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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 27 septembre 2006

34e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

énergie

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 6843 à l’article 10.

Article 10 (suite)

M. le président. J’appelle donc les trente-deux amendements identiques n°s 6843 à 7040.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous abordons une série d’amendements visant à accroître l’efficacité de l’action spécifique, ou golden share, dont l’État disposera dans le nouveau groupe. Ils seront, pour M. le ministre délégué à l’industrie, l’occasion de nous rappeler les pouvoirs magiques de ce mécanisme, dont M. le président de la commission des affaires économiques, avec l’emphase dont il est coutumier, nous dit qu’il sera un rempart contre toute dérive.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Dites plutôt avec conviction !

M. François Brottes. L’un n’empêche pas l’autre.

M. le ministre a déclaré ne pas disposer d’éléments de réponse, ce qui, à ce stade du débat, est pour le moins ennuyeux. M. McCreevy, le commissaire européen chargé du marché intérieur, a rappelé dans un récent courrier dont nous avons pu prendre connaissance tout le mal qu’il pensait des actions spécifiques, au motif qu’elles entravent, par principe, la liberté du marché. Néanmoins, dans la mesure où il existe un précédent – concernant Distrigaz, si je me souviens bien –, et où des intérêts stratégiques de notre pays sont en jeu, il s’est déclaré prêt à accepter la mise en œuvre d’un tel dispositif dans le cadre de la privatisation de Gaz de France et de son mariage avec Suez, ou, du moins, à examiner la question.

Mais à la fin de cette lettre, il vous demande, monsieur le ministre, de lui indiquer la liste des actifs qui seront conservés, de façon très précise et pas seulement – comme l’a fait hier le président de la commission en rappelant les secteurs concernés – sous forme générique, en évoquant les infrastructures ou le stockage.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ma liste n’était pas exhaustive !

M. François Brottes. Le problème n’est pas d’être exhaustif, mais d’être précis. Je ne vois pas comment nous pourrions avancer dans ce débat et mesurer l’impact de l’action spécifique si vous ne nous dites pas précisément quels seront les actifs concernés par le futur décret.

Par ailleurs, M. McCreevy a rappelé qu’il existait des conditions draconiennes à l’utilisation d’actions spécifiques. Ce genre de protection – de muraille, pour reprendre le terme né de la conviction de M. Ollier – ne peut être employé qu’à bon escient, avec parcimonie, et à condition de prendre conscience du péril suffisamment à l’avance, ce qui ne va pas de soi, d’autant que l’on ne peut y avoir recours, si j’ai bien compris, qu’a posteriori.

Je souhaiterais éviter de poser les mêmes questions à l’occasion des nombreux amendements similaires qui doivent venir en discussion. J’espère donc que le Gouvernement apportera toutes les précisions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Nous abordons un sujet sensible, celui du contenu et de la portée de l’action spécifique. Celle-ci, je le rappelle, donnera au Gouvernement le droit de s’opposer à toute cession ou apports de garanties concernant les actifs stratégiques que sont par exemple les réseaux ou les terminaux, afin de conserver une maîtrise sur notre système énergétique.

La disposition que nous proposons est compatible avec le droit communautaire. Elle s’appuie d’ailleurs sur la décision prise le 4 juin 2002 par la Cour de justice des Communautés européennes au sujet de la société Distrigaz. Deux points particuliers la rendent eurocompatible : d’une part, la liste des actifs concernés par l’action spécifique est très précise, d’autre part le pouvoir donné au Gouvernement n’est pas un pouvoir d’approbation préalable mais bien d’opposition.

Il serait paradoxal de vouloir aller plus loin au risque de fragiliser le dispositif, ce qui serait le cas si on suivait la proposition du groupe socialiste.

M. François Brottes. Je ne vois pas pourquoi !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous nous exposerions en effet à une opposition de la part de la Commission européenne. La même problématique se posait avec votre exigence de retour aux tarifs : en voulant aller plus loin, on se heurterait au droit communautaire. Mieux vaut s’en tenir au système, à la fois cohérent et conforme à la réglementation européenne, qu’a choisi le Gouvernement. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Le rapporteur ayant répondu à l’ensemble des questions de M. Brottes, je me contenterai de rappeler que le projet de décret a été transmis à la Commission, qui en réponse, nous a demandé certaines précisions. Celles-ci ne posent pas de difficulté : il s’agit seulement de dresser la liste des réseaux ou stockages dont disposent Gaz de France et Suez. Seules des raisons matérielles d’organisation ont empêché que nous réalisions ce travail.

En ce qui concerne les amendements n°s 6843 à 7040, qui assignent d’autres objectifs de protection à l’action spécifique, ils sont en contradiction avec notre volonté de concentrer celle-ci sur la sécurité de l’approvisionnement. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. La réponse du rapporteur montre que nous n’avons pas la même conception des relations entre l’Union européenne et ses États membres. On nous répète en effet que l’Europe décide et que les projets doivent être eurocompatibles, mais les résultats du référendum sur le traité instituant une Constitution européenne montrent que nous ne pouvons plus procéder ainsi. Si pour ma part j’ai voté oui, c’est parce que le projet de Constitution me paraissait de nature à rééquilibrer le rôle des politiques par rapport à la Commission. Or les Français ont dit non, et nous ne pouvons pas conserver le même état d’esprit et accepter tout ce que nous impose Bruxelles. Certes, la France, quelles que soient ses spécificités, ne peut pas prétendre échapper aux règles qui s’imposent à tous les pays membres. Mais elle peut peser afin de modifier le rapport politique. Les Français sont attachés à certaines spécificités qu’ils considèrent comme fondamentales, comme la notion de service public – laquelle n’a rien à voir avec celle de service universel ou de service d’intérêt général. S’il y a vrai débat, une vraie lutte politique, nous serons peut-être obligés de faire des concessions sur certains points, mais nous gagnerons sur d’autres. Je ne suis pas sûr, en effet, que les peuples allemand ou britannique soient opposés à notre conception du service public, qu’il s’agisse de l’égalité d’accès ou de la continuité territoriale.

M. le ministre délégué a rappelé hier que les fournisseurs signent un contrat de service public dont l’objectif principal tend à assurer la continuité du service. Il est vrai que celle-ci est fondamentale : comment parler de service public si la moindre tempête, le moindre événement a pour effet d’en interrompre l’exécution ? Mais ce service doit également être accessible à tous et sauvegarder l’intérêt général. Or, quand nous proposons des dispositions allant dans ce sens, vous affirmez, monsieur le ministre, qu’elles ne sont pas eurocompatibles. C’est pourtant tout l’enjeu d’un combat politique, et je regrette que vous ne vouliez pas relever le défi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6843 à 7040.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trente-deux amendements identiques, nos 6777 à 6809.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas satisfaisante. Quant à celle du rapporteur, je ne la comprends pas du tout : en quoi préciser les contours de l’action spécifique – et donc répondre aux exigences de la Commission – porterait-il préjudice au dispositif ? Je sais que vous avez l’habitude de pratiquer le saut périlleux dans vos réponses, monsieur le rapporteur, mais si tôt le matin, cela relève de l’exploit.

Nous devons bien, monsieur le ministre, vérifier ensemble la réalité de la protection apportée par l’action spécifique. C’est pourquoi je m’étonne que plusieurs jours, voire plusieurs semaines après que M. McCreevy a réclamé des détails, vous affirmiez que vous n’avez pas eu le temps de lui répondre. Ce n’est pas sérieux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis en permanence à l'Assemblée nationale !

M. François Brottes. C’est vrai, je le reconnais, mais je suppose que vous avez quelques collaborateurs…

M. le ministre délégué à l’industrie. Ils sont avec moi !

M. François Brottes. …susceptibles, en liaison avec Gaz de France, de travailler sur cette liste.

C’est une question très importante. Vous nous dites que l’action spécifique visera à protéger la sécurité de l’approvisionnement. Vous n’avez pas le choix, puisque les précédents dans ce domaine, dont la Commission refuse de s’écarter, ne concernent que cet aspect des choses. Dire cela revient donc à enfoncer une porte ouverte.

En revanche, M. McCreevy exige de vous le détail des installations concernées. Nous avons eu ce débat sur les terminaux méthaniers ou sur le sort réservé au réseau, notamment en Belgique, où il sortira en grande partie du périmètre de GDF-Suez. N’en déplaise au rapporteur, il faut être précis, et vous nous devez cette clarification.

Vous nous devez également des explications sur les conditions d’application de cette disposition, et peut-être que le rapporteur, qui connaît toutes ces choses par cœur, nous répondra sur ce point. Le commissaire affirme qu’il s’agit d’un droit d’opposition a posteriori, encadré dans des délais stricts et qui ne peut concerner que des actifs clairement définis – d’où l’intérêt de bien les identifier aujourd’hui –, mais aussi que la décision sera susceptible de recours.

Même si vous avez agi dans les délais, même si l’action existe et que cela a porté sur des actifs préalablement déterminés, des recours sont possibles. Ce dispositif est donc extrêmement fragile. C’est ce que je souhaite vous démontrer en proposant, au nom du groupe socialiste, l’ensemble de ces amendements. La réponse du rapporteur sur l’eurocompatiblité est un peu courte, de même que celle du ministre, prétendant qu’il n’a pas encore eu le temps d’apporter les précisions nécessaires. C’est inacceptable ! Il est d’autant plus nécessaire de le faire que vous considérez l’action spécifique comme un complément de la minorité de blocage, dont on a vu, après avoir entendu les arguments de M. Novelli, ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pas un clou. Si l’action spécifique ne vaut pas grand-chose non plus, cela fait beaucoup de barrières qui tombent. Vos arguments doivent être plus convaincants. Si vous restez dans le flou, chacun en tirera les conclusions.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission est défavorable à ces amendements.

Monsieur Brottes, le rapporteur, le ministre et moi-même nous en sommes déjà expliqués.

M. François Brottes. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous posez sans cesse cette question, nous ne pouvons que donner la même réponse. Mais je sens qu’il est possible de vous convaincre, monsieur Brottes,…

M. François Brottes. Si on répond à mes questions !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …et je vais m’y employer. Vous semblez, en effet, cheminer vers une conviction qui tend à rejoindre la mienne.

M. Pierre Cohen. Comme vous doutez de vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous allons tous faire un effort.

Je n’ai jamais dit, monsieur Brottes, qu’il existait une solution miracle contre une OPA hostile.

M. François Brottes. Si !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, monsieur Brottes ! J’ai dit avec sérénité et calme que la combinaison de quatre éléments mis en œuvre simultanément était suffisamment dissuasive contre une OPA hostile. Je maintiens ce propos et je vais m’en expliquer très brièvement.

M. François Brottes. Ces éléments sont tous fragiles !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ces éléments sont la minorité de blocage, l’action spécifique, le noyau dur d’actionnaires et la capitalisation à hauteur de 65 milliards d’euros.

Vous dites que la minorité de blocage est du pipeau.

M. François Brottes. Je n’ai pas dit cela !

M. Pierre Cohen. Il a dit qu’elle ne valait pas un clou !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est ce que vous vouliez dire. Reconnaissez que je fais des efforts pour comprendre votre sémantique !

M. François Brottes. M. Novelli nous a expliqué cela hier soir !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous dites que la minorité de blocage ne sert à rien ! Si, parce qu’elle donne un droit de veto

M. Pierre Cohen. Cela ne tient pas longtemps !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …sur les décisions qui relèvent de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire, c’est-à-dire la modification des statuts, la dénomination sociale, le siège social, l’objet social et, enfin, le montant du capital social du groupe Ce n’est tout de même pas rien ! Vous ne pouvez donc pas affirmer qu’une minorité de blocage, qui a un droit de veto, ne représente rien !

M. François Brottes. Cela n’empêche pas les OPA hostiles !

M. Patrick Ollier, président de la commission. De ce fait, avec 34 %, l’État sera de très loin le premier actionnaire du groupe et de l’ensemble du groupe fusionné si, d’aventure, cette fusion se fait et si nous parvenons à vous convaincre qu’elle est nécessaire.

Vous revenez encore sur l’action spécifique, je l’admets.

M. François Brottes. Je pose des questions !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quand on apporte des réponses, monsieur Brottes, on peut se tromper. Nous avons, comme vous, le droit à l’erreur.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne vous pose, quant à moi, pas cinquante fois la même question. Une réponse de votre part me satisferait, même si je ne partageais pas votre avis. Mais ne pouvez pas laisser croire que nous ne répondons pas à vos questions !

Je vous répète donc une dernière fois, que, dans le cadre du décret, et en accord, bien entendu, avec la Commission européenne, l’action spécifique peut porter sur les canalisations de transport de gaz naturel, les actifs liés à la distribution du gaz naturel, le stockage souterrain de gaz naturel et, enfin, les installations de gaz naturel liquéfié. Là non plus, ce n’est pas rien. Cela nous permettra de rejoindre Distrigaz, qui a effectivement bénéficié d’une action spécifique dans des conditions à peu près identiques. Il n’y a donc pas de contradictions avec la position de l’Europe. Le périmètre de l’action spécifique est clairement identifié ; il comprend les éléments stratégiques du groupe. Si l’action spécifique est mise en œuvre, les éléments stratégiques pourront éventuellement permettre de prendre des décisions définitives dans l’intérêt du groupe.

Le noyau dur d’actionnaires n’est pas non plus négligeable. Avec les 34 % de l’État, il peut se monter à 46 ou 47 %. Essentiel pour l’évolution du groupe, c’est un élément de dissuasion fondamental en cas d’OPA hostile. Je ne lis pas dans le marc de café et je ne regarde pas aujourd’hui dans le rétroviseur monsieur Brottes. Mais, la façon dont l’État italien s’est opposé à l’OPA, qui n’était même pas hostile, d’EDF sur Edison, démontre qu’un gouvernement a parfaitement les moyens d’agir. C’est en tout cas ainsi qu’il a sauvegardé son intérêt. Comme il est prévu dans le texte que Gaz de France restera une société de droit français, c’est donc celui-ci qui s’appliquera.

Ces trois éléments regroupés, ainsi que les 65 milliards de capitalisation, font que l’on ne peut pas imaginer qu’un groupe, quel qu’il soit – on peut reprendre l’exemple russe que vous avez dernièrement cité –, se lance dans une aventure d’OPA hostile contre un groupe qu’il ne pourrait en aucun cas contrôler. Je ne voudrais pas que l’on pousse les Français à penser que nous sommes imprudents ou que nous engageons dans des solutions hasardeuses, les laissant craindre un péril qui n’existe pas.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il n’y a certes pas de solution miracle. Mais toutes ces conditions réunies, et j’insiste sur ce point, car une seule d’entre elles ne suffirait pas, sont suffisamment dissuasives face à une OPA hostile.

Voilà ce que je tenais à souligner avec sincérité et conviction, monsieur Brottes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis défavorable

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Il n’est pas question pour nous de dire qu’il y a des intentions cachées et une volonté délibérée. Nous voulons démontrer avec précision les risques et ne mettons nullement en cause votre sincérité.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous en remercie !

M. Pierre Cohen. Le problème est de savoir si ce que vous affirmez a toutes les chances d’arriver. Vous faites un pari. Vous lancez cette nouvelle entreprise dans la dure jungle du libéralisme. Je reprendrai les propos du ministre. Notre conception diffère sur ces sujets. Nous préférons que le pôle européen soit négocié entre États, comme pour EADS, plutôt qu’entre des conseils d’administration qui agissent dans leur pur intérêt et non dans celui de la stratégie énergétique de l’Europe. Notre vision de l’avenir est donc totalement différente.

