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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 octobre 2005

24e séance de la session ordinaire 2005-2006

Loi de finances pour 2006. – Suite de la discussion d'un projet de loi (nos 2540, 2568).(p.

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Didier Migaud, Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ; Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; Hervé Mariton, Jean-Louis Dumont, Jean-Pierre Brard, Charles de Courson. – Rejet.

MM. Hervé Mariton,

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. N°s

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

immigration et développement

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous avons tous été témoins des terribles événements qui ont eu lieu au Maroc, dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, où des centaines d’Africains issus des pays subsahariens ont tenté de franchir, au péril de leur vie, la barrière étanche érigée entre le Maroc et l’Espagne. Ceux qui n’y sont pas parvenus – les plus nombreux – souvent blessés, ont été refoulés par l’armée marocaine et laissés sans eau ni nourriture en plein désert, pour le seul crime de s’être approchés trop près des frontières de l’Europe. Ces mesures d’éloignement ne respectent ni les droits élémentaires et la dignité de la personne ni le droit international, et l’on peut craindre que de nombreuses personnes ne soient décédées à la suite de ces mauvais traitements.

Ma question est double. Comment reposer le problème au niveau européen, certes avec réalisme, mais aussi dans un souci d’humanité, car c’est l’image de l’Europe qui est ternie ?

Par ailleurs, les personnes qui subissent ces effrayants traitements sont issues de pays de l’ancien empire colonial français, notamment le Mali, le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée. Or la France y conserve une grande influence économique, politique et culturelle. Notre pays doit donc jouer un rôle pionnier pour sortir de cette crise politique et humanitaire qui élargit encore le fossé d’incompréhension entre le Nord et le Sud, en engageant une politique d’aide au développement, voire de codéveloppement, beaucoup plus audacieuse. Quelles initiatives le Gouvernement est-il prêt à prendre en ce sens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de rappeler que ces jeunes gens et ces jeunes femmes qui se pressent, poussés par le désespoir, aux portes de l’Europe doivent nous faire prendre conscience de la nécessité de résoudre le problème du développement, notamment de l’Afrique subsaharienne.

Depuis dix ans, sous l’impulsion du Président de la République, la France plaide en faveur du développement, en particulier de l’Afrique. Heureusement, depuis quelque temps, nous ne sommes plus seuls à soutenir cette cause, puisque le G 8 et le Sommet de l’ONU ont enfin placé ces problèmes au cœur de l’agenda international.

Sur le plan bilatéral, nous avons fait d’énormes efforts et nous nous efforçons de mobiliser tous nos partenaires. Je vous rappelle, monsieur le député, que l’aide française au développement n’était, il n’y a pas si longtemps, en 2001, que de cinq milliards d’euros et qu’elle a été portée à 8 milliards d’euros en 2006. Nous sommes devenus le premier contributeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, du Fonds européen de développement et du Fonds africain de développement. Mais nous allons au-delà en essayant, grâce aux initiatives prises par le Président de la République, de mobiliser tous nos partenaires sur des financements innovants pour le développement, car il est clair que ce n’est pas uniquement avec des aides budgétaires que nous parviendrons à vaincre la famine et la pauvreté en Afrique.

Nous prenons donc des initiatives, nous sommes pionniers et nous continuerons à jouer ce rôle, car nous avons une très grande responsabilité envers ces pays africains et une très grande volonté politique de vaincre le sous-développement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Hooliganisme

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et j’y associe mon ami François Rochebloine.

Se rendre dans un stade en famille ou avec des amis pour assister à un match de football devrait être un plaisir simple de la vie. Or, comme on l’a vu lors de la saison 2004-2005, qui a connu une forte progression des actes de violence dans et aux abords des enceintes sportives, le phénomène du hooliganisme s’installe insidieusement en France alors que, chez nos voisins anglo-saxons, des mesures efficaces ont fait leurs preuves.

