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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 6 octobre 2005

8e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi d’orientation agricole

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi d’orientation agricole (nos 2341, 2547).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, je confirme que la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire demande, en application de l’article 95, alinéas 4 et 5 de notre règlement, la réserve des articles 3 à 6 jusqu’à la fin de la discussion des amendements portant articles additionnels après l’article 6.

L’ordre des travaux serait donc le suivant : examen des articles jusqu’aux articles additionnels après l’article 2 inclus, puis des articles additionnels après l’article 6 – dont les amendements fiscaux liés au fonds agricole, qu’il est souhaitable d’examiner en cohérence avec les articles 1er et 2 –, puis reprise de l’ordre normal à partir de l’article 3.

Cela nous permettra d’examiner ensemble l’article 1er, qui porte création du fonds agricole, et l’article 2, qui instaure le bail cessible. Nous profiterons ainsi des travaux menés conjointement par la commission des lois et celle des finances, bien que cette dernière n’ait été saisie qu’à partir de l’article 6.

M. le président. À la demande de la commission, les articles 3 à 6 sont donc réservés jusqu’après la discussion des amendements portant articles additionnels après l’article 6.

Nous allons d’abord examiner les amendements portant articles additionnels avant le titre Ier.

Avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 488.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Les dispositions contenues dans le projet de loi ne sont pas satisfaites par l’exposé des motifs auquel M. le ministre a fait référence à plusieurs reprises et dont il nous a dit que même s’il ne figurait pas dans le corps de la loi, il était tout à fait fondamental, ce dont nous ne doutons pas.

Il nous paraît indispensable de rappeler au début du texte que la politique agricole doit préserver la multifonctionnalité de l’agriculture : les volets économique, social, environnemental doivent aller de conserve afin de ne pas oublier les territoires qui ne peuvent accueillir des exploitations de 300 à 2 000 hectares. En tout état de cause, cette mission d’intérêt général, assumée par l’agriculture dans notre pays depuis plusieurs siècles, ne doit pas être abandonnée au détour d’un texte qui risque de faire la part belle à une approche strictement capitalistique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui n’apporte rien de fondamentalement nouveau par rapport à la loi d’orientation de 1999.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 488.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le rapporteur, je regrette que vous demandiez le rejet de notre amendement, mais je me félicite que vous reconnaissiez la pertinence de la loi de 1999. C’est une grande avancée. Si nous continuons ainsi, nous travaillerons de manière constructive.

M. François Brottes. Mais fallait-il une nouvelle loi d’orientation agricole ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 488.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 717 rectifié.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Comme de nombreux orateurs l’ont souligné, ce texte est une loi d’adaptation à l’évolution de l’agriculture mondiale et d’intégration de l’agriculture française dans cette mondialisation.

La conférence ministérielle de l’OMC, qui aura lieu à Hongkong en décembre 2005, suscite déjà des questions importantes. Vous-même, monsieur le ministre, vous avez déclaré, dans un communiqué du 23 septembre dernier, être en divergence avec les propos tenus par Mme Fischer Boel, commissaire européenne à l'agriculture. Elle a annoncé, lors d’une réunion préparatoire de l’OMC, que l’Union européenne se déclare « en mesure d'éliminer progressivement les subventions à l'exportation dès le premier jour de l'entrée en vigueur du cycle. Un groupe de subventions à l'export sera éliminé immédiatement et une date limite sera acceptée pour l'élimination de toutes les subventions à l'exportation. »

Bien entendu, ces propos n’engageaient ni l’Union européenne ni vous-même comme ministre de l’agriculture français puisque l’unanimité des États membres est nécessaire pour qu’une telle position puisse être tenue et qu’il n’y a pas pour le moment unanimité. Nous proposons donc, par cet amendement, que la France gèle les négociations.

Par ailleurs, monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer quel est le mandat précis de la Commission européenne pour cette conférence de l’OMC ? L’agriculture ne sera-t-elle pas une monnaie d’échange dans les négociations ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Comme M. Chassaigne l’a rappelé lui-même dans son exposé des motifs, c’est bien à la Commission européenne qu’il revient de négocier. La France ne peut donc prendre d’initiatives unilatérales comme il le préconise.

En revanche, nous sommes très attentifs à ces négociations, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des indications géographiques, auxquelles nous tenons beaucoup.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

Monsieur Chassaigne, je vous rappelle que la France est à l’origine de la signature d’un mémorandum fixant les lignes rouges qui sont les positions de la France et d’un certain nombre de pays dans la négociation. Par ailleurs, un mandat très clair a été donné à la Commission. Ce mandat public date déjà de deux ans.

Cet amendement n’a donc pas sa place dans la loi d’orientation. Néanmoins, je partage votre sentiment sur la nécessité pour la France et l’Europe d’avoir une position d’extrême fermeté dans cette négociation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 717 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 718 rectifié.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement va plus loin que le précédent. Il est porté par plusieurs syndicats agricoles et diverses organisations. Il propose non pas simplement de geler les négociations, mais aussi de sortir les questions agricoles de la compétence de l’OMC. Pourquoi ? Parce que l’agriculture, dans le cadre de ces négociations, est uniquement appréhendée comme une activité marchande. Les denrées agricoles ne sont alors que de simples marchandises dotées d’un prix et dont l’objectif est extrêmement dangereux : l’unification mondiale des prix. Cela s’accompagne de la standardisation du goût, par exemple dans le domaine viticole. La mondialisation de l’agriculture a des effets extrêmement pervers, non seulement sur la paysannerie de notre pays, mais aussi sur celle des pays africains, enfermées dans un système productif de type monoculture – le cacao en Côte d’Ivoire, le porc en Bretagne, la perche du Nil. Beaucoup ont sans doute vu Le cauchemar de Darwin.

Il y a là un mouvement qui conduit le monde à sa perte. Considérer que l’alimentation est seulement un produit marchand, c’est indiscutablement amener l’alimentation mondiale sur la seule voie de la recherche du profit, sans tenir compte des intérêts des peuples et des territoires.

L’agriculture ne doit pas être de la compétence de l’OMC car, sinon, la dimension culturelle disparaîtrait et l’équilibre économique de nombreux pays, en particulier les pays du Sud, serait atteint. Au surplus, l’agriculture deviendrait alors une monnaie d’échange au profit d’autres interventions de l’OMC, notamment sur les services. Les résultats risqueraient d’être particulièrement catastrophiques.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis défavorable. La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que le précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 718 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 884.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.

M. Yves Cochet. En quatre amendements, en commençant par l’amendement n° 884, que je vais exposer rapidement mais, je l’espère, précisément, je voudrais présenter une tout autre vision de la politique agricole de notre pays et de celle que devrait conduire l’Europe.

Peut-être cela vous semblera-t-il impertinent, mais je voudrais d’abord vous montrer, comme je l’ai fait cet après-midi, que l’agriculture productiviste promue en France et en Europe, est particulièrement inefficace. Du point de vue de l’énergie dépensée pour produire une calorie sur notre table, il s’agit sans doute de l’agriculture la moins performante qu’ait connue le monde puisque, pour produire une calorie alimentaire dans notre assiette, il en faut treize en amont, dont sept de pétrole.

Je vais indiquer, en prenant l’exemple d’une ferme française, quelle est exactement cette dépendance aux hydrocarbures dont souffre notre agriculture.

La consommation énergétique d’une ferme classique, qui produit du lait mais aussi un peu de viande, se répartit en 36 % d’énergie directe, c’est-à-dire concernant le fioul et l’électricité nécessaires pour les trayeuses et pour le machinisme agricole, et 64 % d’énergie indirecte.

L’efficacité de cette ferme, c’est-à-dire le rapport entre les sorties et les entrées – et il ne s’agit là que d’un maillon de la chaîne agro-alimentaire, dont je parlerai un peu plus tard – est de 0,69, ce qui est très bas. Du point de vue énergétique, elle se situe dans la moyenne des exploitations productivistes comparables.

Si on analyse les dépenses énergétiques de ce type de ferme, on s’aperçoit que la proportion d’énergie directe est plutôt faible, puisqu’elle représente, disais-je, 36 % de la consommation totale d’énergie, avec environ 15 % concernant le fioul et 20 % l’électricité, et une valeur économique elle-même assez faible, de l’ordre de 1 500 à 2 000 euros. Ce sont la fertilisation et les achats d’aliments qui pèsent le plus, puisqu’ils constituent plus de la moitié de la consommation d’énergie et une valeur beaucoup plus élevée : étant donné le coût de tous ces intrants, fertilisants azotés ou produits phytosanitaires, un agriculteur moyen doit dépenser de 7 000 à 8 000 euros pour pouvoir pratiquer ce type d’agriculture productiviste.

Encore faut-il souligner que ces chiffres ont été relevés il y a deux ans, à un moment où le prix du baril de pétrole était de l’ordre de 35 ou 40 dollars. Désormais le prix du baril, et de l’énergie en général, gaz, électricité, charbon et le reste, connaît une hausse tendancielle sous l’effet de trois facteurs, géologique, économique et géopolitique. Parmi les différents secteurs économiques, les premiers touchés seront évidemment les agriculteurs et les marins pêcheurs. Des mouvements apparaissent déjà chez ceux de nos concitoyens qui œuvrent dans ces secteurs et qui s’alarment de la montée de prix du fioul et du gazole déjà trop élevés pour eux.

Je vous mets en garde, comme j’avais déjà mis en garde M. Sarkozy il y a un an et demi, alors que nous débattions du budget de 2005. Il n’avait évidemment pas eu l’obligeance de me croire : mal lui en a pris ! En octobre 2004, le budget de 2005, œuvre de M. Sarkozy, tablait sur un prix du baril de 36,50 dollars ; il s’avère, hélas ! que le prix moyen pour 2005 sera de 58 dollars le baril. On mesure l’extraordinaire aveuglement de ce gouvernement en ce qui concerne la hausse des prix de l’énergie. Nous ne sommes pas là en dehors de notre sujet, car cette hausse aura des conséquences directes pour le secteur agricole et les marins pêcheurs.

Voilà pourquoi nous devons nous orienter vers une plus grande autosuffisance alimentaire et vers un type d’agriculture moins dépendant d’intrants extérieurs et d’énergies chères, telle l’agriculture biologique. Celle-ci consomme en effet cinq fois moins d’aliments et huit fois moins d’engrais externes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. J’ai beaucoup de mal à rebondir sur les propos de M. Cochet quand il propose d’instaurer une autosuffisance alimentaire. En tout cas, la commission n’a pas retenu cette idée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement, qui propose l’objectif d’autosuffisance alimentaire, s’inscrit dans la logique de nos propos. En effet, la mondialisation de l’agriculture conduirait inéluctablement à la commercialisation de l’ensemble des denrées alimentaires, et à un accroissement du poids de l’industrie agro-alimentaire et de l’« agrobusiness », dont les productions ne correspondraient pas aux besoins des différentes populations du monde, mais à la logique de profit des organisateurs de cette agriculture mondiale. Dans cette perspective, l’uniformisation des prix et la standardisation des coûts seront tout aussi inéluctables.

Le seul moyen, ou du moins un moyen d’éviter cette mondialisation – ne soyons pas présomptueux – est de poser le principe de la souveraineté alimentaire, par opposition à une agriculture gérée au niveau mondial. Je ne parlerai pas, pour ma part, d’une souveraineté au niveau régional, peut-être même pas au niveau national, mais à l’échelle de vastes zones géographiques, voire de continents. L’Afrique devrait pouvoir développer son agriculture d’une façon spécifique, de même que l’Amérique du Sud, ou l’Europe.

Cela ne veut pas dire qu’on entourera ces zones de murs ou de barbelés. Cette souveraineté alimentaire à l’échelle de vastes zones géographiques n’empêchera pas les échanges entre les différents pays du monde, mais elle tendra effectivement à l’autosuffisance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. J’avoue que je ne comprends pas très bien cet amendement. Que peuvent bien signifier les mots « autosuffisance agro-alimentaire nationale, puis régionale » ? Cela veut-il dire qu’on devra produire du lait dans la campagne de Reims, et planter des vignes dans mon pays, par exemple, qui produit du lait ? La réalité ne correspond pas du tout aux propos que vous venez de tenir, monsieur Cochet.

On ne peut pas accepter un amendement pareil, et je partage l’avis de la commission et du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Deux mots, monsieur le président, parce que je ne peux pas laisser passer des propos tels que « tendre vers l’autosuffisance ». Il serait plus exact de parler de « revenir à l’autosuffisance ». Je vous rappelle que nous étions il y a quelques siècles largement au-dessous de l’autosuffisance, avant de devenir autosuffisants.

Aujourd’hui, nous sommes exportateurs, et nous nous en réjouissons, non pas seulement pour des raisons économiques, mais aussi parce que nous ne sommes pas égoïstes.

M. Yves Cochet. Laissez-moi rire !

M. André Chassaigne. Elle est bien bonne !

M. Michel Raison. Imaginez que tous les pays adoptent la logique d’autosuffisance que vous prônez : on manquerait fatalement de nourriture à un moment ou à un autre.

M. André Chassaigne. Et la coopération ?

M. Michel Raison. Je peux vous assurer que si on transforme notre agriculture en une agriculture à 100 % biologique, on tendra très vite vers beaucoup moins que l’autosuffisance !

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. En l’an 2000, l’Union européenne a importé 44 000 tonnes de viande d’Argentine, 11 000 tonnes du Botswana, 40 000 tonnes de la Pologne, qui n’était pas membre de l’Union à l’époque, et 70 000 tonnes du Brésil. Au cours de la même année, elle a exporté 800 000 tonnes de viande dans le reste du monde. C’est à cette réalité-là, qui traduit ce que disait notre collègue André Chassaigne, que j’oppose cet objectif d’autosuffisance prévu dans mon amendement.

J’ajouterai une dernière remarque. Ceux d’entre vous qui fréquentent la cantine de l’Assemblée nationale savent, parce que cela est indiqué sur le panneau d’affichage, que les pièces de bœuf servies dans cette cantine proviennent toutes d’Allemagne.

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est le marché unique européen !

M. Jean Auclair. C’est parce qu’on en n’a pas assez chez nous !

M. Yves Cochet. La perche du Nil est également consommée dans les locaux de l’Assemblée nationale – je le dis pour ceux d’entre vous qui ont vu le film Le Cauchemar de Darwin.

M. le président. Je veux bien faire preuve d’une grande indulgence et donner la parole à M. Daniel Garrigue. Mais qu’on ne vienne pas ensuite me reprocher de faire traîner les débats !

Vous avez la parole, monsieur Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Vos amendements font froid dans le dos, monsieur Cochet, tant on est affolé par ce que vous proposez. C’est le repli sur soi absolu, la négation de toute possibilité d’échanges. C’est quand même extraordinaire qu’une telle proposition vienne de gens qui se situent à gauche. La gauche a en principe une tradition de générosité et d’ouverture.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Et d’internationalisme !

M. Daniel Garrigue. Et voilà qu’elle tient un des plus effarants discours de repli qu’on ait jamais entendus !

Ce qui fait froid dans le dos, c’est que certains pays ont connu ce genre d’expériences, et ils sont heureux aujourd’hui d’en être enfin sortis. Ce que vous nous proposez, c’est la pénurie à l’intérieur et la misère chez les autres !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 884.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 885.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.

M. Yves Cochet. Il faut considérer l’origine réelle de l’alimentation quotidienne, tant des soixante millions de Français que des 450 millions d’Européens. Il suffit pour cela d’aller au Monoprix de la rue Raymond-Losserand, à Paris – vous voyez que je suis extrêmement concret ! – ou dans les magasins de toute autre grande enseigne alimentaire, pour s’apercevoir que 80 % de notre alimentation dépendent des grandes chaînes agro-alimentaires mondialisées : le groupe Carrefour, pour reprendre un exemple déjà cité, nourrit – du moins le prétend-il – un milliard de personnes à travers le monde. Il reste 20 % de notre alimentation qui dépendent d’une production plus locale et saisonnière. Il en résulte que notre alimentation réelle, et donc notre agriculture réelle, est indépendante du rythme des saisons, provient de tous les continents, et est excessivement carnée.

