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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 18 septembre 2006 

19e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Rappels au règlement

M. le président. Je suis saisi de plusieurs demandes de rappel au règlement.

La parole est d’abord à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, fondé sur l’article 58, alinéa 1, ce rappel au règlement concerne le déroulement de nos débats, dans lesquels vient de s’immiscer M. le Président de la République. Nous ne saurions, au demeurant, déplorer une telle intervention : je l’avais moi-même appelée de mes vœux à la tribune et avais écrit une missive au chef de l’État. Il ne m’a pas directement répondu, mais il a déclaré à propos du projet de fusion entre GDF et Suez : « Je n’en vois pas d’autre et donc je pense que c’est un bon projet. En tous les cas, il est conforme à nos intérêts. »

Étant très attentif à toutes les déclarations du Président, je me permets de lui rappeler que, le 19 mai 2004, il avait déclaré en conseil des ministres qu’« EDF et Gaz de France sont de grands services publics. Elles le resteront, ce qui signifie qu’elles ne seront pas privatisées. » Chacun aura relevé la contradiction entre ces propos, qui sont bien entendu toujours d’actualité, et les déclarations récentes.

Pour autant, je ne veux pas accabler le Président de la République, qui semble avoir déjà le plus grand mal à faire entendre la voix de la France tandis que certains de ses ministres vont, sans mandat particulier, s’aligner sur les positions de M. Bush. Sur le plan technique, je puis d’ailleurs comprendre que, si on lui propose un seul projet, il le considère comme le meilleur ! Rappelons tout de même que, lors de la discussion de la loi présentée par M. Sarkozy en 2004, le groupe socialiste avait déposé une série d’amendements tendant à constituer une entité « Énergie de France » rassemblant Gaz de France et Électricité de France. Peut-être eût-il fallu soumettre à M. le Président de la République cette hypothèse alternative, sur laquelle, n’en déplaise à M. le rapporteur, la Commission européenne n’a toujours pas émis d’avis puisqu’elle n’en a pas été saisie. Je relève que certains de nos collègues des groupes UDF et UMP la prennent aujourd’hui au sérieux. Le débat sur les amendements portant articles additionnels avant l’article 1er a montré que l’hypothèse « Énergie de France » était des plus solides, dans la perspective de la constitution d’une entité à la fois européenne et nationale préservant l’intérêt général et celui des consommateurs.

Je le répète, la privatisation de Gaz de France nous est présentée comme la seule hypothèse possible, alors qu’elle a été proposée pour faire front devant ENEL, et seulement pour cela : c’est bien pourquoi nous dénonçons l’improvisation de ce dispositif, qui reste passablement flou et sur lequel la Commission européenne ne se prononcera qu’à la fin du mois de novembre. Il nous faut engager sérieusement l’étude de l’hypothèse « Énergie de France », comme on le réclame désormais sur de nombreux bancs. J’espère que le Président de la République et le Gouvernement entendront ce message.

Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué à l’industrie, en ce début de semaine, décomplexez-vous ! La France n’est pas isolée en Europe. Ainsi, parlant de la situation de Telecom Italia – qui rejoint celle de Deutsche Telekom ou de France Télécom à l’époque de la bulle des télécommunications : vous le savez mieux que quiconque, monsieur Breton –, le ministre italien en charge des infrastructures rappelle que le contrôle public de certains secteurs est indispensable, sous peine de transformer une économie libérale en néoféodalisme libéral. Beaucoup de voix s’élèvent en Europe pour dire que l’État ne doit pas lâcher prise et pour souhaiter que le contrôle public reste effectif.

S’agissant de la privatisation de Gaz de France proposée à l’article 10 de ce texte, nous considérons que ni la minorité de blocage annoncée ni les actions spécifiques évoquées ne sont des garanties suffisantes. Aussi continuerons-nous à dénoncer les inconvénients de cette privatisation pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Un grand quotidien du matin, très proche de la majorité, a publié aujourd’hui les résultats du CAC 40. Y figurent ceux de Suez, qui concernent directement notre débat. Durant les six premiers mois de 2006, les entreprises de l’indice parisien ont réalisé un bénéfice de 50 milliards d’euros. Suez, pour sa part, atteint 43,3 milliards d’euros de capitalisation boursière et son résultat net est en augmentation de 39 % par rapport au premier semestre 2005.

Or sa fusion avec GDF nous a été présentée dans un premier temps comme le moyen de défendre l’entreprise contre une OPA hostile d’ENEL, dont on sait pourtant que c’est un épouvantail qui n’en a pas les moyens financiers. Aujourd’hui, sous prétexte de patriotisme économique, on nous la présente comme un moyen de constituer un géant de l’énergie et de sécuriser nos approvisionnements. Dans ce cas, pourquoi avoir démantelé EDF-GDF, l’une de nos plus grandes réussites industrielle de l’après-guerre ?

En outre, des députés de votre majorité, Dominique Paillé et Marc-Philippe Daubresse, affirment que « loin de créer un géant du gaz, la fusion n’entraînerait qu’un grossissement de 25 % de GDF dans la distribution et guère plus dans le stockage et le transport. Croire que le nouveau groupe pourrait ainsi peser sur les prix d’achat auprès des producteurs est une douce illusion ou un argument fallacieux. »

En réalité, cette frénésie de fusion ne répond à aucune stratégie industrielle. Elle est, en bonne logique libérale, inspirée par des préoccupations d’actionnaires – profits et surprofits, stock options – et correspond à des montages purement financiers. Elle se réduit à la constitution d’un géant européen soumis uniquement à des finalités marchandes et boursières : on ne trouvera aucune finalité économique à cette opération.

La fusion va laminer la modération tarifaire qui caractérisait notre politique énergétique depuis la Libération. Quel sens peut avoir, sur le long terme, l’existence d’un tarif régulé quand ce nouveau géant de l’énergie devra rémunérer ses actionnaires avec les profits accumulés sur le marché libre ? En outre la péréquation qui était à la base de l’égalité des territoires en matière d’accès à l’énergie et de coûts sera sacrifiée.

Les familles seront encore plus précarisées et l’inégalité des consommateurs face à l’énergie s’accroîtra. Les FSE, fonds gérés par les collectivités pour aider les familles en difficulté à payer leurs factures d’électricité, sont déjà notoirement insuffisants. En 2005, le département de Seine-Saint-Denis a distribué plus de 13 000 aides ; ce chiffre sera sans doute largement dépassé en 2006.

Même Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, ancien conseiller du président Clinton et ancien numéro deux de la Banque mondiale, reconnaît que « l’accentuation des inégalités dans les pays industriels avancés est une conséquence prévue depuis longtemps mais rarement mentionnée de la mondialisation ».

Pour le groupe communiste, ce débat n’a pas lieu d’être puisque nous discutons, non pas de politique industrielle, mais de montages financiers et boursiers et de course au gigantisme. Par idéologie libérale, votre gouvernement se joue du Parlement, oubliant que le corps électoral a, le 29 mai 2005, rejeté cette idéologie funeste.

Pour toutes ces raisons, nous continuerons à combattre le projet de fusion GDF-Suez.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. J’aborderai ultérieurement les graves questions évoquées par mes collègues, me contentant de souligner par ce rappel au règlement la qualité de nos débats, qui prouve que le groupe socialiste, loin de toute stratégie d’obstruction, souhaite aborder en détail chacun des problèmes de fond.

Le bon élève que je suis a passé une partie de son week-end à relire le compte rendu des séances de la semaine dernière.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Pas l’intégralité, j’espère !

M. Christian Bataille. À cette occasion, je me suis aperçu que M. le rapporteur m’a attribué jeudi dernier un rapport dont je ne suis pas l’auteur. Le compte rendu analytique retranscrit ainsi ses propos : « M. Bataille, dans un rapport pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, s’est fait l’apôtre du GPP, le gaz de lisier de porc. » Je suis l’auteur de nombreux rapports sur l’énergie, dont le dernier, cosigné avec Claude Birraux, porte sur les nouvelles solutions énergétiques alternatives et a recueilli un certain écho. Mais ce rapport n’aborde pas la question du biogaz : celle-ci a été traitée par d’autres collègues, parmi lesquels, si je ne me trompe, M. Yves Cochet. C’est d’ailleurs une impropriété que de parler de GPP – « gaz produit par les porcs » –, puisqu’il peut s’agir aussi de gaz d’origine bovine. Sans doute faudrait-il abandonner cette dénomination. (Sourires.)

Je saurais donc gré au rapporteur de bien vouloir, dans la suite des débats, rectifier son erreur. Jamais je ne me suis fait l’apôtre de ce type d’énergie, même si nous devons la prendre au sérieux et l’inclure dans la palette des énergies renouvelables.

M. le président. L’Assemblée aura bien compris que le rapporteur a commis une erreur, monsieur Bataille. Les secrétaires des débats, qui en ont fait le fidèle compte rendu, retranscriront votre intervention avec le même sérieux. Ainsi, nul ne pourra ignorer que vous n’êtes pas l’auteur de ce rapport. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je salue le calme et le sérieux des orateurs qui viennent de s’exprimer, même si, bien entendu, le Gouvernement ne partage pas leurs avis.

Il est vrai, monsieur Brottes, que le Président de la République a indiqué ce matin que les temps ont changé. En l’état actuel des choses, le projet que le Gouvernement présente à l’Assemblée afin de donner au capital de Gaz de France, sous certaines conditions, la souplesse suffisante pour être à même de nouer des alliances – comme c’est déjà le cas pour les autres entreprises gazières européennes – est le meilleur projet possible.

Je le répète de la façon la plus claire, nous sommes ici pour discuter des conditions auxquelles Gaz de France pourra utiliser son capital pour nouer une alliance stratégique dans l’intérêt des consommateurs français et de ses missions de service public. Je l’ai indiqué à maintes reprises, ce n’est qu’après le temps du débat parlementaire que viendra le temps des actionnaires, des projets et des assemblées générales. J’en entends qui s’expriment déjà ici ou là, en particulier les actionnaires de Suez : ils sont littéralement à contretemps ! Ils en ont certes le droit, mais le Parlement n’a pas vocation à débattre de l’intérêt de telle ou telle catégorie d’actionnaires. Il est appelé à débattre des conditions nécessaires pour permettre à Gaz de France d’aller de l’avant, en tenant compte des évolutions du secteur, en particulier de l’évolution des prix des hydrocarbures à laquelle nous devons faire face depuis maintenant près de deux ans.

Je rappelle également – et je ne cesserai de le répéter – qu’il est de l’intérêt des consommateurs français que nous transposions rapidement la directive énergie, afin qu’ils puissent conserver l’accès aux tarifs régulés, en particulier dans les secteurs de l’électricité et du gaz. Tel est l’objet de la discussion d’aujourd’hui. Si nous ne le faisons pas, nous nous retrouverons le 1er juillet 2007 dans un vide juridique, qui mettra en péril la possibilité de préserver ces tarifs régulés.

Monsieur Bataille, j’ai bien noté le correctif que vous avez apporté. Le rapporteur livre plusieurs combats et – cela arrive – il s’est trompé de bataille ! (Sourires.) Nous savons maintenant que la paternité des GPP ne vous revient pas et le rapporteur en convient lui aussi.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, je prends acte que, sur la faisabilité de la fusion Gaz de France-Suez, vous vous êtes montré extrêmement prudent en utilisant des mots qui ne renvoient pas directement à ce projet. Il est vrai que vous souhaitez simplement disposer d’un chèque en blanc pour pouvoir travailler sur différentes hypothèses.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non !

M. François Brottes. Vous dites que le temps du Parlement n’est pas le temps des actionnaires. Or, dès lors que la puissance publique est l’actionnaire majoritaire de Gaz de France et que nous avons la charge de défendre les intérêts du peuple français, nous considérons que celui-ci, précisément comme actionnaire, est au cœur du débat. S’il revient au Gouvernement de prendre les décisions, nous sommes là pour être vigilants et exercer notre fonction de contrôle.

Par ailleurs, nous n’avons jamais contesté l’intérêt de transposer la directive. Nous avons même dit que vous auriez dû le faire en 2004. Même si nous ne sommes pas d’accord sur les modalités de cette transposition, nous souhaitons avancer dans ce débat pour qu’elle puisse enfin avoir lieu.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Vendredi après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi relatif au secteur de l’énergie, s’arrêtant à l’amendement n° 137639 rectifié portant article additionnel après l’article 2.

Après l’article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 137639 rectifié et 88413 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour soutenir l’amendement n° 137 639 rectifié.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je présenterai très brièvement cet amendement puisque je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises la semaine dernière. Il s’agit de fixer précisément dans la loi la mission générale de la commission de régulation de l’énergie, ce qui n’avait été fait ni dans la loi de 2000 ni dans les suivantes. Cet amendement définit ainsi le périmètre général de l’intervention de la CRE, en élargissant sa responsabilité à la surveillance des marchés.

Je profite de ce que j’ai la parole pour vous préciser, monsieur Bataille, que j’ai fait référence à un rapport que vous aviez cosigné avec Claude Birraux, Les nouvelles technologies de l’énergie, dans le cadre de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et dont un chapitre était consacré aux biogaz. Connaissant l’intérêt que vous portez à cette question depuis longtemps, je me suis permis de penser que vous étiez, sinon le père, du moins l’un des pères de cette idée qui est, je crois, appelée à beaucoup progresser.

M. Christian Bataille. Je n’en suis pas l’apôtre, en tout cas !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour soutenir l’amendement n° 88413 rectifié.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Comme celui de la commission des affaires économiques, l’amendement de la commission des finances tend à préciser le rôle assigné à la commission de régulation de l’énergie, en ajoutant à sa mission de contrôle des transactions effectuées sur les marchés de l’électricité et des échanges aux frontières, celle de surveillance de la formation des prix. Les consommateurs finals ne sont pas concernés par l’amendement de la commission des affaires économiques, puisque la CRE serait simplement chargée de surveiller « pour l’énergie et pour le gaz naturel, les transactions effectuées entre fournisseurs, négociants et producteurs ». Il serait paradoxal, alors que nous avons fait entrer à la commission de régulation de l’énergie un représentant des consommateurs, que ceux-ci ne soient pas concernés. L’amendement de la commission des finances introduirait donc une cohérence.

M. le président. Qu’en pense la commission des affaires économiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je note avec satisfaction que la commission des finances s’intéresse aux mêmes sujets que la commission des affaires économiques. Néanmoins, j’ai quelque faiblesse pour l’amendement que j’ai soutenu, qui est plus complet puisque le premier paragraphe porte sur les missions générales de la CRE. Je me permets donc d’inviter le rapporteur pour avis à s’y rallier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’amendement de la commission des affaires économiques va dans le bon sens et le Gouvernement le soutiendra. Il est en effet très important de préciser les missions essentielles de la CRE, et même de chercher des moyens de les renforcer. Je souhaiterais toutefois qu’une modification soit apportée au deuxième alinéa, en remplaçant les mots : « en exerçant les compétences » par l’expression : « dans le respect des compétences », qui me semble juridiquement plus correcte. À cette réserve près, le Gouvernement, considérant que la rédaction plus globale de cet amendement satisfait celui de la commission des finances, invite le rapporteur pour avis à s’y rallier.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons l’habitude désormais de ces débats entre les deux rapporteurs et le Gouvernement, puisque déjà, la semaine dernière, le ministre s’était opposé à la proposition de M. Lenoir, elle-même très divergente de celle de M. Novelli, s’agissant de la composition de la CRE. Nous nous étions alors abstenus sur cette proposition, qui nous paraissait clarifier la situation actuelle, par trop opaque.

Il est dommage que le groupe de M. Novelli n’ait pas voté la demande de constitution d’une commission d’enquête sur les prix de l’électricité, que nous avions présentée. Cette commission aurait permis de faire la lumière sur les modalités de formation des prix et des coûts, ce qui allait dans le sens de son amendement. La surveillance proposée par M. Lenoir, quant à elle, n’intègre pas la dimension formation des prix, contrairement à ce que dit M. le ministre.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est très important !

M. François Brottes. Sans m’immiscer plus avant dans ce débat interne à la majorité, je souhaite simplement rappeler que nous avions déjà soulevé la question sans recevoir le moindre écho.

Lors du débat sur la composition de la commission de régulation, nous avons tous regretté que les régulateurs ne prennent pas suffisamment en compte l’intérêt de l’usager, se concentrant de façon obsessionnelle sur l’entrée de nouveaux entrants sur le marché et le sacrifice des intérêts des opérateurs historiques. Je vous avais notamment indiqué, monsieur le rapporteur, que votre rédaction : « La commission de régulation de l’énergie concourt à un fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel bénéficiant aux consommateurs finals », revenait simplement à prendre acte d’un fait évident. Je vous avais proposé une formulation plus volontariste : « qui bénéficie aux consommateurs finals ». De la sorte, la CRE se serait d’abord intéressée à l’impact sur le consommateur final avant de mettre en œuvre quelque proposition de régulation que ce soit. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Bien que vous ayez du mal à mettre d’accord votre propre camp, je me permets de glisser cette suggestion. À vous de voir quel usage vous souhaitez en faire.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La dernière séance, où l’on a commencé à détricoter la commission de régulation de l’énergie, tant dans sa composition que dans le mode de rémunération de ses membres, a beaucoup inquiété le groupe UDF. Je le dis en son nom et de manière solennelle : aucun marché ne peut fonctionner sans un arbitre fort.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Or nous sommes allés dans le sens exactement inverse. D’ailleurs, M. le ministre l’a senti, qui a émis, comme le rapporteur de la commission des finances et l’opposition, des réserves sur les derniers amendements de la commission. Le problème n’est pas anodin et c’est peut-être ce qui m’a conduit à être maladroit s’agissant de la présence de parlementaires au sein de la CRE. Ceux qui sont ici présents sont, certes, studieux et laborieux.

M. François Brottes. Dont acte !

M. Christian Bataille. Adeptes du labeur, ce n’est pas la même chose ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Je voulais plutôt dire que les parlementaires étaient des généralistes, alors que les commissaires des autorités de régulation doivent être des spécialistes.

Les deux amendements qui nous sont soumis, proches sur certains aspects, diffèrent, M. Brottes a raison de le souligner, sur d’autres. Nous serions bien inspirés de transposer la directive européenne qui, dans son article 23, « Autorités de régulation », précise que les autorités « sont au minimum chargées, par l'application du présent article, d'assurer la non-discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché », mais aussi, à l’alinéa f, les conditions et tarifs de connexion. Car une autorité de régulation qui ne gère pas les prix joue aux billes ! La question est donc extrêmement importante.

J’en appelle d’ailleurs à votre engagement, messieurs les ministres, parce que l’orientation du Gouvernement était aussi d’ouvrir les marchés. Or nous savons, dans le Sud-Ouest, ce que cela peut donner de faire un match sans arbitre…

Au nom du groupe UDF, j’appelle solennellement votre attention sur l’importance d’une CRE forte et efficace. C’est pourquoi nous sommes plus enclins à soutenir l’amendement de la commission des finances, ne nous retrouvant pas dans celui de la commission des affaires économiques.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les deux amendements sont incompatibles : l’adoption de l’amendement de la commission des affaires économiques ferait, en effet, tomber l’amendement de la commission des finances puisqu’il supprime le troisième alinéa de l’article 3 de la loi du 10 février 2000 que souhaite modifier M. Novelli.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord avec votre analyse, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Le groupe communiste votera contre l’amendement de la commission des affaires économiques. La CRE devrait, en réalité, s’appeler la CDE, c’est-à-dire la commission de dérégulation de l’énergie, puisqu’il est expressément écrit dans l’amendement, qu’« elle veille en particulier à ce que les conditions d’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel n’entravent pas le développement de la concurrence ».