Chez nous, seuls dix clubs sont concernés, dont certains se risquent même actuellement à jouer les apprentis sorciers en montant des associations de supporteurs les unes contre les autres. Ainsi, le 1er octobre dernier, lors d’un match de championnat qui se déroulait au Parc des Princes, deux bandes du Paris Saint-Germain se sont violemment affrontées dans les rues voisines du stade. Tout le quartier a été bouclé et la police a dû procéder à plus d’une soixantaine d’arrestations avant le match.

Les mobilisations policières sont toujours plus nombreuses et plus coûteuses, comme pour le match OM-PSG qui a eu lieu dimanche dernier, et les riverains des stades qui accueillent les grandes rencontres du championnat de football ont de plus en plus peur.

Monsieur le ministre d’État, le sport est utile à notre société. Ceux qui apprécient le football sont nombreux et il faut les protéger, ainsi que les riverains, qui souffrent. Que compte faire le Gouvernement contre les voyous qui sévissent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, la situation est d’autant plus inacceptable qu’elle ne concerne que le football. Elle ne concerne pas le rugby…

M. Jean Glavany et M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …ni un sport extrêmement populaire comme le cyclisme, qui ne nous oblige pas à déployer des moyens extraordinaires pour protéger certains coureurs contre de prétendus supporteurs. La situation est telle que, pour les matches dont vous parlez, monsieur Baguet – et je rends hommage à votre action constante – il faut déployer pas moins de vingt policiers par joueur sur le terrain. Ainsi, pour le match OM-PSG de dimanche dernier, nous avons dû mobiliser – ce qui est un scandale – 2 200 policiers.

Tout d’abord, je souhaite que des interdictions administratives puissent être prononcées par le préfet. Un individu qui est pris en photo en train de faire le salut nazi n’a rien à faire dans nos stades. (Applaudissements.) Ce n’est pas un supporteur, mais un voyou, et je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre une condamnation pour l’empêcher d’entrer dans un stade.

Par ailleurs, il est des associations de supporteurs de grande qualité, mais il en est d’autres qui, sur leurs sites Internet – et le PSG n’est pas le seul club concerné – appellent à la violence non seulement contre les supporteurs d’autres clubs, mais – et c’est nouveau – contre des supporteurs de leur propre club. Je demande l’interdiction et la dissolution de ces associations qui appellent à la violence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Enfin, il me semble qu’il faut renforcer les moyens de vidéosurveillance dans nos stades, afin de disposer non seulement de plans larges, qui sont des plans d’ordre public, mais aussi de plans serrés, qui permettront d’apporter une preuve judiciaire pour obtenir les condamnations dont nous avons besoin. Notre politique est simple : nous voulons débarrasser nos stades, partout en France, des voyous qui n’ont rien à y faire.

M. Maxime Gremetz. Au Kärcher ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les familles doivent pouvoir revenir dans les stades de football français. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

AMIANTE

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l’année, 2 500 personnes sont décédées d’un mésothéliome ou d’un cancer du poumon lié à l’amiante. Samedi dernier, plus de 10 000 personnes – veuves, malades, salariés – ont dit leur colère avec dignité face à votre attitude devant une catastrophe sanitaire qui est aussi un véritable scandale.

Oui, ces hommes et ces femmes ont des droits à faire valoir. Ils ont rappelé leur exigence que tous les salariés – qu’ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé, qu’ils soient fonctionnaires, intérimaires ou travailleurs en sous-traitance ou non – puissent bénéficier des dispositifs relatifs à l’amiante et qu’il ne leur soit plus nécessaire d’aller devant les tribunaux pour que leur droit à une juste indemnisation soit respecté.

Ils ont dit leur exaspération et leur sentiment d’injustice devant le manque de volonté politique qui fait que, dix ans après le dépôt des premières plaintes, aucun procès pénal n’a encore eu lieu et aucun responsable n’a été renvoyé devant un tribunal correctionnel. Alors que le Gouvernement parle souvent de traquer les délinquants, dans le monde du travail combien faut-il de morts pour qu’il y ait une réaction ?

