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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 26 septembre 2006

31e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, le vote sur les amendements nos 95594 à 95615 a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3 du règlement.

Article 10 (suite)

M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques, nos 95594 à 95615, sur lesquels un scrutin public a été annoncé.

…………………………………………………………….

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué à l’industrie, hier soir, vous nous avez dit à plusieurs reprises qu’il fallait cesser de regarder dans le rétroviseur.

M. François Brottes. Ces propos étaient scandaleux !

M. Daniel Paul. En lisant la presse ce matin, je me dis que certains auraient dû regarder un peu plus dans le rétroviseur lorsque, dans le cadre de la privatisation de France Télécom, ce que l’on a appelé de façon générique le « 12 » a été démoli.

Cela a donné lieu à une véritable foire d’empoigne. Des millions d’euros ont été dépensés pour la publicité des différents « 118 » qui allaient succéder au « 12 ». Aujourd’hui, on peut établir un double constat : la liquidation du « 12 » et la création d’une cinquantaine d’entreprises, qui espéraient prendre la suite. Auparavant, 2 600 personnes s’occupaient à France Télécom du « 12 ». On est passé à 1 450 emplois et tout le monde s’accorde à dire que dans les mois qui viennent, il restera 750 emplois. Ainsi, le nombre d’emplois a été divisé par quatre. Finalement, deux ou trois entreprises au mieux subsisteront.

Regarder dans le rétroviseur – pour reprendre vos propos – aurait consisté à examiner ce qui se passait depuis quelques années dans les pays qui s’étaient lancés avant nous dans l’aventure. La Grande-Bretagne avait liquidé son opérateur historique et le service des renseignements, pour s’apercevoir, au bout de quelques années, que cela ne fonctionnait pas.

Vous reproduisez la même erreur dans notre pays faute de regarder dans le rétroviseur et d’établir un bilan de ce qui se passe chez nos voisins.

C’est la même chose en matière d’électricité. Faute d’avoir un bilan précis et réel de ce qui s’est passé, vous engagez notre pays dans la voie de la catastrophe annoncée. Nous établirons, hélas, le bilan dans quelques années si vous persistez sur le chemin que vous suivez actuellement.

Il ne faut pas lancer ainsi des reproches à ceux qui disent que les questions énergétiques sont trop sérieuses pour être abandonnées au bon vouloir du marché, à la volonté d’un certain nombre d’acteurs financiers.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Il nous semble important, au début de la trentième séance de débat sur la privatisation de Gaz de France, de nous recaler par rapport aux arguments développés.

Notre collègue Daniel Paul a parlé de l’annuaire. J’aborderai le sujet du livret A de La Poste. Vous nous disiez lorsque vous déréguliez : « Arrêtez de regarder en arrière ! Arrêtez de hurler au loup pour rien ! » Monsieur le ministre, vous avez caricaturé notre version de ce qui pourrait nous attendre une fois que le texte serait voté : le chaos ! Mais, tant pour l’annuaire que pour le livret A, vous avez fait en sorte que la banque postale se privatise progressivement. Par conséquent, le livret A ne sera plus uniquement distribué par La Poste, peut-être même sera-t-il remis en cause. Cela montre que, texte après texte, votre seul objectif est de casser ce qui marche.

Depuis le début de l’examen de l’article 10, nous avons réussi à démontrer que, pour que votre texte soit constitutionnel, il faudrait déclasser le grand réseau de gaz et qu’en finale, une fois Gaz de France privatisée, on assisterait à une mise à plat, voire à une suppression des concessions de service public entre les collectivités et le distributeur. J’ai fait allusion à l’arrêt Brixen de la Cour de justice européenne, à l’arrêt Coname. Cette jurisprudence portera préjudice à l’ensemble du dispositif, car un certain nombre d’opérateurs n’attendent que cela pour briser ce nouveau monopole privé.

Nous avons développé suffisamment d’arguments pour démontrer qu’il y aura spoliation de la nation, des Français. Pour résumer, dans le nouveau dispositif, Gaz de France paiera les dettes de Suez. La recherche des dividendes, même si le marché est captif et qu’il s’agit d’un monopole privé, entraînera une augmentation considérable des tarifs, tant pour les entreprises que pour les ménages.

Nous avons réussi à démontrer – et vous êtes malheureusement complices – que le démantèlement de l’entreprise est au rendez-vous de l’accord avec Suez. C’est ce que, progressivement, la Commission européenne exige. Elle a déjà exigé la suppression d’environ 21 % des approvisionnements en gaz. Cela entraînera des cessations d’activités, des pertes d’emplois. Où en serons-nous, à la fin du mois de novembre, lorsque la Commission aura rendu sa décision définitive ? Nous sommes très inquiets.

Vous avez engagé, avec ce dispositif, une guerre fratricide avec Électricité de France. Nous serons les champions de ce conflit, qui parviendra à neutraliser les effets positifs de l’un comme de l’autre. Il faut le faire ! Jusqu’à présent, nous disposions en France d’entreprises nationales de l’énergie extraordinaires en ce qui concerne leurs compétences et la qualité de service fournie. Vous allez parvenir, par cet affrontement, à ce que d’autres entreprises venues d’ailleurs prennent petit à petit possession de ce dispositif.

Dans cette affaire, le plus grave, ce sont les propos tenus hier par M. Breton. Il nous a exhortés à arrêter de parler de la fusion avec Suez. Il prétend que nous ne sommes là que pour examiner les moyens que nous voudrons bien donner au Gouvernement pour nouer éventuellement, demain, des partenariats, avec d’autres. Il conclut en disant : « Autorisez-moi à privatiser Gaz de France et faites-moi confiance ! Je reviendrai après l’examen du texte devant l’Assemblée, pour exposer mes projets sur Gaz de France. » Ce n’est pas sérieux !

Nous privatisons avec cet article 10 un fleuron national de notre industrie de l’énergie. Nous sommes en train de le démanteler, de le brader, pour répondre aux exigences d’un groupe privé qui a certainement de bonnes raisons de souhaiter ce rapprochement. Mais cet article 10 ne constitue pas une disposition permettant de défendre l’intérêt général du pays.

J’ai fait le point, au début de notre débat de ce matin, sur l’article 10. J’espère par là même qu’un certain nombre de collègues de la majorité renonceront à leur funeste projet.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour un très bref rappel au règlement.

M. Christian Bataille. Mon rappel au règlement portera sur la tonalité des débats et le sérieux des arguments développés.

J’ai en main un magnifique jeu de cartes, édité par l’Assemblée nationale. Je ne sais si je dois le donner à M. le rapporteur, à M. le président de la commission. Je pense le confier plutôt à M. Breton qu’à M. Loos. Hier, en effet, ils ont sorti de leur manche des espèces de parade : la commission Roulet, le gaz du Portugal. Que vont-ils préparer aujourd’hui ?

Monsieur Breton, une carte est plus facile à sortir d’une manche que l’épais rapport Roulet.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Un joker !

M. Christian Bataille. Il n’y a pas de joker !

Je vous conseille, monsieur le ministre, de mettre quelques cartes dans vos manches. Vous pourrez ainsi, au cours de la journée, sortir vos arguments magiques.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de deux séries d’amendements identiques, nos 5385 à 5534 et nos 95638 à 95659.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir les amendements nos 5385 à 5534.

M. François Brottes. Si vous le permettez, monsieur le président, et comme nous y autorise le règlement de notre assemblée, chacun des députés présents s’exprimera pour développer une argumentation complémentaire.

M. le président. Monsieur Brottes, nous allons fixer la méthode de travail. Après ces amendements, nous avons encore plusieurs centaines d’amendements sur le taux de participation de l’État dans le capital d’EDF et de Gaz de France, que l’on propose de faire passer de 86,7 % à 71 %.

M. François Brottes. Ils seront tous défendus !

M. le président. Je vais poser quelques règles. Les orateurs présents pourront naturellement prendre la parole pour présenter leur amendement. Ils ne parleront qu’une fois. Puis un député pourra répondre à la commission et au Gouvernement, afin que l’Assemblée soit éclairée.

Il n’y aurait pas de sens à prolonger inutilement les débats. En ma qualité de président, je dois faire en sorte, lorsque tout a été dit,…

M. Jean-Yves Le Déaut. Non !

M. François Brottes. Permettez-moi, monsieur le président, de vous dire que je ne suis pas sûr que vous soyez autorisé à prétendre que « tout a été dit ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce n’est pas au président de faire ce genre de remarque.

M. le président. Le président gère les débats et chacun doit rester dans son rôle.

M. François Brottes. Nous ne demandons pas autre chose que l’application du règlement. Votre rôle est d’y veiller et je vous en remercie.

M. le président. Monsieur Brottes, vous avez la parole pour défendre les amendements identiques nos 5385 à 5534.

M. François Brottes. Ces amendements proposent de supprimer les deux premiers alinéas de l’article 10, qui engage la privatisation de Gaz de France. Nous n’avons pas trouvé une majorité dans l’hémicycle pour supprimer l’article 10, même si nous avons bien compris que tout le monde n’était pas enthousiaste. Je me souviens des propos tenus hier par M. Lellouche. M. Gonnot a déposé une proposition de loi à laquelle nous adhérons, car nous sommes en faveur de la constitution d’Énergie de France, non pas forcément sous forme de fusion, comme vous aimez à le dire, monsieur le rapporteur, pour établir un parallèle avec l’industrie énergétique du Portugal, qui vous est chère. La comparaison n’est possible avec la France qu’au niveau des termes génériques utilisés. Mais nous ne jouons pas, en tout état de cause, dans la même cour, si je puis m’exprimer ainsi.

Les deux premiers alinéas de l’article 10 portent notamment sur le chèque en blanc donné à M. Breton, qui a un énorme chéquier – c’est normal, puisqu’il est ministre des finances –, pour qu’il puisse pratiquement faire ce qu’il souhaite de l’entreprise Gaz de France.

Un premier élément nous amène à vouloir supprimer ces alinéas, au-delà du fait que nous sommes opposés à la privatisation. On nous dit que l’État ne descendra pas au-dessous du tiers de la possession du capital de Gaz de France.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout à fait !

M. François Brottes. Je parle sous votre contrôle. Vous avez rédigé le texte, mais peut-être en fais-je une lecture un peu inexacte. Je crois cependant avoir compris cela.

À aucun moment, il n’est prévu que l’État ne descendra jamais en dessous du tiers – la minorité de blocage – de l’entreprise fusionnée avec Suez. Non seulement, vous voulez disposer d’un chèque en blanc pour fusionner GDF avec qui vous voudrez, quand vous voudrez, mais vous refusez en plus de nous donner la garantie que l’État conservera une minorité de blocage dans l’entité fusionnée.

C’est un point important, et M. Dionis du Séjour l’a dit hier. Il faudra être précis et amender le texte afin que votre engagement prenne valeur législative. En tout état de cause, cela nécessiterait de revenir devant le Parlement. Nous ne pouvons nous contenter de la parole du ministre nous demandant de lui faire confiance.

