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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 15 septembre 2006

18e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Je vous informe que la séance de ce soir est supprimée et que nous lèverons la séance de cet après-midi entre dix-neuf heures et dix-neuf heures trente.

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 34356 à 35543 à l’article 1er.

M. Daniel Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues sur les déclarations de la commissaire européenne à la concurrence, Mme Kroes, qui a estimé hier que le mariage entre les groupes énergétiques Suez et Gaz de France nécessitait, pour obtenir son aval, « plusieurs remèdes ». « Nous ne sommes pas contre une grosse fusion en soi, mais les parties doivent mettre en œuvre plusieurs remèdes si elles veulent obtenir le feu vert des services européens de la concurrence », a-t-elle affirmé lors de la conférence antitrust annuelle de l’université américaine de Fordham à New York. « Nous avons ouvert une enquête approfondie, ce qui indique clairement que l’opération pose des problèmes de concurrence. Toutefois, cela n’indique pas nécessairement que la Commission prendra une décision finale négative. Nous sommes en contact avec les deux entreprises afin qu’elles nous proposent des modifications à leur concentration suffisant à rétablir une saine concurrence sur les marchés énergétiques en cause. » Elle a précisé encore que Suez et GDF ont jusqu’au 20 septembre – la semaine prochaine, donc – pour proposer des remèdes, c’est-à-dire des cessions, des ventes aux enchères de volumes de gaz, de façon à ce que la Commission européenne, qui examine les problèmes de concurrence soulevés par cette fusion tant en France qu’en Belgique, puisse prendre une décision. Bruxelles aura alors jusqu’à la mi-novembre pour autoriser ou interdire le mariage.

Cette déclaration pose un certain nombre de questions. D’une part, elle est à rapprocher de la lettre de griefs. Sans revenir sur ce sujet, je rappelle que nous avons cité à plusieurs reprises les observations formulées par la Commission à propos du projet de fusion. D’autre part, au-delà des questions posées par le principe même de la prééminence de la Commission européenne sur un tel dossier, ne convient-il pas de tirer les leçons de cette déclaration et d’attendre que la Commission ait pris position ?

M. Christian Bataille. Absolument !

M. Daniel Paul. Par ailleurs, la presse de cet après-midi, on nous fait une nouvelle fois le coup d’une pleine page consacrée au mariage projeté entre Suez et Gaz de France.

M. Pierre Cohen. Encore des pages et des pages gaspillées !

M. Daniel Paul. En effet, mon cher collègue : Le Monde tire à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, ce qui représente tout de même quelques arbres.

M. François Brottes. Combien, monsieur Ollier ?

M. Jean Gaubert. Après le bois de Boulogne, c’est le bois de Vincennes qui va y passer ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Et comme ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres ces derniers mois, quelle superficie de forêt cela peut-il représenter ?

En tout cas, voilà un fonds de pension qui a les moyens ! Permettez-moi de citer un paragraphe de son annonce : « Notre schéma permettrait aux actionnaires de Suez de recevoir l’équivalent d’environ 40 euros pas action, ce qui n’est pas loin des valorisations récentes d’analystes financiers de grandes banques telles que BNP-Paribas ou UBS, par rapport aux 30 euros par action proposés par GDF à l’heure actuelle. » Dix euros de plus, cela représente une valorisation supplémentaire de 33 %. Ce n’est pas rien ! « Ceci est important, lit-on encore, car le projet de fusion est voué à l’échec s’il ne recueille pas le vote favorable des deux tiers des actionnaires de Suez, y compris celui des actionnaires étrangers, en assemblée générale. » Le fonds de pension en question s’appelle Knight Vinke Asset Management.

M. Xavier de Roux. Il ne détient que 0,2 % du capital de Suez !

M. Daniel Paul. Ce qui ne l’empêche pas, mon cher collègue, de s’offrir cette pleine page !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Nous avons donc deux nouveaux éléments. Tout d’abord, la commissaire européenne à la concurrence fait état de griefs et indique qu’elle va demander des modifications du périmètre du nouveau groupe ainsi créé. L’autre attaque a lieu sur le terrain de la Bourse, avec l’intervention d’un fonds de pension – quelle que soit l’importance de sa participation, monsieur de Roux – qui ambitionne de plumer un peu plus l’opérateur public actuel en demandant que l’action de Suez passe, excusez du peu, de 30 à 40 euros. C’est scandaleux !

Je demande donc une nouvelle fois que le vote sur ce texte n’ait pas lieu à l’issue de cette discussion, mais qu’il soit reporté à une date qui nous permette de prendre en compte la décision de Bruxelles et les prétentions des actionnaires de Suez, de façon à ce que nous puissions tous – et je m’adresse surtout à mes collègues de la majorité, car pour notre part nous voterons de toute façon contre – décider en toute connaissance de cause du sort réservé à GDF.

M. Xavier de Roux. Le texte ne parle pas de la fusion !

M. Christian Bataille. M. Paul à raison ! Que faisons-nous ici ?

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Nous ne devons pas perdre de vue que nous débattons d’un texte dont l’article 10, qui viendra en discussion dans quelques heures ou quelques jours, porte sur la privatisation de Gaz de France. En effet, à discuter des articles on oublierait presque que c’est pour ce rendez-vous-là que nous avons été convoqués en session extraordinaire.

M. Breton a évoqué à plusieurs reprises les augmentations des tarifs du gaz, notamment lorsque la gauche était au pouvoir. Nous n’avons jamais nié ces augmentations, qui étaient liées à la hausse des coûts d’approvisionnement.

Je rappelle que les tarifs du gaz comportent deux aspects : le prix de l’approvisionnement, pour lequel nous sommes entièrement dépendants de l’extérieur – et ce n’est pas une alliance avec Suez, qui plus est dans des conditions qui ne sont pas connues, qui changera quoi que ce soit –, et la « marge gaz », qui intègre le transport, la distribution, la commercialisation, la recherche, c’est-à-dire tout ce qui fait l’activité de l’opérateur.

Or, durant la période 1999-2001, cette marge passe de 4,3 milliards d’euros en 1999 à 3,7 milliards en 2000, pour remonter à 4,5 milliards en 2001. La chute de 2000 reflète la hausse des coûts d’approvisionnement, répercutée avec retard dans les tarifs en 2001. On peut donc considérer que la hausse de 30 % en deux ans n’a fait que traduire la hausse des coûts d’approvisionnement, conformément au principe des ajustements tarifaires.

Par contre, entre 2004 et 2005, la marge – avec un changement de méthode comptable – passe de 5,1 milliards d’euros à 5,5 milliards, soit une augmentation de 6 %. Pour le premier semestre 2006, la marge s’élève à 3,3 milliards d’euros, contre 2,9 milliards au premier semestre 2005, soit une augmentation de 13 % ! Il est donc incontestable que la hausse des tarifs est très sensiblement supérieure à la hausse des coûts d’approvisionnement.

Chacun sait que M. Breton avait annoncé la hausse des tarifs à la veille de la mise en bourse lors de l’ouverture du capital de Gaz de France.

M. Pierre Cohen. C’était pour séduire les actionnaires !

M. François Brottes. Chacun sait également que, si les hausses tarifaires de 2000 et 2001 répercutaient réellement la hausse du coût d’approvisionnement et n’apportaient aucun revenu supplémentaire à GDF, la hausse de 31 % entre 2004 et 2006 est en revanche supérieure à celle du coût d’approvisionnement. Les revenus de GDF s’en trouvent accrus et la mariée en est encore plus belle et plus attrayante.

Désormais, au coût « gaz », il nous faut ajouter le coût « dividendes », le coût « renchérissement des actions », et le coût « mariage avec Suez » ! Telle est la cause de notre trouble. C’est à l’évidence le processus de privatisation de GDF qui provoquera demain une augmentation considérable des tarifs. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Comme Thierry Breton le rappelle systématiquement, à chaque début de séance, en réponse aux rappels au règlement, nous sommes ici pour discuter, non pas d’une fusion GDF-Suez, mais d’un projet de loi qui donne à Gaz de France la possibilité de s’allier pour faire face à la conjoncture internationale dans le secteur du gaz. C’est aujourd’hui le seul sujet.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas sérieux ! Quel mépris pour le Parlement !

M. Christian Bataille. Vous nous prenez pour des pantins !

M. le ministre délégué à l’industrie. Quant à l’augmentation des résultats de GDF, elle est liée à l’exploration-production et aux performances réalisées à l’international. Vous n’ignorez pas que l’entreprise vend du gaz ailleurs qu’en France et que ses résultats sur ces marchés ont été excellents au premier semestre.

M. François Brottes. C’est pour payer les actionnaires ! Coup classique !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est ce qui explique la hausse du résultat global pour cette période. Vos allusions sont donc complètement déplacées. D’ailleurs, les propositions de la CRE en matière d’augmentation du gaz étaient de 8 % lorsque nous avons décidé une hausse de 5,75 %.

M. Christian Bataille. Cela n’empêche pas GDF de faire de gros bénéfices !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vos propos ne correspondent pas à la réalité, et j’aimerais bien que l’on en revienne au texte, qui doit permettre à Gaz de France de faire face, je le répète, à la situation internationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert, pour un rappel au règlement.

M. Jean Gaubert. Décidément, monsieur le ministre, il y a quelque chose que nous ne comprenons pas, ou plutôt que nous craignons de trop bien comprendre. Il existe depuis le début un quiproquo entre ce qui est écrit dans le projet de loi que vous avez déposé et ce que M. Breton et vous-même déclarez, monsieur le ministre. Il est bien écrit dans l’exposé des motifs qu’il s’agit de préparer une fusion avec Suez. Il est inutile de nous objecter qu’il ne s’agit pas du texte de loi : c’est bien le rôle de l’exposé des motifs que d’expliquer ce qui a conduit à déposer un projet !

Mais si, effectivement, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, nous acceptons vos dénégations, c’est encore pire, car alors vous nous proposez de rendre Gaz de France « opéable » par n’importe qui : on ramène la part de l’État à 34 %, et puis on verra bien, semblez-vous dire !

Au fond, vous auriez intérêt à assumer les propos tenus par le Premier ministre sur le perron de Matignon il n’y a pas si longtemps, lorsqu’il a annoncé qu’un travail avait été engagé entre GDF et Suez en vue d’une fusion, que le Gouvernement n’y voyait que des avantages et qu’il allait prendre des dispositions pour que cela se fasse. Nous aurions alors un débat clair, cela vous éviterait de multiplier les démentis et nous pourrions jouer cartes sur table et peser véritablement les avantages et les inconvénients.

Si c’étaient seulement les députés de l’opposition qui ne vous croyaient pas, ce ne serait pas si grave, mais l’ensemble des analystes économiques et des journalistes ne sont pas dupes non plus : ils ont bien compris que, malgré toutes vos dénégations, vous ne nous proposez rien d’autre que de toiletter la mariée pour ses noces avec Suez.

Mme la présidente. Nous en revenons maintenant à la discussion de l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. J’appelle plusieurs séries d’amendements identiques, allant du no 34356 au no 35543.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je ne m’attarderai pas plus que nécessaire sur ces 1 188 amendements,…

M. Jean Dionis du Séjour. Cela vaut mieux !

M. Daniel Paul. …qui tendent à repousser l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 1er. J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de cet article, nous avons déposé une demande de scrutin public pour que la décision d’ouvrir à la concurrence ne soit pas prise ici de façon anonyme. Repousser l’entrée en vigueur de cet article revient à retarder la mise en œuvre des directives visant l’ouverture complète des marchés de l’énergie. Nous estimons en effet qu’il faut disposer au préalable d’un bilan de l’ouverture à la concurrence. Vous nous avez répondu, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que la Commission européenne y travaillait et qu’elle rendrait son rapport dans quelques mois. Mais c’est avant qu’elle ait statué, avant que l’assemblée générale des actionnaires de Suez ait décidé de la façon dont elle souhaite croquer GDF que nous voterons ce projet de loi ! Finalement, la méthode employée pour ouvrir les marchés en Europe est toujours la même.

Ce n’est pas la première fois qu’on nous promet un rapport. D’ailleurs, celui que se proposerait de faire la Commission ne porte pas sur les conséquences tarifaires de cette ouverture. Son objet est de vérifier l’adéquation des mesures prises par les différents États aux décisions de Bruxelles, c’est-à-dire leur conformité aux directives. Nous souhaiterions plutôt qu’on vérifie leur conformité aux intérêts des consommateurs, de nos économies et des salariés des entreprises du secteur énergétique ! La différence est de taille. Il est à craindre que la Commission européenne demande un tour de vis supplémentaire dans ceux des pays européens dont elle estimera qu’ils ne se seront pas bien conformés aux directives européennes. M. Barroso ne l’a d’ailleurs pas caché. Oubliées les augmentations de tarifs et les augmentations de prix dont souffrent nos entreprises ! Après tout, c’est la loi du marché !

Un tel bilan n’a donc pas vocation à poser un regard critique sur les désastres économiques observés, en particulier les entreprises qui ferment à cause de l’augmentation des tarifs. Ce bilan non contradictoire et purement technocratique ne présentera aucun intérêt. Nous demandons donc au Gouvernement de dresser lui-même ce bilan pour la France. Pourquoi le refusez-vous ? Ne nous dites pas que le bilan établi par M. Lenoir à la suite de quelques consultations est suffisant. Je pourrais vous donner lecture de quelques morceaux choisis, mais nous aurons bien le temps de revenir sur ce document. Pourquoi le refuser quand les problèmes sont patents, quand les entreprises ferment et quand le Medef lui-même – je ne le cite pas souvent en soutien ! –…

M. Jean-Claude Sandrier. Là, c’est pertinent !

M. Daniel Paul. …regrette le manque de coordination communautaire.

Monsieur le président de la commission, vous avez dit que vous n’aviez pas la même vision de l’Europe que nous. C’est une appréciation que nous partageons.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Assurément !

M. Daniel Paul. Mais je suis persuadé que nous avons en commun le souci que les politiques publiques mises en œuvre dans notre pays – et celle-ci en est une – soient évaluées en disposant de tous les éléments permettant d’apprécier leur pertinence. Les faits nous imposent de demander un moratoire sur l’ouverture à la concurrence. Cela n’a rien d’idéologique. Il s’agit tout simplement de faire en sorte que la décision lourde que vous vous apprêtez à prendre soit prise en toute connaissance de cause. Les amendements à entrées multiples que nous vous proposons vous laisseraient jusqu’en décembre 2012 pour faire le bilan de l’ouverture.

M. Xavier de Roux. Pourquoi pas 2015, tant que vous y êtes !

M. Daniel Paul. On peut espérer que, d’ici là, vous aurez eu le temps de vous apercevoir – mais trop tard – que vous n’auriez pas dû ouvrir à la concurrence et privatiser GDF.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission a émis sur ces amendements un avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées au début de l’examen de l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. La France a participé à la négociation des directives en défendant ses intérêts et sa spécificité. Revenir sur les engagements pris par notre pays auprès de ses partenaires revient à demander une modification des directives, ce qui n’est possible qu’en cas de consensus avec les autres États. Le processus prend plusieurs années. En attendant, les directives de 2003 seraient appliquées au 1er juillet 2007, sans que les garde-fous nécessaires aient été mis en place.

M. Loïc Bouvard. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’industrie. Il est donc essentiel de mettre en place les mesures permettant de respecter ces engagements tout en garantissant l’intérêt de nos pays et de nos concitoyens. Le présent projet de loi permet de maintenir des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz pour les clients qui le souhaitent, tout en ouvrant aux autres la faculté de choisir librement leur fournisseur. Sans cela, la directive de 2003 s’applique directement.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très juste !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est la liberté de se faire arnaquer !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. M. le rapporteur a répété à plusieurs reprises que c’est durant le sommet Barcelone qu’avait été négociée l’ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques. Je précise qu’elle n’était alors envisagée qu’avec une directive-cadre sur les services d’intérêts généraux.

M. Xavier de Roux. On en a fait des bêtises à Barcelone, n’est-ce pas ?

M. Pierre Cohen. Or, quelques mois plus tard, Mme Fontaine a donné le feu vert sans préalable, ce qui a abouti à la directive de 2003. Ici même, nous avons connu une émotion forte au moment de la directive Bolkestein. À quelques nuances près, l’ensemble de l’Assemblée nationale était d’accord sur un corps de préalables communs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il y avait consensus, en effet !

M. Pierre Cohen. Cet épisode nous a montré que l’Europe ne pouvait pas intervenir indifféremment dans chaque domaine et que, pour les secteurs non-marchands ou stratégiques, il fallait mettre en avant la notion de service public, impulser en Europe un mouvement d’inversion, et ouvrir un véritable débat sur la signification du service d’intérêt général. Ce préalable à toute directive sur les services stratégiques ou les services non-marchands figurait dans votre propre résolution.

Aujourd’hui, le problème est le même. Vous avez vu les conséquences de l’ouverture du marché sur les entreprises, puisque vous êtes obligés de fixer un prix plafond et de faire payer la différence par les producteurs d’électricité. Ce sont là des faits qui montrent que certaines orientations de l’Europe peuvent être nocives pour ses concitoyens et ses entreprises. Ils pourraient venir à l’appui d’une demande réaliste de renégociation, en ayant le recul nécessaire, sans pour autant renier notre engagement. Prenez le temps, attendez le débat sur la directive service d’intérêt général. J’ai voté oui au référendum sur la Constitution européenne,…

M. Xavier de Roux. En plus, il a voté oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Bravo !

M. Pierre Cohen. …mais j’ai entendu ce qu’il y avait dans le non : pas du souverainisme, pas une haine de l’Europe, mais plutôt la crainte de la remise en cause des services publics auxquels tiennent les Français. Faites un geste, montrez que, vous aussi, vous les avez entendus !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. Xavier de Roux. M. Brottes, lui, a voté non !

M. François Brottes. Je vous le confirme, j’ai voté non à la privatisation de Gaz de France en commission. Je tiens à votre disposition les conclusions de la présidence du Conseil européen de Barcelone. Monsieur le ministre, vous dites que nous serions isolés si nous demandions la révision des directives et que personne ne nous écouterait. Quand on est totalement isolé, cela peut certes poser un problème. Mais si les conclusions du Conseil de Barcelone confirmaient l’ouverture à la concurrence pour les consommateurs européens autres que les ménages, elles n’envisageaient qu’« À la lumière de l’expérience acquise, une décision sur d’autres mesures tenant compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d’approvisionnement et en particulier de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population ».

L’ensemble des pays était donc d’accord sur le principe d’une étude d’impact mesurant les dégâts, prévisibles et collatéraux, liés à l’ouverture du marché. Vous ne seriez donc pas seul, monsieur le ministre, si vous demandiez à la Commission européenne de faire ce travail, d’autant que M. Barroso n’a pas attendu pour annoncer qu’il prendrait des dispositions pour réguler différemment le marché, réduire le nombre d’opérateurs, et poursuivre – avec délectation – la destruction des entreprises nationales qui fonctionnent bien. Il ne respecte pas la formule : « à la lumière de l’expérience acquise ». Il n’était certes pas président de la Commission européenne lors du sommet de Barcelone, mais il a le devoir d’assumer la continuité des institutions européennes. Nous vous donnons ces arguments, monsieur le ministre, pour vous aider : vous n’êtes pas seul et vous avez des armes pour reprendre la discussion. Il est temps de faire une pause et d’analyser les conséquences néfastes de l’ouverture du marché !

