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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 19 septembre 2006

23e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures dix.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, avant d’aborder la discussion du projet de loi relatif à l’énergie, je voudrais vous faire part de l’indignation du groupe des député-e-s communistes et républicains à propos de ce qui s’est passé aujourd’hui à Cachan, et dont chacun a pu voir les images à la télévision.

Nous ne pouvons continuer à accepter, comme le fait le Gouvernement, que l’on brutalise de pauvres gens. Aujourd’hui, on a jeté des bombes lacrymogènes sur des familles immigrées. Cette situation est insupportable pour tous ceux qui respectent les hommes et les femmes, quelle que soit leur situation.

Je demande à l’État de prendre des mesures pour régler ce problème. Arrêtons de nous renvoyer les uns aux autres la responsabilité de tels actes, et respectons les hommes, les femmes et les enfants qui ont été malmenés. Le préfet du Val-de-Marne se conduit un peu comme s’il se trouvait dans un western : cette situation ne peut pas durer.

Je vous demande donc, monsieur le président, de prendre acte de notre indignation et de notre exigence : le problème des familles de Cachan doit être traité rapidement et avec humanité.

M. le président. J’ai pris acte de votre déclaration.

La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je m’associe à M. Bocquet pour dire qu’il est inacceptable d’ajouter à la misère la souffrance de l’exclusion et le refus – quasiment ostensible – de respecter la dignité des hommes, des femmes et des enfants.

Mon rappel au règlement porte sur une intervention du président Debré qui, en fin d’après-midi, a évoqué des accords qui auraient été passés en conférence des présidents. Nous attendions qu’il revienne ce soir sur ce qui nous paraît être un écart de langage. Certes, des calendriers prévisionnels sont établis par les présidents de groupe et le président de l’Assemblée, mais l’échéance du 22 septembre a été reportée le 3 octobre. S’il est normal d’établir un calendrier prévisionnel, cela ne vaut pas accord politique, sur quelque sujet que ce soit. Il ne faudrait pas qu’il y ait une ambiguïté dans les propos du président et leur interprétation.

M. Michel Bouvard. Il n’y avait aucune ambiguïté !

M. le président. Les membres de la conférence des présidents, dont le président de votre groupe, ont mis au point ce matin un programme prévisionnel. Le débat doit se poursuivre et nous avons le temps de le mener à son terme. Abordons-le donc sans tarder.

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 12222 à 18326 portant articles additionnels après l’article 3.

Après l’article 3

M. le président. J’appelle les amendements nos 12222 à 18326.

La parole est à M. François Brottes, pour défendre ces 5 920 amendements.

M. François Brottes. Je ne le ferai pas seul, monsieur le président, tant les questions soulevées par ces amendements sont nombreuses.

Plutôt qu’une tarification provisoire dont il nous paraît douteux qu’elle soit applicable, nous préconisons un véritable retour au tarif réglementé pour les entreprises qui se sont fait piéger. D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi de 2005 prévoyait que les dispositions de l’article 66 ne devraient pas s’appliquer de façon accidentelle, par hasard ou par erreur.

J’indique incidemment avoir pris connaissance d’une dépêche d’agence selon laquelle M. Sarkozy invite les députés « qui lui font confiance » à voter ce projet. Cette déclaration m’inspire deux remarques. Premièrement, dès lors que des engagements pris solennellement par lui devant l’Assemblée ont été reniés quelques mois plus tard, on sait quelle confiance on peut accorder à M. Sarkozy. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et si la notion de confiance est galvaudée, que reste-t-il pour conforter les relations entre les hommes et entre les générations ? Deuxièmement, puisque le ministre de l’intérieur s’adresse explicitement à ceux qui lui font confiance, cela semble signifier, a contrario, qu’une partie des députés de l’UMP ne lui fait pas confiance. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Êtes-vous un ethnologue spécialiste de notre groupe ?

M. Michel Bouvard. Si Mme Royal lançait un appel, combien de députés socialistes la suivraient ?

M. François Brottes. Bien sûr, ces remarques ne valent que si ces propos attribués à M. Sarkozy ont effectivement été tenus, mais il semble que ce soit le cas, puisqu’ils n’ont pas été démentis.

Sur le fond, la réversibilité, c'est-à-dire la possibilité, pour ceux qui sont sortis du tarif, d’y revenir, est une question fondamentale, comme en témoigne la bataille qui a opposé hier, pendant de longues heures, M. Novelli et M. Lenoir.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Nous sommes unis par une amitié de vingt ans, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Peut-être, mais il est un conflit entre des amis de trente ans dont on parle encore ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, il reste une question en suspens, à laquelle le dispositif élaboré hier ne répond pas : celle des contrats à long terme. Nous savons qu’ils ne sont pas appréciés par la Commission européenne : la lettre de griefs, dans les rares parties du texte qui n’étaient pas caviardées, le fait clairement apparaître. Toutefois, le Gouvernement – et je sais gré à M. le ministre délégué à l’industrie de l’avoir indiqué – entend que les entreprises françaises puissent continuer d’en conclure. Reste que certaines seront lésées : elles ne pourront pas revenir au tarif réglementé, ni accéder au tarif de retour, car les contrats conclus courent au-delà du 30 juin 2007. Tel est le résultat de l’amendement improvisé hier par notre duo d’amis de vingt ans, et qui a fait l’objet de tant de sous-amendements que nous n’en mesurons pas encore toutes les conséquences.

M. Michel Bouvard. Lisez le compte rendu analytique !

M. François Brottes. C’est notre intention, monsieur Bouvard, de même que le compte rendu intégral. Mais je rappelle que ce projet ne fera pas l’objet d’une seconde lecture. S’il y a erreur, l'Assemblée nationale n’aura même pas la possibilité de la corriger, ce qui est regrettable et rend l’incertitude encore plus grande.

Nous souhaitons, pour notre part, ne pas tergiverser,…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Heureuse nouvelle !

M. François Brottes. …et plutôt que de se contenter de pis-aller – ou pire, d’un marché de dupes –, nous proposons de permettre le retour au tarif réglementé dans certaines filières industrielles pour lesquelles il s’agit d’une question de survie. Je vous ferai grâce de la lecture des secteurs concernés, d’autant que certains de mes collègues reviendront sur ce sujet. Mais je rappelle au Gouvernement que l’approche par filière est la plus pertinente. Un dispositif fondé sur le volume consommé ou le niveau de puissance utilisé entraînerait des distorsions de concurrence au sein d’une même filière.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il n’échappera à personne dans cet hémicycle que les agriculteurs font partie des catégories très exposées à la concurrence mondiale.

M. Alain Bocquet. C’est vrai.

M. Jean Gaubert. Les lois sur les territoires ruraux et d’orientation agricole ont été l’occasion d’évoquer leur situation : non seulement ils sont confrontés à une forte concurrence au plan international, mais ils n’ont aucun pouvoir sur leurs prix de vente, qui sont fixés par le marché mondial et par les industriels. L’UMP a d’ailleurs souvent insisté sur la nécessité de réduire leurs charges. C’est certainement une bonne idée, mais ce projet de loi n’en prend pas le chemin, en leur reconnaissant le « droit » à payer l’électricité plus cher !

Nous vous proposons donc de permettre aux agriculteurs qui ont commis une erreur en se laissant emporter par le grand vent du libéralisme de revenir au tarif administré. Une telle mesure de justice serait appréciée dans le monde rural, dont nos collègues de l’UMP se targuent d’être les défenseurs exclusifs. Si tel est réellement le cas, ils ne manqueront pas d’adopter ces amendements, qu’ils auraient d’ailleurs pu déposer eux-mêmes. Les agriculteurs leur en seront reconnaissants : s’il est une catégorie qui mérite un traitement particulier, c’est bien celle-là.

M. Alain Bocquet. Je suis d’accord.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Pour en revenir à la discussion qui a eu lieu hier, en dépit des empoignades parfois très rudes qui les ont opposées, il n’y avait pas beaucoup de différences entre la proposition de la commission des affaires économiques et celle de la commission des finances. C’est pourquoi l’amendement finalement adopté n’a que l’apparence d’une synthèse.

À entendre le Gouvernement, la principale raison de repousser nos différentes propositions de retour au tarif réglementé est que la Commission européenne ne l’acceptera jamais. Or le dispositif finalement adopté par la majorité est très proche de la proposition initiale du rapporteur : la tarification provisoire, qui ne peut excéder 30 % du tarif réglementé de vente, s’inscrit à mi-chemin entre le tarif réglementé et le prix du marché. Mais si j’en crois les chiffres que l’on nous a donnés, elle sera beaucoup plus proche du tarif réglementé, et donc largement inférieure au prix du marché. Si vous pensez que la Commission acceptera ce compromis, comment pouvez-vous affirmer qu’elle refuserait toute tentative de remise en cause du prix du marché compensée grâce à des aides publiques ? Une véritable offensive politique ne pourrait que l’amener à reculer sur ce point. Je rappelle que très peu de pays étaient opposés, au départ, à la directive Bolkenstein. Depuis, celle-ci a été profondément transformée – même s’il reste des dispositions dangereuses. De même, un combat politique mené à l’échelle de l’Union, et dont la France pourrait prendre la tête, pourrait permettre de réhabiliter le rôle de la puissance publique en matière de fixation des tarifs de l’énergie.

Les amendements nos 12222 à 18326 dressent la liste des acteurs pouvant subir les conséquences extrêmement nocives de vos décisions. On a déjà évoqué le cas des universités, des hôpitaux, des collectivités locales ; je souhaite insister plus particulièrement sur les établissements sanitaires et sociaux, et notamment ceux qui s’occupent du handicap. En application des lois de décentralisation, ce sont les conseils généraux qui fixent les ressources allouées à ces établissements, lesquelles n’augmentent rarement plus de 2 % d’une année sur l’autre. Leurs dépenses, en revanche, augmentent sensiblement avec la hausse du coût de l’énergie, s’agissant de lieux où le confort est essentiel et où les besoins en chauffage, en particulier, sont très importants. Dès lors, les conseils d’administration – dans lesquels siègent nombre d’entre nous – sont amenés à prendre des mesures draconiennes : ils doivent diminuer les prestations, réduire l’encadrement ou la qualité du service, ce qui est en contradiction avec les objectifs du service public et avec l’esprit de la loi sur le handicap que nous avons récemment adoptée.

Vous refusez le retour au tarif administré de droit commun de peur qu’il ne redevienne la seule référence. Vous préférez, par pure idéologie, vous en remettre au marché. En agissant ainsi, vous risquez de mettre en difficulté les organismes publics que nous énumérons dans nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. À la privatisation de GDF, vous avez joint la transposition de la directive européenne concernant l’ouverture des marchés de l’énergie au 1er juillet 2007 à l’ensemble des consommateurs. Il est indispensable de tenir compte de ce qui s’est passé depuis la réflexion menée sur l’ouverture de ce marché européen et, en particulier, de considérer toutes les professions soumises à une concurrence extrêmement difficile. Nous pensons, en particulier, à l’agriculture, qui est une des forces de notre pays. Après avoir facilité la mise en œuvre de la politique agricole commune, elle a, en une cinquantaine d’années, permis à l’Europe, qui n’était pas autosuffisante en matière alimentaire, de devenir excédentaire et de se retrouver sur un marché mondial, qui n’est pas un réel marché au sens libéral du terme. Lors de la précédente législature, la commission des affaires économiques s’est rendue aux États-Unis et a pu constater que la puissance publique n’hésitait pas à subventionner très fortement son agriculture.

Nos agriculteurs ont pu profiter pendant une certaine période d’une électricité bon marché. Il importe donc naturellement de veiller à ce qu’ils ne se retrouvent pas prisonniers des publicités qui ont pu être faites après l’ouverture du marché et qu’ils ne soient pas pénalisés par une augmentation de leur facture de plus de 70 %. Je pense, en particulier, aux agriculteurs du sud de notre pays qui, pour pouvoir produire, doivent absolument irriguer et, en conséquence, utilisent l’énergie électrique afin d’actionner les pompes permettant de faire fonctionner les arroseurs.

Il convient aussi, puisque les prix sont fixés en dollars, de garder à l’esprit les difficultés que rencontrent les marchés mondiaux du fait d’un dollar sous-évalué. Nous devons également prendre en compte ce qui se passe au niveau européen en matière de politique agricole commune.

Enfin, le Sénat vient de voter en deuxième lecture le projet de loi sur l’eau et sur les milieux aquatiques qui a, entre autres, pour objectif de trouver des équilibres quant à cette autre ressource vitale pour nos concitoyens et pour nos activités industrielles. Aujourd’hui, notre société demande à l’agriculture de se comporter de manière citoyenne face à un problème de société de taille : l’acceptation des boues de stations d’épuration.

Si l’on considère la fixation de la parité des monnaies du point de vue international, l’Europe et sa politique agricole commune, les problèmes de l’eau au niveau local, national et international, comment ne pas admettre que l’État y tienne toute sa place ? Quelle que soit la volonté ultralibérale de la Commission européenne, nous devons tenir compte ce qui s’est passé. Avant que ne soit décidée la date du 1er juillet 2007, nous avons demandé une étude sur l’effet de l’ouverture du marché de l’énergie qui aurait dû intégrer ces éléments.

Nos amendements décrivent tous les effets néfastes que cette ouverture a pu avoir et tendent donc à permettre, en particulier aux agriculteurs, de se raccrocher aux tarifs réglementés de vente d’électricité. J’ajouterai toutefois que, tout comme la Commission de régulation de l’électricité, nous sommes quelque peu dubitatifs, quant à leur durabilité dans le temps.

Ce qui a été aujourd’hui décidé ne va pas dans le bon sens et ne permettra pas de maintenir l’avantage compétitif dont bénéficient nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La solution que vous nous proposez, messieurs les ministres, tente d’esquiver ce débat de fond.

Les données du problème sont relativement simples sur le plan politique. Après quelques années de libéralisation à tout va, tous les acteurs concernés se rendent compte en Europe et ailleurs que le marché n’est pas capable de résoudre les problèmes du court, du moyen ou du long terme et que la réponse ne peut être manifestement que structurelle.

Nous avons eu un débat sur les principes lorsqu’il s’est agi d’ouvrir à la concurrence ce marché particulier de l’énergie, dont celui de l’électricité. Des certitudes parfois dogmatiques se sont fait jour : l’ouverture au marché ne pouvait qu’entraîner une baisse des prix. Or, aujourd’hui, nous avons tous la preuve que les prix ont explosé. Ceux qui, souvent de bonne foi, se sont alors largement engagés dans ce système, rencontrent des difficultés et doivent faire face au problème de survie de leur entreprise.

