Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session extraordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 septembre 2006

22e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire afghane

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation de députés afghans de la Wolesi Jirga conduite par leur président, M. Mohamed Yunus Qanooni. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

souhaits de bienvenue
à un nouveau député

M. le président. Je suis également heureux de souhaiter la bienvenue à notre nouveau collègue, M. Lilian Zanchi, député de la sixième circonscription du Rhône. À cette occasion, nous avons une pensée affectueuse pour Mme Gautier qui nous a quittés, et que nous aimions profondément, quelles que soient nos sensibilités politiques. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, l’ordre du jour établi ce matin par la conférence des présidents a donné lieu à diverses interprétations, et il me semble nécessaire de clarifier les choses. Le groupe des député-e-s communistes et républicains maintient naturellement ses amendements au projet de loi relatif au secteur de l’énergie ; il les défendra avec sérieux et responsabilité, afin de présenter les arguments de fond qui conduisent à rejeter ce texte. Pour cela, il faudra prendre le temps nécessaire, même s’il n’est pas question pour nous de faire de l’obstruction. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les accusations, en ce domaine, étaient infondées : certains avaient prédit qu’il faudrait sept à huit années pour examiner tous les amendements : ce ne sera pas le cas.

M. le président. Monsieur le président Bocquet, l’organisation de nos débats n’impose pas à quiconque de renoncer à défendre ses opinions, bien au contraire : toutes sont respectées comme il se doit dans cette enceinte. Mais il nous faut organiser les débats : ni plus, ni moins, et c’est déjà beaucoup.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Le rôle de la Conférence des présidents est en effet d’organiser nos travaux le mieux possible, et c’est pourquoi, au terme de nos échanges, elle a pris ce matin, à la demande du Gouvernement, la décision de prolonger jusqu’au 29 septembre la discussion du projet de loi relatif au secteur de l’énergie. En conséquence, la date prévisionnelle du 3 octobre, demandée par le groupe communiste et le groupe socialiste, a été retenue pour le vote solennel.

Mais cette décision ne doit pas être mal interprétée. Le débat continue, et on ne peut pas préjuger de la suite de son déroulement. Ce qui me paraît positif, c’est que l’on ne fait plus à l’opposition le procès de l’obstruction. Au contraire, après les polémiques qui ont marqué le début de la discussion, on reconnaît enfin notre rôle : permettre un débat de fond.

Or ce débat est loin d’être achevé. Il reste notamment l’article 10 – la clé du projet – qui, en réduisant à la portion congrue la part détenue par l’État dans le capital de Gaz de France, conduit de fait à la privatisation du groupe, et ce en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement et la majorité il y a deux ans.

L’organisation des travaux est une chose ; la bataille politique entre la majorité et l’opposition en est une autre. L’opposition n’a pas disparu depuis la conférence des présidents ; les différences entre droite et gauche subsistent et leur confrontation est l’évidence de la démocratie. Comptez donc sur nous pour continuer à jouer pleinement notre rôle. Nous serons une « force tranquille » (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), déterminée à défendre son point de vue, heure après heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le président Ayrault, nous avons tous ici une ambition commune : travailler dans les meilleures conditions afin que chacun soit entendu et compris par nos concitoyens, dans le respect des règles du débat. L’opposition a ses motivations ; c’est mon rôle de les respecter. Je remercie chacun d’avoir compris mon souci de donner une image positive de nos débats. En fin de compte, monsieur Ayrault, j’ai une seule certitude : nous ne siégerons pas demain.

M. Jean-Marc Ayrault. Et je vous en remercie.

M. le président. Je voulais vous faire prendre acte de l’effort consenti par le président pour comprendre tout le monde. Pour moi, il n’y a ni majorité ni opposition, mais des députés qui représentent la nation.

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements portant articles additionnels après l’article 3.

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de 5 888 amendements, nos 129966 à 135853.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vous ai écouté attentivement, monsieur le président, dans l’espoir que votre « seule certitude » concernerait le retrait par le Gouvernement de l’article 10… Il n’en est rien, et notre combativité reste donc entière. Jour après jour, nous tentons d’éclairer les Français sur les conséquences de la privatisation de GDF et de l’accélération de la libéralisation du marché de l’énergie engagée par le gouvernement Raffarin lorsqu’il a ouvert le marché de l’énergie domestique à la concurrence. Les voix qui dénoncent l’impossibilité de réussir la fusion entre GDF et Suez sont de plus en plus nombreuses ; on parle de bradage, voire de spoliation. La Commission européenne indique que d’importantes cessions d’actifs seront nécessaires. Et de plus en plus de députés, sur tous les bancs, affirment que l’alliance EDF-GDF est non seulement souhaitable mais possible. Nous nous chargerons de le démontrer au cours du débat, notamment lors de l’examen de l’article 10.

À ce sujet, nos arguments commencent à porter. « Énergie de France », la proposition que nous avions faite en 2004, lorsque M. Sarkozy a pris des engagements qu’il n’a pas tenus, est une hypothèse non seulement viable, mais salvatrice pour le secteur de l’énergie. Nous le montrerons sans pratiquer l’obstruction. La majorité ne peut pas en dire autant : hier, elle a pris des heures, pour ne pas dire la journée, afin de mener à bien une discussion interne qui aurait pu avoir lieu dans le cadre d’une réunion de groupe. De notre côté, nous ferons valoir notre point de vue, argument après argument, amendement après amendement, afin de ne pas laisser le secteur de l’énergie dans une situation irréversible.

J’en viens aux amendements. Ils tendent à prévoir, au bénéfice de nombreux secteurs de l’économie, une solution de meilleure fortune en cas d’augmentation substantielle du coût de l’électricité.

Nous avons eu ce matin, en particulier avec M. le ministre délégué à l’industrie, une discussion intéressante sur la modulation des tarifs de l’énergie en fonction des filières économiques et sur l’achat groupé au prix de gros. Réserver ce dernier aux sites consommant beaucoup d’énergie ferait subir aux petites et moyennes entreprises le préjudice d’une concurrence déloyale. C’est la raison pour laquelle nous avons établi une liste – assez exhaustive, vous en conviendrez – d’acteurs industriels et tertiaires dont les besoins énergétiques sont spécifiques et méritent une attention particulière, sans qu’il soit fait la moindre distinction fondée sur le volume de leur consommation, afin de ne pas favoriser les plus gros.

Tel est l’objet de ces amendements, dont mes collègues vont maintenant compléter la présentation, sans toutefois monopoliser le temps de parole – vous nous rappelleriez à l’ordre, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Depuis le début de cette réflexion, nous voulons aller jusqu’au fond du débat. Le sujet n’est pas anodin. Il ne s’agit pas seulement de la privatisation de GDF – ce qui est déjà, en soi, une décision fondamentale. C’est tout le système énergétique français qui est concerné, d’autant que certains amendements touchent à l’équilibre d’EDF. Ce matin même, certains amendements sournois tendaient à privatiser une partie de la production électrique française. C’est le sort du patrimoine national qui est en jeu, s’agissant d’une entreprise acquise il y a soixante ans par la volonté du peuple français. On ne saurait donc traiter ce sujet à la légère, et nos concitoyens nous reprocheraient de ne pas prendre le temps nécessaire au débat.

Nous vous proposons un dispositif de modulation du prix de l’énergie. Ce faisant, nous tentons de nous adapter à une situation que nous n’avons pas voulue.

Notre système énergétique avait trouvé son équilibre depuis des décennies dans le respect de l’intérêt général. Je crains que vos décisions libérales ne le plongent dans l’anarchie et le désordre. Concernant les tarifs, le paysage sera confus ; votre majorité elle-même, monsieur le ministre, ne sait plus où elle va, comme elle l’a montré, hier soir, par ses décisions contradictoires, de mon point de vue inapplicables.

Nous vous proposons, par conséquent, un certain nombre de modulations dont je ne vous infligerai pas la liste, qui ne manque pourtant pas d’intérêt. Il s’agit, entre autres catégories, des agriculteurs ou des industries agricoles et alimentaires, qui bénéficient déjà d’avantages tarifaires en matière énergétique depuis le début de la Ve République.

Nous ne voulons pas que les consommateurs domestiques paient in fine les errements liés à des décisions parlementaires insuffisamment réfléchies.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. La soirée d’hier a révélé de fortes, voire de féroces divergences entre les commissions des finances et des affaires économiques. Après avoir pris du recul, chacun a pu constater, au regard de l’accord auquel la majorité est parvenue, que les différences s’étaient atténuées. Les entreprises qui ont choisi la liberté du marché subissent aujourd’hui une hausse des prix de 60 % par rapport au prix régulé. L’une des commissions proposait de ramener l’écart à 30 %, l’autre à 20 puis à 25 %, compromis qu’elle était prête à négocier.

Le ministre a fait valoir avec talent qu’il avait la possibilité de moduler le taux du tarif de retour, sans doute pour faire plaisir à tout le monde. La commission des finances a donné son accord.

Il y a eu une avancée significative sur un autre point. En effet, les uns proposaient que le bénéfice du dispositif soit limité à deux ans, les autres qu’il soit pérenne, sans toutefois s’être préoccupés de l’avenir, un écart d’au moins 20 % devant subsister dans un cas comme dans l’autre. Vous êtes finalement tombés d’accord sur une durée de deux ans renouvelable, qui ne correspond à aucun critère objectif. C’était pour vous la meilleure des sorties. Mais comment comptez-vous justifier cette décision dans dix ans ?

Qu’est-ce qui a sous-tendu la discussion d’hier soir ? Vous êtes des libéraux ; en conséquence, vous n’avez de cesse d’opter pour la régulation par le marché. Mais vous êtes tombés dans votre propre piège : les entreprises doivent maintenant faire face à une hausse de 60 % par rapport au tarif régulé. Pourquoi se contenter de réduire l’écart à 20 ou 30 % ? Nous proposons, nous, qu’elles puissent revenir purement et simplement au tarif régulé au terme de leur contrat de fourniture. D’autant que la proposition du rapporteur coûte très cher. Elle consiste à faire compenser la différence entre le prix du marché et le tarif de retour par EDF et, dans une moindre mesure, Suez, tandis que les fournisseurs d’électricité du marché libre n’auront, eux, à fournir aucun effort puisqu’ils percevront cette aide compensatrice qui leur permettra de maintenir en réalité leurs prix.

Face à un mécanisme aussi aberrant, qui remet même en cause les comptes à venir d’EDF, nous proposons d’offrir aux entreprises la liberté de choix. Lorsqu’elles arrivent au terme de leur contrat, elles doivent avoir la possibilité de revenir au prix régulé, lequel représente, pour l’avenir, une garantie en termes de stratégie et d’indépendance énergétiques.

Allez jusqu’au bout de vos convictions libérales. Acceptez que les entreprises aient la liberté de revenir au prix régulé. La régulation est le gage d’une meilleure maîtrise de l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Après l’amendement relatif au tarif de retour pour le gaz, nous proposons de donner aux entreprises qui en sont sorties la possibilité de revenir, à titre dérogatoire, au tarif réglementé pour leur consommation d’électricité. Nous connaissons les limites et les risques, compte tenu du contexte européen et des différentes directives relatives à l’ouverture du marché de l’énergie. Nous prenons également en compte les réelles difficultés que rencontrent l’économie et les services dans notre pays. Nous savons aussi que l’augmentation du prix de l’électricité a pu atteindre, au cours de ces dernières années, 70 %.

La Commission de régulation de l’électricité a elle-même rappelé qu’il n’existe pas aujourd’hui de marché réel de l’électricité, qu’il n’y a pas de marché européen. Si nous sommes moins en retard que les États-Unis, il subsiste cependant des problèmes d’interconnexion. Et même si, lors des pics de consommation, en période de canicule par exemple, nous pouvons éventuellement compter sur quelques appuis de nos voisins italiens, il n’en est pas moins vrai que ces différences par rapport au prix d’un prétendu marché ne sont pas acceptables pour la bonne marche de notre économie. À la différence de M. Giscard d’Estaing, nous ne proposons pas un taux inférieur aux tarifs réglementés. Il est en effet indispensable que ces tarifs reflètent la réalité des coûts et des charges du service public de l’électricité pour l’entreprise historique EDF. D’ailleurs, nous avons fait valoir hier que les compensations en matière de tarif de retour pourraient être lourdes pour EDF. Le tarif réglementé doit s’appuyer sur la force acquise depuis près de soixante ans par EDF, grâce à l’équipement hydraulique remarquable de notre pays et au programme électronucléaire, et nous devons tout faire pour la conforter.

En privatisant GDF pour créer une entreprise privée concurrente, vous fragiliserez EDF. Grâce à la spécificité de notre pays, aux engagements forts des uns et des autres, nous bénéficions aujourd’hui de tarifs d’électricité qui se situent dans le bas de la fourchette des pays européens. Nous devons sauvegarder ces tarifs. Quand on sait ce que deviennent les engagements solennels de Nicolas Sarkozy, la privatisation d’EDF n’est pas une hypothèse à exclure. Nous devons apporter une garantie complémentaire du maintien de son caractère public en donnant la possibilité aux entreprises de revenir au tarif réglementé.

Tel est le sens de nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Je donnerai quelques éléments permettant d’apprécier l’opportunité de ces amendements qui prévoient, à titre dérogatoire et en cas d’augmentation substantielle du coût de l’électricité, la possibilité de revenir au tarif réglementé de vente d’électricité.

Il suffit d’observer ce qui se passe actuellement pour constater que nous sommes dans ce cas de figure. En témoignent les bénéfices colossaux de GDF et ses profits croissants. En 2005 : 22,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 1,4 milliard d’euros de résultat net. Au premier semestre 2006, Gaz de France a dégagé un nouveau bénéfice net record de 1,7 milliard d’euros, en hausse de 44 %, et elle a relevé ses prévisions pour l’ensemble de l’exercice 2006. Il semble donc bien que la progression des résultats en France soit liée à celle de la marge gaz, soit la différence entre le prix de vente et le prix d’achat du gaz – 13 % –, qui résulte de la hausse des tarifs réglementés fixés par les pouvoirs publics : près de 26 % en un an.

Si l’on ajoute que la lettre de M. Cirelli accompagnant la mise en bourse d’actions de GDF prévoyait le doublement des bénéfices entre 2005 et 2007 – quel aveu ! –, on a bien raison de se prémunir. En 2005, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 60 % – excusez du peu ! –, les marges ont progressé de 6 % et les tarifs de 30 % ! Il faut bien que les profits s’alimentent !

L’ouverture à la concurrence du secteur énergétique s’accompagne, avec la privatisation, d’évolutions scandaleuses des prix. Il est donc indispensable de prévoir une mesure tendant à protéger ce secteur clé de notre économie.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul . Ces amendements de nos collègues socialistes nous permettent d’être concrets. Il est vrai que les industries qui ont retenu, depuis quelques années, le passage au prix dérégulé sont confrontées aux conséquences de leur choix.

Puisque l’occasion m’en est donnée, je citerai à nouveau un exemple. Dans la région havraise, l’entreprise Yara, filiale du groupe norvégien Norsk Hydro également producteur de gaz, produit de l’ammoniac. Se fournissant en gaz auprès de Gaz de France, cette entreprise a fait le choix, il y a quelques années, de quitter le tarif régulé pour le prix du marché. Sa facture gazière a augmenté d’un peu plus de 50 %. Dans un premier temps, ce choix avait semblé bénéfique, car, comme toujours, les commerciaux proposent des tarifs défiant toute concurrence. Hélas, le marché s’est retourné et les tarifs sont aujourd’hui beaucoup plus élevés. Or le prix du gaz représente 87 % du coût de production de l’ammoniac.

Autant dire que, lorsque le gaz augmente de 50 %, le coût de production au bout de la chaîne explose, et l’entreprise n’est plus compétitive. La décision est donc tombée : fermeture de l’entreprise, à moins de revenir au tarif antérieur, ce qui est interdit. On prétend souvent que la cause des difficultés de nos entreprises en France, c’est la masse salariale et les charges patronales. Pour la production de l’ammoniac, les charges salariales, salaires directs et cotisations patronales, représentent 8 % du coût de la production, le prix du gaz, 87 % !

Lorsqu’on laisse s’établir ainsi un prix de marché, lorsqu’on laisse des entreprises aussi sensibles s’égarer sur le marché dérégulé et qu’on leur interdit de revenir au tarif antérieur, telles sont les conséquences. Si vous ne faites rien, on peut s’attendre à ce que certains produits comme l’ammoniac disparaissent tout simplement de la production française et soient importés en intégralité. Ce sera une conséquence pratique, très concrète.

Je pourrais aussi donner l’exemple des verreries, comme l’a fait André Gerin il y a quelques jours. L’électricité, ça compte pour elles, et le prix a été multiplié par deux.

Voilà les résultats des décisions qui sont prises ici, décisions contre lesquelles, bien évidemment, nous continuerons de nous élever parce que, derrière cela, il y a le prix du kilowatt et du mètre cube pour les consommateurs, mais sont aussi concernés tous les emplois et toutes les filières industrielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Ces amendements soulignent une évidence et révèlent en même temps une contradiction.

L’évidence, c’est que le problème des hausses de prix qui touchent les entreprises est la conséquence de l’article 22 de la loi du 10 février 2000.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Tout à fait !

M. Daniel Paul. Psittacisme !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La contradiction, c’est le remède proposé.

Nous avons entendu toute la soirée d’hier, jusqu’à minuit et demi,…

M. Pierre Cohen. La majorité se diviser !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …les députés du groupe socialiste et du groupe communiste nous mettre en garde contre l’amendement que j’ai présenté au nom de la commission avec Patrick Ollier et qui crée un tarif transitoire d’ajustement du marché, supérieur de 30 % au tarif régulé. Selon eux, nous allions nous heurter à la Commission européenne, notre dispositif n’était pas conforme et le risque était énorme qu’il soit annulé par les autorités européennes.

M. Pierre Cohen. On n’a jamais dit ça !

M. Christian Bataille. C’est le Gouvernement qui dit ça ! Vous feriez mieux de régler vos désaccords !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Or, et c’est là la contradiction, les députés socialistes proposent maintenant de revenir purement et simplement au tarif régulé, mais ce serait prendre un risque immense, et c’est la raison pour laquelle la commission, après avoir étudié avec toute l’attention requise l’ensemble des amendements, a exprimé un avis défavorable. J’invite l’Assemblée à en faire autant.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’ai bien entendu l’avis sommaire du Gouvernement…

M. le président. C’était une synthèse !

M. François Brottes. J’ai bien compris, monsieur le président, et il n’est pas forcément contraint d’en dire plus sur le sujet.

M. Lenoir, qui aime bien faire un peu de provocation à l’égard de l’opposition, a oublié que, hier soir, nous étions surtout les observateurs d’un débat qui opposait son amendement à l’amendement Novelli. Vous montriez ainsi, je le répète, à quel point vous avez improvisé ces mesures d’ajustement du marché, à caractère transitoire. C’est d’ailleurs l’aveu que la dérégulation que vous souhaitiez pour les ménages, décision prise le 25 novembre 2002 par M. Raffarin, ne fonctionne pas et que le marché de l’énergie ne peut pas être traité comme les autres secteurs d’activité. Si vous aviez été là hier, monsieur le président, vous auriez noté que, même en commission, on travaille mieux !

En tout état de cause, on ne sait même pas ce qui a été voté tellement il y a eu de sous-amendements. À minuit et demi, on a finalement adopté un dispositif dont nous répétons qu’il s’agit d’un marché de dupes pour les entreprises. On leur fait croire qu’on a réglé le problème. En réalité, l’incertitude au regard de la directive, mais aussi le flou qui persiste – puisque le ministre a été obligé de préciser qu’il évaluerait lui-même la manière dont il modulerait : 30, 20 ou 25 % au-dessus du tarif réglementé – nous ont amenés à contester fortement et la méthode, et le dispositif. Un flou artistique, ce peut être élégant mais, hier, très franchement, la manière dont vous avez travaillé, chers collègues, ne l’était pas du tout.

M. le président. Je mets aux voix les amendements nos 129966 à 135853.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. François Brottes, inscrit sur l’article 4.

M. François Brottes. Je veux dénoncer la manière dont ce gouvernement, l’attelage de M. Villepin et M. Sarkozy, gère le pays à la godille. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’ai pas parlé de godillots, mais libre à vous d’interpréter…

Je ne suis pas un grand marin mais je me suis renseigné auprès de ceux qui ont l’habitude de naviguer, Jean Gaubert et quelques autres Bretons. Naviguer à la godille, c’est faire des écarts et tirer des bords pour avancer.