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix les amendements, je vous indique que, sur le vote de l’article 1er, je suis saisie par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix par un vote global les séries d’amendements identiques nos 34356 à 35543.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’article 1er.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l’article 1er :

L’Assemblée nationale a adopté. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs séries d’amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir les amendements identiques nos 5535 rectifié à 5567 rectifié.

M. Christian Bataille. Avant de défendre ces amendements, je me tourne, à mon tour, vers M. François Loos, pour lui demander, à lui qui a une longue expérience parlementaire en plus de son expérience ministérielle, de nous expliquer ce que nous faisons ici. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Je joins également ma voix à celle de Daniel Paul pour mettre en garde contre le fait que nous ne sommes pas en état d’arbitrer quoi que ce soit.

Nous sommes d’abord – faut-il le rappeler ? – devant un exemple rare de reniement de la part d’un ministre : nous n’avions jamais vu un revirement aussi marquant que celui de M. Sarkozy qui disait, il y a encore peu de temps, qu’EDF et GDF ne seraient pas privatisés et qui souscrit aujourd’hui au projet de privatisation de GDF. Le texte que nous examinons contredit totalement ses affirmations d’hier. Pendant l’été, sont apparues diverses contre-propositions, de la part du rapporteur, M. Lenoir, et d’un conseiller de M. Sarkozy, M. Devedjian, toutes les deux d’une teneur différente. Avec la lettre de griefs de Bruxelles caviardée, nous pensions en avoir fini.

Mais non ! Une autre commissaire européenne, Mme Kroes, a remis vingt sous dans le bastringue, ramenant au fond les choses au point de départ, sans se préoccuper le moins du monde que le Parlement français soit actuellement réuni pour réfléchir à la question. Et si son avis ne devait pas nous suffire, le fonds de pension Knight Vinke a publié, en dernière page du Monde, une « lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les Députés » !

M. Jean Gaubert. Ils ont les moyens de s’offrir des pages dans les journaux !

M. Christian Bataille. Je me demande réellement, monsieur le ministre, si nous sommes en état de statuer sur quoi que soit. Nous sommes dans la confusion la plus totale. La maîtrise des fonds de pension vous échappe, je le conçois, mais vos amis de la Commission européenne – Mme Kroes et son collègue qui a écrit la lettre de griefs dont nous ne connaissons pas tout le contenu – ne devraient pas interférer dans le débat. Mme Kroes n’est pas sans savoir que l’Assemblée nationale débat actuellement sur la question. Les avis qu’elle vient de balancer doivent d’ailleurs être bien ennuyeux pour vous.

Nous n’avons pas encore entendu l’opinion du commissaire à l’énergie, le letton M. Piebalgs, qui est un homme de grande expérience. Mais peut-être va-t-il, lui, aussi, donner son avis la semaine prochaine…

Une chose est sûre, vos amis libéraux de Bruxelles sont loin de vous aider !

M. Jean Dionis du Séjour. Ça, c’est vrai !

M. Christian Bataille. Les amendements nos 5535 rectifié à 5567 rectifié tendent à remplacer les mots : « à deux kilowattheures et demi » par les mots : « à un kilowattheure et demi ». Ces amendements de sagesse visent à abaisser le seuil d’entrée dans le consortium Exeltium en réduisant le ratio entre quantité d’électricité consommée et valeur ajoutée produite, que vous fixez actuellement à 2,5 kilowattheures par euro.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

J’appelle l’attention de son auteur sur les conséquences qu’aurait la disposition qu’il propose si elle était adoptée.

Les entreprises électro-intensives ont décidé de se regrouper dans un consortium pour lancer un appel d’offres afin de pouvoir avoir accès à des prix d’électricité plus intéressants. La loi de finances rectificative a autorisé la création de ce consortium, nommé Exeltium.

Les résultats de l’appel d’offres ont été décevants, en termes de prix d’abord, mais surtout parce que les producteurs n’étaient en mesure de fournir que la moitié de la demande en électricité. Cela montre d’ailleurs les difficultés de l’Europe à se procurer des quantités suffisantes d’électricités, ce qui n’est pas sans rapport avec les fortes tensions sur les prix.

Les amendements défendus par M. Bataille auraient pour effet d’augmenter le nombre d’entreprises admises au sein du consortium. Comme ce dernier n’est déjà pas en mesure d’obtenir la quantité qu’il souhaitait, la masse totale dont il dispose serait distribuée entre un plus grand nombre d’entreprises, ce qui aurait pour effet de décevoir encore plus les électro-intensifs qui sont à l’initiative de cette organisation.

C’est la raison pour laquelle je demande à l’Assemblée de repousser ces amendements. L’idée de départ est généreuse, mais si toutes les entreprises étaient dans le consortium, vous pouvez imaginer les dégâts que cela provoquerait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je n’ai rien à ajouter à la démonstration du rapporteur. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le rapporteur parle de dégâts. Mais le tarif de retour, auquel l’ensemble des consommateurs industriels va forcément adhérer, ne va-t-il pas provoquer des dégâts chez EDF et lui coûter très cher ? Mais, dans ce cas, peu vous importe ! Il y a deux poids et deux mesures.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas ce que le rapporteur a dit !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous ne m’avez pas bien écouté, monsieur Brottes !

M. François Brottes. J’ai très bien compris. Dès l’instant où on accroît le nombre d’entreprises éligibles au groupement d’achat, la masse à partager étant identique, l’attrait pour chacune d’elles est amoindri. Mais l’exemple du tarif de retour est similaire – sauf qu’on ne raisonne plus à montant constant. C’est une solution qui vise, elle aussi, à réduire les prix mais, dans ce cas, on ne se préoccupe pas de savoir combien cela coûtera à l’entreprise publique nationale EDF.

C’est pourquoi je dis qu’il y a deux poids, deux mesures. Dans un cas, comme il y a une enveloppe fermée, le fait d’augmenter le nombre des bénéficiaires fait qu’il y en aura moins pour chacun. C’est embêtant et cela crée des dégâts, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur. Dans le second cas, alors qu’il s’agit toujours d’industriels et d’un système visant à réduire les prix, ce n’est pas grave car il y aura – passez-moi l’expression – un cochon de payant qui sera EDF, et vous vous préoccupez peu de l’incidence que cela pourra avoir sur l’entreprise publique nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Votre explication, monsieur le rapporteur, souligne combien notre pays est devenu insuffisant en matière de production électrique. Il doit nous manquer quelque chose comme 10 000 mégawatts pour faire face aux besoins actuels et à nos engagements.

M. le ministre délégué à l’industrie. Si on avait investi plus tôt…

M. Daniel Paul. Je vais y venir, monsieur le ministre.

Votre réponse, monsieur le rapporteur, était lumineuse. Les électro-intensifs se sont regroupés pour bénéficier de tarifs intéressants. Mais, si toutes les entreprises se mettent à demander à EDF de leur fournir le courant, l’entreprise publique ne pourra pas. Alors « Que faire ? » comme disait Vladimir Illitch Oulianov ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Il n’a pas été prix Nobel, lui !

M. Daniel Paul. Non, il n’a jamais revendiqué le prix Nobel, mais il a écrit un livre dont je viens de citer le titre et qui, dans la situation où nous sommes, est la question centrale.

Votre réponse, c’est qu’il y a ceux qui auront le droit de rentrer dans le consortium et ceux qui n’en auront pas le droit, et ceux-là, ils n’ont qu’à se débrouiller. Ce n’est pas sérieux ! Ce n’est pas raisonnable !

Et vous proposerez un amendement selon lequel on n’a pas le droit de permettre le retour au tarif régulé…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est la loi de 2000 !

M. Daniel Paul. Pourtant, c’est la sauvegarde de notre outil économique qui est en jeu. Il n’est pas question d’une augmentation banale du prix des bonbons ! Il s’agit du prix de l’énergie, celle qui fait tourner les entreprises, celle qui peut aussi être la cause demain du départ d’un certain nombre d’entreprises vers d’autres pays où elle serait réputée moins chère.

Non, vous pliez devant la Commission européenne et ne donnez droit qu’à deux ans avec majoration de 30 %. Et si, à ce moment-là, le prix de l’énergie a doublé, ils subiront le doublement.

Les élections, tant présidentielles que législatives et municipales, seront passées dans deux ans, ce qui vous aura retiré une belle épine du pied. J’espère que ce sera le cas et que vous ne serez plus là. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Allons !

M. Daniel Paul. J’en reviens à l’insuffisance de notre production pour rappeler que nous avons condamné les opérations financières menées par Électricité de France hors des frontières nationales et européennes, c’est-à-dire en Amérique du Sud, avec le succès que l’on sait. L’argent consacré à ces aventures n’a pu être utilisé pour mettre en place de nouveaux outils de production. Nous devons en tirer la leçon. Comme le dit souvent le président Bocquet, le passé est un œuf cassé, l’avenir est un œuf que l’on couve. Nous devons utiliser l’expérience passée pour en tirer les conclusions et faire en sorte que les mêmes erreurs ne se répètent pas.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je tiens à apporter des précisions utiles pour éclairer l’Assemblée.

Vous sortez vos mouchoirs en évoquant les électro-intensifs. Dois-je vous rappeler qu’ils ont été victimes de la situation créée par la loi que vous avez votée en 2000 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains)

Monsieur Daniel Paul, l’appel d’offres n’était pas uniquement tourné vers EDF. En fait, 17 producteurs d’électricité ont été sollicités non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe. Toutefois, seuls quatre d’entre eux ont répondu. Il faut être conscient qu’il existe aujourd’hui un problème de niveau de production d’électricité en Europe. La France n’est pas à l’abri de ces difficultés, car on n’a pas construit de centrales produisant de l’électricité depuis quinze ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il a fallu attendre ce Gouvernement, pour qu’enfin – c’était demandé par certains des vôtres et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains n’étaient pas les derniers à le réclamer à M. Jospin, Premier ministre à l’époque –, soit mis en œuvre le nouveau réacteur EPR à Flamanville.

M. Christian Bataille. La centrale de Civaux a été inaugurée en 1998 !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est vrai ! Il s’agissait à l’époque de confirmer un programme électronucléaire qui devait beaucoup à la majorité précédente.

M. Christian Bataille. C’était sous le gouvernement Jospin !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’inauguration !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. C’est terrible, quand on a l’impression d’avancer un peu, le rapporteur se livre à des provocations auxquelles nous sommes obligés de répondre.

Il faut rappeler quelques vérités concernant les dates. La loi votée en 2000 résulte de la simple application d’une directive de 1996. Tout le monde le sait ! Pourquoi nous resservir à chaque fois ce genre de choses ? La directive de 1996 a été approuvée par le gouvernement Juppé, le ministre de l’industrie était M. Borotra.

En 2000, vous nous accusiez de ne pas faire diligence pour transcrire cette directive, de ne pas en faire assez. Nous avons voulu faire a minima et nous l’assumons. Ne venez pas maintenant nous dire que nous aurions fait de l’excès de zèle et que nous nous trouverions dans la situation actuelle de ce fait.

Plus généralement, c’est l’ouverture du marché européen qui pose problème à la France, et non l’insuffisance de sa production. Aujourd’hui, nous sommes sur un marché ouvert, où on a laissé à chaque pays le soin de régler des problèmes qui le dépassent. On peut toujours continuer en France à construire des centrales nucléaires, mais si les autres pays ne se préoccupent pas de la production et comptent sur l’interconnexion, le marché ne se rééquilibrera jamais. Il faut réfléchir à cela. Il est inutile de se lancer à la figure des arguments qui ne régleront pas le problème au niveau européen. Ce serait l’honneur du Gouvernement français de poser le problème – je ne sais pas si cela a été fait, monsieur le ministre ? – …

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est ce que nous avons fait !

M. Jean Gaubert. …de la part que chaque pays doit prendre pour équilibrer la production. Si vous l’avez fait, nous attendons les résultats.

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous aussi !

M. Jean Gaubert. Vous avez une obligation de moyens. L’obligation de résultats est, elle, collective. Et nous attendons ces résultats.

Dire : « Vous n’avez pas fait ; nous allons faire », c’est s’exposer dans les années suivantes à ce que l’on vous réponde : « Vous n’avez pas fait assez, nous allons faire plus ». Cela ne changera strictement rien.

Nous nous trouvons devant une difficulté que personne ne saura véritablement résoudre. On a laissé se constituer un petit consortium de privilégiés – si tant est qu’ils le soient – qui craignent de perdre des avantages en étant plus nombreux. Vous êtes partisans de l’ouverture ; aussi, vous ne pouvez pas protéger ce petit consortium en limitant les conditions d’accès aux appels d’offres collectifs. Le législateur n’a pas à jouer ce jeu-là.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Je souhaite réagir aux contre-vérités assénées par le rapporteur, après que M. le président de la commission nous eut dit hier les mêmes choses. Il est normal qu’ils soient en cohérence.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela prouve que nous sommes d’accord !

M. Christian Bataille. Selon le rapporteur, les gouvernements socialistes – forcément mauvais – auraient négligé la production électrique, ne se seraient pas préoccupés de construire des centrales.

M. François Brottes. Le rapporteur a toujours le sens des nuances !

M. Christian Bataille. Seuls les gouvernements de droite auraient eu cette préoccupation de long terme. C’est complètement faux.

Je vais reprendre la réponse que j’ai faite hier à M. Ollier. Je ne suis pas sûr du résultat, mais on peut faire le décompte : sous les deux septennats de François Mitterrand, il a sans doute été inauguré plus de centrales électriques que sous les gouvernements de droite.

M. Claude Gatignol. Vous oubliez ce qui s’est passé sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing !

M. Christian Bataille. Je citerai l’exemple de la centrale de Civaux – la plus moderne en activité –, qui a été inaugurée le plus récemment en 1998. Le rapport que j’ai signé pour l’Office parlementaire des choix scientifiques souligne que l’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires change considérablement la donne, puisqu’on sait qu’elles pourront fonctionner dans des conditions totalement sûres, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté, quarante, voire cinquante ans.

Notre pays n’est pas déficitaire globalement en production électrique. C’est plus la production électrique en pointe à certains moments de l’année qui fait défaut que la production électrique en base. La responsabilité en incombe à la direction d’EDF, qui a arrêté des petites centrales : l’arrêt dans ma région des petites centrales au charbon de Pont-sur-Sambre et de Hordain a été une erreur, car il faut diversifier les approvisionnements. L’évolution des techniques permet d’avoir maintenant des centrales à charbon « superpropre ». La France doit réfléchir à toutes ces possibilités car des tensions peuvent se faire jour sur le gaz.

Monsieur le rapporteur, vous rendez un mauvais service à notre pays en opposant ainsi l’action des gouvernements successifs sur une politique énergétique qui a fait l’objet de l’unanimité nationale. Il y a eu continuité de l’action de l’État sous les gouvernements de droite et de gauche, alors que vous semblez laisser supposer qu’il y a deux types de politiques industrielles et que seule celle de droite serait efficace.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 5535 rectifié à 5567 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 5352 rectifié à 5384 rectifié.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il est toujours bon de dresser un bilan d’étape au cours d’un débat.

Il existera désormais cinq types de tarifs : le tarif réglementé – on nous propose qu’il soit encore un peu prolongé, mais nous pensons qu’il rejoindra forcément les prix car il augmentera naturellement – , le prix de gros –les gens se regroupent, négocient avec un groupement d’achat – , le prix de détail, le tarif de retour, que l’on évoquera tout à l’heure, et le tarif social. Nos concitoyens et les consommateurs auront bien du mal à s’y retrouver.

Par ces amendements de repli, il s’agit d’élargir l’assiette de ceux qui seraient éligibles au groupement d’achat dit consortium Exeltium. Vous avez voulu donner un signal en loi de finances, et c’était certainement utile compte tenu du vent de folie qui soufflait sur les prix. Toutefois, les industries électro-intensives nous ont dit : « C’est une usine à gaz, nous ne savons pas si nous parviendrons au bout du chemin. Compte tenu du jeu joué par les banques dans le dispositif, de la durée exigée, des modalités d’accès par site et non par entreprise, il est possible que l’on ne parvienne pas à se servir de ce dispositif. » Pensez-vous, monsieur le rapporteur, que ce dispositif vivra longtemps compte tenu d’une adoption probable du tarif de retour ? Autrement dit, la négociation avec le groupement d’achat sera-t-elle compétitive à l’égard du dispositif préconisé ?

De plus, il y a un risque de concurrence déloyale au détriment des électro-intensifs « en lisière » des plus gros, qui pourtant pratiquent les mêmes métiers, se battent sur le même marché et ont parfois les mêmes clients. On peut penser qu’il y aura deux poids deux mesures. Quand on sait ce que pèse le poids de l’énergie dans les comptes d’exploitation de ces entreprises-là, on risque d’assister à une casse industrielle accélérée dans un certain nombre de nos régions pour des PME-PMI qui ne seront pas éligibles au consortium.

Alors, monsieur le rapporteur, je suis prêt à entendre qu’il est nécessaire de fixer un seuil, mais peut-être aurait-il fallu que l’éligibilité soit accordée à tous les acteurs d’une même filière plutôt que de procéder comme vous l’avez fait.

En bénéficiant d’un prix d’accès à l’énergie identique, toute entreprise d’une même filière – quelle que soit sa taille – pourrait se battre avec les mêmes armes et disposerait des mêmes chances.

Là, vous allez fausser les choses. Pour avoir vu des comptes d’exploitation et de m’être fait expliquer dans le détail l’activité d’un certain nombre de PME – quelques entreprises dans la grenaille ou le papier –, je suis très inquiet de l’incidence d’un tel dispositif pour les entreprises.

Vous allez sans nul doute me répondre qu’elles disposeront du tarif de retour. Mais quel sera l’écart entre ce tarif – que l’Assemblée votera certainement, avec ou sans 49-3, c’est un autre sujet – et celui qu’obtient le consortium Exeltium ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Brottes a eu l’amabilité de répondre lui-même à une partie des questions qu’il a posées. Pour le reste, il faudra qu’il attende, car dans l’état actuel des choses, je ne suis pas en mesure de lui répondre aujourd’hui. Tout ce que je peux lui dire c’est que je suis en contact avec les dirigeants d’Exeltium qui suivent, avec beaucoup de pragmatisme, nos travaux et attendent de savoir quel sera le niveau de tarif transitoire afin de prendre une décision. Il ne m’appartient donc pas de me prononcer en leur nom.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que la commission.

Je félicite M. Brottes pour la description qu’il vient de faire : elle démontre qu’il a une connaissance très fine du dispositif que nous avons essayé d’élaborer. Il est aujourd’hui en cours de négociation. Par conséquent, ce n’est pas le moment d’en changer les critères d’accès afin qu’il soit opérationnel le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Si j’ai bien compris, M. le rapporteur vient de nous dire que le dispositif est mort-né, et qu’on attend le tarif de retour.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pas du tout !

M. François Brottes. C’est pourtant le sens de votre réponse : si le tarif de retour est plus intéressant que le tarif de gros, on ira au tarif de retour.