Le président Ollier, dont je salue au passage la présence assidue dans l’hémicycle depuis le début de nos débats nous dit souvent qu’il fait confiance au Gouvernement. Je suis au regret de lui dire que tel n’est pas notre cas.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est votre droit !

M. François Brottes. De surcroît, même quand il prend des engagements, il ne les concrétise pas dans la loi !

Par ailleurs, quelqu’un a dit hier que la loi pouvait changer la loi.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est le président Ollier !

M. François Brottes. Et chacun s’est réjoui de la possibilité de modifier les textes en vigueur, c’est une lapalissade, comme dirait Jean-Yves Le Déaut. Mais il n’aura échappé à personne non plus que cela peut coûter cher.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce qui coûtera cher, c’est de ne rien changer !

M. François Brottes. En 2004, vous avez ouvert le capital d’EDF. Hier, vous nous aviez dit combien cela coûterait de revenir sur cette décision.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Quinze milliards !

M. François Brottes. C’est un aveu, monsieur le ministre ! Vous nous expliquez que revenir en arrière serait tellement cher que ce que vous faites aujourd’hui ne peut être que définitif à l’égard de nos entreprises publiques nationales.

C’est précisément cela que nous vous reprochons. Vous allez dans le mur en démantelant nos structures nationales et en prenant des dispositions qui vont à l’encontre de l’intérêt stratégique national. Et c’est avec cette gourmandise qui vous caractérise que vous nous annoncez que le coût sera tel qu’il sera très difficile de revenir en arrière.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression des alinéas 1 et 2 de l’article 10, afin que l’État reste majoritaire.

Je vous ai livré, monsieur le président, un certain nombre d’arguments, à charge maintenant pour mes collègues d’en développer d’autres, car il y a un vrai danger à privatiser Gaz de France.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nos amendements visent également à supprimer les alinéas 1 et 2 de l’article 10, qui contiennent les dispositions relatives à la privatisation de GDF et à la définition de la part de l'État dans le capital de l'électricien EDF.

Au lieu de faire diverger les chemins des entreprises, nous proposons de fusionner les deux entreprises nationales EDF et GDF.

Quel sens cela a-t-il, en effet, d'avoir cassé les synergies entre EDF et GDF, qui ont une forte culture d'entreprise, des missions similaires et des services communs ? Quel sens cela a-t-il d'avoir, en 2004, scindé l'entreprise publique d'électricité et de gaz pour, deux ans plus tard, faire le choix d'une alliance de GDF avec un autre électricien ? Vous avez beau mettre en avant dans votre exposé des motifs que GDF et Suez travaillent depuis plusieurs mois à un projet industriel, que valent ces quelques mois de travail face à presque soixante ans de vie commune ?

Ces arguments ont plus de pertinence que ceux que vous avancez pour défendre la fusion GDF-Suez.

Les réponses que vous avancez pour tenter de justifier votre refus d'étudier cette fusion – et que vous avez reprises il n’y a pas longtemps pour répondre à mes collègues communistes – ont peu de poids face aux conclusions des études émanant de différents cabinets. Vous nous dites que ces études n’expriment pas le même avis. Raison de plus pour aller au fond des choses. J’observe au passage que ces cabinets d’études ont probablement fait recette sur ce sujet.

Si l'on se penche de plus près sur les rapports des différents cabinets, on trouve en effet de nombreux arguments qui vont à l’encontre des vôtres.

L'étude du cabinet Lévy conteste les deux rapports réalisés sur la fusion par les présidents d'EDF et de GDF et par le Cabinet Bredin Prat, ainsi que les analyses de la Commission Roulet.

Je donne lecture d’un extrait :

« Alors même qu'il s'agit là d'un élément fondamental pour apprécier les conséquences économiques, sociales et financières d'une fusion des deux groupes publics, il convient de relever que ces études ne reposent, sur ce point, sur aucune donnée comptable, ce qui s'avère particulièrement étonnant. »

Il n’y a pas d’autre solution que celle vous préconisez, dites-vous. Une telle affirmation est à nos yeux inacceptable dans la mesure où aucune étude précise n’a été réalisée.

Je voudrais revenir sur un point, monsieur le ministre, et les fonctions que vous exerciez auparavant me poussent à le faire.

Vous nous avez dit hier soir que nous devrions cesser de regarder dans le rétroviseur.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai.

M. Daniel Paul. Mais avant de laisser le 118 remplacer le 12, vous auriez dû être plus prudent, regarder dans le rétroviseur et vous inquiéter de ce qui s’est passé dans les pays qui avaient franchi le pas avant nous. Le démantèlement des différents services de France Télécom devrait vous inciter à beaucoup plus de prudence par rapport à ce que vous voulez faire dans le secteur énergétique. Je tenais à vous le dire en début de séance.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Avec les deux premiers alinéas de l’article 10, vous fabriquez votre petit dernier. Électricité de France sera le mastodonte d’État, toujours efficace, et le petit nouveau, Gaz de France-Suez sera, comme cela se passe souvent dans les familles, le favori et aura droit aux indulgences de l’État.

J’espère que nous n’allez pas nous faire, en plus grand, le coup que réclamaient la semaine dernière les pique-assiette…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Lesquels ?

M. Christian Bataille. …Powéo, Direct Énergie etc, qui voulaient acheter à bon compte, c’est-à-dire à prix coûtant, l’énergie nucléaire produite par EDF pour la revendre avec de gros bénéfices, et cela sans assumer ni la construction ni l’entretien des centrales électriques.

M. Novelli sourit : le sous-amendement n’était pas de lui, mais de M. Giscard d’Estaing et annexé à un amendement du rapporteur pour avis. J’espère que ce n’est pas cela que l’on nous prépare et que l’on ne dira pas dans deux ou trois ans que ces « malheureux » de Suez ont droit à une petite part de la production nucléaire d’EDF pour leur permettre de baisser leurs propres prix et de vendre leurs produits ! Il faut donc faire grimper le prix d’EDF et donner un peu d’énergie au petit dernier pour lui permettre de baisser les siens afin d’avoir une vraie concurrence. Je crains fort, en effet, que Suez ne tienne pas la route dans le domaine de l’électricité. EDF, grâce à la compétitivité du nucléaire français, continuera à tenir le haut du pavé. Aucun fabriquant privé d’éolien, de gaz ou d’autres énergies, s’il la vend à son prix, ne peut être concurrentiel avec EDF.

Notre énergie répond aux attentes des consommateurs, une énergie fabriquée à un prix raisonnable, mais je sens bien que, pour vous, ce n’est pas assez cher. C’est trop bas pour la « concurrence », puisque vous n’avez que ce mot à la bouche.

La concurrence, dites-vous, doit faire baisser les prix. Pourtant, partout où les marchés ont été ouverts, elle les a fait augmenter. Je viens de vous démontrer que, dans le cas français, la concurrence avec l’électricité d’EDF fera grimper les prix, si l’on veut que les concurrents nouvellement crées aient leur chance sur le marché. Sinon EDF va tout écraser : Powéo, Direct Energie et d’autres, tous ceux qui fabriquent leur électricité uniquement à partir de gaz seront soumis à des variations mondiales énormes. Ils ne seront pas compétitifs : difficile de proposer aux particuliers la même électricité que celle produite par EDF, mais à un tarif plus élevé, et avec un abonnement gratuit à Télé 7 Jours en prime !

Le Gouvernement entend-il laisser la concurrence jouer selon les critères d’aujourd’hui et permettre à EDF de continuer à vendre au prix compétitif qui est le sien ? Éviterez-vous de donner un coup de pouce aux nouveaux entrants sur le marché, lesquels n’auront pas très longtemps à vivre, ce qui est très rassurant ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ce débat appartient d’abord à la commission des affaires économiques, mais la commission des finances a été saisie pour avis et son avis revêt donc une certaine importance. Mais le rapporteur pour avis, Hervé Novelli, est connu pour être tellement ultra-libéral qu’il est minoritaire dans son propre groupe !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Caricature !

M. Gérard Bapt. Puisque la commission des finances est saisie, il semble évident de tenir compte de l’avis de son président, en l’occurrence M. Pierre Méhaignerie.

S’agissant avec l’article 10, qui prévoit d’abaisser le seuil légal de la participation de l’État à un tiers du capital de Gaz de France, du noyau dur de la privatisation, il est important de connaître l’avis du président de la commission des finances. Sur une chaîne d’information continue, celui-ci vient de déclarer qu’il réservait son vote. Après trois semaines de débat, le président de la commission des finances, membre éminent de l’UMP, homme d’expérience, vient de réserver son vote ! Il a donné les arguments motivant sa réserve. « Il y a beaucoup d'incertitudes sur l'avenir et je prendrai ma position en fonction de ce qu'on fera pour le retour à un système régulé pour les entreprises qui ont subi des hausses de 70 % de l'électricité », a-t-il déclaré. Mais comment organiser la privatisation dans de telles conditions ? J’y vois une contradiction évidente. « Que l'on vote ou qu'on en vienne au 49-3, ma position ne changera pas », a-t-il ajouté.

En outre, il a mis en doute plusieurs arguments avancés par le Gouvernement. Nous sommes au début de notre quatrième semaine de débat, il serait temps de faire preuve de clairvoyance, en respectant les engagements pris, il y a peu, ici même.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ça se délite dans la majorité !

M. Gérard Bapt. S’agissant de la capacité à garantir des tarifs bas, il a indiqué que cela concernerait peut-être un million de familles bénéficiant du RMI mais que ça ne changerait pas grand-chose sur les tarifs futurs car nous dépendons beaucoup du prix du marché mondial du gaz.

Quant à la fusion, dit-il, elle donnera certes une « taille critique » à la future entité mais « ça ne la met pas totalement à l'abri des OPA ». Voilà encore un pavé dans la mare !

Vous prenez donc tous les risques, avec cet article 10, y compris celui de perdre, à l’occasion d’une future OPA, un pan essentiel de notre politique d’indépendance énergétique, à un moment où tous les pays travaillent à éviter de dépendre d’une grande société d’un grand voisin.

En tant que membre de la commission des finances, je suis particulièrement sensible aux propos de celui qui la préside. D’autant que, chacun le sait, M. Méhaignerie est un proche du président de l’UMP, M. Sarkozy, qui déclarait, il y a deux ans – je vous renvoie à la page 4924 de l’édition du 15 juin 2004 du Journal officiel – que M. le Président de la République avait affirmé solennellement, lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet, qu’on ne reviendrait pas sur l’appartenance publique de GDF. « Mieux, ajoutait-il, le Gouvernement acceptera l’amendement du rapporteur prévoyant de porter de 50 % à 70 % le taux minimum de détention du capital d’EDF et de Gaz de France ». En deux ans, les conditions économiques mondiales ont-elles à ce point changé, comme l’affirme M. le président de la commission des affaires économiques, qu’il faille opérer un tel revirement ? On sait ce qu’il en est de la hausse tendancielle des prix, des tensions géopolitiques et des confrontations autour de l’accès à l’énergie et de l’indépendance énergétique.

