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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 13 septembre 2006

12e séance de la session extraordinaire 2005-2006

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PRÉSIDENCE DE JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 5700 à 5732, portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 5700 à 5732.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Il s’agit du principe de régulation. Cet amendement rappelle que l’État peut imposer des obligations aux opérateurs énergétiques, comme l’avait souligné le ministre de l’économie et des finances en 2003.

En tant que rapporteur de la loi de 2000, je vous rappelle que nous avions voté alors la création d’un régulateur, mais nous l’avions doté de pouvoirs limités. Dans une démocratie, en effet, les pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement, doivent jouer tout leur rôle, en dépit de la mode actuelle, qui est un peu trop favorable aux instances prétendument indépendantes.

J’ai constaté que la CRE que nous avions créée, si je peux oser cette allitération,…

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Belle formule !

M. Christian Bataille. …ne cesse depuis quelques années d’excéder son domaine de compétence initial. Il est temps de rappeler que le rôle du régulateur est simplement de veiller à la transparence et à la régularité des opérations, et qu’il ne doit pas se substituer au pouvoir politique. Les libéraux ont tendance à oublier que le pouvoir politique ne doit pas renoncer à exercer les compétences qui sont les siennes. Dans la République française, le dernier mot doit rester au pouvoir républicain, à ses représentants et à ses instances, le Gouvernement quand il s’agit de compétences exécutives, ou le Parlement s’agissant du législatif.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je veux d’abord vous dire, monsieur le président, que nous ne serons que deux à intervenir sur cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous l’avons expliqué ce matin : quand plusieurs orateurs de notre groupe défendent des propositions identiques c’est que leurs arguments sont complémentaires ; mais certaines de nos propositions ne réclament pas plus de deux ou trois intervenants.

C’est le cas ici, mais cela ne signifie pas que le sujet soit de peu d’importance. En effet, outre la question des pouvoirs du régulateur, que Christian Bataille vient de commenter d’une façon tout à fait pertinente, cet amendement pose celle de la subsidiarité, c’est-à-dire des pouvoirs que les États nationaux conservent en matière de détermination des obligations de service public ou des tarifs.

Cela vaut tout autant pour le secteur des transports, le secteur postal et les télécommunications que pour l’énergie : le problème dépasse le texte dont nous débattons, même si celui-ci est en partie la transposition d’une directive.

Il faut replacer la transposition dans un double contexte. Selon la presse d’aujourd’hui, M. Barroso a annoncé qu’il proposerait à la fin de cette année, ou au début de l’année prochaine, l’instauration d’une régulation à l’échelle européenne, solution qui nous semble d’ailleurs plus pertinente que le système actuel. L’Europe ne conserverait pas plus de quatre ou cinq opérateurs d’énergie, une fois que les oligopoles ou les monopoles nationaux auront été cassés.

Nous nous interrogeons sur le sens de ce démantèlement si c’est pour reconstruire ensuite, et nous attendons, monsieur Loos, que vous nous éclairiez sur la position de la France à ce sujet, puisque vous nous dites que vous avez fait part de votre avis à la Commission européenne.

Je voudrais mettre à profit le temps que vous nous laissez, monsieur le président, en considération peut-être de ma remarque liminaire, pour dresser un parallèle avec le système de régulation du secteur postal. Pour que chacun ait le sujet bien en tête, je rappellerai que, depuis que la directive relative au secteur postal a été transposée – c’était il n’y a pas si longtemps, et M. Proriol était le rapporteur du texte devant notre assemblée – La Poste est mise en concurrence sur la quasi-totalité de ses métiers. Cette concurrence est d’autant plus redoutable que ses concurrents peuvent se limiter aux prestations rentables, telles que la lettre recommandée ou la desserte postale des grandes villes. Nous avions déploré à l’époque cette concurrence déloyale, mais ne revenons pas sur ce débat.

Le courrier de moins de cinquante grammes, autrement dit la majeure partie du courrier, reste cependant un secteur réservé à La Poste – je parle de secteur réservé, puisque « monopole » est pour vous un gros mot. Ce monopole permet la péréquation des tarifs : disposant d’un marché captif, l’opérateur public peut répartir équitablement ses coûts sur l’ensemble du territoire. cela permet qu’on acquitte le même prix pour le timbre, qu’on se trouve au cœur de la Corrèze, du Massif Central, des Pyrénées, ou de Paris ou de Lyon. Or il est prévu de supprimer le secteur réservé dans le cadre de l’ouverture totale en 2009.

La régulation du secteur de l’énergie risque de connaître le même sort : en dépit de toutes les promesses relatives à l’instauration d’un périmètre de service universel, de fonds de compensation, et je ne sais quoi encore, on finira par démanteler entièrement le secteur, activité par activité, se privant de toute marge de manœuvre, notamment pour maintenir une péréquation des tarifs.

Je veux à ce propos vous lire l’appel lancé récemment par neuf opérateurs postaux : « À la suite de la publication d’une étude sur l'impact sur le service universel de la réalisation du marché intérieur postal en 2009, les opérateurs postaux belge, chypriote, français, grec, italien, hongrois, luxembourgeois, polonais et espagnol – qui servent plus de 50 % de la population de l'Union européenne – expriment leur inquiétude au sujet des résultats de l'étude et appellent la Commission européenne à adopter une approche équilibrée dans la rédaction de la future législation postale. »

Il s’agit d’une étude prospective destinée à évaluer, dans chaque État membre, l'impact de la libéralisation totale en 2009 sur la fourniture du service universel postal que la Commission européenne vient de rendre publique. Je signale au passage que la Commission refuse de faire effectuer une étude d’impact de ce type pour le secteur de l’énergie, alors qu’elle nous permettrait de mesurer toutes les conséquences de la régulation du secteur de l’énergie qui nous est actuellement proposée.

L’appel précise que, comme le prescrit la directive postale 2002/39/CE, la Commission se basera sur les conclusions de cette étude pour présenter, avant le 31 décembre 2006, « un rapport au Parlement européen et au Conseil, assorti d’une proposition confirmant, le cas échéant, la date de 2009 pour l’achèvement du marché intérieur des services postaux ou définissant toute autre étape à la lumière des conclusions de l'étude. »

« L'étude constate que l'ouverture du marché aura un impact significatif sur le prestataire du service universel – ici La Poste, mais cela vaut pour Gaz de France ou EDF – ainsi que sur le service universel postal lui-même ; cela vaut pour d’autres services universels, tels que les télécommunications ou l’énergie, dans la majorité des États membres. »

« L’étude conclut à la nécessité pour ces États membres de mettre en place des mesures d’accompagnement spécifiques pour assurer la pérennité du service universel en environnement libéralisé. »

Ces mesures peuvent être classées dans trois catégories – et là encore le parallèle avec l’objet du texte dont nous débattons est frappant. Il s’agit de la réduction de la densité du réseau de bureaux de poste, ainsi qu’un alignement des coûts salariaux de l’opérateur historique sur ceux de ses concurrents ; la réduction de l'offre de service universel lui-même, afin d'en réduire le coût, et une augmentation des prix pour les petits utilisateurs. À cela s’ajoute la nécessité pour les États de « mettre la main au porte-monnaie » pour pallier les défaillances du système.

Voilà ce qui risque d’être décidé par la Commission dans le cadre de la prochaine directive postale. En outre, l’étude ne répond pas à la demande explicite du Parlement européen de février 2006 de déterminer un financement approprié pour le service universel.

Le péril est proche : en 2009, il n’y a aura plus de secteur réservé, ni de tarif unique du timbre sur l’ensemble de notre territoire.

M. Lucien Degauchy. On a compris !

M. François Brottes. Pour les signataires de cet appel, « des mesures réellement efficaces de financement du service universel postal doivent être identifiées et mises en place avant de procéder à la suppression du seul mode de financement qui, à ce jour, ait montré son efficacité, à savoir un secteur réservé approprié. »

M. le président. Je vous remercie.

M. François Brottes. Autrement dit, si les opérateurs publics ne conservent pas le monopole de certaines activités, la péréquation est impossible, et on ne pourra pas réglementer les tarifs en faveur des plus démunis. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Il répète toujours la même chose !

M. François Brottes. Les enjeux décrits avec beaucoup de pertinence par ces opérateurs publics de neuf pays sont ceux de notre débat d’aujourd’hui à propos du secteur de l’énergie. Je vous invite, mes chers collègues, à prendre conscience aujourd’hui de ces enjeux, plutôt que de nous dire dans quelques années : « on ne savait pas ». Si, on sait ! Il suffit de voir ce qui se passe dans d’autres secteurs : c’est la même démarche, c’est la même dynamique.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons fermement à la privatisation d’un de nos opérateurs historiques en matière d’énergie, Gaz de France.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur cette série d’amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission l’a repoussée. J’appelle l’attention de l’Assemblée sur la rédaction proposée par nos collègues socialistes. J’ai déjà rappelé ce matin que, selon l’article 34 de la Constitution, la loi doit fixer des règles : en dépit de la suggestion formulée ce matin par un de nos collègues de l’opposition, le législateur n’a pas à introduire dans la loi des phrases qui ont, certes, une portée générale, mais qui sont dénuées de toute portée juridique.

M. François Brottes. Répondez au fond !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai, comme d’habitude, prêté beaucoup d’attention à votre argumentation, monsieur Bataille, et je vous renvoie aux explications que j’ai déjà fournies sur ce sujet.

Votre intervention, monsieur Brottes, m’a également beaucoup intéressé. J’avais relevé ce matin que la source des articles additionnels avant l’article 1er, qui coule depuis lundi, commençait à se tarir. Je rappelle, à l’intention des personnes qui prendraient nos débats en cours, qu’ils soient devant un poste de télévision ou dans les galeries du public, que nous n’avons pas encore engagé l’examen de l’article 1er. Au rythme où se déroulent nos débats, nous ne pouvons pas espérer aborder l’examen de cet article avant jeudi – non pas demain, non pas même jeudi en huit, mais dans quinze jours. Voilà à quoi les manœuvres de l’opposition nous réduisent ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. C’est de la provocation !

M. François Brottes. Quelle honte !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est un fait !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est inévitable que la source se tarisse, car tenir la tribune depuis lundi, quinze heures, sans jamais parler des articles du projet de loi nécessite une imagination sans limites !

Vous avez commencé par parler de Gaz de France, ce qui était assez légitime puisqu’un volet du projet de loi y est consacré. Depuis hier, vous nous parlez de plus en plus d’Électricité de France. Voilà que cet après-midi vous changez de secteur, et que la question postale est au cœur des interventions de l’opposition socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je peux prophétiser sans grand risque d’erreur ce qui va se passer demain.

M. Lucien Degauchy. Ce sera au tour de la SNCF !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je pense que vous commencerez par la lecture du Bottin, puis des cartes postales que vous avec reçues pendant les vacances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Ce n’est pas très malin de faire de la provocation !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le tout s’achèvera par la lecture de dépliants touristiques, ce qui nous permettra de prendre conscience de la variété de nos terroirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. C’est une honte !

M. Lucien Degauchy. Inutile de glapir !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je tenais, mes chers collègues, à souligner, en ce début de séance, combien le débat auquel nous invite aujourd’hui l’opposition est décalé par rapport au texte. je vous invite, chers collègues de la majorité, à le manifester clairement en repoussant de façon unanime ces amendements du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements.


M. François Loos,
ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

Une question a été posée à propos du mémorandum élaboré par la France pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable. Ce document est à la disposition de tous ceux qui le souhaitent sur le site Internet du ministère de l’économie et des finances. On y trouve les propositions formulées par la France pour le niveau européen et pour celui de chaque pays européen en vue de rendre vivante et active cette politique européenne de l’énergie.

J’ai, par ailleurs, pris bonne note du fait que M. Brottes était défavorable au projet de directive européenne sur la poste de 2009. M. Brottes a, du reste, bien de la chance de connaître ce texte que, pour ma part, je ne connais pas encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Monsieur le rapporteur, vous nous accusez en permanence de freiner le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec. C’est excessif !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Comme le dit M. Le Garrec, c’était excessif !

M. Daniel Paul. Ce n’est pas seulement excessif, monsieur le rapporteur : c’est mensonger.

Je précise à l’intention de tous ceux qui sont ici et de tous ceux qui nous écoutent que nous avons dû déposer un certain nombre d’amendements…

M. Lucien Degauchy. Un nombre certain !

M. Daniel Paul. …parce que le texte qui nous est proposé est très dense : en dix-sept articles seulement, vous privatisez une entreprise publique du domaine énergétique – excusez du peu ! Au moment où l’on nous parle de la raréfaction des ressources fossiles, de l’effet de serre et de l’augmentation des prix, la moindre des choses aurait été d’y regarder de plus près.

Ce matin, monsieur le ministre, vous avez cité les trois principaux fournisseurs de gaz de notre pays : la Russie, l’Iran et le Qatar.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il s’agissait des principales réserves de gaz.

M. Daniel Paul. Soit. Toujours est-il que ces trois pays, qui fournissent du gaz à une grande partie de l’Europe, ont pour caractéristique commune que les entreprises gazières y sont largement sous le contrôle de l’État.

Or, dans un contexte général de raréfaction et de cherté des ressources, la France, pays consommateur démuni de ressources gazières, entreprend de privatiser son outil énergétique.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous n’avons plus de gaz à Lacq !

M. Daniel Paul. Bien sûr, mais le fait que nos fournisseurs soient des pays qui ont maintenu un contrôle public sur leurs entreprises gazières est une raison de plus pour nous abstenir de plonger dans le gouffre en acceptant le big bang et pour maintenir la maîtrise de l’État sur GDF – car il en a encore la maîtrise, même si elle a été réduite au cours des derniers mois. Gardons-nous de plonger dans l’inconnu.

M. Christian Bataille. N’allons pas nous mettre dans les mains de la Russie et de l’Iran !

M. Daniel Paul. En fait, votre opération vient de loin. Après avoir commencé par décrier les entreprises du secteur public, vous passez aujourd’hui à l’acte, et cela dans tous les domaines, notamment dans celui du service postal que vient d’évoquer M. Brottes.

Revenons aux amendements : il n’y a rien d’étonnant à ce que nous en ayons déposé quelques milliers sur dix-sept articles, puisque ces articles ne concernent rien de moins que la privatisation de GDF, l’ouverture à la concurrence, la mise à mal des réseaux et le problème des prix et de la réversibilité. Certains projets de loi comportent dizaines d’articles pour beaucoup moins que ça !

Pour ce qui est de l’énergie, l’entreprise Duralex, qui fabrique les verres bien connus dans une ville du département du Rhône dont notre collègue André Gerin est le maire, a choisi de quitter le tarif régulé et de passer au prix du marché, ce qui lui vaut de voir augmenter de 175 % le prix du kilowattheure ! Autant dire qu’elle est en péril.

Dans la circonscription dont je suis élu, pour l’entreprise Yara, filiale du groupe norvégien NorskHydro qui fabrique de l’ammoniaque et de l’urée, le prix du gaz représente 87 % du coût de fabrication, alors que la masse salariale n’en représente que 8 % – ce qui, soit dit en passant, relativise l’idée que les salaires et les charges patronales seraient trop élevés. Cette entreprise a elle aussi fait le choix funeste de quitter le tarif régulé pour passer au prix du marché, ce qui s’est soldé par une augmentation de 50 % : il n’y a plus qu’à mettre la clé sous la porte, ce qui met en péril 130 emplois.

Nous pourrions tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, citer des exemples semblables dont nous avons connaissance dans nos départements. Et vous voudriez que l’on se privât de démontrer la nocivité de votre décision, qui vise à faire passer toujours plus GDF et EDF sous les fourches caudines du marché financier ?

Nous continuerons, parce que vous vous obstinez à nier l’évidence et à affirmer, pour des raisons dogmatiques, que dans le domaine énergétique les règles du marché sont meilleures que les autres. Vous n’avez pas regardé ce qui se fait ailleurs.

Le bilan que vous avez commis, monsieur le rapporteur, n’en est pas un : vous vous êtes contenté de réunir les acteurs sociaux – ceux qu’on appelle les « partenaires » : consommateurs, syndicats et producteurs – et, si vous avez reproduit fidèlement leurs points de vue, vous n’avez pas tiré de bilan de ce qui s’est produit. Avant toute avancée supplémentaire, nous vous demandons ce bilan. Puisque vous ne le faites pas, nous vous présenterons sans relâche ici les reproches que nous avons à vous faire et nous vous poserons les questions qui nous semblent pertinentes sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, je tiens à exprimer mon indignation au rapporteur, qui n’est pas autorisé à tenir de tels propos. Il y va de la qualité de nos débats.

Certes, puisque le rapporteur ne peut ou ne veut pas répondre sur le fond, il ne cesse, depuis le début de ce débat, de nous taxer d’obstruction – à la différence de M. le ministre qui, lui, répond sur le fond. Dès lors donc qu’il ne peut plus utiliser cet argument, le rapporteur tente de ridiculiser ou de caricaturer notre argumentation.

Je le répète, nous argumentons selon ce que les uns et les autres avons à dire pour soutenir les amendements que nous proposons, et nous ajustons notre propos à la nature de ces amendements. Dans le cas présent, j’avais indiqué tout à l’heure que nous serions deux à prendre la parole. Il est donc tout à fait inconvenant que M. le rapporteur ridiculise la manière dont nous nous sommes exprimés.

Nous n’avons cessé de répéter qu’à Barcelone avait été pris l’engagement d’élaborer rapidement une directive sur les services d’intérêt économique général, parmi lesquels figurent aussi bien l’énergie que la poste, les télécommunications et d’autres encore. Très souvent, la Commission européenne applique à ces secteurs une régulation identique, les différences tenant au fait que certains de ces secteurs sont plus avancés que d’autres dans le démantèlement et la dérégulation. L’exemple du secteur postal permet donc une comparaison pertinente avec la question dont nous débattons et je ne vous autorise donc pas à ridiculiser cet amendement, qui est parfaitement dans le sujet.

Monsieur le ministre, je tiens à votre disposition le communiqué de presse que j’évoquais tout à l’heure. Du reste, puisqu’il est signé par La Poste, dont vous exercez la tutelle, je ne doute pas que vous disposiez des mêmes informations.

Monsieur le président, compte tenu de l’attitude du rapporteur, je demande une suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit.

Auparavant, je vais toutefois mettre aux voix les amendements en discussion.

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements 5700 à 5732.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je voudrais rappeler deux points, en réponse aux interventions qui ont eu lieu avant la suspension de séance.

Tout d’abord, je rappelle que la raison pour laquelle nous siégeons, c’est essentiellement pour discuter des modalités selon lesquelles nous pouvons garantir à nos compatriotes qu’à partir du 1er juillet 2007 ils pourront rester aux tarifs régulés, que ce soit pour l’électricité ou pour le gaz. Je répète aujourd’hui que, si nous ne faisons rien, nous serons dans un vide juridique, si bien que lorsque la directive va s’appliquer, comme dans tous les pays européens, le 1er juillet 2007,…

M. Richard Cazenave. Ce sont les socialistes qui l’ont signée !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …conformément aux décisions qui avaient été prises au sommet de Barcelone en 2002, nous ne pourrons plus garantir à nos compatriotes qu’ils pourront rester aux tarifs régulés. Or nous voulons qu’ils puissent choisir d’y rester ! C’est de cela que nous devons parler. Je ne cesse de le dire depuis cinq jours que nous débattons, cinq jours au cours desquels nous avons discuté treize amendements différents, répétés du reste – et je le dis sans aucun esprit polémique – avec un certain talent, je dois le reconnaître, de la part de l’opposition, et avec beaucoup d’imagination : il en faut, par exemple, pour présenter plus de quinze fois le même amendement, tel celui-ci que je prends au hasard : « Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays. »

M. Pierre Ducout. C’est vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On en a débattu pendant des heures et des heures.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais il faut vite…

M. Pierre Ducout. Au contraire !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …maintenant, pour les Français, aller au cœur du sujet. Nous devons vraiment en notre âme et conscience leur donner les moyens de préserver les tarifs auxquels ils sont attachés, et nous ne pouvons le faire que par la loi, et le plus vite possible.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le second élément de discussion, je le rappelle, c’est comment faire, précisément parce que Gaz de France ne possède pas de champs gaziers, pour lui donner les moyens, par le biais d’une alliance importante, de nouer des partenariats qui lui permettront de satisfaire à ses obligations de service public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais également de répondre au défi énergétique.

Voilà les deux seules questions dont nous devons débattre. Elles figurent dans les articles du texte de loi que nous devons examiner. Il est vrai qu’avant de commencer à discuter, dans l’intérêt des Français, du premier de ses articles, il faut venir à bout des 4000 amendements préalables qui ont été déposés par l’opposition ! Je souhaite que, dans l’esprit de responsabilité que je salue depuis cinq jours de débats, on aille un peu plus vite, dans l’intérêt des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le ministre en appelle à notre esprit de responsabilité ; j’en appelle à son esprit d’honnêteté. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En effet, monsieur le ministre, je comprends que vous ayez le souci de recadrer le débat à votre avantage, mais il faut que les Français sachent que, dès 2004, votre majorité aurait pu voter dans le texte présenté par M. Sarkozy la transposition de la directive européenne et favoriser le maintien des tarifs réglementés. Ce n’est donc pas une affaire nouvelle. Vous nous dites qu’il y a urgence à le faire : évidemment, puisque vous ne l’avez pas fait pendant les années qui se sont écoulées ! Je ne vous en fais pas le reproche puisque vous vous occupiez à l’époque de télécommunications et n’étiez pas en charge de ces questions. Mais ça aurait pu être fait à ce moment-là. Nous ne contestons pas qu’il y ait effectivement urgence à transposer la directive et nous avons d’ailleurs voté en commission certains des amendements sur les tarifs réglementés. Là n’est donc pas le sujet. Mais je dirai que c’est l’arbre qui cache la forêt, ou plutôt, comme je ne veux pas rouvrir un débat sur la sylviculture, que c’est avec le voile de la transposition que vous essayez de cacher la privatisation de Gaz de France. Votre projet initial et unique était de privatiser Gaz de France ! C’est le Conseil d’État, monsieur le ministre, et non le Gouvernement, qui a préconisé de profiter de ce texte sur l’énergie pour transposer la directive. Le Conseil d’État a eu raison, vous l’avez suivi – vous ne pouviez pas faire autrement –, et nous convenons qu’il faut mener à bien cette transposition.