Monsieur Ollier, il suffira qu’à un moment donné le groupe ait besoin d’investir pour faire face à une nouvelle innovation, un nouvel investissement ou aux nouvelles recherches – bien que les entreprises investissent de moins en moins dans ce dernier domaine –, pour qu’il soit obligé d’ouvrir son capital en négociant avec une entreprise et que la part de l’État, que vous le vouliez ou non, passe en dessous des 34 %. Considérant l’importance de l’enjeu, cela risque d’arriver très vite, et tout ce que vous soutenez aujourd’hui sera dépassé. La question ne sera pas de savoir si Promgaz représente un danger, mais vous ne serez plus maîtres du devenir de cette entreprise et des cessions d’actifs.

Je suis désolé de constater que le seul argument qu’oppose le ministre à un rapprochement EDF-GDF, c’est que ce que demanderait l’Europe, laquelle n’a pas été interrogée, sous forme de cessions d’actifs représentant 15 %, soit cinq ou six centrales nucléaires. En revanche, pour la fusion avec Suez, cela risque d’être davantage puisque les pourcentages cités varient de 5 % à 21 %. Une fois que ce sera décidé, on n’aura plus du tout la main. Il faudrait au moins obtenir que l’État donne un accord préalable, qui ne se limite pas à une minorité de blocage, mais que ce soit une collaboration dans la construction du nouvel échafaudage.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je citerai un exemple de question restée sans réponse, monsieur le président de la commission. Quand on demande au ministre quelle sera la politique de l’État actionnaire concernant les stock- options, il répond qu’il ne sait pas. Il a certes le droit, mais cette question est restée sans réponse.

Je peux vous trouver d’autres exemples, car je suis en train d’en dresser la liste.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous allons avoir ce débat la semaine prochaine !

M. François Brottes. Une réponse avec laquelle nous sommes en désaccord en est quand même une, vous avez raison. Mais quand on ne nous en donne pas, cela n’éclaire malheureusement pas le débat, ce qui est inadmissible.

Par ailleurs, où est-il indiqué dans le texte que l’entité fusionnée GDF-Suez restera de droit français ? Je viens de relire le texte avec intérêt. Je n’ai rien trouvé sur ce point. Sans doute êtes-vous, contrairement à moi, capable de lire entre les lignes ! Il serait donc utile que vous nous apportiez cette précision. Vous devez être en mesure de situer dans le texte ce que vous affirmez !

Monsieur le président de la commission, vous vous chargez de répondre pour tous, afin d’alléger la tâche du rapporteur, du ministre et de la majorité, et c’est à votre honneur. Vous n’êtes pas ma tête de Turc, ce matin. Mais, pardonnez-moi, vous ne pouvez pas vous contenter de rabâcher ce qui figure dans le décret proposé par la France à la Commission européenne, dont le commissaire européen a dit qu’il était insuffisant. Il veut obtenir des détails, et nous devons les obtenir dans le cadre de ce débat. Nous opposer que le ministre est occupé par la séance et qu’il ne peut pas s’en charger n’est pas sérieux.

M. Pierre Cohen. Il y a M. Breton !

M. François Brottes. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que c’était le signal que vous vouliez me donner. Cela signifierait-il que l’État français serait totalement indigent quant à ses collaborateurs ? En tout état de cause, si tous sont rassemblés dans l’hémicycle, on peut s’inquiéter sur la capacité de l’État à contrôler ensuite le bon usage de ces actions spécifiques et de sa minorité de blocage ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. François Brottes. Il suffit qu’un ou deux aillent aux champignons pour que l’on ne puisse plus jamais contrôler quoi que ce soit ! Avouez que c’est inquiétant ! J’imagine donc, monsieur le ministre, que votre réponse matinale n’était pas sérieuse et que vous avez, bien sûr, réfléchi à ce que vous allez expliquer à M. McCreevy, mais que vous craignez qu’il vous réponde encore que c’est insuffisant.

J’ai posé une autre question restée sans réponse, monsieur le président Ollier, vous qui êtes toujours prêt à en apporter avec conviction. Comment cette action spécifique fonctionne-t-elle ? Supposons que le conseil d’administration ou les actionnaires veuillent se débarrasser d’un actif ou s’engager dans une voie qui aille à l’encontre des intérêts de la stratégie de l’entreprise, comment déclenche-t-on les hostilités pour les empêcher d’aller plus loin ? Il est important de le savoir. Vous nous avez répondu que l’action spécifique était l’une des façons de barrer la route aux malfaisants.

Nous vous interrogerons tant que nous n’aurons pas obtenu de réponse à l’ensemble de ces questions.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6777 à 6809.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 6810 à 6842.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Plusieurs d’entre nous interviendront sur ces amendements, ce qui permettra au ministre et à ses collaborateurs d’affûter leurs réponses. Quels seront de façon détaillée les actifs concernés par l’action spécifique ? Comment la déclenchera-t-on ? Quels éléments de ce texte garantissent que l’entité GDF-Suez sera de droit français, comme nous l’a affirmé avec conviction et talent M. le président Ollier ? Que contiendra le projet de décret qui précisera le décret précédent ?

Cet amendement précise : « Cette action spécifique permet notamment de soumettre à autorisation préalable du ministre de l’économie et des finances toute cession d’actif stratégique de l’entreprise. »

Cet amendement d’acception large risque, je le conçois, de ne pas être eurocompatible. M. McCreevy peut demander des précisions sur tout actif stratégique de l’entreprise. Qu’allez-vous lui répondre pour le satisfaire, car votre engagement dans une action spécifique au niveau de l’entité fusionnée GDF-Suez le contrarie beaucoup ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. À ce niveau du débat, il faut être clair. Vous savez sans doute ce qui se passe en Espagne concernant des entreprises de l’énergie, et l’on peut être conscient de la stratégie de ce secteur.

Ce qu’a présenté hier M. Novelli correspond à du libéralisme dans un marché supposé parfait, mais pas pour un service public. De plus, le gaz étant produit par très peu de grands pays, on ne peut en aucun cas appliquer les règles du libéralisme.

Il est donc tout à fait normal que nous nous interrogions sur les garanties concernant les actifs stratégiques.

Le président de la commission nous explique qu’il y a un noyau dur qui pourrait aller jusqu’à plus de 40 %, mais l’actionnaire principal actuel, Albert Frère, peut très bien vendre ses actions si l’opération lui semble intéressante au point de vue capitalistique, et d’autres personnes pourraient donc, à très court terme, entrer dans le capital.

Il nous a aussi parlé des mesures prises par l’État italien quand EDF a voulu prendre le contrôle d’Edison, mais l’on sait très bien que ces décisions de protection ont été contestées et que la Cour de justice européenne les aurait cassées.

Nous devons donc savoir clairement ce que peuvent faire le ministère de l’économie et le ministère de l’industrie pour protéger les actifs stratégiques.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. « Les protagonistes du projet de loi sur l’énergie trompent les Français. Par obstination et jeu politique, ils vont conduire les champions énergétiques publics français que sont EDF et GDF à ne plus pouvoir demain assurer leur développement et la distribution en énergie de qualité à moindre prix pour les usagers. » Les dangereux gauchistes qui ont écrit ces quelques lignes, c’est la CFE-CGC. C’est dire que votre projet fait l’unanimité du corps social français contre lui.

Par ces amendements, nous voulons laisser autant que faire se peut un rôle fort au ministère de l’économie et des finances, c’est-à-dire à l’État. On a bien observé au cours des débats qu’il y avait les libéraux, qui ne veulent plus d’État du tout,…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ne caricaturez pas !

M. Christian Bataille. …et d’autres, qui ont un héritage historique et sont pour le maintien d’un État minimum. Nous, nous voulons plus, et nous pensons que, pour le marché du gaz, ça en vaut la peine. Nous avons consacré beaucoup de temps hier à expliquer que le gaz n’était pas un marché comme un autre, que c’était un enjeu stratégique, voire un enjeu de guerre économique, et j’ai même souligné que, dans une espèce de débat conflictuel, notre indépendance d’approvisionnement en gaz valait autant qu’un porte-avions qu’on a payé fort cher.

Par conséquent, il s’agit de faire en sorte que le ministre de l’économie et des finances conserve la main sur ce marché, que l’on ne délègue pas. Je vous rends cette justice que vous avez été prudent dans la définition du rôle de la CRE, même si certains voulaient tout lui donner, et vous avez bien fait. En tout cas, l’État doit conserver un rôle fort, et le ministre de l’économie et des finances doit conserver la haute main sur le fonctionnement de la golden share.

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Ces amendements visent à permettre à l’État de conserver la haute main sur cette action spécifique afin de garantir la pérennité des deux entreprises, Gaz de France, et aussi, à terme, EDF.

Nous le savons bien, les opérations de concentration vont considérablement s’accélérer dans les années qui viennent sur le marché de l’énergie, et le nouveau groupe que vous nous proposez, Suez-Gaz de France, s’il voit le jour, ne sera pas du tout à l’abri de tentatives d’OPA de la part de groupes plus puissants que lui, et on a souvent cité Gazprom. Il est vrai que de tels groupes sont désireux de s’implanter sur le marché européen, et, même si l’État possède 34 % du capital, on voit mal ce qui empêchera une OPA hostile sur les 66 % restants. La seule solution pour s’y opposer et garantir notre indépendance énergétique serait que l’État conserve la majorité du capital de Gaz de France et d’EDF, mais vous n’en voulez pas.

La fusion entre Suez et Gaz de France n’est pas sous-tendue par un véritable projet industriel, car elle n’entraîne pas vraiment de changement d’échelle pour Gaz de France, qui est déjà l’une des plus importantes entreprises gazières au monde.

Les garanties que vous nous dites avoir prévues par le biais de cette action spécifique nous semblent tout à fait illusoires, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous avons une réelle volonté que notre État, et donc le Gouvernement, garde la main dans le cadre des négociations, parce qu’on ne sait pas exactement comment cela peut évoluer. Il n’y a pas que Gazprom, il y a aussi peut-être des gens qui n’ont pas obligatoirement de stratégie. Dans le spatial, secteur que je connais mieux, certaines entreprises ont plutôt la volonté d’asseoir leur stratégie sur l’ensemble du monde, d’autres ont une stratégie beaucoup plus européenne.

L’énergie est tout de même un domaine qui est du ressort de la puissance publique. Notre stratégie énergétique, demain, ne peut pas être pilotée uniquement par les intérêts d’actionnaires. Il est important qu’en tant que ministère de l’économie, vous ayez au moins une définition de cette stratégie. Là, vous rentrez dans une logique qui nous fait craindre le pire. Par ces amendements de repli, nous essayons donc de vous donner au moins la possibilité de participer à cette stratégie, à un moment clé. Sera-t-on dans une logique totalement mondialisée où nos entreprises seront des objets de convoitise extraordinaire sur le plan mondial, avec des stratégies purement financières, ou a-t-on tout de même la volonté de maîtriser la stratégie énergétique ? Qu’on le veuille ou non, on sait très bien qu’il faut partir de notre nation pour arriver à avoir une stratégie européenne. Avec ce qui se passe en Chine ou en Inde, mais aussi avec des pays producteurs comme l’Algérie ou la Russie, nous devons vraiment pouvoir maîtriser totalement la stratégie de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vais répondre aux différentes questions, même si j’ai parfois l’impression de le faire plusieurs fois.

Je ne peux pas dire que cette série d’amendements soient contraires à la politique que nous défendons. Leur rédaction, simplement, me semble moins bonne que la nôtre, fondée sur la loi de 1986, qui prévoit les actions spécifiques et, plus particulièrement, le pouvoir de s’opposer dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État aux décisions de cession d’actifs ou de certains types d’actifs de la société ou de ses filiales, ou d’affectation de ceux-ci au titre de garantie, qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux.

Nous nous référons à la loi de 1986, et nous renvoyons au décret en Conseil d’État pour préciser le champ d’intervention. Ce décret, vous l’avez vu, et nous l’avons envoyé pour consultation à Bruxelles.

M. François Brottes. Il n’est pas définitif !

M. le ministre délégué à l’industrie. Bien sûr, puisque la loi n’est pas promulguée. Ce décret dresse la liste des secteurs concernés.

M. François Brottes. Ça ne suffit pas !

M. le ministre délégué à l’industrie. Le commissaire européen nous demande de préciser, au sein des secteurs, les objets. C’est simple, et je m’étonne que vous vous étonniez que nous ne répondions pas dans les huit jours. Nous avons un dialogue confiant avec la Commission européenne. Tout le monde sait que le décret en Conseil d’État ne peut être pris qu’après la promulgation de la loi.

M. François Brottes. C’est une pirouette !

M. le ministre délégué à l’industrie. Franchement, monsieur Brottes, vous cherchez des problèmes là où il n’y en a pas. Je viens même de vous dire que vos amendements sont, dans l’esprit, conformes à la volonté politique que nous avons, mais que notre rédaction nous paraît meilleure. Je voudrais vous rassurer à la fois sur les moyens que nous mettons en œuvre et sur la confiance que vous pouvez avoir en eux.

Vous avez parlé de dilution, monsieur Cohen, en expliquant qu’il y avait un risque que l’on passe en dessous de la minorité de blocage. C’est la loi qui prévoit que nous devons maintenir une minorité de blocage, il n’y a donc aucun risque. Des actionnaires peuvent entrer ou sortir, mais l’État ne peut pas vendre ses actions. Action spécifique et minorité de blocage sont donc certaines et durables.

Enfin, M. Brottes est revenu sur la question des stock-options. L’Assemblée nationale ne peut pas définir la politique de stock-options…

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est vrai.

M. le ministre délégué à l’industrie. …pour une entreprise qui n’existe pas et n’est pas sûre d’exister !

Demandez à Hervé Novelli, qui est votre référence constante dans ce domaine, il vous l’expliquera encore mieux que moi.

Une politique de stock-options ne peut se définir en deux mots, plusieurs mois à l’avance. J’en ai expliqué hier le processus. Vous aurez l’occasion, dans un autre texte, de discuter très longuement des conditions dans lesquelles nous entendons faire progresser ce texte. Vous ne pouvez pas demander dans un amendement une réponse que nous ne pouvons pas encore imaginer.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, ne donnez pas le sentiment que vous êtes harcelé : ce n’est pas le cas, nous cherchons seulement à affiner cette question.

Vous nous dites qu’une fois que la loi sera votée, vous prendrez le temps qu’il faut pour communiquer à M. McCreevy la liste précise de ce qui sera protégé par l’action spécifique. Je vous réponds que c’est imprudent puisque M. McCreevy ne vous promet son accord sur la mise en œuvre d’une action spécifique qu’à condition d’obtenir satisfaction sur la demande formulée. Cela veut dire que, tant que nous n’avons pas sa réponse – et pour cause, puisque vous n’avez pas encore envoyé les éléments qu’il vous demande –, nous n’avons aucune garantie sur le fait que cette action spécifique pourra jouer. Ce n’est pas tout à fait neutre. Je prends acte du fait que vous le ferez après le vote de la loi, mais cela signifie qu’au moment de voter la loi nous n’aurons aucune certitude sur la mise en œuvre de l’action spécifique.

M. Bernard Schreiner. Vous êtes de mauvaise foi !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce système existe depuis 1986 !

M. François Brottes. Par ailleurs, M. le président Ollier ne m’a toujours pas dit où, dans le texte, il est précisé que GDF-Suez restera de droit français. Jusqu’à la fin du débat, je le lui demanderai parce que c’est important. Peut-être y aura-t-il un amendement sur ce point.

Et nous ne savons toujours pas non plus, à supposer que l’action spécifique soit acceptée, comment l’État pourra la mettre en œuvre. Expliquez-nous comment cela fonctionnera !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je profite d’un moment de calme et de bienveillance pour donner à M. Brottes une réponse détaillée et toutes les assurances nécessaires.

D’abord, le nouveau groupe restera français parce que l’État a une minorité de blocage. Une décision de ce type devrait être approuvée par le minoritaire et donc par l’État. Il n’est pas imaginable que nous acceptions de déplacer le siège social de Gaz de France ; c’est la minorité de blocage de l’État qui vous le garantit.