M. Jean-Pierre Soisson. N’en faites pas trop !

M. Daniel Paul. Ils ont rappelé que, aujourd’hui, trois millions et demi de salariés sont exposés à un facteur de risque professionnel sur leur lieu de travail, que seul un cancer professionnel sur trois est pris en charge par la caisse Accidents de travail et maladies professionnelles et que les pressions patronales s’exercent au quotidien sur les salariés pour qu’ils renoncent à déclarer les accidents de travail dont ils sont victimes.

Que répondez-vous aux exigences de justice et de dignité exprimées par ces hommes et ces femmes au nom de milliers de victimes qui ont perdu leur vie à la gagner ? Qu’attendez-vous pour donner les consignes nécessaires au parquet ? Allez-vous enfin donner les moyens nécessaires pour que contrôle et prévention soient à la hauteur des exigences ? Monsieur le Premier ministre, cette question vous est également posée par Mme Jacquaint et M. Gremetz. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, vous avez raison, ces hommes et ces femmes ont des droits et nous avons des devoirs, et d’abord celui d’assurer une prise en charge au titre de la prévention mais aussi de l’indemnisation.

S’agissant de la prévention, aujourd’hui encore, la vigilance doit être maximale. C’est pourquoi, avec Gérard Larcher et le ministre en charge du logement, nous veillons à ce qu’un recensement le plus fin possible des lieux pouvant présenter un risque soit effectué, afin que l’on ne puisse plus, aujourd’hui, être exposé à l’amiante.

Dans le domaine de la santé, nous avons engagé un travail au niveau national, mais aussi région par région, pour connaître la situation exacte de chaque établissement. Je rendrai public les contrôles qui seront effectués à la suite de ce recensement. Il nous faut aussi mieux informer les professionnels de santé, pour pouvoir mieux dépister les problèmes le plus rapidement possible.

En ce qui concerne le rendez-vous de l’indemnisation, les choses ont évolué au niveau européen depuis que l’interdiction totale de l’amiante a été prononcée en France, le 1er janvier 1997.

M. Maxime Gremetz. Tardivement !

M. le ministre de la santé et des solidarités. La France fait partie des quarante pays à avoir pris une telle décision, laquelle n’est effective dans l’Union européenne que depuis le 1er janvier 2005. Nous devons veiller au respect de cette réglementation sur l’ensemble du territoire.

Actuellement, 1 500 établissements sont inscrits au Fonds pour la cessation anticipée d’activité, le FCATA, et le ministre du travail a procédé, le 14 octobre dernier, à l’inscription d’une trentaine d’entreprises supplémentaires. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit de porter à 700 millions d’euros la dotation de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles au FCATA.

Mesdames, messieurs les députés, nous avons besoin de savoir si toutes ces mesures sont suffisantes. C’est pourquoi une mission parlementaire a été créée au Sénat, dont le rapport, présenté en ce moment même à la commission des affaires culturelles et sociales, sera rendu public la semaine prochaine. Un travail de fond est également mené à l’Assemblée nationale. Enfin, j’ai demandé qu’une mission de l’IGAS, dont les conclusions seront rendues à la fin du mois de novembre, étudie ce que nous devons faire de plus pour être – comme vous le souhaitez, monsieur le député – au rendez-vous de la prise en charge et de l’indemnisation de ces hommes et de ces femmes qui souffrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons une mission à l’Assemblée, dont le président est M. Le Garrec et le rapporteur M. Lemière, qui travaille activement sur ce sujet.

M. Maxime Gremetz. Très bien, monsieur le président !

prÉvention de la dÉlinquance

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Depierre. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, ces dernières années ont marqué un tournant important en matière de lutte contre la délinquance. Sous l’impulsion du Gouvernement et grâce à la fermeté dont vous avez fait preuve, mais aussi grâce à la mobilisation des équipes de police, de gendarmerie, et à la constitution des GIR, force est de constater que la délinquance recule (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Sa diminution depuis 2002 est notable, avec une diminution de près de 5 % pour la délinquance générale et de 10 % pour la délinquance de voie publique. Cette évolution favorable doit impérativement se poursuivre sur le long terme, notamment en consacrant les énergies sur la prévention. L’action menée contre la délinquance doit être globale et porter simultanément sur tous les fronts.