À quoi il faut ajouter la réalité énergétique que j’ai décrite pendant des heures au printemps 2004 et au printemps 2005, en vain ; on en voit aujourd’hui les conséquences sur le prix des carburants et du fioul domestique.

Encore ces conséquences ne sont-ils que le début du commencement de la hausse. Et ne croyez pas que nous y échappions nous-mêmes, en tant qu’individus comme en tant que responsables nationaux. Nous sommes déjà touchés : on a vu que le Gouvernement a dû prendre des mesures, un peu dans la panique…

M. François Guillaume. Que doit-on faire alors ? Circuler à vélo ?

M. Yves Cochet. Voilà pourquoi je propose que notre alimentation, et par conséquent notre agriculture, soient tendanciellement orientées vers plus de végétal.

M. Jean Auclair. On mange déjà vos salades !

M. Yves Cochet. On peut toujours me caricaturer en végétarien intégriste, ce que je ne suis pas. Je dis simplement que l’élevage est beaucoup plus difficile et d’un coût bien supérieur à la culture des céréales.

Voilà pourquoi je prône une agriculture plus végétale, plus saisonnière et plus locale, à rebours de la mondialisation de l’agriculture et de l’alimentation que M. Chassaigne et moi-même venons d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Vous nous déstabilisez une fois de plus, monsieur Cochet, car je crois que vous avez commenté votre amendement suivant.

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Antoine Herth, rapporteur. L’amendement n° 885 tend à supprimer totalement les importations de denrées agro-alimentaires à l’intérieur de l’Union européenne. La commission a repoussé cet amendement, ne serait-ce que pour ne pas ruiner les pays en développement, qui trouvent au sein de l’Union un débouché essentiel pour leur économie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 885.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 886.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.

M. Yves Cochet. Quatre amendements, ce n’est pas beaucoup pour exposer, même brièvement, une conception de l’agriculture et de l’alimentation quelque peu différente de celle que vous croyez être durable.

M. François Guillaume. Irréalisme !

M. Yves Cochet. Parce que vous croyez que la vôtre est réaliste ? Eh bien, monsieur Guillaume, je vous donne rendez-vous dans cinq ans au plus. Nous verrons alors dans quel état se trouvera la politique agricole commune productiviste, que vous avez été parmi les premiers à consolider, au prix d’un chômage massif chez les agriculteurs. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. Affameur !

M. François Sauvadet. Vous avez oublié que vous avez été membre d’un gouvernement socialiste !

M. Daniel Garrigue. On ne parlera plus du ministère de l’agriculture dans votre système, mais du ministère du ravitaillement !

M. le président. Monsieur Garrigue, M. Cochet a le droit d’intervenir sur l’amendement n° 886 !

M. Yves Cochet. J’ai lu dans la presse d’aujourd’hui que l’Europe préparait une directive REACH sur les produits chimiques et leur toxicité éventuelle. Cette question n’est pas du tout étrangère à notre débat, puisque beaucoup de ces produits sont utilisés dans le type d’agriculture que vous n’avez cessé de promouvoir. En effet les techniques utilisées par nos agriculteurs – je ne dis pas nos paysans, puisqu’il n’y en a plus…

M. Jean Auclair. Et heureusement !

Un député du groupe socialiste. Vous vous faites du mal, monsieur Auclair !

M. Yves Cochet. …vont dans la plupart des cas à l’encontre de la santé publique. Lisez le livre que le professeur Belpomme a consacré à l’accroissement des cas de cancers, ou l’étude que le professeur Sultan, de l’université de Montpellier, a consacré aux maladies génétiques qui frappent des enfants de viticulteurs, et vous comprendrez la gravité de ces phénomènes, qui semblent sans importance à vos yeux.

Pour moi, cela en a beaucoup, car cela conditionne non seulement notre santé, mais aussi celle de nos enfants. Vous pouvez bien rire sous cape, mais vous prenez rendez-vous avec l’Histoire !

M. Yves Cochet. Notre collègue André Chassaigne a évoqué à très juste titre les profits des transformateurs et de la grande distribution.

M. François Sauvadet. Il y a une alliance rouge-vert ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Les douze plus grands groupes distributeurs européens contrôlent plus de 50 000 magasins plus ou moins grands, des hypersurfaces aux petits commerces de détail franchisés, soit 90 % de tous les magasins d’alimentation en Europe – la proportion est à peu près la même en France. Ce n’est pas la bonne manière de faire.

M. Jean Auclair. Monsieur le président, demandez à M. Cochet où il va faire ses courses. Est-ce qu’il achète ses yaourts chez l’épicier du coin ?

M. Yves Cochet. M. Sarkozy a d’ailleurs tenté de réduire les marges arrière des grands distributeurs agro-alimentaires et, bien entendu, il n’a pas réussi. Il faut réformer tout le système dans le sens que j’indique dans mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Je remercie M. Cochet d’avoir, cette fois, soutenu l’amendement annoncé. La commission n’a cependant pas été convaincue par sa démonstration et invite l’Assemblée à le rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Nous sommes d’accord sur le constat, mais il faut au moins reconnaître l’action du Gouvernement et de notre assemblée en la matière. Nous ne prétendons pas détenir la science infuse ni que la loi sur les PME votée en juillet dernier puisse tout régler, mais nous avons tout essayé et mis en place diverses méthodes afin d’éviter autant que possible les effets pervers induits par le regroupement dans la grande distribution.

Avec mon ami Jean Dionis du Séjour, co-rapporteur, Jean-Paul Charié et Luc Chatel, président de la mission d’information, nous avons travaillé pendant des mois pour mettre en place des règles nouvelles au moyen de la loi sur les PME, comme dans le cas des marges arrière. Bien entendu, cela ne règlera pas tous les problèmes, mais il nous faut être réalistes : nous ne pouvons pas faire disparaître d’un coup la grande distribution et la remplacer par de petits commerces. La loi sur les PME que nous avons votée – même si vous ne l’avez peut-être pas votée vous-même, monsieur Cochet – permet toutefois des avancées considérables. Cette loi était destinée à réguler certains maillons de la chaîne de distribution, du producteur au consommateur, avec le souci de protéger le consommateur en matière de prix.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne partage pas toujours – et même pas souvent – les analyses de M. Cochet,…

M. Jean Auclair. Bravo !

M. André Chassaigne. …mais sur ce point ses amendements ont le mérite de présenter une autre perspective.

Je le répète, cette loi d’orientation agricole est une loi d’accompagnement, d’adaptation à l’évolution mondiale de l’agriculture qui se soldera, on le sait, par une uniformisation des prix, avec tous les problèmes que cela pose en termes de compétitivité à l’échelle mondiale. C’est là, me semble-t-il, une analyse que nous partageons tous.

Si l’on conteste cette perspective, il faut au moins proposer autre chose. C’est pourquoi mes premiers amendements visaient à montrer qu’il existe une autre possibilité d’organisation de l’agriculture mondiale, qui ferait de la denrée alimentaire non plus une marchandise soumise aux diktats de l’OMC, mais un produit alimentaire, qui pourrait même être géré par l’ONU, c’est-à-dire sur des bases complètement différentes et avec une volonté de souveraineté alimentaire.

Je respecte votre réponse, et il vous faut respecter cette analyse différente, qui mérite d’être prise en compte.

Cet amendement a pour deuxième mérite de s’attaquer à un autre problème de la production des denrées alimentaires dans l’agriculture de notre pays : la domination terrible de la grande distribution.

Pour avoir suivi tous les débats sur la loi relative aux PME, je ne peux laisser dire qu’on a trouvé des solutions permettant de limiter la domination de la grande distribution. On a trouvé, à la marge, quelques petits aménagements qui ne s’attaquent pas fondamentalement à la grande distribution, comme le montrent les profits de celle-ci. Le consommateur n’y retrouve pas son compte, pas plus que le sous-traitant industriel ou que le producteur agricole.

Je voterai l’amendement, qui pose au moins le problème de fond du profit des transformateurs et de la grande distribution. Il s’agit certes, monsieur Cochet, d’une simple affirmation, d’orientations, auxquelles manquent des indications précises, mais nous nous honorerions à voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 886.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 888.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.

M. Jean Auclair. C’est le même !

M. Yves Cochet. Non, ce n’est pas tout à fait le même !

En écho aux propos de M. Chassaigne, qui a évoqué cette question à propos de son amendement n° 718, l’amendement que je propose vise les négociations globales – pas seulement agricoles – qui vont s’ouvrir prochainement à Hongkong. Outre le texte de l’amendement à proprement parler, qui se justifie de lui-même, je proposerai une nouvelle rédaction pour l’orientation de l’agriculture dans le cadre de l’OMC. Peut-être M. Chassaigne partagera-t-il mon point de vue et cette orientation sera-t-elle défendue par notre pays à Hongkong dans quelques semaines.

Voici donc le principe que je propose que nous adoptions, et qui est l’illustration de mon amendement :

Tous les pays seront encouragés à poursuivre l’autosuffisance alimentaire. Ils ne pourront importer et exporter que dans le but de progresser vers une production locale soutenable et l’entretien du renouveau rural. Le commerce des denrées alimentaires impossibles à produire sur un territoire est possible lorsque ces denrées sont produites dans un territoire voisin. Le commerce à longue distance sera limité aux aliments indisponibles dans la région. Les pays exportateurs de denrées alimentaires utiliseront leurs revenus commerciaux pour accroître leur propre sécurité alimentaire, de telle sorte que cela bénéficie aux communautés rurales. 

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a examiné un amendement n° 888 qui, une fois encore, ne correspond pas à l’exposé de M. Cochet, et l’a repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 888.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Avant l’article 1er

M. le président. Sur l’intitulé du titre Ier du projet de loi, je suis saisi d’un amendement n° 74.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir cet amendement.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, je propose de modifier quelque peu l’intitulé du titre Ier, tout en respectant l’esprit de celui que vous avez choisi.

Il s’agit surtout, en effet, d’accompagner les agriculteurs dans leur démarche d’entreprise et d’améliorer leurs conditions de vie. Comme vous l’avez rappelé dans votre discours introductif, les agriculteurs, au cours des cinquante dernières années, ont fait un considérable effort de productivité qui les a conduits pour de nombreuses productions au premier rang mondial, parmi les producteurs les plus compétitifs.

L’expression « promouvoir une démarche d’entreprise » peut suggérer que les agriculteurs ne sont pas encore engagés dans une telle démarche. En revanche, « accompagner les agriculteurs dans leur démarche » signifie que beaucoup de choses restent à faire pour les aider à conquérir de nouveaux marchés, quelles que soient les solutions simples – c’est-à-dire simplistes – que nous propose M. Cochet pour régler des problèmes agricoles qui dépendent d’une négociation internationale où nous devons prendre en compte tous les pays en voie de développement, qui ont en effet besoin de développer leur production.

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. François Guillaume. Ce n’est pas en stoppant la nôtre, monsieur Cochet, que nous y parviendrons. C’est un sujet que nous pourrons évoquer plus tard, car il peut donner lieu à des développements intéressants qui auraient des chances d’aboutir à des solutions réalistes. Voilà pourquoi il faut abandonner ces solutions simplistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a examiné l’amendement n° 74, mais elle a également déposé un autre amendement tendant à modifier le même intitulé.

M. le président. Je suis également saisi, en effet, d’un amendement, n° 278 rectifié, tendant à modifier l’intitulé du titre Ier.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas eu la même lecture que M. Guillaume de l’intitulé du titre Ier figurant dans le projet de loi. Une loi d’orientation doit être affirmative, et le verbe « promouvoir » n’a pas choqué la commission.

L’amendement n° 278 rectifié reprend l’intitulé du titre Ier proposé par le Gouvernement et le complète de telle sorte qu’il serait désormais rédigé ainsi : « Promouvoir une démarche d’entreprise au service de l’emploi et des conditions de vie des agriculteurs », pour tenir compte des amendements adoptés par la commission à la suite des apports de M. Jacques Le Guen et du rapport qu’il a remis au Premier ministre.

Avis défavorable, donc, à l’amendement n° 74.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 74 et 278 rectifié ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. La démarche de M. Guillaume est très intéressante, et j’en comprends bien l’esprit, mais il me semble que l’amendement n° 278 rectifié donne satisfaction et propose un intitulé qui correspond bien à la fois à la loi et aux objectifs du Gouvernement en faveur de l’emploi en reprenant les propositions de Jacques Le Guen. Avis défavorable, donc, à l’amendement n° 74, mais avis favorable à l’amendement n° 278 rectifié.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Je suis assez surpris, monsieur le ministre, et il semble que nous ne donnions pas aux mots le même sens. Entre « promouvoir » et « accompagner », il y a en effet une différence. « Promouvoir » signifie qu’on prend, si je puis dire, les agriculteurs par la main pour les aider dans une démarche d’entreprise, tandis qu’« accompagner » signifie qu’on leur laisse leur pleine responsabilité et qu’on leur apporte éventuellement des aides financières, juridiques ou autres pour les aider à développer leurs activités.

La proposition du rapporteur me paraît particulièrement réductrice. « Au service de l’emploi », certes – mais on pourrait dire encore bien des choses, monsieur le rapporteur. Vous pourriez par exemple ajouter : « pour développer une production destinée à l’exportation et ainsi conquérir de nouvelles places sur le marché mondial » !

Je maintiens donc l’amendement n° 74 et m’en remets au vote de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 278 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Sur l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier, je suis saisi d’un amendement n° 75.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir cet amendement.

M. François Guillaume. Cet amendement vise lui aussi à modifier un intitulé, celui du chapitre Ier, qui est presque vexatoire : « Faire évoluer l’exploitation agricole vers l’entreprise agricole ». L’exploitation agricole ne serait-elle pas une entreprise agricole ? Ou serait-elle simplement une entreprise au rabais ? Monsieur le rapporteur, irait-on dire à un artisan, à un commerçant, qui a une petite affaire, qui tient tout seul sa boutique, aidé éventuellement par son épouse pour la comptabilité, qu’il n’a pas d’entreprise ? En tout cas, c’est ce que cet intitulé veut dire pour les agriculteurs.

Je vous concède, monsieur le ministre, qu’au cours des années cinquante, dans le prolongement de l’avant-guerre, les exploitations vivaient de façon autarcique. Mais, rapidement, les choses ont beaucoup changé. Elles ont changé d’abord sous l’impulsion d’une loi de la Ve République naissante : la loi d’orientation agricole. Je rappelle que ce texte a été élaboré non pas par Edgard Pisani, mais par Michel Debré.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Exact !

M. François Guillaume. Edgard Pisani, quant à lui, a fait voter la loi complémentaire, qui contenait des dispositions déjà en germe dans la loi d’orientation. N’oublions pas que c’est la volonté de Michel Debré, un homme dont j’ai apprécié le dynamisme, le désir de faire avancer les choses et de réformer la France, qui a permis de créer une agriculture fondée sur des exploitations à responsabilité personnelle, donnant ainsi la chance à de petits agriculteurs, grâce à la politique des structures qui a été mise en place, de bénéficier des terres libérées afin de se constituer des entreprises qu’on appelait « de type familial » à deux UTH – deux unités travailleurs hommes. J’ai d’ailleurs apprécié qu’hier M. Chassaigne ait cité Michel Debatisse, qui a été à la tête de cette équipe très restreinte qui a proposé au Premier ministre de l’époque la politique agricole mise en place par cette loi d’orientation.

La deuxième étape du changement, ce fut le développement agricole lié au progrès des techniques.

La troisième étape, ce fut l’assujettissement à la TVA, toujours par Michel Debré, grâce d’ailleurs au soutien d’une partie des organisations agricoles – mais d’une partie seulement car la plupart y étaient opposées.