Ensuite, le mécanisme de l’action spécifique fonctionne depuis 1986, je vous ai donné le texte, je vous l’ai lu. Si le conseil d’administration de Gaz de France prend une décision contraire aux intérêts que nous voulons défendre et qui seront précisés par décret, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, prendra un arrêté interdisant cette décision et bloquera donc la décision juridiquement.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6810 à 6842.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 7041 à 7271.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ces amendements portent toujours sur l’action spécifique. Si le ministre fait preuve de la meilleure volonté pour répondre à nos questions, il ne nous rassure pas pour autant. La réponse est courtoise, mais mon insatisfaction quant à la qualité des arguments demeure.

Le texte vous engage certes à maintenir la minorité dite de blocage dans l’entité Gaz de France, mais en aucun cas nous n’avons cette garantie dans l’entité fusionnée Gaz de France – Suez. C’est l’une de nos inquiétudes majeures.

Il n’est d’ailleurs pas impossible que M. Novelli ait évoqué cette possible diminution de la part de l’État dans le nouveau groupe fusionné.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n’est pas possible, il y a la loi !

M. François Brottes. La loi parle de Gaz de France et non de l’entité Gaz de France-Suez !

M. Pierre Cohen. La différence est importante !

M. François Brottes. L’histoire des lanternes et du reste, c’est une conception un peu particulière de la vérité. Aujourd’hui, les garanties portent sur Gaz de France tel qu’il est, et non sur l’entité fusionnée Suez-Gaz de France, d’où notre inquiétude.

Et si, dans cet ensemble fusionné, il y a des stock-options – car, jusqu’à présent vous n’avez pas dit que vous les empêcheriez, même si vous en avez le pouvoir, ce que vous nous avez rappelé –, ce sera un élément supplémentaire de dilution des pouvoirs de l’État.

Il est important que vous votiez l’amendement que nous proposons. Si vous ne le votez pas, nous pourrons vous faire tous les procès d’intention. Nos amendements prévoient que l’action spécifique soumet notamment à autorisation préalable du ministre de l’économie et des finances tout franchissement du seuil de détention de 33 % du capital de l’entreprise – l’entreprise, bien sûr, fusionnée.

Si vous refusez de voter cet amendement, c’est donc bien que vous imaginez déjà que cette digue va sauter.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, vous nous assurez que cela figure dans la loi et que, même en cas de participations croisées ou d’ouvertures de capital par arrivée d’éléments extérieurs, l’État disposera toujours de 33 %.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est la loi.

M. Pierre Cohen. Mais le deuxième alinéa de l’article 10, ne parle que de Gaz de France !

S’il y a une fusion Suez-Gaz de France, il y a fort à parier que l’entreprise ne s’appellera plus Gaz de France. Et comme les administrateurs semblent être assez hostiles et exigeants quant à l’avenir, on a davantage de chance que l’entreprise s’appelle Suez plutôt que Gaz de France. Et même si la future entreprise s’appelle Gaz de France-Suez – ainsi personne ne perdrait la face –, il n’en demeure pas moins qu’elle n’entrera plus dans le champ de la loi. En dépit de tout ce que vous nous dites, nos craintes sont bien fondées.

Sans vouloir faire de procès d’intention, il y a un an et demi, l’État détenait 70 % du capital de GDF et le ministre de l’intérieur avait juré qu’il n’était pas pensable que sa part baisse. Aujourd’hui, sous couvert d’éléments extérieurs, nous en sommes à 33 %. Quoi que dise la loi, et en particulier si l’UMP reste au pouvoir – ce que je n’espère pas du tout –, nous sommes pratiquement sûrs que, sous peu, il faudra encore descendre en dessous.

Cet amendement est fondamental. Si vous êtes sincères, vous êtes obligés de le voter, car il oblige l’État à conserver 33 % de la future entreprise, quel que soit son nom. Sinon ce que vous dites serait un véritable leurre.

Monsieur le ministre, jusqu’à maintenant vous avez fait preuve de sincérité et de conviction. En acceptant cet amendement vous montrerez que vous êtes cohérent.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Certains d’entre nous se souviennent peut-être de cette Cassandre de la radiodiffusion qui s’appelait Geneviève Taboui. (Sourires.)

M. le président. Je vous croyais plus jeune, monsieur Bataille ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. Je suis assez âgé pour m’en souvenir. Mon grand-père l’écoutait religieusement, ce qui n’est pas une tradition dans ma famille !

Geneviève Taboui commençait toujours son propos par « Attendez-vous à ce que… ». Pour la parodier : attendez-vous à ce que Gaz de France devienne une entreprise privée à 100 %, et, cerise sur le gâteau, attendez-vous à ce que EDF le devienne aussi !

Vous nous dites, la main sur le cœur, que ce n’est pas dans vos intentions. J’admets votre bonne foi, mais nombreux sont ceux autour de vous, comme M. Novelli, qui l’espèrent et l’attendent.

Nos amendements proposent de placer un garde-fou, afin que les choses se passent comme vous dites le vouloir. Vous affirmez que ramener la part de l’État dans le capital à 34 % suffira à garder la maîtrise des opérations. Nous le regrettons, mais nous sommes confrontés à une réalité : c’est vous qui détenez la majorité dans cette assemblée – je l’espère, moi aussi, plus pour très longtemps – et c’est vous qui fixez les règles. Nous sommes attachés à ce que ce seuil – qui nous paraît insuffisant, mais qui vaut ce qu’il vaut – soit respecté, garanti, verrouillé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Les comparaisons avec d’autres marchés ouverts à la concurrence ne sont pas valables. Le cas d’EADS par exemple, quelles que soient les difficultés qu’il rencontre, et qui sont normales, dans la mise au point de certains appareils sur un marché international délicat – je pense en particulier au problème de l’A350 – ne se situe clairement pas dans le même cadre. L’énergie est un bien public, il ne faut pas le perdre de vue.

Ce qui nous fait très peur, notamment à la lecture des journaux d’aujourd’hui, c’est que l’actionnaire principal de Suez, Albert Frère, se positionne clairement dans une stratégie industrielle. Il est clair que la fusion Suez-Gaz de France, quelles que soient les demandes de la Commission, peut présenter un certain intérêt ; c’est une stratégie industrielle créatrice de valeurs, dans laquelle le profit de l’actionnaire sera l’élément principal et non, a priori, la sécurité énergétique du pays ou les prix pour les consommateurs.

À ce niveau de détention de capital, il serait temps, monsieur le ministre, de savoir où en sont les discussions, voire les engagements, entre les responsables de Suez et ceux de GDF sur les conditions d’équilibre de la fusion, sur la parité des actions ou – ce qui serait normal eu égard à l’impact financier que cela peut avoir sur l’entreprise Gaz de France, donc sur l’ensemble des Français – sur un dividende exceptionnel versé aux actionnaires de Suez, qui n’aurait rien à voir avec la valeur de la société mais ne servirait qu’à leur faire plaisir et à leur montrer, de façon politicienne, que vous allez aboutir, même si ce n’est pas l’intérêt général du pays.

On voit aujourd’hui le gouvernement espagnol se soucier de défendre les intérêts énergétiques de l’Espagne dans le cadre d’une Europe de l’énergie qui n’existe pas encore : il ne faudrait pas que la France, pour des motifs politiciens, en fasse moins pour défendre ses propres intérêts.

Ensuite, dans la mesure où vos choix vont fragiliser EDF et ce qui fait sa spécificité, notamment son parc nucléaire, on pourrait envisager son regroupement avec Gas Natural, par exemple, sur le modèle de la fusion Eon-Ruhrgas, à laquelle la Commission européenne ne s’est guère opposée : aujourd’hui, cet ensemble est en passe de devenir un superchampion énergétique. Soit on défend un bien public, soit on s’inscrit dans une pure logique d’entreprise : dans ce cas on ne peut pas abandonner GDF aux intérêts privés sans consolider EDF.

Pouvez-vous nous dire où vous en êtes aujourd’hui sur ces deux questions : quel dividende sera concédé aux actionnaires de Suez ? Comment comptez-vous protéger EDF et assurer sa dualité énergétique ?

M. Jean Dionis du Séjour. Juste un mot, monsieur le président.

M. le président. Depuis des jours, monsieur Dionis du Séjour, je vous explique que vous ne pouvez pas prendre la parole pour défendre un amendement que vous n’avez pas déposé. Vous n’en êtes pas encore à cosigner les amendements du groupe socialiste, je pense.

M. Christian Bataille. Il veut s’inscrire au groupe socialiste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. L’amendement n’est pas acceptable en l’état, car il est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. C’est typiquement le genre d’action spécifique que refuse la CJCE, au nom du principe de proportionnalité entre le caractère exorbitant de l’action spécifique et le but visé, à savoir assurer la continuité et la sécurité d’approvisionnement en énergie : la détention de 5, 10 ou 15 % de l’entreprise par tel ou tel actionnaire n’a pas d’incidence sur les conditions de sécurité de l’approvisionnement.

Je voudrais aussi préciser le mécanisme de la fusion, qui semble susciter des inquiétudes diffuses. C’est Gaz de France qui absorbera mécaniquement son partenaire, qu’il s’agisse de Suez ou d’un autre : la minorité de blocage vaudra pour l’ensemble résultant de la fusion. Tous les scénarios qui se fondent sur le préjugé que ce qui est inscrit aujourd’hui dans la loi pour Gaz de France ne vaudrait pas forcément demain pour GDF-Suez sont donc caducs : la loi s’appliquera au nouvel opérateur, même s’il ne devait plus s’appeler GDF. C’est en effet GDF qui, par une augmentation de son capital, s’incorporera…

M. François Brottes. On n’a aucune certitude à ce sujet !

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est évident ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Ah bon !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je vous le confirme ici, pour que tout soit clair sur ce point.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pourtant pas ce que vous proposez !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ça n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean Dionis du Séjour. Afin que ce point soit réglé une fois pour toutes, je vous annonce, monsieur le président, que quand je demande la parole, c’est toujours pour répondre, puisque je n’ai pas déposé d’amendement ; j’approuve donc tout à fait vos propos à ce sujet.

M. le président. Je ne fais qu’appliquer le règlement.

M. Jean Dionis du Séjour. Je prends acte de ce rappel au règlement. Mais si on applique strictement la règle qui veut que ne se prononcent qu’un orateur pour, un contre, on risque d’aboutir à une impasse du type CSA.

M. le président. Vous n’avez qu’à proposer, avec votre groupe, une réforme du règlement de l’Assemblée. Tant qu’elle n’est pas adoptée, j’applique le règlement tel qu’il existe.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous demandons tout simplement la possibilité de participer au débat, monsieur le président.

Je pense comme vous, monsieur le ministre, que la CJCE condamnerait la mesure proposée, qui est contraire à son arrêt Distrigaz, qui pose la nécessité de la proportionnalité des actions spécifiques au but poursuivi. Voilà pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.

Mais en réalité, monsieur le ministre, c’est le concept même d’action spécifique qui est dans le collimateur de la Commission européenne, comme le prouve la lettre du commissaire européen McCreevy. Il écrit que « [sa] conviction profonde est que les droits spéciaux que les gouvernements s’attribuent afin de contrôler des entreprises privées créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises, et sont donc contraires au marché unique. » : on ne saurait être plus clair. La lettre précise plus loin que « cet avis est basé sur l’état actuel de la législation et de la jurisprudence. Par conséquent, les modifications de celle-ci pourraient mettre en cause cette conclusion ».

On peut considérer aujourd’hui que l’arrêt Distrigaz traduit une position minimaliste, et que la Commission est disposée à interdire absolument les actions spécifiques. Il faudrait être bien naïf pour ne pas mesurer à quel point cette protection est fragile. L’arrêt Distrigaz constitue déjà un revirement par rapport à l’arrêt de la CJCE à propos de la société Elf-Aquitaine, et on peut penser que l’Europe est mobilisée pour avoir la peau de ces actions spécifiques.

Il faut, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit consciente de cette évolution, qui fragilise considérablement la barrière que constitue l’action spécifique.

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. À l’inverse de M. Dionis du Séjour, lorsque je lève la main, c’est pour défendre les amendements que j’ai déposés.

M. le président. Je vous ai toujours donné la parole. C’est simplement que je ne vous avais pas vu. On ne va pas épiloguer des heures sur un sujet aussi futile !

M. Maxime Bono. Je tenais simplement à préciser ce point.

En tant qu’amendement de repli apportant une garantie supplémentaire, cet amendement aurait pu être voté par la majorité.

On avait déjà le sentiment que l’État occuperait dans Gaz de France privatisé une position défensive : on voit bien désormais qu’elle sera résiduelle. La minorité de blocage du tiers du capital et l’action spécifique ne permettront à l’État ni d’influer sur les choix d’investissement ni d’orienter les infrastructures stratégiques. Nous ne sommes même pas certains qu’elles lui permettront de s’opposer à des cessions d’actifs ou d’activités stratégiques décidées par l’actionnariat majoritaire. C’est la raison des amendements que nous sommes en train de soutenir.

En confirmant son renoncement à peser sur la stratégie du nouveau groupe, l’État affaiblit considérablement son rôle de garant des missions de service public et des objectifs de politique énergétique. À nos yeux, seule la création d’un pôle public peut garantir dans la durée la propriété publique des infrastructures d’approvisionnement, de gaz en particulier.

Votre refus de ces amendements vient encore renforcer l’incohérence de votre politique énergétique, puisque vous l’inaugurez en abandonnant à un groupe privé l’ensemble des infrastructures lourdes qui en sont les outils, qu’il s’agisse des terminaux méthaniers, des capacités de stockage ou des réseaux de transport et de distribution.

Voilà pourquoi nous restons pour notre part partisans d’un pôle public alliant Gaz de France et EDF.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7041 à 7271.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de 22 amendements identiques, nos 114340 à 114361.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Nous proposons de supprimer l’alinéa 5 de l’article 10, qui consacre le rôle purement consultatif de la puissance publique dans GDF privatisé.

Par cet article, vous réduisez la part de l’État à la portion congrue, tout en espérant que cette participation tout à fait symbolique rassurera l’opinion par l’illusion d’une privatisation douce.

Avec un tiers des actions, l’État, minoritaire dans le nouveau conseil d’administration, ne pourra ni décider des investissements, ni orienter l’activité du nouveau groupe. Pour reprendre le mot de l’orateur précédent, il s’agit bien d’une présence résiduelle, qui n’est même plus défensive. C’était déjà le reproche formulé par les syndicats de l’entreprise, quasi unanimement opposés à ce projet. L’essentiel du pouvoir sera très logiquement dévolu aux actionnaires de l’entreprise, soumis aux impératifs d’une gestion financière.

Que l’existence même d’une minorité de blocage détenue par l’État dans le capital du nouveau groupe soit contesté en dit long sur ce que seront les rapports de force au sein de cette nouvelle entité. Vous pouvez toujours nous assurer que c’est Gaz de France qui absorbe son partenaire, et non l’inverse : l’entité qui en résultera sera bien différente, et je doute fort que la philosophie de GDF sera celle qui inspirera le nouveau groupe.

Pis : à en croire la presse de mai, l’État pourrait renoncer à cette minorité de blocage, sous la pression des actionnaires de Suez ; C’est d’ailleurs ce que prône l’un des vôtres, chantre de l’ultralibéralisme. Avec une sincérité et une cohérence qui l’honorent, il souhaite que l’État renonce à conserver 34 % du capital du nouveau groupe. C’est encore trop pour les représentants des actionnaires privés, alors même que cela ne donne à l’État aucun pouvoir dans l’entreprise en matière de décisions stratégiques – la détention de 34 % du capital ne protège même pas contre une OPA. Je tire cette dernière remarque du Revenu français, qui est loin de passer pour un défenseur des nationalisations, puisqu’il s’agit d’une publication libérale. Elle n’a pourtant pas hésité à s’inscrire en faux contre les affirmations du président Ollier à ce propos.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n’est pas vrai !