La réponse que vous proposez évite de régler le problème au fond. Vous tentez d’inventer un système transitoire permettant à ceux qui se sont engagés dans cette impasse de bénéficier de la protection du marché, sans pour autant leur permettre de revenir au tarif réglementé. Grâce à cette position, vous ne tirez pas les conséquences de l’expérience malheureuse à laquelle vous nous avez invités. Votre proposition politique, à laquelle personne ne peut évidemment croire, consiste à défendre le marché dérégulé quand les prix baissent et à prôner le tarif régulé quand ils montent. On ne pourra pas éternellement passer de l’un à l’autre en fonction de l’évolution du marché. Il faut faire un choix et tirer les conséquences d’un marché qui n’en est pas vraiment un. Cela ne s’est d’ailleurs pas avéré uniquement en France. Les arguments qui nous sont opposés sur ce point ne paraissent pas recevables, puisque la problématique est aujourd’hui très largement partagée par l’ensemble des pays européens. Il faudrait donc saisir l’occasion que nous offre la discussion du 12 décembre prochain à Bruxelles pour s’interroger sur l’évolution et les fondements de ce marché si particulier, afin d’assurer la pérennité de notre industrie.

Si nous évoquons dans nos amendements un ensemble de professions, c’est bien pour montrer que toutes les activités industrielles et économiques de notre pays sont touchées par ce désastre, que vous êtes obligés aujourd’hui de constater.

Dernière observation, vous remettez insidieusement en cause à moyen terme l’existence même du tarif réglementé puisque vous allez faire payer la différence par les opérateurs, donc principalement par EDF. Quel en sera le résultat ? Les industriels restés sous la protection du marché et les familles, concernés à partir du 1er juillet, seront indirectement amenés à payer l’erreur idéologique ou de croyance dans les effets de la libéralisation décidée par d’autres. Outre que ce n’est pas juste, cela vous évite politiquement d’avoir à répondre au problème de fond.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je dois confesser que l’intervention de notre collègue Vidalies n’a pas finalement modifié mon point de vue,…

M. Alain Vidalies. J’en suis désolé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …qui est de toute façon celui de la commission qui a repoussé cet amendement. J’invite l’assemblée à faire de même.

Nous avons eu, en fin d’après-midi, avant la suspension de séance, un échange tout à fait intéressant et riche sur des amendements qui avaient exactement la même portée. J’avais alors expliqué que le tarif transitoire que nous avions adopté répondait mieux au problème posé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Je suis bien évidemment du même avis.

Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ce type d’amendements qui tentent de nier ce qui a été voté par ailleurs…

M. Michel Piron. Absolument !

M. le ministre délégué à l’industrie. …qui constitue, en fait, le dispositif que nous proposons de mettre en place.

Il est également choquant de fixer des tarifs spécifiques pour chaque catégorie de consommateurs. En effet les agriculteurs, les crèches et les foyers rencontrent un problème en matière d’énergie électrique. Les tarifs valent pour l’ensemble des consommateurs, professionnels ou particuliers et il n’y a pas lieu de distinguer selon la destination de l’électricité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Nous apporterons d’autant plus notre soutien à cet amendement que nous en avons déposé un similaire lors de la précédente séance qui était plus exigeant, puisqu’il parlait d’une augmentation de 5 % et étendait le bénéfice de la mesure dérogatoire à tous les usagers – nous refusons d’utiliser le terme de « clients ».

Nous avons alors expliqué toutes les raisons qui justifiaient de tels amendements. Ainsi, la Commission européenne, dans son ultralibéralisme débridé, exige curieusement l’abandon des contrats de long terme – qui sont une garantie pour le fournisseur et pour l’acheteur –, au profit des contrats spots. En quoi serait-ce économiquement préférable ?

Si vous ne voulez pas accepter ces amendements, monsieur le ministre, il est encore temps d’accepter les nôtres qui, eux, n’instituent pas de traitement spécifique. La balle est dans votre camp !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Réfléchissons un peu aux enjeux de toutes ces dispositions.

Votre leitmotiv, monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, c’est que vous faites confiance au marché.

M. Michel Piron. Non !

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Mais si !

M. Michel Piron. C’est caricatural !

M. Jacques Desallangre. Vous êtes fascinés !

M. Christian Bataille. C’est votre credo libéral !

M. Daniel Paul. M. le rapporteur, qui cumule les fonctions de député et de maire, nous a expliqué jeudi soir que, pour le moment, les marchés n’étaient pas au point. Il leur fait donc confiance pour l’être un jour.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il n’a pas dit ça !

M. Daniel Paul. Si. On peut interrompre la séance pour aller vérifier dans le compte rendu de la séance de jeudi soir.

C’est ce que l’on entend un peu partout. Pour le moment, ce n’est pas au point pour telle ou telle raison mais, dans quelques années, lorsque les outils de production se seront améliorés, les marchés joueront leur rôle. Il faut y réfléchir à deux fois. C’est votre leitmotiv, votre profession de foi, votre acte de foi.

M. Michel Piron. Mais non !

M. Daniel Paul. Il vous faudra faire ensuite un acte de contrition, mes chers collègues (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), parce que vous aurez beaucoup péché en franchissant ce pas.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui, mon père !

M. Daniel Paul. Vous faites confiance au marché pour un produit de première nécessité comme l’énergie. C’est avec l’eau et l’air, mais, pour le moment, on n’en est pas à marchandiser l’air, ce qu’un être humain consomme d’un bout à l’autre de la vie. Le reste, on peut quasiment s’en passer. L’énergie, on ne peut plus.

On ne peut pas la stocker, vous le savez bien, et, pour le moment, en plus, l’offre au plan européen est insuffisante, et ce sans doute pour de très longues années. Il manque en France plusieurs milliers de mégawatts, que l’on va tenter d’obtenir de manière diverse. Il y a l’EPR certes pour EDF, mais il y a aussi toutes les centrales à charbon ou au gaz qui vont fleurir dans les différentes régions de notre pays.

L’objectif de tous ces groupes, ce sera de faire du cash pour grossir leurs marges, tout simplement parce qu’ils sont confrontés à la nécessité d’investir. M. le ministre l’a rappelé à plusieurs reprises, EDF va devoir investir 40 milliards d’euros dans les prochaines années pour remplacer les centrales nucléaires à partir de 2017. On peut supposer que GDF, ou ce qu’il en adviendra, sera contraint également d’investir des sommes très importantes afin de faire face aux enjeux.

Il y a aussi la logique des actionnaires. M. Gadonneix et M. Cirelli l’ont rappelé, la modification des politiques tarifaires ne doit pas remettre en cause les engagements qui ont été pris auprès des actionnaires. C’est clair.

Il y a enfin la logique européenne, et il est impossible de revenir aux tarifs régulés parce que cela n’aurait plus de sens. C’en serait fini des prix du marché, à moins d’être inconscient ou irresponsable. Dans la lettre de griefs, la Commission européenne a été claire : les tarifs régulés en France sont un obstacle à la concurrence dans la mesure où ils sont trop bas pour que les entreprises qui veulent entrer sur le marché français fassent leur beurre, si vous me permettez cette expression un peu triviale. Il faut donc les tuer, d’une manière ou d’une autre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous faisons une loi pour les pérenniser !

M. Daniel Paul. Je n’ai pas dit que vous vouliez, vous, tuer les prix du marché. Pas encore. La logique électorale vous empêche d’afficher tout de suite (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ce que vous pensez sans doute tout bas. D’autres, à la Commission européenne, n’ont pas ce genre de retenue. Dans la lettre de griefs, c’est écrit en toutes lettres. Ça, vous n’avez pas pu le camoufler !

M. le président. Monsieur Paul, il faut conclure.

M. Daniel Paul. Il est écrit en toutes lettres que le trop bas niveau des tarifs de l’énergie en France constitue un obstacle à l’entrée des concurrents.

Il faut donc barder le plus possible le texte de tout ce qui peut bloquer la logique européenne, pour que l’on puisse revenir aux tarifs régulés lorsqu’il y a une menace pour des activités industrielles ou économiques, le budget des ménages ou des collectivités. Il n’est pas trop tard pour reconnaître que vous êtes en train de vous égarer. Il est temps d’exiger de la Commission européenne la renégociation des traités européens et des directives européennes. Vous avez des outils pour cela, des outils politiques. Le 29 mai, le refus du projet de constitution est aussi lié à ça. Si les Portugais ont essayé, même s’ils ont été retoqués, c’est vrai,…

M. le président. Monsieur Paul, pourriez-vous conclure ?

M. Daniel Paul. …c’est parce qu’il y a dans leur pays également un certain nombre de gens qui souhaitent la même chose.

Nous, nous sommes pour que le gouvernement français s’intègre dans une logique de refus de voir le secteur énergétique balayé pour accroître la rentabilité et donner satisfaction à un certain nombre d’actionnaires.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je serai très bref, mais je veux rappeler ce qui nous différencie fondamentalement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur Paul, vous venez de nous faire une sorte de procès, répété régulièrement, à propos du marché, mais qu’est-ce que le marché en la circonstance sinon l’expression d’une certaine réalité ? Il y a des questions, des attentes et des besoins. Ce n’est pas pour cela que l’on consacre a priori le marché ou qu’on le sacralise, c’est totalement faux.

La question, c’est de savoir si l’on se contente du marché. Qu’avons-nous fait en votant l’article 4, qu’avons-nous fait hier en nous préoccupant de régulation, sinon affirmer que le marché à lui seul ne répond pas à tout et que nous entendons bien peser sur les réponses ? Nous n’attendons pas que tout se passe sans intervenir. C’est finalement le rapport du politique à l’économique qui est en cause ici,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Michel Piron. …et ce texte, c’est justement l’apologie et la défense du politique par rapport à la façon dont se mène l’économie. On ne laisse pas les choses aller comme elles vont. En la circonstance, le procès que vous nous faites est donc inacceptable.

Le marché, il est peut-être possible de le récuser, mais le refuser, c’est refuser le réel, et c’est ce qui nous sépare effectivement. Vous contestez que le réel est le réel. C’est votre droit. C’est le présupposé idéologique qui date de l’idéalisme allemand et qu’on connaît bien, c’est la conception hégélienne de l’histoire, qui voudrait que le réel ne soit qu’un chaos sauf quand il est ordonné par l’esprit.

Vous avez parlé de l’investissement comme si c’était une espèce de gros mot. « Il faudra investir » ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Effectivement. Comment préparer l’avenir autrement qu’en investissant ? C’est bien parce qu’on est soucieux de l’avenir qu’on entend aussi peser sur l’investissement.

Voilà tout ce qui nous sépare, probablement depuis de nombreux jours,…

M. Jean Gaubert. Plus que ça !

M. Christian Bataille. Beaucoup plus !

M. Michel Piron. …mais je tenais tout de même à le préciser de nouveau ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, l’intervention, comme d’habitude remarquable, de M. Piron, que l’on doit écouter, me donne l’occasion de souligner que, sur ce texte, tout nous différencie fondamentalement du Gouvernement et de la majorité UMP.

Je m’étonne donc d’avoir entendu sur les ondes qu’il y avait un accord PS-UMP alors que, ce matin, les présidents de groupe et le président Debré se sont simplement entendus sur un calendrier qui nous permet de discuter de façon raisonnable. Je soupçonne une manipulation (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) de ceux qui, dans la majorité, ne veulent pas que l’on vote et voudraient précipiter le 49-3 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), pour être clair les sarkoziens de votre majorité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oh ! monsieur Bataille !

M. Christian Bataille. L’opinion est manipulée, y compris par le président de l’Assemblée nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui a refusé de répondre à François Brottes, qui vient de lui répondre à l’instant dans les couloirs, tout ça à partir d’une opération de bonne volonté ce matin en conférence des présidents. Vous nous découragez de vouloir discuter raisonnablement avec vous (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), car vous manipulez l’opinion par communiqués interposés.

Demain, nous allons rectifier tout ça. Il n’y a pas d’accord PS-UMP sur le fond.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ça nous rassure !

M. Christian Bataille. Nous sommes en total désaccord avec votre projet de privatisation de Gaz de France. Vous n’êtes pas du bon côté de l’hémicycle, monsieur Piron, car votre discours traduit votre foi en la parole de l’État. Or, par ce texte, on veut mettre l’État à genoux, on veut retirer à Gaz de France le service public et en faire une simple officine commerciale.

Je le dis aujourd’hui avec force, mais je suis surtout scandalisé par la basse opération politique de communication qui est menée sur les bancs de la majorité.

M. Daniel Paul. Et du Gouvernement !

M. Christian Bataille. Je regrette que le président de l’Assemblée nationale, qui devrait être au-dessus des partis, soit descendu dans la mêlée de manière partisane. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Bataille, le débat a été organisé ce matin en conférence des présidents en présence de l’ensemble des présidents de groupe de l’Assemblée, et c’est à l’issue de cette conférence des présidents que l’on a estimé que le vote pourrait avoir lieu le 3 octobre.

L’organisation est une chose, le débat sur le fond en est une autre.

M. Christian Bataille. C’est de la manipulation !

M. le président. À la conférence des présidents, nous n’abordons jamais le fond, nous cherchons à trouver les voies d’un consensus sur l’organisation.

M. Christian Bataille. Alors je demande une rectification de la part du président de l’Assemblée.

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Des propos équivoques ont en effet été tenus au perchoir dans l’après-midi, et repris par la presse comme on pouvait l’imaginer. C’est inconvenant, et ce n’est absolument pas conforme à l’état d’esprit qui est le nôtre dans l’opposition que nous menons contre ce texte.

Je pense qu’il serait bien que le président Debré clarifie ses propos à la tribune. Je vous demande donc une suspension de séance, monsieur le président, sur le fondement de l’article 58 alinéa 3.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je suis étonné, pour ne pas dire stupéfait, de ce que j’entends. Je pense que nous vivons en plein quiproquo.

M. Christian Bataille. Lisez les communiqués de presse !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’étais à la conférence des présidents ce matin. Y étiez-vous ?

Ce que le président Debré, au perchoir, a qualifié d’accord, c’est le fait qu’à la demande du groupe socialiste, nous avons accepté de ne pas siéger demain pour permettre aux députés du groupe socialiste d’assister à leur journée parlementaire.

M. François Brottes. C’est la tradition dans cette assemblée !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, c’est la tradition républicaine, et nous sommes très heureux de la respecter.

Il a demandé qu’en contrepartie, on essaie d’avancer rapidement aujourd’hui pour ne pas perdre trop de temps puisqu’il nous manquera les trois séances de demain. C’est en ce sens qu’il a fait état d’un accord. C’est tout et rien que cela, monsieur Brottes. Je ne voudrais pas qu’il y ait de quiproquo, d’amalgame et de mauvaise interprétation, le président Debré n’a en rien laissé penser qu’il y avait autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais suspendre la séance cinq minutes. Cela permettra de clarifier les choses.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est reprise.

