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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 11 octobre 2005

14e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

remplacement d’enseignants

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de la loi Fillon votée au printemps, une mesure, à mes yeux positive, permettait le remplacement des professeurs absents pour une courte durée. Cette disposition correspondait d’ailleurs à une demande très forte des parents d’élèves.

Vous avez proposé, à cette présente rentrée scolaire, une expérimentation qui fera l’objet d’une évaluation au mois de décembre. Un protocole sera signé dans chaque établissement scolaire et permettra aux enseignants d’assurer ces remplacements dans leur propre discipline.

Pour l’UDF, il paraît important qu’un maximum de cours soient assurés dans les collèges et les lycées. Sans doute le malaise ou le manque d’explications sont-ils à l’origine de la mobilisation de demain.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous appliquer ce bon dispositif, afin qu’un maximum de cours soient assurés, ce qui est important pour l’éducation dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous avez raison : il y a certes les mobilisations et des pétitions que le Gouvernement a le devoir d’écouter ; mais il y a aussi l’opinion publique qui tient le même langage que vous, à savoir qu’il est anormal que quatre millions d’heures de cours ne soient pas remplacées à l’école. Ainsi, 71 % de nos concitoyens estiment qu’il est normal que ces remplacements soient effectués (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et 78 % des lycéens considèrent que l’école ne doit plus souffrir de l’absence de remplacement.

M. Gilbert Biessy. Il ne fallait pas supprimer de postes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai donc engagé une concertation avec les organisations professionnelles. Je leur ai annoncé que les quatre premiers mois de l’année scolaire seraient entièrement consacrés à la négociation, à la concertation, afin que soient mis en place des protocoles d’accord, établissement par établissement. Ces protocoles sont en cours d’élaboration dans la plupart des établissements.

Le décret que j’ai pris au mois de juillet prévoit qu’à partir du 1er janvier prochain, lorsque les remplacements n’auront pas été effectués par la voie du volontariat, il appartiendra au chef d’établissement de désigner le professeur qui assurera le remplacement dans la discipline qui est la sienne.

Monsieur le député, je ne doute pas que les parents et les enseignants feront la preuve de leur attachement à la continuité du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le Premier ministre, la gestion du dossier de la SNCM par le Gouvernement est désastreuse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Votre attitude jusqu’au-boutiste, votre empressement à vouloir privatiser à la hussarde cette entreprise font aujourd’hui peser les plus graves menaces sur la SNCM qui a comme mission nationale d’assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent.

Votre logique ultralibérale serait seule responsable de la catastrophe que vous annoncez. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Deux ministres se sont déplacés à Marseille hier encore pour répéter inlassablement qu’il n’y a pas d’autres solutions que les vôtres. Quel mépris pour les propositions avancées par les salariés de la SNCM ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Scandaleux !

M. Frédéric Dutoit. L’avenir d’une mission de service public, de 2 400 emplois directs et de 8 000 emplois indirects en Corse et à Marseille sont en jeu. Pourquoi cet acharnement à amplifier votre politique libérale que les Françaises et les Français ont rejetée dans les urnes et dans la rue ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie !

M. Frédéric Dutoit. Pourquoi n’avons-nous pas de réponse à notre proposition de création d’une commission d’enquête sur l’entreprise Corsica Ferries, sur son statut au sein des holdings auxquelles elle est liée, sur la gestion des fonds publics dont elle a bénéficié ? Pourquoi n’avons-nous pas d’informations sur la vente, par la SNCM, de 50 % de la société Sud Cargo qu’elle détenait il y a peu encore ? Certaines informations doivent-elles être cachées aux Français, à la représentation nationale ? Rien, absolument rien, ne vous oblige à privatiser la SNCM (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), pas même l’Europe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En vérité, cette compagnie vous sert de nouveau ballon d’essai dans votre politique de privatisation de l’ensemble des services publics que vous entendez accélérer.

Tous les salariés, tous les Français sont concernés par le dossier de la SNCM. Je vous demande solennellement, monsieur le Premier ministre, de revoir votre copie…

M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie !

M. Frédéric Dutoit. …et de prendre en compte les nouvelles propositions que peuvent vous faire les salariés de la SNCM dans le cadre d’une nouvelle et réelle négociation qu’il est urgent d’ouvrir. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je veux revenir sur un certain nombre d’éléments que vous venez de rappeler et qui, visiblement, n’ont pas été complètement portés à votre connaissance, même si j’apprécie par ailleurs un comportement plutôt républicain en région PACA.

Cela étant, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement agit en catimini. Vous savez très bien que nous avons insisté, ici même et en toute transparence, sur l’obligation de la SNCM, entreprise commerciale qui a obtenu une délégation de service public, mais qui ne tenait pas ses engagements depuis trop longtemps – et je ne jette la pierre à personne – à rendre des comptes dans le cadre du droit commercial. Or, depuis le 29 avril 2004, elle agit sous le regard du tribunal de commerce et, hier, le conseil d’administration a décidé que cette entreprise serait en cessation de paiement potentielle si le travail ne reprenait pas.

Qu’avons-nous fait ?

Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a demandé à deux de ses ministres, Dominique Perben et moi-même, de venir discuter, négocier et expliquer inlassablement nos propositions : maintien du statut des personnels, aucun licenciement sec, projet industriel fondé sur la desserte de la Corse et sur le développement au Maghreb et autour de la Méditerranée dans l’unicité de la compagnie, renouvellement de la flotte avec commande d’un ferry rapide, navire armé sous pavillon français premier registre, présence de l’État dans le capital de l’entreprise pendant toute la durée du plan de redressement – quatre à cinq ans minimum –, présidence du conseil de surveillance assurée par l’État jusqu’à la fin de la concession.

J’ai sous les yeux les documents d’une organisation syndicale qui, ayant obtenu des réponses acceptables, a fait part aujourd’hui de sa décision de cesser la grève. Il y a aussi dans cette entreprise des salariés responsables.

M. Jean Marsaudon. C’est vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est sur ceux-là qu’il faut compter car si le travail ne reprend pas, comme l’a dit hier le conseil d’administration sous le contrôle des commissaires aux comptes, ce sera la cessation de paiement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Teissier. Monsieur le Premier ministre, Marseille souffre, paralysée par un conflit social qui est en train d’asphyxier le port autonome, son poumon économique.

Aujourd’hui – cela sera encore plus vrai demain – plusieurs centaines d’entreprises et plusieurs milliers de salariés sont directement menacés par une action revendicatrice dure et jusqu’au-boutiste.

M. Jean Marsaudon. Voilà !

M. Guy Teissier. Animé par une inquiétude réelle des salariés de la SNCM, ce conflit a malheureusement pris un tournant dans lequel la passion, le dogmatisme érigé en système de pensée dominante, la complexité des enjeux s’entremêlent dangereusement.

M. François Liberti. Le dogmatisme est de votre côté !

M. Guy Teissier. Vous avez écouté cette crainte et vous avez décidé. Vos engagements sont forts et marquent sans conteste la volonté de soutien qui anime le Gouvernement à l’égard de la SNCM.

M. Maxime Gremetz. Certainement pas !

M. Guy Teissier. Malgré cela, la posture syndicale ne semble pas être à l’apaisement. Certains syndicats auraient tort de croire que les Marseillais sont prêts à les absoudre de tous leurs excès au seul motif qu’ils se sont autoproclamés défenseurs des plus faibles.

Mes chers collègues, on ne peut pas vouloir défendre la continuité territoriale quand on n’est pas soi-même capable d’assurer la continuité du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) ainsi que la continuité économique de toute une région.

M. Maxime Gremetz. C’est un vrai professeur qui nous fait un cours !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Guy Teissier. Aujourd’hui, c’est l’élu de la République, c’est l’homme passionnément Marseillais qui relaie les attentes d’une grande majorité silencieuse prise en otage et affligée par ce suicide collectif.

M. Jean Marsaudon. Ce sont des fossoyeurs !

M. Guy Teissier. Monsieur le Premier ministre, peut-on aujourd’hui sortir de l’impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Y a-t-il donc les bons et les mauvais députés ?

M. Maxime Gremetz. Quand c’est un député UMP qui pose une question, c’est le Premier ministre lui-même qui répond. Quel mépris pour la représentation nationale !

M. le président. Monsieur Gremetz ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, le Gouvernement a fait le choix de préserver une société aujourd’hui au bord du dépôt de bilan : 200 millions de dettes, 30 millions de pertes par an. Il a choisi de garantir l’avenir des salariés, d’assurer la continuité de la liaison entre le continent et la Corse, de réconcilier les exigences économiques et l’impératif de service public auxquels je veux pleinement répondre.

M. François Liberti. Vous avez choisi de liquider le service public !

M. le Premier ministre. Aujourd’hui, nous avons sur la table une bonne proposition. Elle garantit qu’il n’y aura pas de licenciements secs ; elle préserve l’unité de l’entreprise et ne touche pas à la flotte de dix bateaux.

Nous n’avons jamais cessé de dialoguer avec les salariés. Thierry Breton et Dominique Perben se sont rendus à trois reprises à Marseille. Mais, après le temps du dialogue, c’est maintenant le temps des décisions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C’est le temps du bâton !

M. le Premier ministre. Le conseil d’administration a donné son feu vert à la proposition du Gouvernement. Le comité d’entreprise se réunit aujourd’hui pour décider de la suite à donner.

Seule la reprise du travail permettra d’éviter le dépôt de bilan et je le dis ici avec gravité. C’est l’heure de vérité pour la SNCM. C’est un rendez-vous important pour Marseille comme pour la Corse. Il faut que, désormais, chacun prenne ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

FISCALITÉ ET pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Monsieur le Premier ministre, les documents de l’INSEE et du ministère des finances confirment ce que vous disent les députés socialistes depuis quarante mois sur la fiscalité et le pouvoir d’achat : les impôts, taxes et cotisations sociales – ce qu’on appelle les prélèvements obligatoires – augmentent en France. Vous le reconnaissez enfin. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy et M. Francis Delattre. Les régions !

M. Éric Besson. Est aussi confirmée l’injustice de votre politique. En effet les prélèvements ont baissé pour les 10 % des Français les plus aisés, et augmenté pour la grande majorité des autres, notamment pour les personnes modestes et les catégories dites moyennes. Tous ceux-là ont été et sont touchés de plein fouet par les hausses de cotisations sociales et de CSG, ainsi que par la hausse de la taxe sur les produits pétroliers.

L’INSEE montre clairement que, depuis votre arrivée au pouvoir, la taxe sur les produits pétroliers a rapporté 2,5 milliards d’euros de plus à l’État. Vous pourriez donc faire l’économie d’une énième commission d’évaluation et répondre très clairement à l’amputation du pouvoir d’achat liée à l’augmentation du prix de l’essence à la pompe.

Enfin, vos propres chiffres attestent que le pouvoir d’achat des Français augmente peu depuis mai 2002, et même qu’il baisse depuis le 1er janvier, pour les plus modestes.

Il est donc urgent, monsieur le Premier ministre, de modifier une politique qui se révèle aussi injuste qu’inefficace. Les Français n’attendent pas de vous ce que vous appelez un « bouclier fiscal » auquel vous avez décidé d’affecter tout de suite 500 millions d’euros. Ils attendent plutôt aujourd’hui un bouclier social et des réponses très concrètes aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je vous rappelle que le pouvoir d’achat est au cœur de la politique du gouvernement du Premier ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voici quelques chiffres qu’il faut, sans polémiquer, replacer dans le contexte de l’héritage des 35 heures qu’il a fallu digérer et qui avaient été conçues pour partager le travail, donc les salaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En 2004 le pouvoir d’achat, pour la première fois, a augmenté de 1,7 % et il progresse de 2 % en 2005. ce qui représente plus de 700 euros par foyer. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cette année les salaires auront augmenté de 2,6 % dans le secteur privé tandis que les prix, eux, n’auront progressé que de 1,6 %. C’est la progression la plus significative depuis cinq ans ! (« Et les carburants ? » sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Est-ce pour autant suffisant ? Bien sûr que non ! Pour que tous ces signaux encourageants perdurent, il faut de la croissance. Or, depuis plusieurs semaines, mesdames et messieurs les députés, nous vivons un retournement de la conjoncture ; les indicateurs en témoignent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Même si vous ne le percevez pas encore, les Français, eux, s’en rendent compte : ils recommencent à consommer comme ils ne l’avaient pas fait depuis cinq ans. En juillet, août, septembre, on a battu des records de consommation. Cela signifie que le moral des chefs d’entreprise est remonté, que l’investissement est reparti en août ; on n’avait pas vu de tels chiffres depuis plusieurs années.

Oui, mesdames et messieurs les députés, l’action du gouvernement de Dominique de Villepin est au service de l’emploi et du pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

protection des victimes

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe UMP.

M. Christian Ménard. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) depuis votre retour place Beauvau, vous avez placé la protection des victimes au cœur de votre action. Vous venez aujourd’hui d’installer au niveau national une délégation d’aide aux victimes, commune à la police et à la gendarmerie. C’est une bonne chose.

J’avais eu l’occasion d’appeler votre attention sur un fait divers particulièrement sordide, commis à Brest en août 2003 : le meurtre d’un couple de jeunes Brestois. Trois personnes avaient été mises en examen et placées en détention provisoire, dont un mineur âgé aujourd’hui de dix-neuf ans. À la fin du mois d’août 2005, ce dernier a été remis en liberté, en application de l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante qui prévoit qu’un mineur au moment des faits ne peut passer plus de deux ans en détention provisoire, même si l’instruction n’est pas achevée. Cette remise en liberté a été très mal vécue par l’ensemble de la population bretonne, en particulier par les familles des victimes. Il n’est pas normal que des familles, déjà fortement éprouvées par la perte de l’un des leurs, vivent une nouvelle fois des moments aussi atroces.

Ma question est double, monsieur le ministre. Dans quelle mesure l’organisme que vous venez d’installer pourrait-il ou aurait-il pu venir en aide à ces familles ? Que pensez-vous, par ailleurs, de l’impossibilité faite par les textes en vigueur de maintenir en détention provisoire un mineur au-delà de deux ans, même quand le juge d’instruction ou la chambre d’instruction le souhaiterait, notamment au regard de la dangerosité d’un individu devenu majeur ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison : depuis longtemps en France, on parle trop des délinquants et pas assez des victimes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les droits de l’homme, ces sont d’abord ceux des victimes ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mon combat pour les victimes porte sur quatre points.

Premièrement, la réduction de la délinquance. Depuis 2002 et jusqu’en 2004, la délinquance a reculé en France de 7 % ; elle a encore régressé de 1,5 % depuis le début de l’année. Les faits de délinquance sur la voie publique ont même reculé de 17 %.

Deuxièmement, la lutte contre la récidive. Le garde des sceaux a préparé un texte qu’il défendra avec le soutien de votre rapporteur, M. Léonard, qui a accompli un travail remarquable. Le débat parlementaire nous éclairera sur plusieurs sujets qui me tiennent à cœur : demander, par exemple, à un criminel sexuel d’être volontaire pour suivre un traitement. Mais s’il faut attendre que certains individus soient volontaires, on va devoir attendre longtemps. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les victimes, elles, n’attendent pas ! Par ailleurs, dans le cas de crimes particulièrement odieux – et celui dont vous venez de parler, monsieur le député, l’est – la question de la détention provisoire devrait clairement être posée.

Troisièmement, l’accueil des victimes. La police et la gendarmerie doivent être au service des victimes. Ainsi, il ne faut pas recevoir dans les mêmes locaux l’agresseur et l’agressé. Ne pas recevoir convenablement une victime, c’est lui infliger une deuxième souffrance.

M. Georges Colombier. Très juste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Quatrièmement, reconnaître aux victimes le droit de savoir où en est la procédure, et pas simplement celui de recevoir une convocation administrative pour le procès, qui leur rappelle de très mauvais souvenirs.

Nous voulons que la douleur de la victime soit prise en compte.

Que les choses soient claires : la priorité des forces de sécurité en France, désormais, c’est la victime et pas seulement le délinquant ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

politique de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, la bataille pour l’emploi, priorité du Gouvernement, mobilise sur le terrain tous les acteurs locaux. Nous vérifions, dans nos circonscriptions, que, lorsque les entreprises, les acteurs économiques, le service public de l’emploi et les élus se mettent autour d’une table pour décider ensemble d’une politique de l’emploi sur un territoire, alors la dynamique s’enclenche. Les entreprises expriment leurs besoins en personnel, les organismes de formation mettent en place les formations adaptées à l’activité du territoire, le service public de l’emploi, multipliant les entretiens avec les demandeurs, devient plus réactif et, ce faisant, facilite le retour à l’emploi.

Attentifs à ces évolutions de comportement et de mentalité, nous observons une amélioration tangible des chiffres du chômage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L’INSEE revoit à la hausse les créations nettes d’emplois dans le secteur marchand, hausse qui pourrait être dix fois supérieure à celle enregistrée en 2004 et, corrélativement, révise à la baisse ses prévisions de chômage pour la fin de l’année.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ces premières tendances observées sur le terrain par les députés ?

M. Jacques Desallangre. Vous n’avez pas honte !

M. Jean-Paul Anciaux. Pouvez-vous nous garantir les chiffres d’accroissement du taux d’activité et la baisse du chômage ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, permettez-moi d’abord de souligner la qualité du travail que vous avez accompli (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) concernant les maisons de l’emploi.

Mesdames et messieurs les députés, depuis près de vingt ans – depuis une première déclaration de Philippe Séguin en 1988, devenue fameuse et que vous avez encore en tête, suivie de douze rapports – on répète qu’il est inadmissible et inconcevable de maintenir chacun de son côté : la formation, les allocataires, l’ANPE et l’AFPA. Tous les pays européens ont organisé un service public de l’emploi pour accueillir, aider, soutenir les demandeurs d’emploi, établir avec eux des bilans de compétences mensuels en fonction des besoins des bassins d’emploi. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Le conseil d’administration de l’UNEDIC a confirmé la semaine dernière son accord sur le dossier unique, l’informatique unique, le guichet unique,...

M. Maxime Gremetz. La pensée unique !

M. Jean-Pierre Brard. M. Borloo est unique, lui aussi !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...et la polyvalence.

Il est clair que le service public de l’emploi dans son ensemble, avec les partenaires locaux, les régions et les acteurs de la formation, est en train d’accélérer son évolution et de réaliser ce qui a été fait dans tous les grands pays modernes.

Monsieur le député, je ne peux pas vous donner les prévisions, parce que je ne les connais pas. En revanche je peux vous dire que, dans le secteur privé, tout est en place : l’amélioration des conditions d’apprentissage, le contrat nouvelles embauches, le contrat initiative emploi et les contrats de professionnalisation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. Il n’y a pas de boulot !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans le secteur public et parapublic, qui devra faire face à une crise du recrutement dans les trois ans qui viennent, le contrat d’apprentissage mis au point par Christian Jacob est prêt. Nous avons aussi les contrats d’accompagnement vers l’emploi et les contrats d’avenir.

Le Gouvernement a mis, dans ce combat, tous les moyens humains et techniques nécessaires. Nous sommes en train de recruter 1 300 personnes de haut niveau pour accompagner les demandeurs d’emploi. Les 57 000 jeunes chômeurs de longue durée ont tous été reçus individuellement et les autres le seront d’ici à Noël.

La bataille est engagée. Il pourra y avoir des bons et des mauvais mois, mais, structurellement, nous la gagnerons ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

EDF

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, il y a peu de temps encore, à l’intérieur de votre propre camp, les partisans de la privatisation d’EDF annonçaient la baisse du prix de l’électricité, la mondialisation et l’abondance. Ils vous exhortaient à accélérer le processus d’ouverture du capital de cette grande entreprise nationale.

En fait, la hausse du prix de l’énergie est toujours très forte et elle continue inexorablement de réduire le pouvoir d’achat des consommateurs. Aujourd’hui, on nous annonce 13 % d’augmentation pour le gaz.

M. Michel Bouvard. Qui a vendu la CNR ?

M. Christian Bataille. En ce qui concerne l’électricité, des signaux contradictoires sont émis de l’étranger. Paradoxalement, certains États américains ont ainsi fait machine arrière et rétabli un marché réglementé. Ces considérations devraient inciter votre gouvernement à la prudence.

Avec une marge d’autofinancement de 10 milliards d’euros et de très bons résultats au premier semestre 2005, EDF n’a pas de besoins financiers pressants. À vrai dire, l’ouverture à des capitaux privés apparaît plus comme un choix idéologique que comme une nécessité économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Bouvard. Qui a vendu la CNR ?

M. Christian Bataille. Monsieur le Premier ministre, face aux errements du marché de l’énergie, il importe que l’État maintienne son rôle protecteur, envers les citoyens comme envers l’industrie, en matière de fixation des tarifs et de conduite de la politique énergétique. Dans un tel contexte, il conviendrait que vous renonciez à ce projet chargé d’incertitude.

Sur ce sujet qui concerne tous les citoyens français, pouvez-vous informer clairement la représentation nationale de vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’industrie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, dans sa déclaration de politique générale, ici, à l’Assemblée, le Premier ministre a annoncé qu’il comptait donner à l’entreprise nationale EDF les moyens de son développement.