M. Jacques Desallangre. Je peux vous montrer l’article !

Le Gouvernement tente, par ces demi-mesures, de préserver l’illusion d’une maîtrise publique des choix stratégiques de l’entreprise : je pense notamment au pouvoir consultatif reconnu au commissaire du Gouvernement. C’est une illustration de la politique des petits pas.

C’est parce que nous défendons pour notre part une plus forte représentation de l’État dans le conseil d’administration de GDF que nous proposons la suppression de ce pur cache-misère qu’est l’alinéa 5 de cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Brottes. Monsieur le président, vous seriez en droit d’interdire l’alinéa 5. Je vous ai d’ailleurs connu beaucoup plus sévère car, lorsqu’un texte n’a pas de portée normative, vous avez coutume de considérer qu’il n’y a aucune raison d’en faire une loi. C’est un sujet sur lequel vous vous êtes exprimé publiquement à plusieurs reprises.

L’alinéa 5 est typiquement du registre « le cas échéant » ; comment le décrire autrement ? Il y est question de quelqu’un qu’on pourrait éventuellement désigner – on verra si on le fera –, qui aura peut-être une voix consultative, c’est-à-dire inutile, et pourra peut-être présenter des observations, selon qu’il sera bien luné ou se sera levé du bon pied. On se fiche du monde, monsieur le président ! Si vous aviez exercé votre vigilance coutumière, vous auriez conseillé au Gouvernement de ne pas déposer un alinéa qui ne comporte aucune dimension normative. « Peut désigner » – ce qui signifie qu’on verra plus tard –, « peut représenter », « peut s’exprimer », avec une voix consultative : c’est un truc qui ne sert à rien !

C’est à très juste titre que nos collègues communistes proposent de supprimer cet alinéa, n’en déplaise au président Ollier, qui affirme avec beaucoup de conviction que l’action du commissaire du Gouvernement permettra de barrer la route à ceux qui, demain, voudront faire des OPA.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je n’ai jamais dit cela, monsieur Brottes !

M. le président. Calmez-vous, monsieur Ollier !

M. François Brottes. En effet, il est seulement prévu que le commissaire du Gouvernement peut être désigné et peut avoir une voix consultative.

Il s’agit là d’une des quatre conditions que vous avez énoncées, monsieur le président. Je le répète, cette disposition ne sert à rien.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114340 à 114361.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d'amendements identiques, nos 464 à 496.

Qui défend ces amendements ?

M. François Brottes. Nous voulons tous les défendre, monsieur le président ! Il s’agit là de nos derniers amendements à l’article 10.

M. le président. Vous avez la parole.

M. François Brottes. Les amendements à l’article 10 ne sont pas si nombreux, monsieur le président, et nous serons bientôt au terme du débat sur cet article qui prévoit la privatisation de Gaz de France.

M. Novelli m’a fait savoir qu’il y a dans l’assistance des gens qui accordent beaucoup d’importance à son travail. Je tiens à être aussi attentif qu’eux au moment où nous débattons d’un amendement important.

M. le président. Que voulez-vous dire, monsieur Brottes ? Faites-vous allusion au conseil municipal de Richelieu, présent ce matin dans les tribunes ? (Sourires.)

M. François Brottes. Ce n’est pas impossible !

M. Jean Gaubert. Richelieu n’était pas un libéral, lui !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. C’est ce que vous dites !

M. François Brottes. L’engagement trahi de M. Sarkozy ouvre la voie au Monopoly prévu par M. Novelli.

Mme Marie-Anne Montchamp. Sarkozy, Novelli, Monopoly… Quelle belle formule !

M. François Brottes. En faisant passer à moins de 70 % la part de l’État, vous trahissez l’engagement qu’avait pris solennellement le premier policier de France – qui en principe veille à tout – et que nous avons été plusieurs à vous rappeler en vous faisant entendre dans l’hémicycle l’enregistrement de la voix solennelle et convaincante de M. Sarkozy.

M. Novelli a bien démontré hier qu’une minorité de blocage qui n’en est pas une ouvre la voie à une OPA. Il suffit pour s’en convaincre, monsieur le ministre, de voir ce qui se passe actuellement entre l’Allemagne et l’Espagne dans le domaine de l’électricité et du gaz, comme le rappelait tout à l’heure notre collègue Pierre Ducout. Après l’abandon d’un projet de rapprochement de Gas Natural et Endesa, le groupe allemand EON – qui a aussi, au demeurant, quelques accords avec Gazprom – lance une OPA sur Endesa Allemagne, sous le regard attentif de l’État et de la Commission européenne. Entre alors dans ce jeu de Monopoly un nouvel acteur : le groupe de BTP espagnol Acciona, qui est lui aussi en passe d’avoir une minorité de blocage – une de plus ! Que se passe-t-il quand il y a plusieurs minorités de blocage dans un groupe nouvellement constitué ? On est complètement bloqué !

M. Novelli avait raison…

M. Jean Dionis du Séjour. Enfin !

M. François Brottes. …lorsqu’il démontrait que, dès lors que la part de l’État dans une entreprise se limite à une minorité de blocage, cette entreprise est opéable, et nous le disons d’ailleurs depuis le début. Expliquez-nous donc comment on peut avancer avec deux ou trois minorités de blocage dans une même entité !

Il faut donc absolument éviter de réduire la part de l’État dans le groupe – qu’il s’agisse de GDF ou d’un GDF-Suez. Votre projet nous conduit droit dans le mur : la situation à laquelle est confronté l’État espagnol à propos d’un opérateur du domaine énergétique en est la démonstration vivante. Il faut absolument que l’État, pour contrôler le dispositif et garder un levier stratégique, reste majoritaire dans ces entreprises, c’est l’évidence même !

N’en déplaise à certains collègues de la majorité, je m’appuie pour l’affirmer sur les réflexions exposées hier par M. Méhaignerie et M. Novelli, qui considèrent tous deux qu’il y a danger. C’est précisément ce que démontre l’OPA d’EON sur Endesa.

Vous me reprocherez sans doute d’exagérer et d’annoncer prématurément le chaos, mais les exemples que je cite sont bien concrets et ne remontent pas à cinquante ans : cela se passe aujourd’hui, entre l’Espagne et l’Allemagne ! Pourquoi la France devrait-elle aller au pire si elle est consciente de ce qui l’attend ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, puisqu’il s’agit du dernier amendement que nous aurons à défendre avant que la majorité ne décide l’irréparable, chacun d’entre nous s’efforcera de faire valoir des arguments pour le défendre.

Même s’il paraît quelque peu dérisoire, cet amendement est symbolique. François Brottes a démontré tout à l’heure que, telle qu’elle s’exprime dans l’alinéa 5, la volonté de l’État quant à sa participation dans l’entreprise est très floue.

C’est ce que nous nous efforçons de démontrer depuis le début de notre débat en dénonçant la manière dont vous constituez un nouveau groupe. Le ministre a beau protester de ses bonnes intentions, ce qui est écrit dans votre texte s’applique expressément à Gaz de France. Si le nouveau groupe que vous mettez en place ne s’appelle plus Gaz de France, en quoi sera-t-il visé par cette loi ? Ce que vous mettez en place est donc extrêmement grave.

Depuis quatre ans et demi, nous avons souvent été amenés à dénoncer les lois que vous proposiez, car nous étions opposés à des mesures telles que la remise en cause des services publics ou des acquis sociaux. Aujourd’hui, vous remettez en cause ce qui est notre patrimoine depuis une soixantaine d’années. Sur un sujet qui, comme les questions de défense nationale, a toujours suscité des convergences entre la droite et la gauche soucieuses de préserver le domaine public et le patrimoine de la nation, vous vous inscrivez aujourd’hui en rupture. Le terme est, il est vrai, en cohérence avec le programme affiché par celui qui, parmi vous, se présente en présidentiable, mais je vous engage tout de même à prendre garde : vous êtes réellement en rupture avec soixante ans d’histoire. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’un patrimoine : c’est aussi la seule façon pour notre nation de peser sur dans le domaine énergétique et d’influencer une stratégie industrielle qui se révélera fondamentale dans les années à venir.

Nous savons bien en effet – et nous l’avons souvent répété au rapporteur – que c’est le rapport entre notre pays et l’Europe qui est en train de se jouer. En vous couchant devant la Commission européenne comme vous êtes sur le point de le faire en adoptant cet article… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pèse mes mots, mes chers collègues, car je voudrais que vous ayez conscience de la gravité de ce que vous allez voter. Cet article assure une pleine conformité aux exigences d’une Commission européenne qui n’a de cesse d’introduire sur le territoire européen le jeu de la concurrence et du libéralisme.

Il existe pourtant une autre conception de l’Europe, qui d’ailleurs n’oppose pas nécessairement les socialistes et la droite. Fondée sur notre histoire, elle consiste à assurer la maîtrise de notre énergie, de notre défense et de tous les domaines stratégiques pour notre pays et pour la future communauté européenne.

Mes chers collègues, nous connaissons votre trouble et savons – car ils l’ont dit et redit – que beaucoup d’entre vous, au sein de l’UMP ont été longs à convaincre de se ranger à ce projet. Essayez de vous ressaisir et, le moment venu, ne votez pas cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Sans doute y aura-t-il encore, monsieur le président, quelques amendements sur lesquels nous nous exprimerons, mais celui-ci me semble revêtir une importance particulière car, comme le soulignait Pierre Cohen, il s’agit du dernier de ceux que nous avons déposés sur l’article 10.

Beaucoup de choses ont déjà été dites et nous ne sommes pas certains de vous avoir convaincus,…

Mme Marie-Anne Montchamp. Vous êtes observateur !

M. Jean Gaubert. …même si – j’y reviendrai – il semble qu’un voile ait été jeté pour éviter que l’on ne comprenne ce qui se passe.

La dénationalisation de Gaz de France – car c’est bien de cela qu’il s’agit – est-elle destinée à permettre la constitution d’un groupe de plus grande taille ? Depuis quatre semaines que nous en débattons, nous n’entendons que des rumeurs sur ce que Gaz de France et Suez devront abandonner pour constituer ce groupe. Personne n’a aujourd’hui de certitude quant au périmètre de ce groupe, à supposer qu’il voie le jour. Sera-t-il en mesure d’investir davantage, comme le prétendent les grands discours que nous avons entendus ?

L’importante capacité d’investissement dont dispose aujourd’hui Gaz de France servira malheureusement d’abord à servir les actionnaires de Suez. En effet, la base d’échange d’une action Suez pour une action GDF imposera à GDF de déstocker de la trésorerie pour payer la différence aux actionnaires de Suez – car ce n’est pas l’État qui va payer ! Elle servira aussi à partager la dette de Suez, et sans doute aussi à faire des provisions pour le démantèlement du nucléaire en Belgique. Voilà les investissements qui seront nécessaires si cette fusion se fait. Ne nous parlez donc pas d’investissements nouveaux ! Une entreprise qui a une capacité d’investissement va servir de cagnotte pour assainir la situation d’une entreprise privée.

Il s’agissait d’abord – vous l’avez dit dès le début et avez essayé de le cacher depuis – de sauver Suez d’une OPA supposée de ENEL, pour laquelle d’ailleurs aucun projet n’a été déposé. Vous avez ainsi pu ouvrir la voie à une OPA lancée par d’autres opérateurs. On sait bien, et la situation de l’Espagne, évoquée tout à l’heure, le montre clairement, qu’il ne suffit pas d’une minorité de blocage de 33 % ou 34 % et d’une golden share, ou action spécifique, dont nous voyons diminuer l’importance au fil du débat. Chacun sait qu’il s’agit là aussi d’un voile – j’ai employé hier le terme de cache-sexe, qui me semble convenir.

L’analyse de M. Novelli concorde avec la nôtre : il sait que ça ne sert à rien. Il en tire, au demeurant, des conséquences différentes des nôtres : alors que nous considérons que la part de l’État doit rester supérieure à 50 %, M. Novelli considère que, puisque la minorité de blocage est inutile, l’État doit se désengager complètement, ou presque, de l’entreprise.

En tout état de cause, la situation que vous nous proposez est mauvaise et beaucoup de députés sur les bancs de l’UMP le savent. Tout à l’heure encore, lorsque nous proposions de consolider l’action spécifique, vous avez refusé au motif que la Commission européenne le refuserait. Si donc la Commission européenne refuse réellement que l’action spécifique ait la moindre utilité, mieux vaut le dire et arrêter de nous mener en bateau.

La fusion aura tout de même quelques avantages. Dimanche soir en effet, M. Breton a expliqué à la télévision que c’était une chance formidable pour les consommateurs français, qui pourraient enfin payer le gaz, l’électricité et l’eau au même opérateur. En somme, vous avez trouvé la solution pour attaquer EDF, qui va rester une entreprise publique pour quelques mois encore si vous restez au pouvoir, et qui le restera beaucoup plus – au moins cinq ans – si c’est nous : …

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Ne rêvez pas !

M. Jean Gaubert. …vous allez créer un groupe qui proposera à nos concitoyens…

M. le président. Monsieur Gaubert, veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, je ne me suis pas beaucoup exprimé ce matin. J’ai d’ailleurs presque fini.

M. le président. J’ai l’intention de donner cinq minutes à chaque groupe politique juste avant le vote sur l’article 10. En attendant, mes chers collègues, je vous invite à la brièveté dans la défense de vos amendements.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, à la lecture du compte rendu intégral de nos débats, que je consulte régulièrement, il me semble que je suis plutôt moins long que d’autres !

M. le président. Vous êtes certainement moins long que certains, monsieur Gaubert, mais le compte rendu intégral témoigne, si vous le lisez bien, que vous êtes aussi beaucoup plus long que d’autres.

M. Jean Gaubert. Revenons au problème que j’évoquais, et qui mérite notre attention. Le seul avantage de la constitution de ce groupe sera en effet qu’il permettra de cogner sur ce qu’il nous restera de service public : EDF.

Le premier élément en ce sens, je le rappelle, sera la possibilité, déniée à EDF, de fournir des services combinés. Le deuxième est le démantèlement du service commun. Celui-ci en effet, nous l’avons répété à diverses reprises, ne résistera pas à cette fusion, car Suez a déjà des équipes sur le terrain et, en bon gestionnaire, commencera par les utiliser. Dernier élément : le démantèlement des concessions, car un groupe privé ne pourra pas – et la position du Conseil constitutionnel à cet égard a été rappelée – être titulaire des concessions de gaz sans mise en concurrence. Vous le savez bien et, dans quelques années, tous nos concitoyens le sauront.

M. le président. Tous les orateurs du groupe socialiste veulent-ils vraiment s’exprimer ? Si c’est le cas, est-ce bien la peine de vous donner en outre cinq minutes à la fin du débat sur cet amendement ?

M. Christian Bataille. C’est notre dernier amendement sur l’article, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Bataille, vous êtes aussi présent que M. Gaubert.

M. Christian Bataille. Et aussi bref !

M. le président. Ça, ce n’est pas sûr !

M. Christian Bataille. Je vais vous le démontrer à l’instant.

M. le président. Vous avez la parole.

M. Christian Bataille. La maîtrise par l’État des grandes entreprises énergétiques, dont Gaz de France, donne à la France des atouts et des résultats. J’observe que les pays où les résultats sont les plus désastreux en termes de lutte contre l’effet de serre sont ceux dans lesquels la politique de l’énergie n’est pas encadrée et se développe de manière anarchique, conformément d’ailleurs aux principes du libéralisme.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous êtes loin des amendements !

M. Christian Bataille. Ainsi, les États-unis émettent plus de cinq tonnes de carbone par habitant, le Canada et l’Australie presque cinq tonnes ; même l’Allemagne, le Japon et Le Royaume-Uni ont des taux beaucoup plus élevés que la France, exemplaire avec 1,5 tonne par habitant, soit presque aussi peu que la Suisse ou la Suède, qui bénéficient pourtant de conditions climatiques favorables et de l’hydroélectricité. Je ne crains pas d’affirmer que c’est bien le fait qu’il y ait une maîtrise des outils énergétiques par la nation qui permet d’aboutir facilement à ce résultat.