Quand on sait que la CRE est seule à donner un avis et que, suivant en cela les orientations de la directive européenne, elle a toujours donné un avis défavorable sur le prix régulé, nous ne pouvons la considérer que comme s’inscrivant totalement dans une philosophie de concurrence libre et non faussée et concourant, par conséquent, à accentuer les inégalités.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Après avoir écouté M. Dionis du Séjour, je me dis que le tricot a joué un rôle dans l’histoire de la République, à commencer par les tricoteuses qui, sous la Convention, siégeaient dans la tribune du public et applaudissaient les prises de position les plus extrêmes. (Sourires.)

Ayant été le rapporteur de la loi de 2000, je n’ai pas vraiment le sentiment que l’on veuille la détricoter.

M. Jean Dionis du Séjour. Je parlais de la directive !

M. Christian Bataille. Comme je l’ai déjà dit vendredi – et nous laissons le soin à nos collègues de régler leurs comptes –, il y a deux positions dans la majorité : les jacobins qui croient au rôle de l’État et ceux qui, comme M. Dionis du Séjour et également, si je ne me trompe pas, M. Novelli, s’inscrivent dans une philosophie du détricotage de l’État.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, de respect de la directive européenne !

M. Christian Bataille. Je ne vous ai pas interrompu, cher collègue. Libre à vous de vouloir jouer les arbitres mais laissez-moi m’exprimer jusqu’au bout.

On peut certes s’interroger sur le rôle que certaines instances prétendument indépendantes comme la CRE veulent jouer. Force est de constater que, par rapport aux dispositions que nous avons adoptées en 2000, la commission de régulation de l’énergie est sans arrêt sortie de son rôle en empiétant de plus en plus sur les prérogatives de l’État, jusqu’à se substituer au Gouvernement, qui s’est montré un peu faible en ce domaine.

Le débat mérite d’être poursuivi mais je tenais à rappeler notre position de la semaine dernière qui consiste, lorsque la majorité est divisée entre deux tendances, à ne pas prendre position. Nous nous abstiendrons donc sur ces amendements.

M. le président. La parole est M. le rapporteur, pour préciser la position de la commission des affaires économiques sur la modification rédactionnelle proposée par M. le ministre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je répondrai auparavant à M. Brottes qui tentait d’opposer les deux commissions et le Gouvernement derrière des considérations partisanes. Non ! Il y a simplement des positions différentes, dont on débat et entre lesquelles on tranche.

Dans un souci qui sera apprécié par tous de réunir les points de vue et d’aboutir à un texte qui recueille le consensus, je donne un avis favorable à l’excellente suggestion du ministre, qui consiste à remplacer les mots : « en exerçant les compétences qui lui sont attribuées par la loi », par les mots : « dans le respect des compétences qui lui sont attribuées par la loi », ainsi qu’à la proposition faite par M. François Brottes de remplacer le mot : « bénéficiant », par les mots : « qui bénéficie ».

M. le président. L’amendement de la commission devient donc l’amendement n° 137639, deuxième rectification, dans lequel la première phrase du texte proposé pour l’article 28-1 serait ainsi rédigée : « La Commission de régulation de l’énergie concourt à un fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel qui bénéficie aux consommateurs finals dans le respect des compétences qui lui sont attribuées par la loi. »

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Monsieur le président, il me semble qu’il ne faut par reprendre le débat de la semaine dernière portant sur la composition. Nous sommes maintenant dans un autre registre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’Assemblée a voté sur ce point !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. L’amendement proposé par la commission des affaires économiques est plus détaillé, c’est vrai, mais il y manque une référence aux transactions effectuées jusqu’aux consommateurs finals, ce qui est dommage. Néanmoins, pour faire mentir M. Brottes – une fois n’est pas coutume – et montrer qu’une bonne entente règne au sein de la majorité, je retire l’amendement de la commission des finances.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien ! J’apprécie votre position.

M. le président. L’amendement n° 88413 rectifié est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour. Je demande la parole, monsieur le président !

M. François Brottes. Moi aussi, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, ce débat est clos.

Je mets aux voix l'amendement n° 137639, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 137573 rectifié de M. Dionis de Séjour, à qui je vais donner la parole. C’est parce que vous aviez un amendement à défendre, monsieur Dionis du Séjour, que je ne vous l’ai pas redonnée sur l’amendement précédent. Il est inutile de multiplier les prises de parole.

M. Jean Dionis du Séjour. Je comprends et accepte tout à fait cette procédure, monsieur le président.

J’ai une question très simple et pourtant centrale à poser au Gouvernement : transposons-nous vraiment la directive si nous ne mettons pas la surveillance des tarifs dans les compétences de la CRE ?

Je le répète : un régulateur qui ne s’occupe pas des tarifs est un régulateur qui joue aux billes ! La directive est très claire sur ce point. Il faudra à un moment arrêter l’attaque en règle que l’on mène contre elle, qui revient en définitive à une non-transposition, puisque l’on n’en respecte pas l’esprit.

J’ai indiqué que l’UDF soutiendrait les articles 1 à 9 du projet, mais si vous continuez à transposer la directive de cette façon, nous allons revoir notre position. Le Gouvernement veut-il vraiment la transposer et avoir un régulateur fort ? J’attends une réponse claire à cette question.

L’amendement n° 137573 rectifié vise à ce que la CRE soit préalablement consultée sur les projets de règlement ayant un effet direct ou indirect sur la partie régulée de l’approvisionnement en énergie, c’est-à-dire sur les réseaux à la fois de transport et de distribution. Dans les domaines éminemment techniques comme celui-ci, le diable se cache en effet dans les détails et c’est dans les instructions techniques que se rencontrent les problèmes.

Pourquoi avons-nous déposé cet amendement ? D’abord, parce qu’il s’inscrit dans l’axe de la directive et, ensuite, parce que, dans la pratique, des textes importants sont sortis sans que la CRE ait été saisie, comme le décret du 19 mars 2004 relatif aux obligations de service public dans le secteur du gaz et le décret du 29 mars 2000 relatif à l’éligibilité des consommateurs d’électricité. C’est un amendement qui nous semble naturel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je comprends les motivations de M. Dionis du Séjour mais son amendement est déjà satisfait par l’article 31 de la loi du 10 février 2000, à cette différence près qu’en parlant d’« effet direct ou indirect », il introduirait un risque de contentieux. Au nom du principe de consultation systématique de la CRE, il ouvrirait en fait la boîte de Pandore.

C’est la raison pour laquelle j’invite l’Assemblée à repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Même avis que le rapporteur. Tous les textes concernant des projets de règlement ayant un rapport direct avec l’accès aux réseaux de transport et de distribution sont déjà examinés par la CRE. L’adjectif « indirect » pouvant être interprété différemment par les uns et les autres, il serait inévitablement source de contentieux. Il ne nous paraît donc par prudent de l’inscrire dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Après vérification, je donne acte au rapporteur que mon amendement est satisfait par l’article 31 de la loi de 2000 et je le retire. La loi ne doit pas être bavarde.

Il reste qu’en pratique, la CRE n’a pas été consultée sur un certain nombre de textes, alors qu’elle était directement concernée.

Par ailleurs, je demande une nouvelle fois à M. le ministre de bien vouloir me dire si, oui ou non, la CRE est compétente en matière de tarifs. Ce point est très important à ce moment précis du débat.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vous rappelle, monsieur le président – mais vous le savez mieux que quiconque – que l’urgence a été déclarée sur ce texte et que nous ne pourrons donc pas en débattre à nouveau avec le rapporteur ou avec le ministre. C’est pourquoi j’avais redemandé la parole sur l’amendement précédent. Comme il est toujours question de régulation dans celui que nous examinons, je me permets, avec votre accord, de préciser la pensée qui m’animait lorsque j’ai proposé de modifier l’amendement de M. Lenoir, modification qu’il a acceptée, ce que j’apprécie.

Lorsque nous écrivons que la « Commission de régulation de l’énergie concourt à un fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel “ qui bénéficie ” aux consommateurs », nous n’énonçons pas là une évidence. Cela veut dire qu’il s’agit bien d’un objectif qui doit être tenu par la CRE et que, si la CRE prenait une décision portant préjudice aux consommateurs, celle-ci pourrait être contestée. J’espère que la rédaction est suffisamment claire. Si tel n’était pas le cas, mieux vaudrait écrire : « qui doit bénéficier aux consommateurs ».

Je demande à M. le rapporteur de bien vouloir me préciser si tel est bien le cas. La précision est importante parce que d’elle découle la posture que pourra prendre notamment l’État face à une décision de la CRE qui irait à l’encontre des intérêts des consommateurs.

Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis de poser cette question.

M. le président. Quelle que soit la position du rapporteur, monsieur Brottes, nous ne pourrons pas modifier un texte qui vient d’être adopté. Seul le Sénat pourra le faire.

M. François Brottes. L’éclairage du rapporteur peut ne pas justifier de modifications, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur Brottes, c’est bien mal me connaître que d’imaginer que j’accepterais ainsi une de vos propositions avec l’idée que le texte que nous retenons ne va pas aussi loin que votre pensée.

J’ai bien compris le sens qu’il fallait donner à votre sous-amendement. J’ai donc donné mon accord en toute connaissance de cause, et l’Assemblée m’a suivi.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Monsieur Dionis du Séjour, vous vous interrogez sur le point de savoir si les directives concernant la Commission de régulation sont entièrement appliquées en France ou si nous avons omis d’en transposer une partie. Je voudrais vous rassurer. Aujourd’hui, la CRE est déjà compétente pour l’ensemble des tarifs de l’électricité et du gaz. L’amendement qui vient d’être adopté élargit sa compétence à ce que je pourrais appeler les prix – puisque nous distinguons par convention implicite entre nous, depuis quelques jours, le tarif et le prix. L’amendement de la commission propose une extension, au-delà des tarifs, à la formation des prix, y compris avec les opérateurs des pays frontaliers de la France. La palette est vaste.

La CRE vérifie que la concurrence s’applique et que les tarifs ne visent pas à favoriser l’un ou l’autre. Elle a donc, aujourd’hui, les moyens juridiques de remplir toutes les missions prévues par les directives.

M. le président. L'amendement n° 137573 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 137640 et 137535, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 137640.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement vise à assouplir les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l’énergie peut communiquer un certain nombre d’informations, aussi bien aux commissions permanentes du Parlement qu’à des autorités étrangères, qui assurent dans les mêmes conditions la confidentialité des informations qu’elles peuvent recevoir. Il va donc dans le sens d’une meilleure information des parties concernées.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir l’amendement n° 137535, deuxième rectification.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. La commission des finances a adopté cet amendement qui a le même objet que celui de la commission des affaires économiques. Ce dernier précise que les informations sont également transmises aux commissions permanentes du Parlement chargées de l’énergie. Je n’y vois pas d’inconvénient et me rallie donc à cette rédaction sachant que les deux amendements étaient quasi identiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement de M. Novelli ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je donnerai surtout un avis sur le choix du rapporteur de la commission des finances. Se rallier à notre amendement me semble une excellente démarche. Ainsi, il n’y a plus de débat.

M. le président. L'amendement n° 137535, deuxième rectification, est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 137640 ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le Gouvernement y est très favorable. J’ai essayé d’obtenir une coopération approfondie sur les questions d’investissement dans le domaine de la production et des transports d’électricité entre les pays du Benelux, l’Allemagne et la France. Pour parvenir à ce but, nous avons fait en sorte que les instances de l’État, des différentes CRE et des diverses sociétés de transport – la RTE et ses homologues – se retrouvent et que des échanges aient vraiment lieu. Nous avons constaté que les compétences des commissions de régulation n’étaient pas exactement identiques d’un pays à l’autre. Il est nécessaire de parvenir déjà à une régulation commune dans le sous-groupe des pays de l’Europe voisins de la France pour envisager ensuite une régulation européenne d’ensemble plus efficace. Nous nous y appliquons. Je suis content que cet amendement permette à la CRE de procéder à ces échanges en toute sécurité.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons déploré, au début de ce débat, le manque de volontarisme du Gouvernement en matière de politique européenne de l’énergie. Nous prenons acte de ce petit pas.

Une fois n’est pas coutume, je préfère la formulation de l’amendement de M. Novelli s’agissant : « d’un autre État membre de l’Union européenne », plutôt que celle de l’amendement n° 137640 de la commission : « l’autorité étrangère ». Cette dernière acception me semble bien large et peu courtoise à l’égard des pays de l’Union. Il serait bon de modifier l’amendement de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je trouve la suggestion de M. Brottes excellente. Je lui suggère de déposer un sous-amendement pour remplacer les mots : « autorité étrangère » par les mots : « d’un autre État membre de l’Union européenne ».

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous pouvez rectifier vous-même votre amendement.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avec le concours de M. François Brottes – tout arrive – je propose de substituer aux mots : « l’autorité étrangère concernée » les mots : « l’autorité d’un autre État membre de l’Union européenne ». Et il convient de reprendre cette formulation à la fin de l’amendement à la place des mots : « à une autorité publique étrangère ».

M. le président. Pour plus de clarté, je vais relire l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

« L’article 35 de la loi n° 200-108 du 10 février 2000 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’obligation de secret professionnel ne fait pas obstacle à la communication par la Commission de régulation de l’énergie des informations ou documents qu’elle détient aux commissions du Parlement compétentes en matière d’énergie ou, sous réserve de réciprocité et à condition que l’autorité d’un autre État membre de l’Union européenne soit astreinte aux mêmes obligations de secret professionnel que la Commission de régulation de l’énergie, à une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne exerçant des compétences analogues à celle de la Commission de régulation de l’énergie. »

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 137640 rectifié ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137640 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement est adopté à l’unanimité.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 137641 rectifié et 88414, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 137641 rectifié.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’amendement de la commission des affaires économiques est excellent. L’amendement de la commission des finances l’est tout autant. Je me rallie donc à celui que M. le rapporteur pour avis va développer.

M. le président. L'amendement n° 137641 rectifié est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 88414, deuxième rectification.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ces amendements étaient identiques. Il s’agit de renforcer le pouvoir réglementaire de la CRE en ce qui concerne le secteur du gaz naturel, parallèlement aux compétences dont elle dispose s’agissant de l’électricité.

Je salue le geste du rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Avec l’accord de son président !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Grâce à lui, la commission des finances aura donc pu faire adopter un amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je pensais que nous aurions un peu de temps pour analyser le texte puisqu’il y aurait eu désaccord. Mais, il y a accord, les choses vont très vite et nous sommes obligés d’aller, nous aussi, très vite.

La CRE fera état au Journal officiel de la conclusion des contrats d’achat de gaz, mais nous n’en connaîtrons pas la teneur. Elle publiera seulement ses décisions concernant les modalités de passation, le cahier des charges ou les conditions d’accès au marché, sans pour autant faire connaître le détail des différents accords. C’est bien cela ?...

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je n’ai pas la même lecture que vous, monsieur Brottes. L’amendement prévoit que la Commission de régulation de l’énergie précise, en tant que de besoin, par décision publiée au Journal officiel, les règles concernant […] 4° les conditions d’utilisation des réseaux de gaz naturel et des installations de gaz liquéfié ; ». La Commission publie donc les règles.

M. François Brottes. C’est bien ce que j’avais compris !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88414, deuxième rectification, de la commission des finances, auquel s’est rallié le rapporteur de la commission des affaires économiques, dans un geste de courtoisie qui n’a pas de conséquences législatives, puisque les deux amendements étaient identiques.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 137575.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes là au cœur du pouvoir d’arbitrage de la CRE. Nous devons transposer une directive européenne qui institue clairement l’autorité de régulation comme l’arbitre des contentieux entre les divers opérateurs sur l’utilisation de la partie régulée : les réseaux de transport et de distribution. Mais le paragraphe 5 de l’article 23 de la directive donne à l’autorité de régulation un pouvoir fort et même contraignant, tandis que l’article 38 de la loi du 10 février 2000 va moins loin puisqu’on n’y retrouve pas le pouvoir d’injonction. Je me permets de relire le texte de la directive : « Toute partie ayant un grief à faire valoir contre un gestionnaire de réseau de transport […] peut s’adresser à l’autorité de régulation qui, agissant en tant qu’autorité de règlement du litige, prend une décision dans un délai de deux mois après la réception de la plainte. Ce délai peut être prolongé lorsque l’autorité de régulation demande des informations complémentaires. Une prolongation supplémentaire de ce délai est possible, moyennant l’accord du plaignant. Cette décision est contraignante. » – pour autant qu’elle ne soit pas annulée par un recours.

Vous allez pouvoir me dire, monsieur le rapporteur, si j’ai fait une lecture trop rapide de la loi de 2000 ou s’il faut encore transposer le passage que je viens de lire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je perçois bien les motivations de M. Dionis du Séjour. Cependant, je crois qu’il commet une erreur. La loi de 2000 prévoit que la CRE peut adresser des mises en demeure avec astreinte, procédure beaucoup plus contraignante que l’injonction. Quand, en qualité de maire, on peut y recourir, la personne concernée n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour acquiescer à la mise en demeure. La législation en vigueur opère donc une meilleure transposition que ne le ferait l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Nous entendons ici de curieuses interprétations. Comme M. Dionis du Séjour, j’ai voté « oui » au référendum sur la Constitution européenne, mais je ne suis pas persuadé – je m’en excuse auprès de lui – que la dévotion qu’il a pour les directives de Bruxelles rende un grand service à l’Europe. Je suis convaincu qu’il faut laisser une marge de manœuvre aux États…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est la subsidiarité !

M. Christian Bataille. …qui, si on l’écoutait, ne bénéficieraient plus d’aucune liberté d’action.

En tant que rapporteur de la loi de 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, je me souviens que nous avions relevé à l’époque que, contrairement à l’interprétation avancée par M. Dionis du Séjour, les autorités européennes ne voulaient pas donner à la CRE un pouvoir de contrainte absolue. Notre assemblée doit donc conserver sa marge de manœuvre et son autonomie. En outre, en présentant toujours Bruxelles comme le père fouettard, nous prenons le risque de rendre l’idée d’Europe impopulaire.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite interroger M. le ministre sur la manière dont il conçoit le rôle de la Commission de régulation de l’énergie, du Conseil de la concurrence et de la DGCCRF, qui est sous son autorité. Je note d’ailleurs qu’il existe d’autres autorités de régulation : l’ART, par exemple dans le secteur des télécommunications.