M. le président. Pas tout à fait !

M. François Brottes. Je suis prêt à recevoir une leçon de navigation de votre part, monsieur le président.

M. le président. Je suis un spécialiste de la godille, oui ! (Rires.)

M. François Brottes. Je vous laisse la responsabilité de vos propos !

Dans la loi de 2004, M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, nous a fait voter une disposition en jurant ses grands dieux que, jamais, au grand jamais, et fort du soutien du Président de la République, il ne privatiserait EDF et GDF.

Quelques mois plus tard, plutôt mal gré que bon gré, semble-t-il, puisque les débats montrent bien qu’il est gêné,…

M. Michel Piron. Ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage !

M. François Brottes. …il renonce à cet engagement solennel qu’il avait pris ici même. J’avais pris la précaution de l’enregistrer, comme d’autres l’ont fait, pour qu’on ne nous accuse pas d’inventer, mais je vous renvoie au compte rendu intégral des débats.

Le second changement de bord concerne la loi du 13 juillet 2005, promulguée le 14 juillet, loi que connaît parfaitement M. Poignant puisqu’il en a été le rapporteur. C’est d’ailleurs à elle que fait référence d’entrée de jeu l’article 4, et non pas à la loi de 2000 comme aime à le dire M. Lenoir.

L’article 66 de la loi de 2005 n’avait pas imaginé que le tarif réglementé puisse être maintenu et que les nouveaux sites nouvellement éligibles pourraient le conserver. Il n’avait pas envisagé non plus que les ménages seraient susceptibles d’être confrontés à ce choix draconien entre un tarif réglementé et un prix du marché qui augmente considérablement. Or, en 2005, M. Poignant et ses collègues savaient parfaitement que nous attendait en 2007 l’ouverture à la concurrence pour les ménages, puisque cette décision avait été prise dans l’enthousiasme avec la complicité du gouvernement de M. Raffarin et de Mme Fontaine, le 25 novembre 2002, après la malheureuse défaite de la gauche aux élections présidentielle et législatives.

Donc, en 2004, on nous annonce une chose concernant la privatisation de Gaz de France et, en 2006, on fait l’inverse. En 2005, on nous parle de régulation, de tarif réglementé, mais on oublie d’intégrer des dispositions que l’on connaît pourtant déjà, et on se réveille seulement un an après pour dire qu’il faut peut-être corriger le tir.

Une telle gestion à la godille n’est pas convenable. Ce débat doit éclairer nos concitoyens en leur montrant qu’on ne peut pas vous faire confiance sur la manière dont vous voulez engager le pays dans un secteur aussi stratégique que l’énergie. Nous dénoncerons donc sans cesse, lors de l’examen de cet article et de ceux qui suivent, cette façon de tirer des bords qui divergent. Quand, la main sur le cœur, le ministre ou le rapporteur prennent des engagements sur les tarifs sociaux ou le tarif de retour, qu’ils admettent que l’habitude qu’ils nous ont donnée de changer de pied en permanence ne rend absolument pas crédible leur gestion de ce dossier.

Si l’article 4 constitue peut-être une évolution positive par rapport à la situation existante, à quel port allons-nous finalement arriver sachant qu’en l’espace de deux ans, on a déjà changé deux fois de cap sur des sujets essentiels ?

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Les choses sont en train de changer par la volonté du Gouvernement et de la majorité UMP. Ce qui était jusqu’alors la règle, c’est-à-dire un tarif équitable pour tous, va devenir l’exception et, au fond, on va se trouver, comme le veut la philosophie libérale, dans un contexte d’inégalité et d’absence d’équité pas toujours explicable.

Je veux revenir un instant aux propos du rapporteur, qui ne se contente pas de déformer ce qui a été dit hier mais qui dit l’inverse.

J’ai répété à plusieurs reprises que l’on rendait un fort mauvais service à la cause européenne en chargeant l’Europe de tous les maux, comme le fait le Gouvernement, ou bien, d’une autre façon, comme le fait M. Dionis du Séjour, en manifestant une dévotion absolue aux directives de Bruxelles. L’Europe est un instrument, un outil qu’il faut promouvoir, mais ce n’est pas un système policier ou un mécanisme qui empêcherait les gouvernements nationaux d’agir.

Il faut cesser, monsieur le ministre, de vous défausser de vos responsabilités sur Bruxelles. Vous voulez privatiser Gaz de France, vous voulez qu’une entreprise publique, fruit du travail de la nation et de l’épargne nationale, soit vendue à l’encan. Assumez-le, et cessez de dire que c’est la faute de Bruxelles.

Votre majorité ne s’assume qu’avec beaucoup d’hésitations, de confusion. Il y a quelques mois, le ministre de l’économie de l’époque, M. Sarkozy, bien convaincu qu’il ne fallait pas toucher au patrimoine national, a déclaré qu’il ne privatiserait pas Gaz de France. Depuis, un tout petit peu d’eau a coulé sous les ponts et nous revoilà, en ce mois de septembre 2006, à discuter de ce qui apparaissait, il y a encore peu, comme impensable pour la majorité : la privatisation de Gaz de France. Cette prise de position est si troublante qu’elle laisse, si j’en crois la presse de ce matin, certains d’entre vous sur le côté. Des députés de l’UMP, de plus en plus nombreux, refusent ce mouvement de privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils sont tout de même un certain nombre ! Vous dites qu’il n’y en a qu’un, mais la presse, aujourd’hui, en compte au moins dix. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Marc Roubaud. C’est la presse, ce n’est pas la Bible !

M. Christian Bataille. Et peut-être y en aura-t-il beaucoup plus la semaine prochaine ! Ils ont raison, mais ils devraient venir dans cet hémicycle dire ce qu’ils pensent. Ils ont tort de ne pas le faire.

Avec l’article 4, qui prévoit les conditions dans lesquelles les consommateurs bénéficieront des tarifs réglementés de l’électricité ou du gaz, nous sommes en train d’introduire de la confusion dans un paysage raisonné.

M. François Brottes. Tous les épouvantails ne sont pas empaillés ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Avec l’article 4, le Gouvernement veut répondre à la peur légitime de nos concitoyens, après celle des entreprises, face à l’augmentation des tarifs de l’électricité et celle, possible, des tarifs du gaz dans un marché qui n’existe pas concrètement.

Il est important de rappeler que le projet de rapprochement GDF – Suez a, qu’on le veuille ou non, une base politicienne, puisqu’il est apparu au moment où la fusion Arcelor et Mittal est devenue inéluctable, alors que le Premier ministre avait juré ses grands dieux de défendre nos champions franco-français. C’est ainsi qu’il a d’ailleurs présenté Suez comme une entreprise bien française alors qu’en matière d’énergie le gros de son activité est plutôt belge.

Face aux engagements de Nicolas Sarkozy de 2004, il fallait bien apaiser les inquiétudes légitimes des entreprises et celles des consommateurs, apparues dans le courant de ce mois-ci et qui sont un sujet certainement plus important que l’image faussée qu’a voulu donner le président de l’Assemblée avec ses tonnes d’amendements, alors qu’en réalité, ceux qui sont ici voient bien que 6 000 amendements tiennent sur une seule page. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Hier, la majorité, avec difficulté, a fait voter un tarif de retour, dit « renouvelable », effet d’annonce qui, a priori, ne correspond à aucune réalité par rapport aux positions possibles de la Commission européenne. Cet article s’appuie sur les tarifs réglementés, alors que tous les responsables, en particulier ceux de la Commission de régulation de l’énergie, ont indiqué qu’un rapprochement entre le tarif réglementé et le prix de marché était inéluctable, qu’il n’y avait pas de marché réel en raison des interconnexions insuffisantes entre pays européens et que, par conséquent, la demande étant plus forte que l’offre, le prix de marché allait augmenter.

Il y a dix ans, M. Juppé et la ministre de l’environnement de l’époque, Mme Lepage, ont bloqué – ce qui est extrêmement dommageable pour notre positionnement dans l’Union européenne – le projet d’interconnexion au centre des Pyrénées, …

M. Arnaud Lepercq. C’est vrai !

M. Pierre Ducout… qui avait été négocié à peu près correctement avec les collectivités territoriales. C’est regrettable, même s’il y avait quelques problèmes environnementaux, mais qui avaient été examinés. Aujourd’hui, la question n’est pas réglée et nous ne disposons toujours pas de véritables interconnexions.

Ceux qui, comme moi, ont lu la lettre de griefs dans le bureau du président Ollier – j’ai été l’un des premiers à le faire et je l’en remercie – savent que la Commission européenne n’entend pas intervenir si 67 % des activités de l’entreprise sont réalisés dans un seul pays. EDF n’en est pas loin ; pour GDF on parle d’une activité en France autour de 50 %. Mais en prenant en compte la globalité de l’activité d’EDF, y compris en dehors de l’Europe, il s’en faut de peu que ces deux entreprises soient à plus de 67 % dans un seul pays et qu’il ne soit pas obligatoire d’en référer à la Commission européenne pour les réunir. C’est un point auquel il faudra revenir.

En outre, étant donné l’impossibilité pour l’Europe de se doter d’une réelle politique énergétique avant vingt ans, il ne faut pas démanteler en France un ensemble public qui fonctionne bien et qui doit être un exemple pour nos concitoyens. J’ai rappelé ce matin la résiliation des contrats de Total et de Shell en Russie.

Par ailleurs, je ne comprends pas bien pourquoi vous limitez au 31 décembre 2007 la possibilité de bénéficier des tarifs réglementés, alors que le tarif de retour est possible pendant deux ans renouvelables. Et j’ai bien observé hier la moue du ministre François Loos lorsque fut évoquée l’eurocompatibilité d’un tel caractère renouvelable.

Enfin, le marché énergétique européen est très fragile aujourd’hui, car aucun gouvernement n’ose dire qu’il a besoin, dans le mixte énergétique, d’une part de nucléaire. L’Espagne, par exemple, a annoncé la fermeture anticipée d’une centrale.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Au jeu des métaphores, François Brottes nous a fait sourire en évoquant la godille, la godille et non la godaille, c’est-à-dire le salaire du matelot ! (Sourires.)

J’oserai dire que nous allons plutôt au fil de l’eau dans la brume. Comment interpréter autrement le nombre de lois que nous avons votées sous cette législature, chacune modifiant une partie de la précédente ? Regardez seulement les renvois de ce projet de loi aux textes récents, dont certains ont été débattus alors que les événements que nous évoquons et qui font l’objet de ce texte étaient déjà connus, à l’exception du mariage annoncé entre Gaz de France et Suez.

La seule chose que se demanderont nos concitoyens, c’est si ce Parlement est enfin capable de produire une bonne loi, puisqu’il revient chaque fois sur ce qu’il a adopté quelques mois ou quelques années auparavant.

On sait bien que la majorité marche beaucoup en fonction des humeurs du nouveau zélateur de M. Bush. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce n’est quand même pas moi qui ai dit à M. Bush qu’il avait bien fait d’aller en Irak et que nous aurions dû y aller avec lui ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Marc Roubaud. Vous allez discuter avec Bouteflika sans que cela gêne personne !

M. Jean Gaubert. La première déclaration était : « On ne privatise pas, on fait simplement une société anonyme à 100 % ! » Et puis, on a mis un peu de capitaux privés, passant à une participation de l’État à 80 %. Ensuite, comme il n’y avait aucun intérêt à rester dans cette situation, Gaz de France devant nouer des relations, il fallait encore diminuer la participation de l’État. Mais si tout le monde savait que Gaz de France était fragile, que ne l’avez-vous fait lors des précédentes lois ?

La situation de GDF n’a pas changé, elle est même un peu plus favorable aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a deux ans. Tout le monde, dans cet hémicycle, savait à cette époque qu’avec la direction qui était prise des questions se poseraient quant au devenir de Gaz de France. Il y avait sans doute d’autres solutions que celle que vous nous proposez.

Nous faisons aujourd’hui une nouvelle loi de circonstance : il s’agit, au choix, de sauver le soldat Mestrallet ou le soldat Cirelli, sans se soucier de l’avenir du secteur énergétique français. Et si vous vous en préoccupez, c’est encore plus dangereux ! Vous cherchez à créer un grand groupe qui, demain, sera « opéable », car, quoi que vous disiez, avec plus de 60 % de capitaux privés un groupe est toujours « opéable », et du fait de la surface qu’il aura demain, il intéressera sans doute des groupes plus importants et peut-être plus dangereux que celui qui est aujourd’hui à la porte.

Au 31 décembre 2007, faudra-t-il une nouvelle loi ? Là vous avez raison : tout le monde admettant que les tarifs réglementés rejoindront le prix du marché, un autre texte ne sera pas nécessaire car il n’y aura pas d’autres choix que le prix du marché et les gens payeront cher l’énergie dont ils auront besoin.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Permettez-moi à mon tour de témoigner de cette gestion à l’aveugle. Sur ces questions énergétiques, le Gouvernement fait se succéder chaque année débats et projets de loi, sans stratégie sur l’approvisionnement, sur les tarifs, sur l’égalité de traitement, sur la capacité à utiliser l’énergie pour favoriser la croissance ou comme facteur de cohésion sociale et nationale. Aucun effort n’est fait pour définir, dans un espace plus large que l’hexagone, notre politique énergétique. Nous n’avons pas de stratégie, pas d’espace européen voulu, préempté, défini comme l’échelon adéquat par le Gouvernement. Nous en sommes donc réduits, chaque année, à adopter des dispositions qui se contredisent entre elles. Et lorsque nous sommes face à une augmentation spectaculaire de la facture énergétique des entreprises, évoquée aussi bien par M. Paul que par M. Bouvard, vous êtes contraints de revenir sur vos décisions antérieures.

L’élément central de ce texte, nous le disons depuis plus de dix jours, c’est l’article 10. Pour le faire passer, vous avez introduit des dispositions qui permettent de revenir sur certains aspects des lois précédentes, comme celles de l’article 4 qui visent à réduire l’impact politique de la privatisation en essayant de définir une nouvelle stratégie pour les consommateurs industriels ou domestiques en matière de vente ou de tarifs réglementés d’électricité et de gaz.

C’est donc bien une gestion à l’aveugle. Si, dans les années à venir, vous vendez Gaz de France à Suez, immanquablement cet article donnera lieu à une nouvelle modification, car vous vous tournerez de nouveau vers le législateur, si vous êtes politiquement en mesure de le faire, pour pouvoir répondre à la demande des actionnaires de modifier ces dispositions que vous nous proposez aujourd’hui d’adopter.

Il est souhaitable que l’article 4 ne soit pas voté en l’état, qu’il ne soit pas associé à cette loi funeste qui va engager la braderie du service public et le démantèlement de Gaz de France.

Nous ferons donc valoir notre argumentation par le biais d’une série d’amendements. Vous ne me contredirez pas, monsieur Dionis du Séjour, puisque vous proposerez d’autres schémas : il y a incontestablement un problème de programmation et de stratégie. Introduire ces dispositions, dont nous comprenons l’esprit, dans ce texte de loi ne serait pas rendre service à l’économie nationale : je pense notamment aux industriels, qui attendent mieux que ce compromis médiocre, qui n’est pas à la hauteur de leur réalité quotidienne.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, ayant eu jusqu’ici peu d’occasions d’intervenir dans le débat, je voudrais profiter de l’examen de l’article 4 pour attirer votre attention sur la situation d’Exeltium, le consortium des industriels électro-intensifs.

Je voudrais tout d’abord souligner le caractère historique de l’implantation des électro-intensifs, qu’ils se situent dans les zones portuaires, pour les plus récents, ou dans les zones de production d’électricité, notamment certaines vallées de montagne, héritage d’une époque où on ne savait pas la transporter. Si ces sites industriels perdurent aujourd’hui, c’est que la plupart d’entre eux bénéficient encore d’une électricité à bon marché, en vertu, soit de contrats à long terme, soit de l’article 8 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Mais cet article ne couvrant pas toute la consommation, le prix des contrats à long terme est déterminant, et la sortie des contrats est dramatique pour ces territoires, puisqu’elle se traduit souvent par la fermeture ou la restriction d’activité de nombreux sites. Je pense notamment, pour ces deux dernières années, aux sites d’Alcan dans les Pyrénées, d’Arkema à Saint Auban, de Rhodia à Pont-de-Claix ou d’Albermale à Thann, en Alsace.

Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, notamment de l’opposition, les combats que nous avons menés sous la législature précédente contre la taxe générale sur les activités polluantes, la « TGAP énergie », qui aurait à terme condamné de très nombreux sites et pénalisé définitivement l’ensemble de la filière. Ces combats avaient précisément pour but de sauver ces industries électro-intensives, industries de l’électrométallurgie, de l’électrochimie, du carton, des papiers ou des fibres de renforcement. À titre d’indication, le chiffre d’affaires de l’électrométallurgie et de l’électrochimie s’élève, dans le seul sud-est de la France, à 850 millions d’euros, pour plusieurs milliers d’emplois : ce n’est pas rien.

C’est la raison pour laquelle je me suis opposé, à titre personnel, à ce qui était la première étape du processus d’ouverture du capital des sociétés publiques d’énergie créées à la Libération, c’est-à-dire la vente par le Gouvernement Jospin de 49 % du capital de la Compagnie nationale du Rhône à Suez. (« Eh ! oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce à quoi nous assistons désormais, monsieur le ministre, ce n’en sont que les conséquences : ouverture du marché, désorganisation du marché de gros, arrivée des traders. Je veux à ce propos, exprimer ma gratitude à votre prédécesseur, M. Devedjian, pour avoir accepté, quand il était à la tête du ministère, de confier à l'inspection générale des finances et au conseil général des mines une mission d'expertise sur la formation des prix sur le marché de l'électricité, Cette enquête a abouti à la rédaction d’un document qui contient des informations très précieuses sur les prix de revient de l’énergie.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le consortium Exeltium, réunissant les industriels gros consommateurs d’énergie, a été créé par voie d’amendement au projet de loi de finances rectificative. Aujourd’hui, seuls quatre producteurs d’électricité ont répondu à l’appel d’offres d’Exeltium ; et, parmi eux, seul EDF a proposé un prix un peu plus intéressant que le prix du marché, mais le volume proposé est très en deçà des volumes nécessaires au maintien de cette grande industrie. L’offre porte sur un volume de 15 térawattheure, alors que les 30 TWH réclamés par le consortium ne suffiraient déjà pas à couvrir tous les besoins, une partie restant au prix du marché ou au prix du tarif réglementé. On mesure l’importance des enjeux.

J’aimerais savoir, monsieur le ministre, pourquoi l’énergie est aussi chère en France. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Sandrier. Demandez aux actionnaires !

M. Michel Bouvard. Comment se fait-il que les offres faites au consortium ne correspondent pas aux éléments dont dispose la direction générale de l’énergie et des matières premières du ministère ou qui sont contenus dans le rapport du conseil général des mines et de l’inspection des finances.

Quand je lis dans ce rapport qu’en tenant compte du coût d’une centrale EPR – endettement sur trente ans, coût des fonds propres de 10,5 hors impôt, coût de la dette de 5,55 – le prix de revient de l’énergie est de 32,30 euros le mégawattheure, je ne comprends pas que son prix soit toujours de 40 euros.

M. Jacques Desallangre. Demandez à M. Cirelli !

M. Michel Bouvard. Et je ne comprends pas les déclarations de M. Gadonneix devant la commission des affaires économiques.

M. Jean-Claude Sandrier. Assez d’hypocrisie !

M. Michel Bouvard. Quand je lis dans cette même note qu’en août 2003, au comité de l’énergie atomique consacré à l’EPR, on a retenu un total de coût d’exploitation du parc actuel, combustible et maintenance confondus, de 18 euros le megawattheure, je ne comprends pas davantage.

M. Jean-Claude Sandrier. Moi non plus !

M. Michel Bouvard. Il est temps de concrétiser la solution Exeltium, faute de quoi l’amendement adopté le 21 décembre en deuxième lecture, à l’initiative de la commission des finances, en dépit d'un vote négatif du Sénat, sera vidé de son sens.

Pour ces industriels, la possibilité de revenir au tarif réglementé n’est un problème que pour ceux qui en sont sortis. Pour les autres, le problème est celui de la sortie des contrats à long terme, dont les tarifs sont inférieurs au tarif réglementé. On risque alors d’assister à d’autres fermetures de sites. En effet, et là-dessus je suis d’accord avec le groupe communiste, le prix de l’énergie est notre seul avantage compétitif, puisque nous ne sommes compétitifs ni par notre politique salariale, ni par notre fiscalité.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je voudrais d’abord préciser à votre intention, monsieur Bataille, que l’UDF ne fait pas ses dévotions à l’Europe : nous sommes tout simplement, naturellement et fièrement européens ; il faudra que vous vous y fassiez.