Je veux redire au ministre délégué à l’industrie combien je suis inquiet désormais pour les programmes de recherche. Nous avons parlé du charbon propre, mais il y a aussi les programmes sur la séquestration du CO2, sur les biocarburants de deuxième génération, sur les réacteurs de quatrième génération, sur l’hydrogène et sur les piles à combustible. L’État va-t-il maintenir le pied au plancher sur ces programmes ou bien s’en remettre aux nouvelles entreprises privées de type GDF-Suez ? S’il s’en remettait à celles-ci, cela ne pourrait qu’affaiblir tous ces programmes.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Je ne crois pas, vu la passivité de nos collègues de la majorité, qu’au cours de la discussion sur l’article 10, nous ayons ébranlé leurs certitudes. Mais je suis sûre que nous avons ébranlé nos concitoyens. (« Ils sont tous dans la rue ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils savent aujourd’hui que cette privatisation de Gaz de France nous entraîne dans des incertitudes concernant les tarifs, les concessions et, plus généralement, la politique énergétique de la France, ce qui risque de les mettre en difficulté. Tout au long de ces journées, nous vous avons démontré à quel point il était urgent de voter contre cet article 10.

J’ai un grand regret : celui de ne pas avoir entendu ici M. Nicolas Sarkozy,…

M. Christophe Masse. C’est vrai !

Mme Geneviève Gaillard. …de ne pas avoir entendu M. Méhaignerie, à qui nous avions pourtant demandé de venir, de ne pas avoir entendu MM. Gonnot, Daubresse et Paillé. Par contre, je tire un coup de chapeau à M. Couanau et à M. Lellouche, qui sont venus exprimer leurs réserves concernant la privatisation de Gaz de France, et l’avenir leur donnera certainement raison, comme à nous.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Avec cette dernière série d’amendements que nous présentons sur l’article 10, nous aurions aimé que le Gouvernement et notre assemblée fassent preuve de plus de volontarisme s’ils veulent réellement défendre l’intérêt énergétique de notre pays. Projetons-nous dans le jour d’après , car les choses peuvent évoluer très rapidement. Si, par malheur – je parle exclusivement des secteurs de l’énergie parce que je suis un bon démocrate –, votre majorité est toujours en place après les échéances de 2007, tout porte à croire que la part de l’État descendrait en dessous de 33 %, seuil de la minorité de blocage. Dès lors, il n’y aurait plus aucune garantie, même en ce qui concerne les infrastructures d’intérêt général que sont les réseaux. Nos amendements concernent en particulier les sociétés issues de la séparation juridique imposée à Gaz de France, notamment dans les réseaux, secteur où il est clair qu’il faut au minimum imposer la présence d’un commissaire du Gouvernement pour montrer notre volonté de défendre l’intérêt général.

En matière d’énergie, il y a des réalités économiques et stratégiques, et votre idéologie ne peut masquer le fait que le gaz – M. le ministre l’a bien rappelé – dépend de sociétés d’États autoritaires. En fonction de cela, les prix, quelle que soit la prétendue concurrence sur un marché libre européen, sont susceptibles d’augmenter si l’on n’essaie pas, au minimum en France et peut-être avec l’Espagne, où le gouvernement de M. Zapatero s’efforce de sauvegarder les intérêts de ses concitoyens, de garder des instruments de négociation, notamment avec la Russie et l’Iran. Compte tenu de ces arguments, vous n’avez, dans les conditions actuelles, aucune justification pour privatiser GDF. L’opération que vous menez est une opération exclusivement politicienne qui ne sert que l’intérêt des actionnaires de Suez, intérêt sur lequel nous voudrions avoir des détails.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le cardinal de Richelieu disait que la politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Nous en sommes à la quatrième semaine de débats ; nous écoutons avec beaucoup d’attention les arguments défendus par les parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition,…

M. Pierre Cohen. Il n’y en a pas eu dans la majorité !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. …et finalement, bien que la commission ait émis un avis défavorable, j’en viens à être tellement pénétré par vos arguments qu’à titre personnel je propose à l’Assemblée d’adopter ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. J’ai été abondamment cité ce matin par beaucoup de collègues, surtout du côté gauche de l’hémicycle, et je voudrais clarifier les choses pour que le public qui nous écoute dans les tribunes ne pense pas que je suis soudainement devenu membre du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. Le risque est limité !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Je pense qu’il n’y a pas d’ambiguïté, mais je voulais tout de même le préciser ! (Mêmes mouvements.) Bien évidemment, contrairement à vous, je voterai l’article 10, pour deux raisons.

La première, c’est que, même si vous affectez de considérer comme négligeable l’action spécifique, celle-ci a joué un rôle dans le droit français : elle a été créée par la loi de privatisation de 1986 et un décret d’application donne au ministre de l’économie certaines prérogatives concernant la composition du capital de l’entreprise concernée, puisqu’il peut faire siéger au conseil d’administration des représentants de l’État et s’opposer à toute cession d’actifs. L’action spécifique est donc une action qui donne beaucoup de pouvoirs.

La seconde, c’est que l’alinéa 5 de l’article 10 prévoit déjà que l’État peut désigner des représentants. Mais le rapporteur au fond a raison et, si ces amendements apaisent toutes vos craintes, nous pouvons les accepter et remplacer les mots : « peut désigner », par le mot : « désigne », ce qui fait une obligation d’une possibilité. Ayant reçu satisfaction, je pense que vous n’aurez plus de difficultés pour voter l’article 10. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je suis également favorable à ces amendements, pour ne pas laisser planer le moindre doute sur la volonté du Gouvernement d’appliquer sa politique.

M. François Brottes. Je voudrais répondre au ministre, monsieur le président.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais il est favorable à vos amendements !

M. François Brottes. Je voudrais faire un commentaire à ce sujet. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Schreiner. Quel moulin à paroles !

M. le président. Commentez rapidement, monsieur Brottes, mais ne faites pas regretter au Gouvernement et aux rapporteurs leur beau geste.

M. François Brottes. Nous avons dénoncé le manque de contenu normatif de l’alinéa 5. Avec nos amendements, nous évitons au Gouvernement d’être totalement ridicule. C’est un service que nous lui rendons, mais ça ne nous arrivera qu’une fois ! Désormais, L’État va désigner un représentant, mais il n’empêche que celui-ci n’aura toujours que voix consultative et ne pourra, le cas échéant, que présenter des remarques. L’adoption de nos amendements n’enlève donc rien aux remarques que je faisais précédemment sur le fait que ce commissaire du Gouvernement ne sert pas à grand-chose.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur et M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous allons finir par voter contre !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 464 à 496.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114362 à 114383.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour les soutenir.

M. Jacques Desallangre. Nous ne nous satisfaisons pas de ce qui vient d’être voté. Pour notre part, nous souhaitons insérer, après l’alinéa 5 de l’article 10, un nouvel alinéa précisant que « le conseil d’administration ou de surveillance de Gaz de France, ou de toute entité venant aux droits et obligations de Gaz de France, comporte trois représentants de l’État, nommés par décret, et trois représentants des salariés, élus selon les modalités définies par la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ».

Nous souhaitons en effet que l’État et les salariés conservent un contrôle direct sur l’entreprise. Vous avez, dès le début, axé l’information relative à Suez sur l'engagement de l'État, assuré par une minorité de blocage dont nous avons dit qu’elle ne garantirait aucune défense efficace contre les désastres qui nous attendent. Cette disposition ne permet en tout cas aucun contrôle sur les orientations stratégiques et industrielles de l’entreprise.

Nous estimons, nous, que les personnes qui sont au cœur du processus de production et qui connaissent bien le secteur gazier, doivent prendre toute leur part aux décisions de l’entreprise. De même, les représentants de l’État et de l’intérêt national doivent continuer à peser réellement dans son conseil d'administration. En réduisant leur nombre, vous accélérez au contraire la fuite en avant et la mainmise du privé sur des intérêts collectifs essentiels. Comme nous l’avons dit lors de nos interventions précédentes, l'énergie est une ressource vitale, un bien commun de l'humanité dont nul ne peut se passer. À ce titre, elle suppose à nos yeux une maîtrise publique et collective. Nous sommes donc résolument opposés à cet abandon d’un bien commun et d'un instrument efficace, au cœur des défis énergétiques.

Ce que vous organisez, c’est la perte de pouvoir de l'État sur la politique gazière du pays. Pour tenter de limiter les conséquences désastreuses de choix uniquement dictés par la loi du profit, nous demandons cette modification de la représentation de l’État et des salariés dans le conseil d’administration de GDF. Les seconds doivent être d’autant plus présents que nous nous interrogeons sur les conséquences de la fusion pour l’emploi dans les filiales de GDF et de Suez, comme Elyo ou la Cofathec. Je ne citerai qu’un seul chiffre, suffisamment éloquent : en dix ans, les différentes fusions ou acquisitions dans le secteur de l'énergie en Europe ont abouti à la suppression de 200 000 emplois. Dernièrement, le rachat de la SNET par le groupe espagnol Endesa s'est soldé par la suppression de 30 % des emplois.

Voilà qui justifie de manière probante, ce me semble, nos amendements.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements nos 114362 à 114383.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle les amendements identiques nos 114384 à 114405.

M. Jacques Desallangre. Ils sont défendus.

M. le président. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les amendements identiques nos 137196 à 137217 sont-ils défendus ?

M. Jacques Desallangre. Oui, monsieur le président.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont également défavorables à ces amendements, que je mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Avant de procéder au vote sur l’article 10, je vais, comme je l’ai annoncé, donner cinq minutes à chaque porte-parole des groupes, afin que ceux-ci expriment leur point de vue.

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. L’article 10, et je pèse mes mots, est l’article de la honte, du reniement et de l’inconscience ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oh !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Que de grands mots !

M. Christian Bataille. Non ! C’est un article scélérat !

M. François Brottes. L’article de la honte, parce qu’en préparant la privatisation de Gaz de France, l’État renonce pour longtemps à conserver les moyens de défendre sérieusement et efficacement l’intérêt stratégique national. Ce revirement très grave par rapport à l’un des fondements de notre République, et notamment à la loi de 1946, justifie assurément le terme que j’ai employé.

Cet article est aussi celui du reniement : c’est une évidence qu’il faut rappeler. En 2004, M. Sarkozy, numéro deux du Gouvernement, s’était solennellement engagé dans cet hémicycle – pas dans un salon de thé ! – à ce que la part de l’État ne descende pas sous la barre des 70 % du capital, pour GDF comme pour EDF. On voit aujourd’hui ce qui reste de cet engagement, avec la proposition de descendre jusqu’à environ 30 % – encore ce niveau ne concerne-t-il que GDF, et nous n’avons aucune garantie quant à la future entité résultant de la fusion avec Suez.

C’est enfin l’article de l’inconscience, pour ne pas dire de l’inconséquence. D’après le ministre et le président de la commission des affaires économiques, la France préserverait sa capacité d’action grâce à la minorité de blocage, à l’action spécifique et à la présence d’un commissaire du Gouvernement au conseil d’administration du futur groupe. Soit vous êtes naïfs, soit vous êtes incompétents. Je remercie M. Loos et M. Novelli de nous avoir permis de montrer ce qu’il en était à cet égard. La minorité de blocage, je le répète après MM. Novelli, Méhaignerie, Lellouche et bien d’autres, ne sert à rien. Elle ne permettra pas d’éviter une éventuelle OPA, comme le montre ce qui se passe en Espagne. Elle n’empêchera pas non plus – M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie s’est refusé à nous répondre sur ce point – la mise en œuvre de stock-options qui dilueront la part de capital de l’État.

Pour ce qui concerne l’action spécifique, nous ne savons pas encore sur quoi elle portera précisément, monsieur le ministre, puisque vous n’avez toujours pas répondu à M. McCreevy. Ce dernier, je le rappelle, a également indiqué que l’Europe n’appréciait pas les actions spécifiques, les jugeant contraires au traité de Rome. Aux imprécisions s’ajoutent ainsi les réserves fortes de la Commission européenne.

Quant au commissaire du Gouvernement, même si vous avez accepté notre amendement qui visait à rendre obligatoire sa désignation, il n’aura qu’une voix consultative – on ne sera donc pas tenu de suivre son avis –, et seulement la possibilité, non l’obligation, de formuler des remarques. Encore une disposition inutile, donc.

Bref, contrairement à ce que vous prétendez, ni la minorité de blocage, ni l’action spécifique, ni le commissaire du Gouvernement ne constituent des remparts pour la défense des intérêts stratégiques de l’État. Les seuls remparts, la seule muraille qui préserve une capacité d’action pour l’État, c’est de rester majoritaire au sein du capital de Gaz de France !

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. François Brottes. Telle est la raison essentielle de notre opposition à la privatisation.

J’ajoute que la future opération de fusion est envisagée dans le flou le plus total. Vous êtes incapable de nous dire, monsieur le ministre, – et c’est bien normal – quelles seront les exigences que la Commission européenne formulera autour du 17 novembre prochain. Il est scandaleux de nous demander de voter ce texte avant de les connaître. Vous ne pouvez pas davantage nous indiquer quelles seront les exigences des actionnaires de Suez en ce qui concerne la parité de l’action avec GDF.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas l’objet du texte !

M. François Brottes. Nous ne savons donc pas si les actionnaires seront d’accord avec cette opération ! Vous allez même jusqu’à nous dire, comme le répètent certains collègues sur les bancs de la majorité, que ce n’est pas l’objet du texte.

M. Jean-Pierre Gorges. Exactement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Brottes, veuillez conclure.

M. François Brottes. De qui se moque-t-on ? Dans l’exposé des motifs du projet et dans le rapport de M. Lenoir, il est explicitement précisé que l’article 10 est le préalable à la fusion de GDF avec Suez. C’est donc bien l’objet du texte !

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas sur cette question que nous votons ! (Mêmes mouvements.)

M. François Brottes. Ce qui est inconséquent et inadmissible, c’est que le Gouvernement demande un chèque en blanc à la représentation nationale !

M. le président. Merci, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 10 et la privatisation de Gaz de France. Nous voulons que l’État garde un levier d’action stratégique pour notre pays et l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Sur le vote de l'article 10, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Nous voterons bien entendu contre l’article de la privatisation, de l’abandon et du reniement. J’aimerais rappeler combien les arguments avancés pour le justifier sont fallacieux.

On nous a dit que GDF était un acteur de taille moyenne sur le marché mondial, incapable d’affronter la concurrence, et qu’il avait besoin de s’allier à Suez pour poursuivre ses missions de service public : un comble ! Quelques rappels s’imposent : GDF est l’une des plus importantes compagnies gazières au monde, une structure intégrée de l’amont à l’aval de la chaîne gazière, qui possède une dizaine de plateformes off shore et terrestres de production de gaz ; deux terminaux méthaniers,  ce qui en fait le deuxième opérateur européen pour le gaz naturel liquéfié ; quatre navires méthaniers ; 31 365 kilomètres de canalisations de transport, soit le premier réseau de transport européen ; 174 540 kilomètres de réseau de distribution de gaz : premier réseau en Europe ; 13 sites de stockage souterrain ; 10 milliards de mètres cube de gaz ; 45 stations de compression de gaz ; une compagnie, enfin, qui dessert 12,5 millions de clients ou d’usagers, ce qui en fait le premier fournisseur de gaz en Europe.

En outre, la santé financière de Gaz de France n’est pas menacée. Deuxième entreprise européenne la moins endettée dans le secteur énergétique, ses bénéfices et son chiffre d'affaires sont en hausse : elle a battu en 2005 le record historique de son bénéfice net, avec une hausse de 29 % qui le porte à 1,75 milliards d'euros et annoncé qu'elle visait en 2006 un bénéfice net supérieur à 2 milliards d'euros. Le groupe projette en outre un investissement de 1,5 milliard dans les gazoducs européens. Autre indice de sa bonne santé financière : le versement des dividendes par action, en hausse – excusez du peu – de 48 % par rapport à 2004.

