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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 19 septembre 2006

21e séance de la session extraordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 88539 rectifié de la commission des affaires économiques, portant article additionnel après l’article 3.

M. François Brottes. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Hier soir, notre assemblée a essayé de poursuivre la discussion des articles et la séance a été révélatrice, me semble-t-il, non seulement du temps très long dont la majorité a besoin pour se mettre d’accord, mais aussi de l’improvisation totale dans laquelle nous travaillons. Ce texte de loi a été mal préparé, nous l’avons dit, et la transposition qu’il organise a été « raccrochée », au volet « privatisation » parce que cela faisait plus positif dans le paysage !

Pour bien resituer le cadre de nos débats d’hier soir, je veux rappeler plusieurs points.

Nous avons assisté à une mise en pièces du régulateur, la CRE, qui n’était pas prévue dans le projet initial.

Nous avons constaté que le tarif social, s’il était instauré, n’était pas du tout défini, sa définition étant tout simplement renvoyée à un décret. D’où le risque de voir seulement une minorité des plus démunis en bénéficier.

Nous avons eu un long débat sur la notion de « tarif de retour ». Il s’agit, en fait, d’un bricolage mal ficelé, eurocompatible, mais qui risque d’être un marché de dupes pour les industriels qui attendent beaucoup de ce vote.

Enfin, il y a la fusion Gaz de France-Suez dont on n’ose même plus parler. Le ministre lui-même, en évoquant la privatisation, n’en parle plus car il connaît l’existence de contre-projets non seulement chez les actionnaires de Suez ou de Gaz de France, mais aussi sur les bancs de l’UMP et de l’UDF. De notre côté, nous proposons depuis fort longtemps, en particulier depuis 2004, la constitution du groupe Énergie de France. Aujourd’hui, de plus en plus nombreux sont ceux qui ne considèrent pas impossible une nouvelle alliance entre Gaz de France et EDF. Sur beaucoup de points, les avis de la commission des affaires économiques ont été très réservés à l’égard de cette fusion, d’où également une certaine pudeur de la part du Gouvernement à l’évoquer.

Au bout du compte, le coût sera très élevé pour Gaz de France, mais aussi pour EDF qui devra assumer, finalement, la baisse des prix pour les industriels. En outre, l’approche idéologique inconditionnelle du Gouvernement, dont le seul mot d’ordre est « privatiser, c’est plus musclé » – je caricature, mais c’est ainsi que les choses sont ressenties –, mènera inévitablement à une augmentation très significative des tarifs pour l’ensemble des consommateurs.

Ce point d’étape aura au moins permis de constater combien nous sommes dans le brouillard.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. C’est en effet la plus grande confusion qui règne.

Il y a quelques heures, dans le débat, M. le rapporteur nous a fait part de son souhait de voir la loi votée, mais il a ajouté qu’il ne souhaitait pas qu’elle s’applique, au moins pour les communes. Hier soir, lors de la réunion du conseil municipal du Havre, dont je suis membre, M. le maire du Havre, membre éminent de l’UMP, a déclaré avoir commandé il y a quelques mois une étude afin de lancer éventuellement une procédure de mise en concurrence pour la fourniture de gaz et d’électricité pour l’ensemble de la ville, puis avoir conclu qu’il ne fallait surtout pas basculer aujourd’hui dans la concurrence, qui serait un marché de dupes.

Voilà donc une loi que nous discutons depuis maintenant plusieurs jours, dont nous allons probablement débattre encore pendant plusieurs jours et que des responsables de la majorité, y compris le rapporteur pour sa propre ville, jugent inapplicable en l’état !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je n’ai pas dit cela !

M. Daniel Paul. Si, monsieur le rapporteur ! Je vous renvoie au compte rendu de la séance de jeudi soir !

La majorité a donc des atermoiements et la presse fait état ce matin de l’exhumation d’une proposition de loi organisant la fusion de GDF et d’EDF. Il y a confusion dans l’opinion, confusion dans la majorité et, le moins qu’on puisse dire, c’est que ce texte de loi jette le trouble ! Pour notre part, nous demandons depuis le début du débat parlementaire d’arrêter la discussion et d’attendre de connaître les décisions à venir de Bruxelles concernant le périmètre de la fusion GDF-Suez, ainsi que les prétentions, comme je les ai appelées, des actionnaires de Suez – dont on ne sait plus trop bien ce qu’ils souhaitent, certains demandant que l’État reste majoritaire, d’autres que GDF paie le prix maximum pour une telle fusion. À ce moment-là, la discussion pourrait éventuellement reprendre.

Il faut être sérieux s’agissant d’une entreprise comme GDF. Il est donc urgent de suspendre la discussion car nous ne voyons pas vraiment où elle nous mène.

M. Pierre Cohen. Dans le mur !

M. Daniel Paul. Dans le mur, certainement ! En tout cas, ce projet risque de faire beaucoup de mal au service public de l’énergie en France.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Déaut. Hier soir tard, nous avons assisté à un débat totalement surréaliste, car il a montré la nécessité de débattre de ce sujet pendant que certains souhaitaient le 49-3. La semaine dernière, il nous a été reproché de vouloir faire de l’obstruction, alors que, hier, le débat était mal préparé, la commission des affaires économiques et la commission des finances étant divisées, sans que le Gouvernement apporte son arbitrage. Au bout du compte, nous avons assisté à un accord sur lequel nous pouvons nous interroger puisqu’il ne traduit ni la volonté du Gouvernement ni celle de certains parlementaires qui étaient présents dans l’hémicycle.

Dans le même temps, un amendement socialiste prévoyant de conditionner le retour à une forme de tarif réglementé, pour le gaz ou l’électricité, à une autorisation formelle de la Commission européenne a été rejeté. Plusieurs fois dans la soirée, le ministre a fait part de son opposition aux solutions préconisées au prétexte qu’elles fermeraient complètement le marché. Mais, monsieur le ministre de l’économie, peut-on parler de marché dans le secteur de l’énergie au même titre que pour d’autres fournitures ? Lorsque le Gouvernement veut développer les énergies renouvelables et fixer un tarif de rachat des énergies renouvelables, est-on dans les conditions d’un marché ? Si vous souhaitez les conditions d’un marché, le développement des énergies renouvelables ne se fera pas, on en restera aux énergies les moins chères, et la mixité énergétique, que nous souhaitons, ne sera pas développée.

Le dispositif que vous avez voté est pénalisant. Des défenses d’amendements de nos collègues sur d’autres bancs l’ont indiqué : vous n’avez pas tenu compte des PME-PMI dans cet amendement, ni tenu compte, même si vous avez utilisé le mot « renouvelables », des conditions qui pourraient être fixées à l’industrie française et qui placeraient nos PME-PMI dans de mauvaises conditions de compétitivité.

En conclusion, le débat a été allongé inutilement. Nous n’en avons pas discuté suffisamment en commission. En tout cas, la commission des finances aurait dû préalablement discuter conjointement de cette question avec la commission des affaires économiques.

M. le président. Nous allons maintenant poursuivre la discussion des amendements portant articles additionnels après l’article 3.

Après l’article 3 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour soutenir l’amendement n° 88539 rectifié.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Cet amendement complète l’amendement n° 88538 rectifié et sous-amendé, que nous avons adopté cette nuit. Il vise à organiser la compensation.

Les fournisseurs amenés à offrir aux clients qui le souhaitent le tarif transitoire doivent bénéficier d’une compensation. C’est le mécanisme que j’ai développé hier soir. Il s’agit d’exercer la possibilité de tirer de l’électricité sur des capacités nucléaires et hydrauliques de façon à satisfaire cette nécessaire compensation.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Après avoir entendu le rapporteur, je ne peux que déplorer que l’on ne revienne pas purement et simplement au tarif réglementé, au lieu de mettre en place cette « punition », cette surprime qui va grever le budget d’EDF. Contrairement à ce qui a été affirmé ici, notamment par M. Méhaignerie, président de la commission des finances, EDF a les moyens de procéder au renouvellement du parc nucléaire. Les nombreuses études que nous avons menées, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, montrent que cet investissement va s’étaler sur une trentaine d’années. La dernière centrale ayant été construite en 1998 et sa durée de vie étant de quarante ans au moins, on peut considérer que le renouvellement du parc s’étalera jusqu’en 2040 ou 2050. Il n’y a donc pas péril en la demeure.

Néanmoins, il est tout à fait anormal qu’EDF, fruit de l’épargne de la nation et de son génie particulier dans un contexte énergétique contraire, se trouve ainsi taxée sur des ressources qui, par ailleurs, lui seraient utiles. L’amendement précise bien que la taxe est « assise sur le volume de […] production d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique au cours de l’année précédente ». Cela veut donc bien dire que l’effort consenti par la nation depuis 1945 est taxé dans le seul dessein de respecter les règles de la libéralisation et de l’ouverture à la concurrence.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons déploré, hier, que le règlement de notre assemblée ne nous permette pas de débattre en même temps des deux amendements. En effet, hier, nous avons voté la dépense ; aujourd’hui, nous allons voter la recette. Or, quand on ne connaît pas la recette, on peut avoir tendance à dépenser de manière inconsidérée.

Qu’on me permette de rappeler le mécanisme qui nous est proposé.

Imaginons une voiture annoncée en vitrine à un prix de 100 chez le concessionnaire. Du jour au lendemain, grâce à un amendement Lenoir, Ollier, Novelli et consorts, le prix passe à 50, soit deux fois moins cher. Pourtant, le vendeur affiche un sourire radieux : il sait que la différence est prise en charge par le fabricant et qu’il touchera, lui, le prix entier. C’est bien le même schéma : les marchands d’énergie, quels qu’ils soient, y compris ceux qui ne produisent pas, vont continuer à vendre au prix fort et consentir un rabais très largement financé par EDF. Quelle aubaine ! Ils opéreront sur le marché concurrentiel de l’énergie mais proposeront des rabais financés par leurs fournisseurs : n’est-ce pas assez extravagant ?

Nous dénonçons d’autant plus ce mécanisme que l’amendement d’hier a encore fait bouger les lignes. On nous indique que la durée de deux ans sera renouvelable : le rabais va donc durer un peu plus longtemps que prévu. On nous indique que l’on pourra changer de fournisseur dès lors que l’on reviendra au tarif de retour : ainsi, quand le fournisseur sera EDF, non pas dans le cadre des tarifs régulés mais dans celui de la concurrence, on pourra en changer, et la compensation coûtera encore plus cher à EDF, car, lorsque EDF se compense elle-même, l’opération est neutre, ce qui est loin d’être le cas lorsqu’elle compense les autres. Le fait que les 30 % soient à géométrie variable − ou, comme l’a précisé le ministre, à géométrie « modulable », selon le type d’entreprise − prouve bien que les curseurs ont bougé.

La plus grande insécurité entoure ce dispositif, car on ignore quel sera l’avis de la Commission européenne. Ce marché risque d’être, pour les consommateurs d’énergie industrielle, un marché de dupes. En tout état de cause, tout cela va considérablement dégrader les comptes d’EDF.

Si, toutefois, vous renonciez à introduire la concurrence dans le secteur de la production d’énergie, si EDF conservait ce monopole de protection, le débat pourrait être ouvert. Mais ce n’est pas le cas, puisque, pour la partie production comme pour la partie distribution, EDF est mise en concurrence. Cette concurrence sera d’ailleurs de plus en plus féroce, puisque, dans le cadre de la fusion proposée, Gaz de France pourra communiquer à Suez le fichier d’EDF. La situation sera donc extrêmement préjudiciable. On joue avec le feu, on joue aux apprentis sorciers. L’exposé sommaire de l’amendement annonce que « les installations de production compétitives », notamment nucléaires, sont amorties. Pour considérer qu’une installation est amortie, me semble-t-il, il ne faut pas seulement avoir remboursé l’investissement initial, mais il faut aussi avoir prévu son remplacement. Ainsi, on emploie des mots qui ne sont pas forcément adaptés, pour justifier un dispositif extrêmement dangereux.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 88539 rectifié.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement est favorable à l’amendement proposé par le rapporteur.