Être européen, cela signifie que lorsqu’une directive est édictée, on a à cœur de la transposer, avec fidélité et audace, pour assurer l’uniformité du droit européen. Mais si tout le monde est européen en paroles, quand il s’agit de transposer une directive, on s’empresse de la caviarder. Passons.

Au moment d’aborder l’article 4, nous devons nous rappeler ce que nous avons tous admis : l’énergie n’est pas une marchandise ordinaire. Les raisons en sont simples.

Il existe d’abord une spécificité française en matière de production d’électricité : la rente nucléaire – comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le ministre, les centrales nucléaires ne seront pas renouvelées avant 2017 – nous donne un avantage compétitif sur le long terme. Le tarif réglementé devra être fixé afin de satisfaire à deux objectifs : le renouvellement à terme du parc nucléaire et le maintien d’un avantage compétitif pour l’industrie française. Il serait bien que ces deux objectifs fassent consensus dans cet hémicycle.

M. Daniel Paul. C’est le cas !

M. Jean Dionis du Séjour. Chacun reconnaîtra alors que les tarifs réglementés devront être à mi-chemin entre le coût de revient de l’électricité et le prix « spot ». En tout cas, nous qui sommes plutôt des libéraux, nous n’avons pas d’hésitation à ce sujet.

Il faut ensuite tenir compte du caractère très capitalistique du secteur de l’énergie, qui impose de raisonner et de décider sur le long terme, y compris en matière commerciale. C’est ce que vous avez mis en évidence, monsieur Bouvard, en soulignant l’importance des contrats à long terme.

Il s’agit enfin d’un secteur qui traverse une période extrêmement agitée : certains ont même parlé de révolution. Cette révolution devra aboutir à des engagements à long terme en matière de développement durable, qui supposent la participation de l’État – nous en reparlerons à propos de l’article 10.

Nous pensons, comme David Habib, que l’absence de gouvernance énergétique constitue la lacune la plus grave, en dépit de tous les accords à long terme qu’on ne cesse d’empiler, tels que le protocole de Kyoto ou les directives relatives aux énergies renouvelables ou aux biocarburants. Qui assurera le respect du protocole de Kyoto, selon lequel les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 75 % d’ici à 2050 ? Qui mesure ? Qui contrôle ? Qui corrige ? Personne !

C’est le débat que nous vous proposerons d’ouvrir avec nos amendements, car il nous semble mériter l’attention du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet article a trait aux modalités d'application des tarifs réglementés. Il concerne à la fois les consommateurs industriels et les consommateurs domestiques. Mais loin de remettre en cause l'ouverture à la concurrence des marchés électrique et gazier, il n'en propose qu'un simple aménagement.

Nous comprenons bien que vous n'ayez de cesse de mettre en avant ces aménagements, puisqu’ils vous permettent d'afficher un certain souci de l'intérêt des consommateurs. Mais le ver est dans le fruit, et les concessions auxquelles vous avez consenti ne seront pas suffisantes pour assurer la modération tarifaire et l’égalité d'accès à l'énergie. En effet, l'ouverture à la concurrence pour les particuliers, prévue au 1er juillet 2007, ne fera qu'amplifier la hausse vertigineuse des prix constatée ces derniers mois.

Vous avez bien tenté de préparer l'opinion publique à cette ouverture à la concurrence pour les particuliers, en prétendant que l'augmentation des prix de vente de l'électricité et du gaz pour les clients qui ont choisi de sortir du tarif public ne serait pas liée au processus de libéralisation dans l'énergie. Mais cette affirmation est fausse. La coexistence en France d’un tarif public d'électricité, dit administré, calculé à partir des coûts, et d'un prix de marché, sensible aux spéculations financières, permet d'en faire la démonstration.

D'après NUS Consulting, alors que les tarifs publics d'électricité augmentaient de 10,57 % en cinq ans, les prix de marché ont, quant à eux, augmenté de 75,6 %. Or la structure du parc de production en France n'a pas évolué au cours de cette période : issue à 87 % des centrales de production électrique d'EDF, qui sont à 95 % des centrales nucléaires et hydrauliques, cette énergie, outre que sa consommation a l’avantage de ne pas dégager de co2, est économiquement très compétitive puisque son coût ne dépend pas du prix des hydrocarbures. La flambée des prix de l’électricité n’a donc aucune justification économique.

Il est vrai en revanche que, dans la perspective de cette ouverture, la direction d'EDF et la Commission de régulation de l’énergie sont en train de se mettre d’accord pour porter l’augmentation des tarifs de l'électricité destinée aux industriels et aux artisans à un niveau très supérieur à l'inflation.

Par ailleurs la CRE et l’ensemble des entreprises du secteur, publiques et privées, s’accordent pour dire que le maintien de tarifs publics et réglementés en France n’est que transitoire, l’objectif à terme étant de les faire disparaître purement et simplement.

La Commission européenne, dans sa lettre de griefs, ne fait pas non plus mystère de sa volonté de remettre en cause les tarifs réglementés. Gaz de France a d’ailleurs intenté un recours contre la décision du Gouvernement d’augmenter les tarifs de gaz des ménages de 5,8 % au 1er mai avec maintien jusqu’au 1er juillet 2007, alors que l’entreprise demandait une hausse de 8,1 % pour augmenter ses marges financières et les dividendes qu’elle promet de distribuer – aux actionnaires de Suez sans doute.

La CRE veut en outre imposer à EDF de doubler, en la portant à 20 %, la quantité d’énergie nucléaire mise à disposition de ses concurrents au prix du marché. Ainsi, les choix publics qui ont été faits en France dans le domaine de l’énergie électrique ne profiteraient pas au consommateur mais alimenteraient les marges financières des différentes entreprises du secteur.

Il y a deux ans, le Gouvernement expliquait à la représentation nationale que l’ouverture partielle du capital d’EDF et de Gaz de France était nécessaire pour assurer leur développement, et des montants de 6 milliards d’euros et 1,9 milliard d’euros respectivement ont ainsi été injectés dans les fonds propres des entreprises par une ouverture de capital. Aujourd’hui, on nous explique que c’est par l’augmentation des tarifs de l’électricité et du gaz que l’on assurera les investissements futurs, alors que la totalité des 7,9 milliards d’euros collectés a été réinjectée d’une façon ou d’une autre dans les marchés financiers. De qui se moque-t-on ?

Il faut en finir avec cette logique désastreuse. Nous proposons la mise en place d’un observatoire permettant une évaluation transparente des tarifs de l’électricité et du gaz. Nous proposons aussi de déconnecter les entreprises publiques des exigences des marchés financiers. Enfin, nous recommandons à tous ceux – entreprises, collectivités locales, établissements publics et particuliers – qui ont conservé le tarif régulé de n’y renoncer sous aucun prétexte. Ne vous faites pas avoir par tous ceux qui se présenteront à votre porte pour vous présenter des tarifs moins chers : une fois accrochés, vous ne pourrez plus échapper au prix du marché.

Ne prenons pas le risque de nourrir les dividendes et de pénaliser les entreprises, les collectivités locales et les familles.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. L’article 4 concerne à la fois les consommateurs industriels et les consommateurs domestiques.

Le maintien des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité est un aveu patent de l’échec de l’ouverture du marché énergétique à la concurrence. Les clients éligibles ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : le moins qu’on puisse dire est que, pour l’électricité comme pour le gaz, cette ouverture n’a pas attiré les foules. Ainsi, pour l’électricité, seul un site éligible sur vingt-cinq a quitté le fournisseur historique. Quant aux 10 % des sites pour lesquels on constate une sortie des contrats réglementés, il est difficile de dire combien d’entre eux ont choisi de leur plein gré. En effet, selon les témoignages de différents agents, les pratiques en vigueur chez l’opérateur historique tendent à pousser à sortir du tarif réglementé en ne proposant par exemple aux clients que des tarifs non réglementés pour les nouveaux contrats.

Pour le gaz, le bilan n’est guère plus réjouissant pour les tenants de la concurrence que vous êtes. Ainsi, seul un site sur cinquante a quitté le fournisseur historique et, pour les 10 % de clients éligibles qui ont fait le choix de sortir des tarifs réglementés, il faut rester conscients du fait que la politique de Gaz de France a consisté à pousser ses clients à sortir, pas toujours à bon escient, des tarifs réglementés.

Force est donc de constater que, dans leur grande majorité, les clients n’ont pas fait le choix du marché. Ils ont eu bien raison ! L’étude de l’Observatoire international des coûts énergétiques révèle en effet une différence de 66 % entre les prix du marché et le tarif réglementé. Les prix du marché de gros du secteur concurrentiel ont littéralement explosé, augmentant de 48 % entre avril 2005 et avril 2006.

L’idée que l’ouverture du secteur à la concurrence provoquerait des baisses de prix, avancée par votre majorité lors des débats parlementaires de 2004, a été mise à mal et vous êtes contraints de procéder à quelques adaptations pour transposer les injonctions communautaires d’ouverture du marché.

L’audition de M. Loos en juin dernier par la commission des finances et la commission des affaires économiques a bien ouvert des pistes pour tenter de concilier la chèvre bruxelloise et le chou électoral, mais vos contradictions sont difficilement surmontables. Vous le suggérez vous-même : permettre le retour au tarif réglementé pour les clients ayant exercé leur droit à l’éligibilité pour protéger les consommateurs de hausses abusives des prix revient tout simplement à rendre ineffective, en partie au moins, l’ouverture du marché, et risque de nous attirer des sanctions de la part des institutions européennes. Si ce n’était pas si sérieux, on pourrait en sourire : les fervents défenseurs du marché se trouvent contraints d’étudier plusieurs possibilités pour réintroduire de la régulation étatique dans la fixation des prix !

Parmi les propositions avancées par le ministre figurent aussi « l’imposition d’un même tarif à tous les opérateurs » et la limitation des prix par le code du commerce. Le marché n’aurait-il donc pas que du bon – surtout quand il s’attaque à vos propres électeurs ? Les industriels ont en effet été les premiers touchés par la déréglementation du secteur. Fini pour eux le bon temps où ils pouvaient, en tant qu’« électro-intensifs », négocier avec EDF des tarifs préférentiels !

Revenons sur la crédibilité de votre mesure. Vous maintenez les tarifs réglementés, mais ces derniers n’ont-ils pas augmenté de 30 % en un an et demi, en dépit du maintien du contrôle des tarifs par l’État ? Dans un contexte d’ouverture à la concurrence et d’ouverture aux actionnaires privés, le maintien du contrôle des prix par l’État ne suffit guère pour protéger le porte-monnaie des consommateurs.

Nous réaffirmons donc que ce qui pourrait faire baisser les prix, ce seraient des mesures politiques visant, pour les énergies primaires, à l’organisation de gains d’échelle grâce à l’intégration des systèmes de production, de transport et de distribution et à l’optimisation des tarifs par le calcul économique sur le long terme. Au contraire, la mise en concurrence fait le jeu des marchés boursiers, dont on sait qu’ils se préoccupent fort peu de la baisse des coûts.

Pris dans l’engrenage de l’ouverture de son capital et par les exigences de ses actionnaires, GDF se comporte déjà comme une entreprise capitalistique orientée avant tout vers la recherche du profit. Le nerf de la guerre, c’est la privatisation et la mise en concurrence, sur lesquelles vous refusez de revenir.

Vous êtes en effet des libéraux, même si vous êtes, en la circonstance, des libéraux un peu honteux, qui se sentent contraints de réglementer un peu, de réguler un peu, d’ajuster un peu, de diriger un peu et de tempérer un peu, comme l’a dit ce matin M. Loos – à la marge, bien sûr. Mais vous êtes libéraux toujours, avec des contradictions stupéfiantes. M. Novelli ne vous a-t-il pas proposé ce matin de violer l’idéologie libérale pour préserver les profits des fournisseurs privés d’électricité, profits dont EDF serait bien entendu le garant ? Libéraux toujours, fascinés par le tout-concurrence, le tout-marché, le tout-rente actionnariale, le tout-soumission à la globalisation destructrice.

Votre projet, malgré l’habillage dont vous tentez de l’affubler pour le placer sous la rubrique « défense du consommateur », ne fait donc pas illusion et nous allons continuer à le combattre résolument, car il est le fruit de l’idéologie libérale et il est donc mauvais pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. L’article 4, dont nous abordons l’examen, a pour seul objet de nous permettre de nous adapter à l’ouverture des marchés au 1er juillet 2007. Nos collègues socialistes évoquent – et on peut les comprendre – de nombreuses autres questions, qu’ils poseront à nouveau à l’article 10. Nos collègues communistes, quant à eux, sont constants : ils sont opposés à l’ouverture des marchés, qui est pourtant déjà une réalité.

M. Jacques Desallangre. Ça ne nous empêche pas d’y être opposés quand même !

M. Serge Poignant. C’est de l’idéologie ! On peut fort bien être libéral et fixer des règles du jeu. C’est ça, pour nous, le libéralisme.

M. Jacques Desallangre. Il est difficile de concilier le libéralisme avec les règles du jeu !

M. Serge Poignant. Il est évident que nous n’avons pas la même philosophie.

Plusieurs lois ont déjà été faites à ce sujet, comme celle de 2000.

M. François Brottes. Et celle de 2005 ?

M. Serge Poignant. Je me réjouis de voir M. Brottes nous rejoindre. J’évoquerai en effet la loi de 2005.

Celle de 2000, c’était vous. S’il y a eu une loi en janvier 2003, c’est parce que le gouvernement Raffarin a dû transposer en urgence une directive gazière que vous n’aviez pas transposée lorsque vous étiez au Gouvernement.

M. François Brottes. Vous avez ouvert à la concurrence pour les ménages !

M. Serge Poignant. Il y a eu, en effet, l’article 66 de la loi de 2005. Puisque vous avez été rapporteur, monsieur Brottes, pourquoi n’avez-vous pas fait pour la loi de 2005 ce que vous faites ici ? Je n’ai pas souvenir que vous ayez déposé des amendements sur cette loi pour faire ce que nous faisons aujourd’hui.

M. François Brottes. Je les retrouverai !

M. Serge Poignant. Nous précisons les conditions d’ouverture du marché.

M. François Brottes. Il fallait y penser plus tôt !

M. Serge Poignant. À la différence de certains, nous ne refusons ni cette ouverture ni l’Europe, qui sont là.

M. François Brottes. Vous avez accéléré l’ouverture !

M. Serge Poignant. Nous voulons qu’au 1er juillet 2007 le consommateur final domestique puisse continuer à bénéficier des tarifs réglementés. Nous avons demandé au Gouvernement – et je remercie M. le ministre de l’avoir inscrit dans le projet de loi – que les consommateurs finaux non domestiques, c’est-à-dire industriels, puissent aussi bénéficier de ces tarifs réglementés, dans les conditions fixées en référence aux lois de 2000 et 2003.

M. François Brottes. Il fallait donner le signal plus tôt !

M. Serge Poignant. L’article 4 vise à adapter la loi et ce serait une faute de ne pas légiférer aujourd’hui car, au 1er juillet 2007, ce sont les consommateurs, particuliers ou industriels, qui en pâtiraient. Mes chers collègues, si je comprends les différences de fond qui peuvent nous opposer sur certains autres articles, je crois vous seriez bien inspirés de voter au moins celui-ci.

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88080 à 88101, visant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir ces amendements.

M. Daniel Paul. Dans la logique de ce que nous avons expliqué voici quelques instants, nous proposons la suppression de l’article 4, qui synthétise à lui seul toutes les contradictions de votre projet de loi.

D’un côté, en effet, vous êtes soucieux de ne pas vous mettre en contradiction avec votre électorat, qui a pâti, continue de pâtir et pâtira de plus en plus des conséquences de l’ouverture du secteur énergétique à la concurrence. D’un autre côté, en revanche, l’absence de volonté de remettre en cause le processus de dérégulation du secteur énergétique lancé à Barcelone et les pressions exercées par les défenseurs du libéralisme économique vous empêchent de faire un choix en faveur des usagers du secteur électrique.

Votre article navigue donc entre des velléités de protection des consommateurs et des rédactions pernicieuses qui permettront in fine aux entreprises du secteur énergétique de profiter de la déréglementation du secteur.

Ainsi, dans l’alinéa 2, on peut lire que c’est « à la demande » du consommateur final non domestique, c’est-à-dire des entreprises, que celles-ci pourront prétendre aux tarifs réglementés. Nous reviendrons sur cette précision pernicieuse. D’autres pièges demeurent. Faute de pouvoir tous les citer, je me limiterai à un exemple : l’article 66 de la loi de 2005, qui prévoit que, pour les nouveaux contrats professionnels, le choix du tarif régulé est possible, mais seulement jusqu’à fin 2007, n’est pas modifié. C’en est donc fini, à partir de 2008, des tarifs administrés pour les nouveaux sites industriels ou tertiaires.

Pour cette raison et pour d’autres encore, sur lesquelles nous reviendrons à propos de nos amendements, nous proposons la suppression pure et simple de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’amendement présenté par le groupe communiste vise à supprimer une disposition à laquelle nous sommes très attachés. Nous souhaitons le maintien des tarifs réglementés. J’imagine que si l’article disposait que les tarifs réglementés sont supprimés, le groupe communiste aurait demandé leur rétablissement. Belle contradiction !

Je demande donc à l’Assemblée de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis, bien sûr, du même avis que la commission, et je remercie Serge Poignant d’avoir rappelé les motifs de l’article 4 parce que, dans ce débat, il faut hiérarchiser les problèmes : si on ne fait rien, les directives vont s’appliquer et, au 1er juillet 2007, les tarifs réglementés disparaîtront. Or la raison d’être de l’article est justement de préciser dans quelles conditions ces tarifs pourront être maintenus au service de l’économie et des consommateurs, tout en améliorant l’ensemble du dispositif. Non seulement nous maintenons les tarifs réglementés, mais nous permettons le retour aux tarifs dans de meilleures conditions : un amendement du rapporteur donnera même une plus grande pérennité aux dispositions prévues.

Je pense donc, messieurs, que cet article répond très largement aux préoccupations dont vous avez fait état. Parmi vos préoccupations, il y a toujours le mythe que demain les tarifs rattraperont les prix…

M. Daniel Paul. Oui !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et qu’il est naturel que cela arrive, ce que nous ne croyons pas. Mais même si nous croyions cela, ce serait une raison de plus pour nous lier par ce texte afin que cela n’arrive pas. Avec de tels arguments, même l’opposition devrait reconnaître l’importance de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous ne voterons pas contre l’article 4. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous n’avons jamais dit qu’il n’était pas nécessaire de transposer la directive.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai.

M. François Brottes. Nous avons dit qu’il n’était pas opportun de mélanger cette transposition avec la privatisation de Gaz de France – même si on comprend que, pour vous, c’est opportun politiquement parce que cela permet d’habiller vos mesures pour les rendre un peu plus présentables. Mais nous avons dit aussi que dès 2004 cette transposition était possible et nécessaire, et qu’elle aurait donné un signal fort qui aurait certainement évité la croissance des prix que nous avons constatée.

Monsieur Poignant, vous reconnaîtrez avec moi que la loi d’orientation sur l’énergie n’avait pas au centre de ses préoccupations la transposition de la directive.

M. Serge Poignant. C’est vrai.

M. François Brottes. Ou alors il aurait fallu aller au bout de la transposition, ce que vous n’avez pas fait. Il y a donc eu une petite disposition, qui a été finalement mal transposée puisque vous la reprenez complètement aujourd’hui. C’est le constat que nous devons faire ensemble. En tout état de cause, il fallait donner ce signal plus tôt. Mais mieux vaut tard que jamais, dont acte ; c’est pour ça que nous ne voterons pas contre cet article. Nous ne vous reprochons pas d’avoir quelques réactions avant le 1er juillet 2007 – même si c’est le Conseil d’État qui vous à amener à les avoir – sur le maintien des tarifs réglementés.

Par contre, nous déplorons que M. Raffarin ait décidé, le 25 novembre 2002, l’ouverture à la concurrence pour les ménages, ce qui va produire une situation terrible pour eux, et pas seulement dans notre pays, sans exiger la moindre étude d’impact préalable. Nous regrettons aussi qu’il n’ait pas demandé à la Commission d’élaborer la directive-cadre sur les services d’intérêt économique général, comme l’engagement en avait été pris au sommet de Barcelone.

M. Pierre Ducout. Très bien, monsieur Brottes !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88080 à 88101.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de M. Dionis du Séjour, nos 137570 et 137571, qu’il acceptera certainement de présenter ensemble.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien entendu, monsieur le président.