Difficile, au regard de ces données, de penser que GDF n'est pas à même de se positionner sur le marché gazier ! Il a au contraire les moyens d'en être un véritable acteur.

Difficile aussi de croire à la justification que vous avez tenté de faire valoir pour fonder votre projet de fusion capitalistique. Tout porte à croire que l’argument n'était que de circonstance, destiné à vaincre les réticences des parlementaires opposés au projet de fusion et soucieux de défendre l'intérêt national.

J’exprimerai pour finir un seul regret : qu’il ne soit pas possible, aujourd’hui, d’unir EDF et GDF, de manière à constituer un véritable champion national de l’énergie. Cette union n’a malheureusement pas été réalisée lorsqu’il existait une majorité politique pour le faire. Mais cela ne nous empêchera pas de manifester aujourd’hui notre opposition résolue et sans concession au projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Le choix de ramener à 34 % la participation de l’État dans le capital de GDF s’explique par le projet de fusion avec Suez, lequel est le projet d’un homme, M. Gérard Mestrallet.

M. Jacques Desallangre. Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe Suez fonctionne bien, avec des pôles environnement et énergie qui gagnent de l’argent, mais il a une faiblesse : son capital est émietté à plus de 70 %. Il lui manque un actionnaire stable qu’il va donc chercher à GDF. Rien à dire, donc, en ce qui le concerne ! Je salue même l’habileté de quelqu’un dont le groupe se fait absorber et qui devient numéro un (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), …

M. François Brottes. C’est cocasse !

M. Jean Dionis du Séjour. …même si, à long terme, l’union de l’énergie et de l’environnement au sein d’un même groupe est de plus en plus contestée, après avoir été en vogue dans les années quatre-vingt-dix.

Le projet est-il bon pour GDF ? Une synergie existe avec le pôle gazier et Electrabel, l’électricien de Suez, mais la note de Bruxelles est salée : Distrigaz cédé, les 25 % de GDF dans SPE cédés, 50 térawattheures de gaz cédés. Cette synergie est ainsi amoindrie, comme elle le sera lorsqu’il faudra compenser l’écart des cours entre les actions de Suez et de GDF, qui est aujourd’hui de trois à quatre euros : GDF devra débourser quatre milliards sous forme d’action ou en cash pour permettre la fusion.

Mais il y plus grave : que diable va faire l’État français dans la galère d’un groupe présent à la fois dans les secteurs de l’environnement et de l’énergie ? Cela ne répond à aucune visée stratégique.

Nous pensons au contraire que l’État commet une grave erreur en lâchant comme il le fait un levier essentiel de sa politique énergétique. Renoncer à la majorité dans le capital de GDF, c’est perdre la main sur une énergie stratégique. Le gaz, c’est en effet 20 % – bientôt 40 % – de la consommation énergétique en Europe, c’est compatible avec l’environnement, avec un bon bilan de CO2, c’est adapté aux pics de consommation, autant d’éléments qui devraient inciter l’État à maintenir son pilotage, surtout en cette période de fortes turbulences dans le secteur énergétique.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDF votera contre l’article 10.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Nous nous apprêtons à voter sur l’article 10, mais il n’y a pas que l’article 10 dans la loi, et nous serons forcément amenés à nous exprimer de nouveau sur l’ensemble de la loi, au moment du vote final.

M. François Brottes. Mais l’article 10 est fondamental !

M. Serge Poignant. Je voudrais d’ores et déjà dire à mes collègues de l’opposition que parler de caricature et d’exagération, employer des mots tels que « honte » décrédibilise leurs arguments.

Mme Marie-Anne Montchamp. Bien sûr !

Plusieurs députés socialistes. Mais c’est la vérité !

M. Serge Poignant. Vous parlez de reniement. Nous disons, nous, qu’il faut tenir compte des évolutions récentes et des concentrations qui se sont produites ces deux dernières années. Nous ne voulons pas de l’immobilisme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Strauss-Kahn, à qui on avait rappelé ses écrits de naguère, a déclaré à la tribune, lors de la discussion générale, que, même s’il s’opposait au projet de loi, il persistait à considérer que la sacro-sainte barrière des 50 % de capital public devait pouvoir être discutée et qu’il ne fallait pas en faire un tabou. Il a même visé EDF.

M. François Brottes. Il n’a pas dit ça !

M. Serge Poignant. En tout cas, il l’a écrit ! Cela devrait vous ramener à plus de raison dans le choix de vos arguments.

Vous criez au scandale concernant l’abaissement à 34 % de la part de l’État dans le capital.

Plusieurs députés socialistes. Oui !

M. Serge Poignant. Et vous défendez un projet EDF-GDF mais sans être d’accord entre vous sur ses modalités. Le parti communiste refuse le marché et se prononce pour une solution étatique à 100%.

M. Jacques Desallangre. Vous caricaturez !

M. Serge Poignant. Daniel Paul l’a dit ici même. Les socialistes, quant à eux, évoquent un simple rapprochement. Mes chers collègues, nous tenons autant que vous à protéger nos centrales nucléaires et notre approvisionnement en électricité, mais vous savez parfaitement que les compensations exigées par Bruxelles pour une fusion avec Suez ou un rapprochement entre EDF et GDF seront les mêmes.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas vrai !

M. Serge Poignant. Vous accusez aussi la majorité de ne pas s’être exprimée. Mais nous nous sommes exprimés lors de la discussion générale et, auparavant, c’est nous qui avons lancé et nourri le débat en juin, en juillet et en août, en demandant même un rapport d’étape, que la commission a produit le 26 juillet, ce dont je remercie le président Ollier, tout comme je remercie le Gouvernement d’avoir permis que le débat ait lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certes, nous n’avons pas voulu multiplier les mêmes réponses aux mêmes questions, cent fois posées et reposées, mais je rends hommage au Gouvernement pour la patience avec laquelle, contrairement à ce que vous dites, monsieur Brottes, il a répondu en détail, quand il le pouvait, à toutes celles qui lui étaient adressées.

Je rappelle également que la majorité a demandé que soient posées des conditions à l’abaissement de la part de l’État à 34 % du capital. Je pense notamment à la golden share qui s’applique à tous les domaines stratégiques de notre énergie et qui est inscrite dans la loi.

M. Pierre Cohen. Chèque en blanc !

M. Serge Poignant. Cessez donc de dire que nous trompons les Français. C’est vous qui les trompez en ne voulant pas admettre la validité de ces conditions.

Les contrats de service public sont aussi inscrits dans la loi et s’appliqueront quelle que soit la manière dont évolue le statut de l’entreprise ; c’est une spécificité française à laquelle nous sommes très attachés, comme nous sommes attachés aux 80 % de contrats à long terme.

Malgré ses différences d’expression, que nous n’avons jamais cachées, le groupe UMP votera majoritairement l’article 10, car nous voulons donner à GDF les moyens d’évoluer dans le monde d’aujourd’hui et d’adhérer au projet qui doit suivre, celui-là ou un autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. C’est aux actionnaires que vous donnez des moyens ! Vous n’avez même pas le courage de vos opinions !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous voilà arrivés au terme de l’analyse de ce fameux article 10. Avant que les uns et les autres ne prennent leur décision et votent en leur âme et conscience (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), je tiens à vous dire que le Gouvernement se félicite de la qualité des débats, même s’ils ont été longs – nous en sommes à la quatrième semaine – et s’ils ne sont pas encore achevés. Le Premier ministre souhaitait que chacun puisse s’exprimer comme il l’entendait, ce qui fut le cas. Je rends hommage à cette démarche républicaine qui honore le Parlement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) et celles et ceux qui ont voulu faire en sorte que nos concitoyens soit éclairés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Christian Bataille. On aura droit à une image !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous avez pu largement exposer vos arguments, à l’Assemblée ou, pour certains, au-dehors. Vous disposez donc aujourd’hui de tous les éléments pour prendre votre décision et répondre à cette question que vous pose le Gouvernement : veut-on, oui ou non, donner à Gaz de France, compte tenu des évolutions majeures auxquelles nous sommes confrontés, en particulier depuis 2004, les moyens d’aller de l’avant, de nouer une alliance lui permettant de devenir un grand groupe et de se battre à armes égales avec ses concurrents ?

M. André Chassaigne. C’est un raccourci un peu facile.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous avons longuement débattu des conditions et de la portée de cette évolution. Le vote qui va avoir lieu consacrera cette discussion, et je tenais dès à présent, même s’ils ne sont pas achevés, à remercier le Parlement pour la qualité des débats.

M. le président. Le scrutin ayant été précédemment annoncé, je considère que vous avez regagné vos places.

Je mets aux voix l’article 10.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté (applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous n’avons pas encore terminé l’examen du texte, mais nous avons franchi un cap, puisque l’article 10, l’article principal, vient d’être voté par la majorité UMP.

Après l’intervention de M. Thierry Breton, qui s’est félicité de la qualité des débats, il apparaît que le procès en obstruction que nous intentaient le Gouvernement et la majorité, à cause du trop grand nombre d’amendements que nous aurions déposés, était un faux procès. C’était un procès d’intention ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Laurent Wauquiez. Quel Tartuffe !

M. Jean-Marc Ayrault. Sur le fond, ce débat nous a permis de montrer qu’une autre option existait. Nous pensons, nous, que l’intérêt national commandait de ne pas engager la France dans cette aventure de la privatisation de Gaz de France et qu’une autre solution consistait à constituer autour d’EDF et de GDF un pôle public de l’énergie. Nous persistons et nous signons. Notre bataille n’est pas finie, car il reste d’autres articles à examiner. Nous continuerons donc à nous battre contre ce que vous avez entrepris contre l’intérêt du pays.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, je profite de ce rappel au règlement pour porter à la connaissance de nos collègues la lettre que les confédérations CGT, CGC, CFTC et FO, viennent d’adresser à M. le Président de la République. En lui rappelant qu’il est le garant des intérêts de la nation et des citoyens, ces organisations syndicales lui demandent de prendre en compte le succès reconnu de la politique énergétique de la France, initiée depuis soixante ans, qui permet de mesurer la performance de notre système énergétique et de ses deux piliers que sont Gaz de France et EDF.

Elles ajoutent que le débat sur l’avenir des outils de notre politique énergétique doit avoir lieu dans le plus total respect des institutions de la République et la plus grande transparence vis-à-vis des citoyens.

Elles indiquent au chef de l’État que les engagements pris lors du Conseil des ministres du 19 mai 2004, quand il a déclaré qu’EDF et GDF étaient de grands services publics et qu’elles le resteraient – ce qui signifiait qu’elles ne seraient pas privatisées –, sont toujours d’actualité.

Elles demandent solennellement au chef de l’État de préserver le rôle de la puissance publique dans un secteur aussi stratégique que celui de l’énergie et de refuser la privatisation de Gaz de France.

Elles déclarent vouloir croire que le chef de l’État se fera un devoir de défendre les spécificités du modèle énergétique français, en considérant que ce modèle est non un handicap, mais au contraire un atout pour l’Europe et pour ses citoyens.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 10.

Après l’article 10

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114784 à 114805.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix ces amendements par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114428 à 114449.

M. Jacques Desallangre. Ils sont défendus.

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?…

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114450 à 114471.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements proposent que le Gouvernement saisisse la Cour de justice des Communautés européennes afin de déterminer si la garantie de l’État impliquée par le statut d’établissement public contrevient à une norme européenne, et que l’examen du présent projet de loi soit suspendu jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée.

Beaucoup de choses contradictoires ont été dites sur la question de la garantie illimitée de l'État liée au statut d'EPIC d'EDF et de GDF, notamment lors de leur changement de statut en sociétés anonymes. Les commissaires européens chargés, d'une part, du droit de la concurrence et, d'autre part, du secteur énergétique, se sont eux-mêmes contredits. Nous proposons donc au Gouvernement de saisir la Cour de justice afin de déterminer si l'interprétation du droit communautaire par la Commission est effectivement fondée.

Le traité sur l'Union européenne ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il est ainsi tout à fait défendable, même si la direction d'EDF le conteste, que les deux tiers du chiffre d'affaires de l’entreprise soient réalisés sur notre territoire national, en conformité avec les exigences européennes concernant les abus de position dominante.

Ce que pourrait contester la Commission, c'est la garantie illimitée de l'État que lui conférerait son statut d'EPIC. Mais l’État pourrait prendre des engagements solennels en la matière. Surtout, il pourrait contester cette interprétation auprès des institutions européennes – d'autant que la Commission, qui, théoriquement. n'accepte pas la garantie de l’État, la reconnaît bien souvent dans les faits quand celui-ci vient au secours de grands groupes qu'il n'est évidemment pas question de laisser sans soutien. Tel est le cas d'Alstom, entreprise pour laquelle le Gouvernement n'a pas accepté d'emblée, et à juste titre, les demandes de la Commission. La Commission n'a pas non plus contesté l'intervention de l'État en Grande-Bretagne quand il s'est agi de sauver British Energy ou les chemins de fer.

Si la Commission accepte que l'État français intervienne financièrement dans le cas d'Alstom – ce qui, je le répète, nous paraît pleinement justifié –, elle manquerait singulièrement de cohérence en remettant en cause aujourd'hui le statut d'EDF. De plus, elle contreviendrait aux dispositions qu'elle a elle-même adoptées puisqu’elles n’imposent pas un régime de propriété dans les États membres.

Mais si tel était le cas, le Gouvernement ferait preuve de volonté politique en s'engageant à s'opposer à cette analyse de la Commission et à agir énergiquement.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114450 à 114471.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114406 à 114427.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas compatibilité entre les obligations de service public et la privatisation des entreprises qui en ont la charge.

Pour éclairer nos débats, je vous donnerai lecture d’un extrait du discours, prononcé le 27 mars 1946, lors de l'examen du projet de loi de nationalisation de l'électricité et du gaz, par Marcel Paul, ministre de la production industrielle :

« La misère énergétique du pays nous interdit de nous offrir le luxe d'une utilisation irrationnelle de ses disponibilités. Il faut absolument que tous les moyens de production soient mis en commun. Un décalage d'une demi-heure dans l'organisation technique de la production peut permettre l'économie d'un délestage. Voilà pourquoi il est indispensable qu'une conception générale unique préside sur le plan technique à la gestion de l'ensemble de nos ressources énergétiques afin que le pays puisse mettre en œuvre l'intégralité de ses moyens.

« Il faut également mettre de l'ordre dans le plan d'équipement. Allons-nous assister à je ne sais quelle concurrence entre les entreprises d'électrochimie, les entreprises électrométallurgistes, les chemins de fer ? Dans ce cas, les errements du passé persisteront certainement et l'on aboutira aux prix de revient les plus élevés, au détriment du consommateur.

« Il faut avoir une vue d'ensemble de ces problèmes. Notre pays ne peut s'offrir le luxe de la disparité dans ce domaine. »

Monsieur le ministre, notre pays peut-il s'offrir le luxe d'un retour en arrière, en mettant en place un système énergétique analogue à celui qui prévalait avant la nationalisation de 1946 ? Les errements du passé évoqués par Marcel Paul, dont les consommateurs non domestiques ont commencé à faire les frais, seraient désastreux pour la France. Nous devons, mes chers collègues, aborder cette question non sous l'angle idéologique, mais sous l'angle technique, comme l'ont fait les communistes, les gaullistes, les socialistes et les démocrates-chrétiens, qui, en 1946, ont su se mettre d'accord en faveur de la nationalisation.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114406 à 114427.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 136646 à 136667.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?…

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 136668 à 136689.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Nos amendements tendent à insérer l’article suivant : « Au regard des impératifs concernant la sécurité nucléaire, Électricité de France dispose d’un monopole d’exploitation des centrales de production d’électricité d’origine nucléaire. » Il convient en effet de garantir un tel monopole sur le plan législatif, car le projet de loi risque d’avoir un impact négatif sur le secteur nucléaire français avec l’arrivée d’un nouvel opérateur : Electrabel n’a-t-il pas fait mention de sa volonté de se porter candidat pour la construction de nouvelles centrales ?