Dans un marché ouvert, tous les fournisseurs devront offrir ce tarif de retour aux clients qui le leur demanderont.

M. François Brottes. Ils le demanderont tous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tous les fournisseurs n’ayant pas accès aux mêmes ressources, il convient de mutualiser la charge qui va en résulter. Le mécanisme proposé par le rapporteur permet de faire bénéficier tous les consommateurs des conditions compétitives de production de l’électricité qu’offrent les choix faits par notre pays en faveur du nucléaire ou de l’hydroélectricité. Vont ainsi en bénéficier les consommateurs restés au tarif réglementé, mais aussi ceux qui vont choisir le tarif de retour.

À la faveur de cet amendement, nous parlons d’EDF. J’ai entendu ce qui est dit depuis le début de nos débats sur un éventuel rapprochement entre EDF et GDF…

M. Pierre Cohen. On le dit aussi chez vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je le concède. Il est exact que, en juin 2003, un député de la majorité, pour lequel nous avons tous beaucoup d’amitié et de respect,…

M. Christian Bataille. Pas un : dix !

M. Pierre Ducout. M. Gonnot est un excellent connaisseur, il suit ce dossier depuis très longtemps, il a présidé la commission de la production et des échanges. Il sait de quoi il parle !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …a déposé une proposition de loi pour étudier un rapprochement entre EDF et GDF.

Ensuite, en 2004, le Gouvernement a décidé de confier une mission à Marcel Roulet, dans le cadre d’une mission paritaire,…

M. Daniel Paul. Vous n’allez pas remettre ça ! Ce n’est pas juste !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …qui a étudié les perspectives d’évolution d’EDF par rapport à celles observées sur les marchés. J’ai fait en sorte que les conclusions de cette mission soient disponibles sur le site Internet du ministère et je vous invite à vous y rapporter.

M. Pierre Ducout. Ce n’est pas le sujet !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Elle a conclu de façon très claire que, si jamais rapprochement il devait y avoir, celui-ci se traduirait nécessairement par un démantèlement du parc nucléaire français pour pouvoir faire face aux obligations de concurrence.

M. Pierre Ducout. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je sais que vous ne voulez pas le voir, mais c’est la réalité.

M. Pierre Ducout. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est dans le rapport !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Diverses études juridiques soutiennent également cette analyse.

M. Christian Bataille. C’est la technocratie de Bercy !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai demandé, par souci de transparence et sans esprit polémique, à seule fin de vous informer,…

M. François Brottes. Ce n’est pas polémique, c’est idéologique !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …qu’ils soient mis également sur le site Internet pour que vous puissiez vous-même vous rendre compte de cet état de fait. C’est une réalité.

J’ajoute enfin que, depuis 2003, le Portugal a souhaité lui aussi rapprocher Électricité du Portugal et Gaz du Portugal dans une espèce d’Énergie du Portugal − pour reprendre une appellation qui vous est chère. Or, la Commission ayant décidé que c’était impossible, cela n’a pu se faire. Telle est la réalité, et le fait que cinq ou six députés aient ajouté leur signature à la proposition déposée en 2003 n’y change rien.

Je ne veux pas polémiquer, mais tout simplement vous informer, afin que nous puissions travailler sur des éléments concrets, factuels, qui motivent la volonté du Gouvernement de permettre à Gaz de France d’aller de l’avant. C’est la raison pour laquelle, après l’examen de ces articles importants, nous attendons l’article 10 pour pouvoir en débattre et étudier les modalités qui nous permettront d’aboutir à ce résultat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Hors sujet !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. L’adoption de l’amendement dont nous discutons ne serait pas sans conséquences pour l’amendement n° 88411 deuxième rectification, qui sera appelé ensuite, qui a été adopté par la commission des finances à l’initiative du rapporteur pour avis, Hervé Novelli, et que nous avons la faiblesse de préférer.

En effet, l’amendement de la commission des affaires économiques mettra en place un système relativement compliqué, qui nécessitera un contrôle des coûts approfondi, pour ne pas dire inquisitorial. Il aura, surtout, l’inconvénient de fermer − en tout cas de figer − le marché. Certes, les fournisseurs alternatifs seront maintenus en vie, mais ils n’auront aucun intérêt à continuer de se développer pour gagner de nouvelles parts de marché. Il est même possible que les producteurs et fournisseurs alternatifs ne percevront pas une compensation suffisant à couvrir les pertes qu’ils pourraient encourir, puisque le plafond sera fixé par arrêté.

Pour remédier à ces inconvénients, la commission des finances a adopté un autre amendement, modifié par un sous-amendement de Louis Giscard d’Estaing, permettant un retour au tarif réglementé pour les clients ayant fait jouer leur éligibilité et, surtout, un système d’ouverture du marché s’appuyant sur la cession d’une partie de la production d’origine nucléaire et hydraulique aux fournisseurs qui n’y ont pas accès. Le maintien des tarifs réglementés pour les clients finaux est ainsi combiné avec un approvisionnement en électricité des fournisseurs à un coût qui leur permet d’offrir un prix inférieur ou égal aux tarifs réglementés. L’amendement de la commission des finances propose d’étendre aux fournisseurs alternatifs les principes du dispositif de vente d’électricité aux distributeurs non nationalisés, en tenant compte de leurs obligations respectives.

S’il était adopté, cet amendement permettrait à la fois de respecter l’objectif communautaire d’ouverture des marchés de l’électricité et de garantir aux consommateurs nationaux la protection tarifaire qu’autorise la politique nucléaire développée par la France.

Afin d’encadrer ces cessions, Louis Giscard d’Estaing a proposé de conditionner l’accès à la production d’électricité à la revente à un prix inférieur ou égal au tarif réglementé. Cela vise à éviter que ces autres producteurs n’engrangent des profits indus.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas nous qui avons remis sur le tapis les conclusions formulées, il y a quelques mois, par la commission Roulet : c’est vous, monsieur le ministre. Je ne vais pas vous accuser de vouloir bloquer ou retarder le débat. Pourtant, revenir là-dessus, c’est un peu le faire. J’ai cité tout à l’heure un article, paru dans un quotidien du matin, qui nous apprend que les sarkozystes exhument une proposition de loi organisant la fusion de GDF avec EDF.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Rien de nouveau : elle existe depuis 2003 !

M. Daniel Paul. Je ne veux pas entrer dans le débat interne à la majorité. Cela vous regarde. Le drame, c’est que vos divergences s’étalent au sein de l’hémicycle et que, d’une certaine façon, vous les alimentez.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est le débat !

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est bien qu’il y ait un débat !

M. Daniel Paul. Bien sûr, mais vous auriez pu le trancher entre vous avant de soumettre ce texte à la représentation nationale.

Monsieur le ministre, à partir du moment où les enjeux sont aussi importants, où tout le monde s’accorde à reconnaître que, si la loi est votée, il ne faudrait peut-être pas qu’elle s’applique aux collectivités locales et aux services publics, où elle risque de faire des dégâts – je pense à l’hôpital de Besançon, mais il y aurait bien d’autres exemples –, un problème de volonté politique se pose. Plutôt que de casser GDF, il conviendrait, tirant le bilan de l’ouverture à la concurrence intervenue depuis quelques années dans le domaine énergétique, de travailler avec la Commission et les vingt-quatre autres pays qui composent la Communauté européenne pour faire partager l’idée que l’on se trompe à pousser à la concurrence dans le domaine énergétique, que l’on va dans le mur et qu’il est peut-être encore temps de corriger le tir, de façon à mettre en place une Europe de l’énergie. Ce serait, selon moi, une excellente façon à la fois de promouvoir la construction européenne, de sécuriser l’approvisionnement énergétique des pays européens et de développer une véritable politique commune dans ce domaine. Mais, à l’évidence, ce n’est pas ce que vous souhaitez.

Je ne partage pas la proposition soutenue, si j’ai bien compris, par une partie de l’UMP, mais elle a au moins le mérite...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Elle date de 2003 !

M. Daniel Paul. ...de montrer qu’il existe d’autres possibilités que celle que vous prônez. Je souhaite donc, s’il doit être exhumé, que l’on n’enterre pas une deuxième fois un texte qui a le mérite de dire qu’il y a peut-être moyen de faire autrement.

Des économistes, dont les travaux ne sont pas forcément à ranger sur les étagères, estiment d’ailleurs, toujours dans la presse de ce matin, qu’il existe une alternative.

Quant à la commission Roulet, dois-je rappeler que ce sujet ne faisait pas partie de ses prérogatives,...

M. François Brottes. Absolument !

M. Daniel Paul. ...et qu’elle avait pour simple mission de proposer un projet industriel pour EDF et GDF ?

M. François Brottes. Tout à fait, et le ministre le sait parfaitement.

M. Pierre Ducout. En sous-évaluant EDF de façon scandaleuse !

M. Daniel Paul. Le débat sur le sujet n’a été ouvert que parce commande a été passée à un cabinet d’économistes dont les analyses ont d’ailleurs été contestées par d’autres cabinets. S’appuyer sur cette seule étude n’est pas très sérieux.

En fait, monsieur le ministre, votre objectif, après avoir fait avaler à notre pays la privatisation de GDF – si vous y parvenez –, est de passer sans encombre les deux ans qui suivront. Mais que se passera-t-il alors – je n’ai de cesse de vous poser cette question, car vous ne me répondez pas – si les prix ont augmenté encore plus qu’ils ne l’ont fait dernièrement ? Comment les entreprises qui auront choisi le nouveau tarif régulé, que j’appellerai T + 30, s’en sortiront-elles ? Reconduira-t-on ad vitam æternam ce tarif ? Il est vrai que, dans deux ans, les élections seront passées !

Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre amendement, ce qui nous est proposé n’est qu’une usine à gaz – la formule est facile s’agissant d’un texte qui concerne Gaz de France, mais les deux dispositifs sont vraiment d’une extrême complexité.

Au bout du bout, ce seront les consommateurs finals, à savoir les particuliers et les PME-PMI, qui en feront les frais. Je ne peux croire en effet que l’augmentation du coût de l’énergie ne sera pas répercutée sur leurs tarifs parce que les promesses faites aux actionnaires, dont l’État, principal actionnaire d’EDF et de GDF, par les dirigeants de ces deux entreprises, ne pourront pas ne pas être tenues.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je tiens à remercier M. le ministre de nous avoir permis de traiter ici d’un sujet ouvert par des députés UMP, malheureusement à l’extérieur de l’hémicycle. L’Assemblée nationale redevient ainsi l’endroit où le vrai débat doit se dérouler.

Ce dernier tend d’ailleurs à s’inverser. Voilà peu, au début de la discussion du projet de loi, les députés de l’opposition, les syndicats, en particulier la CGT, et les personnels qui évoquaient un rapprochement entre EDF et GDF pour créer un pôle public de l’énergie, étaient considérés comme des idéologues, dont on repoussait avec mépris la proposition. Or, depuis quelque temps, celle-ci gagne du terrain non seulement dans l’opinion publique et chez les personnels des entreprises concernées, mais aussi au sein de la majorité.

Ce ne sont pas, comme on le fait croire depuis le début, les députés de l’opposition qui sont motivés par une vision idéologique. C’est vous qui l’êtes, monsieur le ministre, comme le montre votre embarras depuis dix jours à défendre le projet de loi !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il n’y a nul embarras de ma part !

M. Pierre Cohen. La seule raison que vous donnez de votre rejet d’un rapprochement entre EDF et GDF ne tient pas. Vous dites que celui-ci conduira au démantèlement d’EDF. Or, encore aujourd’hui, vous êtes incapable de nous dire comment l’Europe jugera les conséquences d’un rapprochement entre GDF et Suez, ni quelles seront les contreparties qu’elle les obligera à donner. Vous êtes dans une incertitude totale s’agissant de ce fameux pôle gazier,…

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. Pierre Cohen. ...alors que celui-ci devait être incontournable !

Il est déjà arrivé que notre pays fasse valoir, avec d’autres, une position très minoritaire. Souvenons-nous en effet – ce que j’ai vécu pour ma part comme une victoire de notre Parlement – du débat sur la directive Bolkestein,...