Je voudrais mettre les choses au point : il n’y a pas eu d’accord politique ! Je l’ai dit en présence de M. le président du groupe socialiste : l’opposition continue de faire valoir ses arguments avec pugnacité. La conférence des présidents n’a fait qu’exprimer un souhait partagé, de trouver un calendrier prévisionnel pour nos travaux. Ni plus, ni moins. Il n’y a pas lieu de créer un incident à ce sujet. L’opposition reste déterminée à faire valoir ses arguments. Tout l’après-midi je lui ai donné la parole, comme elle le souhaitait – et parfois même au-delà des limites qu’impose le règlement. Je souhaite que le débat se poursuive dans la même sérénité. Cette précision est-elle assez claire ?

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, je vous remercie de vos propos. Je prends acte de cette clarification qui était nécessaire compte tenu de l’interprétation faite par certains médias. C’est le rôle de la conférence des présidents d’évoquer le calendrier prévisionnel sur les travaux en cours, mais il ne s’agit là que d’une réflexion. Pour l’instant chacun continue le combat qui est le sien, les uns pour faire adopter ce texte, les autres pour faire en sorte que la majorité recule. Il était important qu’il ne subsiste à l’extérieur aucune ambiguïté sur le mot « accord ».

M. le président. Monsieur Brottes, il n’y en a aucune. En outre, en ce qui concerne les journées parlementaires, je précise que permettre aux groupes de se réunir à cette occasion est une tradition républicaine et je la respecterai.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien.

M. Christian Bataille. Cela vous honore !

M. le président. Je l’ai moi-même proposé au président du groupe socialiste, d’autant que cette réunion aura lieu à Nantes. J’ajoute qu’initialement le groupe socialiste devait y consacrer deux jours. Pour montrer sa volonté de continuer le travail parlementaire, il n’y passera qu’une journée. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

(M. Yves Bur remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, nous avons perdu le fil de nos débats ! Allons-nous être obligés de recommencer au début ? (Sourires sur divers bancs.)

Je souhaite rappeler aux ministres et au rapporteur qu’il ne s’agit pas d’apporter à certains des avantages particuliers, mais de les étendre à tous. Les apporter à certains, c’est déjà fait : le fameux consortium des gros consommateurs, dont on a abondamment parlé il y a quelques jours, existe, monsieur le ministre, mais cela ne vous dérange pas. Par contre, dès que l’on vous propose d’accorder quelques droits à d’autres catégories professionnelles, alors là ce n’est plus possible. Accordons ces avantages à tous ou sinon à personne, au moins il y aura une logique. On ne peut pas comprendre que vous proposiez allégrement des avantages à certains – sans doute parce qu’ils sont importants – et que vous les refusiez aux petites PME, dont le Gouvernement se plaît à rappeler, dans des déclarations grandiloquentes, qu’elles sont l’essence de la France, ou encore aux agriculteurs dont certains déplorent ici les charges trop élevées qui pèsent sur eux ! Sans doute ne comptent-ils pas de la même façon !

M. Michel Bouvard. Et le carburant détaxé ?

M. Jean Gaubert. Drôle de façon de concevoir l’égalité entre les citoyens !

Loin des particularismes, nous voulons offrir à chaque catégorie professionnelle une porte de sortie qui leur permette de quitter ce beau monde de la « liberté » de se faire écraser par celui qui est plus fort que soi.

Le marché-roi, cela peut fonctionner si l’offre est au moins est égale à la demande. Mais, en matière énergétique, nous savons que pour de longues années, l’offre sera plus faible que la demande. C’est triste à dire, mais investir en France serait peine perdue si d’autres pays ne font pas les mêmes efforts. Or, pour le moment, la politique de l’énergie européenne se limite à la déréglementation et pas à autre chose. Dès lors, nous savons que ce que nous faisons sera malheureusement inopérant pour les consommateurs français.

Cet après-midi on nous proposait d’autoriser certains « commerçants » de l’électricité à venir de partout piller nos capacités de production, nucléaire et hydraulique en particulier, pour les vendre moins cher sur des marchés extérieurs. Heureusement, nous avons réussi à éviter le pire, mais je ne doute pas que certains essaieront d’y revenir au nom du libéralisme.

De même, s’agissant des contrats spots – on achète, on vend – aucun industriel n’investira à long terme s’il ne peut pas avoir de contrats à long terme. À quoi servirait en effet d’investir dans une usine qui doit produire de l’électricité de manière lourde pendant longtemps si l’on n’est pas sûr demain de pouvoir la vendre ? Beaucoup d’industriels se retourneront alors vers les énergies fossiles, moins chères en investissement, mais plus chères à la consommation. Mais alors où en sommes-nous du développement durable et de notre volonté affichée de limiter notre recours aux énergies fossiles ? Tels sont les problèmes qui se posent aujourd’hui.

Enfin, on emploie beaucoup le mot « d’éligible », qui suppose le droit à un privilège. Celui de se faire plumer peut-être ! Comme je l’ai dit cet après-midi, il faudrait lui préférer « condamné ».

Tel est le sens de nos amendements. Je ne comprends pas que la gauche soit seule à comprendre cette situation et à essayer d’y trouver une solution.

M. le président. Je mets aux voix par un vote global les amendements nos 12222 à 18326.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous abordons une série de 672 amendements identiques n°s 7 998 à 8 690.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je constate, monsieur le président, qu’avec délectation, vous citez un chiffre qui vous permet de battre un record en termes de temps consacré à l’examen de ces nombreux amendements.

M. le président. Pas du tout !

M. François Brottes. Ces amendements tendent à prévoir des dispositions dérogatoires relatives au gaz naturel pour certain nombre d’équipements publics.

Mes collègues développeront plus particulièrement les raisons qui justifient ces dérogations, car je voudrais, pour ma part, à ce stade de la discussion, interroger MM. les ministres, sur ce qui se passe au conseil d’administration de Gaz de France. Il semble en effet qu’il soit totalement dessaisi de tout ce qu’est en train de mettre en œuvre la direction de l’entreprise pour répondre aux exigences de la Commission européenne. Des questions ont été posées et aucune réponse n’a été donnée au conseil d’administration. Cela nous a été rapporté par les administrateurs salariés.

Il semble qu’aucun mandat n’ait été donné par le conseil d’administration à la direction pour engager les négociations sur les exigences de la Commission. Comme le chantait Jacques Dutronc « On nous cache tout, on nous dit rien ! »

Tout cela est extrêmement inquiétant parce qu’il semble – en tout cas c’est ce que pensent les administrateurs salariés – que la direction de l’entreprise veut aller plus loin que ce qui avait été évoqué lors de l’accord avec Suez. Il y avait bien sûr la question de la parité, mais il y avait aussi d’autres perspectives.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez en peu plus sur les démantèlements probables de l’entreprise Gaz de France. Des discussions sont en cours, elles répondent, et c’est normal, vous nous l’avez expliqué, à la lettre de griefs, c’est un premier retour. Il est important que l’on sache où nous en sommes. Si l’on cache tout au conseil d’administration, j’imagine que l’on ne cache pas tout à tous les administrateurs de Gaz de France et j’ose penser que si tout n’est pas dit de façon transparente à l’ensemble de ceux qui y siègent, les administrateurs qui représentent l’État disposent de certaines informations.

Nous sommes ici au Parlement : nous représentons le peuple français qui constitue, par le biais de l’État, – puisque cette entreprise est encore une entreprise nationale – l’actionnaire principal Il est très important que vous nous fassiez part de l’état des réflexions en cours, y compris ce qu’il est envisagé de proposer à la Commission européenne pour répondre à ses exigences qui figurent notamment entre les lignes barrées dans la lettre de griefs.

À l’article 10, nous allons évoquer la privatisation, mais finalement quelle entreprise allons-nous privatiser ? Que restera-t-il de cette entreprise après sa privatisation et sa fusion avec Suez ? C’est important pour les services qu’elle rend aux usagers, pour les personnels qui y travaillent, pour les administrateurs et pour les Français, parce que cette entreprise leur appartient.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez les éclaircissements que visiblement le conseil d’administration de Gaz de France n’arrive pas à obtenir.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, messieurs les ministres, je veux prolonger ce que vient de dire M. Brottes. Il est vrai que nous aurons l’occasion de poser ces questions lors de l’examen de l’article 10 ; mais étant donné les grandes manœuvres qui se déroulent en ce moment à Gaz de France, où la situation évolue d’heure en heure, il serait utile que vous y répondiez dès maintenant.

Nous aimerions ainsi savoir quelles activités Gaz de France devra abandonner, puisqu’on sait maintenant qu’elle devra opérer des cessions dans la perspective de la fusion. Nous aimerions savoir également quels seront les contours de la nouvelle entité. Ce sont là des questions d’importance.

Il faudra aussi répondre aux questions que nos concitoyens pourront légitimement se poser. L’objectif véritable de cette fusion, dont vous refusez de nous parler sous prétexte qu’elle n’est pas d’actualité, ne serait-il pas d’utiliser Gaz de France comme une cagnotte afin de rééquilibrer les comptes de Suez ?

Vous n’avez toujours pas démenti – mais peut-être comptez vous le faire – certains syndicalistes bien informés de Gaz de France, qui ont calculé que l’échange d’actions coûtera cinq milliards à l’entreprise. Le fonds de pension américain KVAM réclame même un échange plus avantageux. Vous nous répondrez qu’il détient moins de 1 % de Suez, mais cela suffit pour exiger un prix. Et lorsqu’on demande à être payé plus cher, on trouve toujours de nombreux alliés !

Gaz de France est peu endetté, malgré les grands discours qu’on nous répétait à l’envi depuis quelques années. À entendre certains, l’endettement des entreprises nationales était si important qu’on aurait dû pendre leurs dirigeants !

M. François Brottes. Monsieur Novelli !

M. Michel Bouvard. Certaines cessions n’ont pas fait de mal à EDF !

M. Jean Gaubert. On en reparlera, monsieur le vice-président de la commission des finances. On peut même en parler tout de suite, si vous voulez : j’ai quelques éléments en tête.

M. Michel Bouvard. Moi aussi !

M. Jean Gaubert. Je me souviens notamment de toutes les accusations qui leur ont été adressées.

M. François Brottes. Sans doute parlaient-ils de M. Alphandéry ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Gaubert. On aura l’occasion d’en parler tout à l’heure si vous voulez ! Nous sommes prêts à parler de tout, car nous n’avons, nous, rien à cacher !

La faiblesse de l’endettement de GDF ne servira t-elle pas à effacer en partie les 32 milliards de dettes de Suez ? Quel sera le niveau d’engagement du futur groupe dans le démantèlement des centrales nucléaires de Suez en Belgique ?

Aucune de ces questions n’a reçu de réponse jusqu’ici. On sait pourtant que la direction de Gaz de France y réfléchit très sérieusement. Il semble que les administrateurs ne parviennent pas à obtenir des réponses, ce qui est en soi un véritable scandale : les membres d’un conseil d’administration doivent disposer de tous les éléments nécessaires à la prise de décision. Peut-on espérer au moins que la représentation nationale, qui est une autorité légitime de l’entreprise, puisque c’est elle qui, par votre intermédiaire, mandate les administrateurs, recevra des réponses suffisamment précises à ces questions ?

M. François Brottes. La gouvernance moderne, c’est l’opacité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion d’examiner des amendements analogues à propos de l’électricité. Les raisons que j’avais alors exposées justifient le vote encore une fois défavorable de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, pour les raisons que vient d’évoquer le rapporteur.

Bien que vos interventions, monsieur Brottes et monsieur Gaubert, n’aient strictement rien à voir avec l’article 4 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) je vais malgré tout, dans un souci de transparence, répondre à vos questions.

M. Jean Gaubert. Nous vous en remercions.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais je tiens à souligner, afin que chacun en prenne note, que cela n’a strictement rien à voir avec le débat qui nous occupe ce soir.

Je voudrais d’abord répéter de la façon la plus claire que nous aurons à débattre, dans le cadre de l’article 10, des conditions selon lesquelles le Parlement permettra à Gaz de France de nouer des alliances stratégiques par dilution de son capital. Le Gouvernement proposera à l’Assemblée que 34 % du capital de l’entreprise soient conservés par l’État, qui disposera ainsi d’une minorité de blocage. Si nous y adjoignons la création d’actions spécifiques assurant un droit de veto de l’État sur les actifs stratégiques, à savoir les méthaniers, la distribution et les stockages stratégiques, nous donnerons à Gaz de France et à son futur allié, au cas où l’entreprise choisirait d’aller de l’avant, les moyens de protéger les intérêts auxquels nous sommes tous attachés.

M. François Brottes. Monsieur le ministre…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je n’ai pas terminé, monsieur Brottes, si vous me permettez de prendre le temps de répondre aux questions que vous m’avez posées.

Voilà quel est l’objet du débat. Comme je l’ai déjà indiqué, ce n’est qu’une fois cette autorisation délivrée par l’Assemblée et par le Sénat que Gaz de France pourrait aller de l’avant.

Vous allez m’objecter qu’un projet d’alliance est actuellement à l’étude : c’est rigoureusement exact. Et je répète qu’après avoir étudié le projet en tant que ministre de tutelle, je le juge bon pour l’entreprise. Mais c’est à elle, et à ses organes de direction, qu’il appartiendra d’en apprécier le bien-fondé au regard de plusieurs éléments.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Pierre Cohen. Il sera trop tard !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas au Parlement d’en décider, pas plus qu’il n’avait à décider du bien-fondé du rapprochement entre Air France et KLM. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Brottes. Ça n’a rien à voir !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est exactement la même chose. Ce n’est pas davantage le Parlement qui a décidé que Renault devait s’allier avec Nissan.

M. Jean Gaubert. Ces entreprises n’assuraient pas une mission de service public !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est aux entreprises qu’il appartient de définir leurs stratégies ; c’est à leurs organes de direction qu’il revient de s’exprimer là-dessus, notamment aux actionnaires, et à l’État s’il est actionnaire. À ce titre, l’État s’exprime pleinement, conformément aux droits qui sont les siens.

Je reviens au sujet qui nous occupe. Comme je l’ai indiqué très clairement à certains députés de la majorité – j’en ai notamment beaucoup parlé avec Claude Gaillard – le moment venu, je communiquerai à la commission des affaires économiques tous les éléments à ma disposition concernant le projet de fusion avec Suez – je n’ai jamais caché que je souhaitais qu’on aille dans ce sens – et les modalités qui seront proposées par Gaz de France et qui seront acceptées, ou non, par les actionnaires de Suez. Cela, je l’ai déjà dit à votre commission, monsieur le président...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et je l’ai rappelé à cette tribune.