Deuxième remarque : Suez- GDF et les champs gaziers… Je ne sais pas où sont les champs gaziers de Suez, il faudra que vous nous les listiez. Sur le plan de l’amont gazier, cette alliance ne rapportera pas. Au contraire, cette affaire va pomper une partie des fonds propres de Gaz de France…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il s’agit d’échange d’actions !

M. François Brottes. …pour favoriser la fusion, ce qui privera Gaz de France, d’ores et déjà premier opérateur gazier au niveau européen, des moyens d’acquérir des champs gaziers. Je ne suis donc pas sûr que votre argumentation vaille la peine de se mobiliser pour aller dans le sens de votre projet. J’ai ainsi démontré que, malheureusement, même si vous essayez avec retard de recadrer, ce n’est pas comme ça que l’histoire se raconte.

Mme Geneviève Gaillard et M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, j’entends bien ce que vous dites : préserver les particuliers en maintenant les tarifs régulés. Je vous proposerai à la fin de l’examen de ce texte – on arrivera bien à la fin puisque vous êtes majoritaires et que vous emporterez donc la décision –…

M. Pierre Micaux. Ça s’appelle la démocratie !

M. Daniel Paul. …de lancer un appel à tous les particuliers mais aussi à toutes les entreprises pour qu’elles ne quittent pas le tarif régulé, en les mettant en garde contre les réalités du marché. Vous aurez fait voter le texte mais vous prendrez vos responsabilités en leur disant : « N’appliquez pas ce texte. Restez au tarif régulé. »

M. Richard Cazenave. Il fallait le dire à Jospin en 2000 !

M. Daniel Paul. Parce que quitter le tarif régulé, c’est dangereux : dangereux pour le portefeuille des familles, dangereux pour les PME et les PMI, dangereux pour les entreprises, les deux exemples, parmi d’autres, que j’ai donnés tout à l’heure le montrent bien. Il n’y a pas d’exemple où les prix aient baissé. Vous êtes en train de lancer le pays dans le mur. Comme vous affirmez à l’article 1er que le texte vise à maintenir le tarif régulé, il faudra dire bien fort que vous souhaitez qu’aucune famille de notre pays ne quitte le tarif régulé.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Arrivons d’abord à l’article 1er !

M. Daniel Paul. Non, non, monsieur le ministre, ma première remarque, c’était pour répondre à ce que vous veniez de dire.

Deuxièmement, vous dites que Gaz de France n’a pas de champs gaziers. C’est vrai. Mais ce matin, dans Les Echos, journal que connaissez bien, voilà ce que j’ai lu : « L’entreprise commence à tirer pleinement profit de son positionnement sur tous les maillons de la chaîne gazière. Aux revenus récurrents des activités liées aux infrastructures de transport et de distribution, qui représentent encore 47 % de l’excédent brut d’exploitation, viennent désormais s’ajouter ceux des relais de croissance. À commencer par l’exploration-production,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est exactement ce que nous disons !

M. Daniel Paul. …« qui occupe une place de plus en plus importante dans sa stratégie. D’une année sur l’autre, le résultat opérationnel s’est envolé de 139 % en ce domaine. » Il n’y a pas eu besoin de Suez pour ça ! 139 %, c’est mieux que le livret de caisse d’épargne, n’est-ce pas ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. D’accord.

M. Daniel Paul. Et la part de cette activité dans les résultats de GDF est de plus en plus importante.

M. Richard Cazenave. C’est exactement ce qu’on a dit hier !

M. Daniel Paul. Vous rappelez en permanence ces données-là, monsieur le ministre, mais vous avez bien évidemment oublié de rappeler – François Brottes s’en est chargé – que vous étiez parti initialement sur la privatisation de GDF, et que c’est le Conseil d’État, il y a quelques mois, qui vous a contraint d’ajouter à la privatisation de GDF un autre élément, c’est-à-dire l’ouverture à la concurrence. Sinon nous avions le droit à un texte de loi sur la privatisation, un point c’est tout. Il ne faut pas l’oublier.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il me semble important que des réponses soient apportées aux questions qui sont posées par l’opposition.

M. Richard Cazenave. Ils n’entendent pas, de toute façon !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mes chers collègues, ne pensez pas que, parce que vous répétez 400 fois la même question, nous n’accepterons pas de répondre 400 fois par les mêmes vérités.

M. Alain Bocquet. Vous ne détenez pas la vérité !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous répondrons. Le ministre vient de le faire et je vais compléter ses réponses. Je parlerai tout à l’heure de ce que je considère comme de l’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Bocquet. Ce n’est pas de l’obstruction, c’est de la résistance !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je crois que les Français ont compris ce qu’il en est. (Mêmes mouvements.) Mais je vais d’abord répondre sur le fond.

Monsieur Brottes, vous avez tout à l’heure évoqué le problème de l’amont gazier. M. le ministre vous a répondu. En ce qui concerne le projet avec Suez, il a très bien exposé la nécessité pour l’Europe et la France d’avoir à s’organiser face à la nouvelle donne du marché de l’énergie sur le plan mondial. Et quand vous avez dit que les 20 % du marché européen qu’aura Gaz de France-Suez en devenant le premier acheteur du continent,…

M. François Brottes. C’est déjà le cas de Gaz de France !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …seront quelque chose d’insignifiant, vous avez exagéré. Je vous rappelle qu’avec la fusion, ce sera 60 % d’augmentation de capacité de négociation dans le monde ! C’est 20 % en Europe, mais vous oubliez le reste : plus 60 % dans le monde. Ce sont les chiffres.

M. François Brottes. De combien baissera le prix du gaz ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. On passera de 66 milliards de mètres cubes à 106 milliards de mètres cubes, soit plus 60 %. Je rétablis une vérité. Ce n’est pas ma vérité, c’est la vérité.

Et quand on a plus 60 % sur le marché mondial,…

M. Paul Giacobbi. Eh bien, ça n’a pas d’effet sur le prix du gaz !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …M. le ministre l’a clairement établi, on a la capacité de négocier. Grâce à la fusion, on arrivera à avoir une des deux premières flottes mondiales de méthaniers, avec seize bateaux. Suez est aussi le premier acteur mondial du gaz naturel liquide, solution d’avenir, d’une importance particulière puisque le gaz gazeux transporté par les oléoducs est sujet à quelques difficultés – on l’a vu en Ukraine lorsque les vannes ont été fermées. Messieurs les ministres, vous nous le répétez et vous avez raison : grâce à cette fusion, ce groupe deviendra leader mondial. Oui, nous préparons l’avenir, monsieur Brottes ! En plus, Suez a des gisements de long terme au Yémen. Et, ce matin, M. Loos expliquait que le Qatar faisait partie des trois réserves mondiales les plus importantes de gaz. Il se trouve que Suez a un contrat de long terme au Qatar ! Nous assurons l’indépendance énergétique de la France et de l’Europe en faisant en sorte que ce gisement, connecté sur les méthaniers d’une des deux plus grosses flottes mondiale de méthaniers, permette d’assurer cette indépendance énergétique,…

M. Robert Lamy et M. Jean Proriol. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …parce que ce projet est franco-belge, donc européen.

Monsieur Daniel Paul, vous parlez des tarifs régulés, mais je voudrais qu’on évite les contradictions : vous mélangez le capital et le tarif, le prix d’achat sur le marché mondial et le tarif qui est ensuite payé par le consommateur sur le marché intérieur. Ce dernier tarif, c’est le Gouvernement qui le décide et qui continuera d’en décider car nous ne changeons pas les règles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les tarifs n’ont rien à voir avec la constitution du capital. Ainsi M. Jospin, en 2000, alors que l’État était propriétaire à 100 % de Gaz de France, a été obligé de procéder à une augmentation de 34 % du prix du gaz dans l’année,…

M. François Brottes et M. Paul Giacobbi. Parce que le prix de la matière première avait augmenté !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …et il n’a rien pu y faire ! Demain, le Gouvernement, en fonction du coût de production, car c’est comme ça qu’est fixé le tarif, veillera à ce que le gaz n’augmente pas trop.

M. François Brottes. Ah : pas trop !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce serait mentir aux Français de dire que l’on peut envisager que le tarif du gaz puisse baisser dans des proportions considérables, voire simplement baisser.

Pour ma part, je ne pense pas qu’il puisse baisser, puisque le prix d’achat du gaz sur le marché mondial est indexé sur celui du pétrole. Mais vous mentez par omission aux Français en « oubliant » de le rappeler !

M. Richard Cazenave. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Si les groupes socialiste et communiste ont les moyens d’influer de quelque manière sur le prix du baril, qu’ils le disent : ils rendraient un fier service à notre pays !

M. François Brottes. Quel est le rapport avec le débat ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le rapport, monsieur Brottes, c’est que le prix du gaz, je le répète, est indexé sur celui du pétrole.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet !

M. Pierre Ducout. Vous venez de dire que c’était le Gouvernement qui fixait les prix !

M. Paul Giacobbi. Vous vous contredisez !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je voudrais faire pièce aux arguments de l’opposition sur le changement de position du Gouvernement : c’est en réalité la situation qui a changé, puisque le prix du baril de pétrole a été multiplié par deux en deux ans, et par trois en deux ans et demi. Aussi sommes-nous contraints de prendre les mesures nécessaires pour que la France ne reste pas l’arme au pied face à cette évolution dont les consommateurs seraient les premières victimes.

Alors que toute l’Europe s’organise – songeons par exemple au groupe EON en Allemagne –, nous devrions rester spectateurs et subir votre attitude d’obstruction systématique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La majorité soutient le Gouvernement. Nous ferons tout, monsieur Brottes, monsieur Paul, pour que le débat soit démocratique, et répondrons point par point à vos questions. Mais vos 137 000 amendements montrent que vous refusez ce débat, les Français doivent le savoir ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L’opposition a déposé 4 000 amendements avant l’article premier !

M. Jacques Brunhes. Ne criez pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Brunhes, je ne crie pas davantage que vous ce matin !

Ces amendements n’ont qu’un seul but : nous empêcher d’arriver au débat sur le texte lui-même ! (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous voulons un débat de fond du premier au dix-septième article ! Nous voulons la discussion plutôt que l’obstruction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je pensais que la pause du déjeuner aurait calmé les esprits, mais force est de constater que M. Ollier perd son sang-froid : il nous a expliqué ce matin, avec la même véhémence,…

M. Patrick Ollier, président de la commission. La même conviction !

M. François Brottes. …que ce texte ne concernait pas EDF. Or, chacun l’a compris, EDF est bien au cœur de la régulation des tarifs. Et à présent, M. Ollier nous déclare…

M. Jean-Pierre Soisson. On a entendu !

M. François Brottes. Je doute que vous ayez saisi tous les détails, monsieur Soisson ! M. Ollier vient de nous dire, dans la même phrase, que la fusion de Suez et de GDF nous permettrait d’acheter le gaz moins cher, mais que l’on ne pouvait pas intervenir sur le prix d’achat de la matière première, puisqu’il est indexé sur celui du pétrole. Lorsque l’on se contredit de façon aussi flagrante, il est très difficile de plaider en faveur de la privatisation de GDF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Emporté par son élan, le président Ollier conteste l’utilité de nos amendements. Force est de constater au contraire que sans ces amendements, il n’y aurait pas de débat sur le fond.

M. Jean Leonetti. Tu parles ! S’il n’y avait pas d’obstruction, nous pourrions débattre des questions de fond ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il faudrait que nous abordions enfin l’examen de l’article premier !

M. Alain Bocquet. Nous y arriverons, chaque chose en son temps.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il y a tout de même 4 000 amendements avant l’article premier !

M. Alain Bocquet. Je ne désespère pas de vous convaincre que l’Assemblée n’a pas tous les éléments pour légiférer dans les meilleurs conditions. Nous avons demandé, je le rappelle, que MM. Sarkozy – qui doit être rentré de son voyage chez M. Bush – et de Villepin viennent s’exprimer, ainsi que certains membres de votre majorité, apparemment assignés à résidence (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean Leonetti. Ce que vous dites est honteux !

M. Robert Lamy. C’est chez vous que l’on use de telles pratiques !

M. Alain Bocquet. …et notamment un ancien ministre, actuel maire de Lambersart, qui a fait des déclarations que nous pourrions tout à fait contresigner.

Je suis par ailleurs allé lire, hier, la fameuse lettre de griefs.

M. Jean Leonetti. Vous l’avez dit cinq fois !

M. Alain Bocquet. Pendant deux heures et demie, j’ai été fort bien reçu par M. Ollier, dans un bureau agréablement climatisé. Et comme je l’ai écrit au président Debré, sur les 195 pages de cette lettre, 133 contenaient des ratures, soit 64 % ! J’ai dénombré 301 lignes caviardées, ainsi que 34 tableaux chiffrés, 1 553 mots ou chiffres et des paragraphes entiers ! On se croirait revenu au bon vieux temps du tsar Nicolas Ier !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tiens, ce n’est plus Mao !

M. Jean Leonetti. Ou Staline !

M. Alain Bocquet. N’étant pas le nouveau Champollion, j’aimerais que vous me traduisiez, monsieur Ollier, la page 28 de cette lettre : « Par conséquent, l’opération entraînerait une augmentation du HHI de – un terme est ici biffé –, à – biffé –, soit un delta de 1 728 concernant le gaz H et de – biffé – à – biffé –, soit un delta de 2 587 concernant le gaz L. » Qu’est ce que cela veut dire ?

Autre passage, page 119, article 537 : « Ceci ressort également du paragraphe 3-6-3 de la convention d’actionnaires – il serait intéressant de le connaître –, qui stipule que le – une ligne entière est ici biffée. La même limite est respectée pour Publi-T à l’article 4-4-5. » Mettez-moi cela au pluriel !

Le reste est à l’avenant. On se moque de la représentation nationale !

M. Robert Lamy. Qui s’en moque vraiment ?

M. Alain Bocquet. J’invite tous nos collègues à se rendre dans le bureau de M. Ollier pour consulter ce document, qui est une véritable provocation contre l’Assemblée nationale. J’ignore quel est le fonctionnaire que l’on a sollicité pour raturer tous ces passages, mais je peux vous dire qu’il s’est montré zélé : il y a du noir partout ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je demande une nouvelle fois, monsieur le ministre, que l’on remette à chaque groupe, via son président, le texte intégral de cette lettre – d’autant que, selon mes informations, d’aucuns le possèdent. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous remercie d’abord, monsieur Bocquet, d’avoir reconnu que mon accueil avait été chaleureux.

En ce qui concerne votre question, l’indice HHI – Herfindhal-Hirschmann Index – mesure la concentration d’un marché. L’équation que vous avez mentionnée signifie que la concurrence va diminuer sur le marché concerné. À question pertinente, réponse précise !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi donc ce passage est-il biffé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Bocquet, vous m’avez posé exactement la même question hier et votre intervention comme ma réponse figurent au compte rendu analytique des débats. On peut recommencer tous les jours si vous le souhaitez !

Une lettre de griefs de la Commission européenne n’indique absolument pas aux entreprises ce qu’elles doivent faire, elle ouvre une procédure et est adressée à ce titre à l’ensemble des acteurs, chacun d’entre eux ne recevant que la partie qui le concerne.

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas la question !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement a donc reçu la lettre destinée à GDF et l’a immédiatement communiquée au président de la commission des affaires économiques, lequel vous l’a transmise à son tour.

M. Daniel Paul. Non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous le répéterai tous les jours s’il le faut !

M. Alain Bocquet. La lettre est illisible !

M. Jacques Brunhes. Et censurée !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pas par moi !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin, je le répète aussi, la lettre de griefs est seulement requise pour ouvrir une procédure, laquelle permet à la Commission de dialoguer avec l’ensemble des acteurs. Si vous souhaitez des éclaircissements, ce n’est pas sur la lettre qu’il faut le faire, mais à terme, si GDF noue un partenariat avec une autre entreprise. L’objet de ce projet de loi est seulement de lui donner les moyens d’un tel partenariat stratégique, qui profiterait à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Voilà qui est très clair !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Puisque vous vous répétez, monsieur le ministre, je réitérerai moi aussi mes propos. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Ce petit jeu peut durer longtemps !

M. Daniel Paul. M. le ministre vient de confirmer que la lettre de griefs était presque indéchiffrable, puisque de nombreux éléments ont été « shuntés » qui pourtant ne compromettaient pas le secret commercial.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’en conviens. Nous sommes d’accord sur ce point.

M. Daniel Paul. Puisque vous le reconnaissez, il ne sera sans doute pas difficile d’y remédier.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous ne possédons pas l’intégralité de la lettre !

M. Daniel Paul. Vous venez de reconnaître que cette lettre ne fait qu’amorcer un processus. Convenez qu’il serait intéressant d’en connaître la fin !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La fin justifie les moyens… qu’il faut donc voter !

M. Daniel Paul. Avant de décider du devenir de l’entreprise publique GDF, ne croyez-vous pas qu’il serait sage de savoir comment la Commission européenne propose d’écrire la fin de l’histoire ? Le sujet est grave !

Ce matin, j’ai interrogé M. Loos : que se passera-t-il si, au mois de décembre, après que la Commission européenne se sera prononcée, les conditions posées par les actionnaires de Suez, qui n’ont par nature d’autre objectif que la perception de leurs dividendes, sont inacceptables pour le Gouvernement – cela ferait en effet désordre que celui-ci se « couche » devant les actionnaires à six mois des élections présidentielles – ? On aura alors ouvert le capital de GDF…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non ! On lui en donne seulement les moyens !

M. Patrick Ollier, président de la commission. On l’autorise à ouvrir son capital !

M. Daniel Paul. Puisque la loi le permettra, la sagesse – et chacun, y compris sur les bancs de la majorité, devrait en convenir – ne voudrait-elle pas que, sur une question de cette importance, nous attendions de connaître les décisions de la Commission européenne et les prétentions des actionnaires de Suez ?

M. le président. La parole est à M. Émile Zuccarelli.


M. Émile Zuccarelli
. Je n’avais pas l’intention d’intervenir mais je me demande depuis quelques instants dans quelle enceinte je me trouve. Il me semblait avoir été élu à l’Assemblée nationale, représentant de la nation. Et voilà qu’on nous dit de voter d’abord la loi, et que nous aurons ensuite seulement toutes les explications sur la fameuse lettre de griefs. Je m’en étonne.

Par ailleurs, Jean Dionis du Séjour estimait ce matin que nos discussions ne servaient à rien puisque la presse n’en parlait pas. Mais sommes-nous là pour que la presse en parle, ou pour faire avancer un débat qui porte sur des questions essentielles ?

M. le ministre nous disait à l’instant que les Français attendaient cela, voulaient ceci. J’en suis un peu surpris, car j’avais l’impression, au travers de certains sondages d’opinion, que le sentiment de nos concitoyens était tout autre et qu’ils n’avaient pas en tout cas cette hâte extraordinaire d’une ouverture à la concurrence dont les industriels ont déjà pu se rendre compte qu’elle était assez piégeuse ; à telle enseigne qu’il faut leur promettre de manière pathétique une sorte de système transitoire visant à atténuer les effets désastreux des tarifs qui s’envolent, alors qu’on les avait appâtés par des promesses inverses.

Les Français, s’ils ont un peu de jugeote – et ils en ont –, doivent se méfier devant toutes ces perspectives car, même si ce n’est pas écrit noir sur blanc, ils doivent comprendre que le système qu’on leur prépare a beau préserver la possibilité de maintenir des tarifs réglementés, cela ne les empêchera pas, d’ici deux ans, d’avoir augmenté pour s’aligner sur les tarifs de la concurrence internationale. Où est le service public là-dedans ?

J’observerai pour conclure que, si l’opposition est accusée de faire de l’obstruction, il est regrettable que la majorité ne pose aucune question, car j’ai cru comprendre que plusieurs de ses députés s’interrogeaient sur le bien-fondé de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’ amendements identiques, nos 31848 à 31869.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Vous ne serez pas étonnés qu’à mon tour je pose des questions qui intéressent nos concitoyens concernant la privatisation de Gaz de France.

Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’autant de fois nous poserions une question, autant de fois vous répondriez les mêmes vérités. Mais je doute de vos vérités ! Parce qu’en 2004 on nous en donnait une et qu’en 2006, ce n’est plus la même : en 2004, jamais Gaz de France ne serait privatisé ; en 2006, nous y sommes !

L’autre élément qui me fait douter de vos vérités, c’est que vous êtes capables, comme le rappelait tout à l’heure M. Brottes, de nous dire en quelques secondes une vérité et sa contrevérité sur le tarif applicable aux usagers. N’est-ce pas la démonstration qu’il est légitime de mettre en doute vos vérités ?

Vous accusez nos milliers d’amendements d’être de l’obstruction, mais il me paraît tout à fait normal que nous discutions de ces amendements, c’est notre rôle ! J’entendais d’ailleurs M. Loos dire l’autre jour qu’il était normal que Gaz de France fasse des audits, et j’aimerais savoir si, à leur tour, les députés vont être autorisés à faire un audit auprès du Gouvernement pour connaître la vérité et savoir à quelle sauce on va manger Gaz de France.

Les députés communistes ont lancé au début de l’été une pétition visant à informer nos concitoyens sur la privatisation de Gaz de France et ses conséquences, notamment sur les tarifs. On nous parle pour l’instant de tarifs réglementés. Pendant deux ans, mais après ? Le prix du gaz a déjà pas mal augmenté et, si j’en juge par les difficultés qui existent dans ma circonscription, j’ai des raisons de m’inquiéter. On a beau prétendre que le pouvoir d’achat augmente, je constate tous les jours les méfaits de la politique gouvernementale sur celui-ci.

Depuis six jours, je constate aussi que, malgré les sondages qui affirment que les Français, à qui on a fait croire que les tarifs allaient diminuer, sont favorables à la privatisation, les signatures affluent par centaines pour appuyer notre pétition.

M. Maurice Giro. On ne vous a pas attendus pour augmenter le SMIC !

M. Patrick Ollier, président de la commission. On n’a jamais dit ça !

Mme Muguette Jacquaint. Il faut donc que le débat ait lieu. La représentation nationale doit connaître le sort que l’on réserve à Gaz de France et les conséquences que cela aura sur l’énergie. Ce n’est pas une mince affaire, il ne s’agit pas d’un produit comme les stylos à bille.

M. Robert Lamy. Quel charabia !

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Je voudrais revenir sur une notion déjà évoquée, celle de la continuité et de la sécurité d’approvisionnement.

Pourquoi souhaitons-nous réaffirmer dans ce texte de loi quelques missions fondamentales du service public énergétique ? Parce que les restructurations auxquelles votre texte de loi ouvre les portes les compromettent dangereusement.

