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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 15 septembre 2006

17e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Rappels au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le président, nous avons assisté hier à un nouveau reniement de M. Sarkozy, qui avait pourtant promis de ne jamais privatiser Gaz de France.

Le rapporteur du projet de loi sur l’énergie, lui aussi, avait déclaré le 14 juin 2004, à cette tribune, lors du débat sur le changement de statut, que nous jouions sur les fantasmes de la privatisation !

M. Jean-Claude Lenoir. Il s’agissait d’EDF !

M. François Brottes. Et de GDF, vous le savez bien !

Hier, M. Sarkozy a franchi une nouvelle étape dans le reniement en indiquant qu’il souhaitait engager une réforme des régimes spéciaux de retraite. Nous ignorons toutefois s’il compte y procéder dans le cadre de cette législature, où il occupe un poste important au sein du Gouvernement, ou plus tard, s’il était – malheureusement – appelé aux plus hautes fonctions.

Le 15 juin 2004, M. Sarkozy avait pourtant annoncé ici même, la main sur le cœur, qu’il ne toucherait pas aux régimes spéciaux. C’est qu’à l’époque, il fallait faire accepter le changement de statut et rassurer les agents du service public de l’énergie ainsi que les usagers, fût-ce au prix d’une tromperie.

M. Sarkozy, qui n’a guère de scrupules, est un spécialiste du changement de pied. Cela ne l’honore pas, mais nous en prenons acte. Chacun voit bien la manœuvre : s’il lance ce débat alors que nous discutons de la privatisation de Gaz de France, c’est pour tenter de monter les Français les uns contre les autres, en essayant de faire passer le mouvement engagé par les salariés des entreprises publiques pour un réflexe corporatiste. M. Sarkozy fait preuve d’une grande malhonnêteté.

La question des retraites mérite un débat de fond qui nous conduirait à réfléchir sur le système des stock-options, lequel permet à certains dirigeants d’entreprises peu scrupuleux de faire main basse sur de véritables pactoles avant même de partir à la retraite.

N’en déplaise à M. Novelli – après avoir interpellé M. Lenoir, je passe, par souci d’équilibre, à M. Novelli ! – ce n’est pas parce que certains vivent dans la plus absolue des précarités qu’il faut généraliser cette situation, même si c’est peut-être votre désir le plus cher, comme l’a montré le contrat nouvelles embauches.

M. Hervé Novelli. Quel procès d’intention !

M. François Brottes. La question des retraites se pose exactement dans les mêmes termes.

Je tenais à dénoncer cette manœuvre tendant à détourner l’attention du fait que nous sommes en train de privatiser l’un des fleurons des entreprises publiques du secteur de l’énergie. Nous continuerons quant à nous à nous opposer fermement à la privatisation de Gaz de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. J’imagine, monsieur Brottes, que vous vous êtes appuyé sur l’article 58, qui autoriserait la « dénonciation de manœuvres » ! (Sourires.)

M. François Brottes. Exactement !

M. Jean Gaubert. Ce serait même plutôt « mise à nu de manœuvres » !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Le journal La Tribune – les médias radiophoniques en ont également fait état ce matin – donne l’évolution des profits des groupes cotés au CAC 40. Pour ne pas allonger le débat, j’extrairai EDF et GDF de la liste.

Au premier semestre de 2006, le chiffre d’affaires d’EDF a crû de 20,5 %, et le résultat net, soit son profit, de 94 % : vous avouerez que ce n’est pas mal ! Quant au chiffre d’affaires de GDF, il a augmenté, plus modestement, de 37 %, tandis que le taux de profit faisait un bond de 44 % !

Au moment où nous abordons les questions de tarifs, de réversibilité et de tarification sociale, je tenais à mettre en exergue ces progressions honteuses, en ce sens qu’elles se font au détriment de nos concitoyens.

Le journal La Tribune indique que les taux de profit de ces entreprises ont globalement fait un bond de 23 % – soit environ 50 milliards d’euros – et que la bourse a connu une hausse de 8,8 % depuis le mois de janvier. Dois-je rappeler que la rémunération du livret de Caisse d’épargne n’est que de 2,75 % ?

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 32750, à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous commençons donc par la série d’amendements identiques, nos 32750 à 32771.

La parole est à Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Ces amendements sont pour nous l’occasion de revenir sur la question de l’irréversibilité, que vient d’évoquer Daniel Paul.

En proposant d’introduire systématiquement des clauses de réversibilité dans les contrats, ces amendements visent les directives de libéralisation des services publics, notamment celle relative à l’ouverture des marchés de l’énergie.

Quand on prétend offrir à ses concitoyens le choix de conserver un contrat au tarif régulé ou de faire jouer la concurrence en souscrivant des offres au prix du marché, il faut au moins présenter cette alternative avec honnêteté. Les Français doivent savoir que telle n’est pas votre intention. J’en veux pour preuve la clause d’irréversibilité qui est une concession inacceptable faite aux dirigeants d’EDF et de GDF, soucieux d’avoir les mains libres pour engranger des profits et verser, aux dépens des consommateurs, de juteux dividendes aux actionnaires. Cela se passe malheureusement déjà ainsi : Daniel Paul vient d’en apporter la démonstration en évoquant les chiffres du CAC 40 tels qu’ils sont publiés aujourd’hui dans la presse.

Vous vous gardez bien de faire de la publicité autour de l’irréversibilité induite par la transposition de la directive, ce qui témoigne de votre mauvaise foi. Votre objectif est de faire de nos concitoyens des clients captifs d’oligopoles privés qui ne tarderont pas à augmenter leurs tarifs, comme ce fut le cas au Danemark, où a été enregistrée une hausse de 91 %, ou en Grande-Bretagne, où les prix ont augmenté de 80 %.

La seule façon de prouver votre bonne foi et de donner quelque crédit à vos assertions sur la modération des tarifs serait d’adopter notre amendement. Ainsi, la réversibilité deviendrait possible et vos actes seraient en adéquation avec vos paroles.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. J’approuve pleinement les propos de Michel Vaxès. L’amendement que nous proposons vise à ce que, dès lors que le prix du marché appliqué est supérieur de 5 % aux tarifs réglementés, le client ou l’usager – la nuance se fait entre « client et prix » et « usager et tarif » – puisse revenir au tarif réglementé.

Cet amendement présente deux avantages.

Il constituerait d’abord une forte incitation à la modération des prix en invitant les opérateurs à proposer des tarifs raisonnables. Vous êtes persuadés que l'ouverture complète du marché de l'énergie offrira des avantages compétitifs aux consommateurs, ce qui est démenti par la réalité. C'est pourtant ainsi que vous essayez de vendre votre réforme aux Français. Or les propos que nous avons échangés hier soir en fin de séance sur la réalité vécue dans notre pays, montrent que les choses sont bien plus complexes. En fait, vous voulez faire passer une loi que vous n’êtes pas prêts à appliquer. Mais c’est un autre débat !

Si vous êtes convaincus de ce que vous avancez, nos amendements devraient recueillir sans difficulté votre approbation, car, dans la perspective d'une baisse générale des tarifs ou de leur stricte indexation sur les prix du pétrole, nos amendements deviendraient superfétatoires, et vous auriez donné un gage de votre bonne foi.

Les réticences que je devine tiennent sans doute au corollaire de notre amendement qui serait la transparence des tarifs régulés, indispensable pour que l’on soit assuré de leur stricte indexation sur les coûts de production pour l'électricité et sur les coûts d'approvisionnement pour le gaz, coûts auxquels il faut ajouter les charges annexes liées au transport, à la distribution et au renouvellement des infrastructures, c’est-à-dire l’ensemble des opérations qui, hors distribution de dividendes, permettent à EDF et à GDF d’assurer durablement leurs missions.

Sur ce point, vous ne pouvez offrir de garanties, sachant combien les intérêts des actionnaires ne militent pas en faveur de la modération et de la transparence.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Défavorable, monsieur le président.

Permettre à ceux qui ont fait jouer leur éligibilité de revenir au tarif reviendrait à déconstruire entièrement le dispositif mis en place en 2000.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je m’attendais un peu à cette réponse, monsieur le rapporteur, mais cela ne signifie pas que je peux m’en satisfaire. Cet amendement ressemble pourtant, avec un pourcentage différent, à celui que la commission va présenter au bénéfice des industriels. Cela signifie que vous instituez pour ces derniers un droit au plafonnement qui ne serait en revanche pas reconnu pour les consommateurs domestiques. Il y a donc deux poids, deux mesures.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Si vous décidiez qu’il y aura marché libre pour tout le monde, nous ne serions pas d’accord, mais cela serait logique. Le plafonnement que vous proposez pour les industriels est plutôt une bonne disposition, même si nous critiquons les conditions de son financement. Cependant il est incohérent de refuser les mêmes droits aux consommateurs domestiques qui se sont trompés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je note que M. Gaubert porte beaucoup d’intérêt à l’amendement que Patrick Ollier et moi-même avons déposé et fait approuver par la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il ne l’a sans doute pas lu !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cela étant son argumentation concerne la situation des particuliers.

M. Jean Gaubert. Ils sont victimes d’une injustice.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il faut éviter toute confusion. 

A cet égard nous proposons d’instituer un tarif transitoire afin de permettre aux entreprises ayant fait jouer leur éligibilité conformément à la loi de 2000 de réduire le coût de leur fourniture énergétique. Cela ne concerne pas les consommateurs domestiques, lesquels bénéficieront, dans certaines conditions, d’un dispositif spécifique leur permettant de revenir au tarif réglementé.

M. Jean Gaubert. Mais cela leur coûtera plus cher !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Si vous avez été contraint de proposer un tel amendement, monsieur le rapporteur, c’est parce que les responsables d’entreprises ont été abusés par le mythe du marché libre : ils pensaient qu’une plus grande concurrence entraînerait une diminution des prix.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce n’est que la conséquence de la loi de 2000 !

M. Daniel Paul. Vous ne faites que le répéter. Cela tourne au psittacisme !

M. Pierre Cohen. En tout état de cause, cela a été une erreur, que vous êtes maintenant obligés de réparer en plafonnant à 30 % l’écart entre le prix du marché et le tarif réglementé. Nous verrons plus tard les modalités de ce dispositif, en particulier qui devra le financer. Toutefois si le marché s’emballe, si l’augmentation des prix dépasse 30, 40 ou même 50 %, vous serez obligés de l’appliquer également aux consommateurs domestiques. Et comme vous avez rendu irréversible l’exercice de l’éligibilité, tout cela aura un coût qu’il faudra compenser. Or nous savons bien qui sera mis à contribution.

L’amendement défendu par M. Paul n’est pas si généreux que cela, surtout si nous comparons ces 5 % aux 2 % d’augmentation du coût de la vie.

M. Daniel Paul. 2,75 % !

M. Pierre Cohen. Néanmoins il permet de fixer des limites et, en donnant la possibilité aux intéressés de revenir en arrière, de réparer le préjudice subi par des gens qui ont été grugés plus qu’ils ne se sont trompés.

M. François Brottes. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 750 à 32 771.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’en viens aux amendements identiques, nos 32 772 rectifié à 32 793 rectifié.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Quelque chose me rend optimiste quant à l’accueil qui sera fait à cet amendement.

