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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 14 septembre 2006

16e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 10770 à 11297 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Avant d’en venir à ces seize séries de trente-deux amendements identiques, je donne la parole à M. le ministre délégué à l’industrie, qui me l’a demandée.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Avant d’interrompre nos travaux, j’ai promis à François Brottes de répondre à ses questions. Je peux le faire oralement ou lui remettre une note. Quoi qu’il en soit, je suis à la disposition de l’Assemblée.

M. Daniel Paul. Nous préférons vous entendre, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Soit. Tout d’abord, comment s’assure-t-on du degré de sérieux d’un fournisseur ? Tout fournisseur d’électricité doit disposer d’une autorisation d’achat pour revente. Cette obligation, issue de la loi du 10 février 2000, est précisée par le décret du 30 avril 2004, qui fixe les conditions à remplir. Le déclarant doit notamment faire état d’une note détaillée sur ses sources d’approvisionnement en électricité, existantes ou envisagées, la conclusion de contrats à long terme, la détention, la réservation de capacités de production, l’approvisionnement sur des marchés d’instruments financiers à terme non réglementés. Cette série de précisions vise à garantir le sérieux économique et technique de l’opérateur.

Par ailleurs, lorsque le ministre décide d’interrompre le service d’un fournisseur défaillant, cette interruption est-elle provisoire ou définitive ? Cette décision consiste en fait en un retrait de l’autorisation d’achat pour revente. Le fournisseur devra donc solliciter une nouvelle autorisation et apporter une nouvelle fois les pièces nécessaires pour faire la preuve de ses capacités à reprendre une activité. Dans ce cas, l’interruption est provisoire.

Enfin, comment s’assure-t-on que les clients dont le fournisseur a été défaillant ne subissent pas de préjudice ? D’abord, les rapports entre le client et son fournisseur défaillant étant régis par le droit commun, le client pourra obtenir réparation par les voies usuelles. Par ailleurs, un fournisseur de secours est désigné, et le client établit des relations avec ce fournisseur, dont l’intervention génère des coûts. Je précise que l’amendement qui a été voté tout à l’heure renvoie à un décret en Conseil d’État. Ce décret sera élaboré en concertation avec les parties concernées et devra veiller à protéger le consommateur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, je renouvelle mes remerciements au ministre qui, depuis le début de nos travaux, essaie autant qu’il le peut de répondre aux questions que nous posons, même si nous ne sommes pas toujours d’accord. Les précisions qu’il vient d’apporter me semblaient indispensables, compte tenu de la manière dont a été présenté l’amendement.

M. le président. Nous en venons donc à seize séries de trente-deux amendements identiques, nos 10770 à 11297.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Après vérification auprès des collaborateurs de mon groupe, il semble que ces amendements aient été déposés sur l’article 3. J’ai accepté – une fois n’est pas coutume – la proposition du rapporteur qui me faisait remarquer que la place de ces amendements n’était pas très opportune. Si nous avons fait une erreur, monsieur le président, je suis prêt à le reconnaître, mais ne pouvons-nous pas reporter ces amendements pour en débattre ultérieurement, car nous avons besoin de savoir quel dispositif sera retenu pour les clients qui seront éligibles au bénéfice de la tarification spéciale ? Si le rapporteur me répond – et il en a le droit – que nous verrons plus tard, cela n’apportera rien au débat et n’éclairera pas ceux qui ont à connaître la manière dont nous allons régler cette question.

Je demande donc à nouveau au rapporteur s’il renouvelle la proposition qu’il nous a faite de débattre de ces amendements à un endroit plus opportun du texte.

M. le président. Monsieur Brottes, vos amendements avaient bien été déposés après l’article 3, mais les services de l’Assemblée les ont insérés à l’article 1er pour une raison formelle : parce qu’ils visent à modifier la loi de 2000, qui est abordée dans l’article 1er.

M. François Brottes. Nous considérons qu’ils ne sont pas bien placés à l’article 1er !

M. le président. Juridiquement, il y a peut-être une solution.

M. François Brottes. Je ne conteste pas la qualité de l’expertise du service de la séance, mais je renouvelle ma demande au rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. L’ayant proposé cet après-midi, j’accepte naturellement le report de ces amendements à l’article 3.

M. le président. Je considère donc que ces amendements sont retirés.

M. François Brottes. Jusqu’à l’article 3 !

M. le président. Ce n’est pas possible.

M. François Brottes. Dans ce cas, je demande une courte suspension de séance, afin de régler le problème.

M. le président. Je vous l’accorde.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur Brottes, la discussion de vos amendements pourrait avoir lieu à l’article 3 si vous les déposiez comme sous-amendements à l’amendement que défendra le rapporteur.

M. François Brottes. Si le rapporteur me confirme que l’amendement de la commission sera bien débattu, c’est avec plaisir que j’accepterai votre proposition.

M. le président. C’est à lui qu’il faut le demander !

Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas l’intention de retirer cet amendement ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non ! Il n’y a aucun doute sur ce point, cet amendement viendra bien en discussion !

M. François Brottes. Tous les amendements qui visent à accorder à certains clients le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » seront donc présentés comme des sous-amendements à un amendement de la commission à l’article 3.

M. le président. Les amendements nos 10770 à 11297 sont donc retirés et deviennent des sous-amendements. Il en va de même des amendements nos 18327 à 18689 rectifié et nos 18723 à 18821 rectifié.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 137519 et 137634 rectifié.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 137519.

M. Michel Bouvard. Cet amendement de coordination vise à intégrer les ouvrages de branchement dans les ouvrages de raccordement pouvant être éligibles à une contribution pour travaux.

M. le président. L’amendement n° 137634 rectifié de M. Gonnot est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 137519 et 137634 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 137563 de M. Dionis du Séjour.

Cet amendement n’est pas défendu.

Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques nos 32222 à 32243.

La parole est à M. Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 32222.

M. Michel Vaxès. Le groupe communiste interviendra deux fois sur l’ensemble de cette série d’amendements, monsieur le président.

Monsieur le ministre, comme vous semblez ne pas vouloir accorder d'attention à nos propos ni répondre aux interpellations de nos concitoyens, notamment par l'intermédiaire des associations de consommateurs, je crois utile de vous donner lecture de l'avis formulé par l'UFC-Que choisir sur l'ouverture complète du marché de l'électricité et du gaz.

« Le projet de fusion GDF-Suez constitue un piège tendu aux consommateurs », nous dit l'UFC.

Elle souligne qu'à compter du 1er juillet 2007 les consommateurs de gaz et d'électricité qui choisiront de s'engager sur le marché libre ne pourront plus bénéficier par la suite des tarifs régulés, sauf en cas de déménagement.

« Une fois que le consommateur aura choisi d'aller sur le marché libre, sur les tarifs qui sont ceux du marché, après avoir répondu à des sollicitations commerciales qui vont fleurir, [...] ce choix sera irréversible », a expliqué Alain Bazot, le président de l'association.

Or les tarifs dérégulés vont probablement connaître une forte hausse, estime l'association.

Elle en veut pour preuve l'expérience « cauchemardesque », ce sont ses mots, de certaines entreprises qui ont choisi de s'engager auprès d'un opérateur sur le marché non régulé et qui ont subi une hausse de 73 % de leurs factures électriques en moins de deux ans, sans possibilité de recours.

Ce dérapage des prix risque, à moyen terme, de toucher également les particuliers car « les deux opérateurs historiques conserveront une position dominante sur le marché français et disposeront d'une grande liberté pour augmenter leurs tarifs. »

L’UFC-Que choisir dit qu'elle alertera les consommateurs qui pourraient souscrire à une offre sur le marché non régulé sans en mesurer toutes les conséquences.

« Les opérateurs vont faire des offres groupées. Cela va être compliqué pour les consommateurs d'y comprendre quelque chose », a souligné Alain Bazot.

« A l'UFC-Que choisir, nous n'allons pas appeler les consommateurs à jouer le jeu de la libéralisation. S'il n'y a pas de réversibilité, notre discours sera de dire : “ne prenez pas ce pari perdu d'avance d'aller sur un tarif dérégulé sans aucune garantie de concurrence effective” », a-t-il ajouté.

Nous partageons ce point de vue, à ceci près que nous préférons prendre les devants et permettre véritablement aux consommateurs de ne pas tomber dans le piège qui leur est tendu par vos soins.

C'est le sens de notre amendement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour un rappel au règlement.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je viens de m’apercevoir que les trois séries d’amendements de M. Brottes et des membres du groupe socialiste figurant au début de la feuille jaune n’ont pas été discutées, ni mon amendement n° 137563, qui est extrêmement important pour le groupe UDF parce qu’il pose le problème de la validité de la transposition.

Je vous demande donc, monsieur le président, ainsi qu’au ministre et au rapporteur, la possibilité de discuter de cet amendement de fond qui a trait à un concept de base de la directive, qui n’a pas été transposé. Je ne sais quel moyen de procédure peut être utilisé pour appeler cet amendement, mais il faut que nous en parlions.

M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, je suis plein de bonne volonté. J’ai appelé cet amendement et constaté qu’il n’était pas défendu.

M. Jean Dionis du Séjour. Trois séries d’amendements socialistes vont être rattachées à l’article 3 alors que, peu de temps avant le dîner, nous avons discuté une série d’amendements socialistes qui étaient exactement de la même veine !

M. le président. M. Brottes a souhaité que ses amendements viennent en discussion à l’endroit adéquat. Il les a donc retirés pour les redéposer sous forme de sous-amendements à l’article 3. Ces amendements étaient à l’article 1er parce que, juridiquement, ils en relevaient, mais ils concernent plus l’article 3.

Monsieur Dionis du Séjour, lorsqu’un amendement est appelé et que le député qui doit le défendre n’est pas dans l’hémicycle, l’amendement n’est pas défendu ; c’est la règle du jeu.

Laissons le groupe communiste finir de présenter ses amendements. Je vous donnerai aussitôt la parole pour cinq minutes afin que vous exposiez votre question au Gouvernement, et celui-ci vous répondra. Mais il ne s’agira pas de la discussion de l’amendement n° 137563 qui a été appelé, mais pas défendu.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 32223.

M. Daniel Paul. Une précision, monsieur le président : nous défendrons nos amendements un par un, pas globalement.

M. le président. Faites comme vous voulez !

M. Daniel Paul. Je tenais à le dire pour que les choses soient claires.

M. le président. Pour que les choses soient claires, nous finirons à une heure et demie du matin !

M. Daniel Paul. Tout à l’heure, avant la levée de séance à vingt heures, nous avons indiqué que nous continuerions sans blocage, sans difficulté aucune, à défendre, à expliciter nos amendements.

Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er.

Après avoir annoncé que les consommateurs seraient les grands bénéficiaires de l'ouverture du marché et de sa déconcentration, les libéraux jouent aujourd'hui la carte inverse,…

Pourquoi vous retournez-vous, monsieur Novelli, lorsque je parle de « libéraux » ? Vous vous sentez visé ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je ne suis pas déshonoré !

M. Daniel Paul. Bien sûr !

Les libéraux, disais-je, jouent aujourd’hui la carte inverse, indiquant que seules la concentration du secteur et la constitution de grands groupes en situation oligopolistique seraient en mesure de permettre une modération des prix.

L'argument consiste à expliquer que ces grands groupes seraient davantage en capacité de « peser » sur les fournisseurs et donc sur les prix.

J'observe simplement que ces mêmes libéraux sont tout de même favorables au principe d'irréversibilité. On n'est jamais trop prudent. Pourquoi cette prudence ?

Si l'ouverture des marchés est synonyme de modération des prix, pourquoi défendre l'idée que les clients ayant exercé leur éligibilité ne pourraient pas revenir aux tarifs réglementés ? Je ne vois pas de meilleure preuve du piège tendu à nos concitoyens, après qu’il a été tendu aux clients industriels. Un piège qui risque fort d'emporter des conséquences graves sur notre économie et sur le pouvoir d'achat des ménages.

Je constate que votre objectif est de satisfaire, comme toujours, les intérêts d’une minorité, comme nous vous le voyons faire régulièrement, notamment au travers des réformes de l'impôt.

Vous ne pourrez arguer que vous poursuivez ici la défense de l'intérêt général. L'ouverture du marché de l'électricité, comme du gaz, ne présente aucun intérêt économique, industriel ou stratégique.

Vous tentez de convaincre, mais les Français ne sont pas dupes. Le principe d'irréversibilité que vous défendez porte témoignage contre vous. C'est l'objet de notre amendement que de dénoncer ce mauvais coup.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai déjà indiqué précédemment pourquoi j’étais défavorable à l’ensemble des amendements du groupe communiste déposés à l’article 1er. Je me contenterai donc de dire « défavorable », et j’espère que personne ne se méprendra sur la façon dont je réponds.

M. Daniel Paul. Vous faites du psittacisme !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques qui viennent d’être soutenus.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, vous n’êtes pas du tout en cause, mais il s’est passé quelque chose. Il y avait trois séries d’amendements socialistes sur la feuille jaune, et vous avez pris la décision, en accord avec François Brottes, de les rattacher à l’article 3. Pourtant, avant la levée de séance de cet après-midi, nous avons étudié, je le répète, une autre série d’amendements socialistes qui étaient de la même veine, et, ce faisant, nous étions entrés dans le débat social.

L’amendement n° 137563 est pour nous, groupe UDF, extrêmement important. Il vise à transposer la directive du 26 juin 2003 s’agissant du service universel de l’électricité. Il y a là un vrai débat sur le contrat de service public et le service universel.