M. Bernard Roman et M. Jean-Claude Sandrier. Elle les avait déjà !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Dès lors, nous lui avons demandé de se mettre en situation non pas, comme d’aucuns le prétendent, de céder des titres pour assurer les fins de mois, mais de procéder à une augmentation de capital. Elle pourra ainsi augmenter ses fonds propres.

M. Daniel Paul. EDF en a !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. EDF n’a que 8 milliards d’euros de fonds propres pour 19 milliards de dettes.

M. Henri Emmanuelli. Et alors ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Aujourd'hui, compte tenu des investissements nécessaires à notre politique d’indépendance énergétique, notamment dans le secteur nucléaire, EDF doit avoir les moyens de son développement, et ce dans l’intérêt de toutes les Françaises et de tous les Français.

Il s’agit non de privatiser EDF, mais de réunir les conditions de son développement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est presque fait. Deux conditions, très importantes, restent néanmoins à satisfaire, puisqu’il faut encore finaliser la discussion relative aux missions de service public de l’entreprise et la négociation portant sur son plan d’investissement pluriannuel.

Lorsque ces deux dernières conditions, qui sont fondamentales, auront été remplies,…

M. François Hollande. Quand ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …le Gouvernement mettra en œuvre la politique de développement que, pour l’intérêt de l’entreprise, le Premier ministre a appelée de ses vœux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

transports en commun d’île-de-france

M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe UMP.

M. Yves Jego. Ma question, monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, concerne les conditions de déplacement de plusieurs centaines de milliers d’habitants d’Île-de-France, qui n’ont pas la chance ou les moyens de pouvoir se loger à Paris intra muros ou en proche banlieue.

Monsieur le ministre, voilà plus de trente ans que la SNCF n’a acquis aucun matériel neuf roulant en Île-de-France,…

M. François Liberti. C’est tout à fait vrai !

M. Yves Jego. …ce qui entraîne une dégradation insupportable des conditions de transport de ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler dans la capitale.

M. Jacques Desallangre. Et le Gouvernement ne fait rien pour remédier à cette situation !

M. Yves Jego. Je me contenterai de citer l’exemple des grands banlieusards du sud de la Seine-et-Marne, qui sont transportés dans du matériel en aluminium qui date des années 50 et paraît plus proche – vous le reconnaîtrez – de la bétaillère que des moyens modernes de circulation. Ces mêmes voyageurs paient, de surcroît, la carte orange la plus chère d’Île-de-France : 130 euros par mois.

M. Jacques Desallangre. Vous prononcez là un véritable réquisitoire contre le Gouvernement !

M. Yves Jego. Monsieur le ministre, à l’heure où l’on prétend favoriser les transports en commun afin d’éviter l’utilisation de la voiture, à l’heure où le nombre insuffisant de logements sociaux à Paris conduit les plus démunis à aller vivre aux confins de l’Île-de-France, (Interruptions sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard. Vous le reconnaissez vous-même !

M. Lucien Degauchy. Delanoë !

M. Yves Jego. …à l’heure où l’on s’aperçoit qu’il a été possible en quelques mois et sans difficultés de trouver plusieurs centaines de millions d’euros pour financer le tramway de la ville de Paris, à l’heure où la SNCF et la région Île-de-France dépensent des milliers, voire des centaines de milliers d’euros pour des campagnes de communication pour le moins indécentes, à l’heure, enfin, où les Franciliens constatent avec amertume une augmentation de quelque 30 % de l’impôt régional (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Maxime Gremetz. C’est un peu long !

M. Yves Jego. …pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles s’effectuera le transfert des compétences entre l’État et le syndicat des transports d’Île-de-France et, surtout, les mesures que vous comptez prendre pour mettre fin à la situation de blocage voulue par le président socialiste du conseil régional d’Île-de-France, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) situation qui vient encore accroître le sentiment d’abandon et le désespoir des voyageurs de grande banlieue ?

En un mot, quand le STIF fonctionnera-t-il ? Quels moyens l’État est-il prêt à mettre sur la table en vue d’acheter des trains neufs pour la grande banlieue ?

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Jego.

M. Yves Jego. Quand, enfin, connaîtrons-nous le calendrier de ces acquisitions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison : alors qu’il est urgent d’améliorer la qualité des transports en commun dans la région Île-de-France et qu’il est si nécessaire d’y assurer une plus grande cohérence en termes de décisions d’aménagement et de liaisons, il est malheureux d’observer…

M. Julien Dray. Que l’État se défausse !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. …la politique de la chaise vide menée par certains exécutifs des collectivités territoriales. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La loi de décentralisation de l’été 2004 donne au conseil régional d’Île-de-France la possibilité d’organiser l’ensemble des transports collectifs, c'est-à-dire d’assurer la cohérence de l’aménagement et du développement de la région. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vrai !

M. Jacques Desallangre. Et la dotation ?

M. Julien Dray. C’est plutôt l’État qui se défausse !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. C’est la raison pour laquelle il nous faut avancer.

Tout récemment, la commission consultative d’évaluation des charges, présidée par M. Fourcade, a fait des propositions très constructives, relatives notamment au renouvellement des trains. Les « petits gris » que vous avez évoqués, monsieur Jego, seront les premiers concernés. C’est un scandale, en effet, que des Franciliens soient encore dans l’obligation d’emprunter quotidiennement ce type de trains ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. La faute à qui ?

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de laisser le ministre répondre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. La commission Fourcade propose que l’État participe à hauteur de 20 % au renouvellement de l’ensemble des trains d’ici à 2017.

M. Henri Emmanuelli. Ça suffit !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Vous devriez écouter : cette proposition concerne 10 millions de voyageurs et représente 400 millions d’euros supplémentaires que l’État est prêt à apporter au-delà de ses obligations légales.

M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Chacun doit de nouveau assumer ses responsabilités envers les usagers de la région parisienne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

chantiers d’insertion

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe UMP.

M. François Vannson. Ma question, à laquelle s’associe Christine Boutin, s’adresse à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Madame la ministre, dans le cadre de la loi de cohésion sociale, les contrats d’accompagnement à l’emploi et les contrats d’avenir ont remplacé les contrats emploi solidarité qui étaient jusque-là les seuls contrats intégrés aux chantiers d’insertion.

Chacun reconnaît ici l’importance du rôle joué par les chantiers d’insertion dans le retour à l’emploi, en raison de la logique sociale qu’ils poursuivent. En effet, les contrats d’accompagnement à l’emploi ont pour objectif de faciliter l’insertion professionnelle des personnes qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles. Les contrats d’avenir, quant à eux, sont destinés à permettre le retour à l’emploi des personnes bénéficiant depuis au moins six mois du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité spécifique, et qui rencontrent les mêmes difficultés d’accès à l’emploi.

Les chantiers d’insertion jouent donc un rôle essentiel dans la lutte contre le chômage structurel, lutte dans laquelle le Gouvernement s’est engagé avec détermination.

M. Jacques Desallangre. Et avec l’argent des collectivités territoriales !

M. François Vannson. Or la mise en œuvre des nouveaux contrats aidés inquiète tous les partenaires des chantiers d’insertion car elle entraîne des surcoûts importants. Si la prise en charge par l’État des contrats d’avenir est globalement équivalente à ce qu’elle était pour les anciens contrats, elle ne s’effectue que sur la base du SMIC. Dans le cadre de l’application des conventions collectives, les employeurs doivent prendre en charge le surcoût éventuel d’un salaire supérieur au SMIC.

Quant aux contrats d’accompagnements, ils sont pris en charge par l’État à hauteur de 105 % de la rémunération brute non chargée, ce qui entraîne un surcoût important, les anciens contrats étant pris en charge à hauteur de 95 % sur la base d’une rémunération brute chargée. (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame la ministre, en raison de leur efficacité, les chantiers d’insertion sont des outils indispensables de cohésion sociale que le Gouvernement a soutenus depuis leur origine. Pouvez indiquer à la représentation nationale les mesures que celui-ci entend prendre en vue d’assurer leur pérennité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous avez raison : les contrats d’insertion sont des outils majeurs du retour à l’emploi, parce qu’ils garantissent l’accompagnement social dont nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi ont tant besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme il s’y était engagé, le Gouvernement a pris, sur le plan financier, d’importantes dispositions pour les cinq ans à venir. Chaque chantier d’insertion bénéficiera d’une enveloppe de 15 000 euros, avec un maximum de 45 000 euros par association. L’État, vous l’avez rappelé, accompagne les contrats aidés. Dans le cadre du contrat d’avenir, il intervient à 90 % du différentiel entre le salaire brut chargé et le minimum social activé. Néanmoins il n’oublie pas pour autant d’aider les structures. C’est pourquoi il a souhaité répondre aux besoins des associations d’insertion au travers des fonds départementaux d’insertion.

Enfin, rendre ces contrats plus souples et plus autonomes permettra à leurs bénéficiaires de poursuivre une activité commerciale, lorsque celle-ci se révèle possible. C’est pourquoi l’accompagnement en la matière pourra être porté de 30 % à 50 %.

Le Gouvernement a la volonté de tout faire pour faciliter le retour à l’emploi, notamment en écoutant les associations de réinsertion. Telle est la raison pour laquelle il a répondu à deux de leurs attentes en ce qui concerne l’accompagnement sur la durée hebdomadaire du travail et sur la formation. Le Gouvernement, sur ces deux points, apportera des réponses dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

franchise
pour les actes médicaux coûteux

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur le Premier ministre, à la télévision, récemment, vous avez fait, en direction des Français, de généreuses déclarations d’intention : notre modèle social devait être préservé au nom de la solidarité, notamment en ce qui concerne la santé et l’égalité d’accès aux soins.

Demain le conseil des ministres adoptera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Or celui-ci contient une disposition qui se trouve en totale contradiction avec vos déclarations d’intention : l’instauration d’une franchise de 18 euros – pour commencer – sur les actes médicaux lourds, de plus de 91 euros. C’est une grande première, pour les soixante ans de la sécurité sociale, que cette rupture avec le principe fondateur de prise en charge par l’assurance maladie des dépenses de soins pour les actes lourds.

Cette décision va encore aggraver les inégalités d’accès aux soins, que dénoncent des acteurs sociaux de plus en plus nombreux. Elle s’ajoutera au dérapage scandaleux en matière de dépassement d’honoraires souvent illégaux, dénoncés par de nombreux médecins, y compris par des médecins exerçant dans le secteur 2, celui des honoraires libres.

Ces dépassements d’honoraires sont parfois démesurés. Le directeur général pour la santé d’une grande compagnie d’assurance a indiqué ce matin que le plafonnement à 2 000 euros du remboursement des dépassements d’honoraires a fait économiser un million d’euros en huit mois à sa société.

Or les mêmes sont les bénéficiaires des diminutions d’impôts que votre majorité, une fois de plus, votera docilement.

Monsieur le Premier ministre, après avoir évalué l’élargissement de la fracture sociale que votre folle gestion a provoquée, allez-vous renoncer à instaurer une franchise sur les actes médicaux coûteux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, il ne faut pas raconter n’importe quoi : cela vous changera ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Lorsque vous évoquez ces 18 euros, vous paraissez oublier que, depuis des années, sur tous les actes inférieurs à 91 euros, 20 % restent à la charge du patient ou des complémentaires. Au-delà de 91 euros, la sécurité sociale assume toute la charge. Nous avons souhaité que, désormais, les complémentaires fassent un effort. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Qui va payer, à votre avis ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous pensons qu’elles peuvent assumer cet effort : en effet, quel que soit le montant de l’intervention chirurgicale, 100 ou 10 000 euros, la somme sera toujours de 18 euros, et pas un euro de plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour commencer !

M. le ministre de la santé et des solidarités. De même, quelle que soit la durée de l’hospitalisation, la somme sera de 18 euros une fois pour toutes.

En outre, nous avons voulu que les Français les plus malades et les plus démunis, ainsi que les femmes enceintes, ne soient pas concernés par ce dispositif.

M. François Hollande. Les bien-portants non plus ne sont pas concernés !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les complémentaires santé n’ont aucune raison d’augmenter leurs tarifs le moins du monde à cause de cette mesure car, dans le même temps, depuis le début de la réforme et, surtout l’an prochain, elles auront réalisé des économies très importante (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sera tout le contraire, puisque vous déremboursez !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …que l’on peut évaluer à 300 ou 400 millions d’euros.

L’an dernier nous avons demandé aux Français de consentir des efforts qui ont porté sur le changement des comportements, sur le dispositif du médecin traitant et sur la politique en faveur des médicaments génériques. Les résultats sont au rendez-vous. Nous estimons donc que, cette année, l’industrie du médicament et les complémentaires peuvent consentir à leur tour un effort, sans augmenter les tarifs.

L’égalité d’accès aux soins est pour nous une priorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) S’il n’y avait pas eu la réforme, cette égalité aurait été rompue. La caisse d’assurance maladie a réalisé des enquêtes qui ont été rendues publiques aujourd'hui même. Je serai intransigeant avec les professionnels de santé qui n’appliqueront pas ce que l’on appelle « le tact et la mesure ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Allons donc ! Personne ne vous croit !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je rencontrerai la semaine prochaine les syndicats de médecins à ce propos. Chacun doit consentir des efforts, et nous ne saurions tolérer d’abus de la part de qui que ce soit, qu’il s’agisse des médecins ou des autres acteurs du système de santé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

pôles d’excellence ruraux

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe UMP.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, lors de votre récent déplacement à Gap, dans les Hautes-Alpes, vous avez annoncé la création de pôles d’excellence ruraux. Je vous remercie d’avoir ainsi confirmé vos engagements et votre projet, dont vous m’aviez informée dès le mois de juillet en réponse à mes interrogations sur l’avenir du monde rural. Je vous avais alors fait remarquer que les territoires ruraux sont moins concernés que les territoires urbains par la création des pôles de compétitivité, dont je reconnais par ailleurs toute la valeur.

Or il existe un vrai potentiel de connaissances et d’emplois dans les territoires ruraux, alors qu’une trop grande concentration urbaine est source d’importants problèmes sociaux pour la collectivité nationale.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître plus précisément les modalités de mise en œuvre de ces pôles d’excellence ruraux, notamment les secteurs d’activité concernés et le calendrier envisagé. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, le Gouvernement a orienté résolument notre pays vers la modernité, l’innovation et la croissance en créant soixante-sept pôles de compétitivité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La France qui gagne, la France qui bouge, la France qui a des idées, ce n’est pas seulement celle des grands projets de développement industriel et scientifique ; c’est aussi celle de nos territoires ruraux, avec leur talent et leur savoir-faire, qu’il nous appartient de valoriser. C’est pourquoi, à la demande du Premier ministre et avec le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous proposons la création de pôles d’excellence ruraux dont le but sera d’assurer le meilleur équilibre possible entre nos territoires.

Nous proposerons ainsi aux territoires les plus innovants de labelliser un certain nombre de projets touchant notamment au patrimoine naturel, historique, culturel, au tourisme, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication – comme les actions en faveur de la démographie médicale ou du télétravail –, ou encore aux énergies renouvelables.

Avant la fin de l’année, un CIADT examinera ce projet, définira les modalités et les moyens à mettre en œuvre et lancera un appel à projets. Selon toute vraisemblance, une centaine de pôles seront sélectionnés et labellisés.

Je rappelle aux députés de l’opposition que, lorsqu’ils étaient dans la majorité, ils ont creusé un fossé énorme entre la France des villes et la France de la ruralité en créant des schémas nationaux qui ne respectaient pas l’identité de chacun de nos territoires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voilà, madame la députée, comment nous entendons pour notre part rétablir l’équilibre entre nos territoires, en valorisant leurs richesses et leurs ressources, et en comptant sur le bons sens et l’intelligence des habitants des espaces ruraux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

permis de conduire

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Bertrand, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Bertrand. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, auteur du rapport intitulé Faciliter l’accès des jeunes au permis de conduire, qui a été remis au Premier ministre au début de 2005, je suis satisfait de constater que, quelques mois plus tard, parmi les trente-huit propositions préconisées, près de quinze sont déjà mises en œuvre ou sont en préparation pour l’année 2006. Ainsi, depuis le 3 octobre dernier, les jeunes désireux de passer leur permis de conduire ont la possibilité d’être aidés dans leur projet grâce à un nouveau dispositif d’aide au financement que vous venez de mettre en place : le permis à un euro par jour.

Le permis de conduire constitue un enjeu essentiel de sécurité routière, mais il répond également à des enjeux d’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Je souhaite donc que vous indiquiez à la représentation nationale les modalités pratiques de ce dispositif.

Par ailleurs, dans l’hypothèse très probable où certains jeunes n’auraient pas accès au prêt bancaire correspondant, je vous prie de bien vouloir porter à notre connaissance les mesures existantes où à l’étude que le Gouvernement mettra en place pour intégrer également dans le dispositif les jeunes les plus en difficulté car la France a besoin de tous ses enfants sans exception. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le député, de vous remercier pour la qualité du rapport que vous avez remis à mon prédécesseur à début de l’année 2005. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce rapport avait notamment pour objet l’examen des conditions permettant aux jeunes d’accéder plus facilement au permis de conduire, qui est bien entendu un élément de liberté mais aussi, bien souvent, une condition pour accéder à l’emploi, d’où la nécessité d’améliorer les choses.

Comme vous l’avez indiqué, le dispositif du permis à un euro est en place depuis le début du mois. Il représente une mesure novatrice qui permet aux jeunes de seize à vingt-cinq ans d’avoir accès à trois prêts s’élevant à 800, 1 000 ou 1 200 euros, le remboursement s’effectuant ensuite à hauteur d’un euro par jour. Plusieurs mesures complémentaires sont mises en place pour les jeunes qui ont le moins de possibilités financières : les apprentis et les titulaires d’un contrat CIVIS pourront ainsi bénéficier d’une aide de 200 euros, le prêt sans intérêt s’élevant alors à 600 euros.

À ce jour, mille auto-écoles ont accepté de jouer le jeu et se sont conventionnées ; d’autres vont suivre. Le délégué interministériel et moi-même avons bon espoir que le dispositif se généralisera et permettra à un très grand nombre de jeunes d’accéder au permis de conduire dans de bien meilleures conditions.

Je tiens également à vous donner deux informations complémentaires sur le permis : l’épreuve pratique sera renforcée et allongée dans le temps pour permettre, comme vous le souhaitiez aussi, monsieur le député, une meilleure évaluation des capacités du conducteur ; quant à l’épreuve théorique, elle sera simplifiée dans sa présentation et rendue plus efficace.

Enfin, le dispositif régissant l’attestation scolaire de sécurité routière délivrée en classe de troisième sera amélioré, car il est important de préparer très tôt le jeune à l’exercice de l’examen du permis de conduire.

Merci, monsieur le député, d’avoir permis à nos jeunes de bénéficier d’un meilleur accès au permis de conduire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Loi d’orientation agricole

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi d’orientation agricole (nos 2341, 2547).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et s’est arrêtée après avoir entendu les orateurs inscrits à l’article 11.

Mes chers collègues, nous avons jusqu’à présent consacré cinq séances à la discussion des articles de ce projet de loi. Sur 904 amendements recevables, nous en avons examiné 376. Il en reste donc 531.

Afin que la discussion se déroule dans de bonnes conditions, sans compromettre l’objectif d’achever cette première lecture avant celle du projet de loi de finances qui débute mardi prochain, il a été décidé d’ouvrir deux séances, lundi prochain, l’après-midi et le soir, et de reporter le vote solennel au mardi 18 octobre après les questions au Gouvernement.

M. François Guillaume. Très bien !

M. le président. Néanmoins, le respect de ce calendrier suppose une accélération sensible de nos débats. Je vous laisse méditer sur la suite qu’il convient d’accorder à ces propos.

Nous en venons aux amendements déposés à l’article 11.

Article 11 (suite)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 516, 690 et 923 visant à la suppression de l’article 11.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 516.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 690.

M. André Chassaigne. Je me borne aussi à dire qu’il est défendu, compte tenu de l’amendement n° 252 deuxième rectification du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 923 de M. Sauvadet n’est pas défendu.

La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 516 et 690.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche, pour soutenir l’amendement n° 252 deuxième rectification.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Le premier tiret de l’article 11 permettait la prise en compte des activités agricoles et forestières dans la lutte contre l’effet de serre par voie d’ordonnance. Il est remplacé, à la suite des débats des jours précédents, par des dispositions modifiant les articles L. 112-2 du code rural et L. 1 du code forestier.

Le recours aux ordonnances est supprimé, mais maintenu s’agissant des missions des divers organismes.

Les principes seront d’ordre législatif. Les missions des organismes seront définies par ordonnances. Il s’agit d’aller dans le sens de ce que souhaitait l’Assemblée.

M. le président. L’amendement n° 252 deuxième rectification fait l’objet d’un sous-amendement n° 996.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir ce sous-amendement.

M. Yves Cochet. Nous avons avancé sur le plan démocratique, dans la mesure où nous pouvons discuter maintenant du fond des choses.

Par ce sous-amendement, nous demandons au Gouvernement de préciser exactement ce qu’il entend par « valorisation de la biomasse ». Il faut en effet distinguer l’aspect agricole du volet forestier.