L’avant-dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 1er dispose que tout consommateur domestique bénéficie de la tarification spéciale « produit de première nécessité » mentionnée à l’article 4 de la présente loi s’il réunit les conditions fixées pour le bénéfice de cette tarification.  Nous pensons que cette rédaction résulte d’une maladresse, car, même si nous en reconnaissons la validité juridique, l’emploi du verbe « bénéficier » est ici lourd de sens. Nous proposons donc de le remplacer par le terme non moins indiscutable de « droit ».

Un droit n’est pas une simple libéralité, et encore moins une concession. Sa reconnaissance relève non pas de la logique caritative ou compassionnelle, mais de la satisfaction d’un besoin, de la jouissance d’un bien reconnu comme étant de première nécessité : ici, le droit à l’énergie, comme ailleurs le droit à une vie décente.

Il nous semble en revanche que le terme « bénéficie » a une connotation plus ambiguë. À l’heure où certains dénoncent comme des privilèges certains régimes de retraite, il paraît important de clarifier le texte.

Je ne doute pas que vous approuverez cette rectification, dont la valeur symbolique est importante, car elle renvoie à une approche exigeante du pacte républicain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait repoussé cet amendement, qui joue un peu sur les mots. Toutefois, la modification proposée n’altère pas fondamentalement le sens ni la portée de l’article 1er. C’est pourquoi je propose à l’Assemblée de l’adopter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le rapporteur aurait-il enfin un moment de lucidité ? Il sait bien en effet que les mots ont un sens. Si nous souhaitons – et nous le souhaitons tous – que les personnes en difficulté conservent leur dignité, il est important qu’elles puissent faire valoir des droits plutôt que d’avoir l’impression de demander la charité à un bureau d’aide sociale. C’est pourquoi le groupe socialiste votera ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 772 rectifié à 32 793 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 32 816 à 33 695 tombent. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ces 880 amendements n’ont en effet plus d’objet.

M. François Brottes. Serait-ce une manœuvre du rapporteur ? (Sourires.)

M. Daniel Paul. Monsieur le président, cela mérite une explication.

M. le président. C’est une question de forme : l’adoption des amendements précédents a conduit à remplacer l’expression : « bénéficie de » par « a le droit à ». Or les amendements n°s 32 816 à 33 695 tendent à juxtaposer un membre de phrase au mot : « bénéficie ».

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Tout cela est parfaitement normal. Même si nos collègues communistes ne s’y attendaient probablement pas, les amendements que nous venons d’examiner ont été adoptés. Ceux qui se rapportent au texte modifié sont donc désormais sans objet : c’est la logique du règlement de notre assemblée. Il me semble que, pour le groupe communiste, une série d’amendements adoptée vaut bien l’abandon de quelques centaines d’autres. Vous n’allez pas nous reprocher notre décision !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je remercie évidemment l’Assemblée d’avoir eu la sagesse d’adopter les amendements que nous proposions. Quant aux amendements n°s 32 816 à 33 695, ils étaient motivés par la façon dont est rédigé l’article 1er, qui pourrait permettre aux grands patrons du CAC 40 d’obtenir le droit à une tarification spéciale. L’examen du projet de loi devant le Sénat devrait d’ailleurs offrir l’occasion de préciser une formulation qui, en l’état actuel, permet aux consommateurs domestiques dont les revenus sont inférieurs à un plafond variable de bénéficier, sur leur demande, d’une tarification spéciale. Quel est ce plafond ? Nous l’ignorons. Or les dirigeants du CAC 40, dont on rappelait tout à l’heure les exploits, sont aussi des consommateurs domestiques.

Nous n’allons pas batailler pour vous demander de revenir sur votre décision, monsieur le président, d’autant que l’adoption des amendements précédents ne peut que nous réjouir, mais les dispositions de l’article 1er devraient être reformulées.

M. le président. Si vous perdez 880 amendements, vous aurez de toute façon l’occasion de revenir sur ce sujet lorsque nous examinerons l’article 3.

M. Daniel Paul. Nous le ferons, n’en doutez pas !

M. le président. J’en viens donc aux amendements identiques nos 33794 à 32815.

Il me semble qu’ils ont été défendus, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable. Compte tenu du vote qui vient d’avoir lieu, j’y suis favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32794 à 33815.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. J’appelle les amendements identiques nos 33696 à 34157.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Certains considéreront peut-être que les amendements que nous abordons ici sont, eux aussi, ridicules ou hors sujet. Je les laisse juges de la portée de ces propos, car ils ont pour nous beaucoup de sens.

Comme nous l'avons rappelé précédemment, la rédaction des alinéas relatifs à la tarification spéciale est très lacunaire. Je veux bien qu'on nous oppose ici le principe de séparation des compétences législatives et du domaine réglementaire, votre souhait étant que le législatif n'empiète pas sur le réglementaire. Bien que nous ne partagions pas ce point de vue, compte tenu du déséquilibre de nos institutions, déjà fortement défavorable au Parlement, nous en prenons acte. Mais est-ce une raison pour vider à ce point les dispositions législatives de tout contenu, de toute référence au concret, à l'existant ? En aucun cas.

Nos amendements visent à préciser dans la loi quels sont les ayants droit indiscutables à la tarification spéciale, ce qui n’est pas mince, afin de préciser la volonté du législateur dont vous connaissez la portée juridique. Nous sommes, quant à nous, favorables à ce que la notion de tarification sociale embrasse une réalité. Nous avons proposé, à diverses reprises, que le droit à la tarification sociale soit étendu à l'ensemble des personnes qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu. Cela nous semble être un minimum.

Dans un esprit consensuel, nous proposons l'adoption des présents amendements qui tendent à accorder, de droit, la tarification spéciale aux bénéficiaires d’un des minima sociaux, mais aussi de la CMU. Il n’y a là rien de scandaleux.

Ils visent également ceux qui perçoivent le RMI, dont vous savez tous le montant, ou l’allocation de solidarité spécifique, dont vous connaissez également le montant modeste, ceux qui ont signé un contrat d’insertion et qui reçoivent donc un revenu minimum d’activité. Il en va de même de celles ou ceux – mais ce sont souvent des femmes –, qui ne perçoivent que l’allocation de parent isolé. Sont également concernés ceux qui touchent l’allocation adulte handicapé. Je vous rappelle, chers collègues, que nous nous sommes battus pour que cette allocation soit égale au SMIC, mais nous n’avons pas été suivis par la majorité. Cette allocation, versée à des centaines de milliers de personnes, reste donc d’un montant inférieur au SMIC.

Doivent également bénéficier de cette tarification spéciale ceux qui perçoivent l’allocation d’insertion, le minimum vieillesse. On évoque parfois les retraites des régimes spéciaux. J’ai reçu, voici quelques jours, une veuve de cheminot dont la pension est inférieure au minimum vieillesse.

M. Jacques Remiller. Et celle de certains agriculteurs ?

M. Daniel Paul. Certes, elle n’est pas la seule, mais cet exemple me revient en mémoire. Donc, il nous semble que ceux qui ne perçoivent que le minimum vieillesse devraient pouvoir bénéficier automatiquement de cette tarification spéciale.

Doivent également bénéficier de la tarification spéciale les titulaires du minimum invalidité, de l’allocation veuvage, de l’allocation équivalent retraite, d’une pension d’invalidité, les titulaires d’un contrat de travail défini par l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches, les titulaires d’un contrat de travail déterminé à l’article L. 322-4-7 du code du travail ou d’un contrat de travail déterminé à l’article L. 322-4-8 ou à l’article L. 322-4-10 de ce même code, les titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, dont on sait ce que cela signifie lorsque s’en profile l’issue, ou d’un contrat de travail spécifique aux plus de cinquante-sept ans. Enfin, cette allocation doit bénéficier à ceux qui ont droit à une indemnisation servie par l’assurance chômage.

Ces personnes sont sans doute les plus démunies de notre société. Donc, il nous semble qu’elles devraient avoir le droit, puisque notre texte est ainsi rédigé, d’obtenir la tarification spéciale, produit de première nécessité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui, j’en conviens, monsieur Paul, n’est ni ridicule ni hors sujet.

M. Daniel Paul. Cela a été dit !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Les uns et les autres, nous connaissons ces situations. Il n’y a pas de commentaire déplacé à faire sur ce point, cela va de soi.

En réalité, pourquoi sommes-nous contre cet amendement ?

Je rappelle que la loi de 2000 a institué la tarification spéciale à caractère social pour les personnes démunies, et que son application a été renvoyée à un décret. Je ne reviens pas sur le retard pris au niveau de la publication du décret. Il est toutefois préférable, reconnaissez-le, de renvoyer à un décret les modalités d’application pour des raisons de souplesse. Recourir à la loi pour modifier telle ou telle disposition afin de tenir compte d’une situation donnée entraînerait complications et retards. Je prends un exemple.

Le président Patrick Ollier et les membres de la commission discutent avec le Gouvernement de l’élargissement du champ d’application de la tarification spéciale à caractère social, mais cela ne se traduira pas par une disposition à caractère législatif. Le Gouvernement sera amené, au cours de la discussion, à nous informer de son intention de modifier un décret. Par conséquent, en renvoyant au décret, nous choisissons la souplesse, l’efficacité et la rapidité dans l’exécution.

Nous nous sommes donc prononcés contre cet amendement pour des raisons non de fond, mais d’adaptabilité de notre dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis. Je rappelle que des amendements présentés par le groupe socialiste sur le même sujet ont été reportés à l’article 3. Je propose donc qu’il soit tenu compte de la réponse du rapporteur. Nous approfondirons ce sujet lors de la discussion de l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. On peut comprendre le souci du rapporteur. Il est vrai qu’il peut être gênant de figer dans la loi un certain nombre de critères. Faire appel au décret donne davantage de souplesse.

Néanmoins, nous avons déjà connu des cas où le décret fixait un montant par exemple de 10 à 15 euros inférieurs à l’AAH, excluant ainsi un adulte handicapé du bénéfice d’une allocation à laquelle il aurait dû avoir droit. Ce sont alors les collectivités locales qui doivent compenser. Les amendements du groupe communiste ne définissent pas des montants, mais des catégories de personnes qui reçoivent moins que le SMIC, lequel est un minimum pour vivre, et sont donc en grande difficulté.

Il est donc essentiel d’inscrire dans la loi que, s’il existe des tarifs spéciaux, ces personnes y ont droit.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaite aussi que l’on ait une discussion de fond sur ce sujet.

Hier, notre collègue Jean Gaubert a précisé, dans son intervention, qu’il fallait veiller à ne pas réserver l’accès au tarif de première nécessité en fonction d’un statut. Ce n’est d’ailleurs pas l’esprit de la loi de 2000 qui précise, entre autres, dans son article 4 : « Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l’électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale produit de première nécessité. » En effet, on peut comprendre les amendements de nos collègues communistes, puisqu’ils concernent les gens en difficulté.

Ceux qui tentent aujourd’hui de renouveler notre pensée sociale – je pense notamment à Martin Hirsch, qui a rédigé un excellent rapport sur les « trappes à inactivité » –, conseillent de revenir à des aides fondées sur les revenus et non sur les statuts.