Monsieur le ministre, la semaine dernière vous avez annoncé votre intention de mettre en œuvre un plan national de prévention de la délinquance. Pouvez-vous nous confirmer votre intention et nous préciser les axes majeurs de votre plan ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô Sarko !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je m’associe à vous pour rendre hommage aux policiers et aux gendarmes qui ont accompli un travail remarquable grâce auquel – personne ne le conteste – la délinquance a nettement reculé dans notre pays depuis 2002, après avoir fortement augmenté au cours des cinq années qui avaient précédé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette évolution n’a rien à voir avec une quelconque modification de l’appareil statistique, celui-ci étant resté le même. La seule chose qui ait changé à partir de 2002, ce sont les ministres de l’intérieur, et il me plaît de dire que Dominique de Villepin et moi-même avons mené la même politique et obtenu le même résultat. Oui, la majorité a fait reculer la délinquance en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En 2002, il est apparu nécessaire de remobiliser les forces de l’ordre, d’adresser un signal fort au pays, de tourner le dos au laxisme et de faire preuve de fermeté (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ce que nous nous sommes employés à faire. Mais nous savons très bien que si nous voulons engager le pays dans une réduction durable de la délinquance, la sanction seule ne suffit pas, il faut également agir dans le domaine de la prévention.

Que devons-nous changer en matière de prévention ? En premier lieu, la politique de prévention doit se doter au plan local d’un patron, un chef d’équipe. Dans l’esprit du Gouvernement, ce coordonnateur ne peut être que le maire.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il est impératif que quelqu’un coordonne la prévention sur le terrain, sinon c’est la pagaille.

Deuxièmement, la politique de prévention doit faire l’objet d’une évaluation, ce qui n’est pas le cas actuellement. On se contente trop souvent de reconduire les subventions des associations alors qu’il faut rendre compte de l’utilisation des fonds publics.

Troisièmement, il est nécessaire de mettre en place une stratégie, car la prévention de la délinquance ne se résume pas à la politique sociale.

Enfin, il ne faut pas hésiter à innover, comme nous l’avons fait récemment avec le ministre de l’éducation nationale en créant des internats de la réussite éducative, afin d’éviter par exemple que dans les familles monoparentales où la mère, par exemple, ne rentre qu’à vingt heures, les enfants ne soient livrés à eux-mêmes depuis la sortie de l’école. Ces orphelins (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ont besoin de structures d’encadrement pour échapper à la loi de la rue et ne pas sombrer dans l’absentéisme scolaire.

Telles sont les principales orientations du plan de prévention de la délinquance que nous présenterons au nom du Gouvernement avant la fin de l’année (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

place des femmes
dans LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe UMP.

Mme Françoise de Panafieu. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Monsieur le ministre, alors que nous éduquons nos enfants dans une société composée à parité d’hommes et de femmes, nous mesurons chaque jour les difficultés rencontrées par celles-ci pour s’insérer dans le monde professionnel. Elles ne sont ainsi que 10 % à occuper des emplois qualifiés de supérieurs dans la fonction publique. De même, notre hémicycle ne compte que 12,5 % de femmes en dépit de la loi sur la parité. Ce matin encore, Elisabeth Dubois-Violette déplorait qu’au conseil d’administration du CNRS, qui vient pourtant d’être renouvelé, ne figure qu’une seule femme sur les vingt membres qui le composent.

Nous aimerions, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur cette disparité. Au moment où le conseil scientifique de l’établissement va être également renouvelé, ne faudrait-il pas veiller à ce que les instances de ce genre soient enfin représentatives de la société dans laquelle nous vivons ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Madame la députée, la présence des femmes à l’échelon des postes de direction est effectivement insuffisante en France, et sur ce point le secteur de la recherche scientifique n’échappe malheureusement pas à la règle. Si elles représentent 30 % des chercheurs – 31 % au CNRS –, on n’en trouve plus que 10 % parmi les directeurs de recherche et professeurs d’université, ce qui est anormal.

