF, mais nous sommes maintenant à un tournant. En effet, en banalisant ces entreprises, vous tournez définitivement le dos à cette notion de construction d’un pôle européen qui aurait pu s’appuyer sur des pôles nationaux. L’UMP a apparemment réussi à se mettre d’accord pour privatiser GDF, mais au prix de grandes difficultés. S’il en est encore temps, ayez un éclair de lucidité. Ne commettez pas une erreur irréparable ! Votez ces amendements qui affirment qu’EDF est un instrument fondamental de la vie du pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Il est en effet essentiel de rappeler que l’énergie engage l’indépendance de la nation. Elle doit donc rester publique si nous voulons conserver un service public de qualité avec des tarifs abordables. Nous ne pouvons pas tourner impunément la page sur soixante ans d’existence d’une entreprise qui a fait toute la preuve de sa capacité pour s’en remettre aujourd’hui aux seules lois du marché et de la bourse.

Depuis 1946, EDF et GDF ont contribué à un aménagement cohérent du territoire. Elles ont prouvé leur intérêt. Il est nécessaire de préserver l’énergie au sein d’une entreprise publique. La privatisation n’est pas de nature à répondre aux exigences du monde actuel. Cette fusion revient à sacrifier une entreprise publique uniquement pour sauvegarder les intérêts des actionnaires de Suez. EDF et GDF ont prouvé qu’elles étaient des entreprises fiables, efficaces – mes collègues ont rappelé quelle avait été leur attitude lors des tempêtes de 1999 – et nous allons anéantir soixante ans d’efforts en faveur de l’intérêt national dans le secteur énergétique. Tout cela risque d’être rayé d’un trait de plume, remis en cause au profit des seuls actionnaires de Suez. Ces soixante ans d’efforts ont été reconnus par les Français, qui sont attachés à l’entreprise et souhaitent, dans leur très grande majorité, qu’elle reste publique.

L’existence d’un deuxième groupe énergétique va concurrencer et fragiliser EDF via cette filiale de Suez, en particulier en créant des tensions sur le marché du nucléaire. Cette fusion signe la perte, par la nation, de la maîtrise publique. Voilà pourquoi nous souhaitons que soit rappelée cette phrase de Marcel Paul : « EDF est un instrument fondamental de la vie du pays. »

Mme la présidente. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Mais qu’est-ce qui peut bien gêner dans cette phrase : « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays » ? Certains, qui s’inscrivent dans la tradition de la politique économique française, y retrouveront les accents de Marcel Paul. D’autres, qui préfèrent l’actualité politique, se référeront aux propos d’un ministre d’aujourd’hui. Mais en quoi peut-on être opposé à cette définition ? Car il n’est pas écrit dans cet amendement que cet instrument fondamental doit être public ! Ce sera une autre discussion. EDF, quel que soit son format, est bel et bien un instrument fondamental. Je ne comprends pas bien ce qui empêche la majorité d’adhérer à cet amendement inspiré de Marcel Paul et repris par M. Sarkozy.

Ensuite viendra le second débat, sur les articles, au cours duquel nous saurons rappeler que, même dans un pays où la concurrence et le marché rythment de grands espaces de la vie économique, il reste des fondements, des fondamentaux, des fondations qui, selon nous, doivent rester dans l’espace public. Certains collègues d’audience gaullienne le pensent sans doute encore. D’autres n’y sont pas favorables, mais c’est là un autre débat.

Quoi qu’il en soit, je vous invite à voter cet amendement qui n’est au fond que la conjugaison pertinente d’hier et d’aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. EDF est effectivement un instrument fondamental de la vie de notre pays. À cet égard, je voudrais insister sur deux points qui me paraissent importants : la cohésion territoriale et la cohésion sociale.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous en avons parlé deux heures hier !

M. William Dumas. Pour ce qui est de la cohésion territoriale, EDF assure l’accès, par le maillage de ses réseaux, à tous les coins de France. Or, pour moi, élu d’une circonscription qui comprend de très petites communes rurales perchées sur les pentes des Cévennes, c’est une réalité et une nécessité pour la survie des zones rurales. Grâce à EDF, l’accès à l’électricité se fait dans les mêmes conditions, que l’on habite à la ville ou à la campagne, en plaine ou à la montagne.

M. André Schneider. Ou à la mer !

M. William Dumas. L’accès à l’électricité est ainsi l’un des principaux éléments du développement économique et humain de nos territoires.

Quant à la cohésion sociale, on assiste aujourd’hui à une multiplication des situations de précarité et d’exclusion. En tant que vice-président du conseil général du Gard, je puis témoigner que la situation flambe. Le rapprochement du tarif réglementé et des prix du marché rend encore plus criante la nécessité de réglementer les tarifs sociaux de l’électricité.

Celle-ci n’est pas un bien marchand comme les autres, mais un produit de première nécessité indispensable à la garantie des droits fondamentaux de la personne. Dans le cadre de la lutte contre l’exclusion, EDF doit concourir à la cohésion sociale en assurant le droit à l’électricité pour tous, que seul le service public est en mesure de garantir.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Forgues.

M. Pierre Forgues. On pourrait croire dans cet hémicycle que seuls les députés de gauche sont défavorables au projet du Gouvernement. La réalité est bien différente.

M. François Brottes. Écoutez, mes chers collègues de la majorité !

M. Pierre Forgues. Je vais me faire un devoir et un plaisir de vous lire la lettre du maire de Tarbes, Gérard Trémège, président départemental de l’UMP dans les Hautes-Pyrénées et ancien député.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il n’est pas normal de mettre ainsi en cause quelqu’un qui n’est pas dans l’hémicycle !

M. Pierre Forgues. Je ne le mets pas en cause : je veux seulement citer ses propos.

M. Paul Giacobbi. C’est une manière de lui rendre hommage !

M. Pierre Forgues. C’est en effet ce que je vais faire. Je rappelle qu’il s’agit de l’ancien président de l’assemblée des CCI de France. Je le cite : « Je réaffirme mon opposition à un texte qui n’apporte pas de réponse satisfaisante aux défis énergétiques que doit relever notre pays, dans un contexte international très troublé. »

M. François Brottes. Et c’est un UMP qui parle… Voilà la cohésion de la majorité !

M. Pierre Forgues. « Au-delà du non-respect des engagements pris au travers de la loi du 9 août 2004 de ne pas descendre sous la barre de 70 % de la part du capital de l’État dans GDF, ce projet de fusion pose des problèmes économiques, sociaux et stratégiques qui exigeraient qu’une nouvelle réflexion s’engage, ouvrant sur des solutions alternatives.

« Sur le plan économique, la fusion telle qu’envisagée ne garantit nullement la maîtrise des tarifs qui sont appliqués à la fois aux entreprises et aux particuliers. Elle expose même notre économie à un risque d’aggravation de la dérive inflationniste que nous observons déjà aujourd’hui dans ce secteur.

« Sur le plan social, ce projet manque pour le moins de lisibilité à court et moyen terme sur les intentions du nouveau groupe à l’égard de son personnel et met à mal la notion même de service public, à laquelle nos concitoyens sont très attachés.

« Sur le plan stratégique, ce projet de fusion Suez-GDF n’assure en rien l’indépendance énergétique de notre pays sur un marché qui est loin d’être concurrentiel. Il exposerait de surcroît GDF à un vraisemblable démantèlement de ses activités et fragiliserait les positions d’EDF en lui créant un nouveau concurrent dans l’électricité, dans un contexte dans lequel l’entreprise publique a un besoin important de liquidités pour assurer le renouvellement de son parc de centrales nucléaires.

« Pour toutes ces raisons, je ne puis que renouveler mon sentiment sur ce projet et regretter l’empressement du Gouvernement à agir sans même attendre l’avis définitif de la Commission européenne. » (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Vergnier. Voilà qui est clair !