Je souhaite par ailleurs défendre une manière de valoriser cette biomasse, en recherchant un bilan énergétique significativement positif pour les procédés de biocarburants.

Reste à savoir de quoi on parle. Va-t-on utiliser le bois, va-t-on utiliser la plante, ou seulement les huiles, ou seulement les grains ? Quel procédé adoptera-t-on pour la fabrication des esters ? Fermentation, simple pression ou tout autre procédé ?

Il faudrait donc que l’on connaisse le rendement énergétique de ces procédés ainsi que les conditions environnementales. En particulier il ne doit pas y avoir trop de pollution par les intrants, du fait d’une agriculture productiviste qui donnerait soit des huiles végétales, soit de la forêt avec beaucoup de saules, d’acacias, de peupliers. Quel sera l’impact écologique de ces filières ?

Si l’on parle de biomasse en général, en comprenant la lignite et la cellulose, qu’on fournisse également un bilan énergétique et l’impact écologique de ce type d’agriculture, agriculture plutôt industrielle qui se trouvera en conflit d’utilisation des sols avec l’agriculture alimentaire.

L’ambition du Premier ministre est de produire, en 2015, 10 % de notre énergie grâce aux biocarburants. Cela fait à peu près dix fois plus que maintenant, donc dix fois plus de surfaces agricoles. Si l’on utilise la cellulose et la lignite, il n’y aura pas de conflit avec l’agriculture alimentaire ; il y a en effet 15 millions d’hectares de forêts en France, qui ne sont pas utilisés pour l’alimentation.

Je souhaite donc obtenir quelques précisions allant dans le sens ce que je propose : un bon bilan énergétique de la filière globale et le strict respect des normes environnementales, avec une agriculture moins intensive en intrants.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 252 deuxième rectification et le sous-amendement n° 996.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission a adopté l’amendement du Gouvernement. En revanche, elle n’a pas examiné le sous-amendement de M. Cochet. À titre personnel, j’estime qu’il est satisfait par le premier alinéa du texte gouvernemental.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 996 ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Pour une fois, je suis d’accord, au moins partiellement, avec M. Cochet. C’est un événement ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. C’est remarquable !

M. François Guillaume. En effet, M. Cochet a demandé des précisions sur la façon dont on pensait utiliser la biomasse, et laquelle. Pour produire quoi ? Des carburants, certes, mais aussi sans doute de l’énergie.

À ce propos, monsieur le ministre, je n’ai rien vu dans le texte sur le biogaz. De quoi s’agit-il ? D’utiliser les effluents d’élevages – porcheries, étables laitières – pour produire du méthane par fermentation anaérobie. Ce méthane est ensuite utilisé pour fabriquer de l’électricité, laquelle sera revendue à EDF, à un prix d’ailleurs trop faible par rapport à l’électricité produite, par exemple, par les éoliennes.

M. Yves Cochet. Tout à fait !

M. François Guillaume. À l’issue de cette fermentation anaérobie, le reliquat des fosses vidées peut être répandu sur le sol, avec un double avantage : cette matière n’a aucune odeur ; c’est un composé ammoniacal, ce qui signifie qu’il n’y a pas de déperdition d’azote.

Qui plus est, EDF trouve intéressante cette production d’énergie qui se transforme en électricité. Généralement, ces fermes se trouvent en bout de ligne, avec des faiblesses de voltage qui entraînent la détérioration de certains matériels. Un apport d’énergie en bout de ligne permet d’éviter ces insuffisances.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si vous êtes d’accord pour encourager cette production d’énergie à partir du biogaz ? De nombreux agriculteurs sont intéressés par une telle utilisation de leurs effluents d’élevage. Lorsque ceux-ci ne sont pas traités, il posent en effet de graves problèmes, en Bretagne ou ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement du Gouvernement va dans le bon sens, dans la mesure où l’on y définit les moyens d’atteindre les objectifs. Toutefois le fait que l’on passe toujours par une ordonnance pour régler certains détails ne correspond pas à une loi d’orientation et je vais en donner deux exemples.

Le sous-amendement de M. Cochet – avec lequel je serais également d’accord, pour une fois (Sourires) – précise la valorisation de la biomasse par la filière bois-forêt. C’était absolument nécessaire.

Considérons les objectifs européens et ceux du Premier ministre, qui souhaite que l’on atteigne 5,75 % d’incorporation de carburants d’origine agricole en 2008, 7 % en 2010, 10 % en 2 015. En tout état de cause, on ne gagnera ainsi qu’environ 5 millions de TEP en 2015. Or nous avons voté, dans la loi d’orientation énergétique, à son article 13, que « le ministre chargé de l’agriculture met en place un plan terre énergie, qui permet une économie d’importation d’au moins 10 millions de tonnes équivalent pétrole en 2010 grâce à l’apport de la biomasse pour la production de chaleur et de carburant. »

Pour y parvenir, nous devons développer la filière biomasse, la filière forêt et la filière bois. Sinon, nous n’y parviendrons pas, ce qui signifierait que nous aurions fixé dans la loi des objectifs qu’on n’atteindra jamais !

Par ailleurs, la diminution de la réduction de TIPP accordée aux unités de production de biocarburants prévue dans le projet de loi de finances m’inquiète. Alors que nous déclarons notre intention de favoriser une filière, le ministre du budget réduit les aides en direction de ceux qui s’y engagent. Difficile d’atteindre nos objectifs dans ces conditions !

Je suis donc défavorable à l’amendement du Gouvernement parce qu’il ne va pas assez loin et favorable au sous-amendement de M. Cochet, qui permet de favoriser une filière essentielle pour respecter les objectifs que nous nous sommes fixés et que d’autres pays ont atteints.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 996.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 11 et les amendements nos 517 et 518 de M. Jaubert, 731 de M. Chassaigne et 66 de M. Taugourdeau tombent.

Après l’article 11

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 11.

Je suis d’abord saisi de deux amendements identiques, nos 899 et 571.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 899.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 571 de M. Philippe Armand Martin est également défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu ces amendements, considérant qu’ils relèvent de la loi de finances, qui sera discutée prochainement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. L’amendement présenté par nos collègues de l’UDF est bon. La proportion d’éthanol introduite dans l’essence risque en effet d’être réduite par l’utilisation de l’ETBE, qui est composé pour moitié d’éthanol et pour l’autre moitié de produits pétroliers. Exigeant une transformation, il augmente d’ailleurs le coût de l’introduction de l’éthanol dans les carburants. Si l’on veut respecter l’engagement du Gouvernement, il ne faut donc prendre en considération dans l’ETBE que les 50 % qui représentent l’éthanol.

Il est temps que l’on puisse, comme aux États-Unis, introduire directement l’éthanol dans l’essence et que cette introduction devienne obligatoire. La contrainte imposée par l’Assemblée n’est à cet égard pas suffisante.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 899 et 571.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 392.

M. Antoine Herth, rapporteur. Cet amendement tend à assurer une meilleure information du consommateur sur les points de vente de carburants, en prévoyant notamment un affichage spécial pour les biocarburants. Il permet en outre de transposer le point 5 de l’article 3 de la directive 2003/30/CE, qui prévoit que les États membres informent le public sur la disponibilité des biocarburants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Cet amendement est intéressant mais il pose deux difficultés : il est de portée réglementaire et sa compatibilité communautaire doit être examinée. Je m’engage, s’agissant des biocarburants, à étudier les modalités d’un décret d’étiquetage pour les opérateurs qui souhaiteraient s’engager dans cette voie sur une base volontaire.

Compte tenu de ces indications, je demande à M. Herth de retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Je suis de l’avis de M. le ministre. Une telle initiative peut tout à fait être prise par les gérants de stations d’essence s’ils considèrent que c’est un moyen de favoriser leurs ventes. Je pense que la généraliser n’apporterait pas grand-chose. Partageant les réserves du Gouvernement, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. J’ai entendu le ministre et je vais retirer l’amendement. Cependant, le développement des biocarburants, souhaité par l’Assemblée quasi unanime, sera d’autant plus facile et rapide que nous trouverons de bons relais d’opinion auprès des consommateurs.

M. le président. L'amendement n° 392 est retiré.

J’en viens donc à trois amendements identiques, nos 29, 603 et 804.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Cet amendement, auquel s’associe mon collègue Franck Marlin, invite le Gouvernement à appuyer une politique de développement des bioproduits, lesquels présentent des avantages environnementaux indéniables par rapport à ceux non issus de la biomasse.

M. Yves Cochet. C’est vrai !

M. le président. L’amendement n° 603 de M. Étienne Mourrut est également défendu.

La parole est à M. Philippe Feneuil, pour soutenir l’amendement n° 804.

M. Philippe Feneuil. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu ces amendements, qui créent une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, ce qui n’est pas dans le champ des pouvoirs de l’Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Dans le cadre du débat sur la biomasse, je souhaite adresser une remarque au rapporteur de la commission des finances.

Parmi les amendements qui ont subi le couperet de l’article 40, il en était un qui proposait la création, par déclaration d’utilité publique à l’initiative des communes, de parcs à bois ou de parcs de stockage des plaquettes forestières, dont les volumes représentent un vrai sujet de préoccupation dans bon nombre de secteurs. Cet amendement n’impliquait pas un financement de l’État ; pourtant, je ne sais pour quelle raison, la censure est tombée. Nous ne pouvons en débattre en séance alors qu’il aurait permis de valoriser la biomasse et les dispositifs qui l’accompagnent, sans dépense nouvelle pour l’État.

J’espère entendre, avant la fin du débat, un commentaire expert de votre part, monsieur le rapporteur pour avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 29, 603 et 804.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7 rectifié.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le soutenir. Permettez-moi toutefois de vous signaler, cher collègue, qu’au regard de la jurisprudence, cet amendement est inconstitutionnel.

M. Jean-Charles Taugourdeau. On me l’a dit et je vous prie de m’en excuser. Il est aussi très mal rédigé, mais je souhaite tout de même le défendre.

En fait, plutôt que de favoriser l’utilisation de cagettes en bois pour la commercialisation des fruits et légumes ou de tout autre produit agroalimentaire, je voulais qu’au moins les grandes chaînes de distribution ne puissent pas l’interdire au profit de cagettes plastiques, qui sont des produits issus du pétrole.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis, mais la question soulevée par M. Taugourdeau est intéressante et je m’engage à y travailler avec lui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre pour présenter l’amendement n° 863 rectifié.

M. Xavier de Roux. C’est un très bon amendement !

M. Francis Delattre. L’institut du végétal Arvalis présente une exposition montrant que tous les emballages et sacs plastiques présents dans un hypermarché pourraient être remplacés par des emballages d’origine végétale aussi solides et aussi fonctionnels. Pourquoi alors n’utilisons-nous pas cette technique, qui permet de rassembler écologie et agriculture ? On nous a certes répondu que, si elle est au point, elle pose un problème économique. Il me semble qu’avec l’augmentation du coût des matières premières fossiles, le handicap économique est largement dépassé aujourd’hui.

L’intérêt des emballages d’origine végétale est qu’ils sont biodégradables en trois mois maximum. On peut voir dans l’exposition le travail des bactéries dans la terre. Outre une nuisance pour notre environnement, les emballages plastiques représentent pour les communes un coût exorbitant. Tous ceux qui ont à connaître de ces problèmes savent que les quantités de plastiques à éliminer augmentent chaque année, de même que le coût de leur élimination, du reste imparfaite. Une conversion en quelques années aux emballages d’origine végétale, permettrait de trouver rapidement une solution au problème des sous-produits, pratiquement inutilisables, issus du traitement des déchets.

M. François Sauvadet et M. Xavier de Roux. Excellent !

M. Francis Delattre. L’Irlande est maintenant bien engagée dans ce processus. Et si l’on cite souvent la Corse comme mauvais exemple à bien des égards, sur le plan de l’environnement et de l’écologie ce n’est pas le cas : un accord avec la grande distribution est presque finalisé en ce sens.

Sans ignorer les difficultés techniques qu’une conversion vers cette nouvelle voie poserait à l’industrie d’origine fossile, on peut raisonnablement penser qu’elle serait possible dans un délai de trois ou quatre ans. Un groupe de travail de l’Assemblée nationale a travaillé sur cette question, sous la présidence d’un de nos collègues de la Seine-et-Marne, et a rencontré les industriels.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Francis Delattre. Ceux-ci n’ont pas émis d’objection fondamentale ; ils ont simplement demandé du temps. Cet amendement est le résultat de cette étude commencée depuis deux ans.

Quant à savoir s’il est opportun d’introduire cette mesure dans le présent texte de loi – tout le monde sait que, quand on ne veut pas trop s’engager, on renvoie toujours au domaine réglementaire ! –, il n’est que de rappeler que, depuis la révision constitutionnelle sur le principe de précaution – le ministre de l’agriculture, qui est un excellent juriste s’en souvient – la préservation de l’environnement relève de la compétence du législateur. Cela est inscrit à l’article 34 de la Constitution.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Francis Delattre. L’amendement n° 863 rectifié a pour but de réconcilier les personnes soucieuses de la préservation de l’environnement et le monde agricole. La nouvelle filière permettrait au surplus à ce dernier d’ensemencer plusieurs millions d’hectares pour répondre à la demande en nouvelles cultures.

Si nous avions le courage de faire ce pas, le projet de loi dont nous débattons mériterait totalement sa belle appellation de loi d’orientation.

M. Christian Paul. Il la méritera !

M. Xavier de Roux. Nous allons en avoir le courage !

M. Francis Delattre. Nous nous engagerions ainsi dans une nouvelle production, non alimentaire, qui se révélera, avec les biocarburants, l’une des filières les plus importantes dans les dix ou quinze prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement.

À titre personnel, j’y suis favorable. Je félicite d’ailleurs M. Delattre d’avoir exploré cette piste tout à fait pertinente. Un débat a eu lieu dans cet hémicycle sur la gestion des déchets et force est de constater que, en dépit des efforts déployés par les collectivités et les SIVOM, les sachets en plastique passent souvent à travers les mailles du filet. D’où l’importance de prendre des mesures de prévention en réalisant ces sacs dans une matière biodégradable.

Je formule simplement une remarque : peut-être auriez-vous pu, monsieur Delattre, avancer la date d’entrée en vigueur de cette interdiction, compte tenu des tensions que nous connaissons dans le domaine pétrolier.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. François Brottes. Quelle audace, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. M. Delattre a défendu son amendement avec son talent habituel et l’élu du littoral que je suis ne peut que confirmer, sous le contrôle de M. de Roux, que la première pollution de nos plages est due non pas aux boulettes de pétrole mais bien aux sacs en plastique.

Je vois Mme Franco opiner du chef.

Il est non moins exact que cela impliquera une reconversion de notre industrie. Si M. Laurent Wauquiez était présent, il ne manquerait pas d’évoquer les problèmes d’emplois que cela posera dans la circonscription dont il est élu et où sont fabriqués entre 80 et 90 % des sacs en plastique de notre pays.

Néanmoins le message est clair et le Gouvernement s’en remet à la grande sagesse de l’Assemblée nationale.

M. Xavier de Roux. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, j’ai six demandes de parole. Sur un amendement, il y en a manifestement trois de trop puisque, dans ce cas de figure, ne peut parler qu’un orateur contre et ne sont ensuite tolérées qu’une réponse à la commission et une réponse au Gouvernement.

Je ne vais pouvoir donner la parole qu’aux trois premiers. Je tenais à vous en informer pour que vous vous discipliniez vous-mêmes, faute de quoi la séance de lundi ne suffira pas pour terminer ce débat.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. L’amendement qui a été remarquablement défendu par M. Delattre est très important.

À ceux qui s’interrogeraient encore sur l’opportunité de la présence d’un tel amendement dans une loi d’orientation agricole, je ferais remarquer qu’il s’inscrit dans la recherche de toutes les possibilités offertes au monde agricole, notamment celles leur permettant de contribuer à la préservation de l’environnement, aspect important dont nous avons souvent parlé tout au long de ce débat. De plus, la production d’un substitut d’origine végétale aux sacs plastiques fournirait à l’agriculture un débouché intéressant.

Nous n’ignorons pas les difficultés que cette substitution entraînera sur l’emploi. Cependant cette dernière répond à une exigence majeure et, plutôt que de s’y opposer, il faut au contraire encourager la recherche pour trouver de nouveaux produits ou de nouvelles utilisations plus respectueuses de l’environnement.

Enfin, les collectivités sont confrontées au quotidien aux problèmes de l’enlèvement et du traitement des ordures ménagères. Il importe donc de conduire une action vigoureuse pour limiter à la source la production d’emballages, car ceux-ci deviennent ensuite des déchets encombrants dont le traitement représente un coût très lourd à la fois pour les usagers et les collectivités territoriales.

Je soutiens donc l’initiative proposée, comme toutes celles permettant de limiter la production de déchets.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Le groupe socialiste soutient cet amendement.

M. Yves Cochet. Très bien !

Mme Geneviève Gaillard. Il ouvre des perspectives à la fois d’action immédiate et de recherche pour l’avenir.

Le Gouvernement agit déjà pour limiter l’utilisation des sacs en plastique et certaines collectivités mènent des actions semblables. Il existe une volonté citoyenne et politique. Il importe maintenant, surtout après l’adoption de la Charte de l’environnement, de s’engager résolument dans la voie proposée dans l’amendement. J’espère qu’il sera adopté.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je partage l’objectif de cet amendement. Il est cependant, comme l’a souligné M. Sauvadet, un aspect qui n’est pas pris en compte : celui de la production des sacs en plastique. Le terme n’apparaît pas dans l’amendement. S’il importe de protéger notre territoire des déchets qu’ils y constituent, nous devons également nous poser la question de savoir si nous comptons rester encore longtemps un pays pollueur : c’est très souvent, en effet, dans des pays moins développés que le nôtre que nous trouvons les paysages défigurés par ces déchets.

Nous aurions peut-être pu aller plus loin. Je ne proposerai pas de sous-amendement. C’est un premier pas, mais il faudra, à l’avenir, considérer la question de la production et peut-être l’interdire sur notre territoire.

M. le président. Monsieur Delattre, accepteriez-vous, pour une raison de forme, de sous-amender votre amendement en remplaçant les mots : « la commercialisation ou la distribution » par les mots : « la commercialisation et la distribution » ?

M. Francis Delattre. Aucune objection.

M. le président. Il conviendrait également, pour une raison grammaticale, de remplacer les mots : « un décret fixera » par les mots : « un décret fixe ».

M. Francis Delattre. Toujours d’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ainsi modifié ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 863 rectifié, tel qu’il vient d’être modifié.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.) (Applaudissements.)

M. Xavier de Roux. Il est adopté à l’unanimité.

M. Lucien Guichon. Non ! J’ai voté contre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pour défendre l’amendement n° 324.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Nous venons de voter presque à l’unanimité un amendement très important. Comme nous débattons d’une loi d’orientation, la commission a estimé que nous devions fixer des objectifs ambitieux en matière d’utilisation de biocarburant. Or ces objectifs manquent dans le texte qui nous est proposé.

M. François Sauvadet. Nous l’avons signalé.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je rends hommage à M. Poignant, rapporteur de la loi d’orientation sur l’énergie car, il y a quelques mois, nous avons tout mis en œuvre pour fixer des objectifs conformes à la directive européenne du 8 mai 2003. La part des biocarburants a été fixée à 5,75 % en 2010.

Compte tenu de la situation actuelle, il est nécessaire d’aller plus loin. L’amendement n° 324, cosigné par le rapporteur, M. Poignant, et moi-même, a pour but de fixer, dans la loi d’orientation, des objectifs que nous allons déterminer d’un commun accord.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous allons orienter l’orientation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’ai constaté avec beaucoup de plaisir que, dans son discours de Rennes, le Premier ministre avait lui-même donné un chiffre pour cette orientation.

M. Henri Nayrou. Quel chiffre ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dans l’amendement, il est proposé de fixer la part des biocarburants à hauteur de 5,75 % au 31 décembre 2008 - ce qui paraît raisonnable et accessible - de 7 % au 31 décembre 2010 et de 10 % au 31 décembre 2015.

Nous examinerons à l’article 12, monsieur le ministre, les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs ambitieux.

Mes chers collègues, je souhaite que cet amendement soit adopté à l’unanimité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis favorable, évidemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Avis très favorable.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Je suis favorable à cet amendement, mais je souhaite formuler quelques observations.

Les chiffres proposés sont importants compte tenu des réticences auxquelles nous nous heurtons depuis vingt ans. C’est en effet en 1986 ou 1987 que le gouvernement d’alors avait déposé à ce sujet un projet, qui avait été retenue par les deux assemblées. Toutefois les compagnies pétrolières n’y étaient pas favorables et nous avons dû mener de multiples combats, notamment au Parlement européen, pour faire accepter l’idée de l’utilisation des biocarburants.

J’en profite d’ailleurs, monsieur le ministre, sachant qu’il y a eu un échange assez dur entre le président de Total et le Gouvernement, pour dire que, dans ma circonscription, les stations Total sont les plus chères, y compris par rapport aux stations étrangères – Esso, Shell –, ce qui est un comble.

