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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 26 septembre 2006

32e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Je suspends la séance en attendant le Gouvernement.

(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Rappels au règlement

Mme Muguette Jacquaint. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je suppose qu’il est fondé sur l’article 58-1 ?

Mme Muguette Jacquaint. Oui, monsieur le président.

M. le président. Vous avez donc la parole pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Il sera d’ailleurs très lié à notre discussion actuelle sur l’article 10, relatif à la privatisation de Gaz de France, et à l’injonction de la Commission de Bruxelles.

Nos collègues de la majorité invoquent en effet, depuis l’ouverture du débat, les obligations que la Commission nous impose. C’est pourquoi, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, je vais vous lire un article paru non dans L’Humanité, mais dans Le Figaro. Loin de moi, pourtant, l’idée de faire de la publicité pour ce journal !

M. le président. Ce serait en effet surprenant de votre part.

Mme Muguette Jacquaint. Nous avons eu, dans notre pays, un débat et un vote par lesquels nous nous sommes opposés aux injonctions de Bruxelles, en refusant l’Europe qu’on voulait nous imposer. Néanmoins la Commission de Bruxelles n’en a jamais assez, comme le montre cet article intitulé Bruxelles attaque le statut de La Poste. Vous verrez qu’il est très instructif, puisqu’on peut y lire :

« La Commission européenne va provoquer une révolution en France. Elle s’apprête à exiger du Gouvernement qu’il change le statut de La Poste et mette fin à une situation qui lui semble anormale. Les agents chargés de rétablir la concurrence à travers l’Europe ont en effet trouvé à redire à la forme juridique de La Poste qui est celle d’un établissement public à caractère industriel et commercial - EPIC - qu’elle partage avec la SNCF et la RATP. Après une enquête discrètement menée depuis février et à laquelle La Poste a déjà répondu, Bruxelles a décidé de passer à l’étape suivante : la recommandation. »

Il faut apparemment que La Poste soit beaucoup plus rentable qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’est-ce pas ce que vous cherchez vous aussi à travers la privatisation de Gaz de France ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement se fonde lui aussi sur l’article 58-1. J’imagine que le président de l’Assemblée nationale y sera sensible, puisqu’il y va de l’intérêt national.

Le rapporteur et le ministre nous ont traités à la légère, lorsque nous avons souligné, dès le début de l’examen de ce texte, qu’il serait pertinent de rassembler EDF et GDF, proposition à laquelle beaucoup de nos collègues de l’UMP sont favorables. Ce sont en effet les États qui négocient aujourd’hui en matière d’énergie. Or conserver EDF et GDF permettrait au ministre s’il le souhaitait – mais ce n’est visiblement pas le cas – de disposer d’une arme de négociation importante, qui lui échappera lorsque ces deux entreprises appartiendront au secteur privé.

Nous avons également dénoncé le transfert d’une rente publique au privé, opération qui relève à mon sens d’un enrichissement sans cause. En effet, si un monopole public est concevable pour des missions de service public, un monopole privé relève, lui, d’un enrichissement sans cause inacceptable dans de telles conditions.

Surtout, il nous semble un peu rapide, monsieur le rapporteur, de prétendre que la fusion totale est impossible. Le périmètre de consolidation diffère nécessairement entre le chiffre d’affaires comptable et celui à prendre en considération pour l’application des règlements européens. Autrement dit, près de soixante-treize sociétés figurant dans le périmètre de consolidation du groupe EDF doivent être exclues du calcul du chiffre d’affaires concurrentiel, ce qui met hors-jeu la Commission européenne. Leur chiffre d’affaires a été évalué selon la méthode de l’intégration proportionnelle ou celle de la mise en équivalence. Je tiens le détail du calcul à votre disposition.

Pour en terminer, monsieur le président, car je ne veux pas prolonger abusivement ce rappel au règlement, je rappelle qu’une de nos propositions envisage non la fusion totale, mais la création d’une holding, ce qui nous ferait sortir totalement du champ des injonctions de la Commission européenne.

Enfin, le grand argument du président de la commission des affaires économiques est que la fusion de Gaz de France et de Suez nous permettrait d’être les champions du monde dans le domaine de l’approvisionnement en gaz. Or Suez apportera très peu à Gaz de France : 4 % seulement du marché, lesquels s’ajouteront aux 16 % que Gaz de France détient déjà.

En outre, la Commission européenne nous a d’ores et déjà enjoints de diminuer le périmètre gazier de Gaz de France, dans une proportion qui fait débat : le ministre parle d’une diminution de 5 % et les syndicats de 21 %. Quoi qu’il en soit, il faut garder un chiffre en tête : au niveau européen, EDF et GDF représentent l’équivalent de 80 gigamètres cubes de gaz, pour seulement 60 gigamètres cubes réunis par GDF et Suez avant les injonctions de la Commission européenne, lesquelles les feront tomber à 50. Pardonnez-moi d’être trivial, mais entre 80 et 50, il n’y a pas photo !

Je demande par conséquent à ce que nos collègues reconsidèrent leur position et à ce que le ministre accepte enfin d’étudier sérieusement un rapprochement entre EDF et GDF.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j’appelle votre attention sur un point que je n’ai pas évoqué ce matin pendant la conférence des présidents, parce que ce n’était pas tout à fait le lieu. Pourtant, je m’étais adressé à vous en tant que président de l’Assemblée nationale, le 12 septembre dernier, en vous envoyant une lettre dont j’ai transmis une copie au Premier ministre

Comme je l’ai rappelé hier, je vous demandais, dans cette lettre, de transmettre au Gouvernement la demande du groupe socialiste d’entendre le ministre de l’intérieur à propos de sa déclaration du 15 juin 2004, dans laquelle il indiquait qu’en aucun cas la participation de l’État dans le capital de Gaz de France ne descendrait au-dessous de 70 % et que jamais GDF ne serait privatisé, puisqu’il ne s’agissait pas d’une entreprise comme une autre, pas plus que l’énergie n’est un produit comme un autre.

Monsieur le président, avez-vous reçu une réponse ? Pouvons-nous programmer l’audition du ministre de l’intérieur devant les députés ? Nous tenons en effet à savoir pourquoi celui-ci a changé d’avis depuis l’époque où il occupait les fonctions de ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. le président. Monsieur le président Ayrault, je suis toujours très attentif aux lettres que vous m’écrivez. Aussitôt que j’ai reçu celle-ci, j’ai transmis au Gouvernement votre souhait d’entendre le ministre de l’intérieur. Le reste ne relève pas de ma responsabilité. Je ne dispose d’aucun moyen de faire comparaître quelqu’un dans l’hémicycle.

M. François Brottes. En êtes-vous sûr, monsieur le président ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous ne disposez donc, vous-même, d’aucune information à ce sujet ?

M. le président. À l’heure qu’il est, je n’en ai aucune. J’étais d’ailleurs très désireux d’avoir un contact avec vous à ce sujet, pensant que vous aviez peut-être reçu une réponse.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas le cas.

M. Christian Bataille. On pourrait faire quérir le ministre de l’intérieur par les gendarmes !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je souhaite apporter brièvement deux réponses.

Tout d’abord, bien que le problème évoqué par Mme Jacquaint n’ait rien à voir avec notre débat, je lui réponds bien volontiers sur le statut de La Poste.

La Commission européenne et les autorités françaises se sont entretenues sur plusieurs sujets : la banque postale, qui a été autorisée, je le rappelle, par la Commission, le livret A et les relations financières entre l’État et La Poste.

Leurs échanges ont porté notamment sur l’éventuelle garantie financière de l’État envers La Poste. Ils se poursuivent actuellement, mais je vous rassure : ils ne concernent en rien le statut public de La Poste ou la propriété du capital de ses filiales.

A votre intention, monsieur Brottes, je veux préciser un point qui n’est peut-être pas très clair dans votre esprit. Il est vrai que le droit des concentrations est complexe. Néanmoins, s’il s’applique à l’intégration fonctionnelle des entités entre elles, aussi bien qu’aux fusions, il n’a rien à voir avec la détention du capital. Que l’on parle de fusion ou de holding, le problème est celui de l’intégration fonctionnelle ; c’est ce point qu’ont étudié les experts qui se sont penchés sur la question.

Je rappelle que j’ai remis hier trois documents au président de la commission des affaires économiques.

Le premier concerne la commission Roulet.

M. François Brottes. Ce n’était pas le sujet !

M. Daniel Paul. Pourquoi pas le rapport Levy, pendant que vous y êtes ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’était pas son objet principal, j’en conviens, mais il a été clairement évoqué et la conclusion est nette.

Deuxièmement, le cabinet Bredin-Prat a réalisé une analyse juridique globale du droit des concentrations, qui envisage tant la fusion que les autres modalités que vous imaginez.

Enfin, la décision de la Commission, validée par le tribunal de première instance de la Cour européenne de justice, a invalidé toute tentative de rapprochement entre GDP et EDP.

Discussion des articles (suite)

Article 10 (suite)

M. le président. Nous reprenons l’examen des articles.

Ce matin l’Assemblée a poursuivi l’examen des amendements à l’article 10, s’arrêtant aux amendements nos 98960 à 99333.

La parole est à M. Daniel Paul pour défendre ces séries d’amendements identiques.

M. Daniel Paul. Il y a deux ans, le Gouvernement a fait passer un texte permettant à des intérêts privés d’entrer dans le capital d’EDF et de GDF à concurrence de 30 %, et nous ne nous en satisfaisons évidemment pas. Certes, les capitaux privés n’atteignent pas encore 30 %, mais l’ouverture est bien réelle et, si vous poursuivez dans la même direction, nous craignons que la privatisation d’EDF ne suive celle de GDF, nous privant ainsi de deux outils majeurs de la politique énergétique française. Faut-il rappeler que la promesse ferme faite en 2004 par le ministre d’État n’a duré que ce que durent les roses : l’espace d’un matin ?

Le monde bouge, avez-vous dit pour tenter de justifier ce revirement. Certes, et comme ce sera encore longtemps le cas, vous nous direz probablement dans quelque temps que le maintien de la part de l’État à 34 % n’est plus possible, que c’est un obstacle supplémentaire. M. Novelli, grand chantre de l’ultralibéralisme dans notre assemblée,…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ne caricaturez pas !

M. Daniel Paul. … applaudira alors des deux mains, rappelant qu’il avait raison et que, dès 2006, il aurait fallu soutenir l’amendement qu’il défendra tout à l’heure.

Le gaz comme l’électricité ne sont pas des produits ordinaires. En ces temps difficiles où l’effet de serre s’aggrave, où les ressources fossiles se raréfient et font l’objet d’une spéculation entraînant l’augmentation des prix, il est d’autant plus nécessaire de les placer sous la maîtrise publique, plutôt que de les soumettre à la loi du marché, laquelle est, en réalité, la loi de la jungle.

Cette maîtrise publique implique la mise en œuvre d’une logique d’intérêt général, portée par une entreprise publique, afin de minimiser les coûts et de rejeter le critère du profit, de manière à garantir la sécurité en réalisant des investissements de long terme et à assurer l’approvisionnement énergétique de la France, comme on l’a vu il y a quelques jours lors du sommet entre les dirigeants français et le président Poutine. Or si, aujourd’hui, GDF est encore une entreprise publique, elle ne le sera plus demain. Et ce n’est pas l’action spécifique de l’État qui y changera quoi que ce soit. Lorsque leurs dividendes sont en jeu, les fonds de pension et les grands acteurs boursiers qui, à la différence du petit actionnaire plaçant quelques économies, jouent avec des sommes très importantes ne s’arrêtent pas aux intérêts nationaux.

À l’inverse de ce que vous voulez faire, nous proposons, avec les amendements nos 98960 à 99333, d’augmenter la part de l’État dans le capital de GDF et d’EDF.

Soucieux du bon déroulement de nos travaux – et je suis persuadé que vous apprécierez notre effort, monsieur le président –, nous considérons que tous ces amendements, qui ont pour objet de fixer la part de l’État dans le capital d’EDF et de GDF entre 70 % et 100 %, ont été ainsi défendus globalement, étant entendu que tout amendement prévoyant un pourcentage inférieur à 100 % est, pour nous, un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Les amendements défendus par M. Paul sont intéressants à un double titre : ils visent à renforcer les engagements de M. Sarkozy – ce qui est la moindre des choses – et ils soulignent la fragilité du montage que vous nous proposez. En effet, si vous êtes clairs sur la privatisation de Gaz de France, vous ne l’êtes pas du tout en ce qui concerne l’évolution de Suez. Or, s’agissant d’un bien premier comme l’énergie, c’est l’intérêt des consommateurs, celui des salariés et, bien entendu, l’intérêt national qui sont en cause.

Non seulement nous avons fort peu débattu de la lettre de griefs de la Commission européenne, mais nous avons appris, la semaine dernière, que les entreprises concernées, en particulier Suez, qui agit uniquement en tant qu’actionnaire financier – dans l’intérêt de son actionnaire principal, M. Frère – propose des montages extrêmement compliqués à travers la création de filiales, qui se traduisent d’une certaine manière par le démantèlement de l’ensemble. Voilà la réalité.

Que ce soit sur la lettre de griefs ou sur les réponses apportées par Gaz de France et Suez, le Gouvernement ne nous a donné aucune indication. Que souhaite Suez ? Pourquoi fait-elle ces propositions ? À quels griefs répond-elle ? Quels risques supplémentaires courons-nous ? En la matière, nous sommes dans l’obscurité la plus totale.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon intervention s’inscrira dans le droit fil de celle de M. Le Garrec, ce qui permettra au ministre de nous répondre globalement.

Nous avons pris connaissance des propositions que les deux entreprises ont présentées à la Commission européenne mais, ces propositions n’étant pas vraiment chiffrées, nous n’y voyons pas très clair. Nous savons par ailleurs que ces entreprises seront obligées soit de procéder à des cessions, soit de créer des filiales, soit de partager certaines de leurs activités avec d’autres opérateurs. Nous souhaiterions donc, monsieur le ministre, que vous nous apportiez un éclairage sur les conséquences de la fusion pour GDF, métier par métier : qu’en sera-t-il de l’amont gazier, du gaz naturel liquéfié, du stockage, notamment des terminaux méthaniers, du réseau de transport, des réseaux de distribution, des réseaux de chaleur, de la fourniture et des tarifs administrés ?

Puisque le ministre nous assure de sa bonne volonté, nous désirons qu’il nous apporte l’éclairage nécessaire, point par point, notamment sur l’approvisionnement en gaz. Nous ne lui demandons pas d’anticiper sur les conclusions définitives de la Commission : notre question porte uniquement sur les propositions qui ont d’ores et déjà été faites par les entreprises.

M. le président. Je mets aux voix les amendements nos 98960 à 99333.

M. François Brottes. Le ministre ne s’est pas exprimé !

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes pour défendre les amendements identiques, nos 25374 rectifié à 25406 rectifié.

M. François Brottes. Monsieur le président, je connais beaucoup moins bien que vous notre règlement, mais je crois savoir que le Gouvernement peut intervenir quand il le souhaite.

M. le président. En effet, monsieur Brottes, mais c’est précisément parce qu’il ne le souhaitait pas que j’ai mis les amendements aux voix.

M. François Brottes. Nos questions étaient précises et sérieuses, et il serait souhaitable que le ministre y réponde, marquant ainsi sa volonté de dialogue et de clarification.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je répondrai de manière groupée aux différentes questions qui m’ont été posées.

M. le président. Défendez les amendements, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Connaissant votre dextérité et votre capacité à présider de main de maître cette assemblée, monsieur le président, je tiens à préciser que si, comme nous en étions convenus afin d’économiser le papier, la liasse qui nous a été distribuée ne comporte pas la totalité des amendements que vous venez d’appeler, tous les membres du groupe socialiste présents soutiendront ceux dont ils sont signataires. Je tenais à apporter cette précision par prudence.

M. le président. Vous appliquez le principe de précaution. (Sourires.)

M. François Brottes. Il est en effet au cœur de la Charte de l’environnement que vous avez ardemment défendue. (Sourires.)

Nous souhaitons limiter la casse que provoquera la privatisation de Gaz de France. M. Breton et M. Loos ont signé, au mois de juin 2005, un contrat de service public avec Gaz de France, entreprise publique, qui stipule que le Gouvernement fera tout pour que le tarif administré rejoigne les prix du marché. C’est écrit noir sur blanc.

Cette disposition est évidemment un aveu. Nous avons d’ailleurs dénoncé le fait que, tout en proposant des dispositifs censés protéger le consommateur par le maintien des tarifs réglementés, vous signez avec les opérateurs de l’énergie des contrats prévoyant que, demain, ces tarifs réglementés rejoindront les prix du marché. Il fallait démasquer cet aveu. Tout en approuvant les dispositions proposées par le rapporteur pour tenter de maintenir le tarif réglementé, nous avons dénoncé ce faux-semblant, que manifeste bien cette disposition relative au contrat de service public entre Gaz de France et l’État.

Nous sommes donc inquiets à l’idée que, dès lors que Gaz de France aura été privatisée et aura noué des partenariats avec Suez – ou avec d’autres entreprises, puisqu’à en croire le ministre, qui l’affirmait hier soir, le partenariat avec Suez n’est qu’une hypothèse parmi d’autres –, la recherche de profit, inexorable, inévitable dans un tel contexte, poussera l’entreprise privatisée à demander une augmentation. Le tarif réglementé se rapprochera alors des prix de vente, et non, malgré ce qu’a tenté de laisser entendre M. Loos ce matin, des prix d’approvisionnement. Les accords que vous avez accepté de signer, qui prévoient que ces prix de vente seront très proches du tarif réglementé, se traduiront par la disparition de ce dernier et par une augmentation considérable de tous les prix. C’est pourquoi nous vous demandons inlassablement, amendement après amendement, d’étudier soigneusement l’hypothèse d’une alliance entre EDF et GDF et, plus encore, de renoncer à cette privatisation.

Un certain nombre de mes collègues de l’UMP présents cet après-midi partagent ce point de vue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’espère qu’ils feront eux aussi entendre leur voix.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l’amendement n° 25387 rectifié.

M. Pierre Cohen. Cet amendement pose le vrai problème qui sous-tend la négociation en cours et qui est au cœur de l’article 10 : la privatisation de Gaz de France et le passage de 70 % à 34 % de la part de l’État dans le capital de l’entreprise, car il nous a été précisé que cette part, pour laquelle l’article 10 mentionne « plus du tiers », sera de 34 %. Ce chiffre correspondrait à une minorité de blocage susceptible d’empêcher une OPA, si l’on en croit le ministre, qui s’est efforcé de nous démontrer qu’une telle disposition aurait peut-être pu éviter l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor.

Le mécanisme prévu par le Gouvernement me semble porteur d’un risque très important. On sait bien que la nouvelle entreprise privée résultant de la fusion entre Suez et GDF sera ballottée dans le jeu de la concurrence et que l’évolution de la stratégie énergétique sur le plan européen se traduira nécessairement par des croisements et des prises de participation.

Mettre le doigt dans l’engrenage de la privatisation entraîne inévitablement des affrontements, des collaborations et des concessions. Ainsi, les participations que prendront des entreprises extérieures – russes ou européennes – réduiront immanquablement la part de l’État à moins de 34 %. M. Novelli a très justement décrit cette « spirale » et nous sommes bien placés pour le savoir, car nous sommes plusieurs à nous interroger sur ce qu’il aurait convenu de faire lors de la privatisation de France Télécom.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ah oui ?

M. Pierre Cohen. Je l’ai toujours dit.

M. le président. Monsieur Cohen, veuillez conclure, je vous prie.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas par hasard que les responsables du Parti socialiste sont aujourd’hui presque unanimes pour souhaiter ramener à 100 % la part de l’État. Nous savons bien que, comme le dit M. Novelli, si elle est réduite à 70 %, elle passera ensuite à moins de 50 %, puis sous le seuil de 34 %. Au bout du compte, il n’y aura plus de participation de l’État dans le capital de l’entreprise et nous n’aurons plus la maîtrise de notre stratégie énergétique. Voilà la conséquence de la loi que vous proposez !

M. le président. Merci, monsieur Cohen.

M. François Brottes. Monsieur le président, ne pressez pas tant M. Cohen ! Je ne crois pas qu’il ait épuisé son temps de parole.

M. le président. Monsieur Brottes, puisque vous tenez à me donner des leçons, souvenez-vous aussi de l’article 54 du Règlement, qui dispose que, lorsque le président juge que l’Assemblée est suffisamment informée, il peut demander à l’orateur de conclure. Je n’ai pas encore eu besoin de recourir à cet article, mais je n’ai pas besoin non plus de vos leçons.

M. Bruno Le Roux. À l’évidence, ce n’est pas le cas !

M. le président. Monsieur Le Roux, je vous en prie !

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n° 25394 rectifié.

Mme Geneviève Gaillard. Depuis le début de cette discussion, nous n’avons pas cessé de vous rappeler les risques liés à la diminution de la part de l’État dans le capital de l’entreprise Gaz de France et de dénoncer la spirale d’incertitude induite par cette privatisation. En effet, l’État français, qui ne sera plus majoritaire, ne sera plus en mesure d’influer sur la politique énergétique de notre pays.

Vous ne voulez pas nous entendre, mais nous savons que, dans vos rangs, certains partagent notre point de vue. Comme M. Ayrault, je demande, depuis quelque temps déjà, que M. le ministre de l’intérieur vienne nous expliquer son point de vue sur cette privatisation. Je demande aussi que M. Méhaignerie vienne s’exprimer après les propos qu’il a tenus ce matin ; mais il n’est pas là.