M. Pierre Forgues. Le mot « empressement » est très juste. On pourrait également parler d’une faute très grave. Il est vrai – Marcel Paul avait raison – qu’EDF est un instrument fondamental de la vie du pays. Cette phrase fait partie de notre culture profonde. En effet, l’indépendance énergétique sur le plan de la production, du stockage,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le stockage de l’électricité ? Bravo !

M. Pierre Forgues. …de l’approvisionnement et de la distribution exige non le démantèlement, mais la fusion de deux grandes entreprises : EDF et GDF. On peut retourner le problème dans tous les sens, l’énergie n’est pas une denrée comme les chaussures ou les habits. Elle doit être soustraite au marché et au libéralisme sauvage. Seule une grande entreprise publique peut y parvenir.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Mais la France ne possède pas de gaz !

M. Pierre Forgues. Gérard Trémège a raison. Il a fait lire sa lettre publiquement et je lui rends hommage en la citant à mon tour. Je la fais mienne et je vous laisse méditer ses termes.

M. François Brottes. Je rappelle qu’il s’agit d’un maire UMP !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Nous avons entendu, merci !

M. Pierre Forgues. Le Gouvernement s’apprête à commettre une faute grave. Je suis persuadé que le pays ne le lui pardonnera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Cet amendement devrait faire l’unanimité. Il en est presque touchant, puisqu’il fait référence à une phrase de Marcel Paul, reprise par Nicolas Sarkozy. Même M. Lenoir, dont nous avons apprécié les citations de Vladimir Ilitch Oulianov, Khrouchtchev et quelques autres, devrait s’y rallier.

Mais d’autres éléments nous invitent à rappeler le principe selon lequel « Électricité de France est un élément fondamental de la vie du pays ».

Le premier concerne les conséquences immédiates qu’aura sur EDF la fusion de GDF et de Suez. Ne parlons pas de « projet de fusion », en effet, puisque celle-ci, je le rappelle, a été décidée en février 2006 par un accord entre les chefs d’entreprise et leur conseil d’administration, qui fixait notamment le prix de la transaction. Nous ne sommes donc que dans une phase de pure formalité, comme l’ont souligné la presse et les dirigeants de l’entreprise. Ce n’est pas moi qui l’ai remarqué, mais M. Gadonneix, juste avant qu’on le prie de se taire sur ce sujet. Pour qui connaît un tant soit peu le système, voire pour tout abonné, il est évident que la fusion risque d’avoir des conséquences considérables. Une nouvelle entité va en effet entrer sur le marché de l’énergie française. Si elle vend du gaz, elle vendra également de l’électricité et le problème des services commerciaux communs doit être posé.

La deuxième raison pour laquelle il est utile de rappeler ce principe – même si, à l’instar de Talleyrand, vous avez pris l’habitude, après avoir proclamé certains principes, de vous appuyer dessus en espérant qu’ils finiront par céder – est qu’EDF est la prochaine entreprise de ce que vous nommez le « secteur de l’énergie » et que nous appelons le « service public de l’énergie » qui est destinée non à une vente, une cession ou un échange, mais à ce processus qu’il faut bien nommer une prise de contrôle gratuite, puisqu’il s’agit d’un échange d’actions sans un centime en contrepartie.

Je me rappelle pourtant que M. Breton nous avait expliqué précédemment, à propos de la sidérurgie, qu’il était scandaleux d’imaginer un échange d’actions sans échange d’argent. Il eût été inconvenant, affirmait-il. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler tous ses arguments pour nous convaincre qu’il fallait renoncer aux OPE et aux échanges d’actions pour ne plus procéder qu’à des échanges d’argent, sans quoi, disait-il, une prise de contrôle devient gratuite.

Toujours est-il que, après GDF, c’est EDF qui vient en ligne. Un certain empressement, pour ne pas dire un prurit, semble démanger certains responsables de l’UMP, notamment M. Fillon, et les pousser à demander le démantèlement de son régime spécial d’assurance vieillesse, ainsi que d’autres régimes spéciaux d’entreprises publiques. Il est vrai qu’un des obstacles principaux aux opérations de fusion et d’échange est l’existence d’un régime particulier, parfois privé. On l’observe souvent dans les opérations de fusion-acquisition à l’étranger. Évidemment, faire entrer les régimes de retraite dans le moule commun faciliterait grandement ce type d’opérations.

Je répète que notre amendement a été issu des propos de Marcel Paul repris par Nicolas Sarkozy. Chacun pourra se référer à l’auteur qu’il préfère. Mais sa rédaction devrait de toute façon faire l’unanimité.

M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Vous connaissez, madame la présidente, le souci constant du groupe communiste que la représentation nationale soit éclairée. Je vous renvoie à notre position à l’égard de la lettre dite de griefs dont j’ai parlé hier et qui a été caviardée, comme sous Nicolas Ier. (Sourires.)

Je rappelle également que nous avons demandé la présence dans l’hémicycle de M. le Premier ministre et de M. Sarkozy, car il est important que nous puissions entendre tous les avis, quels qu’ils soient.

À cet égard, je souhaiterais que certains de nos collègues soient libérés de leur prison dorée et puissent nous rejoindre, même si je ne partage par leur point de vue sur bien des sujets. Je constate en effet que des députés ont pris des positions qui ont éclairé notre réflexion de manière intéressante. Certains ont expliqué les raisons qui les ont poussés à dire non à la privatisation de GDF. Je tiens à citer leur déclaration.

« Le respect des engagements solennels pris à travers la loi du 9 août 2004 de ne pas descendre sous la barre des 70 % la part du capital de l’État dans GDF est la première de ces raisons. À l’heure à laquelle la crédibilité des politiques est souvent raillée, il nous semblerait particulièrement malvenu de renier une parole donnée au peuple au moins pour l’actuelle législature et alors même que rien ne le justifierait. »

« Nous sommes, en second lieu, soucieux d’assurer l’indépendance énergétique de notre pays. La privatisation de GDF et sa fusion avec Suez ne la garantiraient en rien. Loin de créer un géant du gaz, la fusion n’entraînerait qu’un grossissement de 25 % de GDF dans la distribution et guère plus dans le stockage et le transport. Croire qu’ainsi le nouveau groupe pourrait peser sur les prix d’achat auprès des producteurs est une douce illusion ou un argument fallacieux. »

« Nous sommes, par ailleurs, soucieux des tarifs appliqués à nos concitoyens. La part du poste énergie dans le budget des ménages n’a cessé de croître ces dernières années, et ce malgré une maîtrise raisonnée des tarifs de GDF qui, en tant qu’entreprise publique, peut s’abstraire pour partie de la recherche de la profitabilité maximum. Cette situation bénéfique pour nos concitoyens clients disparaîtrait totalement dès la constitution du nouveau groupe privé. »

La quatrième raison qu’ils invoquent est que « la situation des personnels de GDF, en grande partie communs à EDF, poserait, en cas de fusion, de réels problèmes. Au-delà du choc « culturel » ainsi créé, la recherche de la meilleure rentabilité se traduira à court terme et quelles que soient les dénégations actuelles par une compression rapide des effectifs. »

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement !

M. André Schneider et M. Serge Poignant. En effet !

M. Alain Bocquet. Si, c’en est un ! Je poursuis : « Même sans OPA hostile sur le nouveau groupe fusionné, la fusion ne mettrait pas Suez à l’abri du démantèlement d’une partie de ses activités, soit à la demande de la Commission Européenne – et on peut, à cet égard, être pour le moins surpris que le Gouvernement veuille faire voter une loi sans attendre l’avis définitif de Bruxelles – soit tout simplement parce que le nouveau groupe se concentrera inévitablement sur son nouveau cœur de métier, l’énergie, en se départant de ses activités environnementales. »

« Enfin, cette fusion aurait des conséquences indirectes sur EDF en lui créant un nouveau concurrent dans l’électricité. »

« C’est pourquoi, face à un projet qui ne répond qu’à une préoccupation évidente, voler au secours d’une entreprise privée, Suez, en privatisant un groupe public pour la renforcer, alors même que ce dernier est un bien collectif de tous nos concitoyens, nous préférerions un rapprochement entre GDF et EDF. »

Il me paraît important que nos collègues qui s’exprimaient ainsi l’été dernier puissent être présents dans l’hémicycle pour exposer leur point de vue. On ne peut pas entendre une majorité univoque. C’est pourquoi je vous demande, madame la présidente, de suspendre la séance afin que MM. Marc-Philippe Daubresse et Dominique Paillé, auteurs de ces textes très importants pour notre réflexion commune, puissent nous rejoindre et faire entendre une voix différente au sein de la majorité. Qu’on leur enlève leur bâillon !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est scandaleux !

M. Alain Bocquet. Au reste, ces deux collègues ne sont pas les seuls à faire cette analyse, proche de celle qui est exprimée par l’opposition dans toute sa diversité. Libérez Marc-Philippe Daubresse et Dominique Paillé, et ramenez-les ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous dépassez les limites, monsieur Bocquet. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mettre en cause deux députés qui ne sont certes pas présents, mais qui peuvent venir dans l’hémicycle quand ils le veulent et s’exprimer comme ils l’entendent est choquant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Bocquet. Eh bien, qu’ils viennent !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et utiliser ce type d’artifices pour gagner du temps et demander une nouvelle suspension de séance n’est qu’une manœuvre d’obstruction.

À ce propos, pour rompre la monotonie des litanies des orateurs du groupe socialiste – qui répètent trente-deux fois les mêmes arguments sur chaque amendement (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean Launay. Quel mépris !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Launay, vous savez, pour être membre de la commission que je préside, que je n’ai aucun mépris pour l’opposition, et je crois vous en faire la démonstration à chaque réunion de la commission. Je vous respecte, et vous le savez, monsieur Launay.

M. Jean Launay. Je parle de ce que vous venez de dire ici !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à l’heure, les représentants du groupe socialiste ont affirmé qu’ils ne faisaient pas d’obstruction.

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Pierre Ducout. Nous enrichissons le débat !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dont acte. Je vous fais confiance. Mais n’oubliez pas que la majorité n’est pas seule à vous écouter : les Français aussi.

M. Michel Vergnier. On l’espère !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quoi qu’il en soit, je viens d’entendre douze intervenants qui, à raison de cinq minutes par orateur – mais ce n’est pas de l’obstruction, chers collègues ! – ont exposé pendant une heure des arguments qui ont tous un sens. Vous défendez vos valeurs et vos idées, et c’est votre droit le plus absolu. Je respecte ce droit, même si je ne suis pas d’accord avec vous. Près de quatorze orateurs doivent encore s’exprimer – soit pendant une heure supplémentaire –, pour développer les mêmes arguments.

M. Pierre Ducout. Non, justement, nous ne disons pas la même chose !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas d’obstruction : vous argumentez ! Mais sur quoi ? Permettez-moi de vous relire l’amendement en discussion : « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays. » (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’applaudis avec vous, mes chers collègues : je partage votre sentiment ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je n’ai pas de leçons de gaullisme à recevoir de votre part, monsieur Forgues, vous qui ne l’avez jamais été,…

M. Pierre Forgues. Dieu merci !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …alors que moi, je le suis toujours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si nous avons acquis notre indépendance énergétique dans le secteur de l’électricité, c’est parce que le général de Gaulle a lancé le programme nucléaire, lequel a été soutenu sur nos bancs, et pas sur les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Paul Giacobbi. Quelle erreur historique !

Mme la présidente. S’il vous plaît, un peu de calme !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne m’adresse pas au groupe communiste, qui l’a soutenu, mais à M. Forgues.

Je me souviens, monsieur Bataille, que Mme Voynet a été ministre du gouvernement socialiste, elle qui propose aujourd’hui, dans son projet d’alliance avec le parti socialiste, l’abandon de l’EPR, comme elle l’a dit dans la presse la semaine dernière. Est-ce également votre souhait ? Et qui, monsieur Bataille, a abandonné Superphénix, cet élément essentiel du développement de la politique nucléaire ? Ce n’est pas nous, c’est le gouvernement de Lionel Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. C’était un désastre technique et un gouffre financier !

Mme la présidente. S’il vous plaît, laissez M. le président de la commission terminer son propos. Cela dit, je souhaiterais, monsieur Ollier, que l’on en reste à notre sujet.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, je ne conteste pas aux orateurs du groupe socialiste leur droit à intervenir dans le respect de leur temps de parole. Permettez-moi de prendre le temps nécessaire pour leur répondre.

Mme la présidente. Mais restez-en à notre sujet, monsieur le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pendant une heure, nos collègues socialistes ont parlé d’EDF, qui n’est pas concerné par ce projet de loi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Schneider. Exactement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si vous ne voulez pas faire d’obstruction, parlez au moins du texte et acceptez d’en arriver à l’article 1er. Je réitère notre souhait de débattre avec vous, mais de l’objet du texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant, pour un rappel au règlement.

M. Serge Poignant. Pas une séance ne débute sans demande de suspension de séance et pas une journée ne se termine sans une demande de vérification du quorum, sans parler des multiples rappels au règlement sous des prétextes totalement fallacieux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Paul Giacobbi. Parce que les propos de Cirelli, c’est un prétexte fallacieux ?

M. Serge Poignant. Si certains de nos collègues sont absents, c’est notre problème, pas le vôtre, monsieur Bocquet ! Nous pourrions également réclamer la présence de M. Strauss-Kahn lorsque vous parlez d’EDF, puisqu’il défendait l’idée que la part du capital de l’État dans cette entreprise pouvait descendre en dessous de 50 % – ce que, nous, nous ne souhaitons pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela suffit ! Nous sommes beaucoup à ne plus pouvoir supporter ces méthodes. Vous faites de l’obstruction et vous l’assumerez ! Nous aussi, nous pensons que le rôle d’EDF est fondamental, mais déposer des amendements de ce type, c’est faire de l’obstruction. Ces pratiques sont inadmissibles et indignes de la responsabilité qu’ont les parlementaires vis-à-vis de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Les accusations assez graves qu’a portées le président de la commission montrent bien à quel point il est en train de perdre son sang-froid. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le projet de loi, monsieur le président de la commission – et je parle sous le contrôle de M. le ministre – vise à privatiser Gaz de France, mais aussi à transposer la directive relative à l’ensemble du secteur énergétique, y compris l’électricité. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quand vous demandez par amendement – comme nous l’avons vu en commission – qu’EDF supporte la baisse des prix pour faire un cadeau à ses concurrents, vous ne pouvez pas dire qu’EDF n’est pas concerné par ce texte. Vous devrez faire un démenti parce que c’est faux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est un amendement, ce n’est pas dans le texte !

M. François Brottes. Il est donc tout à fait légitime que nous défendions un amendement qui vise à préciser qu’EDF est un instrument fondamental de la vie du pays, reprenant ainsi non seulement la phrase de Marcel Paul, mais aussi celle de Nicolas Sarkozy, lequel est en train de trahir sa parole et ses engagements vis-à-vis du service public de l’énergie, qui comporte deux entreprises publiques performantes : EDF et GDF. C’est parce que nos collègues développent des arguments qui vous gênent que vous perdez votre sang-froid !