À l’article 4, nous allons fonder les tarifs réglementés, prendre la décision de les inscrire dans la loi. C’est une bonne décision, et l’UDF va voter cet article. Mais nous pensons qu’il faudrait les fonder fortement, politiquement et sur le long terme. Si on ne le fait pas, ce ne sera qu’une décision par essence transitoire parce qu’il y aura des pressions européennes – pourquoi le cacher ? –, à mon avis indues dans l’état actuel des directives. Nous voyons très bien le raisonnement qui s’annonce à Bruxelles : nos tarifs sont plus bas que le prix du marché, ils bloquent l’arrivée de nouveaux entrants ; il faut donc les rapprocher progressivement de ceux du marché, et un jour les supprimer. Encore une fois, si on ne prend pas la décision de les fonder durablement, ce sera très difficile de résister à ces pressions.

Que veut dire fonder les tarifs réglementés ? Cela signifie prendre acte que certaines situations qui ont amené à ces tarifs réglementés relèvent du long terme. La rente nucléaire française, c’est du long terme. Le ministre le disait ce matin : elle est acquise au moins jusqu’au renouvellement de la première centrale, c’est-à-dire jusqu’en 2017 ! L’écart des prix entre le prix de revient du nucléaire et le prix spot est une donnée stratégique sur le long terme. Et c’est cette donnée qui fonde les tarifs réglementés.

Mais on voit bien que les tarifs, ce n’est qu’un aspect de la politique énergétique.

M. Alain Gouriou. C’est important !

M. Jean Dionis du Séjour. Je ne le nie pas, monsieur Gouriou. Mais il y a tout un mouvement législatif qui pousse vers une planification à long terme, sérieuse, du secteur énergétique. Ainsi l’article 6 de la loi de 2000 – autant saluer ce qui a été fait à ce moment-là – a instauré la programmation pluriannuelle de ces investissements.

M. Pierre Ducout. Et ça marche bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais quand on examine cette programmation, elle est d’un horizon ultracourt et d’une timidité effrayante. Ensuite, il y a eu la directive de 2003, qui dispose en son article 3, alinéa 2, que « en matière de sécurité d’approvisionnement et d’efficacité énergétique, les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à long terme ». On dit souvent que les directives européennes sont dérégulatrices, mais celle-ci nous indique qu’on peut faire une planification à long terme. Puis il y a eu la loi d’orientation sur l’énergie de 2005. C’est vrai qu’il faut la saluer et dire que c’était une première. Mais elle a ses limites puisqu’elle n’est pas chiffrée et ne répond pas à ces questions essentielles : quelle politique de réduction de la demande ? Quel bouquet énergétique ? Quelle place pour le nucléaire dans dix ans, vingt ans, trente ans ? Combien d’EPR ?

Je vous propose donc deux amendements qui prolongent ce qui a été fait par le législateur en 2000 et satisfont à ce que demande la directive européenne.

L’amendement n° 137570 vise à instituer un schéma directeur national énergétique sur le long terme, à quarante ans. Nous sommes à cet horizon-là, mes chers collègues, et il ne faut pas le caricaturer : les gouvernants qui ont pris les dispositions en matière nucléaire entre 1975 et 1985 se sont projetés à une échéance aussi lointaine.

En outre, il nous manque cruellement une articulation entre l’horizon budgétaire et l’horizon à long terme – nous avons adopté un amendement de M. Migaud en ce sens, mais c’est bien peu de chose. L’amendement n° 137571 propose donc une loi énergétique annuelle, comme il existe une loi de financement de la sécurité sociale, pour vérifier, contrôler et mesurer l’articulation entre l’horizon annuel et celui sur lequel la France s’est engagée à long terme avec le protocole de Kyoto et les directives européennes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avons déjà eu un long débat, à l’occasion de l’examen de la loi d’orientation de 2005, sur les dispositions proposées par Jean Dionis du Séjour. Serge Poignant, rapporteur du projet de loi, se souvient des longues explications qu’il avait données. Elles sont encore pertinentes. J’invite donc l’Assemblée à repousser ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement est du même avis que la commission.

Monsieur Dionis du Séjour, nous partageons avec vous la conviction qu’il est nécessaire de se projeter dans l’avenir, mais comme vient de le rappeler le rapporteur, il y a déjà cette obligation dans la loi du 13 juillet 2005. Vos amendements sont donc superfétatoires.

Par ailleurs, confier la responsabilité de l’élaboration du schéma directeur national énergétique au Centre d’analyse stratégique – comme vous le savez, c’est le nouveau nom du Commissariat au Plan – me semble sortir du contexte que nous souhaitons. C’est au Gouvernement de proposer ce schéma, bien entendu sous le contrôle du Parlement.

S’agissant de l’amendement n° 137571, le Gouvernement y est également défavorable. Je vous rappelle que l’Assemblée nationale a adopté à l’article 2 un dispositif comparable à celui de votre amendement en instituant, dans le cadre de la LOLF, un document transversal relatif à la politique énergétique.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous auriez pu citer la loi de 2000 qui, elle aussi, comporte un programme pluriannuel d’investissements.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai.

M. François Brottes. Le long terme est assurément une préoccupation nécessaire en matière de politique énergétique. Mais je m’interroge sur le fondement de la proposition de M. Dionis du Séjour parce qu’il écrit, dans le II de l’amendement n° 137570, que « les engagements internationaux de la France s’imposent aux dispositions du schéma directeur national énergétique ». Or la problématique dans laquelle nous nous trouvons, celle de l’Europe de l’énergie – il n’en disconviendra pas –, nous oblige à constater qu’il y a aujourd’hui une vraie fragilité en ce qui concerne la réalisation des interconnexions, et une vraie interdépendance des États. Certains d’entre eux ne jouent pas le jeu, en refusant d’accroître l’offre même si la demande augmente – je ne veux viser ni l’Allemagne ni l’Italie –, et mettent donc en péril notre dispositif. De même, il sait combien il est nécessaire, notamment pour le gaz, d’avoir une approche collective – c’est un gros mot pour la droite de l’hémicycle. En matière d’approvisionnement, nous avons tout intérêt à envisager une dimension européenne. Et en matière de réglementation du marché de l’énergie, M. Dionis du Séjour est bien placé pour connaître le Barroso dans le texte : celui-ci nous dit qu’il va modifier la règle du jeu en décembre prochain – c’est bientôt ! –, qu’il ne gardera que quatre ou cinq opérateurs d’énergie en Europe et qu’il instaurera une régulation à l’échelle du continent.

M. François Liberti. Eh oui !

M. François Brottes. En l’absence de connaissance précise des engagements internationaux de la France qui s’imposeraient aux dispositions du schéma directeur national énergétique, je pense que ce schéma, tel que le voit Jean Dionis du Séjour, est mort-né.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ce que nous propose Jean Dionis du Séjour est bel et bon mais restera lettre morte parce que, en face, il y a des opérateurs privés, pour qui l’État ne compte plus. Seuls comptent pour eux les porteurs de capital, qui exigent des retours sur investissement. Et il y aura l’évaluation, par ces opérateurs, du coût des investissements, du délai d’amortissement. Ce sont ces critères qui les guident. Pourquoi dans certains grands pays n’a-t-on pas construit pendant longtemps d’usines nucléaires ? C’est parce que l’opérateur jugeait que le jeu n’en valait pas la chandelle, que c’était trop d’argent, trop de dollars à mettre en jeu pour un bénéfice à très long terme, aussi juteux soit-il.

Comment pouvez-vous, mon cher collègue, espérer que vos pieuses recommandations se traduiront dans les faits quand ce sera la loi du marché qui commandera, c’est-à-dire la loi du profit, et que l’État sera hors jeu ?

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour une courte réponse.

M. Jean Dionis du Séjour. J’indique d’abord, pour répondre à M. le ministre, que j’ai poussé l’enquête jusqu’au bout, et que j’ai été voir ce que donnait l’article 6 de la loi de 2000.

M. Falque-Pierrotin a remis un rapport de qualité intitulé : « Présentation de programmation pluriannuelle des investissements de production électrique ». Mais ce document, totalement confidentiel, ne prévoit aucun contrôle parlementaire. Et je ne parle que du problème des investissements !

Nous empilons des engagements à long terme sans articuler nos décisions à court terme. Cette situation est intenable. Pour paraphraser mon ami Francis Cabrel : « Est-ce que ce monde est sérieux ? » En tout cas, pas en ce qui concerne l’énergie !

M. Jean-Claude Sandrier. Votre proposition ne tiendra pas !

M. Jean Dionis du Séjour. François Brottes a raison de rappeler que nos décisions doivent intégrer la dimension européenne. Je ne me fais guère d’illusion sur le sort réservé à mes deux amendements, mais nous verrons ce qu’il en est à long terme.

Il est par ailleurs amusant de voir nos collègues communistes mal à l’aise avec l’idée de planification ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137570.

M. Jacques Desallangre. Le groupe communiste et républicain s’abstient !

M. Pierre Ducout. Le groupe socialiste également.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137571.

M. Daniel Paul et M. François Brottes. Abstention !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J’appelle les vingt-deux amendements identiques nos 88102 à 88123.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Il s’agit encore d’amendements de suppression, en l’occurrence du premier alinéa de l’article, qui offre un faux compromis entre l’ouverture à la concurrence et la protection des consommateurs, qu’il s’agisse des particuliers, des industriels ou des collectivités locales.

Depuis quelques mois, l’idée qu’il faudrait tempérer les excès du capitalisme – généralement rebaptisé « libéralisme économique » – est en vogue. Bref, il suffirait de remettre un peu d’ordre dans la maison, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C’est précisément ce que le Gouvernement tente de nous faire croire avec l’article 4, en prévoyant des aménagements à l’ouverture du marché énergétique, tels que le maintien plus ou moins effectif du tarif réglementé, mais sans prendre les vrais problèmes à bras-le-corps, et sans remettre en cause le fondement des aberrations que l’on constate sur le marché de l’énergie depuis que celui-ci est pris dans l’engrenage de la dérégulation. C’est à ce niveau, chers collègues, que se trouve la contradiction, et non dans la position que nous avons exprimée.

Ainsi, messieurs les ministres, il n’est jamais question dans votre texte des mécanismes de fixation des prix. Or la question fondamentale posée par le projet de loi est celle de la compatibilité entre une activité utilisée pour alimenter le portefeuille des actionnaires et une mission de service public. Ce dernier, en matière énergétique, signifie l’égal accès de tous au gaz et à l’électricité sur tout le territoire ; la modération des prix, lesquels doivent tenir compte du budget des ménages modestes et des classes moyennes ; la péréquation tarifaire, qui contribue à l’aménagement du territoire ; enfin, des investissements à long terme. Aussi l’intervention de notre collègue de l’UDF révèle-t-elle une contradiction flagrante : dès lors qu’une activité est ouverte à la concurrence et aux opérateurs privés, comment garantir des missions et des objectifs à long terme qui sont autant d’entraves à l’augmentation des profits ?

La privatisation du secteur de l’énergie, c’est la satisfaction d’intérêts financiers et privés sur le dos d’une activité d’utilité publique.

M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. François Liberti. Le débat, comme l’embarras de la majorité et du Gouvernement montrent d’ailleurs combien ces deux logiques s’opposent. C’est donc l’ouverture à la concurrence et aux intérêts privés du secteur énergétique qu’il faut globalement remettre en cause, et ce ne sont pas les aménagements à la marge que vous proposez qui résoudront les problèmes considérables posés par cette privatisation.

Telle est la raison, chers collègues, pour laquelle nous demandons la suppression du premier alinéa de l’article 4.

M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements nos 88102 à 88123, que je mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Défendez-vous, monsieur Paul, les vingt-deux amendements identiques nos 88124 à 88145 ?

M. Daniel Paul. Oui, monsieur le président, et je ne doute pas qu’ils soient adoptés.

Nous sommes très attentifs à votre texte, monsieur le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. Daniel Paul. La preuve : nous corrigeons les erreurs matérielles qui portent atteinte à la langue de Molière et à la cohérence des dispositions précédemment votées.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous invite donc à soutenir le projet de loi.

M. Daniel Paul. Il s’agit en l’occurrence de rendre compréhensible l’alinéa premier de l’article.

M. le président. D’en supprimer une virgule !

M. Daniel Paul. Vous connaissez la fable, monsieur le président : « Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait ». Supprimez la virgule, et Perrette se retrouve sur la tête ! (Sourires.)

M. le président. Certes, et je n’ignore pas le sens de la ponctuation.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est un excellent amendement, monsieur Paul !

M. le président. La commission est-elle à une virgule près ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Après concertation avec le Gouvernement et le président de la commission, nous avons décidé d’accepter cet amendement, même si, comme c’est l’usage, cette erreur matérielle eût été corrigée par les services compétents.

M. Daniel Paul. « Un tiens vaut, dit-on, mieux que deux tu l’auras » !

M. le président. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88124 à 88145.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. À l’unanimité ! (Sourires.)

Vous avez la parole, monsieur Desallangre, pour défendre les vingt-deux amendements identiques nos 88168 à 88189.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements visent à la suppression de l’alinéa 2 de l’article, qui concerne les tarifs de l’énergie pour certains clients non domestiques, en l’occurrence les entreprises nouvellement installées sur leur site.

D’après l’alinéa 2, ces dernières n’auront en effet le droit de demander des tarifs réglementés que jusqu’en 2007. Elles devront recourir ensuite aux contrats et aux prix fixés par le marché. Comment expliquer cette disposition, sinon par la volonté du Gouvernement de distiller la concurrence par petits bouts ? Avec une telle mesure, à partir du 1er janvier 2008, plus aucun nouveau site ne pourra bénéficier du tarif réglementé.

Il s’agit donc bien pour le Gouvernement d’amorcer l’ouverture totale – car obligatoire – à la concurrence des marchés de l’énergie pour les clients non domestiques : l’alinéa 2 met fin, à demi-mots, au choix entre tarif régulé et prix du marché. Vos intentions sont claires, même si vous prévoyez des mesures à court terme pour satisfaire votre électorat. Si vous aviez réellement souhaité protéger les entreprises de la jungle des prix libres, vous n’auriez jamais introduit une disposition qui différencie les nouveaux et les anciens sites, mais au contraire supprimé l’alinéa relatif aux nouveaux sites qui figurait dans l’article 66 de la loi du 13 juillet 2005.

Nous demandons donc, tant qu’un bilan de la déréglementation du secteur de l’énergie n’aura pas été réalisé, le strict maintien des tarifs réglementés pour tous, et par conséquent la suppression de l’alinéa 2 de l’article, qui constitue une sérieuse entorse à ce principe. Cette suppression ferait d’ailleurs tomber l’alinéa 3.

Nos amendements visent une fois de plus à protéger les entreprises françaises, et je compte sur la sagesse de notre assemblée pour les adopter.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements nos 88168 à 88189.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les vingt-deux amendements identiques nos 88417 à 88438 sont-ils défendus, monsieur Paul ?

M. Daniel Paul. Nous défendons tous nos amendements, monsieur le président.

M. le président. Soit, mais on peut défendre un amendement… sans vraiment le défendre. (Sourires.)

M. Daniel Paul. Nous n’en sommes pas là. Comme l’a rappelé le président Bocquet, notre groupe a toutefois l’intention de s’en tenir à une seule intervention pour défendre chaque série d’amendements identiques.

Si l’on suit la logique interne de la directive, il s’agit de conduire une ouverture du marché permettant d’atteindre un certain nombre d’objectifs ambitieux. Le 17e considérant, par exemple, est ainsi rédigé : « Pour des raisons d’équité, de compétitivité et, indirectement, de création d’emplois, tous les secteurs de l’industrie et du commerce communautaires, et notamment les petites et moyennes entreprises, ainsi que tous les citoyens de la Communauté devraient pouvoir bénéficier le plus rapidement possible des avantages découlant du marché intérieur à la suite des gains d’efficacité dont bénéficieront les entreprises. »

L’objectif est donc clair : faire en sorte que l’ouverture du marché entraîne une baisse des prix du gaz, dont bénéficieront de fait l’ensemble des consommateurs. Nous n’aurons pas la mauvaise grâce de rappeler que, compte tenu de l’évolution des prix ces dernières années, nous sommes loin de cette orbite. L’aggravation des tensions, notamment au Moyen-Orient, ne fait qu’augmenter la spéculation et condamne les objectifs apparemment vertueux de la directive. Pourtant, les PME – au sens européen, c’est-à-dire les entreprises de moins de 250 salariés – et les entreprises artisanales souffrent autant que les usagers domestiques de cette tension permanente sur les prix, qui découle de l’application de principes spéculatifs au commerce des produits énergétiques. Il convient de les protéger pour atteindre une partie des objectifs énoncés par la directive elle-même.

Nos amendements visent donc à réécrire l’article 66 de la loi d’orientation de 2005 en faisant des tarifs réglementés le socle même de la tarification du service public de fourniture du gaz. Nous invitons l’Assemblée à les adopter.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements nos 88417 à 88438.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88190 à 88211.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous souhaitons rappeler par ces amendements notre attachement aux tarifs réglementés. En effet, la définition par les pouvoirs publics des tarifs du secteur énergétique se justifie au regard des enjeux de sécurité qui lui sont liés. Pour cette raison, à la Libération, les députés ont fait le choix, autour de Marcel Paul, de nationaliser les entreprises EDF et GDF. Corrélativement, cela signifiait que les tarifs appliqués aux particuliers comme aux professionnels étaient définis par le ministre chargé de l’énergie. Ce mécanisme a permis de maîtriser l’accès à cette ressource.

Depuis la première loi de libéralisation datant de 2000, le ministre fixe toujours les tarifs réglementés, mais sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, commission dont vous avez subitement découvert les limites et que vous avez tenté de bricoler à la hâte vendredi dernier.

Pourtant, depuis l’ouverture à la concurrence de ce secteur et l’ouverture du capital des entreprises énergétiques, nous savons que le ministre a grand peine à maîtriser la hausse demandée par l’entreprise, compte tenu notamment des exigences de rentabilité des actionnaires. Qu’en sera-t-il demain, quand la fusion avec Suez rendra les fonds de pension anglo-américains maîtres du jeu ?

Ces phénomènes devraient continuer à s’aggraver avec la volonté de votre majorité d’aller encore plus loin dans l’application des directives de la Commission européenne. En évoquant la Commission, je dois aussi vous dire mon inquiétude sur la position qu’elle adopte dans sa lettre de grief sur les tarifs réglementés ; elle appelle purement et simplement à leur suppression au nom de la libre concurrence. En France, cette volonté est relayée par la Commission de régulation de l’énergie, dont le rôle consiste principalement à faire de la place aux nouveaux entrants.

Les pratiques mêmes de l’entreprise nous incitent à rappeler notre attachement aux tarifs réglementés. Nous estimons en effet qu’il s’agit là de l’unique manière de garantir le service public de l’énergie, en permettant l’accès de tous à ce service, à un tarif accessible, établi en fonction des besoins et du coût de production plutôt que de la volonté des actionnaires d’accroître leurs dividendes.

Pour cette raison, nous souhaitons que les consommateurs domestiques et non domestiques bénéficient des tarifs réglementés, indépendamment de l’exercice de leur éligibilité. Tel est le sens de ces amendements.

M. le président. La commission est contre.

Le Gouvernement est contre.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88190 à 88211.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques nos 88212 à 88233.

M. Jacques Desallangre. Ils sont défendus.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre.

Je les mets aux voix.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88234 à 88255.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Il s’agit d’amendements de précision. J’en profite pour rappeler comment on met à mal des entreprises publiques.

Dans le domaine de l’énergie, on n’a pas dérogé à la règle. Tout d’abord, une intense campagne dénonce leur gestion, prétendument calamiteuse, leur budget, leurs effectifs pléthoriques et leur manque de modernité. Évidemment, on décide de comprimer les effectifs et on impose des critères de gestion qui ne peuvent que diminuer les performances des entreprises et les rendre impopulaires aux yeux de l’opinion publique.

Puis, on vante les mérites du marché, lequel instaurerait une saine émulation entre les acteurs économiques, développerait l’esprit d’initiative et la créativité, inciterait à la modernité et à l’efficacité.

Enfin, on légifère par étapes, en général par secteur, pour éviter que l’opposition ne tente de faire barrage : ici une filialisation progressive des entreprises de transport ferroviaire, là un démantèlement des entreprises énergétiques – on commence par le transport et on met la distribution en attente. Entre-temps, on s’occupe des entreprises postales. Le scénario n’est guère original et on l’applique à toutes les sauces, sans se soucier de sa pertinence économique, sociale et écologique.

C’est pourquoi nous avons demandé, dès le début, le rejet de ce texte qui, en poursuivant la déréglementation du secteur, met en péril l’accès à l’énergie. Nous remettons en cause l’article 4, parce qu’il induit un processus qui ne fera de bien ni aux usagers ni à notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88234 à 88255.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88146 à 88167.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. La question du droit à l'énergie est au cœur du débat qui nous anime.