J’ai également demandé si, dans le cadre des permanences du groupe UMP, MM. Paillé, Daubresse et Gonnot participeraient au débat.

M. Jérôme Bignon. M. Gonnot est là !

M. Pierre Ducout. Il est censuré par son groupe !

Mme Geneviève Gaillard. J’ai bien vu que M. Gonnot est là, mais je souhaiterais l’entendre car je sais qu’il partage certains de nos points de vue, comme en témoigne sa proposition de loi prévoyant une fusion entre EDF et GDF. Le statut de GDF est essentiel pour la politique énergétique et l’avenir de notre pays et, même si le Parti socialiste se contente de proposer un rapprochement entre les deux entreprises dans un grand pôle public, il me semble important de ne pas diminuer la part de l’État dans le capital de cette entreprise.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l’amendement n° 25375 rectifié.

M. Christian Bataille. Cet amendement vise à préciser que l’État doit détenir 76,6 % du capital d’EDF et 70 % du capital de Gaz de France, ce qui signifie qu’EDF et GDF doivent rester des entreprises publiques.

La première raison à cela est que les investissements à réaliser dans le secteur de l’énergie sont hors de portée du secteur privé. Les économies d’énergie qui restent à faire ne dispenseront pas de réaliser, dans les années à venir, des investissements énergétiques colossaux. De fait, selon l’Agence internationale de l’énergie, les investissements à réaliser dans le secteur énergétique d’ici à 2030 s’élèvent à 13 500 milliards d’euros, dont 7 900 milliards dans le secteur de l’électricité et 2 600 milliards dans le secteur du gaz naturel. Dans les pays développés, notamment en France, il faudra renouveler les installations, les centrales électriques, les réseaux de transport et de distribution, et accroître la part du gaz naturel et des énergies sans carbone.

S’en remettre, comme vous voulez le faire, au secteur privé revient à faire reposer l’investissement sur des augmentations de prix. Nous ne cessons de répéter que ces hausses, décidées pour financer les investissements et rémunérer les actionnaires, s’ajouteront à celles des prix des matières premières, amplifiées par la spéculation. Dans ce contexte, seul le service public peut assurer une maîtrise des évolutions tarifaires. Seules des entreprises publiques peuvent développer à long terme des partenariats avec les entreprises nationales d’extraction appartenant à d’autres pays – dont je ne répéterai pas la liste – et obtenir des contrats d’approvisionnement de longue durée. Seules des entreprises publiques qui ne sont pas soumises à la tyrannie des marchés financiers et à leur exigence de rentabilité à court terme peuvent lisser des évolutions tarifaires.

Aujourd’hui, les tarifs de l’énergie en France sont compétitifs. Leur dégradation ferait peser une menace de délocalisation sur de nombreuses industries, comme on l’a souligné à propos des électro-intensifs. Les entreprises publiques EDF et GDF restent donc des instruments clés de l’investissement. Ainsi, je le rappelle, le programme nucléaire a été financé par un endettement massif d’EDF, entreprise publique adossée à l’État.

Le développement d’infrastructures gazières exhaustives requiert l’investissement public. Nous ne cessons en effet de le répéter : compte tenu des coûts d’infrastructures liés aux réseaux de transport, à la capacité de stockage et aux réseaux de distribution, la desserte des territoires ne peut être assurée d’une manière uniforme et dans des conditions de sécurité maximale que par l’investissement public.

Le Gouvernement est donc placé face à une contradiction de taille : vous considérez le gaz naturel comme une voie d’avenir pour la production d’électricité et il nous faut déterminer qui sera le plus à même d’assurer le développement des usages du gaz naturel. Pour vous, ce sera une entreprise privée, une entreprise privatisée ; pour nous, une entreprise publique.

M. le président. Je vois, monsieur Vidalies, que vous me demandez la parole. Pouvez-vous me préciser quel amendement vous défendez ?

M. Alain Vidalies. Il s’agit de l’amendement n° 25393 rectifié, dont le premier signataire était M. Emmanuelli, suivi de tous les membres du groupe socialiste, auquel j’appartiens. C’est un amendement très important.

M. le président. Cela signifie-t-il que tous les amendements qui le précèdent ne sont pas défendus ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ou bien que ce n’était pas votre tour ?

M. Alain Vidalies. De fait, monsieur le président, je prendrai la parole plus tard.

M. le président. Je vais tout de même vous donner la parole, monsieur Vidalies, et les auteurs des autres amendements pourront les défendre ensuite. Je vous invite toutefois, mes chers collègues, à respecter notre règlement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Merci, monsieur le président, de votre mansuétude.

Les raisons avancées par le Gouvernement pour justifier son initiative sont très variables. Ainsi, on nous dit qu’il s’agit essentiellement de diminuer la participation de l’État au capital de Gaz de France et le ministre répète que la fusion de GDF avec Suez ne fait pas partie des points en discussion, argument étonnant alors que cette fusion est dans tous les esprits.

La seule explication que vous apportez pour justifier l’évolution de vos projets depuis deux ans et le reniement de ce qui avait été présenté comme la parole de l’État est l’explosion qu’a connue le prix du gaz depuis deux ans, ce qui modifierait considérablement la situation. En quoi cette augmentation vous permet-elle de proposer aujourd’hui une politique exactement opposée à celle que vous proposiez en 2004 ?

Vous vous bornez à présenter votre projet comme un dispositif destiné à limiter l’augmentation du prix du gaz, ce qui, assurément, intéresse beaucoup les consommateurs, nos concitoyens, qui écoutent ce débat. Ce serait donc pour éviter que le prix du gaz n’augmente que vous prévoyez la fusion entre GDF et Suez ? Voyons donc ce que pense Suez du prix du gaz.

Avant la fusion, c’est vous, monsieur le ministre, qui fixez le prix du gaz. Or le PDG de Suez, futur propriétaire, juge que ce prix n’est pas assez élevé et, lors de la dernière augmentation des prix, il a estimé qu’elle était insuffisante. Et vous voulez nous prouver que c’est précisément pour éviter la hausse du prix du gaz qu’il faut fusionner GDF avec une entreprise dont le président pense qu’il n’augmente pas assez ? Voilà un raisonnement qui ne manquera pas de surprendre ceux qui nous écoutent.

L’argument fondé sur l’élévation du prix du gaz n’est donc pas suffisant. Si vous souhaitez éviter la hausse du prix, je vous suggère de prendre M. Mestrallet au mot et de ne pas lui livrer Gaz de France : vous pourrez ainsi maintenir le prix que vous avez fixé.

M. le président. Merci, monsieur Vidalies, d’avoir si bien défendu un amendement déposé par un autre.

M. Alain Vidalies. Je l’avais dans la tête, monsieur le président !

M. le président. Mais moi, je ne l’avais pas sur le papier !

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 25378 rectifié.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le président, les numéros des amendements ne figurent pas sur les feuilles qui nous ont été distribuées.

M. le président. Mais si, monsieur Le Déaut ! Chaque groupe a reçu une liasse dans laquelle le numéro de chaque amendement figure en face du nom de son auteur. Je vous rappelle d’ailleurs que c’est avec l’accord des groupes de notre assemblée que nous avons procédé ainsi.

M. Pierre Cohen. Pour économiser du papier, et c’est très bien ainsi !

M. le président. En outre, monsieur Le Déaut, je suis certain que vous connaissez très bien votre amendement. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Je n’aurais pas voulu manquer cet amendement qu’on pourrait appeler l’amendement Brottes-Sarkozy.

M. Jean Dionis du Séjour. Quel mariage !

M. Jean-Yves Le Déaut. En effet, François Brottes n’a fait que reprendre, à 6,6 % près, les déclarations de M. Sarkozy qui, voilà deux ans, nous avait dit qu’il n’y aurait pas de privatisation. « Comment voulez-vous que l’État change d’avis s’agissant d’un secteur aussi majeur pour notre pays ? », nous avait-il expliqué. Nous constatons cependant, aujourd’hui, que d’autres que lui ont changé d’avis.

Monsieur le ministre délégué à l’industrie, je veux revenir sur quelques points précis car nous n’avons pas été satisfaits par la réponse de M. Breton, ce matin.

Il est évident que la séparation des activités régulées et des activités non régulées freinera l’investissement du fait d’une coordination moins efficace entre la fourniture, le transport et la distribution. Qui voudra investir alors que les activités régulées et non régulées devront être séparées et que les investissements ne seront pas sécurisés ? Comment trouver des investisseurs qui permettront de financer des gazoducs internationaux ou des terminaux méthaniers ? Le gazoduc nord européen a été financé par Gazprom, BASF et par E.ON pour éviter l’Ukraine et la Biélorussie. Mais demain, de tels investissements n’auront plus cours faute de lien entre le producteur et le distributeur.

De nombreux rapports portant sur le projet de fusion entre Suez et Gaz de France ont été rédigés. Le rapport Secafi-Alpha indique notamment qu’un cabinet d’audit et d’analyses, IGP, prévoit une réduction de 10 % des effectifs vers 2010 pour obtenir une réévaluation de la valeur de l’action. M. le ministre Breton nous a dit que ce n’est pas parce que des réductions étaient possibles qu’elles auraient lieu. Qui nous le garantit ? Vous rejetez notre proposition de coopération entre EDF et GDF au motif qu’elle provoquerait la suppression de 5 000 emplois. Or, en l’occurrence, ce sont 20 000 emplois qui sont en jeu.

Le Gouvernement ne peut pas éluder cette question. C’est l’intérêt national qui est en cause.

M. le président. La parole est à M. David Habib pour soutenir l’amendement n° 25379 rectifié.

M. David Habib. Cet amendement vise à proposer une autre logique que celle de la disparition d’un fleuron de notre industrie. Rappelons en effet que GDF a contribué à la renaissance industrielle de notre pays et à son affirmation comme l’une des grandes puissances occidentales.

Monsieur le ministre, vous ne nous avez toujours pas prouvé que le nouvel ensemble ne pourra pas être victime d’une OPA par un groupe étranger. Notre amendement vise donc à augmenter la capacité d’intervention de l’État. Il est évident qu’en accroissant sa participation dans le capital d’EDF et de GDF, nous nous doterons de meilleurs outils. Nous pourrons mieux nous prémunir ainsi contre ces risques d’OPA auxquels nombre de Français sont aussi sensibles que nous.

Par ailleurs, et alors que la raréfaction des matières premières se fait sentir et, donc, que la hausse des prix est une donnée économique majeure, il est important de disposer d’une nouvelle politique européenne en matière énergétique. Au-delà des enjeux tarifaires, sociaux et industriels, il est indispensable d’élaborer une politique européenne de l’énergie. Or il est évident que seules la puissance publique et la volonté des pouvoirs légitimement désignés par les peuples dans l’Union européenne sont en mesure d’offrir un nouveau périmètre pour mettre en place une politique énergétique commune.

S’agissant de la golden share, la fameuse action spécifique, je vais revenir, – Jean Dionis du Séjour ne m’en voudra pas – sur les propos tenus dans le Béarn par François Bayrou, à l’époque jeune ministre. Il nous avait expliqué, alors que le gouvernement Balladur avait procédé à la privatisation d’ELF, que jamais nous n’aurions à souffrir de la disparition de l’État dans le périmètre d’ELF grâce à la protection de la golden share. Nous avons vu ce qu’il en était. Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs conscience de la faiblesse de cet argument puisque vous l’avez évacué pour Air France.

Nous tenons donc à vous rappeler la pertinence de notre analyse et à insister sur la nécessité de disposer d’un outil industriel, dans le cadre d’une démarche européenne, l’Union étant le seul périmètre qui vaille aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l’amendement n° 25377 rectifié.

M. Pierre Ducout. Il s’agit, par cet amendement, de montrer que la part de l’État dans le capital d’EDF ne doit pas diminuer, et de rappeler qu’elle doit être au-dessus de 70 % pour GDF, suivant en cela les engagements du président de l’UMP.

Je rappelle que, depuis 2002, les directives européennes n’ont jamais prévu que l’État ne devait pas détenir à 100 % ses entreprises énergétiques. Elles disposent simplement que l’État ne doit pas apporter de garanties financières illimitées au regard des emprunts contractés par ces entreprises afin d’éviter les distorsions de concurrence, ce qui peut se comprendre.

Je rappelle également que, au cours de cette période, la majorité a créé des commissions d’enquête visant à montrer les supposées difficultés d’EDF pour justifier l’ouverture du capital. Or il ne s’agissait que de difficultés d’écriture comptable de très court terme. Il était évident que, sur le marché de l’énergie, la demande était plus forte que l’offre et qu’il y aurait une pression sur les prix. Il était certain que des entreprises comme ENBV ou Edison, par exemple, pourraient à terme, et c’est précisément le cas aujourd’hui, dégager des bénéfices.

Monsieur le ministre, il ne faut pas prendre le risque de fragiliser ces entreprises intégrées. Il ne faut donc pas envoyer un mauvais signal à l’ensemble de nos concitoyens et à l’Union européenne en abaissant la part de l’État dans EDF et GDF.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l’amendement n° 25402 rectifié.

Mme Marylise Lebranchu. À ce stade du débat, je veux rappeler un point fondamental, qui justifie nos amendements. Il s’agit de la stratégie de l’État en matière de politique énergétique, domaine dans lequel il doit être très présent car, nul ne l’ignore, l’énergie sera un élément déterminant pour l’avenir. Or avec ce texte, et en dépit des engagements pris par le président de l’UMP, également membre du Gouvernement, nous abandonnons cette vision stratégique de la France, pourtant nécessaire à la vision stratégique de l’Europe. À la veille de l’arrivée de deux autres pays européens dans l’Union, qui eux-mêmes posent la question de cette stratégie, nous devrions pourtant faire preuve de plus de vigilance.

Force est de constater, néanmoins, que, avec ce texte, nous sommes passés d’une stratégie industrielle à une tactique d’État qui vise à sauver une entreprise d’une tentative d’OPA. Avec cet amendement, nous voulons souligner très solennellement que la France a toujours défendu les stratégies d’État, notamment en matière d’énergie, et n’a jamais admis les tactiques d’État. Ce sera malheureusement une première.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Pour défendre quel amendement, monsieur Le Roux ?

M. Bruno Le Roux. L’amendement n° 25406 rectifié de M. Vergnier, que je reprends car il n’est pas présent.

M. le président. Monsieur Le Roux, ces amendements individuels ne peuvent pas être repris : c’est la règle !

M. Bruno Le Roux. C’est la première fois depuis l’ouverture de ce débat que les choses se passeraient ainsi.

M. le président. Je viens de donner la parole à M. Vidalies alors que je n’avais pas à le faire. Et comme je suis de bonne composition, je vais également vous laisser vous exprimer.

M. Alain Bocquet. Vous êtes bien charitable, monsieur le président !

M. le président. Cependant entendons nous bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous me demandez de violer le règlement, et j’accepte de le faire, mais il y a des limites ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant je vous indique que, sur les amendements nos 25374 rectifié à 25406 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc donner la parole à M. Bruno Le Roux, pour soutenir un amendement qu’il n’a pas déposé.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous défendons nos amendements chacun à notre tour !

M. le président. Non ! Ce n’est pas la règle car il s’agit d’amendements individuels. Si vous voulez appliquer strictement le règlement, je peux le faire moi aussi. Je peux ainsi considérer, et ce serait mon droit, qu’aux termes de l’article 54, l’Assemblée est suffisamment informée et que l’on doit passer au vote. Je ne le ferai pas car je souhaite que nous ayons un bon débat. N’en profitez pas trop, cependant.

M. Pierre Cohen. Tel a été l’esprit du débat jusqu’à maintenant !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. S’il est vrai que cet amendement n’a pas été déposé à mon nom, sachez que je le porte depuis des semaines (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Et moi, je porte autre chose depuis des semaines !

M. Bruno Le Roux. …dans les discussions que nous avons avec nos concitoyens.

M. le président. Il ne faut pas exagérer !

M. Bruno Le Roux. Cet amendement – chacun a pu le constater à la lecture du projet socialiste – met en effet en œuvre notre proposition de créer un pôle public de l’énergie regroupant EDF et GDF. C’est sur cette base que les parlementaires et les militants socialistes vont aujourd’hui à la rencontre de nos concitoyens.

Depuis plusieurs semaines, nous avons démontré le caractère dangereux de votre projet pour le pays, pour les salariés de ces entreprises, pour les usagers et pour la capacité de développement économique de ces entreprises.

Monsieur le ministre, quelle est donc cette conception qui vous amène aujourd’hui, reniant par là même les engagements pris dans cet hémicycle voilà maintenant deux ans, à nous expliquer qu’en cas d’augmentation du prix du gaz, de problèmes géopolitiques, géostratégiques ou de tensions sur les marchés énergétiques, une entreprise réagirait mieux que l’État ? Quelle est cette conception qui vous conduit à faire croire que, lorsque des difficultés engageront peut-être demain notre pays, c’est dans un conseil d’administration qu’on arrêtera la meilleure solution pour la France et les Français ? Il faudra donc céder les intérêts de notre pays à ceux qui ont d’autres intérêts en tête lorsqu’ils prennent des décisions.

Cette conception ne peut pas expliquer le reniement de la parole de Nicolas Sarkozy dans cet hémicycle. Les arguments qu’il avait donnés en 2004 mettaient précisément le rôle public dans le secteur de l’énergie au cœur des enjeux du débat. C’est cela qu’il avait réaffirmé aux syndicats. Êtes-vous prêt aujourd’hui à dire qu’il faut céder les intérêts du pays à une société du CAC 40 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono, pour défendre l’amendement n° 25386 rectifié.


M. Maxime Bono
.
Monsieur le ministre, les heures se succèdent et nous n’avons toujours pas reçu de réponse aux questions que nous posons.

M. Richard Cazenave. Mais si, vous les avez toutes eues !

M. Maxime Bono. La répétition étant toujours didactique, nous vous les posons à nouveau.

Dans un contexte où l’Europe est de plus en plus dépendante des ressources extracommunautaires, où les pays fournisseurs sont organisés en monopoles, comme Gazprom et la Sonatrach, où la production d’électricité est appelée à croître – d’une part, c’est la source d’énergie la plus facile à rentabiliser à court terme et, d’autre part, les pays émergents ont d’énormes besoins – il importe que les pays acheteurs soient organisés. Si les monopoles d’importation ont été supprimés, les vendeurs sont toujours organisés en monopoles, ce qui fragilise les acheteurs. Enfin, les contrats à long terme sont souvent contestés, ce qui incite les pays producteurs à renforcer la protection de leurs entreprises.

Face à des pays producteurs dont les gouvernements sont très impliqués, il faut que la puissance publique ait les moyens de s’exprimer dans le domaine énergétique si nous voulons assurer la sécurité d’approvisionnement de notre pays. Or c’est précisément l’inverse que vous nous proposez.

Nous n’aurons de cesse de vous poser cette question, parce que nous ne voyons pas où vous voulez en venir. Comme l’a souligné Mme Lebranchu, ce n’est plus une stratégie industrielle ni une politique d’État : c’est une tactique. C’est pourquoi nous vous proposons, dans l’amendement n° 25386 rectifié, de relever le niveau de la participation de l’État dans la société Gaz de France.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements.

M. Pierre Ducout. Le ministre doit nous répondre !

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, je souhaite prendre la parole pour défendre l’amendement n° 25403 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. La déclaration supposée sincère de M. Sarkozy, le 15 juin 2004, justifie que l’opposition défende bec et ongles ces amendements qui tendent à relever le seuil légal de détention par l’État du capital de GDF et EDF. Après ce grave manquement à la parole donnée de M. Sarkozy, qui représente le Gouvernement actuel, nous pensons que c’est le seul moyen d’empêcher la privatisation totale de ces deux entreprises publiques, qui sont les fleurons de notre politique énergétique.

Nous pensons aussi que la déclaration de M. Sarkozy doit être inscrite dans la loi, nous référant ainsi à la tradition gaulliste d’un service public de l’énergie fort. Nous n’acceptons pas de porter un coup fatal à ce pilier de notre activité économique et de notre cohésion sociale.

M. le président. J’ai déjà indiqué que la commission et le Gouvernement avaient un avis défavorable.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vais répondre au silence de la commission et à celui du Gouvernement.

Nous avons tout à l’heure posé un certain nombre de questions, auxquelles M. Breton devait répondre plus tard. Nous en avons ensuite posé d’autres, mais nous nous heurtons maintenant à une absence totale de réponse. M. Loos ne nous a pas habitués à cela et je crains que nous ne soyons malheureusement en train de franchir un cap. Je souhaite que chacun reprenne ses esprits afin que le débat puisse se poursuivre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Nous entrons dans la quatrième semaine de débat et nous faisons les mêmes réponses aux mêmes questions !

M. François Brottes. Je sais bien qu’il n’y est pas obligé mais je demande au ministre, dont je connais la bonne volonté, de répondre à nos interrogations.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 25374 rectifié à 25406 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 3 du règlement.

Monsieur le président, constatant que le Gouvernement refuse de répondre aux questions du groupe socialiste, je demande une suspension de séance d’une demi-heure afin de réunir mon groupe et de faire le point sur la suite de nos travaux.

M. le président. La suspension est de droit.

Je vais donc suspendre la séance pour quinze minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1 du règlement de l’Assemblée.