Jusqu’à présent, le groupe socialiste a fait en sorte qu’une quarantaine de ses membres interviennent pour porter un message d’opposition à ce texte, amendement après amendement, avec des arguments complémentaires. Je comprends que, lorsque Pierre Forgues nous rapporte de sa circonscription une lettre du président de l’UMP local disant qu’il s’oppose, lui aussi, à la fusion, cela vous gêne. Vous vous apercevez que ce projet de loi ne tient pas la route. À part le mot « obstruction », que vous avez à la bouche depuis le début de ce débat, vous n’avez aucun argument à nous opposer. Mais les Français s’en rendent compte car, grâce à nos amendements, les masques tombent. Et nous continuerons à faire tomber les masques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Madame la présidente, je rappelle que j’ai demandé une suspension de séance, mais je souhaiterais répondre à M. Ollier. Je ne conteste pas son attachement au gaullisme, mais je constate que son gaullisme s’est considérablement dilué. Sinon, aurait-il écrit que le fait que le capital de GDF soit 100 % étatisé ou 100 % privé ne change rien ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je l’ai dit concernant les tarifs, et je l’assume !

M. Alain Bocquet. Jamais le général de Gaulle n’aurait écrit une telle phrase, monsieur Ollier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue, pour dix minutes.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement et le président de la commission nous accusent d’être hors sujet lorsque nous affirmons, par cette série d’amendements, qu’EDF est un instrument fondamental de la vie du pays. François Brottes n’a eu aucun mal à réfuter cette accusation sans fondement, car nous sommes en réalité au cœur du débat, celui d’un véritable choix de société. C’est pourquoi nous avons rappelé l’engagement solennel datant de la Libération et repris par Nicolas Sarkozy avant qu’il ne le trahisse aujourd’hui.

Cette question, qui constitue, je le répète, un véritable choix de société, ne se pose pas simplement aux Français. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, a donné hier matin sur France Inter une interview portant notamment sur ce point, en se basant sur l’expérience qu’ont connue les États-Unis en la matière. J’attire votre attention, mes chers collègues de l’UMP, sur l’importance de cette déclaration dont je vais vous lire quelques extraits.

Question : « Les débats sont en cours à l’Assemblée. Que conseillez-vous aux politiques français sur cette délicate question de l’énergie ? » Réponse : « Tout d’abord, je dirai que les politiques économiques ne doivent pas être sous-tendues par l’idéologie seule. La France a la chance d’avoir un secteur énergétique très efficace et très fiable. Aux États-Unis, on dit souvent : “Si ça n’est pas cassé, à quoi bon réparer ?” Notre secteur énergétique aux États-Unis est cassé, il s’est retrouvé encore plus abîmé quand on a commencé à déréglementer. » Question : « Donc, vous dites aux politiques : “Ne touchez pas au statut de Gaz de France, laissez cette entreprise dans le secteur public” ? » Réponse : « Oui, c’est bien ce que je dis. Pour ce que j’en connais, votre entreprise publique est plus efficace, plus fiable que ce qu’on a connu aux États-Unis. Nous avons connu des coupures d’énergie, des difficultés d’approvisionnement. Nous avons dérégulé. On connaît l’action d’Enron, qui a fait exploser les prix. Beaucoup d’entreprises ont fait faillite, ce qui a évidemment causé sur le monde des affaires de très mauvaises répercussions pour l’économie américaine. Le pouvoir particulier de la France, c’est que l’énergie y est nucléaire, ce qui est plutôt bon en termes de réchauffement climatique, mais doit être surveillé de très près. »

Telle est l’appréciation portée par un prix Nobel d’économie au sujet des conséquences d’une privatisation dans le secteur de l’énergie. La lucidité qui marque ces propos se retrouve parfois – d’une façon certes moins explicite – au sein de vos services, monsieur le ministre. Ainsi est-il dit, dans le rapport annuel de la direction générale de l’énergie et des matières premières, qu’« il en va des modes comme des idées dominantes : elles sont irrécusables pendant leur règne mais celui-ci est éphémère. Le secteur de l’énergie est en passe d’en fournir une éclairante illustration. Vouloir maintenir l’intervention des États dans la politique énergétique était un geste inamical à l’égard de la construction européenne et une injure aux forces du marché. Ne pas admettre l’infaillibilité du marché était une preuve de débilité conceptuelle majeure et risquait de vous fermer à jamais les portes des séminaires du prêt-à-penser énergétique pour décideur branché. Et pourtant ? » Il s’ensuit une démonstration certes plus nuancée, mais, globalement, cette déclaration est conforme à l’idée que nous tâchons de faire valoir, selon laquelle il ne faut pas dissimuler la gravité du débat.

Ce n’est pas un débat technique, c’est un débat politique. L’appréciation que nous portons aujourd’hui sur la question de l’énergie est spécifique à celle-ci, à l’exclusion de toute autre activité humaine. Dans le domaine de l’énergie, avec très peu de fournisseurs et une partie de la production qui ne peut être stockée, il n’y a pas de véritable marché concurrentiel. Si vous voulez absolument privatiser GDF, c’est pour des raisons cachées : en réalité, il y a derrière ce projet une opération financière dans laquelle des personnalités à la tête de certaines entreprises sont très engagées – vous ne nous empêcherez pas de dire ce que nous pensons, tant pis pour ceux qui ne sont pas concernés ou jugent nos propos vexatoires – et votre faute politique est de ne pas avoir résisté à leurs pressions, d’avoir préféré les intérêts privés à l’intérêt de la France.

M. David Habib. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Mes chers collègues de la majorité, je dois avouer que je vous admire quand je vous vois pleins de certitudes, voire d’une certaine condescendance à notre égard qui nous vaut parfois quelques moqueries à l’occasion de telle ou telle intervention – ce qui, convenez-en, n’apporte pas grand-chose au débat. Mais méfiez-vous : n’avoir que des certitudes dans un débat politique conduit parfois – je suis tenté de dire que je le sais par expérience – à des lendemains qui déchantent. On est quelquefois rattrapé par l’histoire, et beaucoup plus vite qu’on le pense. Pour ma part, je préfère me poser des questions plutôt que de n’avoir que des certitudes.

D’autant que, dans votre projet, ce sont les incertitudes qui dominent. Et on ne peut vraiment pas dire que l’horizon se dégage au fur et à mesure que nos débats progressent ! Vous engagez notre pays sur une pente dangereuse – il n’y a rien là qui prête à sourire – et vous faites courir des risques démesurés aux consommateurs d’énergie et aux entreprises, notamment les plus fragiles.

Vos réponses, elles non plus, n’ont pas de quoi nous rassurer. Ainsi, vous rappelez fréquemment le sommet de Barcelone, comme si vous ne saviez pas qu’il n’y a jamais été question d’imposer ce type de privatisation. Ce ne sont pas de vrais arguments, mais des artifices destinés à nous détourner des vrais problèmes. Mes chers collègues, vous êtes libéraux, c’est votre droit. Mais êtes-vous bien sûrs que le soutien que vous apportez aujourd’hui au Gouvernement n’est pas un soutien aveugle – ou peut-être aveuglé ?

Comment pouvez-vous garantir pour demain un meilleur service aux clients alors que nous ne savons même pas de quel projet nous débattons vraiment aujourd’hui ? Et en quoi notre amendement peut-il vous gêner ? L’adopter serait faire preuve d’un peu d’ouverture, ce qui permettrait peut-être d’engager enfin le véritable débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Cet amendement nous paraît être au cœur de ce débat. Chacun en a perçu l’importance et l’a démontrée. On peut même se demander si l’affirmation de la maîtrise de l’énergie, de ses sources, de sa distribution et de ses tarifs n’aurait pas mérité d’être inscrite dans la Constitution, tant ce domaine semble fondamental pour la vie du pays.