Vous avez eu l’amabilité, monsieur le ministre, de relever que je n’avais pas dit trop de bêtises dans l’exposé que je viens de faire. J’aimerais cependant connaître votre point de vue sur l’approche retenue. Pourquoi raisonner par sites ou chiffre d’affaires et non par filières ? Pourtant, vous êtes un élu d’une région où un certain nombre de PME sont concernées. Or le dispositif que vous préconisez risque de faire du grabuge !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous nous sommes interrogés sur cette question l’année dernière : fallait-il faire bénéficier de ce dispositif les filières ou les entreprises ? Il nous est apparu que ce qui était le plus objectif et le plus juste était la consommation du site. Une entreprise peut avoir plusieurs sites dont certains sont électro-intensifs et d’autres ne le sont pas, le siège social par exemple. Par conséquent, en concertation avec Neelie Kroes, puisque vous avez parlé d’elle tout à l’heure, nous avons retenu un critère simple : celui du nombre de kilowattheure par euro de valeur ajouté, critère le plus objectif à nos yeux. Si nous avions procédé par filières, et comme dans une même filière, il peut y avoir des niveaux très différents de consommation électrique par rapport à la valeur ajoutée, nous aurions abouti à un système injuste : on aurait favorisé certains par rapport à d’autres.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne souhaite pas prolonger le débat plus que de raison, monsieur le ministre, mais prenons l’exemple du groupe Alcan qui n’a fait qu’une bouchée de Pechiney et n’a pas tenu ses engagements sur le maintien d’un certain nombre de sites industriels dans les Alpes et les Pyrénées. Si Augustin Bonrepaux ou Michel Bouvard étaient présents, ils pourraient témoigner de l’attitude de ce groupe, qui fait partie du consortium.

Je crains, monsieur le ministre, que certains groupes prennent prétexte de ces dispositions pour agrandir un certain nombre de sites et délocaliser les sites les plus petits. Ils ne manqueront pas d’arguments pour expliquer qu’il leur faut concentrer leurs activités dans certains endroits. Des régions entières perdront des entreprises parce qu’une disposition, parmi d’autres, incite à la concentration d’activités afin d’obtenir un tarif plus intéressant. C’est un vrai sujet, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Brottes ne m’en voudra pas si, cette fois-ci, je lui dis que son analyse n’est pas exacte, car le critère retenu est celui du kilowattheure par euro de valeur ajoutée, que soyez gros ou petit. Je prends l’exemple de la fabrication de chlore – qui se fait par des cellules. Pour une cellule, votre consommation d’électricité par euro de valeur ajoutée sera la même que pour cent. Cela ne dépend pas de la taille de l’usine, mais de la densité de consommation d’électricité.

M. François Brottes. Il y a tout de même un lien !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5352 rectifié à 5384 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs séries d’amendements identiques, nos 30951 à 31676.

Chers collègues, seriez-vous d’accord pour, qu’à la fin de la discussion de ces amendements, procéder à un vote plutôt que série par série ?

M. Jean Gaubert. Bien sûr ! Pour être agréables à la présidente et faire gagner du temps à nos collègues, ainsi qu’à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Vous essayez de faire croire que votre majorité simplifie la situation : il n’en est rien. Le système que vous proposez de mettre en place sera en effet d’une extrême complexité. Depuis 2000, nous entendons dire que la guerre des prix – au cœur de votre système – devait être la plus forte possible pour faire baisser les prix, et qu’elle profiterait au consommateur. Vous nous accusiez à l’époque de ne pas en faire assez dans ce sens. Mais pour certains d’entre nous, dont j’étais, rien n’était moins sûr.

C’est oublier que quelques gros industriels ont l’intelligence de se regrouper pour organiser la pénurie plutôt que de faire en sorte qu’il y ait des excédents. Quant à l’interconnexion des marchés européens, elle empêche les excédents sur le territoire national. Nous n’avons donc plus d’excédents.

Précédemment, en situation de pénurie, les autorités publiques pouvaient y remédier par un acte fort, mais cela leur est quasiment interdit depuis les directives de 1996 et de 2003, ce qui contraint à recourir à des subterfuges.

Du reste, vous-même, monsieur le ministre, laissiez entendre que vous aviez discuté avec Mme Kroes, et je n’ai aucune raison de douter que vous avez essayé de faire pour le mieux, mais vous voyez bien que ce que vous proposez n’est pas satisfaisant. En réalité, il ne devrait y avoir que deux solutions : le marché libre ou le marché administré. Avec le marché libre, c’est la loi de l’offre et de la demande, et de la concurrence, qui prévaut – et s’il n’y a pas de concurrence, c’est malheureux, mais c’est ainsi. Avec le marché administré, c’est la fixation d’un tarif réglementé en fonction d’autres critères comme les prix de revient, les coûts de renouvellement et les marges – indispensables – laissées aux producteurs pour réinvestir.

Or vous nous proposez maintenant un système qui s’apparente au retour de l’enfant prodigue…

M. Jean Dionis du Séjour. … qui revient après avoir tout dépensé !

M. Jean Gaubert. …et qui vous demande ce que vous pouvez faire pour lui.

Nous en sommes là avec les entreprises électro-intensives qui viennent vous demander ce que vous pouvez faire pour elles. Et elles vous disent même que cela ne vous coûtera pas trop cher, puisque la mesure sera restreinte à un petit club… Les autres se débrouilleront. Telle est la situation. Cela dit, je les comprends, si j’étais à leur place je ne viendrai pas, monsieur le ministre, demander que tous ceux qui sont partis sur le marché libre puissent revenir. Je sais bien que vous me répondriez que ce n’est pas possible. Mais cette situation est intenable.

Ouvrez une brèche dans un barrage, et il sautera. Vous en êtes conscient. Le barrage peut sauter de deux façons : d’abord, vous n’avez pas obtenu pour le consortium ce que vous espériez, comme le rapporteur l’a expliqué ; ensuite, le tarif rattrapera très rapidement le prix du marché, après les élections présidentielles et législatives. Et l’on n’aura plus rien à dire. Les montages que vous nous proposez seront donc complètement inopérants.

Voilà notre point de vue sur cette situation. Nous avons déjà eu l’occasion de vous en faire part, mais nous y revenons avec ces amendements. Le marché de l’électricité était le marché qu’il ne fallait pas libéraliser. Il se trouve qu’aucune directive sur l’énergie – est-ce un hasard ? – n’a été adoptée entre 1997 et 2002. Je voudrais le rappeler à M. le rapporteur qui passe son temps à récrire l’histoire : les directives datent de 1996 et de 2003. Une fois qu’elles sont là, il faut, bien sûr, les transposer et les appliquer.

Le sens de ces amendements, c’est de reprendre ce qui a été imaginé pour les entreprises électro-intensives et d’essayer de rendre le dispositif un peu plus juste en prenant en compte le rapport de la consommation d’énergie en tonnes équivalent pétrole à la valeur ajoutée. Nous éviterions ainsi la création de clubs, qui engendrent des exclus et nuisent à la concurrence – Mme Kroes devrait y être attentive.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous proposez ni plus ni moins de créer une autre forme de consortium, un autre Exeltium avec des ratios de consommation par rapport à la valeur ajoutée. On se heurterait à nouveau aux problèmes posés par les effets de seuil, comme le disait tout à l’heure François Brottes, avec les conséquences que l’on connaît pour les entreprises périphériques. Votre système serait extrêmement lourd et compliqué.

M. Jean Gaubert. Moins que le vôtre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ajoute que vos amendements sont des amendements de repli. Vous en défendrez d’autres à l’article 3. Nous aurons alors, à partir des propositions que j’ai faites devant la commission, et qui ont été retenues, un large débat dans l’hémicycle sur ce sujet.

Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je me réjouis que M. Gaubert ait reconnu qu’il fallait transposer et appliquer les directives. Nous sommes précisément dans ce cas de figure. Nous nous y employons tout en essayant d’y apporter la facture française qui sera la plus efficace pour notre économie.

Nous souhaitons que nos entreprises et nos concitoyens puissent bénéficier des bonnes conditions de production que nous avons en France.

Concernant l’idée de club, je ne suis pas du tout d’accord. Nous tentons précisément d’éviter leur formation en définissant un critère objectif. Vous en proposez un autre – la tonne de pétrole par rapport à la valeur ajoutée – mais il est de la même veine.

En Finlande, les industries électro-intensives ont décidé d’acheter un EPR et sont en train de le construire. Il y a une solution finlandaise au problème des prix de l’électricité ; nous, nous avons recherché une solution française.

M. Daniel Paul. La finlandaise est moins chère que la nôtre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Celle-ci consiste à bâtir un consortium sur des critères objectifs afin de lancer un appel d’offres de fourniture d’électricité sur une durée de vingt ans, avec un financement préalable négocié avec EDF et les autres producteurs.

Le dispositif que nous avons mis en place a le double avantage d’être équitable et de correspondre à une vision française de la politique de production.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je serai rapide car j’ai bien noté que le président de la commission et le rapporteur, avec l’accord du ministre, proposaient que nous développions ce débat très important à l’article 3.

Toutefois, j’aimerais préciser, monsieur le ministre, car je n’avais sans doute pas été assez explicite, que, dans nos amendements, il ne s’agit pas de faire un appel d’offres commun mais de revenir aux tarifs administrés. La différence est importante.

Par ailleurs, le cas finlandais est effectivement très intéressant. Et si une idée analogue germait en France, on pourra s’estimer heureux de ne pas avoir adopté l’amendement de M. Novelli ce matin. Comment imaginer que des entreprises ayant fait un appel d’offres commun avec des achats sur vingt ans puissent décider du jour au lendemain de changer de fournisseur sous prétexte que pendant quelques heures ou quelques minutes, l’électricité fournie par un concurrent est moins chère ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ne caricaturez pas, s’il vous plaît !

M. Jean Gaubert. Nous devons avoir un débat sur la notion de contrat.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Vous entendre défendre le contrat nous change un peu !

M. Jean Gaubert. Si la notion de tarif public garanti ne vous sied plus, au moins que la notion de contrat puisse rester quelque chose de fort. Un contrat est signé par deux parties, qui ont les yeux ouverts, les oreilles aussi, elles doivent le respecter. Or, ce matin, monsieur Novelli, vous nous proposiez que seule une des deux parties ait à respecter le contrat, le fournisseur, et pas l’acheteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Il y a des aspects de ce texte sur lesquels nous sommes en désaccord frontal, mais, sur un sujet comme celui-là, monsieur le ministre, je crois au contraire qu’opposition et majorité peuvent utilement se compléter. L’objectif est quand même de maintenir notre avantage compétitif pour les entreprises françaises qui consomment beaucoup d’énergie. Il s’agit d’en faire bénéficier l’industrie, donc le monde du travail, …

M. le ministre délégué à l’industrie. L’emploi !

M. Christian Bataille. … et l’emploi de manière générale et d’éviter les errements que nous avons connus avec la mise en place du marché.

Après Jean Gaubert, je souligne qu’il y a une dimension qui manque à la politique libérale que vous mettez en place : c’est le long terme, qui est nécessaire et complémentaire de votre politique industrielle. Dans le secteur nucléaire, les moyens de production s’inscrivent sur la longue durée, sur environ cinquante ans. C’est dans cette même perspective que nous devons nous situer en matière de prix. Nous ne pouvons pas laisser notre industrie subir les coups d’accordéon et les aléas du marché. Nous sommes donc favorables à des mesures qui permettraient de stabiliser sur le long terme les prix de l’énergie pour ce type d’industries. Elles représentent beaucoup d’emplois directs, sans compter les emplois induits.

Essayer de rationaliser un peu le marché que ses penchants anarchiques ont rendu fou est une bonne chose, mais il faudra aller plus loin. En somme, nous avons besoin d’une politique industrielle.

Mme la présidente. Je mets aux voix par vote global les série d’amendements identiques, nos 30951 à 31676.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 398 à 430.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Cette proposition de M. Migaud, expert en politique des finances, vise à inscrire le mot « énergie » dans la loi de finances, car c’est une composante décisive du revenu des ménages.

L’énergie est en effet une composante décisive du revenu des ménages. J’ai ainsi employé à plusieurs reprises depuis le début de ces débats l’expression « porte-monnaie de la ménagère ». Or cette dimension n’avait jusqu’alors pas tellement été prise en compte. L’énergie était considérée comme un élément stable, garanti, à un prix raisonnable. Mais avec la nouvelle politique de l’énergie menée par les partisans du libéralisme, par les gouvernements de droite, elle a commencé à représenter un prélèvement de plus en plus élevé sur le budget des ménages, et qui plus est, non progressif, puisque son coût est constant pour tous. Pour les ménages à faibles revenus, le coût du gaz et de l’électricité sera proportionnellement très élevé, voire insupportable. Nous voyons déjà tous dans nos permanences un nombre important de nos concitoyens venir nous expliquer qu’ils sont incapables d’acquitter leur facture.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L’UDF votera ces amendements car, en France, nous sommes très peu organisés en matière de décisions sur le long terme. Nous avons examiné de près la loi de décembre 2000 et nous n’avons trouvé des mesures concernant le long terme que dans l’article 6 en vertu duquel « le ministre chargé de l’énergie arrête et rend publique la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique ». Ce document, que nous avons consulté, évoque la construction de centrales de pointe ou l’EPR mais pas la politique énergétique de manière générale.

Qu’en est-il des engagements que la France a pris à travers les accords de Kyoto, avec la réduction de 75 % de nos gaz à effet de serre, la directive sur les biocarburants, avec un objectif d’incorporation de 5,75 % à atteindre pour 2010, la directive sur les énergies renouvelables qui devront atteindre une proportion de 21 % dans la production d’électricité pour 2010 ? Tout cela, dans nos budgets, est inexistant. Nous sommes face à une absence complète d’articulation entre le court terme budgétaire et nos engagements internationaux, ce qui pose un énorme problème. Nous aurons d’ailleurs à soumettre des amendements au Parlement afin de faire émerger une nouvelle gouvernance.

M. Bataille a fait une lecture des amendements très axée sur le pouvoir d’achat. Mais que l’on discute dans la loi de finances des divers aspects du secteur de l’énergie peut être aussi très incitatif pour les énergies renouvelables, les biocarburants, l’isolation des bâtiments, ce qui aurait des conséquences extrêmement positives, notamment en matière de maîtrise de l’énergie.

Ces amendements, très partiels, ne suffiront pas à faire émerger une nouvelle gouvernance énergétique, mais ils vont dans le bon sens pour articuler le court terme budgétaire et le long terme, dont on ne tient pas compte aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le vœu qu’expriment ces amendements est déjà exaucé. En effet, l’article 106 de la loi de 2005 prévoit un rapport en annexe de la loi de finances sur les moyens consacrés à la politique énergétique. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mais sur le fond, je dois dire que nous sommes parfaitement d’accord puisque nous avions voté une telle mesure en 2005.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce document est en effet en préparation dans mes services. Ces amendements sont donc satisfaits.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Les explications complémentaires de Christian Bataille et de Jean Dionis du Séjour ont bien montré l’intérêt qu’il y a à valoriser l’analyse et le bilan dans un document de politique transversale. Et il ne s’agit pas d’un petit rapport de bonne conscience politique. « Transversale » implique que cela concerne beaucoup de secteurs différents. En tout état de cause, c’est un document qui vise à clarifier les modalités d’organisation de notre économie dans notre nouvelle organisation budgétaire. C’est le seul moyen dont le Parlement dispose pour mener ce type d’analyse et faire évoluer la législation.

J’ai compris que le rapporteur n’était pas défavorable à ces amendements, et je souhaiterais qu’ils soient votés. Ce sera un rendez-vous utile.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce que nous voulons éviter, c’est de mentionner deux fois un rapport. Pour montrer la bonne volonté du rapporteur et du président de la commission, je propose que nous adoptions ces amendements. On demandera ensuite au Sénat de supprimer la référence au rapport annexe prévu à l’article 106 de la loi de 2005. (Sourires.)

Mme la présidente. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Sagesse.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 398 à 430.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, vous devriez appeler maintenant une série d’amendements identiques, nos 3141 à 3290. Ces amendements qui traitent de ce que nous appelons entre nous le « tarif de retour » auraient davantage leur place à l’article 3, car ils pourraient être discutés avec les centaines d’autres qui portent sur le même sujet. Nous pourrions ainsi avoir un débat de fond continu sur ce sujet au lieu de plusieurs débats intercalés au long de la discussion. Si mes collègues en sont d’accord, je demande la réserve de ces amendements.

Mme la présidente. La réserve est de droit, monsieur le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le nouveau règlement de notre assemblée, que je n’ai pas totalement assimilé, vous m’en excuserez, semblait indiquer que la seule façon de pouvoir revenir ultérieurement sur des amendements était de les transformer en sous-amendements. En l’occurrence, il s’agit d’amendements portant article additionnel, et je veux avoir confirmation que, dès l’instant où ils sont réservés, ils seront bien examinés à l’article 3.

Mme la présidente. Monsieur Brottes, je confirme qu’à la demande de la commission, les amendements nos 3141 à 3290 sont réservés jusqu’à l’examen des amendements ayant un objet analogue à l’article 3.

J’appelle maintenant une série d’amendements identiques nos 36182 à 36203.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Le choix du projet de loi de privatiser le transport et la distribution de gaz transparaît sur plusieurs points. D’abord, le transport de gaz reste propriété de GDF. Il sera donc privatisé. Ensuite, pour la distribution, le gestionnaire issu de GDF peut être détenu par GDF ou tout autre opérateur privé puisque l’on n’utilise pas la même formulation que pour le transport. Enfin, fait significatif : l’État supprime ses administrateurs, tant au gestionnaire de réseaux de transport qu’au gestionnaire de réseaux de distribution. Il n’y aurait plus éventuellement qu’un commissaire du gouvernement avec voix consultative. Curieuse manière de préconiser un contrôle public strict sur des secteurs stratégiques !

La construction proposée dans le projet de loi pour pérenniser le service commun à EDF et à GDF le fragilise gravement. Vous excluez la distribution de la nationalisation de 1946. Outre la fin de la propriété publique, cela n’entraîne-t-il pas la fin du monopole sur le territoire de GDF ? Et cela ne prépare-t-il pas l’éclatement de la distribution en de multiples concessionnaires ?

La péréquation tarifaire nationale est abandonnée. Or si le fonds prévu par la loi n’a jamais fonctionné, c’est parce que GDF couvrait la quasi-totalité du réseau gaz et réglait la péréquation à son niveau.

N’est-il pas paradoxal qu’au moment où l’on parle de plusieurs opérateurs de distribution, ces alinéas de la loi de 1946 soient supprimés ? C’est bien un système analogue à celui de l’eau qui nous est proposé en filigrane et à terme par la loi : des concessionnaires choisis par appel d’offres et faisant des prix par concession. On connaît la suite.

Le service commun de distribution censé être l’exemple du maintien du service public par la loi devait être conservé en l’état en tant que service commun d’EDF et de GDF. Il deviendrait un service commun à deux filiales et non plus aux maisons mères. La privatisation de GDF et donc de fait du GRD gaz entraînerait que ce service soit commun à une entreprise publique et à une entreprise privée en concurrence.

