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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 14 septembre 2006

14e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements portant nos 3705 à 3854.

Nous allons poursuivre l’examen des amendements.

Avant l’article 1er (suite)

Mme la présidente. J’appelle les amendements identiques nos 3705 à 3584, portant article additionnel avant l’article 1er .

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous entrons dans une série d’amendements qui nous permettront de clarifier les termes d’un débat récurrent, dans le pays comme dans cet hémicycle, et qui vise à déterminer les responsabilités dans l’ouverture totale des marchés.

Je voudrais, plutôt que faire un long discours, simplement rappeler les propos du Président de la République sur les conclusions du sommet de Barcelone, dont Philippe Tourtelier, lundi dernier, a lu in extenso le compte rendu. Je ne recommencerai pas ce matin, je puis vous rassurer, monsieur le président de la commission, me contentant de reprendre un paragraphe de la déclaration du Président de la République : « Alors, nous avons, naturellement, accepté d’ouvrir le marché de l’électricité aux entreprises, parce qu’il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n’était pas de notre point de vue admissible, acceptable d’aller plus loin et, donc, c’est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions, qui réaffirment par ailleurs, ce qui était pour nous très important, les principes fondamentaux de notre principe essentiel de services publics. Et nous avons obtenu tout à l’heure que la Commission propose une directive-cadre sur le sujet des principes des services publics, directive-cadre qui devrait normalement être faite avant la fin de l’année. » Je ne vous lirai pas les déclarations du Premier ministre de l’époque, mais elles étaient concordantes avec celles du Président de la République.

Depuis lors, que s’est-il passé ? Alors même que le Président de la République et le Gouvernement français avaient obtenu qu’on procéderait au bilan de la première ouverture avant de décider de la suite, Mme Fontaine, en novembre 2002, c’est-à-dire après l’élection présidentielle et le changement de Gouvernement, a, lors d’un conseil des ministres européens sur l’énergie, non seulement tout abandonné en rase campagne mais encore assumé cet abandon en affirmant qu’il s’agissait avant tout de « démontrer que nous sommes de bons Européens » et que nous ne mettrions donc aucune condition à l’ouverture du marché aux particuliers le 1er juillet 2007. Je n’invente rien, même s’il ne s’agit pas exactement des mots qu’elle a employés – je pourrais retrouver la citation, mais je ne veux pas ralentir les débats. Elle est revenue sur le sujet dans deux déclarations officielles, la première devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée, la seconde dans l’hémicycle, en réponse à un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, M. Gonnot – il convient de rappeler les faits !

C’est pourquoi, si vous nous rejoignez dans notre interprétation des déclarations du Président de la République au sommet de Barcelone, vous nous rejoindrez également sur le vote de ces amendements identiques qui prévoient que « l’ouverture du marché de l’électricité est conditionnée par l’adoption préalable d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général ». Le texte de ces amendements ne faisant que reprendre les déclarations du Président de la République, je ne vois pas comment la majorité de l’Assemblée pourrait ne pas les voter, alors même que nous les proposons dans un esprit de conciliation, en vue de clore un débat sans objet. En effet, mes chers collègues, il existe suffisamment de sujets de désaccords entre nous pour continuer de nous déchirer sur ce qui avait été affirmé par le Président de la République et le Gouvernement de l’époque et faisait l’objet d’un consensus dans le pays.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques en discussion.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Avis défavorable.

Comment, en effet, ne pas être surpris par des amendements qui prévoient que l’ouverture du marché de l’électricité doit être conditionnée par l’adoption préalable d’une directive-cadre alors que, je tiens à le rappeler, le marché de l’électricité est ouvert depuis 2000 – c’est-à-dire depuis six ans ? Ces amendements n’ont donc aucune signification.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Ils sont hors sujet !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces mêmes amendements.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Avis défavorable.

Certes, il est exact que la France a demandé l’adoption d’une directive-cadre en la matière, mais nous n’avons pas obtenu suffisamment de ralliements à notre demande. C’est la raison pour laquelle, comme il n’y a aucun texte sur le sujet, nous ne saurions faire reposer le projet de loi sur l’adoption d’une directive inexistante, même à l’état de projet.

Par ailleurs, en ce qui concerne les déclarations de Mme Fontaine en 2002 sur l’ouverture des marchés, je tiens à souligner que nos efforts actuels tendent à une application tout à fait tempérée des directives européennes, puisque nous vous demandons de voter le maintien, dans le cadre de cette ouverture, des tarifs administrés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je note une différence de ton entre le rapporteur, qui, en ce qui concerne nos amendements, pratique la dénégation, et le ministre, qui reconnaît que les conclusions du sommet de Barcelone prévoyaient bien l’adoption d’une telle directive.

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas nous qui n’en avons pas voulu.

M. Jean Gaubert. Dans ces conditions, M. le ministre, la responsabilité du Gouvernement est de faire appliquer toutes les conclusions du sommet, car en ne revendiquant pas l’application d’un accord en son intégralité, on ne fait que capituler et discréditer un peu plus la politique auprès de nos concitoyens – un débat lui aussi récurrent dans notre pays. Il ne suffit pas, en effet, de se réjouir bruyamment d’un accord en proclamant : « c’est écrit ! » pour, ensuite, prendre prétexte du refus de ses partenaires pour ne plus revendiquer son application. Une telle attitude est anormale.

Certes, vous soulignez, monsieur le ministre, vos efforts visant à encadrer de la meilleure façon possible cette ouverture. Nous reviendrons sur le sujet, mais je tiens à vous préciser dès maintenant que nous ne vous ferons en la matière aucun procès d’intention. Toutefois, je pense que vous cherchez simplement à poser un voile qui, nous vous le démontrerons – et l’avons d’ailleurs déjà fait – se déchirera à la première occasion, notamment du fait de la volonté de la Commission de régulation de l’énergie, puisque les tarifs administrés devront augmenter beaucoup plus rapidement que le prix de revient pour finir par rejoindre le prix du marché. Telle est la réalité. Il ne suffit donc pas de prétendre que les particuliers pourront conserver les tarifs administrés, puisque ceux-ci ont vocation à être dévoyés.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. M. Gaubert a tout à fait raison de poser ces questions auxquelles le ministre a déjà répondu. Si j’interviens à mon tour, c’est que je tiens à ce que personne ne puisse se tromper sur les responsabilités de chacun.

Vous ne pouvez pas en effet prétendre, monsieur Gaubert, que le Gouvernement français est responsable du fait que la directive-cadre en question n’a pas été mise en œuvre par l’Union européenne, puisqu’il faudrait à son adoption la volonté, non pas de la Commission européenne, mais du Conseil européen lui-même, c’est-à-dire de l’ensemble des pays qui le composent.

On ne saurait donc imputer au Gouvernement français – le ministre l’a dit, mais je tiens à le répéter – le fait de ne pas avoir pris certaines décisions, dès lors que ses intentions – il ne m’appartient pas de les rappeler, le ministre s’étant déjà exprimé sur le sujet – n’ont pas été adoptées par le Conseil européen. Cela doit être clair dans l’esprit de chacun.

Cela étant, voilà une semaine, à raison de trois séances par jour, que vous revenez sur les mêmes thèmes, qui, je le sais, vous sont chers. Vous conviendrez toutefois que, dans ces conditions, nous nous trouvons dans l’obligation de vous apporter les mêmes réponses.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert, pour une brève intervention. Nous passerons ensuite au vote.

M. Jean Gaubert. Je souhaite en effet répondre au président de la commission afin de ne pas avoir à revenir sur le sujet dans la défense des amendements suivants.

Monsieur le président de la commission, le problème, précisément, c’est qu’on ait capitulé ! Mme Fontaine, arrivant dans un nouveau gouvernement, ne s’est absolument pas battue sur la question, soucieuse qu’elle était, avant tout, de « démontrer que nous sommes de bons Européens » – tels sont les mots qu’elle a employés, notamment en votre présence, devant la commission des affaires économiques, et qu’elle a repris dans l’hémicycle. « On ne pose plus ce genre de question », a-t-elle ajouté, ce qui est absolument anormal !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Elle n’a pas dit exactement : « On ne pose plus ce genre de question ».

M. Jean Gaubert. Effectivement, elle a dit, textuellement : « Nous allons démontrer que nous sommes de bons Européens ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela ne signifie pas qu’elle ne s’est pas battue !

M. Jean Gaubert. Cela a surtout eu pour conséquence que le Gouvernement n’a plus jamais revendiqué l’application de cette partie de l’accord de Barcelone.

Pour clore le débat sur le sujet – nous n’y reviendrons que si vous y revenez également –, j’ajouterai seulement qu’il serait temps que la majorité cesse de mettre sur le dos de M. Jospin les conséquences de l’accord de Barcelone que le Gouvernement a lui-même produites en décidant de renoncer à revendiquer l’adoption d’une directive qui en faisait partie intégrante – chacun doit le reconnaître. Tant que M. le rapporteur reviendra sur le sujet, nous ne manquerons pas de lui rappeler et les déclarations du président Jacques Chirac et le fait qu’elles ont été contredites par le nouveau gouvernement de l’époque.

Il était important que cette mise au point fût faite, ce matin, dès l’ouverture de la séance, dans le cadre de l’examen de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à clore ce débat, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. À moins que vous n’y reveniez.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le rapporteur et moi-même sommes bien décidés à ne pas y revenir dès lors que vous n’y reviendrez pas vous-même.

Je regrette que vous n’ayez pas écouté mon intervention lors du débat sur l’énergie. En effet, vous auriez entendu certains propos similaires aux vôtres. Je pense en effet que, dans le domaine de l’énergie, il reste du travail à accomplir au niveau européen, que des modifications doivent être apportées aux directives. Je le souhaite sincèrement mais ce n’est pas suffisant pour que cela se fasse. Il en est de même pour Mme Fontaine qui a défendu notre position. Nous avons besoin en la matière d’un consensus européen. Aussi ne faites pas porter à la majorité une responsabilité qui n’est pas la sienne.

M. Jean Gaubert. Si !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques qui viennent d’être défendus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 3888 à 4037, portant article additionnel avant l’article 1er .

La parole est à M. Gaubert.

M. Jean Gaubert. Ces amendements sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques qui viennent d’être défendus.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques nos 31716 à 31737, portant article additionnel avant l’article 1er .

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Le débat que nous venons d’avoir, et en particulier les réponses du président de la commission, me rappellent l’intervention de M. Soisson hier soir, intervention poétique et même, comme l’a dit M. Dionis du Séjour, lyrique. Vous relayez aujourd’hui, d’une certaine façon, M. Soisson qui soutenait que l’Europe avait décidé, que le chemin était tracé et qu’il ne restait plus qu’à le suivre. M. Soisson, le président de la commission, la majorité, le Gouvernement, tous vous nous proposez la soumission quand nous, nous proposons la résistance. De surcroît, M. Soisson n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique : la contrainte européenne à laquelle il faudrait se soumettre est elle-même induite par les orientations de l’OMC.

Nous présentons ces amendements car nous sommes arrivés à une étape décisive qui exige la réalisation en toute transparence d’un bilan contradictoire sur les effets du processus de libéralisation. Une telle demande me paraît tout à fait conforme aux principes démocratiques sans cesse invoqués ici – d’ailleurs à juste titre.

Les peuples ont montré leur attachement aux services publics et donc leur opposition au démantèlement mené dans le cadre des négociations de l’OMC. Faut-il rappeler, à l’instar de mon collègue Daniel Paul hier, le dernier sondage selon lequel 81 % des Français interrogés se déclarent hostiles à votre texte ? Ce projet étant minoritaire dans le pays, le respect élémentaire des principes démocratiques eût dû vous conduire à le retirer ; or il n’en est rien.

Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie qui, en vertu de l’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, conclu en 1995, oblige les pays membres de l’OMC à ouvrir le secteur des services à la concurrence. L’irréversibilité des engagements pris en matière de libéralisation totale dans ce domaine aboutit à une transformation radicale de notre société par l’abandon des services publics ou par leur réduction à des niveaux tels qu’ils ne peuvent plus jouer leur rôle de correcteur des inégalités. De plus, M. Soisson le disait hier et vous ne l’avez pas démenti, la Commission européenne vous a invité à aller plus loin encore. Il s’agit donc bien de faire un choix de société, un choix politique crucial qui nous engage sur le long terme.

Je rappellerai quelques données sur l’AGCS afin que, au-delà même de cette enceinte, on comprenne bien le sens que nous voulons donner à cette série d’amendements. Cet accord a pour objet la libéralisation totale de cent soixante secteurs d’activité parmi lesquels la santé, l’éducation, mobilisant des sommes considérables. Cette idéologie de la marchandisation du monde n’est donc malheureusement pas le pré carré des institutions communautaires. L’AGCS devant primer sur les législations et réglementations nationales, certains responsables politiques commencent à s’inquiéter d’un système qui les déposséderait de leurs prérogatives et, malgré leurs demandes réitérées, ils n’ont toujours pas accès aux documents relatifs à la négociation.

Aussi, pour arrêter ce mouvement destructeur qui tend à mettre en danger le secteur énergétique, nous défendons cette série d’amendements proposant le gel des négociations sur les services publics menées dans le cadre de l’AGCS. Nous souhaitons ainsi, par l’intermédiaire du ministre délégué au commerce extérieur, interpeller l’OMC.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable car ces amendements constituent une injonction au gouvernement. Il en ira d’ailleurs de même pour d’autres séries d’amendements proposées par les députés du groupe communiste.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le Gouvernement émet le même avis, pour la même raison. J’en profite pour indiquer qu’il n’y a pas de négociations concernant l’AGCS. Aussi ces amendements sont-ils dépourvus de sens, ce que vous savez du reste fort bien, monsieur Vaxès.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je crains que nous ne nous soyons mal compris. Il n’y a pas de négociations aujourd’hui à propos de l’AGCS. Soit ! Cela dit, personne ne peut prétendre que les directives européennes et les dispositions du texte ne sont pas totalement soumises aux orientations de l’OMC, lesquelles prévoient donc l’AGCS. C’est la raison pour laquelle il nous semble important de réaliser des bilans de la déréglementation.

On a beaucoup évoqué hier, sur tous les bancs, y compris sur ceux de la commission et du Gouvernement, les déclarations de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Vous trouverez à la page 420 de son ouvrage, intitulé Quand le capitalisme perd la tête, qui ne coûte que 7,50 euros, quelques analyses sur la déréglementation. Vous comprendrez à la lecture de cet ouvrage riche de contenu que ce processus a conduit, partout où il a été mis en œuvre, à des hausses de prix considérables. Si l’on vous suit, c’est ce qui va se passer pour les prix du gaz.

Du reste, dans Le Figaro d’hier, me semble-t-il, le président de Gaz de France demandait une augmentation immédiate des prix du gaz.

M. Daniel Paul et M. Jean-Claude Sandrier. Encore !

M. Michel Vaxès. Oui, encore ! Et pour l’immédiat de surcroît ! Cependant que sur les bancs du Gouvernement, j’entendais qu’il n’y aurait plus d’augmentation avant le 1er juillet de l’année prochaine. Qui devons-nous croire : le PDG de Gaz de France ou le Gouvernement ? Confirmez-vous, monsieur le ministre, la décision que vous avez annoncée avec une insistance compréhensible ? Là encore, M. Soisson vous a sans doute mis dans l’embarras en préconisant d’aller plus loin dans la libéralisation. Nous ne nous satisferons pas de l’absence de réponses qui témoignent bien, j’insiste, de votre embarras.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il convient de préciser ce qu’a déjà dit M. le rapporteur. J’ai pu mesurer, au cours de nos débats d’hier avec Alain Bocquet et Daniel Paul, toute la pugnacité du groupe communiste, sa combativité contre ce projet. Nous comprenons cette attitude et la respectons, même si nous ne sommes pas d’accord avec cette vision, les députés devant trancher de toute façon en dernier ressort.