Vous jouez un peu aux apprentis sorciers en vous attaquant à ce domaine. Les Français ne comprennent pas très bien pourquoi vous remettez en cause un système qui, depuis soixante ans, leur a donné toute satisfaction dans la distribution de l’énergie, tant domestique qu’industrielle.

Le dernier accident majeur en matière d’électricité remonte à 1978. Chaque fois que nous avons connu des catastrophes climatiques – il y en a eu quelques-unes –, chacun se souvient de l’efficacité des services et des personnels en matière d’énergie (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), à tel point que, en quelques heures, des régions entières privées d’énergie ont pu retrouver un fonctionnement normal.

Le président Ollier, pour lesquels tous les membres de la commission des affaires économiques ont à la fois de l’attachement et du respect,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !

M. Alain Gouriou. …nous dit qu’avec cet amendement nous sortons du sujet.

Monsieur Ollier, dans le titre II du projet de loi qui nous est présenté, il est question, à plusieurs reprises, d’EDF. Ce texte ne se limite pas à Gaz de France. Il couvre l’ensemble du secteur de l’énergie.

La lisibilité de l’organisation énergétique en France n’est pas telle que les Français l’appréhendent au premier abord. Notre débat est de nature à les informer. De même, les manifestations qui se déroulent – et qui vont continuer, n’en doutez pas – vont appeler leur attention et les amener à examiner de plus près ce que l’on est en train de leur préparer. Je crains que vous ne rencontriez, dans les jours et les semaines qui viennent, la même résistance que celle que vous avez connue lors de la présentation et du vote du CPE.

La remise en cause d’Électricité de France comme instrument fondamental de la vie du pays n’est pas envisageable et l’ensemble du groupe socialiste votera donc ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Vous allez nous dire, mes chers collègues de la majorité, une fois de plus, que l’assertion : « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays » est évidente et qu’il est inutile de l’inscrire dans la loi. C’est d’ailleurs ce que nous a rappelé tout à l’heure M. le président Ollier.

Nous sommes confrontés aujourd’hui à la privatisation de Gaz de France. Si ce rempart du service public de l’énergie, du gaz en particulier, saute, EDF sera demain directement exposée à la privatisation et à l’appétit des actionnaires.

N’oublions pas qu’avec EDF nous disposons d’un instrument fondamental de la vie de notre pays. Je citerai deux exemples dans des domaines très différents. D’abord, la desserte de tous les ménages à un prix unique partout sur le territoire. C’est primordial pour éviter l’accroissement des dépenses des ménages – nous avons d’ailleurs examiné hier des amendements concernant des prix « péréqués » et abordables. Ensuite, la sécurité des installations nucléaires.

Si, comme nous, mes chers collègues, vous pensez, qu’Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays, vous voterez ces amendements sans difficulté. Ils sont de plus conformes aux dires de celui qui est, pour bon nombre d’entre vous, le maître à penser. Vous voterez surtout ces amendements pour ne pas sacrifier sur l’autel du libéralisme EDF, ce fleuron du service public de l’énergie.

Mme la présidente. La parole est M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je me fais l’écho des inquiétudes exprimées par nos concitoyens dans la circonscription très populaire, dont je suis l’élu. Lorsqu’ils parlent de Gaz de France, de ce qui se passe dans notre hémicycle, on sent qu’ils ont peur. Ils craignent pour la sécurité des approvisionnements et pour la facture qu’ils devront acquitter.

Aujourd’hui, ce débat est essentiel. Peut-être ne parviendrons-nous pas à vous raisonner, à vous empêcher de faire ce qui serait catastrophique pour notre pays. Nous souhaitons qu’en recevant leur facture de gaz, les citoyens repensent au débat que nous avons eu ici. Il faut qu’ils sachent que l’augmentation déraisonnable qu’ils subissent ne résulte plus simplement de l’indexation sur le cours des matières premières, comme c’est le cas aujourd’hui, mais de votre volonté de faire d’Électricité de France un instrument fondamental pour réaliser des profits et rémunérer des actionnaires.

EDF sait se montrer particulièrement performante au moment des catastrophes – comme cela a été rappelé à de multiples reprises – et également lors des moments de fêtes dans nos villes, pour les éclairages de monuments publics, pour les illuminations de Noël. Cette entreprise appartient à la collectivité nationale et l’investissement personnel des salariés doit être salué. Pensez-vous que ces logiques pourront perdurer ?

M. Nicolas Sarkozy a certes repris en 2004 une phrase de Marcel Paul, mais je ne crois pas qu’on puisse déceler la moindre cohérence entre ce qui a été fait au lendemain de la Libération et ce que vous essayez de faire aujourd’hui ou plutôt de défaire ! Nous savons qu’en 2004 il ne s’agissait que de propos d’attente, que tout était préparé et que la privatisation était au rendez-vous avant la campagne de 2002, pour lester votre projet libéral. Nous pensons que les Français n’ont pas voté pour cela.

EDF et GDF sont des instruments essentiels de la solidarité, de la cohésion nationale. C’est un service public vivant, qui innove, qui maintient la France en tête des pays européens. EDF est un fleuron de notre ambition nationale. Nous souhaitons donc que vous reveniez sur votre projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. L’amendement « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie de notre pays » aurait pu constituer, en d’autres circonstances, une simple déclaration d’intention. Mais, compte tenu de la situation, celle-ci sonne comme un rappel à l’ordre.

Il est difficile de comprendre l’entêtement du Gouvernement à vouloir imposer la fusion. L’OPA d’ENEL n’est qu’un prétexte ; Bruxelles reste une menace a posteriori pour la fusion et la crédibilité du Gouvernement.

Les entreprises et les usagers vont pâtir de cette funeste fusion. Ce nouveau mastodonte deviendra un concurrent d’EDF, dont l’entreprise et son personnel se passeraient volontiers. Je n’ose évoquer ceux qui ont contribué à jeter les bases d’un service de l’électricité à la française : de Gaulle, Marcel Paul et même Nicolas Sarkozy le 15 juin 2004. Nous disposons de huit mois pour rappeler sans relâche, à ce dernier, son engagement et son reniement.

Cette concurrence inopportune va intervenir dans un contexte très difficile où EDF doit disposer de tous les atouts pour assurer le renouvellement de ses unités de production et la transition entre différentes sources d’énergie. La solution n’est pas la fusion GDF-Suez, mais la fusion EDF-GDF, qui n’est pas impossible. Aucune règle européenne n’interdit cette fusion. Des études approfondies démontrent qu’il est fort probable qu’une fusion EDF-GDF ne serait pas soumise au contrôle de la Commission européenne, l’essentiel du chiffre d’affaires des entreprises étant uniquement réalisé en France, critère fondamental pour déterminer la compétence de la Commission.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est souvent affirmé pour analyser l’impact de cette possibilité, les parts de marché pour le gaz et l’électricité ne sont pas additionnées par la Commission. J’en terminerai avec cet argumentaire technico-politique.

Pour l’usager, le consommateur et l’électeur, l’entité EDF-GDF existe déjà. Dans leur esprit, les termes de cet amendement résonnent comme un appel historique, comme une évidence et face à votre ardeur destructrice comme une nécessité. Ces valeurs qui avaient cours après la Libération transcendent les valeurs politiques. Nous les retrouvons dans les propos de M. Trémège, patron de l’UMP des Hautes-Pyrénées, comme vient de le rappeler en termes non équivoques M. Pierre Forgues.

M. Bocquet a demandé, tout à l’heure, une suspension de séance pour que des députés UMP hostiles au projet, tels M. Daubresse et M. Paillé, puissent se dégager des obligations de leur circonscription et nous rejoindre. Je voudrais indiquer que M. Paillé peut prendre un TGV qui part à treize heures cinq et arrive à treize heures cinquante ; M. Daubressse a un TGV à douze heures qui est à treize heures cinq à la gare de Nord. Je ne doute pas qu’ils trouveront un taxi pour nous rejoindre.