Avant la suspension de séance, nous déplorions l’absence de réponse de la part des ministres. En fait, engranger une cinquantaine de questions au cours d’une quinzaine d’interventions est un exercice difficile. La bonne volonté des représentants du Gouvernement n’est pas mise en cause par notre groupe, mais cette suspension de séance leur aura certainement permis, ainsi qu’à leurs collaborateurs, de faire le point sur les questions essentielles que nous avons posées. En effet, ils ne pourront pas répondre et le débat s’en trouvera décousu si nous continuons à présenter les séries d’amendements par le biais de plusieurs interventions successives.

Pour clarifier les propos et les arguments échangés par les uns et les autres, il serait utile que, à l’issue de la présentation de cette première liasse d’amendements, tout ou partie des réponses puisse nous être apportée. Aux ministres de choisir ce qu’ils veulent nous répondre ; c’est aussi leur privilège, ce qui est bien normal.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Brottes, le Gouvernement est tout à fait prêt à répondre, comme il le fait, reconnaissez-le, depuis le début, avec la meilleure volonté et en donnant le maximum d’informations possibles. Ce faisant, dans un souci de clarté, je vais vous répondre tout de suite.

Vous nous avez demandé de confirmer les éléments que l’entreprise Gaz de France avait fait parvenir à la Commission européenne. Après une large explication à l’initiative de M. le président de la commission des affaires économiques, je vous confirme qu’il n’y a aucun élément supplémentaire par rapport à ce qui avait été dit sur Distrigaz, sur Fluxys et sur la cession de la participation de Gaz de France dans SPE et que cela concerne un maximum de 10 % du gaz et de 5 % de l’approvisionnement des contrats long terme amont.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. M. le ministre vient de faire preuve de sa bonne volonté, mais il n’a pas répondu à la question portant sur la réduction des effectifs annoncée par le cabinet Secafi-Alpha.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai répondu hier !

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui, j’ai entendu votre réponse hier ; j’étais présent. Vous avez dit que ce n’est pas parce que les « bonnes pratiques » peuvent amener à réduire de 10 % les effectifs pour augmenter le cours de l’action que cela se fera. Malheureusement, c’est ce qui va arriver, monsieur le ministre. Dites-nous comment vous empêcherez les suppressions d’emplois consécutives à la fusion entre Suez et Gaz de France.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. François Loos et moi-même sommes à la disposition du Parlement pour répondre, mais au cours de la discussion des amendements plutôt que dans le cadre de rappels au règlement.

Cela étant, monsieur Le Déaut, je répète que le nombre d’emplois concernés n’a rien à voir avec l’analyse réalisée par le cabinet Alpha : je peux vous confirmer mot pour mot les propos que j’ai tenus hier et qui figurent au compte rendu analytique.

Reprise de la discussion

M. le président. J’en viens aux amendements identiques nos 25407 rectifié à 25439 rectifié.

La parole est à M. François Brottes, pour défendre l’amendement n° 25407 rectifié.

M. François Brottes. Je suis le premier à présenter un amendement de cette liasse. Mes collègues interviendront pour compléter mon argumentation.

Nous voulons que soit maintenue à un bon niveau la participation de l’État dans Gaz de France, dont le capital a été ouvert par la loi de 2004. M. Sarkozy s’était engagé à ce que la participation de l’État ne descende pas en dessous de 70 % : nous savons aujourd’hui ce qu’il en est de la parole donnée et non tenue.

M. Novelli s’en réjouit, lui qui souhaitait à l’époque une participation de l’État sous la barre des 50 %. Il a d’ailleurs la volonté de privatiser toutes nos entreprises publiques chevillée au corps, considérant que les entreprises privées sont mieux gérées.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ne caricaturez pas !

M. François Brottes. Je le sais fort bien, monsieur Novelli, car je faisais partie de la commission d’enquête que vous présidiez, où vous n’avez eu de cesse de critiquer la gestion des entreprises publiques. Pourtant si vous les vendez aussi cher, si vous permettez à d’autres d’engranger beaucoup de bénéfices au passage, avec ce que j’appelle l’enrichissement sans cause, c’est parce que, jusqu’à présent, ces entreprises publiques nationales ont fait preuve d’une excellente gestion, se sont constitué des actifs et ont enregistré des résultats significatifs. Tel est le cas de Gaz de France qui a vu son bénéfice croître de 44 % au cours des six derniers mois.

Monsieur le ministre, je vous demande de nous redire ce que vous entendez par minorité de blocage s’agissant de la future entité fusionnée. En effet votre texte ne porte que le chèque en blanc donné à l’État pour maintenir au moins le tiers de sa participation dans le capital de Gaz de France privatisé, mais il ne dit rien du pourcentage qui sera effectivement détenu par l’État dans l’entité fusionnée, si fusion il y a. L’article 10 ne porte pas sur l’entité fusionnée ; il concerne seulement Gaz de France.

Nous avons bien compris que vous ne souhaitez pas répondre avec précision par la loi à cette question car vous allez être amené, comme actionnaire principal de Gaz de France, à négocier le bout de gras avec les actionnaires de Suez qui en veulent toujours plus. Il faut que vous vous gardiez une poire pour la soif, de façon à descendre éventuellement la part de l’État en dessous des 30 %. Nous voulons savoir à combien s’élèvera, en réalité, la participation de l’État dans le nouvel ensemble que vous voulez constituer.

Voilà une première question. Nous aurons l’occasion de poser d’autres questions dans la discussion des amendements suivants.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n° 25427 rectifié.

Mme Geneviève Gaillard. La logique de privatisation, et donc de la rémunération du capital, est incompatible avec le maintien d’un certain nombre de principes auxquels nous sommes attachés : ceux de compétence, de transparence, de justice et, en matière d’énergie, d’indépendance, que le service public peut assurer dans notre pays.

Cet amendement est particulièrement important. Nous souhaitons vous faire prendre conscience des risques que fera peser cette fusion annoncée de Gaz de France sur les consommateurs, les collectivités locales et l’aménagement du territoire.

Voilà pourquoi j’ai lancé un appel en direction des parlementaires de votre majorité. M. Gonnot était présent tout à l’heure, mais il doit se sentir très mal : il est en effet reparti sans prendre la parole, alors qu’il aurait pu nous expliquer pourquoi il partage la logique que nous défendons, que cela vous plaise ou non, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Madame Gaillard, soyez convenable !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ne mettez pas les gens en cause comme cela ! Mme Royal, M. Strauss-Kahn et d’autres sont absents !

Mme Geneviève Gaillard. Cet amendement doit être adopté si nous voulons éviter que notre service public de l’énergie parte à vau-l’eau et devienne inexistant dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour défendre l’amendement n° 25420 rectifié.

M. Pierre Cohen. Précédemment, j’ai essayé de démontrer que passer de 70 % à 34 % nous amènerait ensuite, inexorablement, dans le cadre de la mise en concurrence, au retrait total de l’État dans la future entreprise GDF-Suez.

Lorsqu’on décide de privatiser, il faut garder à l’esprit que l’énergie n’est pas une marchandise ordinaire. C’est tout le débat de la part de l’État dans une stratégie de l’entreprise. Parmi les domaines qui sont de la responsabilité de la nation, certains ne sont pas considérés comme des marchandises, comme l’éducation et la santé. Dans d’autres domaines considérés comme des marchandises, l’État peut avoir une certaine maîtrise grâce au poids qu’il occupe dans l’entreprise. Je pense à EADS où la participation de l’État a permis de peser sur les orientations dans la confrontation, voire la guerre économique du transport que se livrent Boeing et EADS.

L’énergie, quant à elle, est un domaine stratégique non seulement en termes d’indépendance nationale, mais aussi par rapport à la notion de service public qui doit garantir l’accessibilité de tout individu à l’énergie. Or, si l’État perd du poids dans l’entreprise, des effets négatifs se feront sentir sur les tarifs, mais aussi sur notre indépendance énergétique et sur notre capacité à maîtriser l’énergie du gaz dans notre pays et en Europe.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si seulement 12 % des Français approuvent le passage à moins de 50 % de la part de l’État dans GDF. Selon ce sondage réalisé par Les Échos, 40 % environ sont pour que l’État reste au-delà de 50 % et 40 % sont pour que l’entreprise reste 100 % publique. Autrement dit, aujourd’hui, une petite minorité de Françaises et de Français seulement approuve le passage à 34 %. Tenez-en compte à quelques mois du débat présidentiel.

Pour finir, je souligne que la décision de privatiser GDF n’a fait l’objet d’aucun débat avec les Françaises et les Français. Des domaines aussi importants devraient pourtant toujours faire l’objet d’un débat public et d’une confrontation au moment de la présidentielle. Attendez au moins cette élection pour prendre cette décision !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, auteur de l’amendement n° 25410 rectifié.

M. Pierre Ducout. Je n’ai pu prendre part à nos débats, hier, car un plan social venait d’être annoncé dans une entreprise de plus de 200 salariés de ma circonscription. Cela m’a néanmoins donné l’occasion de discuter avec divers interlocuteurs et je puis vous dire, monsieur le président, que les images sont fugitives : malgré celle où l’on vous voyait entouré de tonnes de papiers, nos concitoyens n’ont pas bien compris ce qu’étaient ces amendements, mais ils ont toujours très peur que le prix de l’énergie augmente et ils souhaitent conserver des entreprises publiques qui ont prouvé leur efficacité.

Cela dit je veux interroger M. Breton et M. Loos, car je pense qu’ils étaient présents aux côtés du président Jacques Chirac lorsqu’il a reçu M. Poutine et Mme Merkel. Sans doute les discussions ont-elles porté sur les questions aéronautiques et spatiales, notamment sur EADS : en la matière, évitez de caricaturer ce que nous avons fait naguère, car nous pouvons être fiers d’avoir permis la constitution d’un groupe industriel européen capable de rivaliser au niveau international.

Je suppose qu’a également été abordé le sujet des gisements pétroliers et gaziers d’Extrême-Orient, et le positionnement de Gazprom. Les craintes que fait naître la possibilité d’une OPA de Gazprom sur Suez et GDF, si les deux entreprises fusionnent, ont-elles été évoquées ? Qu’a répondu le président Poutine ?

M. Loos et M. Breton ont en partie répondu à une autre question : on peut craindre que les obligations imposées par la Commission européenne − qui entend voir GDF se séparer de divers contrats d’approvisionnement − ne fassent que, finalement, les capacités d’achat globales de Suez et de GDF soient inférieures à ce que sont aujourd’hui celles d’EDF et de GDF. En la matière, l’État qui négocie, automatiquement, peut-il aller suffisamment loin ?

Si nous demandons à l’État de maintenir sa participation à ce niveau, c’est aussi parce que nous n’avons absolument aucune garantie quant à la pérennité des réseaux de transport et des concessions de distribution qui sont pourtant la condition du maintien de la péréquation, l’un des fondements du service public.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut pour défendre l’amendement n° 25411 rectifié.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je trouve notre débat surréaliste.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Oh oui !

M. Jean-Yves Le Déaut. Son organisation n’est pas en cause, mais le fait que différents députés de la majorité qui ont tenu, en commission des finances…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Vous n’y étiez pas !

Mme Geneviève Gaillard. On peut lire les comptes rendus !

M. Jean-Yves Le Déaut. …des propos qui allaient dans le sens de ce que nous répétons inlassablement ici, ne soient pas venus s’exprimer dans l’hémicycle est étrange.

M. Paul-Henri Cugnenc. C’est leur problème !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ainsi, Philippe Auberger a considéré qu’il était difficile d’accepter l’idée selon laquelle la dérégulation n’a eu aucune conséquence sur les prix.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ça, c’est l’article 4. Nous sommes à l’article 10 !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avons avancé !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce n’est pas l’article 4, monsieur Novelli. Chaque fois qu’on pose une question, M. Novelli répond qu’on en parlera plus tard.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Déaut. Parlons-en maintenant.

Charles de Courson s’est demandé : « Comment le Parlement peut-il raisonnablement se prononcer sur une fusion qui devra être assortie de contreparties (…) dont on ne connaît pas la teneur ? » Pierre Méhaignerie s’est déclaré perplexe sur le projet de loi, remarquant qu’il ne fallait pas se cacher le problème qui se pose concernant les infrastructures de transport.

Toutes ces questions, nous les posons à notre tour.

J’ai déjà évoqué, monsieur le ministre, celle des emplois, un cabinet d’audit prévoyant que 20 000 seraient supprimés. J’ai entendu ce que vous avez répondu hier à ce propos : selon vous on ne peut envisager une coopération ou une fusion entre EDF et GDF, car elle se traduirait par la perte de 5 000 emplois. Or votre projet nous en fera perdre 20 000. Expliquez-nous donc pourquoi la solution que vous avez choisie est la meilleure.

Par ailleurs il est évident qu’on va constater une augmentation du coût des infrastructures de transport, dans la mesure où vous aurez saucissonné la production et la distribution. Les groupes n’auront plus les reins assez solides pour investir. D’ailleurs, la question se pose déjà : comment comptez-vous investir dans les futures centrales nucléaires que vous voulez construire ?

M. le président. Merci, monsieur Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd’hui, le Gouvernement prend le risque de vendre les bijoux de famille…

M. le président. Merci, monsieur Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le président, vous dites toujours merci, mais je veux simplement terminer mon intervention.

Demain, nous n’aurons plus les moyens d’avoir un grand système énergétique français.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille pour soutenir l’amendement n° 25408 rectifié.

M. Christian Bataille. On n’a pas parlé du rôle que jouent les entreprises publiques EDF et GDF, seules capables de garantir qu’une part raisonnable de leur production est issue des énergies renouvelables et de financer un effort de recherche dans ce domaine. Qu’on songe à quelques exemples, tels la liquéfaction du charbon, que M. le ministre de l’industrie connaît bien – le procédé Fischer-Tropsch permet de transformer le charbon en un carburant liquide – le solaire photovoltaïque, qui est, à mon sens, insuffisamment développé, ou le biogaz dont on a beaucoup parlé la semaine dernière, ce GPP que M. le rapporteur connaît bien, qui est produit par les porcs et qui est promis à un grand avenir dans la filière énergétique. Seules des entreprises publiques sont en mesure de prendre en charge des technologies aussi incertaines et qui nécessitent encore de longues recherches.

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui, c’était très bien !

M. le président. M. Bapt et M. Cocquempot m’ont demandé la parole, mais leur nom ne figure pas parmi les signataires de ces amendements. Il ne leur est pas possible de s’exprimer sur des amendements qui n’ont pas été retirés et qu’ils ne peuvent donc pas reprendre. Monsieur Bapt, en faisant une interprétation bienveillante du règlement, je vous suggère de vous arranger peut-être avec M. Brottes pour répondre à la commission ou au Gouvernement.

M. Jean-Marc Ayrault. À condition que le Gouvernement et la commission répondent !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Bien sûr !

M. le président. Monsieur le président Ayrault, le règlement dit qu’ils peuvent s’exprimer après la commission et après le Gouvernement. Cela ne veut pas dire que la commission et le Gouvernement se sont exprimés. Je leur donne la parole : s’ils ne veulent pas s’exprimer, les orateurs répondront au silence de la commission et à celui du Gouvernement. (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. Peut-on répondre à un silence, monsieur le président ?

M. le président. Oui, en se taisant ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Braouezec, vous savez qu’il est des silences plus éloquents que bien des discours.

M. Daniel Paul. Tel le silence de la majorité !

M. le président. La parole est à M. David Habib qui a présenté l’amendement n° 45412 rectifié.

M. David Habib. À propos d’une autre série d’amendements, je vous ai interrogé sur la dimension européenne, monsieur le ministre délégué, et j’avais conclu en parlant de la golden share, l’action spécifique. Eu égard à l’expérience que nous en avons eue en Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques − M. Poulou peut en témoigner −, je souhaite que nous puissions obtenir une réponse, car nous avons vu à quel point, avec le temps, ce bouclier juridique devenait fragile.

Je veux également interroger de nouveau le Gouvernement sur le risque d’OPA que peut subir le périmètre nouvellement constitué par Gaz de France et Suez. Ce risque a été identifié par tous les groupes − le groupe communiste, le groupe socialiste, le groupe UDF − et par des parlementaires de la majorité qui se sont exprimés à plusieurs reprises, dénonçant la responsabilité historique qui serait la nôtre si, après avoir tenté d’esquiver le rapprochement proposé par Enel, ce nouvel ensemble tombait dans l’escarcelle d’un groupe non communautaire qui disposerait ainsi d’importants actifs dans le périmètre industriel européen.

Cette loi nous offre-t-elle les assurances qui éviteront, à court et à moyen termes, que Gazprom ou d’autres ne réalisent cette OPA ? Aucune disposition ne permet de l’affirmer sérieusement, en confiance. La seule solution, est de retenir la proposition de notre amendement et de relever la participation de l’État.

Aujourd’hui, nous savons tous que le service public de l’énergie est un enjeu majeur, mais d’autres l’ont su avant nous. Qu’on me permette de citer une déclaration : « Nous sommes naturellement, je le répète, favorables à la concurrence et à l’ouverture, parce que c’est bon pour notre dynamisme national, mais pas pour autant au détriment de nos services publics auxquels nous sommes tous très attachés, qui constituent l’un des fondements de notre pacte républicain. »

Si je connaissais l’accent corrézien, je l’aurais employé : ce n’est pas M. Hollande qui a prononcé cette phrase, mais M. Jacques Chirac, le 16 mars 2002. Par ces propos, il nous avait donné un fil conducteur que sa majorité aurait intérêt à suivre aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono pour soutenir son amendement n° 25419 rectifié.

M. Maxime Bono. M. Habib vient justement d’évoquer les valeurs du service public et j’ai moi-même, à propos d’un précédent amendement, au début de notre débat, demandé au Gouvernement quelles garanties le projet de loi offrait quant à la pérennité de ces grands principes qui fondent notre service public : principes de continuité, de mutabilité ou d’adaptabilité, d’égalité d’accès des usagers. Ils sont les garants de la cohésion sociale et assurent la continuité même de la vie sociale dans notre pays.

Il m’avait été répondu, de façon un peu laconique − car, à l’époque au moins, le Gouvernement et la commission répondaient, alors que c’est désormais nous qui devons répondre à leur silence −, que le cahier des charges devait garantir ces principes. Or, nous l’avons bien vu ce matin, ce cahier des charges n’est pas du tout de nature à garantir les principes du service public qui, depuis 1946, régissent en France le domaine de l’énergie et assurent à chacun l’égalité d’accès. Il rend même illusoire, à terme, le maintien probable du tarif réglementé.

Voilà pourquoi nous réitérons notre demande de garantir le service public par la présence forte de la puissance publique au capital de ce fleuron de notre industrie qu’est Gaz de France.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, auteur de l’amendement n° 25435 rectifié.

Mme Marylise Lebranchu. Au cours des discussions que nous avons eues en commission, il a été beaucoup question, ainsi que M. le rapporteur l’a relevé dans son rapport, du pouvoir au sein de l’assemblée des actionnaires. Devant nos craintes, il nous a été répondu que, dans la nouvelle configuration de la société, la présence de l’État suffirait, en dépit de sa faible part dans le capital, à bloquer des décisions.

On ne peut cependant pas, mes chers collègues, sous-estimer la forte pression que pourraient subir les représentants de l’État de la part des autres actionnaires, si ces derniers annonçaient que, dans le cas où telle ou telle décision serait prise, ils pourraient s’en aller, ce qui ne pourrait que faire courir à la nouvelle société, rendue ainsi fragile, le danger d’un rachat ou d’une OPA.

Les garanties que nous avons obtenues au moment de l’élaboration du rapport sont trop faibles. On ne peut pas faire confiance aux actionnaires au point de croire qu’ils pourraient, parce que la stratégie énergétique française ou européenne le voudrait, accepter d’investir beaucoup dans la recherche sans garantie de retour immédiat.

Le danger existe, en dépit des barrières que M. Ollier a pu mettre dans le texte, que les représentants de l’État français soient trop faibles pour résister à la menace d’un actionnariat privé. Vous vous souvenez sûrement, monsieur le président Debré, d’entreprises publiques qui ont pris des décisions mettant tout le système en danger, simplement pour éviter que l’actionnariat privé ne s’en aille. On peut donc craindre que, dans cette nouvelle société, les représentants de l’État ne fassent pas le poids devant la menace conjuguée de tous les actionnaires privés voulant un retour sur investissement plus important ou menaçant de partir. Voilà pourquoi je parlais tout à l’heure d’un manque de stratégie de la part de l’État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il n’aura échappé à personne que certaines questions ont déjà été posées ce matin ou ces jours derniers, et que tant les ministres que le président de la commission ou moi-même avons à chaque fois apporté des réponses me semble-t-il détaillées et sérieuses, à l’image d’ailleurs des questions elles-mêmes. Il serait bon, dans ces conditions, que nos collègues qui nous rejoignent vérifient, dans le compte rendu analytique voire dans le Journal officiel pour les séances d’il y a quelques jours, que ces questions n’ont pas déjà été posées et, dans le cas où elles l’auraient été, prennent connaissance des réponses.

Pour en revenir aux interventions que nous avons entendues, nous ne saurons jamais assez insister sur le fait que la propriété de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, ne met pas en péril les tarifs.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Cela n’a rien à voir !