Je n’en souhaite pas moins que nous respections la Constitution. Dès lors que son article 34 définit précisément le domaine de la loi, vous ne pouvez pas, par voie d’amendements, adresser d’injonction au Gouvernement. Or, cette série d’amendements constitue bien une injonction. Aussi la commission, n’acceptant pas l’inacceptable, ne pourra qu’émettre un avis négatif à chaque fois que vous défendrez des amendements contraires à une Constitution dont nous devons tous nous faire les gardiens vigilants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il y a pire que de ne pas réussir : c’est de ne pas se battre. Or nous en sommes là. Nous vous demandons, même si le président Ollier a raison sur le fond, de vous interroger sur une évaluation des décisions prises et de leurs conséquences pour nos économies, pour nos concitoyens, ce que vous refusez.

Cette attitude n’est pas convenable. En effet, soit vous connaissez déjà les résultats de ce bilan et ne souhaitez pas leur publication, soit vous craignez qu’il vous soit refusé. Or c’est dans ce cas qu’il faut se battre, trouver des arguments. Il est tout de même extraordinaire d’entendre ce gouvernement ne parler que d’audits sur les finances locales, sur la dette et sur tout ce qu’on veut, mais surtout pas d’audit sur la libéralisation ! Est-ce là un aveu de faiblesse ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Bien que nous n’ayons pas à discuter de cette série d’amendements pour des raisons d’inconstitutionnalité, il faut toutefois apporter une réponse complète à votre préoccupation justifiée.

D’abord, je le répète, aucune négociation n’est en cours à propos de l’AGCS, même au sein de l’OMC dans le cadre duquel cet accord s’inscrit. D’autre part, je rappelle à M. Gaubert que l’OMC n’établit pas de règles devant être appliquées dans les différents pays membres. C’est en fait chaque pays qui annonce ses engagements. En l’occurrence, l’Union européenne a annoncé les siens depuis longtemps.

La seule étape qui ait été atteinte, c’est que les cent cinquante autres pays de l’OMC ont annoncé les engagements qu’ils ont pris dans ce domaine. Il doit donc bien exister, quelque part à Genève, quelques rayonnages où l’on a rangé leurs déclarations, mais celles-ci n’ont pas abouti à l’élaboration d’une directive à la façon de l’Union européenne, édictant les règles minimales que chaque pays devrait respecter.

C’est donc pour des raisons « pratico-pratiques » qu’il est impossible de répondre à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Soit, monsieur le ministre : il n’y a pas de négociation en cours. Cependant, c’est bien dans cet édifice – quelle que soit la forme qu’il a prise – que s’intègrent les mesures que vous voulez prendre. Ce n’est peut-être pas une poupée gigogne, mais presque !

Il est certains moments où l’on doit faire le point et, partant, décider du modèle de société que nous souhaitons : faut-il poursuivre la déréglementation des anciens monopoles et des opérateurs publics ? Le secteur de l’énergie est concerné au premier chef, puisque l’Europe l’a retenu sur la liste des secteurs à déréglementer. Nous ne sommes pas les seuls à contester cette orientation dans un secteur qui nous semble vital pour l’avenir de nos entreprises et de la population en général.

Une erreur a dû être faite à un moment donné. L’enseignant que j’ai été a toujours reconnu le droit à l’erreur, car celle-ci peut avoir une valeur pédagogique : on s’aperçoit que l’on s’est trompé et l’on se corrige. Hélas ! il ne semble pas que ce soit votre démarche, monsieur le ministre : vous ne corrigez pas une erreur dont vous vous seriez rendu compte ; au contraire, vous vous acharnez à aller dans le mur !

On nous répète à l’envi que le caractère public ou privé des entreprises serait sans incidence sur les prix et tout le reste. Rien n’est moins sûr, comme le prouve la demande faite par M. Cirelli : c’est vous, monsieur le ministre, qui l’avez enjoint de s’en tenir à une augmentation limitée, au motif que la mariée doit être belle, dans les mois qui viennent, pour contracter un mariage princier, et même royal !

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais non ! Si tel était le cas, nous aurions autorisé une augmentation plus forte !

M. Daniel Paul. Il n’empêche que la mariée doit être belle, avec des comptes encore meilleurs. À cet égard, il est heureux que vous soyez tout de même contraint par certaines données objectives.

M. le ministre délégué à l’industrie. Très contraint !

M. Daniel Paul. La dérive que l’on constate est révélatrice des intentions de l’entreprise. Avant l’ouverture du capital en 2004, GDF ne faisait pas appel des décisions du gouvernement en matière de tarifs. Aujourd’hui, alors que nous en sommes à 30 % de hausse, la direction conteste ! Qu’en sera-t-il quand l’État ne détiendra plus 70 %, mais 34 % du capital d’un nouveau groupe, aux côtés, sans nul doute, de quelques fonds de pensions et autres actionnaires au poids plus important qu’actuellement et qui exigerons plus de rentabilité ? Telle est la machine infernale que nous voulons arrêter, le big bang que nous voulons éviter.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je remercie M. Ollier d’avoir répondu à mon intervention avec la courtoisie qui lui est coutumière. Il a invoqué le respect de la démocratie et du texte de la Constitution. Or celle-ci dispose, en son article 3, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Le respect scrupuleux de l’esprit et de la lettre de la Constitution s’impose en effet !

La pétition que le groupe communiste a lancée afin que les Françaises et les Français s’expriment sur le contenu de ce projet de loi a reçu un accueil extraordinairement chaleureux. Je n’avais jamais vu cela dans ma longue carrière politique, et vous savez pourtant que les communistes ont l’habitude d’aller vers les gens, à solliciter leur avis…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous aussi ! La preuve en est que nous sommes majoritaires !

M. Michel Vaxès. Les sondages, qui font état d’une majorité de 81 % des Français hostiles à votre texte, sont confortés par ce succès. Mille signatures en l’espace de trois ou quatre heures rien que dans ma circonscription : c’est du jamais vu !

Le peuple de France est opposé, dans sa majorité, à cette libéralisation. C’est du reste ce qu’il a exprimé en rejetant le projet de Constitution européenne par 55 % des voix. Le respect de la démocratie voudrait que vous retiriez votre texte ou que vous consultiez le peuple français par voie de référendum, conformément à l’article 3 de la Constitution.

Les travailleurs de Gaz de France ont déjà exprimé à 98 % – avec un taux de participation de 60 % – leur hostilité à ce texte. Consultons maintenant le peuple français : la démocratie y gagnerait et le Gouvernement s’en honorerait.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie à mon tour de votre courtoisie, monsieur Vaxès. Il me semble d’ailleurs normal qu’ici, dans l’enceinte de la démocratie, le débat de déroule sur ce ton, même si nous sommes en désaccord. Cependant, quelle que soit votre combativité, je ne puis accepter que l’on détourne la Constitution. L’article 34 est très clair à propos des injonctions au Gouvernement. Et l’on ne saurait invoquer les articles relatifs au référendum.

Puisque vous affirmez vouloir vous garder de toute obstruction – et je vous en remercie, tout comme je remercie nos collègues socialistes –, je propose que les cinq séries d’amendements identiques qui suivent celle que nous discutons actuellement fassent l’objet, pour la durée que vous souhaitez, d’une discussion commune, dans la mesure où elles ont toutes trait à l’Europe et aux directives. Il s’agit des liasses 31738 à 31759, 31760 à 31781, 31782 à 31803, 31804 à 31825 et 31826 à 31847.

M. Daniel Paul. Nous sommes d’accord.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous en remercie, monsieur Paul.

J’ai répondu à M. Vaxès quant à la Constitution : M. le ministre aura à cœur de répondre sur le fond.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous souhaitons tous que le débat avance. On a pu lire dernièrement dans la presse des accusations selon lesquelles nous voulions faire de l’obstruction. Je crois que la preuve est faite que ce n’est nullement le cas : nous posons simplement des questions qui, hélas ! ne reçoivent pas de réponse.

Lorsque nous vous parlons d’audit, monsieur le ministre, vous répondez qu’il n’y a pas de négociations en cours. Là n’est pas la question ! Il faut justement mettre à profit l’intervalle entre deux négociations pour engager un audit, afin d’évaluer le résultat de l’action menée et d’envisager soit de la poursuivre, soit de la corriger, soit de l’interrompre. On constaterait alors qu’il y a eu des gagnants – qui parfois le méritent – et des perdants.

Ne dites pas que vous ne pouvez pas, monsieur le ministre : dites que vous ne voulez pas ! Là est bien le problème du politique dans ce pays : on finit par faire croire à nos concitoyens qu’on ne peut rien, sauf en période électorale ! Lorsque l’on est aux responsabilités, il faut être capable de se battre pour faire avancer les choses. Nous ne voulons plus entendre : « On ne peut pas », monsieur le ministre ! Nous voudrions que le débat avance, mais chacune de vos réponses contient des choses que nous ne pouvons pas laisser passer et qui nous obligent à demander de nouvelles précisions.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je rends hommage au groupe communiste pour la qualité de ses questions. Quant à vous, monsieur Gaubert, je trouve votre intervention incroyable ! Que faisons-nous ici, sinon vous soumettre une réforme importante – même si elle vous déplaît – du système français ? Si nous n’adaptions pas comme nous le faisons les directives européennes, il en irait tout autrement. C’est donc bien parce nous agissons que nous suscitons vos réactions !

Pour m’être beaucoup occupé de l’OMC dans mes précédentes fonctions, je sais bien qu’il n’y a pas lieu d’en attendre quelque chose : les décisions dans cette instance ne se prennent qu’à l’unanimité. Chaque État a déclaré à l’OMC les engagements qu’il prenait dans le domaine des services et formalisé les demandes qu’il adressait aux autres – l’Union européenne demande ainsi aux États-Unis une libéralisation de transport aérien. Il n’y a aucune discussion sur les engagements de l’Union européenne. C’est un sujet qui n’existe pas : tel était le sens de ma réponse.

Quant à notre volonté d’agir, elle est intacte, et votre contestation en prouve quotidiennement la vigueur !

Mme la présidente. M. le président Ollier a proposé que le groupe communiste défende globalement les amendements des liasses 31738 à 31759, 31760 à 31781, 31782 à 31803, 31804 à 31825 et 31826 à 31847, monsieur Paul. En êtes-vous d’accord ?

M. Daniel Paul. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Nous considérons que les amendements identiques nos 31716 à 31737 ont été défendus.

J’appelle donc les amendements nos 31738 à 31759, 31760 à 31781, 31782 à 31803, 31804 à 31825 et 31826 à 31847, qui portent articles additionnels avant l’article 1er .

Vous avez la parole, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Ce que j’ai compris de la proposition du président Ollier, c’est que nous nous exprimions sur chacune des liasses d’amendements, qui constituent un ensemble cohérent : nous contestons la toute-puissance d’organismes internationaux qui bafouent la volonté des États. Le référendum sur le projet de Constitution européenne témoignait, c’est le moins que l’on puisse dire, d’une opposition importante. Ne pas en tenir compte dans un domaine comme celui qui nous occupe aujourd’hui, c’est, j’ose le dire, un déni de démocratie. Nous déclinons cet aspect sur plusieurs thèmes. C’est pourquoi nous souhaitons, dans le cadre de la défense globale de ces séries d’amendements, pouvoir intervenir à plusieurs reprises successives, pour poser le débat.

Mme la présidente. Les amendements seront donc mis aux voix en même temps, en fin de discussion.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ces amendements tendent à prévoir la renégociation des directives européennes impliquant l’ouverture à la concurrence du secteur énergétique.

D’abord, un secteur aussi stratégique pour la nation ne saurait être livré à des intérêts privés, en particulier lorsque ceux-ci sont pour une grande partie des fonds de pension anglo-américains. Face à ces derniers, vous savez très bien que demain, et plus encore après-demain, la prétendue majorité de blocage de 34 % risque de n’avoir aucun d’effet.

Ensuite, les bénéfices attendus de l’ouverture à la concurrence n’ont pas été obtenus. On nous avait promis des baisses de prix et de meilleurs services. Or les exemples dont nous disposons ne sont, à cet égard, guère convaincants. Pour les entreprises, l’écart entre le prix réglementé et le prix libre de l’électricité est de 66 %, ce dont les dirigeants se plaignent fortement. Pour les particuliers demain, le calcul a été fait : une facture moyenne de 1 400 euros actuellement passera à 2 324 euros ! Il faut que les Français le sachent. Quant au gaz, depuis le changement de statut, le prix a déjà augmenté de 30 %, mais cela n’a pas empêché le président de GDF de monter au créneau dès hier, pour qu’on rajoute rapidement une petite louche supplémentaire !

Nous avons à plusieurs reprises dénoncé dans cet hémicycle l’idéologie qui préside à cette déréglementation, qui applique à des secteurs économiques différents – rail, transport aérien, poste et énergie – les mêmes recettes. Il y a un parallélisme des décisions pour des activités économiques très différentes. Le secteur postal, par exemple, est une activité de main-d’œuvre aux économies d’échelle peu développées, alors que le secteur énergétique concentre des enjeux de sécurité, d’environnement et de santé publique. Le procédé est toujours le même : on accuse de mauvaise gestion les entreprises publiques alors qu’on ne leur a pas donné les moyens d’un bon fonctionnement, et cela justifie la privatisation. La manœuvre est grossière, mais, pour l’instant, elle ne fonctionne pas vraiment !

Il faut donc renégocier avec Bruxelles en arguant de l’absence des résultats attendus. Ces dispositions sont appliquées à toutes les sauces, sans que l’on se soucie de leur pertinence économique, sociale et écologique. Alors que vous avez fait miroiter des baisses de prix aux entreprises grâce à la libéralisation, on assiste à des hausses sans précédent, que vous avez un peu trop tendance à mettre uniquement sur le compte du pétrole.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas ce que nous disons !

M. Jean-Claude Sandrier. Les Français ne sont pas idiots. Pendant qu’ils paient les augmentations de prix censées répercuter la hausse du pétrole, les profits des entreprises – Gaz de France et EDF, pour ne citer que celles-ci – explosent ! Il y a sans doute à cela une explication que vous n’avez encore pas donnée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. GDF appartient à 80 % à l’État aujourd’hui !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est le changement de statut, intervenu il y a deux ans dans la perspective de la libéralisation, qui a permis l’introduction en bourse et entraîné ces augmentations de 30 %. Il faut donner les explications jusqu’au bout !

Il faut que les directives européennes sur l’ouverture à la concurrence du secteur énergétique soient renégociées à tête reposée et qu’un bilan sérieux soit dressé, qui tienne compte des spécificités du secteur énergétique et de leur compatibilité avec les mécanismes du marché.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. M. le ministre feint d’avoir quelque difficulté à nous comprendre lorsque nous parlons des trois niveaux national, européen et international. Or, pour avoir travaillé avec lui lorsqu’il occupait d’autres fonctions, je connais sa vivacité d’esprit et sa perspicacité.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous comprends, mais je ne suis pas d’accord !

M. Michel Vaxès. En nous proposant aujourd’hui de privatiser GDF, vous êtes en parfaite contradiction avec la lettre et l’esprit des lois que vous avez vous-même fait voter il y a à peine deux ans pour la plus ancienne : celle de 2004 et la loi-programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique. Dans l’annexe de cette dernière, figure un passage très intéressant, précieux et rare sous la plume de votre majorité, que je ne résiste pas au plaisir de citer : « La France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres États membres de l’Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique. Ainsi, la France élabore tous les deux ans à l’intention de l’Union européenne des propositions énergétiques visant notamment à promouvoir la notion de service public ». Allons-y ! Faisons une proposition à contre-pied des orientations auxquelles nous devrions nous soumettre ! Le principe que je viens de rappeler nous le permet.