Voilà pourquoi, monsieur le président, j’estime qu’il faut voter l’amendement de M. Brottes sur ce funeste article 10.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. Jean Proriol. Mais il a déjà parlé !

M. François Brottes. Monsieur le président, il nous paraît important que les débats aient lieu dans l’hémicycle et pas dans les couloirs. Nous souhaitons donc que M. le président de la commission des finances vienne participer à nos travaux ce matin. Je demande par conséquent une suspension de séance pour lui laisser le temps d’arriver.

M. le président. Monsieur Brottes, vous ne pouvez demander une suspension que pour réunir votre groupe. Nous allons faire part de votre souhait à M. le président de la commission des finances.

M. François Brottes. Vous avez raison, monsieur le président. Je vous demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe et nous permettre de nous adapter aux grandes déclarations que vient de faire M. le président de la commission des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

M. François Brottes. M. Méhaignerie n’est toujours pas là !

M. le président. M. Méhaignerie participe actuellement à la Conférence des présidents qui se réunit, comme tous les mardis, pour l’organisation de nos travaux.

M. Daniel Paul. Libérez-le !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Monsieur Novelli, il me semble que les rapporteurs devraient plutôt parler après que les orateurs se sont exprimés. Cela dit, je vous donne la parole mais je vous demande d’être bref.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Merci, monsieur le président, de m’autoriser à donner l’avis de la commission des finances puisque son président a été interpellé par M. Bapt qui n’a fait qu’une courte apparition dans l’hémicycle.

La commission des finances, réunie sous la présidence de M. Méhaignerie, s’est prononcée pour l’article 10. La semaine dernière, un amendement de compromis entre la commission des finances et celle des affaires économiques a été adopté par l’Assemblée sur les tarifs de retour.

M. Pierre Cohen. C’était dur !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il sera toujours temps de l’améliorer d’ici à l’examen du texte au Sénat ou en commission mixte paritaire.

S’agissant de l’article 10 et des possibilités d’OPA, nous aurons l’occasion de mener une discussion de fond dans les heures qui viennent. C’est certainement ce qu’a voulu dire le président Méhaignerie, car nous avons eu une discussion très intéressante sur ce sujet en commission des finances.

Mesdames, messieurs de l’opposition, si vous laissez la séance se dérouler de façon sereine, nous aurons le temps d’aller au fond.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Décidément, monsieur Paul, vous devriez marquer l’année 2002 d’une pierre noire ! Elle ne vous a pas porté chance.

M. Daniel Paul. Effectivement, c’est l’année où la droite a gagné !

M. Pierre Cohen. Pour les Français en tout cas, ce ne fut pas une bonne année !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce dont il s’agit ici, c’est bien des conséquences du sommet de Barcelone ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si l’on est passé aux numéros 118, c’est en application de la directive du 7 mars 2002, adoptée quand vous étiez encore aux affaires.

M. Pierre Cohen. Non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Cohen, permettez-moi de vous dire que je connais un peu le secteur des télécoms !

Comme d’habitude, vous avez fait les choses sans vous préoccuper des conséquences, et l’on voit ce que cela a donné ! Pour notre part, nous voulons une régulation plus forte, nous voulons une loi et nous voulons transposer les directives en protégeant les consommateurs.

Monsieur Paul, vous oubliez l’année 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Vous savez bien que tout cela est faux !

M. le président. Si nous commençons comme cela, je crains que le débat ne soit encore plus long.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai été mis en cause !

M. le président. Certes, mais nous risquons de déraper.

Monsieur Paul, je vais vous donner la parole. Puis nous reprendrons la discussion des amendements.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, décidément il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

M. Gabriel Biancheri. C’est bien vrai !

M. Daniel Paul. Cela fait plusieurs jours que nous essayons d’expliquer que la construction européenne s’est faite, hélas ! selon des orientations dont nous mesurons aujourd’hui les conséquences : libéralisme, déréglementation, privatisation, démolition des secteurs publics pour les remplacer par des monopoles privés. Au final, nul doute que, pour les actionnaires, les comptes seront bons !

Certes, des directives existent. Mais rien ne nous empêche de nous demander si nous ne faisons pas fausse route et si, s’agissant des télécoms et de l’énergie, les pays européens ne se sont pas trompés.

M. Christian Bataille. Eh oui !

M. Daniel Paul. Mais quand on persiste dans l’erreur, on commet une faute. Voyez ce qui se passe dans les pays qui ont transposé aveuglément les directives !

Vous nous assurez transposer « à la française », c’est-à-dire en prenant des précautions. Mais, monsieur le ministre, on s’aperçoit que vos textes ne valent pas grand-chose face à la puissance des marchés financiers et aux exigences des opérateurs financiers. Quand le ver est dans le fruit, il est déjà trop tard : c’est le ver qui gagne. Quand un euro a été investi dans une entreprise, il faut rémunérer cet euro-là. Déjà, avec 18 % de capital privé investis dans Gaz de France, les actionnaires font pression pour la rentabilité, et c’est normal en général. Sauf qu’il n’est pas normal que cela se passe dans le secteur de l’énergie et dans des réseaux qui sont fragiles.

Voilà pourquoi il est nécessaire que vous reveniez sur votre aveuglement et que vous acceptiez de dresser un bilan avant de poursuivre dans une voie qui, à l’évidence, nous mènera dans le mur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur Breton, vous ne pouvez pas, juste avant de quitter l’hémicycle, dire des choses lapidaires qui ne sont pas fondées.

Le 25 novembre 2002, Mme Fontaine a accepté que le marché de l’énergie soit ouvert à la concurrence. C’était pousser au crime. Aujourd’hui, vous essayez de limiter la casse. Mais il aurait mieux valu refuser à l’époque d’aller plus loin dans la dérégulation du marché de l’énergie.

Concernant les télécoms, je rappelle à nos collègues de la majorité d’aujourd’hui qu’ils ont été nombreux à être des pousse-au-crime, notamment M. d’Aubert, qui reprochait au gouvernement de l’époque de ne pas vendre assez cher les licences UMTS, estimant que nous faisions un cadeau à France Télécom. Pourtant, le même gouvernement a eu raison de ne pas faire monter les enchères au-delà de ce que préconisaient les députés de droite.

Quant à l’annuaire, comme les cabines téléphoniques et les tarifs sociaux du téléphone, il faisait partie de ce qu’on appelle le périmètre du service universel. Mais, progressivement, les nouveaux opérateurs du marché des télécommunications ont considéré que l’annuaire devait être sorti du service universel pour qu’on ne laisse pas les quelques bénéfices publicitaires qu’il engendre au seul opérateur historique. De même, ces opérateurs ont fait pression pour que le nombre de cabines téléphoniques soit réduit – auparavant, il y en avait une pour 10 000 habitants, contre une par commune aujourd’hui. Mais une fois que l’opérateur historique a été privatisé, il a suivi la même attitude.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela n’a rien à voir avec l’article 10 !

M. François Brottes. Il en ira de même pour le service public de l’énergie ou demain quand vous privatiserez la banque postale. Dès que vous privatisez une entreprise, comme vous avez privatisé France Télécom en faisant passer la part de l’État au-dessous de 50 %, sa logique devient de baisser sans cesse la garde des dispositifs de protection des usagers. Voilà pourquoi nous souhaitons que vous ne franchissiez pas cette barre de la privatisation, sinon nous serons dans la même logique que celle que nous dénonçons pour France Télécom. Vous considérez que c’est inéluctable. Mais il est possible de freiner cette logique en ne privatisant pas, d’autant que l’Europe ne nous y oblige pas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nos amendements nos 5385 à 5534 visent à supprimer les alinéas 1 et 2 de l’article 10.

M. Novelli nous a parlé des actions spécifiques et de la possibilité pour l’État de préserver un certain nombre de capitaux. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’alinéa 4. Mais lorsque le président de la commission des finances, qui a déjà peu apprécié certains amendements, même s’il y a eu compromis, annonce qu’il réserve son vote, on peut se dire que l’opposition a eu raison de permettre que ce débat ait lieu, car certains des arguments qu’elle a fait valoir ont peut-être fini par le convaincre.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il y a peu de chances !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vais essayer d’en développer quelques-uns, pour montrer qu’on n’a pas bien analysé toutes les conséquences de la privatisation de Gaz de France, voire sa disparition dans une future OPA. Nous y reviendrons à l’alinéa 4.

Il est évident que les contraintes de rémunération des actionnaires sont plus fortes dans le cadre d’une privatisation. Les mécanismes de marché augmentent spontanément la formation de rentes différentielles. C’est plus vrai, je le reconnais, pour l’électricité que pour le gaz, mais EDF est encore détenue par la puissance publique à hauteur de 70 % du capital.

Votre projet n’est rien d’autre qu’une « désoptimisation » du système énergétique, et elle a un coût. L’ouverture à la concurrence et le « saucissonnage » de la propriété des infrastructures – ce que les Anglais appellent l’« unbuilding » – suppriment les effets d’optimisation. Je me contenterai d’en citer quelques-uns.

Premièrement, la duplication des coûts de la gestion commerciale, à commencer par celle des fichiers d’EDF et de GDF – lesquels seront purement et simplement donnés à Suez – et la double facturation qui ont mis fin à un système unique qui avait le mérite d’être simple. Les avantages de la fusion seront donc effacés par la duplication des coûts d’exploitation commerciale.

Deuxièmement, la multiplication des acteurs tout au long des chaînes électrique et gazière. Sur le marché de gros, les négociants et les animateurs se rémunèrent en captant une partie de la marge dégagée par la filière. Personne ne peut le nier.

Troisièmement, du fait du « saucissonnage » des infrastructures, la coordination technique entre les acteurs qui assurent respectivement la fourniture, le transport et la distribution sera moins efficace. Les risques de litiges seront accrus.

Quatrièmement, la flexibilité a un coût : l’augmentation du risque commercial lié au développement de la concurrence. Les Américains en ont fait l’expérience avec la crise électrique en Californie, on peut organiser la panne des installations pour faire monter les prix. La perte de parts de marché subie par les opérateurs historiques sur leur marché domestique, bien que compensée par la conquête de nouveaux clients à l’international, sera un facteur de fragilisation. Les possibilités de foisonnement seront réduites car la clientèle sera plus dispersée à l’échelle européenne.

Cinquièmement, et j’en termine, monsieur le président, la volatilité des prix constatée sur les marchés de gros oblige les opérateurs à se couvrir contre le risque de dérapage des prix, ce qui a aussi un coût.

La solution que vous avez choisie, et ce sont les analystes financiers qui le disent, est très mauvaise. En somme, vous avez tout à la fois renié votre parole – du moins l’ancien ministre de l’économie et actuel ministre de l’intérieur – et vous contribuerez à l’élévation des prix en fragilisant nos entreprises nationales, dont certaines risquent à terme de disparaître.

En ce qui nous concerne, nous sommes fiers d’intervenir dans le débat pour proclamer que nous ne sommes pas d’accord avec les solutions que vous préconisez car elles sont contraires à l’intérêt national.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. M. Méhaignerie participait à la Conférence des présidents, qui doit être maintenant terminée. Nous aimerions entendre directement les réserves qu’il a exprimées ce matin sur le projet.