Une discussion de fond à l’article 3 sera nécessaire. En effet, la loi, qui renvoie aux revenus, est bien faite, mais le décret dispose que le montant annuel des ressources du foyer est fixé à 5 520 euros, soit le seuil de la CMU. Donc, on retombe dans une logique de statut.

Nous devons, en conséquence, réfléchir à une véritable modernisation de notre aide sociale et la considérer dans son ensemble et non au hasard d’un amendement. Après l’intervention de Jean Gaubert, nous étions convenus de la reporter, comme le propose le ministre, à l’article 3. Il serait bien que nos collègues communistes acceptent de nous suivre.

M. Daniel Paul. Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il s’agit d’un sujet essentiel et nous avons eu l’accord de la séance mais aussi du rapporteur pour que nos amendements portant sur ce thème soient débattus à l’article 3. Cela nous laisse le temps, monsieur le ministre, d’obtenir de votre part des éléments statistiques précis sur le poids du budget énergie des familles dont les revenus sont plus qu’extrêmement modestes. Nous parlons en effet de dépenses qui pèsent pour environ 20 % dans leurs revenus, parce que la facture peut aller de 80 à 100 euros.

De plus, ce n’est pas la même facture à Marseille ou à Lille, en montagne ou en plaine, alors que le revenu minimum est le même partout. La facture du chauffage peut être lourde, j’en sais quelque chose, comme d’autres de mes collègues qui habitent dans des régions pas forcément très tempérées l’hiver. Il y a donc une injustice territoriale. Dans certaines régions, on chauffe deux mois par an et, dans d’autres, six à huit mois. C’est aussi un élément à prendre en compte. Aider au prorata du revenu est sans doute une bonne idée, mais il faudrait aussi pondérer cette approche en intégrant le territoire dans lequel on se trouve.

Le rapporteur a laissé entendre hier, sans le dire explicitement, qu’il n’y avait pas de tarif pour les plus démunis parce qu’il n’y avait pas de décret d’application de la loi de 2000. Nous en avons pris acte, mais je lui ai rappelé que la loi de 1992 portant adaptation du revenu minimum d’insertion a créé un fonds d’aide au règlement des factures, alimenté par les opérateurs historiques, et qu’on a complété ce dispositif dans la loi contre les exclusions. Je ne veux pas qu’on nous suspecte de ne pas avoir pris en compte cette difficulté.

On rencontre tous des gens qui ne peuvent plus se chauffer ou qui ne chauffent qu’une seule pièce car, sinon, cela coûte trop cher. Ce n’est pas du Zola ; nous n’essayons pas de dramatiser inutilement, mais nous sommes tous confrontés à de telles situations.

À l’époque de la loi de 2000, il n’était pas question d’ouvrir le marché à la concurrence pour les ménages, et notre approche consistait à avoir, d’une part, un tarif réglementé et, d’autre part, un tarif social. En revanche, quand on intègre les conséquences de l’ouverture du marché à la concurrence qui interviendra le 1er juillet 2007, avec les impacts que cela pourra avoir - on l’a vu pour les entreprises – c’est-à-dire, notamment, une augmentation considérable des prix, le poids de l’énergie, si on sortait du tarif réglementé, ne serait plus de 20 % mais de l’ordre de 33 à 35 %. C’est un problème vital, parce que beaucoup de gens risquent de mourir de froid.

Il est donc vraiment nécessaire d’en parler le plus possible, le mieux possible, à l’article 3. Je souhaite que le ministre nous donne des éléments statistiques.

Nous avons toujours le sentiment de faire du Zola quand nous citons de tels cas, mais l’énergie représente 15 à 20 % du budget de ces ménages. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous pourrez nous donner des exemples, car M. Borloo doit avoir des statistiques à jour.

M. le président. Je vais donc mettre aux voix les amendements n°s 33696 à 34157.

M. Daniel Paul. On les reporte à l’article 3.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En fonction de quel article du règlement ?

M. le président. Que M. Paul souhaite reporter ces amendements pour vous être agréable, monsieur Dionis du Séjour. je le comprends, mais, en l’occurrence, ce n’est pas possible.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela a été fait hier pour des amendements du groupe socialiste.

M. le président. Ce n’était pas la même chose.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je comprends bien que le groupe communiste souhaite reporter ces amendements à l’article 3, mais ce n’est pas conforme au règlement.

Cela étant, monsieur Paul, vous avez plusieurs centaines d’amendements à l’article 3 sur ce sujet qui permettront d’avoir le même débat. L’intérêt, c’est le débat, pas les amendements ; tout le monde l’a compris. Nous sommes tout à fait d’accord pour que le débat ait lieu le temps nécessaire le moment venu, mais ces amendements ne peuvent pas être présentés ailleurs, sauf si le Gouvernement ou la commission demandent leur réserve, mais telle n’est pas notre intention. Vous pourrez intervenir tout le temps que vous souhaitez sur ce thème car vous avez plusieurs centaines d’amendements à l’article 3 ; il n’y a aucun problème.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme je ne souhaite pas que d’aucuns pensent que le groupe socialiste a bénéficié d’un régime spécial, je précise que nous avons transformé nos amendements en sous-amendements à l’amendement n° 88531 de la commission, à l’article 3. Nous avons parfaitement respecté le règlement, me semble-t-il, et il n’y a pas eu de régime particulier.

Cela étant, j’ajoute, car j’ai oublié de le dire hier, qu’il est tout de même regrettable que M. Lenoir, comme M. Ollier d’ailleurs, aient refusé de passer à la discussion des articles de notre proposition de loi présentée par M. Kucheida sur la couverture énergétique universelle. Nous essayions de résoudre encore mieux que ce n’est le cas aujourd’hui ces questions de tarif social, d’accès à l’énergie, et la majorité n’a pas souhaité aller plus avant dans le débat. Nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité les uns et les autres parce que nous n’avons pas encore trouvé la bonne solution, d’où l’intérêt d’en débattre au fond à l’article 3.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brottes, j’apprécie la manière dont vous mettez en cause la commission, son président et son rapporteur, avec votre courtoisie habituelle, et je vous en remercie.

Si la majorité, à l’époque, a refusé de passer à la discussion des articles, c’est qu’elle avait des raisons. Elle aussi cherche une solution. À l’époque, M. Lenoir n’avait pas encore été nommé rapporteur sur ce texte, mais il travaille sur ce sujet et a des propositions à faire. Pardon d’être la majorité dans cet hémicycle !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il ne faut pas s’excuser !

M. François Brottes. On sent que ça vous pèse !(Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est de l’humour !

Acceptez que la majorité imagine elle aussi des solutions favorables aux consommateurs et à ceux qui sont en situation de précarité ou défavorisés. Le Gouvernement y a travaillé avec nous, et nous avons des propositions à présenter. Elles viendront en leur temps. Lorsque les articles qui traitent de ces questions seront appelés, nous aurons à cœur de les proposer et nous verrons si vous votez pour.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Afin de regrouper à l’article 3 l’ensemble de cette discussion, nous pourrions modifier nos amendements pour les rattacher à cet article. Dans le second alinéa de son I, après les mots : « Les clients domestiques », je propose d’insérer les mots : « titulaires d’un des minima sociaux ».

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne pense pas qu’il faille un long débat sur ce sujet.

Je sais que le groupe communiste a des convictions à défendre sur ce sujet, et il n’est pas question, monsieur Paul, d’empêcher votre groupe de les exprimer, pas plus que le groupe socialiste d’ailleurs, qui a des convictions identiques. La majorité en a aussi. Nous n’avons peut-être pas les mêmes formules pour régler le problème, c’est bien l’objet du débat.

Je ne veux pas qu’il y ait de difficultés entre nous, mais vous avez 650 amendements qui traitent de ce sujet à l’article 3 et, à cinq minutes par amendement, cela vous donne tout le temps nécessaire pour aborder les thèmes que vous voulez aborder. La majorité ne vous empêchera pas de parler, mais on doit respecter le règlement.

Pour rattacher vos amendements à l’article 3 comme vous le souhaitez, c’est trop tard. Vous savez que le règlement a changé et que, en cas de modification de ce type, il faut réunir la commission et c’est compliqué.

Très sincèrement, dans la mesure où le débat se passe dans de bonnes conditions, je ne verrais pas d’inconvénient, le rapporteur non plus, pas plus que le ministre, à ce que, en présentant vos 650 amendements, vous rappeliez les thèmes de ces amendements-ci. Cela me paraît une bonne solution si vous êtes d’accord.

M. Daniel Paul. D’accord !

M. le président. Fort de cet engagements, vous retirez dons les amendements identiques nos 33696 à 34157 sont retirés.

La parole est à M. Hervé Novelli, pour défendre amendement n° 137611 rectifié..

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Permettez-moi à cet instant de dire toute ma satisfaction d’avoir réussi à glisser un amendement parmi les 137 000 de l’opposition.

Cet amendement me semble important. Il n’a pas été examiné par la commission des finances ; c’est la raison pour laquelle je le présente en mon nom. Il vise à protéger les consommateurs finals d’électricité contre les abus de position dominante pratiqués par certains fournisseurs d’électricité.

Il arrive parfois, peut-être même souvent, que le fournisseur d’électricité prévoie dans le contrat de fourniture une clause qui dispose que le client doit se fournir en électricité en totalité auprès de lui, donc une clause d’exclusivité. J’ai en main un certain nombre de tels contrats pratiqués par l’opérateur historique et par d’autres. Ce n’est pas bien. Cela nuit à la concurrence puisqu’un autre fournisseur ne peut fournir de l’électricité à tel ou tel moment de la journée.

Lorsque de tels contrats sont portés devant les tribunaux, ils sont le plus souvent déclarés illégaux car la loi, en règle générale, est défavorable aux clauses d’exclusivité.

Si j’ai souhaité que cette jurisprudence soit inscrite dans la loi, c’est parce que ces clauses sont totalement contraires à l’intérêt du consommateur. Certains opérateurs, en effet, du fait de l’ouverture à la concurrence, parviennent à fournir de l’électricité à des prix extrêmement compétitifs à certains moments de la journée ou de l’année en opérant des arbitrages géographiques. Ils peuvent donc offrir des volumes d’électricité à des prix souvent inférieurs au tarif réglementé. La clause d’exclusivité prévue dans un certain nombre de contrats les empêche d’accéder à certains clients et contribue ainsi à la hausse globale des prix de l’électricité dénoncée, avec raison, sur de nombreux bancs de cette assemblée.

Tel est l’objet de cet amendement, qui me semble assez pertinent, mais j’attends les avis du rapporteur et du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Après avoir examiné avec beaucoup d’attention l’amendement déposé par M. Novelli au nom de la commission des finances, la commission avait émis un avis défavorable car, dans sa version initiale, il avait pour effet de remettre en cause des contrats en cours, ce qui pose entre autres un problème constitutionnel.

Inspiré par nos considérations, M. Novelli a revu sa copie, et, de ce fait, nos arguments sont tombés. La commission des affaires économiques ne s’est pas pour autant réunie pour émettre un avis sur cet amendement rectifié, l’un des derniers à avoir été déposés puisqu’il porte le n° 137611.

Compte tenu des explications qu’il vient de nous donner et de la rédaction qui nous est proposée, à titre personnel, je ne vois pas d’inconvénient à ce que cet amendement soit adopté.