La quatrième étape, ce fut l’imposition au bénéfice réel, parce que la gestion d’entreprise est alors devenue différente de celle que l’on pratiquait quand on était, par exemple, au forfait collectif.

Ensuite, il y a eu la reconnaissance des conjoints d’exploitation.

Il y a donc eu un mouvement considérable qui nous a permis de devenir d’abord autosuffisants, puis excédentaires pour pouvoir conquérir des marchés mondiaux.

Il faut alors vraiment changer l’intitulé que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, parce que c’est une maladresse. Il est même, à la limite, vexatoire pour les agriculteurs, au point que je m’interroge : durant mes quarante années de chef d’exploitation, n’étais-je donc pas à la tête d’une entreprise agricole ? Je m’interroge aussi sur la réaction des jeunes agriculteurs qui se sont installés et qui, pour la plupart, ont une formation de technicien supérieur, voire d’ingénieur. S’ils sont devenus agriculteurs, c’est parce qu’ils considéraient qu’ils avaient la chance de pouvoir gérer une entreprise et d’être, sur celle-ci, pleinement responsables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, notamment parce qu’il limite l’intitulé à la transmission, alors que les articles qui suivent ne concernent pas que cela. Il s’agit de voir l’entreprise dans son ensemble comme un lieu de création de richesse, un lieu de conquête de nouveaux marchés. C’est d’ailleurs, monsieur Guillaume, ce que vous venez de dire vous-même.

J’ajoute que je tiens à vous remercier pour l’exposé que vous venez de nous faire sur l’historique des lois d’orientation agricole. J’en ai moi-même fait une esquisse dans mon rapport, mais je crois que les compléments que vous y avez apportés sont extrêmement utiles pour nous permettre de placer en perspective le texte, vraie loi d’orientation qui s’inscrit dans la lignée des textes importants pour l’agriculture française.

M. François Sauvadet. N’exagérons rien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, il ne vous a pas échappé que nous assistons là à un débat interne à la majorité et qu’il aurait donc été souhaitable de renvoyer le texte en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ne commencez pas, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Cela nous aurait permis d’aller au fond des argumentations qui sont développées dans cet hémicycle. Je note d’ailleurs, monsieur le président, que vous laissez aller tranquillement le débat comme si nous étions en commission. Je vous prie donc de ne pas me couper la parole…

M. le président. Mais je n’ai encore rien dit ! (Sourires.)

M. François Brottes. Pour ce qui nous concerne, une fois n’est pas coutume, nous voterons l’amendement de M. Guillaume (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) parce que notre collègue a raison de poser le problème en ces termes.

Évoquer l’évolution de l’exploitation agricole – et non pas des exploitations agricoles – vers l’entreprise agricole – et non pas vers les entreprises agricoles –, cela veut bien dire qu’on veut faire évoluer la pratique de l’agriculture vers un seul type de structure, dans un seul type de logique.

M. Guillaume, quant à lui, nous propose un intitulé auquel nous adhérons.

Premièrement, sa rédaction suppose que l’on admet qu’il s’agit d’entreprises d’ores et déjà, puisqu’il parle de la « transmission des entreprises agricoles ». Tout agriculteur aujourd’hui a bien conscience qu’il est dans l’activité économique, même s’il remplit aussi par ailleurs des missions d’intérêt général.

Deuxièmement, le fait qu’il évoque les « entreprises agricoles » montre qu’il a la volonté de maintenir la totalité des exploitations agricoles. C’est aussi une dimension importante de sa proposition.

Monsieur le rapporteur, je ne suis pas d’accord avec votre analyse : le mot « transmission » est fondamental. Si l’on parle d’une loi d’orientation et donc de l’avenir des exploitations agricoles, la seule chose qui compte, c’est de garantir leur transmission. Il s’agit de pérenniser, de génération en génération, une activité agricole dans ce pays. Si cette loi ne porte pas là-dessus de façon fondamentale et essentielle, à quoi sert-elle ?

La transmission doit être au cœur de nos préoccupations et au cœur de cette loi. C’est la raison pour laquelle nous adhérons à l’idée d’ « assurer la bonne transmission des entreprises agricoles ».

M. le président. Monsieur Brottes, vous m’avez accusé, il y a quelques instants, de laisser filer le débat. De la part d’un élu de l’opposition, c’est une première.

M. François Brottes. Ce n’était pas une accusation !

M. le président. J’ai laissé M. Guillaume développer son argumentation compte tenu de la compétence qui est la sienne sur ce dossier. Mais si vous souhaitez que je ne laisse plus filer le débat, je vais y être très attentif.

M. François Brottes. C’était un compliment, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. On ne va pas, en effet, laisser filer le débat, mais je me dois de dire quelques mots avant la discussion des amendements à l’article 1er.

S’agissant du fonds agricole, moi le premier, lorsque j’ai lu texte, je me suis posé des questions, mais on s’oriente vers l’aboutissement d’une vieille revendication de nombreuses organisations agricoles : arriver enfin à définir la véritable valeur économique de l’exploitation agricole. Dans une telle exploitation, il y a le foncier, que ce soit par faire-valoir direct ou que ce soit par faire-valoir indirect – en ce dernier cas, le foncier est traité par le bail cessible dans la mesure où il y a accord entre le bailleur et le preneur.

M. François Brottes. C’est bien le problème !

M. Michel Raison. Et dans le cadre du faire-valoir direct, il y a bien, en termes de valeur économique, le foncier d’un côté et l’exploitation de l’autre. Aujourd’hui, que se passe-t-il à chaque transmission d’exploitation ? Il y a confusion entre le foncier, le matériel, la clientèle, le bâtiment, et les prix en sont complètement désorientés. Le fonds va donc nous aider à remettre de l’ordre dans la vraie valeur de chaque chose.

M. François Brottes. Il n’y a que vous pour y croire !

M. Michel Raison. Et lorsque le bâtiment vaudra 40 000 euros et se vendra 40 000 euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), lorsque le cheptel se vendra à son véritable prix, vous verrez que le marché s’équilibrera de lui-même.

M. Jean Gaubert. C’est beau la foi !

M. Michel Raison. Les excès ont toujours existé. J’ai vu des gens louer une pâture dix fois son prix parce qu’elle était bien placée ou parce qu’il y avait de l’eau, ou encore parce qu’ils avaient mal calculé leur affaire.

M. François Brottes. C’est bien ce qui se passe !

M. Michel Raison. Mais tout cela a toujours fini par se rééquilibrer, d’abord parce qu’il y a derrière un banquier qui sait ce que veut dire la valeur économique, et que celle-ci se transforme en capacité de remboursement. Je fais donc confiance au fonds pour arriver véritablement à une définition de la valeur économique. Je précise aux membres de mon groupe qui étaient, à juste titre, inquiets, qu’il est, dans les faits, optionnel. Mais s’il le faut, nous veillerons à ce qu’il soit vraiment inscrit noir sur blanc que le fonds est bien optionnel.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur Raison, il ne vous a pas échappé que c’est précisément ce que nous avons décidé en commission. Il va donc être proposé tout à l’heure de le rendre optionnel.

Avec l’article 1er, nous entrons dans le vif du sujet : le fonds agricole. Il ne s’agit pas de le créer mais de le révéler, puisque ses éléments existaient – Charles de Courson l’a rappelé en commission des finances et cela a été également évoqué en commission des affaires économiques. Nous avons beaucoup écouté les responsables professionnels agricoles et les agriculteurs, et il est vrai que cette proposition avait suscité a priori beaucoup d’espérances. Puis, au fur et à mesure, on a vu que les espérances étaient accompagnées de beaucoup de craintes. Le but poursuivi – M. Raison vient de le rappeler, et vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, devant la commission des affaires économiques –, c’est précisément de déterminer ce patrimoine d’exploitation. L’idée peut paraître tout à fait intéressante mais il faut bien la mettre en perspective par rapport à ce que nous souhaitons : favoriser la transmission. L’objectif du fonds est de transmettre des outils économiques…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. François Sauvadet. …sur des bases avérées et dans la transparence. Pourtant, c’est précisément au travers de cet objectif de transmission que les craintes se sont exprimées. C’est tout le paradoxe du fonds ! Il y a eu notamment la crainte que l’intégration d’éléments qui n’étaient pas auparavant pris en compte n’aboutisse à un renchérissement de la transmission et donc du coût de l’installation.

M. François Brottes. C’est ce qui se passera !

M. François Sauvadet. D’ailleurs, monsieur le ministre, lorsque nous avons évoqué cette question en commission des affaires économiques, vous avez très objectivement et très clairement indiqué que le coût de la reprise des exploitations allait sans doute augmenter. C’est un problème sérieux pour l’installation, qui est un des principaux défis que nous avons à relever dans cette loi d’orientation. Vous connaissez comme moi les chiffres, et constaté la chute du nombre d’installations au cours de ces dernières années. Beaucoup de jeunes ne se voient pas d’avenir dans le métier et on a beaucoup de difficulté à les maintenir sur un territoire. L’enjeu n’est pas seulement d’installer pour installer, mais aussi d’assurer la présence territoriale de l’agriculture et donc de la vie rurale.

Je veux aussi parler des craintes exprimées par le monde viticole. J’ai rencontré des responsables viticoles de mon département, de ma région. Je sais que M. Philippe-Armand Martin, M. de Courson, M. Feneuil et beaucoup d’autres se sont fait l’écho de leurs inquiétudes. La prise en compte d’éléments nouveaux risque de poser des problèmes concrets dans les transmissions, y compris dans les transmissions familiales. C’est au Gouvernement de nous indiquer comment on va procéder.

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions.

On ne pourra pas se dispenser – et j’aimerais, monsieur le ministre, connaître vos intentions à cet égard – d’adapter les outils d’aide et d’accompagnement de l’installation. On a pu constater une évolution très nette : le nombre d’installations aidées a chuté par rapport au total des installations, car elles sont trop complexes à réaliser et insuffisamment aidées ; en particulier, la mise en œuvre des taux bonifiés est rendue délicate dans un contexte de taux d’intérêt très bas. C’est dire que nous n’échapperons pas à une réflexion de fond sur la question.

Je souhaite que nous soyons extrêmement vigilants. Et je vous demanderai d’ailleurs, monsieur le ministre, de vous engager à faire le point devant nous, à intervalles réguliers, sur les conditions de la mise en œuvre du fonds, qui ne peut qu’être créé, puisque telle est la volonté de la majorité, et de la commission, si j’ai bien compris.

Je crains que le caractère optionnel, qui constituait d’abord un progrès, et que nous avons été un certain nombre à réclamer, ne règle pas le problème car se créeront des références qui auront des incidences non négligeables sur les transmissions.

Cela dit, il est impératif que nous prenions en compte une réalité – nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen des amendements – à savoir que le fonds posera un réel problème sur le plan fiscal. Je salue le travail accompli dans ce domaine par M. de Courson mais aussi par M. Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pour répondre à la préoccupation que nous avions exprimée, ils ont recherché des garde-fous qui puissent éviter que la création de ce fonds n’alourdisse trop la fiscalité, ce qui irait à l’encontre des objectifs que nous poursuivons, notamment en matière d’installation.

Nos amendements tendront à favoriser les installations progressives, notamment dans le cas d’installations non aidées. De ce point de vue, nous avons déjà considérablement progressé.

Sur la question de la prise en compte des plus-values, je ne partage pas du tout l’avis exprimé par les députés de gauche, selon lesquels on aurait fait des cadeaux fiscaux à certains. C’est un non sens. Il suffit d’examiner de près les dernières transmissions d’entreprises pour constater que le seuil proposé correspond à une réalité économique.

Monsieur le ministre, mettez un soin tout particulier à lever les craintes qu’a pu faire naître la création du fonds. Puissiez-vous aussi faire en sorte que les amendements de la commission des finances, auxquels nous apportons notre entier soutien, soient retenus, car ils fourniront un certain nombre de garanties fiscales.

J’ai peut-être été un peu long mais je n’entends pas me répéter lorsque nous examinerons chacun des amendements.

En tout cas, du sort qui sera réservé à ces amendements fiscaux dépendra notre approbation du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Philippe-Armand Martin.

M. Philippe-Armand Martin. La création de ce fonds agricole, pour souhaitable qu’elle soit, n’en modifiera pas moins profondément la structure des exploitations agricoles.

S’agissant des grandes exploitations, il ne fait aucun doute qu’elles sauront supporter une telle évolution vers des structures sociétales renforcées, ainsi que l’apport de capitaux extérieurs. Cependant, je reste convaincu que, pour les exploitations de moindre importance, qui sont majoritaires, la création de ce fonds sera perçue comme un obstacle à la transmission.

M. François Brottes. Il a raison !

M. Philippe-Armand Martin. Indéniablement, dès lors que le fonds agricole aura été constitué et déterminé, elle s’en trouvera compliquée de deux manières : l’une, financière, dans la mesure où le fonds intégrera dans l’estimation de la valeur de l’exploitation de nouvelles données – clientèle, marque, etc. – ; l’autre, familiale, car les ayants droit non exploitants exigeront de celui d’entre eux qui souhaite reprendre l’exploitation familiale qu’il en soit tenu compte dans le partage.

Monsieur le ministre, on vous a déjà cité des exemples. Je ne les reprendrai pas. Il faudrait que vous nous apportiez des précisions de nature à nous rassurer. En effet, si la création du fonds agricole peut se révéler bénéfique pour certains, elle peut poser de grandes difficultés à d’autres.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Avant d’aborder la discussion des différents amendements, je voudrais moi aussi poser quelques questions sur le fonds agricole.

Quel est l’objectif recherché ? Si j’en crois les interventions du ministre, du rapporteur et de nombre de députés de la majorité, il s’agirait de mieux appréhender la valeur marchande des exploitations, laquelle aurait été jusqu’à présent inférieure à son niveau réel. On y ajouterait – ce qui est nouveau – la valeur de biens immatériels, notamment les droits à produire, les primes, la commercialisation, tout ce qui, en dehors des biens matériels, valorise une exploitation.

On sait très bien que cela va compliquer les transmissions – contrairement à ce que vous prétendez –, augmenter leur coût et poser des problèmes beaucoup plus difficiles à régler qu’auparavant. Par conséquent, l’argument selon lequel la création du fonds faciliterait la transmission ne tient pas. Tout démontre le contraire, certains membres de la majorité eux-mêmes l’ont admis.

Y aurait-il dès lors un non-dit, mais qui transparaît clairement dans les propos ? Le but ne serait-il pas d’éviter d’augmenter les retraites des agriculteurs, qui disposeraient ainsi, désormais, d’un revenu comparable à celui des commerçants ou artisans qui vendent leur fonds de commerce ou leur pas-de-porte ? Il est vraisemblable qu’il puisse s’agir d’un artifice pour se dispenser d’une politique de revalorisation des retraites.

Mais là n’est pas l’essentiel car un autre objectif est recherché et personne ne l’ignore sur aucun banc d’un côté parce que c’est une exigence, de l’autre, parce qu’il est à rejeter. Cet objectif, c’est la libéralisation de notre agriculture. D’ailleurs, le président de la commission invitait tout à l’heure à se détourner d’une « agriculture administrée » et plusieurs députés de la majorité ont parlé de « liberté ». Il s’agit bien d’appliquer le système du libéralisme à une agriculture, traditionnellement familiale, avec des exploitations à taille humaine, pour l’ouvrir, petit à petit, aux capitaux. C’est inéluctable ! L’objectif est bien de la transformer en une agriculture qu’il faut bien qualifier de capitalistique.

Mais cela pose des problèmes, que vous avez du mal à surmonter, en particulier parce que c’est en contradiction avec les attentes des agriculteurs. Grâce au fonds agricole, qui sera négocié de gré à gré, vous allez faire sauter tous les verrous qui, selon vous, brident la liberté. Le premier de ces verrous est la politique des structures qui permet d’installer un jeune, de conforter une exploitation, de faire des choix de développement pour un territoire donné. Le deuxième est la politique foncière ; or, même si l’on peut déplorer certains comportements au niveau des SAFER, celles-ci ont permis une certaine maîtrise du foncier.