Nous sommes favorables, quant à nous, à un grand service public de l’énergie national, voire européen. Cela fait d’ailleurs partie des propositions que nous faisons, non seulement pour l’énergie mais également pour l’eau. Mais nous ne pouvons accepter d’entendre de la bouche du ministre et de nombreux membres de la majorité que les directives – même mauvaises – s’appliquent telles des lois naturelles et ne sauraient faire l’objet d’aucune contestation. Selon vous, monsieur le ministre, nous devons transposer les directives d’ouverture des marchés, et « c’est comme ça ». Eh bien non ! Quand une directive a des effets aussi négatifs que celle dont nous discutons, qu’elle menace notre industrie et la survie de certaines de nos entreprises, on ne peut pas se contenter de dire que c’est comme ça. Le bon sens et le sens des responsabilités politiques impose de demander à Bruxelles un moratoire, de convier les autres pays membres à faire le bilan de l’ouverture partielle et d’envisager éventuellement une renégociation. Nos amendements rappellent cette évidence et invitent à la renégociation des directives de 2003 sur la base d’un bilan chiffré des conséquences économiques, notamment tarifaires, de l’ouverture partielle engagée en 2000. Si vous n’avez plus en tête les chiffres des augmentations, nous sommes disposés à vous les rappeler.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Le philosophe allemand Jürgen Habermas,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas celui auquel je m’attendais ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Le peuple allemand a fourni nombre d’illustres philosophes.

M. le ministre délégué à l’industrie. Cela change des économistes américains !

M. Daniel Paul. Celui-là a eu cette belle parole : « L’usage public de la raison devrait être au cœur du projet parlementaire. »

M. le ministre délégué à l’industrie. Très bien !

M. Daniel Paul. À chaque pas d’une politique publique, il faut évaluer son efficacité et contrôler les dépenses et les actes publics. C’est ce que la raison devrait nous dicter ici, et ce que l’on entend souvent d’ailleurs dans vos paroles. Tout le monde est d’accord sur ce point.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Daniel Paul. Or, en matière énergétique, alors que la planète est prise dans un maelström de spéculation sur les ressources fossiles, que nous devons mener la lutte contre l’effet de serre et l’augmentation de la température, qui imposerait, comme nous le dira sans doute M. Cochet, des économies drastiques,…

M. Yves Cochet. C’est évidemment la seule bonne politique, mais on ne le fait pas !

M. Daniel Paul. …on s’en remet en permanence, sans faire le moindre bilan, aux règles du marché.

Lors du Conseil européen de Barcelone, la présidence espagnole et la Commission européenne exigeaient une libéralisation complète, c’est-à-dire le libre choix du fournisseur en Europe, pour tous les usagers, les entreprises comme les ménages, en 2003 pour l’électricité et en 2004 pour le gaz. Les discussions ont débouché sur la libéralisation complète en 2004 du gaz et de l’électricité pour les entreprises, soit près de 70 % du marché potentiel. En réalité, une minorité d’entreprises, mais surtout des grandes, a franchi le pas. Pour les ménages, les décisions devaient être prises avant le printemps 2003. À cet égard, on sait le rôle néfaste qu’a joué la ministre de l’industrie à Bruxelles.

Malgré les difficultés évidentes qui sont apparues, aussi bien en Californie qu’en Europe, il n’y a pas eu de prise de conscience que peut-être les responsables de l’époque étaient allés un peu loin et qu’il était urgent de revenir sur leurs décisions avant que la situation ne s’aggrave. Cette nécessité est d’autant plus forte que la rédaction d’un projet de directive sur les services d’intérêt économique général dans le respect de l’article 86 du traité n’a pas été obtenue, si bien que l’on glisse de manière préoccupante vers la mise de tous les services ici concernés entre les mains du marché.

Nous réitérons notre demande que soit réexaminé l’ensemble de ces directives et que les conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 soient soumises à un examen critique.

J’ai dit à M. Soisson, hier soir, que je ne partageais pas son analyse. Nous ne sommes pas opposés à la construction européenne ; nous sommes opposés à la manière dont elle est conduite actuellement. Et que l’on ne vienne pas nous dire que c’est la seule possible. Ce n’est pas vrai.

On peut très bien imaginer que des entreprises coopèrent dans le secteur énergétique. La coopération entre entreprises existe dans d’autres domaines. On ne voit pas pour quelles raisons elle serait impossible dans ce secteur précis. C’est un choix politique qui a été fait – celui du marché – et nous le récusons.

Sans doute nous entendrons-nous dire à nouveau tout à l’heure que nous n’avons pas les mêmes valeurs. C’est exact, et plus encore dans le domaine énergétique. Nous ne partageons pas du tout les valeurs que vous défendez dans le texte de loi que vous nous proposez.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J’imagine, madame la présidente, que la commission et le Gouvernement répondront sur l’ensemble des amendements.

Mme la présidente. Oui, ils répondront globalement, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès. Mon collègue Daniel Paul a évoqué le Conseil européen de Barcelone et a fait référence à l’Allemagne. Permettez que je revienne sur l’un et l’autre de ces points.

Nous invitons le Gouvernement à alerter nos partenaires européens sur la nécessité de soumettre à un examen critique les conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, notamment dans le domaine de l’énergie. Rappelons qu’à l’époque, le Conseil s’était réjoui de la présentation par la Commission de son premier rapport sur l’ouverture effective du marché intérieur du gaz et de l’électricité conformément à ce qui avait été convenu à Stockholm. Il avait demandé à la Commission de mettre ce rapport à jour tous les ans avant chaque Conseil européen de printemps, de manière à évaluer les progrès réalisés.

Mais le rapport ne s’intéressait alors qu’à trois questions.

La première était de garantir le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 pour l’électricité et pour le gaz, soit au moins 60 % de la totalité du marché.

La deuxième était de s’assurer, à la lumière de l’expérience acquise, de la prise de décision des États membres sur d’autres mesures tenant compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d’approvisionnement et, en particulier, de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population.

La troisième était de promouvoir la dissociation entre la transmission et la distribution, d’une part, et la production et l’approvisionnement, d’autre part, l’accès non discriminatoire aux réseaux pour les consommateurs et les producteurs sur la base de tarifs transparents et publiés, et la mise en place dans chaque État membre et, dans le cadre réglementaire adéquat, d’un organisme régulateur en vue d’assurer en particulier le contrôle effectif des conditions de fixation des tarifs.

Ces rapports n’avaient au fond pour objet que de s’assurer du respect par les États membres des préconisations de la Commission. Autrement dit, ces dernières n’avaient pas à être discutées.

N’est-ce pas précisément ce que l’on appelle nourrir une conception dogmatique de la politique et des choix économiques ? La Commission serait-elle à ce point infaillible que jamais la réalité ne saurait démentir ses analyses et le bien fondé de ses décisions ? Je vous pose la question, et il faudra bien que, tout à l’heure, vous y répondiez.

Pour ce qui nous concerne, nous ne le pensons pas. Nous le pensons d’autant moins que l’ouverture partielle du marché de l’énergie, dont le but était de favoriser la baisse des prix, n’a, à l’évidence, pas eu les effets escomptés – c’est un euphémisme. L’évolution que nous constatons d’ailleurs en France et au sein de l’Union européenne est encore bien plus dramatique et inquiétante aux États-Unis.

Pour les entreprises qui font face depuis 2002 à de fortes hausses d’électricité sur le marché libre, l’expérience n’est pas probante. Elle est même, selon leurs dires, catastrophique.

L’accord de principe de Bruxelles sur le retour au tarif régulé dénote un début de prise de conscience des difficultés. Nous pensons donc que l’heure est venue de nous pencher, avec nos partenaires européens, sur le bilan de l’ouverture à la concurrence et, en attendant, de demander a minima la suspension du processus, sous bénéfice d’inventaire.

Voilà pour ce qui concerne le Conseil européen de Barcelone.

Pour ce qui est de la transposition, l’exemple de l’Allemagne est éclairant. Ce pays a été le premier, en 1998, à libéraliser à 100 % ses marchés de l’électricité et du gaz. Cet empressement des autorités allemandes n’a pas pour autant été couronné de succès. En effet, si, légalement, entreprises et particuliers peuvent choisir leurs fournisseurs d’énergie, sur 50 millions de consommateurs, seulement 700 000 en ont changé.

Aujourd’hui, deux grandes compagnies produisent et transportent 80 % de l’énergie consommée. Rappelons au passage que l’Allemagne est le plus gros consommateur d’énergie en Europe.

Avant la libéralisation, il y avait un seul fournisseur, qu’il s’agisse d’une régie municipale, d’un fournisseur régional ou supranational, qui disposait d’un monopole dans chaque localité.

La concurrence remet en cause ces monopoles locaux en introduisant une nouvelle contrainte : pour conquérir des marchés dans le reste du pays, il faut sortir de son land d’origine, ce qui suppose des investissements, que les municipalités financent en ouvrant le capital des régies municipales au capital privé.

Ainsi, pratiquement, toutes les régies municipales ont été transformées en sociétés anonymes et les communes comme les régies ne conservent qu’un faible niveau de participation. Ce retrait des municipalités du capital et donc des organes décisionnels des régies n’est pas sans risque. Rappelons que les régies municipales ont des périmètres d’activité qui s’étendent bien au-delà de la fourniture d’énergie aux communes : elles gèrent également l’eau, le chauffage urbain et les déchets.

Attachés au mode d’organisation en régie, les syndicats et les usagers se sont mobilisés. Ainsi, à Düsseldorf, ils ont réuni suffisamment de signatures pour faire échouer la vente de la régie par la municipalité.

La loi allemande permet désormais à qui le souhaite de vendre du courant aux particuliers comme aux industriels. Les entreprises qui disposent du réseau de distribution sont donc dans l’obligation de le louer.

L’Allemagne n’a pas instauré d’autorité de régulation. Ainsi, d’un réseau à un autre, le prix de l’accès au réseau varie-t-il et un protectionnisme voilé s’est-il installé.

Les compagnies propriétaires des réseaux de transport et de distribution ont exigé des droits de passage prohibitifs, quand elles ne refusent pas tout simplement celui-ci, prétextant, par exemple, une surcharge du réseau.

Dans ce contexte, l’Allemagne connaît des difficultés dans la transposition de la directive européenne et, si elle prend la place du bon élève en libéralisant son marché à 100 % avant les autres, dans les faits, le protectionnisme est bien réel.

Une fois de plus, l’exemple de la libéralisation dans ce pays doit nous conduire à la plus grande prudence et, faute de vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas voter le présent projet de loi, décidons au moins ensemble de n’avancer plus loin dans ce processus qu’après avoir mesuré ses impacts à la lueur des expériences étrangères, en particulier celles de l’Allemagne – mais nous pourrions également faire référence à l’électricité en Californie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La discussion sur ces séries d’amendements déposées par le groupe communiste porte sur la dernière phase de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz.

La première directive à ce sujet date de 1996, et elle a été transposée en 2000,…

M. François Brottes. Sous Juppé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …sans les précautions, il est vrai, qui eussent été nécessaires.

Le plus gros du marché a été ouvert à cette époque. Même si, apparemment, le segment était relativement plus court que ceux qui ont suivi puisqu’il représentait à peu près 25 % du marché, il était néanmoins le plus important car, même aujourd’hui, avec une ouverture du marché à 70 %, le marché de l’énergie est beaucoup plus animé dans ce premier segment que dans le deuxième qui a été ouvert à l’occasion de la loi de 2004.

Aujourd’hui, il est question du troisième segment, correspondant aux particuliers, c’est-à-dire des 30 % restant du marché.

Comme je l’ai dit dans mon intervention, il ne faut pas rêver : ce n’est pas ce segment qui va être très animé. Ce n’est pas là que l’on verra un nombre important de consommateurs changer de fournisseur et de contrat. D’ailleurs, les fournisseurs actuels sur le marché, concurrents en particulier d’EDF et de GDF, ne fondent pas une stratégie commerciale très importante sur ce segment de clientèle.

En réalité, tout s’est joué en 2000. C’est à partir de la loi votée cette année-là que le marché a commencé à s’organiser et à s’animer.

Il ne faut donc pas revenir sur les considérations que nous venons d’entendre et s’obséder sur ce qui va se passer au 1er juillet 2007. Il faut plutôt, comme d’ailleurs les communistes nous y invitent, réfléchir aux règles à établir pour contenir le marché afin que le consommateur puisse être protégé et que nos systèmes ne soient pas désorganisés.

Il y a finalement, il faut le noter – ce que j’ai entendu ne fait que le confirmer – un large consensus dans la classe politique française autour de la notion de service public. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. C’est un peu vague !

M. Michel Vaxès. Que faut-il entendre pas « autour » ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous sommes tous très attachés à cette notion.

Nous le montrons comme élus locaux dans notre gestion des services : nous sommes attentifs au respect de valeurs comme la proximité, l’accessibilité, la transparence, la participation des citoyens de nos communes.

Nous le montrons également à travers les textes que nous produisons.

Les différents gouvernements se sont aussi montrés très attachés à cette notion de service public.

Dès 1996, lorsque la première directive a été adoptée, le ministre de l’industrie de l’époque, M. Franck Borotra, avait lui-même situé le débat dans un contexte européen, à une époque où la France était présentée, comme elle l’avait toujours été, souvent d’une façon caricaturale, comme un pays recroquevillé sur lui-même et replié sur des valeurs qui apparaissaient dépassées.

Or, que s’est-il passé ? Exactement le contraire !

La notion de service public, présentée de façon caricaturale comme étant « à la française », s’est peu à peu retrouvée au cœur du débat européen. La France, par les efforts conjugués des différents gouvernements qui se sont succédé, a réussi à instiller dans les traités, les textes et les comportements cette notion de service public. On en parlait relativement peu il y a une dizaine d’années. C’est dans le traité de Maastricht que figure pour la première fois la notion de service, non pas public mais d’intérêt général – dois-je le rappeler ? Ce traité a toujours été présenté comme celui qui créait l’euro. Il ouvrait également un certain nombre de fenêtres sur d’autres points, dont celui consacré au service public.

Cela étant, la référence française est peu à peu apparue comme pouvant être retenue au plan européen.

Être libéral, c’est, pour moi, laisser la place à l’initiative à condition que des règles précises soient posées. J’appelle ces règles du jeu les règles du service public, du service d’intérêt économique général.

La France a réussi à introduire cette notion au plan européen. Nous le verrons encore plus précisément à travers le texte dont nous allons débattre.

Quant à vos préoccupations concernant la protection du consommateur et le maintien des tarifs, je rappelle que le projet de loi a été enrichi, amendé par la commission des affaires économiques. Vous aurez l’occasion d’approuver la démarche que, avec Patrick Ollier et en accord avec le Gouvernement, nous avons décidé d’entreprendre. Elle permet de maintenir les tarifs, donc d’apporter une protection aux consommateurs. On peut s’en affranchir, souhaiter aller sur le marché négocié, mais il nous semble que le maintien des tarifs est la bonne réponse à apporter.

Ce débat a confirmé que, sur le point des services publics, des services d’intérêt économique généraux, nos convergences permettaient de renforcer encore un peu plus la position de la France dans le concert européen. Le débat nous a permis de progresser sur ce point de façon extrêmement positive.

La commission a émis un avis défavorable sur les amendements déposés par nos collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains, puisqu’il s’agit d’une injonction au Gouvernement. Cela dit, je les remercie encore de nous avoir permis de débattre sur ces points.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n’interviendrai pas sur tous les amendements, car le rapporteur l’a déjà fort bien fait.