Je ne suis pas un parlementaire chevronné, mais vous, monsieur le président, devez certainement pouvoir trouver un moyen de procédure pour replacer cet amendement dans la discussion. Afin d’en parler avec le rapporteur, le président de la commission et le ministre, je vous demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue cinq minutes.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je ferai d’abord un commentaire. Ensuite, je m’exprimerai sur le fond, ce dont je vous remercie.

L’UDF a déposé 55 amendements. Son temps de parole ne doit guère excéder 2,3 % de la durée totale des débats. Quand on estime avoir deux ou trois choses importantes à dire, on vit mal ce qui vient de se passer !

La transposition de la directive du 26 juin 2003 est très incomplète ; c’est pourquoi notre amendement est très important.

Cet amendement transpose dans la loi du 10 février 2000, qui sert de cadre législatif de référence au service public de l’électricité, les alinéas 3 et 5 de l’article 3 « Obligations de service public et protection des consommateurs » de la directive 2003/54/CE du 26 juin 2003.

L’alinéa 5 de l’article 3 de cette directive dispose que « les États membres veillent à ce que au moins tous les clients résidentiels et […] les petites entreprises […] employant moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 10 millions d’euros aient le droit de bénéficier du service universel […] en électricité.

C’est un concept de base : la directive européenne impose un droit minimum, qui n’est pas transposé. À cela, on répond qu’un contrat de service public a été passé entre l’État et EDF. Je l’ai lu. Cela n’a rien à voir le service universel, qui est un droit protégé par la loi européenne et accordé à des individus, que ce soient des résidents ou des entrepreneurs de PME. Le contrat de service public a été passé entre deux parties, EDF et l’État. Mais le droit européen entend garantir à des individus un droit à une électricité de bonne qualité, à des prix raisonnables, transparents. Ce contrat est très long, très bavard. Il ne prévoit aucune sanction si EDF ne le respecte pas et n’ouvre droit à aucun recours devant la justice européenne. C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui l’instauration du service universel de l’électricité.

L’analyse comparative montre d’ailleurs que nos voisins européens qui ont transposé la directive se sont dotés de ce droit à service universel. Cette discussion est centrale. La transposition se fait a minima, elle est extrêmement frileuse. L’UDF gardera cette ligne d’action dans la durée, car elle nous semble très importante.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons déjà évoqué la question du service universel à l’occasion d’amendements qui n’étaient pas forcément aussi débiles que notre collègue Dionis du Séjour voulait bien le dire au début de cette séance.

M. Jean Dionis du Séjour. Pas tous !

M. François Brottes. Je regrette que le seul amendement intelligent, celui de l’UDF, ne puisse pas être défendu en temps et en heure. Ainsi va la vie. M. Dionis du Séjour ne m’en voudra pas de tenir ce langage, il nous a tellement assaisonnés que je ne pouvais résister à ce plaisir. (Sourires.)

Pour juger de l’évolution des pratiques en matière de transposition des directives en droit positif, il suffit de faire la comparaison avec la première directive postale. C’est par amendement que j’en ai transposé une partie lors de la discussion de la loi Voynet sur l’aménagement du territoire. Comme je suis constant, nous étions rentrés dans le détail. Ainsi, d’après la directive, le courrier devait être distribué au minimum cinq jours sur sept, mais, comme nous aimons bien que le facteur passe aussi le samedi, nous avions écrit dans la loi que le courrier devait − et non « pouvait » − être distribué six jours sur sept. Ce n’est pas M. Proriol qui me contredira, lui qui fut rapporteur de la dernière transposition. J’ai souvenir que nous avions aussi fixé le poids des colis concernés par le périmètre du service universel. De même, dans la loi sur les télécommunications, nous avions indiqué le nombre de cabines téléphoniques qu’il fallait installer par village.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. C’était avant le portable !

M. François Brottes. Monsieur Novelli, il se trouve que j’exerce quelques responsabilités auprès des élus de la montagne et je pourrais vous emmener dans certains endroits où le portable ne passe pas et où l’on est très content de trouver une cabine en état de fonctionnement.

M. Daniel Paul. Eh oui !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il faut que les parlementaires se mobilisent !

M. François Brottes. Les cabines téléphoniques n’ont rien perdu de leur utilité, notamment pour des gens qui ne peuvent pas se payer des forfaits téléphoniques qui entameraient largement leur pouvoir d’achat.

Le service universel nous offre un cadre, des principes, un objectif, mais il faut que la loi précise les contours. Nous le disons depuis 2004, on ne peut laisser à un seul contrat entre l’État et les entreprises concernées le soin de définir les modalités de protection des consommateurs, car ces contrats ne parlent jamais de cela. Ils énumèrent les obligations réciproques de l’État et des entreprises − souvent assorties de clauses de sortie − et l’usager n’est jamais véritablement concerné.

Je rejoins donc la préoccupation de mon collègue Dionis du Séjour : nous devons faire en sorte que la loi ne se contente pas de transposer quelques principes. Le reproche qu’on peut vous adresser, ce n’est pas de ne pas respecter la transposition de la directive, mais de ne pas aller au-delà et de ne pas profiter des indications qu’elle donne pour définir les contours de ce minimum auquel ont droit les consommateurs concernés par le secteur de l’énergie. Il est en effet souhaitable que nous profitions de toutes les transpositions − car cela ne vaut pas que pour ce texte − pour démontrer que ce que l’Europe appelle le service universel donne des garanties proches de ce que nous appelons le service public.

Si les gens se plaignent de la manière dont sont transposées les directives, c’est parce qu’ils ont bien conscience que le service universel se contente d’énoncer quelques grands principes sans entrer dans le détail. Cela n’alimente-t-il pas une forme d’antieuropéanisme ? En tout cas, les dispositions qui nous sont proposées ici et dans d’autres textes montrent bien qu’une clarification est nécessaire.

Mais il est une autre raison qui rend indispensable ce débat sur la régulation et le périmètre universel. Si l’on manque de précision, la tendance naturelle des opérateurs concurrents sur les marchés concernés − ceux touchant aux services d’intérêt économique général, les télécoms, la poste, les transports, l’énergie −, et plus encore lorsqu’ils seront tous privés, sera toujours de considérer que le service universel pour les usagers est trop dispendieux. M. Novelli le disait : on en vient à considérer que, avec le mobile, on n’a pas besoin de maintenir des cabines téléphoniques. J’ai entendu les opérateurs le dire, qui considéraient que l’entretien des cabines est ruineux. Il est vrai que ça coûte cher et que tous les opérateurs en financent le fonctionnement par le biais du fonds de compensation, mais leur connivence tend à limiter l’effet des mesures prises et à réaliser des économies sur le dos de ceux qu’on doit protéger. J’espère que ma démonstration vous a convaincus de la nécessité qu’il y a à entrer dans le détail des définitions du service universel.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je voudrais compléter, s’il en était besoin, ce que vient de dire mon collègue. Il est bon, parfois, de faire un rappel historique, pour replacer les lois dans leur contexte. Lorsque fut votée celle de 2000, la question était de déterminer le taux d’ouverture du marché : nous étions sur la base d’environ 30 %, seuls les industriels étant concernés. Depuis, nous sommes allés beaucoup plus loin. Nous ne reviendrons pas sur le débat que nous avons eu toute la journée. Aujourd’hui, il s’agit de déterminer comment se fera l’ouverture au client domestique. Nous savons qu’il peut être une proie facile. Ne prenez pas ce que je dis en mauvaise part : moi-même, je me suis fait avoir, il y a quelques jours, en souscrivant, auprès d’une société qui me paraissait sérieuse, un forfait ADSL ne correspondant pas à la prestation dont j’avais besoin et qui m’avait été promise. D’autres peuvent, comme moi, se faire gruger, et il est nécessaire de préciser davantage les contours.

Comme le disaient aussi bien Jean Dionis du Séjour que François Brottes, le contrat passé entre l’État et EDF n’est pas suffisant : il ne couvre que le réseau, c’est-à-dire le service, et pas la fourniture. Il faudrait également codifier les règles d’encadrement de la fourniture et que ce service s’impose aux autres fournisseurs d’électricité. Pour l’instant, le réseau est la propriété d’EDF ou, dans certaines régions, de différents distributeurs non nationalisés mais bien identifiés. Toutefois, le service universel concerne aussi la normalisation de la fourniture, laquelle n’a été évoquée nulle part. Nous avons intérêt à le faire, sinon nous aurons de grandes difficultés.

De même, il faudra s’intéresser, pour le plus grand bien du consommateur, à la normalisation des contrats de fourniture. À défaut, nous risquons de voir, dans les années qui viennent, la presse regorger d’articles dénonçant la situation de tel ou tel abonné − on parlera désormais de « clients » − qui se sera fait gruger par un vendeur d’électricité. Je n’invente rien : il y a deux ou trois ans, EDF, par le biais de sa filiale londonienne, s’est fait piéger par des courtiers qui avaient passé un contrat avec elle pour faire du démarchage à domicile et qui débauchaient des clients. La presse en a parlé. Les responsables d’EDF à Londres n’ont eu qu’une seule réponse : « Les autres font pareil. » En l’absence de normes, EDF aura beau être une entreprise nationale avec 20 ou 30 % de capitaux privés, elle trouvera le moyen d’expliquer qu’elle est bien obligée d’agir de la sorte sur le marché, puisque tous ses concurrents font de même.

Nous devons donc normaliser tant la fourniture que les contrats de fourniture qui seront passés avec les clients. Ce n’est pas ce que nous souhaitions à l’origine, mais, puisque vous allez dans cette direction et que nous ne pourrons pas nous y opposer aussi longtemps que nous l’aurions souhaité, il faut trouver des solutions pour protéger le consommateur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué à notre collègue Jean Dionis du Séjour, présent à notre réunion, la commission a repoussé cet amendement. Les obligations de service public français qui s’imposent à l’opérateur vont bien au-delà de ce qu’exige le service universel. Ainsi, le service universel restreint le champ d’application aux petits consommateurs, alors que le service public concerne l’ensemble des consommateurs. D’autre part, il existe des obligations de service public en ce qui concerne la desserte de l’ensemble du territoire,…

M. François Brottes. Pour le gaz ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …la péréquation tarifaire ou le tarif social. Nous voyons bien l’orientation de cet amendement, qui entend nous situer dans un ensemble à peu près cohérent et commun à tous les pays de l’Union européenne, mais nous avons estimé qu’il n’était pas souhaitable de l’adopter, et qu’il valait mieux conserver les acquis du service public français.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, je rappellerai que le droit existant prévoit un droit au raccordement. À chaque demande de l’amendement correspond un droit existant : droit au raccordement, droit à une fourniture électrique de qualité − n’en déplaise à M. Gaubert, qui prétend que cela n’existe pas –, tarifs réglementés historiques, que Bruxelles reconnaît comme une spécificité française et qui assurent au consommateur domestique une fourniture à un prix raisonnable, tarif social électrique et dispositifs de maintien de la fourniture électrique pour les consommateurs en situation de précarité.

L’article 13 du projet de loi, intitulé « Dispositions relatives aux contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel », comporte plusieurs pages et supporte de très nombreux amendements, dont certains ont été adoptés par la commission.

Ainsi que le rapporteur l’a souligné, notre droit, s’agissant de notre service public, non seulement est déjà plus large que ce que l’on appelle le service universel, mais nous le complétons par la mise en place d’une règle du jeu en matière de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Une note, que j’ai ici, rédigée par la FNCCR, procède à un état comparatif des législations. Elle montre que le service universel est transposé dans les lois nationales en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne, en Espagne. D’un côté, on a donc un droit inscrit dans la loi et, de l’autre, un simple contrat de service public entre l’État et EDF. Lisez-le ! Ce contrat est, certes, extrêmement précis, allant jusqu’à détailler les élagages et autres enfouissements qu’il convient de réaliser. En revanche, il ne contient rien s’agissant d’éventuelles sanctions applicables à EDF si elle ne le respecte pas.

Imaginons que, directeur d’une PME à Moirax ou à Mézin, je n’arrive pas à avoir une alimentation électrique à la bonne tension ou sans taux de panne trop important. De quel recours juridique vais-je pouvoir disposer ? Le contrat de service public entre l’État et EDF dont je demande l’application n’a pas du tout la même valeur qu’un droit transposé.

Le problème est donc bien crucial, et je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis de le soulever, puisqu’il révèle une première lacune de notre transposition, que nous aurions souhaitée, pour notre part, plus complète et plus offensive. Faute de l’être, elle sera lourde de contentieux, car petit à petit, des entrepreneurs se saisiront de cette non-transposition d’un droit fondamental.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il ne faut pas opposer le contrat de service public au service universel, car ils ne sont pas de même nature.

Le contrat de service public est un engagement contractuel entre l’État, représentant des citoyens, et une entreprise, pour le moment publique. Qu’en sera-t-il lorsque l’entreprise sera privée ? Le contrat de service public avec Gaz de France sera-t-il suivi d’un contrat de service public avec Suez, et sur quelles bases ? Nous reviendrons sur ce point.

On ne peut se contenter de la situation actuelle. Nous avons besoin tant du service universel que du service public, l’un étant complémentaire de l’autre. Comme le soulignait Jean Dionis du Séjour, le contrat de service public, juridiquement, est en effet opposable à l’entreprise par l’État mais pas par un consommateur lambda dont le contrat n’aurait pas été respecté. Il y a là une difficulté à résoudre si l’on veut éviter un contentieux sur ce point.