Et comme cela ne suffit pas, vous voulez faire sauter aussi le verrou du statut du fermage.

En fait, votre objectif n’est pas de servir les intérêts des agriculteurs.

M. Jacques Le Guen. Mais si !

M. André Chassaigne. Vous n’arrivez pas à nous faire la démonstration que le fonds agricole améliorera le revenu, les conditions de travail et la qualité de la vie de nos agriculteurs !

Comme vous l’avez fait dans d’autres domaines depuis que vous êtes au pouvoir, vous entendez vous attaquer à la société que nous avons connue jusqu’à présent,…

M. Jacques Le Guen. Conservateur !

M. André Chassaigne. …vous voulez la démolir pour tout libéraliser.

En réalité, c’est au nom d’un attachement viscéral, pour ne pas dire obsessionnel,…

M. François Brottes. Intégriste !

M. André Chassaigne. …au libéralisme que vous nous proposez un tel projet de loi et la création du fonds agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Feneuil.

M. Philippe Feneuil. Je m’abstiendrai, pour ma part, de tels excès, dont je pense qu’ils n’ont pas leur place dans ce débat !

Monsieur le ministre, la loi d’orientation agricole comporte de nombreux points très intéressants. À l’évidence, l’article 1er et le fonds agricole font partie des plus importants.

Par l’amendement que j’ai déposé, je voulais me poser en représentant d’une filière viticole au sein de laquelle – mais ce n’est pas la seule – on s’interroge beaucoup.

Certes, la suppression de l’article 1er ne résoudrait rien sur le fond. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Besson. C’est vous qui touchez le fond !

M. Philippe Feneuil. Mais vous avez su, je crois, nous entendre, monsieur le ministre, et il m’a semblé que vous étiez prêt à une ouverture. Considérez donc mon amendement comme une invitation à la réflexion. En effet, demander la suppression est un peu brutal, d’autant que, à l’évidence, on ne peut amender un article supprimé !

M. François Brottes. C’est clair !

M. Philippe Feneuil. Par conséquent, entamons la discussion des amendements, en nous efforçant d’être de bonne foi. Tous ceux qui, comme moi, sont du monde paysan…

M. François Sauvadet. Les autres aussi peuvent avoir un avis !

M. Philippe Feneuil. …peuvent être taxés de bien des défauts mais pas de celui d’être rétrogrades. Il faut que l’agriculture avance. Je suis de ceux qui veulent la faire avancer et je ne suis pas prêt à entrer dans des considérations politiciennes extrémistes qui ne sont plus de mise.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, si la mesure n’était pas aussi grave, on serait tenté de vous dire : « Allez-y, on fera le bilan dans cinq ans ! » Mais la réforme que vous proposez est hasardeuse et dangereuse. Vous allez évaluer des éléments instables tels que les biens amortis ou plus particulièrement les stocks de bétail qui évoluent au fil du temps. Ces éléments ne peuvent constituer une base stable puisque les prix changent d’une année à l’autre. Les droits à paiement unique ont un caractère transitoire et ceux qui les ont achetés se trouveront peut-être dans l’impossibilité de les vendre.

Ce fonds est une machine à faire croire aux paysans qu’ils sont devenus, à l’instar d’Ernest-Antoine Seillière ou de Michel-Édouard Leclerc, des chefs d’entreprise.

M. Jacques Le Guen. Oh !

M. Jean Gaubert. Mais la réalité est tout autre, car la relation du monde agricole à son environnement n’est pas la même.

Cette réforme complique l’installation des jeunes. Qu’on le veuille ou non, dès lors qu’un fonds est à vendre d’un seul tenant, il est à prendre ou à laisser et le jeune exploitant, devant la difficulté grandissante de trouver de la terre, sera contraint de tout prendre.

Enfin, cette réforme est une machine à geler, car le jeune n’aura d’autre solution que de continuer à faire ce que son prédécesseur avait entrepris, sauf à vendre les machines à traire, les ensileuses ou les tracteurs qu’il aura été contraint d’acheter et dont il n’aurait plus besoin dans le cadre d’une réorientation de son exploitation.

Pourtant, il suffirait, au moment de la transmission, de prendre les éléments objectifs de la situation de l’exploitation, comme ils figurent dans le bilan, ce qui réglerait le problème des plus-values.

Vous êtes en train de construire une machine dont vous n’arriverez pas à contrôler la course. Si certains paient des plus-values, c’est parce qu’ils ont vendu leur exploitation au-dessus de sa valeur vénale, ce qui est tout à fait immoral. Pis encore, ce sont généralement les jeunes exploitants qui achètent trop cher. Vous voulez donner un pécule à ceux qui partent à la retraite, mais il existe d’autres moyens d’améliorer la retraite des agriculteurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen.

M. Jacques Le Guen. Je comprends les inquiétudes de certains de nos collègues, mais cet article est essentiel pour l’avenir de notre agriculture puisqu’il permet de clarifier les pratiques et de les rendre transparentes, le fonds existant déjà de manière plus ou moins licite et voilée.

Il s’agit d’une valeur immatérielle qui facilitera la transmission en permettant le découplage entre la valeur de l’entreprise et celle du foncier. Cette question est fondamentale dans certaines régions. En effet, un hectare de champagne – d’une valeur d’un million d’euros – n’équivaut pas à une prairie – que l’on peut estimer à 3 000 ou 4 000 euros.

Cette disposition permettra au marché de s’équilibrer et de se régulariser spontanément. C’est d’ailleurs l’évolution naturelle de notre agriculture. Le fonds agricole est l’une des meilleures solutions pour maintenir les exploitations. Il y a aujourd’hui 614 000 exploitants dans notre pays. Si l’on ne fait rien, il en restera 300 000 demain. Cette mesure est excellente et constitue un élément essentiel du projet.

M. André Chassaigne. Vous affirmez mais vous ne prouvez rien !

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, la rédaction de l’article 1er est étrange. Vous parlez du nantissement du fonds avant de donner la définition de celui-ci. Je pense qu’il eût été préférable de faire l’inverse.

En ce qui concerne le nantissement, nous enfonçons des portes ouvertes, car il existe depuis longtemps, mais les banques ne s’en satisfont pas. Elles exigent des garanties supplémentaires comme des hypothèques sur les terres, sur l’habitat, ou des cautions.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. François Guillaume. Même le Crédit agricole, censé financer l’agriculture, ne se contente pas du nantissement surtout lorsqu’il s’agit de jeunes agriculteurs dont le capital d’exploitation peut évoluer à la baisse, ce qui réduit la garantie au profit de la banque. Malgré l’existence des EARL, créées pour séparer le patrimoine personnel du capital d’exploitation, les banques demandent des garanties sur le patrimoine de l’exploitant.

Permettez-moi maintenant, pour éclairer notre débat, d’évoquer l’Histoire.

Il y a quarante ans, existaient dans le Bassin parisien, en raison de l’excellente rentabilité des terres, des pas-de-porte, analogues à votre fonds. Dès lors qu’un jeune agriculteur souhaitait s’installer sur l’exploitation d’un fermier descendant ou d’un propriétaire exploitant descendant, il payait non seulement le capital d’exploitation, mais aussi, de manière occulte, le pas-de-porte. On a lutté contre cela et un article L. 474 interdit aux bailleurs ou aux preneurs de vendre et d’acheter au-dessus de la valeur vénale. Mais cette pratique a perduré sous la table, permettant d’échapper à la taxation de 17 %.

Pensez-vous changer quoi que ce soit avec cette loi portant création d’un fonds agricole, chargé de valeurs matérielles, mais aussi immatérielles ? Dès lors qu’il y aura transmission de l’exploitation d’un agriculteur à un jeune exploitant, la vente apparente au prix comptable – soit déduction faite des amortissements – aura lieu, sans plus-value. Mais, soyons clairs, il y aura toujours, sous la table, des transferts d’argent. Élaborer un beau projet n’est pas difficile, mais il faut savoir comment cela se passe sur le terrain.

Quelles sont les valeurs immatérielles incluses dans le fonds ? La durée du bail et des valeurs très fluctuantes comme les primes européennes. Si la prime vaut 100 aujourd’hui et que, demain, la Commission européenne et les institutions décident de les réduire à 50, le jeune agriculteur aura acheté à 100 et se retrouvera avec 50.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est la même chose pour les stocks !

M. François Guillaume. Est-ce cela que nous voulons ?

La valeur économique qui a été évoquée est une valeur virtuelle : seule la valeur vénale compte, car elle est établie par la confrontation entre l’offre et la demande. Or la demande étant plus importante que l’offre, les prix augmentent. Votre loi privilégie les fermiers qui vendent et les propriétaires qui voient leurs fermages augmenter de 50 %. Seul le repreneur est piégé, car il paie pour tout le monde. Un tel dispositif ne facilitera pas l’installation des jeunes agriculteurs.

Monsieur le ministre, je vous en prie, examinez les choses de manière concrète et non sur un plan théorique. Dans la pratique, les choses sont différentes, parce que les hommes sont ce qu’ils sont. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Nous avons tous un vécu, plus ou moins long selon notre âge aujourd’hui. Autrefois, on voyait les jeunes agriculteurs reprendre l’exploitation au décès de leur père : ils n’avaient pas de besoins. Puis, on les a vus s’installer plus jeunes avec des prêts à 0 %. Mais dans mon département, les terres valaient 14 000 francs l’hectare en 1974 et elles n’en valaient plus que 7 000 quelques années plus tard.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Yves Simon. Aujourd’hui, les évolutions du monde agricole sont ce qu’elles sont. Mais, pour avoir travaillé dans une administration pendant quelques années, j’estime que le droit n’a jamais été aussi clair en termes de propriété et que la création de ce fonds clarifie les pratiques. Ce ne sont pas des circulaires qui peuvent résoudre les difficultés. Je considère donc que c’est un pas en avant.

L’agriculture vit à son rythme, avec ses évolutions. Contrairement à ce que m’a dit M. Goldberg, aucun agriculteur de ma circonscription n’a déclaré son opposition à ce texte. J’ai même reçu un courrier très favorable des fermiers métayers de l’Allier.

M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. Yves Simon. Soyons dans le réel et non dans l’utopie.

Je citerai l’exemple d’un de mes collaborateurs qui travaille un jour par semaine dans ma permanence. Ce jeune agriculteur de quarante ans était membre d’un GAEC. Quel a été le montant de son indemnisation quand il en est sorti ? André Chassaigne m’a répondu : 200 000 francs. Non, il a reçu 2 millions de francs ! Arrêtons de rêver et gardons les yeux ouverts sur la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je ne suis pas inquiet quant au devenir des jeunes et à leur installation. Je pense, au contraire, que lorsque le fonds agricole existera, nous inventerons un système d’exploitation relais, à l’instar des ateliers relais, en coopération avec les collectivités locales et les SAFER. L’avenir des jeunes passe par la modernisation des structures juridiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Antoine Herth, rapporteur. Et c’est un chef d’entreprise qui parle !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Je souhaite répondre aux préoccupations de certains de mes collègues qui ont répété ce dont nous avons déjà parlé en commission. Je les en remercie d’ailleurs, car il faut que les choses soient dites en séance publique comme en commission. Je vous rappelle en effet, monsieur Brottes, que tous les députés ici présents ne font pas partie de la commission des affaires économiques, mais qu’ils ont également leur contribution à apporter au débat.

M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. Antoine Herth, rapporteur. Pour prendre une image, je dirai que nous sommes dans la situation de M. Jourdain qui découvre ce qu’est la prose et qui s’en réjouit. Sauf que nous, nous découvrons des réalités économiques qui, chez certains d’entre nous, suscitent une peur panique. Je voudrais vous parler des jeunes agriculteurs d’hier, de ceux d’aujourd’hui et de ceux qu’il faudra installer pour avoir des entreprises demain.

La question de la transmission est centrale, mais elle ne constitue pas l’unique enjeu de ce texte. Jeune agriculteur, j’ai repris l’exploitation familiale en 1985 avec une motivation essentielle – ce n’est pas M. Guillaume qui me contredira – : m’inscrire dans une lignée d’agriculteurs qui labourent la même terre depuis trois cent cinquante ans dans le même village, qui plantent tous les ans des céréales et les récoltent. Je me souviens de mon grand-père qui, lorsqu’il avait semé ses 50 ares de blé, disait : « Ça y est ! Nous avons de quoi faire notre pain. » C’était une agriculture de subsistance attachée à la glèbe, au patrimoine transmis de génération en génération. Cette agriculture patrimoniale, elle a été projetée dans un monde nouveau et elle est devenue un rouage de la réussite économique de la France, elle s’est intégrée dans une économie non plus de subsistance, mais d’échange.

Le fonds agricole veut tenir compte des richesses ainsi créées. Lorsque je me suis installé, en 1985, je suis allé chez le notaire avec mon père, qui m’a fait une donation de 13 hectares. L’hectare était alors évalué à 30 000 francs. Vingt ans après, il en vaut 60 000. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu des aides aux moyens de production, des aides à l’hectare avec la réforme de la PAC, et tous ces éléments de création de richesses se sont fixés sur le seul support que l’on était capable d’identifier devant un notaire, à savoir le foncier.

Nous vous proposons aujourd’hui de faire ce que les jeunes agriculteurs ont demandé en 1996 lors de leur congrès dans la Drôme : considérer la valeur économique de l’entreprise, comme l’a très justement dit notre ami Michel Raison, et non plus la seule valeur foncière.

M. François Guillaume. Cela ne sert à rien !

M. Antoine Herth, rapporteur. Il s’agit dorénavant d’évaluer la capacité d’une exploitation à dégager un résultat. Et je veux vous parler là des jeunes agriculteurs de demain. Moi, je me suis installé par fidélité à une tradition familiale. Mais pour les jeunes agriculteurs d’aujourd’hui, c’est fini ! Leur épouse travaille à l’extérieur, ils veulent un revenu et élever leurs enfants avec le même confort que leurs amis qui sont salariés, fonctionnaires, qui ont des vacances, des revenus garantis.

M. Jean Auclair. Explique donc ça aux gens de gauche, qui ne le comprennent pas !

M. Antoine Herth, rapporteur. On me dit qu’il n’y a aucun rapport direct entre la valeur de reprise et le revenu. Mais si, précisément parce que l’investissement est considérable, quelle que soit la politique agricole ! Il en est toujours allé ainsi en agriculture. Pour créer un euro de richesse, il faut en investir cent, alors que c’est beaucoup moins dans l’industrie et les services. C’est une donnée récurrente de l’agriculture. Le prix auquel on reprend une entreprise, la capacité d’évaluer son potentiel économique sont essentiels.

M. André Chassaigne. Cela ne change pas le revenu !

M. Antoine Herth, rapporteur. Si ! M. Feneuil nous a expliqué, dans la discussion générale, qu’en Champagne les exploitations moyennes étaient de trois hectares et que les agriculteurs avaient en moyenne trois enfants. Chaque enfant reçoit donc un hectare. C’est une vision patrimoniale. Mais il faut compter avec tout le reste, le savoir-faire, les stocks. Le droit français prévoit que l’on peut diviser par quatre et donner deux parts à l’enfant qui reprend l’exploitation. C’est ce que l’on appelle la quotité disponible, qui avantage celui qui reprend l’entreprise. Le fonds agricole permettra de clarifier la situation.

M. François Sauvadet. Puissiez-vous avoir raison !

M. Antoine Herth, rapporteur. Les co-héritiers veulent souvent liquider leur part d’héritage et il faut payer des soultes : soit on dispose de l’argent et on se serre la ceinture pendant un an ou deux, soit on emprunte et on paie des intérêts.