M. Jean Ueberschlag. Le ridicule le dispute à la mauvaise foi !

M. Alain Bocquet. Leur absence est inacceptable !

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Libérez nos camarades !

M. Alain Bocquet. Ce sont les seuls camarades que nous avons à l’UMP !

M. Jean Ueberschlag. Libérez Gremetz !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous sommes tout à fait au cœur du sujet. Nous avons encore la chance de pouvoir donner des horaires de train sûrs, tant qu’il s’agit d’un service public. Après, nous risquons de connaître la même situation que la Grande-Bretagne, où les trains n’ont même plus d’horaires depuis la privatisation.

Je voudrais revenir sur deux ou trois choses. Nous avons le sentiment d’être de mauvais pédagogues car nous ne parvenons pas à nous faire comprendre.

M. Serge Poignant. Pourtant, vous vous y mettez !

M. Jean Gaubert. Cent fois sur le métier, remettez … (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous pensons que nous devrons remettre l’ouvrage plus de cent fois sur le métier.

Je vais rappeler une évidence, car il faut rendre à César ce qui lui appartient. (Sourires.) La Commission européenne n’a jamais demandé la privatisation des entreprises publiques. Bruxelles a demandé la libéralisation des services. Je ne dispose pas, dans les cinq minutes qui me sont imparties, du temps nécessaire pour expliciter la différence entre ces deux notions. Chacun sait que, si nous gardions la maîtrise publique, nous aurions encore à l’avenir la maîtrise sur les prix pratiqués.

Ces amendements identiques rappellent une évidence qui est apparue, pendant soixante ans, aux yeux des Français comme telle, mais qui ne l’est plus. Quand on a créé, à la Libération, EDF et GDF, il ne s’agissait pas d’idéologie. Leur création est due au fait que chacun avait pu constater que les entreprises chargées de distribuer l’électricité et le gaz avaient jusque-là fait la pluie et le beau temps sur le territoire de notre pays : plutôt la pluie que le beau temps d’ailleurs !

Elles desservaient les lieux de leur choix, au prix qui leur convenait. Les consommateurs de l’époque n’avaient pas leur mot à dire. Les élus étaient bafoués et ridiculisés. Je tiens à votre disposition la lettre du maire conservateur de Loudéac, dans mon département, qui, en 1937, se plaignait d’être maltraité par les compagnies d’électricité.

Des pans entiers du territoire n’étaient pas desservis pour la simple raison que ces entreprises avaient décidé qu’ils ne présentaient aucun intérêt commercial et financier pour elles. Parmi les secteurs délaissés, on comptait les régions de montagne, les campagnes reculées. Sans doute considérait-on que leurs populations n’avaient qu’à continuer de s’éclairer à la bougie et que c’était encore bien suffisant !

La création d’EDF et GDF a permis, au fil du temps, de desservir dans les mêmes conditions nos 60 millions de concitoyens : c’est tout de même extraordinaire ! Or, tout en vous déclarant d’accord avec nous sur ce point, vous voulez nous faire revenir à la situation antérieure ! Certes, vous avez prévu des verrous. Mais il est évident – et je n’ai même pas besoin de reprendre les citations de M. Stiglitz, M. Vidalies vous en fait part tout à l’heure – que ces verrous sauteront les uns après les autres, car nous serons en présence de sociétés commerciales et financières qui appliqueront les principes des sociétés commerciales et financières : c’est-à-dire vendre là où c’est rentable et se détourner du non rentable. On a bien vu ce qui s’est passé avec les opérateurs téléphoniques. Pourquoi les mêmes causes ne produiraient-elles pas les mêmes effets ? D’autant que, dans les milieux dits bien informés de notre pays, certains disent déjà : à quoi bon desservir tout le monde de la même façon ? Est-il nécessaire d’avoir une qualité d’électricité dans les zones où il n’y a que des retraités qui n’en ont pas vraiment besoin, alors qu’il faudrait qu’elle soit meilleure dans celles où se développent des activités de pointe ? Cela signifie que cette idée a déjà germé dans la tête de nombreux responsables et que cette façon de voir ne cessera de se développer sous la pression des investisseurs, en quête de rentabilité : des 10, 15 ou 20 % promis au moment où ils ont investi. Telle est la situation qui se profile.

Je sais, monsieur le ministre, monsieur le président Ollier, que vous n’êtes pas de mauvaise foi, mais je vous en conjure : ouvrez les yeux ! Le domaine de l’énergie n’est pas régi par les mêmes règles car il en va de la vie de notre territoire et de l’égalité de nos concitoyens. Malheureusement, désormais, de nombreuses interrogations et incertitudes demeurent.

Mme la présidente. Nous avons terminé la présentation de ces amendements.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je rappelle que nous avons assisté depuis l’ouverture de la séance à neuf heures et demie à un certain nombre de monologues de la part des représentants de l’opposition…

M. Bruno Le Roux. Non !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …qui discutent de sujets qui ont largement été évoqués hier après-midi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Gaubert. Mais comme nous ne vous avons pas convaincus !…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ceux qui nous ont rejoints ce matin semblent reprendre les fiches et les notes que leurs collègues leur ont laissées et qui ont été abondamment utilisées hier après-midi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes et M. Jean Gaubert. Nous étions tous là hier et ce matin !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Permettez-moi une première observation sur le fond. Je doute qu’il soit extrêmement intéressant de répéter inlassablement qu’Électricité de France est un instrument fondamental du pays ! Nous en sommes nous-mêmes à ce point convaincus que nous avons, lorsqu’il le fallait, donné à EDF les moyens de se développer. Et c’est vous qui vous êtes opposé au développement du nucléaire, vous les socialistes !

M. Pierre Forgues. Mais non !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est vous les socialistes, qui, dans le programme du candidat de 1981, aviez lancé le slogan : sortir du nucléaire !

M. Jean-Yves Le Déaut. On ne peut pas laisser dire cela, madame la présidente !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et les débats se sont poursuivis sur ce sujet dans le cadre de la « majorité plurielle ».

M. Pierre Forgues. C’est faux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Si, vraiment, vous voulez qu’EDF soit cet instrument fondamental comme vous l’écrivez dans votre amendement, affichez clairement votre volonté non seulement de conserver le nucléaire, mais aussi de le développer. Du reste, la dernière décision qui a été prise dans ce domaine l’a été par le gouvernement que nous soutenons, alors que M. Jospin s’était refusé, pendant cinq ans, à prendre la décision, attendue par certains députés socialistes, concernant l’implantation du nouveau réacteur EPR à Flamanville.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cinq ans de retard !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ma seconde observation porte sur la forme. Il faut savoir gré à l’un des vôtres d’avoir précisé que cet amendement était une assertion. Lisez donc l’article 34 de la Constitution ! Le Parlement, même convoqué en session extraordinaire, n’est pas là pour rédiger des assertions. L’article 34 est clair : la loi est votée par le Parlement et la loi fixe les règles.

M. François Brottes. Il est inconstitutionnel de privatiser !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous devons proposer des amendements normatifs. Votre amendement est caricatural et en même temps exemplaire de votre volonté affichée et renouvelée, séance après séance, de bloquer le vrai débat, car les questions qui ont été évoquées ce matin concernent les articles du projet de loi et je rappelle, à cet égard, chers collègues, que nous ne sommes toujours pas arrivés à l’examen de son premier article !

Je vous invite donc, chers collègues, à repousser les amendements de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis très attentif aux préoccupations qui vous amènent à demander l’inscription d’un tel amendement dans le texte de loi. J’ai bien compris qu’il y a des peurs qui s’expriment au sujet des tarifs.