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 32 244 à 32 265.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. On le sait sur les bancs du Gouvernement mieux que partout ailleurs, chaque opérateur, dans un contexte concurrentiel, cherche avant tout à capter des parts de marché. À cet effet, toutes les stratégies sont bonnes, telles que des offres commerciales alléchantes, voire mensongères, malheureusement.

Avec l'ouverture à la concurrence du marché pour les professionnels, on sait déjà ce que cela peut donner : des pratiques de démarchage commercial agressif aux fins de capter des clients, parfois au mépris même de la loi. Cette jungle concurrentielle nous donne, avec la poursuite de l'ouverture à la concurrence entérinée à l’article 1er, de bonnes raisons de craindre pour les intérêts des consommateurs français.

Je citerai ici le cas de petits commerçants de Clamecy, qui ont fait l'objet d'un démarchage systématique par les commerciaux de Direct Énergie. Depuis 2004 et l'ouverture des marchés à tous les clients professionnels, il leur a été proposé, en plus de leur contrat pour leur commerce, un même type de contrat non réglementé pour leur habitat, alors même qu’une telle démarche est illégale. La société a déclaré ne pas contrevenir au décret d'application de la loi, qui précise qu'un client est éligible à la concurrence pour la totalité de sa consommation, « dès lors que tout ou partie de l'électricité consommée sur ce site est destiné à un usage non résidentiel. » Selon le dirigeant de Direct Énergie, chaque client professionnel signe, au moment de la souscription de son contrat, une déclaration selon laquelle il reconnaît que l'ensemble des lieux de consommation approvisionnés par Direct Énergie répond aux critères du décret du 23 juin 2004, dont on peut bien sûr supposer qu’il ne sera pas allé vérifier les termes sur le site Internet de Légifrance ! Ceux auprès desquels l'enquête a été menée affirment d'ailleurs que la consommation d'électricité à leur domicile n'est pas d’ordre professionnel.

Dans ces conditions, que vaudra, ainsi que cela sera inscrit dans la loi, le maintien des tarifs réglementés – pour combien de temps, l’histoire le dira ! – face à de telles stratégies commerciales, dont le seul souci est de capter le maximum de clientèle pour se faire une place sur le marché ?

Si tous les opérateurs ne se comportent heureusement pas de façon aussi immorale, il est à craindre que de nombreux clients se laissent tenter par des offres alléchantes dont ils pourraient cependant ne pas maîtriser tous les tenants et aboutissants.

Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 5 de l’article 1er et de s'atteler à une réécriture complète de l'article.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements visent à mettre un terme à l’ouverture à la concurrence du marché de fourniture d’électricité. Chacun sait ici que les prix sur le marché spot sont caractérisés par une très grande volatilité – ils sont passés de 80 euros à plusieurs centaines d’euros, selon les chiffres qui ont été donnés par certains de nos collègues dans le débat qui a précédé celui sur l’article 1er.

Les chiffres sont édifiants. EDF achète l’électricité sur le marché spot londonien au moins deux fois plus cher qu’elle ne lui coûte lorsqu’elle la produit dans son propre réseau : cinquante à soixante euros au minimum le mégawattheure sur le marché sport contre une trentaine d’euros pour son mégawattheure d’origine nucléaire.

M. Michel Bouvard. Beaucoup moins, même !

M. Daniel Paul. Pendant la canicule de l’été 2003, le prix est même monté, durant quelques heures, à plus de 1 000 euros le mégawattheure sur le marché spot !

Peut-on accepter que les prix de l’énergie dépendent des mécanismes du marché, alors qu’une gestion à plus long terme, reposant sur une anticipation des capacités de production, sur une large coopération entre États, sur un bon système d’interconnexion et, comme je le soulignais hier soir, sur une autosuffisance énergétique – que les différents pays de la Communauté européenne doivent atteindre et non pas simplement viser –, permettrait sans doute de mieux faire face aux imprévus ?

Peut-on accepter que les clients d’EDF – c’est-à-dire, pour le moment, les grandes entreprises qui ont choisi de quitter le secteur régulé – courent le risque de devoir payer « plein pot », car l’entreprise qui leur fournit de l’électricité aura dû s’approvisionner sur le marché spot ?

Peut-on accepter que les entreprises clientes d’EDF courent le risque de faire faillite, menace qui plane actuellement sur la tête de certaines d’entre elles ?

M. Michel Bouvard. C’est vrai.

M. Daniel Paul. Je constate que notre collègue Michel Bouvard est d’accord avec moi.

Peut-on accepter que des ménages modestes ne puissent faire face aux hausses des prix de l’électricité, comme cela risque d’arriver après le 1er juillet ? Ces ménages modestes constituent en effet, pour les démarcheurs de GDF – de Gaz de Suez, comme pourrait s’appeler la future entreprise – ou d’EDF, une clientèle privilégiée. Or on sait ce que cela a donné – notre collègue M. Gaubert le rappelait tout à l’heure – dans le secteur de la téléphonie.

Tout cela alors que, de l’aveu même du P-DG d’EDF, la santé de l’entreprise est bonne « avec une progression sensible de l’ensemble des indicateurs financiers du groupe. Le chiffre d’affaires s’élève à plus de 51 milliards d’euros et, surtout, enregistre une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente. Quant au résultat net, il double pour s’établir à 3,2 milliards d’euros. De son côté, la dette financière baisse. » La rentabilité est donc là !

EDF n’est d’ailleurs pas toujours perdante à aller sur le marché spot. Elle y réalise elle-même de juteuses opérations puisqu’elle exporte aussi de l’électricité sur ce marché.

On le voit, les mécanismes de formation des prix de l’électricité sont loin d’être transparents. Nous souhaitons donc non seulement le maintien du tarif réglementé, mais aussi le retour à un secteur énergétique régulé par la puissance publique pour une formation transparente des prix proposés au consommateur.

Lors de la discussion générale, nous avons abordé à plusieurs reprises cette question de la transparence. Ainsi, les représentants des salariés au conseil d’administration d’EDF se voient, en dépit de leurs demandes réitérées, interdire l’accès à ces informations, alors que ce serait tout simplement normal dans une entreprise qui est toujours publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise signe un contrat sur le marché non régulé, le prix est en général fixé pour une année de consommation. Il vient d’être fait état de prix très élevés auxquels EDF a dû recourir en dépit de contrats de fourniture signés pour une année donnée. Ce risque de prix tout à coup faramineux, faute pour EDF d’avoir eu, à un moment donné, une capacité de production suffisante, n’existe pas pour les clients ordinaires, c’est-à-dire pour des clients autres que des grandes entreprises qui sont susceptibles de connaître des pointes de production.

Pour ce qui est de l’autosuffisance, notre mémorandum plaide pour une programmation pluriannuelle des investissements au niveau européen. Ce travail de prévision, nous ne sommes pas encore parvenus à l’effectuer au niveau des Vingt-cinq. En revanche, nous l’avons réussi avec le Benelux et l’Allemagne – l’Italie ne dépend pas du même réseau. Il a d’ailleurs conduit nos collègues hollandais à revoir leur politique d’implantation de sites de production électrique ; le Luxembourg mène pour sa part une intense réflexion sur ce point, ce pays ne produisant pratiquement plus d’électricité et son approvisionnement ne reposant quasiment plus que sur les importations.

Sans aller jusqu’à cette autosuffisance que vous appelez de vos vœux, le mécanisme que nous proposons au niveau européen, et que nous avons mis en place au niveau de cinq nations, permet d’assurer la production grâce à une prévision des investissements.

Ces amendements ne me paraissant pas propices à régler la question, je n’y suis évidemment pas favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La proposition qui nous est faite de supprimer l’alinéa 5 de l’article 1er est judicieuse, car l’ensemble des problèmes que nous soulevons y trouvent leur fondement.

Je le rappelle sous le contrôle du rapporteur, il existe plusieurs types de tarifs et de prix de l’électricité.

L’un s’adresse à ceux qui rencontrent des difficultés à payer. Il permet de prendre en compte la notion de produit de première nécessité dont nous parlerons un peu plus tard.

Un autre concerne ceux qui ont exercé leur éligibilité. C’est le prix du marché, dont on a rappelé qu’il avait considérablement augmenté, de 60 % voire 80 % parfois, pour les entreprises.

Il y a ensuite un troisième tarif, le tarif réglementé.

Et puis, il y aura un quatrième tarif, dit de retour, qui n’est pas mentionné dans cet alinéa, alors que celui-ci définit les modalités d’accès à l’électricité sur le plan tarifaire, ce qui soulève un problème de cohérence – mais peut-être le rapporteur proposera-t-il un amendement pour intégrer ce tarif dans l’alinéa 5.

Monsieur le ministre, quelles garanties la Commission européenne donne-t-elle aujourd’hui, en termes de durée, sur le maintien du tarif réglementé – ce que l’on appelle le tarif, le reste étant ce que l’on appelle les prix, pour faire simple ? Il existait jusqu’à présent un tarif qui était réglementé, qui était très apprécié car il était orienté plus vers les coûts que vers le profit, et tous ceux qui y sont restés jusqu’à aujourd’hui ne le regrettent pas. Mais il semblerait que le régulateur français dit haut et fort depuis longtemps, il l’écrit même, qu’il faut sortir de cette logique de réglementation des tarifs.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. En effet.

M. François Brottes. Je vois que M. Novelli acquiesce.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Bien sûr.

M. François Brottes. Peut-être est-il partisan, lui aussi, d’en sortir, il nous le dira plus tard.

M. Jean Dionis du Séjour. Il irait jusque-là ?

M. François Brottes. Le président d’EDF considère également, il l’affirme depuis déjà plusieurs mois, que le tarif réglementé et les prix ne doivent faire qu’un…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il a raison.

M. François Brottes. …et que tout doit être aligné sur le prix du marché.

Certes, il est indiqué dans l’article que « les consommateurs qui n’exercent pas ce droit – d’éligibilité – continuent de bénéficier des tarifs réglementés de vente mentionnés à l’article 4 de la présente loi », ce qui est de nature à rassurer ceux qui apprécient le montant des tarifs réglementés, mais l’environnement que je viens de décrire suscite l’inquiétude. Les questions sont nombreuses : quel est l’avis de la Commission européenne ? Quelles seront les pressions des régulateurs ? Quel est le point de vue des opérateurs ? Quel est le point de vue de M. Novelli, rapporteur pour avis de ce texte ? Et même le fait d’adopter cette disposition ne me rassure pas. Pouvez-vous nous garantir qu’au-delà de ce qui est écrit ici, parce qu’on sait que, avec votre majorité, ce qui a force de loi ne dure pas très longtemps parfois…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Oh !

M. François Brottes. Eh oui.

…pouvez-vous nous garantir, dis-je, la pérennité de cette disposition ?

Je sais que d’autres pays ont pris cette initiative, l’Espagne notamment, et ils ont eu raison, mais je crois qu’on a besoin d’une certaine lisibilité pour être sûrs qu’on n’écrit pas des choses dans la loi uniquement pour se faire plaisir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à notre collègue François Brottes : j’ai déposé un amendement, n° 88528, qui a été repris par la commission, visant à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 5 de cet article pour la réintégrer à l’article 4, dans un souci de cohérence. C’est la raison pour laquelle nous avons discuté auparavant du tarif social.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je voudrais à ce stade évoquer un moment fort que j’ai vécu en tant qu’administrateur d’EDF. Au début des années 2000, EDF a créé à Londres une filiale, EDF Trading, dont notre collègue Paul vient de parler. Le conseil d’administration d’EDF a été invité à se déplacer jusqu’à La Mecque du trading à Londres pour se rendre compte de la façon dont les choses se passaient. On nous avait dit : vous verrez, c’est formidable. C’était formidable, en effet. Il n’empêche que la majorité des administrateurs ne sont pas revenus conquis. Si on écarte ceux qui prétendent, avant même de les avoir utilisées, que les poudres de perlimpinpin sont bonnes et qu’elles leur font du bien, les administrateurs qui sont venus regarder un peu froidement ont vite compris à qui on avait affaire.

La plupart des personnes qui avaient été recrutées venaient de chez Louis Dreyfus, elles étaient habituées à spéculer, sur le café en particulier, sur le dos des producteurs d’Afrique, d’Amérique latine ou du sud-est asiatique. Pour eux, c’est le même métier, ils spéculent sur la température. Lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, il y a moins de café, lorsque les conditions sont bonnes, il y en a plus. D’ailleurs, nous ne spéculons pas, disaient-ils, nous « jouons ». Certains ont d’ailleurs tellement bien joué qu’ils ont fini par confondre la caisse d’EDF et la leur, mais c’est une autre histoire, et le problème a été réglé en interne. Tout le monde a quand même été un petit peu surpris par ce terme, surtout qu’ils jouaient avec l’argent des autres, sauf quand ça rapportait, auquel cas ça pouvait être aussi un peu pour eux.

Quand il y a des spéculateurs, il y a des gens qui prennent une marge, et là, monsieur le ministre, nous ne sommes plus dans un effet de moyenne : quand il y a une difficulté d’approvisionnement, certains en profitent pour s’engraisser, pardonnez cette expression triviale, ou engraisser leur société.

La spéculation sur un bien non stockable est inadmissible parce qu’on prend en otage le consommateur.