Je fais également remarquer que nous attendons depuis plus de deux semaines et demie M. le ministre de l’intérieur. Il devrait venir exprimer son point de vue, notamment en tant que responsable des collectivités locales et de l’aménagement du territoire, puisque nous ne savons pas ce qu’il adviendra des concessions et du prix du gaz qui sera facturé aux consommateurs habitant des territoires reculés.

De même, nous comptons sur la présence de MM. Paillé, Gonnot et Daubresse, à qui il doit bien arriver – comme à tout un chacun – d’être de permanence ici, mais que nous n’avons pas vus. Nous aurions aimé entendre ce qu’ils pensent du projet (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Daniel Paul. Ils sont interdits de séjour dans l’hémicycle !

Mme Geneviève Gaillard. ...même si M. Lellouche nous a donné hier une grande leçon d’hypocrisie. Eux aussi sont d’accord avec nous pour dire que ce projet de privatisation est opaque, qu’il placera la France et le service public de l’énergie dans une situation difficile et qu’il ne nous permettra pas d’être à la hauteur des enjeux du marché international.

M. Claude Gatignol. On aura tout entendu !

Mme Geneviève Gaillard. Nous demandons la suppression des premier et deuxième alinéas de l’article 10 en soulignant que nous ne pouvons pas avoir confiance dans un gouvernement dont le ministre d’État s’est déjà dédit.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. En réponse au ministre qui regrettait que le débat, bien que bon, soit répétitif, je ferai valoir que nous sommes bien obligés de nous répéter puisqu’il entretient volontairement la confusion à propos des décisions clés prises en 2002.

Il a bien été décidé à Barcelone d’ouvrir à la concurrence le marché des entreprises. La généralisation a également été envisagée, mais la France, dont la position avait été arrêtée par Lionel Jospin, y mettait deux préalables : d’une part, la réalisation d’une étude d’impact, et François Brottes a raison de souligner l’importance d’évaluer les évolutions survenues, comme pour les télécommunications, domaine dans lequel nous assumons nos choix même si certains d’entre nous, et non des moindres, estiment que des erreurs ont été commises ;...

M. Jean-Pierre Soisson. C’est déjà bien de le reconnaître !

M. Pierre Cohen. ...d’autre part, une loi-cadre sur les services d’intérêt général.

Au moment de la discussion du projet Bolkestein, alors que le point de vue de notre pays était relativement minoritaire, tous ensemble, nous avons réussi à faire supprimer de la directive les éléments qui nous paraissaient inadmissibles. Cela prouve qu’il est possible de faire bouger les lignes.

Les dispositions de l’article 10 ne résultent absolument pas de la directive européenne, mais de choix strictement franco-français.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est faux !

M. le président. Du calme, monsieur Soisson.

M. Pierre Cohen. L’article 10, qui est essentiel pour le projet, suscite chez vous bien des hésitations. L’unanimité ne règne pas au sein de l’UMP et tout le monde n’est pas convaincu.

Le projet de loi a été déposé pour contrer une OPA sur Suez dont nous n’avons plus entendu parler depuis plusieurs mois. L’exposé des motifs mentionne explicitement que la privatisation de GDF est avant tout destinée à permettre la fusion avec Suez, mais le rapporteur répète à l’envi qu’il n’en est pas question dans le projet. Nous ne pouvons pas, en tant que membres de l’Assemblée nationale, décider la privatisation de GDF sans en connaître les tenants et les aboutissants.

On nous a d’abord fait valoir que la fusion avec Suez permettrait la constitution d’un groupe gazier extrêmement fort au plan international. Personne ne nous a précisé ce que serait son action sur le marché de l’électricité, en particulier vis-à-vis d’EDF, avec qui il serait en concurrence. Autrement dit, nous allons créer un concurrent direct d’EDF, qui en sera fragilisée. Nous risquons donc dans quelque temps d’avoir le même débat, encore que je ne pense pas que vous serez majoritaires en mai 2007.

Vous nous avez également vanté l’impact du projet sur les tarifs. Je n’insiste pas puisque nous en avons suffisamment débattu. L’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité a abouti à une augmentation de près de 60 % des prix, ce qui vous a obligé à « reréguler » en liant à nouveau le prétendu prix du marché au tarif régulé, et à mettre en évidence les désaccords entre la commission des finances et la commission des affaires économiques.

Bref, l’impréparation est totale : nous devons voter le projet, c’est-à-dire signer un chèque en blanc puisque nous ignorons les conditions de la fusion, alors que les actionnaires de GDF, eux, pourront se prononcer.

M. le ministre nous explique qu’EDF et GDF ne peuvent pas fusionner car il faudrait céder environ 15 % des actifs. Il n’est pourtant pas capable de nous préciser les actifs que devra céder le nouveau groupe GDF-Suez, ni dans quel cadre se fera la fusion.

Nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail de l’opération mais, à ce stade de la discussion, je vous demande de vous ressaisir et de supprimer du texte les dispositions qui feront perdre à la France la maîtrise de son énergie et la mettront à la merci des autres pays, en particulier de ceux hors Union européenne.

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. À ma connaissance, la Conférence des présidents est terminée. M. Méhaignerie pourrait donc nous rejoindre pour nous expliquer sa position. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Mêlez-vous de vos affaires !

M. Éric Besson. Ne vous offusquez pas, mes chers collègues ! Le président de la commission des finances a déclaré qu’il réservait son vote et qu’il n’était pas entièrement convaincu. C’est un fait politique majeur ! Il s’agit d’un proche du ministre de l’intérieur et président de l’UMP !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est incorrect !

M. Éric Besson. Ces réserves sont un fait majeur et il faudrait que M. Méhaignerie s’en explique.

M. Claude Gatignol. Il ne faut pas sortir ces propos du contexte dans lequel ils ont été prononcés !

M. Éric Besson. Une autre question a été soulevée tout à l’heure par notre collègue Daniel Paul : il s’agit des conséquences fiscales et financières d’une éventuelle fusion Suez-GDF, et je n’ai pas compris votre réponse, monsieur le ministre. Le manque à gagner pour l’État pourrait atteindre plusieurs milliards d’euros, 3,1 milliards exactement selon Suez, ce qui correspond aux deux tiers des plus-values de recettes fiscales annoncées par le ministre de l’économie. Or vous avez refusé de répondre en vous abritant derrière le secret fiscal. Nous considérons que ce prétexte est fallacieux.

Or, sur le site commun de Gaz de France et de Suez – nous nous y sommes reportés – une note, parue le 4 mai 2006 et intitulée « Projet de fusion », annonce 1,1 milliard d'euros de synergies opérationnelles par an et un potentiel d'optimisation financière et fiscale. Dans le paragraphe intitulé «Synergies d'investissements, optimisations financières et fiscales », il est même clairement indiqué que « la fusion permettra en outre d'utiliser 3,1 milliards d'euros de stocks de reports déficitaires du Groupe Suez ». Cela figure, je le répète, sur le site commun des deux entreprises. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que le secret fiscal ne vous permet pas de connaître le chiffre, puisque celui-ci est publié ?

Par ailleurs, vous avez déclaré en réponse à un de nos collègues – mais sans doute rectifierez-vous immédiatement votre propos – que Suez bénéficierait de ces reports, même en l’absence de fusion : il faudrait que vous nous expliquiez comment car c’est un point très important,…

M. François Brottes. Très important, en effet !

M. Éric Besson. …dont l’évocation figurera au Journal officiel et sur lequel nous aimerions obtenir un éclairage précis, monsieur le ministre. Comment en effet pourriez-vous vous réfugier derrière le secret fiscal, alors même que ce qui est en cause, ce sont des dispositions législatives tout à fait claires ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Défavorable. En effet, la commission des affaires économiques, après avoir procédé à de nombreuses auditions et longuement examiné le projet de loi, a émis un avis favorable sur l’ensemble du texte, adoptant notamment le dispositif prévu à l’article 10, qui est central.

M. Bataille a ironisé sur les arguments que nous présentons les uns après les autres, en prétendant que nous les sortions comme des cartes de nos manches – il a même montré un jeu, faisant apparaître le roi de cœur !

M. Christian Bataille. En effet ! (M. Bataille mime un prestidigitateur.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Voyez sa dextérité !

Eh bien, je sortirai, quant à moi, la dame de pique, en citant Mme Nicole Bricq, … 

M. Claude Gatignol. Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …qui est aujourd'hui sénatrice mais qui était des nôtres lors de la précédente législature. Elle bénéficiait de toute la confiance du premier ministre de l’époque, M. Lionel Jospin, qui lui avait commandé un rapport sur la transposition de la directive européenne relative au marché intérieur du gaz.

Je ne vous lirai pas intégralement ce rapport : …

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Pitié !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …il est à votre disposition à la bibliothèque de l’Assemblée ou, je le suppose du moins, sur le site Internet du Parti socialiste. Je me contenterai de quelques citations, tirées de la seconde partie, intitulée « Les enjeux de la transposition », et de la conclusion.

Mme Bricq écrit : « GDF doit conserver sa place et pour cela, dans le cadre de son projet industriel, il faut qu'il participe au mouvement en s'associant à d'autres opérateurs. […] » Constatant alors qu’« un rapprochement avec EDF sous la forme d'un renforcement des synergies existantes qui se traduirait juridiquement par la fusion des deux établissements publics dans le but de créer un grand pôle public de l'énergie semble voué à l'échec », elle ajoute qu’« il semble préférable de transformer l'établissement public en société anonyme et de réaliser une ouverture du capital ». Et de conclure : « Il serait incohérent et à terme dangereux d'ouvrir à la concurrence le marché du gaz en France sans donner à notre opérateur historique la possibilité de se développer avec les mêmes atouts et les mêmes moyens que ses concurrents en Europe. »

Telle est la teneur du rapport que Nicole Bricq a remis au Premier ministre Lionel Jospin. Avec le recul, nous pouvons apprécier les positions défendues aujourd'hui par le Parti socialiste, qui se situent aux antipodes des projets auxquels il travaillait dès 1999, date de ce rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Arrêtez de dire n’importe quoi !

M. le président. Mes chers collègues, avant de demander l’avis du Gouvernement, je vous annonce que sur le vote des amendements identiques nos 5385 à 5534, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable, évidemment, à ces amendements de suppression, car nous pensons qu’il est important que l’article 10 soit voté, comme le reste du projet de loi, pour nous permettre de faire face au grand défi énergétique posé par le gaz.

J’en profite pour vous rappeler quelques données chiffrées : le plus grand producteur mondial de gaz est aujourd'hui Gazprom, avec 540 milliards de mètres cubes, suivi de Royal Dutch Shell : 90 milliards, et de BP : 88 milliards. Gaz de France se situe, avec 1,9 milliard de mètres cubes, au-delà de la centième place.