M. Guy Geoffroy. Nous le voterons !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que le rapporteur bien que le droit de la consommation doive déjà prévoir cette situation. Les contrats actuels ne doivent pas être mis en cause, mais pour les contrats futurs je suis tout à fait d’accord.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Permettez-moi d’aborder ce débat sous un autre éclairage, car j’entends la majorité se prononcer sans cesse en faveur de la passation de contrats. Or, pour qu’il en existe un il faut deux signataires qui le paraphent librement.

Or, avec la disposition proposée, on pourrait signer un contrat et le remettre en cause dès le lendemain ! Il serait par exemple possible de signer un contrat prévoyant une courbe de charge dans la journée et une courbe de charge dans la nuit. C’est d’ailleurs en fonction de cette courbe de charge qu’il est possible de modifier les prix puisque l’on est dans un système contractuel. Celui qui s’engagera à consommer davantage la nuit obtiendra un prix plus intéressant.

Quid de la procédure d’appel d’offres ? Vais-je pouvoir, après en avoir fait un pour des travaux à réaliser dans ma commune, changer d’entrepreneur en cours de route parce qu’on me propose moins cher ? Mais où va-t-on ? On est en train, à travers un amendement présenté en séance, d’ouvrir une brèche énorme dans notre droit contractuel, en particulier dans le code des marchés publics. Je note d’ailleurs que cet amendement est l’un des derniers à avoir été déposé. M. Novelli dit qu’il a réussi à s’immiscer. Non, il s’est mis à la remorque ! Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Véritablement, je vous demande de bien réfléchir au texte proposé. Au demeurant comment un tel système va-t-il fonctionner sur le réseau ? Hier déjà nous avons eu un long débat sur les problèmes posés par certains opérateurs, en particulier en Alsace, en Moselle et en Savoie. Vous faites comme s’il s’agissait de choisir des sacs d’engrais dans un hangar !

Par ailleurs, pourquoi ne proposeriez-vous pas la même disposition pour le gaz ou pour le pompiste qui, lui, est obligé d’acheter chez Total. Je ne vois pas ce pompiste déclarer que cette semaine il ira acheter ailleurs le pétrole parce qu’il est moins cher. Cette clause ne s’applique pas aux fournisseurs privés, qui, eux, ont le droit de gagner de l’argent. Elle s’applique en revanche à l’opérateur public qu’il faut dépouiller jour après jour, semaine après semaine parce que ce n’est pas bien d’avoir dans ce pays des opérateurs publics.

Vous prétendez vouloir le maintenir, lui garder toute sa valeur, mais, dans le même temps, monsieur le rapporteur, vous approuvez avec enthousiasme le premier coup de canif qui vous est proposé.

M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.

M. Xavier de Roux. C’est un amendement auquel il faut bien réfléchir.

Dans notre droit, l’abus de position dominante créé par un contrat d’exclusivité est toujours lié à une question de durée. Ce n’est pas la même chose d’avoir une exclusivité sur un contrat de longue durée ou sur un contrat annuel. Supprimer la possibilité d’une exclusivité pendant une période raisonnable aboutit à se situer toujours au niveau du prix « spot ». Un prix « spot » en permanence sur l’électricité est-il une bonne chose pour le consommateur, qu’il soit personne privée ou industrie ? Je me pose la question. Personnellement, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je rejoins ce qui vient d’être dit : c’est le « spot permanent ». C’est acceptable pour les bonbons. J’irai les acheter chez l’épicier un peu plus loin s’il les vend moins chers que l’épicier du coin.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est la loi de la concurrence.

M. Daniel Paul. Mais ici nous parlons de l’électricité ce n’est pas tout à fait pareil ! Cette proposition ne me surprend pas venant de M. Novelli.

M. Jean Gaubert. M. Novelli est dans son rôle !

M. Daniel Paul. Monsieur Novelli vous souhaitez la fin de toute réglementation. C’est le renard libre dans le poulailler libre, ce qui est extrêmement dangereux, extrêmement grave. Il ne s’agit plus de concurrence libre, mais de concurrence faussée.

Vous voulez remettre en cause les règles qui protègent des entreprises qui ne sont pas uniquement des entreprises de vente de produits comme l’énergie, mais qui remplissent aussi des missions service public. Nous n’acceptons pas la façon dont vous vous y prenez – en l’occurrence le coup de bâton sur EDF – et les menaces que cela fait peser sur l’organisation de l’énergie dans notre pays.

Cela ne signifie pas que nous approuvons la politique menée par EDF. Nous avons suffisamment dénoncé hier, et nous dénoncerons encore la manière dont EDF se prépare à faire passer les clients ou les usagers du tarif régulé au prix du marché.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est la concurrence !

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je ne pensais pas que cet amendement susciterait autant d’observations.

M. Gaubert a un problème avec la concurrence, il ne sait pas comment cela fonctionne et dès que le mot « concurrence » est prononcé il y voit l’annonce de catastrophes.

Certains ont indiqué que cet amendement visait à agresser l’opérateur historique. Je tiens à votre disposition des contrats d’exclusivité signés par EDF, mais aussi par d’autres fournisseurs comme SUEZ ou ATEL. Ce n’est pas un amendement anti-EDF. Il faudrait vous sortir de la tête que je n’ai qu’une obsession : agresser EDF. Mon seul but est d’être en cohérence avec ce qui nous est proposé -l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz conformément aux directives européennes - et de faire en sorte que le marché soit le plus transparent, le plus régulier possible. On ne peut pas à la fois dénoncer la hausse des prix liée à l’ouverture des marchés et refuser qu’un meilleur contrôle soit effectué.

Monsieur Paul, je ne peux pas accepter que vous me caricaturiez. Non, je ne suis pas ennemi de toute réglementation, et c’est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements qui visent à élargir les pouvoirs de la commission de régulation de l’énergie. Dans un marché, ce qui est important, c’est le régulateur. Quand vous parlez de renard libre dans le poulailler libre, vous oubliez qu’il y a un régulateur, l’agriculteur qui peut intervenir avec son fusil !

M. Daniel Paul. Mais si l’agriculteur se trompe et tue la poule, ce n’est pas bon !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est la même chose sur tous les marchés. Pour que le marché joue son rôle, il faut un régulateur puissant qui puisse contrôler et, comme c’est parfois le cas, sanctionner.

Si je n’ai pas visé le gaz, c’est tout simplement parce qu’il y a une différence fondamentale avec l’électricité : l’un est stockable, l’autre ne l’est pas. Pour le gaz, le problème des heures pleines et des heures creuses ne se pose pas.

Quant à la remarque de M. de Roux, je ne peux pas l’accepter non plus : il n’y aura pas d’alignement sur le marché « spot » car les contrats de fourniture d’électricité comporteront une fourniture de base. Il est évidemment hors de question qu’il y ait un alignement sur les heures pleines ou les heures creuses. Et c’est le sens de cet amendement.

Si nous voulons jouer notre rôle de législateur nous ne pouvons pas continuer de laisser figurer dans ces contrats tout ce qui s’apparente à une clause d’exclusivité. Vous avez parlé de contrat longue durée ; or il est des contrats annuels ou bisannuels, qui ne sont pas vraiment ce que j’appelle des contrats longue durée. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement, après que le rapporteur et le Gouvernement s’y sont déclarés favorables, soit adopté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait, dans un premier temps, repoussé cet amendement. Elle ne s’est pas réunie pour examiner l’amendement rectifié. À titre personnel, compte tenu de la rectification qui avait été apportée, je ne voyais pas d’inconvénient à ce qu’il fût adopté.

Néanmoins j’ai entendu un certain nombre d’arguments qui me laissent à penser qu’il nous faut peut-être examiner, de manière plus attentive, le contenu et la portée de cet amendement. Je propose une suspension de séance d’une dizaine de minutes pour tenter de nous mettre d’accord sur une rectification que je proposerai.

M. le président. Si vous en êtes d’accord, nous allons d’abord écouter les représentants des groupes.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. ll est difficile d’intervenir maintenant, alors qu’une nouvelle rédaction de l’amendement sera proposée après la suspension. Je doute cependant que votre amendement soit amendable, monsieur Novelli. En effet cet amendement remet en cause le principe même du contrat.

Un contrat de fourniture d’électricité, même de longue durée, reste un contrat, alors que les prix « spot » sont exclusifs de toute relation contractuelle. Il faut choisir : soit on veut une contractualisation, soit on n’en veut pas. Je rejoins sur ce point des préoccupations qui sont apparues sur tous ces bancs, y compris ceux de la majorité : nous ne pouvons pas accepter une disposition qui mettrait définitivement à mal le principe même du contrat.

On peut envisager la question d’un point de vue global : comment remettre en cause une clause d’exclusivité une fois que le marché a été conclu ? La représentation nationale assumerait une lourde responsabilité si elle adoptait l’amendement qui nous est proposé, que ce soit dans cette forme ou dans celle qu’on nous proposera tout à l’heure, car les quelques rectifications que, j’imagine, vous allez y apporter ne changeront rien au fond.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’en appelle à l’ensemble des députés de la majorité : que chacun mette à profit cette suspension de séance bienvenue pour prendre connaissance de l’impact de cet amendement, sur la base notamment de ce que vient de dire M. de Roux.

Ses conséquences dépassent la question d’EDF-GDF.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Ce serait un précédent !

M. François Brottes. Ce que vous nous proposez, monsieur Novelli, c’est de dire aux consommateurs qu’ils peuvent bien signer tous les contrats qu’ils veulent, cela comptera pour du beurre.

M. Jean Gaubert. Voilà !

M. François Brottes. La loi peut, nous le savons tous, protéger les plus faibles des clauses abusives, mais il nous appartient pas de faire en sorte qu’elle permette de réputer non écrites des clauses contractuelles qui sont en contradiction avec la loi de la jungle. On voit les conséquences qu’aurait un tel vote.

Vous connaissez bien, monsieur le rapporteur, l’importance du contrat pour le consommateur, puisque vous ne cessez de refuser nos propositions sous prétexte qu’elles relèvent des règles contractuelles. Et maintenant vous nous proposez de voter un amendement Novelli qui prévoit que ces règles ne valent rien !

Sans prendre position sur le fond, je pourrais envisager à la rigueur que la loi impose la présence d’une clause de sortie. On pourrait certes la considérer comme une incitation à changer de fournisseur, mais le contrat conserverait au moins son rôle protecteur. Votre amendement est tout différent puisque des clauses existantes seront réputées non écrites. Vous rendez-vous vraiment comptes des conséquences d’une telle disposition ?

Profitez donc de cette suspension de séance pour vous ressaisir et rendre à la loi le rôle de protection des consommateurs que vous célébrez toutes les cinq minutes.

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour le groupe UDF, la concurrence est un moteur de progrès, à condition qu’elle soit loyale ; en cela elle appelle à la régulation, et c’est pourquoi nous défendrons des amendements qui étendent les pouvoirs de la commission de régulation.

En l’espèce, je dirai après vous, monsieur de Roux, que le contrat implique la durée. Si on supprime la possibilité de clauses d’exclusivité, on interdit certaines formes de marchés à terme qui sont des outils utiles, dans des domaines comme le foncier, la téléphonie, et bien d’autres.

C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement dans sa rédaction actuelle.