Le monopole actuel d’exploitation par EDF, entreprise publique, constitue la pierre angulaire de l’accord majoritaire des Français sur le développement nucléaire civil. Toute entorse à ce principe risquerait de mettre en cause ce compromis, ce qui serait très grave. Elle entraînerait en effet pour la France de grandes difficultés pour surmonter le défi écologique. C’est en grande partie grâce à l’existence de la filière nucléaire que la France est en mesure de respecter ses engagements vis-à-vis du protocole de Kyoto. Remettre cette filière en cause risquerait donc d’avoir un impact écologique, ce que nous ne souhaitons pas.

Surtout, faut-il voir d’un bon œil l’arrivée d’acteurs privés dans un secteur aussi délicat que le nucléaire ? On a pu se rendre compte, lorsque nous avons débattu dans cet hémicycle du dossier des déchets nucléaires, que ce secteur exige des investissements à très long terme. Quelles garanties aura-t-on à cet égard avec une entreprise privée, alors qu’EDF même n’est déjà pas à l’abri de critiques dans ce domaine, bien que l’État y exerce un minimum de contrôle ? Il nous est difficile de croire qu’une entreprise privée au service des actionnaires et de leur rente, fera mieux. Nous souhaitons donc que le monopole d’EDF dans le secteur nucléaire ne soit pas remis en cause.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 136668 à 136689.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 11

M. le président. Sur l’article 11, je suis d’abord saisi des amendements identiques nos 114472 à 114493.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 137483 à 137504.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Après en avoir proposé la suppression, vous comprendrez que nous puissions nourrir le souhait d'une nouvelle rédaction de l'article 11. Nos amendements proposent ainsi, dans un premier alinéa, que « pour assurer la sécurité d'approvisionnement et la continuité de fourniture sur le territoire national, l'ensemble des réseaux de transport sur le territoire national deviennent propriété de l'entreprise publique Gaz de France ».

Après avoir décidé de privatiser GDF à la sauvette, aux termes d'un débat inachevé, je conçois que l'expression « entreprise publique Gaz de France » puisse vous sembler d'un autre temps. Pour nous cependant, qui construisons l'avenir, cette formule n'a rien d'étonnant. Nous vous proposons donc de l'adopter, d’autant que cette notion d'entreprise publique pourrait servir demain d'utile pense-bête pour les temps où les ravages de votre politique feront sentir tous leurs effets.

Il en va d’ailleurs de même avec le second alinéa de nos amendements, qui prévoit la constitution en monopole public des réseaux de transport : là encore, il s’agit d’un témoignage de notre attachement aux acquis de la Libération, un héritage que vous foulez aux pieds, en accord avec le patronat français.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 137483 à 137504.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114494 à 114515.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour les soutenir.

M. Jacques Desallangre. La présentation de ces amendements me permet d’évoquer à nouveau la sécurité d'approvisionnement, qui est loin d'être une question hors sujet. Elle ne recoupe pas en effet le seul champ de l'indépendance énergétique. Elle recouvre aussi la continuité dans la fourniture des différentes sources d'énergie en quantité suffisante pour répondre à la demande des différents consommateurs.

Investi par l'État de la mission d'assurer la sécurité d'approvisionnement du pays en gaz, GDF disposait en conséquence d'un monopole d'importation. Pour remplir sa mission, l'opérateur public a développé une politique de contrats à long terme conclus avec les pays producteurs, principalement la Norvège, l'Algérie et la Russie – tout cela est bien connu. Cette situation a permis à GDF d’acquérir une compétence de premier ordre en matière de transport de gaz, qu’il s’agisse de la construction des gazoducs ou de la liquéfaction du gaz par cryogénie. L'entreprise s'est également dotée de treize sites de stockage de gaz, indispensables pour assurer la continuité d'approvisionnement, notamment en cas de défaillance des pays producteurs.

Hélas, les directives européennes d'ouverture à la concurrence, auquel l'article 11 fait explicitement référence, ont mis fin à cette situation et imposent désormais de mettre à disposition des concurrents les infrastructures de transport et de stockage. Il y a là, vous ne l'ignorez pas, un risque majeur – l'article 11 en témoigne à sa façon – que vous n’entourez pas de garanties suffisantes. Prévoir que la société gestionnaire de réseaux de transport puisse être détenue intégralement par GDF, c'est certes respecter l'une de ses missions historiques de service public, celle que nous venons de rappeler. Nous pourrions vous suivre s'il s'agissait de prévoir pour l'avenir le monopole public de l'activité de gestionnaire de réseau. Cependant, dans le cadre de la privatisation de GDF, de telles dispositions perdent à peu près tout leur sens.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114494 à 114515.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114516 à 114537.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114538 à 114559.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis, même vote. 

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 137218 à 137239.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements tendent à supprimer les mots « par Gaz de France » dans le second alinéa de l’article 11.

L'article 10, que la majorité vient de voter, ouvre la voie à la privatisation de GDF et, par voie de conséquence, à celle de la filiale gestionnaire du réseau de transport. Que l'État perde ainsi la pleine maîtrise dont il dispose sur les activités stratégiques de transport de gaz est très grave. Le réseau de transport nécessite pourtant des efforts de maintenance importants et des dépenses élevées en matière de sécurité. Cette activité n'est selon nous nullement compatible avec des pressions visant à la rentabilité.

La suppression des mots « par Gaz de France » reviendrait donc à sauver le gestionnaire du réseau de transport de gaz de l'emprise des capitaux privés, en laissant l'État – ou des entreprises ou organismes du secteur public – propriétaire du réseau. Cette maîtrise publique permettrait au réseau de transport de continuer à assurer ses missions de service public, qui ne sont guère compatibles, je le répète, avec une gestion purement financière.

Les évolutions en cours au sein du GRT gaz sont d'ailleurs révélatrices des problèmes que pose la privatisation du réseau de transport. Le GRT, déjà filialisé depuis plus d'un an, est ainsi devenu un acteur autonome du secteur gazier, avec ses propres décisions, sa propre gestion et aussi ses propres difficultés. Apparemment, les exigences de rentabilité ont déjà pris le pas sur les missions de service public, puisque l'objectif de la direction est avant tout, selon ses propres termes, de « fluidifier le marché », c'est-à-dire de favoriser l'arrivée de nouveaux entrants. Concrètement, cette fluidification du marché signifie que GRT gaz oriente en priorité ses investissements vers les zones qui permettent d'améliorer le transit des différents opérateurs présents sur le marché, les plus utilisées étant bien sûr les zones frontalières. Les canalisations présentes dans ces zones sont les cibles prioritaires, et tant pis pour celles des autres régions. Comme pour la Bretagne, elles ne sont guère un enjeu de « fluidification du marché ».

Les soucis d'équilibrage du réseau ou d'investissement quelle que soit la rentabilité de la zone, sont oubliés. Le GRT est entré dans une logique marchande, qui lui fait donner la priorité aux investissements qui rapportent le plus.

Cette logique ne pourra qu'être renforcée par les pressions des actionnaires. Nos amendements tendent donc, une fois de plus, à défendre le service public.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 137218 à 137239.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114560 à 114581.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour les soutenir.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114582 à 114603.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis, même vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114604 à 114625.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Nos amendements tendent à supprimer la dernière phrase de l’article 11, car nous nous opposons toujours fermement à la privatisation de la filiale gestionnaire du réseau de gaz de GDF.

Le transport de gaz est aussi un service public, qui doit respecter l'égalité entre les usagers et garantir à toutes et à tous, sur l'ensemble du territoire national, un niveau maximal de sécurité. Faut-il rappeler que le transport de gaz est une activité plutôt dangereuse, qui exige un suivi sans faille ?

En faisant du gestionnaire du réseau de transport un centre d'activité et de profit autonome, on a ouvert la voie à un changement de logique. En effet, les opérateurs gaziers paient, comme pour les autoroutes, une sorte de péage pour pouvoir utiliser le réseau, de sorte qu'il est plus juteux pour le GRT d'investir là où le plus d'opérateurs transitent. Toutefois, cette concentration des investissements sur les canalisations les plus empruntées, ce que l'on appelle les goulets d'étranglement, répond-elle aux exigences de service public ou à celles du marché, aux intérêts des consommateurs ou à ceux des forces en présence sur le marché ?

Nous ne pouvons accepter que le GRT hiérarchise ses investissements en fonction de ce qu’ils vont lui rapporter, et non en fonction des besoins des usagers, et c'est pourquoi nous demandons la suppression de la dernière phrase de l’article 11.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114604 à 114625.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 114671 à 114692.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements tendent à rédiger ainsi la dernière phrase de l’article 11 : « Son capital est constitué à 100 % par des capitaux publics. » Je reviendrai à cet égard sur les contreparties qui pourraient être exigées par la Commission européenne à la fusion entre GDF et Suez.

Pour ce qui est des activités de transport de gaz, même si rien n'oblige, en l'état actuel des directives, à la séparation patrimoniale entre GDF et le gestionnaire du réseau de transport, nous savons que certains services de la Commission brûlent d'envie de franchir de nouvelles étapes dans la libéralisation du secteur énergétique. Après avoir cherché à « libérer l'amont » – vous aurez reconnu là le jargon des fanatiques de la concurrence –, c'est-à-dire à ouvrir à la concurrence les activités d'extraction et de traitement du gaz, la Commission européenne tenterait de modifier l'organisation de l'aval du secteur, à savoir le transport. Ces préoccupations semblent largement relayées par la Commission de régulation de l'énergie, dont le président juge essentielle la séparation des activités de réseau, défendant ainsi clairement l'indépendance patrimoniale des gestionnaires de réseaux de transport.

Les activités de transport de gaz constituent, il est vrai, un bastion plutôt lucratif, qui ne peut qu’intéresser les détenteurs de capitaux privés. En effet, le gros des investissements a déjà été réalisé. Que des acteurs de la politique énergétique aussi influents que la Commission européenne et la CRE donnent des signes en faveur de la poursuite de la libéralisation du secteur n'est donc guère rassurant.

MM. Mestrallet et Cirelli cherchent, certes, à calmer le jeu, vantant les mérites de l'entreprise intégrée – peut-être pour ne pas effrayer les syndicats et les salariés ? Toutefois, M. Cirelli, dans la presse, à la mi-août, assurait ne pas vouloir perdre le contrôle – et non la propriété ! – du GRT. Il y a lieu de s'inquiéter, car les conséquences d'une ouverture aux capitaux privés du réseau de transport sont considérables.

La sécurité des installations de gaz naturel liquéfié est un enjeu primordial, et nous ne pouvons négliger les risques que de telles installations font courir. En outre, elles jouent un rôle essentiel dans l'alimentation de notre pays en gaz en contribuant, de manière déterminante, à la sécurité de nos approvisionnements. Accepter d'ouvrir aux capitaux privés le réseau de transport de gaz serait donc lâcher du lest sur une activité hautement stratégique.

Ces éléments expliquent que nous souhaitions préciser dans la loi que le capital du GRT gaz est constitué à 100 % par des capitaux publics.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1146718 à 114692.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi des amendements identiques nos 1 à 33.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ces amendements de repli s’expliquent par la décision de la majorité de privatiser Gaz de France en votant l’article 10.

Lorsque nous déposerons le recours que nous avons annoncé devant le Conseil constitutionnel, nous poserons la question du statut du réseau de transport de gaz.

Selon le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Le réseau de GDF, même s’il n’est pas le seul, couvre une bonne partie du territoire nationa ; il a donc, de fait, un statut de service public. À supposer même que ce statut ait été remis en cause par la loi de 2004, le changement de statut de GDF ne modifie pas pour autant, selon nous, le statut qu’avait son réseau du temps où l’entreprise était un établissement public industriel et commercial.

Il conviendrait donc, pour changer ce statut, soit de plaider que le grand réseau gazier n’a jamais eu le caractère d’un service public national, même lorsqu’il était concédé, ce qui semble difficile, soit de le déclasser explicitement. Autrement dit, il faudrait prouver que ledit réseau a perdu son statut de service public en raison non des évolutions de GDF, puisque le statut du réseau n’en est pour autant pas modifié, mais de faits nouveaux liés à son rôle dans le secteur de l’énergie – et là encore, je vous souhaite bon courage !

Cet article, comme beaucoup d’autres dans ce texte, est en trompe l’œil. Comme vous avez oublié de ne pas être malin, monsieur le ministre, écrire que le capital du gestionnaire du réseau « ne peut être détenu que par Gaz de France, l’État ou des entreprises ou organismes du secteur public » peut faire illusion. Une lecture rapide permet en effet de se rassurer dans la mesure où elle donne l’impression que le réseau restera public. Malheureusement, cette précision sur la détention du capital intervient à l’article 11, c’est-à-dire après l’article 10 dont l’une des conséquences est de rendre Gaz de France potentiellement privatisée. En fait, le réseau pourra être géré par la nouvelle entité privée Suez-Gaz de France. Vous mettez donc à mal un bien qui a le statut de service public, et il faudra le déclasser si vous voulez aller au bout de votre projet.

Or ce n’est pas ce que vous faites. Cette disposition, telle qu’elle est rédigée, est lourde de contentieux et nous ne manquerions pas de la soumettre au Conseil constitutionnel. Pour vous éviter cet écueil, nous vous proposons une séance de rattrapage. Comme nos collègues communistes et, me semble-t-il, l’UDF l’ont préconisé, nous suggérons que le capital du gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel soit totalement public. Nous considérons en effet que ce bien est un service public national et qu’il entre dans le cadre des protections imposées par l’alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946. Nous vous donnons l’occasion, par le vote de ces amendements, de vous protéger de l’inconstitutionnalité de votre texte.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Il faut nous projeter au jour d’après. La Commission européenne et notre Commission de régulation de l’énergie, par la voix de son président, M. de Ladoucette, ont indiqué qu’il serait nécessaire, pour avoir un vrai marché, d’ouvrir à la concurrence et de séparer, au niveau du patrimoine également, les réseaux de transport des entreprises assurant la fourniture d’énergie. Nous aimerions que M. le ministre nous dise si ce sujet a été à l’ordre du jour des discussions qu’il a pu avoir avec ses partenaires européens, et si, comme certains le prévoient, cette évolution est inéluctable, étant entendu que, pour nous, le fait de ne pas garder une entreprise intégrée n’est pas non plus une bonne chose.

Au mois de juillet, le rapporteur, au cours de la réunion exceptionnelle de la commission des affaires économiques dans laquelle il envisageait un plan B, pour tenir compte en particulier de la possibilité de sauvegarder ce réseau de transport et de le consolider, avait fait une proposition qui allait dans le même sens. J’avais alors indiqué, un peu ironiquement, qu’on aurait pu garantir une majorité pour le réseau entre le gouvernement français et le gouvernement belge puisque les interconnexions étaient importantes.

Nous sommes vraiment là au cœur du sujet, avec, d’un côté, une entreprise intégrée, de l’autre, l’obligation d’avoir un réseau qui reste public. Si je prends l’exemple des télécommunications, France Télécom ou LDCOM, qui traversent toute la France avec leurs grands réseaux de fibres optiques, présentent évidemment les projets d’équipement qui sont les plus intéressants du point de vue financier au détriment de ceux qui privilégieraient l’intérêt général dans une perspective d’aménagement du territoire.