J’en viens à la position de la Commission européenne sur ce projet de fusion. Sans vouloir, monsieur Paul, rouvrir le débat sur la lettre de griefs, dont vous avez estimé qu’elle avait été…

M. Daniel Paul. Caviardée !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je préfère dire « édulcorée » ! Je sais, grâce à vous et au président Bocquet, combien de lignes en ont été « édulcorées ». Je sais tout cela, inutile de le répéter.

Je tiens en revanche à vous redire, si vous me le permettez, que cette lettre de griefs ne vaut pas décision : elle n’est que la première étape de la procédure, au cours de laquelle la Commission a l’obligation de notifier aux entreprises toutes ses réserves. Ce document constitue pour les entreprises – en l’espèce Gaz de France et Suez – une base de travail à partir de laquelle elles peuvent commencer à réfléchir et à discuter avec la commission, et c’est ce qui se passe. Il est vrai, monsieur Brottes, que le conseil d’administration de Gaz de France s’est réuni ce soir, précisément pour débattre des réponses à apporter à la Commission. C’est là une étape normale dans une procédure contradictoire, où chacun défend son point de vue, avec l’objectif de trouver à terme une solution satisfaisante pour chacun.

Vous me permettrez, monsieur Brottes et monsieur Gaubert, de vous rappeler les obligations qui sont celles des membres d’un conseil d’administration. C’est un sujet que je connais bien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Cohen. On le croit sans peine !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai toujours eu le plus grand respect pour les administrateurs, en particulier pour les administrateurs salariés. J’ai toujours jugé la présence de salariés dans les conseils d’administration comme un plus pour une entreprise, et j’assume ce point de vue, qui n’est pas partagé par tout le monde, mais que mon expérience a confirmé. C’est tellement vrai, du reste, que je viens de défendre devant votre commission des affaires sociales – j’ai dû pour cela m’absenter une heure, et je vous prie, monsieur le président, de m’en excuser – un projet de loi relatif à la participation, qui prévoit la représentation des actionnaires salariés dans les conseils d’administration.

Qu’ils soient salariés ou actionnaires, les membres du conseil d’administration ont tous les mêmes devoirs : ils sont notamment soumis à une obligation de confidentialité concernant les propos tenus en conseil. Je ne voudrais pas les mettre aujourd’hui en difficulté. Persuadé que vous ne le voulez pas non plus, je préfère ne pas entendre ce que vous me demandez.

Je peux néanmoins vous dire que ce conseil d’administration a examiné quelles solutions pouvaient être proposées à la commission. Mais il n’a pas été question, à ma connaissance du moins, de cessions de je ne sais quelle activité ou de je ne sais quel terminal méthanier. On ne m’a pas du tout confirmé ces points. Je vous rappelle, même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde de ce côté-ci de l’hémicycle, que Gaz de France est une entreprise cotée. À ce titre, elle est tenue d’informer l’ensemble de ses actionnaires, ainsi que les marchés financiers, des propositions qu’elle aura faites à la Commission.

M. Gilles Cocquempot. Nous voilà rassurés !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À ce stade, je fais toute confiance à Gaz de France pour négocier intelligemment avec la Commission européenne, qui, elle, joue pleinement son rôle. Que je sache, la pertinence du projet de fusion entre Gaz de France et Suez n’est en rien remise en cause par les propositions respectives des deux entreprises.

Voilà, très clairement, ce que je peux vous dire ce soir. J’invite très sincèrement chacun dans cet hémicycle à faire preuve d’un minimum de recul par rapport aux responsabilités des administrateurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.). Vous n’avez pas à vous inquiéter : l’entreprise a l’obligation d’informer ses actionnaires, mais c’est à elle de décider du moment opportun pour le faire.

M. Pierre Cohen. On nous avait dit la même chose pour EDF !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’espère qu’elle le fera assez rapidement pour que nous puissions, si vous le voulez, en parler jeudi, au retour de la journée parlementaire à laquelle, si j’ai bien compris, certains d’entre vous doivent participer demain. Peut-être en serons-nous alors à l’examen de l’article 10. Je pourrais dans ce cas vous en dire quelques mots, si vous le souhaitez. Mais respectons la légalité et les exigences du droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Vous êtes sans doute, monsieur le ministre, dans votre rôle de ministre de tutelle de Gaz de France, puisque celle-ci est toujours une entreprise publique, qui à ce titre compte des représentants des intérêts de l’État dans son conseil d’administration.

Mais vous êtes aussi dans votre rôle de libéral de droite…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. De droite, oui !

M. Daniel Paul. Je ne vous le reproche pas.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas un gros mot !

M. Daniel Paul. Certes non ! C’est une position dans un combat politique que j’appelle la lutte des classes, mais vous avez le droit de préférer un autre terme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Léonce Deprez. C’est un langage du siècle dernier !

M. Daniel Paul. Vous êtes dans votre rôle lorsque vous défendez ces idées et ces orientations. Reconnaissez que nous sommes nous aussi dans le nôtre…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout à fait !

M. Daniel Paul. …quand nous demandons à avoir connaissance de l’intégralité des éléments permettant de conforter notre opinion – que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition.

Le sujet dont nous débattons depuis quelques jours n’est pas insignifiant : il ne s’agit ni plus ni moins, au terme d’un processus déclenché depuis quelques années, que de la privatisation d’une entreprise qui était récemment encore une entreprise nationale – et non pas seulement publique. Si vous poursuivez dans la voie que vous avez tracée, elle deviendra une simple entreprise privée dans laquelle l’État aura encore pour quelque temps, si vous ne suivez pas les propositions de M. Novelli, une minorité « de blocage » dont il risque de se révéler rapidement qu’elle ne bloque rien du tout.

Nous sommes confrontés au secret de la lettre de griefs caviardée, ou shuntée…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est le mot que je cherchais !

M. Daniel Paul. Je ne suis pas fier du mot, mais il existe, et correspond assez bien à l’opération qui a été effectuée. On nous dit que la Commission européenne ne permet pas qu’on nous communique certaines informations, qu’il s’agit du secret des affaires, du secret commercial, couvert par le code pénal. Diable ! Le législateur n’aurait pas le droit de savoir ce qui se cache derrière certaines choses, alors qu’on lui demande de voter la privatisation d’une entreprise publique ? Vous nous dites que la discrétion s’impose sur certaines questions. Admettons, mais voilà que tombent des dépêches, qui évoquent une mise sur le marché, une filialisation et la cession de parts.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai déjà répondu à ces rumeurs, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Soit. Toujours est-il que le périmètre de cette entreprise aujourd’hui publique va être modifié.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, il reste identique !

M. Jean-Pierre Gorges. Le périmètre ne change pas !

M. Daniel Paul. Et si la fusion ne se fait pas ? Gaz de France serait rabougrie.

M. Jean-Pierre Gorges. Vous n’avez rien compris !

M. Daniel Paul. Vous allez privatiser Gaz de France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Pierre Gorges. C’est une possibilité qui est donnée.

M. Daniel Paul. Je répète et je précise…

M. le président. Monsieur Paul, veuillez poser vos questions, je vous prie.

M. Daniel Paul. Dans quelques jours – vous espérez que ce sera début octobre –, vous allez privatiser Gaz de France. Selon une dépêche, des démarches seraient en cours pour répondre aux préconisations et aux exigences de la Commission européenne. Nous pouvons bien respecter une certaine confidentialité et quelques précautions. Toujours est-il que dans quelques jours ou quelques semaines l’opération de privatisation aura eu lieu et que Gaz de France ne sera plus ce qu’elle était jusqu’à présent.

Et si la fusion ne se fait pas ? J’ai pris voici quelques jours l’exemple du projet de Constitution européenne, qui a fait modifier préalablement la Constitution française comme si le « oui » au référendum allait de soi. Or le peuple français en a décidé autrement et a fait savoir qu’il ne voulait pas de ce projet. La Constitution nationale n’en a pas moins été aménagée pour accueillir cette modification. La même chose va se produire ici.

M. Jean-Pierre Gorges. Mais non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas du tout !

M. Daniel Paul. Si, monsieur le ministre : vous allez privatiser une entreprise sans être sûr de ce qui se passera ensuite, sans être sûr du périmètre qu’aura Gaz de France, sans être sûr de savoir si Suez voudra encore ou dans quelles conditions elle voudra de cette fiancée qui n’aura plus tout à fait les mêmes atours qu’auparavant.

Pour reprendre une expression quelque peu triviale qui a déjà été employée ici, GDF est une vache à lait qui a de belles propriétés. Avant d’être dépouillée de certains de ses actifs, et probablement des plus intéressants, elle risque aussi, comme l’a souligné Jean Gaubert, d’être dépouillée au bout du compte, si l’on suit les prétentions de certains fonds de pension, notamment américains, de quelques milliards d’euros pour satisfaire les actionnaires.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Les enjeux sont graves. Le communiqué que j’ai en main – dont je ne donnerai pas lecture faute de temps – est particulièrement inquiétant. Sans doute êtes-vous dans votre rôle en disant que ce n’est pas exact, mais c’est pourtant à cette sauce que GDF risque d’être mangée demain.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Merci, monsieur le ministre, de vos réponses. Elles sont certes partielles, mais vous ne pouviez manifestement pas nous en donner d’autres et nous en prenons acte.

Vous avez commencé votre propos, comme en témoignera le compte rendu intégral de nos débats, que je consulterai avec intérêt, en nous laissant un moment l’illusion que le Parlement déciderait du partenariat. Vous avez cependant très vite remis les choses au point, indiquant que le Parlement déciderait de vous donner la possibilité d’engager ultérieurement des partenariats sur lesquels, le cas échéant, vous rendriez des comptes sous une forme restant encore à définir.

Chacun aura donc compris que l’article 10 est celui du chèque en blanc. Vous demandez qu’on vous fasse une totale confiance pour décider de privatiser ou non Gaz de France et de conclure ou non un accord entre Gaz de France et Suez. C’est ce qu’il me semble avoir compris – et M. Novelli pourra sans doute me le confirmer – en suivant nos débats.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je n’ai pas employé l’expression « chèque en blanc » !

M. François Brottes. En effet, c’est moi qui l’ai utilisé, et je le redirai dans le débat. Du moins est-ce la conception que j’ai déduite de votre approche.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La situation est la même que pour Air France et pour Renault.

M. François Brottes. La situation est au contraire très différente ! À ma connaissance, Renault n’a pas de mission ni de contrat de service public. Ne comparons pas ce qui n’est pas comparable.

Je comprends l’émoi des actionnaires salariés. Il n’est pas question, en effet, d’un accord, mais de la dilution, voire de la suppression de leur entreprise, et de cessions d’actifs. Dans une telle situation, l’angoisse et l’inquiétude sont plus que légitimes. Il ne s’agit pas d’une délibération du conseil d’administration sur des prises de participation dans telle ou telle entreprise, mais d’une dilution qui devra, en outre, coûter très cher à Gaz de France,…

M. Jacques Desallangre. Et d’une réduction du périmètre !

M. François Brottes. …et, en effet, d’une réduction du périmètre des activités de cette entreprise publique. Vous comprendrez donc l’inquiétude des salariés.

Vous nous avez dit : « C’est coté, donc c’est secret ! »

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je n’ai pas dit cela !

M. François Brottes. C’est un raccourci : vous l’avez dit autrement, car vous avez beaucoup plus de talent que moi pour vous exprimer.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas du tout !

M. François Brottes. Dès lors qu’une société est cotée en Bourse, le fonctionnement des marchés financiers nous contraint à respecter certains secrets.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce sont les règles du droit des sociétés !

M. François Brottes. On voit bien que le film était écrit à l’avance : Sarkozy ouvre le capital et, tout en affirmant qu’il ne privatisera pas, introduit l’entreprise en Bourse, ce qui limite désormais la transparence de nos débats – c’est du moins ma conclusion. La manœuvre était organisée depuis longtemps.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que si l’accord ne convient pas, il ne sera pas signé. Deux éléments sont cependant très troublants. La question de Paul Giacobbi, qui vous demandait s’il y avait eu accord sur la parité des actions entre Gaz de France et Suez ou s’il ne s’agissait que d’une hypothèse de travail, n’a pas obtenu de réponse. Nous considérons que ce qui a été évoqué est déjà un accord, ce qui suppose que les choses sont déjà avancées.

Par ailleurs, dès le début, Gaz de France – avec votre accord sans doute, car je ne vois pas comment vous pourriez ne pas suivre de très près ces dossiers ni comment GDF pourrait répondre à la Commission européenne sans l’accord de celui qu’il faut bien appeler, tant qu’il s’agit d’une entreprise publique, son ministre de tutelle – prendra progressivement des engagements. À mesure que Gaz de France donnera des gages à la Commission sur le dépeçage partiel de ses activités, elle ne pourra pas reculer et peut-être nous direz-vous un jour, ici ou ailleurs, que l’accord n’est peut-être pas excellent au bout du compte, mais que les concessions à la Commission et les accords successifs avec Suez sont parvenus à un point tel qu’il n’y a pas moyen de faire autrement. Nous redoutons, comme les actionnaires salariés, de nous trouver en quelque sorte enfermés dans une seringue : même si l’accord n’est pas bon à la sortie, les choses seront tellement avancées qu’on ne pourra plus reculer.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Si l’on se comprenait dans cet hémicycle, on gagnerait beaucoup de temps.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Alors, faites un effort !

M. Jean Gaubert. Il faut que l’effort soit partagé, monsieur Novelli.

Monsieur le ministre, j’ai attendu en vain, dans votre démonstration, la réponse aux trois questions que je vous ai posées. Vous nous avez opposé la confidentialité et je sais de quoi il s’agit, pour avoir siégé moi aussi, même si je ne l’ai pas présidé, au conseil d’administration d’une entreprise nationale où, même si elle n’était alors pas encore privatisée, s’imposaient certaines exigences en la matière.

Cependant, sur les trois questions que j’ai posées, vous ne pouvez pas m’opposer la confidentialité. Ou alors c’est vous qui l’avez déjà trahie – ce n’est pas moi, en effet, qui ai annoncé la parité des actions. La question que je vous ai posée est la suivante : est-il exact que, comme l’affirme la CFE-CGC, la parité des actions coûterait au moins 5,2 milliards d’euros ?