M. François Brottes. On organise la pénurie.

M. Jean Gaubert. C’est ce qui s’est passé dans certains pays, aux États-Unis et au Canada, et c’est ce qu’on est en train de nous faire avaler. Les eurocrates, les libéraux de Bruxelles voudraient nous obliger à supprimer en plus les marchés à terme pour n’avoir que des marchés dits spot.

M. Michel Bouvard. Les libérocrates !

M. Jean Gaubert. Les libérocrates, le terme n’est pas mauvais.

M. Michel Bouvard. Ce ne sont pas de vrais libéraux !

M. Jean Gaubert. On débattra des vrais libéraux après. En tout état de cause, ces gens-là voudraient que les prix de l’électricité varient minute après minute. Comme ils voudraient que les consommateurs changent d’opérateur tous les mois. Mais, pour moi, ce qui est important, ce n’est pas de changer d’opérateur, ce n’est pas d’avoir une facture éditée par quelqu’un d’autre, c’est de payer le moins cher possible un produit dont j’ai besoin en tant que consommateur. Or ce que vous nous proposez ne le permettra pas.

Ce marché spéculatif, où déjà les professionnels ne trouvent pas leur compte, sera dorénavant étendu aux particuliers. Et qu’on ne nous dise pas que les tarifs administrés seront maintenus, nous y reviendrons à l’article 4 ; nous savons bien qu’ils vont s’effacer devant le marché, tout le monde le dit, M. Gadonneix, la CRE…

M. Richard Cazenave. Il faut faire la révolution !

M. Jean Gaubert. J’apporterai un dernier témoignage. Il se trouve qu’actuellement sept cents élus français sont réunis à Bordeaux pour le congrès de la FNCCR, la fédération nationale des collectivités concédantes et régies, sous la présidence de M. Xavier Pintat, sénateur UMP. Cette assemblée, que je connais bien, comme Jean Proriol et d’autres ici, se situe majoritairement, sur le plan politique, au centre droit, Jean Proriol ne me démentira pas.

M. Jean Proriol. Je n’ai pas fait d’analyse politique.

M. Jean Gaubert. Mais c’est important, monsieur Proriol.

M. le président. Merci, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Attendez, monsieur le président, je ne serai pas long. Ce n’est pas au moment où je vais vous donner un scoop qu’il faut me couper la parole.

M. Jean Proriol. On fait là de la sociologie.

M. Jean Gaubert. Or, hier, en fin d’après-midi, après les débats sur la libéralisation, dans lesquels je suis intervenu, comme M. Revol, que vous connaissez bien également, M. de Ladoucette lui-même m’a dit : « Si on avait fait voter la salle, on décidait d’arrêter la libéralisation. »

C’est la preuve que les élus qui se préoccupent de ce problème sont très inquiets devant les perspectives qu’on nous annonce.

M. Richard Cazenave. C’est une forme de populisme.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. On sait ce que veulent dire, bien souvent, les amendements de suppression : vous en avez déposé, nous aussi. Mais, là, j’ai le sentiment qu’en demandant la suppression de cet alinéa, on est au cœur du sujet, comme l’a dit notre collègue Gaubert, plus exactement à l’un des cœurs de la problématique dont nous parlons depuis plusieurs jours.

Au début, un certain nombre d’entreprises ont manifesté un grand intérêt au fait de quitter les tarifs régulés, et jusque dans les années 2002-2003, elles y ont gagné en effet.

M. Richard Cazenave. C’est sous Jospin qu’elles ont quitté les tarifs régulés !

M. Daniel Paul. Mais le marché s’est mis à l’œuvre et la situation s’est inversée.

M. Richard Cazenave. Sous Jospin, ils ont fait des bêtises !

M. Daniel Paul. Pour les entreprises, et donc pour les emplois qui y sont attachés, la situation devient dramatique. Notre collègue Gerin a cité le cas d’une verrerie de Rive-sur-Gier qui fabrique les verres Duralex.

M. Richard Cazenave et M. Jacques Le Guen. Dura lex, sed lex !

M. Daniel Paul. Sa facture d’électricité a augmenté de plus de 175 % ! C’est dramatique !

J’ai pour ma part écrit à M. le ministre, qui m’a fait une réponse que je peux comprendre : il fait le maximum pour que les choses s’arrangent, au sujet d’une entreprise qui fabrique de l’ammoniaque et pour laquelle le prix du gaz représente 87 % du coût de production, les salaires, les charges patronales, etc. ne comptant que pour 8 %. Qu’on ne vienne pas dire que la masse salariale est trop importante. L’entreprise a subi une augmentation de 50 % après que la direction du groupe a fait le choix du système dérégulé. Aujourd’hui, elle ferme. Et on leur dit que c’est sans espoir de retour, tout simplement parce qu’ils sont beaucoup plus chers qu’ailleurs.

Et voilà que vous proposez la même chose à nos concitoyens. Avec la difficulté supplémentaire que si, jusqu’à présent, l’essentiel de l’électricité en France faisait comme le gaz l’objet de contrats de long terme, qui permettaient de lisser un tant soit peu l’augmentation des tarifs, l’objectif des producteurs est de basculer, de plus en plus, vers les contrats spot, puisque c’est ça qui rapporte. Il n’y a qu’à voir les réactions de M. Cirelli et de M. Gadonneix. Ils ont promis à leurs actionnaires d’améliorer la rentabilité et d’augmenter les dividendes, il faut qu’ils tiennent leurs promesses.

D’autant que l’État est l’actionnaire principal de ces deux entreprises.

M. Jean Gaubert. Encore.

M. Daniel Paul. Oui, pour le moment. L’État est donc intéressé à l’augmentation des dividendes.

Donc, ce qui nous attend, c’est le basculement des contrats à long terme vers les contrats spot et une augmentation généralisée des prix. Surtout que, plus personne ne l’ignore maintenant, nous l’avons répété, ces deux entreprises, mais aussi la Commission européenne, la CRE et un certain nombre de libéraux, pas tous, militent ouvertement pour l’extinction des tarifs régulés pour ne plus avoir que les prix du marché.

Voilà la situation, mes chers collègues. En demandant la suppression de l’alinéa 5 de l’article 1er, nous souhaitons tout simplement attirer une nouvelle fois votre attention sur les enjeux qui sont derrière et qui justifient nos inquiétudes.

En juillet 2004, juste avant une interruption de deux mois, le conseil municipal du Havre a voulu lancer une étude pour quitter le tarif régulé, alors même que l’encre du texte de loi que vous aviez adopté n’était pas encore sèche. J’ai attiré l’attention de mes collègues du conseil municipal, dont vous connaissez le maire, sur l’intérêt d’attendre avant de se lancer dans l’aventure, et j’ai obtenu le retrait de cette délibération. Fin 2005, pour des raisons que l’on peut imaginer, le même conseil municipal a de nouveau lancé une étude pour voir s’il pouvait être intéressant pour une agglomération de 200 000 habitants de quitter le tarif régulé. Je ne sais ce qu’il adviendra, mais il est intéressant qu’une collectivité locale puisse se poser la question.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez parlé du Benelux au sujet de l’autosuffisance des États. Il est bon d’avoir une programmation pluriannuelle des investissements au niveau d’un État ou d’un groupe d’États, mais il faut obtenir de la Commission européenne que cela soit une obligation. Je ne suis pas favorable à l’obligation de concurrence, par exemple, mais aucun État ne peut s’y soustraire. De même, je souhaite qu’un État ne puisse se soustraire à l’obligation d’être autosuffisant en matière énergétique. Sinon, c’est trop facile : on se passe de l’énergie nucléaire parce que cela pose un problème avec les écologistes et l’on va s’approvisionner dans le pays voisin.

Enfin, je veux attirer votre attention non pas sur les usagers qui bénéficient des tarifs sociaux, des aides – je ne parle pas non plus des usagers qui ont les moyens –, mais sur ceux qui sont juste au-dessus du seuil, qui n’ont pas droit aux aides et qui n’en ont pas moins du mal à payer leurs factures. Ceux-là seront la proie privilégiée des démarcheurs qui viendront les voir dans quelques mois pour leur vendre qui du gaz, qui de l’électricité, qui les deux. Et ils seront tentés, parce qu’au départ les prix seront très intéressant, je n’en doute pas. Le prix du kilowatt sera inférieur à ce que proposera EDF, je n’en doute pas. Et ce sera la même chose pour le gaz. Mais une fois que le doigt sera pris dans l’engrenage, ce sera sans espoir de retour, à moins de déménager. Rendez-vous compte ! S’ils sont locataires, pourquoi pas – c’est ce que l’on appelle le parcours résidentiel –, mais, sapristi, quelle obligation pour quitter le tarif régulé ! Ces questions sont au cœur de l’alinéa 5 de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32244 à 32265.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 32266 à 32727.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements en font sourire certains, mais pas tout le monde. Nous y avons listé tous les établissements qui nous paraissent devoir être exemptés de l’obligation de se soumettre à la concurrence. Ces amendements visent en effet à exclure du champ de la déréglementation et de l’ouverture du marché en matière d’électricité certaines structures ou activités. Sont concernés : les établissements de santé – c’est la sécurité sociale qui paie ou les départements –, les centres de santé – pour la même raison –, les établissements publics accueillant des personnes âgées dépendantes – il y en aura de plus en plus dans les communes –, les établissements publics accueillant des personnes âgées, les établissements publics accueillant des personnes dépendantes, les maisons de retraite – il est d’autant plus important qu’elles aient des tarifs peu élevés que l’on parle de mettre en place de plus en plus d’appareils pour protéger les personnes âgées ou dépendantes du froid ou de la canicule –, les établissements pénitentiaires – visitez la prison la plus proche de chez vous et vous verrez dans quelles conditions elle fonctionne ! –, les établissements publics accueillant de jeunes enfants, les centres de PMI, les établissements scolaires, les crèches, les haltes garderies, les hôtels de police, les établissements publics de premiers secours, les établissements de secours d’urgence, les établissements publics assurant la sécurité civile et les établissements publics à caractère sportif. Et d’autres établissements mériteraient sans doute de figurer sur cette liste.

Ce qui s’est passé à Besançon me semble extrêmement éclairant. Le centre hospitalier de Besançon a été l’un des établissements à faire les frais de la déréglementation du marché de fourniture d’électricité. En octobre 2005, il a en effet subi une hausse de 20 % de sa facture d’électricité, trois ans après avoir opté pour la concurrence.

L’entrée en vigueur du contrat pour trois ans à partir du 1er novembre 2005 auprès de la Compagnie nationale du Rhône, qui est à 51 % détenue par l’État, constituerait un surcoût annuel de 300 000 euros, soit l’équivalent de dix emplois d’infirmière, par rapport au tarif régulé d’EDF, selon un syndicat du centre hospitalier.

Pour mémoire, le CHU avait opté pour la concurrence dès 2002, puisque les gros clients peuvent, depuis 2000, sortir des tarifs réglementés. Cette sortie avait certes été synonyme de moindre coût jusqu’en 2005, et l’économie réalisée aurait été de 100 000 euros par an. Compte tenu des contraintes liées au budget hospitalier, cela paraissait alléchant. Mais que valent ces économies face à l’explosion des prix qui a prévalu lors du renouvellement du marché en 2005 ?

L’impossibilité de retourner au tarif réglementé pénalise au final largement l’entreprise hôpital, puisque les tarifs dérégulés, qu’ils soient proposés par EDF ou par ses concurrents, ont tous explosé ! Certes, au départ, la CNR,…

M. Michel Bouvard. Qui a été privatisée par Jospin !

M. Daniel Paul. …l’opérateur qui a été retenu, était le moins-disant. Mais les tarifs juteux n’ont guère duré ! Après avoir attiré le client, son intérêt n’est plus guère pris en compte. On est loin d’un service public soucieux de modération tarifaire et de stabilité dans les prix.

Nos amendements visent donc à extraire de la concurrence les établissements de santé, ainsi que tous ceux dont je vous ai rappelé l’existence, en raison des difficultés financières qui pèsent sur eux. Il serait irresponsable que certains, en sortant des tarifs réglementés, pensant quelquefois bien faire, soient forcés de supporter des hausses considérables dans leurs frais de fonctionnement et qui plus est – j’insiste là-dessus – sans espoir de retour. Et ce n’est pas l’amendement de repli que nous proposera tout à l’heure M. le rapporteur qui règlera quoi que ce soit !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. Daniel Paul. C’est tout ?