M. François Brottes. Bien sûr que si !

M. Daniel Paul. C’est faux, monsieur le rapporteur, et vous le savez bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous le disons avec insistance : cela n’a rien à voir. Que l’entreprise soit propriété de l’État à 100 % ou à 34 %, cela ne change rien au fait que les tarifs sont régulés. Vous n’arriverez pas à convaincre l’opinion française du contraire.

M. Daniel Paul. Vous trompez les gens !

M. François Brottes. Relisez le contrat de service public avec GDF !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avons fait en sorte que les tarifs régulés soient maintenus au-delà de ce qui était prévu...

M. François Brottes. Vous ne pouvez dire cela !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...afin que l’ensemble des consommateurs – particuliers, professionnels ou grandes entreprises pour leurs nouveaux sites – puissent bénéficier des tarifs régulés.

M. François Brottes. Ils vont disparaître !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Encore une fois, la confusion est entretenue – involontairement, j’en suis sûr – entre les tarifs et les prix. Les tarifs régulés sont fixés par le ministre sur proposition du régulateur pour ce qui concerne l’acheminement et après avis de ce dernier pour ce qui est de la fourniture. Ne faites donc pas croire à l’opinion, mes chers collègues, que le changement de propriété de l’entreprise aura une influence sur le maintien des tarifs régulés !

M. François Brottes. Bien sûr que si !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Afin de ne pas être accusé de ne pas répondre aux questions, je reviendrai également sur l’ouverture du capital et sur la présence d’actionnaires privés.

Nous sommes sidérés de vous entendre dire aujourd’hui qu’il n’est pas normal d’ouvrir...

M. François Brottes. De privatiser !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Votre raisonnement s’appliquait uniquement à l’ouverture.

...le capital de Gaz de France et d’EDF et que cela ne s’explique que par la volonté de faire en sorte que les actionnaires voient leur rente s’améliorer.

Mes chers collègues, quand vous avez ouvert le capital de nombreuses entreprises, vous avez bien permis aux gens d’acquérir des actions sur lesquelles ils espéraient une rentabilité.

M. François Brottes. Il n’y avait pas de monopole en cause !

M. Pierre Cohen. On ne peut comparer EADS et GDF !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cessez donc de tenir ce discours d’aujourd’hui sur l’intérêt ou non d’une ouverture du capital et de confondre ouverture et privatisation !

Je note enfin avec beaucoup de satisfaction les avancées sur le dossier du GPP, produit dont Christian Bataille, dans une intervention à nouveau bien sentie, a souligné l’intérêt.

M. Pierre Cohen. Ce n’était pas l’objet de son intervention !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est vrai que nous aurions pu, lors de l’examen de précédents articles, envisager d’adopter des amendements afin de financer la recherche en faveur du GPP, notamment liquéfié. Nous pourrions toutefois en reparler avec vous, monsieur Bataille, qui êtes l’auteur de nombreuses études sur ce point, en associant M. Cochet, qui a signé des rapports retentissants également sur ce point, dans le cadre de la CMP.

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que, sur le vote des amendements nos 25407 rectifié à 25439 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je tiens à répondre de façon à la fois claire et simple à l’ensemble des intervenants, à commencer par François Brottes qui m’a interrogé sur le sens de la minorité de blocage.

L’article 10 prévoit que l’État doit conserver un tiers du capital de Gaz de France, ce qui signifie que si GDF veut se marier avec Suez, il lui faudra procéder à une augmentation de capital et échanger des actions ainsi créées contre celles de Suez, après acceptation des actionnaires de cette dernière, sachant que, quelle que soit la somme des deux – que nous a déjà donnée Jean Dionis du Séjour –, elle devra conserver une minorité de blocage à l’État.

M. Pierre Ducout. Ce que M. Hervé Novelli ne trouve pas bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. Avec une telle minorité de blocage, l’État est en mesure de peser sur toute décision d’émission de capital immédiate ou différée, de fusion, de scission ou cession d’actifs, de déménagement, de changement d’objet social, bref, de contrôler toutes les décisions fondamentales de l’entreprise, ce pouvoir étant automatiquement lié à la possession de la minorité de blocage.

Si cette minorité de blocage est bien un outil de maîtrise en matière de politique énergétique, elle n’est pour autant pas le seul. Il en va en effet de même en ce qui concerne les tarifs, dont M. le rapporteur vient de parler, et le respect des obligations des fournisseurs en matière de sécurité d’approvisionnement. Peut-être ne le savez-vous pas, mais les entreprises ont, à cet égard, des obligations de résultat. Celles qui veulent devenir fournisseurs doivent ainsi prouver qu’elles sont capables d’assurer la continuité de fourniture même en cas d’hiver très froid, comme il peut s’en produire un tous les cinquante ans, ou encore qu’elles peuvent faire face à des pointes de froid de trois jours consécutifs comme à la disparition de leur principale source d’approvisionnement pendant six mois.

Les contraintes qui incombent aux fournisseurs de gaz en France en matière d’approvisionnement sont donc extrêmement lourdes.

M. Pierre Cohen. Encore heureux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Sachez que ces contraintes s’appliquent à Gaz de France, qu’elle soit publique à 80 ou à 34 %, à Suez ou à tout autre fournisseur de gaz en France.

M. Pierre Cohen. Quel effort de recherche leur demanderez-vous ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Mon propos vaut ainsi réponse à la question des garanties demandées par M. Ducout.

Quant à M. Habib, qui s’interrogeait sur le sens de la golden share, je précise que cette action spécifique, qui s’ajoute à la minorité de blocage, implique en outre qu’aucune décision en matière de terminaux, de stockage, de réseaux de transport, de méthaniers ne peut être prise sans l’autorisation explicite de l’État.

Du fait à la fois des lois de 2003, de 2004 et de tous les décrets d’application pris en matière d’approvisionnement et de service public, de l’action spécifique et de la minorité de blocage, le pouvoir de l’État est donc très large.

M. François Brottes. Ça ne tiendra pas !

M. le ministre délégué à l’industrie. Avant les lois de 2003 et 2004, les obligations de service public n’étaient mentionnées nulle part !

M. Pierre Cohen. Bien sûr, c’était 100 % public !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est nous qui les avons codifiées.

M. Pierre Cohen. Avant, il y avait un service public qui détenait un monopole !

M. le ministre délégué à l’industrie. Pas seulement !

Ces obligations, il faut les imposer, même à des entreprises publiques, et tel est le droit qui s’applique aujourd’hui.

Je réponds enfin à M. Bataille que les procédés qui permettent de passer de la biomasse vers du liquide doivent effectivement faire l’objet de recherches et être développés.

M. Pierre Cohen. Qui paye ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Deux projets sont à l’étude : l’un à Dunkerque, impliquant Total et une entreprise finlandaise, l’autre dans la Meuse et la Haute-Marne, réunissant le CEA et l’IFP. Nous ne doutons pas que l’un ou l’autre de ces projets puisse se réaliser prochainement. La France est dans le peloton de tête pour mettre en œuvre le procédé Fischer-Tropsch appliqué à la biomasse.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. M. le ministre ne lève pas nos doutes, qu’il s’agisse des hypothèses qu’il évoque ou du semblant de politique énergétique qu’il essaye de tracer et sur le contenu duquel nous n’avons de cesse de questionner le Gouvernement depuis l’ouverture du débat.

Cet article 10 nous donne l’impression d’un véritable gâchis. C’est en effet au bradage d’un élément du patrimoine national important pour l’indépendance énergétique de notre pays que l’on assiste. Qu’en est-il en outre de la recherche dans le cadre européen d’une véritable politique énergétique qui garantisse l’avenir industriel du secteur et les intérêts des consommateurs ?

La minorité de blocage sera inopérante face à une OPA hostile, et vos remarques, monsieur le ministre, ne font, faute d’apaisement, qu’attiser nos craintes quant à la politique énergétique. Le principal problème de cette politique étant l’accès à la production de gaz, comment un mariage entre deux distributeurs pourrait-il apporter une solution ?

L’approche qu’ont tous les pays du monde de la politique de l’énergie est d’en faire une affaire d’État. Or c’est ce moment que vous choisissez pour vous livrer à cette privatisation, sans même répondre sur les contours futurs du groupe, vous en tenant au seul texte de l’article 10.

Nos arguments reprennent d’ailleurs ceux de certains membres de la majorité. On a cité hier M. Daubresse et M. Dominique Paillé. Ce matin, je citais M. Méhaignerie. M. Soisson a même eu, lui aussi, – dommage qu’il ait changé d’avis depuis – des éclairs de lucidité (« Oh ! » sur sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) au début de la discussion. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Novelli, rapporteur pour avis. C’est insolent !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est choquant !

M. Gérard Bapt. La lucidité, mes chers collègues, c’est de considérer la réalité d’aujourd’hui avec l’expérience du passé. Alors qu’il faut préparer l’avenir avec le plus de certitude possible, nous sommes aujourd’hui dans la plus grande incertitude.

Le fait que le Gouvernement ne nous dise rien de concret me rappelle un propos d’un célèbre journaliste pamphlétaire. Rochefort disait à propos de Napoléon III, dit le Petit : « Il ne dit rien ; je crains qu’il n’en pense pas plus ». (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour répondre à la commission.

M. François Brottes. Je souhaite répondre au président de la commission, au rapporteur de la commission des affaires économiques ainsi qu’au rapporteur pour avis de la commission des finances.

Je veux leur indiquer, car peut-être ne sont-ils pas au courant, qu’ils ont reçu dans l’après-midi les félicitations de M. le Premier ministre. Celui-ci a remercié particulièrement le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, pour son « savoir-faire inégalé » – il aurait d’ailleurs pu vous mettre dans le coup, monsieur le président de l’Assemblée nationale, s’agissant du savoir-faire inégalé – et « sa présence dans l’hémicycle jour et nuit ».

Le Premier ministre évoque également les deux « talentueux rapporteurs du texte, Jean-Claude Lenoir et Hervé Novelli ». Le Premier ministre, finalement, n’est pas avare : les rapporteurs ne sont jamais d’accord l’un et l’autre mais ils sont talentueux pour ne pas être d’accord, ainsi que nous avons pu l’observer à plusieurs reprises.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est la richesse de l’UMP.

M. François Brottes. M. le Premier ministre conclut sa déclaration par ces mots : « Lorsque nous serons venus à bout de cette bataille, ce sera une belle victoire, celle de l’unité de notre majorité. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Piron. Cela vous fait rêver apparemment.

M. François Brottes. Ce n’est glorieux ni pour l’intérêt national ni pour la protection des Français à l’égard d’un bien de première nécessité.

M. le président. Je ne vois pas très bien en quoi vous répondez à la commission.

M. François Brottes. Mais si, monsieur le président.

En effet, il est bien que les commissions soient félicitées pour avoir ressouder la majorité, mais ce n’est pas ce qu’il leur est demandé ici. Ce qui leur est demandé ici, c’est de préserver et de défendre des intérêts de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je sais bien que nous sommes en phase d’élaboration du budget de la sécurité sociale, mais, très honnêtement, ce communiqué de M. le Premier ministre…

M. Jean Dionis du Séjour. Quel rapport ?

M. François Brottes. …c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité.

M. Jean Dionis du Séjour. Ah ! Voilà le rapport !

M. François Brottes. En effet, M. le Premier ministre remercie particulièrement, à propos du projet de loi GDF, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy…

M. Jean-Yves Le Déaut. Ah !

M. François Brottes. …et il ajoute qu’il remercie ceux qui, sur ces bancs, n’ont pas été convaincus depuis le début par le projet industriel de fusion de GDF et Suez, mais qui voteront le projet de loi, mesurant l’effort que cela représente.

M. Gérard Bapt. Godillots !

M. François Brottes. Nous avons bien compris : cette session extraordinaire n’avait pour but que de ne plus voir qu’une seule tête dans les rangs de la majorité UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.– Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.))

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 25407 rectifié à 25439 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est ouvert.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

J’en viens aux amendements identiques, n°s 25440 rectifié à 25472 rectifié. Nous serons ainsi passés d’une part de l’État à 76,6 %, puis à 76,5 % ; maintenant, nous arrivons à 76,4%.

La parole est à M. François Brottes pour défendre l’amendement n° 25440.

M. François Brottes. Ces amendements ont une portée sensiblement différente de celle des amendements précédents tout en poursuivant le même objectif, à savoir faire en sorte que l’État garde une majorité significative au sein de Gaz de France pour que les ministres, et le Premier ministre, conservent la maîtrise du dispositif de l’énergie. En effet, nous l’avons vu avec les Russes, mais également avec d’autres États, les négociations sont, en réalité, menées d’État à État et non pas d’entreprise à entreprise. Dès l’instant où l’État français baissera la garde et privatisera nos entreprises nationales, il ne pourra plus intervenir dans ce secteur pourtant hautement stratégique.

Au-delà des compliments que le Premier ministre n’a pas manqué d’adresser à l’ensemble, ou presque, des acteurs de la majorité dans ce débat, je veux revenir sur des propos tenus à Matignon lors d’un conseil sur l’Europe. Le Premier ministre a semble-t-il indiqué, sous le contrôle et la vigilance, j’imagine, de M. Breton, que, sur le volet énergétique, le Gouvernement français assurait qu’il fallait encourager l’émergence de champions européens capables de se battre à l’échelle mondiale, et il estimait que le rapprochement entre Suez et Gaz de France s’inscrivait dans cette logique.

Ce n’est pas notre point de vue et je vais vous expliquer pourquoi.

Tout d’abord, M. Barroso, président de la Commission européenne, a indiqué qu’il ne souhaitait conserver que quatre à cinq champions européens en matière d’énergie. Or, dans l’affaire GDF-Suez opposée à EDF, nous observons que Distrigaz va sortir du giron de Gaz de France en Belgique. Nous allons donc avoir une alliance GDF-Suez et peut-être, demain, une alliance EDF-Distrigaz. Vous défaites des ensembles qui marchent pour essayer d’en constituer d’autres dont on ne sait pas si elles fonctionneront ; nous sommes même persuadés du contraire. Au mois de janvier prochain, la Commission européenne, animée par M. Barroso, nous demandera sans doute de réaliser de nouvelles concentrations, estimant qu’il y a encore trop d’acteurs et d’opérateurs de l’énergie au niveau européen.

À jouer les apprentis sorciers, sans autre stratégie que celle de répondre, notamment, à une menace d’OPA de Enel sur Suez, vous en êtes réduits à un bricolage inadmissible compte tenu des enjeux que cela représente pour la France. Les Allemands, eux, ont marié E.ON avec Ruhrgaz, en échappant aux contraintes édictées par la Commission européenne. L’opérateur ainsi constitué a passé des accords avec d’autres opérateurs en Europe et, petit à petit, l’oiseau fait son nid, d’une manière beaucoup plus intelligente que nous.

D’ailleurs, la démarche à laquelle vous essayez de nous soumettre par un vote un peu forcé au sein de l’UMP, on vient de l’évoquer, n’est pas dictée par l’intelligence mais plutôt par de nombreux intérêts particuliers qui s’additionnent – je donnerai peut-être des noms d’ici à la fin de ce débat – et une grande improvisation dans la méthode qui montre à quel point vous n’avez pas de stratégie.

Votre seule obsession, c’est de privatiser les entreprises publiques, avec, à terme, le risque d’une augmentation significative des tarifs. En effet, monsieur le rapporteur, il est absurde de prétendre que le tarif garanti se situera en dessous des prix du marché alors que, dans le contrat de service public Gaz de France-EDF, il était stipulé, à la demande du Gouvernement, que l’État s’engageait à faire en sorte que le tarif régulé rejoigne le prix de vente du marché. Il serait bon, je crois, monsieur le rapporteur, que vous relisiez ce contrat. Je vais d’ailleurs vous en faire immédiatement une copie parce que je pense que cela manque à votre culture.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous ne m’avez pas écouté. Je parlais d’électricité.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu signataire de l’amendement n° 25468.

Mme Marylise Lebranchu. Je comprends que nos collègues soient intimement convaincus que leur projet est la bonne solution et qu’ils continuent à défendre leur position, qui, bien sûr, n’est pas la nôtre, mais je voudrais tout de même qu’ils répondent à la question que j’ai posée tout à l’heure.

Je répète que nous serons, pour l’essentiel, dans la bagarre française en Europe et au-delà de l’Europe, tributaires d’un certain nombre d’actionnaires. Même si les représentants de l’État disposeront, grâce à la loi, d’une minorité de blocage, je ne vois pas comment ils pourront résister à la pression très forte d’un actionnariat qui refusera tel type d’investissement ou telle allégeance aux besoins de tous les citoyens français d’être desservis de la même façon dans les mêmes conditions et à un prix raisonnable ; qui refusera telle ou telle alliance.

L’actionnariat pourra fort bien, à un moment donné, s’entendre avec EDF et dans le même temps avoir envie de vendre des fichiers par exemple. Dans cette configuration, comment les représentants de l’État au sein de l’actionnariat pourraient-ils résister ? Je vous rappelle que, dans des entreprises où l’État possédait une part faible du capital, c’est sous la menace des actionnaires, feutrée ou avouée, de se retirer en cas de non-réponse ou de réponse défavorable à leur demande que les représentants de l’État ont accepté certaines décisions.

Ce n’est pas parce qu’on met en place de quoi résister à la pression des actionnaires que cette résistance est possible. J’aimerais qu’on me dise comment l’État peut, dans ce cadre, avoir une parole forte et comment il peut gagner ?

Il me semble donc dangereux de ne pas garder suffisamment de billes en termes de politique énergétique. Nous savons tous ici, notamment pour avoir pris connaissance d’un certain discours américain sur le rôle de l’énergie à la fin du XXIe siècle avec ces fameuses projections, que c’est l’énergie qui va commander la place de la France dans l’Europe, bien sûr, mais aussi et surtout dans le monde. Or si je ne vois pas ce que ce texte nous fera gagner, je vois très bien ce qu’il nous fera perdre.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, auteur de l’amendement n° 25441.

M. Christian Bataille. La question que nous devons nous poser est la suivante : l’association de GDF et de Suez que vous nous proposez permettra-t-elle d’atteindre la taille critique en tant qu’acheteur ? Si nous vous proposons de préserver la part publique du capital, c’est bien parce que, dans l’échange, les pouvoirs publics, l’intérêt général risquent d’y perdre.

L’ensemble GDF-Suez serait, nous dit-on, le premier acheteur et fournisseur de gaz naturel en Europe, avec 20 % du marché européen, soit un cinquième. Ainsi, face aux géants que sont Gazprom et Sonatrach, qu’il faut additionner parce qu’alliés et qui sont contrôlés par leurs États respectifs, nous aurons un groupe privé qui ne sera plus adossé à l’État. Il sera donc en situation de faiblesse par rapport à des groupes vendeurs de gaz qui représentent en même temps des puissances étatiques et qui obéissent à des stratégies géopolitiques. Seul un groupe comme GDF peut défendre des intérêts nationaux en matière énergétique.

J’admets que la réponse n’est pas simple, mais le vrai remède à la faiblesse de GDF serait l’accroissement de sa production autonome de gaz naturel. Pour l’instant, les réserves propres de GDF ne représentent que 3 % de son approvisionnement. Certes – cela a été souligné avec beaucoup de bon sens – nous ne disposons plus de réserves sur le territoire national mais peut-être GDF pourrait-elle, plutôt que d’aller chercher un partenariat qui ne lui apporte rien avec Suez, travailler à accroître ses réserves ailleurs dans le monde et continuer sa diversification technique grâce au GNL. Cela serait infiniment préférable au rapprochement très aléatoire que vous nous proposez.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout pour soutenir l’amendement n° 25443.

M. Pierre Ducout. M. le ministre délégué a évoqué tout à l’heure la minorité de blocage mais, comme cela a été bien expliqué par M. Novelli dans le rapport pour avis de la commission des finances, la minorité de blocage n’empêchera en aucune manière une OPA hostile. Le risque est bien réel aujourd’hui.

Pourquoi nous sommes-nous retrouvés avec cette proposition de rapprochement Suez-GDF ?

À partir du moment où le Gouvernement, en particulier le Premier ministre, a subi un certain échec dans la présentation de la défense d’Arcelor par rapport à l’action évidente de Mittal en début d’année, on nous a parlé de patriotisme économique en sachant fort bien qu’il n’y a pas de réelle politique européenne en matière énergétique, que chacun travaille en ordre dispersé. D’ailleurs, aujourd’hui, la Commission semble évoluer sur les conditions de rapprochement des entreprises, notamment sur les interdits qu’elle avait elle-même édictés à une certaine période au nom du « marché libre dans une Europe libre ».

M. le ministre pourrait-il donc nous indiquer comment il perçoit l’accord conclu entre M. Zappatero et Mme Merkel pour autoriser le regroupement E.ON-Ruhrgaz avec Endesa alors que les Espagnols, jusqu’à présent, étaient sur une position proche de la nôtre, c'est-à-dire de défense de leur entreprise électrique avec leur entreprise gazière Gas Natural, dans la mesure où, comme nous le savons tous, il faut aujourd’hui présenter des propositions duales ?

Notre pays est le seul à avoir cette spécificité nucléaire. Les Espagnols abandonnent certaines centrales. Quant aux Anglais, ils semblaient favorables à une politique nucléaire, mais compte tenu de la situation de M. Blair, nous ne pouvons avoir aucune certitude en la matière. Il ne faut pas baisser les bras, car il est vital pour la France de conserver ses deux entreprises énergétiques publiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut pour défendre l’amendement n° 25444.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les félicitations du Premier ministre sont en effet importantes, et je vais reprendre ce que disaient certains de nos collègues, le 30 août dernier, en commission des finances.