M. Jean-Marc Roubaud. Hors sujet !

M. Pierre Cohen. ...qui constituait une véritable catastrophe pour notre pays comme pour toute l’économie européenne. Le débat, ouvert de manière très volontariste par la France et certains autres pays, très minoritaires au départ, a permis d’inverser la donne.

Vous ne m’écoutez pas, monsieur le ministre…

M. Jean-Yves Le Déaut. Cela ne l’intéresse pas !

M. Pierre Cohen. Vous feriez mieux, pourtant, de participer au débat, au lieu de venir nous assener vos vérités quand vous en avez le temps ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce que nous voulons, c’est débattre avec vous de ce que souhaitent de nombreuses personnes, en particulier en France, à savoir la constitution à terme d’un véritable pôle énergétique européen.

Cette ambition exige de ne pas démanteler ce qui fait notre seule force, c’est-à-dire le pôle public français de l’énergie. Or, avec votre projet, vous allez empêcher la France de peser dans le débat.

Dans le nouveau pôle, les 34 % de l’État ne tiendront pas longtemps, M. Novelli vous l’a dit. Ils tomberont vite à 5 %, ce qui vous fera perdre toute maîtrise du pôle gazier. Et ce que vous faites aujourd’hui pour le gaz, vous le ferez demain aussi pour l’électricité. Vous tournez le dos, je le répète, à toute possibilité pour la France de participer à un débat sur la constitution d’un pôle énergétique européen.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Peut-être convient-il de rappeler pourquoi ce débat est aussi acharné : c’est que se joue là rien de moins que l’avenir du « cash » des centrales nucléaires, si décriées un temps, mais qui, aujourd’hui, vu l’allongement de leur durée de vie – ainsi que je l’ai démontré dans un rapport pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques –, sont devenues de véritables machines à « cash » – les Américains parlent de « cash cows », de véritables vaches à lait.

M. Daniel Paul. Et avec des vaches à lait, on fait du beurre !

M. Christian Bataille. C’est le dépeçage de ce « cash » qui est en jeu aujourd’hui : reviendra-t-il à la nation qui a construit le réseau des centrales ou quelques particuliers se le partageront-ils ? Les amendements que nous défendons depuis hier soir ont pour objet de procéder au décryptage de la situation en la matière.

On peut lire dans la presse de ce matin qu’une dizaine de députés sarkozystes et centristes...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Six !

M. Christian Bataille. ...ont signé un texte alternatif au projet de loi. J’espère qu’ils nous présenteront ici leur proposition de loi dans laquelle ils prônent de rapprocher Gaz de France et EDF dans un groupe Énergie de France, ce que propose également le groupe socialiste.

Monsieur le ministre, vous nous objectez que la commission Roulet aurait conclu que ce rapprochement était impossible.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Eh oui !

M. Christian Bataille. Je tiens, pour avoir été, comme notre collègue Daniel Paul, membre de cette commission, à rectifier quelque peu cette assertion.

L’argument suprême, d’abord, selon lequel la Commission européenne s’opposerait au projet de rapprochement EDF-GDF ne tient pas. Bruxelles – que vous ne cessez de brandir comme une menace –...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Bruxelles, c’est nous !

M. Christian Bataille. ...ne voudrait pas de ce mauvais service rendu à l’Europe ? Mais vous ne pouvez pas connaître son avis puisque vous ne lui avez pas demandé !

Vous mettez, ensuite, en avant la commission Roulet. Or celle-ci intervient à un moindre niveau.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas gentil pour elle !

M. Christian Bataille. Il n’est pas question pour moi, monsieur le ministre, de m’en prendre à M. Roulet, qui est un haut fonctionnaire respectable. Cependant, ses conclusions, auxquelles je ne me suis pas associé – il n’y a pas eu en effet unanimité, seuls les représentants favorables à la majorité et des techniciens votant pour – semblent avoir été dictées davantage par la logique financière et de profit qu’EDF à l’époque – au risque de se coincer les doigts dans la porte, si je puis dire – avait commencé de privilégier – nous pourrions mettre des noms derrière les responsables, mais vous les connaissez, monsieur le ministre – par rapport à la logique de planification et d’industrialisation. Voilà ce que reflète le rapport Roulet, sans oublier la propre logique des hauts fonctionnaires de Bercy. C’est d’ailleurs ce qui nous fait dire qu’aujourd’hui Bercy s’appuie sur les conclusions d’un rapport qu’il a lui-même inspirées !

Bien qu’il ne s’agisse pas là d’une loi inspirée par des prophètes, j’admets que vous considériez son avis comme important. Toutefois, monsieur le ministre, pas un seul argument convaincant ne nous a été opposé sur l’impossibilité d’un rapprochement entre EDF et GDF, d’autant que l’avis de Bruxelles sur ce point n’existe pas,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais si !

M. Christian Bataille. …puisque vous ne l’avez pas demandé.

Décidément, votre argumentation servant à réfuter un tel rapprochement est nul et non avenu !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Qu’il me soit d’abord permis de faire remarquer que, par rapport au débat d’hier soir, on ne peut dire que nous rallongeons inconsidérément celui d’aujourd’hui !

S’agissant des deux amendements en discussion, si l’amendement de la commission des affaires économiques, celui de M. Lenoir, n’est pas très bon, celui de la commission des finances, présenté par M. Bouvard, est exécrable.

M. le ministre délégué à l’industrie. Le bon et la brute ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Bouvard a d’ailleurs défendu son amendement, car celui-ci tomberait si, par hasard, celui de M. Lenoir était adopté.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Pas obligatoirement !

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement de la commission des finances propose que les fournisseurs installés sur le territoire national qui disposent de moins de 10 % des capacités de production d’électricité d’origine nucléaire ou hydraulique aient accès, pour une période de deux ans renouvelable, à un volume d’électricité produite par les fournisseurs disposant de plus de 10 % des capacités de production d’origine nucléaire ou hydraulique, c’est-à-dire EDF nationalisée, à un tarif inférieur à celui auquel leur revient ce qu’ils produisent.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Ce n’est pas tout à fait cela.

M. Jean-Yves Le Déaut. Christian Bataille vient de parler de vaches à lait, mais c’est d’un véritable hold-up qu’il s’agit : on demande à l’entreprise nationale EDF d’ouvrir son coffre-fort et – notre collègue vient en effet de rappeler que les centrales nucléaires dureront plus que les trente ans initialement prévus – de partager la rente du nucléaire avec ses concurrents qui se développent, c’est-à-dire Direct Énergie, Poweo et Centrica, tous fournisseurs qui viennent de se regrouper dans l’association ANODE. L’amendement Bouvard, c’est l’amendement ANODE, c’est-à-dire un lobby de petites entreprises de distribution d’électricité...

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Une régie de l’électricité existe !

M. Jean-Yves Le Déaut. ...qui veulent – il suffit pour s’en convaincre de lire les articles du dirigeant de Poweo – accéder à un marché libéralisé.

L’interprétation de Christian Bataille est la bonne : cela revient à avoir l’électricité des centrales nucléaires à prix coûtant au motif que leur propriétaire ne doit pas être le seul à bénéficier de la rente du nucléaire et à faire du bénéfice sur la distribution.

On démantèle EDF, comme on a démantelé Gaz de France. On démantèle les entreprises nationales pour faire la courte échelle à des marchands qui n’ont jamais investi dans la production électrique dans notre pays.

Si c’est ce que vous voulez, si c’est le libéralisme que l’UMP veut, il faut le dire clairement parce que je ne suis pas persuadé que ce soit ce que veulent les électeurs. Car, au bout du compte, quand vous leur aurez fait la courte échelle, l’électricité sera bien plus chère. Vous aurez un tarif de l’énergie qui sera bien supérieur à celui qu’il est aujourd’hui. Vous aurez, par ce cheval de Troyes, contribué au renchérissement des tarifs avec des consommateurs qui paieront plus cher. Au final, ce seront eux la vache à lait.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Puisque nous avons deux débats en même temps et que M. le ministre a fait une réponse un peu décalée par rapport à la réalité de l’amendement de M. Lenoir, je souhaiterais réagir à l’amendement de M. Novelli porté par M. Bouvard.

M. le président. Il y a bien deux amendements…

M. François Brottes. Je ne considère pas que l’amendement de M. Bouvard est l’anode et celui de Lenoir la cathode, là n’est pas tout à fait le sujet. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Le courant passe dans le même sens !

M. François Brottes. Je dirai simplement, en des termes un peu plus feutrés que ceux utilisés par Jean-Yves Le Déaut à l’instant, dont je partage le point de vue…

M. Christian Decocq. C’est un tueur, Le Déaut !

M. François Brottes. …que l’amendement Bouvard-Novelli est pire que l’amendement Lenoir, mais en même temps plus honnête. (Exclamations.) En effet, M. Novelli avance sans pudeur alors que M. Lenoir avance masqué. Il y a un souci de transparence chez M. Novelli et M. Bouvard que l’on retrouve moins chez M. Lenoir, même si, à la sortie, le résultat est quasiment le même.

Nous avons instauré cette nuit, après moult débats au sein de la majorité…

M. Pierre Cohen. Des débats houleux !

M. François Brottes. …au terme desquels nous n’avons pas vraiment compris à quelle conclusion nous étions arrivés,…

M. Jean Dionis du Séjour. Si !

M. François Brottes. …un dispositif de « tarif de retour » qui nous rapproche du tarif réglementé. Les libéraux, dont M. Bouvard et M. Novelli font partie – je note au passage que M. Bouvard est de ce point de vue en train de faire sa mutation –…

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de la commission des finances, que je porte.

M. François Brottes. …proposent qu’il n’y ait plus dans le pays que le tarif réglementé et le tarif de retour. En effet, à part les masochistes, personne ne souhaitera payer un prix plus élevé que le tarif de retour.

M. Pierre Cohen. Bien sûr !

M. François Brottes. Soucieux d’« animer le marché », je reviendrai sur cette expression, la commission des finances propose de faire bénéficier l’ensemble des fournisseurs d’un accès au prix de l’énergie identique à celui du producteur principal, de manière à instiller une notion de prix qui pourrait se glisser entre le tarif réglementé et le tarif de retour. Et tout cela aux frais de la princesse, plus exactement aux frais d’EDF !

On crée une espèce d’animation du marché. C’est le grand cirque Novelli, avec deux clowns : M. Loyal – le régulateur –, et l’Auguste – EDF –, bon à tout faire, bon à tout payer, porter les investissements, les amortir, prendre la responsabilité d’un réseau équilibré. Et autour de l’Auguste et de M. Loyal, on trouverait une série d’« anodiens », puisqu’il faut les appeler ainsi, qui seraient là pour empocher des bénéfices sans jamais prendre aucun risque.

Ce n’est pas acceptable et c’est même très dangereux.

M. Christian Decocq. Il n’y a pas un Français qui comprenne ce que vous dites.

M. François Brottes. Je le dis avec un peu d’humour, mais, franchement, vous êtes en train de déséquilibrer complètement notre système de fonctionnement de production et de distribution d’énergie.

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. François Brottes. Vous prenez une responsabilité devant l’histoire : au-delà des privatisations et de la dérégulation, demain, il faudra tout reconstituer parce que vous aurez tout cassé.

M. Christian Bataille. Ça marchait et ça ne va plus marcher !

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Étant co-signataire avec M. Lenoir et M. Ollier de l’amendement de la commission des affaires économiques, je ne peux accepter que M. Brottes qualifie notre amendement d’amendement masqué, d’amendement malhonnête. C’est un amendement qui a été largement discuté avec le Gouvernement afin d’en assurer la sécurité juridique.

M. Jérôme Lambert. Ce n’est pas une garantie !

M. Serge Poignant. Il traduit la volonté d’un grand nombre de nos collègues, y compris chez vous, d’avoir un tarif qui soit cohérent avec la politique communautaire et qui prenne en compte la notion d’ajustement temporaire.