M. Jean-Claude Sandrier. C’est vraiment léger !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les arguments ont été donnés tout à l’heure ! Ce sont les mêmes !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais poser une question précise à M. le ministre. Daniel Paul a évoqué les contrats à long terme. Chacun est d’accord pour considérer que, lorsqu’il s’agit d’énergie, ce n’est pas la même chose que d’acheter des bouteilles d’eau ou du pain tous les jours. Quand on veut produire de l’énergie – M. Novelli est d’accord –, il faut faire de gros investissements dont la rentabilité n’est pas immédiate. De surcroît, à l’inverse des bouteilles d’eau, l’électricité ne se stocke pas. Celui qui produit et doit investir lourdement doit donc savoir si sa clientèle va lui être fidèle pendant plusieurs années. Quant à l’industriel qui consomme de l’énergie pour son processus de fabrication et de transformation, il a besoin que le coût de l’énergie soit stable. Le tarif réglementé représente une garantie comparable au contrat à long terme, et je pense, monsieur le ministre, que c’est la raison pour laquelle vous nous proposez de le conserver. Il ressort cependant de la lettre de griefs, ou du moins de ses extraits lisibles, que la Commission européenne s’oppose, par principe, aux contrats à long terme parce qu’elle considère qu’ils empêchent le marché de s’animer. Je peux le comprendre, mais est-il pertinent de vouloir animer un marché qui n’est pas celui des bouteilles d’eau, pour reprendre mon exemple ? Je pense que non, car il y a danger à casser ces contrats à long terme. D’autant qu’il y a des coucous dans ce secteur. En effet, certains opérateurs – les traders dont parlait M. Gaubert –, avec deux ou trois téléphones et beaucoup d’internet, peuvent faire des coups et jouer sur la spéculation pour organiser la pénurie des marchés sans avoir aucun scrupule à l’égard de l’équilibre entre l’offre et la demande, au contraire, puisque plus il y a déséquilibre, plus ils gagnent de l’argent. Ceux qui agissent ainsi ne sont pas concernés par le financement des investissement lourds et par la nécessité de maintenir les contrats à long terme comme peuvent l’être ceux qui produisent et ceux qui consomment.

Dans le cadre de la fusion Gaz de France-Suez, dont on nous dit qu’elle concerne à la fois le gaz et l’électricité, la Commission a exprimé son souhait que les contrats à long terme disparaissent et il est important, monsieur le ministre, que nous connaissions la position du gouvernement français sur cette question. Il faut que nous sachions si vous allez tenir bon ou obtempérer aux exigences de la Commission. Les industriels et les opérateurs d’énergie qui investissent ont besoin d’un minimum sinon de garanties, du moins de courage.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous sommes dans une situation bien connue, mais que beaucoup veulent nier. Depuis que, dans le monde entier, les marchés se sont ouverts, le même phénomène s’est produit partout. Les prix ont d’abord baissé.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. La prospérité !

M. Jean Gaubert. Parlons de la prospérité de la Californie en matière d’électricité ! Allez demander aux intéressés comment cela s’est passé. Les seuls à ne pas avoir eu trop de problèmes sont des villes comme Los Angeles, qui avaient conservé une régie publique. Ne revenons pas là-dessus.

Chaque fois que le marché a été ouvert, dis-je, les tarifs ont commencé par baisser. Puis, très rapidement, les opérateurs se sont entendus pour organiser la pénurie et les prix sont remontés. Ce n’est pas une nouveauté ni une spécificité de notre marché, mais un phénomène qui s’est produit partout. N’invoquons pas le hasard ni la flambée des énergies fossiles. Il s’agit d’un processus organisé.

Et voilà ce qui est proposé aujourd’hui aux collectivités territoriales ! Je rappelle en effet que nos collègues communistes ont déposé ces amendements parce que, aux termes du code des marchés publics, elles vont être obligées d’organiser des appels d’offres.

M. Daniel Paul. Oui !

M. Jean Gaubert. Certes, nous avons voté un texte en 2005, mais tous les juristes s’accordent pour dire qu’il ne tiendra pas au-delà de juillet 2007.

Les collectivités publiques seront par conséquent dans l’obligation d’organiser des appels d’offres, c’est-à-dire de se mettre dans les mains des spéculateurs. N’est-ce pas extraordinaire ? L’énergie est un marché – un des seuls, je vous le concède – où, quand on multiplie le nombre d’opérateurs, l’addition augmente.

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Jean Gaubert. Souvent, nous en convenons, la concurrence permet de faire de meilleurs achats. C’est notamment vrai pour les collectivités. Je l’ai moi-même constaté en tant qu’élu.

M. Daniel Paul. C’est surtout vrai quand pour les papiers buvards !

M. Jean Gaubert. Encore faut-il avoir un cahier des charges qui tienne la route et se montrer vigilant sur les prescriptions techniques. Dans le cas de l’énergie, nous ne sommes pas dans ce cas de figure, pour les raisons que vous savez. Plus il y a d’opérateurs dans un pays, plus l’énergie devient chère, malheureusement, en raison de l’augmentation du nombre d’intermédiaires, de traders et de spéculateurs qui en veulent toujours plus.

Et pourtant, les talibans du libéralisme sauvage (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) continuent de nous expliquer que cette dérive tient au fait que le système n’est pas encore assez libéral ! Ils sont comme ces ayatollahs qui considèrent que l’Iran n’est pas encore un pays assez pur et qu’il faut élire quelqu’un qui ira beaucoup plus loin !

Nous faisons la même chose avec le marché. En dépit de toutes les évidences, un dogmatisme fou continue son chemin, qui voudrait que les seuls à devoir gagner de l’argent ne soient pas les producteurs mais les spéculateurs. La preuve ? Nous constatons aujourd’hui des pressions pour que les industriels producteurs d’énergie la vendent au prix de revient à des spéculateurs qui en useraient librement. Nous marchons sur la tête !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je voudrais répondre à une assertion de M. Gaubert.

M. Jean Gaubert. Une affirmation !

M. François Brottes. « Assertion » est un peu péjoratif, monsieur le rapporteur. Que l’on ne vous y reprenne pas !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Gaubert a participé en 2004 aux débats qui ont conduit à l’adoption de la loi du 9 août. Le droit invitait alors l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à organiser une mise en concurrence afin de choisir un fournisseur d’électricité et de gaz.

Des circulaires internes aux associations de collectivités locales étaient diffusées en France, les prévenant que la loi allait bientôt être votée et qu’elles devaient se préparer de manière à être en règle dès le 1er juillet. Un certain nombre d’entre elles avaient donc commencé leur consultation. Je pense que c’était le cas du Havre.

M. Jean Gaubert. Bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est une bonne chose que les parlementaires soient également des élus locaux.

M. Jean Gaubert. Je suis d’accord.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous étions bien conscients, en effet, des graves difficultés qu’une telle situation allait créer, alors que le Premier ministre avait proposé un mandat unique.

M. Alain Gest. Le problème va se reposer, d’ailleurs !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’avais par conséquent fait adopter par l’Assemblée nationale des dispositions, qui apparaissent dans le texte définitif, autorisant les collectivités territoriales à conserver les contrats qui les liaient à l’opérateur historique, EDF ou Gaz de France.

Cependant, certaines collectivités – généralement les plus importantes – ont fait jouer leur éligibilité. Je pourrais citer le cas d’un syndicat départemental qui s’en est remis au marché. Je n’ai pas entendu dire qu’il avait rencontré de problème particulier. En revanche, je l’ai dit, un établissement public hospitalier, qui avait changé de contrat, se retrouve aujourd’hui fortement pénalisé. Nous en reparlerons quand nous débattrons du tarif transitoire.

Par ailleurs, j’entends régulièrement des parlementaires dire qu’ils craignent d’introduire dans le droit français telle disposition dont ils ne seraient pas sûrs qu’elle ne soit pas condamnée par la Commission de Bruxelles. À quoi bon se faire peur ? Nous avons encore le droit de voter des lois qui s’appliquent en France.

M. Jean Gaubert. Nous sommes d’accord.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je n’ai pas été prévenu d’une quelconque menace dans ce domaine. Ne jouons donc pas avec cet épouvantail. Mais, mes chers collègues, si vous avez des doutes, allez jusqu’au bout de votre logique : proposez un dispositif dont vous êtes sûrs par avance qu’il sera accepté par Bruxelles.

Nous avons au moins la chance d’avoir des dispositifs opérants, que nous estimons conformes à notre droit et qui ne semblent pas contraires aux dispositions européennes. Je ne crois pas utile de faire peur aux consommateurs que nous sommes tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. J’ai eu l’impression, en écoutant M. Gaubert, que le marché était peuplé d’ayatollahs et de spéculateurs, qui s’apprêtaient à manger tout crus les pauvres consommateurs.

M. Michel Bouvard. Il y a les bons et les méchants.

M. le ministre délégué à l’industrie. Pour ma part, je suis un ami personnel de Mme Michu, puisque je travaille pour le citoyen français. (Sourires.)

M. François Brottes. Moi aussi !

M. le ministre délégué à l’industrie. Comme l’a excellemment souligné le rapporteur, nous avons pour tâche de faire la loi qui s’applique en France et nous en avons les moyens.

M. Brottes m’a demandé si, dans l’article 1er, le cinquième alinéa, qu’il voudrait voir supprimer, prévoyait un terme. Non, il n’en prévoit pas. Et, dans ce domaine, nous n’avons pas à demander l’autorisation de Bruxelles.

Juridiquement, les directives demandent que l’on accorde l’éligibilité aux consommateurs. Mais pourquoi voudriez-vous que ce soient systématiquement des imbéciles, incapables de comprendre que, s’ils souhaitent conserver les tarifs, ils le peuvent. À mon avis, en l’état actuel du marché, leur choix sera vite fait…

Les fondamentaux sont l’investissement et les contrats à long terme. Vis-à-vis des ayatollahs…

M. Michel Bouvard. Et des talibans !

M. le ministre délégué à l’industrie. …du marché spot, nous sommes d’ardents défenseurs des contrats à long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je l’ai rappelé lors de la discussion générale, ces contrats garantissent l’investissement et la visibilité. Toute entreprise a besoin de savoir le plus précisément possible comment évolueront les prix des matières premières. C’est dans cette direction que nous devons aller. C’est ce que nous demandons et c’est pourquoi nous résistons avec tant de force à diverses pressions. Soyez certains que, sur ce point, le Gouvernement n’a jamais fait d’autre choix.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Vœux pieux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Enfin, j’aimerais poser une question à M. Gaubert, qui a visité le centre de trading d’EDF à Londres. Quels investissements le gouvernement Jospin a-t-il engagés dans ce domaine pendant la dernière législature ? Aucun, à mon sens.

Par conséquent, ne nous étonnons pas de constater un rattrapage de la consommation par rapport à la production. Et encore ! Si nous avons subi au mois de juillet, pendant la canicule, la tension dont a parlé M. Paul, nous avons de la chance qu’elle n’ait pas été plus forte. Heureusement que nous avions décidé d’obliger EDF à investir 40 milliards d’euros ! Voilà les fondamentaux. C’est cette politique que nous entendons mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Cela fait du bien d’entendre certaines vérités, dites par ceux qui ne se contentent pas de parler et qui agissent !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il y a dans cet hémicycle des réveils à géométrie variable, mais ce sont des choses qui arrivent. Par ailleurs, notre débat portant sur 461 amendements, je remercie le président de laisser les orateurs intervenir comme ils le souhaitent. Notre discussion est en effet importante.

Je voudrais revenir à votre amie, monsieur le ministre, qui est aussi la nôtre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Mme Michu ? (Sourires.)

M. François Brottes. Je rappellerai à ce propos la réponse de Lionel Jospin au journaliste qui, à l’issue du sommet de Barcelone, lui demandait pourquoi M. Chirac et lui-même n’avaient pas cédé en matière d’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence pour les ménages. M. Jospin avait cité deux exemples : la Grande-Bretagne et la Suède.

Je le cite : « Je me suis rendu en Suède, il y a quinze jours environ, pour un sommet dit “ de progressistes ”. » On reconnaît son humour. « Ce dont parlait la presse suédoise et ce que l’ambassadeur m’a décrit comme le problème majeur faisant l’actualité, c’était la hausse des tarifs qu’avaient entraînée, pour les consommateurs suédois, la privatisation et la libéralisation de l’électricité. »

Il fallait, disait-il, être pratique. La supériorité de l’ouverture à la concurrence n’a pas été démontrée. La France s’est ainsi opposée, avant que vous n’en décidiez autrement, à l’ouverture du marché à votre amie.

« D’autre part, ajoutait M. Jospin, nous sommes un grand pays avec un vaste territoire et une population extrêmement dispersée. Actuellement, le tarif de l’électricité pour le consommateur est plutôt inférieur en France à ce qu’il est dans les autres pays. » C’était en 2002. Depuis, les choses se sont plutôt aggravées. Je n’accuse pas le Gouvernement, mais ce résultat est certainement lié à l’ouverture du marché.

M. Michel Bouvard. Bien sûr !

M. François Brottes. Certains spéculateurs en ont profité pour faire des « coups ». Nous n’en faisons pas le reproche au Gouvernement, mais il est évident qu’il faut prendre des dispositions là contre.

« Nous pourrions craindre, disait encore Lionel Jospin, si cette ouverture des marchés à la fourniture aux consommateurs se faisait sans que des règles de service public aient été rappelées, que l’égalité d’accès et la péréquation sur le territoire n’entraînent au moins, pour notre pays, des hausses plutôt que des baisses de prix. »

Certaines expériences malheureuses, notamment aux États-Unis, monsieur Novelli, montrent que ces questions doivent être abordées avec beaucoup de prudence. Il y avait, dans les déclarations de M. Jospin, une grande lucidité. J’ai cité tout à l’heure des extraits de l’intervention de Jacques Chirac, qui étaient de la même fibre et de la même veine. Elles témoignaient d’une opposition à l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence pour les particuliers.

Malgré cela, certains d’entre eux ont eu à connaître, avant même qu’elle ne soit autorisée, les affres de l’ouverture du marché à la concurrence. Encore une fois, ma question ne relève pas d’une position politicienne, mais je voudrais savoir comment ils pourront en sortir.