Quant à notre sécurité d’approvisionnement, elle dépend aussi des réserves mondiales. Or il faut savoir que trois pays en détiennent à eux seuls plus de la moitié – la Russie 26 %, l’Iran 15 % et le Qatar 14 % – tandis que le reste est partagé entre de nombreux pays ne détenant chacun que 1 % à 3 %.

Dans un tel environnement gazier, nous avons besoin de constituer un opérateur fort capable de se battre pour notre sécurité d’approvisionnement comme pour la qualité et les prix. Du reste, il faut le reconnaître, le contexte européen ne vérifie pas l’idée selon laquelle Gaz de France, en tant qu’entreprise publique, assurerait de meilleurs prix que dans le reste de l’Europe – ils se situent même légèrement au-dessus de la moyenne européenne. En effet, une entreprise publique n’achète ni ne revend nécessairement le gaz à un prix plus bas : celui du gaz à usage domestique – j’en ai donné la composition la semaine dernière – s’élève ainsi à 39,30 euros le MWh en France alors que la moyenne européenne est de 35,70 euros.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas vrai.

M. le ministre délégué à l’industrie. Tels sont les vrais éléments sur lesquels nous avons bâti notre politique et tel est le problème – reconnaissez-le enfin – que le projet de loi vise à résoudre. Nous ne sommes pas, du reste, dans une situation où nous ne maîtriserions plus les prix. C’est la raison pour laquelle je démens formellement l’affirmation absurde selon laquelle privatisation égale hausse des prix.

M. Pierre Cohen. Et l’électricité ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le contrat de service public d’EDF garantit une hausse des prix inférieure à l’inflation.

M. Pierre Cohen. Mais pour les entreprises qui se sont fiées au marché, l’augmentation a été de 60 % !

M. le ministre délégué à l’industrie. Quant au contrat de service public de Gaz de France, le projet de loi ne nous permettra peut-être pas de garantir une hausse des prix inférieure à l’inflation, mais nous donnera des instruments puissants en vue de la maîtriser, notamment grâce à l’accroissement des moyens de régulation de la CRE.

Par ailleurs, je démens les 21 % de cessions d’approvisionnement qui devraient être concédées, chiffre qui court dans toute la presse et que vous avez repris ce matin. Je vous ai expliqué la semaine dernière que ces cessions représentent 50 térawattheure sur les 540 produits par Gaz de France – le chiffre s’élevant à 640 si on tient compte de l’ensemble des contrats. Vous savez donc que le chiffre de 21 % est faux mais vous continuez de le répéter !

M. François Brottes. C’est vous qui mentez, monsieur le ministre !

M. Daniel Paul. D’ailleurs, nous verrons les résultats !

M. le ministre délégué à l’industrie. Enfin, je tiens à rappeler à M. Paul et à M. Besson qui ont évoqué, le premier hier soir, le second ce matin, la question des bénéfices fiscaux, que si les entreprises souhaitent communiquer sur leur situation fiscale, c’est leur droit, mais ce n’est pas le rôle du Gouvernement.

Quant à la bagarre entre Gaz de France et EDF…

M. Pierre Cohen. C’est vous qui suscitez la concurrence entre les deux entreprises !

M. le ministre délégué à l’industrie. …à laquelle vous vous attendez en cas de fusion de Gaz de France avec Suez, vous imaginez qu’elle modifiera complètement la donne, notamment en ce qui concerne la concurrence qu’EDF aura à affronter. Vous vous trompez, puisque la concurrence entre EDF et Gaz de France ou EDF et Suez est déjà possible aujourd'hui ! De plus, Gaz de France n’aura nul besoin de donner la liste des clients d’EDF à Suez pour que cette dernière entreprise trouve de nouveaux clients puisque tous les Français ou presque sont aujourd'hui raccordés à EDF ! Il n’y a donc aucune difficulté à obtenir une telle liste.

Sur le Livret A et le 12, Thierry Breton a déjà répondu : la Commission nous a interrogés dans le cadre de la directive de 2002. Je tiens seulement à rappeler qu’elle nous interroge régulièrement et que nous lui répondons, voilà tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Du reste, dans cette affaire, nous avons le droit pour nous.

Quant à chercher de l’inspiration dans les rangs de la majorité, je vous remercie, madame Gaillard, d’en avoir lancé l’idée. Oui, c’est vrai, il y a eu un débat au sein de l’UMP, et il a duré des mois : c’est que l’UMP, qui est un mouvement responsable, est consciente de l’importance des enjeux. Ce débat a débouché sur une synthèse, dont les conclusions ont permis de dégager des propositions.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Exactement !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est pourquoi le texte que le Gouvernement vous présente…

M. Pierre Cohen. Contre l’avis de tout le monde, y compris de la majorité !

M. le ministre délégué à l’industrie. …est celui que la majorité de l’UMP soutiendra, j’en suis certain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme nous n’aurons pas l’occasion de revenir sur le I et le II de l’article 10, dont l’importance n’est pas à démontrer, je remercie le ministre d’avoir fait des efforts pour répondre partiellement à nos interrogations. Il en est d’autres.

Monsieur Lenoir, vous avez évoqué le rapport de Mme Bricq : je vous renverrai, quant à moi, aux propos de M. Gonnot, de M. Lellouche ou de M. Méhaignerie : chez vous les voix qui se font entendre contre ce funeste projet de loi sont plus nombreuses que celles qui, chez nous, se sont élevées pour aller dans le sens – vous l’avez reconnu tout à fait honnêtement – d’une simple ouverture du capital de Gaz de France, ce qui était l’objet du projet de loi de M. Sarkozy en 2004.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous avez voté contre !

M. François Brottes. Vous avez donc un train de retard, monsieur le rapporteur, puisqu’il s’agit désormais de la privatisation de Gaz de France. Personne, dans nos rangs, ne l’a préconisée. Reconnaissez-le !

M. Jean-Pierre Soisson. Il y a des textes de M. Fabius de 2002 !

M. François Brottes. Gardons notre calme !

Monsieur le ministre, s’agissant du secret fiscal, vous avez répondu que si les entreprises faisaient de bonnes affaires sur le dos de l’État, cela ne nous regardait pas.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je n’ai pas dit cela !

M. François Brottes. Chacun appréciera cette position d’un membre du Gouvernement qui doit, théoriquement du moins, défendre les intérêts de la nation !

En revanche, si vous n’avez pas répondu clairement sur l’opéabilité, dont M. Méhaignerie nous a dit qu’elle est au rendez-vous de ce texte, c’est que, vous le savez bien, vous ne pouviez pas affirmer qu’une OPA sur la future entreprise est impossible. C’est pourquoi vous vous êtes contenté de dire qu’elle est improbable !

Vous n’avez pas non plus répondu sur la minorité de blocage de 30 % : sera-t-elle gravée dans le marbre de la nouvelle entité fusionnée ou concernera-t-elle seulement Gaz de France ? C’est tout à fait votre droit de ne pas nous répondre sur ce point, monsieur le ministre, mais votre silence est un aveu.

Enfin, j’en ai un peu assez que vous nous répondiez « contrat de service public sur l’électricité » chaque fois que nous évoquons le prix du gaz. N’y a-t-il pas dans le contrat de service public entre Gaz de France et l’État une clause selon laquelle il serait souhaitable que les tarifs réglementés rejoignent les prix du marché ? Si c’est faux, monsieur le ministre, démentez-moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, vous vous plaignez de la faiblesse de nos arguments. Il est vrai que si M. le rapporteur continue de sortir des arguments comme celui de la dame de pique à l’instant, nous continuerons de traiter de ces questions par le petit bout de la lorgnette !

Nicole Bricq a effectivement écrit de sa main, à la demande du ministre de l’industrie de l’époque, si je me rappelle bien,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non, du Premier ministre !

M. Christian Bataille. …un rapport qui n’engageait que sa personne. La meilleure preuve en est qu’il n’a pas été suivi d’effet ! J’étais alors membre de la commission des affaires économiques du groupe socialiste – elle portait un autre nom – dont la position constante fut tout autre. Il s’agissait donc bien d’un point de vue personnel, de même qu’il existe également au sein de votre groupe – M. Brottes l’a rappelé – des avis divergents : M. Lellouche n’a pas exprimé hier, je le suppose du moins, l’opinion de l’UMP tout entière ! Il en est de même de M. Méhaignerie, qui, récemment, ne s’est pas exprimé en tant que président de la commission des finances mais à titre personnel.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. En effet, la commission des finances a adopté l’article 10 !

M. Christian Bataille. Votre argument, monsieur le rapporteur, n’a donc aucune valeur. De plus, Nicole Bricq a peut-être changé d’avis depuis 1999. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, ce qu’elle a écrit dans un contexte particulier ne traduisait en rien la position constante du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je suis d’accord avec vous sur un point, monsieur le ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons probablement besoin, en effet, d’un opérateur fort ; aussi n’avons-nous jamais soutenu que GDF devait rester tout seul. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Jamais !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Daniel Paul. Nous avons toujours affirmé qu’il ne fallait pas négliger la capacité, la réalité de GDF. Ainsi, en Europe, cette entreprise est le premier fournisseur de gaz par le nombre de clients ou d’usagers – les deux termes étant désormais utilisés – et le deuxième en volume de gaz vendu. GDF est aussi le premier réseau européen de transport et de distribution, le deuxième opérateur pour les terminaux de gaz naturel liquéfié. Ce n’est tout de même pas rien !

Je comprends qu’il vous faille démontrer à tout prix que GDF est un petit machin fragile, ballotté au gré des fluctuations des marchés. Ce n’est pas le cas ! Vous préconisez la fusion avec Suez en affirmant qu’ainsi on obtiendra un géant. Or, votre géant ne fera que passer de 16 % à 20 % de parts de marché, ce qui, admettons-le, n’est pas fantastique.

M. Claude Gatignol. Si nous ne faisons rien, nous n’en serons bientôt plus qu’à 10 % !

M. Daniel Paul. Encore faudrait-il, par surcroît, que ni la Commission européenne ni les concurrents du nouveau groupe ainsi créé – qui vont avoir leur mot à dire –, ne viennent rogner les ailes de ce « géant ». On peut en effet craindre que le résultat des courses ne soit pas tout à fait celui que vous escomptez. D’ailleurs, le calcul réalisé par plusieurs organisations syndicales de ces deux entreprises montre que un GDF plus un Suez n’égalent pas deux, et encore moins plus de deux, mais bien moins de deux. Tout ça pour ça, donc !

Mme Geneviève Gaillard. Ce n’est pas bien !

M. Daniel Paul. Il n’y a aucune raison d’être fier de casser une entreprise publique pour protéger les intérêts des actionnaires de Suez.

Nous proposons plutôt, pour notre part, la fusion entre GDF et EDF, …

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est un serpent de mer !

M. Daniel Paul. …qui nous semble beaucoup plus porteuse de promesses. Il s’agit certes d’une entreprise difficile.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ah bon ?

M. Daniel Paul. En effet, des erreurs ont été commises par le passé et la Commission européenne n’offre que l’étroite perspective de l’ouverture des marchés. Mais il faut se battre, monsieur le ministre ! Notre pays doit refuser ce diktat en s’appuyant sur le résultat du référendum du 29 mai 2005. Les Français ont dit à une très grande majorité qu’ils n’acceptaient pas ce type de construction européenne.