Reste, monsieur Novelli, que vous avez raison d’évoquer le caractère exorbitant du droit commun de certains contrats. Le législateur est déjà intervenu en matière de contrats de délégation de service public, dont la durée était exorbitante. Je pense qu’il faut travailler dans ce sens, et faire la chasse aux contrats dont la durée est exorbitante par rapport au montant de la prestation notamment.

En tout cas, en l’état cet amendement est dangereux.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. L’amendement n° 137611 rectifié, que vient de défendre M. Novelli, repose sur des constats qui ne valent pas seulement pour le domaine de l’énergie. J’ai discuté pendant des mois avec les associations de consommateurs des problèmes d’exclusivité des contrats relatifs aux appareils mobiles de télécommunication et nous avons imposé certaines contraintes, comme l’interdiction d’imposer des exclusivités supérieures à six mois ou un an, notamment des contrats exclusifs de deux ans. De telles mesures sont nécessaires au bon fonctionnement de ce marché.

L’amendement n° 137611 rectifié aborde le même type de problème. Cependant, en l’état, la rédaction de cet amendement soulève de nombreuses questions dans la perspective de l’éventuelle mise en œuvre de la mesure proposée. Je préférerais donc que cette proposition fasse l’objet d’un travail approfondi de rédaction afin que l’amendement puisse être présenté, dans le même esprit et dans une autre rédaction, en deuxième lecture au Sénat.

Je vous propose donc, monsieur Novelli, d’accepter de travailler avec quelques collaborateurs et quelques sénateurs pour préparer une réponse claire à la question bien réelle qu’il soulève, dans le respect tant du droit des consommateurs que du bon fonctionnement du marché, qui intéresse le domaine de l’électricité comme celui des télécommunications.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu évoquer le marché des télécommunications qui, voilà quelques années, était lui aussi réputé ne pas pouvoir fonctionner ni permettre de baisses de prix favorables aux consommateurs. Dans ce secteur, le problème, me semble-t-il, a été assez bien réglé sur le plan juridique.

Un contrat ne doit pas comporter d’éléments qui placent l’une des parties dans une situation d’infériorité. Or l’abus de position dominante peut contraindre à signer des contrats léonins. La lecture de divers contrats dont j’ai cité les auteurs – et qui n’ont pas tous été proposés par l’opérateur historique – m’a incité à ouvrir ce débat en proposant l’amendement que je viens de défendre. Je ne pensais pas qu’il déclencherait un tel tollé – comme si le mot de concurrence était une grossièreté, au moment même où nous examinons un texte visant à ouvrir les marchés au 1er juillet 2007.

J’accepte donc la suggestion de M. le ministre, en soulignant qu’il s’agit là d’un problème très important, qui se pose chaque fois qu’un marché s’ouvre. Je souhaite qu’il soit traité aussi bien dans le domaine de l’électricité qu’il l’a été dans celui des télécommunications.

Pour ne pas compliquer inutilement la tâche du ministre, j’accepte de retirer l’amendement n° 137611, sous le bénéfice de ces observations et de la constitution d’un petit groupe de travail chargé d’élaborer la rédaction qui sera soumise au Sénat.

M. le président. L’amendement n° 137611 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 34158 à 34179.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir ces amendements.

M. Daniel Paul. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34158 à 34179.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements, nos 35610 à 36181. Une partie de ces amendements ont le même objet que les amendements que l’Assemblée a rejetés à l’alinéa 5.

Monsieur Paul, pouvons-nous considérer que ces amendements sont devenus sans objet ?

M. Daniel Paul. Non, mais rassurez-vous, monsieur le président, nous ne serons pas nombreux à intervenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Dans sa rédaction actuelle, l’article 3 de la loi 2000-108 dispose notamment qu’« un Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz est créé auprès du Conseil économique et social, en vue d’examiner les conditions de mise en œuvre du service public. Il peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur l’évolution des tarifs de vente du gaz et de l’électricité pour chaque type de client.

« Il est composé de représentants de chacun des types de clients, des autorités concédantes (...), des collectivités locales (...), des organisations syndicales représentatives, d’Électricité de France et des autres opérateurs du secteur de l’électricité, de Gaz de France et des autres opérateurs du secteur gazier, des associations intervenant dans le domaine économique et social et d’élus locaux et nationaux. »

L’article premier du décret 2003-415 relatif à la composition et au fonctionnement de cet observatoire, vient préciser les conditions de sa composition, qui apporte des garanties de pluralité incontestables. Compte tenu de son rôle et de sa composition l’observatoire est donc parfaitement habilité à intervenir sur la question des tarifs réglementés, ce qui est le fondement de la rédaction que nous vous proposons.

Il présente, je tiens à le souligner, autant de garanties de transparence et de démocratie que la Commission de régulation de l’énergie, dont il n’est pas étonnant que certains tentent, encore une fois, d’étendre le champ de compétences au détriment de toute autre solution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point, en soulignant que la disposition de la loi de 2000 impliquait un décret et qu’il était de fait préférable, pour des raisons de souplesse et d’adaptabilité, de renvoyer à un dispositif réglementaire.

Puisque vous évoquez la question du tarif social, dont il a beaucoup été question dans notre débat depuis quelques jours, je dois souligner, dans un souci de vérité, que la disposition de la loi de 2000 est due à un amendement du groupe communiste. Nous avons, somme toute, fait cause commune : vous avez fait adopter cette disposition dans la loi et nous l’avons mise en œuvre. (Sourires.)

M. Jean Gaubert. C’est ce qu’on appelle l’alliance révolutionnaire ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comment qualifier les propos du rapporteur ? Je n’ose prononcer quelque terme que ce soit, de crainte qu’il ne considère, en se drapant dans sa dignité, que je l’insulte.

Je me contenterai donc, monsieur le rapporteur, de répondre à cette provocation en rappelant que, lorsque nous constituons une majorité dans cette assemblée, notre sens du travail collectif est visiblement sans égal, car il ne me semble pas que l’attitude de l’UMP envers l’UDF puisse s’y comparer.

Je tiens aussi à vous rassurer : nos formations politiques travaillent pour les mois qui viennent à un projet qui devrait rassembler plusieurs propositions, lesquelles recueilleront, je l’espère, l’assentiment de l’ensemble des Français ou, à tout le moins, d’une majorité significative d’entre eux. Le fait que nos collègues communistes puissent contribuer, au sein d’une majorité avec les socialistes, à faire avancer le droit social se reproduira donc sans doute.

M. Daniel Paul. Merci ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Où sont les intérêts supérieurs du pays ?

M. François Brottes. Tiens, voilà M. Accoyer qui a réussi à faire sortir M. Novelli avec quelques aigreurs d’estomac ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. On ne vous parle pas de Fabius et des autres, mais on pourrait !

M. François Brottes. Monsieur Accoyer, c’est toujours un plaisir de vous prendre en défaut. Je reviens sur l’aspect télécommunications : on nous dit qu’on a réussi à débrider ce marché et que, finalement, les consommateurs sont gagnants. Mais chez les plus démunis aussi la facture du téléphone a considérablement augmenté parce qu’il y a un harcèlement de toutes sortes d’opérateurs, qui viennent vendre toutes sortes de produits qui n’ont pas grand-chose à voir avec le téléphone. À l’animation de marché correspond la paupérisation des ménages. Les dépenses qu’ils consacrent aux postes énergie et télécommunications empêchent parfois les gens de manger à leur faim à partir du 15 du mois. Je ne dis pas des choses caricaturales ; on l’observe, on a des témoignages.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. François Brottes. C’est donc extrêmement important d’encadrer la manière dont vont être sollicités les ménages sur cette question de la concurrence. Les amendements de nos collègues communistes, qui visent à préserver les droits de ceux qui ont le moins de moyens dans ce pays, doivent être pris en considération parce que ceux qui sont les plus démunis sont justement ceux qui seront certainement harcelés, dans le cadre d’un marché animé, puisqu’ils sont les plus nombreux : ça rapporte de l’argent de vendre 10 à 25 euros de prestations complémentaires à une masse de gens démunis. C’est pourquoi il faut absolument les protéger.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35610 à 36181.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques, nos 35588 à 35609.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour les soutenir.

M. Michel Vaxès. Par ces amendements, nous proposons, à la fin du deuxième alinéa du III de l’article 4 de la loi du 10 février 2000, de substituer aux mots : « sur avis de la Commission de régulation de l’énergie », les mots et la phrase suivante : « sur avis de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz créé par l’article 3 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. L’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz formule ses propositions et avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu’il juge utile et, notamment, après avoir pris connaissance des coûts de production réels que les fournisseurs d’électricité devront lui fournir. »

En effet, examinons les termes du cadre législatif dans lequel nous envisageons la question du contrôle des désordres éventuels du marché, notamment les termes relatifs au fonctionnement de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.

Ainsi, l'article 3 de la loi de 2000 prévoit la création d'un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz auprès du Conseil économique et social, en vue d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public. Il peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur l'évolution des tarifs de vente du gaz et de l'électricité pour chaque type de client. Le contenu de ce service public nous est précisé par l'article 2 de la même loi : c’est « le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que la fourniture d'électricité », mais ce service public veille également à assurer « la desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l'environnement, et l'interconnexion avec les pays voisins, ainsi que le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. »

L'Observatoire est donc tout à fait habilité, compte tenu de la consistance de ce service public, à donner son avis sur l'ensemble des questions posées par la fixation des tarifs publics de l'énergie, et à se munir de tous les éléments permettant de les apprécier au travers du processus de formation des prix. Les tarifs réglementés du gaz relèvent du service public et non de la logique de marché. L’avis doit émaner d’un organisme dont la mission est le service public et non d’un organisme dont la mission est le marché. Ces amendements visent à modifier en conséquence la loi n° 2000-108.

Ceux-ci précisent par ailleurs que l’Observatoire donnera un avis sur la base d’informations dont, notamment, une information transparente sur les coûts de production. Cela permettrait une transparence sur cet élément déterminant des tarifs réglementés, transparence qui n’existe pas actuellement.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Un petit rappel : la Commission de régulation de l’énergie intervient notamment pour émettre des avis sur les tarifs de fourniture et fait des propositions sur le tarif intégré. Il ne convient donc pas ici de modifier les missions de la Commission. On aura certes l’occasion de reparler de la CRE, mais confier à l’Observatoire créé par la loi de 2000, et dont le fonctionnement n’occupe pas beaucoup ceux qui en font partie, ne me paraît pas une bonne solution. Il y a un régulateur qui est là pour exercer des missions de service public. Il faut lui laisser cette prérogative. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Exactement le même avis que la commission. Le mode de fonctionnement actuel est celui qui est prévu par les textes, et il correspond à ce qui est nécessaire. Cette substitution de l’Observatoire à la CRE ne me semble donc ni faisable ni utile.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nos collègues proposent de modifier sensiblement la loi de 2000. Il est bien évident que cette loi, qui est conforme à la directive, contient des dispositions qui ne sont pas suffisamment complètes pour protéger les consommateurs. Je partage l’idée selon laquelle le régulateur se préoccupe surtout de favoriser les opérateurs entrants, dont certains sont des coucous, c’est-à-dire des gens qui n’investissent rien et qui sont juste là pour faire rapidement des profits, alors que d’autres supportent des investissements lourds. Ces derniers sont les opérateurs historiques, et c’est toujours ceux sur lesquels on tire, mais heureusement qu’ils sont là pour assumer l’ensemble du dispositif. Il est inacceptable que le régulateur ne se préoccupe jamais du consommateur. On l’a observé d’ailleurs chez tous les régulateurs. Il y a sûrement besoin de conforter dans la loi cette préoccupation du consommateur, qui devrait devenir une obligation impérieuse de réflexion de la part du régulateur.