La privatisation de Gaz de France, conjuguée à l’ouverture totale des marchés, entraînera donc de facto la fin des monopoles de concession conférés par la loi aux entreprises publiques et, par voie de conséquence, la remise en cause du principe d’égalité de traitement et de péréquation tarifaire au niveau national, faisant ainsi voler en éclat les fondements de base de l’organisation du système énergétique national.

Tel est l’objet de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits puisque la péréquation tarifaire, qui existe depuis 1946, n’est absolument pas remise en cause.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ça doit être l’heure de la sieste ! Le rapporteur n’a pas bien écouté ce qu’a dit Daniel Paul, qui a expliqué que vous étiez en train de hacher menu l’héritage de la Libération.

Vous prétendez que ces amendements sont satisfaits, mais vous ne l’avez pas démontré. Et vous avez fait ainsi la courte échelle à François Loos pour qu’il répète vos propos, le dispensant lui aussi de s’expliquer, comme si c’était une évidence. Or nous voulons vous obliger à expliquer aux Français les coups tordus que vous êtes en train de perpétrer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brard, tout se passait bien jusqu’à maintenant et le dialogue était constructif !

M. Jean-Pierre Brard. Que voulez-vous dire, monsieur Ollier ?

Mme la présidente. Monsieur Brard, personne ne fait la sieste ici ! Tout le monde écoute attentivement.

M. Patrick Ollier, président de la commission affaires économiques. Personne ne met en cause la bonne foi des autres !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne mets pas en cause votre bonne foi. Votre objectif est clair : c’est le démantèlement.

M. Patrick Ollier, président de la commission affaires économiques. Mais vous nous accusez de sortir de la sieste !

M. Jean-Pierre Brard. Vous démontrez que je m’étais trompé !

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous rappelle que nous travaillons efficacement depuis le début de la séance et que personne ici ne fait la sieste ici, et surtout pas le rapporteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est seize heures trente et M. Brard vient seulement d’arriver dans l’hémicycle !

M. Jacques Le Guen. Il faisait la sieste !

M. Jean-Pierre Brard. Mais je ne dors que d’un œil !

M. Jacques Le Guen. L’œil de Moscou ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je voulais seulement signaler que le rapporteur et le ministre n’avaient pas répondu comme il convient à M. Paul.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’ai évoqué tout à l’heure la disparité des solutions tarifaires qui nous sont proposées puisque cinq tarifs différents existent aujourd’hui. Nous sommes donc en droit de vous demander comment on est en mesure de garantir la péréquation tarifaire et sur quoi elle porte. Il est important d’apporter une réponse précise sur ce point.

Nous sommes très attachés à la notion de péréquation tarifaire : prix unique du timbre, prix égal de raccordement à l’électricité, prix égal de raccordement au téléphone. Si cela est une évidence pour tous nos concitoyens, la privatisation et la déréglementation sont en train de porter préjudice à cette péréquation tarifaire.

Monsieur le rapporteur, s’agissant de l’électricité, il serait utile que vous nous disiez dans quel domaine et sur quel objet porte précisément cette garantie de péréquation tarifaire qui permet d’avoir un seul tarif à l’échelle nationale. Nous sommes là au cœur de la problématique du service public de l’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. La péréquation, expression de la solidarité entre les citoyens et héritage politique de 1946, est mise à mal, c’est évident. Nous voyons bien ce qui se passe aux États-Unis où les tarifs varient du simple au double d’un État à l’autre. La solidarité doit valoir aussi entre les territoires. On doit payer le kilowattheure au même tarif que l’on habite dans un hameau éloigné de montagne ou au pied d’une centrale électrique. Après les élections de 2007 que vous espérer gagner, vous envisagerez probablement la privatisation de l’électricité, et c’en sera fini de la péréquation tarifaire.

La privatisation, c’est la fin de la solidarité entre les consommateurs d’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je veux répondre à M. François Brottes qui me demande sur quels éléments se fonde la péréquation des tarifs d’électricité au plan national.

Il faut distinguer trois segments.

Premièrement, pour l’acheminement par le réseau de transport et de distribution, le tarif est proposé par le régulateur et confirmé par arrêté du ministre. Le ministre est obligé de suivre la position du régulateur.

Deuxièmement, le tarif intégré qui comprend à la fois l’acheminement et la fourniture. Là aussi, il y a péréquation, quel que soit l’endroit où vous habitez, en Isère, en Normandie, dans les Landes ou en Corse.

Troisièmement, le contrat réservé aux clients ayant une puissance de moins de 36 kVA, élément nouveau qui a été introduit dans la loi de 2004 par un amendement que j’avais déposé avec Patrick Ollier. Un tarif national est appliqué aux professionnels ayant une puissance de moins de 36 kVA, tarif dit « tarif bleu ».

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, à qui je demanderai d’être bref, l’Assemblée étant bien informée.

M. François Brottes. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre réponse.

Je tenais à avoir ces éléments de réponse car j’avais eu connaissance d’amendements du groupe de l’UMP visant à faire en sorte que ceux qui se trouvent au plus près des centrales de production ne paient pas le même prix de transport que les autres. Une telle disposition aurait constitué un coup de canif à la péréquation du transport.

M. Patrick Ollier, président de la commission affaires économiques. Je précise que ces amendements sont été rejetés en commission.

M. François Brottes. Je prends donc note de ce que vous venez de dire.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36182 à 36203.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Madame la présidente, nous faisons en sorte que le débat se déroule dans de bonnes conditions, compréhensibles pour tous, tout en pointant bien les enjeux. Afin que notre travail se poursuivre sereinement jusqu’à dix-neuf heures trente, je vous demande une suspension de séance de quelques minutes.

Mme la présidente. La demande de suspension de séance est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 2

Mme la présidente. Nous abordons l’examen de l’article 2. Plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Elisabeth Guigou, premier orateur inscrit.

Mme Élisabeth Guigou. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après une semaine de débats, au moment où nous abordons l’examen de l’article 2 du projet de loi sur l’ouverture du marché du gaz, je constate que nous n’avons obtenu aucune vraie réponse aux questions de fond que pose la privatisation de Gaz de France. Je constate également que M. Sarkozy n’a pas daigné venir s’expliquer à l’Assemblée nationale sur la promesse qu’il avait faite ici même, en tant que ministre des finances, que la participation de l’Etat dans le capital de Gaz de France ne descendrait pas en dessous de 70%. Je constate enfin que nous ne savons rien, au moment où je parle, des exigences de la Commission européenne.

De fait, l’examen du texte, depuis plus d’une semaine, témoigne d’une grande incohérence. Pourquoi en effet se priver de la maîtrise d’une entreprise publique qui fonctionne bien ? Pourquoi saborder un groupe qui réalise des bénéfices comme jamais auparavant et qui permet le contrôle par l’Etat de l’amplitude des prix du gaz ? Pourquoi priver l’Etat de marges de manœuvre dans un secteur aussi sensible et qui est appelé à le devenir plus encore ? Pourquoi casser un système qui, je le répète, fonctionne ?

Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, en visite à Paris la semaine dernière, nous l’a dit sans détour : pourquoi la France, qui a un bon système, juste, à bas prix, efficace et fiable, expliquant sa remarquable réussite dans le secteur énergétique, le casse-t-elle ? Si la France connaît une telle réussite dans ce secteur, c’est précisément, selon l’analyse du prix Nobel lui-même, en raison de cet état d’esprit de service public qui attire les personnes qualifiées.

Du reste, pourquoi vous abritez-vous derrière les directives européennes alors que, chacun le sait, il y aurait eu mille et une autres façons de transposer ces directives ? Jamais, en effet, l’Europe n’a imposé la privatisation du capital. Ce qu’elle surveille, ce sont les monopoles. Or vous créez précisément, avec ce projet de loi, un monopole privé dont les contreparties seront lourdes car il faudra bien que le nouveau groupe se mette en conformité avec les exigences européennes. Comment pourrons-nous nous prononcer alors que nous n’avons pas connaissance de tous les éléments du dossier ? Je vous rappelle que nous n’avons toujours pas reçu communication de la lettre de griefs de la Commission européenne. C’est pourquoi nous nous interrogeons encore sur les « remèdes » – tel est le mot employé par Mme Neelie Kroes, commissaire européen à la concurrence, cette nuit même à New-York – qui seront exigés en contrepartie de la création du nouveau monopole privé Gaz de France-Suez.

Les propos de Mme Kroes ne laissent d’ailleurs pas d’inquiéter, puisqu’elle a encore déclaré cette nuit à New-York – je lis la dépêche de l’AFP :  « Nous avons ouvert une enquête approfondie, ce qui indique clairement que l’opération pose des problèmes de concurrence. Toutefois, cela n’indique pas nécessairement que la Commission prendra une décision finale négative. » C’est donc bien que la Commission envisage toutes les éventualités, y compris celle d’une décision négative.

Voilà le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi !

Je ne vois pas, du reste, pourquoi décider de la privatisation de Gaz de France et de sa fusion avec Suez alors même que nous ignorons encore si les actionnaires de Suez sont favorables à une telle fusion. Pourquoi ne pas avoir attendu au moins leur prise de position en décembre ? Pourquoi une telle précipitation alors qu’un sujet de cette ampleur mériterait un grand débat tranché par tout le pays, c’est-à-dire par l’ensemble de nos concitoyens ?

Je voudrais à présent revenir brièvement sur deux points très importants, dont le premier est plus particulièrement lié à l’article 2 : il s’agit de la hausse inéluctable des tarifs du gaz.

Ces dernières années, la facture énergétique des consommateurs s’est alourdie de plus de 200 euros par an, augmentant de 33% pour la seule année 2005. Je ne vois pas comment, tout en consacrant le désengagement de l’Etat et en acceptant que disparaisse le contrôle de la politique tarifaire, vous pouvez encore prétendre que la hausse des prix sera maîtrisée, d’autant plus que – ne l’oublions pas – la disparition de la TIPP flottante ne permet plus à aucun mécanisme institutionnel de compenser l’indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole.

Vous n’allez pas pouvoir, monsieur le ministre, tenir vos engagements sur le contrôle des tarifs du gaz. Que se passera-t-il lorsque le conseil d’administration du nouveau groupe Gaz de France-Suez décidera du niveau des prix du gaz ? La réponse paraît malheureusement assez claire : la privatisation de Gaz de France ne peut avoir pour conséquence qu’une augmentation des prix du gaz, puisque – vous nous l’avez vous-même souvent répété – les tarifs régulés sont nettement inférieurs aux prix du marché. Il faut donc s’attendre à ce que les actionnaires privés entrant dans le capital de Gaz de France tirent prétexte de cet argument pour réclamer de nouvelles hausses de tarifs. Ce sont eux qui profiteront en priorité de la fusion Gaz de France-Suez, tandis que les citoyens consommateurs auront, eux, tout à y perdre.

La hausse des tarifs, c’est certain, pénalisera les plus faibles, en particulier les familles démunies. Dois-je rappeler que de 2002 à 2003, 236 000 personnes sont passées en dessous du seuil de pauvreté et que ce sont 7 millions de nos concitoyens qui vivent avec moins de 700 euros par mois ? Ces familles pourront se voir massivement refuser l’accès au gaz devenu trop cher. N’oublions pas non plus la très probable détérioration du service rendu qui résultera de la privatisation de Gaz de France.

Mme la présidente. Je vous demande de bien vouloir conclure, madame la députée.

Mme Élisabeth Guigou. M. Breton, en dépit de toutes ces interrogations sur les prix, n’a reçu aucune association de consommateurs. Pourquoi, dans ces conditions, nous assurer que toutes les garanties ont été prises ? L’exemple d’EDF et de l’électricité n’a-t-il pas servi de leçon ?

Un dernier mot sur la politique énergétique – ou plutôt l’absence de politique énergétique. Monsieur le ministre, depuis 2002, vous avez multiplié les textes sur l’énergie à tel point que l’on se demande si vous ne découvrez pas à chaque fois la médiocrité de vos projets précédents. C’est la marque, en tout cas, d’un manque de vision à long terme. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Comment pourriez-vous envisager l’avenir de notre politique énergétique pour les vingt prochaines années puisque vous n’avez pas été capable de définir une ligne claire à laquelle vous tenir en cinq ans de mandat ?

La cacophonie générale de la majorité, et ce dans la durée, n’est pas à la hauteur de l’enjeu

Quelles seront les garanties sur la sécurité des approvisionnements ? Il n’en existe aucune contre une OPA hostile. Nous savons aussi qu’aucune initiative n’a été prise en faveur d’une politique européenne de l’énergie au moment où il faudrait justement resserrer les rangs européens pour négocier des accords avec les pays producteurs.

Mme la présidente. Je vous demande de conclure, madame Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Enfin, n’oublions pas nos liens particuliers avec l’Algérie, que nous serions fondés à resserrer.

La sagesse, monsieur le ministre, eût été de prendre le temps de mener un débat de fond pour définir un projet industriel français, une politique européenne de l’énergie, nouer des alliances avec les pays producteurs qui nous sont proches. Vous ne l’avez pas voulu : vous portez une lourde responsabilité, et nous saurons vous le rappeler.

M. Jean Gaubert. Très bien !

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Mon intervention se fonde sur l’article 58 alinéa 1 du règlement. Nous étions nombreux à être inscrits sur l’article 2, mais nous avons indiqué que seule Mme Guigou s’exprimerait pour le groupe socialiste. C’est pourquoi il me paraît logique qu’elle puisse bénéficier d’un temps de parole convenable. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. En effet, mais c’est une chose que j’ignorais, monsieur Brottes.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, inscrit sur l’article 2.

M. Michel Vaxès. Conformément au processus entériné par les directives communautaires, vous vous attachez, monsieur le ministre, à poursuivre l’ouverture à la concurrence du marché gazier en l’étendant à la fourniture de tous les clients, professionnels comme domestiques. Vous prenez toutefois quelques précautions pour ne pas heurter l’opinion publique. Le maintien – mais pour combien de temps ? – des tarifs régulés vous sert de prétexte pour faire passer auprès des consommateurs-électeurs l’amère pilule de l’ouverture à la concurrence du secteur gazier. Comment mieux montrer que le marché n’a pas su faire ses preuves que d’indiquer que même sur les bancs de votre majorité, pourtant acquise à ce grand principe, tout le monde n’est pas persuadé – et c’est un doux euphémisme – des bénéfices que pourraient tirer les particuliers du libre choix de leur fournisseur de gaz naturel ?

En effet, de quelle liberté s’agit-il ? La liberté de subir la constante hausse des prix, caractéristique de la volatilité du marché spot, ou alors la liberté de subir les conséquences de la déstabilisation du secteur dès le stade de la production, qu’encourage le moindre recours aux contrats de long terme ? Quel bénéfice ont donc tiré de cette liberté les clients déjà éligibles depuis 2000 ou 2004 ? Il reste difficile de le savoir car la transparence ne règne pas beaucoup, pas du tout même, au sein des entreprises qui ont capté des parts de marché gazier en France. Le conseil d’administration de GDF – qui propose à ses clients à la fois le tarif réglementé et les prix du marché – ne livre aucune information sur le différentiel de prix.

On comprend dès lors que vous ayez voulu sauver les meubles en ne poursuivant pas complètement l’ouverture du marché gazier à la concurrence. Ainsi, vous montez un mécanisme bancal qui ouvre le marché à la concurrence tout en maintenant des tarifs réglementés. Toutefois, vous ne donnez aucune indication sur ces derniers. L’évolution de la conjoncture de ces derniers mois nous laisse pourtant craindre que le maintien du tarif aux conditions que vous prévoyez ne présentera pas une garantie réelle de protection des consommateurs. Je rappelle en effet que les prix avaient augmenté de 4 % au 1er novembre 2004, de 4 % également au 1er juillet 2005 et de 12 % au 1er novembre 2005. De plus, nous dit-on, des renégociations ont été menées tous les trois mois depuis le 1er janvier 2006 pour répercuter sur les prix les coûts d’approvisionnement. M. Sarkozy lui-même avait accepté une hausse de 14 % de juillet 2005 à avril 2006. Cela signifie que sur dix-huit mois, la hausse est de 30 % ! Que sont donc censés garantir aux usagers les tarifs réglementés ?

Nous l’avons dit à l’occasion de la discussion sur l’article 1er : nous exigeons que la loi fixe les règles de transparence nécessaires à la fixation des prix. Nous ferons des propositions à ce sujet. Un tarif administré n’est pas en soi une garantie s’il n’est pas transparent et explicitement fondé sur les coûts.

Le texte n’offre pas non plus de garantie sur la durée du maintien des tarifs. Dans le domaine gazier, les contrats à long terme doivent permettre de maintenir des tarifs réguliers. Or les derniers mois ont montré que, dans un système opaque, il est facile d’augmenter rapidement les tarifs administrés pour tendre vers ceux du marché. C’était d’ailleurs plus ou moins clairement prévu dans le contrat de Gaz de France, et c’est aussi ce que ferait la CRE si elle en avait le pouvoir – pouvoir que lui propose d’ailleurs la commission Durieux.

Les pouvoirs publics et GDF ont tenté d’imputer ces hausses au prix du baril du brut. On ne peut certes pas nier l’importance de la hausse des coûts des matières premières, mais la fixation des prix dans le cadre des contrats de long terme ainsi que l’augmentation flagrante des dividendes versés aux actionnaires montrent à l’évidence que l’équation selon laquelle une hausse de la matière première entraîne l’augmentation des prix pour le consommateur est pour le moins simpliste – je devrais dire fallacieuse. Je rappelle en effet que pour GDF l’année 2005 a représenté une hausse de profits sans précédent, les dividendes s’étant accrus de 48 % par rapport à 2004.

Autant dire qu’il nous est difficile de nous satisfaire de ce maintien des tarifs réglementés sans autre garantie car vous avez mis le ver dans le fruit, ce que vous refusez d’admettre, et vous attendez simplement qu’il prospère.

Comment comptez-vous sauvegarder l’intérêt général sans remettre en cause l’ouverture du secteur gazier à la concurrence, donc aux capitaux privés ? Je pose la question, et nous attendons vos réponses.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que, malgré les aménagements stratégiques prévus par ce texte, vous ne nous proposez rien d’autre que de faire passer le rouleau compresseur libéral sur l’ensemble du secteur gazier. Les prix augmenteront. Quant au recours au marché spot, il fragilise les contrats de long terme, qui assurent pourtant une sécurité d’approvisionnement et une sécurité de l’amont de la filière, ainsi qu’une certaine stabilité des prix. Il est donc inutile de chercher à faire croire aux consommateurs qu’ils ne seront pas lésés par ce processus. Hélas ! ils le seront, et à des degrés qu’ils ne soupçonnent probablement pas à ce jour.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Après avoir annoncé que les consommateurs seraient les grands bénéficiaires de l’ouverture du marché et de sa déconcentration, le Gouvernement joue aujourd’hui la carte inverse, soutenant que seule la concentration du secteur et la constitution de grands groupes en situation oligopolistique, pour reprendre un terme un peu complexe, seront en mesure de garantir une modération des prix.