Vous avez, monsieur le ministre, annoncé vous-même la parité.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

M. Jean Gaubert. Alors, c’est le Premier ministre ! Nous retrouverons les déclarations.

Je n’imagine pas un instant qu’on ait pu évoquer cette parité des actions sans avoir mesuré son coût. Or la question est maintenant de notoriété publique et échappe donc au secret des affaires. Elle sera forcément connue de tous et notamment, je l’espère, des administrateurs de GDF et de Suez – si tant est que l’opération se fasse, car eux-mêmes considèrent qu’avec une différence de cotation de 4 euros, cette parité d’une action pour une action est insuffisante et que l’échange doit se faire sur une autre base, auquel cas d’ailleurs le coût excédera 5,2 milliards d’euros. Vous ne pouvez pas m’opposer le secret sur cette question, qui est déjà depuis longtemps de notoriété publique.

Il en va de même pour la dette de Suez, bien connue de tous. Si la fusion se fait demain, la cagnotte de Gaz de France participera au remboursement de la dette de Suez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est une réalité. Et il faut encore ajouter à cela le prix des cessions d’actifs.

Vous ne m’avez pas répondu non plus sur la nature des engagements de Suez dans le nucléaire en Belgique et la manière dont cette question serait traitée.

Il ne sert à rien de tourner autour du pot. Si nous voulons gagner du temps, il faut répondre précisément à ces questions précises.

M. le président. Monsieur Gaubert, merci de bien vouloir conclure.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, j’ai posé des questions auxquelles je n’ai pas obtenu de réponses. Je suis donc en droit de…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je répondrai.

M. le président. M. le ministre aura le loisir de répondre à vos questions.

M. Jean Gaubert. J’ai cru comprendre que M. le ministre a mieux compris cette fois. Je me suis sans doute mal exprimé la première fois et il valait donc la peine de revenir à la charge.

Enfin, monsieur le ministre, ce n’est pas à vous qu’il faut recommander d’éviter l’amalgame entre Renault et Air France, qui sont des entreprises produisant des biens de consommation, et des entreprises de services aussi importantes pour l’indépendance nationale qu’EDF et GDF. Vous devriez éviter de telles comparaisons et pourriez trouver de meilleures pistes.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. En écho à M. Gaubert, je réagirai sur deux points aux propos de M. le ministre, qui a bien voulu préciser ceux qu’il avait tenus lors du débat général.

Jean Gaubert a justement rappelé qu’on ne peut comparer le gaz et l’électricité à d’autres produits qui, s’ils font intervenir des notions de stratégie industrielle ou d’indépendance – comme l’ont montré les débats qui ont entouré la privatisation de Renault –, sont des marchandises. Nous avons affaire ici à des enjeux stratégiques, car nul n’ignore qu’au cours des vingt ou trente prochaines années, l’énergie sera le nerf de la guerre économique, voire de la guerre tout court si l’on en juge par les problèmes liés aujourd’hui au pétrole.

On ne peut donc pas ignorer que, sur le plan européen, on doit se donner tous les atouts pour avoir un pôle stratégique d’énergie, alors que vous nous demandez un chèque en blanc pour négocier sur le gaz.

M. Michel Bouvard. C’est vous qui avez constitué Suez Énergie en vendant le CNR !

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, je m’offusque que ce soit à nous, responsables de la décision de privatiser Gaz de France sans savoir ce que vous allez en faire, que vous demandiez un chèque en blanc, alors qu’en face, le rapporteur et le président de la commission nous l’ont expliqué, il y a le conseil d’administration de Suez, qui a posé ses exigences. La première de celles-ci, c’est que l’État ne conserve pas 50 % du capital dans la fusion. En plus, on s’aperçoit que les administrateurs de Suez vont être exigeants par rapport à tout ce que va nous prescrire l’Europe dans le cadre de la fusion. On va donc se retrouver avec des administrateurs d’une entreprise qui, eux, vont décider en connaissant l’ensemble du contenu du contrat, alors que nous, responsables de l’avenir des entreprises publiques, nous serons dans l’obligation de vous laisser un chèque en blanc sans même connaître les intentions des uns et des autres.

M. Jean Gaubert. Tout à fait !

M. Pierre Cohen. Après un quart d’heure de discussions sur ce point, je ne suis pas beaucoup plus avancé qu’il y a huit jours. Ce que vous nous demandez est inadmissible. Il est important, tant qu’il en est temps, d’arrêter ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Puisque le débat sur la lettre de griefs est ouvert à nouveau, je rappelle que pour nous, à l’UDF, il n’est pas heureux que cette lettre soit filtrée, shuntée, caviardée,…

M. Michel Piron. Édulcorée !

M. Jean Dionis du Séjour. …édulcorée.

C’est un des arguments justes que martèle l’opposition. Et sur un point qui nous touche particulièrement à l’UDF, à savoir la qualité du partenariat entre la Commission européenne et le Parlement, cette manière de procéder est une vraie catastrophe. C’est vrai qu’on voudrait plaider le droit des sociétés – monsieur le ministre, vous en avez parlé à juste titre –, mais s’il y a un cas où il faut faire évoluer ces règles, c’est quand une société nationale est en jeu. Nous parlons de la lettre de griefs concernant GDF, entreprise publique, possédée par l’État,…

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. …et il me semble normal que le Parlement national dispose des informations nécessaires sur une société comme celle-ci puisqu’il est censé contrôler l’action du Gouvernement. Cela me semble une revendication juste.

Je vais essayer, monsieur le ministre de l’économie, mes chers collègues, de vous faire partager ma conviction : la confidentialité et le caractère stratégique des informations contenues dans cette lettre de griefs sont largement surestimées. Je l’ai lue. Il ne m’a pas semblé qu’elle soit stratégique et susceptible d’impacter le cours de bourse de GDF. (« Il a raison ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) En tout cas, le cours de bourse de GDF est autrement plus impacté par ce climat de méfiance, de trouble, d’incertitude, qu’il ne le serait par la communication d’informations précises.

Monsieur le ministre, est-il trop tard pour que le gouvernement français fasse une double démarche, auprès de l’Union européenne et de la société Gaz de France, pour demander que les documents échangés entre l’Union européenne et cette société soient communiqués au Parlement ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. Parfait ! Voilà un recentrage !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous sommes dans un débat qui porte sur la démocratie, et qui souligne une difficulté majeure. En effet, les questions que nous posons au ministre visent à connaître les conséquences des votes que l’on nous demande d’émettre ; or, si l’on s’en tient à l’argumentation de M. le ministre, dans ce genre de situation, mis à part les actionnaires, le Gouvernement et quelques dirigeants de l’entreprise, personne n’a le droit d’être informé de ce qui va se passer. C’est par la presse qu’on apprend que les PDG des deux entreprises vont à Bruxelles négocier avec les commissaires, pendant que nous sommes réunis ici !

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas normal !

M. Alain Vidalies. Et sur quoi négocient-ils ? Dans quelles conditions ? Avec quel objectif ? On ne sait pas. On sait simplement qu’il y a des risques. Dans les commentaires, dans les bruits de couloir venant des experts de Bruxelles, voilà ce qu’on entend : « En dépit de la volonté des deux entreprises de la minimiser, la communication des griefs est extrêmement sévère » observe un expert bruxellois ; « En effet, il n’est pas exclu que la fusion soit interdite. Il existe à ce stade deux scénarios : soit les entreprises ont conscience des difficultés sur le plan de la concurrence et font le nécessaire pour les régler, soit elles décident d’engager un bras de fer, et dans ce cas la Commission sera très stricte » estime un autre expert. On en est donc réduit à ce genre d’informations.

M. Christian Bataille. Qu’est-ce qu’on fait ici ?

M. Alain Vidalies. Une question de fond vous a été posée par M. Daniel Paul : que va-t-il se passer si se réalise l’hypothèse que personne ne peut écarter, à savoir un vote favorable du Parlement, mais une décision industrielle qui ne se fait pas, ne serait-ce que parce que les actionnaires de Suez viendraient à la refuser ? Qu’est-ce qui arrivera ? Un seul parlementaire, parmi ceux qui ont choisi de voter pour le texte, a-t-il décidé de donner un chèque en blanc au Gouvernement pour faire n’importe quoi pour parvenir à la privatisation de Gaz de France ? Personne ! Tout le monde ne parle que de la fusion avec Suez, sur laquelle nous ne sommes pas d’accord, mais si le vote signifie qu’on est pour la privatisation quoi qu’il arrive après, il faut le préciser d’une manière très nette.

M. Christian Bataille. Voilà !

M. Alain Vidalies. Dernière observation : vous nous dites qu’il y a le droit des sociétés, qu’il se passe des choses, qu’il y a des réunions, des négociations, qu’on répond à la Commission, qu’il y a un débat sur une décision qui concerne l’ensemble du peuple français, mais que nous n’avons pas le droit d’en savoir plus parce qu’il y a le droit des sociétés et que les administrateurs sont tenus au secret. Très bien, monsieur le ministre, mais les administrateurs qui représentent l’État, qui est majoritaire, leur avez-vous donné carte blanche pour qu’ils interviennent suivant leur humeur, suivant leur propre volonté ? Puisque vous ne pouvez pas nous parler des délibérations, ce que je conçois, peut-être pouvez-vous nous parler des instructions ? Car c’est bien l’exécutif et l’Etat actionnaire qui donne des instructions ! Or même là-dessus, vous ne nous donnez pas la moindre indication ! Nous sommes donc dans un débat absolument incroyable, où on nous demande de prendre une décision d’une portée considérable, sur un sujet où vous avez des informations, et vous vous abritez derrière des arguments irrecevables puisque ici c’est la transparence qui devrait l’emporter.

Après tout, si vos arguments ont tellement de force sur le plan industriel, si nos inquiétudes sont infondées, vous n’avez alors qu’à dire ce que vous savez, ça ira dans le sens du projet que vous défendez. Or au contraire, plus le débat se déroule, plus vous vous mettez à l’abri de barrières que vous érigez pour éviter que ce débat se développe dans la transparence. Vous comprendrez que c’est justement votre comportement et votre attitude qui ne peuvent qu’aggraver nos inquiétudes et probablement en susciter sur les bancs de la majorité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix par un vote global les amendements nos 7998 à 8690.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vais répondre aux questions qui m’ont été posées, mais rapidement parce que, je le rappelle, les interventions que je viens d’entendre concernent l’article 10. J’entends ce que vous dites, j’ai apporté déjà des éléments de réponse ; on aura l’occasion d’en débattre abondamment dans le cadre de l’article qui aborde précisément ces questions. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à avancer dans le débat, et puis je répondrai à l’ensemble de vos questions lors de l’examen de l’article 10. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Christian Bataille. Très bien, on note !

M. le président. Je suis saisi de plusieurs séries d’amendements identiques, nos 19302 à 25373.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Par ces amendements, nous demandons qu’à titre dérogatoire, en cas d’augmentation substantielle du coût du gaz naturel, un certain nombre de professions et de secteurs puissent revenir au tarif réglementé.

Jusqu’à aujourd’hui, il y a eu peu d’évolution entre les tarifs réglementés et les prix car, malgré l’ouverture du marché, Gaz de France a, du fait des limitations du réseau, une position dominante – ce que nous considérons d’ailleurs, pour une entreprise publique, comme une bonne chose. Mais dans l’avenir, compte tenu que les ressources énergétiques, en particulier le gaz, sont clairement inférieures à la demande, du fait notamment de l’explosion des besoins de la Chine et de l’Inde, du fait également des intentions de la Russie d’utiliser le gaz comme une arme – les investissements de Shell, voire de Total, sont pour le moment arrêtés en Extrême-Orient, du côté de Sakhaline en particulier –, il est évident que le risque d’augmentation des prix du gaz est non négligeable.

Or il faut rappeler que beaucoup d’activités nationales liées au gaz sont confrontées à la concurrence internationale. J’ai déjà parlé des agriculteurs, je pense aussi à tout le secteur agro-alimentaire, par exemple aux biscuiteries qui doivent faire tourner des fours. Le prix de l’énergie est un élément important du prix de revient dans ce genre d’industries, et s’il augmente trop, une entreprise comme Danone pourrait être tentée, du fait de l’extension du marché européen, de délocaliser ses biscuiteries dans les pays d’Europe où les salaires restent faibles, en particulier en Pologne, afin de retrouver un avantage compétitif. Dans ces secteurs, il faut permettre aux industriels de pouvoir revenir aux tarifs réglementés.

Par rapport à ces risques, nous avons en France un avantage concurrentiel, en particulier grâce à une grande entreprise gazière intégrée. Mais, après les capacités de stockages et les réseaux que nous avons donnés en son temps à GDF, qui était une entreprise 100 % publique, il y a aujourd’hui ce que propose la Commission européenne, ainsi que ce qui est avancé par certains, je pense en particulier aux responsables de la Commission de régulation de l’énergie, à savoir la perspective d’avoir assez rapidement à séparer complètement les réseaux de la fourniture. Tout cela représente une source d’inquiétude réelle.

Quelles que soient les informations tronquées parues dans la presse – et je veux bien croire que le président de notre assemblée n’y soit pour rien –, il me semble important que tous les utilisateurs prennent conscience du risque majeur que la privatisation de GDF ferait encourir à la pérennité de leur activité.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Ces amendements pourraient apparaître redondants. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Quelle lucidité !

M. Jean Gaubert. En réalité, ce n’est qu’un effet d’optique. Il n’aura pas échappé à la sagacité de mes collègues, je pense, que deux problèmes étaient en réalité soulevés.

M. le président. Vous nous rassurez, monsieur Gaubert ! (Sourires.)

M. Jean Gaubert. Je pourrais en évoquer davantage, mais ces deux-là sont particulièrement significatifs.

Le premier concerne les aviculteurs. Chacun sait combien ils ont souffert, et souffrent encore, de la crise aviaire.

M. Jacques Briat. Nous ne l’ignorons pas !

M. Jean Gaubert. Si le cours du poulet a remonté, c’est au prix, ne l’oublions pas, d’un espacement des vides sanitaires dans les poulaillers. La situation d’un éleveur est donc comparable à celle d’un salarié qui, auparavant, était – mal – payé douze mois, et l’est à présent – toujours aussi mal – huit mois.

Mme Arlette Franco. Quel rapport avec le débat ?

M. Michel Bouvard. Les rôtissoires tournent-elles au gaz ?

M. Jean Gaubert. Il faut savoir que l’énergie est le deuxième poste de charges pour un éleveur de poulets, le premier étant l’alimentation, le troisième les amortissements et le quatrième les salaires.

M. Michel Bouvard. Il faut faire de l’élevage en plein air et de l’AOC !

M. Jean Gaubert. Nous aurons ce débat sur les types d’élevage une autre fois.

Plus sérieusement, des milliers de producteurs de volailles souffrent et savent très bien que, malheureusement, la crise sera longue. D’où l’importance de leur donner les possibilités que l’on offre à d’autres : songeons aux industries électro-intensives et au plafonnement de 30 % – ou 20 %, on ne sait plus trop.