Je m’explique. Certains locataires de HLM payaient des charges comprenant le chauffage, parce qu’ils ne possédaient pas de compteur à l’entrée de leur appartement, leur immeuble étant collectivement raccordé à un réseau. Pensant bien faire – je ne fais de procès à personne, puisque le cas s’est produit à droite comme à gauche –, les gestionnaires des sociétés de HLM ont souhaité, étant donné la tension très forte entre les prix et les coûts à laquelle ils sont soumis, faire valoir leur éligibilité. Au même titre que les entreprises, ces opérateurs se sont ensuite retrouvés obligés de répercuter sur leurs locataires la très forte augmentation du coût de l’énergie.

Il faudrait donc, d’une part, savoir si ceux qui ont fait valoir leur éligibilité en avaient le droit – dans la mesure où les personnes concernées étaient des particuliers, auxquels le marché n’était pas ouvert – et, d’autre part, trouver une solution pour sortir les locataires de cette situation. Nous connaissons tous des gens qui ont dû quitter leur logement parce que l’augmentation de 60 à 80 euros de leurs charges mensuelles devenait insupportable. Encore une fois, ma question n’est pas politicienne : je demande simplement quels sont les recours possibles pour ces personnes qui ont fait valoir leur éligibilité sans le savoir ni en avoir le droit.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Il y a deux cas de figure. S’il ne s’agit que d’électricité, gérée de manière collective, le tarif transitoire que proposera bientôt la commission est une solution. Si les logements sont équipés d’un chauffage par cogénération, nous avons modifié le dispositif l’année dernière en utilisant la Contribution au service public de l’électricité – CSPE – afin de résoudre les problèmes.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Tout à l’heure, M. le ministre a fait état des programmes d’investissement d’EDF et nous a demandé ce que nous avions fait sous la législature précédente. Faisons un peu d’histoire. EDF, comme d’autres entreprises, a vécu au rythme de programmes d’investissement assez élevés pendant de longues périodes. La première période est celle de l’industrie nucléaire, que je ne conteste pas.

M. Richard Cazenave. C’était nous !

M. Jean Gaubert. Oui, mais n’oubliez pas que s’il a eu des effets heureux, ce programme d’investissement a eu de lourdes conséquences en termes d’endettement. Faut-il rappeler le fameux emprunt en dollars, contracté avec un dollar à 4,50 francs et remboursé à une moyenne de 7 francs ? Tout cela parce qu’on ne voulait pas que cela apparaisse dans les comptes de notre pays. Le président d’EDF de l’époque, M. Boiteux, avait une lettre du ministre des finances, devenu Président de la République ; cela n’a jamais fonctionné. Le remboursement de cet emprunt a coûté très cher à EDF et a pesé très longtemps sur ses comptes. Ce n’est pas un reproche, mais cette dette a obéré d’autant les capacités d’autofinancement et d’investissements nouveaux de l’entreprise. Il n’était d’ailleurs pas nécessaire d’en faire tant que cela, puisque le programme de construction était suffisant et qu’il était allé à son terme, avec la centrale de Civaux.

Après cette période d’investissement, justifiée, dans la production, il fallait procéder à un rééquilibrage et sécuriser les réseaux. Même indépendamment de la tempête de 1999, EDF a régulièrement investi à cette fin entre 36 et 40 milliards de francs par an. Aujourd’hui, on parle de 40 milliards d’euros. Compte tenu de l’inflation et du désendettement de l’entreprise, l’effort n’est pas si différent.

M. Richard Cazenave. De un à six !

M. Jean Gaubert. Je suis prêt à examiner ces chiffres avec vous. Quoi qu’il en soit, nous gagnerions beaucoup de temps si nous n’avions pas à répondre aux mauvais procès que vous nous faites.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous reconnaîtrez que je n’ai pas fait beaucoup de mauvais procès depuis le début de ce débat (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais, si vous me cherchez, vous allez me trouver ! Force est de constater que, dans la période récente, EDF a beaucoup investi en Amérique du Sud et en Italie, ce qui a été particulièrement coûteux et n’a pas servi la production et le transport en France.

M. Richard Cazenave. L’EPR !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne cherche pas à polémiquer, mais à vous expliquer combien nous sommes préoccupés par ces fondamentaux. Notre objectif est d’apporter les meilleures solutions en matière de tarifs, mais aussi de garantir à la France les meilleurs moyens en investissements, en transport et en production parce que ce sont ces fondamentaux qui garantissent l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Il a été gentil !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Le maintien des tarifs régulés, même correctement fait, n’est pas une protection suffisante.

M. le ministre délégué à l’industrie. Il faut aussi la loi !

M. Daniel Paul. J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre. Le maintien des tarifs régulés, disais-je, n'est pas une protection suffisante, car le problème de fond, c’est la déréglementation elle-même.

Dans un marché déréglementé, les tarifs réglementés sont une aberration. Ils sont d’ailleurs d'ores et déjà attaqués. Ainsi, l'Uprigaz, l'Union Professionnelle des Industries privées du gaz, a demandé, dans un avis publié par le Bulletin de l'industrie pétrolière du 27 juin dernier, la fin immédiate de ces tarifs et revendiqué l'obligation pour les collectivités locales de passer aux contrats de marché.

Par ailleurs, selon la Société Poweo, « le gel des tarifs réglementés incite ses clients potentiels à ne pas exercer leur droit d'option pour la concurrence et dissuade les fournisseurs alternatifs d'entrer sur le marché du gaz, compromettant ainsi son ouverture à la concurrence. » La Commission européenne ne dit pas autre chose dans le document que l’on nous a laissé entrevoir. Cette société n'hésite pas à formuler des propositions visant à ouvrir la possibilité aux opérateurs alternatifs de disposer des atouts économiques du nucléaire pour que la concurrence produise ses effets. N'est-ce pas d'ailleurs clairement reconnaître que la concurrence n’est pas capable d’être compétitive face au service public ? La solution proposée n’est pas de supprimer cette concurrence qui ne sert à rien, mais de casser l'outil public qui les gêne pour capter la marge.

L'Association française du gaz, dirigée par Gaz de France, a tenu les mêmes propos il y a quelques semaines, tout comme l'Union européenne. Le maintien des tarifs administrés dans un marché totalement ouvert fera l'objet d'attaques incessantes, tant de la part des opérateurs que de l'Union européenne. Les dispositions contenues dans le projet de loi sont donc extrêmement fragiles et s'apparentent en fait au mariage de l'eau et du feu.

Puisque la France est appelée à faire des propositions pour relancer le processus de construction européenne, nous suggérons au Gouvernement de prendre l'initiative de formuler auprès du Parlement européen une proposition de nature à laisser la possibilité aux États qui le souhaitent de déroger à la mise en œuvre de l'ouverture totale des marchés prévue en juillet 2007. Cette proposition, qualifiée d’« opt-out », recueille le soutien de tous les syndicats d’EDF, de GDF et de Suez, ainsi que de l’ensemble du syndicalisme européen, regroupé au sein de la Confédération européenne des syndicats.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, au jeu qui consiste à s’opposer des arguments, on pourrait tenir un bon moment, mais puisque vous avez évoqué les investissements d’EDF à l’étranger, je vous fais remarquer que ceux qui ont été faits en Amérique latine n’ont pas eu lieu sous Jospin, mais sont dus à M. Alphandéry sous le gouvernement Juppé. J’ajoute que dans l’un des pays concernés – je ne sais plus si c’était en Argentine ou au Brésil – le contrat permettait au co-opérateur d’EDF de se retirer et de laisser celle-ci en rase campagne. C’est ce qu’il a fait en 1999, obligeant EDF à choisir entre partir et tout perdre et tenter de rester. J’ai vécu cet épisode en tant qu’administrateur d’EDF à partir de 1999.

Quant aux investissements en Italie, même si je ne les ai pas approuvés, je pense qu’ils pourront devenir à terme une bonne opération. Mais c’est un autre débat.

M. le ministre délégué à l’industrie. Disons : balle au centre !

M. Richard Cazenave. Parce qu’on est gentil !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que, compte tenu de l’effet de la canicule ou des demandes industrielles, l’une de vos principales préoccupations depuis que vous êtes aux responsabilités était d’améliorer l’équilibre entre l’offre et la demande en matière d’énergie. Je ne suis pas un partisan de la croissance zéro, mais il convient de rappeler que l’on peut également améliorer cet équilibre en investissant dans les économies d’énergie. À cet égard, nous avons été un certain nombre à regretter que les lois de 2004 et de 2005 sur l’énergie ne comportent pas, au-delà des incitations fiscales, plus de mesures coercitives en matière d’habitat –certainement l’un des postes les plus importants, sinon le plus important, de consommation d’énergie. Il faut en effet adopter de nouvelles normes en matière de construction et de réhabilitation, afin de diminuer très sensiblement la consommation d’énergie dans l’habitat.

Un tel projet concerne, du reste, l’ensemble du pays et intéresserait une main-d’œuvre importante, un certain nombre d’entreprises nationales étant susceptibles de fournir des prestations de grande qualité. Si nous revoyions entièrement notre manière de réhabiliter et de construire, nous réaliserions des gains de productivité considérables et, du coup, la gestion des pics de demande en énergie serait moins douloureuse. Produire toujours plus pour faire face à une demande croissante ne peut pas être la seule approche : il faut aussi faire en sorte de consommer le moins possible.

Ainsi, une province du Canada a mis au point un dispositif très séduisant, basé sur une idée simple : si un habitant consomme, par exemple, pour 100 dollars canadiens d’électricité en une année donnée, il est invité à consommer moins l’année suivante, et s’il atteint cet objectif, il perçoit une prime correspondant à l’économie ainsi réalisée. Je ne retranscris peut-être pas exactement les modalités, mais l’idée générale est celle que je viens d’exposer. Sans doute ce dispositif ne pourra-t-il pas être appliqué indéfiniment, mais il a l’avantage de se présenter sous la forme d’un véritable encouragement plutôt que comme une punition, ce qui est souvent le cas.

L’ensemble du pays, donc l’intérêt général, y gagne, car cela permet d’alléger les structures de production et de diminuer, voire de faire disparaître, les pics de demande d’énergie. Cet exemple montre qu’il est possible, en étant volontariste pour les normes de construction et de réhabilitation, tout en incitant nos concitoyens à consommer moins pour diminuer les besoins en énergie, d’obtenir des résultats intéressants.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Bien que je ne sois pas sûr que cela ait trait directement à l’article 1er, c’est bien volontiers que je vous parlerai des économies d’énergie. Celles-ci représentent environ 300 000 emplois en France à l’heure actuelle, et il semble que 60 000 emplois supplémentaires puissent être créés prochainement dans ce secteur. C’est dire le foisonnement de possibilités que peut receler cette nouvelle branche d’activité.

Les énergies renouvelables assurent, quant à elles, 40 000 à 50 000 emplois en France, un chiffre qui devrait doubler dans un an ou deux du fait des investissements effectués dans les différentes formes d’énergie renouvelable, tout particulièrement les biocarburants, mais aussi l’énergie éolienne ou photovoltaïque. Nous avons dans ce domaine une attitude extrêmement positive.

Dans le secteur de la construction – résidentielle comme tertiaire –, j’ai pris il y a quelques mois avec mon collègue de l’équipement un décret fixant une nouvelle réglementation thermique, qui va imposer une baisse de 15 % de l’énergie consommée dans les bâtiments par l’amélioration des performances énergétiques. Par ailleurs, Jean-Louis Borloo a instauré un système de bonus en faveur des logements sociaux construits selon certaines normes thermiques.

Nous favorisons également les achats d’automobiles peu polluantes et peu consommatrices d’énergie, en accordant un crédit d’impôt, avantage dont nos concitoyens sont particulièrement friands.

À tous ces dispositifs, nous venons d’en ajouter un nouveau – que les Canadiens n’ont pas –, à savoir les certificats d’économie d’énergie, qui consistent en une obligation faite aux vendeurs d’énergie, EDF, GDF et tous les autres, d’inciter leurs clients à réaliser des économies d’énergie. À défaut, ces fournisseurs doivent payer une taxe. Ce système est très vertueux dans la mesure où il les oblige non plus seulement à vendre de l’énergie, mais à fournir un service.

Il est évident qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, et il me semble que la loi de finances constitue l’occasion idéale pour en discuter.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les séries d’amendements identiques allant du no 32266 au no 32727.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant les amendements nos 83900 à 85989.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je vais défendre en quelques minutes 2 089 amendements, monsieur le président.

M. le président. Vous allez figurer au livre des records de l’Assemblée !

M. Michel Vaxès. Si je tiens à apporter cette précision, c’est pour souligner que les procès en obstruction que l’on nous fait ne sont pas justifiés. Nous voulons avancer et débattre.

Ces amendements s’inscrivent dans le prolongement de ceux que vient de défendre Daniel Paul, visant à exclure diverses catégories d’établissements, notamment à caractère sanitaire et social, de l’application de la déréglementation, de façon à les protéger.

Avec cette nouvelle série d’amendements, nous proposons d’exclure de l’application des dispositions prévues par ce texte un certain nombre de communes. Évidemment, nous avons fait un choix : il s’agit des communes dans lesquelles nous exerçons des responsabilités.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Cela me paraît discutable !

M. Michel Vaxès. Nous sommes des démocrates et n’avons donc pas voulu nous prononcer pour les communes où ce n’est pas le cas – étant précisé que ceux de nos collègues qui le souhaitent sont bien évidemment autorisés à s’associer à la défense de notre amendement.