L’argument consiste à expliquer que ces grands groupes seraient davantage en capacité de « peser » sur les fournisseurs et donc sur les prix. Outre que cet argument pourrait militer en faveur d’un rapprochement entre EDF et GDF – ce que vous feignez de ne pas entendre en y opposant des motifs qui ne nous convainquent pas –, on doit rappeler que l’une des caractéristiques de l’industrie du gaz implique que l’éloignement entre les centres de production et les zones de consommation génère des coûts de transport et de stockage très élevés. La faiblesse du prix du gaz à la tête du puits doit donc être compensée par la vente de volumes très importants.

Dès lors, le contrat signé entre un producteur et un acheteur permet au premier de diminuer ce risque et au second de s’assurer de ses approvisionnements. C’est ainsi que sont nés les contrats dits de long terme – jusqu’à vingt-cinq ans –, indexés sur une énergie pourtant concurrente, le pétrole. L’Europe est actuellement largement liée à ces contrats de long terme négociés par les États, le marché d’ajustement, dit marché spot, demeurant embryonnaire. À la faveur de la libéralisation progressive du secteur, il est cependant à craindre que ne se développe un marché beaucoup plus volatil – le recours concurrentiel au marché spot étant par exemple de plus en plus fréquent au détriment des marchés de long terme –, assorti d’un risque de fortes hausses des prix.

En tout état de cause, nous pouvons nous demander dans quelle mesure la constitution d’un groupe de taille mondiale constituerait un vrai avantage pour renégocier ces contrats en faveur des consommateurs. À l’évidence, nous ne nous orientons pas aujourd’hui vers l’optimisation des tarifs par les calculs économiques à long terme, et, pour le gaz, par des contrats à long terme conclus avec les pays producteurs, seule option qui offrirait une bonne garantie.

On peut par ailleurs douter de la viabilité du système proposé en raison du faux-semblant qui le caractérise. Comment peut-on prétendre concilier ouverture à la concurrence et réglementation tarifaire ? Que dira la Commission européenne ? Quel sens a cette construction dans un contexte de dérégulation croissante du secteur et de promotion de principes de gestion à court terme qui ne sont pas sans conséquences sur les prix ?

De fait, on l’a déjà dit, nombreux sont ceux qui réclament la disparition des tarifs réglementés, à commencer par l’Association française du gaz, dirigée par GDF. C’est une revendication à laquelle l’Union européenne, la Commission de régulation de l’énergie et même certains membres de votre majorité prêtent une oreille attentive. Face à ces attaques incessantes et aux pressions qui ne manqueront pas de s’exercer au cours du temps, les protestations du Gouvernement apparaissent bien faibles.

Mme la présidente. Nous abordons maintenant l’examen des amendements à l’article 2.

Je suis saisie d’une série d’amendements identiques n°s36204 à 36225.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Nous avons déjà expliqué, à l’occasion de la discussion sur l’article 1er, que, selon nous, l’ouverture à la concurrence pour les particuliers ne saurait intervenir sans un bilan préalable de l’ouverture à la concurrence pour les professionnels et de la libéralisation du secteur de l’énergie.

La logique de libéralisation s’accompagne d’un discours mensonger que l’on peut résumer de la sorte : « Croyez-nous, bonnes gens, les tarifs vont baisser ! » Ainsi, GDF s’est engagé dans une campagne publicitaire, que l’on peut qualifier de mensongère, affirmant que l’entreprise garantira à l’avenir l’énergie la moins chère possible. Or nous savons très bien que le projet de fusion GDF-Suez, corollaire de la privatisation de GDF et de l’ouverture du marché, sera le vecteur d’une accélération de la hausse des prix.

Les Français doivent savoir deux ou trois choses à cet égard.

D’abord, l’entreprise GDF a toujours réclamé publiquement des hausses supérieures aux avis de la CRE, et très supérieures aux autorisations gouvernementales.

Ensuite, GDF n’a pas accepté les relatives modérations des tarifs imposées par l’État : son président a même affirmé sa volonté d’intenter un recours juridique contre l’État pour obtenir un rattrapage tarifaire.

Nous sommes donc très loin de « l’énergie la moins chère possible », comme vous le prétendez.

Enfin, GDF milite activement en faveur de la suppression des tarifs réglementés, laquelle laisserait les clients face au marché. Des consignes ont déjà été données à ses commerciaux pour bloquer les demandes des clients qui peuvent bénéficier des tarifs régulés pour leur nouveau contrat, comme cela, d’ailleurs, est prévu par la loi.

Cessez donc de nous dire, monsieur le rapporteur, que fort heureusement, dans votre grande sagesse, vous entendez, avec ce texte, protéger les consommateurs contre les appétits du futur opérateur privé. Et si toutefois c’était vrai, ce le serait pour combien de temps ?

Vous savez fort bien que la privatisation de l’entreprise réduira considérablement les moyens d’action de l’État sur la régulation des tarifs. Vos mesures ne sont que transitoires, et Bruxelles a déjà fait savoir que rien dans la législation ne permet de penser que des tarifs administrés pourront perdurer de façon générale après l’ouverture du marché, si ce n’est pour les clients les plus vulnérables. Or ces derniers ne représentent pas grand-chose et la grande masse de nos concitoyens subira les conséquences directes de la dérégulation. C’est pourquoi vous refusez de définir précisément le champ des bénéficiaires de la tarification sociale.

Alors, cessez de mentir et de prendre les Français pour des imbéciles !

Mme Claude Greff. Nous ne les prenons pas pour des imbéciles !

Mme Muguette Jacquaint. Dites tout haut ce que vous pensez tout bas : qu’importent les tarifs du gaz si les actionnaires y trouvent leur compte.

Mme Claude Greff. C’est faux !

Mme Muguette Jacquaint. Ce sont avant tout les actionnaires qui vous préoccupent. Car c’est cela, le libre marché, madame, que cela vous plaise ou non ! Et c’est toute la philosophie de ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements qui sont en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous ne sommes pas vraiment étonnés que le Gouvernement et la commission émettent un avis défavorable sur ces amendements. Pour autant, ils méritent d’être examinés avec plus d’attention.

Nous n’allons pas relire les conclusions de Barcelone. Comme nous venons de passer la semaine ensemble, chacun doit s’en souvenir ! Si nous étions au début de la semaine prochaine, nous la relirions pour repartir sur de bonnes bases, mais aujourd’hui, nous vous en faisons grâce ! Il avait été décidé à Barcelone de faire le point avant d’aller plus loin dans l’ouverture du marché. Quant à l’article 2, il permet de transposer la directive de 2003 – au moins, vous ne pouvez pas dire que c’est nous qui étions au pouvoir à l’époque ; nous n’y étions plus, malheureusement…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Heureusement !

M. Jean Gaubert. Malheureusement pour nombre de nos concitoyens !

En réalité, le débat porte sur l’augmentation des prix, et nous tentons de trouver une solution pour permettre aux consommateurs de rester au tarif administré. Et l’on a le fort sentiment que, dans votre esprit, la réponse est toute trouvée : ne vous embêtez pas à partir sur le marché libre, où vous risquez de vous faire gruger, parce que de toute façon vous allez rapidement vous faire avoir en temps et en heure par le tarif administré ! Car telle est bien la réalité. Je ne vous ai pas entendus, monsieur le ministre, ni vous, monsieur le rapporteur, contester que le tarif administré se rapprochera rapidement du prix de marché. C’est à cette question précisément que nous vous demandons de répondre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Que de catastrophes annoncées ! Si vous pensez vraiment que, demain, le tarif réglementé va exploser, qu’il ne sera de toute façon pas maintenu et que le démarchage commercial sera tel que tout le monde passera du tarif réglementé à un tarif beaucoup plus élevé, je comprends votre attitude !

M. Jean Gaubert. C’est vous qui nous incitez à imaginer cela !

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous voulons faire en sorte que les consommateurs puissent continuer à bénéficier des tarifs réglementés. C’est le texte exact de l’article 2. Si nous ne légiférons pas sur les tarifs réglementés, ils disparaîtront. L’article 2, qui tend à garantir leur maintien, est donc indispensable, et c’est aller contre l’intérêt des consommateurs que de demander sa suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Votre réponse, monsieur le ministre, explique le nombre d’amendements que nous avons déposés avant l’article1er.

Il y a un piège : vous nous proposez un article contenant une petite phrase magique qui vise à maintenir le tarif réglementé. Il semble difficile de s’y opposer, à moins d’être en mesure d’expliquer pourquoi cette disposition, dès lors qu’elle est liée à d’autres mesures, ne résout rien. Certes, nous pouvons sembler ne rien comprendre, ce qu’essaient de démontrer tantôt le ministre, tantôt le rapporteur.

M. le ministre délégué et M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Bien sûr que non !

M. François Brottes. C’est de bonne guerre ! Et si l’on interroge M. le ministre sur cette mesure, il répondra qu’elle est très importante pour les consommateurs parce qu’elle leur permet de conserver le tarif réglementé.

M. le ministre délégué à l’industrie. Absolument !

M. François Brottes. Il nous reprochera de ne pas en avoir compris l’intérêt et de ne pas l’avoir votée. Aussi, pour prévenir cette éventualité, je tiens à expliquer notre position.

D’abord, le Gouvernement a inventé cinq types de tarifs, dont on ignore d’ailleurs s’ils sont eurocompatibles. Cela étant, vous prenez vos responsabilités, et nous ne vous en faisons pas le reproche, mais nous voudrions connaître l’avis de la Commission sur ce point. Il suffit de penser à la TVA sur la restauration pour avoir une légère idée du sort qui peut être réservé à des dispositions qui ne sont pas approuvées par Bruxelles !

Coexisteront donc tarifs réglementés, de gros – nous avons déjà évoqué le groupement d’achat –, de détail, tarif social et tarif de retour. C’est dire la difficulté pour le consommateur de s’y retrouver !

En outre, comme M. Gaubert vient de le réaffirmer, ce tarif réglementé ne peut qu’augmenter pour le gaz parce qu’il faudra distribuer plus de dividendes aux actionnaires de l’entreprise fusionnée avec Suez. Et dès lors que la production ou la distribution de gaz coûtera plus cher, le tarif réglementé augmentera. Il faudra bien prendre cet argent quelque part, et ce sera, naturellement, dans la poche du consommateur !

Quant à EDF, vous lui demandez d’assumer la baisse des prix pour les industriels : c’est elle qui remboursera la différence. Ce sera le « Darty de l’énergie » ! EDF fera donc valoir au régulateur l’augmentation de ses coûts de production et préconisera une augmentation du tarif administré – que vous déciderez, monsieur le ministre. C’est mécanique. Ce n’est donc pas le maintien des tarifs réglementés que nous contestons, mais leur maintien dans ces conditions.

M. Jean Gaubert. C’est de la poudre aux yeux !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36204 à 36225.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 36226 à 36247.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je tiens à dire, monsieur le ministre, à quel point je trouve fallacieuse la présentation de vos mesures sociales. De toute évidence, c’est à cause de la proximité des élections, et peut-être aussi pour tenter de recueillir le soutien de l’ensemble de la majorité parlementaire, que le texte proposé prévoit le maintien des tarifs réglementés pour les clients qui choisiront de ne pas exercer leur éligibilité et décideront en conséquence de ne pas avoir recours à la concurrence ou aux nouvelles offres, hors tarifs réglementés, que proposera l’opérateur historique.

Votre texte ne prévoit en effet aucune garantie en matière d’évolution des prix. C’est une lacune préoccupante au regard de l’évolution récente du prix du gaz dont le tarif réglementé n’a guère permis d’endiguer la progression de 30 % en dix-huit mois. Je le répète, la responsabilité du prix du pétrole dans cette hausse est bien mince, lorsque le président de GDF, déclaration après déclaration, répète que, quoi qu’il arrive, il assurera une hausse conséquente des profits et des dividendes pour les actionnaires. Et c’est d’ailleurs ce qui se passe. C’est tout de même curieux, cette histoire de coût du pétrole qui fait augmenter à la fois les tarifs pour les consommateurs et les dividendes des actionnaires. Ces derniers peuvent remercier le pétrole pour cette faculté de pénaliser les uns et d’enrichir les autres !

Le maintien des tarifs réglementés est une disposition en trompe-l’œil. D’une part, en effet, le consommateur qui décidera d’exercer son éligibilité à faire jouer la concurrence ne pourra pas par la suite revenir aux tarifs réglementés. La loi pose en effet un principe d’irréversibilité. Quel libéralisme que celui qui enferme dans un carcan !

D’autre part, le maintien des tarifs réglementés n’offre pas à lui seul une garantie suffisante de stabilité et de modération des prix pour différents motifs : aucun dispositif n’est prévu pour assurer la transparence de ces tarifs et juger de leur véritable impact sur les coûts – nucléaire en électricité et contrats à long terme pour le gaz – au risque que ces tarifs ne dérapent rapidement pour s’aligner sur les prix du marché, perspective que les dirigeants et les actionnaires de GDF ne verraient pas d’un mauvais œil !

C’est pourquoi nos amendements proposent la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Également défavorable.

Je relève simplement une phrase de M. Sandrier. Selon lui, si nous faisons quelque chose de bien, c’est à cause de la proximité des élections.

M. Jean-Claude Sandrier. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’industrie. J’en conclus donc que ce que nous faisons est bien, et je le remercie de ce soutien indirect !

M. Jean-Claude Sandrier. Je suis désolé de vous décevoir, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas écouté le reste de la phrase !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36226 à 36247.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-deux amendements identiques, nos 36248 à 36269.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Il s’agit toujours de dénoncer les conséquences de votre projet, et en particulier le risque d’augmentation du prix du gaz. À ce propos, laissez-moi vous donner lecture de la réponse faite par notre collègue Dominique Paillé à l’hebdomadaire La vie financière qui lui demandait si, selon lui, les tarifs s’envoleraient après la fusion GDF-Suez. Ses propos sont éclairants. Non seulement il explique que ce sera le cas, mais il ajoute : « Le contrat de GDF avec l’État prévoit que ce premier répercute la hausse des prix du gaz à la production sur les consommateurs. Actuellement, le Gouvernement a abusé de sa position dans le capital pour passer outre et limiter la hausse des prix aux consommateurs. Toutefois, dans un groupe Suez-GDF où l’État ne détiendra plus la majorité, le ministre de l’économie n’aura plus de pouvoir effectif sur les tarifs. Il devra tenir compte des prix qui lui sont imposés par le marché, sauf à contraindre les opérateurs de vendre à perte. C’est inacceptable pour les actionnaires privés du nouvel ensemble. Sauf si le prix du pétrole [donc le prix du gaz, qui lui est lié] baissait, la hausse du gaz semble par conséquent inéluctable. »

Ces propos, mes chers collègues, révèlent la vérité que vous cachez. Ils justifient pleinement notre point de vue : l’ouverture du marché, couplée à la privatisation de GDF, signe la perte de toute maîtrise publique sur la fixation des prix. Pourquoi vous acharnez-vous à prétendre le contraire ? Certes, on comprend que vous cherchiez à rassurer à la veille d’échéances électorales importantes. En cette période où des augmentations de toutes sortes viennent grever le budget des familles – je présenterai d’ailleurs un amendement sur ce sujet –, vous prétendez que ce texte restera sans conséquence sur le pouvoir d’achat et prévoyez même des dispositions visant à lui donner un vernis social.

M. François Brottes. Elles ne sont que cosmétiques !

Mme Muguette Jacquaint. L’objectif de ces amendements est donc de supprimer les dispositions de l’article 2 du projet de loi qui transposent la directive européenne organisant l’ouverture du marché.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36248 à 36269.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie des amendements n°s 36270 à 36731.

La parole est à M. Daniel Paul.

Défendez-vous l’ensemble des 462 amendements, monsieur Paul ?

M. Daniel Paul. Certainement, d’autant que nous en avons déjà parlé hier soir.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. On va gagner du temps, alors !

M. Daniel Paul. Oui, mais l’importance de ces amendements est telle que je souhaite en rappeler rapidement le contenu.

Il s’agit d’exclure certains établissements publics de la liste des consommateurs finals – une expression que je n’aime guère…

M. Jacques Le Guen. Elle évoque pourtant la lutte finale !

M. Daniel Paul. …et à laquelle, par souci esthétique, je préférerais celle de « consommateurs finaux ». L’objectif est de faire bénéficier du tarif administré les établissements publics et ceux qui accueillent du public, les établissements d’activités culturelles, les établissements publics hospitaliers, les établissements et les centres de santé, ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes, des personnes âgées, des personnes dépendantes, les maisons de retraite, les établissements pénitentiaires, ceux accueillant de jeunes enfants, les centres de PMI, les établissements scolaires, les crèches, les haltes-garderies, ainsi que tous les établissements qui relèvent des budgets d’aide sociale, ou de la sécurité sociale elle-même, et où se joue la solidarité nationale. Aucun ne doit être contraint d’entrer dans le jeu du marché.

J’ai déjà cité le – mauvais – exemple de l’hôpital de Besançon, qui s’est lancé en 2002 dans l’aventure de la dérégulation. Certes, il y a gagné pendant un au ou deux, le temps d’être suffisamment accroché. M. le ministre disait tout à l’heure que les choses ne se passaient pas ainsi, mais c’est pourtant le cas. Je connais un peu la Grande-Bretagne, et lorsque je m’y rends, je peux constater les pratiques des différents marchands d’électricité : ils démarchent à tout va, proposent des contrats mirifiques, promettent des prestations toujours moins chères. Mais finalement, lorsque l’usager, ferré, est devenu client, non seulement les prix augmentent dans de grandes proportions, mais il lui est difficile de se retirer. C’est ce que nous ne refusons, en particulier s’agissant des hôpitaux, dont les budgets, souvent très contraints, n’ont pas vocation à nourrir les dividendes de quelques actionnaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis, pour des raisons déjà expliquées hier.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36270 à 36731.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie des amendements n°s 85990 à 88079.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ils sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 85990 à 88079.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-deux amendements identiques, nos 36732 à 36753.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ce sont des amendements rédactionnels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis favorable à titre personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36732 à 36753.

(Ces amendements sont adoptés.)

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Nous venons de découvrir la teneur des amendements qui viennent d’être adoptés, ce qui n’est pas de très bonne pratique…

Mme la présidente. J’en conviens, mais comme ils sont d’ordre rédactionnel et que la commission et le Gouvernement se sont déclarés favorables à leur adoption, je ne pense pas qu’il y ait matière à remettre ce vote en cause. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Je ne regrette pas de les avoir votés, madame la présidente. Mais ils sont une preuve supplémentaire que, dans la précipitation, le Gouvernement a improvisé des dispositions purement cosmétiques destinées à rendre plus présentable la privatisation de Gaz de France. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, si je juge qu’un article dont les conditions d’application doivent être définies « le cas échéant » par un décret ne peut qu’avoir été rédigé à la va-vite.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je n’ai jamais prétendu à la perfection, monsieur Brottes. Je ne peux que m’incliner : il s’agissait d’une erreur rédactionnelle.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 88529.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Amendement de simplification.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il est tard, je le sais. En outre, on a parfois reproché au rapporteur de s’exprimer trop longtemps. Mais lorsque l’on supprime, sous prétexte de simplification, la moitié d’un article pour la renvoyer ailleurs, cela mérite une explication.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cette critique n’est pas fondée : je me suis déjà expliqué sur ce point hier et je pensais que vous en auriez le souvenir. Il s’agit de rassembler à l’article 4 toutes les dispositions relatives à l’accès aux tarifs réglementés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88529.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 36754 à 36819 tombent.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la présidente, il faut souligner les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent.