M. Jean Dionis du Séjour. Comme Fabius !

M. Daniel Paul. Nous n’acceptons pas que nos intérêts soient ainsi sacrifiés et en particulier ceux qui sont défendus par le secteur public.

Votre texte est dogmatique et, je l’ai dit hier soir, ringard, puisqu’il revient sur ce qui a été construit depuis soixante ans, depuis 1946 avec la nationalisation d’un secteur clef. Ce n’est pas moi qui le disais – j’étais jeune à l’époque – mais quelqu’un portant le même nom que moi, Marcel Paul. C’est lui qui a eu l’honneur de défendre ce texte ici même et qui, à l’adresse de tous les bancs de l’Assemblée, affirmait qu’il fallait sortir le secteur de l’énergie de la pression des intérêts financiers, des intérêts privés. Et malgré un statut que vous avez si souvent condamné, malgré les « privilèges » des gaziers et des électriciens – encore faudrait-il mesurer ces privilèges –, EDF et GDF ont réussi depuis soixante ans à garantir les tarifs les plus bas d’Europe. Or, aujourd’hui, les consignes de la Commission européenne telles que définies dans la lettre de griefs sont on ne peut plus explicites : il faut revenir sur les tarifs réglementés au profit de l’instauration généralisée des prix du marché. Nous ne l’acceptons pas.

Je ne suis en rien spécialiste des entreprises privées. Reste qu’à ma connaissance, toute entreprise privée doit satisfaire les exigences de ses actionnaires. Les dividendes s’ajoutent donc aux autres coûts – c’est mathématique. L’exigence des actionnaires, même minoritaires, est la rentabilité du capital ; qu’en sera-t-il donc quand ils seront majoritaires au sein du groupe GDF-Suez ? Même un béotien ne peut que comprendre la logique selon laquelle il faut rentabiliser le premier euro investi dans une entreprise.

S’ajouteront des difficultés sans doute plus grandes en matière d’investissements. La décision a par exemple été prise d’installer un terminal méthanier au port d’Antifer où arrivent les grands pétroliers, non loin de ma circonscription.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis, et M. Gabriel Biancheri. Vous l’avez déjà dit !

M. Daniel Paul. Je l’ai déjà dit mais, surprise : l’opérateur public GDF n’a pas présenté sa candidature pour la création de ce terminal méthanier qui promet d’être le plus grand ou l’un des deux plus grands de France ! Autre surprise : l’attributaire du marché est un opérateur étranger au secteur gazier, Powéo ! C’est tout de même étonnant. Pour toute réponse, on m’affirme que GDF aurait choisi de concentrer toutes ses lignes sur le terminal de Montoir-en-Bretagne.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Ayrault est d’accord avec ce choix !

M. Daniel Paul. Même si l’on peut se réjouir pour Montoir, cette répartition pose des problèmes.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Je terminerai en disant que la privatisation, l’ouverture du capital de GDF et sa prise en main par des intérêts privés, entraîneront une dégradation des conditions de travail des personnels, comme c’est déjà le cas dans les centrales nucléaires, où l’on recourt de plus en plus à des intervenants privés, au mépris des conséquences éventuelles en termes de sécurité.

Voilà les raisons de notre opposition. Nous avons été amenés à nous répéter même si, monsieur Novelli, ce n’est pas nous qui donnons dans le psittacisme, mais bien vous...

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ah bon ?

M. Daniel Paul. …en vous entêtant sur un projet qui, à l’évidence, ne remporte aucun succès auprès de nos compatriotes, auprès des organisations syndicales, auprès des entreprises, et de moins en moins de succès, me semble-t-il, dans vos propres rangs.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L’UDF entre en scène ! Monsieur le ministre, les alinéas 1 et 2 de l’article 10 que nous examinons visent à réduire la participation de l’État dans le capital de GDF à hauteur de 34 %. Comme nous l’avons montré – je vais tâcher de ne pas me répéter car Hervé Novelli veille –,…

M. Daniel Paul. Le grand prêtre du libéralisme !

M. Jean Dionis du Séjour. …ce chiffre ne tombe pas du ciel. Il n’a en effet pour objectif que de permettre la fusion GDF-Suez. Je souhaite que vous le disiez, monsieur le ministre. Vous avez reçu de M. Bataille des bons points d’honnêteté intellectuelle. Méritez-les donc jusqu’au bout en assumant le fait que ce chiffre de 34 % n’a pas été choisi par hasard.

D’ailleurs, votre projet est celui de la direction de Suez, celui de M. Mestrallet. Voilà quelqu’un qui sait où il va et agit avec cohérence. Il a construit un groupe qui marche plutôt bien. Il lui manque un actionnaire stable et pense à GDF. Il convainc le Premier ministre, enveloppant le tout dans le « patriotisme économique »…

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. …et parvenant même à garder son poste de dirigeant alors que c’est GDF qui absorbe Suez. Saluons la performance ! Bref, si M. Mestrallet, lui, sait où il va, qu’est-ce que la nation, l’État, vont faire dans cette galère ? Pourquoi mélanger l’environnement et l’énergie ? J’ai consulté le rapport de Suez et plus particulièrement la partie relative aux activités du groupe en matière d’environnement. C’est très intéressant : conception, construction, exploitation d’usines de traitement d’eau, dessalement, eaux usées, traitement de boues, production, traitement et distribution d’eau potable, collecte de déchets ménagers, de déchets dangereux ou non dangereux, tri recyclable, valorisation biologique, incinération avec valorisation énergétique, stockage des déchets ménagers, propreté urbaine, traitement des sites et des sols pollués. Quel est le rapport avec l’énergie ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et le biogaz ?

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit tout de même d’une question de fond ! Vous savez que, par souci de cohérence, il faudra un jour rattacher le pôle environnement de Suez à un autre pôle que celui de l’énergie. Comme je l’ai dit récemment à M. le ministre, ce qui nous sépare, c’est votre vision de la place de l’État dans l’industrie française. Au ministre qui me répondait que l’État intervenait bien dans Areva, je n’ai pu que demander pourquoi, dès lors, il se retirait de Gaz de France. Nous n’y voyons aucune cohérence.

En outre, nos collègues de l’opposition ne servent pas le débat…

M. Christian Bataille. Parce que vous n’êtes pas dans l’opposition, vous ?

M. Jean Dionis du Séjour. …en dénonçant, d’un côté, la fusion GDF-Suez et en préconisant, de l’autre, la création d’Énergie de France. Le ministre a ainsi beau jeu de répondre que le rapprochement EDF-GDF serait rendu difficile par la Commission européenne. Pourquoi ne pas plutôt choisir la fusion de GDF avec les filiales énergie du groupe Suez – Fluxys, Electrabel et Distrigaz ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il aurait fallu qu’ils soient d’accord !

M. Jean Dionis du Séjour. En posant le débat dans ces termes, vous auriez évité quelques ennuis à M. Sarkozy, vous seriez majoritaires dans le pays et l’État aurait gardé un levier dans le secteur stratégique du gaz.

Vous nous reprochez, monsieur le ministre, de jouer au Monopoly, d’avancer des solutions compliquées. Ne croyez-vous pas, cependant, que votre projet lui-même est bien compliqué ? Au marathon parlementaire s’ajoutent les griefs de la Commission européenne et la perspective incertaine de l’assemblée générale des actionnaires. Si vous considérez que la manière dont vous entendez mener cette fusion à terme n’est pas compliquée, nous estimons, pour notre part, que priver l’État d’un moyen d’action dans un domaine stratégique comme celui du gaz, et cela dans un contexte de révolution énergétique, demeure une faute. Aussi voterons-nous ces amendements.

M. Pierre Ducout. M. Dionis du Séjour nous rejoint clairement sur ce point !

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. J’ai été surpris par la légèreté et même la désinvolture avec laquelle M. le ministre a répondu à ma question – reprenant celle de Daniel Paul – sur l’optimisation fiscale.

Monsieur le ministre, vous prétendez ne pas pouvoir parler à cause du secret fiscal et vous soutenez que Suez aurait bénéficié de cette manne même en l’absence de fusion. Vous ajoutez que si des entreprises veulent communiquer, c’est leur droit et que vous n’avez aucun commentaire à faire. On parle de 3,1 milliards d’euros, ce qui n’est pas tout à fait rien ! Répondez donc clairement : la fusion donnerait-elle droit à cette déduction, oui ou non ? Tous les experts qui vous entourent, tous les services du ministère peuvent le confirmer ou l’infirmer. Pourquoi donc une information qui figure sur un site internet ne serait-elle pas digne d’être donnée à la représentation nationale ? Vous devez répondre sur ce point.

Ensuite, ne faisons pas comme s’il n’y avait qu’une alternative : la fusion Suez-GDF ou bien la fusion EDF-GDF. Dans une note, le bureau national du Parti socialiste précise que nous appelons au rapprochement fonctionnel d’EDF et de GDF au sein d’un pôle public.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce rapprochement est impossible et vous le savez bien ! Faites donc preuve d’honnêteté intellectuelle !

M. Éric Besson. Nul besoin, pour que ces entreprises travaillent ensemble, se rapprochent d’un point de vue fonctionnel, de changer la loi, d’abaisser la participation de l’État dans leur capital.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous dites des contrevérités !

M. Éric Besson. Vous empêcheriez de toute façon une fusion, étant entendu que les instances européennes y feraient obstacle.

M. Gabriel Biancheri. Ah, quand même !

M. Éric Besson. C’est pour cette raison que nous proposons un rapprochement fonctionnel. Dites-nous clairement que vous n’en voulez pas, que vous avez choisi une autre option, mais ne vous réfugiez pas en permanence derrière l’idée que nous prônerions exclusivement une fusion contraire aux règles de l’Union européenne.

Enfin, je ne voudrais pas que cette seconde remarque vous empêche, monsieur le ministre, de répondre à ma première question, très formelle : pouvez-vous parler au nom du Gouvernement à propos de cette fameuse optimisation fiscale ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. La valse des éléphants continue ! M. Fabius vient de quitter l’hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) juste avant le vote sur des amendements que les groupes socialiste et communiste jugent essentiels : ceux qui tendent à supprimer les alinéas 1 et 2 de l’article 10.

On voit bien l’intérêt que les ténors socialistes portent à ce texte : ils laissent de nouveau les sous-officiers occuper le devant de la scène ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C’est minable !

M. Pierre Cohen. Vous êtes tombé bien bas, monsieur Soisson ! Dites-nous plutôt où est passé M. Méhaignerie !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. En écoutant les différents intervenants, j’ai dénombré pas moins d’une vingtaine de questions. Je ne répondrai pas à toutes car je souhaite m’en tenir à l’objet de notre discussion actuelle, mais nous y reviendrons certainement par la suite.