M. Novelli déclarait que, « dans certains secteurs, le coût de l’énergie est un facteur qui pousse à la délocalisation. » Vous m’expliquerez comment le système que vous proposez permettra de maîtriser le coût de l’énergie ! M. Bouvard estimait que « l’État doit jouer, dans le secteur énergétique, son rôle d’actionnaire majoritaire plutôt que de laisser le champ libre à la CRE. » Quant à M. Descamps, il considérait que « la solution qui a été choisie de maintenir le choix entre le tarif réglementé et le secteur libre est difficile à tenir. » On ne saurait mieux dire !

Dans le domaine de l’énergie, nous sommes confrontés à des défis majeurs. Nous observons une croissance soutenue de la consommation d’énergie et le gaz occupe une part de plus en plus importante dans le bouquet des énergies primaires. L’Union européenne dépend à 80 % des trois principaux pays exportateurs de gaz : la Russie, la Norvège et l’Algérie. Le prix des hydrocarbures suit une tendance haussière. Même s’il a subi une légère baisse et a atteint un plateau, il va à nouveau augmenter. La demande mondiale d’énergie augmente également – on le voit avec la Chine –, ce qui va entraîner un accroissement des émissions de CO2, même si certains réclament le facteur 4, c’est-à-dire la division par quatre de nos émissions d’ici à 2050.

Les prix du pétrole et du gaz ont presque doublé dans l’Union européenne au cours des deux dernières années, entraînant avec eux le prix de l’électricité. Compte tenu de la demande mondiale de combustible fossile, la longueur des chaînes d’approvisionnement, la dépendance croissante envers les importations, les prix du pétrole et du gaz vont se maintenir à des niveaux élevés, tout le monde le sait. Comment peut-on imaginer que des sociétés privées, qui n’ont pas du tout la même vision stratégique que l’État, résoudront ces questions primordiales ? C’est impossible !

Nous avons une responsabilité à l’égard des Français. Au XXIe siècle, l’énergie sera le secteur le plus important et nous devrons le contrôler. Voilà pourquoi la participation de l’État doit y rester très importante.

M. le président. La parole est à M. David Habib, auteur de l’amendement n° 25445.

M. David Habib. Comme mes collègues, j’ai rencontré ce week-end beaucoup de nos concitoyens. Tous m’ont rappelé que faire de la politique, c’était conjuguer une vision à long terme et la défense de l’intérêt général.

M. Michel Piron. Oui !

M. David Habib. Je ne peux dès lors m’empêcher de vous demander en quoi la fusion entre Suez et Gaz de France est de nature à préserver le long terme et à défendre l’intérêt général.

M. Pierre Cohen. C’est la vraie question !

M. David Habib. Lorsque vous aurez répondu à cette question, vous pourrez peut-être nous convaincre. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Nous avons tous le sentiment que vous allez sacrifier le long terme et brader le bien public pour le bénéfice de quelques uns. Or il s’agit de politique énergétique, pas de n’importe quoi !

Tous les chefs d’entreprise, y compris les plus libéraux, ont rappelé que la politique énergétique était le levier d’une vraie politique industrielle. Ils ont souligné que toute politique énergétique nécessitait une stabilité du management. Malgré tout nous n’obtenons du Gouvernement aucune réponse de nature à nous rassurer lorsque nous disons que le nouveau périmètre sera opéable.

Les chefs d’entreprise expliquent également que cette politique énergétique nécessite une stratégie aval-amont et des investissements permanents. Or, depuis quinze jours, nous constatons qu’il n’y a pas de projet industriel.

Ces amendements reprennent des arguments que le Président de la République avait avancés le 16 mars 2002. Il est bon, de temps en temps, de se référer au Président de la République dans cette assemblée. Après tout, j’ai quand même voté pour lui !

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono, pour soutenir son amendement n° 25452.

M. Maxime Bono. L’État ne doit pas baisser la garde, contrairement à ce que vous proposez, monsieur le ministre.

Souvenons-nous que la loi de 1946 avait promu Gaz de France au rang de service public national. C’est cette gestion publique par une entreprise publique qui a permis de doter notre pays des champions industriels que nous connaissons aujourd’hui, notamment dans le secteur de l’énergie. C’est cette participation publique au capital de l’entreprise qui a contribué à l’indépendance énergétique de notre pays avec les succès que l’on connaît.

Ainsi que l’a souligné David Habib, les Français y sont particulièrement attachés. Au-delà même des sondages, il suffit d’écouter ce que l’on nous dit dans nos circonscriptions pour en être convaincu : nos concitoyens sont attachés à un service public de l’énergie géré de façon publique et marqué par une expression forte de la puissance publique.

Ce modèle a permis l’accès à l’énergie pour tous et la sécurité des approvisionnements. Il a développé l’outil de production précisément parce que l’on proposait aux industriels l’accès à l’énergie à des prix concurrentiels et, surtout, parce qu’il reposait sur une vision à long terme de l’investissement qui est le propre de l’action de l’État.

Il faut, certes, se méfier des raisonnements a contrario, mais reconnaissez que l’on peut s’interroger. Si la puissance publique se désengage aujourd’hui, dites-nous, monsieur le ministre, en quoi le fait de confier le secteur de l’énergie à des entreprises cotées en bourse, forcément soucieuses des dividendes qu’elles devront verser – ce qui n’est pas scandaleux en soi –, pourrait améliorer la situation finalement satisfaisante que le secteur industriel connaît depuis de très nombreuses années.

Ce projet est dangereux en termes de croissance. Il est dangereux pour les consommateurs qui seront les premiers perdants. Nous souhaitons, quant à nous, que les capitaux publics dans l’entreprise soient maintenus à un niveau extrêmement significatif. Et, puisque rapprochement il doit y avoir, expliquez-nous pourquoi vous ne souhaitez pas examiner sérieusement celui d’EDF et de GDF. Nous ne comprenons pas votre entêtement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, signataire de l’amendement n° 25453.

M. Pierre Cohen. Nous l’avons dit et nous le répèterons : l’énergie n’est pas une marchandise comme les autres. Avant votre arrivée au pouvoir, nous maîtrisions l’ensemble de l’énergie, que ce soit l’électricité ou le gaz, puisque ce secteur était public à 100 %, mais vous avez enclenché un processus d’affaiblissement de l’État allant même jusqu’à son désengagement total, le privant du même coup de toute capacité d’intervention.

M. le ministre a évoqué les obligations de service public qui seraient imposées par contrat aux fournisseurs de gaz, mais il s’agit essentiellement de la continuité de service, lequel suppose la constitution de stockages suffisants pour répondre aux pics de demande. Chacun sait que la notion de service public est beaucoup plus large, qu’elle recouvre notamment la notion d’accès au gaz par le plus grand nombre.

Nous savons très bien aussi qu’il est nécessaire, sur le plan énergétique, d’avoir une stratégie à très long terme visant à garantir des investissements très lourds en termes d’innovation. Or c’est la notion de service public qui permet le mieux de prévoir l’avenir, d’assurer le développement durable. Comment sera-t-il répondu à cette nécessité d’innovation ?

Par ailleurs, la question du savoir, de la connaissance, de la recherche est essentielle en matière d’énergie. Les entreprises privées auront-elles une responsabilité en la matière ?

M. Xavier de Roux. C’est extravagant !

M. Pierre Cohen. Nous savons en effet qu’elles se désengagent de plus en plus de la recherche et n’investissent plus dans le savoir et la connaissance.

M. Xavier de Roux. Comment peut-on dire des âneries pareilles !

M. Pierre Cohen. C’est à cause de ce désengagement du privé que nous ne serons pas au rendez-vous des 3 % du PIB consacrés à la recherche en 2010. Les seules entreprises qui investissent sont celles qui savent qu’elles auront un retour, comme dans le domaine du médicament. Si les entreprises énergétiques ne sont pas obligées d’investir dans la recherche, les investissements nécessaires devront être financés par l’impôt.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n° 25460.

Mme Geneviève Gaillard. Il est clair que nous ne sommes pas du tout d’accord sur la stratégie à adopter. Quand j’entends M. le rapporteur nous dire que la privatisation ne mettra pas les prix en péril, je crains de ne pouvoir lui faire confiance.

Pourquoi privatiser ce fleuron français qu’est GDF ? Pour être plus efficace, prétendent certains. Néanmoins cela se fera au détriment des tarifs. En effet, les exigences des actionnaires seront telles que les principes de la loi de 1946 ne pourront être préservés. On nous dit, ensuite, que l’on constituera ainsi un groupe plus fort, mais il sera opéable, ce qui n’a rien de rassurant.

Les menaces que vous faites peser sur le service public de l’énergie risquent d’avoir de graves conséquences, car les lois du marché ne permettent pas aux entreprises privées d’investir sur le long terme et l’État minoritaire, ayant de votre fait perdu son rôle de régulateur, ne pourra plus faire procéder à des investissements pourtant indispensables à la recherche, puisque la consommation doublera en peu de temps et que nous devons respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. Les entreprises privées joueront plutôt la carte du rendement du capital.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis négatif.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 25440 rectifié à 25472 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement suivra l’avis négatif de la commission. Je répète, comme je le fais chaque jour depuis le début de ce débat, ainsi qu’en atteste le compte rendu analytique, que nous devons atteindre deux objectifs.

Premièrement, nous devons transposer la directive Énergie, conformément à l’intérêt des consommateurs français, de façon qu’ils puissent, au 1er juillet 2007, continuer à bénéficier des tarifs réglementés.

Deuxièmement, nous devons donner la liberté à Gaz de France d’aller de l’avant, afin de faire face aux défis de la guerre énergétique. Il est nécessaire pour cela de définir les trois éléments nécessaires à Gaz de France pour y parvenir.

Il faut lui permettre d’abord de nouer des alliances, comme tous ses concurrents, comme toutes les entreprises autour d’elle, en utilisant ses actions.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas parce que les autres font des erreurs qu’il faut en faire aussi !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il faut ensuite préserver une minorité de blocage, de façon à maintenir le droit de veto du gouvernement français en assemblée générale extraordinaire.

M. Pierre Cohen. Combien de temps tiendrez-vous ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin, il convient de mettre à disposition trois actions spécifiques sur les terminaux stratégiques, les réseaux d’infrastructures et les terminaux méthaniers.

Nous sommes convaincus que cela permettra à Gaz de France d’aller de l’avant dans le cadre d’un projet de son choix, même si, in fine, les administrateurs représentant l’État décideront, compte tenu de sa participation.

J’ai pris vis-à-vis de la commission des affaires économiques un engagement, que je réitère bien volontiers aujourd’hui : une fois le texte voté – dans un délai que j’espère assez bref, compte tenu de l’intérêt des consommateurs français –, le Gouvernement reviendra devant la commission des affaires économiques, lorsque les projets seront finalisés, pour en discuter conformément à ce que je répète, depuis le 7 septembre.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour répondre au Gouvernement.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous reviendrez nous voir, une fois que les carottes seront cuites ! J’essaie de faire court – cela permet de parler moins longtemps.

M. Xavier de Roux. La formule est bien frappée !

M. François Brottes. Merci, mon cher collègue. Nous sommes heureux que vous vous joigniez à nous dans ce débat.

M. le président. Monsieur Brottes, ne tombez pas dans la provocation !

M. François Brottes. Monsieur le ministre, nous aimerions connaître le calendrier.

Vous aurez certainement une majorité pour voter ce texte. En effet, grâce à la complicité de M. Patrick Ollier, qui a été félicité pour cela, M. de Villepin a resserré les rangs, et la majorité votera quasiment comme un seul homme –j’utilise le mot « quasiment » car je vois encore quelques collègues réservés. Ainsi, M. le président Méhaignerie n’est toujours pas venu s’exprimer, ce qu’on peut déplorer.

J’imagine qu’au Sénat, le texte restera un certain temps en débat – peut-être moins longtemps qu’à l’Assemblée. Il n’est pas impossible, en tout état de cause, qu’un recours soit déposé devant le Conseil constitutionnel. Nous avons d’ailleurs démontré, à plusieurs reprises, qu’il était inconstitutionnel sur plusieurs points, comme la nécessité de démanteler, de déclasser notamment le réseau structurant, et qu’il n’était pas conforme au préambule de la Constitution de 1946.

La Commission européenne fera connaître vers le 17 novembre ses réserves définitives. Si vous n’avez pas déjà abandonné une part du capital de GDF, il faudra que l’accord se fasse entre GDF et Suez, dont les actionnaires auront à se prononcer avant le 31 décembre 2006. Cela signifie que votre projet pourrait voir le jour dans le courant du premier trimestre de l’année prochaine.

Je souhaite, monsieur le ministre, que le calendrier soit clairement établi. Si vous ne voulez pas nous indiquer combien cela coûtera à la France et comment ce projet se réalisera, il importe au moins que nous connaissions le calendrier.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques, nos 25440 rectifié à 25472 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Pierre Cohen. Ils ne sont pas soixante !

M. le président. Monsieur Cohen, il n’est pas de tradition de contester les résultats d’un scrutin. Sachez qu’il existe des délégations de vote.

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Il n’est pas du tout dans nos intentions de contester le vote.

La majorité s’est prononcée favorablement, ce qui n’est pas une surprise, même si elle est parfois divisée.

M. Jean-Pierre Soisson. Bravo les sous-officiers !

M. François Brottes. Quelle remarque méprisante !

J’insiste lourdement, monsieur le ministre, pour que le calendrier prévisionnel nous donne une certaine visibilité des étapes qui nous attendent à l’issue de ce débat.

Nous nous acheminons vers la fin de nos travaux. Il est important qu’au-delà des quatre semaines d’examen du texte à l’Assemblée nationale passées à débattre et à démasquer un certain nombre d’incohérences contenues dans le projet, nous sachions comment les choses se dérouleront dans le temps.

Cette question de l’échéancier prévisionnel pourrait être posée au cours de l’examen des amendements. Mais je voudrais être sûr d’obtenir une réponse de M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement le fera !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 25473 rectifié à 25505 rectifié.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il s’agit d’amendements de repli, qui visent, chers collègues de la majorité, à essayer de vous donner l’occasion de vous rattraper et de maintenir un volume significatif de participation de l’État au sein de Gaz de France. Nous espérons, chaque fois, que nos arguments entraîneront chez vous des regrets (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui vous amèneront à un sursaut de lucidité. Nous continuerons donc, sans répit, à vous donner l’occasion d’avoir des regrets, même si je sais que ceux qui ont des regrets, chez vous, sont plutôt dans les couloirs que dans l’hémicycle.

M. le président. Venons-en aux amendements !

M. François Brottes. C’est lié, monsieur le président, puisque ces amendements de repli visent à éviter que nos collègues de la majorité n’aient des regrets.

M. le président. Regrets éternels ! (Sourires.)

M. François Brottes. J’espère qu’ils ne seront pas « éternels ». Dans notre pays, il y a heureusement des rendez-vous avec les électeurs, par le biais du suffrage universel, qui ne donnent à l’éternité qu’un parfum éphémère.

M. Michel Piron. Vous mélangez tout !

M. François Brottes. Je voudrais revenir sur les conséquences de cette privatisation, puisque, visiblement, chers collègues de la majorité, vous n’êtes pas très enclins à éprouver des regrets.

Premièrement, contrairement aux propos tenus tout à l’heure par M. le rapporteur, les tarifs réglementés s’aligneront sur les prix du marché pour ce qui est du gaz. C’est inscrit dans le contrat signé avec GDF, entreprise publique.

Deuxièmement, nous trouvons deux cas de figure dans cette privatisation, puisque nous allons passer d’un monopole public à un monopole privé.

D’abord, vous réussissez à maintenir sous monopole privé les concessions de service public avec les collectivités locales. Cela répond à vos vœux, c’est votre intention, c’est ainsi qu’est rédigé le texte. Nous pensons qu’il existe un risque juridique réel. En effet, plusieurs arrêts de la Cour européenne de justice ébranleront cet édifice et nécessiteront une remise en concurrence de ces concessions. Toutefois, dans l’hypothèse où vous auriez raison, ces monopoles privés – éternels, eux, à l’inverse d’autres éléments évoqués précédemment – seront aux mains d’un groupe qui détient accessoirement quelques actions dans le domaine de l’environnement, notamment dans le secteur de l’eau. Nous serons devant une situation assez cocasse, où bon nombre de collectivités seront pieds et poings liés pour l’eau, pour le gaz et pour l’électricité face à un même opérateur. La collectivité locale disposera, à terme, de possibilités réduites face à cet interlocuteur unique pour faire valoir ses intérêts. Le monopole sur l’eau, le gaz et l’énergie pose un problème de conscience, voire de principe. C’est le premier cas de figure, qui vous est cher : le monopole privé sera garanti à l’entité à qui vous aurez « donné » l’entreprise Gaz de France.

Le deuxième cas de figure – c’est le plus probable, même s’il ne figure pas dans votre texte –, c’est que la Cour européenne de justice exigera, puisque l’actionnaire n’est plus public mais devient privé, que des appels d’offres, des appels à candidatures soient lancés, afin d’agir en toute transparence, pour que d’autres opérateurs privés puissent entrer dans la compétition et obtenir le contrat de concession de service public.

Vous nous répondez que le texte de loi a verrouillé tout cela. Nous verrons ! Nous savons qu’il y aura des recours, que des concessions seront cassées. Alors, Gazprom interviendra parce que l’entreprise possède 266 milliards de dollars disponibles pour investir dans tous les domaines, parce que les dirigeants russes estiment que leur pays ne doit pas être un simple fournisseur de matières premières, mais doit prendre place dans le domaine des transports et de la distribution, et parce que le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedev, dit ne pas avoir assez de doigts pour compter les sociétés qui intéressent Gazprom.

Soit vous offrez aux collectivités territoriales d’être sous la coupe d’une seule entreprise pour la gestion de l’ensemble du réseau « fluides et énergie », soit vous sacrifierez demain un certain nombre de réseaux de distribution de gaz et d’énergie, en les vendant à un groupe aux aguets qui aura les moyens de faire une offre alléchante, puisqu’il maîtrise la matière première. Il pèsera alors sur les prix. Les tarifs réglementés et les prix du marché seront placés sur la même ligne. La boucle est bouclée !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. La majorité est schizophrène : elle privatise GDF et, dans le même temps, elle institue un droit de retour au tarif réglementé.

Le droit de retour au tarif réglementé sera-t-il augmenté et de combien – plus 10 %, plus 20 ou plus 30 % ? Nous ne savons toujours pas si le rapporteur s’est entendu avec le président de la commission des finances. Peut-être, nous le direz-vous, monsieur le ministre.

Il semble, à la lecture d’un communiqué récent, que M. de Villepin peut s’estimer satisfait, car les opposants à la privatisation de GDF au sein de l’UMP rentreront dans le rang.

Nous devons également insister sur les réseaux de transport dont on indique qu’ils sont protégés par une golden share, autrement dit une action spécifique. Baisser la garde, c’est risquer de désintégrer ce qui fait la force de nos entreprises publiques, étant entendu que l’Europe est susceptible de contraindre le nouveau groupe à vendre les réseaux de transport.

L’Europe n’étant pas un véritable marché aujourd’hui, cela ne préjuge en rien le débat qui sera nécessaire au niveau européen sur le statut exact de l’électricité et du gaz : bien public ou commodité de marché ?

Pensez-vous que la France pourra agir sur ses partenaires européens pour faire prévaloir l’idée que l’énergie est un bien public et non une commodité ? Ne sera-t-il pas trop tard, en 2008, lorsque la France présidera le Conseil de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Par ces amendements, nous souhaitons vous rappeler, outre le fait que la politique énergétique ne saurait être identifiée aux autres politiques, la dimension industrielle de ce dossier.

Notre pays est confronté à une concurrence de plus en plus vive. Toutefois, il dispose d’un levier lui permettant d’assurer une fourniture énergétique de qualité et à un tarif raisonnable à nos industriels : cela fait partie de son attractivité.

Dans ces conditions, qu’est-ce qui justifie de démanteler cet édifice industriel énergétique, patiemment construit par toutes les majorités depuis soixante ans ? Ce n’est pas l’affaire Enel, on le sait bien. Ce n’est pas l’Europe, la dimension européenne étant absente de ce projet. Ce n’est pas non plus le projet industriel, tout le monde en mesure les limites dans les déclarations de M. Mestrallet et de M. Cirelli.

À quoi sacrifiez-vous le long terme et l’intérêt général ? Tant que vous n’aurez pas répondu, monsieur le ministre, vous n’obtiendrez pas le consensus qu’un tel dossier requiert.

Je résume la situation : aucune réponse ni sur la stabilité du management, ni sur la stratégie aval-amont pas plus que sur les efforts du nouveau groupe en matière d’investissements. Nous sommes confrontés au vide et au silence, avec un dossier qui, à l’évidence, est le fruit de la précipitation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous vous adressons inlassablement la même question.

M. André Schneider. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Yves Le Déaut. Quel est l’intérêt industriel de la fusion ? Nous avons pour notre part longuement évoqué les risques que présenterait la privatisation, lors de la discussion générale et à propos de plusieurs articles. Les ministres nous ont répondu qu’il s’agit d’un projet industriel mûrement réfléchi. Or si tel est le cas, nous sommes en droit de nous interroger sur la prise de participation de Gaz de France dans la SPE belge en 2005, sachant qu’aujourd’hui, la Commission lui demande, dans sa lettre de griefs, de céder cette participation en vue de la fusion avec Suez ? Cet exemple montre bien qu’en réalité, il n’y a pas de stratégie industrielle derrière ce projet.