Comme nous l’avons indiqué, nous avons déposé de nombreux amendements portant articles additionnels parce que nous savions que toutes les techniques seraient utilisées pour faire tomber les amendements déposés sur les articles. Nous en avons ici un bon exemple.

Mme la présidente. J’en viens aux amendements identiques n°s 36820 à 36841.

La parole est à M. Daniel Paul, pour les soutenir.

M. Daniel Paul. Ces amendements sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36820 à 36841.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 88530.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88530.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. À la demande de la commission, les amendements n°s 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863 et 36864 à 38051 sont réservés jusqu’après l’examen de l’amendement n° 137638 de la commission après l’article 2.

Le vote sur l’article 2 est donc réservé.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 2

Mme la présidente. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 2.

Je suis saisie d’un amendement n° 137574 rectifié.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF présentera une série d’amendements relatifs au régulateur.

Nous sommes quelque peu surpris – c’est effectivement essentiel –, que ce texte, qui transpose une directive européenne, ne comporte pas un article posant avec force et audace le problème du régulateur. Nous aurions, en effet, souhaité qu’un article intitulé « Des pouvoirs du régulateur » figure dans ce projet, à l’image de la directive européenne et que l’on puisse de ce fait en débattre.

L’UDF souhaite un régulateur fort. Aujourd’hui, ce pouvoir de régulation ne peut pas être exercé par l’État. Il serait particulièrement nocif de confondre les pouvoirs de l’État actionnaire, qui possède 87 % du capital d’EDF et 80 % de celui de GDF, et ceux du régulateur.

Par ce premier amendement, nous souhaitons mettre un terme à certaines petites conduites vexatoires. Je ne me mets pas en cause l’actuel ministre qui est peut-être le plus pro-européen que l’on ait eu depuis longtemps. Mais mes quatre ans d’expérience m’ont permis de constater que, lorsque la Commission de régulation de l’énergie transmettait des avis, il arrivait que le ministre ne leur donne aucune suite. De ce fait, ces avis restaient lettre morte et n’existaient donc pour personne.

Cet amendement précise que les propositions et avis de la CRE doivent, bien entendu, être motivés et transmis aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie qui ont deux mois pour les publier. S’ils ne le font pas dans ce délai, la CRE peut elle-même procéder à leur publication. Cela va dans le sens d’une plus grande transparence à laquelle chacun ne peut trouver que des avantages.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, la commission de régulation de l’énergie fait des propositions et donne des avis au ministre. C’est le ministre qui décide de donner ou non une suite à ces avis, il n’est pas obligé de les suivre.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On ne voit pas comment, dans ces conditions, on rendrait public un simple avis avant la décision du ministre. L’avis est transmis, le ministre prend ensuite sa décision. L’amendement n’a donc pas été retenu par la commission.

J’ajoute que plusieurs membres de la commission ont protesté contre l’initiative prise récemment par la commission de régulation de l’énergie de rendre public l’avis avant même qu’il soit transmis au ministre. C’est en raison de cet incident que l’avis de la commission n’est pas seulement défavorable, mais très défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

La publication des avis de la CRE risque de semer une grande confusion. Un ministre a le droit de refuser un avis. Certains avis risquent d’être publiés pour exercer une sorte de pression. Bref, je préfère que l’on en reste à la situation actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L’amendement, bien sûr, respecte le droit du ministre de suivre ou non l’avis de la CRE et lui laisse un délai de deux mois pour le publier. Si, au bout de deux mois, il ne veut pas répondre, un régulateur indépendant doit rendre compte de manière transparente aux différents acteurs du marché. Il faut une dissociation entre le pouvoir ministériel, en l’occurrence le pouvoir de décision, personne ne le conteste, et un pouvoir de régulation et d’analyse. De tels avis doivent être publics.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. C’est un sujet extrêmement délicat. Quels sont le pouvoir et la légitimité d’une instance comme le régulateur ? C’est au cœur des questions que nous avons effectivement à nous poser.

Il me semble que nous faisons la loi dans le souci de l’intérêt général, en tenant compte à la fois de l’économie de ce pays, de l’emploi, mais aussi du pouvoir d’achat des ménages ou de la desserte du territoire. Nous avons donc toute une série de contraintes. Normalement, le gouvernement, quel qu’il soit d’ailleurs, doit être porteur de l’ensemble de cette problématique, avec des préoccupations transversales.

Un régulateur, jusqu’à aujourd’hui, a une préoccupation, pour ne pas dire une obsession, mais il est payé pour ça, c’est de favoriser l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Il ne s’agit pas seulement de la CRE, ça a été la même chose pour l’ART au début. Les régulateurs ne doivent pas pouvoir prendre le pouvoir politique en otage en faisant pression sur lui en publiant régulièrement des avis – je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’on puisse en faire le reproche à la CRE, je l’ai vu plutôt formuler dans cet hémicycle à l’égard de l’ART en son temps, parce que chaque sage avait un avis sur le sujet et était très bavard.

Un régulateur, c’est une instance qui doit donner un avis d’expert sur le dossier, faire des préconisations et des observations au ministre, sans pour autant jouer un rôle public au service de tel ou tel intérêt privé. Certaines déclarations pourraient avantager par exemple Poweo par rapport à EDF. On voit bien qu’il pourrait y avoir une prise d’otage, et c’est très dommageable. Ce n’est pas du tout moral. Il faut donc faire preuve d’une extrême prudence. Jouer ce rôle, ce n’est pas sa mission.

Ce qui est évident, je l’ai déjà souligné dans le débat et nous l’affirmons avec force, c’est que, jusqu’à présent, le régulateur ne s’est pas beaucoup préoccupé du consommateur, et c’est vrai que c’est une difficulté.

Je dirai pour terminer que j’ai été très choqué par des décisions du conseil de la concurrence concernant le secteur des télécoms à l’époque où j’étais rapporteur du budget de la Poste et des télécommunications et où je suivais ces questions. Il y avait des discussions sur les investissements que devaient réaliser en infrastructures l’ensemble des opérateurs. Il fallait, en effet, investir pour avoir une licence, ce qui est plutôt vertueux. Cela évite, ce que j’ai critiqué pour l’énergie, l’apparition de coucous, certains utilisant les infrastructures des autres pour se faire un peu de fric au passage et ayant éventuellement un autre métier le lendemain. Le conseil de la concurrence a statué un peu plus tard sur des ententes préalables.

J’ai beaucoup simplifié, mais on voit bien que les régulateurs, parfois, surtout quand les marchés sont en phase de début d’ouverture, peuvent être mis à contribution dans un jeu de rôle qui n’est sûrement pas le leur. Il faut donc en tout état de cause légiférer avec prudence sur la publication de leurs avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Je ne saurais adhérer à la conception que nous propose M. Dionis du Séjour. Il se dit libéral mais je ne vois pas ce qu’il y a de libéral à vouloir un régulateur fort, indépendant, qui fonctionne en toute transparence. Cela aboutit à dépouiller le politique du pouvoir, pour le donner, dans les faits, à un haut fonctionnaire. M. Syrota ou M. de Ladoucette ne sont pas des gens élus par le peuple, ce sont des hauts fonctionnaires. Ils seraient indépendants, mais indépendants de quoi ? Nous sommes dans une démocratie, le pouvoir politique est choisi. Nous avons un gouvernement, qui n’est pas celui que je veux, mais que je respecte parce qu’il a été voulu par le peuple. Le régulateur est utile mais il ne faut pas lui donner des pouvoirs illimités.

Moi, je ne suis pas d’accord avec cette conception à l’anglo-saxonne, à l’américaine, qui voudrait que l’on multiplie les hautes autorités indépendantes du pouvoir politique. Il y a un pouvoir politique. Il faut un régulateur à côté, c’est vrai, mais, en dernier ressort, la parole doit rester au Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 137574 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en arrivons à l’amendement n° 137638 de la commission, assorti de deux sous-amendements, n°s 137646 et 137647, que nous allons discuter avec les amendements à l’article 2 précédemment réservés, n°s 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863, 36864 à 38051.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 137638.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous en arrivons à une série d’amendements qui concernent le régulateur, donc la commission de régulation de l’énergie. J’ai moi-même déposé devant la commission un amendement qui a été approuvé. Il fait l’objet de deux sous-amendements présentés par notre président, Patrick Ollier.

C’est un sujet sur lequel nous avons longuement débattu en commission. Vous savez que les directives imposent la création d’autorités de régulation indépendantes des secteurs concernés. Je veux en préalable insister sur ce point car il est fondamental pour la bonne compréhension de l’initiative que nous avons prise, elles doivent être indépendantes des entreprises du secteur, pas des autorités politiques ni, a fortiori, irresponsables à leur égard. Une note d’interprétation précise même que l’autorité peut ne pas être distincte des structures gouvernementales ou que ces tâches peuvent être confiées à des collectivités locales.

Dans le cas de la France, et compte tenu des intérêts de l’État actionnaire, il était apparu à juste titre préférable de créer une autorité de régulation distincte des ministères. C’est le texte de la loi de 2000. Nous avons donc à l’époque utilisé, comme on l’a fait pour d’autres autorités de régulation comparables, la formule juridique de l’autorité administrative indépendante.

Pourquoi a-t-on à l’origine créé des autorités administratives indépendantes dans notre droit ? Parce que l’on souhaitait dépolitiser certaines activités. L’objectif, qui a été atteint avec plus ou moins de bonheur, était de rendre non partisane la gestion de certaines libertés publiques telles que la liberté de communication, avec par exemple le CSA, ou le droit à la protection des données personnelles, avec la CNIL. Historiquement, et j’insiste sur ce point, l’autorité administrative indépendante est en réalité une autorité créée pour être indépendante du pouvoir politique, ce qui n’est pas, je le répète, l’exigence des directives s’agissant de la commission de régulation de l’énergie.

M. Alain Gest. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le choix de couler les autorités de régulation économique prévues par les directives dans le modèle français de l’autorité administrative indépendante, choix qui a donc été fait dans la loi de 2000 et qui était parfaitement naturel, a donc d’emblée posé le problème de leur relation avec les autorités politiques ainsi que le problème de leur légitimité.

Je pense que nous serons en effet tous d’accord pour dire que, dans une démocratie, la légitimité doit émaner du peuple et que, s’il peut être nécessaire, dans l’intérêt même du fonctionnement de la démocratie, que certaines activités échappent aux autorités élues, rien ne le justifie politiquement s’agissant de la régulation d’activités économiques.

M. Christian Bataille. Tout à fait ! Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je sais que le président Patrick Ollier, qui l’a d’ailleurs rappelé avec vigueur en commission, comme de très nombreux collègues sont particulièrement attachés à ce primat du politique, c’est-à-dire du peuple, et je partage bien évidemment leur conviction.

J’ajoute d’ailleurs que le risque est grand de confondre indépendance et irresponsabilité et que la commission de régulation de l’énergie n’est pas toujours restée strictement dans son rôle. Ainsi, et Christian Bataille s’en souviendra, quand la loi de 2000 a interdit l’activité de négoce, il n’appartenait pas à la commission de régulation de l’énergie de critiquer cette disposition.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. De même, plus récemment, et je l’ai dit tout à l’heure, je n’estime pas que la commission de régulation de l’énergie était dans son rôle en jugeant nécessaire la suppression à terme des tarifs réglementés, que, sur tous les bancs, nous souhaitons maintenir. (« Très bien ! » sur divers bancs).

M. Jean Gaubert. On va terminer sur un consensus !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce point a été déterminant dans notre réflexion.

Nous sommes les représentants du peuple. Je ne peux pas parler d’unanimité puisqu’il n’y a pas encore eu de vote mais, je crois que, de façon très consensuelle, nous nous sommes prononcés pour le maintien des tarifs réglementés. Il n’appartient pas du tout à la commission de régulation de l’énergie de prendre position sur ce point. Il relève de la loi. Nous sommes les représentants du peuple. C’est à nous qu’il appartient de voter les lois. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Reste que nous avons en pratique besoin d’un régulateur, et que nous avons même besoin, pour assurer le bon fonctionnement de la concurrence, d’un régulateur fort, comme l’ont rappelé à juste titre en commission Jean Dionis du Séjour et Hervé Novelli, qui avait participé à nos travaux.

Or, il faut le dire, et c’est une responsabilité que nous partageons tous, nous ne sommes pas parvenus à concilier ces deux logiques. Hésitant à priver le pouvoir politique de ses prérogatives, nous nous sommes souvent refusés à renforcer véritablement le pouvoir du régulateur.

Après avoir écouté chacun, nous tentons aujourd’hui, avec le président Ollier, de sortir de ce dilemme en vous proposant à la fois un vrai renforcement des pouvoirs du régulateur et une évolution tant de sa mission que de la composition de son collège.

Cette évolution est gouvernée par deux convictions.

La première est que l’ouverture à la concurrence n’est pas un but en soi, mais un moyen au service des consommateurs, dont les intérêts sont notre priorité. Nous souhaitons donc, d’une part, préciser, pour la première fois dans la loi, la mission générale de la Commission de régulation de l’énergie…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est très bien.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur… qui doit être de veiller à un fonctionnement du marché bénéficiant aux consommateurs. D’autre part, nous souhaitons assurer la prise en compte constante de cette préoccupation dans les travaux de la commission, en assurant la représentation des consommateurs au sein du collège. La Commission de régulation de l’énergie doit être au service des consommateurs, ils y ont donc leur place.

Notre seconde conviction est que nul n’est mieux à même de défendre l’intérêt général que des parlementaires, dont c’est le mandat. Chacun reconnaît d’ailleurs la dimension politique des questions qui nous occupent ; c’est bien ce qui justifie que des décisions tarifaires appartiennent au ministre et que celui-ci, lorsqu’il veut faire appel à une expertise indépendante, comme cela a été le cas avec la commission Durieux, décide de désigner un député – en l’occurrence notre collègue Brochand – parmi les trois membres, tout comme d’autres – je pense à Christian Bataille ou à moi-même – faisaient partie de la commission Roulet qui s’était réunie après le vote de la loi de 2004.

J’ajoute que nous nous rapprocherons ainsi des modèles choisis par la plupart de nos grands voisins, puisqu’en Allemagne, en Italie ou en Espagne les parlementaires participent même à la désignation des collèges de régulation.

Enfin, – c’est un point plus technique mais qui a néanmoins de l’importance – il se trouve que les fonctions des membres de la Commission de régulation de l’énergie sont aujourd’hui – nous l’avons voté – incompatibles avec toute activité professionnelle et de ce fait elles sont rémunérées à plein-temps. Je rappelle que dans bien d’autres autorités administratives indépendantes – je pense aussi bien à la CNIL qu’à l’AMF – ce n’est pas le cas. Les membres de ces organismes ne sont pas permanents, ce qui est d’ailleurs un gage de leur diversité et du maintien de leur lien avec les préoccupations de la société.

Telles sont les raisons qui m’ont conduit à rédiger un amendement qui a été approuvé par la commission et sous-amendé par M. Ollier.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission pour présenter les sous-amendements n°s 137 646 et 137 647.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Deux conceptions de la concurrence s’opposent.

La première considère la concurrence comme une fin, de sorte qu’un bon marché est un marché partagé avec le plus grand nombre de fournisseurs. Pour les ultra-libéraux c’est cette conception qui prime.

Une autre conception, celle que partage la majorité et en son sein ceux qui ont suivi, comme je l’ai fait, le mouvement gaulliste, fait de la concurrence un moyen au service des consommateurs. Un bon marché est un marché qui garantit aux consommateurs les prix les plus bas et les prestations les meilleures. C’est cette fin qu’il faut viser et c’est dans cet esprit que Jean-Claude Lenoir a rédigé son amendement que nous avons adopté.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le maintien des tarifs qui sont aujourd’hui inférieurs au prix, et ce sans limitation de durée. Le rapporteur l’a fort bien expliqué, mais pour qu’il ne porte pas seul la responsabilité de ces propos, je m’y associe totalement.

Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à avoir été surpris par les prises de position de la CRE : au nom de la concurrence, elle conteste la pérennité du maintien des tarifs. S’il nous est loisible de le faire ici, à l’Assemblée nationale, il ne me semble pas que ce soit le rôle de cette autorité. Non seulement ce n’est pas son rôle, mais cela révèle de surcroît sa conception biaisée de la concurrence.

Il nous est apparu que cette approche résultait largement des conditions de nomination de ses membres. Nous avons donc réfléchi à un mode de désignation de personnalités qualifiées, mais qui néanmoins ne les coupe pas de la société qui les entoure en ne les attachant pas qu’à cette seule occupation. C’est pourquoi l’amendement prévoit la possibilité en tant expert, d’être retenu pour la CRE, tout en ayant une autre activité.

Nous avons constaté que, dans le champ économique, ce système était tout à fait spécifique à la CRE et à l’ARCEP. L’autorité des marchés financiers est, elle, soumise à un régime différent. En outre le système actuel est très coûteux et nous avons aussi le devoir d’examiner ce problème.

Nous vous proposons de passer à un système différent, avec un président permanent et un collège de membres qui ne le sont pas. Pour permettre une transition simple n’affectant pas l’efficacité de l’institution, mon sous-amendement n° 137646 prévoit d’ajouter de nouveaux membres au collège existant et d’avoir ainsi, de manière transitoire, un double collège, dix personnes. L’objectif est que la CRE soit composée de sept membres : outre le président, il est prévu qu’il y ait un député et un sénateur désignés respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat, un commissaire qui serait désigné à raison de ses qualifications dans les domaines juridique, économique et technique par le président de l’Assemblée nationale, un autre pour ses qualifications dans les mêmes domaines par le président du Sénat, un représentant des intérêts économiques et sociaux serait désigné par le président du Conseil économique et social et un représentant des consommateurs de gaz et d’électricité nommé par décret. Le président de la commission et les commissaires sont nommés pour six ans.

Mon sous-amendement n° 137647 prévoit une période transitoire.

J’estime qu’il est indispensable qu’il y ait au sein de la commission des représentants de la représentation nationale. Ainsi nous aurons un collège parfaitement équilibré, et je souhaiterais que ces sous-amendements, qui « calent » un peu mieux l’amendement du rapporteur, soient adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Nous abordons là un sujet très important : il s’agit de définir les missions de la Commission de régulation de l’énergie à un moment où, comme l’ont rappelé le président de la commission des affaires économiques et son rapporteur, ce régulateur a besoin d’être renforcé. Du reste, un certain nombre d’amendements communs vont d’ailleurs être présentés par la commission des affaires économiques et par la commission des finances.

Pour autant, il y a une vraie interrogation sur le rôle d’une Commission de régulation de l’énergie et sur son indépendance. Nous nous sommes suffisamment plaints, sur les bancs de cette assemblée, que la Commission de régulation de l’énergie ne s’occupait pas assez des consommateurs, mais elle n’en avait pas le pouvoir. Ce pouvoir nous allons le lui donner dans quelques instants, si ces amendements sont adoptés. Il peut paraître paradoxal, au moment où l’on s’apprête ainsi à renforcer les pouvoirs de la CRE, de diminuer son degré d’autonomie. Ce point est très important.