Nous tenons beaucoup à cet amendement, nous l’avons déjà dit lors de la première discussion, le président Ollier l’a indiqué, parce que nous considérons que les entreprises qui sont allées vers l’éligibilité doivent pouvoir revenir pour ne pas être pénalisées. C’est ce que propose tout simplement cet amendement, en toute clarté et en toute transparence, et avec toute la sécurisation juridique nécessaire.

Les risques, nous l’avons dit cinquante fois, monsieur Brottes, ils viennent de ceux qui prônent une association GDF-EDF, c'est-à-dire de vous !

M. Pierre Ducout. M. Gonnot !

M. Serge Poignant. Vous savez très bien en effet que les contreparties seraient lourdes et provoqueraient la vente d’un certain nombre de nos entreprises dans le nucléaire.

M. Pierre Ducout. Ce n’est pas vrai !

M. Serge Poignant. Il est hors de question de faire cela. Nous sommes pour notre part très attachés à ce qu’EDF poursuive son activité, avec ses centrales nucléaires sécurisées, avec une part de l’État français qui reste dans le domaine de l’électricité. Là-dessus, nous sommes tout à fait fermes et clairs.

M. Jacques Desallangre. Qu’est-ce qui vous autorise à dire cela ? Il y a des exemples !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je voudrais répondre à quelques-unes des observations qui viennent d’être formulées et revenir sur l’amendement qui a été présenté par notre collègue Michel Bouvard.

L’amendement que la commission des affaires économiques a adopté est le complément de la disposition qui a été votée cette nuit, instituant le tarif transitoire, puisqu’il propose la compensation.

L’amendement de la commission des finances n’est absolument pas une alternative. Il est d’une autre nature, et, surtout, d’une portée complètement différente. Bien sûr, il touche l’électricité, l’énergie, mais il n’a strictement rien à voir avec l’amendement de la commission des affaires économiques.

Notre collègue François Brottes est revenu sur le dispositif qui a été voté cette nuit, en disant que les rabais consentis par le vendeur de voiture allaient coûter au constructeur.

M. François Brottes. Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je me permets de lui faire observer que le constructeur et le vendeur sont les mêmes.

M. François Brottes. Pas toujours !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour les deux tiers !

M. François Brottes. Oui, et pour le dernier tiers ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Les deux tiers de l’électricité vendue sur le marché à des prix qui sont jugés aujourd’hui excessifs l’ont été par EDF. Donc, la compensation se fait à l’intérieur de l’entreprise.

M. François Brottes. C’est faux puisqu’on pourra changer de fournisseur !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je vous en prie, je ne vous ai pas interrompu. Je vous invite à garder votre calme et à me laisser poursuivre.

M. Jean-Yves Le Déaut. Oh !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Quant à l’amendement qui est soutenu par la commission des finances, j’appelle l’attention de l’Assemblée sur sa portée. Il revient à permettre à des fournisseurs de s’alimenter au château d’eau qu’est EDF…

M. Jean-Yves Le Déaut. Au coffre-fort !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …pour 20 % de sa production et à un prix particulièrement intéressant : 28 euros, prix de cession aux régies municipales, plus 20 %, c'est-à-dire 33,50 euros.

D’abord, la raison sociale d’EDF change radicalement : EDF devient un producteur d’électricité, devient le « Minatome ».

M. François Brottes. L’Auguste !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et un certain nombre de fournisseurs viennent s’approvisionner à bon compte et, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, ce ne sont pas les petits fournisseurs, tels que Poweo ou DirectEnergie, qui vont venir s’approvisionner, mais ce sont les concurrents les plus directs d’EDF, que sont RWE, E.ON, Endesa, Atel… Ce sont eux qui vont profiter.

M. François Brottes. Aussi !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Si vous adoptez cet amendement, vous allez vous retrouver dans une situation inimaginable.

M. Pierre Cohen. Avec vous, c’est pareil !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. EDF produirait à un prix de cession qui ne permettrait aucun investissement, avec des concurrents qui viendraient tout simplement à la pompe prendre l’électricité à très bon marché.

M. Pierre Ducout. C’est l’État qui fixe le tarif !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La position de la commission des affaires économiques est très claire : nous sommes extrêmement défavorables à cet amendement qui bouleverse entièrement le système qui aujourd’hui donne les résultats que l’on sait avec une structure qui a montré son efficacité.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nouveau désaccord !

M. François Brottes. Un de plus !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je le répète, il ne s’agit en aucun cas d’une solution alternative, d’une solution de repli. Les deux amendements ont des portées totalement différentes. Nous sommes pour notre part conséquents avec nous-mêmes : nous avons institué un tarif transitoire et nous proposons une compensation. La commission des finances, elle, présente un amendement qui bouleverse complètement le paysage français.

M. Pierre Cohen. Ce sont de dangereux irresponsables à la commission des finances !

M. le président. Je précise que nous sommes toujours sur l’amendement n° 88539 rectifié.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. J’ai cru comprendre que notamment M. le rapporteur en avait profité pour évoquer l’amendement qui suit, l’amendement n° 88411 deuxième rectification.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ils sont en discussion commune…

M. le président. Non, monsieur le rapporteur, les deux amendements ne sont pas en discussion commune.

M. Jean-Yves Le Déaut. Peut-être, mais le rapporteur en a parlé.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous ne pouvons pas, malheureusement, revenir sur ce qui a été voté cette nuit – nous ne pouvons qu’espérer que le Sénat soit un peu plus sage. Je voudrais intervenir sur le financement.

Il est quand même assez extraordinaire que le financement soit, en gros, assuré par le producteur lambda. Nos industriels vont voir baisser le prix de leur facture, d’une façon artificielle par rapport au marché, mais il y a bien quelqu’un qui va payer. Quand le commerçant Poweo par exemple, mais il y en aura beaucoup d’autres, et M. le rapporteur a eu raison de rappeler que certains viendraient d’autres pays, quand le commerçant dira, moi, je voulais vendre à 60 % mais c’est seulement à 30 %, qui payera la différence ? Cette taxe sera payée un peu par ceux qui auront racheté, et cela contribuera à faire remonter le prix, mais surtout par le consommateur final, le consommateur domestique.

M. Daniel Paul. Exactement !

M. Jean Gaubert. C’est lui qui va payer cette taxe parce qu’il est complètement captif, et il le restera encore très longtemps.

Et comme il aura intérêt à rester au tarif réglementé, cela se fera par une augmentation du tarif réglementé qui sera forcément beaucoup plus forte que l’augmentation normale que nous connaissions auparavant. Le tarif réglementé est toujours fixé en fonction des prix de revient de l’opérateur, et d’EDF en particulier en matière d’électricité. Puisqu’on va faire rentrer une nouvelle charge dans le tarif réglementé, le tarif réglementé va augmenter d’autant. Et ce sont les petits consommateurs, les foyers, qui déjà n’en peuvent plus, qui vont payer ce cadeau que l’on fait non pas aux industriels, monsieur le rapporteur, mais aux commerçants d’électricité.

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Certes, les industriels en bénéficieront un peu, mais ce seront surtout les commerçants d’électricité qui, eux, pourront augmenter leurs prix puisque l’industriel ne discutera plus : il saura, lui, que c’est plafonné à 30 %.

Vous vous engagez dans une voie extrêmement dangereuse, même si cela ne dure que deux ans. Après, chacun se débrouillera comme il le pourra.

M. Daniel Paul. Que se passe-t-il après ces deux ans ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Au bout de deux ans, les clients industriels qui ont obtenu un réduction du coût de l’énergie sont censés revenir, non pas au tarif régulé car c’est interdit, mais au prix du marché. Mais que se passera-t-il si, à ce moment là – vous me direz que, dans deux ans, vous ne serez peut-être plus là ! –, le prix du marché a non pas augmenté de 60 % comme actuellement, mais doublé ? Allez-vous condamner les entreprises à subir une telle hausse, quitte à sacrifier les industries les plus électro-intensives de ce pays ? Cela fait plusieurs jours que je pose cette question et personne ne me répond.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Hier soir, nous en avons parlé pendant deux heures !

M. Daniel Paul. Peut-être est-ce une question simpliste, mais elle m’a été posée hier après-midi encore. J’expliquais l’amendement de M. Lenoir à quelqu’un qui m’avait demandé comment cela se passerait si, dans deux ans, on l’obligeait à revenir au prix du marché. Si celui-ci est moins élevé que maintenant, vogue la galère ! Mais s’il est plus élevé, que se passera-t-il ? On peut toujours faire confiance aux lois du marché et espérer que, dans deux ans, la divine providence aura fait évoluer les choses de façon favorable, mais la question mérite réponse. Moi, j’ai bien une solution, mais elle ne vous plaira sans doute pas : votre remplacement par des gouvernants qui rétabliront le tarif régulé avant l’expiration du délai de deux ans.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 88539 rectifié…

M. François Brottes. Nous voudrions bien entendre le ministre !

M. le président. J’ai annoncé le vote.

Je mets donc aux voix l’amendement n° 88539 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Le Gouvernement s’est déjà exprimé sur cet amendement avant le vote en exprimant un avis favorable, mais je vais compléter la réponse de M. Breton.

Ce débat ressemble beaucoup à celui que nous avons eu hier soir et auquel les députés communistes ont vigoureusement participé. Les arguments sont simples. Nous avons besoin d’un marché tempéré et c’est effectivement le rôle du politique que de prendre les mesures nécessaires, lorsque les prix du marché sont exorbitants, afin que les consommateurs, les entreprises, donc l’économie française, s’y retrouvent. C’est la raison pour laquelle ce tarif de transition a été inventé…

M. Christian Bataille. Bricolé !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et adopté hier soir. C’est un amendement de la commission des affaires économiques qui a été retenu.

M. Christian Bataille. C’est une invention du professeur Nimbus !

M. le ministre délégué à l’industrie. S’agissant du mode de financement, nous avons deux amendements : celui de la commission des affaires économiques, que l’Assemblée vient d’adopter, ce dont je la remercie parce que c’est celui que le Gouvernement soutient, et celui que défend Michel Bouvard. Le dispositif que ce dernier propose a l’air sympathique, mais il crée un effet d’aubaine considérable pour de nombreuses entreprises qui n’en ont pas besoin. Nous devons, certes, nous efforcer de corriger les excès commis par le marché…

M. François Brottes. Quel aveu !

M. le ministre délégué à l’industrie. …de façon structurelle et conjoncturelle, puisqu’ils résultent aussi d’une insuffisance d’investissement et de l’incorporation de l’effet CO2 dans le prix,…

M. Christian Bataille. Cela va déplaire à Bush et à Sarkozy !

M. le ministre délégué à l’industrie. …mais nous devons aussi éviter de faire des cadeaux à certains fournisseurs en leur donnant accès à des moyens considérables dont ils ne disposent pas aujourd’hui. Cela n’est pas nécessaire et nous ne le souhaitons pas. Voilà pourquoi le Gouvernement préfère l’amendement de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Paul. Et après ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Au cours du débat d’hier soir, nous avons précisé que la période de deux ans serait « renouvelable », car nous avons imaginé que demain pourrait ressembler à aujourd’hui. Cependant, dans l’hypothèse où les prix retrouveraient leur corrélation avec le tarif, notre dispositif ne serait plus nécessaire. Ce dernier est donc de nature exceptionnelle et sera remplacé dès que nous n’en aurons plus besoin.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 88411 deuxième rectification.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 137655.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 88411 deuxième rectification.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Je ne vais pas développer à nouveau tous nos arguments, mais je ne voudrais pas que l’on caricature la réflexion de la commission des finances.

Notre objectif est double : non seulement trouver des solutions adaptées à la situation exceptionnelle qui pénalise aujourd’hui les entreprises, en particulier celles qui consomment le plus d’énergie – tel est le sens de l’amendement sur lequel nous nous sommes mis d’accord hier soir –, mais aussi faire sortir notre pays de cette situation. Pour cela, il est apparu intéressant à Hervé Novelli et à la commission des finances, qui a adopté cet amendement, d’apporter de la fluidité au marché, un peu comme cela s’est fait avec les nouveaux opérateurs en matière de téléphonie mobile.