La fusion projetée entre GDF et Suez a été présentée comme la panacée pour renforcer la sécurité d'approvisionnement. Examinons cet argument d'un peu plus près. La sécurité énergétique, c'est d'abord la continuité d'approvisionnement. Pour le gaz, elle dépend donc d'abord de nos relations avec les pays producteurs. Or la fusion GDF-Suez signifie la privatisation de GDF, et je ne crois pas au patriotisme économique des actionnaires privés ; c'est pourquoi il convient de laisser entre les mains de l'État les négociations des contrats de long terme avec les pays fournisseurs, d'autant plus que nombre d'entre eux appartiennent à des zones géopolitiques instables.

En outre, la continuité d'approvisionnement n'est possible que dans le cadre d'une gestion à long terme de la ressource gazière. Or l'intérêt des entreprises privées, c'est de faire une place plus grande au marché spot, duquel ils peuvent retirer de juteux bénéfices. Ce marché repose sur une gestion à court terme de l'offre et de la demande. Ainsi, les prix peuvent varier fortement et rendre plus incertain l'accès à la ressource énergétique.

Enfin, la sécurité énergétique, c'est aussi la sécurité des installations de transport et de stockage de gaz, qui suppose des investissements élevés. L'exigence de rentabilité des actionnaires du nouveau groupe sera-t-elle compatible avec cette gestion des infrastructures ?

Voilà quelques questions sur lesquelles nous souhaitons des réponses, mais il y aurait encore bien d’autres points à aborder comme l’égalité de traitement entre les usagers sur le territoire national – notamment grâce à la péréquation tarifaire nationale – ou les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix – y compris des services associés – et d'efficacité économique, sociale et énergétique. Ce sont autant d’éléments qui seront compromis par votre projet de fusion capitalistique, nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Vous n’arrêtez pas de nous dire que vous apportez des réponses, que vous êtes transparents. Nous disons au contraire, et continuerons de le dire, que nous manquons de transparence, et je ne parle même pas du texte caviardé dont il est tant question depuis quelques jours.

Or ce manque de transparence n’est pas propre à nos débats : chez GDF non plus, la transparence n’est pas de mise. J’en veux pour preuve la lettre envoyée par le syndicat CGT fin juillet au président de GDF, M. Cirelli, concernant les tarifs. Je me permets de vous en lire un passage :

« Depuis l’annonce dans le discours du Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, de transformer GDF en société anonyme, l’entreprise n’a pas créé les conditions pour que le prix du gaz aux usagers soit le moins cher possible. Comme nous l’avons – il s’agit des administrateurs salariés –, à maintes reprises, démontré au conseil d’administration, la marge brute de Gaz de France entre 2001 et 2003 a augmenté de 964 millions d’euros, dont plus de 800 sur le dos de la clientèle courante – traduit en langage rapide, ce sont les petits consommateurs qui ont apporté le plus de marge. Cette augmentation de la marge est liée à la non-répercussion des baisses des coûts d’importation du gaz à partir de fin 2001.

» Depuis, l’entreprise refuse de donner aux administrateurs les évolutions des coûts d’approvisionnement de long terme. Vous avez également refusé la tenue d’un conseil d’administration sur le sujet malgré l’obligation légale qui vous en était faite. Cette situation amène à douter de la crédibilité de l’entreprise sur les conditions de la répercussion des coûts d’approvisionnement dans les tarifs. En effet, il ne suffit pas de dire que le prix du gaz dépend du pétrole pour justifier les hausses. L’unique question est celle de la hausse de l’évolution des coûts d’importation à long terme, information qui nous est désormais refusée. Or la Commission de régulation de l’énergie vient d’annoncer dans son rapport d’activité de juin 2006, suite à l’audit qu’elle a effectué sur la période 2003-2005, que les coûts d’approvisionnement pris en compte dans la formule tarifaire sont supérieurs de 240 millions d’euros aux coûts d’approvisionnement réels constatés.

» L’entreprise a toujours réclamé publiquement, au moment des rendez-vous tarifaires, des hausses supérieures à l’avis de la CRE. C’est le cas, notamment, de la hausse de novembre 2004, pour laquelle l’entreprise, s’appuyant sur les possibilités ouvertes dans le contrat de service public 2005-2007, avait demandé jusqu’à 17 % d’augmentation, la CRE demandant 8 % et le ministre autorisant 4 %. […]

» L’entreprise milite ouvertement et activement pour la suppression des tarifs réglementés comme l’a indiqué un communiqué de l’AFG du 30 mai 2006 – ce n’est pas vieux. Cette suppression laisserait les clients face au marché, où le prix du gaz n’est plus lié aux coûts mais au prix des marchés européens. Nous savons que l’entreprise anticipe cette suppression en donnant, dès à présent, des consignes aux commerciaux de refuser et de bloquer les demandes des clients éligibles de bénéficier des tarifs régulés pour leurs nouveaux contrats comme cela est prévu par la loi. »

Je pourrais continuer mais j’aurai l’occasion de revenir sur cette lettre importante, car elle illustre les procédés qui ont cours au sein même de ce qui est encore l’entreprise publique. Qu’en sera-t-il ensuite, lorsque l’entreprise aura été privatisée et absorbée dans le cadre d’une fusion avec Suez ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Une fusion, c’est une fusion, ce n’est pas une absorption !

M. Daniel Paul. Lorsque vous affirmez que c’est toujours le Gouvernement qui décidera des tarifs, il est permis de douter des capacités qu’il aura en la matière.

M. le président. L'avis de la commission sur ces amendements est défavorable, je suppose ?


M. Jean-Claude Lenoir
,
rapporteur. Vous avez devancé mon propos, monsieur le président.

Mesdames, messieurs les députés, j’appelle votre attention sur le fait que nous examinons enfin le premier des amendements déposés par le groupe communiste, ceux du groupe socialiste ayant occupé l’Assemblée pendant deux journées entières …

M. Jean Dionis du Séjour. Nous progressons !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je le dis sans malice, vous avez fait dans cet amendement un louable effort de synthèse puisqu’il reprend à peu près tout ce qui a été proposé par les socialistes dans la dizaine d’amendements…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Quatorze, pour être précis !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …qui ont fait l’objet de nos discussions ces deux derniers jours. Je salue donc cet amendement qui nous permet de concentrer notre attention sur un seul texte.

S’agissant de la péréquation, votre amendement va bien au-delà de ce qu’il est possible de faire pour le gaz. D’une part, il n’existe pas, comme pour l’électricité, d’obligation de desserte en gaz de l’ensemble du territoire. D’autre part, il n’existe pas un tarif national unique, mais cinq tarifs différents selon les zones.

Monsieur Paul, vous avez raison de dire que les prix du gaz ont diminué en 2001.

M. Daniel Paul. Et vous n’avez pas répercuté la baisse sur les tarifs !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le gouvernement de l’époque, qui était d’un autre bord que celui que nous soutenons aujourd’hui, n’a en effet pas répercuté cette baisse sur les tarifs…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas bien ! Qui donc était au gouvernement à l’époque ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Comme le ministre l’a rappelé, c’est le gouvernement issu des élections de 2002 qui a diminué les tarifs de 8 %. Vous avez donc obtenu satisfaction, même si c’est avec un certain retard !

Mme Jacquaint et Mme Jambu ont souligné à juste titre les difficultés des ménages les plus modestes. Je rappelle à cet égard que c’est le décret d’application pris par le gouvernement de M. Raffarin qui a permis la création d’un tarif social de l’électricité. Ce projet de loi comportant un dispositif semblable pour le gaz, hâtons-nous de l’examiner afin qu’il puisse s’appliquer le plus rapidement possible.

S’agissant enfin du rejet de ce texte par les organisations syndicales, nous avons, avec le président Ollier et plusieurs membres du groupe UMP, reçu les syndicats de Suez, qui sont tous favorables au projet de fusion avec Gaz de France…

M. Daniel Paul. C’est faux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …y compris la CGT.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis que celui exprimé par la commission.

Je reconnais toutefois, comme le rapporteur, que cet amendement contient nombre d’éléments importants. A tel point d’ailleurs qu’ils figurent déjà dans les textes existants, notamment à l’article 16 de la loi de 2003 sur le gaz, où il est question de sécurité des personnes et des installations, de continuité d’approvisionnement, de protection de l’environnement, d’efficacité énergétique, de développement du territoire et d’action sociale. Tous les points que vous avez évoqués, monsieur Paul, sont donc satisfaits par la loi de 2003.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement, même si je reconnais, monsieur Paul, monsieur Bocquet, que vous défendez votre position – que je respecte – avec opiniâtreté. J’aurai sans doute du mal à vous convaincre, mais on ne sait jamais ! Après avoir entendu les mêmes arguments pendant des heures, peut-être serez-vous convaincus…

Le Gouvernement souhaite entrer le plus vite possible dans le vif du sujet : la discussion de l’article premier. On me dit qu’il ne resterait plus que 4 000 amendements à examiner pour y parvenir… J’espère que, la raison l’emportant, nous allons enfin pouvoir parler des sujets qui concernent les consommateurs français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Le président de GDF en parle très bien dans la presse de ce matin !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je tiens à apporter une rectification aux assertions du rapporteur. Nous aussi, nous avons reçu les responsables syndicaux de Gaz de France et de Suez, ainsi d’ailleurs que ceux des autres entreprises concernées par votre projet.

M. Bernard Schreiner. Vous les avez manipulés !

M. Daniel Paul. Ils sont unanimes contre ce projet. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a eu une tentative de division des salariés car, pour cela, les patrons sont doués ! Je pense même qu’on le leur apprend dans les écoles ! Ils ont réussi à créer une intersyndicale au siège de Suez, lequel compte seulement quelques centaines de salariés, quand le groupe emploie des dizaines de milliers de salariés de par le monde. Nous avons rencontré cette intersyndicale …

M. Patrick Ollier, président de la commission et M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Qui est favorable au projet de fusion !

M. Daniel Paul. Oui. Mais j’ai ensuite rencontré tous les syndicats, qui nous ont expliqué que cette intersyndicale, mise sur pied pour les besoins de la cause par la direction de Suez et composée pour l’essentiel de représentants de cadres,…

M. Maurice Giro. Il est vrai que vous parlez des travailleurs, pas des cadres !

M. Daniel Paul. … n’était en rien représentative. Cessez donc de prétendre que les salariés de GDF et de Suez en particulier adhèrent à votre projet de fusion, car en réalité, ils y sont défavorables !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite répondre au rapporteur et faire un rappel au règlement fondé sur l’article 58, alinéa 3.

Quelle que soit la manière – synthétique ou détaillée – dont sont présentés les arguments, M. le rapporteur fait constamment preuve de mauvaise foi et de cynisme dans ses réponses, et je le déplore. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est pourquoi, monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suspension est de droit. Auparavant, je vais mettre aux voix les amendements qui viennent d’être examinés.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31848 à 31869.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 31 914 à 31 979.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour un rappel au règlement.

M. Serge Poignant. Je regrette que nos collègues socialistes ne soient pas là, alors que la séance a repris, pour entendre ce que j’ai à dire.

Tout à l’heure, nous avons assisté à un nouveau rappel au règlement. Je ne discuterai pas du prétexte qui l’a motivé…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il était fallacieux !

M. Serge Poignant. …mais il venait après de nombreux autres. J’avais pourtant cru de bon augure que M. Brottes fasse remarquer, en début d’après-midi, que seulement deux députés de son groupe étaient intervenus sur une série d’amendements. Le groupe communiste a fait de même, et je rends d’ailleurs hommage à votre esprit de synthèse, monsieur Paul. Depuis, de nombreux orateurs ont défendu, quoique avec des mots différents, des amendements identiques. Je ne sais pas ce qu’il en sera à l’avenir, mais j’ai d’ores et déjà fait mes comptes.

La discussion générale avait pourtant permis à chacun de s’exprimer et de faire part de ses convictions. Je les respecte : donner son avis n’est pas seulement pour nous un droit, c’est un devoir. Mais depuis que nous avons commencé à examiner les propositions d’articles additionnels avant l’article 1er, nous avons examiné 14 amendements déclinés 32 fois, soit 417 amendements – sur 137 000 !


Vous me répondrez que ce n’est pas de l’obstruction. J’ai entendu ce que vous avez dit monsieur Brottes. Maintenant, nous attendons des actes de votre part pour qu’enfin, comme l’ont dit M. le ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur, nous puissions discuter réellement des amendements. En effet, nous n’avons examiné que 417 amendements sur 137 000 alors que nous siégeons depuis six jours matin, après-midi et soir. Il nous reste encore plus de 3 000 amendements à étudier avant d’aborder l’article 1er, donc le fond même du texte.

M. Maxime Gremetz. Nous perdons du temps en ce moment !

M. Serge Poignant. Je reconnais bien là votre mauvaise foi, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Avançons !

M. Serge Poignant. Je me suis exprimé exactement, montre en main, deux minutes, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Avançons !

M. Serge Poignant. Avançons, monsieur Gremetz, et nous verrons !

M. Maxime Gremetz. Vous reculez !

M. Serge Poignant. Les Français seront témoins de votre comportement !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je n’accepte pas la façon dont notre collègue analyse la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je le répète encore une fois, notre intention n’est pas de bloquer les débats. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Xavier de Roux. Oh, ce n’est pas possible !

M. Daniel Paul. Nous voulons exposer nos griefs, puisque le terme est à la mode, et formuler nos questions le plus simplement possible.

M. Xavier de Roux. Vous n’êtes pas très synthétique !

M. Maxime Gremetz. Pourquoi ?

M. Daniel Paul. Vous nous apportez les réponses que vous souhaitez. Quelquefois, nous n’en obtenons pas. Je pense à M. le rapporteur en particulier. Je reconnais que les deux ministres, contrairement à ce que nous avons constaté pour d’autres textes, s’efforcent de nous répondre, même si nous ne partageons pas, c’est le cas de le dire, les mêmes valeurs.

M. Xavier de Roux. Nous savons depuis longtemps que nous ne partageons pas les mêmes valeurs !

M. Daniel Paul. Cela ne doit pas nous empêcher de demander des éclaircissements sur certains points. Or, monsieur Poignant, je n’accepte pas la façon dont vous avez abordé la discussion. Nous avons, je le rappelle, déposé environ 3 900 amendements. Le règlement dispose que chaque député peut défendre chacun d’entre eux.

M. Jean Dionis du Séjour. Ça, c’est de l’obstruction !

M. Daniel Paul. Monsieur Poignant, aujourd’hui, nous sommes trois dans notre groupe, donc nous nous défendrons à chaque fois trois amendements.

M. Serge Poignant. Nous allons voir !

M. Daniel Paul. N’obscurcissez pas le débat !

M. Maxime Gremetz. Ils coupent l’électricité !

M. Daniel Paul. Telle est la réalité ! Ne manipulez pas l’opinion en tentant de la déformer !

M. Xavier de Roux. C’est ridicule !

M. Daniel Paul. On finirait presque par croire que vous espérez vraiment que nous fassions de l’obstruction pour qu’on oublie la nocivité de votre texte

M. Lucien Degauchy. Que de mensonges !

M. Daniel Paul. Permettez-moi d’en venir à mon amendement n° 31914 portant article additionnel avant l’article 1er : « Le service public de l’énergie a pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité et en gaz sur l’ensemble du territoire national, dans le respect de l’intérêt général. »

Les problèmes d’approvisionnement en électricité et en gaz sont des questions importantes. Il est sans doute nécessaire de rappeler certains principes relatifs au respect des missions de service public qui caractérisent le secteur de l’énergie. Certains diront qu’il ne s’agit là que d’une pétition de principe. Mais, compte tenu de leur nature, l’électricité et le gaz sont des produits vitaux pour chacune et chacun d’entre nous. Ce sont, probablement avec l’eau et avec l’air qui nous entoure, les seuls produits que l’on utilise de la naissance à la mort. C’est une raison de plus pour être très attentifs à la façon dont sont traitées ces énergies. Le Gouvernement et sa majorité calquant leur propagande sur celle du Medef, je ne pense pas que l’exercice soit inutile.

Des services publics, que nous dites-vous, en général ? Vous mettez en avant leurs dysfonctionnements, leurs manquements parfois. Vous pointez du doigt leurs salariés et leurs statuts en tendant d’opposer en permanence secteur privé et secteur public. Vous ne reculez devant aucun argument, souvent démagogique, pour tenter de discréditer nos services publics et mieux préparer leur liquidation.

Vous oubliez, ce faisant, que nos compatriotes sont attachés aux services publics : ils n’y voient pas de l’archaïsme, mais un socle de droits et une garantie de justice et d’égalité. C’est ce que sous-tend cet amendement qui mentionne l’ensemble du territoire national. Ainsi, chacun doit pouvoir bénéficier d’une ligne téléphonique, du gaz, de l’électricité, de l’eau, d’un service postal digne de ce nom, chacun doit avoir la possibilité d’être soigné par le médecin de son choix, dans un hôpital dispensant des soins de qualité, et de bénéficier d’un ensemble éducatif public permettant à chaque enfant de suivre une scolarité adaptée ; enfin, chacun doit avoir accès à la création artistique et à la culture.

Rappeler cela en évoquant le gaz et l’électricité qui s’intègrent de notre point de vue et selon nos valeurs dans un service réellement public nous semble fondamental. Or, dans chacun de ces domaines essentiels, votre politique a toujours consisté soit à grignoter, soit à amputer ces services, au point que l’on pourrait croire que vous souffrez d’obsession. Au profit de qui proposez-vous de privatiser GDF ? Au profit de qui envisagez-vous la fusion de GDF privatisée avec Suez ? Qui décidera alors de la politique énergétique de notre pays ? Est-ce que ce sera le gouvernement français ? Non ! Vous prétendez qu’il aura encore son mot à dire en matière de tarif régulé, nous en doutons de plus en plus. La question ne se pose même plus pour ce qui est du prix non régulé.

Avec une telle politique, vous ne faites que servir des logiques nocives. Vous optez pour le principe de « promotion de la libre concurrence », d’une part, et pour le privilège accordé aux privatisations, d’autre part, sans même vous soucier le plus souvent de la pertinence économique ou industrielle de votre choix. Cet aveuglement est dangereux. Par cet amendement, nous tentons d’alerter nos concitoyens sur l’aveuglement idéologique et l’obstination du Gouvernement à vouloir privatiser GDF et favoriser la fusion de GDF et de Suez sans qu’aucun motif sérieux n’en souligne ou n’en soutienne l’opportunité. Nous avons eu l’occasion de le préciser depuis le début de nos débats et nous ne cesserons de le rappeler. En effet, aucune justification réelle n’a été apportée à ce projet qui signerait la fin, si vous le menez à son terme, de l’entreprise publique GDF.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas votre remarque, monsieur Poignant, vous qui êtes un homme posé et raisonnable. En effet, j’attends d’intervenir depuis ce matin ! Nous n’avons pas prononcé un mot de la matinée ! Pourquoi intervenez-vous pour répéter comme une machine que nous faisons de l’obstruction ?

M. Serge Poignant. Parce que c’est la vérité !

M. Maxime Gremetz. L’obstruction, c’est d’avoir convoqué le Parlement en session extraordinaire au tout début du mois de juillet, alors que syndicats et salariés étaient en vacances ! Et vous présentez maintenant votre projet ! Un grand débat national doit effectivement se tenir. Les Françaises et les Français doivent être consultés sur un sujet dont l’enjeu est d’importance ! Que peut-on faire lorsque l’on est « mangé » par le privé ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ne suis pas un grand spécialiste dans ce domaine. Je me contenterai donc de citer les propos de M. Stiglitz, économiste et prix Nobel d’économie, auquel il a été fait référence ce matin, cela vous fera peut-être réfléchir. Écoutez ce qu’il vous dit.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Qu’il faut supprimer la Banque mondiale !

M. Maxime Gremetz. Lisez l’analyse que vient de faire la Banque de France Avez-vous lu ce rapport, monsieur Breton ? Vous dites qu’il faut investir. Or, aujourd’hui, la Banque de France précise dans son rapport que cela n’a jamais été constaté en trente ans et que les profits sont sans précédent, mais qu’il n’y aucun investissement et que tout bénéficie à la finance ! La finance, toujours la finance ! On n’investit pas dans l’électricité ou dans notre potentiel économique et technologique ! Ce n’est pas moi qui l’affirme. Si je tenais de tels propos, on me dirait que je répète toujours la même chose ! Prenez connaissance de ce rapport, mesdames et messieurs !

J’en reviens aux propos tenus par un prix Nobel d’économie très connu et réputé qui est, de plus, américain. Le projet de fusion entre Suez et GDF fait bouillir Joseph Stiglitz. Il confie qu’il est inutile et stupide – je n’ai même pas osé utiliser ce terme à votre égard ! Selon lui : « La France a un bon système, juste, à bas prix, efficace et très fiable. S’il n’est pas cassé, pourquoi le réparer ? Deuzio, confier la gestion d’un parc nucléaire au privé est très problématique ; y aura-t-il la même vigilance, le même investissement ? On a vu ce qui s’est passé aux États-Unis quand on a dérégulé notre secteur de l’énergie. » Que diriez-vous si je tenais de tels propos ? Vous devriez lire cette citation et y réfléchir attentivement. Il poursuit ainsi : « Tertio, si la France a une telle réussite dans l’énergie, c’est qu’il y a un état d’esprit public qui attire des gens qualifiés. » Continuez ainsi ! Aujourd’hui, on constate déjà une valse de personnes compétentes du secteur public qui rejoignent le secteur privé, plus attractif. Cet économiste le note. Il est aussi qualifié que vous, monsieur Breton. Cela s’adresse aussi à vous, monsieur le rapporteur, qui êtes un grand spécialiste de l’énergie. Vous nagez, vous n’êtes ni au courant, ni branchés ! Et vous donnez des leçons à tout le monde ! Pour M. Stiglitz : « Ouvrir la voie à la privatisation, c’est se priver, pour le gouvernement, de marge de manœuvre dans un secteur si sensible. » Ce prix Nobel d’économie de nationalité américaine juge ainsi que le secteur public français est le meilleur, le plus fiable et le plus sécurisé. Votre politique pèsera sur l’avenir et l’indépendance énergétique de notre pays. Lisez la presse, monsieur Breton !

J’ajoute que cette décision hautement politique et idéologique remet en cause les multiples déclarations du ministre d’État, qui vient d’être reçu entre deux portes par M. Bush. Ce ministre a changé trente-six fois d’avis !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président. Vous m’avez empêché de parler toute la matinée, je peux bien me défouler un peu ! Je ne fais pas de l’obstruction, je me livre à une réflexion !