Seconde catégorie concernée : les serristes. Alain Gouriou vous en a beaucoup parlé, monsieur le ministre, mais vous n’êtes apparemment pas tout à fait convaincu. Il y a deux ans, un serriste payait le chauffage onze euros par mètre carré.

M. Serge Poignant. C’est pour cela qu’il y a eu des accords.

M. Jean Gaubert. Lorsque que le tarif dérogatoire disparaîtra et que s’imposera celui du marché, les serristes verront leur facture de chauffage doubler. Peu d’entre eux pourront résister, d’autant qu’ils doivent faire face à des amortissements très élevés.

J’entends de braves gens dire qu’ils n’ont qu’à faire autre chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Serge Poignant. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Jean Gaubert. N’oublions pas que, même si un paysan développe une autre activité, il doit continuer à payer les amortissements de ses équipements.

Il est donc très important que ces deux catégories – et j’aurais pu en citer bien d’autres – puissent bénéficier d’un régime spécial : elles le méritent autant que les industries électro-intensives et toutes les grandes entreprises à qui profiteront les amendements votés hier soir. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ces amendements visent à neutraliser les effets de la privatisation annoncée et de la dérégulation effrénée du marché.

Il s’agit donc bien du gaz, monsieur le président. On annonce dans la presse que GDF va mettre sur le marché, à la disposition de ses concurrents, 10 % de ses approvisionnements en gaz, et proposer la filialisation de ses terminaux méthaniers destinés à importer du gaz naturel liquéfié – le GNL – en contrepartie de sa fusion avec Suez. La direction de GDF semble pour l’instant démentir ces informations, mais celles-ci proviennent de sources syndicales et méritent donc d’être regardées de près.

Première remarque : Suez, on le sait, ne représente que 4 % des approvisionnements. Si en outre les 20 % actuellement gérés par GDF sont amputés d’une partie sacrifiée à la concurrence, le fameux argument selon lequel l’entreprise sortirait plus forte d’un mariage avec Suez devient très fragile ! D’où l’importance de savoir quelles seront les concessions faites à la Commission européenne.

Seconde remarque : Serge Poignant, qui connaît ses dossiers et travaille depuis longtemps sur les questions de l’énergie, a aussi la particularité d’être un élu de la Loire-Atlantique. Je ne voudrais pas le mettre en difficulté, mais il se trouve que c’est à Nantes que le groupe socialiste tiendra, comme c’est la tradition républicaine, demain sa journée parlementaire. À n’en pas douter, nous serons donc interrogés par des salariés sur l’avenir du terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne.

Trois solutions s’offrent à nous. La première est de leur dire que nous ne savons rien, puisque l’on n’a pas daigné répondre aux questions que nous avons posées ce soir. Deuxième solution : nous leur conseillons d’aller voir M. Poignant, qui, en tant qu’élu de la majorité, dispose sans doute d’informations plus précises que les nôtres. Nous n’en ferons rien, toutefois.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet, cela ne serait pas élégant !

M. Michel Piron. Vous devriez vous-même demander conseil plus souvent à M. Poignant !

M. François Brottes. Je pense donc, monsieur le ministre, que l’élégance consisterait pour le Gouvernement à répondre à ma question sur l’avenir du terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne. Cette troisième solution éviterait à M. Poignant d’avoir à vous poser lui-même la question.

Il nous faudra bien, je le répète, répondre à la question lorsqu’elle nous sera posée demain et que les dépêches seront sorties. À l’issue de notre discussion sur ces amendements, j’attacherai donc la plus grande attention – comme M. Poignant, j’imagine – à l’éclairage que vous pourrez donner, monsieur le ministre, sur cette question cruciale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable. Je n’insisterai pas davantage, car j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer la position de la commission sur ces questions lors de l’examen d’amendements similaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je serai un peu plus long que le rapporteur, mais la conclusion sera la même.

Tout d’abord, seuls 10 % environ des professionnels du gaz ont opté pour le marché, ce qui est beaucoup moins que dans le domaine de l’électricité. Par ailleurs, le prix du gaz sur le marché est d’environ 10 % supérieur à celui des tarifs réglementés.

M. Pierre Ducout. Je l’ai dit aussi !

M. Daniel Paul. Il y a toutefois des exceptions !

M. le ministre délégué à l’industrie. Enfin, il existe davantage de tarifs différents – jusqu’à trois pour le consommateur particulier – pour le gaz que pour l’électricité. Les situations ne sont donc pas comparables, et les amendements que vous proposez ne correspondent pas à la spécificité des problèmes qui se posent dans le domaine du gaz.

Cela étant, je suis tout autant préoccupé que M. Gaubert par la situation des aviculteurs. Pour ce qui concerne les serristes, nous discutons actuellement avec eux, et l’Assemblée a voté un amendement qui permet de régler certains problèmes. Nous avons également des discussions avec les horticulteurs. Les choses suivent donc leur cours, et pourront être améliorées grâce aux dispositifs votés.

Je voudrais enfin rassurer M. Brottes sur le terminal méthanier de Montoir, dont le rôle est essentiel. Deux terminaux sont en projet au Havre et à Fos. Celui de Montoir est très important pour l’approvisionnement de notre pays en gaz naturel liquéfié. Si Serge Poignant ou vous-même avez l’occasion de rencontrer – pourquoi pas demain – des représentants de ce terminal, dites-leur bien que nous en avons besoin. Je ne vois donc pas, de ce point de vue, ce qui pourrait changer à court terme.

Avis défavorable aux amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. J’entends bien vos arguments, monsieur le ministre, et je serais volontiers disposé à y ajouter foi. Mais la lettre de griefs dont il a beaucoup été question ces derniers jours mentionne bien les tarifs parmi les barrières à l’entrée de la concurrence sur le territoire français – ils sont trop bas pour que les concurrents puissent faire des profits –, ainsi que l’omniprésence de GDF dans le domaine des transports et dans celui des terminaux méthaniers. Pour que la Commission européenne accepte la fusion avec Suez, il faut donc que le nouveau groupe lâche du lest sur les tarifs, mais aussi sur le réseau de transport et les terminaux méthaniers – on parle de filialisation.

Le gouvernement belge, lui, va même un peu plus loin, en estimant qu’il faut « dispatcher » le parc nucléaire qui appartient à Electrabel entre plusieurs opérateurs afin que la concurrence puisse jouer.

On en est là aujourd’hui, même si le Gouvernement et Gaz de France démentent les informations qui circulent sur la cession de certains actifs visant à calmer la Commission européenne. Ce ne sont peut-être que des rumeurs ; il n’empêche, monsieur le ministre, un large faisceau d’indices laisse deviner que, tandis que nous débattons, d’autres discussions – concrètes et précises – se tiennent ailleurs sur l’avenir de ce qui était, il y a peu de temps encore, une grande entreprise nationale et qui est encore publique, pour quelques jours ou quelques semaines seulement, puisque vous persistez dans votre projet.

Le changement de périmètre de cette entreprise est à l’ordre du jour, et, malgré vos arguments, je n’ai pas confiance dans la capacité du Gouvernement à résister aux pressions. Ces pressions sont d’ailleurs logiques, dans un système tout entier voué au service des actionnaires, de ceux qui ont envie de « faire du fric » avec le gaz et l’électricité. Elles sont énormes : pression de la CRE, pression de la Commission européenne, pression des entreprises elles-mêmes. M. Gadonneix disait, il y a quelques jours, qu’il ne fallait pas toucher aux résultats pour ne pas mécontenter les actionnaires et arguait des promesses et des engagements qu’il avait à tenir en termes d’investissement dans des terminaux ou dans l’EPR. Comment croire, dans ces conditions, que le gouvernement français, qui est le bon élève de l’Europe en ce domaine, sera à même de résister quand il n’en a même pas l’envie ?

Je lis sur le visage de certains que nous répétons sans cesse la même chose. C’est vrai, mais les enjeux concernent toutes nos circonscriptions, et donc l’ensemble de notre pays. Au regard des missions qu’elle remplit, nous ne pouvons pas, au prétexte que l’on nous interdit ceci ou que l’on nous cache cela, laisser aller à vau-l’eau une entreprise comme GDF.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous ne faites pas confiance au Gouvernement, monsieur Paul. Soit. C’est la position que vous tenez dans cet hémicycle, où vous défendez des valeurs et des choix politiques qui ne sont pas les nôtres. Pourtant, vous devriez nous accorder du crédit sur ces questions-là, car nous partageons les mêmes objectifs. Notre volonté est d’améliorer la sécurité d’approvisionnement de notre pays. C’est ce qui motive ce texte. Or, la sécurité d’approvisionnement, ce sont des points d’entrée et des quantités, et je ne suis évidemment pas ici pour vous dire que demain les uns et les autres vont disparaître, bien au contraire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très juste !

M. le ministre délégué à l’industrie. Thierry Breton vous a dit tout à l’heure que tout cela était en discussion est que, d’ici peu,…

M. François Brottes. Après-demain !

M. le ministre délégué à l’industrie. …les conseils d’administration ayant eu l’information, elle vous serait communiquée. Par ailleurs, nous aurons l’occasion de discuter de ce point lors du débat sur l’article 10. Je m’en tiens donc à ce qu’a déclaré le ministre de l’économie.

M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements nos 19302 à 25373.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques, nos 90402 à 90423.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements ne vont pas vous surprendre. Pendant longtemps les contrats de long terme ont été les contrats dominants chez Gaz de France, parce que c’était l’intérêt – ça l’est toujours d’ailleurs – des deux parties : le fournisseur, d’un coté, qui veut être sûr de vendre son gaz et a besoin d’une visibilité à long terme pour programmer les investissements nécessaires ; le client ou l’importateur, de l’autre, dont l’objectif est, et devrait continuer à être, d’obtenir du gaz sur la durée la plus longue possible et à des prix qui soient conformes aux intérêts ou aux capacités de son pays. On a fonctionné pendant longtemps sur la base de contrats de long terme, et c’est encore le cas pour ce qui concerne une partie des approvisionnements de GDF, qui dispose, si j’ai bonne mémoire, de contrats courant jusqu’en 2012, voire pour certains jusqu’en 2020.

Or, la lettre de griefs de la Commission fait apparaître que les contrats de long terme sont contraires à la logique du marché, de ce système dans lequel on veut nous faire entrer. Elle privilégie les contrats spot, ce qui est conforme à la logique du marché où ce ne sont ni les importateurs ni les producteurs mais des traders qui achètent le gaz et font grimper les enchères. C’est une logique infernale qui vise à modifier les équilibres, en faisant monter en puissance les contrats spots et en réduisant d’autant la part des contrats de long terme.

Nos amendements ont donc pour objectif de fixer la part des contrats de long terme à 95 % minimum des besoins de chacun des fournisseurs.

On entend dire par ailleurs que les contrats de long terme seraient de plus en plus utilisés pour couvrir les besoins des entreprises – ce que je peux comprendre – mais que, par voie de conséquence, on aurait davantage recours aux contrats spot pour les besoins des particuliers. Si c’était vrai, cela serait dramatique car, au prétexte de faire face aux besoins des entreprises, on mettrait en péril la sécurité d’approvisionnement des particuliers, commerçants, artisans ou PME à un tarif accessible.

Nous voulons donc, d’une part, attirer l’attention de l’ensemble de nos collègues sur ce basculement qui est en train de s’opérer progressivement et, d’autre part, fixer pour les contrats de long terme un seuil minimal, certes élevé mais à la hauteur des enjeux pour notre pays et nos concitoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Les amendements défendus par Daniel Paul auraient pour conséquence d’empêcher les nouveaux entrants de pouvoir opérer, puisqu’ils devraient présenter des contrats de long termes pour des clients qu’ils n’ont pas encore.

M. Daniel Paul. Cette analyse est très intéressante !

M. Jean-Claude Lenoir. Je ne vois pas beaucoup de fournisseurs prendre le risque de conclure des contrats de long terme dans ces conditions.

J’ajoute qu’un tel dispositif a très peu de chances d’être accepté par la Commission européenne, car il n’est pas compatible avec le traité. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Il faut savoir que le contrat de service public de Gaz de France prévoit que son approvisionnement doit être assuré à 80 % par des contrats de long terme. Aller au-delà de cette obligation induirait pour Gaz de France des complications dans la gestion de sa distribution. En effet, pour faire face aux pics de demandes, une partie des quantités doit pouvoir être gérée à court terme. Le seuil des 80 % répond donc à des considérations techniques touchant à l’alimentation de l’ensemble du réseau.

D’autre part, les fournisseurs ont une seconde obligation, inscrite dans la loi de 2003, qui est d’avoir en stock au moins 85 % des besoins théoriques de leurs clients, et cela afin de faire face aux situations d’urgence.

Ces deux obligations répondent en partie, me semble-t-il, à l’objectif que vous poursuivez, monsieur Paul. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Vous nous rappelez, monsieur le ministre, qu’il y a obligation dans ce pays pour tout fournisseur de gaz d’assurer au moins 80 % de ses approvisionnements par des contrats de long terme.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est l’obligation faite à GDF dans son contrat de service public.

M. François Brottes. Soit. Mais la question est de savoir si cette disposition contraignante sera maintenue sachant que, pour la Commission européenne, trop de contrats de long terme « nuisent à l’animation du marché » – j’essaie, non sans mal, de parler comme les libéraux – car cela empêche les nouveaux entrants de conquérir des parts de marché.

Il y a donc un risque que cette contrainte soit assouplie, pour le plus grand profit des fournisseurs de gaz, qui sauront s’entendre tacitement pour refuser à leurs clients des contrats de long terme, au motif que c’est interdit par la Commission européenne.

L’une des façons de gagner de l’argent en vendant du gaz consisterait alors à s’approvisionner à partir de contrats de long terme et de vendre sur la base de contrats de court terme. On voit bien le risque de dérive !

Aussi, qu’il s’agisse de Gaz de France ou de son successeur – après la fusion avec Suez –, il est très important, monsieur le ministre, que vous confirmiez que l’obligation actuelle, au moins 80 % de contrats à long terme, sera maintenue – nos collègues du groupe communiste proposent 95 %, mais nous débattrons plus tard du pourcentage. Si cette contrainte était assouplie, le risque existe que les opérateurs, y compris l’opérateur historique, s’entendent pour ne plus fournir leurs clients sur la base de contrats de long terme, au prétexte que Bruxelles l’interdirait. C’est un élément lourd du dossier, qui concerne directement nombre de consommateurs. La question posée est de savoir si l’existant, dont vous avez fait état s’agissant de cette contrainte, sera pérennisé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. À l’évidence, vous nous soupçonnez de vouloir supprimer les contrats de long terme.