Je dois préciser que les réticences viennent également du ministère de l’industrie, qui a toujours été hostile à l’introduction des biocarburants.

Cela dit, il faudra, monsieur le président de la commission, se protéger des importations d’éthanol en provenance du Brésil…

M. François Sauvadet. Absolument !

M. François Guillaume. …qui risquent d’arriver sur notre territoire à des prix défiant toute concurrence.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. François Guillaume. C’est un vrai problème. Il ne faudrait pas donner l’illusion que l’on va développer la production de biocarburants et voir apparaître des quantités considérables d’importations qui viendraient se substituer à notre propre effort de production.

M. Francis Delattre. C’est ce qui va se passer.

M. François Sauvadet. Absolument ! Il faudra contingenter.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je suis opposé à cet amendement.

À l’occasion de la discussion d’un sous-amendement à un amendement du Gouvernement j’ai posé des questions précises auxquelles il ne m’a pas été répondu. Je vais les reformuler de la manière la plus claire et la plus précise possible. On peut certes jouer avec des pourcentages, mais il faut savoir de quoi l’on parle.

J’aimerais donc savoir de quoi il est question quand on parle de biocarburants comme additifs aux carburants d’origine hydrocarbonée classique du pétrole.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Une directive les définit.

M. Yves Cochet. Pardon ?

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre !

M. Yves Cochet. Je ne m’interromps pas, j’écoute !

Certains biocarburants proviennent des huiles pressées, les huiles végétales brutes, qui existent déjà en France. Le procédé de fabrication n’est pas trop industriel ni trop lourd – éventuellement une estérification –, et l’impact sur l’agriculture alimentaire n’est pas trop fort parce qu’il s’agit de circuits courts, à l’échelon du canton ou du département. J’y suis très favorable.

On peut faire, par exemple, du tournesol ou du colza. On presse pour récolter l’huile et on récupère même des tourteaux pour l’alimentation animale. Cela ne demande pas trop d’énergie, ni en transport ni en fabrication industrielle et c’est utilisé localement. Le bilan énergétique est relativement bon, tout comme le bilan écologique, surtout si l’on fait de l’agriculture biologique.

Toute autre est la reconversion industrielle des huiles. Dans ce cas, on utilise l’ensemble de la plante, y compris la cellulose, et le procédé est plus complexe.

Chimiquement, on sait le faire. Je ne veux pas révéler ce que tout le monde connaît, mais le procédé Fischer Tropsch a été utilisé pendant la guerre par Hitler pour faire du charbon liquide, car, si l’Allemagne n’avait pas de pétrole, elle avait du charbon. On utilise le même type de procédé et chimiquement ; il n’y a pas de secret.

En revanche, cela est beaucoup plus intensif au niveau industriel et en agriculture. Il faut de grands rendements à l’hectare si l’on veut que l’énergie finale, c’est-à-dire le bilan énergétique de l’ensemble de la chaîne, ne se traduise pas par l’utilisation en amont d’un baril de pétrole pour fabriquer un baril de biocarburant. Si le résultat est un pour un, on se situe à la limite de la fabrication d’énergie ; c’est alors plus un puits énergétique qu’une source d’énergie.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les Shadoks !

M. Yves Cochet. Oui, mais les Shadoks pompaient.

Que sont, pour vous, les biocarburants ? Avez-vous voulu parler de l’ensemble de la biomasse végétale du type bois ? En la matière existent deux types de procédés.

Il y a d’abord la combustion du bois dans des cuisinières, des chaudières. À cet égard je propose que le Gouvernement aide nos concitoyens qui sont actuellement dotés de chaudières à fioul domestique à les convertir en chaudières à bois, en prévoyant évidemment des circuits de distribution de bois, plutôt que de prévoir, comme M. le Premier ministre, une aide à la cuve de 75 euros.

M. Michel Roumegoux. Très bien !

M. Yves Cochet. Ensuite, il existe la fermentation alcoolique de l’ensemble de la plante ou du bois, cellulose comprise, mais cela demande beaucoup d’énergie et le rendement énergétique comme le rendement écologique n’est pas très bon.

Je voudrais savoir ce que recouvrent les pourcentages de 5,75 et de 10 %. Je suis favorable aux huiles végétales brutes, mais, pour d’autres, le bilan écologique et énergétique est plus mauvais encore que pour le pétrole. Une production de pétrole de 30 barils se résume à l’utilisation d’un baril de pétrole en amont pour l’acheminement vers l’utilisateur final. Le pétrole est très énergétique, alors que la densité énergétique des biocarburants est très inférieure.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vais devoir répéter des propos que j’ai tenus précédemment – même si nous sommes pressés, comme l’a rappelé M. le président – mais sur lesquels il n’y a pas eu de débat, car il s’agit d’un sujet important.

Le Gouvernement souhaite s’engager dans la voie de la production de carburants d’origine agricole. Nous y sommes tous favorables, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, …

M. Serge Poignant. Sauf Cochet !

M. Jean-Yves Le Déaut. …à condition que nous sachions de quoi il s’agit.

M. Yves Cochet. Voilà !

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Yves Cochet a raison sur un point : on ne doit pas fabriquer un produit si l’énergie utilisée sous toutes ses formes pour sa réalisation est supérieure à l’énergie retirée.

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Déaut. Certaines filières agricoles classiques, n’ayant pas été prévues dans un premier temps pour fabriquer de l’énergie, ne parviennent pas aujourd’hui à en fournir.

Nous sommes souvent présents dans cet hémicycle et nous votons des lois. Monsieur Ollier, la loi d’orientation énergétique…

M. Yves Cochet. Je ne l’ai pas votée !

M. Jean-Yves Le Déaut. …du 13 juillet 2005 prévoit dans son article 13 : « Le ministre chargé de l’énergie et le ministre chargé de l’agriculture mettent en place un plan « Terre- énergie » qui mobilise les moyens nécessaires pour atteindre un objectif d’une économie d’importations d’au moins 10 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2010… » Or, aujourd’hui, nous nous gargarisons, nous nous félicitons des déclarations du Premier ministre qui vont moins loin.

Chaque année, en France, environ 100 millions de tonnes de pétrole sont consommées, dont 50 millions pour les véhicules. Si la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport atteint 7 % en 2010, et 10 % en 2015, cela représentera 3,5 millions de tonnes d’économie pétrole. Si l’on parle de l’énergie nette, qui est toujours inférieure par hectare et par tonne à une tonne équivalent pétrole, cela signifie que l’on se situe deux ou trois fois en deçà des objectifs fixés dans la loi d’orientation énergétique.

Si l’on veut atteindre les objectifs fixés, il faut aussi que tous les véhicules dans l’agriculture roulent au biocarburant – l’agriculture deviendra alors autosuffisante en carburant – et développer la filière forêt. Sinon, nous n’arriverons pas à l’objectif fixé par l’article 13 de la loi de la loi d’orientation énergétique.

Je voudrais que M. le ministre nous donne quelques explications sur ce point. Sinon nous ne pourrons pas voter un nouvel article dans ce projet de loi d’orientation agricole. M. Ollier nous a indiqué que M. de Villepin avait été très loin dans son discours de Rennes. Non ! Il va moins loin que la loi de la République que nous avons votée.

M. Daniel Paul. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous voulons saluer le fait que l’article 11 commence à prendre des couleurs sympathiques. Il était, au départ, très bonapartiste, puisqu’il renvoyait en partie à des ordonnances ; on revient maintenant à des procédés plus démocratiques, plus conformes aux défis que la France a à relever. L’UDF votera donc cet amendement. MM. Demilly, de Courson Sauvadet et moi-même sommes d’ailleurs très engagés dans la production des biocarburants. Nous traçons ainsi notre sillon, si c’est possible.

Il y a conformité, je le répète, avec un objectif politique affirmé par le Premier ministre. Les questions posées par M. Le Déaut et par M. Yves Cochet sont bonnes.

Il me semble nécessaire d’entrer plus en détail dans la composition des pourcentages de 5,75 %, 7 % et 10 % prévus dans cet amendement. En effet, il existe trois filières : éthanol, diester et huiles végétales brutes. Elles ne sont pas équivalentes en termes de cultures. Certaines renvoient au maïs, à la betterave, d’autres au colza et au tournesol. L’impact sur le foncier des régions n’est pas identique. Quelle est la volonté politique de partage entre les trois filières ? Avez-vous fait procéder à une étude d’impact, quantifier la mobilisation des surfaces ?

Les questions posées par M. Yves Cochet sur ce débat interne aux trois filières sont bonnes. Il faudra comparer le bilan écologique et le bilan énergétique entre ces trois filières et on constatera alors que les huiles végétales présentent de sérieux avantages.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, vous avez indiqué hier que les jachères obligatoires, dans certains volets au moins de la politique agricole, seront mobilisables. Pouvez-vous nous confirmer cette ouverture très importante pour nos agriculteurs ?

L’UDF pense qu’il doit exister un lien fort entre cet objectif sympathique et la politique fiscale. Si nous nous coupons de tout débat sur la fiscalité, nos discours seront un peu boiteux.

Les énergies éoliennes ont bénéficié d’une certaine pérennité des conditions d’achat de l’énergie. Les biocarburants ont également absolument besoin pendant plusieurs années d’un environnement fiscal stable. Vous faites naître dans nos campagnes, monsieur le ministre, un espoir très important – c’est d’ailleurs l’un des seuls.

M. Yves Cochet. Quel aveu !

M. Jean Dionis du Séjour. Les agriculteurs ont entendu votre message et il faut respecter cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je laisserai évidemment le soin à M. le président de la commission d’apporter des compléments d’information. Nous ne devons pas tout mélanger. L’amendement proposé vise à porter de 5,75 % en 2008 à 10 % en 2 015 la part des biocarburants dans l’essence et le gazole. Soyons précis. Les huiles végétales figurent à un autre endroit du texte.

M. Jean Dionis du Séjour. Elles font pourtant partie des biocarburants !

M. Serge Poignant. C’est autre chose et nous soutenons cette filière de la même manière.

La biomasse concerne la production du bois, mais cela n’a rien à voir avec le pourcentage de 5,75 %.

M. Yves Cochet. On peut aussi faire du gazole avec du bois !

M. Serge Poignant. Il s’agit d’utiliser le bois comme combustible et nous devons également soutenir cette action.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est dans les biocarburants !

M. Serge Poignant. Certes, mais cela n’entre pas dans l’additif qui est diester ou éthanol-ETBE. Or le pourcentage de 5,75 % concerne seulement l’additif ETBE diester que l’on ajoute dans l’essence et le gazole.

Il ne faut évidemment pas négliger les huiles végétales et la biomasse. Nous devons soutenir un ensemble de mesures pour produire des biocarburants, mais, il faut bien distinguer la biomasse, les huiles végétales, les additifs, etc.

Il convient évidemment aussi de procéder au bilan énergétique et, si nous nous engageons dans cette voie, comme d’autres pays avant nous, ce sera parce que le bilan énergétique sera favorable. L’effet de serre provient essentiellement de la production d’électricité, du chauffage des maisons et surtout des transports, bref du thermique en général. Nous devons garder cela en mémoire et prendre diverses mesures d’ordre fiscal, prévoir les conditions de fabrication avec la création d’usines et des agréments de capacités de production nouvelles, comme le propose l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur Poignant, on peut fabriquer du gazole, au sens chimique du terme, à partir du bois par le procédé Fischer Tropsch.

Monsieur Ollier, dans les pourcentages de 5,75 %, 7 % et 10 % prévus dans l’amendement, ce gazole est-il compté ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Cochet, je ne me lancerai pas dans un débat scientifique à ce moment de l’examen de notre projet. La directive de 2003 prévoit la liste des biocarburants à laquelle nous nous référons, et nous respectons le point de vue de la Commission.

Monsieur Le Déaut, compte tenu du calcul arithmétique auquel vous vous êtes livrés, certains pourraient penser, en lisant le Journal officiel, que nous sommes en train de contourner les objectifs que nous fixons nous-mêmes.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je le pense !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non seulement vous le laissez penser, mais vous le pensez !

Permettez-moi de vous faire remarquer que, lorsque l’on parle de 10 millions de tonnes équivalent pétrole pour 2010, cela représente les carburants et le combustible.

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous consommons annuellement 50 millions de tonnes de pétrole, et cela augmentera certainement d’ici à 2010. L’objectif de 7 % fixé pour 2010 nous contraint donc à parvenir à une réduction de 3,5 millions de tonnes.

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les 6,5 millions de tonnes sur lesquels vous vous interrogez se trouvent effectivement dans le cadre du bois-chaleur, de la biomasse électrique, etc.

M. Poignant avait travaillé pour qu’il y ait un crédit d’impôt dans cette loi d’orientation énergétique, qui a été voté. Nous encourageons également ce dispositif par un crédit d’impôt passant de 25 à 40 %, si ma mémoire est bonne

Dans ce texte, nous proposons la baisse de la TVA sur le bois dont nous aller parler tout à l’heure.

La majorité et le Gouvernement ont abouti, en travaillant ensemble, à un dispositif cohérent et solide par lequel ils montrent leur détermination à aller dans cette voie en se donnant les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’ai peu de chose à ajouter à la brillante démonstration de M. Ollier.

À l’adresse des parlementaires qui étaient absents, j’indique à nouveau que nous allons lancer le 20 octobre, pour une réponse le 24 novembre, un appel d’offres pour 1 800 000 tonnes d’agréments nouveaux, qui se répartissent ainsi : 1 335 000 pour le diester et 465 000 pour l’éthanol. Cela montre bien vers quel type de carburant nous nous tournons. Cela se traduira par une multiplication par six du niveau de production et des surfaces correspondantes à l’horizon 2008 par rapport à la situation de 2005.

Il faudra mobiliser non seulement les jachères, mais également des terres qui sont aujourd’hui utilisées pour des usages alimentaires.

Derrière ces mesures, apparaît une dimension psychologique et politique non négligeable. Outre les aspects environnementaux soulignés par MM. Cochet, Le Déaut et Poignant, j’insiste sur l’importance de ce projet pour nos agriculteurs. Aujourd’hui, ils permettent à notre pays d’être autosuffisant sur le plan alimentaire et d’être la première puissance exportatrice de produits agroalimentaires non transformés au monde, et la deuxième de produits transformés.

Grâce à ce que vous allez voter dans le cadre de ce plan, nous allons faire en sorte que nos agriculteurs soient également des producteurs d’énergie. Pour leur moral, leur image et ce qu’ils représentent dans notre société, cela est primordial. C’est la raison pour laquelle cela doit figurer dans cette loi d’orientation agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !

M. le président. Monsieur le ministre, je suppose que vous levez le gage ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 324, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 246, 429, 28, 247, 606 et 805, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 246 et 429 sont identiques ainsi que les amendements nos 28, 247, 606 et 805.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour soutenir l’amendement n° 246.

M. Jérôme Rivière. L’objectif de cet amendement est de confirmer notre volonté d’engager le pays dans une politique en faveur des biocarburants en précisant que ceux-ci feront l’objet d’une fiscalité incitative et d’en fixer la durée. Les investissements très lourds pour cette filière ne seront réalisés que si la durée des incitations fiscales est garantie par les textes. Tel est bien le principe d’une loi d’orientation d’indiquer le sens des mesures à prendre dans le cadre des prochaines lois de finances.

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n° 429.

M. Philippe Armand Martin. Pour pouvoir développer les filières de biocarburants, l’État doit adapter sa politique fiscale en faveur de ces produits. Il convient de promouvoir la production de ces derniers par des mesures fiscales incitatives. N’oublions pas qu’il s’agit d’une énergie propre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. Jean-Charles Taugourdeau. L’amendement est défendu.

M. le président. Qu’en est-il de l’amendement n° 247 de M. Sermier ?

M. Michel Raison. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 606 de M. Mourrut est également défendu.

La parole est à M. Philippe Feneuil, pour soutenir l’amendement n° 805.

M. Philippe Feneuil. Ce que nous venons d’entendre dans cet hémicycle est un signe formidable pour l’avenir.

Désormais, il faut parler de choses concrètes. Les filières agricoles – oléoprotéagineux ou alcool – sont prêtes. Les plans des usines sont prêts. Il suffit de poser les premières pierres. Comme il s’agit d’investissements très lourds, leur réussite dépend d’une fiscalité adaptée pendant une période suffisamment longue. J’ai le sentiment que nous sommes prêts à aller dans ce sens. Sans demander une garantie de bonne fin aux filières, il faut donner une visibilité suffisante aux investisseurs. Cela est indispensable. Qui oserait engager de telles sommes sans avoir des assurances ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces six amendements ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a examiné ces amendements, mais elle ne les a pas retenus.

M. François Sauvadet. Oh !

M. Antoine Herth, rapporteur. Elle a estimé qu’en vertu de l’annualité budgétaire, on ne saurait présumer des votes futurs de la représentation nationale sur les budgets. L’amendement n° 324 de la commission que nous venons d’adopter qui fixe des perspectives de développement des biocarburants, devrait être en mesure de rassurer ceux qui voudraient mettre en œuvre de nouvelles filières.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je comprends bien le sens des amendements. Nos mesures de défiscalisation, la TGAP, font que la France a le niveau de soutien le plus élevé de tous les pays européens.

Néanmoins, nous ne pouvons pas bloquer le travail parlementaire sur dix ans dans une loi d’orientation par rapport à la loi de finances. Sur le plan juridique, de telles dispositions, même si elles sont votées, sont inefficaces car cela ne fera ni chaud ni froid à vos collègues des années à venir lorsqu’ils voteront les lois de finances. L’intention est louable, mais inutile.

Je m’en remets donc à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je ne partage ni l’avis du rapporteur ni celui du Gouvernement. Nous sommes au cœur du sujet. Nous venons de fixer clairement par la loi des objectifs en faveur des biocarburants. Leur réalisation suppose des moyens. A cet égard nous avons avancé dans l’article précédent, monsieur le rapporteur, non sur les moyens – notamment fiscaux – mais sur l’agrément. Du reste, M. le ministre a répondu sur ce point en indiquant qu’une première partie allait être engagée et a rappelé les tonnages concernés.

Comme un certain nombre de collègues, j’ai rencontré les opérateurs qui devront s’inscrire dans un objectif d’investissement extrêmement lourd ; il s’agit en effet de multiplier par six nos capacités globales de production. Cela implique qu’un effort d’investissement devra être accompli par l’ensemble des opérateurs de la filière.

Comment ces objectifs pourront-ils être atteints si nous ne prenons pas l’engagement formel d’avoir une politique incitative ? Cette question est récurrente. Avant de nous renvoyer aux prochaines lois de finances à l’horizon de dix ans, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il faut faire le lien avec la prochaine loi de finances.

Comment pouvons-nous fixer aujourd’hui, dans la loi d’orientation agricole, un objectif à dix ans en matière d’agréments, et être tous ensemble engagés dans cette procédure très lourde, afin de faire face au choc énergétique que nous connaissons et, dans le même temps, réduire dans la loi de finances pour 2006 d’un tiers le processus d’aides fiscales incitatives, qui devait permettre la production de ces biocarburants ? C’est pourtant ce que le Gouvernement nous propose.

Je suggère donc que ce dernier consente un effort vers plus de cohérence et de clarification. Ces amendements constituent un pas supplémentaire pour affirmer que nous devons être au rendez-vous des moyens, d’autant que, si nous ne voulons pas que cela reste un vœu pieux, il faut être extrêmement attentif à l’obligation faite aux pétroliers d’intégrer l’objectif des 10 % de biocarburants et autres carburants renouvelables dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole à l’horizon 2015.

Or dans le même temps, – M. Le Fur l’avait indiqué en commission des finances, – nous allons remettre en cause un dispositif de la TGAP mis en place l’an dernier pour encourager financièrement l’introduction de biocarburants, notamment l’éthanol. Les opérateurs voient cela d’un très mauvais œil, car nous l’avions indexé sur le cours. Dès lors, la taxation pour ceux qui ne souscrivent pas à l’objectif est d’autant plus lourde que le prix du fioul augmente comme chacun peut le constater.

Je comprends bien votre argument sur l’annualisation, monsieur le ministre. Notre réflexion est en cours et nous avons récemment opté pour une nouvelle pratique budgétaire en adoptant la LOLF. Cependant les opérateurs qui vont investir ont besoin de lisibilité. Il est paradoxal que l’année même où nous fixons les objectifs en matière d’orientation énergétique, nous réduisions l’accompagnement financier. C’est pourtant ce vous nous proposez ; voilà pourquoi nous n’y souscrirons pas.

Je propose donc que l’on supprime les mots : « pour une période de dix ans ». Nous devons conserver notre objectif et indiquer dans la loi la nécessité de procédures fiscales incitatives afin d’atteindre l’objectif fixé. Sinon – les opérateurs de la filière nous l’ont dit – nous les mettrons en situation de fragilité.

Si nous ne sommes pas au rendez-vous de la production, mes chers collègues, il y aura un formidable appel d’air pour les importations.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En effet !

M. François Sauvadet. Dans ces conditions, nous manquerions le rendez-vous et laisserions passer la chance qui serait offerte à notre agriculture d’investir dans cette filière.