M. Sarkozy disait que l’État français n’accepterait en aucun cas cet abandon national et que sa participation ne descendrait jamais en dessous de 70 % !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Puis il a dit avoir trouvé une autre idée : la nationalisation de GDF et EDF pour enfin se prononcer en faveur de la création d’un grand pôle public de l’énergie rassemblant GDF, EDF et faisant appel aux coopérations européennes et internationales.


Nous, nous ne sommes pas entendus. Je croyais que vous écouteriez un prix Nobel d’économie américain, qui regarde de l’extérieur et qui analyse, mais vous ne l’écoutez pas plus, parce que vous êtes suffisants, parce que vous considérez que vous avez toujours raison et que vous n’écoutez personne. Le non à la Constitution européenne, vous ne l’avez ni écouté ni entendu. Là, vous recommencez, mais vous devrez entendre, comme pour le CPE, je vous le promets. Ce n’est pas terminé, ça ne fait que commencer.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je serai très brève, puisque mes collègues Daniel Paul et Maxime Gremetz viennent de défendre nos amendements. Je ne voudrais pas que M. Poignant nous accuse encore de faire de l’obstruction.

Je voudrais tout simplement parler, mais je n’apprendrai sans doute rien à nos collègues de la majorité et au ministre, des différents courriers que nous avons reçus des organisations syndicales et des usagers. Ils s’inquiètent tout particulièrement de la question de l’approvisionnement qui, qu’on le veuille ou non, va être mis à mal. Je n’irai pas jusqu’à ressortir des déclarations de parlementaires de la majorité, mais je sais que je ne suis pas la seule à m’inquiéter à ce propos.

Pour nous, la sécurité de l’approvisionnement passe par le renforcement de la maîtrise publique et l’octroi éventuel de compétences politiques nouvelles au niveau européen. Elle passe aussi par le maintien et la consolidation des contrats à long terme, pas pour quelques mois et quelques années, et non par la fuite en avant libérale qui, outre le risque d’explosion des coûts, va fragiliser l’approvisionnement.

Nous n’ignorons pas que l’Union européenne envisage de se doter d’une politique extérieure clairement définie en matière d’énergie au niveau transnational et communautaire pour faire face aux défis que posent la hausse et la volatilité des prix de l’énergie, la forte croissance de la demande mondiale et le réchauffement climatique.

Ce que nous ne parvenons pas à comprendre, et que nous aimerions que vous puissiez nous expliquer et expliquer aux organisations syndicales et à nos compatriotes, c’est comment vous entendez concilier des termes aussi antinomiques que sécurité d’approvisionnement et libéralisation des marchés, garanties de service public et privatisation d’entreprises stratégiques.

Je sais que vous allez nous dire que vous avez déjà répondu, mais je crois qu’il était de mon devoir, en tant que parlementaire, de vous faire part des courriers qui me sont adressés et de reposer une nouvelle fois la question au Gouvernement. Si vous arrivez à y répondre clairement, ce ne sera pas seulement un tour de force mais vraiment un numéro de prestidigitation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31914 à 31935.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en arrivons aux amendements n°s 31936 à 31957.

M. Daniel Paul. Ils sont défendus.

M. le président. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les amendements n°s 31958 à 31979 sont également défendus.

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je voudrais faire un rappel au règlement sur le déroulement de la séance, car nous avons été troublés tout à l’heure par l’attitude qu’ont eue le président Ollier et le rapporteur lorsque j’ai expliqué que deux orateurs seulement s’exprimeraient pour défendre les amendements n°s 5700 à 5732. Le président, le ministre et le rapporteur se sont mis à faire durer les débats en parlant d’obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) alors que ce n’était pas du tout le cas. Forts de cette constatation, nous avons bien compris, et le président Debré s’en est d’ailleurs expliqué sur les radios ce matin, que vous feriez tout pour échapper à la clarification politique sur ce texte.

Compte tenu des désaccords qu’il y a entre vous, entre M. Devedjian, M. Fillon, certains collègues députés qui ont beaucoup parlé en dehors de l’hémicycle mais qui n’ont pas été autorisés, semble-t-il, à venir dire ici leur opposition à ce texte (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous êtes un honnête homme, monsieur Brottes, vous ne pouvez pas dire ça !

M. François Brottes. …nous avons compris que vous feriez tout pour utiliser le 49-3.

M. Robert Lamy. Heureusement que le ridicule ne tue plus !

M. François Brottes. Il n’est pas question pour nous de vous donner des arguments.

M. Maxime Gremetz. Et de tomber ainsi dans le piège !

M. François Brottes. Il est indispensable que la clarification soit faite sur les conséquences qu’aura ce texte sur les tarifs pour les ménages et les entreprises. Il est important que chacun comprenne que le flou et l’incohérence entourent cette fusion entre GDF et Suez, dont le ministre nous a même dit hier que ce n’était pas l’actualité du texte,...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. François Brottes. …tellement il est mal à l’aise.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas du tout !

M. François Brottes. Le fait que la lettre de griefs ait été noircie montre bien, en effet, qu’il y a des conséquences qui ne sont pas acceptées par la Commission européenne. Il y aura des dégâts, notamment pour les cessions d’actifs de cette entreprise publique magnifique qu’est Gaz de France.

Bref, compte tenu de ces éléments et de notre volonté de vous voir prendre vos responsabilités face à cet acte grave, nous ne souhaitons pas vous donner d’argument pour utiliser le 49-3. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En conséquence, monsieur le président, vu la manière dont ont été jusqu’à présent présidées les séances, chacun ayant eu la possibilité de présenter convenablement ses arguments, toujours différents, dans une ambiance tout à fait correcte, dans la mesure où un certain nombre de nos amendements avant l’article 1er sont des amendements de précision sur des points que nous avons déjà défendus, chaque série d’amendements avant l’article 1er sera défendue par un seul parlementaire.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est mieux !

M. François Brottes. Je souhaitais faire ce rappel au règlement pour préciser un peu le cadre de nos interventions et, surtout, pour vous dire qu’en aucun cas nous ne souhaitons donner de prétexte à la majorité pour utiliser le 49-3 et couper court au débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous sommes à un tournant important du débat et, en tant que président de la commission saisie au fond, je veux dire que j’apprécie qu’au terme d’échanges qui ont été bien souvent très forts et même plus, on arrive, majorité et opposition, à se mettre d’accord sur l’essentiel, le fait de débattre sur des valeurs et des idées. Nous ne les partageons pas, à l’évidence, mais cela permet à la démocratie de fonctionner, on peut ainsi voter pour ou contre un texte.

Votre décision, monsieur Brottes, va incontestablement permettre une accélération du débat, la majorité en prend acte. Faut-il encore que tout le monde soit d’accord, et on va voir comment le débat se déroule. Cela dit, 137 000 amendements ont été déposés, et nous aurons plusieurs rendez-vous pour lesquels le même dialogue sera nécessaire. Je souhaite que le bon sens l’emporte et que ce premier pas, qui va permettre d’avoir un vrai débat au fond, comme vous le souhaitez, soit suivi d’autres tout au long de la discussion, car nous ne voulons pas non plus que soit utilisé le 49-3. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Comme j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure, il n’y a jamais eu au groupe communiste de volonté d’obstruction ou de blocage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Un mensonge répété cent fois ne fait pas une vérité !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous avez tout de même déposé 80 000 amendements !

M. Daniel Paul. Ne reprenez pas cet argument, vous savez très bien qu’il est faux. Nous avons déposé moins de 4 000 amendements et vous le savez très bien. Si le groupe UMP avait déposé 4 000 amendements, le nombre de ses interventions aurait pu être multiplié par le nombre de ses parlementaires, un peu plus de 300. Nous, nous sommes vingt-deux et, si l’on multiplie 3 900 par 22 – c’est ainsi que vous avez fait vos calculs et que le président Debré a présenté nos amendements – on arrive à un peu plus de 80 000. On l’a dit et répété, mais c’est un mensonge ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons présenté le document qui comprend l’ensemble de nos amendements, il fait 74 pages. Une telle campagne servait simplement à masquer le fond de votre texte.

Nous, nous sommes décidés à poursuivre le débat de la manière dont nous l’avons engagé. Nous avons expliqué nos amendements, de manière parfois un peu enflammée – c’est normal, il s’agit du gaz –, mais nous n’avons jamais fait d’obstruction. Nous n’en ferons pas plus et pas moins jusqu’à la fin du débat, de façon que vous soyez placés devant vos responsabilités, en ayant à voter le moment venu un texte, ou à ne pas le voter.

M. Robert Lamy. Vous ne manquez pas de culot !

M. Daniel Paul. Les Français verront bien qui aura pris la décision de tordre le cou à une entreprise comme Gaz de France et de la précipiter dans le gouffre de la libéralisation.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La déclaration de François Brottes est importante et constitue un tournant, comme l’engagement que prend le groupe socialiste de tout faire pour éviter le 49-3. Nous saluons cette décision car nous avions vraiment peur de ne pas pouvoir voter.

Monsieur Paul, j’ai du respect pour vous, mais il ne faut pas nous raconter n’importe quoi. Vous avez fait de l’obstruction pendant cinq jours. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Bilan : l’opinion publique, visiblement, l’a mal vécu,…

M. Maxime Gremetz. Mais 91 % des Français vivent mal la privatisation !

M. Jean Dionis du Séjour. …et les médias sont démobilisés.

Ce qui est intéressant, c’est d’essayer de convaincre la majorité. Je suis le porte-parole d’un groupe qui, à la fin, va voter comme vous. Pour aller dans le bon sens, ouvrons le débat sur les points importants, l’article 1er et les tarifs de retour, l’article 7 et le GIE commun entre GDF et EDF, l’article 10 et la part du capital détenue par l’État, et arrêtons cette obstruction qui dessert la cause même que vous voulez défendre, en l’occurrence le caractère public de GDF.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.


M. Maxime Gremetz
. Chaque fois que vous intervenez, c’est pour proclamer que nous faisons de l’obstruction. Voilà au moins vingt fois que je vous entends le dire et, multiplié par cinq minutes, voyez ce que cela donne ! Mais vous n’abordez toujours pas le fond du débat. Pourquoi ? Parce que vous souhaitez le recours à l’article 49-3 (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Jean Dionis du Séjour. Vous n’avez rien compris !

M. Maxime Gremetz. …ce qui vous dispenserait de voter un projet auquel vous êtes opposés !

Messieurs de la majorité, (« Et mesdames ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

Mme Brigitte Le Brethon. Merci pour nous !

M. Maxime Gremetz. Mesdames et messieurs de la majorité, nous croyez-vous aussi peu intelligents, pour vous faire ce cadeau politique royal,…

M. Robert Lamy. « Royal », ce n’est pas chez vous !

M. Maxime Gremetz. …qui vous éviterait de voter et de rendre compte aux 91 % de nos concitoyens qui sont opposés à la privatisation de GDF et veulent vous sanctionner ?

M. Robert Lamy. Vous dites n’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Gremetz, nous n’utilisons pas un tel qualitatif s’agissant de votre intelligence. Ce n’est pas l’objet du débat.

M. Maxime Gremetz. Je ne parlais pas de mon intelligence à moi. J’ai dit « nous », c’était collectif.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je prends acte de la déclaration de M. Brottes. Si j’ai bien compris, il ne reste désormais plus que cinquante et un amendements à défendre avant d’arriver enfin à l’article 1er, j’espère dans un jour ou deux. Après avoir passé une semaine à discuter…

M. Christian Bataille. Utilement !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …dans un esprit républicain, à entendre trente-deux fois la défense des mêmes amendements, nous progressons donc, mais il en restera malgré tout 130 000 à examiner au moment où nous entrerons dans le vif du sujet, une semaine après le début des débats, avec l’examen de l’article 1er. Cet article, comme les articles suivants jusqu’à l’article 9, a pour vocation de se préoccuper de l’intérêt des Français, en préservant les tarifs réglementés à compter du 1er juillet 2007, en donnant à Gaz de France les moyens de nouer des alliances dans l’intérêt du développement de l’entreprise et dans celui des consommateurs français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur Gremetz, nous l’affirmons, le groupe UMP ne souhaite pas le recours à l’article 49-3.

M. Maxime Gremetz. Certains le souhaitent !

M. Serge Poignant. Je ne regrette pas d’être intervenu hier, ce matin et encore cet après-midi pour souligner l’obstruction à laquelle vous vous êtes livrés.

Je constate que, vous étant rendu compte que vous alliez dans le mur d’un point de vue médiatique, vous faites marche arrière. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Vous êtes vraiment poignant !

M. Serge Poignant. Maintenant, si vous poursuivez ainsi , nous débattrons, puis chacun votera en son âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J’appelle les amendements identiques n°s 10 605 à 10 769.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut pour les soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. Avant de défendre ces amendements, permettez-moi de réagir à ce que vient de dire Serge Poignant. Nous n’avons pas changé de stratégie.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Si !

M. Jean-Yves Le Déaut. Après une discussion générale qui a duré deux jours – vous aviez souhaité un débat long –, nous avons débattu pendant deux jours et demi des grands sujets et des incidences qu’aurait votre projet de loi.

Nous avons posé de vraies questions et nos concitoyens que nous rencontrons dans nos circonscriptions nous en savent gré.

M. Robert Lamy. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous avons montré, arguments à l’appui, que ce projet ne reposait sur aucune stratégie industrielle, que cette fusion entre Suez et Gaz de France était peut-être le fruit du hasard, que le projet comporte un risque pour EDF et pour les trois entreprises nationales et ne présente pas d’intérêt pour le consommateur. On ne peut donc pas dire qu’il s’agit d’obstruction.

Les quarante collègues du groupe socialiste qui se sont exprimés ont exposé, chacun avec ses mots, son vécu dans sa circonscription, les problèmes que pose votre texte. Et si, pendant cinq jours, nous avons parlé, c’est en qualité de représentants de la nation, chargés de défendre l’intérêt national,…

Mme Brigitte Le Brethon. Et nous, qui sommes-nous ?

M. Jean-Yves Le Déaut. …sans faire de la petite politique, comme on l’a vu avec la photographie de piles de feuilles blanches. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous voulons en effet éviter que vous refusiez de débattre au prétexte qu’il nous aurait fallu six jours pour aborder l’examen de l’article 1er. Mais nous allons revenir sur ces questions et nous ne tolérerons pas que, par des artifices, vous refusiez le débat pour masquer vos divisions.

Je vais donc défendre d’un coup 165 amendements ; nous irons donc 165 fois plus vite, ce qui est un exploit !

Ces amendements tendent à réaffirmer que la recherche de l’efficacité du service public de l’énergie ne peut entraîner la mise en œuvre d’un système de tarification contraire au principe d’égalité. Il est évident qu’il n’y aura pas égalité s’il y a plusieurs systèmes de fournisseurs d’énergie et s’il y a deux tarifs, un tarif du marché et un tarif réglementé.

Le rapporteur est tellement convaincu de ce risque d’inégalité qu’il a présenté un amendement permettant à ceux qui auraient choisi le tarif du marché de revenir au tarif réglementé. Il a même prévu que ce sont ceux qui achètent de l’électricité qui payeront le système.

Le principe de transparence doit lui aussi être respecté. C’est pourquoi nous nous sommes opposés à ce que ce texte soit discuté avant de connaître les contreparties demandées par la Commission européenne. Elle les communiquera au mois de novembre.

De même, le principe de continuité de l’approvisionnement ne saurait être remis en cause. Nous ne sommes pas persuadés que la fusion Suez-Gaz de France offre une meilleure capacité industrielle, notamment au niveau des champs de production, ni une plus grande continuité de l’approvisionnement de Gaz de France comme d’Électricité de France. Il existe aujourd’hui dans notre pays des risques de divergences.

Le système de tarification de l’énergie ne doit pas non plus être contraire au principe de durabilité. Les approvisionnements doivent bien sûr être constants. Il faut pour cela qu’une politique d’État soit définie.

Enfin, s’agissant du principe d’adaptabilité, nous ne sommes pas persuadés qu’avec le mixte énergétique les stratégies individuelles d’un grand nombre de sociétés permettent de s’adapter aux besoins énergétiques de notre pays.

Voilà ce qui très rapidement dit, justifie ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 10 605 à 10 769 ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n° 10605 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n° 10638 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n° 10671 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n° 10704 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n° 10737 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en arrivons à la série d’amendements n°s 11298 à 11429.

La parole est à M. François Brottes, pour les soutenir.

M. François Brottes. Monsieur le président, compte tenu de votre vitalité naturelle, permettez-moi d’apporter une petite précision : je vais défendre les amendements n°s 11 298 à 11 330. M. Bataille défendra les amendements n°s 11 331 à 11 363, M. Ducout défendra les amendements n°s 11 364 à 11 396, M. Vidalies défendra les amendements n°s 11 397 à 11 429.

M. le président. J’en prends acte. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. François Brottes. Par ces amendements, nous voulons rappeler que « tout usager du service public de l’énergie a droit à un niveau optimal de protection de la santé, de sécurité physique et de fiabilité technique du service. »

Ce droit peut paraître évident, acquis, conquis, garanti, mais, dès lors que l’on s’engage dans la privatisation des entreprises publiques de l’énergie, ce droit des usagers est mis à mal. Pourquoi ? Parce qu’en matière de protection de la santé, par exemple, les installations de production de l’énergie, « vertueuses » du point de vue de l’effet de serre, peuvent être abandonnées au profit d’installations de production de l’énergie faisant appel au charbon par exemple, qui elles ne sont pas vertueuses du tout. Pourquoi faire appel à des installations de ce type ? Parce qu’elles sont moins onéreuses en termes d’investissements et plus rapide en termes de bénéfices. Dès l’instant que les entreprises qui gèrent ce type d’activité ne sont plus publiques, il y a un danger pour la santé.

S’agissant du droit à la sécurité physique, là encore les gains de productivité des entreprises privées se traduisent souvent par des réductions de voilure dans la maintenance des installations. Lorsqu’on réduit les crédits de maintenance des installations, on met potentiellement en péril les équipements, et donc en danger les personnels, mais aussi la population alentour.

Au contraire, lorsqu’il s’agit d’une entreprise publique, dont la vocation première n’est pas, a priori, de distribuer des dividendes et de faire des profits pour enrichir quelques-uns, mais de se préoccuper de l’intérêt général et de celui de la nation, il n’y a pas ce comportement de dérive à l’égard de la sécurité physique.

Nous avons observé, à l’issue de quelques privatisations déjà accomplies, que malheureusement l’effort portait sur le marketing, la publicité – je fais allusion aux 100 millions de pages de publicité achetés dans les journaux pour vanter votre projet de fusion entre GDF et Suez, et je dois même être en dessous de la réalité puisque cette campagne continue.

M. Henri Emmanuelli. On en reçoit encore !

M. François Brottes. Or, pour nous, la fiabilité technique du service, cela signifie que la formation des personnels est constante, que l’amélioration des compétences est une obsession pour les dirigeants de l’entreprise. Malheureusement, lorsque l’objectif est de faire très vite de l’argent pour distribuer des dividendes année après année, on coupe les crédits de la formation parce que cela ne se voit pas sur le moment ; mais cela se ressent ensuite dans la manière dont sont gérés techniquement les équipements.

De même, la recherche – indispensable pour permettre à l’innovation technologique d’être au rendez-vous de l’amélioration du service rendu – est abandonnée par les entreprises. Je me souviens d’un chef d’entreprise, dont je tairai le nom, qui, l’œil constamment rivé sur le cours de l’action, perdait le sens de l’intérêt public de sa gestion et renonçait à faire de la recherche, s’imaginant pouvoir l’acheter sur les étagères de ceux qui en sont chargés ou éventuellement aller se la procurer dans la recherche publique.

Quand on voit ce que vous avez fait de la recherche publique – et la manière dont les chercheurs vous l’ont reproché –, quand on voit que les entreprises privées n’ont qu’une obsession, faire de la recherche sur le court terme, de la recherche-développement pour rentabiliser très vite, mais non de la recherche en amont, il y a un vrai danger – comme pour la formation des personnels – que les crédits de la recherche dans les entreprises devenues privées soient mis à mal. De fait, c’est la fiabilité technique du service qui s’en ressent.

Je vous invite donc à voter ces amendements qui devraient nous rassembler. Dès l’instant où il y a privatisation, – et c’est votre projet à l’article 10 – il faut absolument que nous donnions ces garanties aux usagers.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les entreprises privées sont surveillées de la même façon !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote l’amendement n°11298 et les amendements identiques.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


M. le président.
La parole est M. Christian Bataille pour soutenir les amendements nos 11 331 à 11 363.

M. Christian Bataille. Puisque vous voulez jeter aux oubliettes l’entreprise publique Gaz de France, nous tenons à nous arrêter sur ce qui, à notre sens, définit le service public. Je vais revenir ici sur des principes que j’ai déjà énoncés à propos d’autres amendements. Au cœur de la distribution commerciale classique, il y a le consommateur. Au cœur du service public, notion éminemment républicaine, il y a le citoyen. Par conséquent, l’entreprise qui ne se contente pas de faire du commerce, de vendre un produit a une obligation citoyenne au regard de l’information. Les citoyens, clients de Gaz de France, doivent donc être informés sur les conditions essentielles de fourniture, de gestion, de financement et de tarification du service.

Prenons un exemple concret. À propos des tarifs de Gaz de France, on ne cesse de nous répéter que les conditions internationales du marché, l’augmentation de la demande, avec notamment l’arrivée de nouveaux clients sur le marché mondial, font grimper les cours. Eh bien, il faut que cela soit justifié. En tout cas, Gaz de France est tenu de le justifier en utilisant les différents moyens de communication – médias, internet… L’entreprise publique doit informer les citoyens sur ses marchés. Elle devra ainsi leur expliquer qu’elle a par exemple signé un contrat de long terme, qui garantira une fourniture de gaz à tel tarif, et que certains frais de gestion ont dû être répercutés sur la facture.