Entre ces trois instances, il y a parfois confusion des rôles et les usagers ont du mal à s’y retrouver. Je me souviens notamment de quelques imbroglios fameux à propos de l’homologation des tarifs des télécommunications. Plus personne ne savait laquelle des trois instances saisir. Il serait donc souhaitable, à ce stade du débat, de clarifier leurs rôles respectifs pour que ce soit inscrit au Journal officiel.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je tiens à répondre à la critique de Christian Bataille : construire un environnement juridique commun à toute l’Europe, cher collègue, est loin d’être un objectif politique mineur. C’est cela la construction européenne au quotidien, et c’est très important pour nous.

J’approuve par ailleurs le principe de subsidiarité. Mais venant de relire l’article 38 de la loi de 2000, j’en conclus que rien ne nous aurait empêché de transposer en termes identiques l’alinéa 5 de l’article 23 de la directive. Pourquoi prévoir des délais de recours et d’astreinte différents ? Quelle logique suivez-vous, monsieur le ministre, alors que tout le monde s’emploie à construire un environnement juridique commun ? Pourquoi de tels écarts et jusqu’à quand ? Notre but n’est-il pas de construire l’Europe du droit ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137575 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous allons quitter le sujet de la régulation et ma question sur le rôle des différentes instances n’a pas obtenu de réponse. Je n’aimerais pas m’entendre dire qu’elle est hors sujet si je suis amené à la reposer ultérieurement. J’insiste donc, monsieur le président, pour que le gouvernement nous fasse maintenant la réponse à laquelle nous avons droit. Cette clarification s’impose et elle sera utile aussi à la majorité.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous allons répondre !

M. Jean Dionis du Séjour. À ma question également, monsieur le ministre ?

M. le président. Je vous rappelle, monsieur Brottes, mais vous le savez parfaitement, que ce n’est pas parce que tel ou tel interpelle le Gouvernement qu’il est obligé de répondre.

M. François Brottes. C’est bien pourquoi j’insiste autant !

M. le président. Mais le ministre peut prendre la parole quand il le souhaite.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je réponds volontiers, car c’est une clarification utile.

La CRE, c’est-à-dire le régulateur, surveille en permanence les marchés de l’énergie : accès au réseau, surveillance des marchés et des transactions, avis sur les décisions tarifaires. La DGCCRF et le Conseil de la concurrence sont les deux composantes administrative et juridictionnelle ; ils sont saisis en cas de problème de concurrence sur ces marchés ; ils donnent ensuite leur avis et prennent des décisions sur les sujets qui concernent spécifiquement les conditions de la concurrence, les ententes ou les abus de position dominante. Les choses sont extrêmement claires et il était opportun, monsieur le président, de rappeler cette répartition des rôles à ce moment du débat.

M. Yves Coussain. C’est très clair !

M. le président. Brièvement, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette clarification. Si j’ai bien entendu, cela signifierait que le Conseil de la concurrence pourrait remettre en cause une décision du régulateur puisqu’il intervient a posteriori.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non ! Son domaine de compétence n’est pas le même.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 137642 et 88415 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour défendre le premier. Peut-être aurez-vous, monsieur Lenoir, le même geste de courtoisie que tout à l’heure ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’hésitais, mais comme vous m’y incitez, monsieur le président, je me rallie à l’amendement de la commission des finances. Par conséquent, je retire mon amendement n° 137642.

M. le président. L’amendement n° 137642 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 88415 rectifié.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre les pouvoirs de sanction de la CRE à l’accès des tiers au stockage de gaz naturel.

L’article 40 de la loi du 10 février 2000 prévoit que la CRE peut sanctionner les manquements qu’elle constate. La loi du 9 août 2004 a transposé les obligations de la directive du 26 juin 2003 en matière d’accès des tiers aux stockages. Toutefois, la compétence de la CRE pour sanctionner les gestionnaires d’infrastructures de gaz n’a pas été étendue aux opérateurs en charge des installations de stockage de gaz. Afin de garantir que l’accès des tiers à toutes les infrastructures essentielles est mise en œuvre de manière transparente et non discriminatoire, le pouvoir de sanction de la CRE doit être étendu aux manquements de la part des gestionnaires et des utilisateurs d’installations de stockage de gaz naturel.

Tel est le sens de l’amendement de la commission des finances, identique, en effet, à celui de la commission des affaires économiques, et je salue la courtoisie exemplaire de son rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis ravi de pouvoir donner un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. On a reproché à l’opposition d’avoir déposé un grand nombre d’amendements différents, mais je note, et n’y voyez aucune perfidie, que la majorité dépose de nombreux amendements identiques. Je n’en tire aucune conclusion…

Je souhaite savoir, et je m’adresse à M. Novelli ou à M. Lenoir puisqu’ils sont d’accord sur ce point, si les bateaux qui transportent du GNL sont concernés.

M. Christian Bataille. Grande question !

M. François Brottes. Il s’agit, pour ainsi dire, de stockage flottant.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est du transport, pas du stockage !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Non, ces navires ne sont pas concernés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88415 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88416 tombe, compte tenu de l’adoption, en début de séance, de l’amendement n° 137639 deuxième rectification.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 137643 et 114273 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il s’agit de faire pour le gaz ce que nous avons fait tout à l’heure pour l’électricité. La commission des finances ayant eu la même idée, je l’invite cette fois à se rallier à l’amendement de la commission des affaires économiques. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je le fais bien volontiers, compte tenu du climat qui règne dans cette assemblée.

M. le président. L’amendement de M. Novelli est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur celui de M. Lenoir ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon intention n’est pas de commenter la multiplicité des amendements identiques déposés par nos collègues Lenoir et Novelli, mais de leur poser une question sur les compétences de la CRE. Si on lui donne le pouvoir d’approuver préalablement les programmes d’investissement relatifs au transport du gaz naturel, pourra-t-elle enjoindre aux opérateurs d’investir dans le transport ? La privatisation fragilise, à nos yeux, la volonté d’investir, y compris dans les infrastructures. Que la CRE soit saisie préalablement à l’investissement, dont acte. Mais sans décision d’investissement, elle ne sera pas saisie du sujet. Le texte prévoit-il quelque chose pour qu’elle puisse s’inquiéter du fait que des investissements ne soient pas réalisés dans le domaine des infrastructures ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Aucun pouvoir n’est accordée à la Commission de régulation de l’énergie dans ce domaine.

M. François Brottes. Vous voyez bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La CRE ne dispose pas de pouvoir spécifique pour obliger un opérateur à investir. En revanche, comme vous le savez, elle soumet des propositions au ministre sur les tarifs d’acheminement. Il va de soi qu’un investissement sera réalisé dans le cadre de ce tarif. S’il est nécessaire de construire une nouvelle conduite ou un gazoduc, la rémunération permettra à l’opérateur de financer et d’amortir l’installation. La question ne se pose donc pas en ces termes.

M. François Brottes. Et si personne ne propose cet investissement ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137643.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques n°s 38140 à 38161.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je note que, pour justifier vos réformes, vous ne mettez en avant aucun argument concernant l'intérêt des consommateurs, tant au niveau des prix que de l'amélioration du service public.

La réussite d'EDF et GDF est, à cet égard, sans doute tellement évidente et reconnue par rapport aux firmes privées équivalentes que personne ne se risque à la mettre en doute. Personne ne met non plus en avant l'intérêt du personnel pour justifier ces privatisations. Personne, enfin, ne met en avant l'intérêt national ou l'intérêt de nos territoires. Aucune raison sérieuse ne justifie ces privatisations. Ni l'intérêt du développement des entreprises, ni les besoins financiers de l'État, ni l'intérêt des usagers, ni celui du personnel, ni celui des territoires.

Il existe en revanche une série de raisons fortes qui militent contre l'ouverture des marchés et la privatisation. Nous en avons souligné de nombreuses, nous faisant l'écho des inquiétudes mais aussi des aspirations de la majorité de nos concitoyens, très attachés, vous le savez, à nos services publics.

Qu'arrivera-t-il demain avec votre réforme ? Rapidement se mettra en place un oligopole de quelques opérateurs énergétiques dont on ne pourra comparer les offres mais qui auront en commun des prix en hausse ; la péréquation des tarifs sera progressivement remise en cause, notamment par une segmentation incontrôlée de la clientèle avec des prix très différenciés. Pour GDF comme pour EDF, ce sera la fin de la péréquation géographique complète et de l'égalité d'accès aux services. En outre, cela constituera une mise en cause de la solidarité sociale et territoriale pour l'électricité, bien indispensable à la vie domestique et professionnelle.

Ainsi comprenez-vous peut-être mieux l'objet de cet amendement : inscrire dans la loi que le ministre chargé de l'énergie veillera à ce que la péréquation tarifaire en matière de gaz assure l'égalité d'accès de tous sur tout le territoire, quels que soient leurs moyens.

M. Ollier est bien placé pour savoir que les besoins en énergie sont différents selon les territoires. Mais dans le Queyras comme à Collioure, l’exigence de la péréquation et de l’égalité de traitement entre les territoires s’impose. Je pense que vous serez d’accord avec moi, n’est-ce pas ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Permettez-moi de rappeler les différences entre l’électricité et le gaz pour ce qui est de la desserte. L’électricité est caractérisée par l’universalité de la desserte et une péréquation tarifaire à l’échelle nationale. Ce n’est pas le cas pour le gaz depuis 1946. D’abord, il n’y a pas de desserte universelle : seule une partie du territoire est desservie en gaz naturel. Ensuite, il n’y a pas de tarif unique puisqu’il existe cinq zones tarifaires.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 38140 à 38161.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 38162 à 38183.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je ne reviendrai pas aux arguments développés précédemment, alors que nous demandions au Gouvernement de dresser un bilan de l'ouverture partielle des marchés de l'énergie, même si le présent amendement formule une demande très proche. Je voudrais néanmoins souligner certains points.

Depuis 1990, le Parlement français a transposé une série de directives communautaires qui, en touchant aux monopoles nationaux et aux opérateurs historiques, sont venues déréguler des secteurs aussi importants pour notre pays, ses habitants et ses territoires que l'énergie, la poste et les télécommunications ou le transport ferroviaire.

La gestion publique et monopolistique de ces activités avait pourtant permis à ces entreprises de réaliser des économies d'échelle, de maintenir des tarifs accessibles et de pratiquer une péréquation pour leurs activités, apportant ainsi des réponses au plus près des besoins des usagers. Enfin, et c'est là leur spécificité, les activités économiques de France Télécom, d'EDF-GDF, de La Poste et de la SNCF se sont distinguées en s'inscrivant constamment dans une logique dépassant celle des seuls intérêts économiques et financiers. Elles ont su garantir à chacun le droit d'accéder à des biens essentiels, mais elles ont aussi répondu à l'intérêt général des collectivités pour assurer la cohésion sociale et territoriale, tout en développant des emplois de qualité et en s'inscrivant dans une logique d'aménagement du territoire et de développement de la recherche.

Or, depuis le traité de Maastricht, la réalisation du marché intérieur, fondée sur la libéralisation des économies, constitue le socle de la politique de l'Union Européenne. Dans les secteurs mentionnés, les lois de transposition des directives communautaires s'inscrivent dans un processus de mise en concurrence des opérateurs historiques avec d'autres groupes nationaux, ainsi qu'avec des entreprises privées.

Une note de la Commission européenne de 1996 qualifie certes les industries de réseau de « services d'intérêt général », mais cette notion semble être un calque bien appauvri de celle de service public : elle n'implique plus de péréquation tarifaire, mais une « égalité d'accès » aux services et mentionne des « services de qualité à un prix abordable », sans pour autant faire référence à la péréquation tarifaire et sociale. Les « obligations de service universel » n'exposent quant à elles les opérateurs qu'à un minimum de contraintes par rapport aux missions de service public. Outre que les objectifs des « services d'intérêt général » sont peu ambitieux, plusieurs éléments permettent de douter de la compatibilité entre une économie concurrentielle, inscrite dans un circuit de financement visant la rentabilité à court terme, et l'accomplissement des missions économiques et sociales des industries de réseau. La gestion de ces entreprises est en effet soumise à de nouvelles règles qui s'inscrivent dans une vision libérale de l'économie et des rapports humains.

Dans tous les anciens services publics, les directives européennes organisent la segmentation des activités des opérateurs historiques, avec notamment la séparation des comptes par activité au sein des entreprises publiques. Cela désolidarise les activités les plus rentables financièrement des autres activités plus coûteuses mais nécessaires. De surcroît, cette segmentation permet aux opérateurs privés de capter les secteurs les plus rentables du marché.

Parallèlement à l'ouverture des réseaux à la concurrence et à l'introduction de modes de gestion capitalistique, on observe des évolutions inquiétantes dans tous les secteurs mentionnés. De sérieux freins sont mis à la contribution des services publics à l'aménagement du territoire, au développement d'emplois stables et qualifiés, ainsi qu’à l'effort de recherche. Ces évolutions font douter des bénéfices qu'usagers et citoyens devraient, selon les défenseurs des libéralisations, tirer de l'ouverture à la concurrence.

Aussi est-il urgent que le bien-fondé de cette vaste entreprise de dérégulation des services publics soit soumis à un examen critique.

Alors même que la construction européenne pourrait s'appuyer sur les secteurs publics rénovés de chaque pays et les inciter à coopérer, ou bien initier des services publics à l'échelle européenne, tout indique, au contraire, sa volonté de poursuivre dans la voie de la concurrence et de l'ouverture du capital, étape vers la privatisation, comme l'a montré l'évolution de France Télécom.

L'analyse des conséquences de cette orientation est aujourd'hui possible, tant en France que dans les autres pays européens. Elle est nécessaire pour réorienter éventuellement le processus à l'œuvre. En conséquence, il est du devoir du Parlement, au moment où sont annoncées de nouvelles étapes dans la libéralisation des entreprises publiques, de réaliser un bilan des ouvertures à la concurrence des secteurs publics, à la lumière des critères constitutifs de ceux-ci. Telles sont les motivations qui conduisent le groupe des député-e-s communistes et républicains à vous proposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Asensi souhaite qu’un rapport vienne s’ajouter aux déjà très nombreux rapports existants. Quand je vois que certains des nôtres, comme Christian Bataille, oublient même les rapports qu’ils ont remis, je me dis que mieux vaut ne pas alourdir leurs tâches.

Je suggère donc que nous repoussions ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

Ce que demande M. Asensi existe déjà puisque l’Observatoire de l’énergie, service du ministère de l’industrie, publie chaque mois tous les prix et élabore des compilations tous les six mois, toutes données disponibles sur le site www. industrie. gouv. fr.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 38162 à 38 183.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 3

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Christian Bataille, pour cinq minutes.

M. Christian Bataille. Nous arrivons à un autre article important, et c’est avec sérieux et non dans une volonté d’obstruction que nous voulons adresser des objections au Gouvernement, comme nous l’avons fait depuis le début.

L’article 3 vise à créer un tarif social pour le gaz naturel, notion très importante que la loi de 2000 avait abordée pour ce qui concerne l’électricité. Sans entrer pour l’instant dans le détail des modalités, je veux dire que nous soutenons fortement le principe d’une solidarité envers les plus démunis mais que nous divergeons sur sa mise en œuvre.

Des raisons de fond justifient notre réserve. L’article 3 représente en quelque sorte le « côté jardin » de votre projet de loi. Plus vendeur, il est destiné à montrer que vous avez des préoccupations sociales. Mais à l’article 10, nous passerons « côté cour » avec la privatisation de Gaz de France, part d’ombre de votre projet, que l’on examinera dans quelques jours, ou peut-être un peu plus tard, je ne sais.

L’actualité récente montre que nous ne pouvons faire confiance à cette majorité pour mener une politique sociale du gaz. Le chef de l’UMP, M. Sarkozy, a été en effet faire acte d’allégeance à M. George W. Bush. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Pire que cela !

M. Louis Guédon. Ce n’est pas ce que nous avons lu !

M. Christian Bataille. Or M. Bush est le promoteur d’une politique ultra-libérale, appliquée par sa majorité républicaine extrême, et c’est une politique qui ne marche pas. Je vais vous en donner quelques exemples. Il faut savoir que les États-unis n’ont pas généralisé la déréglementation à tout leur territoire, contrairement à ce que l’on dit. Seuls quelques États comme l’Indiana, le Texas, l’Arizona et l’Oregon ont totalement ouvert leurs marchés électriques à la concurrence. Les autres États ont différé, retardé, suspendu, abandonné ce processus. Les prix de l’énergie sont ainsi marqués par une très grande disparité : alors qu’ils sont d’un peu moins de 5 cents dans le Wyoming, ils atteignent plus du double – 11,5 cents – en Californie, État expérimental de la libéralisation qui détient des records en matière de tarifs.

Dans son rapport de juin 2006, le fameux régulateur, – fonction que vous aimez tant, monsieur Dionis du Séjour –, le président de la FERC, Federal Energy Regulatory Commission, après avoir analysé les résultats de l’ouverture aux ménages de la concurrence pour la distribution de l’électricité dans sept États parmi les plus importants, dont l’État de New-York, la Pennsylvanie, l’Illinois et le Texas, a constaté que l’offre de distribution ne s’est pas accrue sensiblement – elle a plutôt eu tendance à se réduire autour de monopoles fédéraux – et que le nombre des fournisseurs, quand il a augmenté, n’a pas entraîné de diminution des prix, bien au contraire.

Les États-unis, nation si exemplaire aux yeux de Nicolas Sarkozy, ne sont certainement pas un modèle que nous devons imiter puisque la dérégulation s’y est traduite par une réduction de la qualité du service et une augmentation des prix.

Voilà pourquoi nous ne pouvons faire confiance au Gouvernement UMP pour appliquer le tarif social dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Plus on privatise, plus on précarise, plus il faut donner de signes de compensation, comme ici avec le tarif social. Malheureusement, de notre point de vue, celles-ci ne permettront jamais aux plus démunis de ne pas subir les méfaits de la privatisation de Gaz de France et de la précarisation alimentée par la mise en œuvre de contrats précaires, comme le contrat nouvelles embauches, et par l’augmentation du travail d’intérim et des travaux payés à l’heure, qui obligent chaque jour de plus en plus de nos concitoyens à se lancer dans la quête d’une nouvelle tâche.

Cette majorité a pour préoccupation principale de casser tout ce qui ressemble à une perspective d’emploi fixe, à durée indéterminée, à une formation tout au long de la vie dans un métier que l’on exerce avec sérénité. Tout cela nécessite d’allumer des contre-feux.

Au début de la discussion – il y a maintenant renoncé –, M. le rapporteur essayait de faire croire que nous n’avions pas mis en œuvre les éléments de la tarification sociale. Je lui démontrerai, au contraire, que l’histoire et la pratique des socialistes en ce domaine est incontestable et surtout qu’ils suivent toujours cette ligne de conduite qui consiste à considérer l’énergie comme un élément fondamental pour l’égalité des chances, ce qui suppose que personne n’en soit exclu.

L’article 43 de la loi du 1er décembre 1988, qui a institué, dans le cadre du revenu minimum d’insertion, le principe d’une convention entre le préfet et EDF-GDF, prévoyait déjà l’accès à la fourniture en eau et en énergie pour tous. La loi du 29 juillet 1992 portant adaptation du revenu minimum d’insertion a créé un fonds d’aide au règlement des factures, alimenté par les opérateurs historiques, l’État et les collectivités territoriales. Ce fonds d’aide permet de faire face aux difficultés rencontrées par certaines de nos populations.