L’amendement proposé par Jean-Claude Lenoir et sous-amendé par le président Ollier introduit une novation assez forte puisqu’il consiste d’abord à lier une partie des pouvoirs de la CRE à la composition de celle-ci et donc d’apparaître comme une mesure de rétorsion. Du reste le président Ollier a bien indiqué que la Commission de régulation était sortie de son rôle. Et puisque comme c’est d’une certaine manière dans sa composition que réside cette capacité à sortir de son rôle, nous allons la modifier premièrement en faisant entrer des parlementaires et deuxièmement en faisant entrer un représentant des consommateurs.

C’est sur ces deux points que j’attire votre attention. Il n’est pas anodin de faire entrer des parlementaires dans une commission indépendante : c’est une manière de la relier au pouvoir législatif.

Or la loi de 2000 posait le principe que la fonction de membres de la Commission de régulation de l’énergie était incompatible avec tout mandat électif, départemental, national ou européen. Il y avait un motif – nos amis législateurs d’alors nous le dirons peut-être – à cette incompatibilité. Pour ma part j’y vois une raison forte : si l’on veut conforter l’autonomie de la Commission de régulation, il est paradoxal de la relier au pouvoir parlementaire. À telle enseigne qu’au CSA, les fonctions de conseillers sont incompatibles avec tout mandat électif. À l’ARCEP, les mêmes fonctions de conseillers sont incompatibles avec tout mandat électif national. C’est donc que le législateur s’est interrogé à plusieurs reprises et a décidé, en ce qui concerne ces commissions de régulation qui sont identiques à la CRE, d’exclure les parlementaires. Non pas, nous le savons tous, que leurs compétences soient en jeu, bien au contraire. En tout cas, en ce vendredi après-midi on voit combien les parlementaires peuvent être compétents, en tout cas ils sont assidus.

Cette question je la pose aussi en tant que rapporteur de la commission des finances, au titre de la mission développement et régulation économique. Depuis maintenant plusieurs années, je contrôle en effet l’activité des régulateurs.

Pour ces raisons, je suis peu favorable à ces deux novations, qui ne me semblent pas propres à assurer l’autonomie de la CRE et à renforcer ses pouvoirs.

C’est surtout la nomination d’un représentant des consommateurs qui me semble inopportune, au moment où nous donnons à la Commission de régulation de l’énergie la faculté de s’occuper des consommateurs, car ce représentant devient de ce fait juge et partie. J’attire du reste votre attention sur le risque que la présence d’un représentant des consommateurs dans le collège de la CRE soit jugée contraire à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme : cet article stipule en effet que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial. »

Mme Muguette Jacquaint. La CRE n’est pas un tribunal !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Le juge a interprété très largement cet article, l’appliquant même aux sanctions financières et administratives.

Votre sous-amendement, monsieur le président de la commission, est certes un progrès par rapport à celui de M. Lenoir, mais il ne modifie pas radicalement les raisons de principe sur lesquelles je souhaitais attirer l’attention de la représentation nationale. Nous, parlementaires, pouvons déjà contrôler la CRE, dans le cadre de la commission des finances ou de la commission des affaires économiques, et il nous est déjà arrivé de tancer à ce titre le président de cet organisme. Nous avons ainsi auditionné à plusieurs reprises son ancien président, M. Jean Syrota, et son président actuel, Philippe de Ladoucette, qui n’a pas, à cette occasion, entendu que des douceurs, si j’ose dire.

Nous disposons donc déjà de tous les moyens de contrôler l’action de la CRE. Si, à rebours de ce qui se fait pour les autres organes de régulation, nous introduisons dans son collège des représentants du Parlement et des consommateurs, nous brouillerons fortement le sens de la mission que nous souhaitons confier à la Commission de régulation de l’énergie – assurer une plus grande transparence au marché afin qu’il joue son rôle – au moment même où nous étendons sa compétence.

Je pense moi aussi que la concurrence est bénéfique aux consommateurs : entre ceux qui voudraient faire de la CRE un outil au service des consommateurs et ceux qui voudraient en faire une fin, il n’y a pas de différence d’objectif. Sur cette question, l’opposition n’est pas entre les ultralibéraux d’un côté et les tenants de la raison de l’autre : les uns et les autres voient dans la concurrence un avantage pour les consommateurs.

Telles sont les raisons qui font que je suis très réservé face à cet amendement, alors que je partage la volonté unanime de l’Assemblée d’accroître les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie au bénéfice d’un marché dont nous avons tous mesuré les graves imperfections.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Brottes. On sent une majorité unie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour ma part, je me réjouis qu’il y ait débat sur un sujet qui n’est pas partisan.

M. Alain Gest. Et nous, nous débattons du fond !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je voudrais, cher collègue Novelli, vous présenter quelques observations.

Si j’ai pu faire état d’occasions où la représentation nationale s’était légitimement étonné des prises de position de la Commission de régulation de l’énergie, il ne m’est à aucun moment venu à l’esprit d’exercer des mesures de rétorsion contre les membres de la commission : si vous lisez bien mon amendement, vous verrez qu’il prévoit que les membres actuels de la commission achèvent leur mandat. Ce mandat n’étant pas renouvelable, personne ne pourra prétendre en avoir été expulsé par les parlementaires parce que nous aurions éprouvé de l’humeur à l’égard de la Commission de régulation de l’énergie. Et si vous m’opposiez que ceux qui auraient dû normalement leur succéder ne le feront pas, je vous répondrais que ce ne sont pas des charges héréditaires. Encore une fois, dépassionnons le débat.

Si la loi de 2000 a exclu les parlementaires de la composition du collège, c’est évidemment parce qu’elle prévoyait alors une rémunération de ses membres.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la seule raison !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous avez dit sur la composition des autorités indépendantes, qui exclurait par principe les parlementaires : je rappelle que des parlementaires siègent à la CNIL.

M. Alain Gest. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Tout le monde souhaite un régulateur fort et indépendant, afin d’assurer une régulation effective du marché de l’électricité et du gaz. La mission, qui demande de la compétence et de l’autorité, n’est pas facile : je pense que cet avis est partagé sur tous ces bancs. Nous avons approuvé tout à l’heure à la quasi-unanimité un amendement relatif au rôle de la CRE et à son expression publique.

Modifier aujourd’hui la composition du collège risquerait de laisser penser que l’indépendance de la CRE n’est pas assurée, et de mettre en cause son autorité, au moment où nous voulons au contraire la conforter.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce qui me gênerait le plus, pour être tout à fait clair, serait d’introduire dans le collège des représentants des parties prenantes.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Exactement !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je m’explique : celui qui sera membre de ce collège en tant que représentant des consommateurs ne pourra que défendre le prix le plus bas, le consommateur ayant pour seul objectif d’obtenir la meilleure prestation au moindre prix.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous aussi !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cette présence me semble aussi problématique que le serait celle d’un représentant des producteurs, malgré leur compétence indéniable dans ce domaine. Une véritable indépendance du régulateur suppose son indépendance vis-à-vis des parties prenantes du marché de l’énergie.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Absolument !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cette réserve étant faite, je juge légitime qu’on réfléchisse aux possibilités d’évolution de la CRE. Mais je ne souhaite pas faire peser sur le régulateur une suspicion qui réduirait son autorité actuelle.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous non plus !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu. Quand nous disons que la CRE est sortie de son rôle, nous ne faisons que constater une évidence. Ce n’est pas pour cette raison que nous souhaitons modifier sa composition, mais pour satisfaire certains objectifs. Nous sommes totalement dans notre droit quand nous formulons ce genre de propositions.

Je partage, monsieur Novelli, votre souci de préserver l’indépendance de la commission ; mais je n’ose imaginer que vous jugiez insuffisante l’indépendance des parlementaires vis-à-vis des opérateurs du secteur. En tout état de cause, l’amendement de la commission dispose clairement que « les fonctions de commissaire sont incompatibles avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie ». Dans ces conditions, monsieur Novelli, je ne vois pas en quoi le fait d’être parlementaire affecterait cette indépendance-là – car c’est bien d’elle que vous parlez, je pense.

J’approuve tout à fait l’objectif de renforcement des pouvoirs de régulateur, si celui-ci obéit à un souci d’équilibre, et il me semble que notre manière de faire respecte ce principe. Mais je n’accepterai pas qu’on puisse mettre en cause l’indépendance d’un représentant de l’Assemblée nationale, quel que soit le banc sur lequel il siège, et sa légitimité à participer à une instance de régulation du secteur de l’énergie. Comment peut-on dire que le fait d’être un élu du peuple nuit à l’indépendance d’esprit nécessaire pour juger de l’organisation du secteur de l’énergie ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Cela n’a rien à voir !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je reconnais en revanche, monsieur le ministre, que vos arguments à propos de la présence d’un représentant des consommateurs ne manquent pas de pertinence.

Je vous ferai remarquer cependant qu’à moins qu’on ne leur coupe l’électricité, tous les membres de la CRE sont des consommateurs. (Sourires.) Vous dites que le représentant des consommateurs aurait pour but d’obtenir les prix les plus bas : mais c’est notre but ! L’objectif de la CRE est bien de veiller à ce que des conditions loyales de marché permettent aux consommateurs d’acquitter le prix le plus bas. Telle est du moins notre conception de la régulation.

Vous pouvez bien sûr lui préférer une concurrence sauvage : vous aurez alors ce que vous voulez, et on sait très bien comment cela finit. L’objectif de la régulation est l’intérêt général : il s’agit de faire en sorte, dans un système concurrentiel, que les prix soient les plus bas possible. Bien loin d’être choqués qu’un membre du collège défende cet objectif, c’est précisément la raison pour laquelle nous jugeons qu’un représentant des consommateurs y a sa place.

Nous aurons encore l’occasion, d’ici l’examen du texte par le Sénat et la réunion de la commission mixte paritaire, de discuter des différences formelles qui peuvent exister entre nos solutions respectives ; mais ni le rapporteur ni moi-même ne sommes obsédés par la volonté de faire nommer ou au contraire d’exclure qui que ce soit. Nous jugeons simplement fondée la présence de représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des consommateurs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je voudrais d’abord prendre acte, monsieur le ministre, du fait que vous ne souhaitez pas la présence d’un représentant des consommateurs dans ce collège.

Je voudrais ensuite revenir à la question de la présence de parlementaires. Selon l’article 28 de la loi du 10 février 2000, qui fixe la composition de la Commission de régulation de l’énergie, ses membres sont nommés « en raison de leur qualification dans les domaines juridique, économique et technique ». J’insiste sur la nécessité de disposer d’une compétence technique. Cette disposition traduit la volonté du législateur de nommer des personnalités qualifiées…

M. Claude Gaillard. Il y a des députés qualifiés !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. …dont la nomination ne soit pas fonction de leurs éminentes qualités politiques, mais de leur capacité à éclairer le président de la Commission sur le plan technique.

Comme je l’ai rappelé, le législateur en avait jugé de même à propos de la composition du CSA et de l’ARCEP. Il est vrai que la composition de la CNIL obéit à un régime différent ; en revanche la commission Roulet n’avait pas, à ma connaissance, le statut d’autorité indépendante, au contraire de ce qui a été dit.

Notre volonté est que cette commission soit puissante et indépendante.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Indépendante de qui ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il faut qu’elle puisse rendre ses avis en toute indépendance des pouvoirs. Cette indépendance est même le fondement de toute régulation : il faut absolument éviter de créer une régulation soumise à l’arbitrage final du pouvoir public. Je vous invite à faire preuve d’un minimum de cohérence et de logique : si on crée un organe de régulation, ce n’est pas pour qu’elle laisse au pouvoir politique le soin de réguler.

En outre, ce serait envoyer un signal terrible que de modifier la composition du collège de la CRE, au moment où nous renforçons son pouvoir. On pourrait à tout le moins avoir le souci d’éviter cette contradiction.

C’est la raison pour laquelle je reste réservé devant cette modification. Mais nous aurons l’occasion de nous retrouver d’accord sur les amendements suivants.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je tiens à dissiper un malentendu : j’attire l’attention de notre collègue Hervé Novelli, pour qui l’amendement serait en contradiction avec la loi de 2000, sur le fait que cet amendement modifie précisément l’article 28 de cette loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Nous constatons qu’il y a au sein de la majorité un réel débat entre la culture plutôt jacobine du président de la commission et celle, plutôt libérale et désireuse de réduire le rôle de l’État, qu’expriment – axe surprenant ! – M. Novelli et M. Dionis du Séjour.

M. Novelli fonde son argumentation sur la jurisprudence de la loi de 2000. Pour avoir été rapporteur de cette loi il y a six ans, je sais que nous essuyions alors les plâtres. De même que M. le ministre a reconnu quelques fautes, j’admets qu’en adoptant cette loi nous n’avons peut-être pas mesuré tous les problèmes et que nous avons donné à la CRE toute latitude pour sortir de son rôle, comme elle le fait constamment depuis cinq ans. La CRE s’est mêlée de choses dont elle n’avait pas à se mêler et s’est substituée au pouvoir politique, s’érigeant en une sorte de secrétariat d’État bis à l’énergie. Ce n’est pas ce qu’on lui demandait.

Je tiens donc à saluer les évolutions proposées par l’amendement M. Lenoir, dans la version sous-amendée par M. Ollier, même si cette dernière réduit le rôle des parlementaires par rapport à la proposition initiale de M. Lenoir.

Il s’agit là d’un vrai débat et il est surprenant de vous entendre, monsieur Novelli, vous qui êtes un parlementaire, vous interroger sur la capacité juridique, économique et technique qu’auraient des parlementaires à siéger au sein de la CRE. Pour faire leur travail, c’est-à-dire pour faire la loi, les parlementaires s’entourent d’avis techniques, mais ce sont eux qui statuent en dernier ressort. Je suis donc un peu surpris que des parlementaires puissent douter de la place qu’ils pourraient tenir dans une commission comme la CRE, car leurs fonctions parlementaires et leur implication au sein de la population les qualifient pleinement pour juger de ces affaires. J’ai déjà dit en outre que, si ce rôle doit s’exercer dans le respect des majorités politiques des assemblées auxquelles ils appartiennent, nous souhaitons aussi que, comme il est généralement de mise dans de telles commissions, la diversité politique soit représentée.

Pour le reste, je suis un peu perplexe d’entendre M. Ollier déclarer que la question sera réglée lors de l’examen du texte par le Sénat, car cela signifie que nous ne parviendrons pas aujourd’hui à une solution définitive. Je le répète, notre groupe souhaite assurément que la CRE remplisse son rôle, mais nous tenons aussi à ce que le pouvoir politique garde le sien et que l’indépendance de cette commission ne fasse pas de ses avis la loi et les prophètes.

De quelle indépendance s’agit-il d’ailleurs ? Je ne suis guère favorable à la création commissions indépendantes car s’il faut bien que des commissions puissent donner des avis et éclairer le pouvoir lorsqu’il doit prendre des décisions, nous ne pouvons nous satisfaire de les voir s’attribuer tous les pouvoirs.

Nous constatons donc, même si c’est avec une certaine prudence, que les propositions du rapporteur Jean-Claude Lenoir et du président Ollier vont dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard. Je tenais à intervenir, car les parlementaires doivent pouvoir apporter leur éclairage sur cette question avant que nos rapporteurs, le président et le ministre ne concluent et que l’Assemblée ne se prononce.

Il est des définitions qui ne changent pas avec le temps. Du point de vue de la démocratie, qui repose sur le système de l’élection, la notion de « commissions des sages » est insupportable, car elle revient à affirmer que les élus ne sont pas franchement responsables, sages ou indépendants. Voilà une dizaine d’années – j’étais alors rapporteur du texte relatif à France Télécom –, nous avons eu un assez long débat pour savoir s’il fallait créer l’Autorité de régulation des télécommunications, ou ART. J’étais, pour ma part, très réservé et, bien qu’ayant fini par céder, je trouvais insupportable qu’on donne à une telle instance des fonctions essentielles qu’on enlevait au pouvoir politique. Il s’agit là d’un vrai problème philosophique, en ce qu’il touche à la démocratie.

Le débat que nous avons sur ce soir sur ce point, et dont je me réjouis, dépasse largement les clivages politiques classiques. Je saisis cette occasion pour féliciter tous les intervenants, les deux rapporteurs, le président et le ministre d’avoir bien posé le problème, même si leurs avis divergent quelque peu.

L’expérience de la CRE telle que je l’ai vécue lorsque j’étais encore administrateur à GDF, voilà un an ou deux, m’a fait parfois me demander – il faut le dire honnêtement – si l’on n’allait pas trop loin. Voilà donc pourquoi je suis aujourd’hui partagé. La CRE doit certes avoir un pouvoir important et jouir de son autonomie, mais elle doit aussi gérer les grandes orientations – ce qui est délicat. Il faut, bien sûr, viser au prix le plus bas, mais il faut aussi investir pour le long terme et respecter la concurrence, sans que celle-ci devienne pour autant un objectif en soi. Il ne s’agit pas tant, en effet, de soumettre EDF à la concurrence d’autres entreprises que de faire en sorte que ce système puisse bénéficier au client sur le court et sur le long terme et d’éviter la pénurie qui pourrait se produire si les investissements nécessaires n’avaient pas été réalisés. La logique de la CRE, on l’a bien vu, consistait plutôt à approuver les demandes d’augmentation de tarifs dans des avis que l’État ne suivait pas.

À la réflexion, et à la lumière des débats que nous avons eus pendant l’intersession sur cette question, je ne suis pas convaincu par ce que j’appellerai la « logique Novelli », qui consiste à créer une entité autonome où siègent des membres à temps plein. Comme tout système, celui-ci crée sa propre logique et son propre savoir, de telle sorte que nos priorités en matière d’indépendance énergétique de la France et de l’Europe risquent de passer au second plan.

J’ai en revanche une certaine sympathie pour l’idée que des parlementaires pourraient siéger au sein de la CRE. Ces parlementaires ne seraient aux ordres de personne, à la différence par exemple d’un ministre, qui est solidaire du Gouvernement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à l’industrie. Merci bien ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard. Je ne dis pas cela pour vous, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Un parlementaire siégeant dans une telle commission n’est aux ordres ni de son groupe ni de quiconque et il dira ce qu’il pense. Je suis donc favorable à l’option qui propose de nommer deux parlementaires et au principe, même non écrit, que l’un soit de la majorité et l’autre de l’opposition. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)

Dans cette hypothèse, l’apport des parlementaires est important car ils sont engagés dans une réflexion à l’échelle nationale, qui prend en compte l’ensemble des grandes priorités et des objectifs : indépendance, investissements à long terme, prévention de la pénurie et prix le plus bas.

Je comprends les deux logiques qui ont été exposées, mais je sais aussi que la décision que nous prendrons à propos de la CRE aura des effets collatéraux, car nous nous poserons un jour ces questions à propos d’autres autorités indépendantes. Le débat que nous avons ce soir ouvre une porte et il se poursuivra longtemps dans d’autres domaines. Notre décision de ce soir n’est donc pas neutre, même si nous avons la chance que le texte ne soit encore qu’en première lecture.

Je souhaite donc, à titre personnel, l’ouverture proposée et suis favorable à l’option qui prévoit la participation de deux députés et deux sénateurs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est mon amendement !