Il faut sortir de l’opacité qui a tendance à s’installer aujourd’hui. Gaz de France, en procédant à des augmentations de tarifs que le Gouvernement a pu modérer, l’État étant actionnaire, a pu faire cependant des bénéfices records. On ne peut donc prétendre que ces tarifications étaient trop basses. En tout cas, toute modification intervenant sur le marché doit faire l’objet d’une information qui permette l’exercice de la citoyenneté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Rappel au règlement, monsieur le président ! Je crains qu’il n’y ait un malentendu : le fait qu’une série d’amendements soit défendue par un seul député ne justifie pas que ni la commission ni le Gouvernement ne s’expliquent sur les raisons qui les ont conduits à émettre un avis défavorable. S’il en est ainsi, le débat sera totalement tronqué. En fait, et nous nous attendions à cela, quand on ne peut pas nous accuser de faire de l’obstruction, on nous oppose le silence. Nous persistons à souhaiter que ce débat soit l’occasion d’une clarification. Mais je sais bien que le rapporteur et le ministre ne sont pas obligés de nous répondre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il ne faut pas qu’il y ait de malentendu. Tout à l’heure, j’ai été conduit, à la demande d’ailleurs du président, à être concis dans ma réponse et personne ne s’en est alors ému. Je prends note de votre remarque, monsieur Brottes. Sur l’essentiel, lorsque je n’aurai pas déjà eu l’occasion d’évoquer les problèmes soulevés par un amendement, je ferai un commentaire un peu plus complet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11 331 à 11 363.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir les amendements nos 11 364 à 11 396.

M. Pierre Ducout. Par ces amendements, nous rappelons les obligations des services d’intérêt économique général qui devaient figurer dans la directive cadre qui aurait dû être négociée avant d’accepter l’ouverture intégrale à la concurrence, au 1er juillet 2007, du marché de l’électricité et du gaz à l’ensemble des consommateurs, et en particulier aux usagers domestiques.

Le groupe socialiste au Parlement européen a d’ailleurs préparé une proposition de directive cadre présentant des garanties pour les usagers en matière de droit d’accès s’agissant d’informations les concernant détenues ou recueillies par le gestionnaire du service. Cela peut viser l’historique des consommations, qui permet de connaître le mode de vie de l’usager et d’optimiser les conditions de fourniture d’énergie. Ce n’est pas inintéressant surtout lorsqu’on se rappelle qu’à une époque, on avait évoqué l’opportunité de prévenir les jours de pointe ou de déterminer les besoins d’énergie de pointe. En tout cas, il est évident que l’usager doit pouvoir disposer en toute transparence des informations dont bénéficiera le gestionnaire.

Cette directive cadre aurait dû être demandée par le Gouvernement avant que nous n’examinions ce projet de loi, qui, après l’avis du Conseil d’État, va transposer les directives de 2003. Puisque cela n’a pas été fait, nous demandons au Gouvernement, par ces amendements avant l’article 1er , de faire en sorte que les garanties nécessaires soient apportées à nos concitoyens.

Il s’agit aussi de faire respecter la loi Informatique et libertés qui prévoit la défense des droits des citoyens et des consommateurs au regard d’informations relativement confidentielles. Il faut également imaginer qu’un gestionnaire du service sera en mesure de vendre un certain nombre d’informations à des entreprises privées, qui pourront ainsi proposer toute sorte de produits à nos concitoyens.

Le droit d’accès aux informations doit donc figurer au nombre des garanties minimales que vous devez prévoir dans ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. En effet, la préoccupation fort légitime exprimée ici est satisfaite par la loi de 1978.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis que la commission. Le droit commun des contrats et de la consommation prévoit l’accès des consommateurs aux informations le concernant. Les garanties dont ils bénéficient font également l’objet de l’article 13 du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11 364 à 11 396.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir les amendements nos 11 397 à 11 429.

M. Alain Vidalies. Ces amendements visent à préciser que tout usager du service public de l’énergie a un droit de réclamation auprès du gestionnaire du service en cas de non-respect d’une obligation de service public assignée à ce dernier, et a droit à un traitement diligent et rapide de cette réclamation. C’est l’expérience de ce qui s’est passé dans divers secteurs ouverts à la concurrence, et plus spécifiquement dans celui de l’énergie à la suite de la déréglementation, qui nous a conduits à déposer ces amendements.

Il est question ici du droit du consommateur à bénéficier du respect des obligations de service public et d’un traitement diligent de sa réclamation en cas de manquement à ces obligations. Faisons une comparaison avec ce qui s’est passé dans le domaine de la communication et notamment de la téléphonie mobile. Sans jeter de noms en pâture à l’opinion publique, tout le monde sait bien que ceux de nos concitoyens qui ont été alléchés par certaines propositions ont bénéficié de prix certes très intéressants, mais que l’opérateur, qui a une place non négligeable sur le marché, y a gagné une curieuse identité commerciale, celle de la palme de la difficulté à joindre le service en cas de besoin. Ceux qui ont passé des heures et des heures à essayer de joindre ce service alimentent aujourd’hui les tribunaux d’instance dans des procédures sur le droit de la consommation. Au passage, je fais observer au Gouvernement qu’il serait temps que nous passions aux travaux pratiques sur la question de la class action. À partir de cette expérience, il est donc nécessaire de préciser les droits des consommateurs.

Dans le domaine de l’énergie, l’expérience passée milite encore plus pour l’adoption de cet amendement. En effet, nous pouvons jusqu’à aujourd’hui nous féliciter que, même lorsque des événements notamment climatiques ont eu de graves conséquences pour notre pays ou pour certaines parties de notre territoire, tout se soit bien passé. Je pense ici à la tempête de 1999, qui a frappé en particulier mon département, mais aussi, par exemple, celui de M. Ducout. Heureusement que nous avions un service public et que les agents d’EDF ont pu travailler jour et nuit sur le terrain pour remettre au plus vite le réseau à la disposition du client !

De manière comparative, regardons ce qui s’est récemment passé aux Etats-Unis et qui justifie pour partie les propos du prix Nobel d’économie rappelés ici à plusieurs reprises. Au-delà des dérapages financiers et de la faillite d’Enron, il faut souligner aussi toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les consommateurs américains. Voilà encore quelques jours, le New York Times a rapporté que, dans le Queens, 100 000 clients avaient été laissés au plus fort de la vague de chaleur, et au péril de leur vie, sans électricité.

Le président d’une des compagnies américaines, Edison Electric, et actuel président-directeur général de American Electric Power, qui intervient dans une dizaine d’États, a également déclaré dans le Wall Street Journal du 3 août : « Les mésaventures rencontrées aujourd’hui par les utilisateurs sont la conséquence du gaspillage dans la déréglementation d’un capital qui aurait été mieux employé dans le renforcement des infrastructures. » En d’autres termes, il faut comprendre que, dans les secteurs privatisés, on a utilisé les revenus pour la rémunération du capital au lieu de procéder aux investissements nécessaires, ignorant ainsi les droits des consommateurs et les obligations de service public.

Ces exemples montrent bien qu’il y a deux logiques et qu’il est extrêmement difficile de les marier. Il faut aller jusqu’au bout de son choix. Et quand on choisit la privatisation et la déréglementation, il n’est plus guère possible de parler de maintien du service public après quelque temps. Puisque vous vous apprêtez à opter pour la privatisation, garantissez au moins les droits du consommateur. J’espère que vous accepterez donc de voter ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?


M. Jean-Claude Lenoir
,
rapporteur. Nous sommes nous aussi soucieux des droits et de la protection des consommateurs : c’est précisément l’objet de l’article 13 du projet de loi, qui prévoit un dispositif assez lourd – enrichi grâce à des amendements de la commission – permettant de transposer l’annexe de la directive. J’espère que ces amendements seront adoptés par notre assemblée.

Quant à la médiation, monsieur Ducout, vous qui avez évoqué les litiges entre le client et le fournisseur, je propose dans ce même article de la renforcer en mettant en place un médiateur national unique. J’invite donc ses auteurs à retirer cet amendement ou, à défaut, l’Assemblée à le rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je note, monsieur le ministre, que les présentations réduites limitent d’autant les réponses à nos questions. Ainsi, M. Vidalies vous a interrogé en vain sur le dossier des actions collectives. Ce n’est pas totalement hors sujet, dans la mesure où les usagers vont être soumis à la dérégulation du marché que vous avez souhaitée avec Mme Fontaine en novembre 2002. On nous a annoncé ici et là – le Président de la République, M. Chatel, ou encore à Bercy, lors de rencontres avec les consommateurs – un texte qui préserverait la capacité d’action collective des consommateurs face à des dégradations de service. Je suis étonné que vous n’ayez rien à dire à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous nous aviez habitués à mieux, monsieur Brottes : je vous l’ai dit à plusieurs reprises, le texte sur la consommation est prêt, et il aborde notamment la question des actions collectives. J’espère pouvoir le présenter au Parlement cet automne – encore faut-il que nous ayons la possibilité d’en débattre…

M. Jean Gaubert. Ce serait encore de notre faute !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous invite donc à entrer enfin dans le corps du texte. Si nous l’avions fait plus tôt, vous auriez vu que l’amendement que vous défendez à cette heure est satisfait par l’article 13, qui apporte une réponse très précise à la question légitime que vous vous posez. Abordons le texte et nous pourrons ainsi débattre de sujets comme celui-ci, dans l’intérêt des consommateurs français.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Lors d’une réunion de parlementaires au Sénat, en présence des associations de consommateurs, nous avons évoqué ce texte, mais dans la mesure où il n’a pas été présenté en conseil des ministres, nous n’en disposons pas.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu. Croyez bien, monsieur le ministre, que nous nous en saisirons dès que possible, mais en attendant nous ne savons pas ce qu’il contient. Je prends note de votre engagement à en débattre avant la fin de l’année.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est mon souhait.

Mme Marylise Lebranchu. Je ne suis pas au Gouvernement, mais je crois que si un ministre souhaite qu’un texte soit examiné par le Parlement, il peut demander un arbitrage en urgence quand le texte est prêt. Cela semble être le cas. Si vous le souhaitez, nous vous aiderons à convaincre le Premier ministre de présenter votre projet en conseil des ministres.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11397 à 11429.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trente-deux amendements identiques, nos 5568 à 5600.

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, si nous avions attendu les élections présidentielles pour traiter ce dossier important, ce qui eût été plus démocratique, nous aurions évité l’encombrement de cette session extraordinaire, décrétée par le Premier ministre pour rétablir une autorité chancelante et permettre à certains de boucler des opérations incertaines avant que cela ne devienne impossible…

Cet amendement est au cœur de notre débat puisqu’il a trait au contrôle du prix de l’énergie par l’autorité publique, et nous avons déjà eu, monsieur le ministre, l’occasion d’attirer votre attention sur cette question qui touche les intérêts du peuple français.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale – je le rappelle pour celles et ceux qui se prétendent gaullistes, encore que certains soient en rupture avec leur famille politique – on a estimé avec raison que certaines ressources devaient rester sous contrôle public et ne pouvaient être abandonnées à des conseils d’administration privés. C’est ce qui justifia les nationalisations de l’après-guerre.

Nous sommes en 2006 et non plus en 1945, j’en conviens, mais nous traversons une crise énergétique dont tout le monde sait qu’elle va s’aggraver du fait de l’évolution de la consommation des pays émergents, notamment l’un d’entre eux, et plus globalement de l’évolution des besoins sur cette planète. Nous allons au-devant d’un grave problème énergétique et cette question sera majeure, à la fois pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens et la compétitivité de nos entreprises, donc pour l’emploi.

Et que l’on ne me dise pas que la compétitivité des entreprises va y gagner ! À la commission des finances, même si nous n’étions pas nombreux ce jour-là autour du président – guère plus de trois –, nous avons reçu les présidents des fédérations des industries les plus concernées par la consommation d’électricité. Ils nous ont avertis que des dizaines de milliers d’emplois étaient menacés par l’évolution du prix de l’électricité dans les entreprises dont les dirigeants, par maladresse ou dogmatisme, s’en sont remis au marché plutôt qu’au secteur public. Cela se traduit pour eux, monsieur le ministre, monsieur Novelli, par des hausses de 80 % du prix de l’électricité. Je me souviens en particulier de l’un de ces chefs d’entreprise, employeur de 4 000 personnes, qui ne savait plus comment faire : sur son compte d’exploitation, sa marge était de 1,6 % pour une augmentation du prix de l’électricité de 1,7 %. Vous le voyez, l’énergie, ce n’est pas rien pour l’économie d’un pays !

Ces amendements sont au cœur du débat, car une fois accomplie cette opération – que vous essayez de mener au rythme d’un escadron de cavalerie qui ne serait pas sûr d’être suivi par la troupe – quelle sera la situation de ce pays ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. La troupe, la voilà : c’est la majorité !

M. Henri Emmanuelli. Je parle d’autres troupes, monsieur Ollier ! Voici quelque temps déjà qu’ayant la majorité, vous considérez que tout va bien : nous l’avons vu au cours des débats sur le CPE. Vous aviez raison, il n’y avait pas de véritable obstacle : le texte ne posait pas de problème et nous allions voir ce que nous allions voir. Nous avons vu… Les événements auraient dû vous inciter à plus d’humilité ! Mais vous avez le droit, ayant la majorité, de traiter ce sujet. Eh bien, traitons-le.

Que se passera-t-il au terme de cette opération ? C’est un conseil d’administration, qui ne doit de comptes qu’à ses actionnaires, qui décrétera les prix du gaz dans ce pays ; il aura la possibilité de pomper autant qu’il le souhaite sur le pouvoir d’achat des ménages et d’hypothéquer la compétitivité de nos entreprises. C’est totalement irresponsable !

Votre réponse est bien connue : il y aura la commission de régulation et un dispositif transitoire de contrôle des prix sera mis en place pendant deux ans. Pourtant, M. Cirelli, PDG de Gaz de France, vous interpelle par voie de presse avec un certain cynisme. Ce n’est pas la première fois qu’il le fait ; à votre place, j’aurais répondu, mais cela n’a pas l’air de vous choquer… Donc M. Cirelli, tout en annonçant 1,7 milliards d’euros de bénéfices, a le cynisme de demander une hausse des prix de sorte qu’ils atteignent ceux du marché d’ici à deux ans. M. Mestrallet s’est exprimé publiquement dans le même sens. Que nous proposez-vous, malgré toutes vos tentatives d’enfumage de l’opinion publique et de la représentation nationale ? Dans deux ans, nous achèterons le gaz au prix du marché.

Mais en réalité, ce ne sera pas un vrai marché, car vous savez très bien qu’en matière d’énergie, nous serons en situation d’oligopole : quelques groupes privés se partageront le marché. Et que l’on ne vienne pas m’expliquer que leurs responsables seront dépourvus de téléphone et ne communiqueront pas entre eux ! L’accès à ce marché est tellement difficile – je pense au prix d’une centrale nucléaire – qu’il serait naïf de croire que la libre concurrence jouera, comme le professent certains. On a des exemples dans le monde entier de ce que peut devenir le marché de l’énergie.

Notre amendement tend à replacer ce débat au cœur de l’actualité et à le prolonger jusqu’à l’élection présidentielle, car votre action vous fait porter une lourde responsabilité à l’égard de notre pays et de son économie. Au-delà de nos divergences politiques et de nos convictions, nous sommes nombreux ici, sur tous les bancs, à être attachés à la compétitivité de nos entreprises et à la création de nouvelles entités.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Henri Emmanuelli. Pensez-vous qu’il soit raisonnable de s’en remettre en ce domaine au conseil d’administration de Suez, qui aura la possibilité de décider, en fonction de ses propres intérêts, de la compétitivité des industries électro-intensives dans notre pays ? C’est totalement irresponsable ! Les conséquences seront si considérables que vos successeurs, qu’ils soient de gauche ou de droite, devront forcément s’en préoccuper.

Je suis président d’un conseil général. Comme d’autres élus locaux, je reçois chaque semaine de nombreuses lettres de chefs d’entreprise : avant-hier encore, le dirigeant des Papeteries de Gascogne me faisait part de ses difficultés face à l’augmentation du prix de l’énergie. Le paradox, c’est que c’est à nous, députés socialistes, que les chefs d’entreprise demandent d’agir.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, c’est un sujet important.

Je constate au passage que, dès que l’action publique veut se mêler du secteur privé, on lui en conteste le droit, mais qu’en cas de problème, c’est pourtant vers les élus qu’on se tourne et c’est à l’action publique que l’on fait porter la responsabilité. Le principe est ancien – quand tout va bien, c’est à nous ; quand tout va mal, c’est pour vous – et si vous croyez qu’il ne s’appliquera plus parce que vous aurez privatisé Gaz de France, vous vous trompez : les chefs d’entreprise continueront de vous interpeller partout dans vos circonscriptions !

Certes, la France a un avantage en termes de compétitivité sur d’autres pays européens qui n’ont ni le nucléaire, ni GDF. J’ai néanmoins entendu en commission des finances un parlementaire proposer de partager cet avantage avec les autres. Ce n’est pas avec les autres que nous allons le partager, mais avec les actionnaires de Suez qui, eux, feront de bonnes affaires. Ce que fait le Gouvernement est totalement irresponsable !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour l’électricité, je suis d’accord avec vous !

M. Henri Emmanuelli. Vous savez parfaitement, monsieur Ollier, que nous avons raison, tellement raison que même des actionnaires privés vous diront que la bonne solution aurait été de lancer une offre publique d’achat de GDF sur Suez plutôt que d’installer M. Mestrallet à la tête du groupe qui contrôlera le prix du gaz dans notre pays ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous remercie de conclure.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, en intervenant longuement, j’ai défendu un grand nombre d’amendements. Nous pouvons encore les défendre un par un si vous voulez…

M. le président. Monsieur Emmanuelli, votre intervention a duré dix minutes. J’essaie de conserver un minimum de règles dans ce débat !

M. Henri Emmanuelli. Je pense que ce que j’ai dit peut intéresser celles et ceux qui y participent.

M. le président. Je vous ai laissé largement vous exprimer, vous ne pouvez rien me reprocher !

M. Henri Emmanuelli. Je ne vous fais pas de reproche et je vous remercie de votre mansuétude, monsieur le président.

M. le président. Je vous en prie !

M. Henri Emmanuelli. Mais j’aimerais que M. Breton me réponde sur ce qui se passera dans trois ans, lorsque le conseil d’administration de Suez décidera des prix du gaz dans ce pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?


M. Jean-Claude Lenoir
,
rapporteur. Il faut rendre hommage à M. Emmanuelli d’être constant dans ses positions, mais aussi souligner qu’elles ne sont pas toujours partagées par les membres de son groupe, aujourd’hui dans l’opposition ou hier dans la majorité.

M. Henri Emmanuelli. Vous parlez de M. Paillé ?...

M. Patrick Ollier, président de la commission, et M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non, de M. Strauss-Kahn !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’intervention assez longue, mais intéressante, de M. Emmanuelli nous a fait un peu oublier le texte de l’amendement ; je vous le lis : « La souveraineté du peuple n’est pas absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d’actionnaires privés. » Quelle charge terrible contre les sociétés par actions, contre les actionnaires qui soutiennent l’entreprise et l’économie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C’est le texte de la loi de 1946 !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai cherché dans la liste des trente-deux signataires de l’amendement du groupe socialiste si le nom de M. Fabius y figurait. Non, M. Fabius étant conséquent avec lui-même, il n’a pas accepté de signer cet amendement.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Strauss-Kahn non plus. Lui aussi est conséquent avec lui-même et n’a pas accepté de suivre M. Emmanuelli et certains de ses collègues dans cette charge contre l’actionnariat privé.

M. Henri Emmanuelli. C’est la loi de 1946 votée par les gaullistes !

M. Pierre Ducout. Et élaborée par le Conseil national de la Résistance où siégeaient les gaullistes !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour étayer son propos, M. Emmanuelli a pris un exemple sur lequel il n’a pas manqué d’arguments. Il nous a rappelé que des chefs d’entreprise ont été reçus par la commission des finances pour expliquer les graves difficultés auxquelles ils étaient confrontés à cause des fortes hausses du prix de l’électricité.

Un peu d’histoire ! Comment en est-on arrivé là ? Il s’agit d’entreprises qui ont fait jouer une disposition de la loi de 2000,…

M. Michel Bouvard. Hélas, pas seulement !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …loi que vous avez fait adopter lorsque vous étiez au pouvoir.

M. Pierre Ducout. Non, c’est la directive signée par Juppé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En 2000, vous avez ouvert les marchés et, ce faisant, donné la possibilité aux entreprises de choisir un autre fournisseur. Ces entreprises sont victimes de la loi de 2000.

M. Christian Bataille. Nous avons transposé a minima les mauvaises négociations de M. Borotra et du gouvernement Juppé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Messieurs, vous êtes bien bruyants aujourd’hui ! Un peu de modération ! Vous avez soutenu le gouvernement de gauche en votant la loi de 2000, n’imputez pas à la majorité d’aujourd’hui la responsabilité de ses conséquences et des difficultés que connaissent les entreprises.

M. François Brottes. Quel mauvais historien vous faites !

M. Pierre Ducout. Vous refusez la vérité !

M. Christian Bataille. Vous êtes très injuste !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. « La souveraineté du peuple n’est pas absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d’actionnaires privés ». Eh bien moi, je vais vous citer quelques entreprises privatisées par la gauche, et vous me direz si elles font partie des services essentiels du pays !

Aérospatiale : privatisée par M. Jospin. Service essentiel.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas l’énergie !

M. François Brottes. Et ce n’est pas un service public !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Thalès – toute la défense – : privatisé par la gauche.

Renault : privatisé par la gauche.

M. Pierre Ducout. Services essentiels ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Thomson Multimedia : privatisé par la gauche.

M. Pierre Ducout. Que Juppé voulait brader pour le franc symbolique !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ouverture du capital de France Télécom et entrée d’actionnaires.

M. François Brottes. L’État reste majoritaire !

M. Pierre Ducout. Parlez-nous des services essentiels !

M. François Brottes. Ce n’est pas le cas de ces entreprises !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Si ! J’ai égrené un certain nombre d’entreprises qui font partie de la sphère des services essentiels.

Vous vouliez parler de services publics, monsieur Emmanuelli, mais vous qui êtes député des Landes savez certainement à qui appartient le réseau de transport du gaz dans le Sud-Ouest :Total !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Groupe privé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Qui a privatisé le réseau, qui l’a donné à Total ? Vous ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Ducout. C’est du simplisme !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Alors ne venez pas, aujourd’hui, défendre de tels amendements !

Autre service : la production d’électricité. Elle est essentielle, et pourtant qui a donné les barrages de la Compagnie nationale du Rhône à Suez ? Vous !

M. Pierre Ducout. C’était le minimum pour appliquer la directive que vous aviez négociée !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous souriez, messieurs les socialistes. C’est la preuve que vous allez certainement changer de stratégie et décider de renoncer à vos centaines ou milliers d’amendements, tout au moins avant l’article 1er. Je le dis moi aussi avec le sourire.