M. André Chassaigne. Le problème sera le même !

M. Antoine Herth, rapporteur. Dans une vision moderne de la transmission, les co-héritiers pourraient rester « actionnaires » de l’entreprise, ce qui allégerait considérablement la charge de l’exploitant, puisqu’il n’aurait plus qu’à rémunérer ses frères et sœurs qui lui laissent le capital à disposition pour faire fonctionner l’entreprise.

Nous aurons l’occasion de revenir dans la discussion des amendements sur la question des retraites agricoles ou la façon dont il faut accompagner la phase de transition entre la situation actuelle, assise sur un concept patrimonial, et la situation future, qui est souhaitable. Nous avons d’ailleurs demandé à notre ami Marc Le Fur de travailler avec la commission des finances sur les aspects fiscaux de la question pour que cette phase de transition se passe le mieux possible.

Je vous remercie une nouvelle fois d’avoir mis tous ces sujets sur la table. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est un débat important et je remercie M. le rapporteur pour la manière brillante et forte avec laquelle il a expliqué la mesure que nous proposons. Il l’a fait mieux que je n’aurais su le faire, avec son cœur et avec l’expérience de quelqu’un qui est très à l’écoute de ce qu’est l’agriculture d’aujourd’hui, dont il a été l’un des responsables de terrain.

Je souligne tout d’abord que si Philippe-Armand Martin a déposé un amendement de suppression de l’article, il a présenté un amendement de repli, n° 410, qui vise à rendre optionnel le fonds agricole. Le Gouvernement est d’ailleurs favorable à ce caractère optionnel, car il faut introduite le plus de liberté possible dans les procédures. Naturellement, et je réponds là aussi à M. Sauvadet, si le fonds agricole, qui est le cœur de la loi, est adopté, le Gouvernement s’engage à faire un point régulier de son évolution devant l’Assemblée nationale.

M. François Sauvadet. Très bien ! Cela sera nécessaire !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Enfin, le Gouvernement fait siennes les propositions intelligentes de neutralité fiscale faites par la commission des finances. Telles sont les positions que le Gouvernement, sous le contrôle de sa majorité au sens le plus large du terme, est prêt à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 436, 490, 661, 941 et 1103, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Philippe-Armand Martin, pour soutenir l’amendement n° 436.

M. Philippe-Armand Martin. Je comprends les arguments de M. le rapporteur, mais ils ne valent pas pour toutes les filières. En Champagne, les petites exploitations familiales de maraîchers ou de viticulteurs fonctionnent bien. En cas de transformation en société, les jeunes pourront-ils toujours reprendre les exploitations ? Je suis comme M. le rapporteur : avant de faire de la politique, j’étais viticulteur, et j’ai été le seul des six enfants à reprendre l’exploitation. Je n’aurais pas pu le faire si le fonds agricole avait existé. A l’époque, un de mes frères, qui était notaire, avait commencé à m’en parler.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable. Je suggère à M. Philippe-Armand Martin de retirer cet amendement, qui lui a cependant permis d’exprimer son point de vue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 490.

M. François Brottes. La démonstration sincère, voire touchante, du rapporteur ne m’a malheureusement pas convaincu.

M. Antoine Herth, rapporteur. Faut-il que je la répète ? (Sourires.)

M. François Brottes. Il a fait l’impasse sur deux aspects de son histoire personnelle, qui est très significative. Le premier, c’est la question du bail : en cas de transmission, on n’est pas toujours propriétaire de la terre qu’on cultive. Le second, c’est cet élément presque virtuel, à vocation précaire, qu’est le droit à primes, intégré dans le dispositif d’une manière qui ne permet pas d’anticiper ses conséquences sur les spéculations à venir. La démonstration du rapporteur, si intéressante qu’elle soit, opère ainsi deux omissions. J’en oublie sans doute, mais Jean Gaubert complétera mon propos. Il a, lui aussi, son expérience, comme il l’a rappelé tout à l’heure.

Mes chers collègues, on ne doit pas considérer que, sous prétexte de clarifier une situation faite de pratiques occultes, comme vous l’avez rappelé les uns et les autres, il faille limiter la surenchère pour faciliter les transmissions des exploitations. Nos collègues ont beau tenter de faire le grand écart depuis le début du débat, leur démonstration ne nous convainc absolument pas.

Pour ma part, je ne puis faire état d’une expérience personnelle, comme tel ou tel d’entre vous. Mais nous sommes élus du peuple. À ce titre, nous avons tous notre mot à dire sur une agriculture qui nous est chère et qui, en tout état de cause, est indispensable à tous.

En tant qu’observateur des activités économiques et industrielles, voire en tant que praticien, ce que je suis depuis quelques années, un scénario me paraît s’imposer : dans le monde, l’agriculture va de plus en plus se structurer par filières de production. En fonction des attentes du marché, on constatera des aléas dans telle ou telle filière, phénomène qui existe déjà actuellement mais qui va encore se conforter. Cette surenchère se produira nécessairement. Il serait curieux en effet que le fonds permette une évaluation vertueuse à tout coup. C’est le rapport entre l’offre et la demande qui permettra de la déterminer. Qui pourrait croire qu’un commissaire va fixer le prix du fonds en interdisant éventuellement de le vendre plus cher ? Dès l’instant que l’on trouvera un meilleur acquéreur, on le vendra plus cher, d’où la surenchère. Les libéraux que vous êtes, chers collègues de la majorité, doivent apporter leur adhésion à ce type de pratique. Aujourd’hui, elles s’imposent malheureusement dans l’immobilier et le foncier, et il n’y a aucune raison pour que le fonds agricole y échappe.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il en est déjà ainsi !

M. François Brottes. Dès lors que le fonds sera inaccessible à ceux qui n’ont pas de capitaux ou qui ne sont pas des fils de famille – et n’ont par conséquent pas de dot –, ce sont des investisseurs, notamment les fonds de pension, dont je parlais tout à l’heure, qui s’intéresseront à telle ou telle filière, par exemple d’élevage ou de céréales. Ils décideront de tout miser pour acheter une série de fonds sur tel territoire, parce qu’ils penseront qu’une de ces filières a de l’avenir. Ils placeront ici un salarié agricole, là un agriculteur franchisé. Notre agriculture prendra une nouvelle physionomie. Mais le jour où la filière en question se portera moins bien, ils vendront les fonds juste avant qu’elle ne s’effondre et délocaliseront les fonds financiers en question.

M. Jacques Le Guen. Ils délocaliseront l’agriculture ? Impossible !

M. Jean Auclair. Il faut retourner à l’école primaire !

M. François Brottes. Nous nous retrouverons alors dans un territoire sans agriculteurs parce que ceux-ci auront perdu toute implication patrimoniale dans le dispositif, compte tenu de la mécanique infernale et impitoyable que vous aurez mise en place.

M. Jacques Le Guen. Cette argumentation ne nous convainc pas !

M. François Brottes. C’est la raison pour laquelle, je le répète, nous souhaitons que cet article 1er soit supprimé.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 661.

M. André Chassaigne. Permettez-moi de revenir sur l’argumentation de nos collègues qui veulent à tout prix démontrer que le fonds agricole présente un intérêt spécifique.

M. Jean Auclair. Il est ultralibéral !

M. André Chassaigne. Moi aussi, j’ai été très impressionné par les explications que le rapporteur a délivrées avec talent, mais celles-ci ne m’ont pas convaincu. Et ce pour une raison simple : le seul argument qui nous ait été donné en faveur de la création du fonds est qu’il facilitera la succession.

L’argument ne tient pas debout : ce dispositif va les compliquer, au contraire, dans la mesure où la valeur de l’exploitation, que vous appellerez maintenant le fonds agricole, sera bien plus importante qu’auparavant. Les problèmes de succession se poseront de façon plus aiguë que par le passé et les discussions entre héritiers ne seront par conséquent pas réglées de cette manière.

M. François Brottes. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Le rapporteur a évoqué un autre argument, qui découle du précédent. Il nous a expliqué que des frères et sœurs pourront devenir actionnaires de la société. Le mot ne me fait pas peur, contrairement à ce que le rapporteur a pu prétendre. Seulement on ne devient pas actionnaire pour faire plaisir à un associé, mais pour tirer profit d’un bien.

M. Jacques Le Guen. Non !

M. André Chassaigne. Quand on sait ce que représente le revenu d’une exploitation agricole, fût-elle rebaptisée « fonds agricole », l’argument tombe de lui-même. Il ne justifie en rien l’existence du fonds. Je pense même que c’est l’inverse : le fait qu’on augmente la valeur d’un bien pour obtenir une valeur marchande supérieure, ou que des actionnaires puissent s’y retrouver, signifie qu’on leste l’exploitation de charges plus importantes, qui créeront plus de difficultés qu’elles n’en résoudront. Au lieu de rendre notre agriculture plus compétitive, vous la plombez, et le résultat que vous obtiendrez sera inverse à celui que vous recherchez. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 490, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public, lequel portera en conséquence sur l’ensemble des amendements de suppression.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 941.

M. François Sauvadet. J’avoue que, moi non plus, je n’ai pas été convaincu par l’explication du rapporteur. Prétendre que le fonds, en ouvrant la voie à des actionnaires, réglera le problème des transmissions familiales ne correspond pas à la réalité. Sa création révélera au contraire les éléments qui entreront désormais dans les successions et renchérira incontestablement le coût pour le repreneur.

Toutefois, monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention et je voudrais revenir sur trois points.

En premier lieu, vous avez indiqué que ce fonds pourrait être optionnel. C’est, à mon sens, une proposition intéressante, qui participe de ce qu’on pourrait appeler une expérimentation. Il faut entendre les éléments qui plaident en ce sens. D’autant que les aspects fiscaux doivent également être pris en compte.

En second lieu, dès lors que le caractère optionnel de la mesure aura été retenu, l’évaluation sera nécessaire pour connaître ses effets concrets dans divers types de situation, notamment l’installation. Pour le groupe UDF, celle-ci reste une préoccupation majeure, car elle représente un défi sociétal.

M. Antoine Herth, rapporteur. Très bien !

M. François Sauvadet. En effet, je ne partage pas l’idée que l’installation ne soit qu’un élément parmi d’autres, comme vous semblez le croire. À nos yeux, c’est la question centrale de l’avenir de l’agriculture et on ne peut la réduire au seul problème de la transmission. Mais j’insiste : ne balayez pas d’un revers de main ce que nous sommes nombreux à dire. La révélation du fonds risque d’être un facteur de renchérissement dans le cadre des successions ou de la transmission.

En troisième lieu, vous avez retenu les amendements fiscaux déposés par notre groupe ou par la commission. N’est-ce pas dans l’idée que ces mesures ne seront pas anecdotiques ?

M. André Chassaigne. Eh oui !

M. François Sauvadet. Nous essayons de fixer les contours d’une opération prétendument neutre par des mesures fiscales que nous avons demandées. Voilà dans quelles conditions le fonds va se mettre en place.

Compte tenu des engagements que vous avez pris, monsieur le ministre, je retire mon amendement. Mais je souhaite réellement qu’une évaluation soit faite de manière sérieuse parce que, en se focalisant sur le fonds, on a oublié un invité dans ce débat. Cet invité, c’est le propriétaire, qui existe et dont vous avez observé qu’il avait changé de visage en termes de panorama, de superficie et de mode d’intervention. Vous l’avez d’ailleurs reconnu tout à l’heure. Loin de sous-estimer le propriétaire, on doit le prendre en compte. Quoi qu’il en soit, de grâce, dans un débat sérieux, ne balayez pas les craintes qui ont été exprimées par tous.

M. le président. L’amendement n° 941 est retiré.

Monsieur Feneuil, en fonction de ce qui vient d’être dit, maintenez-vous votre amendement n° 1103 ?

M. Philippe Feneuil. Oui. J’ai bien entendu l’engagement pris par le ministre et, pour ma part, je voterai pour le fonds optionnel.

M. François Brottes. On serre les boulons ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Bel exemple de centralisme démocratique !

M. le président. L’amendement n° 1103 est retiré.

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je voudrais faire deux réflexions pour éclairer nos collègues qui pourraient encore s’interroger avant le vote.

La première s’adresse à M. Chassaigne, ainsi qu’à nos collègues socialistes. Très sincèrement, le fonds ne mérite pas tous les qualificatifs dont vous l’affublez. En fait, il ne crée rien et ne retire rien.

M. François Brottes. À quoi sert-il, alors ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est un instrument juridique que nous mettons à la disposition de l’économie agricole. Sans entrer dans le détail de l’expérience que le rapporteur a évoquée avec émotion tout à l’heure, je rappelle qu’il est nécessaire que l’acquisition et la transmission des exploitations agricoles gagnent en lisibilité et en transparence, et qu’elles soient mieux identifiées. Pour ma part, je pense que le fonds simplifiera la situation, parce qu’il permettra d’identifier la valeur entrepreneuriale de l’entreprise. C’est tout. Cet instrument ne mérite pas toutes les attaques que j’ai entendues sur certains bancs et que je ne crois pas utile de rappeler. Revenons à la réalité de ce que le Gouvernement propose. Il s’agit seulement d’apporter davantage de simplicité et de transparence aux transmissions, afin d’obtenir une meilleure identification.

En second lieu, je rappelle que, en accord avec la commission, le ministre s’est clairement prononcé – pour répondre à votre demande, monsieur Feneuil, et à la vôtre, monsieur Sauvadet – en faveur du caractère optionnel du fonds. Vous avez été entendus. Le Gouvernement a accepté cette idée, ainsi que le ministre l’a confirmé. D’ailleurs, un amendement viendra en discussion dans quelques minutes pour confirmer le caractère facultatif du fonds.

M. François Brottes. Pressions, réaction !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je crois qu’il fallait le rappeler, afin que ceux qui vont voter soient pleinement informés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Avant que l’on ne passe au vote sur les amendements de suppression, je confirme que le Gouvernement acceptera, comme la très grande majorité d’entre vous le souhaite – et je m’adresse en particulier à M. Feneuil et à M. Philippe-Armand Martin –, que ce fonds ait un caractère optionnel.

Je vois que le président de votre assemblée est à côté de M. Voisin ; je profite d’avoir la parole pour souhaiter à ce dernier, au nom du Gouvernement, un très bon anniversaire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je voudrais comprendre. Le président de la commission vient de nous expliquer que l’on avait besoin d’un outil juridique pour faciliter la transmission des biens incorporels. Mais toutes les exploitations bien gérées disposent d’un compte de bilan et d’un compte d’exploitation sur lesquels figurent tous les éléments incontestables qui constituent la valeur de l’exploitation, éléments qui ont été définis par le législateur année après année. Le problème n’est donc pas tant de créer un outil juridique supplémentaire que d’admettre que des droits incorporels, fluctuants, puissent aussi être vendus. Telle est la vraie question.

Par ailleurs, qu’on le veuille ou non, c’est la loi de l’offre et de la demande qui s’appliquera. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or celui qui fera l’offre la plus élevée sera celui qui voudra s’agrandir, pas celui qui voudra s’installer.

M. Jean Auclair. Ce sera celui qui veut travailler !

M. Jean Gaubert. Et n’oublions pas, comme le disait M. Sauvadet tout à l’heure, que le propriétaire de la terre aura également son mot à dire ; nous y reviendrons lorsque nous aborderons le bail cessible. En définitive, ce texte contribuera à l’agrandissement des exploitations, et certainement pas à l’installation des jeunes agriculteurs.

Je terminerai par deux remarques. Tout d’abord, je m’étonne que les partisans de ce fonds utilisent l’argument selon lequel il faut légaliser ce qui existe. Car, dans ce cas, mes chers collègues, pourquoi ne pas légaliser le cannabis ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut se méfier de cet argument.

Enfin, dans un rapport de 1997, le sénateur César – l’un de vos amis – écrivait : « La notion de fonds provoquerait ainsi la généralisation des pas-de-porte, ce qui serait une contrainte financière supplémentaire pour les agriculteurs et représenterait ainsi un nouvel obstacle à l’installation. »

M. André Chassaigne. Très vrai !

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, vous avez souhaité apporter deux assouplissements. Premièrement, vous nous dites qu’il n’y aura pas de plus-value. Mais cette mesure est un avantage pour celui qui vend, pas pour celui qui achète, donc qui s’installe.