Je respecte votre vision de l’Europe, chers collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains , même si je ne la partage pas,  et je souhaite que la réciproque soit vraie.

M. le rapporteur a excellemment rappelé comment se constituaient les décisions. Dans le cadre de cette Europe des États-nations – je me réclame de la filiation gaulliste et je ne suis pas le seul ici –, j’ai la volonté de préserver au niveau de la nation ce que l’État peut et doit pouvoir défendre dans le cadre de notre pays.

Les États-nations sont en train de s’organiser. Je comprends que vous souhaitiez qu’ils puissent décider de ne pas s’intégrer dans le système européen. Toutefois, ce refus d’intégration équivaut à refuser l’Europe.

Nous, nous pensons que, dans le cadre des États-nations, la force de conviction dont nous sommes capables, le travail que nous pouvons réaliser pour faire avancer cette Europe que nous voulons construire, doit permettre de déterminer le niveau où l’on place le curseur de l’État. M. Jean-Claude Lenoir le met à peu près au même niveau que moi, s’inspirant de ce que le général de Gaulle voulait faire – je le répète car c’est important pour moi. Nous plaçons le curseur de l’État très haut, peut-être pas aussi loin que vous, mes chers collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains, mais très haut.

M. le rapporteur a fort bien rappelé comment nous avions réussi à faire avancer les institutions européennes vers notre vision des services publics. La France est le seul État en Europe à pousser sa spécificité à ce niveau-là. En face de nous, parmi les vingt-quatre autres pays, certains ne vont pas aussi loin que nous, mais la plupart d’entre eux n’ont pas la même conception que nous en la matière.

Notre force de conviction est importante, et je tiens à rendre hommage aux gouvernements – tant de droite que de gauche, monsieur Brottes, car, sur ce plan-là, nos voix ont souvent été concordantes – qui ont défendu notre conception du service public. C’est pourquoi il aurait fallu accepter les propositions qui ont été faites lors du référendum sur l’Europe. Certains ont fait croire aux Français que cette Constitution européenne représentait un danger. Ce n’était pas vrai. Mais la France a tranché…

Je regrette cette situation car la France avait fait avancer cette idée de service d’intérêt économique général et fait évoluer l’appréciation des autres gouvernements sur la notion de service public. Hommage soit rendu à ceux qui ont fait ce travail, et en premier lieu au chef de l’État.

Certes, il est important que ce débat ait été ouvert et que l’on puisse vous répondre. Je respecte les positions de chacun. Du reste, en ce qui concerne l’Europe, nous avons cheminé dans la même direction sur certains points avec nos collègues socialistes – pas avec vous, chers collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains. Pour autant, je ne voudrais pas que l’on confonde le débat sur nos conceptions de l’Europe avec celui de l’ouverture du capital de Gaz de France.

Nous proposons la voie de la négociation pour réussir cette Europe qui protégera les services publics, tels que nous les concevons.

Par ailleurs, la notion de mission de service public inscrite dans le texte protège les consommateurs dans la mesure où elle impose des efforts à ceux qui veulent entrer sur le marché qui s’ouvre. Nous défendons la notion de mission de service public : il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur ce point. Rejetons ces amendements et revenons-en au texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le groupe des député-e-s communistes et républicains demande qu’un bilan soit fait sur l’application des directives. Nous l’avons également demandé. Aujourd’hui, il n’existe pas.

M. Daniel Paul. Merci de le reconnaître !

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous l’aurons probablement dans les mois qui viennent car la Commission a commencé ce travail.

Au-delà, il n’est pas question que les enseignements que je peux tirer du bilan que je peux déjà faire moi-même au niveau national, ou au niveau régional-européen avec l’aide de certains collègues, nous empêchent d’avancer. En effet, aujourd’hui, nous sommes confrontés à une augmentation importante des prix du gaz et du pétrole, qui concerne tous les pays européens. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre le bilan des directives, il nous faut réagir. Il est important d’avancer plutôt que de reporter les décisions qui s’imposent. Cette action est menée dans le cadre européen. Certes, il a été conçu à une époque où les conditions, les prix n’étaient pas les mêmes, mais il a le mérite d’exister, même s’il doit évoluer. Et si, dans ce cadre, nous restons attachés à notre tradition de service public, nous pensons néanmoins que l’on peut imposer aux entreprises privées des obligations de service public en concluant des contrats de service public. Toutefois, celles-ci sont plus performantes lorsqu’elles sont stimulées par la compétition, la concurrence. C’est pourquoi nous considérons que l’idée de concurrence est loin d’être mauvaise.

Vous m’objecterez que pour certains secteurs, dans le domaine de l’énergie par exemple, les critères d’entrée sont si élevés qu’il est difficile de créer de la concurrence. C’est la raison pour laquelle les différents marchés sont distingués dans ces directives. Il serait absurde de construire en France deux réseaux électriques de transports pour qu’ils se concurrencent. En revanche, il est normal que les électrons circulant dans les réseaux proviennent d’origine différente.

M. Daniel Paul. Non, ce n’est pas normal !

M. le ministre délégué à l’industrie. Certaines activités doivent échapper à la compétition, d’autres non, dans l’intérêt du consommateur.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est le contraire qui se produit !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est le cadre dans lequel nous travaillons. Nous devons donc segmenter les marchés pour les analyser avec précision.

Pour faire avancer la politique européenne en la matière, la France a produit un mémorandum sur la politique énergétique qui a inspiré le Livre vert de la Commission européenne en défendant une idée centrale : la nécessité d’investissement.

Certains pays sont très préoccupés par leur sécurité énergétique car leur approvisionnement en gaz dépend presque totalement de leur puissant voisin. Ils doivent réaliser les investissements nécessaires, grâce à des politiques européennes ou nationales, pour améliorer non seulement leur sécurité énergétique, mais celle de l’Europe. N’oublions pas que chaque pays est concerné par la situation de ses voisins, car des interconnexions existent et parce que nous sommes dans un marché commun.

Les orientations que nous avons proposées à l’Union européenne sont différentes de celles définies par ces amendements. Je demande donc à l’Assemblée de les rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Il y aurait beaucoup de réponses à apporter aux interventions du président de la commission et du ministre. Je m’en tiendrai à quelques observations, M. Paul prendra le relais.

Monsieur le président de la commission, vous nous dites que nous n’avons pas la même vision de la construction européenne : c’est vrai. Pour ce qui nous concerne, nous avons le souci que cette construction serve l’intérêt des citoyens européens et non les profits privés, qui vont croissants.

Nous n’avons pas un attachement « caractériel » au service public. Nous y sommes attachés parce qu’il garantit l’égalité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous y sommes attachés aussi !

M. Michel Vaxès. J’aurais tendance à vous croire, monsieur le président, parce que votre conscience a été forgée par des initiatives mémorables comme celle de l’appropriation publique des moyens de l’énergie, à l’initiative du général de Gaulle et du ministre Paul, et tout indique qu’il en reste quelque chose. Sans doute souffrez-vous – moins que nous – de laisser glisser progressivement les services publics vers une libéralisation…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le monde change, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès. …qui finira par détruire complètement le service public.

M. Pierre Micaux. On a compris !

M. Michel Vaxès. Vous avez déclaré aussi, monsieur le président, que nous sommes seuls en Europe. Eh bien, c’est l’honneur de la France d’avoir emprunté ce chemin. Son honneur serait plus grand encore, si la France résistait à l’évolution en cours et se battait pour maintenir le service public, parce qu’il sert l’intérêt général et qu’il garantit l’équité entre les citoyennes et les citoyens de ce pays.

Vous disiez, monsieur le ministre, qu’il est plus judicieux d’avancer plutôt que de renvoyer à plus tard un certain nombre de décisions qui peuvent être prises aujourd’hui. Dans le même temps, monsieur le ministre, vous précisiez que, comme nous, vous aviez demandé un bilan. Nous en disposerons dans quelques semaines ou quelques mois. Pourquoi ne pas attendre ce bilan afin d’en tirer les enseignements nécessaires ? Je ne comprends pas votre impatience.

Je note du reste une contradiction entre les propos du ministre et ceux du rapporteur s’agissant des vertus – si je puis dire – de la concurrence.

M. le ministre délégué à l’industrie. Elle en a !

M. Michel Vaxès. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, vous trouvez des vertus à la concurrence. Alors, permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé en Californie. Et je vais, monsieur le rapporteur, me référer au livre de M. Stiglitz « Quand le capitalisme perd la tête » dont je vous conseille l’acquisition et la lecture attentive. Ce livre ne concerne pas seulement la déréglementation, mais toutes les orientations du système que vous défendez aujourd’hui et qui conduisent à la catastrophe.

Je cite M. Stiglitz : « La déréglementation de l’énergie en Californie n’a pas fonctionné comme l’avaient annoncé ses partisans. Ils l’avaient " vendue " en usant de l’habituel discours du libre marché : réduire la réglementation permet aux forces du marché d’agir librement, ce qui conduit à plus d’efficacité, et, grâce à la concurrence, les bénéfices qu’apportent ces forces sont transmis au consommateur. » C’est exactement ce à quoi nous invite la directive européenne.

Je poursuis la citation : « En réalité, en deux ans seulement après la déréglementation, il y eut une spectaculaire hausse des prix et des problèmes de pénurie. Les prix – en moyenne 30 dollars le mégawattheure d’avril 1998 à avril 2000 – triplèrent, quadruplèrent en juin 2000 ; dans les premiers mois de 2001, ils en étaient à huit fois leur niveau initial. Pour la première fois, il y eut des coupures de courant comme on peut en connaître dans un pays pauvre… »

Voilà à quoi aboutit la concurrence dans un secteur aussi vital. Il y a sans doute d’autres raisons, mais nul doute que l’idéologie du libre marché – qui se révèle influente depuis quelques temps et qui atteint l’Europe aujourd’hui – produit de tels effets, lesquels ne sont pas contestables. C’est la raison pour laquelle nous y sommes opposés.

Mme la présidente. Merci, monsieur M. Vaxès.

M. Michel Vaxès. Permettez-moi de poursuivre, madame la présidente. Je voudrais, par courtoisie, répondre au rapporteur.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Vaxès. J’avais cru comprendre que vous en étiez arrivé à votre conclusion.

M. Michel Vaxès. Il s’agit maintenant d’un rebondissement !

M. le rapporteur a exprimé le souci du consommateur si j’ai bien compris son intervention.

Quand on prétend offrir à nos concitoyens le choix de conserver leur contrat au tarif régulé ou de « faire jouer la concurrence » en souscrivant des offres aux tarifs du marché, le minimum est de faire une présentation honnête de la réalité.

Mais, en fait, la liberté de choix n’est pas votre credo. Les Français doivent savoir que, sur ce sujet comme sur d’autres, vous ne dites que la moitié de la vérité – moitié pour laquelle je vous félicite du reste. Quant à l’autre, vous mentez par omission.

Qu’omettez vous de dire, monsieur le rapporteur ?

D’une part, que vous n’entendez aucunement garantir le tarif régulé, mais que vous le laisserez peu à peu glisser vers le prix du marché. J’en veux pour preuve que vous ne prévoyez aucun dispositif visant à garantir la transparence des tarifs, c’est-à-dire leur exacte indexation sur les coûts d’approvisionnement, notamment les prix du pétrole, pour ce qui concerne le gaz.

D’autre part, vous vous gardez bien de faire la publicité sur la clause d’irréversibilité, induite par la transposition de la directive.

Or, que signifie l’irréversibilité ? Cela signifie tout simplement, comme le résumait le président de l’UFC, Alain Bazot, qu’ « Une fois que le consommateur aura choisi d’aller sur le marché libre, sur les tarifs qui sont ceux du marché, après avoir répondu à des sollicitations commerciales qui vont fleurir, [...] ce choix sera irréversible ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faudrait conclure, monsieur Vaxès !

M. Michel Vaxès. Reconnaissez, monsieur le président, que nous avons fait des efforts pour accepter d’examiner ces amendements en bloc, sans cela…

Mme la présidente. Sans cela, je vous aurais déjà coupé la parole, monsieur Vaxès !

M. Michel Vaxès. L’inquiétude des associations de consommateurs est aussi la nôtre : il paraît évident qu’après une courte période d’offres alléchantes, les prix du marché progresseront rapidement. Ce scénario, nos entreprises l’ont déjà connu. Elles en ont déjà fait les frais et certaines ont même dû mettre la clé sous la porte.

Nous souhaitons donc instaurer une véritable clause de réversibilité – Daniel Paul a insisté à juste raison sur ce point –, et que cela soit débattu entre partenaires européens, de façon à permettre, à tout moment, à tout consommateur de revenir au tarif régulé.

Mais, là aussi, il faudrait préciser les contours de ce tarif régulé. Et c’est là que le rapprochement entre Suez et GDF pourrait être lourd de conséquences car il est évident qu’il y aura une distorsion d’intérêts entre les actionnaires et les consommateurs. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour prévoir que la logique du privé, privilégiant la rémunération des actions, primera sur l’intérêt des consommateurs, et que nous risquons donc d’assister à une rapide dérive des tarifs régulés, à moins de garantir enfin la transparence des modes de calcul tarifaires, ce qui est loin d’être aujourd’hui le cas.

M. Pierre Micaux. Toujours la même rengaine !

M. Michel Vaxès. Les Français en ont déjà fait l’amère expérience avec une augmentation de près de 30 % de leur facture en dix-huit mois, alors que GDF a dégagé 1,7 milliard d’euros de bénéfices l’an dernier et que les dividendes – et c’est cela qui vous gêne le plus – des actionnaires ont augmenté de 48 % en deux ans ! Qu’on ne vienne pas imputer la totalité de cette hausse à l’augmentation des prix du pétrole, car cela est faux. Disons plutôt que c’est, là encore, une demi-vérité !

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter nos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. En vous écoutant, monsieur le ministre, je me suis remémoré la discussion très intéressante que nous avons eu hier soir, notamment avec M. Soisson, sur le fait que d’aucuns faisaient allusion au principe de réalité et d’autres, de notre côté, au principe de volonté.

Vos arguments consistent à dire que nous ne pouvons pas faire autrement et que nous serions très isolés en Europe sur ce sujet. C’est une mauvaise façon d’appréhender la question européenne car c’est avec des affirmations défaitistes de cette nature que nos concitoyens n’ont plus envie d’y croire. Or s’il y a un secteur où nous avons absolument besoin de l’Europe, d’une organisation puissante et cohérente, c’est bien celui de l’énergie. Chacun en sera d’accord. Nous sommes très dépendants dans nos approvisionnements en gaz, un peu moins pour ce qui est de l’électricité. Compte tenu du déséquilibre quasi permanent entre l’offre et la demande, il est nécessaire de prendre ce sujet à bras-le-corps.

Il ne faut pas tout mélanger ! L’Europe n’a jamais exigé quelque privatisation que ce soit ! C’est une décision du Gouvernement français, qui n’est imposée par aucun commissaire européen. Donc, il faut l’assumer et ne pas en faire porter la responsabilité à d’autres. Nous contestons ce choix et c’est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte tout au long des débats tout en espérant, comme je le disais hier, que M. le Premier ministre retrouve le bon sens nécessaire dans ce dossier et retire l’article 10. Peut-être le fera-t-il lorsque nous avancerons dans le débat.

La privatisation n’est donc pas la question posée par l’Europe. En revanche, l’Europe a adopté des directives pour organiser le marché : d’abord en 1996 – et cette directive fut négociée par M. Juppé, ce qu’a reconnu M. le rapporteur, et je l’en remercie –, puis en 2003. Mais on nous dit qu’il devrait y avoir une autre directive en 2007. Là, j’invite les États à taper du poing sur la table. Il n’est en effet pas normal que M. Barroso annonce qu’il souhaite qu’il ne reste que quatre ou cinq grands opérateurs de l’énergie sur notre continent et que la régulation se fasse par le biais d’un grand régulateur à l’échelle européenne tout en ayant une approche pays par pays – ce qui est pour le moins contradictoire.