Avant que Louis Giscard d’Estaing ne défende son sous-amendement, justement destiné à lutter contre les effets d’aubaine dénoncés par M. le ministre délégué à l’industrie, je veux dire que la commission des finances ne souhaite évidemment pas que les opérateurs privés pillent la rente nucléaire. Notre objectif n’est pas de léguer gratuitement à ces opérateurs les bénéfices d’un investissement national ! L’accès au programme régulé de cession d’électricité nucléaire doit en effet être conditionné, et même proportionné, aux ventes effectuées par les fournisseurs alternatifs aux consommateurs français, dans des conditions de prix traduisant l’avantage compétitif correspondant. Le programme régulé de cession d’électricité nucléaire n’est qu’un mécanisme de transfert de cet atout compétitif du producteur national vers les consommateurs, et non vers les fournisseurs qui n’en assurent que le transit. Notre souci, c’est de donner de la fluidité au marché ; ce n’est bien évidemment pas d’enrichir indûment des fournisseurs et des producteurs alternatifs, parce que ce serait contraire à l’intérêt national, et j’ose espérer que personne n’a imaginé que la commission des finances pourrait souscrire à une telle démarche !

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour soutenir le sous-amendement n° 137655.

M. Louis Giscard d'Estaing. Comme l’a rappelé Michel Bouvard, ce sous-amendement tend à garantir que l’engagement de la France dans la production électrique d’origine nucléaire continue à profiter aux consommateurs finaux. Chacun se souvient ici de la détermination de certains dirigeants d’engager résolument notre pays dans la voie du nucléaire avec des dispositions économiques et financières qui ont permis de garantir l’indépendance énergétique de notre pays. Nous devons le rappeler à l’occasion de ce débat.

Par ce sous-amendement, je propose de compléter l’amendement de la commission des finances en conditionnant l’accès des fournisseurs à l’électricité d’origine nucléaire à la revente d’électricité aux consommateurs finaux à des prix inférieurs ou égaux au tarif réglementé.

Cela dit, je reconnais que l’amendement de la commission des affaires économiques répond lui aussi à cette préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Sans répéter les explications que j’ai déjà données à propos de l’amendement de la commission des finances, je rappelle notre position, qui est sans équivoque : la commission des affaires économiques est résolument contre ce dispositif, source d’effets d’aubaine qui tuent l’investissement.

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 137655, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je confirme clairement mon avis défavorable et j’approuve les arguments de M. le rapporteur. Avec un tel dispositif, même sans effets d’aubaine liés aux prix, nous irions tout de même « piquer » des lots entiers de clients à EDF,…

M. Christian Bataille. Évidemment !

M. le ministre délégué à l’industrie. …ce dont je ne vois pas l’intérêt !

M. Jacques Desallangre. C’est antilibéral !

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Le sous-amendement de Louis Giscard d’Estaing est encore plus toxique que l’amendement de M. Novelli !

M. Alain Gouriou. Il est assassin !

M. Christian Bataille. Il s’agit en effet d’une privatisation déguisée de nos centrales nucléaires, qui font partie de notre patrimoine national et dont la production appartient à tous ! Il s’agit de permettre, de manière triviale, à des entreprises privées d’acheter à prix coûtant de l’énergie produite par EDF et de la revendre ensuite au tarif réglementé. Ces fournisseurs achèteraient l’électricité au prix le plus bas tout en laissant EDF réaliser tous les efforts de production et de planification !

Votre seul but est donc de privatiser les bénéfices sans vous soucier un seul instant de l’investissement, qui resterait tout simplement à la charge des collectivités publiques via EDF ! C’est inacceptable ! Vous oubliez l’effort d’investissement que nous devrons réaliser dans la durée et vous pressez le citron au maximum. Ce type d’amendement, que nous pourrions appeler « Direct Énergie », « Poweo » ou « pique-assiette », vise à engager la privatisation d’EDF de manière indirecte et hypocrite,…

M. François Brottes. Exactement !

M. Christian Bataille. …travail que vous espérez sans doute achever en 2007 si vous êtes élus, mais nous vous en empêcherons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. M. Novelli n’est pas dans l’hémicycle ce matin. Sans doute a-t-il d’autres occupations, à moins qu’il n’ait jugé plus opportun de laisser défendre son amendement par le vice-président de la commission des finances. C’est d’ailleurs son droit.

Quoi qu’il en soit, M. le président de la commission des finances nous a expliqué que la situation des prix était exceptionnelle. En quoi ? Prévoit-il que, dans quelques semaines ou quelques mois, la tendance actuelle puisse s’inverser ?

Monsieur le ministre, vous vous montrez extrêmement optimiste. Mais vous savez bien que le délai de deux ans que vous prévoyez est illusoire. Eu égard à la tension que connaissent les marchés de l’énergie, personne n’est capable de prévoir quand cessera, si elle cesse jamais, la période d’énergie chère que nous connaissons actuellement.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est pourquoi j’ai souhaité un délai de deux ans renouvelable.

M. Jean Gaubert. Aujourd’hui, le seul agent qui puisse contrôler le prix de l’énergie est la puissance publique, parce qu’elle a encore les moyens de fixer les tarifs. Mais dès lors qu’on passera au prix du marché, déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande, il se fixera à un niveau très élevé, quand bien même on construirait d’autres centrales nucléaires.

Le marché de l’énergie est aujourd’hui ouvert au niveau européen et l’amendement en discussion propose de l’ouvrir davantage. En ce sens, il ne permettra nullement de fournir de l’électricité moins chère aux clients français, puisque rien ne prouve que le commerçant ne prélèvera pas une marge encore plus forte. Dans notre société où le commerce a pris le pas sur la production, les pressions qui s’exercent sur celle-ci ne bénéficient quasiment jamais aux consommateurs, mais seulement aux intermédiaires, et l’amendement ne vise en fait qu’à leur permettre de gagner encore plus d’argent.

Quant à la fameuse rente nucléaire, on sent bien que, si les prix ont monté en France, c’est parce que d’autres pays en bénéficient maintenant. L’amendement permettrait donc que d’autres opérateurs achètent de l’électricité en France à bas prix pour la revendre plus cher ailleurs. Or, le rapporteur l’a expliqué et, pour une fois, je suis d’accord avec lui, le Gouvernement ne pourra rien faire pour les en empêcher. Tout à l’heure, nous pouvions encore envisager d’établir une taxe interne à l’hexagone. Mais, dans le cas présent, c’est impossible : en vertu de l’ouverture européenne, le marché est libre.

L’amendement ne vise par conséquent qu’à permettre à Indesa ou d’autres, déjà cités, de venir acheter de l’électricité à bas prix chez nous pour la rendre plus cher chez eux.

M. le président. Merci, monsieur Gaubert…

M. Jean Gaubert. C’est extraordinaire ! Tout le discours de la majorité vante la fluidité du marché, alors que les consommateurs, quels qu’ils soient, n’ont qu’un seul problème : le prix auquel ils vont payer l’électricité. Pourtant, nous avons le sentiment que, dans l’esprit de certains libéraux, cela ne compte pas. Il leur suffit de pouvoir répéter que le marché s’exerce et que les clients ont affaire à des opérateurs.

M. Christian Bataille. Très juste !

M. Maurice Giro. C’est votre sentiment, mais vous vous trompez !

M. Jean Gaubert. L’intérêt général commande d’abord de faire que nos concitoyens paient leur énergie le moins cher possible.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. On entend dire tout et son contraire. Le sous-amendement de M. Giscard d’Estaing parle de revente d’électricité aux consommateurs « à un prix inférieur ou égal au tarif réglementé ». Mais tout le monde a lu, je suppose, le rapport de la CRE et l’interview donnée par Philippe de Ladoucette à la revue de RTE, dans laquelle il indique que certains tarifs réservés aux industriels amortissent seulement le coût de l’acheminement, ce qui pose d’ailleurs la question de la transparence.

C’est vous, monsieur le ministre, qui fixez les tarifs réglementés. S’ils doivent être les plus bas possibles, tant pour les consommateurs individuels que pour l’ensemble de nos entreprises, ils doivent néanmoins prendre en compte l’amortissement de notre parc nucléaire, les possibilités d’allongement de sa durée de fonctionnement à trente, quarante ou cinquante ans et les conditions du nécessaire financement de l’EPR, pour un peu plus de 3 milliards d’euros, évoqué hier par le président de la commission.

La semaine dernière, le président Gadonneix a indiqué au congrès de la FNCCR, à Bordeaux, qu’il n’y avait pas de réelle rente nucléaire. Pour ma part, mais peut-être le ministre le confirmera-t-il, je considère que celle-ci existe bel et bien. Encore faut-il s’assurer que l’on garantit dans la durée les possibilités de renouveler le nucléaire en France.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez posé la question des prix et des tarifs. On sait qu’il n’y a pas de véritable marché ni de construction des interconnexions. Les autres pays européens ferment les yeux. L’Espagne a annoncé hier qu’elle mettait fin prématurément à l’activité d’une de ses centrales nucléaires. Enfin, quelles que soient les capacités de l’énergie éolienne, celle-ci ne fonctionne pas en l’absence de vent. Pouvez-vous nous informer sur le montant de la rente nucléaire, sur les investissements prévus et sur le financement de l’EPR ?

Pour les consommateurs, en effet, pour la réalité française et pour la transparence, ce sont des points extrêmement importants. Les propos qui ont été tenus aujourd’hui ne correspondent pas toujours à la réalité des relations entre l’État français et la Commission européenne.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Permettez-moi deux réflexions.

Tout d’abord, M. Ducout a rappelé les termes de l’interview du président de la CRE. On ne peut tout de même pas soutenir que les industriels paient seulement le transport de l’énergie ! Après cela, beaucoup iront pleurer sur la fermeture des usines… De tels propos ne sont pas responsables. Ils ne font que confirmer mon opinion sur le pouvoir qu’on accorde aux autorités de régulation. De telles déclarations posent à l’évidence le problème du fonctionnement de la CRE et des responsabilités qui s’exercent en son sein.

Ensuite, je constate que nous sommes dans une situation d’incompréhension soit voulue – par ceux qui tenteraient de caricaturer les propositions de la commission des finances – soit imputable à mon incapacité d’expliquer clairement sa position, auquel cas, mes chers collègues, je vous devrais des excuses.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous n’êtes pas en cause !

M. François Brottes. Nous vous avons très bien compris !

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, il est clair que le dispositif proposé ne peut bénéficier qu’aux consommateurs français et aux entreprises qui exercent en France, et qu’il ne s’agit en aucun cas d’alimenter la vente d’énergie à l’étranger.

M. Pierre Cohen. Qu’est-ce qui le garantit ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Le problème restera posé. Aujourd’hui, nous l’avons réglé en prévoyant un retour vers le tarif réglementé, mais le fonctionnement du marché reste entier. À l’avenir, nous aurons sans doute à y revenir.

Quoi qu’il en soit, étant donné l’incompréhension des uns et des autres, et avec l’agrément de M. Giscard d’Estaing, je retire l’amendement de la commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. L’amendement pique-assiette est retiré !

M. le président. L’amendement n° 88411 deuxième rectification est retiré.

La parole est à M. ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je ne veux pas trop tarder à répondre à M. Ducout, dont la question sur le niveau des tarifs et la capacité d’investissement d’EDF devient lancinante.

Nous avons demandé à EDF d’investir au cours des cinq prochaines années la somme de 40 milliards, calculée en fonction de son compte d’exploitation prévisionnel et de sa capacité actuelle, au regard du niveau des tarifs et des prix. L’entreprise est donc en mesure de répondre à cette demande.

Plus généralement, la question de l’investissement nous interpelle nécessairement, en ce qu’elle conditionne le renouvellement futur du parc. Comme l’ont rappelé plusieurs orateurs, notamment M. Bataille et M. Le Déaut, le problème se posera à partir de l’année 2017, au cours de laquelle la centrale de Fessenheim, la première du parc, aura quarante ans. Le renouvellement devra donc être envisagé à partir de 2012, date à laquelle est programmée l’implantation de la première tête de série de l’EPR, à Flamanville.