Quelles initiatives, allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que nous nous engagions dans la voie d’un contingentement des importations même si, j’en conviens, cela ne relève pas d’une mesure nationale ? Nous devons, en France, prendre ce problème à bras-le-corps et le porter au plan européen.

En agissant ainsi, nous ne ferions ni plus ni moins que ce que font aujourd’hui de grands pays. Je pense notamment aux États-unis qui ont contingenté les importations de produits de bioénergie ou de biocarburants.

Nous vous avons à plusieurs reprises posé la question, monsieur le ministre. Vous devez éclaircir la position du Gouvernement sur la réduction des aides engagée au moment où nous nous fixons un objectif ambitieux en matière de production de biocarburants.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. En parlant de fiscalité, nous parlons aussi de coût de fabrication et de prix. Nous avons besoin d’une vision prospective du prix des carburants traditionnels – le super, le gazole, voire le fioul domestique – dans les années qui viennent.

Je vous rappelle que nous avons eu un débat à ce sujet lors de l’examen de la loi d’orientation sur l’énergie au printemps 2004. Le Gouvernement, dans son projet de loi de finances, préparé notamment par Nicolas Sarkozy, avait tablé sur un prix moyen du baril à 36,50 dollars. Nous sommes déjà à 58, et nous allons peut-être atteindre 60 ! Il faut donc anticiper le prix des autres carburants issus des hydrocarbures liquides. M. Breton table sur un prix moyen de 60 dollars pour 2060, si tant est que l’on puisse prévoir l’avenir. J’aurais été plus prudent.

En 2005, en raison de son aveuglement devant la hausse des cours des hydrocarbures, la France a perdu 12 à 13 milliards de dollars, d’euros. Venons-en aux biocarburants qui seraient censés provenir de la production agricole française, ni du Moyen-Orient ni de la Russie. Quel sera leur coût de fabrication ?

Les huiles végétales brutes ne coûtent pas très cher : elles sont concurrentielles avec un baril à 30 dollars ; l’éthanol ou le diester le sont – en utilisant uniquement l’huile de la graine ou les sucres – avec un baril à 55-65 dollars. En revanche, pour les biocarburants qui utilisent l’ensemble de la plante, y compris le lignite et la cellulose, il faut un prix du baril à 120 dollars pour que cela puisse être vaguement concurrentiel avec le pétrole. Je dis « vaguement », car le pétrole est beaucoup plus énergétique qu’un biocarburant.

Je ne suis pas hostile à une aide fiscale, mais j’aimerais savoir quel biocarburant vous voulez aider fiscalement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme dit l’adage, « c’est au pied du mur que l’on voit le maçon ». Ces propositions s’apparentent à un vœu pieu et je remercie le ministre et le rapporteur d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître qu’elles étaient purement déclamatoires et d’avoir demandé à la majorité de retirer ses amendements. D’ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, si cet amendement avait eu une quelconque incidence, il ne nous aurait pas été soumis puisqu’il aurait entraîné une perte de recettes pour l’État.

Selon une autre hypothèse, monsieur le ministre, on pourrait imaginer que vous preniez en compte la pression de votre majorité et que vous releviez le défi en proposant des mesures incitatives, qui seules sont de nature à amorcer la pompe. Vous dites que le projet de loi de finances en contient. Et c’est vrai, notamment pour la biomasse. Mais justement, ce que vous faites pour la biomasse, pourquoi ne pas le faire pour les biocarburants ? Nous ne comprenons pas. On pourrait en effet fort bien considérer, parallélisme des formes oblige, que vous proposiez un mécanisme d’incitation dans ce texte même. Nous vous y aiderons, si vous le voulez, en demandant une suspension de séance afin que vous contactiez Bercy pour un arbitrage.

M. Sauvadet, qui ne dit jamais de bêtises dans cet hémicycle (Sourires), …

M. François Sauvadet. Ah !

M. François Brottes. …a eu raison de souligner que donner un signal sans prévoir d’accompagnement revient à encourager les importations, ce que nous ne souhaitons pas pour notre agriculture.

Nous traitons d’un sujet extrêmement grave. Si nous ne lui donnons pas les moyens de monter un mur, le maçon ne peut pas être content de son travail. Monsieur le ministre, prouvez-nous que vous êtes un excellent maçon.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je souscris entièrement aux propos de M. Sauvadet. Nous vivons un moment historique : nous ne pourrons plus jamais nous passer des biocarburants. Même si demain on découvrait un énorme gisement de pétrole sur notre sol, l’État ne laisserait pas passer l’occasion de s’y impliquer. C’est aussi son rôle de développer les biocarburants. Cela remontera le moral de nos agriculteurs, qui en ont bien besoin.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je comprends la crainte du ministre s’agissant du caractère déclaratif de mon amendement. Mais n’est-ce pas le propre d’une loi d’orientation ? En loi de finances, nous avons toujours su être à la hauteur de nos lois de programmation et d’orientation.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Une telle confusion règne que je veux revenir sur deux points.

Comme l’a dit M. Le Déaut, le plan « Terre énergie », créé par l’article 13 de la loi du 13 juillet 2005, est conçu pour réaliser des économies d’importation d’au moins 10 millions de tonnes équivalent pétrole, soit 20 % des importations totales, qui s’élèvent à 50 millions de tonnes. M. Ollier nous dit que sur les 7 % annoncés pour 2010 par M. de Villepin à Rennes, 6,5 millions de tonnes pourraient être produits grâce à l’utilisation de la biomasse. Je lui laisse la responsabilité de cette affirmation : il ne faut pas sortir de Centrale, de Polytechnique, ni même du lycée d’Egletons en Haute-Corrèze pour savoir que c’est quasiment impossible.

Le second point concerne les mesures d’incitation fiscale destinées aux biocarburants contenues dans le projet de loi de finances pour 2006. Elles ne sont pas en harmonie avec les paroles d’espoir que nous entendons en ce moment dans cet hémicycle. À l’heure actuelle, le montant de la réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour les biocarburants est fixé à 33 euros par hectolitre. Mais qu’apprend-on alors que nos débats sont marqués par une effervescente bienveillance à l’égard des biocarburants ? L’article 13 du projet de budget opèrerait une réduction de 33 euros à 25 euros. Alors, je vous le demande, monsieur le ministre, en langage gouvernemental, comment traduit-on les mots : « cohérence » et « ambition » ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Permettez-moi, en guise de synthèse, de rappeler les termes de l’amendement n° 246 : « Cette fiscalité spécifique sera garantie pour une période de dix ans ». Je vous ai dit pour quelles raisons la commission des affaires économiques ne pouvait accepter cette formulation. Une telle garantie aurait été trompeuse pour les opérateurs, car, pour eux, elle renvoie à la situation qu’ils connaissent aujourd’hui.

L’important est de fixer un cap et toutes les interventions sont allées en ce sens. Il convient que nous définissions une clef de calcul. Ce qui intéresse les opérateurs, c’est de savoir comment évolue la fiscalité en fonction des fluctuations des cours du pétrole. La finalité des aides fiscales publiques est d’encourager les biocarburants en tenant compte du marché des ressources fossiles, afin d’être certain qu’ils trouveront leur place sur le marché. Aussi vous proposerai-je de rectifier ainsi l’amendement n° 246 : « Les biocarburants font l’objet d’une fiscalité incitative tenant compte à la fois de leurs avantages économiques et environnementaux et de la différence entre leurs coûts de production et le coût de production des carburants fossiles. ».

C’est une première ébauche de cette clef de calcul que vous demandez les uns et les autres. Cette formulation n’est peut-être pas complètement aboutie mais il me paraît nécessaire de l’introduire à ce stade de nos débats, quitte à la perfectionner ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après avoir entendu les orateurs de l’opposition et de la majorité, je considère que la rectification proposée par M. le rapporteur constitue une bonne rédaction et j’engage l’ensemble de l’Assemblée à l’adopter afin de clore sur une note positive cet échange particulièrement intéressant et utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Monsieur Rivière, acceptez-vous la rectification apportée à votre amendement ?

M. Jérôme Rivière. Je l’accepte, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je demande une suspension de séance de quatre minutes pour nous permettre de prendre connaissance de l’amendement rectifié.

M. le président. Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas procéder à cette modification au cours de la navette ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. S’il s’agissait d’un simple aménagement technique, la CMP pourrait effectivement y procéder. Mais politiquement, il est important de procéder au vote dès maintenant.

M. le président. La séance est suspendue pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

L’amendement n° 246 rectifié a été distribué.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. L’amendement est mieux rédigé ainsi. Il est plus court, on sent bien la volonté d’aider un certain type de biocarburants produit par nos agriculteurs à supposer qu’ils aient plus d’avantages environnementaux que les énergies fossiles.

Cela veut-il dire que la fiscalité sera d’autant plus intéressante que le coût de production des biocarburants sera plus élevé que celui du pétrole ? Supposons que le pétrole soit à cinquante dollars le baril, aidera-t-on plus si le coût de production d’un baril de biocarburant est de cent dollars, ou n’aidera-t-on que dans la mesure où les coûts de production sont à peu près les mêmes, parce qu’on préfère aider les biocarburants produits par nos agriculteurs ? Comment joue l’aide incitative ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Dans le bon sens !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 429, 28, 247, 606 et 805 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 607.

La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le défendre.

M. Étienne Mourrut. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable. Il sera satisfait par un amendement de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. C’est un amendement important

Il y a diverses sources de production d’électricité parmi lesquelles les éoliennes et le biogaz dont j’ai parlé tout à l’heure. Or EDF rachète le kilowattheure à des tarifs très différents, pour des raisons totalement incompréhensibles. Cela va de un pour le biogaz à deux pour les éoliennes. Tout récemment, l’entreprise a pris une position un peu plus favorable puisqu’elle a relevé le prix de rachat de l’électricité produite par le biogaz. Il me semblerait tout à fait normal que le taux de rachat soit le même, car c’est la même électricité. Les investissements, bien sûr, sont un peu différents mais on ne sait pas tellement quels sont les plus élevés en la matière. Si l’on veut encourager la production d’électricité par le biogaz, il faut faire le même effort que celui qui a été fait pour les éoliennes, d’autant que le biogaz a d’autres avantages, comme celui d’éliminer des effluents des porcheries, des étables de vaches laitières. Il n’y a donc pas de raison de le pénaliser par rapport à l’éolien.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. L’amendement présenté par M. Mourrut et défendu par M. Guillaume peut sembler très intéressant, mais il est dangereux pour deux raisons.

D’abord, je ne suis pas sûr que cela soit du domaine de la loi. La loi électrique du 10 février 2000 ne prévoit même pas de décrets, monsieur Guillaume, mais des arrêtés. Il y avait à peu près une dizaine de filières de fabrication de l’électricité renouvelable, le micro-hydraulique, le photovoltaïque…

Je suis comme vous assez favorable à l’idée que l’on fasse de l’électricité avec le biogaz, et même de la cogénération – on peut faire en même temps de la chaleur et de l’électricité. On pourrait ainsi valoriser des déchets comme les lisiers et bien d’autres choses, pas seulement d’origine animale, peut être aussi résultant de la fermentation végétale. Tout cela est très intéressant, mais prévoir le même taux de rachat du kilowattheure pour l’ensemble des filières d’électricité renouvelable est très dangereux.

Il faudrait donc, monsieur Guillaume, que les arrêtés sur le rachat de l’électricité issue du biogaz ou de la cogénération à partir du biogaz prévoient un relèvement des tarifs. Cela ne peut pas être fait dans la loi. Je n’ai pas en tête les taux actuels…

M. François Guillaume. Sept centimes pour les éoliennes, 4,5 pour le biogaz !

M. Yves Cochet. Il est en effet un peu favorable à l’éolien, mais je ne crois pas qu’il faille un taux uniforme car chaque filière a sa spécificité du point de vue des investissements. Si vous avez un taux unique, tout le monde ira vers une seule filière, éventuellement le biogaz, et toutes les autres seront abandonnées. Des investisseurs ont fait leurs prévisions pour des éoliennes sur vingt ans, avec un tarif dégressif, et tout va s’effondrer.

Respectons les autres filières d’électricité renouvelable qui ne sont pas agricoles comme le photovoltaïque ou les éoliennes et disons que, pour le biogaz, nous souhaitons que le taux soit meilleur qu’il ne l’est actuellement. Je ne sais pas quelle rédaction proposer, mais je suggère à M. Guillaume ou à M. Mourrut de sous-amender l’amendement en ce sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. L’amendement n° 268, qui tend à insérer un article additionnel après l’article 12, reprend ces préoccupations. C’est pour cette raison que la commission n’a pas retenu l’amendement de M. Mourrut. Mieux vaudrait que ce débat ait lieu après l’article 12.

M. le président. Vous demandez donc à M. Mourrut de retirer son amendement ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Tout à fait.

M. le président. Monsieur Mourrut ?

M. Étienne Mourrut. J’hésite beaucoup car c’est une question d’équité et les agriculteurs ne comprendraient pas qu’on leur mette de la pression pour vendre de l’électricité moins cher que d’autres. Cela étant, s’il y a une possibilité d’en discuter après l’article 12, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 607 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 519.

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le défendre.

Mme Geneviève Gaillard. Nous avons longuement discuté sur la diversité des biocarburants, sur les manières différentes de les produire. Nous nous sommes fixé des objectifs pour les quelques années qui viennent et, pour être sûrs d’être dans le vrai, nous prévoyons une évaluation.

Quand on parle de bilan écologique ou, comme dans l’amendement n° 246 rectifié, d’avantages environnementaux, il faut bien être capable de les cibler et de les apprécier. Pour ce faire, nous disposons d’un moyen qui est l’évaluation, et nous proposons donc que cette évaluation soit systématique et réalisée par des outils que nous possédons déjà, l’ADEME, l’AFSSA et l’AFSSE. L’ADEME, parce qu’elle est très spécialisée dans le domaine de l’énergie, l’AFSSA parce que, Yves Cochet l’a dit en début de discussion, il peut y avoir un problème concernant l’alimentation, et l’AFSSE, parce qu’elle est spécialisée dans le domaine environnemental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement – qui rejoint le débat que nous avons eu sur la fiscalité – car il semble faire reposer la production et la valorisation de la biomasse sur le seul bilan écologique. Or nous avons introduit d’autres critères, comme les coûts de production et la consommation d’énergies fossiles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Avis défavorable.

Mme Geneviève Gaillard. L’argument du rapporteur n’est pas bon. Bien sûr, il existe d’autres critères que l’évaluation environnementale, mais celle-ci n’en demeure pas moins importante. On ne peut pas choisir ce type de production pour son aspect écologique et refuser de procéder à ce type d’évaluation.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. J’irai dans le sens de Mme Gaillard : si le bilan écologique n’est pas exclusif de l’évaluation économique, il doit demeurer notre souci permanent. Certes cela dépend des filières. Supposons que l’on décide de valoriser l’ensemble de la biomasse – la biomasse ce ne sont pas simplement les graines avec les huiles et les sucres, c’est aussi le bois – et que le Gouvernement choisisse, par exemple, de produire du gazole à partir d’acacias ou eucalyptus, grâce au procédé Fischer-Tropsch. Cela pourrait peut-être présenter un intérêt du point de vue énergétique – encore que le bilan ne soit pas extraordinaire – ou du point de vue économique, mais du point de vue environnemental ce serait catastrophique. Pourquoi ? Parce que l’on utilise toute la matière et pas uniquement soit les sucres, soit les huiles comme pour le tournesol. Je suis très favorable au tournesol.

M. François Sauvadet. Cela ne m’étonne pas !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Yves Cochet. Et je ne dis pas cela seulement pour faire plaisir à M. Dionis du Séjour. (Sourires.)

En tout état de cause, l’évaluation environnementale doit être un souci permanent.

M. François Sauvadet. Ah ! le bilan écologique de l’acacia !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 519.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 325.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Antoine Herth, rapporteur. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement de préciser par décret en Conseil d’État les matériels et les usages pour lesquels seule l’utilisation de lubrifiants d’origine végétale est autorisée. Cela concerne notamment l’huile de tronçonnage ou les matériels en contact avec un produit alimentaire. Ces dispositions sont d’ores et déjà en vigueur dans un certain nombre de pays voisins.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement comprend très bien l’objet de cet amendement, mais ce genre de détail ne relève pas d’une loi d’orientation.

Je souhaiterais, monsieur le rapporteur, que vous acceptiez de retirer cet amendement.

M. François Brottes. Sous la pression du Gouvernement !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement fait son travail !

M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l’amendement n° 325 ?

M. François Brottes. C’est un amendement de la commission !

M. Antoine Herth, rapporteur. Je suis sensible aux propos de M. le ministre, mais j’espère qu’il lui sera possible d’étudier cette question afin d’améliorer la réglementation sur ce point. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 325 est retiré.

Article 12

M. le président. Sur l’article 12, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Au fil des amendements, de notre majorité et du Gouvernement….

M. François Sauvadet. Et de l’UDF !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Jusqu’à nouvel ordre, monsieur Sauvadet, l’UDF fait partie de la majorité !

M. Christian Paul. Ce n’est pas très clair !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Au fil des amendements de la majorité et du Gouvernement, disais-je, nous avons fait évoluer le texte : les biocarburants font maintenant l’objet d’une véritable politique d’incitation à la production et trouvent la place qui doit leur revenir, notamment dans l’utilisation des motorisations.

À travers nos discussions, mais aussi à travers votre audition, monsieur le ministre – au cours de laquelle vous avez fait une fois de plus la démonstration de votre esprit d’ouverture – nous sommes en train de bâtir une partie du texte. Nous voulons ensemble apporter des solutions à des problèmes de plus en plus prégnants pour notre société du fait de la hausse du prix du pétrole, mais aussi de l’augmentation de la pollution et de la nécessité de nouveaux débouchés pour les agriculteurs, débouchés dont la mise en œuvre constitue également une piste intéressante.

C’est un impératif national, monsieur le ministre, vous avez bien voulu de le reconnaître. Vous avez accepté ces amendements qui fixent des objectifs – 10 % en 2015 – en établissant le principe d’une fiscalité dérogatoire. Ainsi, et petit à petit, nous construisons un ensemble cohérent. Mais il faut aller plus loin. J’ai entendu, de tous les bancs, s’élever des interpellations sur les biocarburants. Il ne faut pas envisager de s’approprier ce qui a été inventé dans ce domaine. Nous avons tous apporté une contribution, mais votre majorité – UMP, UDF confondues, monsieur Sauvadet – vous sollicite plus particulièrement.

M. François Sauvadet. Je vois le clin d’œil !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Raison, au nom du groupe UMP, a demandé ces progrès. Monsieur le ministre, le texte est maintenant renforcé. Mais, je le répète, ce n’est pas suffisant. Au-delà des objectifs, nous devons maintenant discuter des moyens. Comment et pourquoi ?

En tant que président de la commission des affaires économiques, je m’interroge. Pourquoi est-il impossible de produire l’éthanol en France, alors que cela fonctionne extrêmement bien au Brésil ? Pourquoi aucun processus ambitieux de développement des biocarburants n’a-t-il été encore engagé, alors qu’il l’est depuis longtemps dans d’autres pays ? Pourquoi n’y a-t-il pas en France d’expérimentations sur la propulsion à l’hydrogène quand il en existe en Allemagne et en Italie, notamment dans les transports en commun ? C’est à cet ensemble de questions qu’aujourd’hui nous devons apporter une réponse.

La commission des affaires économiques est décidée à aller plus loin. Donc, dès demain, elle auditionnera le président de Total. Il faudra également que l’ensemble des distributeurs et des constructeurs automobiles nous expliquent pourquoi notre pays n’avance pas aussi vite et aussi loin que les autres.

M. Christian Paul. Devinez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sans avoir l’ambition de tout régler, que pouvons-nous faire dans ce texte de loi ? Nous pouvons d’abord essayer d’apporter des réponses sur l’utilisation des huiles végétales pures. C’est un souci que nous avons tous : comment introduire dans le texte des dispositions ambitieuses ?

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si nous avons levé les obstacles et fixés les objectifs, notamment celui de fiscalité, – et je salue le travail remarquable accompli par M. Le Fur, auquel notre rapporteur a laissé le champ libre pour qu’il puisse accomplir cette tâche – je souhaite, monsieur le ministre, que la loi de finances reste le cadre privilégié pour mettre en place les dispositifs fiscaux d’incitation à l’utilisation des biocarburants.

Il faut lever des verrous techniques et avancer plus vite dans un domaine qui nous paraît aujourd’hui accessible : les huiles végétales pures.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite, monsieur le ministre, en accord avec vous, parce que nous en avons longuement discuté la semaine dernière, vous faire une proposition.

Sur ce point, le texte n’est pas assez ambitieux. Pour passer de l’interdiction actuelle à la généralisation brutale des huiles végétales pures, il nous faut préciser comment seront organisées la production et la distribution des produits, comment seront contrôlées la pureté des produits et leur utilisation. Tout cela implique certaines conditions qui ne sont pas remplies.

C’est pourquoi nous vous proposerons plus tard un amendement n° 444 – sur lequel, je l’espère, il y aura un consensus – mais que je voudrais présenter maintenant, monsieur le président. Ainsi nous gagnerons du temps.