La position de M. Barroso renvoie à des logiques de concentration. Est-ce la meilleure solution pour une Europe intégrée de l’énergie ? Le débat reste ouvert. Toutefois, quand c’est M. Barroso qui parle, ce n’est pas sans conséquence. Il est donc important de connaître la position de la France sur une question de cette nature. Vous nous dites avoir transmis vos orientations à la Commission européenne pour qu’elle puisse rédiger son Livre vert, et je vous crois, monsieur le ministre. Vous nous avez du reste fait savoir qu’elles sont accessibles sur un site Internet, mais je n’ai pas encore eu le temps de m’y connecter. Cela dit, je ne manquerai pas de le faire d’ici à la fin du débat.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est un très bon site.

M. François Brottes. Comment se fait-il que vous n’attendiez pas que soit mise au point la nouvelle règle du jeu en Europe pour prendre la décision de démanteler nos entreprises publiques nationales du secteur de l’énergie ? C’est là où vous faites preuve d’une certaine irresponsabilité. Vous vous inscrivez dans une espèce de fatalisme – pardonnez-moi d’utiliser ce terme – qui consiste à dire que vous y êtres contraints. Mais non, il est possible de faire autrement ! Nos collègues communistes l’ont dit, nous aussi : une étude d’impact s’impose. Il n’est pas acceptable que M. Barroso tire des conclusions avant toute analyse. Les pays doivent exiger une étude d’impact avant que l’on imagine un autre scénario de régulation et d’organisation, et vous ne seriez pas le seul à la demander, monsieur le ministre. Le scénario n’est pas un préalable à l’analyse.

Nous ne sommes pas isolés en Europe. J’ai pris hier l’exemple de La Poste, au sujet duquel M. le rapporteur m’a un peu caricaturé en disant que cela n’avait rien à voir mais je veux bien l’excuser pour ce moment de fatigue. Je maintiens que cela concerne la question dont nous traitons. Une nouvelle directive de dérégulation complémentaire va s’appliquer au secteur postal en 2009. Devant cette perspective, neuf opérateurs, dont la plupart sont liés aux États, crient à la catastrophe. Ils redoutent, si nous allons dans la voie tracée par la Commission, que ne soit supprimé le secteur réservé, autrement dit la capacité de garder sous monopole une partie du courrier pour pratiquer la péréquation tarifaire. Pour que les Français me comprennent bien, cela veut dire que le jour où le secteur réservé sera supprimé, le prix de l’affranchissement sera variable en fonction du coût du transport : plus le destinataire de la lettre sera éloigné, plus l’on devra payer cher. Il n’y aura plus de tarif unique et même plus de facteur car il faudra soi-même aller chercher son courrier au chef-lieu de canton. Nous avons déjà eu un débat à ce sujet lors de la discussion du projet sur la dérégulation postale mais cela permet de fixer les idées.

À l’occasion d’une précédente directive postale, la France, sous un autre gouvernement, s’est battue pour maintenir le secteur réservé. Nous étions seuls au début mais petit à petit, notre pays a su élargir un front uni contre une décision considérée comme extrêmement dommageable pour le service public. De la même façon, à Barcelone, nous étions seuls à refuser d’ouvrir aux ménages des marchés de l’énergie, et à cette époque Lionel Jospin et le président Chirac étaient d’accord sur ce point. Nous savions bien que cela représentait un péril pour les ménages, avec des augmentations de tarifs à la clef. Malheureusement, nous n’avons pas conservé cette posture, ce qui nous aurait permis de réunir davantage de pays européens, compte tenu de la situation des prix, et de tenir bon pour éviter l’ouverture aux ménages en juillet 2007. Par idéologie, par enthousiasme libéral, vous avez préféré ouvrir les digues.

Aujourd’hui, avec ce texte, vous essayez de limiter la casse, et je vous en sais gré. Jusqu’à quand ? Avec quelle capacité à être euro-compatibles ? Nous le verrons au moment de nous pencher sur la nécessaire transposition de la directive. Vous le savez, ce n’est pas cette partie dont nous souhaitons le retrait mais bien sûr l’article 10 qui porte sur la privatisation de Gaz de France.

À force de tout mélanger – privatisation et Europe –, à force de faire des mauvais procès, à force ne pas être assez ferme à l’égard de la Commission européenne, en lui disant qu’elle brûle les étapes alors que les États se sont mis d’accord pour qu’il y ait une étude d’impact avant la nouvelle directive, à force de vous soumettre à la mécanique infernale d’un marché qui se dérégule, les mots « service public » ne figureront bientôt plus que dans les poèmes et les livres d’histoire : il n’y aura plus aucun moyen de mettre en œuvre les conditions nécessaires à son bon fonctionnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le débat sur l’Europe est central et j’ai déjà dit que le groupe UDF soutiendrait la partie du projet consacrée à l’ouverture des marchés du gaz et de l’électricité aux PME et aux particuliers, soit les articles 1er à 9.

Il s’agit d’abord d’une question de principe. Il nous paraît important de construire directive après directive – directives approuvées par les députés européens, nos ministres et nos chefs d’Etat – un environnement juridique commun, c’est même un objectif politique majeur, au même titre que la construction d’un marché intérieur où la concurrence est de plus en plus loyale.

Je voudrais dire à nos collègues du groupe communiste à quel point les directives européennes nous ont fait du bien, notamment en matière environnementale.

M. Daniel Paul. Ça, c’est votre avis !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela me semble difficilement contestable. La directive sur les biocarburants, la directive sur les énergies renouvelables, la directive sur le déclassement des centrales au fioul pour cause de trop fortes émissions de dioxyde de carbone sont toutes à l’origine de l’impulsion de notre pays en ces domaines. L’Europe nous a stimulés en matière écologique et environnementale mais aussi en matière de protection des consommateurs. Il ne faut pas la réduire à la concurrence.

Vous avez raison de dire qu’en période de hausse des prix de l’énergie, se pose un problème d’affectation de la rente. Nous aurons l’occasion d’en parler à l’article 10 : doit-elle être affectée aux investissements de long terme ou à la rémunération des actionnaires ? Mais de là à dire que la concurrence est mauvaise pour la qualité des services et des produits, c’est spécieux.

Je vais même vous choquer. Je ne considère pas comme vous que le fait qu’EDF ait un concurrent en France en matière de produits électriques soit un drame. Ça ne me fait pas pleurer, j’estime même que cela fera du bien à tout le monde. Électricité de France est un géant surpuissant, qui occupe une position bunkerisée sur le marché français – et tant mieux, d’ailleurs, c’est un atout de la France –, être confronté à un peu de concurrence ne peut lui nuire.

Vous nous dites que vous n’êtes pas contre l’Europe. C’est faux : vous y avez toujours été opposés. Je vous mets au défi de trouver un seul vote européen depuis 1958 en faveur duquel le parti communiste se soit prononcé. Vous êtes l’esprit qui toujours nie. Vous affirmez être pour la construction européenne, mais vous ne la soutenez jamais. Aujourd’hui, pour nous, groupe UDF, il est important de construire l’Europe au quotidien.

M. Daniel Paul. Pas comme ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Monsieur Dionis du Séjour, le drame n’est pas qu’EDF ait un concurrent mais qu’il ait un concurrent dans les conditions proposées par ce projet de loi. En bradant GDF, le Gouvernement et la majorité vont en plus réussir l’exploit de déstabiliser EDF. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Mais non ! Arrêtez !

M. Éric Besson. Je vous ai écouté avec un intérêt non dissimulé, faites-en de même. Il s’agit ni plus ni moins que de transférer un fichier de 11 millions de clients à une autre entreprise.

M. le ministre délégué à l’industrie. Et l’annuaire du téléphone !

M. Éric Besson. Si cela, ce n’est pas déstabilisateur pour EDF, vous nous direz ce que c’est d’autre !

S’agissant de la dérégulation et de la concurrence, on ne part pas de rien. La page n’est pas vierge. Depuis vingt ans, un certain nombre d’économistes, libéraux mais aussi de gauche, pensaient que dérégulation et concurrence apporteraient un mieux pour les particuliers et les industriels. Aujourd’hui, les choses sont claires : c’est le contraire qui s’est produit partout dans le monde. La dérégulation et la concurrence n’ont apporté de fait qu’une augmentation des tarifs, dans certains grands pays, des pannes de production, dans d’autres, des pannes de distribution. Désormais, des économistes, y compris des économistes libéraux, reconnaissent leurs erreurs passées en soulignant que ce qui est vrai pour certains domaines comme les télécommunications, où la concurrence a pu s’accompagner d’une baisse des prix, ne l’est peut-être pas de ce que l’on appelle les grands monopoles naturels, qui nécessitent de très lourds réseaux comme la production et la distribution de l’électricité et du gaz.

Dans ces conditions, j’y insiste encore une fois, ce qui est grave ce n’est pas qu’EDF ait un concurrent, car elle a les moyens de le contrer, mais que les conditions de privatisation de GDF réussissent l’exploit de déstabiliser EDF à un moment où l’environnement international et les balbutiements de la politique énergétique européenne devraient plutôt nous conduire à consolider nos atouts, qui ne sont pas si nombreux.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Madame la présidente, à la demande conjointe de M. le rapporteur et de M. Sandrier, je suggère une suspension de séance de quelques minutes.

Mme la présidente. La suspension interviendra après le vote, monsieur Paul.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Il y a quelques années, on entendait l’argument troublant selon lequel la concurrence et la privatisation entraînaient une baisse des coûts pour le consommateur. En face, on pouvait avoir l’impression que des idéologues du service public voulaient maintenir le statut public de GDF et d’EDF en faisant payer les consommateurs plus cher qu’ils ne devraient. On sait aujourd’hui que c’est le contraire qui s’est produit. La concurrence a conduit à une augmentation des prix partout où elle a été mise en œuvre : en Grande-Bretagne, aux États-unis. La meilleure preuve en est que certains États américains, qu’on ne peut soupçonner de visées collectivistes, sont revenus à une gestion publique de l’électricité et parfois même d’autres services comme le gaz et l’eau. La concurrence a constitué un dérapage, ubuesque parfois, avec des disparités de tarifs d’une ville à l’autre.

Je ne pense donc pas comme M. Dionis du Séjour qu’un concurrent pour EDF ne représente rien et qu’après tout, une autre entreprise privée pourra contribuer à diversifier un paysage un peu monotone. Au contraire, cela me paraît grave pour le consommateur, qui devra payer.

Sur un autre plan, qu’EDF soit numéro un mondial de l’électricité ne me gêne pas. Je ne vois pas au nom de quoi on devrait tenter de l’affaiblir un peu pour qu’elle perde quelques places dans le classement des géants de l’électricité. Je suis pour une entreprise forte et dominatrice !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ne voudrais pas prolonger les débats, compte tenu de la demande qui a été faite par M. Daniel Paul, mais j’aimerais préciser qu’il faut bien distinguer deux choses : la propriété du capital des sociétés de production et de distribution de l’électricité, d’une part, l’organisation du système, d’autre part. Il peut fort bien y avoir des sociétés privées qui produisent, distribuent, fournissent de l’électricité ou du gaz dans un système organisé par les pouvoirs publics. C’est exactement ce que nous entendons faire. Une confusion est constamment entretenue entre la propriété de ces sociétés, publiques ou privées, et l’organisation, publique ou débridée, du système.

Vous parlez de concurrents d’EDF. Mais cela fait plusieurs années que des concurrents d’EDF fournissent de l’électricité à notre pays. Il en va de même pour le gaz depuis 2003.

En 2000, outre l’ouverture des marchés, a été votée une disposition essentielle, à savoir l’accès des tiers au réseau. En clair, cela veut dire que les réseaux de transport d’électricité peuvent être utilisés par les concurrents d’EDF produisant hors de l’hexagone. Au total, dix-sept concurrents d’EDF utilisent les réseaux de transport du fait de la mise en application de cette disposition.

Mieux, vous avez installé un concurrent d’EDF en France en livrant à Suez, dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons peut-être, les barrages de la Compagnie nationale du Rhône. Grâce à vous, Suez est le deuxième électricien français.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Faites donc preuve d’un peu de mesure et ne dites pas que la situation actuelle est catastrophique. N’imputez pas à cette majorité et à ce gouvernement une responsabilité qu’ils n’ont pas à porter.

M. Éric Besson. Cela n’a rien à voir avec ce qui est en train de se produire pour GDF !

M. Christian Bataille. Ce ne sont pas les mêmes proportions !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En définitive, il faut regarder les choses de façon claire, réaliste et pragmatique, puisque depuis 2000 les concurrents d’EDF utilisent ses réseaux de transport, conformément à la loi que vous avez votée.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31716 à 31737.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31738 à 31759.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31760 à 31781.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31782 à 31803.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31804 à 31825.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31826 à 31847.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. À la demande du groupe des député-e-s communistes et républicains, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie des amendements identiques nos 31870 à 31891 et des amendements identiques nos 31892 à 31913 pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Les amendements nos 31870 à 31891 se situent dans le prolongement de la discussion que nous avons eue hier soir, en fin de séance concernant les alternatives possibles à la fusion entre GDF et Suez. Nous n’admettons pas l’issue que vous proposez dans votre projet.

Nous partageons l’idée que l’avenir de Gaz de France doit être assuré, mais il n’y a rien d’urgent dans la mesure où le groupe n’est en rien menacé aujourd’hui. Son capital à majorité publique le préserve de toute OPA et ses activités opérationnelles lui assurent des ressources importantes lui permettant d’investir.

Il s’agit donc de savoir si l’on poursuit la séparation d’EDF et de GDF ou si, au contraire, on renforce les synergies de service public existantes.

La séparation d’EDF et de GDF a un coût très lourd. La synergie de service public existant au niveau de la distribution peut, au contraire, être élargie à d’autres secteurs dans une démarche progressive.

Pourquoi obliger EDF à gaspiller les ressources pour acheter un gazier plutôt que d’investir dans des capacités de production électrique dont on sait d’ores et déjà qu’elles vont exiger de lourds investissements ? Avoir deux groupes concurrents qui dépensent des milliards pour disposer des mêmes compétences et pour s’affronter sur tous les terrains nous semble totalement stérile.

C’est d’ailleurs ce dont sont en train de se rendre compte nombre de pays européens qui favorisent le rapprochement de leurs acteurs historiques, gaziers et électriciens.

S’agissant des contreparties que pourrait exiger Bruxelles pour le rapprochement d’EDF et de GDF, nous rappelons qu’en 2004 la Commission était incompétente car les chiffres d’affaires d’EDF et de GDF étaient réalisés pour plus des deux tiers en France. Ce critère a été confirmé lors de l’examen du projet d’OPA de Gas Natural sur Endesa, cas sur lequel la Commission s’est déclarée incompétente.

Cette réalité a volontairement été occultée par les rapports à charge produits tant par le Gouvernement que par les directions des deux entreprises. Cette alternative de bon sens s’appuyant sur l’histoire commune des deux entreprises n’a pas été sérieusement étudiée.

Le choix politique visant à surestimer les contreparties générées par ce projet de fusion à 100 % publique et à minimiser, voir nier, le poids de celles induites par le projet de fusion-privatisation de Suez-Gaz de France marque le sens de votre projet.

Pourtant, les deux entreprises détenues par l’État peuvent voir leur activité réorientée très facilement et immédiatement, sans même déclencher de processus capitalistique.