Quant aux incidences de la fusion sur l’emploi, vous esquivez la question, alors que le chiffre de 20 000 suppressions d’emplois a été avancé par certains cabinets d’experts.

Pourquoi, enfin, n’avez-vous pas envisagé la possibilité de fusion ou de coopération entre EDF et GDF pour constituer un pôle public de l’énergie, ce qui est la position défendue par les socialistes ?

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Mon collègue Ducout a posé la bonne question, celle qui est au cœur du projet dont nous débattons : l’énergie est-elle un bien public ou une commodité de marché ? En ce qui nous concerne, nous avons répondu très clairement.

Alors que partout dans le monde, la puissance publique reprend en main le marché de l’énergie, le gouvernement français choisit précisément ce moment pour, purement et simplement, privatiser de Gaz de France. Nous ne comprenons pas une telle position d’autant qu’il sait que les expériences étrangères dans ce domaine n’ont pas été concluantes, nous l’avons rappelé à maintes reprises.

Quel est l’intérêt industriel d’une telle opération ? David Habib vous a posé la même question. Nous en avons abondamment décrit les risques, surabondamment selon certains d’entre vous, je le conçois – mais certains seulement, car j’ai cru comprendre qu’aucun groupe n’avait abouti à un consensus sur ce texte. Vous avez certifié que des garanties avaient été prises, mais cela ne nous rassure pas pour autant.

Nous ne comprenons pas, chers collègues, que vous persistiez dans votre projet en dépit de nos remarques avisées et de notre démonstration sur les faiblesses techniques de cette fusion-privatisation de Gaz de France-Suez, car l’apport de Suez en ressources gazières est quasiment inexistant ! C’est la raison pour laquelle, amendement après amendement, nous défendons des dispositions qui permettent de maintenir le poids de la puissance publique à un niveau significatif dans cette belle entreprise qu’est Gaz de France.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. François Brottes a raison : il est indispensable que nous déclinions tous les arguments avant que vous ne preniez une décision irrémédiable sur le devenir de Gaz de France. Je ne voudrais pas, chers collègues de la majorité, comme l’a dit hier M. Lellouche, que vous soyez obligés de voter ce projet de loi uniquement par solidarité, parce qu’il y aurait eu un coup politique, mais parce que vous êtes réellement convaincus de son bien-fondé. C’est la raison pour laquelle nous développons nos arguments de manière si détaillée !

Je prendrai un exemple qui, en principe, tient à cœur à tous ceux qui ne sont pas souverainistes. Nous avons pu avoir l’impression, monsieur le ministre, que derrière les arguments que vous avancez pour justifier votre projet, il y a une stratégie industrielle. Nous savons que, dans les années à venir, nous devrons, en matière de politique énergétique, conserver notre indépendance et faire preuve de capacité d’innovation et d’investissement. Nous devrons également définir une stratégie européenne. Or, en privatisant Gaz de France, vous allez créer une entreprise issue de la fusion qui sera, comme toutes les entreprises soumise à concurrence, pilotée par ses actionnaires.

Dans un très proche avenir, et compte tenu de la guerre économique que nous allons vivre, nous savons que l’énergie sera au cœur du débat. Seule l’Europe sera capable de répondre à un tel enjeu. Il suffit de se rappeler ce qui s’est passé pour l’industrie aéronautique, et le rôle de Lionel Jospin dans les négociations avec ses partenaires européens, notamment allemands. Si nous avons réussi à doter l’Europe d’une grande entreprise aéronautique européenne, capable de rivaliser avec Boeing, c’est en partie parce qu’en France, nous avions une entreprise à 100 % publique.

De même que l’Europe s’est dotée d’un pôle aéronautique, il est évident qu’il faudra un jour que l’Europe se dote d’un grand pôle énergétique. En privatisant GDF, et sans doute demain EDF, serez-vous en mesure, monsieur le ministre, si vous êtes encore au pouvoir dans quelques années (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.– Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ayez un peu plus confiance en l’avenir, monsieur Cohen ! (Sourires.)

M. Pierre Cohen. Les Français trancheront dans quelques mois. Mais imaginons que vous soyez au pouvoir, vous aurez alors la responsabilité de négocier avec l’ensemble des pays européens pour constituer ce pôle énergétique indépendant capable de défendre sa stratégie industrielle. Si vous cassez la maîtrise de la stratégie industrielle et énergétique de notre pôle public, vous ne serez plus en mesure de bien négocier.

M. le président. En vertu de l’article 65, alinéa 2, du règlement, je décide que sur les amendements identiques nos 25473 rectifié à 25505 rectifié, le vote aura lieu par scrutin public.

J’en fais moi-même la demande, cela vous évitera de le faire au dernier moment…

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Si nous développons inlassablement les mêmes arguments, c’est que nous sommes intimement persuadés de leur bien-fondé et que nous ne désespérons pas de vous convaincre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela fait tout de même trois semaines que cela dure !

Mme Marylise Lebranchu. Certains collègues du groupe de l’UMP nous accusent de faire de l’idéologie, mais je pense qu’il n’y a aucune honte à se référer à une idéologie.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Marylise Lebranchu. Une fois n’est pas coutume, je vais me référer à l’idéologie libérale.

M. Jean Dionis du Séjour. Oh ! là ! là !

Mme Marylise Lebranchu. Je n’ai pas dit ultralibérale, monsieur Dionis du Séjour.

Au nom de quoi – dans le contexte européen actuel avec une Commission qui nous rappelle sans cesse les principes de la concurrence – faudrait-il qu’une entreprise publique qui fonctionne bien, dont personne ne se plaint, se porte au secours d’une entreprise privée en difficulté ? Entreprise privée dont les résultats ont été largement assis sur un quasi-monopole de la gestion de l’eau ; certains élus locaux ont d’ailleurs bien résisté comme à Saint-Malo. C’est à contresens de la logique tant libérale que socialiste.

Je pourrais aussi me référer à l’idéologie gaulliste fondée sur l’idée forte qu’un pays garantit sa vie économique et sociale en se dotant des instruments de son indépendance.

Pourquoi sacrifier une entreprise publique à une entreprise privée en difficulté ? C’est choquant ! Il n’a pas encore été question de privatiser la SNCF pour sauver une entreprise privée, mais pourquoi pas, si l’occasion se présente ?

M. le président. La commission a émis un avis défavorable.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l’industrie. J’aimerais revenir à la question de Mme Lebranchu qui, parmi toutes celles qui ont été posées, est la question clef : conserve-t-on les manettes de la politique énergétique ?

J’ai rappelé très longuement tout à l’heure tous les instruments que nous avons créés dans cette loi et ceux qui figurent déjà dans les lois précédentes. Ces instruments sont nombreux et, à l’échelle européenne, nous sommes sans doute le pays qui dispose du plus grand nombre de manettes permettant de mener une politique couvrant tous les aspects du secteur énergétique.

Mme Muguette Jacquaint. Mais qui tient les manettes ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais pour que tout cela fonctionne, il faut aussi une volonté politique, sans laquelle nous n’obtiendrions aucun résultat. 

Nous avons présenté une loi en 2003 suivie d’un grand débat public et d’autres lois en 2004 et en 2005. Cette année, nous vous proposons à nouveau une loi. Si ce n’est pas de la volonté politique, je ne sais pas ce que c’est.

De surcroît, nous sommes dans un contexte international très particulier. J’ai indiqué la situation des réserves mondiales de gaz et des opérateurs gaziers dans le monde, j’ai dit quelle était la place de Gaz de France et quels étaient nos atouts et nos cibles. Il est clair que ce sont nos positions en amont que nous devons renforcer.

Pour en revenir à Gazprom, que M. Brottes voit déjà devenir l’opérateur de toutes les concessions françaises,…

M. François Brottes. Pas toutes ! N’exagérez pas !

M. le ministre délégué à l’industrie. …je constate que nous sommes face à de très puissants acteurs, qui demandent à intervenir non seulement en amont, point fort qui les rend incontournables, mais également en aval dans différents pays. Depuis que les prix du gaz ont connu une hausse, tous les accords passés comprennent des échanges de gisements et des synergies entre l’amont et l’aval. Dans ces conditions, c’est la taille qui importe.

Or, avec la fusion, nous atteindrons une taille suffisante. Par ailleurs, avec une entreprise plus grande, nous aurons une capacité d’investissement accrue.

M. Pierre Cohen. On peut rêver !

M. le ministre délégué à l’industrie. Enfin, nous obtiendrons un accès beaucoup plus large aux gisements alors que Gaz de France n’en détient actuellement qu’une petite proportion, comme cela a été souligné. Même si celle-ci est passée de 3 % à 9 %, comme nous lui avons demandé, cela reste insuffisant.

Avec cette politique et ces moyens, nous sommes capables de faire face à la crise énergétique mondiale dans de bonnes conditions et d’assurer la sécurité de l’approvisionnement. Voilà pourquoi nous essayons, mesdames, messieurs les députés, de vous convaincre que ce texte est un bon texte. Si, au bout de trois semaines, vous regrettez de ne pas nous avoir convaincus, c’est qu’il y a une logique dans le projet de loi et que c’est cette logique-là qui doit être retenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Mais que va-t-il se passer après ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, nous ne contestons en aucun cas le fait que vous suiviez une logique. Nous avons même vu le coup venir depuis longtemps. De ce point de vue, vous êtes assez bien organisés. Mais votre logique est celle du détricotage. Loin de se compléter, vos lois se neutralisent les unes les autres. Ainsi le présent projet de loi défait les lois de 2004 et de 2005 : l’engagement pris en 2004 par M. Sarkozy et l’engagement de 2005 de maintenir des entreprises publiques nationales pour assurer le service public de l’énergie ne sont plus.

Le jour où vous aurez choisi une stratégie de retour ou de rupture – je ne sais pas quel mot utiliser car on ne s’y retrouve plus depuis M. Sarkozy emploie les deux (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – nous y verrons peut-être plus clair. Toutefois, il sera extrêmement difficile de retrouver des manettes susceptibles de garantir le contrôle de l’État sur les enjeux stratégiques de notre pays. Pour nous, la meilleure solution est de maintenir le statut public d’EDF et de GDF et de rassembler leurs forces.

S’agissant de l’action spécifique, nous aimerions obtenir enfin une réponse à une question que nous posons depuis le début des débats : dans quels domaines précis s’exercera-t-elle ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais j’ai déjà répondu !

M. François Brottes. Non, vous ne l’avez pas dit précisément !

M. McCreevy, commissaire européen en charge du marché intérieur, vous a écrit, monsieur le ministre, pour vous demander des précisions à ce sujet. Vous ne nous avez pas dit clairement jusqu’à présent quelle réponse vous lui aviez faite.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. N’allongez pas les débats !

M. François Brottes. Et en posant cette question, monsieur le président de la commission, je ne pense pas faire durer les débats inutilement, cela n’a rien de hors sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean Dionis du Séjour. J’avais aussi demandé la parole, monsieur le président.

M. le président. Je suis désolé, monsieur Dionis du Séjour. Je donne la parole à un orateur pour répondre à la commission et à un autre pour répondre au Gouvernement : M. Brottes s’est déjà exprimé, M. Le Déaut va intervenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais qu’est-ce que je suis, moi ? (Sourires.)

M. le président. Je ne sais pas, toujours est-il qu’il fallait demander la parole plus tôt.

Vous avez la parole, monsieur Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le ministre ou le rapporteur ont beau dire qu’ils conservent les manettes, ils vont droit dans le mur.

Je prendrai un seul exemple, celui de la recherche. Les objectifs du Gouvernement sont de consacrer au moins 3 % du PIB à la recherche-développement. Le secteur privé n’y contribue qu’à hauteur de 1,2 % et ce chiffre est en décroissance car vous ne parvenez pas à faire en sorte qu’il intensifie ses efforts en ce domaine. Autrement dit, lorsque nous aurons abandonné les grands secteurs de recherche, qui fera les investissements nécessaires pour répondre aux grands défis énergétiques de demain ?

M. Pierre Cohen. Ce seront les Français, à travers les impôts !

M. Jean-Yves Le Déaut. Qu’en sera-t-il du stockage de l’électricité et des réseaux électriques intelligents ? M. Loos a évoqué deux expérimentations, dont je le félicite, sur la transformation de la biomasse en carburant, qui s’imposera car, quand il n’y aura plus de pétrole, il faudra bien trouver les moyens de produire de l’énergie à partir des cultures dans nos campagnes et nos forêts : qu’en sera-t-il ? Qui financera les recherches sur l’hydrolyse enzymatique de la cellulose en vue de produire des carburants ?

M. Pierre Cohen. Certainement pas Suez !

M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd’hui, dans le secteur pharmaceutique, toutes les grandes sociétés s’en vont aux États-Unis : la recherche ne se fait plus ni en France, ni en Europe.

Vous ne détenez pas les manettes, vous allez droit dans le mur. Demain, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer car nous aurons abandonné la totalité de nos secteurs de recherche.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix, par un seul vote, les amendements identiques nos 25473 rectifié à 25 505 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux amendements identiques nos 25506 rectifié à 25538 rectifié.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il s’agit d’amendements de repli qui fixent la participation minimale de l’État à 76,2 % dans le capital d’EDF et à 70 % dans le capital de GDF.

Je regrette que le ministre des finances se soit absenté car je voudrais aborder la question des synergies fiscales sur laquelle M. Loos a déjà essayé de répondre à M. Besson.

Non seulement les Français ne bénéficieront d’aucun retour sur les investissements réalisés, génération après génération sur les fonds publics, pour le développement de Gaz de France, mais – et c’est pire – la fusion pourrait, selon Suez, rapporter 3,1 milliards d’euros à ses actionnaires, donc faire perdre cette somme à L’État, par le biais d’un dégrèvement fiscal qui représente les deux tiers de ce qu’il est convenu d’appeler la « cagnotte fiscale » annoncée par M. Copé. Ce n’est pas rien !

Interrogé ce matin sur ces synergies fiscales, monsieur le ministre délégué, vous avez invoqué le secret fiscal et refusé de faire le moindre commentaire.

Puisque Suez annonce un chiffre, vous pouvez au moins nous confirmer s’il est ou non proche de la réalité. Nous aimerions savoir si la fusion que vous êtes en train d’organiser privera effectivement l’État de 3,1 milliards d’euros.

Si vraiment vous ajoutez, à la rente de situation des concessions publiques qui deviennent privées pour l’éternité, un cadeau fiscal d’une telle importance, les Français doivent le savoir. La somme de 3,1 milliards d’euros, cela représente les deux tiers de la cagnotte de 2006, mais c’est aussi presque huit fois la réduction du déficit budgétaire entre 2006 et 2007 prévue par M. Copé, le ministre du budget, soit 400 millions d’euros.

Il est donc important de savoir dans quelle mesure cette disposition, portée par le Premier ministre, le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques mais aussi par vous, monsieur le ministre délégué, va permettre à Suez de « faire un bon coup fiscal ».

Je sais que M. Novelli ne trouvera que peu d’inconvénients à ce dispositif, puisqu’il est contre l’impôt.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. François Brottes. Mais un cadeau de 3,1 milliards à l’entreprise Suez au détour de la fusion avec l’entreprise publique Gaz de France, voilà qui est tout de même conséquent ! Ce chiffre est-il une invention de M. Mestrallet ou correspond-t-il à ce qui peut être espéré ? Nous y reviendrons si nous n’obtenons pas de réponse car les Français ont le droit de savoir.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. M. Loos a insisté sur la logique du projet de loi de privatisation de Gaz de France. Il est important de rappeler que c’est clairement une logique politicienne qui est née du prétendu patriotisme économique invoqué pour protéger Suez dont le premier actionnaire est d’ailleurs belge.

Nous savons les uns et les autres que certains groupes d’actionnaires minoritaires pourraient se laisser convaincre qu’une séparation des activités énergétiques de Suez d’un côté et des activités environnement de l’autre serait une bonne opération pour eux. Du reste, cette séparation avait été envisagée en commission des affaires économiques dans la mesure où la reprise des activités énergétiques de Suez par Gaz de France aurait pu se faire sans privatisation de Gaz de France. On peut par ailleurs s’interroger sur les publicités de Veolia que l’on peut voir dans les grands journaux, quand on sait que ce groupe envisageait de se porter acquéreur du pôle environnement de Suez au moment de la tentative d’OPA d’Enel. Ce n’est pas dans l’intérêt national, ni international d’ailleurs, d’avoir une seule grande entreprise d’environnement. Par ailleurs, il n’y a pas de synergie systématique entre l’énergie et l’environnement.

Quant au renforcement des ressources propres de GDF en amont, M. le ministre nous a communiqué le ratio actuel, soit 9 %, avec pour objectif de passer à 15 %, conformément à ce qu’avait fixé M. Gadonneix quand il était président de l’entreprise. Il avait d’ailleurs dans cet esprit entrepris une réflexion sur un rapprochement éventuel avec Total et Statoil, tout en maintenant GDF dans le giron public.

Nous avons donc toutes les raisons, économiques et stratégiques, de penser qu’il est prioritaire de garder GDF dans le secteur public.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que c’était la taille qui comptait. Nous pouvons tomber d’accord là-dessus car nous sommes conscients, les uns et les autres, que la politique énergétique doit être de dimension européenne et qu’elle ne peut se satisfaire d’un horizon strictement hexagonal. Mais où est donc l’effet de taille dans ce projet, monsieur le ministre ? L’équation que vous posez est non pas 1 plus 1 égale 2, mais 1,5 tout au plus, puisque les exigences communautaires conduisent d’ores et déjà à une amputation du périmètre des deux entreprises.

Il est nécessaire, avant même que les Français soient appelés à choisir par leur vote les grandes orientations du pays pour les cinq années à venir, de déterminer une politique européenne véritablement ambitieuse qui allie – pourquoi pas ? – des capitaux privés à des capitaux publics et qui permette d’adosser EDF à GDF pour en faire le moteur d’une politique énergétique ambitieuse en termes d’investissements, de tarifs et de respect des acquis sociaux.

Quel est le bilan de votre législature en matière industrielle ? Pechiney vendu à Alcan et Arcelor à Mittal, EADS fragilisé (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais c’est vous qui avez vendu la part de l’État !

M. David Habib. ...GDF bradé à Suez ! Les Français doivent le savoir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’opération que vous souhaitez réaliser, monsieur le ministre, ne correspond pas à l’intérêt national.

Toutes les organisations syndicales sont contre votre projet, y compris la CGC dont je vais reprendre quelques-uns des arguments.

Selon cette organisation, la fusion entre les deux groupes telle qu’elle est proposée par le Gouvernement est un véritable hold-up financier. En effet, la parité va coûter 5,2 milliards d’euros, puisque 1,3 milliard d’euros de dividendes exceptionnels devront être versés aux actionnaires de Suez par euro d’écart de parité entre les cours des deux actions. Nous en sommes aujourd’hui à 4 euros. M. Knight, l’actionnaire bien connu qui a mené une grande campagne de publicité, estime que c’est insuffisant et considère que l’action Suez devrait être valorisée à 40 euros, ce qui porterait l’écart à 12 euros !

La raison de fond de l’opération est non pas l’intérêt national, mais plutôt de sauver le soldat Mestrallet, à qui l’on va donner 16 milliards d’euros au titre de la contribution de GDF pour désendetter Suez. Qu’on ne vienne pas parler d’intérêt général !

En outre, et je vous renvoie à l’argumentaire de Christian Bataille, Suez possède en Belgique des centrales nucléaires qui sont en fin de vie et qu’il va falloir démanteler. Or les lois belges sont très précises en la matière. Qui va payer ? Le nouveau groupe, c’est-à-dire les capitaux publics de GDF !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. M. le ministre s’est irrité parce qu’il avait l’impression que nous répétions toujours la même chose...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas qu’une impression, c’est une certitude !

M. Pierre Cohen. Il estime nous avoir déjà répondu en faisant valoir que vous aviez mis petit à petit en place des dispositifs assurant une stratégie énergétique pour les années à venir. Il ne faut pas oublier le contexte, à savoir un secteur exclusivement ou majoritairement public, qui a permis de prendre les mesures concernant le contrat de service public et la régulation des tarifs. Nous considérons, quant à nous, qu’il faut maintenir le statu quo. Vous faites, en ce qui vous concerne, un pari sur l’avenir en misant sur la pérennité des contraintes qui ont été imposées aux entreprises. Vous vous êtes même vantés de notre avance en la matière par rapport aux autres pays européens.

Mais, monsieur le ministre, l’évolution suivie suscite des interrogations de notre part. La création d’un pôle gazier – qui ne produira d’ailleurs pas que du gaz – nous apparaît de nature à mettre en danger EDF et nous sommes convaincus que votre stratégie rendra nécessaire la privatisation d’EDF dans quelques années. Or, si on aboutit à un ensemble industriel entièrement privé et si l’Europe ne se ressaisit pas et continue à raisonner avec une logique purement libérale, l’ensemble du dispositif sera, sous la pression des industriels, remis en cause. Nous serons alors obligés de revenir sur la tarification régulée et le service public tel qu’il est mis en œuvre actuellement. Si nous ne maîtrisons pas les entreprises du secteur, la tutelle publique qui s’exerce actuellement disparaîtra.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 25506 rectifié à 25538 rectifié ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. L’avis du Gouvernement est défavorable.