Si l'on suit les attendus de la directive de 2003, qu'il nous est fortement conseillé de transposer par des dispositions du présent projet de loi, comment devons-nous nous situer ?

Revenons sur les objectifs et finalités de cette directive. Je cite les termes du considérant 18 : « Les consommateurs de gaz devraient pouvoir choisir librement leur fournisseur. Néanmoins, il convient également d'adopter une approche progressive pour l'achèvement du marché intérieur du gaz, avec une date limite déterminée, afin que les entreprises puissent s'adapter et que des mesures et régimes appropriés soient mis en place pour protéger les intérêts des consommateurs et faire en sorte qu'ils disposent d'un droit réel et effectif de choisir leur fournisseur. »

Je citerai également le considérant 26 de la directive : « Les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu'ils sont reliés au réseau de gaz, les clients soient informés de leur droit d'être approvisionnés en gaz naturel d'une qualité bien définie à des prix raisonnables. Les mesures prises par les États membres pour protéger le consommateur final peuvent différer selon qu'elles s'adressent aux ménages ou aux petites et moyennes entreprises. »

Qu’il s’agisse du gaz ou de l’électricité, une chose est d’ouvrir le marché à la concurrence pour les entreprises grosses consommatrices – c’est le cas des entreprises éligibles dans les premières années d'ouverture du marché –, une autre est de l'ouvrir en totalité, comme si les acteurs du marché avaient conscience des enjeux, mesuraient pleinement les conséquences de leurs choix et étaient égaux en droits.

À ceux qui disent que le marché est désormais ouvert, qu’on n’y peut rien – ce qui est très contestable – et qu’il ne reste plus qu’à réglementer, je serais tenté de dire que leur élan de générosité est louable, mais totalement inutile ! Je leur conseille de se reporter à l’avis de la Commission de Bruxelles : celle-ci se plaint d’une réglementation qui maintient un écart trop grand avec les prix du marché. Autrement dit, pour ne pas fausser la concurrence, il ne faut pas de prix réglementés ou, en tout cas, ceux-ci doivent se rapprocher progressivement des prix du marché. Cela signifie que le marché commande et que vos règles deviendront très rapidement un chiffon de papier face aux exigences de Bruxelles et, surtout, des fonds de pension anglo-américains !

Voilà ce qui justifie ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur Sandrier, votre préoccupation étant également la nôtre, vos amendements sont satisfaits par l’amendement que la commission a adopté à l’article 13.

M. Pierre Cohen. Vous anticipez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ils le seront lorsque l’Assemblée adoptera cet amendement à l’article 13.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88146 à 88167.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88256 à 88277.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88256 à 88277.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88278 à 88299.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Avec cet article, vous confortez l’ouverture à la concurrence.

Pourtant, ce qui s’est passé depuis quelques années en France et à l’étranger montre que l’on fait fausse route en persévérant dans la voie de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation du secteur énergétique. Nous continuons à réclamer un bilan précis de ce qui s’est passé dans ces pays.

En 1998, l’Allemagne a été la première à libéraliser à 100 % son marché de l’électricité et du gaz. Cela fait donc huit ans, et nous aurions pu nous intéresser à la façon dont les choses s’y sont passées. Cet empressement des autorités allemandes n’a pas pour autant été couronné de succès. En effet, si, légalement, entreprises et particuliers peuvent choisir leur fournisseur d’énergie, sur 50 millions de consommateurs, seulement 700 000 en ont changé.

Aujourd’hui, deux grandes compagnies produisent et transportent 80 % de l’énergie consommée. Je rappelle que l’Allemagne est le plus gros consommateur d’énergie en Europe. Avant la libéralisation, il y avait un seul fournisseur, qu’il s’agisse d’une régie municipale, d’un fournisseur régional ou national, qui disposait d’un monopole dans chaque localité. En introduisant une nouvelle contrainte, la concurrence remet en cause ces monopoles locaux. Il convient de sortir de son Land d’origine pour conquérir des marchés dans le reste du pays. Cela nécessite des investissements que les municipalités financent en ouvrant le capital des régies municipales au capital privé : celles-ci ont été pratiquement toutes transformées en sociétés anonymes, et les communes, comme les régies, ne conservent qu’un faible niveau de participation. Ce retrait des municipalités du capital, et donc des organes décisionnels des régies, n’est pas sans risque. Rappelons que les régies municipales ont un périmètre d’activité s’étendant bien au-delà de la fourniture d’énergie aux communes : elles gèrent également l’eau, le chauffage urbain, les déchets.

Attachés au mode d’organisation en régie, les syndicats et les usagers se sont mobilisés. Ainsi, à Düsseldorf, ils ont réuni suffisamment de signatures pour faire échouer la vente de la régie par la municipalité. Désormais, la loi allemande permet à qui le souhaite de vendre du courant, aux particuliers comme aux industriels. Les entreprises qui disposent du réseau de distribution sont donc dans l’obligation de le louer. L’Allemagne n’ayant pas instauré d’autorité de régulation, le prix de l’accès au réseau varie et un protectionnisme voilé s’est installé. Les compagnies propriétaires des réseaux de transport et de distribution exigent des droits de passage très élevés, quand elles ne refusent pas purement et simplement le passage, en prétextant, par exemple, une surcharge du réseau.

L’Allemagne connaît donc des difficultés pour ce qui est de la transposition de la directive européenne. Si l’Allemagne fait figure de bonne élève pour avoir été la première à libéraliser son marché de l’énergie à 100 %, elle n’a fait en réalité que s’engager dans la voie du protectionnisme.

L’exemple allemand doit nous conduire à observer une très grande prudence. Faute de ne pouvoir vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas voter ce projet de loi, décidons ensemble de n’avancer dans le processus de libéralisation qu’après avoir mesuré ses impacts réels à la lueur d’expériences menées dans d’autres pays.

M. Jacques Desallangre. Ce serait sage.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88278 à 88299.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88439 à 88460.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ces amendements tendent à permettre au consommateur non domestique de choisir à tout moment de bénéficier des tarifs réglementés.

Il est en effet particulièrement injuste qu’un nouvel arrivant sur un site soit lié par les choix du consommateur précédent. Nous souhaitons qu’il puisse, lors de son arrivée, décider s’il souhaite exercer ou non son éligibilité pour ce nouveau site. Cette possibilité est d’autant plus légitime que les tarifs sur le marché libre subissent une augmentation exorbitante depuis la libéralisation du secteur énergétique, alors que les tarifs réglementés restent relativement stables. En effet, en cinq ans, les tarifs régulés ont augmenté de 10 %, contre plus de 75 % pour ceux du marché libre.

Cette différence d’évolution s’explique par la confrontation de deux logiques, celle de la libre concurrence, régulée par la main invisible du marché – selon l’expression d’un économiste britannique – et celle de service public où l’État doit être garant de la satisfaction des droits de ses administrés.

Dans la logique de marché, supposée aboutir à une diminution des tarifs par l’émulation de la concurrence, c’est exactement l’inverse qui se passe. La pression exercée par les actionnaires ainsi que par les marchés financiers pousse les entreprises du secteur, non seulement à réduire leurs coûts en termes de personnel et de maintenance, mais également à augmenter les marges afin d’offrir des dividendes confortables aux actionnaires. Cet impératif du rendement et de la rentabilité maximale pousse les entreprises à s’agrandir pour augmenter les marges et à vouloir toujours plus. Tout ceci aboutit à des concentrations accrues d’entreprises et, pour finir, au remplacement de monopoles publics par des monopoles privés, tournés vers la satisfaction d’intérêts particuliers.

Comme l’objectif n’est plus de répondre à l’intérêt général, ce n’est plus de proposer des tarifs adaptés aux ressources des usagers, mais des tarifs permettant de répondre à la demande de dividendes des actionnaires.

Tout cela explique l’envolée des tarifs du secteur ouvert à la concurrence. Aujourd’hui, la différence entre les tarifs réglementés et les tarifs libres atteint même 66 %, selon le cabinet d’études Nus Consulting.

Nous estimons pour notre part que les usagers du service public de l’énergie ne doivent pas faire les frais des dérives du libéralisme à tout crin imposé par la Commission européenne et appliqué, il faut le dire, avec un zèle tout particulier par votre gouvernement depuis bientôt cinq années.

Ainsi, nous souhaitons par cet amendement permettre que les consommateurs non domestiques puissent retourner aux tarifs réglementés à tout moment, s’ils le souhaitent.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88439 à 88460.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 88461 à 88482.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.

En effet, nous souhaitons qu’un consommateur qui arrive sur un site ne subisse pas les choix faits par le précédent consommateur. Le choix du fournisseur énergétique doit reposer sur la liberté contractuelle. Nous ne comprenons d’ailleurs pas que vous imposiez par la loi l’irréversibilité de l’exercice de l’éligibilité des consommateurs non domestiques sur le marché, alors même que, selon le dogme libéral, cette libéralisation se fait dans l’intérêt même des consommateurs par un mécanisme de baisse des prix due au jeu de la concurrence.

Pourquoi tant de précautions, pourquoi piéger le consommateur dans un choix si celui-ci le regrette ? C’est un procédé qui n’est pas acceptable. D’autant plus inacceptable que, je le rappelle, l’énergie est un bien de première nécessité, un bien vital. C’est pourquoi nous souhaitons laisser toute liberté aux consommateurs finals non domestiques.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88461 à 88482.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant les séries d’amendements identiques du n° 88300 au n° 88409.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Il s’agit d’insérer, après l’alinéa 2 de l’article 4, l’alinéa suivant : « En cas de difficultés économiques, un client non domestique qui aurait fait usage de la faculté prévue au I de l’article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ou au 2° de l’article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 peut revenir s’il le souhaite aux tarifs réglementés. »

Cet amendement que nous vous soumettons a pour objectif de renforcer la compétitivité des entreprises, et je pense qu’il emportera votre adhésion.

En effet, nous proposons que, lorsque des entreprises sont confrontées à des difficultés économiques majeures mettant en cause leur pérennité, elles puissent, si elles le désirent, revenir aux tarifs réglementés. Actuellement, il est bon de noter que l’écart entre les tarifs réglementés et les tarifs libres atteint 66 %. Vous conviendrez qu’il serait franchement utile pour les entreprises concernées de pouvoir revenir aux tarifs réglementés et, ainsi, réduire leurs dépenses énergétiques de 66 %. Souvent, cette facture énergétique entre pour une part prépondérante dans la constitution du prix de revient de leurs produits.

Dans ce cas, nous ne pouvons admettre, comme vous le prévoyez en quelque sorte, le maintien de sous-tarifs réglementés. Dans deux ans, les questions resteront les mêmes. Comment accepter que les consommateurs qui ont fait confiance au choix du Gouvernement en matière énergétique se trouvent épuisés financièrement afin que les actionnaires puissent toucher toujours plus de dividendes ? C’est inacceptable.

Dans le cadre d’une politique d’aide à l’emploi, de croissance, il ne faut pas faire payer aux entreprises un choix qu’elles auraient pu faire et qui ne se révélerait pas être le bon.

Nous souhaitons donc que les entreprises qui connaissent de graves difficultés puissent, et c’est bien normal, retourner aux tarifs réglementés.

Les autres amendements permettent le retour des consommateurs aux tarifs réglementés lorsqu’ils sont confrontés à des redressements judiciaires, à des conflits armés, à des catastrophes naturelles et à des propositions des représentants des salariés.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre.

Je mets aux voix les amendements nos 88300 à 88409.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, n°s 88906 à 88927.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Il s’agit d’un amendement important dans la mesure où il souhaite introduire un devoir d’information incombant aux entreprises énergétiques s’agissant de l’article 66 de la loi de 2005. En effet, il nous paraît fondamental de garantir que les usagers exercent l’éligibilité de manière libre et non parce que cela leur paraît inévitable. De plus, je rappelle que les entreprises énergétiques ont tout intérêt à pousser les consommateurs hors des tarifs réglementés puisque, ensuite, ils ne peuvent y revenir.

GDF s’est particulièrement distingué, dès la loi de 2004, en donnant comme directives à ses commerciaux de ne pas proposer les tarifs administrés et de n’accepter que sur demande écrite ces changements de tarifs. Actuellement, la consigne donnée aux commerciaux est de ne traiter aucun dossier de client demandant le tarif administré, même si cela les mène à la concurrence.

Eu égard à ces pratiques commerciales, il semble nécessaire de garantir juridiquement le droit d’information des consommateurs, afin de leur permettre d’exercer librement leur éligibilité. Si ces pratiques existent, elles servent à pallier le manque d’attractivité des tarifs dits libres. En effet, on constate que, sur cinq années, l’augmentation des tarifs réglementés excède à peine les 10 %, alors même que ceux dits libres dépassent souvent les 75 %, le Danemark et la Grande-Bretagne enregistrant même des augmentations encore plus importantes.

Cela explique que, aujourd’hui, près de trois consommateurs sur quatre se disent peu convaincus d’exercer leur éligibilité. Pourquoi alors cet amendement, me répondrez-vous. Nous souhaitons que les consommateurs ne soient pas contraints de passer aux tarifs dits libres sans leur complet consentement. Tel est le sens de cet amendement qui tend à garantir un droit d’information aux consommateurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pour répondre à M. Paul, la commission des affaires économiques a également adopté un amendement à l’article 13 qui, s’il est adopté, lui donnera totalement satisfaction.

Je rappelle que notre dispositif prévoit, premièrement, que les opérateurs historiques doivent proposer le tarif réglementé aux personnes qui y ont droit ; deuxièmement, que ce tarif s’appliquera de droit, sauf renonciation expresse ; troisièmement, qu’une mention spécifique apparaîtra, informant le consommateur que, s’il quitte le tarif, il ne pourra pas y revenir. Je pense donc que les préoccupations de notre collègue trouveront une réponse adaptée.

M. Daniel Paul. On verra le moment venu !

M. le président. Le Gouvernement est contre.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88906 à 88927.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-six amendements identiques, n°s 88540, 31679, 31699, 88483 à 88504 et 137542.

Les amendements n°s 31679 de M. Grosdidier et 31699 de M. Meyer ne sont pas défendus.

Je constate que MM. Herth et Saddier ne sont pas présents pour soutenir leur amendement n° 137542.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 88540.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il s’agit là d’une disposition très importante.

Le projet de loi prévoit que, pour les consommateurs non domestiques, les tarifs cesseront de s’appliquer à compter du 31 décembre 2007. Nous avons souhaité le maintien des tarifs réglementés, y compris pour les entreprises et les professionnels s’agissant de nouveaux sites, lorsqu’une entreprise s’installe ou délocalise ses activités. par exemple.

Ainsi, nous avons, avec Patrick Ollier, présenté une solution qui répond parfaitement aux préoccupations exprimées par les entreprises. Cette disposition donne satisfaction à un certain nombre de nos collègues, ainsi qu’à la commission des finances, et peut réunir une bonne partie de l’Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est un très bon amendement.

Les directives européennes imposent de rendre possible l’éligibilité, mais elles s’arrêtent là. Le texte prévu dans le projet de loi est un peu limitatif quant à la possibilité de maintenir le tarif réglementé. Nous souhaitons en effet que ce tarif soit maintenu de façon pérenne.

Le Gouvernement soutient cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cette proposition est constructive, mais si la totalité de l’alinéa est supprimée, la référence aux nouveaux sites est supprimée. Je voudrais donc être sûr que cela est conforme à la volonté exprimée.

Par ailleurs, j’aimerais donner l’exemple d’une entreprise qui va sur un nouveau site. Deux cas de figure existent : soit le site est tout neuf ; soit il a une histoire par rapport au tarif, un autre industriel y ayant fait valoir son éligibilité. Il faudrait préciser le régime qui s’applique dans chaque cas.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur Brottes, il s’agit bien des nouveaux sites. Il suffit de lire l’alinéa qui précède pour avoir la réponse à votre question. (« Où ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Lisez l’article 66 de la loi de 2005.

M. François Brottes. Vous êtes là pour vous expliquer !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je vous précise que la disposition qui figure à l’alinéa précédent confirme que c’est bien pour un nouveau site et que la suppression de l’alinéa faisant référence au 31 décembre 2007 ne remet pas en cause le fait que cela s’applique bien à un nouveau site.

En revanche, sur la seconde question, il faut être très précis. Par nouveau site, on entend une entreprise qui, par exemple, construit un nouveau bâtiment, un nouveau site. En revanche, une entreprise s’installant dans des locaux où l’entreprise précédente a quitté le tarif pour aller sur le marché se verra dans l’obligation de se conformer au choix opéré avant elle et sera donc au prix du marché.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Saisie pour avis, la commission des finances s’est intéressée à la problématique des nouveaux sites et a adopté, sur mon initiative, un amendement n° 88412 qui va, de facto, se trouver satisfait par la disposition de la commission des affaires économiques. Celle-ci répond d’ailleurs aux préoccupations qu’exprimait notre collègue François Brottes. Nous sommes donc favorables à cet amendement et le nôtre, étant satisfait, tomberait.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Le rapporteur de la commission ne nous a pas complètement − ou nous a trop bien − éclairés. Si je comprends bien, lorsqu’un industriel achète un entrepôt dont le propriétaire précédent avait fait jouer son éligibilité, il ne peut pas revenir au tarif administré. (« C’est ce qu’il a dit ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi, cela revient presque à grever le bâtiment d’une hypothèque, qui n’est inscrite nulle part.

M. Pierre Cohen. C’est une rente de situation !

M. Jean Gaubert. Cela risque de déboucher assez rapidement sur des conflits entre le vendeur et l’acheteur. Comme, dans le monde industriel, un rachat fait parfois suite à un dépôt de bilan ou à une faillite, comme il intervient après qu’ont été pris des leasings ou des crédits-bails, le responsable de l’opération peut ne pas être bien identifié. Nous risquons de rencontrer quelques difficultés : il aurait été nécessaire d’éclairer complètement l’Assemblée et de préciser davantage ce que l’on entend par site éligible ou non éligible. Du reste, il ne faudrait pas dire « éligible » ou « non éligible », mais « condamné » ou « non condamné à payer plus cher », car ce sera bel et bien ce qui se passera.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En effet, le débat doit permettre d’éclairer complètement l’Assemblée. Nous l’avons déjà dit, la notion de couple site/personne, que l’on a prévue pour les particuliers, ne s’applique pas aux professionnels. Lorsqu’un boucher qui a fait jouer son éligibilité vend à un autre boucher qui poursuit l’activité, le successeur est dans la même configuration : ce sont les prix et pas le tarif. En revanche, lorsqu’un boucher vend à un commerçant qui exerce une autre activité − la confection, par exemple −, il y a changement de SIRET et la nouvelle activité permet de revenir au tarif. Il en va de même pour un local industriel : lorsqu’un ferronnier est remplacé par un marchand de meubles, il y a changement de SIRET et le droit au retour au tarif est ouvert.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet échange est extrêmement intéressant, car il a le mérite de préciser l’application du texte. Je n’y ai pas vu la précision que vous venez d’apporter, monsieur le rapporteur, mais il est bon que vous la donniez, car vos déclarations, publiées au Journal officiel, permettront de traiter correctement les difficultés que nous ne manquerons pas de rencontrer lorsque les transferts de contrat seront impossibles. Si je comprends bien, ceux qui rachèteront un fonds de commerce et poursuivront la même activité seront condamnés à conserver l’éligibilité pour quelques années. N’est-ce pas là compromettre un peu plus la transmission d’entreprises et d’activités commerciales ou industrielles ? On sait pourtant − et M. le ministre mieux que quiconque − que la grosse difficulté que rencontrent les PME et les PMI, c’est le passage de témoin entre les générations. Il sera sans doute un peu plus dur de trouver un repreneur pour certains sites plombés par les choix de leurs propriétaires qui, par enthousiasme pour le marché, seront sortis du tarif réglementé, condamnant leurs successeurs à rester dans cette situation.

Vous proposez que les particuliers soient affranchis de cette règle : une personne emménageant dans un logement qui aura quitté le tarif − après le 1er juillet, puisque, aujourd’hui, le cas n’existe pas, sauf dans les copropriétés avec réseaux de chaleur − aura le droit de revenir au tarif. Vous venez de le dire et je crois avoir bien interprété vos propos. Pourquoi consentir ce droit au particulier et le refuser aux industriels, commerçants et autres activités tertiaires pour lesquelles le problème de la reprise d’activité est majeur ? Qu’est-ce qui vous empêche d’aller au bout de votre logique ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cette question a été débattue entre nous, en présence du président de la commission. Notre souhait était, dans un premier temps, d’étendre la notion de couple site/personne aux professionnels, c’est-à-dire aux petites entreprises, à celles qui ont un contrat de moins de 36 kVA. Le problème, c’est qu’il fallait éviter un effet de seuil et des abus, voire des fraudes. Cela est facile pour une personne physique, dont l’identité est affichée de sa naissance à son décès. Un individu ne peut pas changer d’identité, alors qu’il suffit qu’une entreprise change de raison sociale pour changer d’identité. Il y avait là une voie qui pouvait être empruntée pour contourner le dispositif.