On pourrait par exemple préférer une logique de complémentarité à une logique concurrentielle ; cesser de séparer les métiers mixtes et définir au contraire de nouveaux métiers mixtes, notamment dans la recherche, qui nécessite un véritable redémarrage dans les deux entreprises.

Nous soumettre une loi de privatisation de Gaz de France est aberrant. Les députés n’auraient aucune visibilité sur ce que Bruxelles exigerait et donneraient un chèque en blanc aux actionnaires de Suez. Attendez au moins que Bruxelles ait fait connaître sa décision concernant le périmètre du futur groupe GDF-Suez, et que les actionnaires de Suez aient fait connaître leurs prétentions.

L’option de la fusion EDF-GDF, écartée sans réel débat, doit être étudiée sérieusement : EDF et GDF fusionnés pourraient constituer le cœur d’un pôle public national ; cela renforcerait la maîtrise publique d’un secteur hautement stratégique pour les intérêts économiques, sociaux et environnementaux de notre pays et de l’Europe.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Aux deux séries d’amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31870 à  31891.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31892 à 31913.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 137622.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je peux, si vous le souhaitez, madame la présidente, présenter en même temps les trois amendements suivants, à la manière de mes collègues socialistes et communistes. Une présentation commune des quatre amendements, proches par leur objet, outre qu’elle aurait l’avantage d’accélérer nos débats, me permettrait d’exposer plus clairement les enjeux qui sont en cause.

Mme la présidente. Je suis en effet également saisie des amendements nos 137623, 137624 et 137621.

Allez-y, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Ma présentation demandera évidemment un peu plus de temps que les cinq minutes ordinairement imparties.

Mme la présidente. Bien sûr !

M. Yves Cochet. Depuis le début de nos débats, il y a une semaine, nous avons beaucoup, et fort utilement, parlé de privatisation, de fusion, de concurrence, d’Europe. tout cela était fort intéressant, et je partage la plupart des arguments de mes collègues de l’opposition. pour le dire en un mot, je voterai contre ce projet de loi, notamment son article 10, qui privatise EDF. Mais c’est une autre dimension de la question énergétique que je veux présenter à travers ces quatre amendements, qui ne concerne pas seulement la France ou l’Europe, mais le monde.

Je commencerai mon propos en vous parlant de l’« empreinte écologique ». Je ne sais si on a déjà entendu ces mots dans l’hémicycle, où on préfère parler de la croissance du PIB, ce que je déplore. le PIB est un indicateur de la richesse d’un pays ou d’un continent très imparfait, beaucoup moins pertinent que l’empreinte écologique.

L’empreinte écologique décrit en effet l’impact des activités d’une population sur le territoire qu’elle occupe. On peut ainsi mesurer l’empreinte écologique de l’humanité sur la planète, comme on peut se limiter à la ville de Paris, ou à la Bretagne. Il s’agit donc d’un indicateur global, qui présente également l’avantage de pouvoir être décliné par secteur. On peut ainsi mesurer l’empreinte énergétique de ces mêmes territoires, la planète, l’Europe, la ville de Paris ou la région Bretagne.

Cette empreinte écologique, qui a été plusieurs fois mesurée depuis qu’elle a été inventée, il y a une dizaine d’années, montre que l’impact des activités humaines sur la biosphère dépasse largement la « capacité de charge » de notre planète. C’est la deuxième notion que je veux introduire dans cet hémicycle, où elle est hélas ! encore moins usitée que la première.

Ainsi l’empreinte écologique de l’humanité sur la planète, ou des Français sur le territoire français, est beaucoup trop importante par rapport aux capacités de charge, du territoire français dans ce dernier cas, ou de la planète dans le premier cas. La capacité de charge est la capacité pour la biosphère d’absorber le produit des activités humaines sans en subir trop de dommages. La capacité de charge de la planète est dépassée depuis vingt-cinq ans, notamment dans le domaine de l’énergie.

Les conséquences les plus notoires en sont le changement climatique, attribué aux émissions de gaz à effet de serre, que le protocole de Kyoto veut réglementer, mais il y en a d’autres.

Je tenais à introduire ces deux concepts écologiques, étrangers à la pensée dominante, qu’elle soit libérale ou social-démocrate, qui place au-dessus de tout la croissance et le PIB, qui sont des indicateurs insuffisants. Je pense même qu’ils obscurcissent l’entendement, notamment dans le domaine de l’énergie, comme on le voit dans ce projet de loi.

Je ne vous en donnerai qu’un exemple, que j’emprunterai au discours prononcé en 2002 par le Président Chirac à l’occasion du sommet mondial du développement durable de Johannesbourg. Il y avait expliqué que, pour que tous les terriens vivent comme les Français, il leur faudrait trois terres, et six ou sept terres pour vivre tous comme les Américains. En un mot, le mode de vie européen, et a fortiori le mode de vie américain dépasse la capacité de charge de la planète, notamment dans le domaine de l’énergie.

C’est donc la diminution de l’empreinte énergétique des pays industrialisés qui est à l’ordre du jour. Tel est l’objectif de l’amendement n° 137622, qui fixe un objectif de réduction de 2 % par an à la consommation d’énergie finale. Cela permettrait, non seulement une diminution de notre empreinte énergétique en France et en Europe, mais aussi une solidarité avec nos frères et sœurs des pays du Sud.

Vous le savez comme moi, la Chine seule compte beaucoup plus d’habitants que tous les pays de l’OCDE réunis ; et l’Inde est également très peuplée. Ces « pays émergents », comme on les appelle maintenant, veulent adopter notre mode de vie, ce qui est rigoureusement impossible, non pas d’un point de vue idéaliste, mais pour des raisons bassement matérielles.

Je voudrais pour finir vous indiquer quelques chiffres mesurant la consommation annuelle d’énergie finale de différents pays : quand un Américain consomme en moyenne vingt-cinq barils de pétrole par an ; un Européen en consomme douze, un Chinois deux, et un Indien un. Les différences de consommation entre États-Unis, Europe, Chine et Inde sont de même ordre s’agissant du gaz ou de l’électricité, pour ne retenir que ces trois énergies primaires.

Mon deuxième amendement propose de réduire la consommation de combustibles fossiles. Comme vous le savez, 84 % de l’énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l’hydroélectricité et la biomasse 10 %. La biomasse dont M. Brottes est un ardent défenseur, est hélas ! marginale. Mais il n’est pas là pour le moment…

M. Christian Bataille. Je la défends moi aussi !

M. Yves Cochet. Certes, mais vous défendez également le nucléaire...

M. Léonce Deprez. M. Bataille est très courageux !

M. Yves Cochet. …,et vous aussi, monsieur le rapporteur, et je le déplore.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est complémentaire !

M. Yves Cochet. Hélas non ! Le nucléaire bénéficie en France de cent fois plus d’investissements que la biomasse ou les énergies renouvelables. Mais nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi d’orientation sur l’énergie. Pauvre loi ! déjà obsolète un peu plus d’un an après sa promulgation.

Le développement économique de la Chine et de l’Inde, qui compte donc deux fois plus d’habitants que les pays de l’OCDE, exige qu’ils augmentent leur consommation d’électricité, de gaz, de pétrole et de charbon, au moins en ce qui concerne la Chine. Un chiffre suffit à éclairer la question. Avec 450 millions d’habitants, l’Union européenne compte à peu près 200 millions de voitures, quand la Chine n’en compte que vingt millions. Si les Chinois bénéficiaient de notre niveau de vie, la Chine compterait 600 millions de véhicules.

M. Xavier de Roux. C’est bien pour l’industrie automobile !

M. Yves Cochet. Il est vrai, cher collègue, que l’immense marché chinois fait rêver Renault ou Peugeot, mais aussi, sans doute, Ford, General Motors, Mercedes, Volkswagen, Fiat, et d’autres.

M. Xavier de Roux. C’est un gisement !

M. Yves Cochet. Je le dis très sérieusement, à la fois pour les raisons écologiques que j’ai déjà indiquées et pour de simples raisons matérielles : jamais les Chinois et les Indiens ne pourront avoir 500 ou 600 millions de véhicules, car jamais il n’y aura assez de pétrole, assez de gaz, assez d’acier, assez de nickel, assez de cuivre ni assez ciment pour que les Chinois et les Indiens vivent comme nous. Dire que ces pays émergents, ces pays en voie de développement, vont bientôt rattraper le confort et la consommation matérielle des pays de l’OCDE est une pure illusion, non seulement du point de vue matérialiste qui est le mien, mais aussi sur le plan économique.

M. Xavier de Roux. Allez le leur dire !

M. Yves Cochet. Mais je le leur dis puisque tout cela figurera au Journal officiel !

Illusion aussi que de croire, comme certains d’entre nous peut-être, que parce que le marché chinois est immense, que l’économie décolle et que la croissance est de 10 % par an, ces pays vont un jour nous rattraper. Jamais cela n’arrivera, et cela pour des raisons matérielles. Peu importe que les entreprises doivent être publiques ou privées, que le taux de profit soit de 15 % ou le taux de croissance de 2 %, 5 % ou 10 % : c’est de l’immatériel, c’est du rêve.

Le marché mondial du pétrole offre l’exemple majeur de ce qu’est la mondialisation . Tant en volume qu’en valeur, le pétrole est à lui seul plus important, à l’échelle mondiale, que l’ensemble du marché des autres matières premières. Celles-ci – comme le cuivre, le nickel, le tungstène, le ciment ou l’acier – sont nécessaires pour atteindre un certain niveau d’équipement et de confort ou un certain mode de vie, mais jamais nos amis chinois et indiens n’atteindront ce niveau.

Madame la présidente, ayant peu parlé au cours de la semaine qui vient de s’écouler, je tiens à soutenir les quatre amendements que j’ai déposés.

J’aborde donc mon cinquième point : la disponibilité et l’accessibilité de certaines matières premières, et notamment du pétrole et du gaz. Peut-être certains d’entre vous ne le croient-ils pas plus aujourd’hui qu’ils n’y croyaient voici deux ans et demi, lorsque nous discutions en première lecture la loi d’orientation sur l’énergie, mais le pétrole et le gaz sont actuellement au maximum de leur production et le pic de production mondial du pétrole « conventionnel » – c’est-à-dire autre que les pétroles extra-lourds, polaires et ultra-profonds ou « deepwater » – a été atteint.

Ne croyez pas que la baisse de l’ordre de 10 % ou de 10 dollars qu’accuse actuellement le prix du baril sur le NYMEX, le marché de New York, soit autre chose qu’une baisse conjoncturelle, et même politique. En effet, dans quelques semaines vont se tenir aux États-Unis des élections que l’on pourrait qualifier de législatives : les élections de mid-term. La firme Chevron, grande entreprise pétrolière, a récemment annoncé qu’elle avait découvert dans le Golfe du Mexique, dans la zone du Walker Ridge Block, en eaux territoriales américaines, un puits dénommé Jack n° 2 – sans rapport avec le prénom d’un de nos collègues du groupe socialiste (Sourires) – qui aurait un potentiel de 3 à 15 milliards de barils.

Le découverte ne date pas d’une semaine : elle remonte au mois de mai dernier. Si la nouvelle est largement diffusée aux États-Unis, c’est parce que le gouvernement souhaite que les consommateurs américains constatent une diminution des prix à la pompe avant les élections législatives. Il s’agit donc, je le répète, d’une baisse purement conjoncturelle et politique, sans nul lien avec le « peak oil », ou « pic de Hubbert », qui est le pic mondial de consommation et de production – car cela revient à peu près au même –, déjà atteint pour le pétrole conventionnel et qui, tous hydrocarbures liquides confondus, le sera dans un, deux ou trois ans.

Dès lors, il n’aura plus de sens d’ergoter sur le taux de privatisation des entreprises européennes de fourniture de gaz ou de pétrole, voire d’électricité. En effet, la ressource se tarissant pour toujours du point de vue géologique, il sera bien difficile de savoir s’il vaut mieux qu’une entreprise soit privée ou publique pour faire baisser les prix.

Les prix monteront pour une deuxième raison : la France et l’Europe ne sont pas les seuls consommateurs d’électricité, de gaz ou de pétrole dans le monde et les pays émergents que j’ai cités – la Chine et l’Inde –, ainsi que le Brésil, l’Afrique du Sud, le Pakistan et d’autres encore, veulent de plus en plus de gaz et d’électricité, convaincus que la croissance de la consommation serait ce qu’il y a de mieux et que, pour être fort, il faudrait avoir du pétrole, du gaz et de l’électricité à bas coût. Eh bien, non ! Depuis un siècle et demi, nous étions dans l’ère de l’énergie abondante et à bon marché, mais cette ère se termine, et elle se termine aujourd’hui – pas en 2020.

Pour des raisons géologiques et économiques, le marché de l’énergie est aujourd’hui en train de basculer : l’offre était largement excédentaire par rapport à la demande, mais la demande est aujourd’hui structurellement excédentaire par rapport à l’offre.

La raison économique structurelle qui s’ajoute à la raison géologique fait que les prix de l’énergie, et notamment celui du pétrole – directeur, prescripteur dans le domaine énergétique –, vont monter tendanciellement, pour toujours.

Troisième facteur : il y des guerres pour l’énergie. Voilà trois ans, la guerre d’Irak n’a pas été faite parce que Saddam était un dictateur – même si personne ne conteste qu’il en était évidemment un… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est la moindre des choses que de le reconnaître !

M. Yves Cochet. La moitié des pays de l’ONU sont des dictatures, monsieur le rapporteur ! Pourquoi l’Irak ? Parce que Saddam avait des armes de destruction massive ? Pas du tout : parce que l’Irak a de grandes réserves de pétrole à bas coût d’extraction. Même Total en était conscient – mais Total a été chassé d’Irak et ce sont les Américains, qui n’étaient pas présents en Irak du temps de Saddam, qui ont fait main basse sur le pétrole irakien. C’est comme ça.

Le troisième facteur qui pousse les prix à la hausse est donc le facteur géopolitique : le pétrole, comme l’énergie, c’est la guerre.

Dernier point : l’amendement n° 137634 propose que la loi fixe un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de nos émissions de gaz à effet de serre. C’est ce qu’on appelle le « facteur 4 ». Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin – pour une fois, M. Raffarin a eu raison – s’est préoccupé des émissions de gaz à effet de serre et du changement climatique, du protocole de Kyoto et de l’engagement européen – vertueuse Europe ! – et a considéré que les pays industriels, notamment européens, devaient avoir divisé par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ce qui est un objectif à long terme en politique.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour y parvenir et pour tenir cet engagement européen qui est aussi celui de M. Raffarin, il faut commencer tout de suite. Ce n’est pas en 2049 que nous devrons nous dire : « L’an prochain, il faudra diviser par quatre nos émissions » ! En raisonnant comme pour le calcul des intérêts composés d’un emprunt, il nous faut, pour parvenir dans les délais à réduire à 25 % de leur valeur actuelle les émissions de gaz à effet de serre, diminuer de 3 % par an ces émissions dès 2006 et chaque année suivante jusqu’à 2050. Pour atteindre notre objectif commun il faut donc, je le répète, commencer dès maintenant. J’espère donc que cet amendement au moins sera inscrit dans la loi.

Avant de présenter mon quatrième amendement, je tiens à affirmer que cette politique de sobriété énergétique – baisse de 2 % de la consommation d’énergie en général, baisse de 3 % de la consommation d’énergie fossile, baisse de 3 % des émissions de gaz à effet de serre – est la seule qui garantisse notre indépendance énergétique. En effet, la France, en matière d’électricité, d’uranium, de gaz et de pétrole, est à 100 % dépendante de l’extérieur. Il est ridicule de dire que cette loi vise à garantir la sécurité des approvisionnements ! Lorsque les approvisionnements en provenance de Russie, de Norvège ou d’Algérie auront diminué parce que tout le monde voudra du gaz et du pétrole, il faudra bien que les gens consomment moins – c’est ce que les Américains appellent « demand destruction », une destruction de la demande.