Je souhaite dissiper un malentendu sur ce que M. Besson appelle le report déficitaire fiscal de Suez. Comme beaucoup d’entreprises, Suez a en effet un stock de reports déficitaires. Celui-ci, en cas de fusion avec Gaz de France, serait transféré à la nouvelle entité. Il conviendrait alors d’en calculer les conséquences. Si l’opération ne se fait pas, d’autres possibilités s’ouvriront sans nul doute à Suez pour utiliser ce stock. Votre intention est peut-être de me faire prendre position sur la meilleure utilisation que Suez pourrait en faire, monsieur Besson. Mais je m’en garderai bien, n’ayant pas connaissance des cas de figure susceptibles de se présenter à l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, on ne saurait parler d’effet d’aubaine : nous sommes là dans une situation normale. Beaucoup d’entreprises ont des reports déficitaires qu’elles peuvent employer dans certaines circonstances. Il leur appartient, ainsi qu’au fisc, d’en apprécier l’opportunité.

N’y voyez pas malice : si je n’indique pas le montant de tels reports pour Suez, c’est que j’estime qu’il revient à l’entreprise, et non à l’État, de communiquer des informations sur le sujet. Le fait qu’une telle situation n’ait rien d’inhabituel devrait vous rassurer.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 5385 à 5534 et nos 95638 à 95659.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous allons maintenant examiner un grand nombre d’amendements tendant à fixer le taux de participation de l’État dans le capital de Gaz de France, d’Électricité de France ou de ces deux entreprises. Par souci d’économie, seule la première page de chaque série d’amendements vous a été distribuée. Bien entendu, cela ne modifie en rien les méthodes de discussion retenues jusqu’à présent, et notamment le droit de chaque auteur à défendre ses amendements.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Pour éviter d’embrouiller le déroulement de nos travaux, je souhaite interpeller de nouveau M. le ministre. Il ne m’a pas répondu et je comprends sa gêne : comme c’est arrivé parfois depuis trente séances que nous débattons, nous arrivons là à un moment de vérité qui ne laisse pas de déranger.

Monsieur le ministre, depuis le début de nos débats, nous vous démontrons que la logique de privatisation dans laquelle vous vous enfermez aboutira à une augmentation des tarifs : c’est un effet mécanique de la recherche du profit.

Le rapporteur et le président de la commission nient le problème en nous objectant que les tarifs sont fixés par le Gouvernement. D’après eux, il n’y a aucun danger : le ministre restant maître du jeu, les usagers ne doivent pas s’inquiéter. Vous-même invoquez une disposition du contrat de service public entre EDF et l’État selon laquelle les tarifs ne peuvent augmenter plus vite que l’inflation. Or il existe aussi une clause de sortie de cet engagement au cas où des charges complémentaires viendraient à peser sur EDF. Comme nous l’avons dénoncé, le tarif de retour accroîtra par exemple les charges de l’entreprise, qui devra payer la baisse de prix pour les entreprises.

Pis encore, M. Breton, M. Cirelli et vous-même, monsieur le ministre, avez signé le 10 juin 2005 un document intitulé « Contrat de service public 2005-2007 entre l’État et Gaz de France ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. François Brottes. Que dit ce texte ? « L’État et Gaz de France conviennent de rechercher à l’occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients. » Cela signifie que l’on essaiera, à chaque hausse de tarif, de rapprocher le tarif administré des prix du marché – donc de l’accroître encore, tant pour les industries que pour les ménages.

Il y a de quoi être inquiet : avant même la privatisation, vous vous engagez à faire allégeance à la future entité GDF-Suez et à lui donner le blanc-seing de l’État pour les augmentations qu’elle sollicitera. Cela, vous l’avez signé. Alors ne prétendez pas que nous avons toutes les raisons d’être tranquilles ! Nous ne sommes pas tranquilles car vous vous êtes contractuellement engagé à ce que les tarifs administrés rejoignent progressivement les prix du marché.

C’est une de nos principales inquiétudes concernant ce texte. Nous ne faisons aucun procès d’intention. Nous nous contentons de lire des extraits de documents que vous avez signés, monsieur le ministre.

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. J’ai entre les mains le document en question, que j’ai en effet signé l’année dernière. Le titre II établit, sur plusieurs pages, le dispositif de fixation des tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles. Puis, dans un article intitulé « Clauses de sauvegarde », des situations extraordinaires impliquant une négociation spéciale sont envisagées. Il est alors indiqué que « l’État et Gaz de France arrêteraient sans délai les mesures de nature à permettre une convergence rapide entre les prix et les tarifs pour garantir que l’ouverture totale des marchés s’effectue dans les meilleures conditions possibles ». Vous voyez que je vais au-devant de vos objections, monsieur Brottes : si je ne l’avais fait, vous n’auriez pas manqué de me citer ce passage !

Au début de cette année, nous avons fait jouer le dispositif de fixation du tarif régulé du gaz : contrairement aux souhaits de GDF, qui réclamait une hausse de 8 %, et à l’avis de la CRE, nous avons limité l’augmentation à 5,8 %, suivant en cela les recommandations formulées par des experts indépendants.

M. Pierre Ducout. Quand ce sera privé, vous ne pourrez plus !

M. le ministre délégué à l’industrie. Sur le marché, le prix du gaz acheté par GDF – puisque l’entreprise, je le rappelle, n’en produit pas – avait augmenté de 20 ou 30 %. Comme je vous l’ai exposé la semaine dernière, ce prix entre pour moitié dans le tarif final. Si les experts indépendants ont préconisé une telle modération, c’est qu’ils ont pris en compte l’ensemble des activités de GDF, notamment l’achat et la revente de gaz à l’étranger, activité qui a dégagé des gains exceptionnels et explique en partie la hausse des résultats que vous avez relevée au premier semestre 2006. Il faut aussi tenir compte des gains de productivité réalisés par l’entreprise. Ce sont toutes ces données que nous avons retenues.

Vous pouvez donc, monsieur Brottes, nous donner quitus sur notre détermination à agir pour que les tarifs régulés restent les plus modérés possibles, en dépit de la conjoncture internationale. Il ne s’agit pas de revenir à des époques antérieures : je ne fais que vous rendre compte de la façon dont nous nous sommes adaptés au contexte international de hausse du prix du gaz pour fixer les tarifs concernant le consommateur français.

J’ajoute que, s’il existe bien, pour le gaz, un prix de marché, son évolution n’a rien à voir avec celui de l’électricité : il n’est en effet supérieur que de 10 % au tarif régulé. Les progressions sont très voisines. Le prix de marché ne correspond somme toute qu’aux achats passés par quelques gros industriels utilisateurs de gaz. Celui que M. Brottes ne cesse de citer en exemple est certes un très gros consommateur, mais pour lui le gaz n’est pas seulement de l’énergie, c’est aussi une matière première puisqu’il produit de l’ammoniaque. Ses prix ne sont donc pas ceux du tarif régulé et il est normal qu’il les négocie sur le marché international en recherchant les meilleures conditions, sachant que les hausses y ont été importantes puisque le prix du gaz est en général raccordé directement à celui du pétrole.

L’écart entre prix de marché et tarif réglementé étant de 10 %, il n’y a pas lieu de mettre en œuvre les clauses de sauvegarde. Ces dernières ne s’appliqueront que si la situation de l’entreprise est compromise par une forte dégradation de son équilibre économique, due à des circonstances extraordinaires nécessitant des mesures extraordinaires.

M. Pierre Cohen. Ce ne sera pas le cas, et vous le savez !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je reconnais bien volontiers, néanmoins, que nous avons envisagé de tels cas de figure : c’est bien pourquoi ces clauses de sauvegarde ont été inscrites dans le contrat de service public.

M. François Brottes. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. Le règlement ne le permet pas, monsieur Brottes. Cependant, pour en finir avec la question des prix, je vous accorde deux minutes.

M. François Brottes. M. le ministre m’ayant demandé de lui donner quitus, il est préférable que je ne reste pas muet et que je le fasse de façon articulée, monsieur le président.

Je ne lui donne d’ailleurs quitus que sur un point : il ne renie pas sa signature et avoue avoir signé ce document.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous ne faisons que répéter la discussion des amendements, monsieur le président. C’est aberrant !

M. François Brottes. En revanche, je ne peux pas le suivre dans son raisonnement.

Je comprends que vous soyez gêné, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Pas du tout !

M. François Brottes. Vous avez dit que la hausse des prix d’approvisionnement conduirait parfois à augmenter les prix. Là n’est pas la question. Sous la gauche, les tarifs du gaz ont augmenté parce que les prix d’approvisionnement avaient augmenté. À cela, on ne peut rien. D’ailleurs, une alliance avec Suez n’y changerait rien. Ce que l’on peut limiter, en revanche, c’est l’augmentation des tarifs de vente. Or ceux-ci intègreront désormais, non seulement l’approvisionnement, mais aussi les dividendes à distribuer aux actionnaires.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est faux !

M. François Brottes. C’est un facteur d’aggravation des prix et c’est pourquoi nous dénonçons la privatisation.

Vous avez parlé de prix, moi je vous parle de tarifs. À la page 9 du contrat de service public entre Gaz de France et l’État, il s’agit de l’évolution des tarifs de distribution publique, qui comprennent les coûts d’approvisionnement – dont acte –, les charges hors coûts d’approvisionnement, notamment les dividendes, et les coûts liés aux obligations de service public. Et vous nous dites qu’à chaque mouvement tarifaire, l’État veillera à ce qu’il y ait convergence, autrement dit rapprochement, entre les tarifs réglementés et les prix de vente. Pas les prix d’approvisionnement, les prix de vente, c’est-à-dire ce que paie le client final !

Quant à la clause de sauvegarde, c’est une clause aggravante : son seul objet est de permettre, le cas échéant, une convergence rapide entre les prix et les tarifs. Cela veut dire que vous êtes prêt à accélérer le mouvement de l’augmentation des prix pour favoriser les opérateurs, notamment ceux qui auront besoin de dividendes complémentaires. Monsieur le ministre, vous êtes passé aux aveux, je vous en donne quitus.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est faux ! Le ministre n’a jamais dit ça !

M. François Brottes. Mais c’est un engagement extrêmement grave que vous prenez : cette volonté de convergence rapide entraînera nécessairement une augmentation des tarifs plus rapide que ce n’était le cas jusqu’à présent.

Chaque Français devrait avoir connaissance de ce document, qui a été signé avant même que le projet de loi ne soit déposé. Il anticipait sur une disposition d’augmentation des tarifs : c’est extrêmement grave et nous le dénonçons. Le Gouvernement nous renvoie aux tarifs de l’électricité chaque fois que nous parlons du gaz. Mais puisqu’il s’agit de Gaz de France, je souhaitais recentrer le débat sur l’incidence qu’aurait sa privatisation.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 97640 à 98079.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Quand j’étais instituteur, il y a longtemps, j’enseignais à mes élèves comment se formaient les prix : le prix d’achat plus les frais donnaient le prix de revient. Puis j’expliquais que, dans notre petite commune de la campagne bretonne, le commerçant, pour pouvoir vivre sans pour autant partir beaucoup en vacances – on ne le faisait guère à l’époque –, devait ajouter le bénéfice au prix de revient.