Je ne vous le cache pas, je souhaite à titre personnel que le débat que nous avons ouvert sur ce point avec le Gouvernement puisse se poursuivre, notamment au Sénat, car, pour le moment, la commission n’a pas arrêté de proposition. Je ne verrais quant à moi que des avantages à ce que cette solution soit offerte aux professionnels, c’est-à-dire aux toutes petites entreprises indépendantes.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Bonne formule !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Pour compliquer encore la question, monsieur le rapporteur, je ferai remarquer qu’on peut exercer plusieurs types d’activité. Je pense par exemple à la restauration. La restauration rapide et la restauration sur place ne se plient pas tout à fait aux mêmes contraintes. Imaginons que je sois dans la restauration sur place − où l’on s’assoit pour consommer −, que je sois passé aux prix du marché et que j’arrête mon activité : si je vends mon restaurant…

M. Bernard Schreiner. C’est du capitalisme !

M. Daniel Paul. …et que mon successeur veut faire de la restauration rapide, aura-t-il le droit de retourner au tarif régulé ? On a reconnu que, en matière de TVA, par exemple, ce n’était pas la même chose de consommer sur place ou d’emporter son casse-croûte.

Je rappelle une autre difficulté, celle des communes. Une municipalité à majorité de droite…

M. Bernard Schreiner. Une bonne municipalité !

M. Daniel Paul. …décide de profiter du texte de loi que vous allez voter pour choisir de quitter le régulé.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pourquoi « à majorité de droite » ?

M. Daniel Paul. Une municipalité de gauche lui succède aux élections suivantes.

M. Daniel Mach. Science-fiction !

M. Bernard Schreiner. Catastrophe !

M. Pierre Cohen. Pas pour la commune !

M. Daniel Paul. Doit-elle assumer ad vitam aeternam l’erreur qui a été commise par l’équipe précédente ou ne doit-on pas considérer qu’il y a là une possibilité de revenir au tarif régulé ? La plupart du temps, lorsqu’une succession présente des difficultés de cet ordre, elles sont résolues par une augmentation des impôts locaux.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est une mairie de gauche, alors !

M. Daniel Paul. Mais, ici, ce n’est pas ponctuel, cela ne va pas se régler en quelques années : le texte prévoit que c’est pour toujours. Ne peut-on pas considérer qu’une erreur commise par une équipe ne doit pas condamner la collectivité à pâtir d’une telle aventure jusqu’à la fin des temps ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je m’étais rendu compte, à l’occasion du débat sur la loi de 2004, que nombre de collectivités étaient fort intéressées par des explications de texte, pour bien comprendre la lecture qu’il fallait faire des dispositions que nous avions adoptées. Je profite donc de l’occasion qui m’est donnée et des questions posées par M. Paul pour répondre très clairement sur ce point. Dans le cas d’une entreprise, ce qui peut changer, c’est l’identité de l’entreprise, le numéro de SIRET. Je ne peux répondre avec précision sur le cas de la restauration sur place et de la restauration à emporter. S’il y a changement de SIRET, il est possible de recouvrer ses droits au tarif.

En ce qui concerne les collectivités locales, je rappelle qu’il y a autant de sites que de bâtiments. La collectivité locale n’est donc pas considérée comme un client unique, puisqu’il y a autant de clients que de sites. Vous avez posé la question du retour au tarif pour des élus qui auraient commis l’erreur d’aller sur le marché des prix, alors qu’ils auraient pu rester au tarif. Je me permets de vous rappeler que, pour l’instant, à ma connaissance, un seul établissement public rattaché à une collectivité peut bénéficier du tarif transitoire que nous avons créé : le CHU de Besançon. Voilà la réponse que l’on peut apporter à propos de certains errements qui ont été constatés.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas une réponse !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. L’article 4 a été rédigé pour corriger l’article 66 de la loi de 2005, dont un alinéa dispose que, « pour les nouveaux sites de consommation, les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2007 ». L’amendement supprime cette date limite, sans − j’en conviens − dissiper l’ambiguïté sur la possibilité et les conditions d’un retour au tarif. On peut évidemment se poser aussi cette question-là, mais l’amendement ne traite que de la date limite et de la prolongation du dispositif qui permet à un nouveau site de bénéficier du tarif.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. On nous a accusés − quoique un peu moins cette semaine − de faire durer le débat. Chacun comprend bien que ces textes appellent des explications.

M. le président. Monsieur Gaubert, je vous ai laissé demander toutes les explications que vous souhaitiez.

M. Jean Gaubert. Je n’en doute pas, monsieur le président, je me contente de rappeler quelques éléments du débat. Ce n’est pas toujours pour le plaisir que nous sommes dans cet hémicycle, mais certaines questions se posent et méritent d’être traitées. Dans le cas présent, je voudrais dire très respectueusement à M. le rapporteur que j’ai beau lire et relire l’article, je n’y trouve aucune allusion au numéro de SIRET. L’article précise seulement : « à la condition qu’il n’ait pas été fait précédemment usage de cette faculté, pour ce site, par ce consommateur ou par une autre personne », ce qui n’implique en rien un changement d’activité.

Je préfère me raccrocher à la réponse que vous avez faite lorsque vous avez dit que, pour l’instant, ce n’était pas très clair et qu’il allait falloir éclaircir le dispositif − ce qu’a dit aussi M. le ministre, ou, en tout cas, ce que j’ai compris qu’il avait dit. C’est dans cette direction qu’il faut fouiller. Sinon, à partir du moment où quelqu’un aura déjà fait jouer l’éligibilité pour un bâtiment, on ne pourra plus revenir en arrière. Daniel Paul a évoqué à ce propos le cas d’une municipalité : le fait que chaque site représente un client ne change rien du tout, car, d’une façon générale, lorsque les municipalités lancent un appel d’offres, c’est pour l’ensemble de leurs sites.

Il faut que l’on sache si un repreneur, qui « héritera » d’un bâtiment qui relevait déjà de l’éligibilité, pourra ou non revenir au tarif administré s’il prend une autre raison sociale, et pas simplement un autre numéro de SIRET, voire s’il adopte un autre objectif politique dans le cas d’une municipalité.

On peut comprendre que vous n’ayez pas de véritable réponse à ce problème aujourd’hui, mais alors mieux vaut le dire et permettre de le reprendre au Sénat et en deuxième lecture ici.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’observe que si cet amendement était adopté, un certain nombre d’autres ne seraient pas débattus.

M. le président. Vous avez un très bon sens de l’observation ! Vous comprendrez dans ces conditions mon impatience... (Sourires.)

M. François Brottes. Et pour ce qui me concerne, mon souhait de revenir sur la modification de l’article 66 de la loi d’orientation de 2005.

Serge Poignant m’ayant demandé pourquoi nous n’avions pas déposé d’amendements lorsque ce point du projet de loi d’orientation sur l’énergie était venu en discussion, je me suis livré à une petite recherche. Il s’avère que cet article 66 a été introduit en deuxième lecture sous forme d’amendement rectifié, ce qui signifie d’ailleurs que l’accouchement de ce dernier, qui portait le numéro 406 rectifié, avait été difficile.

Signé par MM. Ollier, Poignant, Gonnot et Lenoir – encore une fois, il serait intéressant que M. Gonnot nous rejoigne pour débattre – cet amendement rectifié précise en conclusion de l’exposé des motifs – comme quoi, monsieur Poignant, il faut toujours se méfier lorsque l’on présente des amendements – qu’« aucun consommateur ne doit être contraint de perdre le bénéfice du tarif réglementé » ; je fais grâce du reste.

Qu’il me soit permis à ce propos de rappeler que cet amendement rectifié nous est arrivé en séance, au cours de la deuxième lecture, rendant pratiquement impossible tout dépôt d’autres amendements sur le sujet. Aussi votre remarque, monsieur Poignant, n’était-elle pas très correcte.

Cette mise au point sur la technique procédurale étant faite, force m’est de constater que cet exposé des motifs était faux puisque, aujourd’hui, on en est réduit à essayer d’empêcher que certains consommateurs soient contraints de perdre le bénéfice du tarif réglementé. Voilà à quoi l’on s’expose, à réécrire sans cesse l’histoire !

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je souhaite répondre à M. Brottes puisqu’il m’a interpellé.

M. François Brottes. En votre qualité de rapporteur du projet de loi d’orientation !

M. Serge Poignant. M. Brottes me fait un procès d’intention, au prétexte que je n’aurais pas dû lui reprocher de ne pas avoir déposé d’amendements.

Certes, l’article en question a été introduit par amendement.

M. François Brottes. En deuxième lecture !

M. Serge Poignant. Mais rien ne vous empêchait de déposer votre propre amendement si vous le jugiez utile.

M. François Brottes. Il n’aurait pas été recevable !

M. Serge Poignant. Nous n’allons tout de même pas nous battre pour autant !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88540.

(L'amendement est adopté.)

En conséquence de cette adoption, les amendements nos 31679, 31699, 88483 à 88504, 137542, 88412, 137529, 137531, 137530 et 88598 à 88861 tombent.

Je suis saisi de 149 amendements identiques, nos 4869 rectifié à 5018 rectifié.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Les conséquences du vote qui vient d’intervenir donnent raison à ma vigilance – que vous aviez d’ailleurs soulignée, monsieur le président !

L’amendement n° 4869 rectifié tend à insérer, à l’article 4 du projet, un nouvel alinéa après l’alinéa 3, même si celui-ci n’existe plus.

Une fois de plus – mais ici de manière encore plus logique –, il a pour objet de préciser la définition des tarifs réglementés de vente de l’électricité, en rappelant que ces derniers « représentent les coûts de production et d’acheminement de l’électricité en se basant sur le coût de revient des installations existantes » – élaboré en fonction de l’état de ces installations – « et sur le coût des investissements futurs », puisqu’il faut bien intégrer le renouvellement des sites de production.

En revanche, il convient selon nous d’exclure, pour définir le tarif réglementé, les dividendes des actionnaires privés qui auront intégré le capital ouvert d’Électricité de France. Notre crainte est en effet de voir les tarifs augmenter du fait de l’intégration dans les coûts d’EDF, d’une part, de la distribution de dividendes et, d’autre part, de la charge nouvelle que représentera le tarif de retour. Il y aura donc une augmentation mécanique des tarifs pour l’ensemble des ménages et pour tous les bénéficiaires du tarif réglementé, sachant, on l’aura compris aux explications courageuses mais floues tant du rapporteur que du ministre, qu’il sera quelque peu compliqué pour les industriels qui déménagent de conserver le tarif réglementé.

Telles sont les raisons pour lesquelles je présente, sans abuser du temps de l’Assemblée, le premier amendement de cette série.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le paragraphe 2 de l’article 4 de la loi de 2000 donne déjà satisfaction à nos collègues.

C’est la raison pour laquelle ces amendements ont été repoussés par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je m’étonne de la réponse de M. le rapporteur.

Si une telle rédaction de l’article 4 en question nous a échappé, cela signifie qu’elle a également échappé à la CRE, elle qui répète à qui veut l’entendre que le tarif réglementé devra se rapprocher du prix du marché. Voilà d’ailleurs pourquoi il nous a paru nécessaire de définir le tarif réglementé. Si vous êtes d’accord avec nous, pourquoi ne pas voter cet amendement ?

A-t-on fait un faux procès à la majorité en considérant qu’elle était prête à suivre la CRE dans l’idée que le tarif réglementé devrait s’éteindre en se rapprochant du prix du marché,...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La réponse est évidente : c’est oui !

M. Jean Gaubert. ...ou va-t-elle voter cet amendement qui permettrait de sauvegarder ce tarif ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Bavardage !

M. Jean Gaubert. Pas du tout ! Il s’agit d’un point essentiel !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La réponse figure dans la loi.

M. Jean Gaubert. Et la CRE ne le saurait pas ?

M. Pierre Ducout. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. M. Brottes et M. Gaubert se sont déjà exprimés, monsieur Ducout.

M. Pierre Ducout. Je souhaite intervenir également, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Ducout, mais je crains que cela ne serve pas à grand-chose.

M. Pierre Ducout. La précision que nous souhaitons apporter me semble pourtant essentielle au regard de la position de la CRE, qui estime qu’à terme les tarifs réglementés disparaîtront en se rapprochant des prix du marché.

Ainsi que je l’indiquais dans mon intervention sur l’article 4, la détermination de ces tarifs doit prendre en compte les amortissements et les provisions pour investissements futurs, alors que la CRE prendra sans doute aussi en compte dans son mode de calcul une juste rémunération des capitaux.

Il faut donc garantir à la fois un système de dépenses contrôlées et, face à des entreprises susceptibles de devenir privées, les conditions du financement des investissements futurs, tout en évitant les dérapages dans la présentation du prix de revient. Nous savons d’expérience – je pense là en particulier à l’ouverture du marché des télécommunications – qu’il convient de préciser clairement comment sont calculés les tarifs réglementés et d’affirmer la responsabilité de l’État dans le processus. Il ne faut pas que celui-ci, dans des conditions plus ou moins bien définies, puisse accepter une augmentation simplement pour rendre attractive l’ouverture de telle ou telle entreprise.

Nous avions voté, avec la loi de 2000, une programmation pluriannuelle des investissements. Ceux-ci sont indispensables du fait des prix de l’énergie qui augmentent aujourd’hui fortement. Se fonder simplement sur le marché pour décider des investissements, peut conduire à une situation de pénurie. Voilà pourquoi nos amendements sont indispensables.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Le tarif réglementé est bien un enjeu. Dès lors que l’on a permis à des entreprises d’en sortir, il devient en effet l’élément de référence pour établir le tarif de retour, ou nouveau tarif.

Le président de la commission des affaires économiques lui-même a dit hier au rapporteur, à l’occasion d’échanges musclés au cours de la discussion de certains amendements, que faire financer la différence entre les deux tarifs par les entreprises productrices, c’était nécessairement aller vers une augmentation du tarif réglementé pour qu’il rejoigne le prix du marché. Nous pensons donc que la CRE doit être encadrée dans les propositions de tarif réglementé qu’elle fera au ministre.

Il nous semble important, dans ces conditions, que l’on débatte de la façon dont la CRE élaborera ses propositions, et c’est pourquoi nous avons déposé ces amendements afin d’apporter des précisions concernant le tarif réglementé.

L’enjeu est donc clair : pensez-vous que le tarif réglementé – ce qui est certainement le cas puisque vous le prenez comme référence – doit être préservé, transparent, et résulter de calculs objectifs ? Il convient en effet d’éviter toute volonté politique qui tendrait à ce que le tarif du marché et le tarif réglementé soient le même.

M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets aux voix par un seul vote les 149 amendements identiques nos 4869 rectifié à 5018 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements nos 5019 à 5168.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je sais, monsieur le président, que vous avez, comme nous-mêmes, le souci que nos débats ne soient pas trop fastidieux, dans le souci de la bonne compréhension de tous ceux qui les suivent.

M. Lenoir a proposé de modifier la composition de la Commission de régulation de l’énergie pour qu’elle accueille des parlementaires – deux députés et deux sénateurs. J’imagine, ainsi que cela a d’ailleurs été évoqué, qu’ils seront issus à parité de la majorité et de l’opposition, quelles que soient ces dernières.

M. le président. C’est une règle que j’ai toujours appliquée en tant que président.

M. François Brottes. Je vous en sais gré. C’est pour cela qu’il est bon que nous soyons passés d’un à deux députés, car un seul ne pouvait que sombrer dans la schizophrénie !

Imaginons, monsieur le rapporteur, hypothèse d’école, que, compte tenu de vos qualités, de votre expérience et de votre expertise sur ce dossier, vous soyez désigné pour siéger dans la nouvelle Commission de régulation de l’énergie et que la question du tarif réglementé du gaz vienne sur la table. Vous avez autour de vous des gens qui ont déjà siégé, qui ont une certaine pratique, le représentant des consommateurs, le représentant du Conseil économique et social, mais vous savez pertinemment, comme beaucoup d’autres, qu’en gros 92 % du prix du gaz est difficilement compressible. Je crois me souvenir que 45 % du prix correspond au stockage, au transport, à la distribution, et que le reste est lié aux approvisionnements. Seuls 8 % portent sur le service et la commercialisation, et c’est seulement là-dessus qu’on peut essayer de faire de la marge.

Dans ce contexte, nous avons à considérer par exemple l’évolution de la recherche d’acquisition de champs gaziers. On nous dit que c’est le grand dessein de la fusion GDF-Suez, que cela fait partie des objectifs, mais nous n’en avons pas encore vu la couleur. Nous avons également à prendre en compte la flotte du gaz naturel liquéfié transformé par des bateaux, qui sont en quelque sorte des tuyaux flottants à travers le monde, ils ont aussi un coût en investissement et en fonctionnement.

Dans le cas de figure où vous siégeriez à la Commission de régulation, j’aimerais savoir quels éléments vous demanderiez aux autres membres de la CRE de prendre en considération pour élaborer le tarif réglementé dans ce nouveau contexte. C’est un cas d’école mais cela permet de bien illustrer le problème. Au lieu de vous contenter de nous répondre que la réponse figure déjà dans la loi, comme vous venez de le faire, je souhaiterais que vous puissiez, au vu des éléments concrets que j’évoque, vous prêtez à cet exercice, moins virtuel qu’il n’en a l’air.

Nous, nous faisons une proposition pour préciser ce que nous mettons derrière les tarifs réglementés, mais peut-être n’avons-nous pas tout prévu, auquel cas il serait bon qu’un député susceptible de siéger à la Commission de régulation nous fasse part de ce qu’il dirait s’il était assis autour de la table et que la question du contenu des tarifs réglementés était abordée.

M. le président. D’autres signataires d’amendements souhaitent-ils s’exprimer ?..

M. François Brottes. Nous pourrons répondre ?

M. le président. Oui, mais, théoriquement, il y a deux réponses, une à la commission, une au Gouvernement.

Mais, pour les nominations dans les commissions, j’espère que mes successeurs feront comme moi.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements car ils sont déjà satisfaits par l’article 7 de la loi de 2003, qui est le pendant de l’article 4 de la loi de 2000 pour l’électricité, pour lequel j’ai apporté un élément de réponse tout à l’heure.

M. Brottes me propose un jeu de rôle. Franchement, je n’ai pas du tout envie de participer à ce jeu. Je dirai simplement que si proposition m’était faite de siéger à la Commission de régulation de l’énergie, j’en serais immensément flatté. Toutefois, je préside déjà le Conseil supérieur de l’énergie.

M. Xavier de Roux. Que de charges !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je pense donc que je déclinerais cette proposition, ou alors il faudrait que je quitte la présidence d’un organisme auquel je tiens beaucoup. Je ne souhaite pas en dire plus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. J’ai sous les yeux le texte de l’article 7 de la loi de 2003. Il est beaucoup plus exhaustif que les amendements qui nous sont proposés. Il permet tout à fait d’établir les tarifs du secteur du gaz. Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Entrent dans la composition du prix du gaz un certain nombre d’éléments, dont les méthaniers. Je suppose qu’est également pris en compte le fait de disposer d’un terminal pour les méthaniers. Il se trouve que la presse havraise a fait état, depuis déjà plusieurs mois, d’un projet d’installation sur le port d’Antifer, là où arrivent les plus grands pétroliers du monde, d’un terminal méthanier.

M. Bernard Schreiner. C’est bien !

M. Daniel Paul. L’aménagement est ouvert à la concurrence par les autorités portuaires havraises, le port autonome.

Je voudrais savoir, monsieur le ministre, si l’entreprise Gaz de France, pour le moment encore publique, sera bien candidate à l’aménagement de ce terminal méthanier, qui devrait, si les éléments contenus dans la presse spécialisée sont exacts, être le plus gros terminal méthanier de France, plus gros que tous ceux qui sont aménagés actuellement, parce qu’idéalement placé. Il semble que le conseil d’administration du port doive choisir dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, l’entreprise qui sera adjudicataire de ce marché qui s’annonce énorme. Il s’agit en effet de construire de nouvelles digues sur le port d’Antifer, d’installer de nouvelles protections afin de pouvoir accueillir les plus gros méthaniers du monde, ceux qui sont capables de transporter jusqu’à 150 000 tonnes de méthane et qui traversent l’Atlantique en regardant, à babord, si les tarifs de Boston sont intéressants ou, à tribord, si les tarifs de Montoir-de-Bretagne et éventuellement, demain, du Havre-Antifer, sont plus intéressants, pour corriger leur route en fonction de ces données.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Monsieur Paul, il s’agit d’une affaire havraise.