Un avis de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz, complémentairement à la réflexion du régulateur – la différence avec les auteurs des amendements, c’est que je ne parle pas de substitution mais d’avis complémentaire – ne serait pas inutile parce que le regard sur l’impact que peut avoir telle ou telle décision sur le consommateur est fondamental. En effet, si l’avis que le régulateur va donner au ministre pour qu’il entérine le tarif réglementé ne prend pas assez en compte le consommateur, le ministre aura du mal à prendre une décision conforme à l’intérêt de nos concitoyens parce qu’après on lui reprocherait de ne pas avoir suivi l’avis du régulateur. C’est déjà arrivé.

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous l’avons déjà fait, dans l’intérêt du consommateur !

M. François Brottes. Vous le faites d’autant mieux, monsieur le ministre, qu’aujourd’hui l’État est majoritaire à Gaz de France et à EDF et que cela lui donne la possibilité d’avoir deux leviers, ce qui est beaucoup plus confortable que de n’en avoir aucun.

C’est donc un vrai sujet. Il faut que nous ayons la possibilité d’introduire dans la loi des dispositions qui obligeront le régulateur à s’intéresser au consommateur final.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est clair que la pire des choses serait d’ouvrir le marché à la concurrence sans avoir un régulateur fort. Quand je lis d’ailleurs – ça m’arrive – les projets du Parti socialiste ou du Parti communiste, je constate qu’ils sont pleins d’appels à la régulation. Ils ont raison sur ce point : il faut un régulateur fort. Un régulateur qui a un pouvoir d’injonction n’a rien à voir avec un gentil observateur qui va faire des commentaires et des rapports. C’est un arbitre. Il peut sanctionner. Et il n’y a pas de concurrence loyale ni de mécanisme qui fasse évoluer vers une telle concurrence, sans régulateur. Je trouve curieux que, dans une pensée de gauche, il n’y ait pas de place pour un arbitre fort. Cet acharnement que vous avez contre le régulateur me paraît bizarre, même au niveau de la pensée politique.

Par ailleurs, je trouve que quand on transpose une directive, la moindre des choses, c’est de la lire jusqu’au bout. L’article 23 de la directive 2003-1954 prévoit : « Les États membres désignent un ou plusieurs organes compétents chargés d’exercer les fonctions d’autorité de régulation. » Il précise quelles sont ces fonctions. La loi de 2000 a transposé cet article. Le vrai débat maintenant, c’est de voir si on veut étendre ou non les pouvoirs du régulateur, mais, de grâce, faisons l’économie de discuter d’un dispositif qui est au cœur de la directive et dont la remise en cause ne serait de toute façon pas euro-compatible.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Lors de la discussion sur la loi de 2000, nous avions fait part de notre opposition à la mise en place de la CRE parce que nous estimons que, s’agissant de la fixation des tarifs de l’énergie, il appartient au pouvoir régalien, tant les conséquences sont lourdes, de fixer le niveau des prix. Nous n’avons pas obtenu satisfaction. Mais j’ai le sentiment que l’expérience nous donne raison, surtout quand je vois que la CRE s’exprime régulièrement contre le maintien des tarifs régulés. Cela veut dire qu’il y a un objet volant – identifié, celui-là – qui se comporte de façon autonome. Certes, lorsque GDF a demandé une augmentation importante de ses tarifs, la CRE n’a admis qu’une augmentation un peu moindre, mais tout de même plus importante que celle qui a été acceptée par le Gouvernement pour des raisons électorales,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oh là là !

M. Daniel Paul. …on le sait bien. Il y a un problème avec la CRE, et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Vous, la majorité, en êtes tellement convaincus que vous allez proposer un amendement visant à modifier la composition de la CRE et à introduire à l’intérieur du dispositif un certain nombre de représentants du Parlement, comme s’il fallait faire comprendre à la CRE qu’il y a d’autres objectifs à atteindre que celui de faire à tout prix entrer dans la vie de chacun la concurrence en matière d’énergie.

C’est bien en effet ce qu’elle veut. Je suis d’ailleurs persuadé que la CRE aurait été favorable à la proposition faite ce matin par M. Novelli.

Comme nous l’expliquerons dans la suite du débat, nous sommes favorables au remplacement de la CRE par une structure déjà existante dont on étendrait les compétences, et au maintien du rôle du Gouvernement en ce qui concerne les tarifs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les différentes interventions, qui ouvrent un débat dans lequel nous entrerons vraiment avec l’amendement sur la composition de la CRE que j’ai déposé au nom de la commission.

Je rappelle que si cette dernière propose un tarif d’acheminement au ministre, elle ne fait qu’émettre un avis sur les tarifs à la consommation : c’est le Gouvernement qui décide en la matière, comme il vient de le faire en deçà du niveau demandé par l’opérateur et la CRE.

M. Daniel Paul. Pour des raisons électorales !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’important est que la décision ait été prise, conformément à la volonté du ministre !

Je me félicite du consensus de notre assemblée sur la nécessité de modifier la composition de la CRE.

M. François Brottes. Modifions déjà ses missions !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est un autre sujet. En tout état de cause, la composition détermine le discours de cette institution, et en définitive les missions qu’elle se donne.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, c’est la directive qui le fait !

M. Daniel Paul. La fonction crée l’organe !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai bien noté le souhait que des représentants de consommateurs siègent dans cette commission. C’est précisément la proposition que j’ai faite. Le débat que nous aurons sur la question – sans doute cet après-midi – aboutira peut-être à un vote unanime.

M. Jean Gaubert. Le débat sera en tout cas constructif.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour ce qui concerne les amendements, j’ai le plus grand respect pour l’organisme que vous avez évoqué, mais il serait pour le moins étonné d’apprendre demain matin qu’on le charge d’émettre un avis sur les tarifs de l’énergie !

M. Claude Gatignol. Oh oui !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35588 à 35609.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 35544 à 35565.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Dans sa rédaction actuelle, l’article 3 de la loi 2000-108 dispose notamment ceci :

« Un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz est créé auprès du Conseil économique et social, en vue d’examiner les conditions de mise en œuvre du service public. Il peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur l’évolution des tarifs de vente du gaz et de l’électricité pour chaque type de client.

Il est composé de représentants de chacun des types de clients, des autorités concédantes […], des collectivités locales […], des organisations syndicales représentatives, d’Électricité de France et des autres opérateurs du secteur de l’électricité, de Gaz de France et des autres opérateurs du secteur gazier, des associations intervenant dans le domaine économique et social et d’élus locaux et nationaux. »

L’article premier du décret 2003-415 relatif à la composition et au fonctionnement de cet observatoire, qui apporte des garanties de pluralité incontestables, vient en préciser les conditions de composition.

Compte tenu de son rôle et de sa composition – large, comme on l’a vu –, l’observatoire est donc parfaitement habilité à intervenir sur la question des tarifs réglementés – ce qui est le fondement des amendements que nous vous proposons. Il présente, il faut le souligner, autant – et même plus – de garanties de transparence et de démocratie que la Commission de régulation de l’énergie, dont il n’est pas étonnant que d’aucuns tentent, encore une fois, d’étendre le champ de compétences au détriment de toute autre solution.

C’est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable. Je me suis déjà exprimé sur cette question, et nous aurons l’occasion d’y revenir dans l’après-midi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous faisons en sorte que les tarifs soient maintenus. Je ne crois pas opportun de retirer à la CRE, qui a une grande expérience du secteur, la possibilité de donner un avis : celui-ci est motivé, et nous en tenons compte, même si ce n’est qu’un avis.

Avis défavorable, donc, à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. J’approuve, quant à moi, cet amendement qui vise à préciser et à limiter les pouvoirs de la CRE. Rapporteur de la loi de 2000, je me souviens que nous avions déjà souhaité le faire à l’époque, craignant que cet organisme ne se substitue au Parlement et au Gouvernement, sources de la légitimité politique.

L’expérience a montré que ces craintes étaient fondées. Depuis qu’elle existe, la CRE n’a cessé de sortir de son rôle, pour se substituer au pouvoir politique, qui représente pourtant les citoyens. La composition de cet organisme prétendument indépendant, montre en réalité qu’il n’offre pas toutes les garanties en la matière. Au fond, comme l’a justement rappelé M. Paul, cette commission entretient le rêve d’un marché complètement dérégulé : on ne peut donc lui faire confiance lorsqu’elle donne un avis sur les tarifs réglementés, lesquels protègent les consommateurs domestiques.

Nous le vérifierons si le marché, hélas, se dérégule : loin de se préoccuper du porte-monnaie de la ménagère, indifférente au maintien de bas tarifs pour les consommateurs domestiques, la CRE, dans la course à l’échalote des prix, ne se préoccupe que du respect du marché !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35 544 à 35 565.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 35566 à 35587.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35566 à 35587.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 137569 de M. Dionis du Séjour, 137625 de M. Cochet, Mme Billard et M. Mamère, et 137632 rectifié de M. Gonnot.

Je constate que M. Cochet, Mme Billard, M. Mamère et M. Gonnot ne sont pas présents pour défendre leurs amendements.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 137569.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous aurez apprécié, monsieur le président, l’étendue du spectre politique concerné par ces amendements, de l’UMP avec M. Gonnot jusqu’à nos collègues écologistes, en passant par l’UDF.

L’amendement n° 137569 vise à donner accès à la compensation pour obligation d’achat à l’ensemble des distributeurs, et non seulement à EDF. Grâce à la loi de 2000, nombreux sont ceux qui produisent désormais de l’énergie à partir de sources renouvelables, comme le voltaïque ou l’éolien. La loi a donc été particulièrement bénéfique à cette filière, et EDF n’a plus le monopole qu’elle avait jadis. Dans ce contexte d’ouverture, il est normal que l’ensemble des vendeurs d’électricité aient accès au même mécanisme que celui qui s’applique à EDF – et qu’elle n’approuvait pas à ses débuts, arguant qu’il induisait un surcoût qu’elle devait répercuter sur ses clients. Ainsi, on garantit que la concurrence soit équitable et loyale tout en assurant la promotion des énergies renouvelables, que chacun ici souhaite.

Dédramatisons les choses par rapport à EDF, à laquelle chacun dans cet hémicycle est profondément attaché. J’y ai pour ma part commencé ma carrière d’ingénieur. EDF détient près de 90 % du marché national : ce ne sont pas de telles dispositions qui vont la fragiliser ! Concentrons-nous sur les véritables enjeux – concurrence équitable et énergies renouvelables –, au lieu de nous crisper de façon épidermique sur l’impact qu’auraient ces mesures sur EDF.

Concentrons-nous sur les deux vrais enjeux : la promotion des énergies renouvelables par l’ouverture du dispositif à tous les vendeurs d’électricité français d’une part, l’équité et la loyauté de la concurrence de l’autre.