M. le président. Je n’en suis pas si sûr que ça…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je m’en porte garant. Premièrement, nous autorisons l’utilisation des huiles végétales pures dans le cadre de l’autoconsommation pendant un an.

M. Jean Dionis du Séjour. L’autoconsommation agricole !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet.

Au terme de cette année, au cours de laquelle chacun s’interrogera sur les conditions nécessaires pour aller plus loin, un bilan sera dressé, et un décret pourra prévoir, le cas échéant, une généralisation de l’emploi des huiles végétales pures.

Cet amendement méritait bien de prendre un peu de temps pour l’exposer, monsieur le président. Nous avons eu suffisamment de mal à tomber d’accord sur ce principe qui permettrait de faire progresser, en partenariat avec le Gouvernement, et de manière consensuelle sur l’ensemble de ces bancs, l’utilisation des biocarburants.

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le président, comme nous sommes en retard, et qu’il reste encore à examiner un article qui me paraît très important, je préfère renoncer à mon temps de parole pour que les débats soient plus nourris.

M. le président. Puisse votre exemple être suivi, monsieur Martin !

M. François Sauvadet. Notre vocation n’est pas d’être silencieux, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Un rapide état des lieux : le baril de pétrole est à près de 70 dollars, les réserves de pétrole s’amenuisent. Or le pétrole occupe une place déterminante dans notre économie, tant pour la production d’énergie que pour celle des nombreux produits dérivés.

Face à ce dilemme, il y a plusieurs écoles. On peut toujours inciter à une moindre utilisation des voitures et des camions. En termes d’affichage, c’est bien ; en termes d’efficacité, c’est aller chercher de l’eau avec un panier !

On peut également développer les biocarburants Nous en avons longuement parlé à l’article 11, ce qui a un peu vampirisé le débat que nous devions avoir à l’article 12.

Certains n’ont pas attendu la crise actuelle pour promouvoir cette filière jusqu’ici rangée au nombre des utopies sympathiques par la majorité des acteurs économiques, parmi lesquels figuraient beaucoup de ceux qui se font aujourd’hui les champions de cette filière alternative.

Je ne vais pas dresser ici la liste des solutions issues de la synthèse biologique : députés savants et savants députés s’en sont chargés et s’en chargeront. Je ne vais pas non plus vous dire quelle est la meilleure opération du point de vue énergétique, environnemental, financier et fiscal. Je me bornerai à constater et à énoncer dans cet hémicycle des faits de bon sens.

Il faut d’abord saluer les précurseurs, qui ont aujourd’hui de quoi sourire ! Il faut aussi souligner le rôle incitatif de l’Europe, qui a, dans une directive de 2003, fixé des objectifs d’incorporation de biocarburants, de 2 % d’ici 2005, et de 5,75 % d’ici 2010. N’oublions pas non plus le plan Biocarburants de 2004, qui était une bonne initiative, quoique franchement insuffisante. Je rappelle que ce plan prévoyait une production de 400 000 tonnes de bioéthanol en 2007, et 650 000 tonnes en 2008 : ces chiffres sont complètement ridicules par rapport aux dix millions du Brésil ou aux huit millions des États-Unis. Même si on se limite à l’Europe, l’Allemagne présente des chiffres largement supérieurs.

La loi sur l’énergie du 13 juillet 2005 a voulu aller plus loin, comme cela a déjà été souligné, en portant la part de biocarburants dans l’ensemble de la production de carburants à 7 % en 2010 et à 10 % en 2015. Là encore, ce n’est pas à coup d’effets d’annonce à pourcentage accéléré que la France résoudra son problème énergétique.

C’est M. Bernard Layre, président des Jeunes agriculteurs, qui a le mieux synthétisé les enjeux, dans un article qui est paru dans Le Monde en août dernier, et que je résumerai ainsi : les biocarburants constituent un enjeu pour l’environnement, puisqu’il contribue à limiter l’effet de serre. Ils constituent également un enjeu économique, dans la mesure où le plan Biocarburants prévoit la création de 6 000 emplois par an – ce chiffre n’est pas confirmé. Ils constituent enfin un enjeu pour l’agriculture, à qui ils offrent de nouveaux débouchés dans des cultures non alimentaires, quand ils ne lui permettent pas de recycler des filières en léthargie ou de réactiver des jachères.

Un agriculteur de ma circonscription, qui me faisait part récemment de son désarroi face à l’augmentation des charges et à la baisse des gains, me disait aussi son espoir de voir s’ouvrir de nouveaux débouchés grâce à ces biocarburants. Son calcul était simple : un hectare de colza produit trente quintaux et 1 500 litres d’huile végétale. Il a prévu d’incorporer cette huile dans son tracteur, soit à 50 % s’il utilise du gazole, soit à 100 % si son engin est doté d’une résistance électrique à la sortie du réservoir, pour transformer l’huile visqueuse en liquide utilisable.

Il est même prêt à aller plus loin : l’huile de colza ayant les caractéristiques de combustion du fioul, il est prêt à monter une coopérative d’utilisation du matériel agricole, une CUMA, susceptible de fournir le marché local. Le potentiel, aujourd’hui limité, ne peut que s’accroître, sans parler de la valeur ajoutée aux territoires en circuit court évoqués par M. Cochet.

Ils constituent enfin un enjeu géostratégique, puisqu’ils permettront à la France de limiter sa dépendance aux importations de pétrole.

Je pense, comme M. Layre, que ce faisceau d’éléments positifs milite en faveur de ces nouvelles énergies, et suffit à contrer toute velléité de résistance que pourrait manifester le puissant lobby des pétroliers : à près de soixante-dix dollars le baril, et 27 % d’augmentation de la facture énergétique des ménages, des transporteurs et des agriculteurs, entre autres, il est des causes tordues que le meilleur « plan media » ne saurait redresser.

Mais nous devons accélérer notre allure et avoir de l’ambition. Il faut pour cela une volonté politique, autrement plus affirmée que celle que nous voyons et entendons ici. Certes, monsieur le ministre, vous prenez des engagements au travers de l’amendement rectifié ; mais vous devrez vous entendre très rapidement avec votre collègue de Bercy, si vous voulez que vos engagements aient un sens, ce qui suppose qu’ils reçoivent une traduction concrète et chiffrée dans la loi de finances pour 2006.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Vous avez eu raison, monsieur le président de la commission, d’élargir le débat. Il est vrai que, du point de vue de l’utilisation des biocarburants et des filières spécifiques, nous sommes très en retard sur les autres pays de l’Union européenne.

D’une certaine façon, monsieur le ministre, vous proposez, par cet article 12, de mettre en place un système d’autarcie énergétique au profit des agricultures, ce à quoi on ne peut que souscrire. Comme vous le savez, différents obstacles, notamment fiscaux – régime de la TIPP ou de la TVA – s’opposaient jusqu’alors à l’utilisation directe des huiles végétales, mais ces obstacles semblent désormais levés.

Votre projet comporte malheureusement une lacune, mais vous la comblerez peut-être d’ici sa lecture par le Sénat : le biogaz n’est pas pour l’instant considéré comme un biocarburant, bien qu’il puisse être utilisé comme source d’énergie : comprimé, il peut faire fonctionner un tracteur.

Il faut également rappeler, parce qu’il convient de savoir ce qu’on vote, qu’il subsiste un certain nombre d’obstacles techniques à l’utilisation par l’agriculteur de l’huile végétale qu’il produit lui-même dans son atelier personnel. Il ne dispose pas d’abord de capacités d’extraction comparables à celles de la production industrielle, qui utilise, à côté de la pression, d’un certain nombre de procédés chimiques. De ce fait, sa rentabilité est beaucoup plus faible, autour de 30 % au maximum.

Deuxièmement les résidus de cette production artisanale, ou « tourteaux », comportent un pourcentage d’huile important. S’ils ne sont pas consommés rapidement, ces tourteaux rancissent rapidement et deviennent impropres à la consommation des animaux. Un agriculteur qui veut produire lui-même son huile, pour alimenter son tracteur par exemple, doit donc disposer de troupeaux qui consomment ces tourteaux, ou d’une autre possibilité de les écouler.

C’est pourquoi j’avais proposé – mais mes propositions n’ont pas été reprises – des solutions collectives, et pas seulement individuelles. On peut imaginer par exemple la mise en place de CUMA pour l’extraction de l’huile végétale nécessaire aux agriculteurs.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. François Guillaume. On pourrait même envisager de pures et simples coopératives.

Ce sont là, monsieur le ministre, de vraies questions, qu’il faudra résoudre si on veut que cette initiative soit couronnée de succès. Et je crois que cela est notre intérêt. En effet, compte tenu de la faiblesse des prix agricoles, tout ce qui contribue à réduire la dépense, à défaut de pouvoir relever le prix de vente, est bénéfique.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, j’espère que vous retiendrez ces propositions, afin que les espoirs que vous avez fait naître chez les agriculteurs puissent se transformer en une belle réalité.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà enfin l’huile végétale pure ! Loi de finances après loi de finances, cela fait trois ans que j’attends des mesures en faveur de l’huile végétale pure. Je n’étais pas le seul, et nous étions même de plus en plus nombreux, de toute la France, à attendre ces mesures. Mais il est vrai que les élus du Gers et du Lot-et-Garonne ont été particulièrement attentifs à cette question.

Alors que jusqu’ici les tenants de cette filière se faisaient traiter d’écolos romantiques, il y a désormais un consensus pour reconnaître qu’il s’agit d’une filière intéressante. La société a bougé. Je veux, après mon collègue Nayrou, saluer les précurseurs, ceux qui ont défriché le terrain, notamment Alain Just, qui a créé la société Valenergol en Lot-et-Garonne, qui a dû se battre pendant des années pour défendre cette filière, parfois contre la loi même.

M. François Sauvadet. Saint Just !

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous ai déjà montré hier « la une » d’un grand quotidien national. La Dépêche du Midi – je le répète pour ceux qui n’étaient pas présents hier – a titré « Du tournesol à la pompe » : voilà ce qu’il a retenu du projet de loi d’orientation agricole, alors que ce projet contient d’autres mesures, aussi importantes que celles relatives au fonds agricoles ou au bail cessible. Cela prouve que nous sommes particulièrement attendus sur cette question des huiles végétales.

J’étais samedi en visite à Espiens, commune de ma circonscription, à sept kilomètres de Nérac, qui compte 261 habitants. Tout ce qu’on m’a demandé, c’est où nous en étions sur le sujet des huiles végétales pures, et si la mascarade allait durer encore longtemps ! Encore une fois, la société a bougé, et bon nombre de particuliers font déjà leur mélange eux-mêmes, avec de l’huile qu’ils vont chercher au supermarché. Il est temps d’ouvrir les yeux, mes amis, si nous voulons éviter le retard dont nous souffrons dans d’autres domaines, tel le Peer to peer sur l’internet.

Il est temps de mettre tout à plat, et ce ne sera pas simple. Il s’agit de réfléchir tranquillement sur les propositions du projet de loi. Ces propositions ont certes le mérite d’exister, mais elles cantonnent les huiles végétales pures à l’autoconsommation agricole. Ça ne peut pas marcher, mes chers collègues, comme nous le montre l’exemple allemand.

En effet, s’il y a des gens qui ne sont pas intéressés par les huiles végétales pures, ce sont bien les agriculteurs, parce qu’ils bénéficient déjà du gazole détaxé, le fuel rouge. Notre pays n’attend donc pas que nous décidions aujourd’hui d’étendre plus ou moins l’utilisation de ces huiles par le monde agricole ; il attend qu’on en permette la vente aux particuliers. S’il faut encadrer plus ou moins cette autorisation de délais ou de précautions peut être sujet à débat. Mais tout sera très accessoire par rapport à cette décision fondamentale.

Nous pensons en outre que limiter l’utilisation des huiles végétales pures à l’autoconsommation agricole est une impasse juridique au regard du droit européen. Comme vous le savez, la directive européenne 2003/30, qui fixe des objectifs d’utilisation des biocarburants, ne distingue pas parmi eux les huiles végétales pures. Les promoteurs de cette filière m’ont clairement dit craindre la multiplication des contentieux au cas où la loi française ferait une distinction entre les huiles végétales pures, réservées à l’autoconsommation agricole, et les biocarburants, accessibles aux particuliers.

Cette discrimination, qui constituerait aussi un non-sens économique, et en aucun cas une aide significative à l’agriculture française, est enfin un contresens écologique.

S’il s’agit en effet de savoir, du bioéthanol, du diester, ou des huiles végétales, quelle filière est la meilleure du point de vue de la lutte contre l’effet de serre, les chiffres sont très clairs : les rejets de gaz à effet de serre sont cinq fois inférieurs en cas d’utilisation d’huiles végétales pures que dans le cas du gazole. L’autre critère de choix, le ratio de l’énergie produite sur l’énergie mobilisée, est de 4,68 pour le colza, contre 0,917 pour le gazole. On voit donc que cette filière est très compétitive, tant du point de vue énergétique que du point de vue écologique.

Le groupe de l’UDF est donc prêt à prendre, de manière raisonnable, la seule décision à prendre dans ce débat sur les huiles végétales pures. N’amusons pas nos concitoyens avec l’autoconsommation agricole plus ou moins élargie. Le seul enjeu de ce débat, je le répète, est de savoir si on en autorise l’utilisation aux particuliers. C’est par rapport à la réponse qui sera apportée à cette question que le groupe de l’UDF se situera.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, j’ai tenté six fois de demander la parole, mais la nouvelle organisation des débats ne m’a pas permis de la prendre. Il ne faudrait pas que cette nouvelle organisation entraîne des procédures qui bloqueraient le débat.

M. le président. Il n’y aucun ostracisme à votre égard, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Je vous remercie, monsieur le président.

Mes propos pourront apparaître à contresens de la multitude des interventions que nous avons entendues : les biocarburants représentent une filière intéressante, qui doit être prise en compte et développée, mais il faut savoir raison garder. J’ai, en effet, entendu des propos flamboyants qui pouvaient laisser penser qu’il s’agirait là d’une panacée, d’une baguette magique avec laquelle nous pourrions régler tous les problèmes de l’agriculture française !

Je rappellerai donc quelques points. Tout d’abord, nous savons tous que si la question de l’alternative au pétrole se pose, les biocarburants ne pourront pas se substituer à celui-ci. Toutes les prospectives montrent que déjà la terre ne suffira pas à nourrir la planète : nous ne pouvons demander de surcroît aux agriculteurs de fournir l’énergie ! En d’autres termes, il ne faudrait pas penser que cet échange de vues pourrait résoudre tous les problèmes de l’agriculture mondiale, ni lui faire occulter les problèmes de fond que pose cette loi d’orientation agricole. Il ne faudrait pas laisser croire que nous avons là une solution alternative pour remédier à l’abandon de territoires entiers à la suite des choix qui seront faits dans le cadre de cette loi d’orientation agricole.

Je citerai quelques chiffres, qu’il faut prendre pour ce qu’ils sont, mais qui nous ramèneront sur terre. La superficie de la France, je le rappelle, est de 552 000 kilomètres carrés, dont 170 000 kilomètres carrés de terres labourables. Le diester, qui n’est qu’une partie de la question que nous examinons aujourd’hui, nous fournirait-il une énergie alternative permettant de régler le problème des terres en jachère, qui représentent, bon an, mal an, de l’ordre de 15 000 kilomètres carrés, soit environ 15 % des terres ? L’ajout généralisé de 5 % de diester dans le gazole, pour la seule consommation liée aux transports, correspondrait à peu près à la consommation de ces 15 000 kilomètres carrés de jachère. Ne donnons donc pas trop d’ampleur à cette question. Nous devons faire progresser la question des biocarburants.

Des propositions constructives ont été formulées, mais nous ne devons pas occulter la réalité des problèmes de fond en agitant la muleta. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De fait, certaines interventions étaient empreintes d’un lyrisme assez détaché de la réalité.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !

M. André Chassaigne. En outre, pour ne pas sombrer dans ce que je qualifierai avec sévérité d’optimisme béat, il faut rester conscient des problèmes qui existent, et que certains intervenants ont d’ailleurs évoqués. On peut certes voter des amendements d’accompagnement fiscal, mais chacun connaît la force de blocage que pourra exercer Bercy, qui craindra encore de perdre des recettes fiscales, même marginales.

Un autre blocage est celui des multinationales, qui ont des stratégies financières, des investissements à long terme et, comme on le voit avec Total, des profits énormes – un milliard d’euros par mois ! Ne soyons pas naïfs quant au poids de ces multinationales, qui vont tout faire pour bloquer ce que nous nous échinons à développer aujourd’hui.

M. Jean Dionis du Séjour. Alors, on ne bouge pas ?

M. André Chassaigne. On ne peut pas défendre, d’une part, les intérêts financiers et la financiarisation de l’économie et, d’autre part, se donner bonne conscience en essayant de développer, par exemple, les biocarburants qui vont un jour se heurter aux dividendes et aux actions de certains.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, permettez-moi de rattraper le temps perdu : à six reprises, vous m’avez empêché de parler – même si la responsabilité en revient à l’organisation des débats !

M. François Brottes. Ce n’est pas la faute de la présidence !

M. André Chassaigne. Enfin, comme cela a été très justement souligné, dans le cadre de la mondialisation et de la concurrence effrénée qui va se développer, la lutte sera dure. Si nous allons, conformément à la mondialisation et au libéralisme que souhaitent certains sur les bancs de la majorité, vers un affrontement mondial en termes de compétitivité, nous nous heurterons aux États-Unis et au Brésil, qui détiennent par exemple 95 % du marché de l’éthanol, avec 33 millions de tonnes de bioéthanol. Si, pour résister à cette compétitivité, il nous faut évoluer vers le productivisme et la production intensive, avec engrais à l’appui, que vous avez d’ailleurs l’intention d’imposer à l’agriculture française, l’appauvrissement des sols est assuré et l’impact écologique final sera très différent de ce que vous imaginez. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle vous avez repoussé tout à l’heure l’amendement de Mme Geneviève Gaillard.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Compte tenu de l’exposé brillant de Jean Dionis du Séjour, je m’exprimerai plutôt lors de la discussion des amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. En principe, l’article que nous examinons ne concerne que les huiles végétales pures, mais je souhaiterais, pour résumer ma pensée, présenter brièvement un exposé général sur les biocarburants, que je ne classerai pas exactement comme l’ont fait certains de mes collègues, même si leur présentation des huiles végétales pures m’a parfois paru assez bonne.

Le premier niveau est précisément celui des huiles végétales pures. Le second, celui de ce qu’on peut appeler les biocarburants conventionnels, c’est-à-dire l’éthanol obtenu à partir des sucres et le diester tiré des huiles de graines. Il faut déjà s’interroger ici sur le bilan énergétique net de la fabrication : obtient-on plus d’énergie en aval qu’on n’en a employé en amont pour la produire ? Il faut s’interroger sur le coût de fabrication, au sens économique du terme ? Il faut aussi s’interroger sur le bilan écologique qu’a bien défendu Mme Gaillard.

Le troisième niveau est celui de la biomasse entière, qui utilise l’ensemble de la plante ou du bois. On peut, je le répète, fabriquer du gazole à partir de l’ensemble d’une plante, y compris de sa partie ligneuse, par le procédé Fischer-Tropp. On peut également produire avec l’ensemble de la plante, par fermentation alcoolique, de l’alcool susceptible d’être brûlé. Le bilan énergétique, économique et écologique est alors tout autre que, par exemple, pour les huiles végétales pures.

Une fois distingués ces trois niveaux de biocarburants, je suis favorable au premier d’entre eux, dans des conditions rappelées d’ailleurs par la plupart de mes collègues avant que nous ne parvenions à cet article 12. Je suis, en revanche, très réservé quant au deuxième niveau – celui des biocarburants conventionnels du type de l’éthanol ou du diester tirés des sucres ou des huiles –, et plus encore quant à l’utilisation industrielle de l’ensemble de la biomasse. Je suis favorable, en revanche, à la biomasse en tant que bois de chauffage, c’est-à-dire comme énergie primaire.

L’huile végétale pure offre des avantages écologiques bien connus : elle ne produit pas de dioxyde de soufre et rejette beaucoup moins de CO2 et d’oxyde d’azote que le gazole, elle est biodégradable, et même parfois comestible. Sa production, son transport et son stockage ne présentent donc pas de risques comparables à ceux des produits pétroliers. Elle contribue un peu moins à l’émission de gaz à effets de serre, car elle se contente de déstocker du carbone issu de la photosynthèse, ce qui en fait pour ainsi dire une énergie renouvelable. Le bilan énergétique total de la filière est donc assez bon par rapport aux deux autres niveaux que j’évoquais et, dans une perspective de production et consommation locales – car je suis favorable à cette dimension, si elle n’est pas réservée aux agriculteurs –, il me semble qu’elle doit être développée. Nous pouvons ainsi disposer d’une filière agro-énergétique simple, efficace et courte mais, comme l’a dit M. Chassaigne, il ne faut pas y voir une panacée.

Quelques chiffres du même ordre que ceux qu’il a cités : si l’on voulait reconvertir l’ensemble des terres actuellement en jachère, soit 1,2 million d’hectares, pour la production d’huiles végétales pures, on obtiendrait certes 1,2 million ou 1,5 million de tonnes d’huile et le double, soit 2,4 millions de tonnes de tourteau, mais ces quantités ne représentent que 2 % du marché des carburants. L’objectif de 10 %, voire de 7 % ou de 5,75 % me semble tout à fait impossible à atteindre.