Deuxièmement, vous nous dites que le fonds sera optionnel. Si j’ai bien compris le propos du rapporteur, il n’y aura plus que des jeunes agriculteurs qui succéderont à leurs parents. Mais que se passera-t-il si un seul des enfants s’installe et que les autres partent à la ville ? Comme le fonds sera légalisé, ils réclameront sa réalisation.

M. Jean Dionis du Séjour et M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. François Guillaume. Or il sera constitué de toutes les valeurs que l’on ne comptabilisait pas jusqu’ici dans une famille, c’est-à-dire les biens immatériels. Ainsi, vous allez étendre l’inflation du coût de l’installation à celles qui ont lieu dans le cadre d’une succession, alors que ce n’était pas le cas jusqu’ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. J’ai écouté très attentivement ce qu’a dit le député Guillaume de Meurthe-et-Moselle, le député Chassaigne du Puy-de-Dôme, le député Gaubert des Côtes-d’Armor, et je pense aussi à ma propre histoire, celle du député Herth d’Alsace…

M. François Sauvadet. Vous ne pouvez pas parler comme ça ! Nous représentons la nation française !

M. Antoine Herth, rapporteur. Sur ma carte de visite, il est inscrit : « Antoine Herth, député du Bas-Rhin », et je n’ai pas à le cacher. Je parle des réalités.

J’ai écouté les uns et les autres et, en tant que rapporteur de la commission, député de la République élu dans le Bas-Rhin, je vous invite à repousser ces amendements de suppression de l’article 1er, pour que nous puissions rapidement examiner les autres amendements, qui entrent dans le détail d’une matière qui nous passionne tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je tiens à préciser à M. Gaubert, dont j’apprécie beaucoup la sincérité et la force de conviction, que M. César a été désigné comme rapporteur de ce projet de loi par la commission des affaires économiques du Sénat et qu’il est extrêmement favorable au fonds, ainsi qu’il l’a déjà indiqué à plusieurs reprises.

M. Jean Gaubert. En 1997, il ne l’était pas !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Mais le M. César de 2005 n’est pas celui de 1997, tout comme M. Philippe Martin, élu du Gers, n’est pas M. Philippe Martin, préfet du Gers.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix par un seul vote les amendements nos 436, 490 et 661, qui tendent à supprimer l’article 1er.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi de trois amendements, nos 638, 663 et 756, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n° 638.

M. Antoine Herth, rapporteur. Cet amendement précise notamment que le fonds exploité dans l’exercice de l’activité agricole définie à l’article L. 311-1, dénommé fonds agricole, peut être créé par déclaration à l’autorité administrative. Il s’agit de souligner que la réalisation de ce fonds agricole, qui ne crée pas de richesse, sera déclenchée par une démarche positive de l’exploitant, par exemple lorsqu’il se rendra chez le notaire pour nantir ce fonds.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 663.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 756 n’est pas défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 638 et 663 ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a accepté l’amendement n° 638.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Favorable à l’amendement n° 638.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’ai bien compris que le fonds est optionnel – ce qui montre d’ailleurs à quel point cette loi est normative –, mais pourquoi écrire que le fonds « peut être créé par déclaration à l’autorité administrative » et non qu’il « est créé par déclaration à l’autorité administrative » ? Je souhaiterais que le rapporteur m’éclaire sur ce point et, surtout, qu’il éclaire ceux qui feront cette démarche.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Vous vous souvenez, monsieur Brottes, que nous avons eu, en commission, de longues discussions à ce sujet, notamment à l’initiative de MM. Feneuil, Martin et Sauvadet, qui se demandaient si le fonds serait obligatoire. À ce propos, M. de Courson a trouvé les termes adéquats lorsqu’il a parlé de la révélation de valeurs latentes. En effet, tout exploitant, qu’il soit en société ou non, détient un fonds, mais celui-ci n’est pas reconnu. Une fois que la loi sera votée, la valeur et la composition d’un fonds ne seront définies qu’au moment de son nantissement, lorsqu’il aura fait l’objet d’une déclaration à l’autorité administrative. Mais il est clair que beaucoup d’agriculteurs ne se poseront pas la question avant longtemps.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. La vraie question est celle de savoir à l’initiative de qui le fonds sera créé. Je prends l’exemple de trois frères et sœurs, dont un seul reste sur l’exploitation. Si c’est à son initiative que le fonds peut être créé, cela ne pose pas de problème. Mais s’il peut l’être à l’initiative de l’un de ses frères et sœurs, cela augmentera, comme je le disais tout à l’heure, le coût de l’installation pour celui qui reste. Il est donc important que la loi précise à l’initiative de qui le fonds peut être créé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Sur ce point, le texte est très clair puisque l’article L. 311-3 précise bien que le fonds peut être nanti et sa définition est la même que celle du fonds artisanal.

Pour illustrer mon propos, monsieur Guillaume, je vais vous donner un autre exemple, celui de mes beaux-parents, fermiers sur une exploitation de 140 hectares dans l’Indre. N’étant pas propriétaires des terres qu’ils exploitaient, ils n’avaient rien à apporter en garantie lorsqu’ils sollicitaient un prêt à la banque, et ne pouvaient obtenir ce prêt qu’en demandant à des cousins de se porter caution pour eux. Désormais, un fermier dans la même situation pourra aller chez le notaire et apporter en garantie son savoir-faire, sa clientèle, son cheptel mort ou vif, afin d’obtenir son prêt.

M. François Guillaume. Ce n’est pas ma question ! Ce que je veux savoir, c’est à l’initiative de qui le fonds peut être créé !

M. Antoine Herth, rapporteur. Je vous répète que c’est l’exploitant – ou l’entrepreneur, si vous préférez – qui fait la démarche.

M. François Guillaume. Dans ce cas, il faut l’inscrire dans la loi !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je n’ai pas été convaincu par la réponse du rapporteur. L’article 1er dispose que « le fonds exploité dans l’exercice de l’activité agricole définie à l’article L. 311-1, dénommé fonds agricole, peut être créé par déclaration à l’autorité administrative. »

Je propose qu’une fois évoquée la possibilité de création du fonds par l’exploitant, il soit précisé que le fonds « est créé par déclaration à l’autorité administrative ». À défaut, il est permis de se demander par quel autre moyen il peut être créé.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Quand j’ai présenté mon amendement n° 663 à la commission, cet amendement a été rejeté pour être ensuite remplacé par un amendement du rapporteur. Or, ce n’est pas pour marquer mon attachement à la création du fonds que j’ai présenté cet amendement, mais simplement pour garantir le caractère optionnel de cette création, l’emploi du verbe « pouvoir » me paraissant insuffisant.

Mon amendement est ainsi rédigé : « Toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l’article L. 311-1 peut créer sur son exploitation un fonds appelé fonds agricole. » Cette rédaction, beaucoup plus précise que celle de l’amendement du rapporteur, évite toute ambiguïté.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je voudrais porter le témoignage des acteurs agricoles du Lot-et-Garonne, favorables à la création de ce fonds.

M. François Brottes. Vous êtes député de la République, ne l’oubliez pas !

M. Jean Dionis du Séjour. Certes, mais je n’oublie pas pour autant que je viens d’un territoire. Au demeurant, mon intervention vise avant tout à vous faire part de ma position sur cet amendement.

Comme l’a dit M. Guillaume, tant que le fonds n’est pas révélé, l’héritier exploitant est avantagé. La création du fonds a pour effet de mettre fin à une situation d’obscurité économique et rétablit la justice entre les héritiers. Ce facteur de transparence et de justice dans l’organisation des successions favorisera les transactions.

Notre collègue Gaubert a par ailleurs affirmé que la création d’un fonds n’était pas nécessaire, dans la mesure où il suffit de se servir du haut de bilan. Mais savez-vous que les règles de comptabilité et d’amortissement dans l’arboriculture, par exemple, sont complètement surréalistes, et qu’il existe une différence très importante entre la valeur vénale du fonds et la valeur comptable du haut de bilan ?

Pour ces deux raisons, je suis favorable à la création du fonds. Ceci dit, la question de M. Guillaume reste entière : si la création du fonds est optionnelle, qui va en prendre l’initiative ? En particulier, si un exploitant n’a pas créé de fonds, suffit-il qu’un seul de ses héritiers le demande pour qu’il y ait obligation de le créer, ou faut-il pour cela un accord entre tous les héritiers ? C’est une vraie question, à laquelle il faut répondre.

M. André Chassaigne. Il n’y a qu’à reprendre mon amendement, ce sera clair !

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. Monsieur le président, j’attire votre attention sur le fait que le public n’a pas à hocher la tête en signe d’approbation ou à commenter les interventions des députés. Ce sont les parlementaires qui font la loi, pas les personnes présentes dans les tribunes !

M. le président. Je n’ai pas remarqué d’intervention dans le public, monsieur Martin. Revenons au débat, je vous prie.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. L’amendement adopté par la commission précise que l’exploitant accomplit une démarche positive en déclarant son fonds auprès de l’autorité administrative. C’est bien lui qui est maître du jeu. Lorsque j’ai soumis cet amendement à la commission, je n’ai pas précisé le sujet de l’action, puisqu’à mes yeux la notion de nantissement se rattache forcément à la personne de l’exploitant.

M. François Guillaume. Vous ne répondez toujours pas à ma question !

M. Antoine Herth, rapporteur. Je reconnais, monsieur Chassaigne, que votre amendement est plus précis quant à la personne à qui il revient de créer le fonds. Il a tout de même un défaut, celui de ne pas préciser comment le fonds est créé. L’amendement retenu par la commission précise, lui, que c’est par déclaration à l’autorité administrative. Je ne suis pas opposé à ce qu’on le modifie pour dissiper toute ambiguïté quant à l’identité du sujet qui fait la démarche.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si M. le rapporteur en est d’accord, son amendement pourrait être rectifié comme suit : « Le fonds exploité dans l’exercice de l’activité agricole définie à l’article L. 311-1, dénommé fonds agricole, peut être créé par l’exploitant. Cette décision fait l’objet d’une déclaration à l’autorité administrative. » – la suite de l’amendement demeurant inchangée. Cette rédaction identifie clairement celui qui fait la déclaration et définit l’initiative qu’il doit prendre.

M. François Brottes. Cette fois, c’est clair !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La réponse de M. Ollier est claire, mais ne me convient pas, dans la mesure où elle exclut les ayants droit. Si mon père arboriculteur décède, mes deux sœurs qui ont repris l’exploitation ont-elles le droit de faire une démarche pour demander la déclaration du fonds ? Cela ne me choquerait pas.

M. François Brottes. En tout cas, ce n’est pas la réponse qui a été donnée par M. Ollier !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Dionis du Séjour a une vision extensive de la manière dont le fonds peut être créé, qui n’est pas la nôtre ni celle du Gouvernement. Selon nous, l’initiative de la création du fonds revient à l’exploitant et à personne d’autre. Les choses étant claires, je demande à l’Assemblée de voter l’amendement n° 638 tel que je propose de le rectifer.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. J’ai obtenu une réponse à la question que j’avais posée et celle-ci me satisfait, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Je me rallie à la proposition de M. Ollier, qui clarifie la situation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 638 ainsi rectifié ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je retire mon amendement, la rédaction proposée par M. Ollier permettant de répondre à nos exigences.

M. le président. L’amendement n° 663 est retiré.

M. Jean Gaubert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour un rappel au règlement.

M. Jean Gaubert. Si nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec la rédaction proposée, force est de reconnaître qu’elle est claire. Ce qui est l’est moins, en revanche, c’est le règlement qui s’impose au public assistant à la séance depuis les tribunes. Nous aimerions vérifier ce point, raison pour laquelle je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

M. le président. Je vais vous donner lecture de l’article 8 de l’Instruction générale du Bureau : « Le public admis dans les tribunes se tient assis, découvert et en silence ; il peut consulter les documents parlementaires relatifs au débat en cours et prendre des notes.

« Toute personne donnant des marques d’approbation ou d’improbation est exclue sur-le-champ par les agents et les huissiers chargés de maintenir l’ordre. »

Les circonstances ne me paraissent pas justifier de faire application de cette mesure, qui reste exceptionnelle. Je rappellerai simplement, à toutes fins utiles, qu’il est interdit au public de donner des marques d’approbation ou d’improbation.

Reprise de la discussion

M. le président. Je vais maintenant consulter l’Assemblée sur l’amendement n° 638, tel qu’il a été rectifié.

Je le mets aux voix.

(L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. Jean Gaubert. Je maintiens ma demande de suspension, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à minuit, est reprise, le vendredi 7 octobre, à zéro heure dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 748.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Cet amendement vise à supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l’article L. 311-3 du code rural. Fidèles à notre logique, nous considérons en effet que l’énumération figurant dans cet alinéa n’est guère satisfaisante car elle conduit au surenchérissement du coût de l’entrée dans la profession agricole. Or cela revient finalement à interdire aux jeunes l’accès aux exploitations.

Après les dispositions qui viennent d’être votées, nous vous proposons de reprendre vos esprits et de limiter les dégâts de cette logique d’apprenti sorcier en supprimant ce dernier alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement. Monsieur Brottes, il ne s’agit pas de définir des éléments qui se rajoutent en termes de valeur. Il est question, pour reprendre l’image utilisée par M. Gaubert du compte d’exploitation d’une entreprise, de définir les éléments qui peuvent être pris en compte dans le périmètre d’un fonds lorsque l’exploitant décide de le déclarer auprès de l’autorité administrative. Je vous signale qu’à l’exception des termes propres à l’agriculture comme « cheptel mort » ou « cheptel vif », cet alinéa reprend les éléments utilisés pour définir le fonds de commerce ou le fonds artisanal. Il n’y a là aucune innovation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Sans vouloir prolonger le débat, il me semble intéressant de nous attarder sur ce point important. Monsieur le rapporteur, je vous trouve un peu rapide lorsque vous assurez que fonds agricole et fonds de commerce sont comparables. Je n’ai pas encore vu de droits à paiement unique dans les fonds de commerce, pas plus que de cheptel, mort ou vif… Vous voulez nous démontrer qu’ils sont similaires. En réalité, ce n’est pas la même chose : le fonds de commerce est composé d’éléments plus stables…

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Pas du tout !

M. Jean Gaubert. …et il est attaché à un lieu, celui où se tient l’activité commerciale. Ce n’est pas le cas du fonds agricole, qui comprend des éléments par nature instables, quasiment dans l’instant, et pour beaucoup d’entre eux dans le temps. Vous allez sans doute voter cet amendement, mes chers collègues, mais, encore une fois, je vous donne rendez-vous dans cinq ans : vous constaterez qu’il n’y a pas beaucoup de nantissements sur les fonds agricoles, parce que rares seront les banquiers qui en prendront le risque.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 748.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 749 rectifié.

La parole est à M. François Brottes, pour le défendre.

M. François Brottes. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 749 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 76 et 750, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l’amendement n° 76.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, avant de présenter mon amendement, j’aimerais comprendre la rédaction du dernier alinéa de l’article, qui énonce que : « Sont seuls susceptibles d’être compris dans le nantissement des fonds agricoles… » – le reste de la phrase étant une énumération. En dehors de ceux-là, d’autres éléments constituent-ils le fonds agricole ? On peut le supposer car il s’agit forcément d’une énumération limitative, mais vous êtes le seul à pouvoir nous dire si le fonds s’étend à d’autres éléments. Voilà quelle est ma question.