Jusqu’à cette date, la question de l’investissement est réglée, compte tenu des niveaux de tarifs actuels. Nous souhaitons qu’il en aille de même ensuite, mais nous le saurons mieux quand nous pourrons évaluer la réussite de l’implantation de l’EPR en 2012.

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 4338 à 4487.

Peut-être, monsieur Brottes, les défendrez-vous de manière globale…

M. François Brottes. J’entends votre invitation, monsieur le président. Les orateurs de notre groupe soutiendront ces amendements identiques de manière complémentaire, mais nous resterons raisonnables, comme toujours.

Peut-être le sommes-nous trop, d’ailleurs. J’ai noté en effet que, lorsque nous demandions un scrutin public sur un amendement de la majorité, celui-ci était retiré. Je regrette par conséquent de ne pas l’avoir fait plus tôt pour d’autres amendements. Il y a tant de contradictions dans certains d’entre eux et nos collègues éprouvent tant de honte à soutenir des amendements pique-assiette que, dans ce cas, ils préfèrent encore les retirer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous en prenons acte et peut-être, dans un souci de clarification, allons-nous systématiser nos demandes de scrutin public, ce qui obligera nos collègues, incapables de se mettre d’accord, à abandonner leurs funestes projets.

Je profite de la présence de M. Poignant dans l’hémicycle pour regretter qu’il n’ait pas pris soin d’envisager un meilleur système de retour au tarif, au moment où il était rapporteur de la loi de 2005. L’article 66 faisait état de la question de la réversibilité, qui ne remonte pas à l’an 2000, mais, en 2005, la majorité n’a pas saisi l’opportunité de débattre de cette question, ce qui l’amène aujourd’hui à la traiter dans l’improvisation et le bricolage.

M. Serge Poignant. Oh !

M. François Brottes. Je devais cette remarque au souci d’historien de notre rapporteur. Dans les exposés qu’il a pu faire, il a passé sous silence la loi de 2005, qui faisait pourtant état de ces problèmes.

Les amendements nos 4338 à 4487 plaident pour que les tarifs réglementés soient fortement encadrés et qu’une éventuelle augmentation du prix de l’électricité ne puisse être liée qu’à une hausse des coûts intrinsèques de production et de fourniture de l’électricité, incluant l’amortissement et le renouvellement des équipements. Aucun autre critère ne doit entrer en ligne de compte si l’on veut éviter une forte augmentation de ces tarifs. Nous l’avons signalé ce matin lors de l’ouverture de la séance et M. Gaubert vient de le rappeler, nous craignons – c’est d’ailleurs une évidence – que votre système du tarif de retour ne les fasse mécaniquement augmenter. D’où la nécessité d’un encadrement strict.

En refusant ces amendements, vous ne feriez que justifier nos craintes. Accepter qu’une autre donnée intervienne dans l’évaluation du coût qui définit le tarif réglementé, ce serait admettre que les dispositions auxquelles nous avons longuement réfléchi durant la nuit vont mécaniquement faire augmenter ce tarif, au préjudice des ménages qui auraient eu la précaution d’y rester ou des industriels qui y seraient toujours, et au bénéfice de ceux qui auraient choisi le marché.

Ainsi, nos amendements visent à encadrer très précisément les modalités de fixation du coût de vente de l’électricité, qui vont déterminer le tarif réglementé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je rappelle – et M. Brottes ne l’a pas nié – que le droit en vigueur prévoit déjà que les tarifs prennent en compte les coûts.

M. François Brottes. Tout dépend de ce que recouvre le terme de « coûts » !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ces amendements sont donc inutiles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis que la commission. Comme vous le savez, monsieur Brottes, l’article 4 de la loi du 10 février 2000 prévoit déjà que les tarifs couvrent l’ensemble des coûts et permettent d’assurer l’investissement dans les infrastructures et les unités de production. Ces amendements n’ont donc pas de raison d’être.

J’ajoute que la hausse récente des tarifs d’EDF a été limitée à 1,7 % et que le Gouvernement s’est engagé à ce que, si une hausse intervient dans les cinq ans qui viennent, celle-ci soit inférieure à l’inflation. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé cette année.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Si les « coûts intrinsèques de production et de fourniture d’électricité » comprennent naturellement l’amortissement et les conditions de renouvellement, M. Loos a bien indiqué qu’il n’était pas indispensable d’augmenter de manière déraisonnable les tarifs réglementés pour prendre en compte les besoins ultérieurs de renouvellement. L’EPR entrera en service en 2012 pour le premier, puis à compter de la fermeture de la centrale de Fessenheim, que je connais bien pour y avoir travaillé.

Par contre, l’ouverture du capital d’EDF et de GDF à 70 % pousse déjà mécaniquement les présidents de ces entreprises à présenter des coûts de revient relativement importants, ne serait-ce que pour faire monter les actions et plaire aux actionnaires qui, pour le moment, sont heureusement minoritaires.

Enfin, dans un marché où l’offre est systématiquement inférieure à la demande et avec un système de contrat, il est indispensable que la puissance publique travaille en dépenses contrôlées. Or c’est beaucoup mieux avec des entreprises publiques. On ne verra pas avant longtemps – peut-être vingt ans – un véritable marché européen et un véritable équilibre. Il suffit de voir ce qui se passe aujourd’hui en Russie, avec la fermeture des concessions accordées à Shell et Total.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Grâce à la loi de 1946, pendant un demi-siècle, les entreprises nationales n’ont pas fait de profits. Elles n’avaient pas de dividendes à redistribuer et ne vendaient pas non plus au-dessous du prix de revient, dans la mesure où il fallait assurer la couverture des prix réels. Ce système dit de « vente au prix coûtant » et la création d’un important réseau de centrales nucléaires ont contribué à faciliter le redémarrage de notre économie pendant les Trente glorieuses et ont permis aux particuliers de bénéficier de l’un des tarifs énergétiques les plus bas d’Europe. Cela nécessite que les entreprises sécurisent les approvisionnements et garantissent la qualité du transport et de la distribution d’énergie au profit des particuliers, des industriels et de la communauté nationale.

L’ouverture du capital a produit un chamboulement, et plus encore l’ouverture à la concurrence, car il n’est pas vrai que celle-ci joue de la même manière pour l’électricité en particulier et pour les bonbons ou les cacahuètes.

Tout d’abord, il y a une insuffisance de la production en Europe, et ce ne sont pas les 40 milliards d’euros d’investissements d’EDF qui y changeront quelque chose. Même si elle peut être encore améliorée, la fluidité du transport de l’électricité à travers l’Europe permet à l’entreprise publique de vendre son électricité à un autre pays. Dans le cadre de la construction européenne, cela me paraît tout à fait normal, sauf que ce n’est pas ainsi que l’on améliorera les prix pour les industriels et les tarifs pour les usagers.

Par ailleurs – et vous m’avez dit être d’accord sur ce principe, monsieur le ministre –, la France doit intervenir de manière très forte pour que chaque État européen soit autosuffisant en matière énergétique. Dans le cas contraire, il s’agirait d’une politique en trompe-l’œil…

M. François Liberti. Une politique de gribouille !

M. Daniel Paul. …et d’une escroquerie pure et simple.

Dans ce contexte, des risques lourds pèsent sur les tarifs appliqués aux particuliers et sur les prix appliqués aux entreprises qui sont passées au marché dérégulé. Le danger est d’autant plus grand que la Commission de régulation de l’énergie, tous les producteurs d’électricité et de gaz et la Commission européenne elle-même militent officiellement pour la suppression des tarifs régulés.

Vous prétendez que vous défendrez ces derniers, mais à quel niveau les maintiendrez-vous, face aux exigences de la CRE, des producteurs, de la Commission européenne, sans compter les actionnaires d’EDF et de GDF, que vous avez introduits dans le système et qui demanderont – et c’est normal – que leurs dividendes soient le plus élevés possible ? Il est à craindre que les tarifs régulés ne soient alignés vers le haut, sur les prix du marché. Or, si je suis favorable à une législation sociale tirée vers le haut, je préfère que les prix, eux, soient tirés vers le bas.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Je conclus, monsieur le président. Vous avez fait des promesses, monsieur le ministre, mais, il y a un peu plus de deux ans, l’un des vôtres avait pris l’engagement que jamais on ne toucherait à EDF et GDF, et on voit ce qu’il en est aujourd’hui ! Quelle sera la marge de manœuvre du Gouvernement face aux exigences des actionnaires ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. Breton nous dit que tout est déjà prévu dans la loi et que seuls les coûts sont pris en compte dans la détermination du tarif réglementé, mais deux modifications sont intervenues.

Tout d’abord, comme vient de le dire M. Paul, l’ouverture du capital d’EDF oblige l’entreprise à dégager des profits supplémentaires pour distribuer des dividendes aux nouveaux actionnaires : il faudra bien que quelqu’un paie !

Ensuite, vous nous dites, monsieur le ministre, que l’État et EDF sont liés par un contrat – que nous aurions préféré voir figurer dans la loi – qui stipule que le tarif réglementé n’augmentera pas au-delà de l’inflation. Mais je rappelle que, dans le contrat précédent, le Gouvernement avait demandé à EDF de baisser ses tarifs, plutôt que de lui donner la possibilité de les augmenter. En outre, l’article du contrat relatif au tarif comprend une clause de sortie, qui autorise l’opérateur à demander une augmentation supérieure à l’inflation en cas d’événement exceptionnel. Je souhaiterais donc que vous répondiez très clairement à la question suivante : le dispositif de tarif de retour, qui sera financé par EDF – tout d’abord pour un tiers de ceux qui sont sortis du tarif, puis peut-être plus dans la mesure où l’on autorise le changement de fournisseur – et qui lui coûtera plusieurs centaines de millions d’euros, aura-t-il un impact sur les coûts et, sinon, qui paiera ? Autrement dit, le coût complémentaire généré pour EDF par la compensation de la baisse des prix pour d’autres fournisseurs aura-t-il une incidence sur le tarif réglementé ? La question est importante et je souhaite que vous y répondiez, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Tout d’abord, je constate que M. Brottes a répondu à M. Paul : il existe un contrat de service public…

M. François Brottes. Ce n’est pas une garantie, justement !

M. le ministre délégué à l’industrie. Il est vrai, monsieur Brottes, qu’un codicille prévoit que la situation pourrait être revue en cas d’événement exceptionnel, mais je considère que le dispositif qui vient d’être mis en place n’en est pas un : il fait partie de la gestion du système.

M. Daniel Paul. La victoire de Sarkozy l’année prochaine pourrait être un événement exceptionnel !

M. le ministre délégué à l’industrie. Si, d’un côté, cela entraîne un surcoût, de l’autre, EDF a bénéficié de l’effet d’aubaine des prix incluant le CO2. L’un contrebalance l’autre. Votre question est intéressante, monsieur Brottes, mais je vous renvoie au contrat de service public.

M. François Brottes. C’est une réponse gênée, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 4338 à 4487.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 4488 à 4637.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Par ces amendements, nous rappelons que le mode de fixation des tarifs réglementés du gaz naturel doit, comme pour ceux de l’électricité, être vertueux et respecter les valeurs du service public. Or la lettre de griefs de la Commission européenne remet notamment en cause les contrats à long terme de fourniture de gaz conclus par GDF, en considérant qu’il s’agit d’un avantage indu par rapport aux nouveaux entrants, alors qu’ils nous ont permis de mener une politique de long terme dans l’intérêt de la nation.

Par ailleurs, les très importants bénéfices dégagés par GDF – de l’ordre de 500 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année précédente – devraient être pris en compte pour la fixation des tarifs réglementés.

Certes, il n’est pas anormal d’affecter une petite partie de ces bénéfices aux dividendes des actionnaires puisque c’est, dans une certaine mesure, la bonne gestion de l’entreprise qui a permis ce résultat, mais il me semble qu’il devrait également en être tenu compte pour la fixation des tarifs réglementés. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, si vous considérez ce « surbénéfice » comme un événement exceptionnel au sens du contrat de service public, justifiant de rediscuter du tarif ?