Je citerai encore la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 qui a instauré le droit à une aide au maintien des services d’énergie – vous voyez qu’on ne vous a pas attendus – et la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, rapportée par Christian Bataille, qui a concrétisé le droit à l’énergie pour tous en tant que produit de première nécessité. Cette loi a instauré le tarif social auquel la majorité d’aujourd’hui était opposée. Je rappelle que ni M. Sarkozy ni M. Ollier ne l’ont votée,…

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais j’assume, monsieur Brottes !

M. François Brottes. …ce que M. Lenoir a fait, et je lui en sais gré.

Enfin, le décret du 20 juin 2001 prévoit que toute personne physique menacée d’une suspension de fourniture pour cause d’impayé, ayant déposé un dossier de demande d’aide financière, bénéficie du maintien de la fourniture d’électricité avec une puissance minimale de 3 kilowattheures. Là encore, vous le voyez, nous ne vous avons pas attendus pour chercher des solutions pour les plus démunis, quand il semble que vous ne le faites que parce qu’une directive vous y oblige.

Il y a peu, nous avons même proposé une solution encore plus performante : la mise en œuvre d’une couverture énergétique universelle. Mais la majorité a fait en sorte que cette proposition de loi ne soit pas débattue, ce qui est bien dommage. Comme le disait Jean Jaurès, certains parlent du cœur comme d’autres parlent du nez ! Vous n’évoquez que des intentions, et vous n’êtes malheureusement jamais au rendez-vous des actes sur la question de la tarification sociale.

Nous prenons acte de votre proposition dans le cadre de ce texte de loi d’instaurer un tarif social pour le gaz. Nous verrons qui peut en bénéficier, car c’est dans le détail que se nichent parfois les plus grandes injustices. Vous pouvez donc compter sur notre vigilance.

Nous savons que votre proposition n’est qu’une application stricte de la directive. Hélas, la privatisation de Gaz de France et la précarisation des contrats de travail rendront le tarif social fort utile.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Comme M. Brottes, je considère que cette disposition relève plus de l’affichage que de la volonté d’instaurer un tarif social qui permette aux plus défavorisés d’avoir accès à l’énergie.

Même si l’exposé des motifs précise que « le consommateur relevant de ce dispositif se voit notifier ses droits par son distributeur ou tout autre organisme désigné à cet effet par son distributeur », la rédaction du texte de loi n’est guère précise et laisse à penser que le consommateur ne peut bénéficier de la tarification spéciale que s’il en fait la demande, comme c’est le cas actuellement pour l’électricité. C’est pratique ! Et le décalage est énorme entre le nombre de personnes qui bénéficient réellement de la tarification spéciale pour l’électricité et ceux qui devraient en bénéficier. Je vous citerai tout à l’heure les chiffres qui concernent ma ville et mon département.

Vous savez aussi bien que moi que l’adage selon lequel nul n’est censé ignorer la loi et ses décrets n’est qu’une fiction juridique. Nous souhaitons, pour notre part, que les consommateurs soient informés de leurs droits, par les services sociaux par exemple. En outre, la loi renvoie au décret la fixation du plafond de revenu pour l’ouverture du droit à cette aide. Pour l’électricité, le décret d’application du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale fixe à 5 520 euros le plafond de revenu, soit moins de 550 euros par mois. Seule une petite frange de la population pourra donc bénéficier de ce dispositif. Or, vous le savez aussi bien que nous, la pauvreté augmente dans le pays. Le phénomène des travailleurs pauvres sur lequel plusieurs chercheurs et militants associatifs attirent notre attention montre que de plus en plus de foyers ou de personnes seules peinent à joindre les deux bouts, bien qu’ayant un travail. Quelle solution proposerez-vous à ces personnes qui ont des difficultés pour acquitter leurs factures ? Les gens qui ont du mal à joindre les deux bouts mais qui ne sont pas dans le dénuement total n’auront pas droit à ce dispositif et subiront de plein fouet la hausse des prix.

Nous souhaitons plus globalement un dispositif d’extension de la tarification sociale de l’électricité et un dispositif pour le gaz avec un plafond plus élevé, pour l’ensemble des foyers non imposables au titre de l’impôt sur le revenu, pour prévenir les coupures et assurer l’égalité des citoyens devant l’accès à l’électricité. L’accès à la tarification sociale est soumis actuellement à un plafond à peine équivalent à celui des bénéficiaires de la CMU.

Enfin, permettez-moi, à l’aune de ce qui existe pour l’électricité, de douter que le dispositif que vous proposez pour le gaz mérite le nom dont vous l’affublez : « tarification spéciale de solidarité ». Solidarité de qui envers qui ? Solidarité entre les gagnants de l’ouverture à la concurrence que sont les actionnaires et les consommateurs ? Non, entre les consommateurs eux-mêmes ! Pour l’électricité, ce sont les opérateurs qui étaient censés prendre en charge la contribution au service public de l’électricité. Votre gouvernement est revenu sur ce choix en instaurant, dans la loi de 2003, une taxe sur chaque kilowattheure, due par les consommateurs, pour financer la solidarité envers les plus pauvres. L’article 37 de la loi du 3 janvier 2003 fixait ainsi le montant de la contribution applicable à chaque kilowattheure à 0,33 euro. Encore un impôt qui touche tous les citoyens ! La tarification spéciale devrait d’abord être supportée par les opérateurs, qui avaient exigé une hausse des tarifs pour abonder la CSPE. Tout cela risque de se reproduire avec le gaz.

L’architecture même du texte en dit long sur vos velléités en faveur de la justice sociale. Dans un article censé protéger les intérêts des consommateurs les plus modestes, un seul paragraphe est consacré à l’institution de la taxe et aucune disposition concrète n’est prévue pour s’assurer qu’elle jouera un rôle suffisant pour protéger les consommateurs de la hausse des prix. En revanche, l’article 3 contient plus de huit alinéas qui détaillent la façon dont les fournisseurs pourront s’en accommoder. Et vous avez pris soin de fixer un plafond à la contribution dont ils devront s’acquitter : vous êtes plus précis que lorsqu’il s’agit de concrétiser l’aide aux plus démunis.

Il semble donc que cet article 3 ne soit qu’un dispositif d’affichage pour vendre votre projet de loi et éviter de vous attirer les foudres de la majorité des consommateurs auxquels il faut faire gober que la hausse du coût des matières premières est la seule responsable de celle du prix du gaz. C’est d’autant moins crédible que l’on sait que les prix du gaz sont fixés dans le cadre de contrats à long terme qui ne fluctuent pas directement en fonction des dernières hausses du prix du pétrole.

Face à vos contradictions, face aux hausses scandaleuses du prix du gaz dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du marché, il devient politiquement délicat de transposer sans sourciller la directive communautaire relative au gaz, qui prône la mise en concurrence et la privatisation de tout le secteur. D’où votre article 3, une sorte de soupape cache-misère pour tenter d’éviter que n’éclate le scandale de la marchandisation de l’énergie et de la captation des profits par une minorité au détriment de l’intérêt du plus grand nombre.

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l’article 3.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir les amendements identiques nos 38184 à 38205.

M. François Asensi. La Commission de régulation de l'énergie est l’une de ces autorités administratives indépendantes qui fleurissent depuis vingt ans au cœur de nos institutions, prenant modèle sur les public agencies d'outre-Atlantique.

Indépendamment des réserves que nous inspirent communément ces autorités qui fonctionnent hors de tout contrôle démocratique, tant sur leur composition que sur leurs prérogatives, nous voulons appeler l’attention sur certaines spécificités de cette commission.

Certes, la CRE a pour mission de garantir le droit d'accès aux réseaux publics d'électricité et aux réseaux et installations de gaz naturel, de veiller au bon fonctionnement et au développement des réseaux et infrastructures d'électricité et de gaz naturel, mais elle a surtout vocation à accompagner la dérégulation et l'ouverture des marchés à la concurrence et de formuler des avis sur les tarifs de l'énergie.

Admettez qu’il est assez cocasse, et tout aussi navrant, de confier à une autorité qui souhaite la suppression des tarifs régulés compétence pour en proposer la régulation. C’est malheureusement la vérité.

Les amendements nos 38184 à 38205 visent à remédier à cet état de fait en faisant en sorte qu'avant d'émettre son avis sur les tarifs, la CRE soit dans l'obligation de consulter les organisations représentatives des salariés, les associations de consommateurs et l'Observatoire national du service public de l’énergie.

Ce serait le gage d'avis fondés et mieux en phase avec les intérêts et les attentes de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur Asensi, la CRE procède déjà dans les faits à ces auditions, à l’exception de l’Observatoire national du service public de l’énergie. Vos amendements sont donc largement satisfaits et j’invite l’Assemblée à voter contre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Ces amendements posent le problème du fonctionnement de la CRE et de son incidence sur le niveau des prix.

Ces dernières années ont montré que la CRE a plutôt été un facteur de majoration que de modération de prix. Elle a même reproché au Gouvernement de ne pas fixer des tarifs assez élevés. Par conséquent, la consultation des organisations de consommateurs et de tous ceux qui ont intérêt à ce que les prix soient le plus bas possible est une bonne chose.

Cette proposition va dans le bon sens car, s’il peut être utile d’avoir un organisme de régulation, il ne peut pas, dans notre lecture politique, fonctionner selon le modèle libéral, comme s’il voulait toujours les prix les plus élevés. Cette philosophie libérale, qui est un peu celle de l’UDF, n’est pas la nôtre. Nous sommes pour une commission de régulation de l’énergie qui avantage le consommateur et qui aille dans le sens d’une modération des tarifs.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 38184 à 38205.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 38206 à 38227.

La parole est à M. François Asensi, pour les soutenir.

M. François Asensi. Ces amendements visent à préciser que la CRE – je l’ai rappelé à l’instant – a pour mission de veiller à ce que l’ouverture du marché concilie l’introduction de la concurrence et l’accomplissement des missions de service public. Ce mariage de l’eau et du feu n’est évidemment qu’un vœu pieu ! C’est toutefois à ce titre que la CRE est amenée à proposer chaque année au ministre chargé de l’énergie le montant des charges de service public et celui de la contribution applicable à chaque kilowattheure. Elle propose également aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie le montant des reversements effectués au profit des opérateurs supportant les charges de service public. Ce sont la qualification et la portée de ces propositions que visent à modifier nos amendements. Nous pensons en effet que, compte tenu du caractère assez orienté de son rôle et de ses missions, il serait souhaitable que la CRE émette de simples avis.

M. le président. La commission est défavorable, je présume, à ces amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui, monsieur le président

M. le président. Et le Gouvernement également.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet. Je souhaite toutefois donner les raisons pour lesquelles il émet un avis défavorable.

Je tiens à vous rappeler, monsieur Asensi, que la directive européenne 2003-55 définit précisément le rôle de l’autorité de régulation du secteur en matière tarifaire.

M. Jean Dionis du Séjour. Quand même !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le régulateur peut ou fixer les tarifs d’utilisation des réseaux de gaz naturel ou les proposer au ministre compétent, en l’occurrence moi-même. C’est cette dernière solution qui prévaut en France. Le dispositif en vigueur est donc conforme à la directive.

M. Jean Dionis du Séjour. Merci de l’avoir rappelé, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. C’est une nuance très importante : le rôle de la CRE est à notre sens d’éclairer le Gouvernement et de l’aider dans la définition de sa politique, non de se substituer à lui. La CRE ne saurait être un ministère ou un secrétariat d’État bis à l’énergie. Elle doit se cantonner à donner des avis : elle a uniquement un rôle de conseil. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements identiques défendus par M. Asensi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 38206 à 38227.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 90380 à 90401.

M. François Asensi. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite, à l’occasion de ces amendements identiques, et avant que ne soit abordé l’examen des différents amendements du rapporteur à l’article 3, que celui-ci nous apporte quelques précisions sur le mécanisme du tarif social.

Nous aimerions en effet savoir qui mettra de côté les sommes permettant aux plus démunis de faire face, dans quels délais et à quelles conditions elles seront débloquées au profit des opérateurs, dès l’instant qu’ils auront été saisis d’une demande, comment les personnes concernées – c’est une des questions posées par nos collègues communistes – sauront qu’elles peuvent bénéficier du tarif social et, enfin, quel usage il sera fait du fichier des consommateurs ayant eu recours au tarif social, fichier qui, si j’ai bien compris, sera commun à l’ensemble des opérateurs. En effet, en l’absence d’obligation stricte de desserte, les informations contenues dans un tel fichier ne risqueront-elles pas de conduire les opérateurs à refuser de vendre du gaz ?

Nous serions donc heureux si le rapporteur, avant d’aborder ses amendements, acceptait de nous donner toutes ces informations, ainsi que les raisons pour lesquelles le système de collecte des fonds qui a été choisi pour l’électricité ne l’a pas été pour le gaz. Ses réponses permettraient de cadrer le débat sur l’article 3 et d’en saisir la logique.

C’est une simple suggestion et je n’ignore pas, monsieur le président, que le rapporteur n’est pas obligé d’y donner suite.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 90380 à 90401.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 88351 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement essentiel concerne le tarif social applicable aux clients du gaz, que j’ai évoqué dès ma présentation du projet de loi. Ensuite, aussi bien dans la discussion générale que lors de l’examen des amendements avant l’article 1er, nous avons à plusieurs reprises abordé ce dossier qui n’est pas seulement technique mais aussi éminemment politique.

Le tarif social – je le rappelle dans un souci de vérité historique – a été créé par un amendement du groupe communiste à la loi du 10 février 2000.

M. François Asensi. C’est notre rôle !

M. François Brottes et M. Christian Bataille. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il ne figurait donc pas à l’origine dans le projet de loi, mais le meilleur accueil a été réservé à cette initiative.

M. Christian Bataille. Tout de même !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous assistâmes même à des épanchements : le rapporteur, Christian Bataille, salua cette avancée et des députés de la majorité de l’époque ne manquèrent pas de souligner la part qu’elle prenait à la mise en place d’un dispositif social, tandis que le ministre en personne déclarait : « Le Gouvernement considère que la disposition proposée par l’amendement et les sous-amendements constitue un progrès important qui se situe dans le droit fil de la mesure relative au droit à l’électricité que l’Assemblée a adopté cette nuit », ajoutant, à l’occasion des explications de vote des différents groupes – la loi figure au Journal officiel à la date du 10 février 2000, mais c’est en mars 1999 que le texte a été voté –, que « le service public de l’électricité intègre à présent un dispositif renforcé en vue d’assurer un véritable droit à l’énergie dans le domaine de l’électricité : instauration d’une tarification de produits de première nécessité pour certains usagers, renforcement du mécanisme d’aide pour la fourniture de l’électricité aux plus démunis, dispositions spécifiques en matière de prévention des coupures de courant ». Bref, la majorité plurielle claironnait qu’elle avait adopté un dispositif tout à fait innovant en faveur des plus démunis.

J’ouvre une parenthèse pour répondre à certaines des affirmations de François Brottes ainsi qu’à sa dernière question. Sur celle relative au tarif social de l’électricité et, aujourd'hui, du gaz, un élu des Landes, qui siège à gauche et que le sens de la nuance ne distingue pas, s’est écrié, la semaine dernière, que nous mentions, que le tarif social existait bien du temps de la majorité précédente et de nous citer des fonds, que François Brottes a également évoqués.

M. François Brottes. Je peux vous les citer de nouveau, si vous le souhaitez, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous les connaissons d’autant mieux, mon cher collègue, que nous sommes des élus locaux particulièrement attentifs à ces questions. Mais arrêtez d’entretenir la confusion ! Du reste, le ministre de l’époque a été très clair.

Il existe, pour les plus démunis, trois dispositifs : le tarif social proprement dit ; les aides, qui ne constituent pas une tarification spéciale mais sont accordées aux plus démunis pour le règlement partiel ou total des impayés ; les mesures visant à prévenir les coupures de courant en période de froid.

En ce qui concerne le tarif social, créé par la loi de février 2000, vous n’avez pas réussi, je le répète, même si la vérité doit vous faire crier, ou même hurler…

M. François Brottes. La vérité, c’est que la droite n’a pas voté cette loi !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Encore une fois, monsieur Brottes, vous vous trompez ! Je l’ai votée.

M. Christian Bataille. Mais la droite a voté contre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai d’autant plus de raisons de protester contre le sort qui a été fait au tarif social que j’ai précisément voté la loi du 10 février 2000 parce qu’y figurait cette disposition en faveur des plus démunis.

M. François Brottes. Cela vous honore !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Or, en deux ans, je le répète vous n’avez pas même trouvé le temps de publier le décret permettant son application !

La main sur le cœur, vous votez un dispositif et le claironnez partout pour, finalement, ne plus rien faire, et ce, dans l’indifférence de vos propres rangs. Peut-être avez-vous pensé qu’après avoir voté la mesure il n’était pas nécessaire de la faire appliquer pour être quittes !

Arrive l’élection présidentielle : en avril et mai 2002, le décret n’est toujours pas publié et il faudra attendre le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour qu’il soit enfin signé.

Il est néanmoins inexact de dire, mes chers collègues du groupe socialiste, que vous n’avez absolument rien fait et je dois corriger mon propos initial sur ce point. J’ai en effet découvert ce week-end, en révisant mes notes afin d’être en mesure de répondre, toujours avec beaucoup de plaisir, aux nombreuses questions que François Brottes me pose, une histoire bien curieuse, qui s’est déroulée juste avant le second tour de l’élection présidentielle, le 5 mai 2002, et la démission du gouvernement de Lionel Jospin. La source en est le Journal officiel, qui publie le 27 juin 2002 cet avis de la Commission de régulation de l’énergie : « La Commission de régulation de l’énergie a été saisie, le 3 mai 2002, par un courrier reçu le 6 mai, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre délégué à l'industrie, aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation d'un projet de décret relatif à la tarification spéciale de l'électricité “produit de première nécessité”, pris en application de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. »

Trois jours pour aller de l’hôtel Matignon à la place de la Bourse : peut-être eût-il mieux valu envoyer un coursier,…

M. François Brottes. Ou un hélicoptère ?

M. Serge Blisko. Non, il était déjà pris !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …l’affaire étant suffisamment importante pour qu’un pli urgent fût adressé au destinataire !

Quoi qu’il en soit, c’est au milieu des cartons, pour reprendre une expression que j’utilise d’autant plus volontiers que j’ai moi-même été de ceux qui ont dû en faire quelques-uns,…

M. Christian Bataille. Et vous en ferez d’autres !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …que vous avez brusquement été saisis de la conscience d’un oubli : le tarif social ! Et le 6 mai 2002, soit deux jours avant l’arrivée de Jean-Pierre Raffarin et la formation du nouveau gouvernement, voilà que la CRE est saisie d’un projet de décret, par ailleurs inapplicable et qu’il a fallu entièrement refaire !

Je vous en prie, mes chers collègues, abordez la question du tarif social avec une plus grande discrétion ! Il ne sert à rien de vous défendre comme de beaux diables face au rappel des faits. Je ne cherche pas à polémiquer, j’ai simplement, en tant que rapporteur, un devoir d’historien – j’en prends à témoin M. Asensi – et j’ai l’habitude d’aller jusqu’au bout de mes devoirs.