En vertu de l’article 65, alinéa 2, du règlement, je décide que, sur les amendements identiques nos 25506 rectifié à 25538 rectifié, le vote aura lieu par scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Je n’ai pas encore trouvé dans les réponses qui nous ont été données matière à dire à mes électeurs que le projet de loi défend leurs intérêts. Nous ne voulons pas de la privatisation de Gaz de France car nous savons qu’à un moment donné, notre pays ne pourra plus assurer la production et la distribution d’une énergie de qualité.

Le maintien de la part de l’État dans le capital de Gaz de France à un haut niveau est une nécessité absolue si nous ne voulons pas que le service public de l’énergie que nous avons construit depuis 1946 soit démantelé.

Tous les Français sont opposés à ce projet. Pourquoi persister à le mener à son terme ?

M. Pierre Cohen. Parce que la majorité est autiste !

Mme Geneviève Gaillard. Il n’empêchera nullement la hausse des prix ni ne conjurera le risque d’OPA hostile.

Il est impératif de ne pas privatiser GDF, ni EDF. Nous répétons que nous voulons un pôle public de l’énergie, à même de donner à l’État l’outil indispensable à une bonne politique énergétique.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Maintenir la part de l’État dans le capital de GDF et d’EDF à un plus haut niveau que celui fixé dans la loi de 2004 n’est sûrement pas chose facile pour les libéraux qui proposent de descendre en dessous de 70 % dans GDF, en attendant sans doute de faire la même chose pour EDF. Vous pourriez pourtant vous appuyer utilement sur l’expérience des autres pays, et même du nôtre, qui milite en faveur du réexamen du secteur énergétique et d’une autre solution que celle que vous préconisez. Ce n’est pas en dilapidant EDF et GDF que vous améliorerez les choses.

Je m’inspirerai de Sénèque (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour vous dire que ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on ne doit pas essayer de les changer. C’est parce qu’on n’essaie pas de les changer que les choses deviennent de plus en plus difficiles.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On l’a déjà entendu !

M. Daniel Paul. Vous en êtes là aujourd’hui. Je vous invite donc à fournir l’effort nécessaire pour surmonter les difficultés auxquelles vous êtes confrontés.

Par ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de déplorer le risque de disparition d’une entreprise proche de ma circonscription tout simplement parce qu’elle a choisi le tarif dérégulé. J’ai appris aujourd’hui qu’une autre grande entreprise publique a fait le même choix, ce qui se solde pour elle par un surcoût d’1,5 million d’euros par an sur sa facture d’électricité. Voilà où vos décisions mènent.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 25506 rectifié à 25538 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous progressons considérablement puisque, avec la série d’amendements suivants, il sera proposé que la part de l’État dans le capital d’EDF soit de 76,1 %. Je rappelle que nous avons commencé la séance avec des amendements proposant qu’elle soit de 76,6 %.

Nous en venons donc à une série d’amendements identiques, nos 25539 rectifié à 25571 rectifié.

En vertu de l’article 65, alinéa 2, du règlement, je décide que, sur ces amendements identiques, le vote aura lieu par scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous ne vous aurions pas demandé de scrutin public sur ces amendements identiques, monsieur le président.

M. le président. J’ai souhaité l’annoncer moi-même parce que c’est le millième de la législature. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. François Brottes. Ce ne sera pas le plus honorable pour la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). Il s’agit toutefois d’un point de vue strictement personnel.

M. le président. Ne nous écartons pas des amendements en discussion !

M. François Brottes. Monsieur le président, contrairement à vous, je pense que nos débats n’avancent guère puisque malheureusement, en dépit de la bonne volonté dont il fait preuve, le ministre ne m’a répondu ni sur la question de la transparence fiscale – il n’est pas, il est vrai, ministre de l’économie –, ni sur celle du calendrier prévisionnel, qui a pour objet de savoir à quel moment seront prises les décisions de privatisation de Gaz de France et de son absorption par Suez, compte tenu des échéances qui sont devant nous ?

J’ai déjà avancé des éléments permettant de baliser le chemin. Toutefois, il me paraîtrait d’autant plus normal d’obtenir un calendrier prévisionnel que M. le président Ollier nous a annoncé que M. le ministre viendrait s’expliquer devant nous le moment venu, mais nous ignorons toujours si ce sera ou non avant la fin de la présente législature.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il viendra devant la commission au mois de novembre, cela fait cinq fois que je le répète !

M. François Brottes. Je prends acte de votre réponse, monsieur le président, même si elle ne précise aucune date. Du reste, c’est au Gouvernement qu’il appartient de nous donner une telle information.

Autre question importante, monsieur le ministre, compte tenu du fait que vous souhaitez obstinément que l’État descende au-dessous de 70 %, voire de 50 % pour pouvoir procéder à cette privatisation : que se passera-t-il demain si ce gouvernement ou un autre, peu importe alors la majorité qui le soutiendra, considère que la privatisation de ces entreprises n’est plus conforme à l’intérêt national et que les entreprises privatisées doivent redevenir publiques ? Combien ce retour coûtera-t-il au pays, une fois qu’auront été prises toutes les mesures que nous examinons actuellement ? Chacun, ici, a d’autant plus le droit de connaître ce coût que les députés opposés à une telle privatisation siègent sur tous les bancs.

Enfin, monsieur le ministre, alors que vous vous apprêtez à démanteler et à brader le réseau public de Gaz de France, votre projet de fusion avec Suez prévoit-il une clause de retour et de quelle durée ? Je tiens en effet à rappeler que les réseaux de distribution sont en lien direct avec les collectivités territoriales dans le cadre de concessions de service public. Or des dispositifs existent lorsque, par exemple, une collectivité met un terrain à la disposition d’un opérateur de logements sociaux par le biais d’un bail emphytéotique : elle a la possibilité de redevenir propriétaire au terme d’un délai qui peut être assez long. Il existe également des clauses de préemption, que le texte a éliminées aux articles précédents. Dans le cadre des concessions, les collectivités ont également la possibilité de voter le tarif de l’eau.

Mais en matière de réseaux liés à l’énergie, quelles dispositions envisagez-vous de prendre – elles ne figurent pas dans le projet de loi – avant de baisser la garde, c'est-à-dire de privatiser ?

Pour résumer, monsieur le ministre, les Français ont autant que nous besoin de connaître le calendrier prévisionnel de la privatisation et de savoir ce qu’il leur en coûtera si un gouvernement quelconque juge un jour nécessaire, compte tenu de l’évolution du secteur de l’énergie, de revenir sur cette privatisation.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous avons développé certaines des raisons qui nous conduisent à nous opposer à la privatisation de Gaz de France.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Après trois semaines, nous commençons à les percevoir !

M. Pierre Cohen. Monsieur le président de la commission, si, compte tenu du fossé idéologique qui nous sépare, vous êtes parvenu à comprendre nos arguments, c’est que nous sommes de bons pédagogues ! Cela justifie tous nos efforts visant à vous détourner de commettre une erreur.

Il est du reste d’autant plus légitime, mes chers collègues de l’UMP, que nous connaissions les conditions de la privatisation que ce projet laisse certains d’entre vous réticents, ce que je comprends fort bien. Ce que je conçois moins, c’est que vous y soyez quand même favorables alors même que deux de vos intervenants au moins ont souligné au cours de la discussion générale qu’il n’était pas question qu’on puisse décider de la fusion de Gaz de France avec Suez sans que les conditions de celles-ci soient connues et fassent même l’objet d’un débat, le Gouvernement ne devant pas négocier en secret mais donner au contraire toutes les informations nécessaires. Telle est la raison pour laquelle d’ailleurs l’UMP était initialement opposée au projet de loi, y devenant favorable au cours de la période estivale.

Nous nous trouvons face à un paradoxe inacceptable, puisque les actionnaires de Suez, eux, négocient en ce moment même avec le Gouvernement et font des propositions à la Commission européenne et que c’est à eux qu’il appartiendra finalement de décider de la fusion avec Gaz de France ! C’est pourquoi, si nous accordons aujourd'hui au Gouvernement ce chèque en blanc que constitue l’article 10,…

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Cohen.

M. Pierre Cohen. …il sera trop tard, la majorité ayant pris le risque de ne plus pouvoir revenir en arrière, en ce qui concerne notamment les missions de service public. Certes, le projet de loi, semble-t-il, les encadre de façon assez stricte, mais les oppositions qui s’élèvent jusque dans les propres rangs de la majorité à l’égard du projet d’un Gouvernement auquel elle fait par ailleurs confiance montrent bien la nécessité qu’il y a à prévoir des garde-fous – ce que la majorité ferait en refusant de voter l’article 10.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Nous avons évoqué le périmètre pertinent, et c’est pourquoi j’ai souhaité, pour ma part, que la dimension européenne puisse guider nos débats.

Nous l’avons souligné, une politique énergétique suppose la stabilité du management, la mobilisation des équipes, une véritable capacité à définir une stratégie en amont et en aval et l’affirmation d’une vraie politique de recherche et d’investissement. Or le projet de fusion que vous soumettez à notre approbation ne réunit pas ces quatre conditions.

De plus, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur deux points qui vous paraîtront peut-être marginaux mais qui méritent cependant de recevoir quelque éclaircissement. Tout d’abord, que ferez-vous de Total Gaz dans le cadre de la fusion de Suez et de Gaz de France ? Ensuite, pouvez-vous nous assurer – je pense le contraire – que le pôle « collectivités locales » du groupe Suez ne sera pas vendu ou démantelé à l’issue de la fusion ? Il est en effet évident que la constitution d’un tel périmètre énergétique entraînera inévitablement un recentrage du nouvel ensemble sur l’activité énergétique et que dans les mois qui suivront la fusion – tous les observateurs le soulignent – la nouvelle entité vendra le pôle « collectivités locales ».

L’examen d’amendements ultérieurs nous permettra enfin, monsieur le président, de revenir sur l’action spécifique, autrement dit la golden share – ce qui représente un autre volet de la problématique constituée par le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. L’article 10 nous conduit au cœur du projet de loi, les deux tiers de l’exposé des motifs étant consacrés au rapprochement de Suez avec GDF. Notre objectif, contrairement à ce que d’aucuns ont prétendu, n’est donc pas de faire de l’obstruction, mais de nous opposer énergiquement à la privatisation de GDF. Du reste, nombre de nos collègues de la majorité, notamment lorsque nous les avons rencontrés en commission, nous ont fait part de leurs réticences, certains allant jusqu’à considérer cette privatisation comme une très mauvaise chose pour la France.

François Brottes a rappelé certains des éléments que le Premier ministre paraît avoir livrés sur la question : je tiens à souligner qu’il n’est pas acceptable d’entendre celui-ci évoquer une majorité unie face à une opposition déchirée sur le terrain des idées, alors même que celle-ci s’accorde sur le sujet comme, du reste, les syndicats, qui se disent tous opposés à la privatisation de Gaz de France : il en est ainsi de la CGT, de la CFDT, de la CFTC, de FO ou de la CGC. Certains ont pu, assurément, ici ou là, avancer des solutions différentes – elles concernent notamment les conditions du rapprochement de Gaz de France avec la partie énergétique du groupe Suez –, mais la volonté de privatiser GDF est inadmissible aux yeux de tous : telle est la raison pour laquelle nous développons, sur l’article 10, force arguments.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ducout.

M. Pierre Ducout. Nous voulons montrer à tous nos concitoyens combien il serait dangereux de privatiser Gaz de France.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. La privatisation de Gaz de France, je l’ai dit et je le répète, car c’est ma conviction profonde, ne permettra pas de maintenir les prix à leur niveau actuel et nous trompons nos concitoyens,…

M. Michel Lefait. Pas nous, eux !

Mme Geneviève Gaillard. …le Gouvernement, en effet, trompe les Français en prétendant qu’il pourra maintenir des prix suffisamment bas pour leur permettre d’échapper aux conséquences les plus graves de la privatisation.

Les réponses que j’ai déjà reçues sur un autre point ne m’ont pas non plus satisfaite : qu’en sera-t-il de l’avenir des personnels ? Chacun le sait, en cas de privatisation ou de fusion, les lois du marché, par souci d’efficacité, ne permettent pas le maintien en l’état du personnel existant. Le risque est donc grand de voir à court, moyen ou long termes se dessiner des évolutions en la matière. Du reste, les syndicats ont déjà commandé des études révélant qu’il fallait s’attendre à des dégraissages. C’est pourquoi, monsieur le ministre, craignant que vous ne meniez le peuple en bateau également sur ce point, je vous demande de bien vouloir nous expliquer de nouveau comment vous analysez la situation des personnels à l’issue de la fusion.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, peut-être votre patience sera-t-elle récompensée : ce sera le cas si la France s’en sort bien, puisque nous cherchons désespérément à protéger ce qui existe aujourd'hui et répond parfaitement aux règles européennes, à savoir les deux grands champions énergétiques que sont EDF et GDF. Je le répète, sacrifier l’un de ces deux champions dans le seul but d’éviter à une entreprise d’être opéable est contraire à l’intérêt général.

Nous avons tous rencontré les syndicats et les experts, ainsi que les présidents ou les actionnaires des entreprises. La CGC, qui n’est pourtant pas un syndicat d’extrême gauche, souligne elle-même que ce que nous allons sacrifier, ce n’est pas seulement GDF, mais également l’avantage économique européen de notre pays en matière énergétique au nom d’enjeux difficiles à comprendre, y compris par l’ensemble de nos concitoyens et un grand nombre de parlementaires de l’UMP.

Il n’est pas trop tard pour rappeler avec insistance que l’on nous envie, en Europe et sans doute dans le monde, notre performance en matière de desserte des citoyens et des entreprises, et en particulier des petites entreprises. Or je ne vois pas du tout en quoi l’arrivée d’un investisseur privé réglera les derniers problèmes de desserte qui subsistent. Nous bénéficions d’un avantage compétitif que nous allons perdre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cette série d’amendements.

Permettez-moi de revenir sur la question des tarifs. J’ai entendu à plusieurs reprises – mais je pense qu’il s’agit d’une erreur de formulation – certains députés socialistes expliquer qu’on ne pourrait pas maintenir les tarifs réglementés une fois le réseau privatisé. Je vous rappelle qu’il existe un réseau que vous avez privatisé, TIGF, Total Infrastructures Gaz France, réseau du sud-ouest qui maintient ces tarifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. David Habib. C’est marginal ! Cela n’a rien à voir !

M. Pierre Cohen. Cet exemple n’est d’aucun poids !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est bien le ministre qui fixe les tarifs d’acheminement du gaz dans ce réseau et ne prétendez donc pas qu’il ne serait pas possible de réaliser avec un réseau Gaz de France privatisé, ce qui l’est avec un réseau que vous avez privatisé.

J’en profite par ailleurs pour informer l’Assemblée de l’avancée réalisée grâce au Gouvernement à propos du statut des industries électriques et gazières, ainsi que l’a constaté ce matin même le Conseil supérieur de l’énergie. L’opposition s’était montrée préoccupée par le sujet et j’avais répondu qu’il serait évoqué et même traité le 26 septembre. J’étais donc persuadé que dès la fin de la matinée, voire en début d’après-midi, les députés de l’opposition allaient se précipiter sur le micro pour demander le résultat des travaux du Conseil supérieur de l’énergie. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme la journée va se terminer sans que vous en ayez parlé, et comme je pense que le sujet continue de vous intéresser – loin de moi l’idée de vous faire un procès –, je vous livre, de ma propre initiative, le résultat des travaux du Conseil supérieur de l’énergie qui s’est réuni non sous ma présidence, car j’étais retenu à l’Assemblée nationale, mais sous celle de Jean-Pierre Nicolas, vice-président. Le Conseil a approuvé le projet de décret transmis par le Gouvernement, qui prévoit l’extension du statut des industries électriques et gazières à toutes les activités de commercialisation et de fourniture.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je salue cette avancée conforme au souhait exprimé par la majorité et par les organisations syndicales. D’ailleurs, comme M. le ministre me l’a confirmé, nous pouvons considérer que le décret sera prochainement signé en vue de son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bravo !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Le Gouvernement est évidemment du même avis que la commission concernant les amendements et se réjouit par ailleurs du travail réalisé par le Conseil supérieur de l’énergie.

Je souhaite répondre aux préoccupations de l’opposition au sujet des reports de déficits, même si j’en ai déjà parlé à plusieurs reprises. L’entreprise Suez reporte ses déficits sur les exercices suivants et les impute, jusqu’à leur épuisement, sur ses bénéfices, ce qui peut prendre un certain temps. Si les bénéfices sont énormes, les déficits sont rapidement consommés ; ils le sont plus lentement dans l’hypothèse d’un faible résultat. D’un point de vue fiscal, il s’agit d’un étalement des paiements dans le temps que pratiquent d’ailleurs nombre d’entreprises. Il est donc évident que si Suez et Gaz de France fusionnent, le report déficitaire pourra être consommé de façon beaucoup plus large, puisqu’il s’imputera sur les résultats des deux sociétés.

M. François Brottes. Voilà ! Vous avouez !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce que je dis me paraît tellement évident que j’ai du mal à comprendre votre réaction. Mais il fallait que je le précise.

M. François Brottes. Il s’agit d’un cadeau fait à Suez !

M. Pierre Ducout. Il faut que les Français le sachent !

M. le ministre délégué à l’industrie. Si le déficit n’est pas résorbé ainsi cette année, il le sera l’année prochaine ou dans deux voire trois ans. Il s’agit d’une pratique purement comptable…

M. François Brottes. C’est un cadeau de 3 milliards !

M. le ministre délégué à l’industrie. …dont l’application est complètement mécanique. Je ne fais que vous apporter les éclaircissements souhaités même si, l’ayant fait déjà trois fois, il m’avait semblé que la question était entendue.

M. François Brottes. Oui, c’est très clair ! Merci pour eux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’industrie. À propos des effectifs, je me suis également exprimé à plusieurs reprises. Je me souviens très bien, hier soir, tard, avoir évoqué le cas d’EGD – EDF Gaz de France Distribution –, service commun de distribution à EDF et à GDF. EGD est notamment chargée de l’entretien des réseaux de distribution. Cette activité qui mobilise aujourd’hui quelque 60 000 personnes n’a pas lieu de se réduire. Je ne vois pas pourquoi, en effet, la dimension des réseaux de distribution diminuerait ni pourquoi ils devraient être moins entretenus alors que les conditions de sécurité et de qualité demeurent les mêmes et nécessiteront donc une quantité de travail identique.

Cependant, vous évoquez le rapport d’un consultant – Alpha – dont je n’ai pas pris connaissance. Si j’ai bien compris vos propos, ce rapport fait allusion à un autre rapport selon lequel la diminution des effectifs entraînerait une augmentation des résultats. Si la gestion des effectifs des entreprises s’appuyait sur ce type de rapport, je recommanderais aux entreprises de cesser de faire appel aux services de ce genre de consultants tant il s’agit de travail bâclé.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Absolument !

M. le ministre délégué à l’industrie. Fonder une argumentation concernant le sort de 20 000 personnes sur une ligne provenant d’un autre rapport…

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. En effet, ce n’est pas sérieux !

M. le ministre délégué à l’industrie. …ne me paraît vraiment pas sérieux. Ne donnez donc aucun crédit à de pareilles méthodes !

Enfin, en ce qui concerne la dimension européenne du projet, sujet récurrent dans vos interventions, vous avez pu constater que le Premier ministre a discuté des questions énergétiques avec le président de la Commission européenne hier. Par ailleurs, je vous ai exposé depuis longtemps le contenu du mémorandum sur l’énergie que nous avons présenté, Thierry Breton et moi-même, à de très nombreux homologues européens lors de réunions du Conseil des ministres et de la Commission européenne. Ce mémorandum est peu à peu devenu le Livre vert, synthèse de la politique que la Commission entend mener en matière énergétique.

Je ne passerai pas en revue l’ensemble des thèmes retenus, mais une question nécessite d’être approfondie avec nos vingt-quatre partenaires, celle des relations extérieures dans le domaine énergétique. Certes, la Commission prend des initiatives, mais les opérateurs jouent un rôle très important dans leurs rapports avec les fournisseurs. Nous avons donc fait des propositions sur le travail collectif à mener sur les relations que les pays de l’Union européenne doivent entretenir avec les pays fournisseurs. Cette question s’adosse à la politique définie dans le mémorandum puis dans le Livre vert. Vous pouvez donc constater qu’il existe des éléments d’une politique énergétique européenne qui se réalise peu à peu par la transposition des directives.

M. François Brottes. Nous en voyons les limites !

M. le ministre délégué à l’industrie. Le Livre vert s’inspire largement des préoccupations françaises, et de nouvelles questions sont régulièrement traitées avec nos collègues européens dans les domaines de l’économie, aussi bien que des finances, de l’industrie, de l’énergie. Que ce soit au sein du conseil de compétitivité ou du conseil des finances, des débats sur ces questions sont organisés sous l’égide et en relation très étroite avec un commissaire européen.

M. David Habib. Ces belles intentions sont contredites par la réalité !

M. le ministre délégué à l’industrie. Sur toutes ces questions, la France est une force de proposition.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’attends toujours de connaître le calendrier prévisionnel.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est vrai, j’ai oublié.