M. Daniel Paul. Non !

M. Jacques Desallangre. Pas ça !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous me demandez de vous donner des éléments sur un appel d’offres lancé par le port du Havre, mais je ne suis pas habilité à le faire. D’ailleurs, je ne sais pas quelles sont les données de cet appel d’offres.

M. Jacques Desallangre. Il n’y a rien de secret là-dedans !

M. le ministre délégué à l’industrie. Les plis ne sont pas encore ouverts. Vous me demandez des choses que je ne sais pas.

M. Jacques Desallangre. Vous êtes actionnaire !

M. le ministre délégué à l’industrie. M. Brottes m’avait autorisé au début des débats à répondre de temps en temps que je ne savais pas. (Sourires .)

M. Bernard Schreiner. C’est une question piège !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. En effet, monsieur le ministre, dire qu’on ne sait pas éclaire parfois le débat et on n’est pas obligé de tout savoir. Simplement, il est bon d’acter que des questions restent sans réponse.

M. Bernard Schreiner. Le ministre est courageux !

M. François Brottes. Les réponses peuvent aussi venir un peu plus tard dans le débat.

Monsieur le rapporteur, je ne vous ai pas invité à un jeu de rôle. Vous caricaturez mon propos. J’essaie simplement de faire un peu de pédagogie pour essayer de savoir quels postes seraient importants et quels postes ne le seraient pas. La loi, à laquelle vous nous renvoyez, dispose que « les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts qui leur sont liés. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts, à l’exclusion de toute subvention en faveur des clients éligibles ».

Qu’intègre-t-on exactement dans les coûts intrinsèques des fournitures, notamment en ce qui concerne l’amont en gazier ? Cette question mérite que la représentation nationale éclaire la Commission de régulation, qui siégera avec vous ou sans vous, monsieur Lenoir, puisque vous avez indiqué que vous étiez très occupé et que vous seriez très honoré mais que, pour autant, vous ne pourriez peut-être pas accepter.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous pourriez y siéger, vous.

M. François Brottes. Nos débats peuvent éclairer la manière dont la Commission de régulation va s’employer à analyser ce que l’on met dans les coûts de fournitures. Il ne s’agit pas de vous piéger, mais je crois qu’il serait utile de se pencher sur les postes que j’ai essayé de lister de façon un peu exhaustive pour voir si le régulateur devra ou non les prendre en compte. Par ailleurs, dans la mesure où est exclue « toute subvention en faveur des clients éligibles », j’imagine que, pour le gaz, il n’est pas prévu de mettre en œuvre quelque tarif de retour que ce soit.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non.

M. Daniel Paul. Non, cela a été précisé tout à l’heure.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5019 à 5168.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de 22 amendements identiques, n°s 88505 à 88526.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements visent à supprimer l’alinéa 4 de l’article 4.

En rédigeant de manière différente deux paragraphes relatifs au maintien des tarifs réglementé, un pour les entreprises, un autre pour les particuliers, vous introduisez une ambiguïté pour les entreprises qui permettra aux fournisseurs d’énergie de faire sortir de nombreux clients du tarif réglementé.

Nous avons déjà évoqué lors des débats précédents les stratégies commerciales de certaines entreprises, qui n’hésitent pas à contourner la loi pour gagner des parts de marché, en tout cas exercer des pressions telles qu’elles amènent les clients, les usagers potentiels, à changer leurs pratiques. Comment penser dès lors que la seule inscription dans la loi du fait que les clients non domestiques peuvent bénéficier des tarifs réglementés suffira à les protéger des appétits des marchands d’énergie ?

Pour les usagers domestiques, votre dispositif n’est guère plus satisfaisant. Certes, ils bénéficient automatiquement des tarifs réglementés, ce qui est un point positif mais est loin d’être suffisant. Le prix du gaz a augmenté à plusieurs reprises en dépit du maintien des tarifs réglementés. GDF a en effet demandé maintes fois des hausses de tarif sous prétexte de la hausse du prix du baril de pétrole, et l’État a satisfait ces exigences jusqu’à un certain point, alors même que ces hausses de prix n’étaient pas forcément justifiées. Au vu des résultats de l’entreprise GDF ces derniers mois, il est permis de penser qu’il existait d’autres moyens de faire face.

Pour assurer un véritable service public de l’énergie, il faut un contrôle public des mécanismes de formation des prix. Il faut que les représentants des salariés, les représentants des consommateurs et des collectivités locales en particulier aient un droit de regard.

L’article 4 tel que vous l’avez rédigé, sous la pression d’une part, de la montée des contestations face aux prix de l’électricité, d’autre part, des membres de votre propre majorité, qui ont du mal à justifier les hausses de prix dans leurs circonscriptions, est très insuffisant. Nous demandons la suppression de l’alinéa 4, qui n’aborde pas de front la question des mécanismes de formation des prix, et, plus largement, la suppression de l’article 4 dans son ensemble.

M. le président. La commission est défavorable, le Gouvernement également.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88505 à 88526.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de 22 amendements identiques, n°s 88928 à 88949.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements proposent de supprimer le mot « domestique » de l’alinéa 4 pour instaurer un régime unique d’accès au tarif réglementé, que ce soit pour les consommateurs domestiques ou pour les consommateurs non domestiques. Les députés du groupe communiste et républicain estiment que le régime plus contraignant fixé par l’article 66 de la loi de 2005 pour les consommateurs non domestiques ne se justifie pas. En effet, ce régime particulier prévoit que l’accès au tarif réglementé ne sera plus possible à partir du 31 décembre 2007.

Autre particularité, que nous avons soulignée lors de la défense d’un autre amendement, les consommateurs non domestiques voient leur liberté de choix contrainte par les choix des consommateurs précédents pour un même site.

Nous estimons que ces limites à la liberté de choix des consommateurs non domestiques ne sont pas justifiées. Elles tendent à la disparition des tarifs réglementés, comme le souhaite d’ailleurs le président de la Commission de régulation de l’énergie.

Dans ce sens, les recommandations faites par la Commission européenne rappellent que l’existence de tarifs réglementés freine le développement de la concurrence. On voit bien alors ce qui se trame derrière toutes ces limitations de l’accès aux tarifs réglementés. Il s’agit, à terme, d’en arriver à leur suppression malgré toutes les assurances que votre gouvernement met en avant, comme je l’ai dit tout à l’heure, pour faire passer la pilule.

À l’inverse de cette logique, nous estimons que l’accès à l’énergie est un droit fondamental, que la fourniture d’énergie est un service public national, qui doit répondre aux besoins des usagers. Afin de garantir ce droit, l’existence de tarifs réglementés définis par la puissance publique est une garantie pour les consommateurs.

C’est dans cet objectif que nous souhaitons par cet amendement revenir sur toutes les limitations prévues par cette loi pour l’accès aux tarifs réglementés.

Je voudrais, pour finir, dire ma surprise d’entendre la réponse de M. le ministre à la question de mon collègue Paul. Alors que l’État est actionnaire de l’entreprise, le ministre de la République ne sait pas si l’entreprise nationale est candidate pour un chantier aussi porteur d’avenir.

M. Bernard Schreiner. Oh !

M. Jacques Desallangre. Il prétend ne pas être habilité à nous le dire. Mais la participation à un appel d’offres n’est pas un secret d’État.

M. Bernard Schreiner. Ce n’est pas au ministre de s’occuper d’un appel d’offres. Heureusement que vous n’avez jamais été ministre !

M. Jacques Desallangre. Une telle réponse est vraiment consternante. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. C’est contestable. Je ne suis pas sûr qu’on puisse dire, tant qu’on n’a pas ouvert les plis, qui a concouru, parce que cela pourrait être interprété. Moi-même, dans ma mairie, je fais très attention à cela.

M. Daniel Paul. C’est pour ça que je me suis adressé au ministre.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88928 à 88949.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 88541 de la commission, amendement rédactionnel qui se justifie par son texte même.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. De mon point de vue, cet amendement n’est en aucune manière rédactionnel. Il touche même au fond du problème. Alors que l’alinéa 4 du projet de loi prévoit que le consommateur final domestique d’électricité ou de gaz naturel « est soumis, pour un site, aux » tarifs réglementés, la commission nous propose d’écrire que ce consommateur « bénéficie, à sa demande, pour un site, des » tarifs réglementés. Il y a là toute la différence entre l’assurance que le libéralisme, quel qu’il soit, où qu’il soit, permettra un meilleur prix et le fait que les consommateurs puissent bénéficier, à leur demande, de tarifs réglementés protecteurs de leurs intérêts. La différence est grande entre l’idéologie d’un marché qui fonctionnerait tout seul et un certain pragmatisme. Apparemment, M. le rapporteur s’est rendu compte que le rédacteur du projet de loi, a priori acquis à cette idéologie du capitalisme à outrance, était allé trop loin. Nous ne nous situons en aucune manière sur ce plan idéologique et nous travaillons toujours de façon pragmatique. Nous soutenons même le partenariat entre le public et le privé pour certains services, l’eau par exemple. Pour ma part, et nous sommes beaucoup à en faire autant dans nos rangs, je ne demande pas systématiquement d’avoir un grand service national public. L’eau est une ressource qui appartient à l’ensemble des collectivités locales, à la nation, à tous les Français, mais ce n’est en aucune manière le cas pour l’énergie.

Nous avons la chance d’être les seuls en Europe à posséder des entreprises publiques intégrées qui garantissent l’efficacité de notre service public ; ailleurs, l’histoire ou la géographie en ont décidé autrement, comme le rappelle la lettre de griefs envoyée par la Commission européenne, qui évoque les nombreux marchés wallons, flamands ou bruxellois. Même si nous sommes aussi un peu girondins, reconnaissons que nos entreprises publiques nationales intégrées ont fait leurs preuves !

Cette proposition est révélatrice de l’idéologie des rédacteurs du texte. Quant à nous, notre priorité est le service public. Il faut donc conserver deux entreprises publiques et réunir EDF et GDG.

M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. le président. Monsieur Ducout, le député-maire de Cestas ne peut être que girondin ! (Sourires.)

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ce n’est effectivement pas un amendement rédactionnel : non seulement la différence est grande entre « soumettre » et « bénéficier », mais surtout, l’adjonction des mots « à sa demande » implique que le consommateur soit préalablement informé qu’il doit formuler une demande avant de pouvoir sinon être soumis à des tarifs réglementés, du moins en bénéficier. Comment en sera-t-il informé ? Quelles sont les modalités d’exercice de ce droit ? Cet amendement ajoute une nouvelle notion au texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je souris aux considérations fantasmagoriques que suscite un simple amendement rédactionnel. Mon seul souci était d’harmoniser la rédaction de l’alinéa 4 de l’article avec celle de l’alinéa 2. Pourquoi de telles digressions ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement n’est pas rédactionnel. J’ai failli penser que vous étiez enfin touchés par la grâce, car le texte initial était détestable. Cependant, l’expression « à sa demande » suppose que l’on demande d’obtenir un tarif régulé. J’avais compris que c’était l’inverse, à savoir qu’il faudrait faire une demande pour sortir du tarif régulé. Avec vous, c’est la règle qui confirme l’exception ! Je souhaite, monsieur le rapporteur, que vous supprimiez les mots « à sa demande », tout en maintenant le mot : « bénéficie » à la place des mots : « est soumis ».

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ma question demeure : comment saura-t-on qu’il faut formuler une demande, et selon quelle procédure ? On veut éviter aux ménages de tomber dans le piège qu’ont connu les industriels, mais encore faut-il qu’ils aient l’information !

M. Jacques Desallangre. Cela n’est pas innocent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Les membres de la commission des affaires économiques se souviennent certainement du débat que nous avons eu à ce sujet à propos de l’article 13 qui y revient en détail. Je veux bien retirer les mots « à sa demande », cela ne change strictement rien, mais que de temps perdu sur un amendement rédactionnel !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 88541 tel qu’il vient d’être rectifié ?

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est une modification que j’allais proposer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88541, tel qu’il vient d’être rectifié.

(L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 88576 à 88597.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Au risque de nous répéter, nous demandons à nouveau le rejet de cet article, et même du texte tout entier, ainsi que la suspension des directives qui sont à l’origine de la déréglementation dans laquelle nous plongeons. Ce n’est pas une demande idéologique. On ne pourra pas nous faire le reproche de vouloir ajourner le débat : il est surréaliste ! A défaut de savoir dans quelle mesure, tout le monde sait que, dans quelques semaines, alors que vous aurez privatisé GDF, la Commission européenne modifiera le périmètre du nouveau groupe issu de la fusion, et que les actionnaires de Suez feront ensuite état de leurs prétentions sur la valeur des titres à échanger : ils parleront alors en milliards d’euros ! Il s’agit là de deux certitudes, de deux échéances lourdes, et cela ne vous amène pas à freiner le dispositif. Alors qu’il est urgent d’attendre, vous préparez en toute connaissance de cause la mise à mort de GDF. Nous regrettons que vous ne suspendiez pas la discussion, et continuerons d’attirer votre attention sur cet aspect, car il est au cœur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La loi de 2000 précisait que les entreprises publiques nationales de l’énergie ont la charge du service public, et les lois de 2004 et 2005 restaient peu ou prou fidèles à cette exigence. Et puis patatras ! On nous annonce du perron de Matignon qu’il faut privatiser GDF pour sauver le soldat Suez ! Nos collègues communistes ont raison de vous rappeler les principes fondamentaux de ce dossier, car vous avez tendance à les oublier un peu trop facilement !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88576 à 88597.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques nos 88862 à 88883.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises de citer dans l’hémicycle l’étude réalisée par Nus Consulting. D’après Michel Brugnon, un de ses auteurs, nous assistons aujourd’hui à un blocage, puisque, après les hausses importantes des prix sur le marché dérégulé, aucune entreprise ne souhaite plus s’y aventurer.

Pour tenter de résoudre ce problème, vous construisez une usine à gaz : vous interdisez le retour au tarif régulé, décision rendue inévitable, selon votre logique, par les directives européennes, et, dans le même temps, vous coupez la poire en deux, en proposant, puisque les prix ont augmenté d’environ 60 %, une hausse de 30 %, que vous jugez satisfaisante. Nous verrons le résultat.

Mais regardons mieux la situation. Jeudi soir, en tant que maire d’une belle ville du Perche, M. le rapporteur a fait état de sa volonté de ne pas répondre favorablement, dans les conditions actuelles du marché, à la proposition d’aller vers une mise en concurrence.

Cela ne devrait-il pas vous alerter, monsieur le ministre, et vous engager à prendre conscience qu’il faut faire un bilan ? Peut-être, s’agissant de l’énergie, la méthode utilisée depuis plusieurs années sur le continent européen n’est-elle pas la bonne. Autant de questions que vous deviez vous poser.

En approuvant notre amendement, vous apaiseriez les inquiétudes légitimes de nos concitoyens – le personnel des entreprises et tous les salariés – sur les évolutions à venir du problème de l’énergie. En effet, ce n’est pas en brandissant le maintien du tarif régulé, à titre transitoire, vous le savez bien, et sans revenir sur la clause d’irréversibilité, que vous parviendrez à convaincre.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements nos 88862 à 88883.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques nos 88884 à 88905.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements visent à permettre aux consommateurs finaux, domestiques ou non, de revenir aux tarifs réglementés si l’écart avec les tarifs libres est supérieur à 5 %. Certes, le dispositif prévu par le projet de loi ne permet pas aux consommateurs de revenir au tarif réglementé une fois qu’ils ont exercé leur éligibilité. Mais il paraît invraisemblable de maintenir ce principe s’il devient particulièrement défavorable aux consommateurs.

Rappelons une fois encore que l’accès à l’énergie est un droit fondamental, qui doit être garanti à chacun. Pourtant, un différentiel d’une telle importance entre les deux tarifs risque de priver certains consommateurs de cette ressource indispensable. Dans leur intérêt et afin de permettre l’accès de tous à l’énergie, nous demandons que, lorsque les tarifs libres dépassent de plus de 5 % les tarifs réglementés, les consommateurs puissent bénéficier de la réversibilité.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements nos 88884 à 88905.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques nos 88950 à 88971.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements proposent la suppression de l’alinéa 5 de l’article 4, qui, à en croire le Gouvernement, témoignerait d’un souci de ménager l’intérêt des usagers du service public de l’énergie.

Pourtant, nombreux sont ceux qui ont subi de plein fouet les conséquences de l’ouverture du capital et redoutent la privatisation. On connaît des cas dramatiques. Des collègues de toutes les tendances politiques ont rappelé les menaces qui pèsent sur certaines entreprises, pour la plupart électro-intensives, et s’étendent, par voie de conséquence, à leurs entreprises sous-traitantes. On ne peut ignorer les risques qu’elles courent. Ce n’est pas l’institution d’un tarif de retour à 30 % du tarif régulé qui améliorera leur situation, même si elle leur donnera ponctuellement un peu d’air.

M. le président. Merci, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Un instant, monsieur le président.

M. le président. Vous avez marqué une pause. Je pensais qu’il s’agissait du point final de votre intervention.

M. Daniel Paul. Ce n’était qu’un point-virgule, monsieur le président.

Si le Gouvernement a prévu théoriquement des aménagements pour accompagner l’ouverture à la concurrence du marché énergétique, il n’a pas résolu la question du choix des mécanismes de fixation des prix. Nous avons déjà eu l’occasion de l’aborder. Elle est centrale, si l’on veut parler de justice sociale en matière d’énergie.

Le calage sur les prix d’approvisionnement n’a rien de transparent. Ainsi, la formule tarifaire qui définit le mécanisme de fixation des prix du gaz n’est accessible qu’à une minorité de ce qu’il est convenu d’appeler des « décideurs », appartenant à la direction de Gaz de France, à la Commission de régulation de l’énergie ou au ministère. Les prix seront ainsi déterminés en comité restreint. Quant aux représentants des salariés, ils ont été soigneusement évacués, ainsi que ceux des associations de défense des consommateurs ou des usagers.

Enfin, on constate aujourd’hui en parallèle une hausse extrêmement forte des prix et des dividendes versés aux actionnaires. Pour ne citer qu’un chiffre, la facture de gaz des particuliers a augmenté de 18 % en dix-huit mois, ce qui représente dix fois l’inflation ; dans le même temps, le dividende par action a augmenté de 48 % par rapport à 2004. Il est facile d’attribuer ces hausses vertigineuses à celle du prix du pétrole. Mais, devant de tels chiffres, comment ne pas penser que l’augmentation des prix supportée par les consommateurs vient essentiellement alimenter les dividendes ?

Cette question, vous refusez de la poser. On comprend pourquoi : elle ne correspond pas à votre logique ni à l’orientation que vous avez prise. Souffrez cependant que nous ayons en permanence à l’esprit l’augmentation parallèle des prix et des tarifs, d’une part, et, de l’autre, des résultats des entreprises, qui se traduit, depuis quelques années maintenant, par le versement de dividendes.

Nous proposons par conséquent la suppression de l’alinéa 5 de l’article 4.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements identiques nos 88950 à 88971.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour répondre au rapporteur ou au ministre.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, j’ignore auquel je dois répondre, puisque ni l’un ni l’autre ne se sont exprimés. Vous l’avez fait pour eux.

M. le président. J’ai entendu ce qu’ils disaient.

M. Jean Gaubert. Vous avez, en la matière, d’illustres prédécesseurs !

Nous ne pouvons qu’approuver ces amendements, dans la mesure où nous avons demandé, à propos de l’article 4, des précisions que ni le rapporteur ni le ministre n’ont pu fournir. Ils ont apporté par là même la preuve de leur honnêteté, mais nous ne pouvons pas accepter que, en l’absence d’information, on renvoie les décisions à un décret en Conseil d’État.

Compte tenu de l’incapacité où nous nous trouvons de savoir comment fonctionnera le dispositif, nul ne doit accepter que la représentation nationale soit dessaisie du débat.

Je pense que nous nous honorerions en votant des amendements comme ceux-ci. La majorité témoignerait d’une ouverture d’esprit dont elle dispose manifestement, bien qu’il faille parfois la réchauffer ou la stimuler. En outre, un tel vote contribuerait à détendre le débat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Régulièrement, depuis le début de notre discussion, des membres du groupe socialiste posent des questions, ce qui est tout à fait normal. Cependant, quand les réponses ne les satisfont pas, ils les jugent incertaines ou floues.

M. Daniel Paul. C’est le cas !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je prends l’Assemblée à témoin. Si nos collègues préfèrent que nous ne leur répondions pas, ils n’ont qu’à continuer.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88950 à 88971.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Monsieur Brottes, j’ai fait un effort, lors de la Conférence des présidents, pour que les membres du groupe socialiste puissent tous aller assister aux journées parlementaires de Nantes.