Dernier point, monsieur Emmanuelli, je reviens à la formation des prix et à la fixation des tarifs, car vous entretenez à ce sujet une grave confusion.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Eh oui !

M. Daniel Paul. Ah ! C’est intéressant !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il y aura toujours des tarifs une fois Gaz de France privatisé et fusionné avec Suez, et ce ne sont ni les actionnaires ni les dirigeants qui en décideront. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Bataille. Vous ne nous ferez pas avaler ça !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La facture comporte deux éléments, qu’il s’agisse de l’électricité ou du gaz : l’acheminement et la fourniture. S’agissant de l’acheminement, une proposition est faite par le régulateur au ministre et ce dernier confirme cette proposition.

M. Pierre Ducout. Nous le savons, vous l’avez déjà dit !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est donc le régulateur qui fixe un élément important – 35 % à 40 % – de la facture. Pour la fourniture, un avis est donné par le régulateur, et c’est le ministre qui décide du montant des tarifs régulés, dont je rappelle qu’ils sont maintenus par un amendement adopté par la commission des affaires économiques.

M. Léonce Deprez. Très bon amendement !

M. François Brottes. Vos explications ne tiennent pas la route, nous allons le démontrer !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je souhaiterais donc maintenant que l’on en vienne le plus rapidement possible à ces dispositions pour apporter des garanties sérieuses aux consommateurs, qu’il s’agisse des tarifs réglementés pour les particuliers et les professionnels, ou du tarif transitoire d’ajustement du marché que je propose pour les entreprises qui consomment beaucoup d’électricité.

Mais de grâce, cessez de faire croire aux Français qu’après la privatisation de Gaz de France, n’importe quel prix sera proposé aux consommateurs ! Quiconque souhaitera conserver le bénéfice des tarifs pourra le faire et ils seront toujours fixés par le ministre, actuel ou futur. La puissance publique interviendra toujours dans leur fixation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est un dispositif majeur du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Emmanuelli s’est fait l’interprète des entreprises venues lui présenter leurs difficultés face à la hausse des prix qui sont ceux du marché. Nous aussi sommes préoccupés par ces questions.

Premièrement, nous devons faire en sorte que les dispositions actuelles sur la formation des prix et des tarifs puissent continuer à s’appliquer au-delà du 1er juillet 2007. Ce projet de loi le permet et répond ainsi aux préoccupations de nos concitoyens et des entreprises. Nous aurons l’occasion de l’expliquer lors de l’examen des articles.

Deuxièmement, j’ai écouté les démonstrations de M. Gaubert sur l’investissement. Comment s’assurer que les investissements nécessaires seront réalisés afin d’éviter toute pénurie qui ferait augmenter les prix ? Aujourd’hui, l’investissement est primordial et le Gouvernement ne manque pas d’encourager les entreprises dans ce domaine. Nous en avons les moyens légaux avec la programmation pluriannuelle des investissements…

M. Pierre Ducout. C’est la loi de 2000 que nous avons votée !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous l’accorde volontiers !

…et avec les appels d’offres. C’est avec ces instruments que nous sommes en mesure de déclencher des investissements.

Après l’adoption, l’année dernière, des dispositions sur le développement des énergies renouvelables, nous avons lancé des appels d’offres, et les réponses ont été très nombreuses, venant en général d’entreprises privées,…

M. Pierre Ducout. Oui, parce qu’elles pensent y gagner beaucoup d’argent !

M. Daniel Paul. C’est la CSPE qui paie !

M. le ministre délégué à l’industrie. …mais aussi d’EDF, pour produire de l’énergie éolienne, par exemple.

C’est parce nous avons un instrument : les appels d’offres, et une ressource : la contribution au service public de l’électricité, que nous sommes capables de provoquer des investissements lorsque c’est nécessaire.

Nous disposons donc des outils, d’une part, pour fixer les tarifs et poursuivre cette politique afin d’être plus efficaces à l’avenir et, d’autre part, pour générer les investissements nécessaires permettant d’atteindre le bon niveau de production par rapport aux besoins des consommateurs.

Il y a là de vraies réponses à vos questions, et c’est dans le projet de loi qu’elles se trouvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Merci, monsieur le ministre, d’avoir pris le soin de nous répondre et pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, d’avoir préjugé de vous. Je m’explique.

Je pensais, nous pensions naïvement qu’extraire une phrase de la loi de 1946 proposée par le gouvernement du général de Gaulle susciterait quelque réaction de votre part, vous qui êtes un ancien administrateur de l’Assemblée. Nous n’avions pas imaginé un instant que vous pourriez confondre cela avec la prose de Lénine ou de Trotski. Nous avons préjugé une culture historique qui, manifestement, n’est pas au rendez-vous. Au lieu d’ironiser, comme vous l’avez fait, vous auriez dû vous incliner à reprendre quelques-unes de vos études sur le sujet ! Je parle de la première partie de votre réponse sur l’état d’esprit d’Henri Emmanuelli. Nous pensions que vous vous rendriez compte tout seul que la phrase rédigeant notre amendement est extraite de la loi de 1946 ! Mais ce n’est pas le cas de M. Lenoir qui a affiché un air assez satisfait pour stigmatiser ce cher Henri Emmanuelli qui serait encore à l’âge du couteau entre les dents ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous renvoie donc à votre absence de culture, monsieur le rapporteur !

Deuxièmement, vous n’avez eu de cesse de nous renvoyer à la loi de 2000, sans parler de la directive négociée par le gouvernement Juppé et M. Borotra, que nous avons été obligés de transposer – encore l’avons-nous fait a minima. Donc, s’il vous plaît, lorsque nous allons au cœur des sujets importants, cessez vos chicayas du genre « c’est pas nous, c’est les autres »…

Les signataires des amendements ne sont pas tous présents, mais moi je peux vous dire – et je suis constant dans mes positions, vous l’avez reconnu – que privatiser l’énergie n’est pas une bonne affaire pour la France. Il se trouve, messieurs les ministres, que j’ai occupé quelques responsabilités dans des gouvernements précédents,…

M. Michel Piron. C’était il y a longtemps !

M. Henri Emmanuelli. Peut-être, mais les sous étaient au rendez-vous et le déficit n’était même pas le cinquième de ce qu’il est aujourd’hui !

En tout cas, à l’époque, le ministre du budget, quel qu’il fût, prélevait 6 milliards de francs sur Elf Aquitaine et autant sur Total, soit un total de 12 milliards de francs : je vous laisse le soin de calculer ce que cela représente aujourd’hui. Des gouvernements plus ou moins bien inspirés ont jugé qu’il fallait privatiser ces deux compagnies. L’argent a été absorbé dans les dépenses de fonctionnement et s’est volatilisé comme vapeurs de pétrole. Aujourd’hui, Total fait 10 à 13 milliards d’euros de bénéfices, et le ministre du budget ne voit rien passer. Voilà ce qu’a été la belle, la grande affaire de la privatisation du pétrole : malheureusement, personne n’aura jamais à en rendre compte. Je voudrais qu’on me démontre que ma lecture des faits est erronée : elle est inscrite dans les budgets de la République.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Heureusement qu’ils font des bénéfices !

M. Henri Emmanuelli. « Heureusement » ? Monsieur est content que ce soient des actionnaires étrangers et des fonds de pension qui empochent les bénéfices, il est heureux de constater que la communauté française voit passer les avions et pas l’argent. Monsieur, vous qui avez dit « heureusement », vous êtes député de la République française, vous ne représentez pas ici les intérêts des fonds de pension écossais ou américains ! Comment osez-vous dire « heureusement », après m’avoir entendu expliquer que cela rapportait autrefois beaucoup d’argent à la collectivité, mais plus rien aujourd’hui ? Vous trouvez cela « heureux » ?

M. Michel Piron. C’est de l’obscurantisme !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ça n’empêchait pas l’État d’être déficitaire !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est sûrement pas ce que vous dites à vos électeurs : j’ignore de quelle circonscription vous êtes l’élu, mais je suis sûr que, dans vos réunions publiques, vous vous gardez de clamer : « Je me glorifie que ce que le patrimoine français rapportait autrefois aux Français aille aujourd’hui aux fonds de pension américains. » Je serais très surpris que vous teniez ce langage sous les préaux d’école.

Monsieur Lenoir, vous nous avez expliqué − longuement, difficultueusement, mais, je le reconnais, précisément et sérieusement − qu’il ne fallait avoir aucune crainte, que ce seraient les ministres qui fixeraient les prix. Nous prenez-vous pour des béotiens ou des analphabètes ? Et la question s’adresse aussi à vous, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous répondons simplement aux questions qu’on nous pose ! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Comme si l’on ne savait pas comment ça marche ! Publique ou privée, l’entreprise va voir le ministre, présente ses comptes, expose ses prix de revient et explique que, si on ne lui accorde pas une hausse de tant pour cent, elle sera dans le rouge. On connaît la musique. Venir nous expliquer que c’est le ministre qui va faire les comptes, c’est nous prendre pour des béotiens. C’est ainsi que ça se passera, et c’est très souvent ainsi, malheureusement, que ça se passe déjà.

En réalité, quand on observe l’accroissement régulier des marges de GDF depuis deux ans, on comprend que l’on préparait déjà la privatisation d’une entreprise qu’il fallait valoriser pour avoir des cours de Bourse adéquats le moment venu.

À ce propos, vous savez, monsieur le ministre, que je m’intéresse beaucoup aux intérêts des actionnaires de Suez. Je trouve curieux qu’on ait publiquement annoncé, en février, la parité du prix des actions avant que l’assemblée générale ait été réunie. J’espère qu’un actionnaire minoritaire finira par s’en apercevoir et agira en conséquence.

M. Paul Giacobbi. Ils s’en sont déjà aperçus !

M. Henri Emmanuelli. Nous savons que ce genre de négligence a coûté 140 millions d’euros à Mittal : aujourd’hui, on ne respecte même plus les règles de base du droit privé, on va grand train pour mener des opérations politiques, derrière lesquelles se cachent des intérêts considérables. Non, monsieur Lenoir, nous ne croyons pas que les ministres imposeront les prix au conseil d’administration, nous sommes convaincus que c’est l’inverse qui se produira. Les sondages valent ce qu’ils valent, mais ils nous apprennent en tout cas que l’écrasante majorité des Français – 80 % − en est également persuadée.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Emmanuelli vient − sans doute involontairement − de me flatter en m’adressant un grand compliment immérité : il a dit que j’étais un ancien administrateur de l’Assemblée nationale. Je ne l’ai jamais été, et croyez que je le regrette.

M. Paul Giacobbi. Vous méritiez de l’être !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je tiens à dire que j’ai la plus grande estime pour les administrateurs de cette maison, qui nous apportent un concours apprécié.

M. Henri Emmanuelli. Et qu’étiez-vous donc ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je pourrais raconter ma vie à M. Emmanuelli, mais peut-être dans d’autres circonstances. J’ai longtemps travaillé dans des cabinets ministériels. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai eu l’occasion de le rencontrer, dans les arènes de Saint-Sever. Nous étions alors du même côté, celui du public. (Sourires.)

M. Paul Giacobbi. Vous êtes toujours dans l’arène, aujourd’hui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est là que j’ai pu mesurer sa combativité et sa pugnacité.

Mais quand vous m’interpellez, monsieur Emmanuelli, il faut bien vérifier vos informations. L’amendement que vous avez déposé n’est pas du tout tiré de la loi de 1946, mais du rapport de Paul Ramadier, que j’ai lu avec grand intérêt.

M. François Brottes. C’est la même chose !

M. Henri Emmanuelli. Vous chipotez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. D’autre part, bien que vous ayez occupé d’éminentes fonctions au ministère des finances, je me permets de vous rappeler qu’une règle déjà ancienne veut que les tarifs soient fixés par les pouvoirs publics et que c’est bien le gouvernement de Lionel Jospin qui, en 2000, a décidé une augmentation de 34 % des tarifs du gaz.

M. Pierre Ducout. Mais dans quelles conditions ?

M. Henri Emmanuelli. Et cette année, l’augmentation sera de combien ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Enfin, une dernière observation me paraît fondamentale : vous avez le sentiment qu’avec la privatisation de Gaz de France, l’État va gagner de l’argent.

M. Henri Emmanuelli. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En vérité, il ne gagnera rien du tout ! Pas un euro !

M. Henri Emmanuelli. Même pas ça !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La part de l’État reste inchangée, si ce n’est que, dans un ensemble qui va s’accroître, elle passera de 70 à 34 %.

M. Pierre Ducout. Ce sont les actionnaires de Suez qui vont s’enrichir ! C’est M. Albert Frère !

M. François Brottes. Vous faites des cadeaux aux actionnaires !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le rapporteur, nous avons toujours dit très clairement que ce sont les actionnaires de Suez qui s’enrichiront, par le biais des fonds propres dont dispose aujourd’hui Gaz de France. Nous n’avons jamais prétendu − ni M. Emmanuelli ni personne d’autre − que l’État tirerait profit de l’opération : on ne peut d’ailleurs que le déplorer. Évitons de détourner ainsi nos propos respectifs.

Vous écrivez beaucoup et rédigez de nombreux rapports. Dans celui qui concerne ce texte, vous indiquez que « le Gouvernement propose implicitement de mettre en extinction les tarifs réglementés pour les consommateurs non domestiques puisque les nouveaux sites de consommation ne pourraient plus bénéficier du tarif à compter du 1er janvier 2008 ». Ainsi, vous avez démasqué le Gouvernement, qui, en effet, ne souhaite pas maintenir les tarifs réglementés. Vous avez d’ailleurs constaté que chacun s’en était aperçu et vous avez proposé des amendements pour tenter de corriger le tir. Ainsi, dans la version initiale du projet, le Gouvernement avait prévu exactement l’inverse de ce qu’il dit aujourd’hui.

Les parlementaires de la majorité se sont montrés vigilants et, considérant qu’on ne pouvait pas privatiser Gaz de France et planter un couteau dans le dos des entreprises de ce pays, ils ont essayé de conjurer la dégradation du climat qui ne manquera pas de suivre le vote de ce texte. Vous avez alors inventé une usine à gaz dont on ignore si l’Europe acceptera qu’elle fonctionne. Vous dites avoir pris le temps de présenter les choses en amont, et j’espère que vous pourrez nous apporter des éclaircissements sur l’avis de la Commission européenne : c’est la quatrième fois que je vous les demande, mais je ne sais toujours pas quel est son point de vue sur votre système de tarif de retour. Mais nous n’en sommes pas encore à l’article en question, et je ne veux pas vous harceler.

En définitive, vous faites croire à l’opinion et à certains des parlementaires concernés par ce débat que, dans la mesure où c’est le ministre qui fixe les tarifs, on peut être tranquille. M. Emmanuelli vient de le dire : le ministre ne fait que tirer une décision de conséquence. Certes, en droit, c’est bien lui qui, in fine, fixe le tarif.

M. le ministre délégué à l’industrie. Ah !

M. François Brottes. Nous ne le nions pas, car telle est la règle depuis quelque temps déjà. Cependant, le ministre subira les pressions des uns et des autres, du fournisseur au transporteur. Vous avez raison, qu’on soit de gauche ou de droite, quand on achète le gaz au prix du pétrole, on ne peut pas faire grand-chose, mais le mariage avec Suez n’y changera rien. Par contre, lorsque les entreprises sont privées − et vous souhaitez qu’elles le deviennent −, les actionnaires ont leur mot à dire. Ainsi, le président du groupe privé fusionné ira dire au ministre que, sans augmentation de prix significative, il ne pourra pas calmer ses actionnaires et que, s’il ne redistribue pas un peu, ils lui accorderont difficilement de quoi poursuivre les investissements et maintenir la qualité des équipements. Du reste, le président de Suez et celui de Gaz de France répètent à longueur d’interviews qu’ils feront tout pour avoir des garanties sur l’augmentation des tarifs − y compris avant le 1er juillet, en vertu d’un engagement que, semble-t-il, vous avez pris. Cela montre bien à quel point le ministre est contraint de subir les choses : certes, c’est lui qui, en définitive, décidera, mais il le fera sous la pression, sous la contrainte. Ainsi, l’argument qui consiste à dire qu’on est tranquille, puisque c’est le ministre qui décide et qu’il n’y aura pas d’inflation, ne tient pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En 1946, l’heure était plutôt à la reconstruction de la France qu’à l’établissement de ratios de rentabilité. À lire votre amendement, on peut penser que, a contrario, la souveraineté du peuple est absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d’entreprises publiques. Or, aujourd’hui, lorsqu’un maire veut mettre le gaz dans un lotissement, si cela ne correspond pas à des ratios de rentabilité, Gaz de France rejette sa demande. Le souci de rentabilité n’est donc pas absent.

Monsieur Emmanuelli, je voudrais vous répondre à propos des entreprises privées qui gagnent de l’argent. Heureusement qu’elles en gagnent car, dans le cas contraire, il n’y a pas de participation pour les salariés en fin d’année. Questionnez les syndicats de salariés des entreprises privées, vous verrez qu’ils préfèrent que leurs entreprises gagnent de l’argent plutôt qu’elles soient déficitaires.

M. Henri Emmanuelli. J’ai passé douze ans chez Rothschild, je sais comment ça se passe !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Brottes, je veux simplement dire quelques mots qui vont dans votre sens. J’ai regardé ce qu’avaient fait mes prédécesseurs. J’ai constaté qu’en 1999 et 2000 M. Strauss-Kahn et M. Fabius ont accordé sans discuter l’augmentation demandée par Gaz de France. Ils n’ont rien négocié : ils l’ont prise telle quelle. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui le dites !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai vérifié ! Ils ont accepté une augmentation du prix du gaz de 30 %.

M. Pierre Ducout. Ils avaient négocié en même temps une baisse des tarifs d’EDF !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La loi fait au ministre le devoir de statuer in fine sur l’augmentation demandée par les distributeurs de gaz. Comment cela se passe-t-il concrètement ? Les entreprises présentent leur demande en se fondant sur l’augmentation du prix d’achat du gaz, que la loi fait obligation de répercuter sur le prix payé par le consommateur. La Commission de régulation de l’énergie vérifie la légitimité de la demande et il appartient ensuite au ministre de donner ou non son aval.

Pour éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé auparavant, j’ai créé une nouvelle commission indépendante, présidée par Bruno Durieux, et où siègent un parlementaire et le meilleur spécialiste français de l’énergie, le professeur Chevalier. Je leur ai demandé d’examiner ces demandes, pour que je puisse ensuite décider s’il convient d’accorder ou de refuser une autorisation. C’est ainsi que je n’ai pas suivi exactement la demande présentée par Gaz de France et par la CRE, considérant, conformément aux recommandations de la commission indépendante, qu’il fallait ratifier une augmentation moindre. Je me suis donc donné les moyens de protéger les consommateurs. Ça fonctionne comme ça aujourd’hui ; ça fonctionnera comme ça demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. François Brottes. Le ministre me donne des leçons : j’aimerais pouvoir lui répondre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce ne sont pas des leçons !

M. Daniel Paul. L’un de vous − je crois que c’était M. le ministre − affirmait tout à l’heure que, une fois la loi votée, les particuliers pourraient rester au tarif régulé ou choisir d’aller sur le marché. Les entreprises ont déjà eu la possibilité de le faire et nombreuses sont celles qui, aujourd’hui, demandent à revenir au tarif régulé.


Pour leur venir en aide, vous nous proposez une usine à gaz que nous refuserons.

J’appelle d’ailleurs votre attention sur le fait que les particuliers seront beaucoup plus sensibles que les industriels à la pression commerciale des différents opérateurs qui leur proposeront du gaz. Il se trouve que j’ai vu ces commerciaux à l’œuvre en Grande-Bretagne, où ils démarchaient de futurs clients dans un quartier populaire. Cela tombait comme à Gravelotte parce qu’ils promettaient, un peu comme cela a été fait dans le secteur de la téléphonie, des tarifs défiant toute concurrence. Malheureusement, nombre de particuliers qui ont accepté ces contrats se sont retrouvés ensuite enchaînés, sans possibilité de revenir en arrière. Et ce sont les familles en difficulté, celles que les effets de seuil empêchent de bénéficier d’aides sociales pour payer leurs factures, qui seront les plus fragiles et les plus menacées par les techniques utilisées par les commerciaux de ces opérateurs. Voilà pourquoi, je demande au Gouvernement qu’il déclare que les particuliers, mais aussi les PME et PMI, resteront au tarif régulé.

Dans la lettre dont j’ai fait état tout à l’heure, il est question de la possibilité pour le ministre de dire non. Mais parlons plutôt du futur : « Gaz de Suez » ne sera probablement pas aussi facile à convaincre qu’a pu l’être GDF dans le passé. Voici ce que contient le courrier que les administrateurs salariés de GDF ont adressé à M. Cirelli : « La privatisation de l’entreprise réduira considérablement les possibilités de l’État concernant la régulation des tarifs. Ceci est d’ailleurs considéré comme un atout dans l’analyse de la fusion-privatisation faite par les banques d’affaires, à l’exemple du document du Crédit agricole Chevreuse qui stipule : “une dynamique porteuse pour les années à venir, notamment due à la normalisation des relations avec l’État sur les tarifs”. »

On peut penser en effet que les actionnaires auront le poids suffisant pour que le ministre se montre beaucoup plus compréhensif compte tenu de l’engagement qu’ont pris les présidents des deux groupes de doubler les dividendes de GDF pour 2007. Il faudra donc que vous acceptiez un certain nombre de choses, en tout cas le risque existe.

Les documents officiels affichent clairement que la fusion entre GDF et Suez devrait engendrer une synergie dans les achats de gaz, synergie qui serait créatrice de valeur,…

M. Paul Giacobbi. La grande ânerie des dernières années !

M. Daniel Paul. …sous-entendu au bénéfice des actionnaires. C’est d’ailleurs d’ores et déjà ce que demandent les administrateurs représentant les actionnaires lorsqu’ils souhaitent que les prix régulés soient alignés sur le marché pour que ces derniers ne soient pas lésés. Voilà la réalité qu’il faut mettre sur la table, de façon que nul n’ignore dans quel chemin vous engagez l’entreprise publique actuelle.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, je veux réagir aux propos que vient de tenir M. Breton sur le comportement de ses prédécesseurs à l’égard des entreprises publiques.

Lorsqu’il convoque les pétroliers à Bercy pour négocier, je ne constate pas ensuite que le prix de l’essence à la pompe baisse. Dans une autre vie, il a été président d’une entreprise publique et il a eu pour tâche de la privatiser. Je crois qu’on peut sans peine imaginer l’avenir.