Quant à l’amendement n° 76, il a pour objet de clore l’alinéa, après les mots : « le cheptel mort et vif », par les mots : « et les stocks. ». Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, les contrats, les droits incorporels, tout ce qui constitue les droits à produire, ont une valeur variable. Aujourd’hui, leur montant est connu. En cas de vente ou de nantissement, c’est cette valeur qui est retenue. Mais cette valeur peut évoluer, et si l’année prochaine ou dans deux ans, la Commission décide de réduire les primes, cela fera immanquablement varier la valeur du fonds agricole. Le sort du banquier ne m’inquiète pas trop : soyez tranquille, il ne se contentera pas d’un nantissement. Il prendra des garanties hypothécaires, il exigera même une caution. On l’a vu lorsqu’on a créé les EARL pour tenter de distinguer le patrimoine personnel et le capital d’exploitation. Sachez que le banquier ira chercher des garanties sur le patrimoine personnel de l’agriculteur installé en société. J’estime que cette énumération est dangereuse. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 750.

M. Jean Gaubert. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Ces deux amendements sont légèrement différents dans leur finalité. Si j’ai bien compris, l’amendement n° 750 présenté par MM. Gaubert, Brottes et les membres du groupe socialiste vise à exclure les stocks du fonds. Ceux-ci peuvent être inclus dans le périmètre du fonds dans la mesure où ce sont des valeurs mobilières cessibles. Or, c’est la cessibilité de la valeur qui nous intéresse.

Quant à M. Guillaume, il souhaite inclure les stocks mais il désapprouve l’énumération prévue dans le projet de loi. Cela me paraît regrettable, dans la mesure où dans certaines exploitations, l’enseigne, les dénominations, la clientèle revêtent une grande importance dans la qualification du fonds, comme l’ont montré les exemples de M. Dionis du Séjour et de M. Taugourdeau.

Compte tenu de ces indications, je propose à leurs auteurs de retirer les amendements nos 76 et 750.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. À ce stade du débat et au regard des amendements qui viennent d’être examinés, il me paraît important d’apporter quelques précisions d’ordre juridique à mes collègues députés qui ne connaissent peut-être pas très bien les notions attachées au fonds et à la garantie qu’offre le nantissement.

Le fonds de commerce comporte un ensemble d’éléments corporels, c’est-à-dire tout ce qui est matériel, fongible et que l’on peut toucher, et des éléments incorporels comme la clientèle, le bail, l’enseigne.

Une exploitation agricole comprend déjà un ensemble d’éléments. Nous allons en révéler l’existence, non pas en augmentant le prix, mais en le ventilant. Pourront être vendus dans une exploitation agricole, outre le matériel et l’outillage comme dans un fonds de commerce, les droits à produire, qui sont des éléments incorporels.

Vous avez raison, monsieur Guillaume, de préciser que l’évaluation d’un fonds variera dans le temps. Au début de son exploitation, un fonds, qu’il s’agisse d’un commerçant, d’un artisan ou d’un agriculteur, n’a quasiment pas de valeur. C’est le temps qui progressivement lui donne de la valeur, notamment parce que les droits à produire ont augmenté. Il peut aussi, effectivement, perdre de la valeur.

Pardonnez-moi de revenir sur tout ce qui vient d’être dit, mais rien n’empêche en effet, dans le cadre d’un partage ou d’une succession, de sous-évaluer ce fonds pour avantager le membre de la famille qui se propose de reprendre l’exploitation. C’est une pratique qui existe pour l’estimation des terres, nous le savons tous. Lors d’un partage familial, pour permettre à l’un des enfants de rester, souvent ses frères et sœurs abandonnent leur part à un prix qui n’est pas tout à fait le prix marchand. Tous ces éléments ne sont pas exclusifs.

En ce qui concerne le fonds agricole, je vous invite à vous reporter au tableau comparatif qui figure dans mon rapport. Vous verrez quels sont les éléments qui peuvent faire l’objet d’un nantissement, pour un fonds de commerce et pour un fonds agricole. L’enseigne existe dans les deux cas, comme le droit au bail. Les autres contrats et droits incorporels, eux, n’existent pas dans le fonds de commerce mais ils existent dans le fonds agricole si l’on fait une désignation expresse, comme le prévoit le texte. La clientèle existe dans les deux cas, comme le matériel ou l’outillage, s’il y a désignation expresse, tout comme les brevets et autres droits de propriété industrielle. Le seul point où existe une différence, c’est le cheptel vif et les stocks, qui existent mais ne font pas l’objet d’un nantissement dans le fonds de commerce, tandis qu’ils peuvent, dans le fonds agricole, faire l’objet d’un nantissement.

J’en viens à la différence entre le fonds de commerce et le nantissement. Le fonds de commerce est une entité globale, comportant des éléments corporels et incorporels, qui peut faire l’objet d’une garantie appelée le nantissement, mais ce nantissement ne s’applique pas à tous les éléments du fonds.

J’espère avoir été parfaitement claire. Faute de quoi, le tableau que je viens d’évoquer est très précis. Tous ces éléments sont énumérés dans la loi. La différence entre le fonds agricole et le fonds de commerce vient de ce qu’il sera possible dans le fonds agricole de nantir le cheptel vif et les stocks. Cela n’empêche pas, comme vous l’avez rappelé, monsieur Guillaume, que l’un et l’autre verront leur valeur évoluer dans le temps, étant par nature fongibles. Ils ne conserveront pas la même valeur puisque tous leurs éléments participent à l’exploitation. L’important est de pouvoir les évaluer au moment de la cession ou de la succession. (« Très bien ! » sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bravo, c’est très clair !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 76 et 750 ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. François Guillaume m’a posé une question, mais Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois lui a très bien répondu. Le tableau qui figure à la page 12 du rapport de la commission des lois est très explicite, et je crois que nous devrions l’utiliser pour expliquer ce projet de loi. Nous le ferons si ce texte est adopté, comme le souhaite le Gouvernement.

Monsieur Guillaume, je vous renvoie à l’exposé juridique de Mme Barèges sur l’existence préalable du fonds. À partir du moment où apparaît la notion de fonds agricole, il doit rejoindre les principes juridiques universels qui s’appliquent au fonds de commerce et au fonds artisanal.

Je vous rappelle simplement, monsieur Guillaume, que les actuels droits à produire, comme les quotas laitiers, cités tout à l’heure, les droits animaux et généralement tout ce qui compose le système de gestion administrée ne font pas partie par nature de ce fonds agricole, puisqu’il s’agit de droits non cessibles. Il faut distinguer les droits cessibles, rappelés par Mme la rapporteure pour avis et les droits non cessibles, qui ne sauraient faire partie du fonds.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je voudrais faire deux observations.

Tout d’abord, je m’étonne que la présidence ait présenté en discussion commune les amendements nos 76 et 750, qui sont contradictoires. Mais l’Assemblée sera de toute façon amenée à se prononcer et je n’ai pas, monsieur le président, de conseil à vous donner en matière d’organisation de la séance.

Par ailleurs, je fais observer à Mme Barèges que son rappel était utile, mais que l’excellent tableau établi par la commission des lois ne nous avait pas échappé.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voulais également vous faire remarquer que ces deux amendements sont totalement divergents. L’un vise à maintenir le stock dans le nantissement tandis que l’autre l’exclut, tout en conservant les droits incorporels.

Je profite de cette intervention, ce qui nous permettra d’écourter nos débats, pour vous présenter mon amendement n° 662 qui se situe dans la continuité de l’intervention de M. le ministre. Cet amendement vise à supprimer les mots : « et s’ils sont cessibles, les contrats et les droits incorporels servant à l’exploitation du fonds ». Il s’agit notamment des droits à produire et des primes éventuelles qui, selon le ministre, ne sont pas cessibles. Le problème est que ces droits sont très évolutifs. En effet, une exploitation agricole peut bénéficier aujourd’hui de droits à paiement unique théoriquement garantis jusqu’en 2013. Mais comme chacun le sait, la demande existe, au sein de l’Union européenne, de revenir sur cette garantie établie jusqu’en 2013. Par conséquent, ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être plus dans trois ou quatre ans. Or, si l’on veut évaluer à long terme la rentabilité d’une exploitation agricole, il est bien évident qu’il faut exclure du fonds les droits à produire et les primes.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous direz cela aux propriétaires de terres agricoles !

M. François Brottes. Pour vous, messieurs, la terre, ce sont des sables mouvants !

M. le président. Poursuivez, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. J’ai terminé, monsieur le président ! Je laisse la parole à M. le ministre.

M. le président. Vous faites bien, d’autant plus que vous avez défendu un amendement qui n’a pas encore été appelé !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je dois m’adapter à la célérité intellectuelle et politique de M. Chassaigne qui en était déjà à l’amendement n° 662, mais cela me permet de lui répondre très clairement. Il y a les actuels droits à produire qui sont un système de gestion administrée : ce sont, entre autres, les quotas laitiers.

On peut, c’est vrai, s’interroger sur les DPU, qui, je vous le signale, n’existent pas encore puisqu’ils ne seront en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2006 et qu’ils ne seront payés aux exploitants qu’à la fin de l’année 2006.

Si l’évolution des décisions de l’Union européenne faisait que, à l’issue de la période actuelle des accords politiques, de 2002 à 2013, il y ait un système différent, le législateur que vous êtes ferait en sorte, dans sa sagesse, que la loi soit modifiée si nécessaire. Mais nous raisonnons à droit constant. Pour l’instant, dans une situation politique européenne qui peut être modifiée, et nul ne le sait – peut-être ne le sera-t-elle pas, peut-être le sera-t-elle –, nous nous adaptons à l’état dans lequel travaillent nos agriculteurs car nous cherchons à leur rendre service et à leur faciliter les choses. Nous utilisons donc le droit actuel et chacun sait, dans cette assemblée, que ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire quand la situation économique, politique ou de toute autre nature change. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 750.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 662 et 747.

L’amendement n° 662 vient d’être défendu par M. Chassaigne.

Monsieur Gaubert, pouvons-nous considérer que l’amendement n° 747 est défendu ?

M. Jean Gaubert. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Repoussés par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Idem.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 662 et 747.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 755.

J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement.

M. Jean Gaubert. Chacun l’aura bien compris, le débat est un peu confus, car nous sommes sur une notion mal précisée par les uns et par les autres. Qu’elle soit mal comprise par nous-mêmes, on pourrait le concevoir, mais elle est déjà très mal précisée dans ce texte de loi d’orientation.

Il s’agit là d’un amendement sur lequel nous pourrions nous entendre : la non-intégration des droits à paiement unique dans le fonds. Car il y a véritablement un non-sens, qui peut même devenir une escroquerie. En effet, des gens vont vendre un élément dont on est quasiment sûr qu’il sera transformé.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous n’en savez rien !

M. Jean Gaubert. Il sera transformé, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Non, je ne sais pas !

M. Jean Gaubert. Nous, nous sommes prêts à prendre le pari que le droit à paiement unique, tel qu’il a été défini aujourd’hui, sera forcément modifié en 2013, un peu avant, un peu après.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En attendant, qu’est-ce qu’on fait ?

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, nous sommes prêts à prendre le pari qu’il sera sans doute modifié, pour certains un peu à la hausse, pour d’autres à la baisse. Car il n’y aura malheureusement pas plus d’argent, et c’est déjà un challenge pour vous – et nous vous soutiendrons – de vous être engagé à garder au moins les mêmes moyens pour la politique agricole commune. Nous sommes vingt-cinq au lieu de quinze. Il n’y aura pas plus d’argent pour les politiques agricoles communes et vous vous trouverez face à des revendications de plus en plus nombreuses en faveur d’une meilleure répartition de cet argent européen entre l’ensemble des agriculteurs de notre territoire. Cette meilleure répartition n’existe pas aujourd’hui. Nous sommes restés sur le système « tu avais des primes, tu auras des primes », « tu n’avais pas de prime, tu n’auras pas de prime ». Je pense que vous ne tiendrez pas aussi longtemps, ni nous d’ailleurs si nous revenons au pouvoir, avec un système aussi inégalitaire.

Nous aurions tous intérêt à en tenir compte et à exclure les droits à paiement unique du fonds agricole pour d’évidentes raisons de justice. Sinon, les perdants pourront affirmer qu’ils ont été escroqués

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis défavorable de la commission.

Cela étant, je voudrais apporter quelques éléments complémentaires à la discussion.

Les droits à paiement unique, selon la Commission européenne elle-même, sont des droits cessibles. En toute logique, ils ont vocation à figurer dans le périmètre du fonds.

S’agissant de l’inquiétude exprimée par M. Guillaume et reprise par M. Gaubert sur l’évolution possible de ces droits, nous ne sommes pas devins, et nous ne savons pas ce qu’il en sera. Mais c’est un signal, en tout cas un indicateur important, qui sera à la disposition des agriculteurs, puisque, quelle que soit l’évolution, qui peut être d’ordre politique, sur le budget européen, mais qui peut aussi être les choix demandés au gouvernement – des prélèvements, des alimentations, une réserve nationale en vue de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs –, tout cela aura un impact sur les DPU qui seront individuellement distribués aux agriculteurs.

La richesse globale de l’entreprise, c’est certes les DPU mais pas seulement, et cela invite les uns et les autres à réfléchir sur la stratégie de l’entreprise. Nous ne voulons pas seulement asseoir les revenus des agriculteurs sur des finances publiques, mais surtout aller vers une rémunération par le marché du travail.

À côté du bilan du compte d’exploitation agricole, le périmètre du fonds sera un indicateur de bonne gestion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Gaubert, vous posez une question intéressante. C’est vrai : nul ne sait quel sera l’avenir de ces DPU. Mme Ségolène Royal, présidente de ma région, m’avait écrit pour me faire part de son souhait de les voir régionalisés. Puisqu’elle figure parmi les nombreux candidats du parti socialiste à l’élection présidentielle, peut-être proposera-t-elle la régionalisation des DPU. Mais vous avez beaucoup de candidats qui ont peut-être d’autres avis ! (Sourires.)

Toute plaisanterie mise à part, monsieur Gaubert, si nous ne tenions pas compte des DPU, nous léserions les agriculteurs. Vous n’êtes pas sans savoir, puisque vous êtes un fin connaisseur de la chose agricole, qu’il existe déjà des transactions de fait sur les DPU, alors même qu’ils ne sont pas encore proposés. Ce serait bien léser le monde agricole que de ne pas prendre en compte les DPU : ils sont bien un des éléments constitutifs de la richesse que représente l’exploitation.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais apporter une précision, qui aurait d’ailleurs pu l’être par le ministre. Il ne s’agit pas d’être devin par rapport à l’évolution des DPU puisque les textes européens précisent déjà qu’il y aura une évolution.

En 2007, 5 % du montant des DPU seront prélevés afin de financer les interventions de l’Europe en faveur du développement rural, le deuxième pilier. Voilà la réalité d’une évolution négative des DPU ! Et chacun sait aussi que la possibilité est inscrite dans les textes européens de décider la réduction de leur montant jusqu’à 3 %. Du jour au lendemain, une décision peut être prise au niveau européen, sans attendre 2013, de réduction pouvant aller jusqu’à 3 % chaque année !

Je ne vois pas comment on peut prévoir dans un bilan comptable une évolution prévue, mais que l’on ne connaît pas car soumise à des décisions politiques de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Chassaigne, ne dites pas une chose et son contraire !

Le gouvernement français tient la position que pas un euro ne doit manquer au monde agricole, alors que, dans les majorités plurielles d’un certain nombre d’exécutifs régionaux – parti socialiste, parti communiste et Verts –, vos collègues demandent justement ce que vous nous reprochez, à savoir de prendre une partie de cet argent pour des réserves. Ils demandent même de prendre 10 % au titre de l’article 69 pour aider certaines agricultures.

M. André Chassaigne. Je n’ai pas porté un jugement de valeur ! J’ai constaté !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ne parlez pas de l’Union européenne puisqu’il s’agit d’une décision du gouvernement français. Nous sommes maîtres d’appliquer les choses sur notre territoire comme nous le souhaitons. Nous le faisons, nous avons pris nos responsabilités. Je le répète : la position de ce gouvernement est que pas un euro des DPU ne doit manquer aux agriculteurs de la ferme France. Nous limitons donc au maximum le prélèvement, et c’est une décision politique de ce gouvernement dans l’intérêt des agriculteurs. Toutes autres hypothèses ne sont pas du ressort de l’Europe. Nous refusons ce que demandent vos propres amis politiques car ce serait au détriment des agriculteurs.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, vous n’avez pas raison ! C’est une décision qui a été prise !