C’est donc bien grâce à la majorité actuelle que le tarif social est finalement appliqué.

M. Christian Bataille. Cet argument-là, vous l’utilisez une fois à chaque séance !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est que, ayant pour seul objectif de rétablir les faits, je réponds une fois par séance à vos affirmations incessantes.

Du reste, pourquoi tant de pugnacité de votre part à ce sujet ? J’ai réfléchi ces jours derniers à l’explication que vous nous avez donnée et qui m’a troublé : à vous entendre, si vous n’avez pas publié le décret d’application, c’est qu’il n’était pas nécessaire de le faire puisque le tarif social est destiné aux particuliers et qu’il n’était pas question d’étendre le prix du marché aux particuliers. Maintenant, le voile est tombé et l’explication devient claire : si vous avez voté le tarif social, c’est au contraire parce vous saviez que vous alliez étendre aux particuliers l’ouverture du marché. N’avez-vous pas reconnu vous-mêmes avec ardeur que vous faisiez un lien entre le tarif social et l’ouverture des marchés aux particuliers ? C’est donc bien parce que vous aviez l’intention de vous conformer entièrement à la décision de Barcelone d’étendre le marché de l’électricité et du gaz aux ménages, que vous aviez pris la précaution de prévoir un tarif social !

Enfin, monsieur Brottes, sur le fait de savoir pourquoi le dispositif prévu pour le gaz n’est pas entièrement identique à celui qui a été mis en place pour l’électricité, je vous répondrai que c’est le même fichier des personnes démunies – celui d’Électricité de France – qui sera utilisé, toute personne raccordée au gaz étant raccordée à l’électricité, mais qu’en revanche le financement sera différent : le tarif social de l’électricité est financé par la contribution au service public de l’électricité, la CSPE ; pour le gaz, ce sont les fournisseurs, c'est-à-dire les entreprises, qui financeront le dispositif. Cela nous semble préférable à un recours aux autres abonnés, même au titre de la solidarité.

Maintenant que le tarif social figure dans le texte, je n’ai pas besoin d’en expliciter les modalités, à moins qu’il ne faille apporter des précisions sur les dispositions en faveur des plus démunis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’ai une précision à apporter à ce que vient de dire M. le rapporteur. Même si je souhaite résolument me tourner vers l’avenir, je me dois de rappeler que, lors du débat du 14 juin sur l’énergie – vous y assistiez, monsieur le ministre –, j’avais souhaité avec M. Poignant, au nom de la commission des affaires économiques et du groupe UMP, que le tarif social figure dans le projet. Aussi vous sais-je gré d’avoir modifié le texte initial pour y intégrer – outre la garantie que l’État conserverait 34 % du capital de GDF – la création du tarif social, disposition qui a donné une portée qu’il n’avait pas au texte et qui montre, si besoin était, combien la majorité est sensible à la situation des personnes les plus en difficulté. Je ne souhaite pas m’attarder sur le passé, je l’ai dit, mais le décret de 2004 relatif au tarif social de l’électricité – pris, donc, par un gouvernement de cette majorité – constituait un progrès important. Un second progrès a été accompli grâce à l’amendement Ollier-Lenoir, voté en 2004, prévoyant l’extension de ce tarif aux prestations liées à la fourniture.

Au sein de la commission des affaires économiques, nous avons longuement débattu de la mise en œuvre du tarif social pour le gaz et nous souhaitions, grâce à cet amendement, aligner le dispositif sur celui de l’électricité. On nous reproche de prévoir que les mesures nécessaires seront prises par décret et non par la loi, mais nous faisons pleinement confiance au Gouvernement quant à l’ampleur des réductions pouvant être consenties, et la voie réglementaire lui conférant plus de souplesse pour définir le tarif social.

Reste que cette confiance se veut exigeante, monsieur le ministre. Dans le débat que nous avons eu en commission, nous avons souhaité que le tarif social tel que proposé dans cet amendement soit élargi dans sa mise en œuvre. Ainsi avons-nous demandé au Gouvernement, comme il y avait consenti pour la loi de 2004, de prévoir des dispositions qui ne figurent ni dans le projet ni dans l’amendement. C’est alors que commission et Gouvernement se sont rapprochés pour entamer des discussions constructives, si bien que, avec votre accord, je suis heureux d’annoncer que ce travail semble avoir abouti à un consensus entre la majorité et le Gouvernement, qui est prêt à améliorer le dispositif. Vous pourrez donc nous informer des conditions dans lesquelles il entend appliquer l’amendement afin que la facture des plus démunis baisse encore, évolution très positive dont les Français ne pourront que vous savoir gré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Il importait que Patrick Ollier expose le débat sous tous ses aspects. Afin d’éclairer complètement l’Assemblée, je souhaite revenir sur le fonctionnement actuel du tarif de première nécessité applicable à l’électricité. Quelques chiffres compléteront la présentation de M. le rapporteur.

Les réductions consenties varient en fonction de la composition des ménages et portent sur un volume déterminé de consommation, à savoir 100 kilowattheure par mois. À titre d’exemple, cette réduction varie de 30 % à 50 % quand on passe d’une à quatre personnes par foyer. Bénéficient du tarif de première nécessité les personnes répondant à des conditions de ressources définies par décret, correspondant aujourd’hui, vous le savez, aux critères d’attribution de la CMU. Ainsi, 1,4 million de personnes devraient être concernées en principe, mais 500 000 seulement ont répondu, malgré l’envoi d’un courrier à tous les bénéficiaires potentiels le 1er janvier 2005, après la mise en place du système.

La commission des affaires économiques, par la voix de son président, a demandé au Gouvernement d’étudier la possibilité de progresser sur ce point. Je tiens à vous rassurer. Nous préparons en effet un décret qui constituera une étape supplémentaire en direction des personnes qui devraient bénéficier de ce tarif. Nous agirons de même dans le secteur du gaz de façon que les deux systèmes, destinés à être alignés l’un sur l’autre, profitent davantage aux plus démunis.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Absolument !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cet objectif est réalisable à condition que cet amendement de la commission soit voté afin qu’un décret puisse ensuite permettre la mise en œuvre des améliorations que vous souhaitez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. La mise en œuvre de ce dispositif pose un vrai problème. Les chiffres que vient de donner M. le ministre parlent d’eux-mêmes : 500 000 bénéficiaires réels contre 1,4 million de bénéficiaires potentiels. Nous sommes confrontés à une incroyable bureaucratie à cause de laquelle les informations circulent mal !

Dans le département de Seine-Saint-Denis, 13 000 personnes bénéficient du Fonds social énergie tandis qu’on compte 52 000 Rmistes. Dans la ville de Tremblay-en-France dont je suis le maire, 126 personnes bénéficient de ce tarif spécial pour un total de 626 Rmistes. Autrement dit, on note un décalage profond, l’existence d’un véritable fossé entre ceux qui profitent du dispositif et ceux qui ignorent qu’ils le pourraient. En outre, la demande a explosé aux mois de mars et mai, au moment des régulations, et l’on s’attend à de nouveaux pics aux mois d’octobre et novembre à cause de l’augmentation du prix du gaz. Aussi, j’ose espérer que le dispositif prévu à l’article 3, ne relève pas de l’affichage. Je doute néanmoins que la majorité parvienne à faire en sorte que tous ceux qui y ont droit bénéficient du tarif social.

Toujours à Tremblay-en-France, nous avons passé 130 accords FSE curatifs et préventifs, que nous ne pourrons honorer jusqu’à la fin faute de moyens. En Seine-Saint-Denis, nous ressentons d’autant plus les inégalités territoriales que ce département, par rapport à d’autres, est confronté à de grandes difficultés et que son budget social représente des masses d’argent importantes. Il me suffirait de citer des exemples faciles en comparant la Seine-Saint-Denis avec les Hauts-de-Seine. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, le FSE verse une somme plafonnée à 200 euros par an.

Enfin, je souhaite insister sur le fait que ce sont les caisses d’assurance maladie qui transmettent les informations aux potentiels bénéficiaires des dispositifs dont nous parlons ; or des centaines de milliers d’entre eux passent malheureusement à côté. Cette bureaucratie est insoutenable. J’y insiste car il s’agit de régler les problèmes des personnes les plus défavorisées de notre pays.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le rapporteur a retrouvé le ton perfide qui le caractérise parfois. Je le déplore parce que notre séance avait plutôt bien commencé. Je n’admets pas, notamment, qu’il puisse mettre en cause l’honneur de Lionel Jospin.

J’ai rappelé que nombre de dispositifs permettaient de résoudre le problème de la tarification sociale ; j’ai rappelé aussi qu’à l’époque où nous étions majoritaires, il n’était pas question de privatiser Gaz de France ni d’ouvrir la concurrence du secteur de l’énergie aux ménages et qu’il n’était donc pas urgent de prendre le décret sur le tarif social.

Si Lionel Jospin a souhaité entamer l’élaboration de ce décret entre les deux tours, moment tardif, je le reconnais, c’est bien parce qu’il savait que la nouvelle majorité s’empresserait d’ouvrir le secteur de l’énergie à la concurrence pour les ménages, ce qui s’est produit dès 25 novembre 2002. De surcroît, si la procédure n’avait pas été lancée, le décret ne serait peut-être jamais sorti. Je sais donc gré à M. Jospin d’avoir pris cette disposition, un peu tard sans doute, mais pas trop tard pour obliger la nouvelle majorité à intervenir. Il faut écrire correctement l’histoire, si M. le rapporteur veut bien accepter que nous ayons une version sensiblement différente des faits.

En ce qui concerne cet amendement, je suis scandalisé par la manière dont la majorité procède pour la mise en œuvre du tarif social. J’ai en effet posé un certain nombre de questions concernant le projet tel qu’il se présente, questions considérées comme nulles et non avenues. Je comprends, du reste, que M. le rapporteur n’y ait pas répondu puisque l’amendement de la commission réduit considérablement la portée – déjà plutôt faible de notre point de vue –, du texte. En outre, vous m’en serez témoin, monsieur le président, des milliers et des milliers d’amendements portant sur le tarif social vont tomber après l’adoption de l’amendement de la commission. Nous devrons dès lors passer à une autre partie du débat.

Que M. le rapporteur sache que nous ne sommes pas dupes et que c’est bien un procès d’intention que nous faisons à la majorité. En effet, vous nous renvoyez à l’article 4 de la loi de 2000, où il est question des clients non éligibles, les ménages n’étant pas concernés à l’époque par l’ouverture du marché de l’électricité. D’autres dispositions, en outre, ne seront plus en vigueur. On se raccroche à un texte qui va être tronqué, en partie corrigé et, sous prétexte de simplification, vous renvoyez au décret ! Monsieur le ministre, je vous sais gré d’avoir élaboré un texte comportant certes des imprécisions, mais qui évoquait, notamment, les modalités d’accès au tarif social et la collecte de la contribution. Avec l’amendement, tout cela disparaît !

Je veux bien admettre que l’on privatise Gaz de France sans dire à quoi cela servira, je veux bien qu’on vote sur le principe d’un tarif social sans dire non plus qui sera éligible et selon quelles modalités, mais c’est au mépris du Parlement et de nos concitoyens. Ce n’est pas acceptable ! Je demande une suspension de séance au nom de mon groupe.

M. le président. La suspension est de droit, mais vous ne verrez certainement pas d’inconvénient à ce que je laisse d’abord s’exprimer les orateurs inscrits.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L’UDF s’est efforcée de creuser cette affaire importante et s’est référée pour cela au décret 2004-325 du 8 avril 2004, auquel le ministre vient d’ailleurs de faire allusion.

Le tarif social fonctionne avec un effet de seuil, c'est-à-dire qu’un foyer avec un revenu annuel inférieur à 5 520 euros y a droit, ce qui n’est pas le cas au-delà. Ce seuil est le même que pour la CMU. C’est à mon avis un choix politique lourd, car il implique que la population dont les revenus annuels se situent entre 5 520 et 12 000 euros – ce qui est à peu près le niveau du SMIC – n’est pas éligible au tarif social.

Or tous ceux qui réfléchissent sur la politique sociale de notre pays et prônent sa modernisation mettent en garde contre les effets de seuil comme celui-là. Ils signalent aussi que la réalité de la nouvelle pauvreté française, c’est à peu près un million de travailleurs pauvres, dont les revenus sont sans doute situés entre 6 000 et 12 000 euros par an.

Le ministre nous annonce un nouveau décret, mais il ne nous en donne pas les orientations politiques. Je souhaiterais donc connaître ses lignes de réflexion sur la question, savoir s’il compte effacer l’effet de seuil et comment il entend prendre en compte le rapport de Martin Hirsch sur la nouvelle pauvreté française.

Par ailleurs, outre l’effet de seuil, le calcul du tarif social se fait selon un taux de réduction variable qui prend en compte le nombre de membres du foyer. Pour un foyer composé d’une seule unité de consommation le taux de réduction est de 30 % ; pour un nombre d’unités de consommation compris entre un et deux – je ne vois d’ailleurs pas ce que cela veut dire – il est de 40 % ; pour deux unités ou plus, il est de 50 %.

Passer ainsi d’un taux de réduction de 30 % pour une personne à un taux de réduction de 50 % pour trois personnes constitue une prise en compte dérisoire de l’impact de la structure familiale sur la consommation, car tous les spécialistes savent que l’augmentation du nombre de personnes au foyer a un effet beaucoup plus important sur la diminution du pouvoir d’achat. J’aimerais savoir, monsieur le ministre, comment vous entendez prendre en compte la structure familiale dans le calcul du tarif social.

Afin que nous soyons éclairés sur les orientations politiques du décret en préparation, je vous pose donc deux questions : comment comptez-vous, d’une part, gommer l’effet de seuil et ouvrir le bénéfice du tarif social aux travailleurs pauvres ? Comment allez-vous, d’autre part, prendre en compte la structure familiale – celle notamment de la famille française type composée d’un foyer de quatre personnes – dans le calcul de ce même tarif ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je comprends parfaitement vos objections, monsieur Brottes. Il est normal que l’opposition ne soit pas toujours d’accord avec ce que nous faisons, même si j’aimerais que ce soit le cas plus souvent.

Afin toutefois qu’il n’y ait pas de quiproquos entre nous, je voudrais revenir sur notre méthode de travail. C’est la même que celle qui a présidé aux décisions que vous avez prises, selon une approche identique, dans le cadre de la loi de 2000.

M. François Brottes. A l’époque, le marché n’était pas ouvert aux ménages.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais si votre gouvernement avait décidé par la suite de l’ouvrir aux ménages, la loi prévoyait un décret similaire pour son application.

M. Christian Bataille. C’est vous qui avez décidé l’ouverture.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Notre majorité procède donc de la même manière pour régler le même problème.

M. François Brottes. Mais le contexte est différent !

M. Patrick Ollier, président de la commission. J’admets que le contexte soit différent, monsieur Brottes, mais vous ne pouvez pas dire que les moyens que nous utilisons ne sont pas les mêmes que ceux de la majorité socialiste puisque, dans les deux cas, nous avons recours à un décret, lequel offre une plus grande souplesse. La loi de 2006 voulue par notre majorité renvoie comme celle de 2000, votée par votre majorité, à un décret.

Cela étant, je comprends que ce décret suscite des questions, mais n’allez pas imaginer que nous œuvrons avec des arrière-pensées. Nous faisons en séance publique la même chose qu’en commission – vous y étiez, monsieur Brottes – où le rapporteur a fait un travail important et où cet amendement a été adopté.

Nous travaillons en confiance avec notre gouvernement et, pour lever toute suspicion, je me tourne à mon tour vers le ministre au sujet du décret en question. J’ai dit tout à l’heure, sans entrer dans les détails, qu’une évolution était nécessaire pour que le tarif social prenne en compte certaines difficultés qui n’avaient pas été envisagées jusqu’alors et que son champ d’application puisse être élargi.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous preniez le temps qu’il faut pour nous expliquer votre décret dans ses grandes lignes. Il ne s’agit bien évidemment pas de nous en donner le contenu définitif, car je présume que sa rédaction n’est pas terminée, mais votre majorité d’abord, l’opposition ensuite et les Français enfin ont le droit d’être informés sur les améliorations que vous entendez apporter au tarif social. La majorité en tout cas est fière des efforts qu’elle engage ainsi pour aider les plus défavorisés, les plus fragiles et les plus démunis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais que le Gouvernement nous explique clairement en quoi l’article 4 de la loi de 2000 a été modifié depuis qu’il a été voté, car à l’origine il évoquait des clients non éligibles ; en second lieu, nous demandons à savoir avec précision ce que contiendra le décret, quelles seront les personnes éligibles et avec quels effets de seuil, qui financera le dispositif et avec quelles contraintes, quels seront les délais de mise en œuvre.

Nous n’avons pas la foi du charbonnier que manifeste le président de la commission des affaires économiques, qui accorde son crédit au Gouvernement pour l’élaboration du décret – fort heureusement d’ailleurs, car où irions nous si la majorité ne faisait pas confiance au Gouvernement ? Nous avons besoin, pour notre part, de voir le ministre s’engager sur le contenu du décret.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est ce que je viens de demander !

M. François Brottes. Car l’on sait bien malheureusement que les décrets ne sortent pas toujours et que, s’ils sont publiés, ils sont parfois contraires à l’esprit de la loi. C’est pour cela que nous préférons que les choses soient écrites dans la loi plutôt que dans le décret. Inscrites dans la loi, elles sont d’ailleurs tout aussi susceptibles de changer, et les 70 % de participation de l’État dans le capital de Gaz de France peuvent se transformer en privatisation.

Je maintiens donc ma demande de suspension avant le vote, monsieur le président ; elle serait bienvenue à ce moment précis du débat, pour permettre au Gouvernement d’affûter ses arguments et de préparer sa réponse.

M. le président. Monsieur Brottes, je souhaite faire la suspension de séance après les explications et avant le vote.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Les remarques du président Ollier sont justes mais elles ne concernent que la forme. Nous sommes dans le cadre de la Constitution de la Ve République, qui comporte des règles. La loi et les décrets, c’est l’enveloppe, et sur ce point, en effet, les conditions n’ont pas changé. Pour le reste, il est parfaitement abusif de la part du rapporteur de ressasser le même argument, séance après séance. Je répète ce qu’a dit François Brottes : nous sommes dans un contexte complètement différent. Il s’agissait en 2000 de transposer une directive européenne. Depuis, d’autres paliers ont été franchis jusqu’à l’extension à tous les clients des effets de la libéralisation du marché prévue pour le 1er juillet 2007. Je rappelle que c’est Mme Fontaine et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui ont souhaité cette déréglementation généralisée et une libéralisation qui menace aujourd’hui les ménages. Vous en avez tellement conscience que vous voulez les protéger des abus en instaurant un tarif social. En 2000, il s’agissait d’aider les plus démunis ; aujourd’hui, il s’agit de protéger les revenus moyens des dérapages abusifs !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est votre interprétation.