M. François Brottes. Voilà un ministre à l’écoute !

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais c’est bien ce qui motive ce projet de loi. Aujourd’hui, l’État détermine les tarifs qui sont appliqués aux consommateurs. Mais si nous ne faisons rien, nos concitoyens se retrouveront livrés au 1er juillet 2007 au marché avec des prix plus élevés. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu un certain nombre d’articles qui permettent de maintenir ces tarifs ainsi que leur mode de décision, quelle que soit la situation des entreprises. Et vous refusez d’en discuter alors que c’est ce qui vous inquiète !

Face à votre inquiétude, que nous avons bien perçue, nous voulons apporter une juste réponse en proposant le dispositif de maintien des tarifs.

Par ailleurs, cela fait longtemps que nous n’avons pas abordé l’autre sujet qui nous conduit à souhaiter le vote de ce projet de loi.

M. Jean Gaubert. Suez, par exemple ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je me suis donc muni cette fois, non des prix de l’électricité et du gaz comme hier soir, mais d’un document sur l’état des réserves de gaz dans le monde, lesquelles sont à peu près nulles en Europe. Elles sont concentrées…

M. Christian Bataille. En Norvège.

M. le ministre délégué à l’industrie. La Norvège est notre premier fournisseur, certes, mais elle ne dispose pas des plus grandes ressources.

En tête vient la Russie, suivie par l’Iran et le Qatar. Et c’est tout. La liste des pays possesseurs de pétrole est beaucoup plus longue. En fait, les réserves de gaz se concentrent dans très peu de pays.

M. Jean Gaubert. Nous le savons !

M. David Habib. Ce n’est pas la fusion avec Suez qui changera la donne.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je viens de vous parler des prix et de la distribution. Les autres problèmes sont l’approvisionnement et la sécurité de cet approvisionnement. Cela suppose que nous disposions d’entités d’une taille suffisante pour tirer leur épingle du jeu parmi les opérateurs internationaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. La taille ne change rien.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est la raison pour laquelle le texte du projet de loi porte sur ces deux aspects : taille de l’opérateur et maintien des tarifs.

M. François Brottes. La taille ne change rien pour le gaz !

M. le ministre délégué à l’industrie. Gaz de France doit être plus vaste et il faut maintenir les tarifs et le système qui permet de les décider. Ces deux points sont traités dans le projet de loi.

M. François Brottes. Pour le gaz, la taille de l’opérateur ne change pas.

M. le ministre délégué à l’industrie. Certes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je vous en prie, chers collègues.

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous aurez compris quelles sont nos motivations et ce texte permettra de répondre aux craintes que vous avez exprimées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Permettez-moi de vous lire quelques lignes du rapport de M. Lenoir, page 122 :

M. François Brottes. Quel rapport ? Il y en a tellement !

M. Daniel Paul. Le rapport sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

On ne cesse de nous dire qu’EDF n’est pas concernée. Mais qu’écrit M. Lenoir sur les niveaux de complémentarité entre GDF et Suez ? Il parle de « la possibilité d’associer cette capacité d’offre de gaz à une capacité d’offre d’électricité puisque Suez est le cinquième producteur européen d’électricité ». Nous sommes donc dans le cadre de la constitution d’un groupe qui fournira du gaz mais également de l’électricité.

M. Alain Bocquet. Concurrent !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On ne peut rien vous cacher.

M. Daniel Paul. Je me mets à la place de M. « EDF », qui pour le moment fournit de l’électricité.

M. André Schneider. Mais aussi du gaz !

M. Daniel Paul. EDF verra arriver à côté de lui un concurrent privé, qui n’a pas les mêmes obligations, la même configuration, ni le même périmètre, et qui sera poussé par les actionnaires. Il ne faut pas rêver : si la politique actuelle se poursuivait…

M. Alain Bocquet. Cela va changer ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Nous ferons tout pour qu’il en soit ainsi !

Si la politique actuelle se poursuivait, EDF serait poussée à se marier avec un gazier de façon à devenir, elle aussi, bi-énergétique, sauf qu’il n’y aura plus de gazier public. Je rappelle que, si EDF n’est plus une entreprise nationale, elle reste toujours une entreprise publique.

EDF se tournera donc vers un gazier privé, lequel refusera de se marier avec EDF public par crainte d’être nationalisé. On nous a déjà fait le coup ! Ce qui vous amènera dans quelques mois à privatiser EDF, et la boucle sera bouclée.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Daniel Paul. Et c’est là que cela devient intéressant.

Le gouvernement belge a analysé la situation créée par le projet de privatisation et de fusion. Selon une dépêche de l’agence Reuters d’hier, il « a estimé que le rapprochement entre les groupes français Suez et Gaz de France réduirait pratiquement à zéro la concurrence sur le marché belge du gaz. En conséquence, estime le gouvernement belge, il faut que la structure actionnariale de Fluxys, l’opérateur du réseau belge de gazoducs contrôlé par Suez, soit organisée pour garantir une concurrence suffisante. Les autorités belges estiment enfin que Gaz de France doit vendre sa participation dans l’électricien belge SPE et que SPE et les autres producteurs du marché belge doivent avoir suffisamment de capacité nucléaire pour pouvoir être en concurrence avec le groupe fusionné. »

M. Alain Bocquet. Et voilà !

M. François Brottes. On nous cache tout ici !

M. Daniel Paul. Loin de moi l’idée que le Parlement français pourrait en quoi que ce soit dicter sa loi aux Belges, mais les inquiétudes de ce gouvernement voisin et ami témoignent d’une lucidité qui fait défaut au nôtre.

La logique de concentration du secteur de l’énergie porte effectivement le risque de réduire la concurrence à zéro, comme l’a d’ailleurs souligné M. Barroso. En d’autres termes, vous mentez aux Français quand vous dites que demain, ceux-ci auront le choix entre divers opérateurs. La vérité, c’est que, pour des raisons idéologiques, vous voulez simplement substituer au monopole public un monopole privé. Mais, alors que le monopole public garantit le respect des services publics, le monopole privé ne sera là que pour assurer la sécurité des actionnaires.

En tout état de cause, cette information émanant du gouvernement belge milite en faveur de ce que nous réclamons depuis le début : un moratoire sur l’ouverture à la concurrence du secteur énergétique et la renégociation des directives en cause.

Enfin, je ne peux pas m’empêcher de citer un des vôtres, chers collègues de la majorité : « Cette fusion aurait des conséquences indirectes sur EDF en lui créant un nouveau concurrent dans l’électricité. Or, dans un contexte dans lequel l’entreprise publique a besoin de liquidités pour assurer le démantèlement de certaines centrales et le renouvellement de son parc, cette situation entraînerait inévitablement une pression forte, se traduisant à l’évidence par une hausse des tarifs, au détriment des consommateurs nationaux. »

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Paul !

M. Daniel Paul. Vous aurez reconnu la tribune signée par Marc-Philippe Daubresse et Dominique Paillé, publiée dans Les Echos le 4 août 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. J’aimerais relever deux séries de contrevérités que nous avons entendues.

M. le président Ollier, dans des propos repris en écho par Jean-Claude Lenoir, a montré qu’il avait une lecture presque jdanovienne de l’histoire en annexant au bénéfice des gaullistes l’exclusivité de la politique électrique et nucléaire de la France. Or c’est sous la IVe République, notamment sous le gouvernement Mendès France, qu’ont été prises les impulsions décisives pour l’avenir de la politique nucléaire française.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les impulsions, pas les décisions !