M. le président.
J’informe l’Assemblée que je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur le vote de l’amendement n° 137569.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Jean Dionis du Séjour et les auteurs des deux autres amendements identiques soutiennent, comme d’ailleurs l’immense majorité de cette assemblée, le nécessaire effort qui doit être fait en direction des énergies renouvelables. La commission et son président ont eu l’occasion d’exprimer leur attachement à ces énergies, et nous sommes donc unanimes sur ce point derrière Jean Dionis du Séjour.

Cela étant, quel est le mécanisme actuel que son amendement vise à renforcer et à amplifier ? Pour soutenir les énergies renouvelables et favoriser les investissements dans le domaine du photovoltaïque, de la biomasse, de l’éolien ou du GPL, une prime est accordée, grâce à une majoration du tarif qui permet à l’investisseur d’amortir sa mise sur une dizaine d’années, ce qui est une durée relativement convenable. EDF a obligation de racheter cette électricité produite par éolienne, par cogénérateur ou à partir de la biomasse à un tarif majoré de façon significative. Cette majoration a même été augmentée par un décret publié en juillet, qui avait été examiné par le Conseil supérieur de l’énergie à la fin du printemps. Bref, le dispositif est très incitatif. Mais il a une durée limitée, qui correspond à l’amortissement de ces installations. Au-delà de ces délais, son maintien constituerait une véritable rente pour les producteurs, c’est bien la portée de cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. Pas du tout !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Si ! Et qui paie cette majoration ? Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas EDF mais le consommateur, à travers la contribution au service public de l’électricité, qui est une ligne supplémentaire qui s’ajoute sur la facture.

En allant dans le sens de Jean Dionis du Séjour, on ne ferait qu’offrir des gains supplémentaires à des investisseurs ayant amorti depuis longtemps leurs installations.

M. Jean Dionis du Séjour. On ne parle pas de la même chose.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’idée de soutenir les énergies renouvelables est donc bonne, mais le mécanisme proposé n’est pas souhaitable et j’y suis très défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce dispositif est une fausse bonne idée, même si nous partageons le souhait de défendre les énergies renouvelables, raison pour laquelle le ministre chargé de l’énergie fixe les tarifs de rachat de l’électricité produite par les éoliennes, le photovoltaïque ou les turbines hydroélectriques. En contrepartie de cette obligation de rachat par EDF, une compensation lui est versée pour équilibrer le coût de revient et le prix de vente. Cette compensation est financée par la contribution au service public de l’électricité.

Alors que ce système fonctionne, je ne comprends pas très bien comment celui que vous avez imaginé est économiquement viable. Aujourd’hui, on rachète à 120 euros le MWh d’électricité produite à 120 euros. Si un client décidait de se fournir auprès des éoliennes proches de chez lui, il serait obligé de payer son électricité à ce prix-là, alors que, s’il s’alimentait à l’électricité du réseau, elle lui coûterait moitié moins. Je ne vois donc pas l’intérêt de compliquer le système et suis défavorable au dispositif que vous proposez, qui n’apporte rien d’utile à la manière dont fonctionne aujourd’hui l’obligation d’achat.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai bien compris la réponse du ministre mais pas celle du rapporteur, d’autant qu’en commission nous avions reçu une première réponse beaucoup plus nuancée.

Le dispositif que nous proposons ne coûte rien de plus. Aujourd’hui, les producteurs d’énergie renouvelable, qu’il s’agisse de l’éolien, du voltaïque ou des autres procédés, sont obligés de vendre leur électricité à EDF. Mon amendement a pour but de leur permettre de vendre leur énergie à d’autres fournisseurs avec la même compensation. Cela ne coûte rien, mais accroît simplement leur liberté.

Avec tout le respect que l’on doit à EDF, le dispositif législatif en vigueur se comprenait lorsque l’entreprise avait le monopole de la fourniture d’électricité. Aujourd’hui, non seulement il ne se comprend plus mais il induit de surcroît une véritable distorsion de concurrence, et je vous alerte, monsieur le ministre, sur les risques de contentieux que cela implique. Que le producteur d’énergie renouvelable puisse vendre à qui il veut, aux mêmes conditions de compensation qu’avec EDF est la moindre des choses. Décontractons-nous ! EDF n’a pas besoin de cet avantage indu !

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Je souhaite apporter notre appui à l’amendement de M. Dionis du Séjour pour une raison essentielle, c’est que le niveau des énergies renouvelables est encore faible en France par rapport aux autres pays européens.

Je serais moins enthousiaste vis-à-vis des éoliennes si j’étais en Allemagne, car outre-Rhin le niveau des énergies renouvelables a atteint des sommets. Pas de la manière la plus efficace, d’ailleurs, puisque je rappelle que l’électricité éolienne ne fournit que 3 % du bilan électrique allemand, ce qui est faible rapporté aux investissements réalisés.

En France, il faut en revanche encourager dans des propositions raisonnables ce qui reste expérimental, en particulier dans le domaine du photovoltaïque où beaucoup reste à faire. Vous êtes vous-même, monsieur le rapporteur, un spécialiste éminent du biogaz ; vous parliez tout à l’heure du GPL, dont il faut également encourager le développement.

Je parle de proportions raisonnables, parce que ce développement a une influence sur les tarifs et qu’il ne faudrait pas que les consommateurs paient d’une manière abusive les expériences tentées ici ou là voire qu’ils financent des opérations lucratives. Car l’enthousiasme de leurs promoteurs pour les éoliennes n’est pas toujours motivé par l’idéalisme mais par la recherche de profits faciles. Quoi qu’il en soit, le développement des énergies renouvelables doit être poursuivi dans notre pays qui a du retard en la matière.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cet amendement part d’une bonne intention, mais il n’aboutira pas, je le crains, au résultat qu’en attend son auteur. Dieu sait si je suis, moi aussi, favorable aux énergies renouvelables.

M. François Brottes. Surtout aux éoliennes ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est ni le lieu ni le moment d’aborder le débat mais, quand M. Bataille parle de l’Allemagne, il oublie de dire qu’en France 90 % de l’énergie produite le sont sans gaz à effet de serre et que ces 90 % sont assurés grâce au parc nucléaire français, je ne le répéterai jamais assez. Il y a consensus entre nous sur ce plan-là. Cela place donc la France dans une situation différente de celle de l’Allemagne ou du Danemark, où 82 % de l’énergie produite génèrent des effets de serre.

Les 10 % restants sont ouverts aux énergies renouvelables et, contrairement à ce que vous laissez entendre, monsieur Brottes, je ne suis pas contre les éoliennes mais pour qu’elles soient mieux utilisées.

M. Christian Bataille. En les enterrant !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sur la question des tarifs, le ministre a raison. Le chiffre qu’il cite de 120 euros le MWh est bas : cela peut monter jusqu'à 150 euros pour le voltaïque de façade ; pour les éoliennes, c’est de l’ordre de 120 euros en mer et 85 euros sur le territoire.

On peut donc discuter des prix, mais il y a deux choses que je ne peux laisser passer. M. Bataille a rappelé que la CRE faisait état dans un rapport de rentes de revenus de 30 % après impôt dans le cadre du système en place.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est un autre débat !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Certes, mais nous sommes à l’Assemblée nationale pour légiférer dans l’intérêt des Français et ne pas encourager certaines pratiques. Nous devons imposer certains équilibres conformes à la justice et à l’équité. Cela ne signifie pas que je suis opposé au système, mais je trouve choquantes ces rentes de situation. C’est d’autant plus choquant que c’est la CSPE qui compense, ce qui est inacceptable.

M. Jean Dionis du Séjour. Il n’y aura pas d’augmentation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ne dites pas que cela ne coûtera rien ! Car, qui abonde la CSPE ? C’est le consommateur.

Je suis d’accord pour qu’on encourage tous ces processus, mais il faut le faire avec prudence. Or, en l’occurrence, et j’en suis désolé, monsieur Dionis du Séjour, comme M. le rapporteur et M. le ministre l’ont souligné, vous proposez d’étendre le bénéfice de l’obligation d’achat sans limite de temps, c’est-à-dire même après la période d’amortissement. Déjà que le dispositif actuel peut prêter à discussion, aller au-delà aujourd’hui nous semble tout à fait impossible. Si vous en êtes d’accord, nous verrons comment modifier la rédaction de votre amendement. Mais, en l’état, celui-ci ne peut être accepté.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je veux être clair sur ce point : il n’y a pas de modification en termes de durée, le dispositif reste le même. Oui, monsieur le président, c’est compensé par la CSPE. Aujourd’hui, EDF est obligé d’acheter à un certain tarif l’énergie fournie par exemple par une éolienne et reçoit ensuite une compensation payée par la CSPE. Avec cet amendement, il s’agit simplement de donner à ces producteurs d’énergies renouvelables la liberté de choisir leur acheteur : EDF ou un autre fournisseur. Où est le drame ? Si cette mesure permet de booster les énergies renouvelables, nous aurons atteint notre objectif. En tout cas, à capacité constante, cela ne change strictement s’agissant du coût global payé par les consommateurs.

En fait, ce point fait l’objet d’une crispation parce que nous aimons tous EDF. Mais, le monde a changé. Alors que nous venons d’ouvrir le marché à la concurrence, le moins que l’on puisse faire pour éviter les distorsions serait d’intégrer dans le dispositif les autres fournisseurs. En tout état de cause, si nous ne modifions pas le système, de graves contentieux se développeront.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous sommes en plein malentendu. Pour atteindre son objectif, Jean Dionis du Séjour aurait dû en effet modifier l’article 10, qui prévoit que seul EDF est soumise à l’obligation d’achat. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’il affirme, c’est, non pas EDF, mais le consommateur qui paie.

M. Jean Dionis du Séjour. EDF reçoit une compensation.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce n’est donc pas l’entreprise qui paie. Pour elle, l’opération est neutre.

En commission, monsieur Dionis du Séjour, nous avons bien compris quel était votre objectif. Et je me suis permis de vous suggérer une rédaction vous permettant de l’atteindre. Mais vous l’avez refusée. Dès lors, votre amendement tel qu’il est rédigé et avec les conséquences que nous venons de décrire ne peut pas être accepté.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je déplore que, une fois de plus, et au bout du bout, c’est le consommateur qui soit amené à payer. Or nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut combattre l’augmentation des tarifs et des prix puisque les deux font désormais partie du paysage. Vous me permettrez d’insister surtout sur les tarifs, qui concernent les consommateurs de base auxquels j’ajouterai les commerçants et artisans de nos quartiers.

Au moment de l’instauration de la CSPE, nous avions regretté qu’EDF n’ait pas dû, elle aussi, compenser les surcoûts liés à la mise en place d’outils permettant la production d’énergies renouvelables. EDF ne paie pas, en effet. Elle sert juste de caisse enregistreuse. Va-t-on aujourd’hui alourdir encore la CSPE au prétexte de favoriser le développement des énergies renouvelables, objectif que je partage, bien sûr ? Tirons plutôt les leçons des décisions qui ont été prises en matière de politique publique. Sans faire de généralisation, on s’aperçoit en effet que, s’agissant de la mise en place d’un certain nombre de dispositifs, il y a des rentes de revenus. Le long de certaines zones littorales, il est ainsi « intéressant » de disposer de terrains, pas pour construire, comme autrefois – loi sur le littoral oblige même si, c’est cependant un autre sujet, elle semble aujourd’hui menacée –, mais pour pouvoir développer ce qu’on appelle les fermes éoliennes.