M. Claude Gaillard. Quant à la représentation des consommateurs, mon expérience du comité de l’agence de bassin me laisse penser, même si la situation n’est pas tout à fait comparable, qu’il serait intéressant d’entendre au sein de la CRE une lecture différente, exprimée par une personne qui ne serait pas aux ordres du système qu’elle représente et aurait une vue d’ensemble des différents enjeux. Il n’y a pas de raison de ne pas faire confiance à l’intelligence globale, à la maturité et à l’honnêteté intellectuelle de nos concitoyens.

Je suis donc, je le répète, favorable à ce que les consommateurs soient représentés au sein de la CRE.

M. Daniel Garrigue. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce débat est de très bonne qualité et mérite que nous allions au fond. Je ne partage pas la conception qui vient d’être exposée. Gardons-nous d’envoyer ce soir un message qui serait à coup sûr très négatif.

La nécessité d’un régulateur se justifie par les liens très forts de consanguinité qui unissent l’État et les entreprises. Les relations entre l’État et EDF, ce n’est pas rien ! On a écrit des livres sur ce sujet.

M. François Brottes. Et alors ?

M. Jean Dionis du Séjour. Vous ne voyez pas ? Nous parlons ici d’ouverture et de concurrence, et ces relations ne sont pas un mythe.

On nous propose aujourd’hui de faire siéger des parlementaires à la CRE pour en assurer la légitimité. Le modèle européen a lui-même sa légitimité et, si le régulateur a un pouvoir d’injonction, on peut aussi porter le débat devant les instances judiciaires européennes car, je le rappelle, le système européen est un système de droit.

Posons-nous honnêtement la question de savoir si les parlementaires qui siégeront à la CRE seront indépendants. J’ai écouté M. Gaillard avec attention, mais je crois devoir rappeler que nous ne vivons pas dans un monde de rêve : il existe des partis politiques et des liens qui nous lient à l’exécutif.

En outre, serons-nous disponibles ? La question se pose, même si tel ou tel de nos collègues s’acquitte fort bien de sa tâche dans ce domaine. Alors que la CRE a des missions très techniques portant sur l’accès au réseau, nous sommes, quant à nous, des généralistes. Je suis donc très réservé sur le fait que nous puissions nous plonger dans de tels dossiers.

Je me permets de vous livrer un témoignage personnel : je pensais, lorsque j’ai été élu, que je mettrais à profit ma formation d’ingénieur en siégeant dans des instances où elle pourrait être utile. C’est ainsi que j’ai participé aux travaux, d’ailleurs fort intéressants, de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, la CSSPCE. Or mon taux de présence doit se situer, en me flattant quelque peu, entre 5 % et 10 %. Il en va de même à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, dont je suis membre également. S’il y a au sein de cet organisme quelques très bons élèves, comme M. Bataille ou M. Birraux, peu de ses membres sont assidus. C’est aussi cela, la représentation des parlementaires. Je suis donc, je le répète, très réservé quant à l’indépendance et – même si je suis comme vous dans l’hémicycle ce vendredi soir – à la disponibilité des parlementaires.

Pour ce qui est de la représentation des consommateurs, le fonctionnement des commissions départementales d’équipement commercial ne me rassure pas du tout.

D’abord, qui y siège ? Ce ne sont pas les consommateurs, mais les représentants des centrales ouvrières. Pourquoi pas ? Mais ce n’est pas la même chose. Et dans un dossier comme celui de l’énergie, il peut y avoir des connexions entre les centrales ouvrières et les entreprises.

M. François Brottes. Ne sont-elles pas représentatives ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je n’ai pas dit qu’elles n’étaient pas représentatives, mais ce ne sont pas des consommateurs. Par exemple, l’association Force ouvrière-consommateurs peut être mise en mouvement sur d’autres enjeux, tels que l’emploi, que celui de la défense du consommateur. En France, le mouvement consommateur n’est pas vraiment structuré, à part l’UFC-Que choisir.

Dernière chose : la rémunération. Monsieur le président Ollier, si j’ai bien compris, on passerait d’un système où les six membres du collège sont rémunérés à un système où il n’y aurait plus que le président qui le serait. Je suis contre cette disposition.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ils seraient rémunérés à la vacation !

M. Jean Dionis du Séjour. Si on veut des gens qui fassent le travail, et je souligne que le travail demandé est hyper-technique, hyper-prenant,…

M. Patrick Ollier, président de la commission de la commission des affaires économiques. Il y a des services pour ça !

M. Jean Dionis du Séjour. …il faut les payer. Peut-être sont-ils trop payés, mais il faut de toute façon les rémunérer – je ne parle pas des parlementaires, car il y aurait là des problèmes de cumuls.

Tout ça, mes chers collègues, fait un ensemble de mesures qui diminueraient la disponibilité et l’indépendance des membres de la commission. Ce serait un très mauvais signal. Je vous le dis solennellement, parce que je crois qu’on va a contrario de ce que nous devons faire en transposant la directive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je partage entièrement le point de vue de notre collègue Claude Gaillard. Administrateur d’EDF pendant dix ans, j’ai fait la même expérience que lui : j’ai connu, moi aussi, des moments où j’avais le sentiment que la CRE se mêlait de ce qui ne la regardait pas.

Sur le fond, je tiens à dire, mes chers collègues, que ce n’est pas en puisant des administrateurs dans le même creuset, aussi compétents économiquement et techniquement soient-ils, que l’on affirme l’indépendance d’une structure. Ce n’est pas comme ça que l’on a fait de bons conseils d’administration. Je vous renvoie aux débats qui ont eu lieu, en 2002 et début 2003, sur la gestion des entreprises publiques. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette commission d’enquête sur la gestion des entreprises publiques, mais ce qui est ressorti de l’analyse des dysfonctionnements à France Télécom, c’est bien que la quasi-totalité des administrateurs sortaient des mêmes écoles et étaient de la même école de pensée, et qu’ils ne pouvaient pas imaginer autre chose que ce qu’il y avait comme idée dominante, autre chose que le politiquement correct.

M. Alain Gest. C’est vrai dans bien des domaines !

M. Jean Gaubert. En effet, monsieur Gest. Et je pense que Claude Gaillard a compris cela à Gaz de France, comme moi à EDF. Que nous, les élus, quelles que soient nos sensibilités politiques, apportions dans le débat, comme les consommateurs – à Gaz de France et à EDF, les consommateurs étaient représentés et le sont encore –, d’autres questionnements, d’autres positionnements, c’est tout à fait normal. Je suis de ceux qui pensent que l’indépendance, c’est la somme des gens différents qui débattent et qui se rencontrent. Elle ne peut en aucun cas être garantie par le fait qu’aucun n’a fait de politique ou appartenu à une association ! Si l’on ne s’adresse qu’à des spécialistes qui se sont cooptés à partir de la même maison, située à Paris, rive droite, ce n’est pas la peine d’en nommer sept : un seul suffit ! Et le travail sera fait sans qu’il y ait de variété dans les jugements et dans les positions qui seront prises. C’est pourquoi un certain nombre de conseils d’administration d’entreprises publiques ont mal fonctionné : on a choisi d’aller chercher des gens qui pensaient tous pareil.

Ensuite, je voudrais aborder deux questions soulevées par l’amendement qui nous est présenté.

Le 4° de l’amendement précise que « les fonctions de commissaire sont incompatibles avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie. » Nous sommes complètement d’accord. Je pense même qu’il faudrait s’interroger sur la possibilité de prolonger cette interdiction quelque temps à la sortie de mandat parce que nous savons très bien que, dans beaucoup de structures de ce type, les membres valorisent très largement ce qu’ils y ont fait pour se vendre après à l’extérieur. Cela pose le problème du pantouflage.

Et puis je me pose la question de la compatibilité avec le mandat de parlementaire quand je lis la phrase suivante : « Les membres de la commission ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de celle-ci. » Cela veut-il dire que des parlementaires qui siégeraient à la CRE n’auraient plus le droit d’évoquer les questions d’énergie dans cet hémicycle ou ailleurs ? C’est une vraie question à laquelle il faut qu’on réfléchisse.

M. Alain Gest. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce débat est particulièrement intéressant. Mais il illustre la précipitation dans laquelle a été préparé ce projet de loi. Vous réagissez, certes, mais à quoi ? Aux doutes de nos concitoyens sur l’efficacité du contrôle des prix, doutes alimentés par les envolées que nous avons connues. Il y a eu un sondage, dont j’ai parlé hier : 73 % de nos concitoyens sont inquiets, parce qu’ils sont directement touchés, par ce problème des prix. Vous tentez de réagir à cela, mais je prends acte de deux choses : votre impréparation – puisqu’on demande quasiment au Sénat de réfléchir à notre place –, et votre tentative de réponse, mais qui est tout aussi improvisée que le reste. Votre tentative de réponse repose sur la composition de la CRE : on y mettrait des parlementaires supplémentaires – ce n’est pas une mauvaise idée en soi – et un seul consommateur. C’est un petit mieux, mais guère plus qu’un peu cache-sexe. (Murmures sur divers bancs.)

Cette proposition a été contestée par notre collègue Hervé Novelli au nom de l’indépendance, mais on pourrait discuter à perte de vue de ce qu’est l’indépendance. Lui, il dit : « Pas d’élus, pas de consommateurs, pas de syndicats », en fait rien. Il a tout compris ! En effet, il est prévu que, parmi ses missions, la CRE doit prendre en compte les conditions d’ouverture du marché. Or, au cas où on l’aurait oublié, la Commission européenne vient de nous rappeler ce que ce sont ces conditions : elle considère que les tarifs réglementés en vigueur se caractérisent par un niveau inférieur aux prix du marché, et qu’ils empêchent de ce fait l’entrée des concurrents sur ce marché. Ça empêche donc la concurrence libre et non faussée, qui est l’abc du libéralisme.

Par ailleurs, il y a une contradiction majeure, monsieur Ollier, entre ce que vous nous dites et votre amendement : vous pouvez mettre dans la CRE quelques parlementaires supplémentaires, même éventuellement de l’opposition, et un consommateur, ça ne changera pas fondamentalement les choses parce que parler des prix du marché et des tarifs réglementés, ça n’a rien à voir.

C’est pourquoi nous avons fait la proposition, que je réitère, d’élargir les compétences de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz. Bien sûr qu’il faut des personnes compétentes, mais la compétence, c’est essentiellement l’information. Pouvoir donner l’information sur les coûts réels d’accès à l’énergie, ce serait déjà beaucoup pour avoir une idée de la fixation des prix. La composition de cet observatoire doit être citoyenne, c’est-à-dire qu’il doit y avoir des élus représentant toutes les tendances, des consommateurs – et pas seulement un –, des syndicats et des personnes qualifiées. Sur cette base, nous demandons qu’une réflexion soit engagée, mais qui aille beaucoup plus loin que celle que vous menez et qui ne va pas nous apporter beaucoup de garanties en matière de prix.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Dans cette affaire, nous nous abstiendrons, considérant que l’on va plutôt dans le bon sens par rapport à une situation que nous avons dénoncée. Je tiens d’ailleurs à dire à notre collègue Claude Gaillard qu’il n’y a rien à enlever à son propos. Il avait été aussi limpide et enthousiaste en commission, pour dire combien il regrettait la privatisation de Gaz de France, et ses arguments m’avaient, eux aussi, intéressé. Je ne perds pas de vue que c’est cette privatisation qui est au cœur de ce texte, même si, de façon sporadique, on y glisse quelques autres éléments. Je regrette, monsieur le ministre, que, sur la question de la régulation, il n’y ait pas eu un article dans le cadre de la transposition, parce que c’est un sujet qui reste au cœur du débat.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. François Brottes. Il n’en demeure pas moins que sont inacceptables certains propos tenus par M. Dionis du Séjour.

D’abord, j’en ai assez que certains, ici, décrédibilisent sans cesse la fonction parlementaire ! Les amendements des uns sont débiles, les siens sont intelligents…

M. Jean Dionis du Séjour. Je n’ai jamais dit ça !

M. François Brottes. …– encore faut-il être là pour les présenter. Quand on est désigné par nos collègues pour siéger dans des instances et qu’on n’y va pas, c’est regrettable. J’ai siégé dans la même commission que vous durant mon mandat précédent, la Commission supérieure – et non « de surveillance », monsieur Dionis du Séjour – du service public des postes et télécommunications ; j’y ai passé une demi-journée par semaine, et vous pourrez regarder les feuilles de présence : j’y étais.

M. Jean Dionis du Séjour. Ça fait un taux de présence de 10 % !

M. François Brottes. J’y étais chaque fois qu’elle se réunissait.

M. Jean Dionis du Séjour. Sur des sujets aussi techniques, 10 %, c’est zéro !

M. François Brottes. On ne peut pas laisser croire que quand on accepte ici des responsabilités, on ne les assume pas. Ce n’est pas acceptable, qu’on soit de droite ou de gauche : quand on s’engage, on respecte ses engagements. Sinon, la petite musique qui cherche toujours à discréditer la représentation nationale devient de plus en plus forte. Je tiens à dire que j’en ai assez !

M. Jean-Claude Sandrier et M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. François Brottes. Nous sommes vendredi soir et nous siégeons depuis le début de la semaine. Nous assumons donc tous nos responsabilités. Alors, ne jouons pas à ce petit jeu qui ne sert pas la démocratie.

Quant à comparer le secteur de l’énergie avec les surfaces commerciales de nos villes… Les bras m’en tombent ! On explique que l’énergie est un bien qui n’est pas comme les autres parce que tout le monde, entreprise ou famille, l’utilise jour et nuit, qu’il s’agit d’un secteur stratégique. Dans ce contexte, c’est sur l’intérêt supérieur du pays qu’il faut s’interroger, pas sur l’intérêt supérieur du marché !

Mme Muguette Jacquaint. Voilà !

M. François Brottes. Il y a confusion des genres. On ne peut pas comparer des choses qui ne sont pas comparables. Dès lors qu’il s’agit de l’intérêt supérieur du pays, la représentation nationale a toute légitimité et toute compétence pour s’intéresser très directement aux modalités d’organisation permanentes des dispositifs en vigueur.

Les propositions qui nous sont faites apparaissent donc intéressantes. Mais chacun voit bien qu’il y a encore un débat au sein de la majorité, que ce texte est examiné en urgence, qu’on ne sait pas à quoi cela va aboutir. Nous, nous exprimons donc notre intérêt sur ce sujet, mais nous ne marquerons cet intérêt que par une abstention parce qu’il reste encore des problèmes à résoudre. Par exemple, s’agissant du nombre de députés et de sénateurs siégeant dans la CRE, je pense que si on veut aller au bout de la logique qui consiste à dire qu’il faut que les représentants du peuple soient présents dans cette instance, autant que la totalité du peuple soit représentée, et donc en tout état de cause majorité et opposition.

J’appuie par ailleurs la remarque qu’a faite Jean Gaubert sur la nécessité, pour tous ceux qui auront siégé dans cet organisme, de ne pas agir dans les secteurs concernés pendant quelques années après leur passage. On voit bien la raison qui nous pousse à dire cela. Je ne dis pas qu’il y a des entreprises qui font du lobbying dans ces secteurs, ce serait faire un mauvais procès, ça n’existe pas, chacun le sait ! Mais cela pourrait exister à l’avenir.

Le risque est réel qu’après la fin du mandat, certaines promesses soient faites. Il faut assurément avoir cet aspect des choses à l’esprit.

Dernière remarque au sujet des amendements du rapporteur : dans la définition des missions de la CRE, les consommateurs ne sont pas à leur juste place. L’amendement n° 137 639 précise que « la Commission de régulation concourt à un fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel bénéficiant aux consommateur finals ». J’aurais pour ma part préféré l’expression : « pour le bénéfice des consommateurs finals ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Le débat est intéressant, et je voudrais m’exprimer sur les interventions que nous venons d’entendre, ce qui me donnera également l’occasion de défendre les amendements du groupe communiste qui ont été précédemment réservés, nos 38 096 à 38 117, nos 38 074 à 38 095, nos 38 052 à 38 073, nos 36 842 à 36 863 et nos 36 864 à 38 051.

La question du rôle de la CRE est fondamentale. J’ai d’ailleurs cru comprendre que certaines déclarations de cette dernière, comme vous l’avez vous-même rappelé, monsieur Ollier, avaient fait l’objet de contestations : c’est bien la preuve, ce me semble, qu’elle joue un rôle important. Or, ce qui nous guide, c’est bien sûr l’intérêt économique, celui du consommateur, mais aussi l’intérêt du service public. La question est essentielle, à l’heure où le Gouvernement prépare la privatisation de GDF.

On a évoqué le rôle et la composition de cette commission, et notamment la proposition d’y intégrer des représentants des consommateurs, ainsi que des députés. J’approuve à cet égard ce qui a été dit sur le rôle des parlementaires : depuis le début de nos débats sur le projet de loi, tous les parlementaires, quelles que soient leurs convictions, ont fait la preuve de leur compétence, dès lors qu’il s’agit de l’intérêt de la France, de son développement économique, des citoyens et des consommateurs.

C’est d’ailleurs pour répondre à cette interrogation sur le rôle de la CRE que le groupe des député-e-s communistes et républicains avait déposé une série d’amendements proposant de confier un nouveau rôle à l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz, créé par l’article 3 de la loi 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. L’approche n’est pas la même que celle qui vise seulement à améliorer la transparence et l’indépendance de la CRE.

Telles sont nos préoccupations. Puisque tout le monde a l’air de les partager, j’invite l’Assemblée à adopter les amendements du groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je rappelle que le Gouvernement n’est favorable ni à l’amendement n° 137 638, ni aux sous-amendements nos 137 646 et 137 647 : la réflexion en cours sur la CRE est encore inaboutie.

M. Jean-Claude Sandrier. Elle l’est aussi sur les sous-amendements de M. Ollier !

Mme Muguette Jacquaint. Si la réflexion n’est pas aboutie, nous devons donc voter contre !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je précise que la commission est défavorable aux amendements précédemment réservés qui viennent d’être soutenus par Mme Jacquaint.

S’agissant de la proposition de M. Gaillard, je propose de rectifier mon sous-amendement n° 137 646, en écrivant : « deux députés et deux sénateurs » à la place d’« un député et un sénateur ». Cela porterait le nombre de commissaires de six – dans la rédaction actuelle – à huit, dans la nouvelle rédaction.

Je propose au vote ce sous-amendement ainsi rectifié.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 137 647.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 137 646, tel qu’il vient d’être rectifié.

(Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 137 638, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2 (Suite)

Mme la présidente. Je considère, madame Jacquaint, que vous avez défendu les amendements à l’article 2, nos 38 096 à 38 117, nos 38 074 à 38 095, nos 38 052 à 38 073, nos 36 842 à 36 863 et nos 36 864 à 38 051, qui avaient été précédemment réservés.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. La commission et le Gouvernement sont défavorables à l’ensemble de ces amendements.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 38 096 à 38 117.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 38 074 à 38 095.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 38 052 à 38 073.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 36 842 à 36 863.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 36 864 à 38 051.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme Muguette Jacquaint. Nous voterons contre l’article !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Lundi 18 septembre 2006, à quinze heures, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)