J’ai beaucoup plus de doutes sur la rentabilité énergétique, écologique et financière des autres biocarburants. Il faut développer d’abord ces huiles végétales pures, comme c’est déjà le cas outre-Rhin où, comme l’a rappelé le président de notre commission, les particuliers peuvent déjà s’approvisionner en huiles végétales utilisées comme carburants détaxés – sans TIPP – à 1 500 pompes.

Je suis donc globalement favorable à cet article 12, dans les limites de la raison telles que les situent les chiffres que je viens d’évoquer.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, dernier orateur inscrit sur l’article 12.

M. Michel Raison. J’avais prévu de prendre la parole après la défense de l’amendement de M. Le Fur, mais je m’exprimerai dès maintenant, pour une intervention moins technique, dans laquelle je reviendrai à l’esprit de la loi d’orientation agricole, pour tenter d’examiner la place qu’y occupe cet article 12.

L’utilisation non alimentaire des produits agricoles présente un triple avantage. Le premier est évidemment celui des débouchés : plus ceux-ci sont diversifiés, plus les prix ont de chances de s’élever. Le deuxième, qui est incontestable mais reste à vérifier poste par poste, est l’avantage environnemental des biocarburants. Le troisième, qui touche intimement à l’esprit de la loi d’orientation, est le lien qui doit unir l’agriculteur à la société.

Pour renouveler les générations dans l’agriculture, il faut, au-delà des conditions posées par les premiers articles, que l’agriculteur se sente aimé par la population et qu’il se sente utile.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Michel Raison. Les agriculteurs sont utiles parce qu’ils produisent de l’alimentaire, malgré les craintes diffusées, de crise en crise, par des marchands de peur qui ont trouvé là un fonds de commerce, au grand détriment de l’agriculture. Ils sont également reconnus pour l’entretien du paysage. Il faut désormais, et cette loi peut nous y aider, faire reconnaître aussi l’agriculteur comme producteur de produits non agricoles. Les Français doivent être conscients qu’au-delà des biocarburants, 25 000 hectares sont utilisés pour la pharmacie, et que cette production peut encore être développée. Quant aux plantes textiles, elles occupent 60 000 hectares. Aujourd’hui, le chanvre est un matériau noble, qui peut entrer par exemple dans l’isolation des bétons. Les biosolvants et l’amidon industriel couvrent 240 000 hectares, tandis que les biocarburants occupent 330 000 hectares et que l’on prévoit d’étendre cette superficie.

On devra alors prendre, en effet, toutes les précautions en termes d’analyse écologique, de bilans environnementaux, et aussi d’utilisation de la surface parce que l’on n’aura peut-être plus un jour assez de surface pour fabriquer l’ensemble de ces produits non alimentaires à usage de biocarburants.

J’en viens à l’amendement n° 444 rectifié de M. Patrick Ollier et de M. Antoine Herth, qui correspond à celui présenté par M. Marc Le Fur au nom de la commission des finances. L’esprit de la loi, c’est de transformer l’exploitation familiale pour la rapprocher de l’entreprise familiale. Il me semble donc, même si je sais que ce n’est pas si simple financièrement, que de rester trop restrictif, de limiter l’exonération à une pure autoconsommation, dans la ferme qui a produit son propre colza, reviendrait à autoriser les agriculteurs à ne manger des omelettes que s’ils ont des poules pondeuses ! (Sourires.)

M. François Brottes. Belle image !

M. Jean Lassalle. Elle est bonne !

M. Michel Raison. Il faut tout de même que, par le biais de ces amendements, on ouvre la possibilité à d’autres exploitations d’utiliser ces huiles végétales. Il ne s’agit pas seulement de la fabrication elle-même, parce que chaque agriculteur ne pourra pas avoir sa petite presse à huile – ça me semble tout de même, monsieur le ministre, un peu passéiste –, et qu’il y a aussi les CUMA, les autres coopératives, les entreprises privées qui peuvent très bien fabriquer de l’huile pour le compte de plusieurs agriculteurs, mais il me semble également nécessaire, comme le proposent ces amendements, de faire le point et de pouvoir, dans douze mois, étendre l’utilisation de ces huiles végétales pures à l’ensemble des exploitations agricoles. Cela va dans le sens de la cohérence de la loi parce que cela renforce le lien entre les agriculteurs. Un producteur d’oléagineux n’a pas besoin de tourteaux puisqu’il n’a normalement pas d’animaux. Dès lors, sachant que les tourteaux, qui ont une valeur énergétique forte, ne seront plus consommables après deux jours parce qu’ils ne se conservent pas, ce producteur sera obligé de se dépêcher de trouver un éleveur qui, lui, n’aura pas le droit d’utiliser l’huile végétale pure pour ces tourteaux.

M. Jean Lassalle. Oh là là !

M. Michel Raison. Cela risque d’être un peu compliqué. Il faut donc qu’on trouve une solution d’ici un an pour créer un lien entre l’utilisation des huiles végétales et tous les agriculteurs.

Vous voyez, monsieur le ministre, qu’avec ces amendements nous vous aidons à mieux respecter l’esprit de la loi, tant en contribuant à cimenter la société elle-même que les agriculteurs entre eux. D’ailleurs, vous avez vous-même proposé des éléments dans votre texte pour qu’il y ait un véritable ciment entre le cédant et celui qui reprend l’entreprise. Après une telle loi d’orientation, sur le plan sociologique, on arrivera à unir la société de façon beaucoup plus forte. Et une société équilibrée est la moins divisée possible. Vous voyez qu’au-delà de la technique, l’aspect sociétal a son importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. André Chassaigne. C’est du Lassalle bis !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt tous les orateurs et apprécié les applaudissements qui ont salué l’intervention de Michel Raison. (« Elle était excellente ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De quoi s’agit-il ? M. Guillaume l’a dit très clairement dans son intervention, et d’autres également : il s’agit de donner un cadre juridique à la production et à la consommation, comme carburant agricole, des huiles végétales pures. Nous avions proposé, dans un premier temps, une démarche qui ne vous a pas paru suffisante. Je le comprends et je suis donc prêt à aller plus loin. Vous proposez de donner un caractère plus pérenne à cette démarche, de l’ouvrir à l’ensemble de l’activité agricole et de prévoir le cadre d’un développement futur. J’y suis favorable.

Cela étant, je le dis en particulier à Jean Dionis du Séjour dont je connais la passion et l’intérêt pour ce dossier, nous devons prévoir un développement responsable de cette filière, ce qui veut dire en rester, pour l’instant, au carburant agricole. Pourquoi ? D’abord, parce qu’il y a des problèmes techniques, tout bêtes, de compatibilité des moteurs ; il y a aussi, les agriculteurs eux-mêmes nous l’on dit, la nécessité de normaliser les produits. Beaucoup de choses restent donc à faire. Il y a également des problèmes de contrôle des émissions polluantes, etc. Monsieur Dionis du séjour, il faut faire attention, en développant les huiles végétales, à ne pas remettre en cause l’effort, que vous avez souhaité et sur lequel vous vous êtes engagé, en faveur des autres biocarburants. Nous lançons tout en même temps, mais il ne faut pas casser l’effort sur les biocarburants en le polluant…

M. André Chassaigne. Le mot est mal choisi !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Alors je l’enlève ! Il ne faut pas casser, disais-je, cet effort en le parasitant par un développement incontrôlé des huiles végétales.

Naturellement, M. Guillaume a également raison de dire qu’il ne faut pas, à terme, oublier le biogaz. En Bretagne, la semaine dernière, j’ai souligné que nous en avions besoin. La méthanisation, entre autres, est quelque chose de très important.

Le Gouvernement est intéressé par l’amendement n° 265, troisième rectification, présenté par M. Le Fur au nom de la commission des finances, et par l’amendement n° 444 rectifié présenté par M. Ollier et par M. Herth au nom de la commission des affaires économiques. Ils sont de même nature, à quelques mots près. Je m’en remets à la sagesse des deux commissions, même s’il est normal que le Gouvernement retienne plutôt l’amendement de la commission saisie sur le fond. Mais je dis très clairement et très amicalement à M. Le Fur que son amendement est exactement de même nature et retient notre intérêt de la même manière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Compte tenu du temps exigé pour l’enregistrement et la distribution des sous-amendements, je suspends la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner quelques indications sur la manière dont nous allons procéder à l’examen de l’article 12.

Sur cet article, je suis saisi de deux amendements n° 265 troisième rectification de la commission des finances, et n° 444 deuxième rectification de MM. Ollier et Herth, qui en proposent une nouvelle rédaction et peuvent donc être soumis à une discussion commune ; chacun de ces deux amendements donne lieu à plusieurs sous-amendements.

Pour simplifier le débat, je vais appeler d’abord chacun des amendements qui sera défendu par son auteur. Ce n’est qu’ensuite que j’appellerai les sous-amendements sur l’amendement n° 265, troisième rectification. En effet, si nous adoptions cet amendement, tous les autres tomberaient. S’il était repoussé, ou retiré, nous passerions alors à l’examen des sous-amendements à l’amendement n° 444, deuxième rectification, lequel, s’il était adopté, ferait lui aussi tomber tous les autres amendements à l’article 12.

Sachant que beaucoup de choses ont déjà été dites sur le sujet, je vous invite à vous en tenir à l’essentiel et donc à être économes en temps de parole, d’autant que je suis saisi par ailleurs de plusieurs demandes de scrutin public sur les sous-amendements, que j’annoncerai le moment venu.

De cette manière, je pense que nous pourrions terminer l’examen de cet article avant la fin de la présente séance.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour défendre l’amendement n° 265 troisième rectification.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Nous avons eu, à l’occasion de l’article 11, un débat sur les objectifs. Le président Ollier nous a alors précisé le cadre général dans lequel nous devions progresser. L’article 12 est un article d’« exécution fiscale », en quelque sorte, des dispositions de l’article 11 et traite d’un sujet précis, à savoir la fiscalité à appliquer aux huiles végétales pures, essentiellement de colza.

À l’évidence, ce sujet est d’une brûlante actualité pour nos compatriotes agriculteurs, compte tenu de l’augmentation du prix du diesel « rouge », qui est à près de 60 centimes. En outre, ils ont fait preuve, cet été – on l’a constaté au sein de nos comices, n’est-ce pas, monsieur le ministre ? – de beaucoup d’imagination, ne se contentant pas de mettre au point des projets, mais les appliquant déjà. La situation est paradoxale : que faire à l’égard de ces gens qui utilisent de l’huile végétale ? Les sanctionner, ce qui, en l’état du droit, est possible ? Ou les décorer, eux qui ont le mérite de promouvoir des projets intéressants et intelligents ?

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai, il faut les décorer !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis. L’article 12 ne vise que les huiles végétales et ne concerne donc pas le débat sur les biocarburants. En effet, il y a, d’un côté, les biocarburants qui sont réalisés par les usines, essentiellement les groupes pétroliers, et de l’autre, les huiles végétales pures qui permettent un circuit court. Ainsi peut-on prendre des initiatives, seul ou en groupe ; et l’on sait comme le monde agricole sait s’associer pour mieux travailler et faire avancer les choses.

Si cela marche, ce que nous souhaitons tous, quelle économie peut-on en espérer ? Un peu moins de 3 millions de tonnes d’équivalent pétrole de consommation dans le monde agricole. D’après les études du ministère lui-même, c’est entre 400 000 et 500 000 tonnes d’équivalent pétrole qui pourraient être économisées de cette façon. C’est peu de chose par rapport à la note nationale mais cela vaut la peine d’y réfléchir ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Et il faut bien agir à un moment ou à un autre.

Nous avons un projet du Gouvernement dont j’ai bien noté, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’une première esquisse, qui date un peu déjà. Et je vous sais gré de votre esprit d’ouverture. Cela correspond bien à la ligne de conduite que vous avez fixée depuis le début.

Ce premier projet se limitait à l’autoconsommation. Mais comment s’en contenter dans une loi dont l’objet même est de nous permettre d’être présents dans le monde face à la concurrence mondiale ou européenne ?

Je conviens, monsieur le ministre, qu’à ce stade, on doit se limiter à l’utilisation des huiles végétales dans les carburants agricoles – pour parler simplement, à mettre du « jaune » dans du « rouge » ! Aller au-delà, ainsi que le propose M. Dionis du Séjour, serait une bonne chose mais il faut s’accorder un peu de temps. Parfois, on a raison trop tôt. C’est le cas de notre collègue dans le cadre de ce débat, qui est purement agricole.

En revanche, j’ai la conviction que nous devons allier audace et responsabilité. La seule condition pour mettre du « jaune » dans le moteur devrait être de pouvoir y mettre du « rouge ». Autrement dit, tous les utilisateurs potentiels de diesel rouge devraient pouvoir y adjoindre du colza, dans la proportion d’un tiers qui est préconisée le plus souvent.

À cela, vous avez, initialement, opposé deux obstacles, monsieur le ministre. Il fallait, premièrement, que la fabrication de l’huile par trituration du colza fût effectuée sur l’exploitation. J’ai bien compris – j’aimerais que vous nous le confirmiez – que, désormais, vous admettez – et c’est l’objet de nos deux amendements – que cela puisse se faire en dehors de l’exploitation – à la CUMA, à l’entreprise, à la coopérative, peu importe. C’est un vrai progrès, que je tiens à saluer.

L’article initial comportait une deuxième condition au sujet de laquelle il y a une petite divergence entre Patrick Ollier et moi-même, car mon amendement propose d’aller plus loin : selon moi, il ne faut pas poser de conditions quant à la production du colza alors que notre collègue souhaite que celle-ci reste sur l’exploitation – ne pourrait mettre de « jaune » dans son carburant que celui qui produit du colza chez lui. Voilà une contrainte inutile. En effet, elle est incontrôlable. Imaginons que les gendarmes arrêtent un tracteur utilisant du « jaune » ; l’agriculteur serait dans son droit, à condition de démontrer qu’il produit chez lui du colza et que sa production est inférieure à l’utilisation qu’il en fait dans ses moteurs ! C’est impossible à vérifier.

Tant qu’à prendre une disposition fiscale, choisissons des règles qui soient contrôlables. Sinon, on se cantonne dans la pétition de principe et la loi sera tournée. N’incitons pas nos compatriotes à tourner la règle !

M. François Brottes. C’est en effet incontrôlable !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis. Par conséquent, puisque nous connaissons ceux qui peuvent utiliser le carburant rouge, qu’ils puissent aussi, comme ils l’entendent, sous leur responsabilité, bien évidemment, adjoindre de l’huile de colza dans ce carburant, sans que l’on se demande où a été produit puis trituré le colza. Nous offririons ainsi un petit espace de liberté dont je conviens, mes chers collègues de l’UDF, qu’il est étroit. Au moins allons jusqu’au bout de cette démarche ; c’est ce que mon amendement propose. Voilà la différence – petite, mais majeure – qui le sépare de celui du président de la commission des affaires économiques. Il va un peu plus loin…

M. François Sauvadet. C’est essentiel !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis. …et permettra, demain, aux agriculteurs de prendre des initiatives pour contribuer à diminuer notre facture pétrolière et, en même temps, à atténuer la charge énergétique qui pèse si lourd sur bon nombre de nos exploitations.

Cet amendement, qui vous est proposé par la commission des finances allie, me semble-t-il, l’audace et la responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n° 444, deuxième rectification.

M. Antoine Herth, rapporteur. Nous avons travaillé sur le même sujet, avec une approche propre à la commission des affaires économiques, en considérant certes les questions fiscales, mais en examinant le problème dans son ensemble. En effet, contrairement à ce que vient d’affirmer M. le Fur, on ne peut détacher la question des huiles végétales pures d’une réflexion d’ensemble sur les biocarburants. Les huiles végétales pures ont un avantage : elles apportent indéniablement une ouverture, une nouveauté dans le paysage des biocarburants. C’est une filière courte et décentralisée, contrairement aux autres qui sont dépendantes des zones de production majeures, que ce soit en termes d’oléagineux ou de production betteravière pour l’éthanol.

M. Jean Dionis du Séjour et M. François Sauvadet. Tout à fait !

M. Antoine Herth, rapporteur. Cette nouvelle filière présente l’avantage de répondre aux préoccupations environnementales et écologiques qui ont été évoquées ici. Elle permettra de diversifier les assolements, de valoriser des terres à faible potentiel agricole, en économisant sur l’eau et les fertilisants. Je tiens à signaler – et je le dis notamment à l’attention de M. Cochet – que toutes les spécialement ne peuvent être consacrées à ce type de production, l’écoconditionnalité prévoyant d’en réserver une partie aux bandes enherbées en particulier et à d’autres zones d’intérêt environnemental destinées spécifiquement à ces usages.

Dans cette situation – comme l’a dit fort justement M. le Fur –, force est de constater que le terrain a pris l’initiative. Il n’y a là rien d’anormal et c’est le lot de nombreux sujets sur lesquels nous sommes amenés à légiférer. Le législateur constate que des pratiques s’installent et, dès lors, il a le devoir de se saisir de ces sujets, non pour aller au-delà, mais pour fixer un cadre sécurisant qui définisse les règles. Là réside la partie la plus noble de notre travail.

S’agissant des huiles pures, il faut, par exemple, tenir compte de la nécessité d’un développement harmonieux des filières industrielles de l’éthanol et du diester qui offrent des débouchés assurant une régulation pour les céréales ou la production de sucre. D’autres pays l’ont fait. Et parce que c’est un outil essentiel, il ne faut pas affaiblir les filières dites industrielles.

Mais dès lors que l’usage va au-delà de l’autoconsommation de ces huiles végétales pures, une norme est nécessaire pour les consommateurs. On ne peut en effet imaginer qu’un consommateur vienne faire le plein de carburant chez un agriculteur sans savoir ce qu’il met dans son réservoir. Ce serait soumettre l’exploitant à une véritable incertitude juridique, puisqu’il est le seul responsable de ce qu’il vend. Veillons donc à ne pas franchir cette limite, faute de quoi nous rendrions un mauvais service aux exploitants qui, par ailleurs, sont très en avance sur ce sujet.

S’agissant des moteurs, ne négligeons pas non plus les aspects techniques. M. Le Fur a heureusement tenu compte de cette dimension dans l’amendement n° 265, troisième rectification. Aujourd’hui, les constructeurs ne veulent pas s’engager à donner des garanties en ce qui concerne la carburation. Dans son amendement, M. le Fur propose qu’un décret fixe ces règles, mais je ne suis pas sûr que ce soit à l’État de se substituer aux fabricants de moteurs. À eux de prendre leurs responsabilités !

Enfin, comme l’a rappelé M. Guillaume, il faut veiller à ce que la gestion des tourteaux soit conçue de manière à prévenir tout danger sanitaire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons l’amendement n° 444, deuxième rectification, qui précise – et là réside la principale différence avec l’amendement de M. Le Fur – que l’utilisation comme carburant agricole d’huile végétale pure par les exploitants ayant produit les plantes dont l’huile est issue est autorisée. » Produire une plante est la condition nécessaire pour accéder au dispositif. Mais cette plante peut être livrée à un organisme stockeur ou une CUMA qui, dès lors, pourra gérer, dans l’intérêt collectif, le traitement des tourteaux et produire une huile pure standard correspondant à ce que les moteurs peuvent consommer.

J’appelle également votre attention sur les points 3 et 4, repris dans l’amendement M. Le Fur qui s’est inspiré des travaux de la commission des affaires économiques, notamment en ce qui concerne les recommandations relatives aux huiles végétales pures et à leur usage. Sur ce point, il n’est nullement nécessaire d’agir par décret, mais l’État doit jouer un rôle moteur en invitant les chambres d’agriculture et les instituts techniques à diffuser une large information sur la bonne fabrication de ces huiles.

Notre amendement précise également qu’à compter du douzième mois suivant la publication de la présente loi, la vente d’huile végétale pure comme carburant agricole peut être autorisée. Cela permettra, au-delà d’une première phase d’expérimentation plus poussée, d’assurer la circulation des productions d’huile à l’intérieur du monde agricole. Nous devons, sur ce plan, être responsables et nous vous demandons de voter cet amendement de préférence à celui de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Après avoir écouté attentivement la présentation pédagogique et de grande qualité des deux rapporteurs, je suis entièrement convaincu par la solution de M. Herth, qui donne toutes garanties au monde agricole et qui, tout en restant favorable à l’autoconsommation, permet le développement au fil du temps, tandis que la commercialisation de colza extérieur présente un risque pour l’agriculteur et pour le développement des filières d’autres biocarburants.

C’est la raison pour laquelle je demande solennellement, mais amicalement, à M. Le Fur s’il veut bien avoir la courtoisie de retirer son amendement, ce qui permettrait à l’Assemblée de se prononcer ensuite sur celui de la commission des affaires économiques, défendu par M. Herth.

M. le président. Monsieur Le Fur, souhaitez-vous répondre maintenant à la demande du Gouvernement ?

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis. Non, je maintiens l’amendement.