Troisièmement, quand on parle des coûts de production et de fourniture, il ne faut pas perdre de vue que, pour le moment, GDF s’occupe des réseaux. La Commission européenne et la Commission de régulation de l’électricité considèrent – et elles ne sont pas les seules – que l’on ne pourra pas conserver au-delà de cinq ans la non-séparation complète des réseaux en entreprise. À ce sujet, il est permis de se demander si la sécurité des réseaux est correctement prise en compte, alors que plusieurs accidents graves impliquant le gaz ont eu lieu ces dernières années.

Enfin, nous aurions besoin d’une véritable politique européenne. L’Europe-puissance que nous appelons de nos vœux ne semble pas devoir exister avant au moins vingt ans, ce qui est bien dommage car elle nous permettrait de négocier à égalité avec la Russie, par exemple, afin d’éviter les sous-investissements et les situations de pénurie. Pour que la France puisse jouer un rôle moteur dans cette Europe de l’énergie, comme elle l’a fait dans la construction de l’Europe de l’espace, il ne faut pas démanteler nos entreprises publiques, qui ont fait notre force et qui doivent rester un modèle pour l’ensemble de l’Europe.

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Ces amendements, même s’ils paraissent proches des précédents, relatifs à l’électricité, en diffèrent néanmoins sur le fond. En effet, si l’État a choisi de garder le contrôle d’EDF à hauteur de 70 %, il en va tout autrement pour Gaz de France, que l’État ne contrôlera plus qu’au tiers environ de son capital au terme de la privatisation prévue.

Si, en matière de tarification et de fixation des coûts pour l’électricité, il existe de réelles marges de manœuvres, il n’en sera pas de même pour le gaz. Comment M. le ministre envisage-t-il la fixation de tarifs du gaz abordables pour tous, puisqu’un marché ouvert sera beaucoup plus difficile à contrôler et que GDF ne dispose pas des moyens de production lui permettant d’avoir une influence sur ce marché ? Comme M. Ducout, je pense qu’une réelle politique européenne contribuerait à apaiser les choses.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 4488 à 4637.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série de 5 920 amendements, nos 124024 à 129943, soit 185 séries de 32 amendements identiques.

Avant de donner la parole à M. François Brottes, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous lèverons la séance à midi afin de permettre à chacun la possibilité de se rendre à la réunion de son groupe.

Vous avez la parole, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Nous ne défendrons que deux ou trois de ces amendements, monsieur le président. Ceux-ci nous donnent l’occasion de mesurer l’incidence de la mise en œuvre de ce que j’appelle le tarif de retour, c’est-à-dire le tarif transitoire avant l’augmentation des prix pour tout le monde.

M. Loos, qui nous répond toujours avec beaucoup de précision et de sincérité, nous a indiqué qu’il y aurait une modulation en fonction des sites ou des types d’entreprises. Lors du débat qui a opposé hier les membres de la majorité, certains évoquant des modulations à hauteur de 30 % du tarif réglementé alors que d’autres se prononçaient pour une limitation à 20 %, voire 15 % comme le demandent les industriels, M. Loos a répondu qu’il aviserait. Dans la mesure où c’est effectivement le Gouvernement qui va être chargé de fixer le tarif de retour en fonction des industriels concernés, nous lui donnons l’occasion de nous préciser comment il entend organiser cette modulation.

Certains de nos amendements visent par exemple les agriculteurs. M. Bussereau, qui n’a pas, me semble-t-il, de compétence directe en matière d’énergie et d’industrie, vient de proposer une baisse de tarifs par le biais d’une compensation par l’État. Cela signifie que les bénéfices engrangés par les pétroliers seront préservés, grâce aux contribuables français qui vont devoir les aider à gagner encore plus d’argent. S’il est légitime de soutenir les agriculteurs en leur permettant un accès à moindre coût aux carburants, la manière dont s’y prend le Gouvernement me paraît discutable.

Alors, quels industriels seront concernés par la modulation ? Les industriels agricoles et alimentaires ? Les industriels de la viande et du lait ? Les industriels agricoles et alimentaires autres que la viande et le lait ? Les industriels des biens de consommation ? Les industriels de l’habillement et du cuir ?

M. le président. Épargnez-nous la lecture complète de votre bréviaire, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Mais, monsieur le président, il faut être précis ! Nous souhaitons qu’à partir de cette liste, qui constitue un repère, M. le ministre nous explique vers quel type d’industrie et selon quelles modalités il entend mettre en œuvre la modulation. Il s’agit, je le rappelle, d’un sujet grave qui a des conséquences lourdes en termes de tarification !

M. le président. Vous avez pourtant bien du mal à garder votre sérieux, monsieur Brottes ! (Sourires.)

M. François Brottes. C’est vous qui me faites sourire, monsieur le président !

Je reprends : quid des industriels de l’édition, de l’imprimerie et de la reproduction, un secteur fortement touché par l’évolution des coûts de l’énergie ? Je connais une papeterie dont la facture d’énergie a été multipliée par deux ; dans un contexte de tension sur les prix du papier, on imagine les dégâts que cela peut causer ! Il serait légitime de faire bénéficier ces industries de la fameuse modulation du tarif de retour.

Et les industries de la pharmacie et de la parfumerie, seront-elles concernées ? Et celles de l’automobile, des biens de l’équipement, des équipements du foyer ? Je vous ferai grâce de la totalité de la liste – dont mes collègues ne reprendront que quelques exemples. Mais je souhaite vraiment que le Gouvernement nous réponde avec autant d’honnêteté que l’a fait M. Loos jusqu’à présent. Je crains, en voyant M. Breton arriver, qu’il ne fasse encore une réponse à côté du sujet et assortie de remarques désagréables. J’apprécie sa présence, même si elle n’est qu’intermittente… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il est inutile d’être désagréable, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Mais M. Breton n’a pas toujours été agréable avec moi, lui non plus !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas vrai !

M. le président. Je vois qu’il y a des rancunes tenaces !

M. François Brottes. Mes collègues vont développer d’autres exemples tirés de la liste constituée par ces amendements, car il est important de bien se faire préciser les modalités de la modulation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Notre série d’amendements en fait peut-être sourire certains, mais nous montrons, en les défendant rapidement, notre volonté de ne pas faire d’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce n’est pas le cas de la majorité puisqu’hier soir, nous avons assisté à un tableau apocalyptique : les libéraux et les moins libéraux de l’UMP s’affrontant trois heures durant au sujet d’un seul amendement sous les yeux effarés de l’opposition !

En 2004, l’Observatoire international des coûts énergétiques a démontré, contrairement à ce qu’affirme M. Novelli, que les prix de l’électricité ont nettement augmenté, parallèlement à la dérégulation du secteur. Il suffit d’observer le cas de la Grande-Bretagne, où l’ouverture des marchés date de 1990, pour constater que le prix du gaz y est parmi les plus élevés du monde et que le prix de l’électricité y est plus élevé de 60 % par rapport à l’Europe continentale. En France, les entreprises qui ont choisi les prix du marché plutôt que les tarifs réglementés ont connu une augmentation moyenne de leurs coûts énergétiques de 50 % en un an, à tel point que même le MEDEF s’en inquiète. Étant donné l’évolution des prix de l’énergie, il est indispensable de maintenir de manière durable un tarif réglementé et non pas un simple tarif transitoire d’adaptation au prix du marché. Ce maintien du tarif réglementé doit s’accompagner d’une possibilité de retour pour les consommateurs qui, ayant fait le choix du prix de marché, auraient subi une hausse substantielle du coût de l’énergie. C’est absolument nécessaire pour les particuliers, mais aussi pour un certain nombre de secteurs que nous avons énumérés dans notre série d’amendements.

Je citerai deux exemples. Le premier est celui des hôpitaux. Nous avons parlé il y a peu de l’hôpital de Besançon, ce qui a fait sourire le rapporteur. Comment voulez-vous reprocher à un service public d’acheter son énergie le moins cher possible ? Si l’énergie est trop chère, les hôpitaux peuvent être amenés à réduire l’exécution de certaines missions. Il en va de même des universités. M. Loos, qui a été ministre des établissements d’enseignement supérieur sous le premier gouvernement Raffarin,…

M. le ministre délégué à l’industrie. Très peu de temps !

M. Jean-Yves Le Déaut. …fût-ce peu de temps, doit bien connaître le sujet. N’est-il pas vrai, monsieur le ministre, que, durant plusieurs hivers, on a dû suspendre certains cours parce que les universités ne parvenaient plus à régler leurs factures d’énergie ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Elles sont mal gérées !

M. Pierre Cohen. Ça, c’est très grave !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les libéraux disent qu’elles sont mal gérées,…

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Il n’y a pas que les libéraux !

M. Jean-Yves Le Déaut. …mais vous allez voir comment la France sera gérée quand vous aurez mis en place vos usines à gaz !

À titre dérogatoire, nous demandons qu’en cas d’augmentation substantielle du coût du gaz, et s’il a été fait usage de la faculté qui est prévue dans la loi du 3 janvier 2003, les collectivités locales puissent revenir au tarif réglementé de vente de gaz naturel pour les consommations résultant de certaines activités. L’exemple des universités, que je viens de citer, montre bien que votre projet est très mauvais, non seulement pour notre économie – nous avons démontré hier que les PME et PMI allaient subir le contrecoup des règles que vous mettez en place – mais également pour nos services publics, notamment les hôpitaux et les universités.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. En dépit du grand nombre de secteurs concernés par ces amendements, notre propos est extrêmement sérieux. À travers cette déclinaison, nous voulons précisément mettre en évidence tous les domaines qui subiront les conséquences extrêmement graves de vos décisions.

Après la santé et les universités, et pour répondre à l’interpellation de M. Bouvard, je prendrai l’exemple des collectivités locales. Chacun sait ici comment sont élaborés les budgets et que toute augmentation sensible des dépenses se répercute immanquablement sur les impôts. Comme nous avons le souci de ne pas accroître ceux-ci,…

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. On a vu le résultat dans les régions !

M. Pierre Cohen. …nous allons être contraints de réduire les services fournis. D’autant que nous sommes d’ores et déjà confrontés à une augmentation des prix de l’énergie.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Vous pouvez aussi faire des économies d’énergie !

M. Pierre Cohen. Nous allons donc assister à une réduction du service public des collectivités locales. Il faut impérativement que vous en reveniez à un tarif régulé. L’hypothèse selon laquelle cette loi de libéralisme entraînerait une baisse du prix de l’énergie est fausse. Alors mettez un terme à cette démarche pendant qu’il en est encore temps. À défaut, les conséquences seront catastrophiques pour les services, les administrations et tout ce qui fait la vie économique de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Mes chers collègues, reconnaissez que la présentation, en quelques minutes, de plus de 5 000 amendements n’apparaît pas comme une forme acharnée d’obstruction.

M. Claude Gatignol. Cela ramène à sa juste valeur l’intérêt de ces amendements !

M. Alain Gouriou. Il ne paraît pas utile de détailler ici l’ensemble des catégories citées dans cette liasse et qui pourrait constituer un inventaire à la Prévert. Encore qu’en y regardant de près, on s’aperçoit que nos amendements sont parfaitement justifiés. Ils sont également édifiants pour les Français qui suivent nos travaux, même si ce n’est pas de très près car la publicité autour de nos débats dans cet hémicycle n’est pas bien grande.

M. Robert Lamy. S’ils lisaient vos amendements, ils seraient en effet édifiés !

M. Alain Gouriou. En tout cas, un sondage paru hier sur Internet montre qu’une très grande majorité de nos concitoyens sont beaucoup plus proches des positions que nous défendons, au sein du groupe socialiste et, plus généralement à gauche, que de celles soutenues par le Gouvernement et sa majorité.

S’agissant de ces amendements, je veux insister sur le sort des agriculteurs qui utilisent d’importantes quantités de gaz naturel, notamment lorsqu’ils travaillent sous serre, et qui s’inquiètent de leur avenir. À l’occasion d’amendements présentés avant l’article 1er, vous aviez d’ailleurs reconnu qu’il y avait là un problème. Vous répondez que ces maraîchers pourront choisir, dès le 1er juillet 2007 – nombre d’entre eux peuvent d’ailleurs déjà le faire –, de s’adresser à un opérateur. Mais ils seront évidemment confrontés aux risques déjà dénoncés, à savoir qu’au bout de deux ans, ils devront faire face à des augmentations effarantes et qu’ils ne pourront plus revenir au tarif réglementé.