M. Christian Bataille. Il ne faut donc pas tout mélanger et, au-delà de la bonne volonté dont vous faites montre dans votre amendement, vous devez nous dire, très précisément, quel sera le mode de calcul des tarifs sociaux que vous entendez appliquer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je tiens à faire toute la transparence sur la question qui nous occupe. Notre but est en effet de venir au secours des personnes en difficulté, pour lesquelles le prix de l’électricité ou celui du gaz sont trop élevés. Nous prenons pour cela les mesures nécessaires. L’amendement permet d’abord d’aligner les deux énergies sur un même régime et d’appliquer au tarif social du gaz les mêmes conditions que pour l’électricité. Cela améliore le texte en permettant une seule rédaction.

Le seul inconvénient est qu’on ne peut intégrer au décret l’obligation, mentionnée dans le projet de loi, faite aux organismes d’assurance maladie de constituer un fichier regroupant les ayant droits potentiels. Cette obligation, nécessaire pour informer les clients potentiellement éligibles, est en effet du domaine de la loi.

Cela étant, le système actuel prévoit une réduction de 30 à 50 % sur les tarifs selon la composition de la famille ; une seule personne bénéficie d’une réduction de 30 %, qui monte à 50 % pour une famille de quatre membres. Notre intention est d’établir désormais, grâce à un décret en Conseil d’État, un taux de réduction entre 50 et 70 %, pour le gaz comme pour l’électricité.

Les seuils d’éligibilité sont également fonction de la composition de la famille. Le seuil de revenu pour une personne seule est fixé à 460 euros par mois ; c’est un seuil qui progresse en fonction du nombre de membres que comporte la famille.

Non seulement, donc, nous mettons en place un dispositif unique, mais nous augmentons également de 20 % les taux de réduction proposés pour l’électricité, en les étendant au gaz. Les foyers concernés vont ainsi voir leur facture d’électricité baisser de 20 % supplémentaires et leur facture de gaz diminuer d’autant. Cela constitue une véritable amélioration du régime.

Un décret est pour cela nécessaire et, dès lors que les principes qui le sous-tendent sont clairement établis, nous nous ferons un honneur de le prendre très rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Le Gouvernement a indiqué, et je l’en remercie, les contours du mécanisme envisagé, mais il n’en a pas évoqué tous les aspects, notamment celui portant sur la contribution des opérateurs.

Je voudrais donc savoir, monsieur le ministre, quand le décret en Conseil d’État sera prêt, à quel moment nous en disposerons et quand il sera promulgué. Certes, le rapporteur fait preuve d’une grande vigilance sur le délai de promulgation des décrets et sur leur rédaction, mais nous avons le sentiment que l’Assemblée va donner un chèque en blanc au Gouvernement sur cette question du tarif social. Dans la mesure où nous ne pourrons plus débattre de la rédaction, extrêmement sibylline, de l’amendement de la commission – dont l’adoption va faire tomber des milliers d’amendements – nous souhaitons, avant de procéder au vote, que le Gouvernement nous donne des éclaircissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. À ce jour, le décret n’est pas totalement rédigé. Il est donc légitime que vous vous interrogiez sur le mécanisme, qui reste insatisfaisant.

Je vous ai donné moi-même le nombre de bénéficiaires potentiels et de bénéficiaires réels. Notre but n’est évidemment pas d’empêcher un bénéficiaire potentiel de bénéficier de ce dispositif, mais nous devons trouver un système qui permette à ce bénéficiaire, une fois informé, de pouvoir accéder au droit qui lui est reconnu.

Sous réserve de ces points à préciser, le décret peut être rédigé rapidement. Il doit certes passer en Conseil d’État, mais sa formule de base repose sur le décret déjà existant. Nous partons donc du décret en vigueur en changeant les paramètres et en ajoutant le gaz. Je l’ai dit, nous nous ferons un honneur de le faire rapidement – et ce n’était pas pour polémiquer par rapport à ce qui s’est passé pour la loi de 2000. Nous avons tous la volonté réelle d’aboutir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le Conseil supérieur de l’énergie, que j’ai l’honneur de présider, examine tous les projets d’arrêtés et de décrets : nous discuterions donc de celui-ci avec l’ensemble des acteurs du monde de l’énergie, et les partenaires sociaux qui sont membres de ce conseil.

Par ailleurs, notre amendement précise que les clients domestiques ayant droit à la tarification spéciale « produit de première nécessité » bénéficient également, à leur demande, pour une part de leur consommation, d’un tarif spécial de solidarité applicable à la fourniture de gaz naturel et aux services qui lui sont liés. M. Asensi a fait à cet égard une remarque assez judicieuse, en se demandant pourquoi des personnes démunies devraient faire la demande du tarif social. Nous hésitons à accorder un droit automatique, car cela supposerait que l’on connaisse la situation des bénéficiaires potentiels. Il y a là matière à débattre et j’étais prêt à déposer un sous-amendement précisant que ces personnes « bénéficient également de plein droit » de ce tarif spécial. Mais, étant donné les problèmes que cela implique, je préfère que nous nous donnions le temps de la réflexion. Nous verrons, à l’occasion de l’examen du texte au Sénat ou en commission mixte paritaire, quelles suites nous pourrons donner à cette suggestion.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je suis persuadé que le ministre est sincère lorsqu’il dit vouloir accélérer les choses. Cela étant, au nom du principe républicain d’égalité, nous aurions voulu que la liste des bénéficiaires du tarif social figure dans la loi, et que cette liste soit élargie au-delà des bénéficiaires de la CMU. Car, dans notre pays, les travailleurs pauvres, ceux qui touchent le SMIC, en ont besoin – notre collègue de l’UDF l’a évoqué tout à l’heure. Il y a là un véritable problème. Et je suis dubitatif, car, avec le décret, relevant du domaine réglementaire, nous ne savons pas où nous allons, et la bonne volonté des ministres ne suffit pas.

L’adoption de l’amendement de la commission va faire tomber des milliers d’amendements, et je le regrette, car cette question exige un travail minutieux. Nous débattons de problèmes importants, et je crains que le décret ne suffise pas à couvrir tous les cas de précarité sociale.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs demandes de parole. Je vous demande, mes chers collègues, d’être brefs : nous n’allons pas recommencer un débat qui aurait pu être clos avant la suspension de séance. Si j’ai reporté le vote, ce n’est pas pour que vous relanciez le débat !

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Si j’ai bien compris les propos du ministre, des améliorations sont en cours, pour aller jusqu’à 70 % et moduler le seuil selon la taille de la famille. Nous en prenons acte. Nous verrons le contenu du décret, mais c’est une orientation politique.

Cependant, il y a un effet de seuil brutal, si l’on s’en tient à 460 euros. Au-dessus, jusqu’à 1 000 euros, nous avons un million de travailleurs pauvres en France. Que fait-on pour eux ?

M. François Brottes. On privatise !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous devons travailler sur cette question.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Après les interventions de François Asensi et de Jean Dionis du Séjour, je serai brève.

S’agissant des tarifs sociaux, le Gouvernement indique qu’un décret va être promulgué. Nous avons d’ailleurs souligné l’importance de ces tarifs tout au long de la discussion avant l’article premier. Cela étant, nous souhaiterions, sur les bancs de l’opposition, qu’on élargisse le nombre des bénéficiaires. Face à l’augmentation des tarifs, nombre de femmes seules qui travaillent se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de payer leurs factures d’énergie, de même que bien des gens payés au SMIC. Que leur reste-t-il après avoir payé loyer et dépenses courantes ? Plutôt que de leur fournir de l’électricité à bon compte, mieux vaudrait augmenter le SMIC pour régler globalement la question du pouvoir d’achat.

Le décret – dont nous ne savons rien pour l’instant – doit donc absolument prévoir l’élargissement du tarif social.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous en avons déjà largement débattu avant la suspension de séance mais, avant de passer au vote, j’aimerais convaincre tout le monde que la détermination du Gouvernement comme de la majorité est, sur cette question, totale.

Vous voulez un tarif social ? Nous avons demandé au Gouvernement de le prévoir dans le texte, il y est et je l’en remercie. Vous souhaitez que son bénéfice soit élargi à certaines catégories de personnes en difficulté ? Nous avons travaillé avec le Gouvernement et il a accepté de le faire.

Nous sommes donc d’accord sur un objectif que la majorité s’est donné les moyens d’atteindre. La seule différence entre vous et nous, c’est que nous faisons confiance au Gouvernement pour que soient prises en compte toutes nos préoccupations. M. Breton et M. Loos ont indiqué les orientations du futur décret, et leurs propos figureront dans le Journal officiel. Le Gouvernement s’est donc clairement engagé, …

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet.

M. Patrick Ollier, président de la commission. …et je considère, monsieur Asensi, qu’il y a lieu d’être pleinement rassuré.

Mme Jacquaint a évoqué la revalorisation du SMIC. Sans vouloir polémiquer, je constate que, depuis que la majorité est élue, il a augmenté de 25 %. J’aimerais pouvoir vous entendre nous féliciter sur ce point.

M. François Brottes. Ce n’est pas exact !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Peut-être n’est-ce pas encore suffisant, mais c’est un progrès, et nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88531 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 38228 à 39349, 39922 à 39943, 497 à 529, 4188 à 4337, 10374 à 10604, 39350 à 39921 et 39944 à 39965 tombent, soit en tout 2 150 amendements.

M. François Brottes. Je m’en doutais !

M. le président. Je suis saisi des amendements nos 10770 rectifié à 11297 rectifié, précédemment déposés à l’article 1er.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avions en effet déposé ces amendements en amont du texte, mais avec l’accord de la commission et de son président, nous avons décidé d’en reporter la discussion à l’article 3.

Nous en restons à la question de savoir quelles personnes sont éligibles au tarif social de l’énergie. Que l’énergie soit un produit de première nécessité, c’est une évidence, et la loi de 2000 l’a d’ailleurs ainsi définie. Il serait donc très grave que des effets de seuil conduisent à priver certains de nos concitoyens. Or le ministre a implicitement reconnu que les choses n’étaient pas « calées » définitivement, et le rapporteur a, quant à lui, indiqué que des concertations auraient lieu avec les associations concernées d’ici à l’adoption définitive du dispositif, lors de son examen par le Sénat ou la commission mixte paritaire. Certes, la volonté de mettre en place un tarif social existe : il est prévu par la directive, et d’ailleurs personne ne peut en contester la nécessité. Il reste cependant à déterminer précisément qui pourra en bénéficier et dans quelles conditions.

Nos amendements, dont beaucoup sont de repli, sont une façon de rappeler qu’en dessous d’un certain niveau de ressources, compte tenu de l’évolution des charges de l’énergie, il est très difficile de s’en sortir, même en travaillant. Je le rappelle, certains opérateurs de logements HLM desservis par des réseaux de chaleur ont malheureusement jugé utile de sortir du tarif réglementé, laissant leurs locataires confrontés à une hausse massive de leurs charges : jusqu’à 60, voire 80 euros par mois. Je connais ainsi des personnes – notamment des femmes seules avec des enfants – qui ont dû se regrouper dans un même appartement faute de pouvoir assumer le coût du chauffage. La situation est donc sérieuse et nous ne pouvons nous satisfaire de réponses vagues. Il faut tenir compte des ressources mensuelles disponibles de chaque client domestique.

En 2000, et j’insiste sur ce point, nous n’avions absolument pas l’intention d’ouvrir les marchés à la concurrence. Le contexte n’est plus le même aujourd’hui, après ce qu’a accepté Mme Fontaine le 25 novembre 2002, et compte tenu de l’augmentation importante des prix de l’énergie. Il y a péril en la demeure, et c’est pourquoi le critère d’éligibilité à la CMU nous paraît totalement insuffisant.

Nos propositions visent donc à élargir le champ de l’éligibilité. Le rapporteur pourra tourner en dérision certaines d’entre elles – ce qui serait dommage pour les personnes concernées –, mais en tout état de cause, nous attendons de lui qu’il nous explique comment il entend organiser la concertation avec les associations de consommateurs et avec ceux qui, en permanence au contact des plus démunis, les aident dans l’urgence. Car nous légiférons sur la gestion des situations d’urgence et sur les délais d’intervention : on sait bien que, parfois, l’énergie est coupée avant toute discussion. Il faut donc des mesures préventives efficaces. Il faut également un dispositif qui garantisse la dignité de tous, sans que les personnes concernées aient le sentiment qu’on leur fait la charité, car elles subissent une situation dont elles ne sont pas responsables. En outre, c’est pour elles une question de survie. Dans un contexte où la précarité tend à s’étendre – à ce sujet, je peux vous donner les chiffres –, de même que la dérégulation, à laquelle contribue d’ailleurs ce texte, nous devons renforcer la protection des personnes les plus exposées. C’est pourquoi il y a urgence à élargir les conditions pour bénéficier du tarif social, en évitant les effets de seuil.

Je ne nie pas la volonté de la majorité de trouver des solutions, car elle a, elle aussi, conscience que la situation est de plus en dégradée et que les démunis sont toujours plus nombreux. Elle sait en outre que la confrontation des ménages avec une concurrence exacerbée va entraîner de nombreuses difficultés. Mais tout renvoyer à un décret nous pose problème. Nous devons dès maintenant préciser les dispositions en débat, d’autant que, le Gouvernement ayant fait le choix de déclarer l’urgence, l'Assemblée ne pourra pas examiner ce texte en deuxième lecture !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il me semble qu’en parlant de situation d’urgence, comme le fait François Brottes, on entretient une confusion. Beaucoup d’entre nous sont élus locaux, et nous savons que certaines situations doivent être réglées rapidement : c’est le rôle des CCAS et de tous les dispositifs destinés à répondre aux besoins d’urgence. Le tarif social, quant à lui, permet à certaines personnes de bénéficier de conditions plus intéressantes pour la consommation d’un produit de première nécessité. Aller au-delà de ce que propose le Gouvernement, vouloir toucher un grand nombre de personnes, représenterait un coût énorme pour le consommateur. N’oublions pas en effet que le tarif social de l’électricité est compensé par la contribution au service public payée par ce dernier.

M. François Brottes. Mais pas celui du gaz.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Demander l’éligibilité pour des revenus de 1,5, voire 2 fois le SMIC, comme tendent à le faire vos amendements, reviendrait à mettre des milliards d’euros à la charge du consommateur.

Je le répète, le tarif social doit être bien distingué des dispositions d’aide d’urgence. Ces dernières, en particulier celles qui sont adossées au FSL, ont un caractère exceptionnel et peuvent concerner des revenus dépassant les montants mentionnés dans les amendements. Nous avons ainsi à connaître, dans nos communes, des situations où des personnes gagnant trois fois le Smic sont incapables de payer leurs dettes d’électricité et de gaz.

En tout état de cause, nous prévoyons que les plus démunis bénéficient en permanence d’un tarif différent de celui qui s’applique aux autres clients. Et l’important dans cet article n’est pas de savoir qui paie – on sait que ce sont les consommateurs dans le cas de l’électricité et les entreprises dans le cas du gaz –, mais de s’assurer que le tarif pourra s’appliquer effectivement.

Enfin, si le Gouvernement a choisi d’agir par la voie réglementaire, c’est que celle-ci permet de réagir de façon bien plus rapide et souple à des situations nouvelles, comme la création de nouvelles allocations. Le décret est bien plus facile à mettre en œuvre. Nous soutenons donc ce choix et sommes défavorables, je l’indique par avance, aux amendements tendant à le remettre en question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je n’ai rien à ajouter : même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le projet de loi crée en l’état un effet de seuil brutal à 5 520 euros par an, soit 460 euros par mois. Ce sont les ressources de ceux qui, pour l’essentiel, perçoivent les minima sociaux. Votre philosophie n’est donc pas la nôtre. Vous concentrez les avantages sur des gens éligibles aux minima sociaux, à savoir ceux qui touchent entre 0 et 460 euros par mois, et vous ne prévoyez rien pour ceux qui perçoivent plus que les minima sociaux et moins que le SMIC. L’UDF et l’UMP ont assez dit que la priorité était le retour au travail et vous bloquez ces gens qui font, bien entendu, leurs comptes. Ainsi, une caissière qui travaille à Carrefour une trentaine d’heures par semaine et qui touche 80 % du SMIC, soit environ 800 euros par mois, ne bénéficiera pas de votre système. Comment espérez-vous encourager le retour à l’emploi dans ces conditions ? En effet, celles et ceux qui cumulent les aides locales et nationales ne verront, après avoir fait leurs comptes, aucun intérêt à chercher un emploi. Vous devez lisser ce seuil, monsieur le ministre. Ce n’est pas un problème politique mineur.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Une fois n’est pas coutume, je souscris pleinement aux excellents propos que vient de tenir M. Dionis du Séjour ! Notre amendement propose d’ailleurs de fixer le seuil à deux fois le SMIC. Nous n’employons pas l’expression « porte-monnaie de la ménagère » au hasard. Le poids de l’énergie relativement à l’ensemble des revenus des ménages modestes s’est accru ces dernières années.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. David Habib. Bien sûr !

M. Christian Bataille. Comme le prix du pain au XIXe ou au XXsiècle, le prix de l’électricité et du gaz est devenu la référence de base. Nous recevons tous dans nos permanences des familles à revenus non pas modestes, mais intermédiaires, qui, menacées de se voir couper l’électricité, sollicitent des délais pour payer leur facture. Même si nous ne l’avons pas encore évoqué, nous nous devons de dénoncer l’extrême brutalité avec laquelle interviennent parfois les coupures d’électricité chez des familles nombreuses. En effet, EDF aujourd’hui – demain, le fournisseur d’énergie, qui sera malheureusement Suez, donc encore moins porté à la mansuétude –, ne fait pas toujours preuve de beaucoup de pertinence dans l’étude et dans l’analyse des dossiers.

Telle est la raison pour laquelle nous proposons, dans notre amendement, que les clients domestiques dont le foyer dispose de ressources mensuelles nettes inférieures à deux fois le SMIC bénéficient de la tarification spéciale. Ce niveau, qui n’est pas scandaleux, est celui à partir duquel un foyer peut effectivement éprouver des difficultés à acquitter sa facture énergétique.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Vous avez bien compris, monsieur le président, que nous présentions plusieurs centaines d’amendements en même temps : cela mérite un débat approfondi. La hausse des prix du gaz a atteint 19 % en 2005 et 5,6 % au 1er avril 2006. En conséquence, les bénéfices de Gaz de France ont augmenté sensiblement – 44 % sur le dernier semestre –, et ceux d’EDF ont également connu une forte augmentation. Je réponds ici à la question de M. le rapporteur qui s’interrogeait sur le fait de savoir qui paiera. Dans le même temps, la hausse moyenne des factures énergétiques a augmenté, sur l’année et par ménage, de plus de 200 euros. Cela peut être encore supérieur pour un certain nombre de foyers pauvres. Et pourtant, la hausse de la fiscalité pétrolière décidée par le Gouvernement depuis 2002 se monte à plus de 2,1 milliards d’euros. Donc, entre les hausses de la fiscalité et celles des bénéfices des entreprises, il y a, me semble-t-il, monsieur le rapporteur, largement de quoi financer un accroissement du volume disponible pour les plus démunis, qui ne sont pas seulement les bénéficiaires de la CMU. La déclaration de M. Mestrallet selon laquelle les prix du gaz ne doivent pas pénaliser les actionnaires nous inquiète. Il est vrai que pénaliser Gaz de France, entraînera une revendication forte d’accroissement des bénéfices pour distribuer les dividendes. S’il s’agissait d’une entreprise publique, cet argent serait affecté à la solidarité nationale.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. François Brottes. Donc l’article 10 nous empêche de vous faire confiance pour la mise en œuvre de l’article 3. Ces sujets sont totalement liés et ne peuvent être déconnectés de l’ensemble de l’équilibre du texte, pour reprendre un terme qui vous est cher, monsieur le président, dont nous considérons pour notre part qu’il est très déséquilibré.