M. Pierre Cohen. Vous n’allez pas nous le rappeler sans cesse !

M. le président. C’est la première fois que je le rappelle. À votre demande, nous ne siégerons ni demain matin, ni demain après-midi, ni demain soir. Faites un petit effort de votre côté !

M. Pierre Cohen. Nous en faisons !

M. le président. Je donne la parole à M. François Brottes, en souhaitant qu’il honore ses engagements.

M. François Brottes. Monsieur le président, je juge inadmissible la réponse du rapporteur, qui n’a pas à se comporter ainsi à notre égard.

En conséquence, je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour deux minutes.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de cent dix amendements nos 88972 à 89081.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements visent à substituer, à l’alinéa 5 de cet article, la phrase : « Un décret en Conseil d’État précise, en tant que de besoin, les conditions d’application du présent article. », par la phrase : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par la loi. »

Le président a souvent observé que l’Assemblée nationale avait tendance à empiéter sur les compétences du pouvoir exécutif en légiférant sur des dispositions réglementaires. Cela arrive sans doute, mais l’inverse est également vrai. L’article 4 atteste en effet que, d’un parlementarisme rationalisé, nous sommes passés à un parlementarisme amoindri.

Nous n’admettons pas que des dispositions aussi lourdes de conséquences sur la vie économique de notre pays et le pouvoir d’achat des consommateurs, indépendamment de toutes les arguties byzantines qu’on pourrait nous opposer, échappent à l’examen et à la décision des représentants de la nation.

Tel est le sens de ces amendements.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements nos 88972 à 89081.

Je les mets aux voix.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de soixante-six amendements nos 89082 à 89147.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous avons déjà eu l’occasion de regretter que le rapporteur ne nous fournisse que des réponses expéditives – quand il nous répond – , alors que la fixation des prix de l’énergie mériterait une consultation plus large. Souhaitons que sa menace de ne plus nous répondre ne soit due qu’à un instant d’énervement ou de fatigue, lié au dossier qu’il assume.

Dans le même esprit que les précédents, ces amendements proposent que, dans le cas où les conditions d’application de l’article 4 devraient être précisées par un décret, celui-ci ne puisse être pris sans l’avis préalable de la CRE. Par ce biais, le groupe communiste prend acte de l’existence de cette instance, qui n’est pourtant pas celle dont il rêvait pour fixer les prix et les modalités de fonctionnement du secteur énergétique. Nous souhaitons par ailleurs que le Conseil économique et social soit lui aussi consulté, afin d’assurer un minimum de transparence aux décisions.

Nous l’avons dénoncé à plusieurs reprises : la fixation des prix relève d’un aréopage extrêmement restreint. Et nulle part, même au sein du conseil d’administration des entreprises, il n’est possible d’en obtenir les modalités.

La formation des prix dans le secteur énergétique exige que l’intérêt des consommateurs, domestiques ou non, des usagers et des organisations syndicales – tous représentés au sein du Conseil économique et social – soit pris en compte dans le cadre d’une concertation la plus large possible.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements.

Je mets aux voix les amendements nos 89082 à 89147.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 89148 à 89169.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ils sont défendus.

M. le président. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 89148 à 89169.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 89170 à 89191.

Ces amendements visent à substituer aux mots : « en tant que de besoin » les mots : « si nécessaire ».

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette modification rédactionnelle ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’avis de la commission était défavorable mais, à titre personnel, je ne vois pas d’inconvénient à ce que nous retenions cet amendement.

M. le ministre délégué à l’industrie. Moi non plus.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 89170 à 89191.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 137612.

La parole est à M. Claude Gatignol, pour le soutenir.

M. Claude Gatignol. Cet amendement vise tout d’abord, conformément à la démarche de la commission des affaires économiques, à protéger le consommateur des prix excessifs de l’énergie, en particulier les PME-PMI les plus consommatrices d’électricité. Parmi les charges qui pèsent sur ces entreprises figure la CSPE, c’est-à-dire la contribution aux charges du service public de l’électricité, qui peut atteindre un montant considérable et mettre en péril la viabilité de l’entreprise. Aussi avions-nous décidé, dans la loi du 13 juin 2005, de plafonner cette contribution à hauteur de 0,5 % de la valeur ajoutée. Toutefois, il paraît nécessaire de préciser que l’on fait référence à la valeur ajoutée « telle que définie par le II de l’article 1647 B sexiès du code général des impôts ». Tel est le premier objectif de cet amendement auquel M. Lenoir a bien voulu apporter son soutien.

Il s’agit également de préciser les compétences accordées aux services de la Commission de régulation de l’énergie, en prévoyant que les modalités d’application de l’article, notamment les modalités de liquidation des droits par ces services, sont fixées par un décret en Conseil d’État entrant en vigueur au 1er janvier 2006.

M. le président. Je suppose que l’avis de la commission est favorable ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’avis du Gouvernement est très favorable à cet amendement qui renforce la sécurité juridique du plafonnement de la CSPE pour les petites et moyennes entreprises électro-intensives. C’est un très bon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. J’avoue avoir du mal à comprendre et j’aimerais que M. le rapporteur ou M. Gatignol nous en dise un peu plus. En effet, je croyais que la CSPE était payée par les vendeurs d’électricité, qui l’intègrent dans le prix, et non par les acheteurs. Je ne vois donc pas comment cette contribution peut être plafonnée.

Par ailleurs, si la CSPE est plafonnée pour certaines entreprises, elle sera payée par d’autres – et plutôt par les petits consommateurs : il faut être clair.

Enfin, il est tout de même étonnant qu’un décret qui ne sera sans doute pas sorti avant 2007 s’applique au 1er janvier 2006. Pourquoi ne pas remonter au 1er janvier 2004 ou 2002 ? Cela n’a aucun sens.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement est intéressant pour un certain nombre de consommateurs, mais il pose des problèmes de principe considérables.

Le fonds de compensation des charges de service public des télécoms a été progressivement réduit à la portion congrue parce que l’ensemble des opérateurs, au premier rang desquels l’opérateur historique, ont considéré que cela coûtait trop cher. On a donc diminué le nombre des cabines téléphoniques – alors que le réseau de téléphonie mobile ne couvre toujours pas l’ensemble du territoire – et l’on a exclu l’annuaire des missions de service public. Si l’on plafonne la contribution aux charges de service public de l’électricité, je crains que d’autres ne paient à la place des entreprises qui bénéficieront d’un rabais ou que le périmètre des missions assurées par ce financement, qu’il s’agisse du tarif social ou des énergies renouvelables, ne soit réduit. C’est un coup de canif, pour ne pas dire un coup de poignard.

Cet amendement représente un vrai danger. On commence comme cela et, demain, on nous expliquera qu’il faut supprimer les charges de service public, au motif que tout ce qu’elles financent est pris en charge par ailleurs. Nous devons nous ressaisir et refuser cette approche qui, même si elle repose sur de bons arguments, consiste à grignoter la contribution aux charges du service public de l’électricité. Ce sont les missions d’intérêt général que vous mettez en péril avec un tel amendement. Nous sommes résolument contre.

M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Un mot de précision. Cet amendement n’a pas pour objet de changer la situation qui prévaut depuis la loi du 13 juillet 2005. Nous avons eu, à l’époque, de longs débats sur la valeur de la CSPE, son extinction éventuelle et sa création, qui permet en effet de financer les charges de service public dans les DOM-TOM et de favoriser les énergies renouvelables ou la co-génération. Il s’agit uniquement ici de préciser la notion de valeur ajoutée, en renvoyant à un article précis du code général des impôts.

Quant au second alinéa de l’amendement, il a pour objet de définir les modalités de liquidation des droits, laquelle sera appliquée après vérification de la consommation d’électricité de l’entreprise. Là encore, nous en avions débattu en 2005. Il n’y a donc rien de nouveau.

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 3 du règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Cet amendement n’a pas été examiné convenablement en commission, puisqu’il l’a été selon la procédure de l’article 91. Or il a des conséquences considérables. Je demande donc une suspension de séance pour que nous les analysions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Permettez-moi de vous donner un éclairage sur cet amendement car, si vous saviez précisément de quoi il s’agit, vous y seriez peut-être favorable.

La loi de 2005 prévoit deux plafonnements : pour un site donné, la CSPE ne peut pas être supérieure à 500 000 euros, non plus qu’à 0,5 % de la valeur ajoutée. Pour mettre en œuvre ce double plafonnement en 2006, il faut que le décret, qui permettra de fixer les règles de calcul site par site, s’applique à partir du 1er janvier 2006, ce qui suppose qu’il soit annoncé dans la loi au cours de cette année. Tel est l’objet de l’amendement de Claude Gatignol, que le Gouvernement vous invite à soutenir dans l’intérêt des entreprises électro-intensives, dont la consommation d’électricité peut représenter jusqu’à 25 % de la valeur ajoutée du site.

M. le président. Ces explications vous suffisent-elles, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Je remercie M. le ministre pour cette clarification, mais je demande néanmoins une suspension de séance d’une minute pour que nous puissions étudier le texte à la lumière de ses explications.

M. le président. Je vous accorde une minute et demie. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures treize, est reprise à dix-neuf heures quatorze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Merci de nous avoir accordé trente secondes supplémentaires, monsieur le président. Nous avons compris qu’il ne s’agissait pas d’aggraver le plafonnement, comme nous le craignions, mais simplement de rendre la mesure applicable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137612.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements, nos 89192 à 90379.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements visent à repousser l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 4, dans l’attente d’une renégociation des directives européennes 2003/54 et 2003/55 du 26 juin 2003. Leur objet nous renvoie à la discussion précédente sur la renégociation des directives européennes.

Nous engageons donc à nouveau le Gouvernement à faire preuve d’initiative et à alerter nos partenaires européens sur la nécessité de faire le bilan des années écoulées concernant, notamment, l’évolution des tarifs de l’énergie. C’est un préalable à toute mesure nouvelle visant les tarifs réglementés et les conditions d’exercice de l’éligibilité par les consommateurs finaux. Il ne suffit pas de garantir le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs d’électricité et de gaz et de prévoir parallèlement des mesures trop vagues de protection des plus vulnérables parmi nos populations, à seule fin de se croire dispensé de s’interroger plus avant sur la pertinence de l’ouverture des marchés.

L’accord de principe de Bruxelles sur le retour aux tarifs régulés souligne un début de prise de conscience des difficultés. Nous pensons donc que l’heure est venue de nous pencher sur le bilan de l’ouverture à la concurrence avec nos partenaires européens et, dans cette attente, de demander au minimum la suspension du processus sous bénéfice d’inventaire. Mieux vaut remettre au lendemain ce que l’on ne peut, le jour même, engager raisonnablement et avec certitude quant au résultat.

La fin de l’année 2007 ne constitue pas un délai raisonnable, surtout en l’absence de toute initiative, soit de bilan, soit de rapprochement des points de vue avec nos partenaires européens. Votre inertie, si elle continuait, ne serait pas explicable tant le caractère préoccupant de la situation est patent. Nous savons fort bien qu’un projet de directive à l’étude pourrait bientôt permettre au secteur des services d’intérêt économique général de se situer en dehors du champ de compétence de Bruxelles et de se placer sous la seule autorité des États membres. La précipitation du Gouvernement dans un sens inverse à notre proposition est suspecte. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter ces amendements.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements nos 89192 à 90379.

Je les mets aux voix.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de plusieurs séries d’amendements – identiques entre eux – portant articles additionnels après l’article 4.

Pour la première série d’amendements identiques, nos 9681 à 10373, la parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous en revenons à la problématique évoquée pour les collectivités territoriales. Nous admettons que les entreprises privées qui évoluent dans un marché dit libre puissent « bénéficier » – si l’on peut dire, car l’expression « être condamnées » serait parfois plus appropriée – de la loi du marché pour le prix de l’électricité. Au demeurant, il ne s’agit pas d’une vraie loi du marché dans la mesure où la pénurie est non seulement existante, mais organisée sans doute pour de très longues années, qu’il s’agisse de l’électricité, mais aussi du gaz ou des autres énergies fossiles. Cela n’est toutefois envisageable qu’à une condition : que les collectivités territoriales puissent revenir au tarif réglementé de vente de l’électricité pour les consommations résultant du fonctionnement de certains équipements dépendant d’elles, par exemple les écoles maternelles, comme le propose l’amendement n° 9681.

Il n’échappera à personne que, dans nos communes, qu’elles soient urbaines ou rurales, le coût de l’énergie consommée par les établissements scolaires est particulièrement élevé. En outre, ces consommations ne peuvent pas être lissées du fait de la quasi-absence de consommations de nuit et de la concentration de ces consommations aux heures de pointe… Or on sait fort bien que les communes qui auront fait jouer leur éligibilité paieront très cher l’énergie – l’électricité, mais aussi le gaz – aux heures de pointe. Il s’agit en fait de permettre à ceux qui auraient commis l’erreur de croire que le marché libre allait être favorable à leurs contribuables – qu’il s’agisse de ceux qui ont commis cette erreur ou de ceux qui les remplaceraient – de corriger cette erreur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’ai pu, tout à l’heure, mal interpréter les propos du rapporteur en affirmant que, lassé des questions posées par l’opposition, il ne voulait plus lui répondre. Je suis prêt à retirer cette accusation, puisque le président de la commission m’a fait remarquer qu’il n’avait pas dit cela, et je souhaite lui donner l’occasion de démontrer que je l’ai en effet mal compris. (Sourires.)

M. le président. Vous êtes très fort, monsieur Brottes ! Je suis béat d’admiration !

M. François Brottes. Que seraient les marchands d’énergie, qui souhaitent faire beaucoup d’argent dans le secteur, sans les investissements des collectivités territoriales dans le gaz et l’électricité ? Quelle raison d’être aurait le réseau électrique sans le réseau de distribution et l’implication des collectivités ? En France, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays d’Europe, les collectivités territoriales sont aujourd’hui des acteurs incontournables ; elles sont à l’origine de nombreux investissements, souvent à leurs frais, pour la desserte en énergie de nos concitoyens.

Monsieur le rapporteur, quelles consultations avez-vous menées avant l’élaboration de votre rapport, pour connaître l’avis des collectivités territoriales sur la privatisation de GDF ou la dérégulation du marché de l’énergie ? Je crois savoir que ces consultations ont eu lieu. De sérieuses réserves ont été émises au congrès de la FNCCR, comme dans plusieurs associations d’élus. Il est important de faire le point sur ce que les représentants des collectivités territoriales pensent des dispositifs auxquels vous souhaitez qu’elles adhèrent aujourd’hui, alors qu’elles assurent la quasi-totalité de la desserte directe des ménages.

Je suis certain, monsieur le rapporteur, que vous allez vous faire un plaisir de nous apporter l’éclairage souhaité sur cette question afin de nous permettre de faire progresser le débat.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Les collectivités territoriales sont actuellement soumises à une pression très forte du Gouvernement concernant de prétendues affaires de mauvaise gestion ou de dépenses superflues, dans un contexte où les dernières lois de décentralisation ont transféré des compétences sans les financements correspondants. Ainsi, les collectivités sont facilement taxées de mauvaise gestion si elles n’ont pas fait jouer en leur temps une éligibilité largement octroyée par le libéralisme de la Commission européenne.

Il est clair aujourd’hui que les tarifs réglementés seront durablement en dessous des prix du marché, dans la mesure où nous disposons en France d’un équipement nucléaire qui devrait encore fonctionner quelques dizaines d’années à condition de le renouveler en temps voulu – je précise à ce sujet qu’à titre personnel, je n’ai jamais été contre l’EPR –, sauf si ce projet de loi aboutit à terme à la privatisation d’EDF, auquel cas nous n’aurions aucune garantie quant au maintien d’un tarif réglementé tenant compte de l’investissement de l’ensemble des Français dans le nucléaire.

Il est particulièrement important de souligner cette spécificité. Les collectivités locales constituent, de par leur diversité – la France compte 36 000 communes – l’un des atouts de notre pays. Chaque commune et chaque intercommunalité a pu s’interroger quant au choix à effectuer. Certaines d’entre elles ont pu être affectées par l’ouverture du marché, comme en attestent certaines expériences dans le secteur des télécommunications, et il est important de leur donner la possibilité de revenir au tarif réglementé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. M. Brottes a parfaitement raison de demander au rapporteur quelles ont été les concertations avec les élus. Le président de la CRE, M. de Ladoucette, commentant le congrès de la FNCCR, a affirmé que si les élus présents avaient été écoutés, le processus de libéralisation des marchés aurait été arrêté. Je salue cette lucidité.

Alors que la démocratie de proximité est de plus en plus mise en avant, les nouvelles municipalités qui sortiront des élections de 2008 n’auront aucune possibilité de revenir sur les choix de l’équipe précédente en matière de tarif. Ce n’est rien de moins qu’un flagrant déni de démocratie ! Il est donc essentiel d’affirmer qu’il ne peut y avoir d’irréversibilité par rapport aux choix parfois idéologiques, parfois inconscients ou irresponsables, d’élus ayant cédé à la tentation des lois du marché.

Le deuxième point que je veux évoquer est celui de la responsabilité que nous avons vis-à-vis des budgets. Actuellement, les collectivités territoriales qui n’ont que peu, ou pas, de marge de manœuvre – on sait que la DGF de l’État est extrêmement affaiblie –, notamment en raison de l’alourdissement des charges énergétiques, devront soit augmenter les impôts, soit réduire très sensiblement l’exécution des services. Je vous demande, monsieur le ministre, d’entendre cette demande des collectivités de revenir au tarif réglementé pour pouvoir mener un travail de proximité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. En outre, je persiste à dire que je suis surpris qu’on puisse demander le retour aux tarifs régulés alors qu’on émettait des doutes sur la possibilité de faire appliquer l’amendement que nous avons adopté sur le tarif transitoire.

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On nous a objecté que Bruxelles allait protester. Les amendements qui nous sont actuellement soumis posent cependant des problèmes encore plus compliqués.

S’agissant de la question de M. Brottes, j’ai effectivement rencontré des représentants des collectivités, de la FNCCR, pour être précis, ainsi que de l’ANROC. Et il n’a pas été question pendant ces entretiens de la privatisation de Gaz de France.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous avons déjà eu de longues et nombreuses discussions sur le problème des tarifs et de leur maintien. Le présent texte vise à améliorer le dispositif qui s’appliquerait automatiquement le 1er juillet 2007, date d’entrée en vigueur de la directive. Nous avons donc également accepté un amendement sur les tarifs de transition qui permet un régime plus favorable que celui du marché actuel. Tel est le dispositif que nous proposons et nous n’envisageons pas d’aller au-delà, car cela reviendrait à supprimer l’existence de tout marché.

M. François Brottes. Le marché n’existe pas !

M. le ministre délégué à l’industrie. Or nous ne pensons pas que ce soit une bonne politique.

S’agissant des consultations, je n’ai pas pu me rendre au congrès de la FNCCR car il s’est déroulé en même temps que nos débats, la semaine dernière. Mais j’ai adressé un message à ses membres dans lequel j’ai clairement rappelé que leur compétence d’autorité organisatrice était bien évidemment intouchée et intouchable, que leurs responsabilités restaient les mêmes dans ce domaine et que nous attendions qu’ils les exercent avec beaucoup de vigilance. Ce message a été transmis par vidéo au congrès qui se tenait à Bordeaux la semaine dernière.

Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je veux appeler l’attention de la commission et du Gouvernement sur l’incompréhension des élus de base face à ces mesures. Peut-être certains croient-ils comprendre…

Monsieur le ministre, moi non plus, je n’ai pas pu assister au congrès de la FCCR. Mais j’en ai eu quelques échos, comme vous, j’imagine. Je confirme les propos de M. de Ladoucette qui a déclaré que, si l’on avait fait voter les élus présents ce soir-là dans la salle, lesquels étaient majoritairement plutôt à droite, il aurait sans doute fallu arrêter la libéralisation du marché. Le problème n’est pas celui de la compétence de l’autorité organisatrice. Ces élus voient surtout les dégâts que va entraîner la libéralisation, y compris sur les budgets communaux. Cela va peser sur leurs responsabilités.

Par ailleurs, vous parlez de marché. Mais, vous le savez bien, il n’y a pas de vrai marché à partir du moment où il y a, d’un côté, un produit en situation de pénurie, et ce pour longtemps, et, de l’autre, des acheteurs de plus en plus demandeurs. Voilà où est le problème ! Et celui-ci devrait dépasser les clivages idéologiques. Seul devrait l’emporter l’intérêt général et nous devrions nous rencontrer sur ce terrain. Je ne comprends vraiment pas votre blocage sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 9681 à 10373.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures dix, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)