Dans le précédent contrat de service public qu’il avait passé avec EDF, l’État lui avait confié la mission de baisser les prix. L’actuel contrat de service public prévoit de limiter la hausse des prix à l’inflation. Là où ses prédécesseurs de gauche exigeaient une baisse des prix de l’électricité, le ministre cherche seulement à réduire leur augmentation.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5568 à 5600.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 563 à 712.

La parole est à M. François Brottes, pour les soutenir.

M. François Brottes. Nous considérons, aux termes de cet amendement, que « l’indépendance énergétique nationale nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale ». Nous nous conformons ainsi à vos exigences, à vos vœux et à vos lois. En effet, l’article 1er de la loi du 13 juillet 2005 indique clairement que c’est par « le maintien et le développement d’entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique » que sont garantis les éléments, les missions, les exigences du service public de l’énergie. Ce n’est pas nous qui avons proposé ce texte mais vous. Or, en février 2006, le Premier ministre annonçait la privatisation de Gaz de France.

Avec votre projet, l’article 1er de la loi de 2005 n’aura plus de sens puisqu’il n’existera plus « des » entreprises publiques nationales et locales de l’énergie, au pluriel, mais une seule : EDF, et encore jusqu’à ce que vous décidiez de la privatiser aussi. Vous allez donc devoir corriger ce texte.

Vous proposez que le service public de l’énergie garantisse la cohésion sociale, qu’il soit vertueux en matière de développement durable et d’indépendance énergétique du pays. Certes, tout cela figure dans la loi de 2005, mais il y est aussi précisé que ce sont les entreprises publiques nationales de l’énergie qui garantissent ces dispositions.

Voilà pourquoi nous vous suggérons de vous rattraper en maintenant les entreprises nationales de l’énergie dans le secteur public, comme vous l’avez voté en 2005. Après avoir renoncé à l’engagement pris par M. Sarkozy en 2004, vous vous apprêtez à renoncer à la loi de 2005. Quel sera le prochain renoncement ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable : nous ne pouvons pas adopter des amendements qui vont à l’encontre de l’une des dispositions majeures du projet de loi, à savoir la privatisation de Gaz de France.

Je vois que ces amendements sont présentés par M. Brottes et 148 membres du groupe socialiste. Quel dommage qu’ils ne soient pas appelés un par un, car M. Fabius aurait pu nous parler de son amendement n° 626 et M. Strauss-Kahn de son amendement n° 702 ! Il aurait été intéressant de les entendre expliquer qu’il fallait des entreprises publiques nationales alors qu’ils proposaient en 2002 – c’était hier – de privatiser non seulement Gaz de France mais aussi EDF.

L’article 1er de la loi de 2005 précise : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. » M. Brottes nous demande de réécrire au singulier cet article. Pourtant, même après la privatisation de Gaz de France, il restera deux entreprises publiques dans le secteur énergétique : EDF et Areva, d’où le maintien du pluriel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Giacobbi. Leurs jours sont sans doute comptés !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le rapporteur, on ne peut pas continuer à débattre si vous racontez n’importe quoi. Que je sache, Areva ne produit pas d’énergie.

Vous n’êtes pas non plus autorisé à dire que M. Fabius ou M. Strauss-Kahn auraient indiqué qu’il fallait privatiser Gaz de France. Je vous mets au défi de trouver une seule déclaration en ce sens.

Ce n’est pas en utilisant des arguments fallacieux que vous arriverez à nous convaincre. Je comprends que vous soyez gêné puisque nous avons pointé du doigt la totale discordance entre ce projet de loi et le texte que la majorité a voté il y a peu. Mais vous feriez mieux de reconnaître que vous êtes obligé de rompre avec vos engagements plutôt que multiplier les raisonnements spécieux.

Monsieur le président, pour toutes ces raisons, je demande, conformément à l’article 58, alinéa 3, du règlement, que la séance soit suspendue dès que nous aurons voté sur les amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 563 à 712.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en arrivons à une nouvelle série d’amendements identiques, n°s 1013 à 1162.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Avant que notre discussion ne soit interrompue, vous avez, monsieur le rapporteur, exprimé le souhait d’entendre M. Strauss-Kahn ou M. Fabius venir défendre eux-mêmes leurs amendements. Je vous rappelle que nombre de mes collègues réclament de leur côté, depuis quelque temps déjà, l’audition de M. Sarkozy pour qu’il s’explique sur ses déclarations de juin 2004, ainsi que celle de quelques parlementaires du groupe UMP qui ne figurent pas parmi les participants à ce débat.

Pour ma part, je serais tenté de demander à M. le ministre, après le rejet de l’amendement précédent, dans quel délai le Gouvernement a l’intention de saisir la représentation nationale du projet de loi instituant la privatisation d’EDF. Ce serait logique qu’un tel projet de loi figure déjà dans son calendrier.

L’amendement que j’ai l’honneur de défendre propose qu’EDF demeure une entreprise nationale. Ce souhait, ce vœu, cette volonté ont certes déjà été exprimés à plusieurs reprises dans cet hémicycle, mais il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Voilà pourquoi, avec mes collègues, nous les réitérons.

Le groupe socialiste croit en la nécessité d’un pôle énergétique national, dont les piliers seraient EDF et GDF, d’abord pour pouvoir assurer les missions de service public, d’équipement, de distribution, essentielles à la vie du pays et au dynamisme de l’économie. Seule, à notre sens, une entreprise publique est en mesure d’assumer le formidable effort qui sera indispensable pour construire les équipements futurs et innovants afin de remplacer progressivement nos unités de production d’énergie qui, pour beaucoup d’entre elles, vous le savez, sont en fin de vie ou proches de l’être.


Le deuxième impératif, sur lequel je me permets d’attirer votre attention, monsieur le ministre, c’est le formidable effort de recherche dans le domaine de l’énergie qui va être nécessaire pour passer le cap fatal de « l’après–pétrole ». Dans tous les établissements de l’éducation nationale, depuis le collège jusqu’aux universités et aux écoles diverses, en passant par le lycée, voilà trente ans que l’on enseigne que nous n’avons plus de pétrole que pour vingt ans. Cette affirmation, qui n’a pas encore été complètement vérifiée, va finir par l’être. Il n’y a pas de gisement fossile, aussi riche soit-il, en charbon, en lignite, en pétrole ou en gaz, qui soit inépuisable. L’un des plus importants d’Europe, celui de Lacq, a duré environ un demi-siècle et les autres connaîtront le même sort. Il va donc falloir passer à autre chose. Et qui consentira cet effort de recherche sinon une entreprise publique ? En effet, les équipements de recherche à long terme, c’est-à-dire de recherche fondamentale, sont fort coûteux et les entreprises privées, soumises aux pressions de leurs actionnaires, ont en général d’autres finalités. Il est pourtant indispensable que cet effort de recherche soit accru pour préparer le passage aux énergies de demain, renouvelables ou innovantes.

Enfin, EDF doit demeurer une entreprise publique afin que les plus défavorisés de nos concitoyens continuent de bénéficier des mesures d’accompagnement social qui leur sont indispensables. Vous comprendrez donc que nous tenions à ce que ces amendements soient adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements. Je rappelle que le projet de loi ne modifie pas la part de l’État dans le capital d’Électricité de France et que cette entreprise participe à l’indépendance énergétique de la France grâce notamment à son parc électronucléaire, que nous entendons non seulement maintenir mais développer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous l’ai dit, on peut avoir de larges moyens d’action sur GDF avec 34 % de son capital. Mais là, nous ne sommes pas du tout dans le même cas. EDF est une entreprise productrice, ce que GDF n’est pas, et de surcroît une entreprise productrice d’énergie nucléaire. C’est une différence très importante. C’est la raison pour laquelle il ne peut être envisagé de privatiser Électricité de France.

M. Christian Bataille. Si vous gagnez la présidentielle, vous le ferez !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le ministre nous fait cette annonce sans emphase et je serais tenté de le croire plus facilement que quelqu’un qui s’exprime avec grandiloquence et qui fait l’inverse de ce qu’il a dit quelques mois après. Ce n’est pas l’emphase qui fait l’engagement ; c’est la sincérité et l’honnêteté de ceux qui l’expriment. Je vous renvoie aux propos tenus par M. Sarkozy en 2004, que cela soit sur la privatisation de GDF ou sur les retraites des salariés de l’énergie électrique et gazière.

M. le président de la commission m’a dit tout à l’heure en aparté : « Vous ne devriez pas traiter M. le rapporteur comme vous le faites, ce n’est pas bien. C’est un homme qui fait ce qu’il peut. Il fait son travail avec beaucoup de sérieux. » J’admets que vous n’avez pas vraiment employé ces mots-là, monsieur le président, mais j’ai compris que c’est ce que vouliez dire.

M. Patrick Ollier, président de la commission. J’ai parlé du regard amical que je portais sur lui.

M. François Brottes. A un moment, M. le rapporteur ne cessait de parler d’« obstruction » en sautant comme un cabri. Il a dû chercher autre chose. Au début, il ne voulait pas nous répondre. Maintenant, il le fait et nous apprécions, mais ce qu’il nous dit frise toujours la caricature ou le mensonge, et je pèse mes mots. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. Nous n’avons pas le même vocabulaire !

M. François Brottes. Tout à l’heure, nous avons rappelé que la loi de 2005 précisait que les entreprises publiques nationales étaient garantes de la bonne mise en œuvre du service public de l’énergie. Et M. le rapporteur m’a répondu, avec le sérieux qui le caractérise, qu’il en resterait tout de même deux une fois que l’on aura privatisé Gaz de France : EDF et Areva. Je ne connais pas aussi bien les dossiers que lui mais, autant que je sache, il nous rabâche à longueur de temps que ce sont les contrats de service public qui sécurisent la mise en œuvre du service public de l’énergie. Quant à nous, nous considérons que ce qui est dans le contrat doit être dans la loi parce que c’est beaucoup plus sûr pour les usagers que le contrat lui-même, qui peut être réaménagé sans même que le Parlement soit informé. Mais je ferme cette parenthèse et je vous demande, monsieur le rapporteur, de nous dire où se trouve le contrat de service public entre l’État et Areva sur la bonne mise en œuvre du service public. Je serais curieux d’en avoir connaissance. Cela me permettrait de ne pas poser de questions inutiles à l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre délégué, vous avez dit à plusieurs reprises, en commission notamment, que l’heure était venue pour les entreprises du secteur énergétique de proposer des offres doubles : gaz et électricité. C’est l’une des raisons que vous donnez pour justifier la fusion GDF-Suez. Je vous crois. Mais cela veut dire que le concurrent national, EDF, sera contraint, lui aussi, de faire une offre semblable,…

M. le ministre délégué à l’industrie. Il le fait déjà.

M. Daniel Paul.… de la développer en tout cas, sous peine de se faire tondre la laine sur le dos, d’autant que le groupe fusionné disposera du fichier des millions d’abonnés de GDF. Une fois Gaz de France privatisé, quel autre partenaire gazier public EDF trouvera-t-elle ? Il n’y en a pas beaucoup qui soient d’une taille suffisante permettant, je ne dirai peut-être pas un mariage, mais une collaboration, une coopération, une entente. Il lui faudra donc trouver un partenaire gazier privé. Je vais maintenant me répéter, parce que nous faisons du psittacisme, comme le dit souvent l’un des vôtres, du psittacisme parlementaire.

M. Michel Piron. Aigu parfois !

M. Daniel Paul. Aigu, oui, chronique même, mais l’instituteur que je suis sait que la répétition est l’un des éléments primordiaux de la pédagogie.

M. Christian Bataille. Tout à fait !

M. Michel Piron. Non !

M. Daniel Paul. Vous n’étiez pas instituteur, cher collègue !

M. Michel Piron. J’ai enseigné !

M. Daniel Paul. On peut alors craindre qu’EDF ne subisse le même sort que GDF et ne soit privatisée à son tour. Les actionnaires de Suez ne voulaient absolument pas d’une nationalisation.

M. le ministre délégué à l’industrie. Cela coûte trop cher !

M. Daniel Paul. Selon l’analyse d’un fonds de pension, la solution, c’est d’endetter GDF et de lui demander de racheter Suez puis de revendre quelques-uns des plus beaux actifs.

Il faudra donc privatiser EDF avant le mariage avec un partenaire gazier. Voilà à quoi mènera la politique que vous poursuivez actuellement, une politique dangereuse pour GDF, qui doit rester dans le giron de l’État, pour EDF, pour le pays et pour notre économie, une politique contre laquelle nous résistons dans cet hémicycle et ailleurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Edison est déjà partenaire d’EDF pour le gaz.

M. Pierre Ducout. Un gros acheteur !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cela ne change rien au statut d’EDF.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Brottes feint de l’ignorer, mais on ne peut pas nier qu’Areva est désignée par la formulation de la loi de 2005 : « La politique énergétique repose sur un service public de l’énergie qui garantit l’indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. » En effet, Areva est un élément de service public qui assure l’indépendance énergétique de la France.

M. François Brottes. Elle serait donc liée à l’État par un contrat de service public ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour ce qui concerne l’organisation des services publics, il y a effectivement un contrat, prévu par la loi de 2004, pour EDF et GDF, mais rien ne justifie un contrat spécifique pour Areva, qui fait partie de la sphère d’intervention des pouvoirs publics et, à ce titre, concourt au service public au titre de l’indépendance énergétique de notre pays.

M. Christian Bataille. C’est fumeux !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 713 à 862.

La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Ces amendements posent le principe du caractère public de l’entreprise GDF. Ils visent à écrire dans la loi que « la sécurité d’approvisionnement nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale. » Nous ne sommes pas les seuls à le penser.

Si nous devions justifier ces amendements, il suffirait de rappeler les propos tenus par M. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Dans une analyse resserrée, il dit trois choses. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Vous l’avez déjà dit cent fois !

M. Maxime Bono. La répétition est le fondement de la didactique, chers collègues, et je ne désespère pas de convaincre encore quelques-uns d’entre vous !

Que dit, en bref, M. Stiglitz ? Que la privatisation de GDF est une idée stupide et inutile puisque la France à un bon système, juste, à bas prix, efficace et très fiable. Puisque ce système n’est pas cassé, pourquoi le réparer ? C’est la question qu’il pose. Il dit aussi – c’est important – que l’on a vu ce qui s’est passé aux États-Unis quand on a dérégulé le secteur de l’énergie et – c’est encore plus important, me semble-t-il – que si la France connaît une telle réussite dans le domaine de l’énergie, c’est parce qu’il y a un état d’esprit public qui attire des gens qualifiés. Il conclut qu’ouvrir la voie à la privatisation reviendrait, pour le Gouvernement, à se priver de marges de manœuvre dans un secteur si sensible.


Mes chers collègues, je comprends qu’une telle déclaration vous irrite, mais celle que je vais vous lire à présent le fera sans doute bien davantage. Le 15 juin 2004, souvenez-vous, M. Sarkozy a annoncé solennellement dans cet hémicycle, non sans emphase : « Au lendemain de l’adoption du statut que je vous propose, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l’État. Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. »

On connaît la suite. Aujourd’hui, dans l’exposé des motifs du projet de loi, on lit que « la fusion de ces deux entreprises – il s’agit de Gaz de France et de Suez – conduit mécaniquement l’État à se diluer dans un nouvel ensemble ». Voilà où nous en sommes : l’État se dilue. Où donc est la puissance publique ? Et en quoi ce nouvel ensemble pourrait-il garantir une sécurité d’approvisionnement ?

Chacun sait que les réserves propres détenues par Suez sont inexistantes. La fusion ne permettra en aucun cas de sécuriser les approvisionnements gaziers français. En effet, même si la concentration des entreprises peut procurer certains avantages, notamment dans le processus d’achat, leur situation restera très inférieure à la position dominante des producteurs mondiaux de gaz.

Nous ne comprenons pas, mes chers collègues, que, malgré nos remarques avisées tendant à vous démontrer la faiblesse technique de la fusion-privatisation de Gaz de France et de Suez, et malgré l’inexistence de la contribution stratégique du groupe Suez en ressources gazières et son peu d’influence probable sur la sécurité des approvisionnements, vous persistiez dans votre volonté. Nous le comprenons d’autant moins qu’aucun groupe parlementaire ne dégage de consensus favorable à cette fusion, que les Français y sont très majoritairement hostiles, que le groupe Suez est sceptique et que la Commission nous a adressé la lettre de griefs dont nous avons longuement parlé.

C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement tendant à écrire dans le projet de loi que « la sécurité d’approvisionnement nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avons enregistré tout à l’heure avec beaucoup de plaisir et d’intérêt que l’opposition levait le pied et s’engageait à renoncer à ses manœuvres d’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je souhaiterais qu’elle profite de l’interlude qui séparera notre séance de celle de ce soir pour mettre un peu d’ordre dans ses amendements. Qu’on m’explique, en effet, la différence entre celui que nous avons précédemment repoussé et celui qui est actuellement en discussion. Le premier proposait d’insérer dans le texte la phrase : « L’indépendance énergétique nationale nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale » ; le second, la phrase : « La sécurité d’approvisionnement nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale. » Quelle différence réelle y a-t-il entre « l’indépendance énergétique » et « la sécurité d’approvisionnement » ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Ce sont deux notions différentes !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour en venir au fond, je signale que le projet de loi qui vous est soumis et qui doit conduire, après la privatisation de Gaz de France, à la fusion avec Suez, permet justement de mieux sécuriser nos approvisionnements. Il renforcera en effet la position de cet ensemble gazier en amont, où la faiblesse de deux sociétés distinctes fait actuellement peser un risque sur notre indépendance. La fusion consolidera ainsi notre position. Le président de la commission et le ministre l’ont très bien expliqué, notamment à propos du gaz naturel liquéfié.

M. Pierre Ducout. Vous pratiquez l’amalgame !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ainsi, grâce au projet de loi, nous atteindrons autrement et beaucoup mieux l’objectif que poursuit l’amendement.

Une dernière précision : depuis mardi, nous entendons régulièrement citer les propos de M. Stiglitz, qui est intervenu hier matin sur une radio nationale et que l’on nous présente comme un prix Nobel d’économie. Loin de moi l’idée de minimiser ses mérites, mais je signale qu’un tel prix n’existe pas.

M. Paul Giacobbi. Certes, il n’y a pas de prix Alfred Nobel de l’économie, mais celui qu’a reçu M. Stiglitz est considéré comme tel.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le prix qu’il a reçu est accordé à l’occasion de l’attribution des prix Nobel par la Banque centrale de Suède. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt. C’est un générique !

M. François Brottes. En tout cas, ce prix ne vous a pas été décerné, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Mais je n’aurais pas pris la parole pour apporter cette seule précision ; j’en viens donc au fond. Bien que je n’aie pas écouté Joseph Stiglitz et que je me sois contenté de lire sa déclaration, il est manifeste que cet économiste, qui est américain, comme l’ont souligné les députés du groupe communiste, ne connaît pas notre système électrique et gazier. Il a parlé de Gaz de France en se référant en fait au système électrique américain. Quand on s’exprime sur un sujet, mieux vaut savoir de quoi on parle. Sa démonstration était complètement à côté du sujet.

M. Christian Bataille. En tout cas, il a réfuté la vôtre !

M. Paul Giacobbi. M. Stiglitz sait tout de même de quoi il parle !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Il est assez savoureux d’entendre tant de commentaires sur M. Stiglitz depuis hier. Je ne sais pas s’il est vraiment prix Nobel ou s’il ne l’est pas tout à fait, mais il a été vice-président de la Banque mondiale et, dans le livre qu’il a consacré à cette expérience, il s’est plaint amèrement de n’avoir rien pu faire quand il était en fonction.

M. François Brottes. Vous voulez parler de M. Sarkozy ?

M. le ministre délégué à l’industrie. À présent, voilà qu’il plaide pour la suppression de la Banque mondiale, ce qui serait dommage, puisque cette institution internationale aide beaucoup les pays en voie de développement. Pour ma part, je ne considère pas que ceux qui veulent supprimer les organisations dans lesquelles ils n’ont pas parfaitement réussi – et qui, du reste, sont probablement perfectibles – soient les mieux placés pour donner des conseils.

M. Christian Bataille. Si quelqu’un n’est pas de votre avis, il est forcément mauvais !

M. le ministre délégué à l’industrie. Par ailleurs, je pense que ses déclarations visaient en fait les auditeurs américains.

M. Gérard Bapt. Justement : M. Sarkozy est aux États-Unis !

M. le ministre délégué à l’industrie. Son analyse porte sur son pays. De ce point de vue, d’ailleurs, elle est intéressante. En outre, il reconnaît que, conformément aux méthodes françaises, la place de l’État dans le domaine de l’énergie est importante, avis que nous souhaitons prendre en compte.

M. Pierre Ducout. Alors pourquoi y renoncer ? Où est la cohérence ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous pensons simplement que la situation de Gaz de France, grâce à ses 34 % et au dispositif de golden share, sera meilleure qu’aujourd’hui.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. À l’évidence !

M. le ministre délégué à l’industrie. Une question se pose toutefois, mais je ne pense pas que M. Stiglitz soit assez fin connaisseur de la situation interne de la France pour la résoudre.

M. Paul Giacobbi. Vous trouveriez son avis pertinent s’il allait dans votre sens !

M. le ministre délégué à l’industrie. Notre discussion me paraît plus importante et c’est elle qui décidera de l’attitude à tenir.

Par ailleurs, je répète que ce n’est pas le fait d’être public qui garantit la sécurité d’approvisionnement, mais la capacité qu’a un grand acheteur de peser sur les marchés internationaux et de se situer en amont du secteur gazier.

M. Pierre Ducout. Précisément : seul l’État est un grand acheteur !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous ai nommé les trois pays qui possèdent d’importantes réserves de gaz. Il s’agit en effet d’une ressource très concentrée. Au cours d’une négociation comme en mènent Gaz de France ou d’autres pays…

M. Pierre Ducout. Vous voyez bien : ce sont les pays qui négocient !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis bien placé pour vous en parler et vous feriez mieux d’écouter. Quand on négocie avec ces trois pays, c’est l’importance du montant que l’on peut consacrer à un gisement ou à l’acquisition d’un contrat à long terme qui est décisive. Autant dire que c’est la taille qui garantit l’indépendance et non le statut.

M. Pierre Ducout. Dans ce cas, il vaudrait mieux consolider Gaz de France !

M. le ministre délégué à l’industrie. D’où nos propositions d’évolution, avec lesquelles M. Stiglitz serait certainement d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. À chacun ses références. Nous avons longuement cité M. Stiglitz, dont les déclarations nous ont paru intéressantes, ce qui est un peu gênant pour vous.