On ne doit pas se limiter aux bénéficiaires de la CMU : aujourd’hui, 15,3 % des emplois sont à temps partiel. MM. Dionis du Séjour et Bataille viennent de le rappeler. Ainsi, 2,4 millions de personnes préfèrent accepter un emploi à temps partiel, parce qu’elles ont leur dignité, qu’elles espèrent un jour occuper un poste à temps plein. Elles ne bénéficient pas d’un certain nombre de minima sociaux…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. François Brottes. … et rencontrent des difficultés à payer leur loyer et leur chauffage. Après il faut se nourrir, ce qui n’est pas rien, car il reste peu de ressources. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – la DREES –, a publié en août dernier une étude sur les bénéficiaires de la CMU qui indique que 4,7 millions de personnes bénéficient aujourd’hui de la CMU complémentaire. Leur nombre a augmenté de 25 % entre 2000 et 2005, ce qui signifie que le nombre de familles à faibles revenus ne cesse de croître. Le montant du plafond mensuel de ressources pour une personne seule est de 598,23 euros. Quand on ne touche que cette somme pour faire bouillir la marmite, payer le loyer et l’énergie, il est préférable d’habiter très au sud, parce que, malgré la dégradation du climat, on dépense moins pour se chauffer.

Mme Arlette Franco. Mais les loyers sont plus élevés !

M. François Brottes.  On se chauffe trois mois par an dans le sud contre dix mois dans le nord ! Il est donc préférable, en la matière, d’être pauvre dans le sud que dans le nord. Cela prête peut-être à sourire, mais la facture du chauffage est telle aujourd’hui que, malgré tout, cela représente une dépense insupportable pour beaucoup de familles. Ce sujet est donc extrêmement sérieux. On ne peut se satisfaire de l’approche qui est la vôtre en matière d’éligibilité au tarif social, puisque vous considérez que cela pénaliserait les consommateurs, surtout lorsque l’on sait que des bénéfices significatifs et des rentrées fiscales importantes ont été dégagés, ce dont M. Copé s’est récemment glorifié. En effet l’augmentation des prix et la dégradation de la précarité sont telles que nous ne pouvons raisonner comme vous seriez tenté de le faire, monsieur le rapporteur. Ainsi, il y aurait une enveloppe des contributions au tarif social de la part des opérateurs qui serait une enveloppe fermée, comme s’il y avait eu un deal avec les opérateurs. On ignore encore quelle forme elle prendra ; peut-être figurera-t-elle dans le décret. En réalité, pour compenser l’augmentation des tarifs pour les plus démunis et celle du nombre des situations précaires, il faut mettre davantage au pot.

Nous ne pouvons donc pas nous contenter de votre restriction à l’égard de cette disposition, c’est la raison pour laquelle nous avons proposé ces amendements.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Je souscris aux propos de Jean Dionis du Séjour qui a, à juste titre, mis l’accent sur un point que nous connaissons tous : la difficulté que représente le retour au travail pour un certain nombre de Français. Les dispositions que vous proposez, cela a été dit et répété, mais je veux insister, créeront un effet de seuil immédiat, puisque vous ne distinguez pas entre les Français qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas, et que, parmi les familles déshéritées, certaines auront, par le biais d’une sorte de loterie sociale, la chance – si on peut parler de chance –, d’être éligibles au dispositif d’aide sociale que vous allez engager, et les autres malheureusement non. Ce dispositif est injuste. Je suis, comme beaucoup ici, maire d’une commune gérant un centre communal d’action sociale. Avez-vous pensé à la situation dans laquelle vous allez placer les services sociaux qui devront, demain, expliquer à un certain nombre de familles qu’au-delà de 460 euros par mois, aucun dispositif n’est prévu ?

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. David Habib. Avez-vous également pensé à l’embarras des agents d’EDF qui reçoivent le public et qui devront lui apporter des réponses ?

Rappelons que la facture énergétique a augmenté de 200 euros l’an passé pour les familles et que son poids dans les dépenses des foyers, Christian Bataille l’a souligné, ne cesse de croître. Par ailleurs, toutes les études ont montré depuis vingt ans que, quels que soient les gouvernements, tout gain de pouvoir d’achat se traduit, pour les familles les plus en difficulté, par une hausse de la consommation énergétique.

Donc, monsieur le président, nous ne pouvons que maintenir nos amendements et appeler nos collègues de la majorité à en mesurer l’intérêt pour le pays, parce que ce sont aujourd’hui plusieurs millions de Français qui sont préoccupés par les décisions que nous allons prendre et par les solutions que nous trouverons.

Concernant enfin l’accroissement du travail à temps partiel, l’exemple de la salariée d’une grande surface qui a été évoqué peut être généralisé dans tout le pays. Parmi ceux qui assistent aujourd’hui à nos travaux, je suis sans doute celui dont la circonscription est la plus au sud. Pour reprendre la dialectique de François Brottes, même dans le sud, on attend des réponses à ces problèmes !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je me permets à nouveau d’insister sur les tarifs. M. Ollier a dit tout à l’heure que je devrais féliciter le Gouvernement pour l’augmentation du SMIC.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Je vous interroge, messieurs : qu’est-ce qu’un SMIC, aujourd’hui, lorsqu’il faut payer le loyer, les études des enfants, la facture d’électricité et acheter des vêtements ? Pensez-vous qu’une famille puisse vivre dans l’opulence avec cela ? Vos propos ont quelque chose d’insolent, permettez-moi de le dire, quand on songe aux salaires de ceux que certains ministres ont qualifiés de « patrons voyous » ! Avec leurs ressources faramineuses, ils ne rencontrent pas de problème pour payer leur facture énergétique ! Cela vous fait sourire, mais c’est pourtant une réalité. Tous les sondages le montrent – mes collègues le rappelaient tout à l’heure –, la précarité augmente. On est parfois loin du SMIC. Où iront ces familles ? Comment les services sociaux de vos mairies leur expliqueront-elles que, parce que leurs revenus dépassent 460 euros, elles ne bénéficieront pas des tarifs sociaux ? Cela doit se savoir ! Vous dites que nous sommes tous d’accord : sur les mots, peut-être, mais pas sur les actes, sinon vous accepteriez de fixer la limite à deux fois et demie le SMIC. Cela offrirait ainsi quelques possibilités.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il y aurait encore un effet de seuil !

Mme Muguette Jacquaint. Une autre question se pose. On nous dit que cette disposition sera renvoyée à un décret au lieu d’être traitée dans la loi, dont l’article 10 privatise GDF !

Il est déjà de plus en plus difficile d’avoir un interlocuteur à EDF ou à GDF, parce qu’on ferme les antennes, qu’on brade le service public, mais imaginez la situation quand ce sera privé. L’essentiel, pour certains, c’est la rentabilité, le profit financier. Je ne pense pas que leur grande préoccupation sera de pleurer sur le sort de ces pauvres gens qui ne peuvent pas payer leur électricité ou leur énergie. Ce sera catastrophique.

C’est pourquoi il faut que ce soit inscrit dans la loi. On ne sait pas du tout, en effet, ce qu’il y aura dans le décret, mais on peut imaginer que ce sera de la même veine que ce que l’on veut nous cacher à propos de ce texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les effets de seuil, cela pose question, je l’admets volontiers, et, quand on vous écoute, on se demande comment on peut imposer un tel système ; mais comment faire au quotidien, vous dans vos collectivités locales et le Gouvernement sur le plan social ?

Nous sommes confrontés à ce problème par exemple pour l’allocation spécifique de solidarité, l’allocation de parent isolé, l’allocation d’insertion, l’allocation équivalent retraite ou l’allocation personnalisée au logement. Il y a ceux qui y ont droit et ceux qui n’y ont pas droit. Dans nos communes, on établit les quotients familiaux de bonne foi,…

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas pareil !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …mais il y a un effet de seuil. Pour passer dans la tranche supérieure, il y a un seuil. L’APL, vous y avez droit jusqu’à un certain seuil, mais pas après.

Je ne voudrais donc pas qu’on laisse penser que, parce que nous proposons un seuil, quel qu’il soit, nous sommes « les méchants » alors qu’il y aurait « les bons » de l’autre côté. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent.

Vous avez raison de soulever le problème, mais il est difficile de faire autrement. Quand on veut aider des personnes en difficulté, il faut bien définir un seuil à partir duquel on considère qu’elles sont plus ou moins en difficulté par rapport à d’autres. Ce calcul, on le fait de bonne foi, et je ne veux pas que l’on mette en doute la bonne foi du Gouvernement et de notre majorité.

C’est vous-même, monsieur Brottes, dans les amendements qui suivent, qui parlez de dispositifs comme le minimum vieillesse pour lesquels il y a un effet de seuil. Il y en a un dans les dispositions que propose le Gouvernement pour le tarif social, mais il y en avait avant. Votre majorité pas plus que la nôtre n’a su faire mieux que de soumettre tous les dispositifs sociaux qui existent dans ce pays à des effets de seuil. S’il y a d’autres solutions, discutons-en, mais pas dans ce texte, car je ne vois pas comment on aurait le temps de régler le problème.

Bref, ne nous accusez pas ainsi alors que nous prenons une initiative généreuse pour élargir l’application du tarif social,…

Mme Muguette Jacquaint. Pour combien de temps ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. …même s’il y a effectivement un effet de seuil.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je voudrais tout de même revenir sur le fond.

Le Gouvernement propose d’instaurer un tarif social du gaz. Ça n’existait pas avant. Que ne l’avez-vous fait ? Vous expliquez, et c’est un peu exagéré, que, par ailleurs, les prix du gaz augmentent. Bien sûr qu’ils augmentent, et je vous répète qu’ils ont augmenté de 30 % entre 1999 et 2000. Pourtant, Gaz de France était à 100 % public. Il faut en effet répercuter les augmentations des prix d’achat. Vous connaissez la formule, vous savez également que la Commission de régulation a précisément pour rôle de vérifier que cette formule s’applique exactement. Comme vient de l’expliquer le président de la commission, il n’y a pas, d’un côté, les gentils et, de l’autre, les méchants. Nous proposons un tarif social du gaz. C’est une avancée. Cela n’avait pas été fait avant, nous le faisons.

François Loos a rappelé au nom du Gouvernement les termes très précis du décret que nous allons publier.

Pour pouvoir prendre ce décret, encore faut-il que la loi soit votée. Je vous incite à avancer et à essayer d’aller vite de façon que la loi soit votée avant l’hiver.

Cela dit, un décret peut être modifié. Il y a déjà une avancée formidable. Il sera toujours temps d’en modifier éventuellement les termes si l’on constate que ça ne fonctionne pas. Je vous incite vraiment à avancer et à saisir l’occasion de réaliser ce progrès que propose le Gouvernement.

On connaît tous, madame Jacquaint, des personnes qui sont dans une situation difficile. Je voudrais le dire le plus clairement possible : la politique du Gouvernement dans ce domaine, c’est d’aider au retour à l’emploi. C’est tout de même la meilleure solution pour permettre à nos compatriotes de sortir de la précarité. On le voit tous les jours, le chômage baisse, et non par un coup de baguette magique. Il y a une véritable politique menée par le Gouvernement pour accompagner le retour à l’emploi. Il y aura entre 250 000 et 300 000 créations d’emplois nettes dans notre pays,…

Mme Muguette Jacquaint. Quels emplois ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …ce que l’on n’avait pas vu depuis des années et des années. Cela vaut mieux que la précarité.

Il faut aussi, nous sommes d’accord, une augmentation du pouvoir d’achat. On attend 2,4 % cette année, c’est plus que la moyenne des vingt-cinq dernières années. Ce n’est sans doute pas assez, nous sommes d’accord, mais nous menons une politique globale, présentant plusieurs aspects.

En plus du retour à l’emploi et de l’augmentation du pouvoir d’achat, il faut aussi se préoccuper des plus défavorisés d’entre nous, et c’est la raison pour laquelle cet article, qui instaure un tarif social du gaz, est une véritable avancée. Je crois, monsieur le président de la commission, que nous avons entendu les préoccupations de la commission et que, au nom du Gouvernement, François Loos vous a donné des éléments très appréciables. C’est un début. On verra ensuite, mais avançons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Nous n’avons pas vocation à porter un jugement éthique sur votre engagement en tant qu’individus, ni sur votre sincérité.

La vérité, c’est qu’il y a deux logiques économiques qui s’opposent.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous sommes d’accord.

M. François Asensi. Pour la gauche, dans un système concurrentiel, avec la mondialisation qui pèse sur les politiques publiques, on peut craindre que, demain, il y ait encore plus de travailleurs pauvres et de précarité dans ce pays. C’est ça le vrai problème.

Vous parlez du Gouvernement, mais j’entends aussi le président d’un grand parti politique, qui est dominant ici à l’Assemblée, parler de rupture, de révolution, d’alignement sur les États-Unis. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. Et vous, que proposez-vous ?

M. François Asensi. Cela veut dire que, demain, si cette politique est mise en œuvre, il y aura plus de précarité et de pauvreté. Voilà pourquoi nous voulons, dans le décret, élargir le champ d’application de la mesure.

Quant aux effets de seuil, monsieur Ollier, il y a des communes qui ont fait des efforts. Dans ma commune, le quotient familial a quatorze tranches.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela fait quatorze effets de seuil !

M. François Asensi. Peut-être, mais le système est très progressif.

Cela dit, c’est un vrai problème qui est posé. Il ne s’agit pas de broyer du noir mais on sait qu’avec cette logique libérale économique, on va vers plus de précarité dans notre pays.

M. le président. Selon la règle fixée la semaine dernière, monsieur Brottes, chacun des membres des groupes présents ne prend la parole qu’une fois. Je veux bien vous redonner la parole exceptionnellement, mais pour quelques secondes seulement car le débat a été très large et vous aurez la possibilité de vous exprimer sur les amendements suivants.

M. François Brottes. Monsieur le président, je prends acte de vos remarques. Je suis inscrit sur de nombreux amendements, je les présenterai désormais séparément. Il me semblait qu’on travaillait selon une autre méthodologie mais appliquons la règle. Je l’appliquerai aussi de mon côté.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Sur ces sujets d’importance nationale, sur lesquels chacun a le droit d’expliquer sa position, nous sommes convenus que, dès lors qu’il s’agissait de liasses comprenant plusieurs centaines d’amendements, l’opposition, sans pour autant défendre chaque amendement, pourrait intervenir à plusieurs reprises dès lors qu’elle avait des arguments à présenter.

Je demande donc, monsieur le président, une certaine souplesse dans l’application du règlement afin que nous puissions avancer de manière constructive, en échangeant des arguments constructifs, même si nous ne sommes pas d’accord.

Je vous prie de m’excuser d’intervenir, mais il me paraissait important de faire cette mise au point pour que M. Brottes ne revienne pas sur la bonne idée qu’il avait eue de ne défendre qu’un seul amendement par liasse.

M. le président. Je crois que nous sommes tous sur la même ligne.

Vous avez la parole, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, d’être sur la même ligne.

Monsieur le ministre, vous n’intervenez pas souvent dans le débat mais, chaque fois, vous savez que vos propos seront repris dans une dépêche. Je comprends donc que vous soigniez vos interventions.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oh, monsieur Brottes !

M. François Brottes. C’est la troisième ou la quatrième fois que vous nous expliquez que, de toute façon, les tarifs du gaz ont augmenté lors de la précédente législature et que, s’ils augmentent aujourd’hui, on n’y peut rien. Vous avez raison, on ne peut rien sur l’impact du coût de l’achat de la matière première. Quel que soit le gouvernement en place, effectivement, il subit, et ce sera la même chose après la fusion Gaz de France-Suez.

Par contre, ce que l’on appelle la « marge gaz », soit la différence entre le prix de vente du gaz et son prix d’achat, avait – pour parler clair – été réduite sous le gouvernement Jospin, pour amortir la hausse des matières premières, mais dans la période récente elle a augmenté de 13 % pour accroître les bénéfices et rendre la mariée la plus belle possible en prévision de la fusion avec Suez. Là n’est pas le débat mais là est notre crainte.

Certes, le président de la commission a raison lorsqu’il signale que nos amendements comportent eux aussi des effets de seuil. Mais ces amendements ont pour objet de poser le problème d’un élargissement des conditions l’éligibilité au tarif social en raison de l’augmentation du nombre des personnes menacées, ce qui n’était pas le cas sous le gouvernement Jospin. Avec des augmentations de bénéfices de 94 % pour EDF et de 44 % à Gaz de France, il y a de l’argent que l’on pourrait mieux répartir et mieux partager.

Nous avons une proposition, que seule la crainte de voir nos amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 du Règlement nous a empêchés de présenter. On peut toujours caricaturer les amendements que nous déposons : il est parfois difficile d’en proposer certains sachant qu’ils ne seront pas recevables !

Il existe, pour cette question du tarif social, deux pistes de réflexion. La première tend à faire en sorte que le pourcentage des charges d’énergie supportées par les ménages ne dépasse pas un certain niveau, selon le volume des ressources et en appliquant simplement une variante en fonction des territoires. Ce serait beaucoup plus souple, beaucoup plus réel, beaucoup proche de la réalité. D’autre part, pour le chauffage, il faut garantir aux familles, quelle que soit leur situation sociale, un droit minimum évalué en fonction de la surface de l’appartement et de la région dans laquelle elles se trouvent. C’est une question qui est extrêmement grave : des gens meurent de ne pas pouvoir se chauffer ! Nous sentons bien que ce que nous proposons ne suffit pas, faisons fi des différents seuils. Un minimum de chauffage garanti en fonction de la surface de l’habitation, de la région et des revenus dont disposent les personnes, serait une véritable une « bouée de sauvetage », et non pas une « bouée de bonne conscience » comme celle que vous nous proposez.

Tel est l’objet de ces amendements : trouver la solution la plus proche possible de la réalité à un problème concret : se chauffer.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 10770 rectifié à 11297 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’en viens aux amendements identiques nos 18327 deuxième rectification à 18689 deuxième rectification.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Le secteur de l’énergie reste – on pensait pourtant que cela appartenait à une période révolue – une référence pour l’aide sociale. À l’époque lointaine où je fus élu maire d’une modeste commune minière, on parlait encore de bureau d’aide sociale et il existait des d’aides qui semblent aujourd’hui bien désuètes : des bons de charbon. On donnait aux personnes en difficulté un sac de charbon. Ces aides furent ensuite remplacées par des aides financières. Aujourd’hui, peut-être faudrait-il y revenir ?