Il est donc évident qu’il faudrait mettre en œuvre immédiatement une politique de sobriété énergétique, une politique d’économies d’énergie dont je pourrais décliner cent mesures – comme je l’ai d’ailleurs fait lors du débat sur la loi d’orientation sur l’énergie. Voilà le problème le plus urgent à régler pour que la France, qui est aujourd’hui dépendante à 100 % de l’extérieur, soit protégée.

Cette politique est en outre une politique de paix : nous aurons soit une politique de sobriété énergétique, soit la guerre – celle que font actuellement les Américains. Ne croyez pas que les Européens ne soient pas concernés. D’ailleurs, Tony Blair soutient la guerre en Irak.

Mme la présidente. Monsieur Cochet, veuillez avancer, je vous prie.

M. Yves Cochet. Mon quatrième et dernier amendement, n° 137621, porte sur un point plus précis et vise à ce que la loi fixe un objectif de consommation de 15 % par an de biogaz national à l’horizon 2010.

D’un point de vue général et comme l’ont dit à juste titre certains de nos collègues communistes et socialistes, la vraie richesse de Gaz de France n’est évidemment pas qu’un grand groupe aurait, comme l’ont répété M. le rapporteur et M. le ministre, un plus grand pouvoir de négociation face par exemple à la Sonatra ou à Gazprom. Un tel pouvoir de négociation est une illusion complète.

La vraie richesse de Gaz de France, qu’a d’ailleurs évoquée M. le ministre lui-même la semaine dernière dans son propos initial et dont il a encore été question tout à l’heure avant la suspension de séance, ce sont les tuyaux et le fichier d’abonnés. Soixante-dix pour cent du chiffre d’affaires de GDF est lié au réseau de distribution et il n’y a aucune synergie entre Suez et GDF pour ce qui concerne les tuyaux et le réseau d’abonnés. Il s’agit seulement d’un immense cadeau à Suez et à M. Mestrallet – j’allais dire : aux amis économiques, sinon politiques, de la majorité UMP et du Gouvernement. Ce matin même, chers collègues de l’UMP, la presse ne rapportait-elle pas les propos de M. Dupont-Aignan, pour qui cette fusion est un cadeau à vos amis politiques. Vous privatisez GDF et vous offrez à Suez un réseau de distribution : des tuyaux et des abonnés.

Mme la présidente. Merci, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Je n’ai pas terminé, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez déjà dépassé le temps qui vous aurait été imparti si vous aviez soutenu chacun de vos amendements séparément.

M. Yves Cochet. Mon temps de parole est de quatre fois cinq minutes.

Mme la présidente. Vous avez déjà parlé plus de vingt minutes. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Yves Cochet. Je terminerai par des propositions. Comme l’indique l’exposé sommaire de cet amendement, l’entreprise Gaz de France pourrait justement s’appeler « Gaz de l’étranger », puisque nous sommes dépendants à 100 % de l’étranger dans ce domaine. Or, dans toutes les régions de France, de nombreux sites, parfois de dimensions réduites, pourraient produire des gaz de décharge, préférables aux gaz à effet de serre, comme le méthane, dont la composition chimique est pratiquement identique à celle du gaz de terre que nous importons depuis la Russie. Il serait donc utile, puisque nous en avons le potentiel, de produire dans notre pays 15 % de biogaz et d’améliorer ainsi la sécurité de nos approvisionnements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Intervenant dans ce débat, M. Cochet nous a présenté avec la conviction et le talent que nous lui connaissons des propositions qu’il a régulièrement défendues ici lors des nombreuses discussions que nous avons eues notamment à propos de projets de lois – car la présente majorité, à l’initiative du Gouvernement, a été féconde en textes sur l’énergie.

Dans un souci de concision et pour ne pas laisser accroire qu’il voulait bloquer la discussion et encombrer cette séance par des propos bavards, voire inutiles, M. Cochet a abordé avec beaucoup de maîtrise divers points que je reprendrai en détail.

L’amendement n° 137622, tout d’abord, a pour objet de fixer un objectif de réduction de 2 % par an à la consommation d’énergie finale.

Cette question, M. Cochet s’en souvient, a été largement évoquée à l’occasion de la discussion de la loi de programme qui a été adoptée en juillet 2005, et dans laquelle plusieurs objectifs ont été fixés. D’abord il y a l’article 3, qui précise que « le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d’énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale…

M. Yves Cochet. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …« à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d’ici à 2030 ». Il s’agit bien de réduire l’intensité énergétique et non, comme vous le proposez, la consommation d’énergie finale, parce que nous, nous voulons que la croissance ne faiblisse pas en France. L’objectif que vous préconisez, monsieur Cochet, aurait bien entendu pour cause ou pour effet une baisse de la croissance et de l’activité. Ce serait un retour en arrière.

M. Léonce Deprez. Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ne veux pas faire de caricature, mais ce serait un retour à la lampe à l’huile. Je ne vous accuse pas de vouloir revenir au XIXe siècle, mais si votre objectif était atteint, il y aurait une diminution de la consommation de l’énergie, notamment de l’énergie fossile.

Je rappelle quels sont les moyens que l’État s’est donné, à travers plusieurs politiques, pour atteindre l’objectif de la loi de 2005 : d’abord il y a une réglementation, à la fois française et communautaire – l’Europe s’invite donc dans ce débat, à notre initiative d’ailleurs –, relative à l’efficacité énergétique, qui s’adapte à l’ensemble des secteurs concernés, au plus près des capacités technologiques, et prévient le gaspillage d’énergie ; ensuite, il y a la fiscalité, et le Gouvernement a pris des initiatives qui ont dopé les efforts des Français en faveur de dispositifs économisant l’énergie. Auparavant il y avait des vœux exprimés dans les lois, mais pas de ressort, notamment pas celui de la fiscalité. Parmi les dispositions fiscales qui ont été prises, je pense au doublement du crédit d’impôt, de 20 % à 40 %. Ce sont des facilités qui ont été données aux Français pour qu’ils aillent dans le sens des économies d’énergie. Il y a aussi toutes les actions de sensibilisation, qui sont menées aussi bien dans les écoles, dans les lieux de réunion, qu’à travers les vecteurs d’information dont nous disposons. Je citerai également l’information des consommateurs, tout ce qui concerne le recyclage des déchets où, là aussi, il y a eu des initiatives fortes.

J’appelle également votre attention sur l’annexe à la loi de 2005, qui rappelle quels sont les axes principaux de la politique énergétique. Quand nous examinerons d’autres amendements que vous avez déposés, je serai amené à revenir sur les choix qui ont été faits par le Gouvernement, dans le prolongement d’ailleurs des gouvernements précédents, notamment le choix du nucléaire, qui reste conforté.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur vos amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Si on regarde les chiffres que propose d’atteindre M. Cochet, on est à vrai dire pas très loin des objectifs qui ont été fixés par la loi de 2005. Il a rendu hommage à l’action menée par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin, et je l’en remercie. Mais j’imagine, vu le rôle que joue M. Cochet dans cette assemblée, que si nous disions « oui » à ses amendements, il en demanderait encore plus !

M. Yves Cochet. Ah non ! Jamais !

M. le ministre délégué à l’industrie. Notre objectif de 2 % de réduction de l’intensité énergétique,…

M. Yves Cochet. Ce n’est pas du tout la même chose !

M. le ministre délégué à l’industrie. …est inférieur à celui visant à réduire de 2 % la consommation, parce que l’intensité énergétique est corrigée par la croissance économique. Si nous avons une croissance de 2 % avec moins 2 % d’intensité énergétique, cela fait une consommation d’énergie finale constante, ce qui est le cas actuellement, alors que pour réduire de 2 % la consommation, avec 2 % de croissance, cela exigerait une diminution de 4 % de l’intensité énergétique. Aujourd’hui, la baisse est de 1,6 % ; nous espérons atteindre 2 % le plus rapidement possible. Dans la loi de 2005, l’objectif est d’y parvenir en 2010. Nous mettons en œuvre plusieurs dispositifs pour cela, et M. le rapporteur les a décrits.

Je voudrais faire une autre remarque : au fond, tous ces efforts faits par l’industrie française doivent aussi être accomplis à due concurrence par les secteurs de l’habitat, du résidentiel, des transports, et nous avons des dispositifs qui y contribuent. Je tiens à dire qu’aujourd’hui l’essentiel des efforts est le fait de l’industrie et du secteur énergétique parce que ce sont aussi des efforts économiques pour ces entreprises.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l’industrie. Et probablement que les efforts qu’elles ont accomplis pour l’environnement n’ont pas été sans bénéfice pour elles. Il y a une communauté d’intérêts entre l’amélioration de la productivité, l’économie d’énergie et les résultats pour l’environnement. Tout cela marche ensemble, et les efforts de nos entreprises dans ce sens sont souvent liés à leurs efforts en termes de gains de productivité.

Troisième remarque : nous faisons en France beaucoup d’efforts, mais il faut que ceux-ci soient partagés dans le monde. Si les Chinois veulent 600 millions de voitures, même si elles ne seront pas toutes au pétrole, une chose est certaine, c’est que nous devons arriver à faire partager nos objectifs au-delà de nos frontières, d’abord au niveau européen, dans le cadre des discussions sur les quotas d’émissions de gaz à effet de serre, et au niveau international, où il est essentiel que la politique que nous défendons, qui est à l’origine et dans la ligne du protocole de Kyoto, soit mise en oeuvre le plus largement possible. Les efforts de la France ne portent en effet que sur 2 % des émissions mondiales à effet de serre, c’est-à-dire que notre secteur énergétique ne représente qu’une partie de ces 2 %. Dès lors on aura beau faire, si les autres n’en font pas autant en dues proportions, l’effet ne sera pas suffisant pour changer vraiment la situation. Les efforts à accomplir à l’international doivent être considérables pour parvenir à ce que les grands pays émergents et les grands pays développés partagent tous notre point de vue.

Pour terminer, s’agissant de l’amendement n° 137621, je doute que l’on puisse techniquement atteindre l’objectif de 15 % de consommation de biogaz naturel en 2010. C’est probablement irréaliste à court terme. Nous avons cependant lancé des appels d’offre sur le biogaz, l’un deux porte sur 300 mégawatts, et nous continuons d’encourager, par des tarifs de rachat intéressants, ce type de projets. Certains sont déjà réalisés, d’autres sont en préparation.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. M. Cochet s’étant exprimé globalement sur ses quatre amendements, je répondrai de la manière la plus synthétique possible.

Monsieur Cochet, vous m’avez dit tout à l’heure qu’étant partisan du nucléaire, je ne pouvais pas l’être des énergies renouvelables, du biogaz en l’occurrence. Mais ce qui nous distingue, monsieur Cochet, c’est que je pense, d’une part, que l’énergie nucléaire est très utile dans ce pays,…

M. Jacques Le Guen. Bien sûr !

M. Christian Bataille. …mais que, d’autre part, des énergies nouvelles ou renouvelables peuvent aussi être encouragées pour aboutir à réduire la part relative du nucléaire.

Pour ce qui est de l’amendement n° 137622, qui propose une réduction de 2 % par an de la consommation d’énergie finale, c’est le seul sur lequel je m’abstiendrai car il est globalisant et fixe un objectif volontariste qui, de toute évidence, ne peut pas être atteint. Je pense que la réduction de la consommation d’énergie peut beaucoup plus sûrement s’obtenir par une amélioration de l’efficacité énergétique. Il faut regarder secteur par secteur : il y a des espoirs de réduction de consommation dans le domaine de l’industrie et dans celui de l’agriculture, domaines qui ont réduit leur gourmandise énergétique ; par contre, il y a des points sombres tels que l’industrie des engrais, des plastiques, des goudrons, où la consommation d’énergie ne se réduit pas, et tels que les transports, mais où les choses vont tout de même s’améliorant. Je souligne que beaucoup de progrès sont obtenus dans les transports grâce aux transports en commun qui fonctionnent à l’électricité.

M. Yves Cochet. Je suis pour !

M. Christian Bataille. Le métro, les TGV,…

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Christian Bataille. …fonctionnent à 80 % grâce aux centrales nucléaires. Et puis là où votre objectif me paraît encore plus difficile à atteindre, c’est dans le domaine du résidentiel tertiaire, secteur dans lequel on constate, hélas, un accroissement de la consommation, l’évolution des modes de vie aidant – je pense à la climatisation, caractéristique d’un mode de vie factice et inutile, qui se répand et qui contient en elle-même un véritable risque d’accroissement de la consommation d’énergie.

S’agissant des trois autres amendements, je ne peux qu’approuver ce que vous nous proposez.

L’amendement n° 137623 vise à réduire la consommation de combustibles fossiles, qui sont générateurs d’effet de serre – charbon, pétrole, gaz. En France, il s’agit surtout de centrales au gaz puisque EDF réduit ses centrales à charbon, pas toujours d’ailleurs à juste titre. Mais nous avons des centrales nucléaires qui ne génèrent pas d’effet de serre, il faut le dire et le répéter. Je passe sur l’amendement n° 137624, qui va dans le même sens et qui mérite, lui aussi, d’être voté.

Le dernier amendement porte sur le développement du biogaz. J’ai entendu M. le ministre faire preuve de quelques réticences devant l’objectif volontariste de 15 % de production de gaz d’origine biologique à l’horizon 2010. C’est un objectif peut-être difficile à atteindre, mais en tout cas il a le mérite de fixer un horizon. Il est bien certain que développer le biogaz national ne peut que soulager la facture énergétique, et par conséquent desserrer l’étau de la contrainte gazière, grâce notamment au biogaz.

Le développement du biogaz national ne peut que nous soulager du poids de la facture énergétique, et desserrer l’étau de notre dépendance gazière.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Sans vouloir relancer un débat que nous avons déjà eu très souvent, monsieur Cochet, je souhaite formuler deux remarques, avant de revenir sur la loi d’orientation de 2005.

Vous insistez souvent sur le « peak oil », qui, d’après vous, serait atteint. Certains de vos amis prétendent qu’il le sera à court terme, d’autres dans plusieurs dizaines d’années.

M. Yves Cochet. Regardez les chiffres !

M. Serge Poignant. Nous ne rouvrirons pas la discussion ici. Je ferai néanmoins une autre remarque : nous défendons tous, dans cet hémicycle – avec des sensibilités certes différentes – la maîtrise du prix de l’énergie. Or, monsieur Cochet, certains de vos amis affirment qu’il n’est d’autre solution que de laisser augmenter le prix des énergies fossiles – vous le confirmez, je suppose –,…

M. Yves Cochet. Bien sûr !

M. Serge Poignant. …pour encourager le recours aux énergies renouvelables. Le gaz est bien une énergie fossile : il faudrait donc peut-être vous mettre d’accord sur un équilibre à trouver.

Quant à la loi d’orientation de juillet 2005, elle est le fruit d’un long débat national engagé dès 2003. Comme l’a justement rappelé M. le ministre, la loi d’orientation sur l’énergie indique que l’intensité finale – c’est-à-dire le rapport entre la consommation d’énergie et la croissance économique – doit être réduite en moyenne de 2 % d’ici à 2015 et de 2,5 % d’ici à 2030.

La loi d’orientation fixe par ailleurs comme objectif, je cite, « la production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d’énergie renouvelables à l’horizon 2010 ». Y sont aussi inscrits les objectifs de Kyoto concernant l’approvisionnement pour la consommation d’électricité à partir de 21 % d’énergies renouvelables. Le taux de 5,75 % pour les biocarburants – auxquels nous croyons, même si, je le sais, ce n’est pas votre « tasse de thé » – relève même le niveau de nos objectifs en la matière pour l’horizon 2008, et il est prévu de passer, à l’avenir, à un taux de 7 %, puis de 10 %.