Va-t-on continuer sur cette voie, sans prévoir de garde-fous ? Ou faut-il au contraire commencer par tirer les leçons de l’expérience ? Oui, il faut développer les énergies renouvelables ! Nous n’en sommes qu’à 10 % et c’est sans doute insuffisant. Nous avons dit hier qu’il fallait réduire la part des énergies fossiles dans notre production d’électricité et substituer à cette part d’énergie fossile une part plus importante d’énergie renouvelable, y compris en maintenant, voire en développant un certain nombre de moyens liés au nucléaire. Mais le prix de ce développement doit-il être supporté par les consommateurs ? Cela relève des politiques publiques décidées par le Gouvernement, auquel il appartient ensuite de trouver les moyens d’aider la production de ces énergies.

Je vois deux moyens pour cela. Il faut premièrement utiliser les aides publiques attribuées par le Gouvernement, et de façon souvent très importante, à des entreprises qui développent des activités. C’est le système commun des aides publiques. Deuxièmement, il faut impliquer les marchands d’électricité, au sens large. Ce matin, nous avons listé les profits faramineux réalisés par EDF et GDF. Mais il en va sûrement de même pour Suez et un certain nombre d’autres, je pense notamment aux marchands d’électricité, qui ne sont pas des producteurs et qui vont simplement s’approvisionner sur le marché, sans avoir les responsabilités et les coûts de mise en place des moyens de production. Ne pensez-vous pas, chers collègues, qu’une partie de ces profits – il ne faut surtout pas que cela ait une incidence sur les prix – pourrait servir à compenser les surcoûts liés au développement des énergies renouvelables ?

A n’en pas douter, on doit pouvoir trouver des solutions qui évitent de faire payer une fois de plus le consommateur de base. Je le rappelle, l’objectif de la Commission européenne, de la CRE et des producteurs d’énergie est bel et bien de faire disparaître les tarifs réglementés pour permettre une augmentation des prix. Allons-nous en rajouter en accroissant la CSPE ? Nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Le mérite de l’amendement de M. Dionis du Séjour est de poser le problème du rachat des énergies renouvelables et de l’éligibilité des acheteurs de ces énergies. Mais il faut aller au-delà pour appréhender les choses avec justesse.

Comme l’a dit Christian Bataille, nous sommes tous convaincus de la nécessité de développer ces énergies. Tout est bon à prendre, en effet : le vent, le soleil, la cogénération, le biogaz, qui peut d’ailleurs avoir d’autres appellations… Nous adhérons tous à l’idée qu’il faut favoriser ce développement car, même si nous ignorons quand cela se produira, nous savons que les énergies fossiles disparaîtront. Le débat est donc ailleurs et concerne principalement deux points.

Premièrement, n’a-t-on pas, les uns et les autres, visé un peu haut s’agissant des tarifs de reprise de ces énergies, et notamment celle provenant des éoliennes ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, nous sommes d’accord !

M. Jean Gaubert. Paradoxalement, dans un certain nombre de cas, cela a créé un climat très défavorable au développement souhaité en créant les rentes de situation dénoncées par la CRE, et que nous avions de toute façon constatées sur le terrain. Il est clair que percevoir une redevance annuelle de 4 500 à 5 000 euros en échange de quelques centaines de mètres carrés de terrain est une bonne affaire pour un agriculteur. Comme dit Christian Bataille, cela rapporte beaucoup plus que les quotas de betteraves. Et moi qui suis issu du monde agricole, je sais que ces quotas ont longtemps été le summum ! Aujourd’hui, cultiver le vent est beaucoup plus rentable et prend beaucoup moins de temps et d’énergie !

Ainsi, lorsque s’ouvre le débat sur le terrain, la population se focalise sur cette somme et a le sentiment que, si l’agriculteur et sa famille vont gagner beaucoup d’argent, elle va, quant à elle, subir tous les désagréments de l’installation de cette éolienne. En cherchant à développer ces énergies renouvelables, on a créé un phénomène de rejet. Le montant de la rente doit donc être revu. Monsieur le ministre, vous aurez à un moment ou à un autre à vous en préoccuper.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Jean Gaubert. D’autant que le prix de revient des installations a baissé. Il faudra donc caler la rente sur la réalité économique des choses. Le système n’en fonctionnera que mieux.

Deuxièmement, celui qui produit de l’énergie renouvelable est sûr de pouvoir la revendre aujourd’hui, à condition de la revendre à EDF. Est-ce immoral ? Je n’en suis pas certain puisque c’est revendre à un producteur. Faut-il, en revanche, autoriser la revente à tous ceux qui font métier, non pas de produire, mais de gagner de l’argent sur l’échange ? Je crois que cela poserait un problème de morale. Nous avons d’ailleurs déjà évoqué cet aspect des choses.

À la lumière de ce que M. Dionis du Séjour a redit dans ses explications complémentaires, nous réviserons un peu notre position. Pour l’heure, nous nous en tiendrons à une position d’attente. Mieux vaut revoir l’ensemble du dispositif plutôt que de voter un amendement, un peu à la sauvette et sous la pression, certes, légitime, d’un certain nombre de producteurs.

M. Jean Dionis du Séjour. Je demande la parole pour une explication de vote.

M. le président. Il n’y a pas d’explications de vote sur les amendements !

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 137569.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de plusieurs groupes, je vous indique que nous lèverons la séance vers douze heures trente, ce qui devrait nous permettre de terminer l’article 1er.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 34334 à 34355.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Le 2 de l’article 3 de la directive de 2003 sur l’électricité énonce : « En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique et la protection du climat.

« Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantissent aux entreprises d’électricité de l’Union européenne un égal accès aux consommateurs nationaux.

« En matière de sécurité d’approvisionnement et d’efficacité énergétique – gestion de la demande, ainsi que pour atteindre les objectifs environnementaux, comme indiqués dans le présent paragraphe, les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à long terme, en tenant compte du fait que des tiers pourraient vouloir accéder au réseau ».

La notion de service public en matière d’électricité est étendue : il convient d’en garder à l’esprit toute la teneur, au moment où tout semble fait pour modifier les règles du jeu en ces matières.

Mais vous avez quelque peu vidé de sa substance les missions de service public des entreprises énergétiques en procédant, dans la loi d’août 2004, à la contractualisation des missions de service public. Nous tenons donc à réaffirmer dans la loi les objectifs du service public de l’énergie et les obligations qui incombent aux entreprises du secteur énergétique. Nous mettons ainsi en application la faculté laissée par la directive à chaque État membre, donc au législateur national.

Nous vous invitons à utiliser cette disposition de la directive pour fixer quelques obligations de service public à tout fournisseur d’électricité qui serait susceptible d’intervenir à la suite de l’ouverture du marché à la concurrence.

Il est clair qu’il s’agit d’un amendement de repli, car le cadre concurrentiel n’est pas en mesure d’assurer les missions de service public, mais nous souhaitons que celles-ci, quel que soit le cadre qui régira le secteur énergétique, soient inscrites dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements. J’appelle l’attention de leurs auteurs sur le fait qu’un fournisseur n’est pas seul en mesure d’assurer la continuité territoriale, car il ne peut participer à la distribution d’électricité sur l’ensemble du territoire ni garantir la sécurité d’approvisionnement. Par exemple, un fournisseur peut être obligé de stopper sa centrale pour des raisons de maintenance, provoquant ainsi la rupture de la continuité. En bref, tout fournisseur ne peut répondre aux obligations de service public.

M. Jean Gaubert. C’est bien pour cela qu’il faut être très prudent avec les commerçants !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cette question se pose à chaque fois que l’on évoque le démantèlement des entreprises de service public. Ce fut le cas à propos de France Télécom, de la Poste, d’EDF, et c’est le cas pour GDF.

Nos collègues communistes ont pris la précaution de dire qu’il s’agissait d’un amendement de repli car ils sont conscients que si l’on privatise les entreprises publiques – aujourd’hui GDF, demain peut-être EDF – il faut donner des gages à nos concitoyens et garantir ce qui leur tient à cœur, à savoir les missions de service public.

Nous, au groupe socialiste, sommes attachés à l’idée que seuls les opérateurs publics nationaux soient chargés des missions de service public.

Que s’est-il passé en matière de télécommunications ? Vous avez privatisé France Télécom, sur la base d’un projet présenté par M. Francis Mer, et décrété que cette entreprise n’était plus désormais le seul opérateur en charge des missions de service universel. Vous avez ainsi banalisé cet opérateur qui, devenu privé et n’ayant plus en charge des missions de service public, n’a plus aucune raison d’employer des fonctionnaires – c’est une question qui m’a opposé à M. Breton. C’est la raison pour laquelle vous avez inséré dans la loi un article qui sécurise leur statut, totalement remis en cause par les dispositions que je viens d’évoquer. Et si nous n’avons pas déposé de recours devant le Conseil constitutionnel, c’est pour permettre aux employés de France Télécom de conserver leur statut de fonctionnaire.

Il est dangereux de banaliser les missions de service public en affublant tous les opérateurs de ces missions. Comme vient de le souligner le rapporteur, il est important que nous puissions, en matière de couverture du territoire, garder le cap des grands opérateurs nationaux.

Plus on distribue les missions de service public à l’ensemble des opérateurs, plus on les réduit, car les opérateurs pourront toujours considérer qu’elles coûtent trop cher pour eux.

Je comprends que nos collègues communistes aient présenté un amendement de repli, car s’ils savent bien que nous allons vers le démantèlement du service public, ils ne veulent pas plus que nous retirer la prérogative des missions de service public à nos grands opérateurs nationaux.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous avons pris soin, avant l’article 1er, d’expliquer ce que nous risquions de perdre en privatisant GDF, notamment en termes de service public.

Cet amendement prend acte de la privatisation de GDF et de la nécessité pour tous les fournisseurs d’électricité d’assurer des missions de service public.

Il me paraît dangereux d’obliger l’ensemble des fournisseurs d’électricité à remplir des missions de service public, dont l’une des plus importantes est la continuité. Et l’on sait très bien que les fournisseurs ne pourront assumer cette responsabilité. Avec de tels amendements, on incite de plus en plus l’entreprise historique, qui était dépositaire du service public, à se démobiliser et à ne plus répondre à sa mission, et l’on affaiblit la culture d’entreprise.

Dans le cadre d’une privatisation totale, si l’on oblige tous les opérateurs à répondre à des exigences de service public, il arrivera un jour où plus aucune entreprise n’en prendra la responsabilité vis-à-vis de l’État. Je comprends le bien-fondé de cet amendement, je crois que la privatisation est un coup porté contre le service public, mais imposer une telle obligation à chacun des fournisseurs conduirait à l’abandon total du service public.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34334 à 34355.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements, nos 34356 à 35543.

M. François Brottes. Monsieur le président, il ne serait pas raisonnable de les examiner maintenant, puisque vous avez annoncé que nous devions lever la séance dans cinq minutes !

M. le président. Monsieur Paul, acceptez-vous de reporter la défense de ces amendements à la prochaine séance ?

M. Daniel Paul. Ce serait la sagesse !

M. le président. La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)