Nos amendements visent à accorder le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » à des marqueurs de la modestie des revenus tels que l’allocation logement, mais aussi d’autres formes connues d’évaluation minimale des revenus, comme le revenu minimum d’insertion, le minimum invalidité, la couverture maladie universelle, la prime pour l’emploi, l’allocation d’assurance veuvage, l’allocation spécifique de solidarité, l’allocation de parent isolé, l’allocation d’insertion, l’allocation équivalent retraite, l’aide médicale d’État.

Je ne comprends pas la colère qui saisit le rapporteur et les ministres : nous ne leur reprochons pas de provoquer des effets de seuil.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est pourtant ce que vous avez dit !

M. Christian Bataille. Non, pas nous ! Évitons la caricature ! Je vois bien que vous pourriez prendre prétexte de ce débat pour ne pas trop en faire en faveur des revenus modestes, de peur de déclencher des effets de seuil. C’est une question sérieuse qui demande des réponses techniques. Mais on ne peut pas commencer par dire que l’on en fait trop pour ceux qui ont des revenus modestes. Peut-être pourrait-on imaginer une meilleure progressivité des aides ?

Je remarque d’ailleurs que l’impôt sur le revenu des personnes physiques produit un effet de seuil inverse ! Cet impôt, demandé par la gauche mais créé par des républicains progressistes…

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Caillaux était un radical !

M. Christian Bataille….était progressif. L’État avait apporté une véritable réponse qui s’est ensuite bien dégradée sous votre influence. Et peut-être que l’effet de seuil, que vous regrettez pour les aides aux plus modestes, est gommé par l’absence d’équité fiscale.

Heureusement, nous ne sommes pas encore dans la situation des États-Unis – référence du chef de votre majorité, M. Sarkozy. Là, il n’y a pas de risque d’effet de seuil ! Ceux qui y sont déjà allés et qui se sont intéressés à la pauvreté, qui est réelle, visible, peuvent en témoigner : au royaume du libéralisme, il n’y a pas de solidarité en faveur des plus démunis.

Si nous vous proposons ces amendements, c’est pour éviter que la consommation d’énergie ne devienne un drame pour des millions de foyers.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. M. le ministre de l’industrie a raison : c’est bien un radical qui a institué l’impôt sur le revenu, cette mesure importante qui fonde notre République, et je comprends combien son angoisse doit être grande quand il entend les membres de l’UMP remettre en cause la progressivité de l’impôt sur le revenu, voire son existence. Je partage son inquiétude face à cette rupture avec la tradition républicaine.

Christian Bataille vient de dresser une liste non exhaustive de dispositifs sociaux qui pourraient être conçus comme des seuils permettant d’appliquer la tarification spéciale « produit de première nécessité ». Les dispositifs cités dans ces amendements nous rappellent la modicité des revenus qu’il convient d’avoir pour prétendre à ce type d’aide.

Beaucoup se sont exprimés en faisant référence à leur fonction de maire. Nous savons tous que des familles en grande difficulté ne bénéficient pas, pour des raisons diverses, de ces dispositifs sociaux. Il ne s’agit pas d’une procédure inflationniste de nature à créer une demande, et des difficultés pour celles et ceux qui auraient à les assumer.

Le président Ollier a évoqué les seuils et la difficulté de fixer un plafond. M. Brottes lui a répondu en proposant la création, dans le cadre des revenus, d’une sorte de bouclier social – de même que vous avez voulu instaurer un bouclier fiscal – permettant de fixer des minima pour que chaque famille puisse avoir accès au gaz et à l’électricité. Cela doit être repris.

L’association de consommateurs UFC-Que choisir rappelle que la facture énergétique moyenne d’un foyer, est passée en un an de 1 400 euros à 2 324 euros. Ces sommes importantes expliquent qu’il soit nécessaire de protéger un grand nombre de Français. Notre proposition d’étendre la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux bénéficiaires d’un certain nombre d’allocations concourt à ce bouclier social que nous souhaitons voir instaurer en matière énergétique. Et je suis persuadé que les réalités auxquelles nous sommes tous confrontés dans nos communes devraient nous rassembler pour inscrire dans la loi un principe républicain permettant de sauvegarder la cohésion sociale dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cette série d’amendements. Ce débat, nous l’avons depuis plus huit jours ; les arguments ont déjà été échangés. Je me borne donc à rappeler l’essentiel : c’est notre majorité qui est à l’origine du tarif social. De grâce, avant de vouloir l’améliorer, ayez la sagesse de reconnaître qu’il existe grâce à l’initiative du Gouvernement et qu’il s’ajoute à d’autres dispositions qui sont mises en œuvre par les collectivités locales – nous en avons déjà parlé – et permettent de mieux ajuster les concours publics aux besoins urgents ou spécifiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Vos amendements impliquent une modification de la loi de 2000 qui soumet l’accès au tarif de première nécessité à une condition de revenus. Nous avons retenu cette méthode depuis. Nous l’avons appliquée en 2002 ; nous l’avons retenue de nouveau dans ce texte. Aujourd’hui, avec ce système, 1,4 million de personnes sont éligibles au tarif social. Par conséquent, la portée de ce dispositif a déjà, avec le plafond de revenus qui a été retenu, une ampleur assez grande.

En outre, la mesure que vous proposez est malheureusement inéquitable car elle ouvre le droit au tarif de première nécessité à des personnes de revenus différents et de conditions diverses ; l’accès en sera plus avantageux pour certains que pour d’autres. Nous préférons que la toise du revenu reste la plus objective possible.

Pour ces raisons, je suis malheureusement défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Quelques remarques s’imposent à ce stade de la discussion.

Nous remettons d’autant moins en cause le bien-fondé du tarif social que nous l’avons toujours demandé. Mais il faut aller plus loin, et faire du droit à l’énergie un droit fondamental de tous les citoyens, notamment des plus en difficulté, qui ne doivent pas en être exclus pour cause d’effet de seuil.

Je voudrais rappeler le précédent flagrant de la prime pour l’emploi, dont le Gouvernement a annoncé la revalorisation et l’extension dans le cadre du prochain budget. Or on apprend dans le même temps que 250 000 personnes modestes vont sortir du dispositif sous prétexte que leurs revenus dépassent le plafond. Pour qui connaît la faiblesse de leurs revenus, il est clair que ces foyers, qui connaissent des fins de mois extrêmement difficiles, ne peuvent pas s’éclairer ou se chauffer suffisamment.

Voilà pourquoi j’aimerais que le droit à l’énergie soit inscrit dans le marbre…

Mme Muguette Jacquaint. Comme le droit à l’emploi !

Mme Janine Jambu.… comme le droit au logement, afin d’en faire un droit réel, dont tout le monde doit bénéficier.

M. le président. Je mets aux voix les amendements nos 18327, deuxième rectification, à 18869, deuxième rectification.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons aux amendements nos 18723, deuxième rectification, à 18821, deuxième rectification.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Ces amendements visent à assurer le droit à l’énergie aux plus défavorisés de notre société, en retenant pour critère d’accès au tarif social le fait de bénéficier de certains minima sociaux, qui font l’objet d’une sélection rigoureuse, contrairement à ce que prétendent certains mauvais esprits.

Il s’agit, selon les amendements, soit du minimum vieillesse, soit de l’allocation personnalisée au logement, l’APL – personne ne prétendra que cette allocation, attribuée selon des critères rigoureux, bénéficie à des foyers aux revenus élevés –, soit de l’allocation parentale d’éducation, qui n’est pas non plus distribuée à tort et à travers. Il est vrai qu’on entend aujourd’hui certains déplorer ces manifestations pourtant minimales de solidarité.

Il s’agit de faire reconnaître par la loi que le droit à l’énergie, comme vous l’avez dit, madame Jambu, est un droit presque aussi nécessaire que l’air que l’on respire. Aujourd’hui, au xxie siècle, les foyers les plus modestes ont besoin d’électricité pour s’éclairer, souvent pour se chauffer, pour faire fonctionner le réfrigérateur qui leur permet de conserver les aliments. En un mot, c’est devenu un bien essentiel, qu’il n’est pas abusif de comparer à ce qu’était autrefois le pain ; de même que la Révolution est née du manque de pain, les revendications d’aujourd’hui ont pour objet le droit à l’énergie.

Voilà pourquoi, monsieur le président, nos amendements se sont donné ces allocations pour variables. Je répète qu’aucune d’elle n’est accordée à la légère. Nous avons soigneusement étudié les critères d’attribution de ces allocations avant de les retenir : il ne s’agit pas de distribuer de l’électricité gratuite ou à bon marché à toutes les catégories sociales, mais bien à celles qui sont actuellement dans le besoin.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Ces amendements rappellent effectivement la nécessité de faire bénéficier de la tarification spéciale « produit de première nécessité » des Français qui se trouvent dans une situation peu enviable.

Si, comme vous nous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission, 1,4 million de Français sont concernés par cet article, nous avons vu que rien n’est prévu pour les foyers dont le revenu mensuel dépasserait 460 euros : comme l’ont rappelé les députés socialistes et communistes, les effets de seuil vont jouer à plein au-delà de ce seuil, au détriment de millions de foyers allocataires du minimum vieillesse, de l’APL ou de l’allocation parentale d’éducation. Ces millions de foyers, confrontés aux difficultés liées au chômage ou au travail à temps partiel, plongés parfois dans de graves situations d’endettement, même quand ils ont un emploi, vont être écartés du bénéfice de ce dispositif, alors qu’ils auraient pu prétendre à cette tarification spéciale.

Ce que nous proposons, ce n’est pas de généraliser le bénéfice de cette tarification spéciale, mais de l’accorder à ceux qui en ont besoin. Comme vous l’avez dit, madame Jambu, le service public de l’énergie doit être reconnu comme un principe de vie pour les bénéficiaires du minimum vieillesse.

Je conclurai, monsieur le président, en rappelant que le Gouvernement a décidé l’année dernière que la prime pour l’emploi ne serait pas versée si son montant ne dépassait pas trente euros, sous prétexte d’économies budgétaires. Voilà comment cette majorité utilise les effets de seuil comme autant de vexations pour les plus modestes !

M. le président. Sur le vote des amendements nos 18723, deuxième rectification, à 18755, deuxième rectification, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il faut parfois poser des repères au débat. Tel est l’objectif des amendements identiques nos 18723, deuxième rectification, à 18755, deuxième rectification, qui visent à ce que les allocataires du minimum vieillesse soient tous bénéficiaires de ces tarifs sociaux.

Je n’ai entendu ni le Gouvernement, ni le rapporteur répondre à notre proposition de fixer une aide minimale au chauffage et à l’éclairage, calculée selon la région de résidence et la surface du logement occupé. Fixer un tarif qui tiendrait compte des revenus et des besoins réels, quelle que soit la nature de la ressource dont on dispose, nous paraît être la meilleure formule.

En acceptant de suivre cette piste d’un minimum de chauffage et d’éclairage, le Gouvernement prouverait sa volonté de satisfaire les besoins véritables de nos concitoyens. Cela vaudrait mieux que de camper sur la position figée de ce seul dispositif aux effets de seuil redoutables.

Je profite donc du débat sur ces amendements relatifs au minimum vieillesse pour reposer la question. Je ne nie pas que notre solution n’est pas dénuée non plus de tout risque d’effet de seuil. Mais il s’agit, encore une fois, d’un amendement d’appel, afin que le Gouvernement et le rapporteur se penchent sur cette notion de minimum pour se chauffer et s’éclairer, en fonction de la région et de la surface du logement qu’on occupe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cette série d’amendements. On peut évidemment additionner à l’infini des amendements selon diverses catégories…

M. David Habib. Ce ne sont pas des catégories, ce sont des Français !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.…, et puis demander un scrutin public pour chaque série d’amendements, cela afin de les faire passer pour de vraies solutions aux problèmes dont nous parlons depuis plus d’une semaine, et que vous auriez pu résoudre quand vous étiez vous-même aux affaires ! Je crois que la démagogie a des limites.

Le dispositif que nous proposons a le mérite de constituer une vraie solution, qui entrera rapidement en application grâce aux décrets dont il a été question. Un peu de réalisme ne nuirait pas à ce pays : ce dont il a besoin, ce sont de responsables qui font ce qu’ils disent plutôt que de faire rêver certaines catégories dont le sort n’intéresse que le temps d’un débat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Elles risquent de ne plus vous entendre !

Mme Muguette Jacquaint. Moi, je veux rêver !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Quant à votre proposition, monsieur Brottes, de définir une aide minimale en fonction des conditions climatiques, je vous laisse imaginer combien de tonnes de papier l’application d’une telle solution exigerait, ne serait-ce que pour définir une clé de répartition afin d’en déterminer le montant.

Mme Janine Jambu. Vous n’allez pas nous refaire le coup des tonnes de papier !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’imagine, monsieur Brottes, que dans votre circonscription de montagne, cette allocation varierait selon qu’on habite dans la vallée ou en altitude…

M. Michel Piron. L’altitude a en effet son importance !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.…, selon qu’on se trouve sur l’adret ou sur l’ubac : de tels détails me font douter que vous ayez eu réellement l’intention de faire voter un tel dispositif.

En tout état de cause, je confirme que la commission propose de repousser ces amendements soumis à scrutin public.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. En entendant énumérer les difficultés que rencontrent un grand nombre de familles dans notre pays, M. le rapporteur nous dit qu’il ne faut pas être démagogue. Voilà plusieurs heures que nous entendons parler des minima sociaux, de la précarité et de salaires parfois inférieurs à 500 euros, c’est-à-dire de gens qui vivent au minimum.

Monsieur le rapporteur, ce n’est pas être démagogue que de dire, comme le faisait tout à l’heure mon collègue François Asensi, que nous n’acceptons pas que dans une société comme la nôtre des gens vivent dans des conditions minimales. On ne vit pas à moitié !

Mme Muriel Marland-Militello. On ne travaille pas à moitié non plus !

Mme Muguette Jacquaint. Si, madame ! C’est précisément ce qui arrive avec les emplois qu’on propose aujourd’hui. La précarité n’a jamais été aussi grande.

M. le rapporteur nous dit qu’il ne faut pas rêver. Moi, je rêve d’une société, je rêve d’un monde où l’on ne verrait pas sur les bords de la Seine ou du canal des gens qui n’ont plus de salaire ni de logement. Vous nous parlez d’un droit à l’électricité ? Les gens qui voient l’employé d’EDF venir leur couper l’électricité devraient en effet pouvoir dire qu’ils ont un droit – tout comme ceux, d’ailleurs, qu’on expulse de leur logement parce qu’ils n’ont plus les moyens de payer leur loyer.

Ce n’est pas de la démagogie, messieurs. Ce n’est peut-être pas votre monde, mais en tout cas ce n’est pas non plus celui que nous voulons. On ne vit pas au minimum !

Toutes les demandes du groupe communiste et républicain visent à l’augmentation du SMIC, des minima sociaux et de l’APL – que demandent d’ailleurs aussi certains députés de votre majorité, parce que vous constatez comme nous, dans vos circonscriptions et dans vos villes, que les familles ne peuvent plus vivre. De grâce, arrêtez de nous parler d’un minimum de vie !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je tiens à répondre à M. le rapporteur. En effet, quand on a réduit, comme vous l’avez fait, la durée de l’indemnisation des chômeurs et qu’on a mis des gens, sans les prévenir, en situation de ne plus avoir d’autre revenu que le RMI – situation bien pratique au demeurant, puisque celui-ci est financé par les conseils généraux –, un peu plus d’humilité s’imposerait.

Cette accélération de la précarisation a contraint bien des gens à effectuer quelques heures de travail au gré de ce qu’on leur propose, parfois très tôt le matin ou très tard le soir. Oui, ces gens travaillent « à moitié », parfois même ils n’ont qu’un quart de travail : même s’ils souhaitent travailler beaucoup plus, c’est tout ce qu’on leur propose.

Dans ces situations de grande paupérisation, qui touchent même des gens qui travaillent, il faut prendre en compte la réalité du coût de l’énergie. Ce n’est pas parce qu’on travaille à moitié sans l’avoir désiré qu’on peut se chauffer à moitié – je vous mets au défi de me démontrer le contraire !

Il est donc inacceptable, monsieur le rapporteur, de caricaturer notre proposition comme vous l’avez fait. Je suis prêt à entendre la caricature pour les propositions que contiennent certains de nos amendements, dont vous pourriez peut-être montrer qu’elles créent, comme les vôtres, des effets de seuil : je ne vous reprocherais pas de nous les reprocher ! Vous exagérez, en revanche, lorsque vous dites qu’il est illusoire, voire idiot – même si vous n’avez pas employé ce mot, parce que vous avez beaucoup plus de talent et de vocabulaire que moi –, de croire qu’on peut traiter le problème différemment selon les différents territoires et le nombre de mois où l’on a besoin de se chauffer. Les différences entre les régions sont une réalité, comme l’est l’incidence de l’altitude. Le problème n’est toutefois pas insurmontable si l’on veut s’y atteler, mais votre seule volonté est de tourner en dérision nos propositions.

Nous verrons donc lors du scrutin public sur cet amendement quels sont ceux d’entre nous qui seront favorables à ce que les bénéficiaires du minimum vieillesse puissent accéder au tarif social de l’énergie. Faut-il vous rappeler que le minimum vieillesse est vraiment un minimum ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à ces amendements, car nous cherchons à être efficaces. J’entends certes les propositions de l’opposition , mais si elles sont généreuses, elles ne sont pas toujours faciles à appliquer. Or le Gouvernement veut aller vite, car depuis 2004 les prix des hydrocarbures ont été multipliés par 2,5. L’environnement a donc considérablement changé depuis la situation que vous avez connue en 2000 et qui vous avait peut-être fait juger inutile de mettre en place un tarif social du gaz. Le Gouvernement a donc proposé au Parlement d’agir vite, pour ainsi dire en urgence.

Le principe que nous avons retenu est d’offrir cette tarification spéciale aux plus défavorisés, c’est-à-dire aux allocataires de la CMU, qui représentent 1,4 million de nos compatriotes. Nous avons les fichiers et nous savons comment faire.

Mesdames, messieurs les parlementaires, si vous votez vite cette loi, nous pourrons l’appliquer immédiatement. Nous avons indiqué tout à l’heure, à la demande du président de la commission et du rapporteur, quels seraient les termes du décret, et je rappelle que nous allons faire des efforts importants, notamment dans le domaine de l’électricité. Ces mesures seront mises en place immédiatement et nous verrons ensuite s’il est possible d’affiner et s’il y a lieu de le faire.

Aujourd’hui, il est urgent de voter cette loi et, bien évidemment, son article 3 tel qu’il est proposé, de façon à pouvoir le mettre en œuvre rapidement. Nous comprenons, je le répète, toutes les solutions et tous les amendements que vous proposez, mais la mise en œuvre d’un grand nombre d’entre eux est complexe. Pour les allocataires de la CMU, il y a urgence. Je vous invite donc à saisir cette occasion de réaliser un progrès social important. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 18723, deuxième rectification, à 18755, deuxième rectification .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18756, deuxième rectification, à 18821, deuxième rectification.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. À la demande de M. le président de la commission des affaires économiques, je vais maintenant lever la séance pour permettre à la commission de se réunir.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jourde la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)