En outre, des plans sont en cours, tant au plan national qu’international. On peut évoquer l’objectif, que nous approuvons tous, de diviser par deux – par quatre pour les pays développés –, les émissions de CO2 d’ici à 2050. La France ne s’en contente d’ailleurs pas, qui met en œuvre des actions spécifiques, comme le plan « Climat », que vous connaissez, le plan « Face Sud » pour le bâtiment – où il reste sans doute beaucoup à faire –, le plan « Terre énergie », qui, grâce à l’apport de la biomasse, devrait nous permettre d’économiser 10 millions de tonnes équivalent pétrole d’ici à 2010, ou enfin le plan baptisé « L’énergie pour le développement », qui vise à étendre l’accès aux services énergétiques des populations des pays en développement, selon le MDP – Mécanisme pour un développement propre.

Ces objectifs et ces plans, soutenus par des mécanismes fiscaux, sont inscrits dans la loi de juillet 2005, ainsi que la mise en œuvre des certificats d’économie d’énergie. Nous partageons donc les mêmes objectifs, mais pas forcément les moyens d’y parvenir : selon nous, la loi d’orientation de 2005 y pourvoit.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Les explications de M. Cochet justifient que la puissance publique garde la maîtrise des questions liées à l’énergie.

Que le « peak oil » soit atteint demain ou dans quelques années, le volume des énergies fossiles est évidemment limité, et le développement heureux des pays émergents va assurément accélérer le processus. Nous devons prendre en compte ces réalités avec responsabilité.

Face à cela, et pour parer au risque d’effet de serre, les économies d’énergie que nous réalisons sont encore très insuffisantes. Je ne prendrai qu’un exemple : le logement. Les pouvoirs publics ont depuis quelques années lancé un vaste programme de réhabilitation de logements anciens – qu’il s’agisse de logement social ou non. Des normes ont été édictées, dans les domaines phonique, thermique, etc. Or, on s’aperçoit aujourd’hui que les objectifs n’ont été remplis qu’a minima, comme dans le domaine de l’accessibilité pour les personnes âgées ou handicapées, avec seulement 6 % de logements. Il faudrait faire beaucoup plus, par exemple, pour le maintien des personnes âgées à domicile. Ces questions, parce qu’elles sont graves, ne doivent pas être abandonnées au secteur privé.

J’en viens aux quatre amendements de M. Cochet. Pour ce qui concerne l’amendement n° 137 622, relatif à l’objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d’énergie finale, notre groupe est réservé et ne le votera pas : il entraînerait en effet une réduction de l’activité économique au niveau national et international.

En revanche, nous voterons les amendements nos 137 623, 137 624 et 137 621. Oui à l’amendement n° 137 623, qui propose « la réduction de 3 % par an en moyenne [de] la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles. » La durée de vie de ces derniers est en effet limitée : nous devons léguer aux générations futures, pour les préserver, une partie de ces combustibles encore indispensables dans un certain nombre de domaines, et sans doute pour longtemps. Le gaspillage dont ils font aujourd’hui l’objet, souvent à des fins de profit, ne nous paraît pas raisonnable. L’objectif visé par l’amendement est sans doute ambitieux, mais il est nécessaire.

L’« objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de nos émissions de gaz à effet de serre » proposé par l’amendement n° 137 624 est à mon avis tellement évident qu’il est inutile de s’étendre. Nous voterons bien sûr cet amendement.

M. Yves Cochet. J’espère que la majorité fera de même !

M. Daniel Paul. J’ai malheureusement peu d’espoir à ce sujet.

Nous voterons également l’amendement n° 137 621, qui prévoit de fixer à 15 % la consommation annuelle de biogaz national à l’horizon 2010. Là encore, l’objectif sera sans doute difficile à atteindre, mais il faut nous y tenir.

Bref, chers collègues, nous sommes pour une réduction de la consommation des combustibles fossiles, mais pas pour celle de la consommation d’énergie dont notre pays a besoin. Il nous faut donc chercher des solutions plus efficaces et plus pertinentes, diversifier notre panier énergétique en conservant les poids lourds que sont, au moins pour notre pays, l’hydroélectricité et l’énergie nucléaire, dont nous ne pourrons pas nous passer avant longtemps. Mais nous devons parallèlement développer les énergies alternatives, dites, selon une expression plus ou moins appropriée, « renouvelables ». On nous rebat les oreilles sur l’énergie éolienne : elle existe, mais elle a ses limites, et il est beaucoup d’autres formes d’énergie dont nous pouvons tirer profit.

J’insisterai pour conclure sur deux points. Il a beaucoup été question d’une politique européenne de l’énergie. Sans revenir sur cette question essentielle, je souhaite rappeler que celle-ci n’est envisageable que si chaque pays européen est autosuffisant, ou vise l’autosuffisance. Il serait trop facile de décréter que tel ou tel pays doit renoncer à la production d’une énergie donnée, et s’approvisionner dans le pays voisin. C’est pourquoi l’autosuffisance de tous les pays européens est un objectif essentiel.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Daniel Paul. Peut-on envisager qu’un pays comme la France, qui, comme d’autres, a fait le choix de maintenir sa production d’énergie nucléaire, y renonce au motif qu’un pays voisin le lui demanderait ?

Second point : vos déclarez, monsieur Cochet, que le statut des entreprises énergétiques importe peu. Je ne le crois pas. Les multinationales dans lesquelles interviennent des fonds de pension anglo-saxons, très volatils – lorsque le rendement baisse, ils investissent ailleurs, en moyenne au bout de quelques mois seulement – ne peuvent en aucun cas soutenir une politique énergétique de long terme, qu’elle soit nationale ou européenne.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Daniel Paul. Donnons du sens à nos politiques énergétiques, qu’elles soient définies au niveau des États ou au niveau européen. Évitons que de grands groupes, qui n’ont d’autre horizon que financier et ne se préoccupent plus de produire, ne se jettent, en véritables vautours, sur un secteur si rentable !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Cochet aborde ici un débat qui est un débat de société. Ce n’est pas un problème simple, mais cela n’a rien à voir avec le fond du texte. J’espère donc que vous n’avez pas déposé ces amendements pour faire perdre du temps à l’Assemblée.

M. Yves Cochet. Comptabilisons, si vous le voulez, mon temps de parole depuis le début de la discussion !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne suis pas opposé au débat et je souhaite vous répondre, mais je tiens à ce qu’il soit écrit dans le procès-verbal que vos amendements n’ont rien à voir avec le texte en discussion.

M. Yves Cochet. Mais si ! Il y est question d’énergie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, mais cela est sans rapport avec le capital de Gaz de France.

Je partage une partie de ce qui vient d’être dit par Daniel Paul à l’instant : votre vision est une vision idyllique.

M. Yves Cochet. Oh !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Elle est respectable mais est incompatible avec les réalités du développement économique. Or notre souci, c’est de concilier les deux, de faire que la France mène une politique structurée selon cette vision idyllique mais avec suffisamment de distance pour qu’elle ne perde pas plus que ce qu’elle a à gagner, en termes économiques et sociaux, y compris par rapport aux objectifs qui sont les vôtres. Et vous ne pouvez pas nier que la seule manière d’atteindre ces objectifs est de faire en sorte de développer la politique du nucléaire en France.

M. Léonce Deprez. C’est du bon sens !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Alors, je veux bien discuter des heures durant sur des intentions, mais l’utopie et les idéaux se heurtent à des réalités. Vous le dites vous-même, les énergies fossiles vont s’épuiser et les énergies renouvelables ne suffiront pas à les remplacer, du moins dans les délais que vous évoquez ; l’exemple des pays de l’Europe du Nord a montré que s’était rigoureusement impossible. Que reste-t-il dans ce cas pour faire en sorte que la production énergétique permette d’assurer non seulement de façon incontestable l’indépendance de notre pays et de l’Europe mais aussi son autosuffisance ? Le nucléaire !

M. Yves Cochet. Vous ne faites pas décoller un avion avec du nucléaire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bien sûr que l’on ne fait pas décoller un avion avec un réacteur nucléaire, mais comme toutes vos démonstrations aboutissent à la remise en cause du programme nucléaire, il faut bien vous répondre sur ce terrain-là.

C’est Mme Voynet, dont la pensée est identique à la vôtre, qui a remis en cause Superphénix, sous un gouvernement qui n’était pas soutenu par la majorité actuelle.

M. Yves Cochet. Excellent ministre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’un des plus grands scandales !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous êtes conséquent avec vous-même, monsieur Cochet, et l’on peut rendre hommage à la détermination qui est la vôtre pour défendre vos idées. Mais ce qui serait dangereux pour la France, c’est que vous puissiez recommencer à les défendre au Gouvernement en remettant en cause notre politique nucléaire – je suis d’accord sur ce point avec le groupe communiste.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On fera tout pour que cela ne soit pas le cas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Grâce à ce que le général de Gaulle a initié et que d’autres après lui ont développé, 90 % de notre production énergétique se font sans gaz à effet de serre. Nous sommes les seuls en Europe à avoir cette vertu.

M. Léonce Deprez. Eh oui, nous sommes les meilleurs !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Cochet et ses amis verts nous citent toujours l’exemple des pays de l’Europe du Nord. Soit. Mais 82 % de la production énergétique du Danemark génèrent des gaz à effet de serre. Dans ces conditions, quelles que soient les vertus du Danemark, je préfère l’exemple d’une France qui a su se battre pour mettre en place une politique nucléaire lui permettant de produire 90 % de son énergie sans gaz à effet de serre.

Je voudrais donc qu’il n’y ait pas de confusion dans ce débat, et je tiens à ce que ceux – nombreux, je l’espère – qui consultent le Journal officiel, y lisent clairement que se passer des énergies fossiles sans développer le nucléaire est une utopie !

Lorsque vous dites par ailleurs que le nucléaire se heurte au problème d’approvisionnement en uranium, vous vous trompez, monsieur Cochet. Là encore, votre raisonnement se heurte à la réalité des faits.

M. Yves Cochet. Il y a des mines d’uranium en France ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, il y a encore des mines en France.

M. Yves Cochet. Elles ne sont plus exploitées !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le sais d’autant mieux qu’elles ne sont pas très éloignées de mon lieu de naissance, le Limousin. Et les réserves sont importantes.

Ensuite, nous entretenons des liens d’amitié séculaires avec des pays qui ont des réserves considérables : l’Australie, le Canada, entre autres. Or il se trouve qu’AREVA – entreprise française, il me semble – détient des intérêts dans l’exploitation de ces réserves, en Australie et au Canada.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Une entreprise publique !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci de le rappeler, monsieur le rapporteur.

Il y a donc d’un côté l’utopie, que je respecte, et de l’autre la réalité d’une politique conduite depuis quarante ans par les gouvernements successifs et qui fait que la France peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir la capacité de préserver son indépendance énergétique. Je souhaite que cette politique perdure dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour une fois, je ne serai pas d’accord avec le président Ollier. À l’UDF, nous connaissons presque par cœur la directive européenne que nous devons transposer. Il y est dit à l’article 3, alinéa 2 : « En matière de sécurité d’approvisionnement, de gestion orientée vers l’efficacité énergétique et la satisfaction de la demande, et pour atteindre les objectifs environnementaux, les États membres peuvent mettre ne œuvre une planification à long terme. » Sur ce thème de la planification à long terme, l’UDF proposera d’ailleurs plusieurs amendements visant à transposer correctement la directive.

Au risque de vous surprendre, le groupe UDF va voter ces quatre amendements, malgré certains éléments contestables. Les chiffres sont peut-être excessifs – je n’ai pas les moyens de les vérifier – et les discours vis-à-vis du Tiers-monde m’ont personnellement un peu choqué : je ne sais pas si 1,3 milliard de Chinois posséderont bientôt des voitures, mais ils sont déjà 200 millions, ce qui commence à faire beaucoup. Enfin, et je rejoins ici le président Ollier, l’absence d’aggiornamento de la pensée économique des Verts sur le nucléaire commence à devenir pénible.

M. Léonce Deprez. Dans ce cas, ne votez pas les amendements !

M. Jean Dionis du Séjour. Il va bien falloir que les écologistes finissent par intégrer le nucléaire dans leur vision de la politique énergétique, notamment en ce qui concerne la question de l’effet de serre. Il est irresponsable de votre part de ne pas le faire, monsieur Cochet !

Ceci dit, nous devons écouter le discours écologiste.

M. Daniel Garrigue. Vous êtes incohérent. C’est de la politique à la carte ! Vous votez n’importe quoi. Un jour, une chose, le contraire le lendemain !

M. Jean Dionis du Séjour. En 1974, René Dumont faisait rire tout le monde en nous alertant sur la question de l’eau, du pétrole et du réchauffement climatique. Aujourd’hui, plus personne ne rit. En ce qui concerne la réduction de la consommation d’énergie, d’énergie primaire notamment, les orientations écologistes sont donc bonnes ; elles sont bonnes aussi lorsqu’il s’agit que la France soit cohérente par rapport à ses engagements internationaux. Car on empile les engagements internationaux : le protocole de Kyoto qui prévoit une réduction par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici cinquante ans, la directive européenne sur les biocarburants, la directive européenne sur les énergies renouvelables. On multiplie les signatures, sans coordination ou presque entre l’action à court terme de la France et son action à long terme. Le seul élément que j’ai trouvé en relisant les lois de 2000, 2003 et 2004 figure à l’article 6 du titre II de la loi de 2000, qui prévoit une programmation pluriannuelle des investissements. J’ai donc consulté le rapport du ministère de l’industrie. Mais il est d’une timidité affligeante ! Rien sur nos objectifs annuels de réduction des gaz à effet de serre, rien sur la coordination entre le court et moyen terme et nos objectifs à long terme.

L’UDF proposera donc des amendements de coordination. Nous plaiderons, comme nous l’avons fait sur la loi d’orientation énergétique, pour qu’une loi de politique énergétique permette chaque année de coordonner l’annualité avec le très long terme et nos engagements internationaux. C’est dans cette optique que nous soutiendrons les amendement de M. Cochet.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je ne suis pas d’accord avec M. Dionis du Séjour, mais comprends sa position puisque l’UDF va déposer ses propres amendements sur les biocarburants, dont la commission a estimé, sans être hostile sur le fond, qu’ils étaient sans lien avec le sujet du texte de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. La planification à long terme, c’est en plein dans le sujet !

M. Serge Poignant. Le groupe de l’UMP est pour sa part favorable au respect de l’environnement et à la lutte contre l’effet de serre, et il le revendique. Rappelons quand même que la première loi d’orientation énergétique a été décidée par notre Gouvernement et que c’est notre majorité qui l’a votée.

Nous nous préoccupons, nous aussi, de l’environnement, qui n’appartient pas à un groupe politique plus qu’à un autre. Mais je préfère notre forme d’engagement environnemental au discours écologique qui dénonce le nucléaire. Nous sommes, sur ce point, en accord avec le parti communiste et quelques socialistes, car c’est une évidence. Ce qui nous sépare, c’est la question de la sécurité et des entreprises publiques. Certes, le nucléaire doit rester public, notamment à cause des déchets, mais nous faut-il des entreprises publiques pour avancer sur l’effet de serre, dans les transports ou l’habitat ? Ne mélangeons pas tout !

Bornons-nous avec cette loi à réaffirmer des principes forts, ce qui n’exclut pas qu’il faille par la suite aller plus loin.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 137622.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur m’a fait part de son désir d’exposer son point de vue sur les trois amendements suivants. Étant donné l’heure, je propose qu’il le fasse à l’ouverture de la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)