M. Jean Dionis du Séjour. La marge !

M. Daniel Paul. La marge, on ne connaissait pas ; chez moi, c’était le bénéfice. En ajoutant donc tout cela, on obtenait le prix de vente. Le système est toujours le même. M. Dionis du Séjour me dit que l’on parle désormais de marge. C’est dépassé, cher collègue, maintenant, ce sont les dividendes. Il faut que cela rapporte du cash !

M. Claude Gatignol. Mieux vaut gagner que perdre !

M. Daniel Paul. Dorénavant, c’est comme cela que les prix fonctionnent. Si je mets un euro dans une entreprise, je veux qu’il ait fait des petits à la fin de l’année, sinon je reprends mon euro et je le mets ailleurs ! Un euro, ce n’est pas bien grave, mais quand ce sont des millions d’euros qui menacent d’être retirés par un fonds d’investissement, un fonds de pension ou une grosse banque, la direction de l’entreprise est à l’écoute, non pas des intérêts du pays où elle est installée, mais des exigences de l’actionnaire. Le prix de vente actuel est donc formé par le prix de revient plus les dividendes.

Les 440 amendements que nous vous proposons tendent à relever la part de l’État dans le capital de GDF. Il est courant d’entendre, tant dans des bouches savantes que dans des conversations informelles, que le débat autour du régime de propriété des biens est dépassé. Dans notre hémicycle, cette idée est particulièrement en vogue depuis une quinzaine de jours. Celui qui possède les entreprises et les capitaux serait une préoccupation de nos ancêtres du XIXe et du XXsiècles, mais en ce siècle nouveau, nous nous serions rendus à l’évidence du marché, nous concentrant maintenant sur les vraies questions, celles de l’organisation et de l’adaptation à ce marché. Nous nous serions adaptés à la réalité et aurions cessé de nous perdre dans des utopies irréalisables. Ainsi, les problématiques de fond du débat politique actuel auraient trait à la transparence et à l’édifice de règles élaborées pour réglementer, voire réguler les différents marchés. L’ouverture du capital des entreprises publiques n’est plus une question taboue.

Cette conception n’est pas la nôtre. Nous affirmons, au contraire, que le régime de la propriété est toujours une question de fond, d’autant que le marché capitaliste tend à s’attaquer aux secteurs les plus vitaux et les plus rentables de notre économie : l’énergie, mais aussi la santé, comme en témoigne l’offensive des compagnies d’assurance contre le « monopole » de la sécurité sociale, ou encore l’éducation. La propriété reste un pouvoir sur les choses et sur les autres êtres humains. Être détenteur, c’est être décideur, et plus on possède, plus on pèse dans les décisions.

La transformation de Gaz de France en entreprise privée implique qu’une poignée d’actionnaires et de dirigeants d’entreprises négocient désormais les prix du kilowattheure ou du mètre cube de gaz, les décisions d’investissements, la politique de recherche et de sécurité dans le secteur crucial qu’est le gaz. Ils seront responsables de la qualité du service rendu aux usagers. Or nous ne croyons pas à l’altruisme des actionnaires, à leur souci de défendre l’intérêt général. Au contraire, le désengagement de l’État dans ce domaine, c’est la perte de la maîtrise publique des prix, des investissements de sécurité et de la recherche. La question du régime de propriété n’a donc pas perdu son importance. Les forces libérales l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’elles continuent de faire la chasse aux entreprises publiques et à la propriété publique.

En défendant une maîtrise publique de l’énergie, nous posons la question de savoir qui doit décider de l’avenir du secteur énergétique en France et gérer les outils que sont EDF et GDF. Tel est le sens de nos amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Les amendements de nos collègues communistes sont tout à fait pertinents. Dans le temps qui lui était imparti, M. Paul n’a sans doute pas pu développer tous les aspects du sujet.

M. Daniel Paul. Nous y reviendrons !

M. Christian Bataille. Pour ma part, je veux insister sur le réinvestissement d’avenir et la sûreté, deux raisons qui militent pour que l’État détienne au moins 80 % du capital : autrement, c’est la rémunération de l’actionnaire qui prévaut. C’est déjà le cas aujourd’hui à EDF et ce sera clairement le problème de l’entité GDF-Suez demain. Si le capital n’est pas détenu par des fonds publics, on néglige la perspective longue. Le réinvestissement futur en matière de reconstruction de centrales électriques, par exemple, concerne des périodes – depuis les études préparatoires jusqu’à la construction et à la mise en fonctionnement – largement supérieures à cinquante ans. Je l’ai déjà dit dans cet hémicycle : les capitaux privés ne mettent pas l’activité en perspective comme peut le faire l’État dans l’intérêt général. Ils veulent des cycles courts, un retour sur investissement plus rapide. Le risque est donc grand, dans quinze ans ou vingt ans, de nous retrouver, faute d’investissements, face à une pénurie d’énergie.

Il en va de même dans le domaine de la sûreté. En matière d’électricité, nous avons aujourd’hui un parc de centrales nucléaires soumises à des critères de sûreté qui leur imposent d’être toujours à l’état neuf pour le fonctionnement. Hormis les parties bétonnées, les centrales sont régulièrement partiellement renouvelées pour maintenir cet état neuf. Je suis allé aux Etats-Unis pour me rendre compte de l’état du parc de centrales américain : on ne peut pas dire que les critères de sûreté soient aussi rigoureux et aussi respectés qu’en France. Or la privatisation entraînerait un tel relâchement, ce qui serait catastrophique.

Enfin, la nécessité de réinvestir vaut pour les réseaux gaziers comme pour les réseaux électriques. Notre réseau de distribution du gaz n’est pas encore entièrement renouvelé, et vous nous avez donné, monsieur le ministre, des assurances. Gaz de France est toujours propriété de l’État. Je ne suis pas sûr qu’une société privée – comme ce devrait être le cas dans les mois qui viennent – aurait montré le même empressement à réinvestir ses bénéfices dans le renouvellement et l’extension des réseaux. Aujourd’hui encore, de larges pans de notre territoire ne sont pas desservis. Une solidarité territoriale doit se manifester, et il n’est pas sûr que des sociétés détenues par des capitaux privés répondent à cet impératif.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. On comprend votre volonté idéologique de privatiser Gaz de France en profitant d’une pseudo OPA sur Suez, puisque c’est l’argument que vous faites constamment valoir pour expliquer votre décision. Mais, chaque fois que nous interpellons le ministre ou la commission, le silence que l’on nous oppose trahit votre gêne quant aux conséquences de l’opération. Nous aurons l’occasion de revenir sur la question des tarifs et sur celle des cessions de parts qui bloqueront à l’avenir tout processus de négociation. Les amendements en discussion posent un autre problème essentiel : que perd l’État dans cette fusion ? Nous ne savons évidemment pas quel sera le résultat des négociations avec Bruxelles et avec les actionnaires de Suez. Cela signifie que l’on nous demande de signer un chèque en blanc sans savoir ce que nous perdons.

Il y a débat sur le montant de la perte de recettes fiscales que cette fusion au bénéfice de Suez entraînera pour l’État. Le ministre s’est un peu emporté tout à l’heure et nous a fait cette réponse assez méprisante que ce que faisaient les entreprises ne nous regardait pas. Il ne nous avait pas habitués à ce ton, lui qui, depuis trois semaines, s’est toujours montré soucieux de participer au débat et de répondre clairement aux questions. Mais il s’est très vite rattrapé en nous expliquant les stratégies suivies au sein des entreprises. Ses propos rejoignaient ce que M. Breton ne cesse de dire depuis le début, à savoir que le monde de l’économie dépend aujourd’hui entièrement des actionnaires. Pour en être issu, il connaît bien cet univers, mais nous qui siégeons à l’Assemblée nationale, nous avons une responsabilité sur tout ce qui est public et nous ne pouvons laisser privatiser GDF sans connaître les conséquences de cette décision et, en particulier, sans savoir qui compensera les déficits occasionnés par cette fusion. Mieux vaudrait demander aux entreprises plutôt qu’aux consommateurs ou aux contribuables de combler la perte sèche que cette fusion entraînera pour l’État.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 97640 à 98079.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Claude Gatignol. L’obstruction continue !

M. le président. Sur quel article, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Sur l’article 58, alinéa 1, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole.

M. François Brottes. Depuis le début de la discussion – vous voyez, monsieur le président, que mon rappel au règlement concerne bien le déroulement de nos travaux – vous ne cessez de répéter, monsieur le ministre, que vous avez institué un dispositif de protection pour maintenir les tarifs réglementés. M. Lenoir insiste également dans son rapport sur la nécessité absolue de voter ce texte pour qu’ils puissent être maintenus.

Mais vous êtes démasqués car, dans le contrat de service public de Gaz de France, il est indiqué que les tarifs rattraperont au plus vite le niveau des prix. Vous cherchez donc à nous abuser. C’est lamentable. Pareille tromperie est inacceptable !

M. Serge Poignant. Ces propos sont scandaleux !

M. François Brottes. Je pèse mes mots, cher collègue, car il faut que tout le monde soit conscient de cette tromperie : prétendre que le maintien du tarif réglementé constitue une protection alors qu’il est prévu dans le contrat de service public de GDF de rapprocher les tarifs des prix, donc de supprimer à terme les tarifs, c’est vraiment prendre nos concitoyens et nous-même pour des imbéciles ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brottes, vous vous êtes appuyé sur l’alinéa 1 de l’article 58. Je vous rappelle que l’alinéa 2 prévoit que, si un rappel au règlement n’a manifestement aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, le président peut retirer la parole à son auteur. Or ce que vous venez de dire pouvait parfaitement être dit à l’occasion de l’examen des amendements à venir.

M. François Brottes. C’est vrai. Je le redirai à cette occasion !

M. le président. Il convient de ne pas abuser des rappels au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis très intéressé par le débat puisque je réponds pied à pied à toutes les questions qui sont posées,…

M. François Brottes. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’industrie. …lorsqu’il n’y en a pas une vingtaine à la fois.

Monsieur Brottes, nous avons fait – l’exemple de cette année le démontre – exactement le contraire de ce que vous prétendez.

M. François Brottes. Mais non !

M. le ministre délégué à l’industrie. Il ne faut pas raconter de mensonges uniquement pour essayer de faire tenir vos arguments.

M. François Brottes. Je comprends que vous soyez gêné, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l’industrie. Franchement, monsieur Brottes, soyez honnête dans ce débat…

M. François Brottes. Je le suis !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et vous aurez des réponses à la hauteur de votre honnêteté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Je ne fais que citer vos propres déclarations. Et vous aurez remarqué, monsieur le président, que M. le ministre a mis en cause mon honnêteté !

M. le président. Mes chers collègues, la Conférence des présidents a décidé que les séances du mardi matin seraient désormais levées à midi afin de permettre à tous les députés d’assister aux réunions de groupe. Il nous reste certes dix minutes mais, dans la mesure où nous allons aborder une nouvelle série d’amendements dont l’examen risque, au rythme actuel, de prendre bien davantage, je crois plus sage de lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinquante.)