M. Daniel Paul. Suspicion légitime !

M. Jacques Desallangre. Nous n’avons aucune garantie !

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais je vous ai déjà fait le serment de les défendre.

M. Jacques Desallangre. M. Sarkozy aussi avait fait des serments !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas nécessairement le discours entendu à Bruxelles. À la Commission, il y a un commissaire à l’énergie, qui comprend nos préoccupations, mais aussi un commissaire à la concurrence, qui est parfois sur une autre longueur d’ondes. Cela étant, la position française est tout à fait claire sur ce point : les contrats à long terme sont fondamentaux. J’en veux pour preuve l’obligation – au moins 80 % de contrats à long terme – inscrite dans le contrat de service public de GDF, signé il y a moins d’un an.

Qu’est-ce qui changerait en cas de fusion entre Suez et GDF ? Il y aurait une part plus importante de gaz naturel liquéfié. Aujourd’hui, le GNL est livré et peut s’acheter par bateau, sans forcément passer par un contrat de long terme. La souplesse que permet le gaz naturel liquéfié, qui est un avantage, peut être vue aussi comme un inconvénient. Mais il existe également des contrats de long terme pour l’approvisionnement en GNL. GDF en a d’ailleurs un sur vingt ans avec l’Égypte : il lui est donc possible de disposer, chaque année, d’un certain nombre de bateaux pour le marché français, entre autres.

Quant au contrat de service public de GDF, il ne changera pas, même si GDF a demain, du fait de la fusion, une base plus large : la fusion ne se traduira pas par une réduction de son périmètre, mais bien par l’adjonction d’éléments nouveaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Cela dépendra de ce que dira la Commission européenne !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous le dis, le contrat de service public contiendra les mêmes obligations, et je ne vois pas pourquoi celles portant sur les contrats de long terme seraient assouplies !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 90402 à 90423.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n137626 et n137528, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je défendrai seulement l’amendement n° 137626, car il intègre les modifications contenues dans mon autre amendement, n° 137528, deuxième rectification, modifications qui nous ont été inspirées par certaines observations des services du ministère de l’industrie.

Mon amendement concerne le transport de l’électricité pour les usines électro-intensives, souvent situées dans des vallées enclavées, éloignées des lieux d’approvisionnement en matières premières, ce qui les pénalise. Leur implantation, historique, datant d’un siècle ou au moins de plusieurs décennies, est liée à la proximité de lieux de production d’électricité, lesquels étaient d’ailleurs souvent à l’origine la propriété de ces usines. Des centrales électriques sont ainsi parfois installées dans le périmètre même des usines – j’ai d’ailleurs remis des photos au ministre et au rapporteur pour illustrer mon propos. Après la nationalisation, les centrales n’ont pas été déplacées et se situent donc toujours dans le périmètre des usines. Il est aberrant que celles-ci paient le transport de l’électricité au même prix que les autres usagers, d’autant que les lignes directes qui les approvisionnent évitent les pertes en ligne, autrement dit les déperditions d’énergie. Les lignes directes seraient donc la solution à privilégier, s’agissant des sites électro-intensifs.

Le problème n’avait pas été soulevé jusqu’à présent parce que les électro-intensifs étaient moins sensibles au prix de l’énergie, bénéficiant, au titre de l’article 8 de la loi de nationalisation, d’une électricité à prix coûtant fondé sur le prix de l’électron, et non sur celui du transport. Toutefois, l’article 8 ne couvrant pas tout, l’augmentation des prix intervenue à la sortie des contrats de long terme met aujourd’hui en jeu la survie de certains sites industriels. Nous pourrions donc instituer un tarif ligne directe, comme vient d’ailleurs de le faire l’Allemagne pour les mêmes raisons, preuve que la disposition est eurocompatible. Le problème de la concurrence n’existe pas à ce niveau, et la Commission européenne a reconnu la compatibilité de ce tarif.

Celui-ci réduirait d’environ 8 % le prix de l’électricité pour les industriels concernés en écrasant le prix du transport, tout en n’ayant qu’une incidence minime pour RTE, qui subirait un manque à gagner de 60 millions seulement pour un chiffre d’affaires de quatre milliards – et pour une consommation globale qui représente 20 térawattheures, soit moins de 5 % de la consommation française.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je connais la position de Michel Bouvard sur ce dossier et je sais que nombre d’élus de la montagne la soutiennent.

La commission est très défavorable à cet amendement. Certes, la présentation qui en a été faite par M. Bouvard rend l’idée sympathique. Elle semble même relever du bon sens : si l’électricité est produite par une centrale proche de l’usine, pourquoi lui faire payer le transport, puisqu’il n’y en a pas ?

Cela étant, votre idée, monsieur Bouvard, se heurte à des raisons techniques : on n’est jamais sûr que l’électricité utilisée par une usine provienne de la centrale située à proximité immédiate. Par exemple, une usine pratiquant les « trois-huit » peut fonctionner, alors que la centrale est à l’arrêt pour une question de maintenance. L’électricité provient du réseau, et on n’est jamais sûr que l’électricité utilisée par une usine provient de la centrale située à proximité immédiate. Elle peut parcourir des centaines de kilomètres avant d’arriver sur le lieu de consommation. Il n’y a pas de lien physique entre le lieu où le courant électrique est injecté dans le réseau et celui où il est soutiré. Il est possible que cela se produise parfois, mais si les volumes correspondent, on n’est pas sûr qu’il en soit de même pour le rythme auquel le courant est injecté et soutiré.

Par ailleurs, j’appelle l’attention – notamment des élus de la montagne – sur le fait que l’adoption de cet amendement remettrait en cause le principe de la péréquation nationale.

M. Pierre Cohen. C’est vrai ! C’est comme pour le timbre-poste !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En effet, le courant est acheminé selon le principe du timbre-poste : que l’on soit à 100 mètres ou à 500 kilomètres de la centrale de production, le tarif de transport est le même.

En outre, votre amendement entraînerait une floraison de requêtes provenant de particuliers ou d’entreprises qui se réclameraient de leur proximité avec une centrale nucléaire ou une ligne à haute tension pour demander à bénéficier d’un tarif moins élevé.

Je le répète, cette idée sympathique et a priori de bon sens est au fond extrêmement perverse. Nous sommes tous attachés au principe de péréquation. Je demande donc instamment à l’Assemblée de rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. J’ai bien conscience que les élus de la montagne souhaitent qu’EDF – mais aussi les fournisseurs d’électricité – traite bien les grandes entreprises électro-intensives sises près d’un barrage. À première vue, monsieur Bouvard, la solution que vous proposez semble bonne, mais le dispositif des électro-intensifs lui est préférable, car il prévoit des négociations de long terme entre EDF et ces gros consommateurs, propres à garantir l’investissement et l’emploi dans les vallées concernées.

Si votre amendement était adopté, monsieur Bouvard, il mettrait à mal les principes qui fondent notre système de transport, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Empêcher, au nom de la péréquation, la réalisation d’une bonne idée au plan local peut sembler choquant. La péréquation est certes une idée noble, mais nombre de pays vivent bien sans elle.

En outre, ne se posent pas seulement le problème de la péréquation, mais aussi celui du meilleur équilibrage du réseau, c’est-à-dire la question technique de l’optimisation du réseau.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’industrie. La construction de lignes à haute tension se heurte aujourd’hui à de nombreux obstacles. J’en veux pour preuve telle ou telle décision annulée par le Conseil d’État, les difficultés rencontrées pour construire des lignes après Flamanville et, de façon générale, tous les débats sur ce sujet. Hier, M. Cohen a évoqué les Pyrénées, où ces questions sont effectivement très complexes. Qui plus est, dans cette région, nos voisins espagnols n’ont pas la même vision que la nôtre.

Vu ces difficultés, monsieur Bouvard, je ne souhaite pas augmenter le nombre de lignes qui seraient nécessaires pour donner suite à votre idée faisant fi du principe général de la péréquation.

Cela étant dit, l’Allemagne semblant s’intéresser à cette question, je suis tout à fait d’accord pour qu’on aille y voir comment le système fonctionne et si certaines pistes peuvent être retenues. Cela dit, le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je souhaite répondre sur trois points.

D’abord, le rapporteur me répond qu’on n’est jamais sûr que l’électricité utilisée par une usine provient de la centrale située à proximité immédiate.

En matière d’électricité, monsieur Lenoir, je n’ai pas besoin de préciser que la livraison physique est sans rapport avec la relation contractuelle : les électrons consommés proviennent de la centrale la plus proche, et pas forcément du fournisseur choisi. Ajoutons que si la relation contractuelle était nécessaire entre le site de production et le consommateur qui demanderait le tarif de « ligne directe », l’effet indirect et non désirable serait de créer des zones de clients captifs autour de certains sites de production, ce qui n’est pas l’esprit de la directive européenne. Ce tarif de « ligne directe » doit donc s’appliquer indépendamment de la situation contractuelle de la fourniture d’électricité.

Ensuite, je propose de limiter le volume traité dans le cadre de la « ligne directe » aux quantités effectivement produites par la centrale la plus proche, indépendamment de l’électricité consommée par l’établissement industriel, et cela au prorata de la consommation de chaque site si plusieurs sites demandent à bénéficier de ce tarif pour une même centrale.

Enfin, cet amendement n’implique pas une prolifération de lignes, bien au contraire, le nombre d’établissements étant aujourd’hui connu et identifié.

Quant aux craintes sur la péréquation, je les comprends. Toutefois, mes chers collègues, je vous mets en garde pour le cas où le consortium Exeltium, évoqué avec raison par le ministre, n’offrirait aucune solution satisfaisante au problème des électro-intensifs. Quand EDF répond sur 15 térawattheures, alors que le besoin est de 30 TWh, et que même avec 30 TWh, la totalité des besoins des électro-intensifs n’est pas couverte, et quand les prix ne répercutent nullement la rente nucléaire et se situent à un niveau inférieur au prix de revient du réacteur EPR, comme l’indiquent les études menées par le Conseil général des Mines et l’Inspection des finances, si l’on ne trouve pas de solution dans le cadre d’Exeltium, les industriels seront tentés de trouver des solutions ailleurs, voire, c’est le risque, de saisir la Commission européenne ou la Cour de justice pour faire valoir que le tarif d’électricité qui leur est demandé au titre du transport est déraisonnable. Et je vous laisse imaginer les conséquences qui en découleraient, y compris sur la péréquation telle que nous l’avons connue.

Prenant acte de l’engagement du ministre d’aboutir pour ce qui est d’Exeltium, je ne doute pas que le Gouvernement, actionnaire majoritaire d’EDF, prendra les dispositions nécessaires pour que ce qui a été voté par le Parlement en loi de finances rectificative en fin d’année pour sauver un certain nombre de filières industrielles du pays serve à quelque chose ! Sinon, à quoi bon voter un amendement s’il n’est pas suivi d’effets ? Ce serait une preuve d’inefficacité qui nous chagrinerait profondément, mais surtout les personnes qui travaillent dans les établissements dont je parle.

Par ailleurs, j’ai bien noté que le ministre accepte d’étudier le dispositif allemand. Le problème de la péréquation existe aussi en Allemagne, où elle n’est pas conçue de la même manière que chez nous puisqu’elle est répartie par Länder. Comme en France, il existe en Allemagne des sites isolés, sites pour lesquels le prix du transport n’est pas entièrement répercuté sur le consommateur final. Quelques enseignements peuvent sans doute être tirés de cette situation.

Moyennant ces précisions, je retire l’amendement n° 137626, de même que l’amendement n° 137528, deuxième rectification.

M. le président. Les amendements nos 137626 et 137528, deuxième rectification, sont retirés.

Je vais suspendre la séance quelques minutes, avant d’entamer l’examen de l’article 5.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 20 septembre 2006 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 5

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L’article 5, qui paraît relativement anodin, m’amène à vous interroger sur le titre IV de la loi du 9 août 2004, dans lequel il s’insère et qui, dans le premier alinéa de son article 18, évoque la mise en place d’une Caisse nationale des industries électriques et gazières et la contribution tarifaire sur les prestations effectuées par les fournisseurs pour son financement. Ce titre IV traite donc bien, notamment, du régime de retraite des industries électriques et gazières. Ce débat a été récemment relancé par M. Fillon, puis relayé à haute et intelligible voix par M. Sarkozy : tous deux ont laissé accroire à nos concitoyens que le régime général des retraites contribuait au financement du régime spécial des industries électriques et gazières. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements à ce sujet ? Si, comme je le crois, ce n’est pas le cas, pouvez-nous expliquer pourquoi il faudrait réformer le régime de retraite des industries électriques et gazières ? Si l’on ponctionne le régime général, cela peut poser un problème. Mais si le problème n’est pas là, quel est-il ?

En juin 2006 − c’est-à-dire très récemment −, devant cette même assemblée, M. Breton avait expliqué, dans la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France, qu’il fallait aider GDF à ouvrir son capital, à descendre en dessous de 50 % pour permettre de nouer des partenariats. À propos de l’évolution du statut de Gaz de France, il avait précisé : « J’ajoute que tous les engagements envers les partenaires sociaux seront respectés et maintenus. C’est un sujet absolument essentiel, sur lequel nous avons passé beaucoup de temps dans la phase de concertation qui s’achève. Le statut du personnel des industries électriques et gazières sera maintenu. Je le dis clairement devant vous, mesdames et messieurs les députés. »

Comme nous n’avons aucune raison de mettre en doute les propos de M. Thierry Breton, l’article 5, qui s’insère dans le titre IV de la loi de 2004 portant notamment sur les questions de retraite des salariés des industries électriques et gazières, me donne l’occasion de vous poser cette question : en quoi le régime général contribuerait-il à ce régime spécial ? La nécessité d’agiter cet épouvantail se fait-elle vraiment sentir de façon urgente ? Quelles sont les réformes qui doivent porter sur ces personnels ? Le Gouvernement, qui, je crois, est assez attaché au soutien de l’UMP, doit pouvoir répondre à ces questions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. L’article 5 paraît en effet anodin, mais, dans le concret, il reprend toute la politique européenne d’ouverture du marché de l’énergie − comme s’il s’agissait d’un bien ordinaire −, parlant de clients et d’éligibilité. Il présente tout cela comme un fantastique élément de progrès. Déjà, dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, lorsqu’elle commençait à préparer ses directives, la Commission européenne voyait dans l’ouverture des marchés la garantie évidente que les prix allaient systématiquement baisser.