Quoi qu’il en soit, nous proposons de protéger les habitants de toutes les communes des circonscriptions des vingt-deux députés communistes et républicains, considérant que l’ouverture du marché à la concurrence en matière d’électricité risque de leur être préjudiciable.

Concrètement, cette série d’amendement vise à insérer dans la première phrase de l’alinéa 5 de l’article 1er, après les mots « de ses sites de consommation, », les mots « à l’exception des sites situés sur la commune de… ». Je vous épargne l’énumération des 2 089 amendements portant chacun le nom d’une commune différente.

M. Jean Dionis du Séjour. Merci !

M. Michel Vaxès. Vous affirmez à l’alinéa 5 de l’article 1er que « tout consommateur final d’électricité peut, pour chacun de ses sites de consommation, choisir librement son fournisseur d’électricité ». Vous présentez comme une liberté ce qui va en réalité se traduire par une augmentation inéluctable des tarifs de l’électricité. Vous savez pertinemment que la possibilité de choisir que vous inscrivez dans la loi est un marché de dupes, puisqu’elle est caractérisée par le sens unique et l’irréversibilité. Les consommateurs dupés qui auront abandonné la tarification spéciale ne pourront pas y revenir s’ils s’aperçoivent à l’usage que la tarification concurrentielle ne leur est pas favorable. Les industriels en font aujourd’hui l’amère expérience.

Vous avez simplement instauré cette double tarification pour amortir les effets de la hausse des tarifs que la libéralisation du secteur gazier, avec cette fusion, ne va pas manquer d’entraîner. Mais la vocation à disparaître de la tarification spéciale ne fait aucun doute. La tarification réglementée, dans votre logique libérale, ne peut être qu’une exception passagère ou une entrave provisoire et momentanée au dogme de la concurrence, parée de toutes les vertus.

Il y a deux grandes raisons à ces amendements.

La première est morale. Morale, parce que nous avons déposé ces amendements d’exception pour éviter la catastrophe aux habitants des communes se trouvant sur les territoires de nos circonscriptions. Pour nous, il ne s’agit pas de leur donner une liberté fictive de choix, mais de continuer à leur donner accès à un bien de première nécessité, indispensable à leur existence quotidienne au prix le plus accessible. Cela devrait être la responsabilité première de l’élu que d’anticiper et de défendre l’intérêt général contre les intérêts particuliers des opérateurs boursiers et gaziers.

La deuxième raison est sociale, elle répond à un besoin spécifique à la population fragilisée de certaines communes. La solidarité à laquelle certaines communes en appellent lorsqu’elles connaissent des difficultés budgétaires a toutes les raisons de jouer également en matière énergétique. Vous n’êtes pas sans savoir que les centres communaux d’action sociale disposent d’un fonds social de l’énergie alimenté notamment par EDF-GDF, les collectivités et les Assedic. Depuis plusieurs années déjà, ces enveloppes étaient notoirement insuffisantes pour répondre à l’ampleur croissante de la demande sociale, alors même que la pression tarifaire était tout à fait modérée du fait de la politique d’EDF-GDF. La conséquence logique de l’envolée des tarifs du gaz et de l’électricité est que les communes vont avoir de plus en plus de mal à répondre à leurs obligations sociales, à continuer d’aider les familles en difficulté qui ne peuvent plus assumer leurs charges de chauffage et d’électricité.

J’ajoute une troisième raison : la vertu pédagogique de notre proposition. En souhaitant que ces communes – auxquelles, je le répète, d’autres peuvent s’associer – soient exclues de la mise en œuvre de la concurrence, nous nous adressons à leurs habitants pour les mettre en garde et leur conseiller fortement de rester dans le tarif régulé, sous peine de subir d’amères déconvenues.

Tel est le sens de cette série d’amendements. Je suis fier d’avoir démontré qu’il est possible de présenter – et, espérons-le, d’adopter – plus de 2 000 amendements en quelques minutes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Afin d’illustrer cette série d’amendements, je souhaite donner un exemple, celui de ma circonscription. C’est une circonscription très populaire, qui comprend une zone franche urbaine – l’une des premières, créée en 1996, me semble-t-il – mais aussi deux zones urbaines sensibles. Cette circonscription est considérée comme la plus grande zone d’éducation prioritaire de France, avec quatre collèges classés « Ambition Réussite ». Elle s’inscrit dans un ensemble urbain où le chômage dépasse toujours 12 % – ce qui implique que ce taux atteigne 25 à 30 % dans certains quartiers. Quant au salaire médian, l’INSEE a déterminé qu’il était égal à 1,3 fois le SMIC.

Pour ma part, je recommanderai à tous mes concitoyens – et je pense que nous devrions tous faire de même dans nos circonscriptions – de ne surtout pas quitter le tarif régulé, de ne pas se faire avoir par les démarcheurs au service d’autres opérateurs, voire au service d’EDF et GDF, pour les encourager à quitter le tarif régulé. J’insiste sur la vertu pédagogique de cette série d’amendements, qui doit nous permettre d’alerter nos concitoyens.

Enfin, j’ai une question, monsieur le ministre. Il se trouve dans ma circonscription, comme dans d’autres, de grands ensembles urbains disposant de chaufferies. J’habite ainsi un quartier où la même chaufferie, appartenant à la ville, alimente jusqu’à 4 500 logements. C’est un fermier qui la gère et rien ne l’empêchera de quitter le tarif régulé et de faire supporter à 4 500 locataires et copropriétaires les conséquences de son choix. L’une d’entre elles peut être de ne pas voir son contrat reconduit à son terme, en cas de hausse trop importante des prix. Son successeur sera-t-il contraint de maintenir le tarif fixé au prix du marché, ou lui sera-t-il possible de revenir au tarif régulé ?

M. le président. La commission est défavorable à ces amendements identiques…

M. Daniel Paul. J’aimerais bien obtenir une réponse, tout de même !

M. le président. Je demande son avis au Gouvernement.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne voudrais pas me montrer désagréable parce qu’il s’agit d’une vraie question. Je suis, dans les jours qui viennent, à la disposition de M. Paul pour l’examiner avec lui plus précisément. N’étant pas d’ordre général, elle n’attend pas en effet une réponse qui soit du ressort de la loi. Cette réponse dépendra, par exemple, de la nature des contrats conclus par les fermiers ou du type de combustible utilisé.

M. le président. Êtes-vous défavorable aux amendements ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Alors même que nous consacrons peu de temps à défendre un grand nombre d’amendements, nous aimerions bien obtenir une réponse à au moins une de nos questions ! Oui ou non, vous associez-vous au message que nous lançons aux populations de nos communes pour les inviter à ne pas quitter le tarif régulé ?

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. La difficulté que nous partageons tous en tant qu’élus locaux – nous sommes nombreux à l’être –, c’est que si les citoyens ou les chefs de famille que nous sommes par ailleurs, font ce qu’ils veulent de leur argent, en tant que responsables d’une collectivité, nous gérons l’argent de nos concitoyens. Or les élus locaux seront encouragés, quand ils n’y seront pas obligés, à spéculer avec l’argent de leurs administrés, lesquels, dans bien des cas, Daniel Paul l’a souligné, ont peu de moyens. En outre, les pertes que nous ferons avec les réseaux d’électricité ou de gaz devront bien être payées par quelqu’un : le contribuable ou le consommateur – et ce n’est pas parce qu’on est à la fois contribuable et consommateur qu’on gagne deux fois plus ! Si le revenu moyen de nos concitoyens tourne autour de 1 500 euros par mois, cela signifie qu’il y en a beaucoup plus qui ont un revenu inférieur à 1 500 euros que supérieur à 1 500 euros, parce que l’écart est, dans ce cas, beaucoup plus grand. Cette question constitue donc bien un souci pour les élus, d’autant plus qu’on leur reprochera toujours de ne pas avoir profité d’une baisse temporaire des tarifs, alors que la preuve est faite qu’une telle baisse ne se vérifie pas sur le long terme.

En tant que président d’un syndicat départemental d’électricité, je me suis demandé quel conseil il fallait donner aux élus locaux, car la question n’est pas tant celle de la liberté de choix que celle de l’intérêt à choisir ou non l’éligibilité. À l’unanimité des élus – ceux de la majorité, qui est de ma sensibilité, mais également les autres –, nous avons décidé de conseiller aux communes du département de ne pas faire jouer l’éligibilité. Tous les élus présents ont analysé la situation et décidé de ne pas prendre ce risque, qui pouvait fort bien se retourner contre eux.

Les élus sont donc bien confrontés à une nouvelle difficulté. C’est pourquoi je ne suis pas étonné que quelques présidents d’hôpitaux aient fait le choix du marché libre, sous la pression de fonctionnaires…

M. François Brottes. Des ARH !

M. Jean Gaubert. …des ARH notamment, qui ont pu lire dans La Gazette des communes ou ailleurs qu’ici ou là tel hôpital avait pu faire 1 % d’économie sur les tarifs d’électricité ou de gaz. En vue d’équilibrer leurs comptes, ils ont, sur les conseils de ces mêmes fonctionnaires, lancé un appel d’offres. Des maires se sont également laissé tenter, d’autant plus, il faut le reconnaître, que juste après la libéralisation, les prix avaient baissé. Mais cela n’a pas duré.

J’ai une autre question, monsieur le ministre, qui nous ramène au cœur du débat, même si vous nous répétez qu’il ne s’agit pas, ici, de parler de Suez. Si le fermier de la chaufferie qu'a évoqué M. Paul est Suez, …

M. Daniel Paul. C’est une filiale de Suez !

M. Jean Gaubert. …comment les choses se passeront-elles ? Où se trouvera l’intérêt de l’élu ? Celui-ci risque d’être piégé par le mastodonte que vous voulez constituer, qui sera à la fois le fournisseur d’énergie et celui qui paiera la facture d’énergie – plus exactement qui fera le chèque, car ce sont les résidents qui paieront ! L’intérêt sera-t-il toujours de tirer sur les prix autant que possible ? Je n’ai pas de réponse, pour la simple raison qu’elle sera différente selon les situations, mais on ne peut pas, face à la création d’un tel mastodonte multiservices, ne pas se poser la question.

Il m’est arrivé de dire qu’en France, un jour, si nous n’y prenons pas garde, des maires devront se demander, lorsqu’ils recevront le directeur de telle ou telle société de service, s’ils doivent toujours s’asseoir dans leur fauteuil de maire, le fauteuil de celui qui décide, ou dans celui d’en face, destiné à ceux qui sont reçus. Normalement, en effet, celui qui décide est celui qui a le pouvoir : face à de tels mastodontes, le maire aura-t-il encore le pouvoir ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous débattons actuellement, monsieur le président, de 2 000 amendements d’appel : si je le souligne, c’est que je sais que vous vous adonnez aux statistiques et à l’établissement de records, et je ne souhaite pas que vous nous informiez en fin de séance ou demain que nous avons battu le record du nombre d’amendements examinés à la seconde !

M. le président. Rassurez-vous : je ne serai pas à cette place demain, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Je ne vous fais pas de procès d’intention. Et nous allons certainement terminer la soirée par cette série d’amendements. Toutefois, chacun en conviendra, débattre de 2 000 amendements exige qu’on y consacre un peu de temps. Personne, en tout cas, ne l’a explicitement contesté.

Le problème auquel nous sommes confrontés est similaire à celui qui se pose lorsqu’il s’agit de prendre un emprunt : l’emprunt à taux fixe est-il préférable à l’emprunt à taux variable ? Sera-t-il possible de revenir au taux fixe si le taux variable a été choisi ? De quelles pénalités faudra-t-il alors s’acquitter ? Chacun, dans sa vie privée, à moins de disposer d’une fortune personnelle, a été confronté à un tel choix. Or, pour pouvoir décider en toute connaissance de cause, il faut avoir ou un banquier très honnête, qui pense davantage aux intérêts de ses clients qu’à ceux de sa banque – ils sont rares –, ou un très bon conseil – mais ses honoraires rejoignent le taux du prêt –, ou une culture personnelle vous permettant d’être suffisamment vigilant en la matière. Combien de consommateurs, y compris parmi nous, se sont fait avoir ! Ces débats animent également de façon régulière les conseils municipaux, le maire qui choisit le taux variable étant accusé d’être un mauvais gestionnaire et celui qui choisit le taux fixe d’être un gestionnaire « à la papa » – mais la gestion « à la papa » n’a pas que des inconvénients !

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions précises, auxquelles vous répondrez peut-être avec la complicité du rapporteur. Ces amendements d’appel nous obligent en effet à réfléchir aux moyens de protéger mieux encore les consommateurs des risques à venir.

La première question a été abordée par Daniel Paul et je vais la compléter : si un maire alerte clairement ses administrés, par exemple dans le bulletin municipal, sur le danger qu’ils courront à sortir du tarif réglementé, c'est-à-dire s’il leur conseille explicitement de rester sous le tarif réglementé, sera-t-il protégé, ainsi que sa commune, de toute contestation, notamment de la part du Conseil de la concurrence, ou de n’importe quelle autre instance judiciaire – je ne suis pas un spécialiste ? Il s’agit d’une affaire d’intérêt général ; il est donc important de savoir si les maires qui, par un souci de sensibilisation et de pédagogie dont vous nous avez vous-même invités à faire preuve, monsieur le ministre, conseillent à leurs administrés de conserver le tarif qui semble le plus sûr, ne risquent pas de voir leur responsabilité engagée. C’est une question concrète qui appelle une réponse précise.