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Il ne faudra pas prendre les agriculteurs pour des demeurés !

Quand un pharmacien achète une pharmacie, il achète un an de chiffre d’affaires. Quand, dans ma commune, un commerce est racheté, cela représente à peu près six mois de chiffre d’affaires. S’il n’y a pas de garantie sur les DPU, je ne pense pas que les agriculteurs achèteront beaucoup plus d’une année.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 755.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Chers collègues, il est minuit quarante et l’Assemblée tiendra une séance demain matin à neuf heures et demie. Pour terminer l’examen de l’article 1er, nous allons, si vous en êtes d’accord, accélérer la discussion.

Je suis saisi d’un amendement n° 752.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le défendre.

M. Jean Gaubert. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 752.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 751.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le défendre.

M. Jean Gaubert. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 751.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 753.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le défendre.

M. Jean Gaubert. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 753.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 754.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le défendre.

M. Jean Gaubert. Également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’est pas favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 754.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 410 de M. Philippe-Armand Martin est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié par l’amendement n° 638 rectifié.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 716.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement a pour but de garantir le caractère civil de l’activité agricole. Il est nécessaire de préciser ce qui est considéré comme étant une activité agricole car, actuellement, des aides européennes peuvent être accordées sans qu’il y ait production. C’est un gros problème.

M. François Brottes. Oui, c’est scandaleux !

M. André Chassaigne. Cela a été souligné, en particulier par notre collègue Gaubert. Aujourd’hui, un propriétaire, s’il respecte quelques règles, notamment d’écoconditionnalité, pourra toucher des aides sans même produire. Il s’agit d’une dérive grave et plusieurs d’entre nous sont intervenus depuis hier pour en parler. Des propriétés pourront avoir uniquement des usages à titre de loisirs, pour la chasse, pour des chevaux puisqu’on pourra bénéficier d’aides sans avoir une activité agricole.

Il est indispensable de préciser ce que nous entendons par activité agricole, à savoir une production et donc une commercialisation. Si nous n’introduisons pas dans les textes la notion de commercialisation – vendre ce que l’on produit, c’est-à-dire produire quelque chose –, c’est la porte ouverte à beaucoup d’abus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 716.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 489 rectifié.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Cette soirée, j’en suis sûr, restera dans les annales de la République : vous venez d’autoriser à acheter le droit de percevoir des aides publiques.

M. François Brottes. C’est incroyable !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ça existe déjà !

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. Et les quotas laitiers ?

M. Jean Gaubert. Voilà ce que vous venez de voter. C’est assez extraordinaire ! Vous rendez-vous compte de ce que vous venez de faire ? Vous rendez-vous compte de l’effet que cela va avoir dans l’opinion publique ?

M. François Brottes. Nous allons l’expliquer !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous pouvez l’expliquer, les gens sont pour !

M. Jean Gaubert. Ce sera un effet destructeur pour le monde agricole. On avait déjà du mal à expliquer aux gens que les aides se justifient par le fait que les produits agricoles ne sont pas vendus à leur juste valeur, mais, désormais, ils pourront nous répondre que ces produits ne seront pas mieux rémunérés avec ce dispositif, puisque la perception des primes − c’est-à-dire de l’argent public − sera indépendante de la production. Nos concitoyens auront du mal à accepter cela. Nous voudrions vous aider à limiter les dégâts, et faire en sorte qu’il soit impossible de percevoir les aides sans travailler, car tel est bien le risque.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il y a déjà le RMI, je crois !

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, cela n’aura rien à voir avec le RMI ! Imaginons quelqu’un qui possède 50 hectares de terre : il n’aura même pas besoin de les louer ; il suffira qu’il les garde, qu’il déclare les entretenir lui-même − puisque la notion d’entretien s’est substituée à celle de mise en valeur −, que, deux fois par an, il fasse passer un entrepreneur avec un gyrobroyeur, et il percevra les aides. Allons expliquer cela à nos concitoyens.

M. Yves Simon. Cela n’a rien à voir avec le fonds !

M. Jean Gaubert. C’est une de ses conséquences, et c’est bien pourquoi il s’agit d’un amendement portant article additionnel après l’article 1er.

M. Yves Simon. Ce n’est pas le fonds !

M. Jean Gaubert. Monsieur Simon, il y a, dans ce fonds, un élément contre lequel nous avons lutté et qui aura des conséquences plus graves que les autres. Nous vous encourageons à mieux cadrer ce dispositif. Sinon, demain, il sera possible de percevoir des aides sans travailler sa terre et tout en exerçant ailleurs une autre activité.

On peut même prévoir d’autres conséquences. Les propriétaires fonciers ne seront pas incités à mettre leur terre en location, puisqu’ils toucheront tout de même un revenu de cette exploitation. En outre, si ce système se développe un tant soit peu, c’est l’économie rurale tout entière qui en souffrira, car on encouragera l’agriculture française à diminuer sa fonction de production.

M. Yves Simon. On le fait depuis 1990 !

M. Jean Gaubert. Oui, mais ce sera désormais à une échelle bien plus vaste. Cela aura des conséquences sur l’amont, sur l’aval, ainsi que sur l’emploi dans différentes régions, en particulier celles où les terres étaient les moins productives. Les gens se demanderont s’il vaut mieux produire ou ne pas produire et toucher les primes. Cela concernera même les cultures destinées à la production de biocarburant, car, dans la mesure où ces produits ne seront compétitifs − ils le sont difficilement aujourd’hui − que si on ne les vend pas cher, les agriculteurs se demanderont à quoi bon s’embêter à travailler.

Telle est la situation dans laquelle vous risquez de placer l’agriculture. Pour éviter ces dérives, nous avons tout intérêt à donner une définition de ce qu’est un agriculteur et du cadre dans lequel il évolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Léonard. En parlant ainsi, vous méprisez les agriculteurs !

M. Jean Gaubert. Mais j’en suis un !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui, relevant en fait des modalités d’application de la PAC réformée, est d’ordre réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. L’explication de M. le rapporteur est très claire !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Vous ne répondez pas sur le fond. Les deux amendements après l’article 1er que nous avons examinés posent en effet une question fondamentale : quel avenir pour les terres agricoles ? Notre collègue Gaubert a souligné combien l’orientation que vous prenez aura des conséquences désastreuses. En voyant que vous ne répondez pas à son argumentation, je songe au titre d’un article de Jacques Lévy, « Oser le désert ? » : ce soir, par leur silence, par leur refus de nous donner des explications, le rapporteur et le ministre ont osé le désert.

M. Yves Simon. C’est n’importe quoi !

M. André Chassaigne. Vous savez bien que, si l’on accorde des primes à des gens qui n’ont pas d’exploitation, les territoires vont progressivement se désertifier.

M. Jean Auclair. Arrêtez ! Vous rêvez !

M. Jacques Le Guen. Et en 1992 ?

M. André Chassaigne. C’est dire le respect que vous accordez à notre agriculture.

M. le président. Nous allons tenter de mettre un peu d’ordre dans le débat. Nous comptions terminer avant une heure, mais nous y sommes presque et j’ai cru comprendre que plusieurs orateurs souhaitaient encore intervenir, notamment MM. Auclair, Raison et Gaubert.

M. François Brottes. Le sujet est grave !

M. le président. J’aurai donc donné la parole à quatre orateurs, deux pour la droite et deux pour la gauche. Ainsi, l’équilibre sera respecté.

M. André Chassaigne. Et l’extrême gauche ?

M. le président. Où vous situez-vous, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. À l’extrême gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair. Messieurs de la gauche, je ne vous comprends pas. Lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez voulu mettre en place la maîtrise de la production. Si vos prédictions se réalisent, vous devriez donc être satisfaits : on aura bien une maîtrise de la production, puisque les agriculteurs ne rempliront pas le rôle qu’on souhaite leur confier.

M. Yves Simon. Eh oui !

M. François Brottes. Quel rapport ?

M. Jean Auclair. Vos réactions et vos amendements trahissent bien votre philosophie et l’image que vous vous faites des agriculteurs. J’ai dit tout à l’heure, dans la discussion générale, que vous aviez voulu faire d’eux des cantonniers de la nature, que vous aviez voulu donner à l’agriculture une dimension folklorique. À travers ces deux amendements et par la manière dont vous les défendez, vous exprimez vraiment votre idéologie. Il faut que ce soit quelqu’un de droite qui vous l’explique, quelqu’un qui appartient au parti du travail, parce que les agriculteurs, eux, ne font pas les 35 heures, mais vous ne pouvez pas comprendre cela, parce que vous ne savez pas ce que c’est, parce que vous n’avez jamais travaillé dans des exploitations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Martin. Ne nous donnez pas de leçons ! Ça suffit !

M. Jean Auclair. L’agriculture, c’est un métier.

M. le président. Calmons-nous !

M. Jean Auclair. Je suis très calme !

M. le président. Je ne dis pas : « Calmez-vous », je dis : « Calmons-nous ».

M. Jean Auclair. Mais il y a de quoi rigoler…

M. le président. On n’est pas ici pour rigoler, monsieur Auclair !

M. Jean Auclair. …quand on entend certaines personnes issues de l’éducation nationale !

M. Philippe Martin. Qu’est-ce que c’est que ces mises en cause ? D’ailleurs, je ne viens pas de l’éducation nationale, mais de la préfectorale !

M. Jean Auclair. Les agriculteurs ne font pas du folklore. Quand des agriculteurs dignes de ce nom, des entrepreneurs agricoles, ont un outil de travail, ils cherchent à le valoriser, non seulement pour produire, mais aussi pour gagner de l’argent. Mais vous, vous aimez tellement les pauvres que vous voudriez qu’il y en ait de plus en plus, et vous méprisez ceux qui travaillent pour gagner de l’argent. C’est la différence fondamentale entre vous et nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Jean Gaubert vient de faire une brillante démonstration prouvant combien il est nécessaire de créer le fonds et d’y introduire les DPU.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Tout à fait !

M. Yves Simon. Exactement !

M. Michel Raison. Un risque existe en effet de voir des propriétaires utiliser les DPU et de faire passer le gyrobroyeur deux fois par an : c’est ce qui se passerait si nous ne votions ni le fonds ni l’introduction des DPU dans le fonds. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La France est le seul pays à avoir choisi un découplage partiel et j’ai entendu les socialistes nous dire à cette tribune qu’on avait tort de ne pas faire un découplage total. Le découplage partiel exige au moins 25 % de production pour avoir droit aux aides.

M. Antoine Herth, rapporteur. Il a raison !

M. Jean Auclair. Et 100 % pour les vaches allaitantes !

M. Michel Raison. Votre amendement n’a donc plus de raison d’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il va retirer son amendement, il a été convaincu !

M. Jean Gaubert. Pas du tout, monsieur Ollier !

M. Auclair a la mémoire courte et ses attaques sont insupportables.

M. Jean Auclair. Vous n’êtes pas obligé de les écouter ! Vous n’avez qu’à vous boucher les oreilles ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Gaubert. Monsieur Auclair, j’ai autant le droit que vous d’être dans cet hémicycle.

M. Jean Auclair. Je vous supporte bien, moi ! J’écoute vos imbécillités ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Auclair, je préfère oublier ce que vous venez de dire !

M. Jean Gaubert. J’ai autant le droit que M. Auclair d’être dans cet hémicycle, j’ai été élu au même titre que lui député de la République. Et je n’ai pas à faire valoir mon état, même s’il considère que c’est ce qui donne la légitimité de parler de certains sujets dans l’hémicycle.

M. Jean Auclair. Pour parler de l’agriculture, oui !

M. Philippe Martin. Et il faudrait être militaire pour parler de la défense ?

M. Jean Gaubert. S’il pense pouvoir parler au nom des agriculteurs sous prétexte qu’il est marchand de vaches, je peux aussi parler en leur nom, car j’en suis un. Et, s’il veut tout savoir, je suis un agriculteur qui touche très peu de primes européennes.

M. Jean Auclair. Nous ne sommes pas à l’école primaire, monsieur Gaubert ! Ce n’est pas vous qui allez me donner des leçons !

M. Jean Gaubert. Je voudrais bien, monsieur Auclair, que vous reveniez demain animé de meilleures intentions. Sinon,...

M. Jean Auclair. Vous me mettrez au piquet ?

M. Jean Gaubert. …le débat risque de s’enliser et ce ne sera bon pour personne.

Mais revenons au fond des choses. Je voulais répondre à M. Herth qui vient de dire − ce qu’on a dû lui souffler − que mon amendement relevait du domaine réglementaire. On a bien défini dans la loi ce qu’est un commerçant, et je crois que la loi Dutreil l’a répété il y a quelques semaines. Pourquoi la définition du commerçant serait-elle du domaine de la loi et pas la définition de l’agriculteur ? Cet argument me paraît donc irrecevable.

M. Raison a voté en faveur du caractère facultatif du fonds. Dans ces conditions, un propriétaire bénéficie…

M. Michel Raison. Il sait qu’il peut valoriser son exploitation !

M. Jean Gaubert. Certes, mais les enfants du propriétaire exploitant pourront conserver ses droits.

M. Michel Raison. Ce n’est pas la faute du fonds ! Ne mélangez pas tout !

M. Jean Gaubert. C’est la faute des droits à paiement unique qui ne seraient pas assis sur une définition précise de ce qu’est un agriculteur.

M. Michel Raison. Ce n’est pas le fonds !

M. Jean Gaubert. Vous devriez écouter ce que je dis. Je conçois que ce soit difficile à cette heure. J’ai été dans votre situation : quand on est dans la majorité, on trouve parfois les débats un peu longs. Il faut prendre son mal en patience. Vous avez gagné le droit de vous ennuyer de temps en temps dans l’hémicycle.

M. le président. Nul ne s’ennuie, ici.

M. Jean Gaubert. J’ai bien expliqué que ce qui nous conduisait à demander une définition de l’agriculteur, ce n’était pas le problème du fonds, mais celui des droits à paiement unique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Je tiens à souligner que j’ai bel et bien répondu à la question : la réponse que vous apportez au problème évoqué est à rechercher dans le domaine réglementaire, puisque c’est l’une des prérogatives du ministre qui appliquera la PAC réformée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 489 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 282.

La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.

M. Yves Simon. Ce dernier amendement de la soirée devrait nous mettre d’accord puisqu’il vise à améliorer la situation d’un certain nombre de jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer en GAEC et auxquels il est demandé aujourd’hui un apport en numéraire et en nature, c’est-à-dire soit des terres soit des bâtiments mais quelquefois les deux.

Nous connaissons les uns et les autres plusieurs cas de jeunes agriculteurs qui se voient refuser une part économique, ce qui leur pose un problème. La législation actuelle a également pour conséquence d’accroître la taille d’exploitations déjà importantes et donc de rendre difficile une future reprise par de nouveaux agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement n’est pas défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il a été réservé un tel sort à tous nos amendements que nous aurions pu envisager des mesures de rétorsion. Mais je considère que la mesure qui nous est proposée est réellement bonne et je voudrais l’appuyer.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. On finit avec un consensus !

M. Jean Gaubert. Je voudrais juste faire remarquer au collègue qui s’est un peu fâché tout à l’heure qu’il devrait faire attention car voilà encore une avancée vers les kolkhozes, libéraux certes mais kolkhozes quand même.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. Oh !

M. le président. C’est sur ce trait d’humour que nous allons terminer cette séance.

Je mets aux voix l’amendement n° 282.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
deS prochaineS séanceS

M. le président. Aujourd’hui, vendredi 7 octobre, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 7 octobre 2005, à une heure.)