M. Christian Bataille. Des gouvernements gaullistes l’ont ensuite développée, mais d’autres aussi. Que je sache, Michel d’Ornano, qui a joué un rôle essentiel dans le développement du réseau nucléaire en France, n’appartenait pas au mouvement gaulliste. Les gouvernements socialistes ont poursuivi dans cette voie. Il nous faut vérifier ensemble, monsieur Ollier, mais je ne suis pas loin de penser que sous les deux septennats de François Mitterrand ont été inaugurées plus de centrales nucléaires que sous les gouvernements gaullistes.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Des centrales commencées par nous ! Inaugurer, c’est facile !

M. Christian Bataille. Non, pas de 1981 à 1995 !

Ensuite, monsieur Lenoir, vous répétez sans cesse que Superphénix a été arrêté sous le gouvernement Jospin. Or, ce réacteur connaissait des problèmes de fonctionnement et si son arrêt pose aujourd’hui des problèmes, c’est pour l’avenir de la recherche. En outre, c’est sous le gouvernement Jospin qu’a été inauguré le réacteur le plus récent, le plus perfectionné, celui de Civaux.

Vous le voyez, il y a une continuité de la politique électrique et nucléaire en France, et c’est une bonne chose pour le pays. Vous rendez un mauvais service à cette politique, monsieur Lenoir, monsieur Ollier, en laissant croire qu’il y aurait un clivage entre la droite et la gauche sur cette question. Celui qui vous parle a fait beaucoup d’efforts afin qu’une décision importante soit prise en matière de déchets nucléaires, qui constituaient un verrou pour la politique nucléaire, vous le savez bien.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous vous êtes abstenu !

M. Christian Bataille. Je suis l’auteur de la loi du 30 décembre 1991, ne l’oubliez pas !

Je me tourne maintenant vers M. le ministre, selon lequel la fusion Suez-GDF serait une solution pour peser face à la masse des producteurs.

M. François Brottes. Mensonge !

M. Christian Bataille. Monsieur Loos, nous pensons que vous nous croyez même ce que vous dites : ce rapprochement ne changera rien puisque le nouveau groupe ne représenterait que 20 % des achats en Europe.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il deviendrait ainsi le premier acheteur d’Europe !

M. Christian Bataille. En face, pour ne prendre qu’un exemple, le conglomérat Gazprom-Sonatrach pèse le double en capacités de production.

La politique intelligente en ce domaine, c’est celle qu’a menée GDF jusqu’il y a peu avec des achats de long terme. Ce qui compte, ce n’est pas de faire masse pendant quelques semaines par des achats sur le marché spot, c’être d’être une entreprise nationale avec une perspective. Mieux vaut être GDF seule et s’inscrire dans le long terme que deux entreprises moyennes qui cherchent sur le marché spot à faire la bonne affaire du moment. Vous allez faire grimper les prix avec cette vision que l’on trouve aussi chez les libéraux de Bruxelles, et le porte-monnaie de la ménagère s’en ressentira.

M. François Brottes. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Madame la présidente, pour ne pas ralentir nos débats (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je souhaiterais que nous profitions de l’heure du déjeuner pour tenir compte des déclarations du gouvernement belge et prendre acte du fait que l’initiative de Gaz de France, dont l’État est l’actionnaire principal, est inamicale à l’égard de la Belgique. Il importe de mesurer les conséquences de cette initiative avec les parlementaires belges. Pour ce faire, je demande au président de la commission d’inviter une délégation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Bocquet. Oui à un sommet franco-belge !

M. Maxime Gremetz. Sarkozy ne veut pas venir, ce sont les Belges qui viendront !

M. François Brottes. J’ai déploré dans mon intervention liminaire le manque de volontarisme européen dans ce dossier. Essayons au moins de parler ensemble.

Il y a quelques jours, j’ai participé à une rencontre organisée par la CFDT, en présence de M. Chérèque.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’y étais aussi !

M. François Brottes. Vous pouvez donc témoigner du fait que les syndicalistes belges présents ont exprimé eux aussi leurs inquiétudes.

Au sein de l’Union européenne, il existe une solidarité autour de certains enjeux, en particulier les missions de service public. C’est la raison pour laquelle je vous demande solennellement, monsieur le président de la commission, que nous ayons une rencontre avec les parlementaires belges dans le cadre de la commission.

M. Maxime Gremetz. Autrement, ce serait du racisme !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la présidente, l’UDF a été silencieuse et sage pendant toute la matinée, nous pouvons maintenant nous permettre de dire deux ou trois choses.

D’abord, chers collègues, déposer un amendement pour dire que « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays » n’est pas autre chose qu’une pétition de principe, ou alors je ne sais pas ce que c’est.

Ensuite, la stratégie menée par l’opposition relève à l’évidence de l’obstruction : nous en sommes au cinquième jour de débat et nous ne sommes même pas parvenus à l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Y a-t-il un pilote de l’avion ? Quels sont vos objectifs ? Ont-ils été atteints pour le moment ? Pour le savoir, faisons un premier bilan.

Avez-vous réussi à alerter l’opinion publique ? Non, c’est raté : ce matin, pas un mot dans les médias à ce sujet, pas un journaliste dans la salle des Quatre colonnes. Vous avez réussi à désintéresser tout le monde en focalisant le débat sur les 136 000 amendements au lieu de le focaliser sur le fond. Voilà un brillant premier résultat !

Avez-vous réussi à mobiliser le mouvement social ? Visiblement peu si l’on en juge par les manifestations d’hier.

Alors, « que faire ? », chers camarades, comme disait aussi Vladimir Illitch Oulianov ? (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Un pas en avant, deux pas en arrière !

M. Jean Dionis du Séjour. Si vous avez l’intention de convaincre vos collègues de l’UMP, je vous dis : « chiche ! » car c’est un bon argument. Il faut parler au groupe majoritaire. Je suis d’autant plus à l’aise pour vous le dire que l’UDF va voter contre le projet. Je ne suis pas expert en psychologie du député UMP (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais ce que je sais, c’est qu’en menant cette stratégie d’obstruction, vous ressoudez le groupe majoritaire. C’est clair comme de l’eau de roche !

Échec sur l’opinion publique, échec sur le mouvement syndical, échec sur le groupe majoritaire : quels brillants résultats que cette stratégie d’obstruction ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Heureusement que Bayrou n’est pas là !

M. Jean Dionis du Séjour. Il reste une chose, mes amis, et je vous regarde les yeux dans les yeux, c’est le 49-3. Votre stratégie a-t-elle pour objet d’aboutir à son recours ? Si c’est le cas, autant vous prévenir : l’UDF dénoncera avec une vigueur qui vous surprendra la grande complicité qu’il y aura eue entre l’opposition et le Gouvernement.

M. Jacques Brunhes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. Je vais donner la parole à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement. Après quoi nous passerons au vote.

Vous avez la parole, monsieur Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Citation pour citation, je rappellerai ce que disait Socrate : « Si je dois enseigner la politique à un élève, je lui enseignerai d’abord la vertu. » En politique, mes chers collègues, la vertu consiste d’abord à tenir ses engagements.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. Jacques Brunhes. Le ministre de l’économie renie aujourd’hui l’engagement qu’il a pris il y a huit mois, à savoir qu’il n’y aurait pas de privatisation au-delà de 70 %. C’est cela qui nourrit le rejet de la politique et l’antiparlementarisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Quand on lit ce qu’il nous est permis de lire dans la lettre de griefs et que l’on aboutit à des résultats tels que ceux dénoncés hier par M. Bocquet, on arrive encore à autre chose qu’à cette vertu dont parlait Socrate, c’est qu’il ne peut pas y avoir de politique sincère en l’absence de documents sincères et tant qu’on nous cache quelque chose.

Monsieur Dionis du Séjour, vous vous contentez de bien peu. Avec une telle attitude, vous mettez en question la vie parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) On nous demande de prendre des décisions en aveugle, ce qui est inadmissible. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Nous allons maintenant passer au vote. Je mets aux voix les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)