Ma deuxième question, elle, appelle peut-être une réponse par voie d’amendement ou de sous-amendement, déposé par le rapporteur. Il a encore, du moins je le pense, cette faculté – alors que la possibilité de lever la forclusion n’existe plus, ce qui est à mettre en relation avec ces nouvelles techniques qui réduisent le temps de parole de l’opposition dans les motions de procédure ou ne permettent plus de déposer des amendements en cours de débat.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Qu’est-ce que ce serait !

M. Jean Gaubert. Vous le regretterez dans un an !

M. François Brottes. C’est une digression, mais comme ces dispositions sont votées, il ne s’agit plus, de ma part, que d’exprimer un regret ! M. Lenoir garde un souvenir ému de ses cinq heures au moins de motion de procédure !

La question est la suivante : ne pourrait-on pas obliger le gestionnaire d’immeuble qui a l’intention de changer de fournisseur d’énergie et donc de sortir du tarif réglementé à ne le faire qu’après concertation avec ceux que ce choix concerne directement et qui en sentiront les effets négatifs sur leur facture ? Cette obligation n’est pas prévue, me semble-t-il : il faudrait solliciter sinon l’accord des intéressés, du moins leur avis. Cette disposition pourrait trouver sa place au cours de l’examen du projet de loi. Vous pouvez le constater, depuis le début de nos travaux, je m’efforce d’être constructif.

Ma troisième question concerne les collectivités territoriales. Il en est parmi nous qui gèrent des établissements gros consommateurs d’énergie, tels que les piscines couvertes fonctionnant toute l’année. Le poste énergie dévore alors un budget énorme. La piscine étant une machinerie compliquée, nous sommes confrontés à l’obligation de faire des appels d’offres pour confier la gestion de ces équipements à des sociétés spécialisées, dont certaines, semble-t-il, ont l’intention de fusionner avec Gaz de France.

Au-delà de la question posée par Jean Gaubert sur le mélange des genres, de quelles protections pourront bénéficier les collectivités locales qui auront confié la gestion de leurs équipements à un fournisseur passé au marché libre, lorsque le maire ou le président d’une structure intercommunale sera invité à repasser à la caisse, la gestion des équipements se révélant plus chère que prévu du fait de la hausse du coût de l’énergie ?

Il est donc important de prévoir des clauses de sortie des contrats de gestion avec ce type d’opérateurs auxquels la collectivité aura confié à la fois la gestion de ses équipements mais aussi celle des fluides et de l’énergie.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. François Brottes. Je ne sais pas si vous connaissez le problème des piscines, monsieur le président, mais il est très lourd.

Il faut savoir quelles garanties on pourra donner aux collectivités pour remettre de l’ordre dans le contrat passé avec le gestionnaire de l’énergie et des équipements.

Pour ma dernière remarque, je reprendrai le propos de Jean Gaubert selon lequel, si la fusion GDF-Suez aboutit – vous la souhaitez, nous nous y opposons –, nous n’aurons plus qu’un seul opérateur capable de gérer des équipements de cette nature sans être en même temps fournisseur d’énergie. Les autres opérateurs auront, eux, tout intérêt à augmenter le prix de l’énergie fournie puisque, d’une certaine manière, ils pourront émarger aux bénéfices des deux types d’activité.

Il s’agit-là d’un autre sujet de préoccupation très important, dont je conviens avec vous qu’il est peut-être trop tôt pour en parler. Mais je souhaite que vous apportiez aux trois questions précédant mon ultime remarque, monsieur le ministre, sinon des réponses précises, du moins votre point de vue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avant que M. le ministre ne s’exprime, je souhaite apporter quelques éléments de réponse à nos collègues communistes qui ont lancé le débat, tout d’abord en ce qui concerne les conditions dans lesquelles une personne pourra changer de fournisseur ou de contrat, et j’ai bien compris que vous parliez des particuliers dans la perspective de l’ouverture des marchés à compter du 1er juillet 2007.

Puisque vous avez participé aux travaux de la commission, vous savez le soin que j’ai apporté, avec M. Ollier, à ce que nous renforcions la visibilité et la lisibilité des éléments d’information devant permettre aux consommateurs de bien savoir où ils mettent les pieds, si je puis m’exprimer ainsi.

Un certain nombre d’éléments figuraient déjà dans l’annexe sur la protection des consommateurs, mais nous avons voulu aller beaucoup plus loin. Je ne veux pas répondre à la question de savoir si je représente un mouvement, une association qui aurait cherché à m’influencer de ses conseils. Je suis en effet ici en tant que rapporteur du projet et n’entends pas outrepasser mes droits. Je peux simplement vous dire qu’après la mise en vigueur de loi de 2004, des industriels m’ont interrogé. J’ai répondu à leur question de savoir s’il était plus intéressant d’aller sur les marchés négociés ou de rester soumis au tarif régulé. Je leur ai répondu et ne vous en dirai pas davantage.

Pour ce qui concerne ma commune, j’ai été approché – sans l’avoir sollicité – par un fournisseur concurrent d’EDF, qui me proposait un contrat de deux ans aux termes duquel le tarif eût été inférieur de 20 % à celui de l’entreprise publique. Nous en avons débattu au sein du conseil municipal et, curieusement, mon opposition m’a reproché d’avoir décidé de maintenir en vigueur le contrat que ma commune avait passé avec EDF.

M. Jean Gaubert. Les oppositions ne sont pas toujours intelligentes !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai été amené à constater, par ailleurs, puisque nous parlions des piscines, que le projet présentait un inconvénient que nous n’avions pas décelé, concernant les collectivités locales lorsqu’elles ouvraient un nouveau site de consommation. J’étais en effet en train de faire construire une seconde piscine municipale.

M. Jean Dionis du Séjour. Votre commune dispose de deux piscines !

M. Pierre Hellier. Il s’agit d’une commune riche ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ne vais pas décliner les avantages de ma commune mais il est vrai que nous avons disposé de deux piscines pendant très peu de temps. La nouvelle se trouvait à trois cents mètres de l’ancienne et un fournisseur historique a considéré qu’il s’agissait d’un nouveau site et que je devais faire jouer mon éligibilité. Nous avons fait corriger cette appréciation au bénéfice, d’ailleurs, de communes victimes du même problème. Aussi faut-il se montrer très pragmatique en la matière et, surtout, avoir la volonté de bien informer les consommateurs.

Je me souviens d’une remarque de François Brottes, certes pas du tout malintentionnée, au contraire, qui nous reprochait d’avoir fait voter en commission un dispositif assez compliqué. C’est vrai, mais mieux vaut être compliqué et faire en sorte que le consommateur choisisse en toute connaissance de cause. Vous lirez ces dispositions dans le détail et vous vous rendrez compte que celui qui, à partir du 1er juillet 2007, choisira de faire jouer son éligibilité, l’aura vraiment voulu ayant été complètement éclairé sur la question.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Deuxième point sur lequel il faut être très clair : l’éligibilité reste une option, et n’oblige donc en rien à quitter le tarif régulé. Vous le savez du reste fort bien puisque nous avons conservé dans le projet le dispositif concernant le tarif régulé. Le texte initial prévoyait son extinction pour les professionnels et les entreprises le 31 décembre 2007 ; nous l’avons maintenu.

Pour ce qui est des deux autres questions de François Brottes, qui concernent les contrats conclus entre une collectivité et une société fermière, il s’agit de droit privé. Autrement dit, il appartient à la collectivité d’introduire dans le contrat des stipulations lui permettant une éventuelle marge de manœuvre quant au choix du fournisseur. Ce n’est pas à la loi de le spécifier, mais au co-contractant de le prévoir à l’avance.

M. Daniel Paul. Et si l’on change de fournisseur ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il en va de même pour les contrats de gestion des équipements qui devraient comporter des clauses de révision, en cas de hausse des prix par exemple. On se retrouve ici dans le cas assez classique d’un contrat qui prévoit les conditions dans lesquelles la rémunération est révisée à la hausse. Pourquoi, si les prix baissent, ne pas prévoir une telle révision à la baisse ?

M. François Brottes. Cela ne relève pas du droit privé, mais du code des marchés publics !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est vrai que le premier point évoqué relevait du droit privé, et que ce qui concerne les collectivités ressortit au code des marchés publics. Reste qu’il s’agit toujours d’un contrat dont on peut négocier les stipulations dans le sens que je viens d’indiquer.

M. Daniel Paul. Est-ce que celui qui succède peut changer le contrat ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je souhaite ajouter quelques éléments de réponse aux propos de M. le rapporteur. D’abord, on peut d’ores et déjà acheter du gaz à Suez.

M. Daniel Paul. Il faut espérer !

M. le ministre délégué à l’industrie. Autrement dit, vous parlez de cas qui existent dès aujourd’hui.

En ce qui concerne les trois questions de M. Brottes, je ne vois pas, d’abord, qui pourrait reprocher à un maire de conseiller le maintien du tarif régulé. Libre à lui de faire connaître son opinion en la matière et d’agir dans sa commune comme il l’entend. M. le rapporteur a donné une réponse très concrète à cette question et son exemple est loin d’être isolé.

Ensuite, il est vrai que, lorsqu’un gestionnaire d’immeubles a voulu changer de contrat de fourniture d’électricité ou de gaz – mais sont aussi concernés bien d’autres contrats comme l’abonnement téléphonique –, on a pu déplorer des cas malheureux. Je suis donc prêt à reconsidérer la question, de même que celle, quasi identique, concernant les éventuelles clauses de sortie et les conditions d’entrée. Peut-on légiférer en la matière ? Je vous renvoie à l’article 13 du projet, relatif aux contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, que nous pourrions fort bien amender. Ainsi, je tiens compte de vos suggestions.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous préparons un projet de loi sur la consommation qui fera l’objet d’un débat. Puisque mon but est d’aider tous les gestionnaires face à la conjoncture à laquelle ils sont confrontés et qui peut également se révéler dangereuse pour les consommateurs, je vous propose de charger une personnalité d’étudier rapidement et précisément les conditions juridiques d’entrée et de sortie, conditions dont nous pourrions discuter lors de l’examen de ce projet sur la consommation. Nous vous apportons donc une réponse de bonne volonté, mais également une réponse opérationnelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J’ai écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt les interventions de M. le ministre et de M. le rapporteur.

Parmi les exemples que vous donniez, monsieur Lenoir, j’ai cru entendre que, bien qu’alléché par des propositions d’un tarif inférieur de 20 % au tarif d’EDF, vous avez fait le choix de garder l’opérateur historique comme fournisseur.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est fou !

M. Michel Vaxès. J’imagine que vous avez la conviction d’avoir fait, en conscience, le bon choix, celui du tarif régulé, en refusant de vous soumettre aux prix du marché. Mais si telle est votre conviction, il faut le dire, plutôt que de tourner autour de la question. Il faut conseiller à nos concitoyens de conserver les tarifs régulés. Et j’ajoute que si telle est votre conviction, alors il faut voter un autre texte !

M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui !

M. Michel Vaxès. En effet celui-ci remet précisément en cause les bons conseils que vous donnez de conserver les tarifs régulés. C’est une question simple : si j’ai bien compris tout ce que vous avez dit, vous plaidez pour nous et il faut modifier la loi !

M. François Brottes. Excellente démonstration et superbe conclusion !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est une belle fin de journée, en effet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ne voudrais pas laisser sans réponse le propos de M. Vaxès.

M. François Brottes. M. Vaxès parle d’or.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Encore une fois, la sortie du marché régulé n’est qu’une option, rien n’y oblige le consommateur.

M. Jean-Claude Sandrier. Il a en effet le droit de se faire avoir !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Quand on vous fait une proposition, il n’est pas interdit de réfléchir.

M. François Brottes. Tous les Français ne sont pas aussi informés que vous !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Qu’ai-je fait quand j’ai décidé de garder EDF comme fournisseur ? Je n’ai pas dit que j’avais choisi de rester avec l’opérateur historique pendant tous mes mandats à venir, à supposer que mes électeurs me renouvellent leur confiance. Je serai peut-être amené un jour à reconsidérer la situation et à proposer à mon conseil municipal de changer de contrat, de se tourner vers un autre fournisseur. Pourquoi se précipiter ?

M. Jean-Claude Sandrier. C’est bien la question !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Lorsqu’on fait des choix importants, doit-on décider tout de suite ? L’année prochaine aura lieu une élection présidentielle. Notre choix est-il déjà fait ? Non, pas encore. Pour certains oui, mais peut-être pas pour tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le débat est très intéressant parce que M. Vaxès a poussé le dialogue jusqu’au bout et que M. le rapporteur, malgré sa très grande habileté, s’est trouvé quelque peu en difficulté. Or il faut aller, j’y insiste, jusqu’au bout !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Alors nous sommes là jusqu’à sept heures du matin !

M. Jean Dionis du Séjour. Grâce à l’énergie nucléaire, l’électricité reste très peu chère en France.

M. François Brottes. Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Le reste de l’Europe a donc intérêt aux prix du marché, tandis que nous avons, nous, intérêt aux tarifs régulés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est un vrai problème dont il faudra débattre à propos des tarifs de retour. Nous approchons le cœur du problème.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les séries d’amendements identiques allant du n° 83900 au n° 85985.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°88528 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification.

M. Michel Bouvard. Enfin une simplification !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88528.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 2958 à 3107 et 32728 à 32749 tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Vendredi 15 septembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 15 septembre 2006, à zéro heure quinze.)