M. le président. Nous allons donc examiner les sous-amendements à l’amendement n° 265, troisième rectification.

Je suis d’abord saisi d’un sous-amendement n° 1132 rectifié.

Sur le vote de ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dionis du Séjour, pour soutenir le sous-amendement n° 1132 rectifié.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce sous-amendement précise que, dans le cas où l’huile végétale pure est compatible avec le type de moteur utilisé et les exigences en matière d’émissions, son utilisation comme carburant est autorisée. Je me tourne vers mes collègues, quelle que soit leur sensibilité politique, car le choix est simple : allons-nous franchir le pas et aller vers liberté ? Qu’avons-nous à craindre ? Sur une telle question, qui relève du simple bon sens, j’imagine qu’aucune discipline de groupe n’est imposée.

S’il y avait un quelconque risque technique, mes chers collègues, cela se saurait ! On ne vous demande pas de prendre une décision très audacieuse. D’ailleurs, l’Allemagne a autorisé la vente aux particuliers depuis cinq ans, utilise 400 000 tonnes par an et compte 1 500 pompes. Allons-nous encore lambiner plusieurs années ?

Il faut une certification, nous dit-on. Certes, mais ce n’est pas le rôle de l’État, c’est celui des organismes de certification. Et si nous prenons la décision aujourd’hui, l’industrie se mettra à l’œuvre dès demain.

On nous parle d’une étape, avec une production dans les CUMA et les coopératives agricoles. Soyons clairs, et je vous parle en tant que Lot-et-Garonnais, faire cela signifie que vous ouvrez à tous, avec des contentieux à répétition que vous ne parviendrez pas à gérer. Imaginez le responsable de la coopérative refuser de l’huile végétale à la femme d’un coopérateur ! On croit rêver ! Quelle tartuferie ! D’habitude, c’est mon collègue Chassaigne qui cite les bons auteurs, mais je ne résiste pas à l’envie de dire : « Cachez cette huile que je ne saurais voir ! »

On veut aussi nous limiter à l’autoconsommation agricole. Mais examinons les chiffres en Allemagne : sur 400 000 tonnes consommées par an, 78 % le sont dans les collectivités territoriales, 18 % par les particuliers, et 2 % seulement en autoconsommation. Nous ne pouvons pas nous y cantonner, d’autant que le risque est nul. En réalité, les grandes filières et les lobbies, comme ceux des betteraviers, ne veulent pas qu’on perturbe le développement de leurs biocarburants.

Rappelez-vous : l’Allemagne utilise 400 000 tonnes d’huiles végétales pures. Or, en matière de biocarburants, on parle aujourd’hui d’une production de 5 ou 6 millions de tonnes. Bref, il n’y a aucun argument qui tienne.

Mes chers collègues, je vous demande de voter selon votre conscience. Il est temps de faire souffler un vent de liberté et de raison sur ce secteur.

M. François Sauvadet. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il importe de clarifier les choses. J’ai bien entendu le plaidoyer de M. Dionis du Séjour, mais je ne suis pas d’accord avec lui. Je sais qu’il subit une forte pression de la part des producteurs de son département, et je comprends qu’il leur offre son soutien. Mais nous sommes tous, dans nos circonscriptions respectives, soumis à diverses pressions. Il faut savoir raison garder.

Ce que nous voulons faire, mes chers collègues, c’est aller plus loin que le Gouvernement ne le souhaitait. Nous avons, dans ce but, négocié pendant huit jours avec le ministre, qui a finalement accepté de faire preuve d’ouverture. Comment pourrions-nous aller au-delà ? Je serais prêt à vous suivre, monsieur Dionis du Séjour, à condition que vous m’expliquiez dans quels cas l’utilisation d’huile végétale pure comme carburant peut être « compatible avec le type de moteur utilisé et les exigences en matière d’émissions ». Sans jeu de mots, votre sous-amendement est une véritable machine à gaz !

M. Jean Dionis du Séjour. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qu’est-ce qu’une telle rédaction peut bien signifier, sinon qu’il faudra dresser un tableau répertoriant les centaines de modèles de moteur utilisés aujourd’hui ?

Les discussions avec le Gouvernement ont permis une ouverture appréciable, dont l’amendement que nous avons déposé fixe la limite. Le Gouvernement l’a accepté, mais je ne pense pas qu’il souhaite aller plus loin – le ministre le dira lui-même.

Nous mettons en place une expérimentation d’une durée d’un an, ce qui est déjà un moyen d’élargir l’utilisation des huiles végétales, de forcer la porte. Pendant cette année, le Gouvernement réfléchira aux conditions de cette utilisation. Au terme de cette période, il dressera le bilan de l’expérience. Il aura ainsi eu le temps d’étudier les problèmes posés par la motorisation, la pureté des huiles ou la distribution…

M. Jean Dionis du Séjour. Faites preuve d’une plus grande volonté politique !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il pourra alors, par voie de décret, élargir le champ de l’autorisation. Il s’agit d’une démarche à la fois progressive et raisonnable, susceptible de nous épargner des dérives dont on ne pourrait pas mesurer les conséquences.

Ni moi, ni le rapporteur de la commission des affaires économiques ne savons comment il serait possible d’aller plus loin. Dès lors, j’appelle la majorité à soutenir son gouvernement et la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Oui, je m’adresse à la majorité ! J’en ai parfaitement le droit !

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas une question d’appartenance politique !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’en appelle à la solidarité de la majorité, monsieur Dionis du Séjour, car huit jours de travail et une avancée aussi importante méritent que l’on s’écarte des passions pour rechercher avant tout l’intérêt général. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je souhaite donc le retrait de l’amendement n° 265 et, à défaut, son rejet, afin que la majorité se retrouve sur l’amendement défendu par la commission des affaires économiques et le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, j’ai bien compris la méthode de travail employée, mais je la trouve, moi qui ai pourtant l’expérience des usages de cette maison, quelque peu originale. Vous examinez un sous-amendement qui va plus loin que l’amendement auquel il se rattache, et sans que ce dernier n’ait été mis aux voix. C’est la première fois que je vois ça. Peut-être une modification du règlement est-elle survenue depuis que je ne suis plus député.

M. le président. Monsieur le ministre, il est normal d’examiner les sous-amendements avant les amendements…

M. François Brottes. Cela fonctionne toujours ainsi !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas, je l’avoue, la technique parlementaire, que m’a enseignée, entre autres, le président Mazeaud.

M. François Brottes. Serait-ce une mise en cause de la présidence ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Certainement pas ! Jamais je ne m’aviserai de mettre en cause M. Dosière dont j’apprécie les qualités en tant qu’homme et en tant que vice-président.

Sur le fond, j’observe, monsieur Dionis du Séjour, que vous proposez, vous, l’élu du Lot-et-Garonne, une taxe additionnelle sur les tabacs. C’est votre droit, mais le moment me semble mal choisi pour créer des taxes supplémentaires. (Sourires.) D’ailleurs, un tel choix prouve bien le caractère problématique de votre sous-amendement, compte tenu de la situation actuelle en matière de distribution de carburant.

M. Jean Dionis du Séjour. Si c’est là votre seul argument…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas le seul. Je croyais que le groupe auquel vous appartenez s’opposait aux augmentations répétées de la fiscalité. Prenez donc vos responsabilités !

Quoi qu’il en soit, ces raisons s’ajoutent à celles exposées par le président Ollier. Le Gouvernement est donc très hostile à ce sous-amendement.

M. le président. Mes chers collègues, de nombreux orateurs ont demandé la parole. Je leur demande d’être brefs, car l’Assemblée doit passer au vote.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Deux thèses s’opposent : l’une, maximaliste, voudrait que les agriculteurs soient autorisés à vendre des huiles végétales, sous la forme de carburant, à toutes les personnes ayant le droit d’utiliser le fioul rouge. L’autre, minimaliste, consiste à exiger que l’agriculteur consommant ces huiles végétales soit lui-même producteur de colza pour un volume équivalent à sa consommation. Cette thèse, défendue par le ministre de l’agriculture, a ma préférence. Si nous exigeons plus, nous irons au-devant de débordements, et le résultat sera contraire à celui que nous recherchons, dans la mesure où il sera mis un terme brutal à l’expérience. Mieux vaut tenir que courir.

Ma seule réserve – mais je crois que le ministre a d’ores et déjà accepté d’en tenir compte –, c’est que la production d’huile devrait pouvoir se faire dans le cadre d’une CUMA ou d’une coopérative.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Bien sûr !

M. François Guillaume. D’ailleurs, cela se pratique déjà pour l’alimentation du bétail : un contrat précise les modalités de transformation des céréales apportées par l’agriculteur à la coopérative, lesquelles ne sont pas soumises à des taxes. Nous pouvons adopter le même système ici.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Permettez au paysan que je suis – producteur de colza de surcroît – de dédramatiser ce débat. (Sourires.) Sachez que le colza, que je n’ai, hélas, pas eu le temps de semer moi-même, est en végétation depuis un mois ou deux et ne sera récolté que dans plusieurs mois.

Or que lisons-nous au IV de l’amendement n° 444 ? « À compter du douzième mois suivant la publication de la présente loi et au vu du bilan de l’application du I, l’utilisation et la vente d’huile végétale pure comme carburant agricole peuvent être autorisées selon des modalités précisées par décret. »

L’ancien ministre de l’agriculture, François Guillaume, fait preuve d’une grande sagesse en prônant la prudence dans la mise en place du nouveau système. Si on y ajoute la sagesse de l’agriculteur, qui sait, lui, que l’on ne récolte pas du colza tous les deux mois, mais une fois par an – d’autant que c’est la plante qui reste le plus longtemps en terre : presque douze mois –, attendre un an avant de faire le bilan de cette expérience et d’étendre éventuellement le dispositif à l’ensemble de la profession agricole semble relever du bon sens. L’objectif est le même.

D’une façon générale, d’ailleurs, nous sommes d’accord sur les objectifs ; le seul désaccord porte sur la façon d’y arriver. Certains sont prudents et préfèrent observer les premiers résultats. Pour ma part, je vous appelle à tenir compte du cycle végétatif du colza – le tournesol, lui, n’est même pas encore semé : pour ceux qui l’ignoreraient, cela se fait au printemps.

Bref, l’amendement n° 444 ne pose pas de problème. Il poursuit, au contraire, l’objectif visé sur tous les bancs de cet hémicycle. Je vous encourage donc à l’adopter et à rejeter le sous-amendement de M. Dionis du Séjour.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur Raison, l’horizon d’une loi d’orientation agricole n’est pas les semailles, ni la prochaine récolte. Le propre d’une telle loi est justement de tracer des perspectives.

Monsieur le président Ollier, tout en reconnaissant le travail effectué par votre commission – de même, d’ailleurs, que celui réalisé par la commission des finances –, je vous appelle à ne pas assimiler ce sous-amendement et l’enjeu qu’il représente à l’action locale de quelque lobby. Ce serait faire injure à un débat pourtant utile.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas dit cela !

M. François Sauvadet. C’est du moins ce que vous avez laissé entendre. Je prends bonne note que telle n’était pas votre intention.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est un malentendu.

M. François Sauvadet. M. Guillaume a parlé d’une thèse maximaliste et d’une thèse minimaliste. Allons au bout de ce raisonnement. Je mets en garde les défenseurs de la seconde thèse, car en les suivant, nous réduirions le champ de l’expérimentation. Celle-ci ne concernerait plus alors que les personnes produisant du colza, et qui sont donc déjà en situation d’utiliser les huiles végétales pures sous forme de carburant. Dans ces conditions, un contrôle serait difficile à établir.

Je partage les arguments développés en faveur d’une expérimentation. Mais si vous voulez que celle-ci ait un sens, il convient de l’ouvrir à tous les usagers agricoles. M. Dionis du Séjour l’a rappelé : d’autres pays se sont déjà engagés dans cette voie et ont même été bien plus loin. Si je ne peux que me sentir solidaire de la commission des affaires économiques, aux travaux de laquelle je participe, je préfère toutefois l’amendement Le Fur, dont l’adoption ouvrirait la voie à une expérimentation puis à une utilisation beaucoup plus large des huiles végétales pures.

Enfin, s’agissant du sous-amendement de M. Jean Dionis du Séjour, je vous trouve un peu frileux, mes chers collègues. Nous avons évoqué la difficulté de mettre en place de grandes filières industrielles – pour la production de l’éthanol, par exemple. Mais de grâce, n’opposons pas les circuits courts aux circuits longs. Il faut utiliser tout le potentiel à notre disposition, quelles que soient les conditions dans lesquelles le Gouvernement le mettra en œuvre. En se privant de cette ouverture, l’Assemblée nationale joue « petit bras » et risque de manquer ses objectifs. C’est pourquoi je vous engage, mes chers collègues, à voter ce sous-amendement, puis à adopter l’amendement Le Fur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous avons déposé un sous-amendement analogue à celui de M. Dionis du Séjour, mais portant sur l’amendement n° 444 rectifié. Je souhaite le défendre, de peur qu’une adoption de l’amendement Le Fur ne le fasse tomber prématurément.

Auparavant, je rappellerai à M. le ministre, en toute amitié, que la pratique parlementaire s’apparente à celle des enchères descendantes : on part de l’amendement le plus large pour en arriver au plus restrictif – parfois, il l’est même un peu trop.

Je prends acte de l’avancée proposée par la commission. Toutefois ce ne sont non pas deux, mais quatre thèses qui s’affrontent en réalité. Pour le ministre, seul celui qui produit son huile doit avoir le droit de l’utiliser. Selon Patrick Ollier, seul le producteur de plantes permettant de faire cette huile doit avoir ce droit.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est désormais la position que je défends.

M. François Brottes. La troisième thèse est celle du rapporteur de la commission des finances : elle revient grosso modo à permettre l’utilisation de cette huile dans tout le monde agricole. Enfin, la quatrième, que nous défendons et que défend Jean Dionis du Séjour, a été résumée par M. Raison, lorsque ce dernier se demandait pourquoi les producteurs d’œufs seraient les seuls à pouvoir préparer une omelette. (Sourires.) Si nous voulons rassembler le monde agricole, le monde rural et le monde urbain, nous devons faire en sorte que l’omelette soit mieux partagée. Pourquoi faire preuve d’ostracisme en ce domaine ?

Nous proposons, pour notre part, que l’usage de ces huiles soit étendu à tout le monde, même si cela vous semble totalement inconséquent, irraisonné et peu sérieux.

Monsieur le ministre, cet amendement renvoie à un décret. Jusqu’à preuve du contraire, l’exécutif a toujours eu la haute main sur cette procédure. Donc, libre à vous de prendre le décret d’application d’une disposition la plus large possible, ce qui évitera de débattre à nouveau devant le Parlement, comme c’est souhaitable et comme cela se passe dans d’autres pays.

Il n’y a, en conséquence, aucune difficulté à voter le sous-amendement de M. Dionis du Séjour auquel nous nous rallierons pour ce qui nous concerne.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. À écouter les différentes interventions, j’ai l’impression que nous remplissons trois baignoires de mousse avec un gramme de savon. (Sourires.) Dans l’état actuel de la production, élargir la vente des huiles végétales pures à des non-agriculteurs ne présente pas, à mon sens, de risque important. Il s’agit, là, davantage d’un effet d’annonce que d’un débat au fond.

Je crains – notre collègue M. Dionis du Séjour vient de le démontrer – qu’on ne retienne, au final, de cette loi d’orientation agricole que ce débat sur les biocarburants qui ne représente que très peu de chose – je ne le rappellerai jamais assez – comparé au fondement de cette loi…

M. François Brottes. Il a raison !

M. André Chassaigne. …et que, demain, la presse se polarise sur cette simple approche, permettant au Gouvernement et à sa majorité de faire accepter sans grands mouvements une loi aux conséquences désastreuses pour notre agriculture.

Ma proposition est beaucoup plus centriste que celle de M. Dionis du Séjour. (Exclamations sur divers bancs.) Je considère, en effet, qu’il devrait être possible d’ouvrir l’utilisation d’huile végétale à d’autres que les agriculteurs. Pour cela, il suffit de connaître la réalité du terrain. Dans certaines zones rurales, en effet, il faut parcourir vingt, trente, voire quarante kilomètres pour trouver une station-service. Partant de cette constatation, mon sous-amendement tend donc, de façon raisonnable et modeste, à autoriser exceptionnellement l’utilisation, comme carburant, d’huile végétale pure par les particuliers dans des zones définies par décret. Ces « achats de proximité » pourraient présenter un intérêt pour les habitants des territoires ruraux.

Tout en étant beaucoup plus réducteur que celui de M. Dionis du Séjour, ce sous-amendement est de loin plus réaliste.

M. Jean Dionis du Séjour. Les Allemands le font depuis cinq ans !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas un effet d’annonce extraordinaire.

Je m’abstiendrai sur le sous-amendement de M. Dionis du Séjour et je vous demanderai de voter le mien à l’unanimité ! (Sourires.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 1132 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Puis-je considérer, monsieur Chassaigne, que vous avez défendu votre sous-amendement n° 1140 ?

M. André Chassaigne. Tout à fait monsieur le président, à moins que je ne sois pas parvenu à convaincre tout le monde !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission est défavorable à ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1140.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le Fur, le Gouvernement vous a demandé de bien vouloir retirer votre amendement n° 265, troisième rectification. Quelle est maintenant votre décision ?

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis. Nous avons un débat de fond.

La position défendue par cet amendement est, en fait, centriste. (Sourires.) Il est, en effet, prématuré de permettre l’utilisation d’huiles végétales par des particuliers.

Mon amendement – et il diffère en cela de celui proposé par M. Ollier – tend à autoriser l’achat du colza pour le transformer en huile. La commercialisation du colza est libre, on ne peut pas l’interdire, contrairement à ce que propose François Guillaume ! Patrick Ollier, Antoine Herth et moi-même sommes toutefois d’accord pour reconnaître que la vente d’huile ne pourra être éventuellement autorisée que dans un an sur proposition gouvernementale. Le débat ne porte pas sur ce point. Quel est-il ? Certains agriculteurs ne produisent pas de colza, parce qu’ils n’en ont pas la possibilité, ou parce qu’ils ne le veulent pas. Or les viticulteurs ou agriculteurs qui ne possèdent pas suffisamment de terres – ils sont nombreux – qui souhaitent, malgré tout, utiliser de l’huile dans leur moteur doivent être en mesure de le faire. L’espace de liberté n’est pas très important. On ne peut contraindre l’agriculteur, faute d’être en mesure de le vérifier, de produire son propre colza pour utiliser l’huile. Comment, en effet, imposer des règles fiscales impossibles à contrôler ? Sans audace excessive, donnons un peu de liberté et simplifions la situation ! Un agriculteur devra, demain, pouvoir utiliser l’huile de colza dans son moteur en toute liberté, sans avoir à fournir une quinzaine de papiers prouvant qu’il produit l’huile ! Cette proposition simple pourrait être entendue de nos compatriotes !

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 265, troisième rectification.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Jean Dionis du Séjour. Quel est le score ?

Rappel au règlement

M. Philippe Martin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Martin. Mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 58.

Nous débattons depuis des jours et des nuits d’une loi censée orienter notre agriculture et éclairer l’avenir de nos agriculteurs. Or, parallèlement à notre discussion, le commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, propose de réduire de 70 % les soutiens dont bénéficient les agriculteurs de l’Union.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économique. C’était hier, monsieur Martin !

M. Philippe Martin. Il prétend même qu’en agissant ainsi, il se conforme scrupuleusement au mandat que lui ont donné les vingt-cinq États membres.

Deux mois avant la réunion de l’OMC à Hongkong, il semble donc que la Commission européenne ait, d’ores et déjà, renoncé à défendre la préférence communautaire, comme l’y invitait la France. Cet événement, monsieur le ministre, qu’il ait eu lieu hier ou aujourd’hui, est l’illustration d’une double posture du Gouvernement français : ferme dans l’incantation, mais faible dans sa capacité à se faire entendre !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est scandaleux de dire cela !

M. Philippe Martin. Dans ces conditions, il nous paraît indispensable, monsieur le ministre, que vous vous exprimiez sur une annonce qui va susciter beaucoup d’émotion chez nos agriculteurs, et qui remet en cause l’utilité de nos travaux et de votre loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Martin, si vous suiviez de plus près l’actualité française, européenne et internationale, vous sauriez que cette position, exprimée par M. Mandelson, hier, a immédiatement été démentie par le ministère français des affaires étrangères. Je vous rappelle que la France est à l’origine d’une motion de soutien de quatorze pays de l’Union européenne…

M. Jean-Luc Warsmann. Tout à fait !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …qui ont déposé des « lignes rouges » et qui s’opposent fermement à la position défendue par le travailliste, pardon par le commissaire Peter Mandelson et par la Commission.

Je m’attendais d’ailleurs à ce que votre groupe pose, cet après-midi, une question sur ce point, vous auriez été dans votre rôle. Or vous ne l’avez pas fait. Cela montre le peu d’intérêt que vous portez à nos agriculteurs. Vous avez cependant raison de rappeler l’importance de ce problème. Je me réjouis qu’elle soit partagée par la majorité et que, par votre rappel au règlement, monsieur Martin, vous ayez manifesté le soutien de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soit, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)