Les clients non éligibles sont ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir disposer de prix meilleur marché que ceux qui pouvaient exister au préalable.

À l’époque où les réserves norvégiennes, de la mer du Nord, de la Grande-Bretagne, furent mises en exploitation, quand l’Europe paraissait, d’une certaine manière, autosuffisante, on n’avait pas envisagé ce qui allait se passer quinze ou seize ans après. Depuis, la machine ultralibérale de la Commission a progressé sans jamais se remettre en cause. Les différentes majorités de gauche ont essayé de la freiner. En 1996, le gouvernement Juppé et son ministre de l’industrie, M. Borotra, ont accepté la première directive, que nous avons transposée a minima en 2000. En 2002, nous avons accepté l’ouverture complète du marché à l’ensemble des consommateurs au 1er juillet 2007. Cependant, à Barcelone, le président Chirac et Lionel Jospin avaient demandé que, avant cette date, un rapport sur l’ouverture soit remis.

M. le ministre parlait tout à l’heure du commissaire européen à l’énergie : nous avons eu l’occasion, dans le cadre du groupe de travail de l’Assemblée sur l’énergie, de discuter lors d’un repas avec le commissaire letton Piebalgs qui venait d’être nommé. À l’époque, il ne nous avait pas parlé des problématiques globales de l’indépendance énergétique de l’Europe, mais exclusivement des conditions d’ouverture et de libéralisation du marché, comme s’il n’y avait aucun problème de pénurie des ressources.

Les besoins énergétiques ont explosé, en raison, d’une part, du développement très rapide − qui est une bonne chose en soi − de la Chine ou de l’Inde, et, d’autre part, des tensions durables du marché, avec des besoins d’investissement à long terme et une limitation des ressources. Dans certains pays qui ont expérimenté l’ouverture du marché, notamment les États-Unis, les retombées ont été insuffisantes pour inciter à faire les investissements nécessaires : qu’on songe aux black-out qui se sont produits.

Avant de parler de clients éligibles ou non éligibles, il faudrait rappeler la situation dans laquelle nous nous trouvons. On parle de ceux qui sont « soumis » à des tarifs réglementés, alors qu’il faudrait parler de ceux qui en « bénéficient ».

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. M. Breton disait tout à l’heure l’importance qu’il accordait à la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration des entreprises. J’ai moi-même siégé pendant dix ans au conseil d’administration d’une grande entreprise − EDF − et j’ai pu apprécier, même si je n’ai pas toujours partagé leurs positions et leurs opinions, leur apport très constructif à la discussion, de par leur connaissance des mécanismes intérieurs de l’entreprise. Il est donc extrêmement important de pouvoir compter sur eux : c’est encore le cas ce soir, puisqu’une dépêche d’agence émanant des représentants du personnel nous apporte des informations que, semble-t-il, aucun de nous n’avait pu obtenir jusqu’ici à propos de ce que sera la réponse de Gaz de France, voire celle de Suez, aux questions posées par la Commission européenne. Au-delà des 10 % de ses approvisionnements que GDF devra mettre sur le marché, qui ont été évoqués tout à l’heure par François Brottes et qui faisaient l’objet d’une autre dépêche d’agence, on va voir que les choses sont assez gratinées.

Si l’on en croit cette dépêche − mais l’on n’a pas de raison de ne pas la croire, puisque, de façon générale, les informations qu’on nous a données jusqu’à présent sont assez fiables −, M. Cirelli pourrait vendre les 25 % qu’il détient dans le capital de l’électricien belge SPE. GDF pourrait en outre céder une partie de son portefeuille de clients en Belgique, indique toujours la CGT-énergie. Le projet de fusion pose par ailleurs des problèmes de concurrence en Belgique où elle ferait passer sous le même toit Electrabel, filiale de Suez à 99 %, et la beaucoup plus petite SPE, deuxième compagnie d’électricité de Belgique, détenue à 25 %. Nous l’avons déjà dit, nous avions le sentiment que vous jouiez au Monopoly sur le dos des Belges, monsieur le ministre. Eux-mêmes l’ont exprimé depuis que, la semaine dernière, un communiqué du gouvernement belge s’est ému des conditions que nous leur faisons. La dépêche continue : sur le marché du gaz, la situation est encore plus problématique, GDF étant actuellement le seul à concurrencer l’omniprésente Distrigaz, autre filiale de Suez.

Ces questions sont posées. Nous aimerions connaître les réponses. On parle de filialisation des terminaux. On dit que Suez rechignerait à abandonner Distrigaz, ce qui veut dire que l’on ferait supporter par EDF les plus grandes concessions. Toutes ces questions méritent un vrai débat.

La bonne nouvelle, c’est que Suez et GDF ont jusqu’à demain soir pour rendre leurs remèdes à Bruxelles, dit la dépêche. Puisque, demain, nous ne travaillons pas, nous pourrons, dès jeudi matin, évoquer très précisément les réponses que Gaz de France et Suez auront faites à Bruxelles. Je voulais en tout cas évoquer ces informations qui nous sont données et les questions qui sont posées. Chacun comprend bien que la situation n’est ni simple ni facile. Le postulat selon lequel on cumulerait deux gros clients pour le gaz est largement dépassé. Cela ne se fera pas sans que l’on abandonne une partie des positions de gaz de l’un ou de l’autre.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Je veux profiter de l’article 5, dont certains disent qu’il est relativement anodin, pour apporter quelques précisions sur la formation des prix du gaz. Il me semble qu’elles sont loin d’être inutiles.

Depuis le début du débat, ce point fait l’enjeu de discussions parfois passionnées. Il est en effet au cœur des enjeux de l’ouverture à la concurrence et des intérêts privés du secteur. Vous excuserez la petite question « marxiste » qui peut éclairer les enjeux de la dispute : à quoi sert la valeur ? À mettre en œuvre un service public de qualité ou aux actionnaires ? À la collectivité ou aux intérêts des possesseurs d’actions GDF ou Suez ?

Abordons le sujet de façon un peu plus technique, l'enjeu restant néanmoins très politique.

M. Breton répète à qui veut l'entendre que la hausse des prix du gaz est justifiée par celle des prix du pétrole, sur lesquels les premiers sont indexés. Il ajoute que ces prix ont progressé de 30 % entre 1999 et 2001, afin de tenter de justifier les hausses récentes, selon le principe « nous ne faisons pas pire que ce que vous avez fait. » Est-ce si simple ? Examinons les choses de plus près, sans limiter l'analyse aux simples augmentations de prix. Le rappel de quelques principes régissant la formation des prix et les comptes de l'entreprise GDF me semble d’abord nécessaire.

Le chiffre d'affaires « gaz » de GDF, qui résulte des ventes aux usagers, couvre deux charges : d'une part, le coût des approvisionnements en gaz et, d'autre part, ce que l'on appelle la « marge gaz », constituée par l'écart entre le montant des ventes de gaz et celui des achats de gaz. Cette marge constitue le véritable revenu de GDF, en rémunération de ses activités de transport, de distribution, de commercialisation, de recherche, et j'en passe.

Les mouvements tarifaires étant censés répercuter exactement la hausse des coûts d'approvisionnement, la « marge gaz », elle, est censée rester relativement stable : GDF n'y gagne pas, mais ne doit pas y perdre non plus. Son revenu est garanti, aux effets volumes et productivité près, afin de lui assurer les moyens financiers de fournir un service de qualité, lequel recouvre des activités aussi variées que la recherche, la maintenance des installations, les contrôles de sécurité – là encore j'en passe.

Or, que constate-t-on si l’on compare les deux périodes 1999-2001, d'une part, et fin 2004-2006, d'autre part ?

Au cours de la première, la marge de GDF, qui constitue donc le véritable revenu de l'entreprise, passe de 4,3 milliards d'euros en 1999 à 3,7 milliards en 2000, pour remonter à 4,5 milliards en 2001. La chute de 2000 traduit la hausse des coûts d'approvisionnement, répercutée avec retard dans les tarifs. En 2001, le niveau des tarifs rétablit la marge à son niveau de 1999. On peut donc considérer que les hausses tarifaires de 30 % en deux ans que M. Breton a bien voulu rappeler à notre mémoire, n'ont fait que contrebalancer la hausse des coûts d'approvisionnement, conformément au principe des ajustements tarifaires.

Venons-en maintenant à la période 2004-2005 : la marge est passée, à méthodes comptables identiques, de 5,1 milliards d'euros en 2004 à 5,5 milliards d'euros en 2005, soit une hausse de 6 %. Elle a atteint, au premier semestre 2006, 3,3 milliards d'euros contre 2,9 milliards d'euros au premier semestre 2005, soit plus 13 %.

La progression significative, deux années de suite, de la « marge gaz » signifie, sans contestation possible, que la hausse des tarifs est largement supérieure à celle des coûts d'approvisionnement, ce qui n'était pas le cas au cours de la précédente période 1999-2001. L'objectif était donc bien de « faire monter » les résultats de GDF pour attirer les actionnaires. M. Thierry Breton n’a-t-il pas annoncé les hausses de 2005 une semaine avant l'ouverture de la souscription en bourse pour l'ouverture du capital de GDF, à la fin du mois de juin 2005 ?

Lors de cette ouverture, l'entreprise a annoncé, ainsi que cela figure dans le document de l'Autorité des marchés financiers, à la page 15, un doublement des dividendes entre 2005 et 2007, de 420 à 850 millions d'euros. Selon cette annonce, le dividende de l'année 2005, distribué en 2006, devait augmenter de 40 %, soit environ 590 millions d'euros. Il a été finalement de 670 millions d'euros, soit une progression de 60 % !

Quelles conclusions peut-on tirer de cette analyse ? Les hausses tarifaires de 2000 et 2001, qui ont été de plus 30 %, ont bien répercuté la hausse du coût d'approvisionnement, n'apportant pas de revenus supplémentaires pour GDF. En revanche, les hausses de 2004-2006, certes similaires aux hausses antérieures puisqu’elles s'élèvent à 31 %, sont supérieures à la progression du coût d'approvisionnement, ce qui améliore les revenus de GDF de façon sensible puisque leur progression, qui était de 6 % en 2005, atteint déjà 13 % au premier semestre 2006 !

Ces hausses de tarifs sont l’une des raisons essentielles de l'amélioration du résultat de Gaz de France, notamment au premier semestre 2006. L'objectif est d'augmenter les dividendes et la rentabilité financière en faveur des actionnaires.

Nous ne pouvons décidément pas défendre un projet de loi qui livre aux mains des intérêts financiers un secteur économique aussi crucial que celui de l'énergie ! Nous répétons donc une fois de plus notre opposition à ce projet pernicieux.

M. le président. Nous en venons aux amendements sur l’article 5.

Je suis saisi des amendements identiques, nos 90424 à 90445, tendant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. J’étais également inscrit sur l’article, monsieur le président.

M. le président. Je n’en avais pas connaissance.

Je vous propose, si vous le voulez bien, d’intervenir à la fois sur l’article et sur les amendements de suppression.

M. Daniel Paul. Débrouillons-nous ainsi : nous aurons après tout l’occasion d’approfondir le débat jeudi !

Notre demande de suppression de l’article 5, que Jacques Desallangre vient d’expliquer, me donne l’occasion de revenir sur la question des prix de l'énergie. En effet, les éléments apportés au débat sont fort contestables et il est à craindre que les usagers fassent l'objet d'une véritable pression à ce sujet.

Depuis plusieurs mois, les hausses du prix du gaz sont incessantes. En effet, la formule actuelle prévoit une révision trimestrielle des tarifs, et GDF a su largement tirer profit de cette situation : hausse de 4 % au 1er novembre 2004, puis de 4 % en juillet 2005, nouvelle augmentation de 2,6 % en septembre, « rebelote » au 1er novembre 2005, avec cette fois-ci un bond de 12 %, et, au 1er mai 2006, hausse supplémentaire de 5,8 %.

Inlassablement, Gaz De France a mis en avant la courbe à la hausse des produits pétroliers, sur laquelle les prix du gaz sont indexés. GDF a d'ailleurs, à plusieurs reprises, demandé plus que la hausse finalement subie par les consommateurs. Ainsi, en mars 2006, GDF demandait 8,1 %, soit 2,3 points de plus que ce qu'avait accordé le Gouvernement !

GDF a aussi tenté de contester les analyses officielles en arguant que les estimations du Gouvernement ne prenaient pas en compte les coûts « hors approvisionnement » et qu'il se contentait de répercuter la hausse des prix des matières premières.

En outre, GDF a tenté, par des calculs qui ne reflétaient pas la réalité des prix subis par la majorité des consommateurs, d'arranger la présentation des hausses de prix, en prétendant que celle du 1er novembre se limitait à 3,8 % en moyenne, prenant prétexte de quelques gestes commerciaux.

La question de savoir si la santé de l'entreprise est aussi fragile que ce qu'elle prétend et si les hausses faramineuses supportées par quelque 11 millions d'abonnés au gaz s'expliquent uniquement par la hausse du coût de la matière première mérite d'être examinée avec attention et esprit critique. En effet, parallèlement aux hausses des prix de gaz, on constate des résultats d'activité très engageants pour les actionnaires de l'entreprise.

Ainsi, GDF, qui avait amélioré son résultat net de 15 % en 2004, a enregistré un bénéfice net historique en 2005, en hausse de 29 %, et offert à ses actionnaires un versement d'un dividende de 0,68 euro, en hausse de 48 %, également par rapport à 2004. Elle prévoit, en outre, de verser un dividende d’un euro par action dès 2006, alors que l'objectif fixé par le groupe lors de l'ouverture du capital a été dépassé, comme le montre le total des dividendes versés pour 2005.

Je vous prie de m'excuser pour cette avalanche de chiffres, mais que ceux-ci méritaient le détour : on est loin des 2,75 % de hausse consentis pour le livret de caisse d’épargne !

Face aux contradictions du système économique que vous mettez en place et qui permet aux actionnaires de se remplir les poches tandis que les consommateurs se saignent, nous demandons le retrait du projet de loi, en commençant par son article 5.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 90424 à 90445.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques, nos 90490 à 90511.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, mais, à titre personnel, je trouve leur rédaction bien meilleure que celle proposée pour l’article 5. J’invite donc l’Assemblée à les adopter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 90490 à 90511.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé et les amendements nos 6066 à 6098, 6099 à 6131, 90446 à 90467, 90512 à 90533, 90534 à 90555, 90556 à 90577, 90600 à 90621, 90578 à 90599, 90644 à 90665, 90622 à 90643, 90468 à 90489, 88542, 90688 à 90709, 90666 à 90687 et 90710 à 91897 n’ont plus d’objet.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Jeudi 21 septembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 20 septembre 2006, à zéro heure quarante.)