M. Gilbert Meyer. Pas du tout !

M. Michel Piron. M. Stiglitz est votre dernière pythie !

M. Jean Gaubert. En effet, cet observateur extérieur qui, peut-être à tort, a jugé parfaitement opérant le système en place, conseille d’y regarder à deux fois avant de le démolir.

Mais vous aussi, vous avez vos auteurs de référence, dont les avis changent parfois. Un grand journal du soir nous a ainsi appris que, pour le Moyen-Orient, M. Sarkozy s’est aligné sur la position de George Bush. Je tiens à le rappeler, au moment où vous nous reprochez les déclarations que nous citons.

Au reste, M. Sarkozy à dû s’ennuyer profondément dans le bureau où on l’a reçu, qui n’était pas le bureau ovale, puisqu’il a évalué la durée de l’entretien à quarante minutes, alors que les conseillers de George Bush ont parlé d’une conversation de vingt-cinq minutes ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste. – Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Au reste, cette déclaration n’a rien de valorisant pour M. Bush !

M. Paul Giacobbi. M. Sarkozy ne parle pas anglais.

M. Bernard Schreiner. C’est petit !

M. Michel Piron. Quel est le rapport avec notre débat ?

M. Jean Gaubert. Nous nous en éloignons, je vous l’accorde. Le plus grave est ce nouveau changement stratégique important qui intervient dans la politique de la France. S’aligner sur George Bush à propos du Moyen-Orient, n’est-ce pas condamner la position française au moment de l’ouverture des hostilités en Irak ?

M. Jean-Pierre Soisson. Si cela continue, vous allez nous parler de football !

M. Bernard Schreiner. Arrêtez de broder !

M. Jean Gaubert. Au sein de notre débat, je relève un autre virage. M. Loos s’évertue, comme le fait de temps en temps M. Breton, à marteler que la seule chose qui importe et doit être débattue ici est la privatisation de GDF. Ensuite, ce groupe fera les alliances qu’il veut. Nous n’avons cessé d’entendre ce type de déclaration.

Mais, de son côté, M. le rapporteur vient de prononcer un plaidoyer extraordinaire pour la fusion avec Suez en indiquant qu’elle permettra d’obtenir une capacité d’achat supérieure.

L’heure du repas approche. Profitez-en, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, pour vous mettre d’accord une fois pour toutes.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous ne dînerons pas ! Le travail, rien que le travail…

M. Jean Gaubert. Vous aurez donc davantage de temps. Je vous conseille, quoi qu’il en soit, de vous mettre d’accord. Cela nous évitera de vous interroger à de multiples reprises pour connaître votre position. Y aura-t-il – oui ou non – fusion ? L’un prétend que ce n’est pas sûr ; l’autre, qu’elle sera utile. Éclaircissez donc ce point important.

Enfin, monsieur le rapporteur, j’aimerais connaître réellement votre avis. Vous savez, comme nous tous, que des compensations très fortes seront demandées. On parle pour Gaz de France de cessions au moins équivalentes aux quantités de gaz que Suez apportera dans sa corbeille. Nous ne comprenons donc toujours pas votre position.

M. Paul Giacobbi. Nous avons le droit de savoir !

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas faire de l’obstruction que de vous avouer que nous n’avons toujours pas compris les raisons qui vous poussent à conclure ce mariage contre nature.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais revenir sur une question du rapporteur afin de satisfaire sa curiosité. L’indépendance énergétique nationale est menacée lorsqu’on met en situation de concurrence effrénée Gaz de France et EDF, comme vous êtes en train de le faire. Quant à la sécurité de l’approvisionnement, elle relève d’une autre problématique. J’espère avoir éclairé votre lanterne, monsieur le rapporteur. L’indépendance énergétique nationale et la sécurité d’approvisionnement doivent être distinguées.

À ce sujet, les propos tenus aujourd’hui même par M. Cirelli révèlent qu’il espère obtenir de l’État un rattrapage des tarifs réglementés. En tant que premier acheteur gazier en Europe, il confirme que la fixation des prix du gaz est totalement dépendante des cours du pétrole. N’est-ce pas la preuve que ce n’est pas en augmentant de 4 % notre capacité d’achat sur le marché européen que nous ferons baisser les prix ? Arrêtez de répéter cet argument ! Le prix du gaz restera indexé sur celui du pétrole.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci de le reconnaître. Nous ne cessons de le dire depuis le début !

M. François Brottes. On peut le regretter et trouver cela injuste ou anormal, puisque ces deux ressources n’ont pas grand-chose à voir l’une avec l’autre, mais il en est toujours allé ainsi sous tous les gouvernements. L’existence d’une fusion entre Gaz de France et Suez ne modifiera en rien les cours du pétrole.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.


M. Daniel Paul
. Monsieur le rapporteur, au cours de l’émission diffusée hier matin sur France Inter, M. Stiglitz a été présenté par tous les journalistes économiques comme un lauréat du prix Nobel d’économie. Il a en outre occupé des fonctions importantes dans divers organismes et auprès du Président Bill Clinton, qui font de lui un observateur avisé de la situation des ressources énergétiques dans le monde. Certes, il n’a pas évoqué la situation particulière d’EDF et de Gaz de France,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On s’en est aperçu !

M. Daniel Paul. …mais il a insisté sur le principe du rôle prépondérant de la puissance publique dans le secteur énergétique. Le Gouvernement me paraît bien présomptueux de refuser les conseils d’une personnalité aussi éminente, dont M. le rapporteur est allé jusqu’à contester la qualité de prix Nobel. Il est vrai qu’il n’écoute que les libéraux – et je salue à ce propos l’arrivée de M. Novelli.

Vous refusez également, monsieur le ministre délégué, de tirer le bilan des politiques menées depuis quelques années aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne, politiques qui ont pourtant conduit à des catastrophes. Vous n’acceptez que la compilation de déclarations qu’a réalisée le rapporteur de la commission des affaires économiques.

Vous n’écoutez pas non plus le pays. Je rappelle que 94 % des gaziers sont opposés au projet.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. La consultation a été organisée par la CGT !

M. Daniel Paul. Bien entendu, le résultat est contesté par les directions, qui prétendent que la consultation ne serait pas représentative et que l’abstention aurait été élevée. Bref, cela ne vaut rien du tout – si vous ne l’avez pas dit, vous l’avez pensé très fort. Quant aux Français, 43 % d’entre eux accepteraient une ouverture du capital à condition que l’État reste majoritaire et 38 % veulent que GDF reste une entreprise publique. Au total, 81 % de Français sont donc hostiles à votre projet : ce n’est pas négligeable. Certes, ils n’étaient pas tous dans la rue hier,…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est sûr !

M. Daniel Paul. … mais vous savez comme moi que le feu couve.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Avec le gaz, il y a danger !

M. Daniel Paul. Vous ne prenez pas en compte les risques recensés par la Commission européenne dans sa lettre de griefs, que vous négligez tout en nous en interdisant l’accès.

M. Paul Giacobbi. Ils la cachent !

M. Daniel Paul. Vous négligez également les exigences que pourront avoir les actionnaires de Suez, une fois que vous aurez fait le sale boulot de la privatisation, et auxquelles vous ne semblez pas prêts à résister. M. Novelli nous proposera même probablement d’abaisser la part de l’État dans le capital de GDF en deçà de 34 %.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Pas exactement.

M. Daniel Paul. Vous nous expliquerez cela dans le détail, cher collègue, et nous aurons le plaisir de voter contre votre proposition.

Bref, votre obstination est extrêmement périlleuse pour le service public de l’énergie en France.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 713 à 862.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de 149 amendements identiques, nos 1163 à 1312.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Nous contestons la capacité du marché à prendre en compte l’intérêt général ; cela va de soi, mais il est bon de le rappeler. L’intérêt général n’a jamais été la somme des intérêts particuliers et les appétits privés se gaussent des exigences collectives. Je n’ai personnellement aucun préjugé contre le secteur privé, dans lequel j’ai fait ma vie, mais nous savons d’expérience qu’il est des activités qui ne sont pas à mettre entre les mains des marchands. L’énergie en fait partie, notamment l’électricité, qui n’est pas un bien comme les autres. M. Couanau l’a fort bien dit avant moi, ajoutant la mise en garde suivante, que je fais mienne : « Les marchés financiers échappent presque totalement à l’intervention des responsables politiques et personne ne peut prévoir ce que donneront les quelques précautions aléatoires prises par le législateur pour éviter les dérives. » La nécessité de mettre l’indépendance énergétique de la France à l’abri de la voracité des méga groupes, de la jungle de la Bourse, des OPA et des arrangements douteux justifie amplement ces amendements. Ceux-ci s’inscrivent d’ailleurs dans la même lignée que les amendements nos 3108 à 3140, qui posaient le principe selon lequel EDF est un instrument fondamental de la vie du pays. Les caractéristiques et les singularités des activités énergétiques exigent bel et bien qu’EDF reste une entreprise publique.

Le temps des entreprises publiques incapables de se développer dans une économie de marché est révolu. Certaines ont acquis un rôle majeur ou sont devenues leaders dans leur secteur sous la bannière de l’État, notamment EDF, GDF, Air France, la SNCF, France Télécom, La Poste et Areva.

S’agissant du maintien d’EDF dans le giron public, la loi du 13 juillet 2005 comme les déclarations de M. Sarkozy sont claires : c’est le caractère public des entreprises qui garantit la sécurité d’approvisionnement. Au reste, les exemples étrangers, notamment américains – je pense au black-out qu’a connu New York il y a deux ans ou à la panne catastrophique qui a eu lieu en Californie – illustrent les avantages que présente notre système. Les entreprises elles-mêmes nous le disent : EDF garantit un prix et une qualité de service essentiels pour la compétitivité de la France, donc pour l’emploi.

Enfin, je rappelle que, le 15 juin 2004, M. Sarkozy déclarait ici même : « Au lendemain de l’adoption du statut que je vous propose, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l’État. Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées. » Si M. Sarkozy a perdu la mémoire, nous lui écrirons ses souvenirs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur le président, je ne veux pas prolonger les débats. Pour les raisons que j’ai exposées lors de l’examen d’amendements similaires relatifs à Gaz de France, j’invite l’Assemblée à repousser ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1163 à 1312.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de 149 amendements identiques, nos 863 à 1012.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ces amendements, qui relèvent du même esprit que les précédents, visent à rappeler la nécessité de voir Gaz de France rester une entreprise publique nationale, afin de garantir la cohésion sociale et territoriale – qui devrait être chère à tous les élus, en particulier de zones rurales ou défavorisés – en assurant l’accès de tous à l’énergie.

Alors que la fracture numérique est en passe d’être réduite grâce à l’intervention des collectivités locales, notamment les conseils généraux et les conseils régionaux, la privatisation de Gaz de France rouvrira la fracture énergétique. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que la privatisation de GDF et son mariage avec Suez augmenteraient ses capacités d’investissement. Or qu’apprenons-nous dans la presse d’aujourd’hui ? Les résultats de l’entreprise sont excellents, qu’il s’agisse de l’excédent brut d’exploitation ou de l’augmentation de 30 % du cash-flow, jusqu’à 3,4 milliards d’euros. GDF, dont la dette nette ne s’élève qu’à 1,3 milliard d’euros pour des fonds propres de 15,8 milliards, peut donc se targuer de disposer de capacités d’investissement. Or nous doutons qu’elle les conserve une fois privatisée. En effet, lorsque l’on examine les comptes des sociétés du CAC 40 qui ont engrangé des profits records au cours des toutes dernières années, on remarque que leurs investissements ont diminué au profit de la rémunération des actionnaires, de la distribution de dividendes, de l’augmentation du cash-flow et du rachat complètement anti-économique de leurs propres actions afin d’en maintenir le cours. Voilà ce qui arrivera à Gaz de France si sa funeste privatisation et son mariage contre nature avec Suez étaient décidés.

Outre notre inquiétude concernant les tarifs, nous voulions insister sur la nécessité de garantir la cohésion sociale et territoriale, ce grand principe républicain, ce grand acquis de la Libération. Mais les références au gaullisme ne faisant plus trop vibrer les bancs de la droite (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je rappellerai la déclaration du leader actuel de la principale formation de la majorité, M. Sarkozy, qui souhaite occuper les plus hautes fonctions. Celui-ci affirmait le 15 juin 2004 : « Au lendemain de l’adoption du statut que je propose, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l’État. Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées. » Nous prenons les Françaises et les Français à témoin : quel crédit accorder à un homme qui peut se déjuger ainsi ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Permettez-moi de vous apporter quelques précisions, monsieur Bapt. La cohésion sociale implique qu’un même tarif soit appliqué à tous et la cohésion territoriale que le même service existe pour tous au plan national. Or il n’existe pas de tarif national du gaz, mais des tarifs par zone, et ce depuis 1946 – et je ne pense pas que l’amendement ait pour ambition de corriger cette disposition.

M. Jean Gaubert. Pourquoi ne ferait-on pas mieux ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. De même, s’il existe un réseau national distribuant l’électricité sur l’ensemble du territoire, ce n’est pas le cas pour le gaz : seule une partie des Français sont raccordés au réseau de Gaz de France.

M. Christian Bataille. Les choses s’amélioreront grâce au GPP !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement n’ayant donc aucune chance de pouvoir s’appliquer, mieux vaut le repousser.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.


M. Robert Lecou
. Puisque nous débattons sur le fond, je veux témoigner du fait que la cohésion du territoire n’est pas assurée aujourd’hui. Ainsi ma commune n’est-elle pas raccordée au réseau de Gaz de France, parce que ce ne serait pas assez rentable. Il faut le dire : Gaz de France ne va pas partout.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ce n’est pas parce que le réseau ne dessert pas complètement le territoire que nous ne devons pas faire preuve de volontarisme pour améliorer les choses ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je veux rappeler que Gaz de France, entreprise publique, a mis en place sous l’impulsion du Gouvernement un plan volontariste de raccordement des communes. Si nous avions eu affaire à une entreprise privée, ce plan n’aurait même pas été envisagé ! Donc, s’il est vrai que le gaz n’arrive pas partout, il faut reconnaître qu’il dessert beaucoup plus d’endroits que si Gaz de France n’avait pas été contraint par les pouvoirs publics de faire un effort – sans forcément perdre de l’argent, mais sans non plus avoir le souci de distribuer des dividendes.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais GDF paye ses dividendes à l’État, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Une fois de plus, vous faites erreur, monsieur le rapporteur, car si l’électricité va partout, il arrive qu’elle soit produite à partir de gaz. Auquel cas, le gaz contribue bien à la desserte du territoire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Le gaz ne produit sûrement pas beaucoup d’électricité en France !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il doit y avoir trois ampoules en France alimentées à partir du gaz !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 863 à 1012.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 1313 à 1462.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Cet amendement présente une certaine ressemblance avec les précédents… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Une ressemblance fortuite !

M. Paul Giacobbi. Aussi vais-je essayer de le présenter rapidement.

Je voudrais d’abord souligner que je trouve un peu légères les accusations portées contre Joseph Stiglitz, au motif qu’il n’aurait pas reçu le prix Nobel. Si tel est le cas, c’est tout simplement parce qu’il n’existe pas, à strictement parler, de prix Nobel d’économie – ni de mathématiques, d’ailleurs – mais un « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en la mémoire d’Alfred Nobel », considéré aux yeux du monde entier comme son équivalent. Se voir décerner une telle distinction n’empêche certes pas de dire des bêtises – ainsi Gunnar Myrdal déclarait-t-il en 1973 que deux pays ne décolleraient jamais, la Chine et l’Inde ! – mais tel n’a jamais été le cas de Joseph Stiglitz. Et ce gouvernement ferait bien de ne pas donner autant de leçons d’économie à un Prix Nobel de la discipline, ou de management à Mittal comme l’a fait récemment M. Breton, car ces leçons nous ridiculisent aux yeux du reste du monde.

J’en reviens à notre amendement, qui vise à ce qu’Électricité de France demeure une entreprise publique nationale afin de garantir la cohésion sociale et territoriale. Je ne répéterai pas pour la énième fois ce qui a déjà été dit au sujet de Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais été autant cité dans cet hémicycle que cet après-midi, mais vous conviendrez que lorsqu’un responsable politique dit une chose et son contraire à moins de deux ans d’intervalle, il est normal de le relever et de s’en inquiéter. Qu’est-ce qui a pu le conduire à ce reniement ? Il doit y avoir des raisons extrêmement fortes pour qu’il ait changé d’avis. Il importe de les connaître car, comme on le sait depuis deux mille ans, les reniements vont souvent par trois et EDF pourrait bien en faire prochainement les frais.

On a entendu beaucoup de choses au sujet de ces raisons. À mon sens, la seule véritable est l’initiative prise par le groupe Suez. Il a suffi, comme il est dit dans l’exposé des motifs du projet de loi, que « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel porteur de croissance et d’investissements qui suppose la fusion de ces deux entreprises. Le Gouvernement français a indiqué qu’il apportait son soutien à ce projet… » – il n’en a donc pas eu l’initiative, mais s’est contenté de le soutenir – « …et présente donc au Parlement les dispositions législatives permettant sa mise en œuvre. » On ne peut pas mieux dire, mes chers collègues, que nous sommes là pour accomplir ce que l’on appelle ailleurs une formalité juridique – ce que, pour notre part, nous ne souhaitons pas faire.

On voit que peu de chose suffit à revenir sur un engagement solennel, pris la main sur le cœur. Cela étant, il fallait tout de même trouver, en dehors de la vraie raison que je viens d’indiquer, un argument censé justifier cette décision. Cet argument, c’est que, privatisé et fusionné, Gaz de France pourrait peser davantage sur les prix d’approvisionnement, ce qui est naturellement faux. Peut-on m’expliquer comment les volumes d’achat d’une énergie substituable au pétrole, sur un marché dominé par un oligopole de production – autant dire un duopole, la Russie et l’Algérie – pourraient influer en quoi que ce soit sur les prix d’achat ? On trouverait toujours un acheteur de substitution si le prix du gaz s’abaissait un tant soit peu par rapport à celui du pétrole. Il suffirait que la Chine et l’Inde s’associent pour faire baisser le prix du pétrole ?... Cela n’est naturellement pas le cas, un tel raisonnement n’a aucun sens !

L’initiative du reniement ne revient pas au Gouvernement, mais au groupe Suez : c’est écrit noir sur blanc dans l’exposé des motifs. À moins d’une erreur de typographie, ou à moins que je ne sache plus lire, l’explication n’est pas à chercher plus loin. L’intérêt de la déclaration de M. Cirelli ce matin – dans un journal réputé pour la précision de ses informations économiques, que je lis presque tous les matins depuis trente ans – est de nous indiquer comment cela s’est passé. Il indique ainsi qu’il y a eu accord sur le prix et la parité en février 2006 et qu’il n'y a eu aucun événement significatif, depuis l'annonce de l’opération, qui aurait modifié la valeur de Suez ou de Gaz de France et qui justifierait donc une révision des parités. Je suis profondément choqué par le fait qu’un chef d’entreprise, peu importe qu’elle soit publique ou privée, se permette d’annoncer dans le plus grand journal financier de la planète, sans que l’assemblée générale des actionnaires ait été consultée, qu’il a passé un accord sur une parité de fusion avec une autre entreprise ! Qu’il ne mesure pas les conséquences d’une telle déclaration est proprement confondant ! La dernière fois qu’une entreprise française, au demeurant soutenue par le Gouvernement avec un enthousiasme tout à fait extraordinaire, a cru pouvoir procéder de cette manière, cela s’est terminé par le versement d’une indemnité de 140 millions d’euros à un personnage russe sur lequel je préfère ne pas m’étendre ; je veux parler de l’affaire Arcelor.

C’est une véritable histoire de fous ! Que va-t-il se passer lorsque les actionnaires minoritaires des deux entreprises vont saisir leurs avocats ? La situation est proprement catastrophique, et sans doute vaudrait-il mieux laisser à GDF son statut d’entreprise publique – ainsi qu’à EDF – afin de garantir que de tels errements ne se reproduiront pas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Toute l’argumentation de notre collègue Giacobbi portait sur Gaz de France, alors que cet amendement est relatif à EDF. Ce n’est pas sérieux !

D’autre part, j’aurais souhaité que l’on entendît…

M. Daniel Paul. Ah ! Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …M. Strauss-Kahn défendre son amendement n° 1452, qui est aux antipodes de ce qu’il proposait il y a quatre ans.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 1313 à 1462.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 2676 à 2708.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. On pourrait penser que nos amendements constituent des pétitions de principe, mais tel n’est pas le cas. En réalité, ayant été échaudés par les volte-face d’éminents membres du Gouvernement depuis deux ans, nous tentons de parer à d’autres reniements en les amenant à renouveler régulièrement leurs vœux, comme le font les religieuses.

Il y a deux ans, M. Sarkozy disait : « Au lendemain de l’adoption du statut que je vous propose, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l'État. Je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées. » Certes, il avait parlé du lendemain, et pas du surlendemain. Peut-être aurions-nous dû être plus attentifs à cette subtile distinction ? Quoi qu’il en soit, vous comprendrez que nous soyons aujourd’hui d’autant plus vigilants et que nous vous demandions de réaffirmer qu’EDF doit demeurer une entreprise publique nationale. L’argument selon lequel ce principe est déjà écrit ne tient pas, puisqu’il existe des quantités de textes que vous avez vous-mêmes votés et dont vous ne tenez aucun compte ; vous oubliez notamment d’abolir les textes préexistants quand l’adoption d’une nouvelle loi rend en principe cette opération nécessaire, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes.

Sur le fond, cet amendement vise à souligner la nécessité pour la préservation de l’environnement qu’Électricité de France demeure une entreprise publique nationale. On sait que dans une entreprise privée, la compétition entre l’intérêt public et l’intérêt de l’actionnaire est permanente, et que l’intérêt de l’actionnaire l’emporte souvent, essentiellement parce qu’il se mesure tous les jours à la Bourse, alors que l’intérêt public est une notion qui se mesure sur le long terme. C’est d’autant plus vrai quand il est question de préserver l’environnement, qu’il s’agisse de la lutte contre l’effet de serre ou des énergies renouvelables, notamment parce que les investissements visant à préserver l’environnement sont souvent peu rentables sur le court terme ; or, un investisseur privé privilégiera toujours ce qui est susceptible de lui procurer une rentabilité immédiate.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2676 à 2708.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)