Nous devons assurer avec ce réseau à la fois une bonne desserte en énergie et un approvisionnement correct. Nous aimerions que M. le rapporteur ou M. le ministre prennent position à ce sujet, étant entendu qu’il ne faut pas s’appuyer, comme je l’ai dit hier, sur la spécificité historique du Sud-Ouest, parce que GSO a un dimensionnement relativement limité et que le réseau national est globalement détenu par GDF et doit rester public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’ai été particulièrement attentif aux arguments exposés par nos collègues François Brottes et Pierre Ducout. Le problème qu’ils soulèvent m’a amené à regarder de près quels étaient les avis, voire les jugements du Conseil d’État sur cette question qui me paraît importante.

J’ai trouvé deux arrêts intéressants du Conseil. Le premier remonte à 1910 : c’est l’arrêt Compagnie générale française des tramways, qui admettait un pouvoir de modification unilatérale du contrat au profit de l’administration. Le second, car je cherchais un arrêt concernant le gaz, est un peu plus ancien puisqu’il date du 10 janvier 1902. Il s’agit de l’arrêt Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen, qui assoit plus fortement le principe de la mutabilité des contrats administratifs et qui admet que l’État puisse veiller à la qualité d’un service indépendamment de la propriété de l’entreprise.

Pour l’anecdote, je vous signale que le commissaire du gouvernement était Léon Blum. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Et alors ?

M. le président. C’est une anecdote…

M. Pierre Ducout. Sympathique mais qui ne fait pas avancer le débat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je regrette que la réponse du rapporteur ne soit pas plus sérieuse, malgré tout le respect que j’ai pour Léon Blum.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et pas pour le rapporteur ?

M. François Brottes. Comment pouvez-vous, monsieur Lenoir, faire référence à 1902 alors que, avec d’autres, je me demande si ce projet de loi ne trahit pas la Constitution de 1946 et son préambule ? Vous devriez savoir que 1946 est sensiblement postérieur à 1902.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cela n’a pas été remis en cause…

M. François Brottes. La Constitution est la loi fondamentale, qui s’impose, me semble-t-il, à tous les autres textes qui suivent et qui efface de fait les textes qui précèdent – ou alors je n’ai pas compris quel est son rôle.

Le problème du service public a certes été posé au Conseil d’État par le Gouvernement en amont du débat sur ce texte mais, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, il a été mal formulé puisque le dossier de GDF a été présenté dans sa globalité sans que la question spécifique du réseau ait été évoquée. Or le réseau pose un réel problème car il exerce un monopole de fait sur l’ensemble des régions, où il n’a pas de concurrent, si on met de côté un autre petit réseau qui existe sur le territoire.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a admis, le 5 août 2004, que GDF était en charge d’un service public national, par le biais notamment de la gestion de ce réseau de transport. Or l’article 11 confirme la privatisation du réseau, puisque, quand vous écrivez Gaz de France, c’est, pour vous, vous nous l’avez expliqué, Gaz de France nouvelle mouture, nouvelle version, Gaz de France privatisé, fusionné avec Suez. Donc, vous privatisez en même temps cette infrastructure de transport de gaz.

Cela soulève le problème du déclassement. Qu’allez-vous faire quand le Conseil constitutionnel exigera le déclassement du réseau qui, aujourd’hui, est un bien appartenant à la nation ? Monsieur le ministre, j’entends bien que vous ne vous contentiez pas de répondre que vous êtes défavorable. Il faut éclairer le Conseil constitutionnel pour qu’il entende la manière dont vous voulez vous prémunir de cette injonction qu’il pourrait vous faire à la suite du recours que nous formulerons.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. D’habitude, M. le ministre nous répond et, quand nous touchons des points très sensibles, il essaie de nous rassurer en nous disant que telle disposition existe déjà, que telle autre est conforme ou encore, comme l’a dit M. Ollier, que tous les dispositifs sont prévus pour nous garantir des risques que nous pressentons.

Mais là, je suis inquiet. Vous préconisez certes des privatisations dans des secteurs stratégiques mais, chaque fois, il y a quand même un certain nombre de garanties. À travers les conventions de service public ou la maîtrise par les réseaux, on voit bien que, jusqu’à présent, on prenait en compte la régulation des tarifs et le respect de l’intérêt général. Or l’article 11 laisse planer une ambiguïté puisqu’il dispose que le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport « ne peut être détenu que par Gaz de France, l’État ou des entreprises ou organismes du secteur public ». Les deux derniers termes prouvent la volonté de maîtriser les réseaux par le secteur public, mais la référence à Gaz de France, avec ce que nous avons voté à l’article 10, laisse entrevoir une possibilité de les privatiser.

Nos craintes sont-elles fondées ? Autrement dit, l’article 11 permet-il, du fait des dispositions votées à l’article 10, de privatiser les réseaux, même si vous habillez cette éventualité en évoquant ensuite l’État ou les entreprises publiques ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Comme M. Cohen m’y invite si gentiment et si élégamment, je voudrais lui donner tous les éléments que je peux apporter à ce débat.

Je suis défavorable à ces amendements parce que, en l’état, je ne vois pas très bien comment cela pourrait se faire. Déjà, la présentation n’est pas bonne.

Sur le fond, vous demandez s’il est possible que le réseau de transport redevienne public…

M. Pierre Cohen. Non, nous demandons qu’il le reste.

M. le ministre délégué à l’industrie. …ou soit complètement public alors que le gestionnaire sera filiale de Gaz de France, lui-même éventuellement privé, avec une minorité de blocage.

Premièrement, vous aurez noté que nous avons, grâce à la minorité de blocage et à l’action spécifique, des pouvoirs d’intervention extrêmement forts sur le réseau de transport.

M. Pierre Cohen. Pas sur le réseau.

M. le ministre délégué à l’industrie. Deuxièmement, les prix de transport sont proposés par la CRE et fixés par le ministre, plus exactement acceptés ou refusés par le ministre, car c’est la CRE qui fixe les tarifs de transport.

M. Pierre Cohen. Et l’entretien, et l’investissement ? Vous ne les maîtriserez pas.

M. le ministre délégué à l’industrie. L’intervention de l’État sur les réseaux de transport et sur les décisions de cette filiale qui est constituée est déjà très forte et il nous semble que c’est bien comme ça.

Enfin, vous dites que le petit réseau du Sud-Ouest ne doit pas entrer en ligne de compte dans votre amendement. Je vous ferai remarquer que ce « petit » réseau fait 5 000 kilomètres.

M. François Brottes. Je n’ai pas dit « petit ».

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est donc un très grand réseau et il a toutes les raisons d’être traité de la même façon. Donc, là encore, votre proposition ne convient pas et je ne vois pas comment on pourrait approuver vos amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1 à 33.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114693 à 114714.

M. Jacques Desallangre. Ils sont défendus.

M. le président. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114627 à 114648.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114649 à 114670.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis, même vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 137635 de M. de Courson n’est pas défendu.

M. Jean Dionis du Séjour. J’aurais souhaité le soutenir, monsieur le président.

M. le président. Non, monsieur Dionis du Séjour, vous ne pouvez pas reprendre un amendement déposé à titre personnel.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous m’en voulez, monsieur le président ?

M. le président. Je ne fais qu’appliquer le règlement. Je vous en enverrai un exemplaire.

Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114762 à 114783.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 114716 à 114737.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour les soutenir.

M. Jacques Desallangre. Nous voulons, avec cet amendement, nous assurer que le personnel de la société gestionnaire du réseau public de transport de gaz bénéficiera des mêmes dispositions de gestion du personnel – statut, règles internes à Gaz de France, accords Électricité de France-Gaz de France – que le personnel de GDF, sous réserve, bien sûr, que la remise en cause des fondamentaux du service public épargne encore demain le personnel de l'entreprise privatisée.

La fusion avec Suez et la transformation en holding de Suez-GDF avec filialisation des métiers, voire des sous-métiers, sont des sources de risques, et même de véritables dangers pour l'avenir des personnels.

Face aux interpellations syndicales, la direction de GDF s'est voulue rassurante au départ, puis elle a été de plus en plus floue. Elle a rappelé que l'application du statut dépendait de l'activité principale de la société, ce qui pourrait signifier qu'une holding sort du statut, sans oublier les risques de suppressions d'emplois liés aux doublons ou à la réorganisation du siège.

Aucune nouvelle garantie n'est offerte dans la loi concernant le bénéfice du statut pour les personnels de commercialisation. Alors, certes, le statut a priori concerne le personnel de la production, de la distribution ou, comme ici, du transport. Nous souhaitons simplement obtenir des précisions sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je tiens à rassurer M. Desallangre : les personnels du GRT ont automatiquement le statut des IEG, …

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et ils le conserveront quelle que soit la position de Gaz de France.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La remarque que je vais faire, monsieur le ministre, valait déjà à l’époque où vos amis ont privatisé France Télécom : ce n’est pas parce qu’il est dit dans la loi que l’on maintient un statut proche de ce qu’était celui des entreprises publiques que l’on peut en déduire qu’il sera prorogé pour l’éternité. J’entends bien qu’il existe un statut de filière des industries électriques et gazières, mais ces entreprises ayant une vocation internationale, il y a fort à parier que ce statut disparaîtra progressivement.

Je profite de l’occasion, monsieur le président, pour vous dire qu’il serait souhaitable que nous puissions nous exprimer un peu plus de cinq minutes lors des explications de vote sur l’ensemble, le 3 octobre.

M. le président. Monsieur Brottes, j’ai annoncé en Conférence des présidents que je donnerais dix minutes à chaque groupe parlementaire. Je verrai mardi, avec les présidents de groupe, s’il y a lieu de procéder à des aménagements pour que chacun puisse s’exprimer un peu plus longuement.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, parce que résumer 130 heures de débat en cinq minutes, ce serait une prouesse !

M. le président. Vous avez un tel esprit de synthèse, monsieur Brottes…

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’allais finir par croire, monsieur le président, que vous aviez un problème avec l’UDF alors que nous n’avons que de l’amitié pour vous !

Je n’ai pas pu défendre l’amendement de Courson, donc je vais en dire un mot. Nous avons déposé, à l’article 6, des amendements concernant la propriété du réseau de transport, en rappelant les conditions surréalistes, voire ubuesques, dans lesquelles ce réseau avait été transféré en 2001 à GDF, à Total, etc. Décision imprudente, car nous avions auparavant un régime bon et sain qui était celui de la concession. L’État conservait la propriété des réseaux de transport qui étaient concédés, sur le long terme, aux sociétés exploitantes.

Envisageant notre hypothèse, vous nous avez répondu, monsieur le ministre, que les réseaux coûtant globalement environ 5 milliards d’euros, les revenus perçus au titre des loyers tourneraient autour de 120 millions. Je vous remercie de ces premiers chiffres. La récupération de la propriété de l’État sur ce réseau de transport est en effet une question très importante et nous continuerons à en débattre au Sénat.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114716 à 114737.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114738 à 114759.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ? …

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

M. François Brottes. Le groupe socialiste vote contre.

(L'article 11 est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114828 à 114849.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ces amendements visent à insérer, après l’article 11, un article additionnel ainsi rédigé :

« Une installation de gaz naturel liquéfié décharge le gaz naturel liquéfié, réalise le stockage et la regazéification du gaz naturel liquéfié. La construction et l’exploitation de telles installations sont soumises à autorisation délivrée par le ministre chargé de l’énergie. Cette autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d'opérateur, l'autorisation ne peut être transférée que par décision du ministre chargé de l'énergie. Elle est délivrée ou refusée en fonction : des capacités techniques et financières du demandeur; de la compatibilité du projet du demandeur avec les choix de la nation en matière de politique énergétique; de la compatibilité du projet du demandeur avec les obligations de service public; du respect de la législation sociale.

« Les installations de gaz naturel liquéfié existantes à la date de publication de la présente loi sont réputées autorisées au titre du présent article. Elles alimentent le réseau de gaz naturel avec en priorité les objectifs de contribuer à la continuité d'alimentation des distributeurs en charge des clients non éligibles. Elles veillent à la qualité du gaz naturel injecté sur le réseau.

« Elles prennent toutes dispositions pour garantir leur sécurité, celle du système gazier et celle de leur environnement.

« Elles sont considérées comme des installations à risques majeurs et doivent respecter et sont soumises à la réglementation " SEVESO II " 

« Un décret précise les prescriptions techniques générales de conception et d'utilisation des installations de gaz naturel liquéfié, notamment en matière d'organisation du travail, de qualification et de fonction du personnel et d'intervention – délais et moyens notamment – en cas d'incident. Un cahier des charges type est élaboré par arrêté. »

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114828 à 114849.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114806 à 114827.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ?...

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 12

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114850 à 114871.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ? …

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114872 à 114893.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L’article 12 est extrêmement court. Il vise en effet à rédiger ainsi le quatrième alinéa de l’article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 : « 1° La production, le transport et la distribution de gaz naturel. »

Monsieur le rapporteur, vous qui connaissez les textes par cœur, expliquez-moi ! Finalement, adopter un tel article reviendrait à dénaturer complètement l’article 8 de la loi de 1946. Le titre II de cette loi concerne la mise en application de la nationalisation de l’électricité et du gaz, dont l’article 8 décrit toute une série de modalités, en particulier les activités exclues de la nationalisation. En réécrivant comme vous le faites l’article 8, vous étendez considérablement la portée de ces exclusions et vous tuez la loi de 1946 ! Il suffit parfois de supprimer un mot pour tirer un trait sur une époque et sur des engagements essentiels pour le pays.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je regrette que M. Brottes n’ait pas lu le rapport que j’ai pris la peine de rédiger et qui a été diffusé dans les meilleures conditions. La page 225 de ce document répond en effet à la question qu’il a posée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114872 à 114893.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114894 à 114915.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Avec l’article 12, qui fait système avec les articles 6 et 9, vous ouvrez la possibilité à des opérateurs privés de se positionner sur le marché de la distribution de gaz. Ce faisant, vous venez mettre à mal le principe de péréquation entre les coûts de distribution qui prévalait jusqu'alors au sein de l'opérateur historique en situation de quasi-monopole.

Nous avons déjà décrit le scénario qui risque de se mettre en place : on verrait échoir à l'opérateur historique les seules zones peu rentables, très coûteuses en termes d'investissements, tandis que les opérateurs privés auraient probablement, à renfort de stratégies commerciales, séduit les autorités concédant la distribution de gaz des zones les plus rentables, comme cela s’est passé dans le secteur des télécommunications.

Qui paiera les conséquences de cette décision ? Les usagers ! En effet, voici ce qui se profile : pour ceux résidant dans des zones où les autorités concédantes auront choisi de rester chez l'opérateur historique, le coût moyen de raccordement au gaz ne pourra qu'augmenter, puisque GDF risque de perdre ses dessertes les plus rentables, sur lesquelles il peut réaliser des marges. Immanquablement, donc, le coût moyen augmentera. Et cette péréquation à l'intérieur de chaque zone de desserte ne protégera pas les usagers restés chez l'opérateur historique.

Quand on sait que les activités de distribution comptent pour environ 20% du prix final, là encore, on peut imaginer que la facture sera en forte augmentation.

Soucieux de l'égalité entre les usagers et souhaitant le maintien d'un tarif modéré de l'accès à l'énergie, nous proposons, par ces amendements, d'ajouter l'alinéa suivant :

« La distribution du gaz est exercée par Gaz de France ou sa filiale gestionnaire de distribution issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 tel que modifié par l'article 6 de la présente loi, sous réserve des exceptions prévues par l'article 23 de la loi n°46-628 du 8 avril 1946 et par l'article 25-1 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003. »

Ces amendements réaffirment le monopole de distribution de Gaz de France sur son territoire. Avec ce système, le gestionnaire ne pourrait être le réfèrent pour la péréquation. Ces amendements permettraient de rétablir l'égalité tarifaire pour l'accès à un produit de première nécessité comme le gaz. Nous vous demandons de les adopter.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 114894 à 114915.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 114916 à 114937.

M. Jacques Desallangre. Défendus !

M. le président. Mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

Même vote ? …

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

M. François Brottes. Contre !

(L'article 12 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)