M. François Brottes. C’est la troisième fois que je vous interpelle à ce sujet, monsieur le ministre ; j’espère donc que celle-ci sera la bonne. J’attends toujours aussi que vous m’indiquiez quel serait le coût pour la France d’un souhait éventuel de revenir sur l’initiative que vous êtes en train de prendre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous l’évaluerez vous-mêmes. (Sourires.)

M. François Brottes. M. le ministre a déjà indiqué qu’un retour à 100 % reviendrait à 16 milliards, si je ne m’abuse. Toutefois, dès l’instant où GDF sera privatisée dans les limites que l’on propose, il sera utile d’en avoir une évaluation chiffrée.

Concernant le Conseil supérieur de l’énergie, je laisse à Christian Bataille le soin d’évoquer son rôle. Je précise néanmoins, monsieur le rapporteur, que ce n’est pas parce qu’un petit réseau continue en effet à pratiquer le tarif réglementé, que saute la clause qui engage l’État à rapprocher le tarif réglementé des prix du marché, clause prévue par le contrat de service public entre Gaz de France et l’État. Aussi l’incidence en sera-t-elle immédiate y compris sur le petit réseau du sud-ouest.

Vous ne parvenez pas à masquer le fait que l’État s’est engagé à supprimer progressivement le tarif réglementé pour s’aligner sur les prix. Je vous renvoie sur le sujet au contrat du mois de juin 2005 et vous serez forcé de constater, monsieur le ministre, que le réseau du sud-ouest n’échappera pas à cette évolution.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Ce matin, j’ai dit à M. le rapporteur qu’il nous sortait des cartes de sa manche et en particulier, à sa grande satisfaction, la dame de pique. Or l’argument qu’il vient de sortir de sa manche – l’avis du Conseil supérieur de l’énergie – paraît bien faible en comparaison de ceux qu’il a brillamment présentés depuis le début des débats.

En effet, la composition politique du Conseil supérieur de l’énergie est l’exact reflet de celle du Parlement. Ainsi, son argument est aussi bouleversant que si M. le président Ollier venait nous dire que la commission des affaires économiques approuvait le projet du Gouvernement ! Aussi, monsieur le rapporteur, si, ce matin, vous auriez pu prétendre avoir la dame de pique, il s’agirait plutôt ici de trèfle, si l’on s’en tient à l’idée que dans le bridge, c’est la couleur la plus faible, et ce serait le deux de trèfle. (Sourires.)

M. Pierre Cohen. Sur l’échelle de Richter on n’irait pas bien haut !

M. Christian Bataille. M. le ministre nous affirme avec beaucoup de conviction qu’on est en train de mettre en place une politique européenne de l’énergie. J’ai à peu près dit le contraire ce matin. Il n’y a pas de politique européenne de l’énergie et, personnellement, je le déplore puisque je suis partisan de la construction européenne. Le seul ciment qui relie les pays européens en matière énergétique reste en effet le libéralisme. Pour le reste : rien de rien !

M. Pierre Cohen. Exactement !

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Christian Bataille. Il n’existe aucune politique européenne des approvisionnements, aucune politique prospective, rien, sinon la certitude qu’il faut libéraliser le marché de l’énergie, c’est-à-dire faire augmenter les prix.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il s’agit du millième scrutin public de la législature. À titre de comparaison, la dixième législature, celle de 1993-1997, a connu 364 scrutins publics, tandis que la onzième, de 1997 à 2002, en a connu 382.

Je vais mettre aux voix les amendements nos 25539 rectifié à 25571 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 25572 rectifié à 25604 rectifié, aux termes desquels l’État détient plus de 70 % du capital d’EDF.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous suspectons la majorité d’envisager, après celle de Gaz de France, la privatisation d’EDF. Ce sera d’ailleurs presque une application mécanique de l’organisation du marché, et même si vous nous dites que vous ne le ferez jamais, nous ne pourrons malheureusement vous croire puisque vous avez déjà pris des engagements de cette nature.

Puisque, visiblement, la presse s’intéresse beaucoup à ce que peuvent faire les députés en dehors du travail en séance, notamment à l’heure du dîner, je souhaite préciser que je réunirai le groupe socialiste, à la demande de Jean-Marc Ayrault, pendant le dîner de ce soir. Ce qui me donne l’occasion de vous présenter des excuses, monsieur le président, pour ne pouvoir déférer à votre invitation.

M. le président. Je le regrette car le dîner auquel je vous conviais est un dîner républicain, dans la tradition républicaine.

M. François Brottes. Certes, mais au nom de la République…

M. le président. Mais moi, je respecte la tradition républicaine !

Mme Muguette Jacquaint. Nous aussi !

M. François Brottes. Je ne nie pas le caractère républicain de votre dîner, mais nous devons travailler pour organiser la suite de nos travaux.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ou plutôt pour vous mettre d’accord entre vous !

M. François Brottes. Je tenais donc à l’annoncer publiquement puisque d’autres annonces publiques de ce type ont été faites par ailleurs.

J’en viens aux amendements. Ils portent, certes, sur l’électricité, mais ils me permettent de poursuivre sur Gaz de France. Je viens de prendre connaissance des propos que le président de l’entreprise, M. Cirelli, a tenus cet après-midi devant l’association Emmaüs au sujet de la privatisation de son groupe : « J’espère que les peurs seront dissipées et que nous pourrons aller de l’avant, parce que c’est dans l’intérêt du développement de l’entreprise et de ses salariés. »

Il y a plusieurs jours, monsieur le ministre, je vous ai demandé de démontrer qu’aucun intérêt personnel n’était en jeu dans cette affaire, ni au sein du Gouvernement – mais celui-ci travaille pour la République et il n’y a pas lieu de le suspecter – ni parmi les dirigeants des entreprises concernées. Un débat cher au cœur du président Ollier est en cours sur la participation et les stock options. M. Balladur a fait des propositions pour limiter la portée de ces dernières, et je ne reviendrai pas sur la lamentable affaire EADS évoquée par Pierre Cohen. Nous voudrions seulement être sûrs que le président actuel de GDF n’a pas d’intérêts particuliers, via des stock options, dans l’accord avec Suez.

La transparence est nécessaire pour écarter toute suspicion. Il n’y a aucune raison de suspecter les hommes, à condition que l’on garantisse que le débat est dépourvu d’enjeux personnels. En tout état de cause, lorsque l’on fait des déclarations publiques à ce propos, il convient de les assortir de la transparence nécessaire sur les engagements pris.

Je vous ai déjà posé cette question, monsieur le ministre, mais vous ne m’avez pas répondu. Nous continuerons à la poser jusqu’à ce que vous nous fassiez la démonstration qu’il n’existe pas d’enjeux personnels. C’est très important aux yeux des Français !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Le rapporteur a rappelé une particularité française : une partie des réseaux de transport, et même une partie des moyens de stockage, appartenait à Gaz du sud-ouest. Il n’empêche que les réseaux sont pour la plupart propriété publique : c’est un héritage de l’histoire, le fruit d’une évolution somme toute positive malgré l’espoir déçu que le gaz de Lacq continue à faire vivre notre région. Notons au passage que nous n’avons pas de garantie en ce qui concerne les investissements, notamment ceux qui sont nécessaires pour renforcer « l’Artère de Guyenne ».

Un des grands intérêts des entreprises publiques, c’est qu’elles sont largement intégrées. Gaz de France était d’ailleurs en train de poursuivre son intégration en amont pour constituer un ensemble avec le stockage, le transport et la distribution, comme c’est le cas pour EDF. Or la Commission européenne veut, de façon systématique, mettre fin à cette intégration qui nous confère pourtant notre capacité à réagir, à investir, à restreindre les coûts et à offrir les meilleurs prix. Dogmatiquement, elle préconise non seulement une séparation juridique mais aussi une séparation en ce qui concerne le capital. Le président de la CRE, M. de Ladoucette, a même indiqué que c’était inéluctable.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des garanties sur le fait que les réseaux ne devront pas être très rapidement séparés des entreprises publiques ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. J’insisterai pour ma part sur l’échéancier. Le Gouvernement demande à l’Assemblée un chèque en blanc. Une majorité du groupe UMP est prête à le signer. Il faut donc redire avec toute la gravité nécessaire que ce projet de loi sera adopté sans l’assentiment des Français et contre la volonté de tous les syndicats et de la grande majorité des personnels. Le doute est profond au sein même de l’UMP, et il n’y a pas eu de vrai débat public.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Pierre Cohen. Vous êtes arrivés aux affaires en 2002 avec un certain nombre d’orientations, mais c’est une parodie de débat national sur l’énergie qui a eu lieu. En 2005, le ministre de l’économie de l’époque – et actuel ministre de l’intérieur, président de l’UMP et très probable candidat de ce parti aux élections présidentielles – avait pris officiellement position : en aucun cas on ne pouvait remettre en cause la participation de l’État à hauteur de 70 % dans le capital d’EDF et de GDF. Or nous assistons à cette remise en cause sans réel débat.

Après que vous aurez obtenu un chèque en blanc pour privatiser GDF, il est prévisible que les négociations ne se termineront pas avant la fin de l’année. Est-ce à l’occasion de la campagne pour les présidentielles, alors que cette loi sera encore sans effet, que se tiendra le vrai débat et que les Français se détermineront sur ce sujet essentiel ?

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Nous avons raison d’insister sur un certain nombre de questions restées sans réponses. En défendant ces amendements, monsieur le ministre, nous continuons à vous dire et à dire aux Français que ce projet de privatisation n’est pas bon : demain, l’outil que nous possédons sera entre les mains d’actionnaires qu’il nous faudra rémunérer, au détriment de l’efficacité, de l’investissement et de la recherche.

La question de l’échéancier, sur laquelle nous n’avons obtenu aucune réponse claire, permettra aux Français de mesurer ce que ce projet a de scélérat.

En maintenant la part de l’État au-dessus d’un certain pourcentage dans le capital d’EDF et de GDF, on évitera la privatisation de GDF et sa fusion avec Suez, à laquelle nous préférons un rapprochement entre les deux entreprises publiques.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 25572 rectifié à 25604 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le mille et unième scrutin public de la législature !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. À ce stade du débat, on ne peut s’empêcher de poser la question suivante : que s’est-il passé depuis 2004 ? La situation est-elle à ce point différente que la majorité et le Gouvernement soient amenés à changer d’avis ? Y a-t-il eu une crise énergétique majeure ?

M. Jean Leonetti. Oui !

Mme Marylise Lebranchu. Je ne l’ai pas constaté. Y a-t-il eu une crise majeure dans les négociations européennes ? M. le ministre vient de nous assurer que non. Y a-t-il eu une crise majeure des approvisionnements ? Il ne semble pas.

M. le ministre délégué à l’industrie. Ah bon ?

Mme Marylise Lebranchu. Or M. Breton a soutenu tout à l’heure qu’il s’agissait d’être plus fort en amont pour répondre aux problèmes d’approvisionnement.

Oui, c’est bien la question : mais que s’est-il donc passé d’extraordinaire entre 2004 et 2006 pour que la majorité change complètement de stratégie en matière de politique énergétique ?

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On l’a expliqué cinquante fois, madame Lebranchu !

Mme Marylise Lebranchu. Cela ne m’empêchera pas de continuer à m’interroger, monsieur Ollier : le ministre délégué ne nous a-t-il pas assuré il y a quelques minutes de l’excellence de la collaboration au niveau européen, y compris pour discuter des approvisionnements, alors que M. Breton soulignait auparavant la nécessité d’avoir un groupe plus fort justement pour répondre aux problèmes d’approvisionnement ? Sans vouloir vous froisser, monsieur le président de la commission, il me semble que ma question se justifie toujours.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Un député de mon département disait récemment dans une interview qu’il faut désormais faire de la politique autrement. Quand un politique dit cela, c’est en général qu’il fait comme les autres, et parfois pire ! (Sourires.) En arrivant aux affaires, vous parliez sans cesse de proximité et de contrat avec les Français sur des orientations qui, après avoir été discutées, auraient constitué une sorte d’accord intangible sur la base duquel vous auriez géré les affaires du pays dans la confiance. Or, à quelques mois des élections présidentielles et législatives, on se rend compte que vous renoncez, sur la demande exclusive des actionnaires de Suez, à maintenir la barre des 70 % de participation de l’État dans le capital de GDF et d’EDF.

Ces amendements relatifs à EDF nous permettent de rappeler qu’un des objectifs de votre projet est d’affaiblir cette entreprise. La vente d’une partie de l’actif de l’État dans GDF vise à constituer à côté d’EDF un pôle privé qui lui fera concurrence, sans que l’on puisse discerner l’intérêt de cette rivalité organisée par les pouvoirs publics.

Nous réaffirmons donc l’importance d’EDF dans le paysage industriel et économique de notre pays et rappelons combien il est important que l’État reste largement majoritaire dans son capital.

M. le président. Je vois que vous demandez la parole, monsieur Mathus, mais, comme je l’ai répété tout l’après-midi, vous ne pouvez défendre un amendement que vous n’avez pas déposé.

M. Didier Mathus. C’est pour une explication de vote, monsieur le président !

M. le président. C’est également impossible. Vous pourrez, le cas échéant, répondre au Gouvernement.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Christian Bataille s’est livré à une petite provocation, sortant de son jeu un « deux de trèfle ». Mais, dans son propre camp, il y a des as. Je pense par exemple au secrétaire d’État à l’industrie chargé du dossier de l’énergie lorsque la gauche était au pouvoir entre 1997 et 2002. C’est lui qui a dirigé le débat sur la loi de 2000 par laquelle vous avez ouvert le marché de l’électricité et du gaz. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Précisez quel marché !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je m’en vais donc rafraîchir les mémoires (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) car les souvenirs ont tendance à se dissiper – n’est-ce pas, mes chers collègues de gauche ?

J’ai d’autres cartes dans ma manche, monsieur Bataille, notamment ce que disait Christian Pierret en janvier 2000, à l’occasion de ses vœux à la presse.

M. François Brottes. Ce n’était pas dans l’hémicycle !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. « En ce qui concerne les directives européennes sur l’ouverture du marché de l’énergie, nous jouons le jeu », disait-il.

M. François Brottes. En 2000, oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et il poursuivait : « Le marché en France est plus ouvert que dans certains pays voisins. Le processus d’ouverture est irréversible. » Interrogé sur la privatisation de telle ou telle entreprise publique, il indiquait : « Le problème n’est pas de dire quand et par qui on commence. »

M. Pierre Ducout. On parlait d’EADS !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il continuait ainsi : « Nous devons donner à nos entreprises publiques les moyens d’être européennes et mondiales. Je suis en phase avec Pierre Gadonneix, Laurent Fabius et François Rousselet à ce sujet. Le ministre de l’économie Laurent Fabius a, pour sa part, récemment estimé qu’une entreprise comme Gaz de France doit voir sa structure ouverte. »

M. Pierre Ducout. Cela ne veut pas dire privatiser !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je poursuis la citation : « C’est également le cas, même si l’État doit rester majoritaire, pour EDF. » Cela sous-entendait évidemment que, pour Gaz de France, l’État pouvait être minoritaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Nayrou. Vous êtes un provocateur !

M. François Brottes. La conclusion que vous tirez de ces propos est un mensonge, monsieur le rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je voudrais répondre aux questions qui m’ont été posées concernant le calendrier.

Dans un premier temps, la Commission européenne se prononcera définitivement sur le projet de fusion qui a été présenté et sur les réponses à sa lettre de griefs, dont nous avons abondamment parlé en commission la semaine dernière. Cet avis devrait intervenir le 17 novembre.

Dans un deuxième temps, si Gaz de France se lance dans cette opération, il lui faudra réunir une assemblée générale extraordinaire pour décider d’une augmentation de capital, après quoi GDF et Suez devront se mettre d’accord sur un prix puis faire approuver ce prix par leurs assemblées générales. Tout cela peut se passer, en fonction des négociations entre les entreprises, plus ou moins rapidement.

Mme Martine Lignières-Cassou. Avant mai 2007 !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous voulez faire de la politique sur tout !

M. Pierre Cohen. C’est une question qui intéresse les Français !

Mme Muguette Jacquaint. Tout est politique !

M. le ministre délégué à l’industrie. Moi, je vous explique simplement quelles sont les étapes obligatoires dans le calendrier. Comment saurais-je si elles interviendront au mois de décembre, de janvier ou de mai ? Cela peut aller relativement vite si les entreprises parviennent à se mettre d’accord.

M. Pierre Cohen. Prenez l’engagement que cela ne se fera pas avant l’élection présidentielle ! Les Français doivent pouvoir donner leur avis !

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous m’avez interrogé sur la rémunération des actionnaires, madame Gaillard. Je vous rappelle que quand Gaz de France était une entreprise à 100 % publique, elle rémunérait son actionnaire, l’État, par des dividendes.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’industrie. J’en ai déjà indiqué le montant au cours des trente et une séances précédentes : en 2004, ce dividende s’élevait à environ 600 millions.

M. Pierre Cohen. C’est l’État qui en profitait !

M. le ministre délégué à l’industrie. Mme Lebranchu, pour sa part, me demande s’il y a une crise. Mais oui ! Nous n’organisons pas de coupures pour la mettre en évidence, mais elle est là : les prix sur le marché international des producteurs de gaz ont atteint des sommets en trois ans et trois pays détiennent à eux seuls plus de 50 % des réserves du monde. Cette situation nouvelle, même si elle n’a pas eu jusqu’à présent de conséquences sur l’approvisionnement de la France, ne manquera pas d’en avoir plus tard. Nous prenons ces mesures pour garantir à l’avenir la sécurité d’approvisionnement de notre pays en quantité et en prix. Nous avons toute une liste de conditions, que nous désignions tout à l’heure sous le terme de manettes, qui sont non seulement d’ordre financier, mais qui consistent aussi à imposer des contraintes aux entreprises qui souhaitent vendre du gaz en France. Cet arsenal législatif et réglementaire nous permettra d’agir, à condition que l’opérateur acheteur de gaz soit le plus puissant possible,…

M. François Brottes et M. Didier Mathus. EDF-GDF !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce n’est pas possible, vous le savez.

M. François Brottes. Mais si, c’est possible !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cet arsenal législatif et réglementaire, disais-je, nous permettra d’agir, à condition que l’opérateur acheteur de gaz soit le plus puissant possible, à la fois pour acheter en grandes quantités et pour investir dans des gisements. Aujourd’hui, Gaz de France est producteur de 9 % de ses ventes de gaz. Nous considérons que c’est insuffisant pour assurer notre sécurité d’approvisionnement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, vous dites conserver plusieurs leviers d’État. Peut-être, mais il n’empêche qu’avec ce projet de loi, vous en lâchez un d’importance : la majorité dans le capital de Gaz de France. Vous lâchez donc la conduite opérationnelle et stratégique de GDF,…

M. Gérard Charasse. L’essentiel !

M. Jean Dionis du Séjour. …et vous vous repliez sur la minorité de blocage. Il faut le dire !

Alors, je pose la question : au cas où cela ne marche pas, y a-t-il un plan B ? Le parcours du combattant dans lequel vous vous êtes engagé n’est pas facile. D’abord, l’addition de la Commission est salée : abandon de Distrigaz, abandon de la participation de Gaz de France dans SPE, 50 terrawattheures. C’est considérable ! Et ce n’est pas fini, vous l’avez dit. Quant aux valeurs, l’action de GDF est à 25 euros, celle de Suez à 30 euros. Vous allez donc devoir donner cinq euros pour chaque action échangée. Que se passera-t-il si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord ? Compte tenu de la lourdeur de l’addition européenne et du risque financier alors que l’écart des cours est en train de se stabiliser à quatre ou cinq euros par action, la question est importante : avez-vous un plan B ?

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Le ministre prétend ne pas faire de politique, mais comment expliquer, autrement que par des raisons purement politiques, la décision du Gouvernement, en pleine crise de l’énergie, de se défaire du seul outil de contrôle public de la ressource gazière et de sa distribution dans notre pays ? Y a-t-il un argument rationnel, autre que le simple dogmatisme politique, qui puisse expliquer que le Gouvernement s’apprête à substituer un monopole privé à un monopole public ? Non ! Sinon, il faudrait en conclure que les perspectives financières de cette crise de l’énergie ont suscité des appétits tels qu’ils ont réussi à convaincre le Gouvernement de prendre une décision aussi risquée. Je ne veux pas le croire !

Mais ce qui est grave dans cette affaire, c’est l’atteinte à la crédibilité de la parole politique. Hier soir, M. Breton dénonçait les écarts de langage de ceux qui soupçonnaient le ministre de l’intérieur actuel d’avoir menti devant l’Assemblée. Or un simple examen lexicologique des propos de l’actuel ministre de l’intérieur – propos figurant au Journal officiel – permet de l’affirmer sans craindre d’être accusé de diffamation : M. Sarkozy est un menteur,…

M. Franck Gilard. Et Pierret ?

M. Didier Mathus. …au mieux, un inconséquent. Dans un cas comme dans l’autre, on ne peut qu’être blessé – et je suis sûr, monsieur le président, que vous l’êtes comme moi –…

M. le président. Laissez le président où il est ! (Sourires.)

M. Didier Mathus. …de l’atteinte ainsi portée par un ministre, présidentiable de surcroît, dans l’exercice de ses fonctions, à la crédibilité de la parole de l’État.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 25572 rectifié à 25604 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)