J’insiste donc pour que le Gouvernement prenne en compte cette catégorie d’agriculteurs, dont l’exploitation est particulièrement consommatrice d’énergie, en dépit des économies réalisées en la matière et de l’introduction d’énergies nouvelles.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Face à l’augmentation des prix de l’énergie, il est normal de traiter les collectivités locales ou les établissements hospitaliers de la même manière que les grandes entreprises ou les PME-PMI. L’ouverture de ces prétendus marchés décidée par la Commission européenne donne en effet, aujourd’hui, les résultats que nous connaissons. Notre pays a été alors soumis à une pression médiatique éhontée. À l’occasion de la deuxième phase de l’ouverture, en 2003, les collectivités ont notamment été incitées à sortir des tarifs réglementés et à procéder de façon quasiment obligatoire à des appels d’offres au prétexte de faire, à coup sûr, des économies et d’obtenir de meilleurs prix. C’était inadmissible.

Aujourd’hui, nous constatons qu’une nouvelle grande campagne publicitaire a été engagée, tant de la part de GDF et de Suez mais également de Véolia. Je vous renvoie à un grand journal du soir d’hier et à un journal économique de ce matin. Comment ne pas s’interroger, alors que certains évoquent la volonté de Véolia de récupérer, après discussion avec Enel, le pôle environnemental de Suez ? Concrètement, et c’est ce que souhaitent nombre de nos collègues de la majorité, cela ne va-t-il pas déboucher sur un lien des énergies entre Suez et Gaz de France, l’ensemble restant entre les mains d’un État majoritaire ? Dès lors que la partie environnementale n’est pas incluse, il est facile en effet de rester à plus de 50 % dans cet ensemble.

Nos débats ont également un impact sur les médias régionaux, qui d’ailleurs ne reprennent pas forcément nos discussions dans cet hémicycle. Ils insistent sur le fait que nos concitoyens craignent de subir une augmentation anormale et catastrophique du prix de l’énergie par rapport à leur pouvoir d’achat.

Dans un journal de qualité de ma région, une de nos collègues a déclaré que l’ambiance dans l’hémicycle était « épouvantable », qu’on ne pouvait pas y travailler, que le débat était de toute façon impossible compte tenu des suspensions de séance, et que nous donnions une image lamentable. Cette collègue n’était vraisemblablement pas là au moment où nous avons débattu des valeurs de service public.

M. François Brottes. Elle dit n’importe quoi !

M. Pierre Ducout. Et elle n’était pas là hier soir non plus lorsque le président de la commission des finances, M. Méhaignerie, a agressé le rapporteur de la commission des affaires économiques, que nous avons dû défendre. Cette agression était lamentable. En effet, nous travaillons sérieusement, aussi bien dans cet hémicycle qu’au sein de la commission des affaires économiques. Je peux personnellement témoigner du travail de qualité qu’a effectué cette commission sous la présidence de M. Gonnot. Et lorsque celui-ci considère qu’on peut encore regrouper EDF et GDF, il ne parle pas en l’air car cela fait plus de vingt ans qu’il se préoccupe de ces questions.

Il ne fait aucun doute que nos discussions sont sérieuses. Et je remercie une fois encore le ministre François Loos de répondre sérieusement aux questions sérieuses de l’opposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est clair que les problèmes sont plus dans la majorité que dans l’opposition, car nous sommes, quant à nous, résolument opposés à la privatisation de GDF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai écouté avec attention ce qu’a dit Pierre Ducout : je n’en dirai pas plus…

La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. Jean-Yves Le Déaut a rappelé les propos que j’avais tenus sur les problèmes rencontrés par le CHU de Besançon. Il a laissé entendre que j’avais abordé cette question de façon ironique. Il se méprend : il n’y avait aucune ironie de ma part. J’ai simplement mis en avant le problème et j’ai indiqué que je m’employais à le résoudre avec le Gouvernement. Dans l’état actuel du texte, il est réglé par l’amendement adopté par la majorité cette nuit et qui permet à cet établissement hospitalier de bénéficier du tarif transitoire, ce qui soulagera ses finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que la commission. Cela étant, comme vous avez reconnu, monsieur Ducout, que je répondais sérieusement aux questions, je vais continuer sur cette voie, qui est plutôt favorable à la qualité du débat.

M. Brottes et M. Le Déaut se sont interrogés sur la façon de mettre en place le tarif de transition. Tout d’abord, les différentes entreprises concernées vont être automatiquement renvoyées dans la catégorie dans laquelle elles seraient si elles n’avaient pas abandonné le tarif – bleu pour moins de 36 kVA, jaune de 36 à 250 kVA et vert au-dessus de 250 kVA. Il sera tenu compte de la situation dans laquelle elles seraient dans le système antérieur. Par ailleurs, la part fourniture du tarif de retour devrait être la même quel que soit le niveau de puissance installé. Voilà les deux règles qui doivent guider la méthode que nous allons utiliser pour mettre en œuvre les dispositions de ce texte.

Messieurs, cela ne concerne pas cependant vos amendements, qui portent sur un éventuel retour au tarif du gaz. Celui-ci n’est pas envisagé dans le texte car la différence de prix est beaucoup plus faible pour le gaz que pour l’électricité. En effet, l’écart est de 50, 60 ou 70 % pour l’électricité, contre 10 % pour le gaz.

M. Daniel Paul. C’est un peu plus que cela !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je parle d’écart moyen, monsieur Paul. Nous n’avons donc pas prévu de tarifs de transition pour le gaz.

M. Pierre Ducout. Et pour l’avenir ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous renvoie la question sans attendre de réponse. Devant la très longue liste de bénéficiaires potentiels qui apparaît dans vos amendements, vous pourriez, vous aussi, messieurs, émettre des préférences. Nous avons choisi, quant à nous, de prendre le niveau de puissance comme référence. Et, pour le gaz, il n’y a pas lieu de prendre des dispositions car les écarts entre les prix et les tarifs sont beaucoup plus faibles que pour l’électricité.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Vous semblez, monsieur le ministre, attendre de nous que nous ayons des idées.

Je redis pour ma part que toute initiative – qu’il s’agisse du groupement d’achat ou de la modulation des tarifs – qui se contenterait d’asseoir la réflexion sur le volume consommé ou le niveau de puissance utilisé porterait gravement préjudice à ceux qui n’entreraient pas dans ce cadre. Une approche par filière serait beaucoup plus juste. En effet, si l’accès à la modulation des tarifs à la baisse est fonction de la seule taille des sites, les plus petits seront pénalisés. Cette concurrence déloyale au sein d’une même filière risque de générer beaucoup de casse industrielle et de multiplier les délocalisations et les concentrations. Pour notre part, nous tenons à préserver les sites industriels de petite taille.

Monsieur le président, Pierre Ducout a cité les propos d’une de nos collègues. Je voudrais pour ma part la nommer : il s’agit de Marie-Hélène des Esgaulx. Je l’ai déjà dit la semaine dernière, ceux d’entre nous qui se livrent à de l’antiparlementarisme primaire nuisent à la démocratie. Quand notre collègue prétend dans la presse, sans se prononcer sur le fond, que dans ce débat les suspensions de séance sont nombreuses, que l’ambiance est épouvantable et qu’aucun argument de fond n’est développé, elle ment, et ce d’autant plus que nous n’avons pas eu l’occasion de la voir souvent dans l’hémicycle depuis le début de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Elle était là tout à l’heure !

M. François Brottes. Je trouve inacceptable que certains de nos collègues se permettent de tels écarts qui desservent le Parlement, et je pense que l’ensemble de mes collègues se rallient à ma protestation. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Vous avez raison !

M. le président. La parole est M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L’exemple de l’hôpital de Besançon mérite que nous en tirions toutes les conclusions. Un hôpital n’est pas un établissement comme un autre, car, au fond, qui paie ? Ce n’est pas l’État, ce ne sont pas les patients, c’est la sécurité sociale ! Si le capital de GDF et de EDF est ouvert, ce sont les fonds de la sécurité sociale qui vont alimenter les dividendes des actionnaires. Nous devons réfléchir à cela.

Un tarif transitoire a certes été adopté, dont je ne comprends pas totalement l’intérêt, mais cela constitue, quoi que vous en disiez, un recul de votre part.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Pour nous, c’est un progrès !

M. Daniel Paul. Disons que c’est un petit pas, mais il faudra en faire d’autres, monsieur le président de la commission !

L’une de nos craintes est que les communes qui auront, hélas, décidé de quitter le tarif régulé ne puissent plus revenir en arrière.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Cela n’a rien à voir !

M. Daniel Paul. Si ! Pourquoi une nouvelle majorité issue des élections de 2008 ne pourrait-elle pas décider de revenir au tarif ? Nous ne sommes pas dans un dispositif habituel. Une commune peut toujours solder un emprunt, éventuellement avec l’aide d’autres collectivités ou de l’État, voire obtenir un étalement. En matière d’énergie, si j’ai bien compris votre projet de loi, le passage au prix du marché est une décision sur laquelle on ne peut revenir. Pourquoi la nouvelle majorité d’une commune ne pourrait-elle pas exiger – et obtenir – le retour au tarif ? Cela vous concerne également, chers collègues de la majorité, car vous vous apercevrez peut-être que les municipalités que vous avez l’ambition de conquérir en 2008…

M. Simon Renucci. Ils n’y arriveront pas !

M. Daniel Paul. ...ont fait une erreur en quittant le tarif régulé et souhaitent revenir à ce tarif. Nous revendiquons donc la possibilité pour les collectivités locales – communes, départements et régions – de revenir au tarif régulé.

Notre crainte est également que, dans nos communes, les ménages les plus fragiles, qui ont du mal à payer leur facture de gaz et d’électricité, ne soient tentés de quitter le tarif régulé, pour une raison simple : les commerciaux des marchands d’électricité et de gaz ne manqueront pas de leur faire miroiter des prix inférieurs à ceux d’EDF et de GDF, par exemple pendant un an. C’est ce qui s’est passé dans le domaine du téléphone.

Nous devons éviter ce risque. Il faut donc lancer un appel solennel à nos compatriotes pour qu’ils n’appliquent pas la loi, parce qu’elle est dangereuse pour leur budget. Cette mise en garde vaut pour les particuliers, mais également pour les entreprises et les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Il n’est pas inutile, à ce stade du débat, de rappeler que nous sommes réunis ici pour décider ou non – j’espère encore que vous allez vous ressaisir – de privatiser Gaz de France, après que M. Sarkozy a renié, de manière particulièrement grave, son engagement.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il a su s’adapter !

M. Christian Bataille. M. Sarkozy a affirmé ici et là que GDF ne serait pas privatisé. En foi de quoi nous nous retrouvons depuis plusieurs semaines dans cet hémicycle pour que l’UMP, dont il est le chef, privatise Gaz de France !

Alors que nous avions en France un système éprouvé, qui marchait bien, à la satisfaction de tous les usagers, particuliers et entreprises, vous êtes en train de mettre en place un système d’une extrême complexité, qui défie la raison et conduira à des situations ubuesques qui feront rire tout le monde, sauf les consommateurs qui en feront malheureusement les frais en payant plus cher leur énergie.

M. le président. Je vais appeler l’Assemblée à se prononcer sur les amendements nos 124024 à 129943.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de l’assemblée

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra du mardi 19 au vendredi 29 septembre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

En outre, la Conférence des présidents a décidé :

– d’une part, que les séances prévues demain, mercredi 20 septembre, seront supprimées ;

– d’autre part, que le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif au secteur de l’énergie, dont l’examen devrait se poursuivre jusqu’au jeudi 28 septembre, aurait lieu mardi 3 octobre, après les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les séances du mardi matin seraient levées à midi, afin de permettre à tous les députés de participer aux réunions de groupe.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.)