Des progrès ont pourtant été accomplis récemment dans ce domaine. Ainsi, ce sont des femmes qui président les grands organismes de recherche que sont l’INSERM et l’INRA. Au conseil d’administration du CNRS, le représentant de l’État est une femme, directrice de la recherche. Une partie des membres est élue – nous ne pouvons guère agir dans ce cas ; une autre est nommée sur proposition, et nous allons nous employer à ce que, parmi les noms proposés, il y ait plus de femmes.

La question est, plus généralement, celle des vocations scientifiques parmi les jeunes Français, et plus encore les jeunes Françaises, puisque seulement 20 % des bachelières scientifiques choisissent une carrière scientifique, ce que je déplore. Il y a là un défi que nous devons relever tous ensemble, car il y va de l’avenir de notre pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité à la maison d’arrêt
de villefranche-sur-saône

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes rendu samedi dernier à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, dont deux détenus venaient de s’évader, afin d’exprimer la détermination du Gouvernement face à cet événement qui a jeté le trouble parmi les riverains qui en furent les témoins directs, après une précédente tentative d’évasion par hélicoptère trois mois plus tôt.

Cet événement suscite bien évidemment l’inquiétude et la morosité au sein du personnel pénitentiaire, dont le métier est difficile, et chez les fonctionnaires de police qui courent de grands risques face à des individus déterminés et lourdement armés. Nous leur rendons hommage. Un membre de la brigade anticriminalité, blessé par l’un des fugitifs, pourra heureusement bientôt quitter l’hôpital. J’ai demandé hier au ministre de l’intérieur d’accorder les effectifs supplémentaires nécessaires au commissariat pour assurer sa mission face à de telles violences.

On peut s’interroger sur l’opportunité d’avoir ouvert un tel établissement au cœur d’une ville, en 1990. En tout cas, il est aujourd’hui urgent de le sécuriser, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre. Quelles mesures allez-vous prendre, quels travaux vont être lancés pour poursuivre, voire amplifier, l’action déjà lancée depuis 2002 par votre prédécesseur, M. Dominique Perben ? Des progrès ont certes été réalisés, mais il faut tout mettre en œuvre pour rassurer complètement nos concitoyens (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Merci, monsieur le député, de rappeler que j’ai tenu à être, le soir même, aux côtés des élus de la ville de Villefranche-sur-Saône afin de soutenir le personnel de la maison d’arrêt. Les événements qui ont eu lieu prouvent que certains criminels osent tout. Ceux-ci ont tiré à la Kalachnikov sur un surveillant posté sur un mirador. Grâce au ciel, une brigade anticriminalité qui passait par là est intervenue. Lors de la fusillade qui s’est ensuivie, un policier a été blessé assez gravement ; j’ai tenu également à lui rendre visite.

La maison d’arrêt de Villefranche est assez récente puisqu’elle fait partie du programme « 4 000 » lancé par Pierre Méhaignerie, à une époque où l’on implantait encore des maisons d’arrêt en centre-ville. Dans ce cas, il faut organiser autour de la prison des glacis, c’est-à-dire des zones neutralisées. Avec le directeur régional de l’administration pénitentiaire et le directeur de la prison, nous avons vu que c’était possible à Villefranche. Avec, de surcroît, l’installation de caméras vidéo, cette maison d’arrêt sera sécurisée.

Depuis 2002, la loi de programmation pour la justice a permis de mettre en œuvre des mesures extrêmement importantes. Je pense à la création des équipes régionales d’intervention et de sécurité, qui sont, toutes proportions gardées, le GIGN des surveillants pénitentiaires ; à la mise en place d’une sous-direction sous les ordres du chef d’état-major de la sécurité, qui permet d’avoir des renseignements sur les détenus les plus dangereux, qu’on déplace régulièrement ; à l’installation d’un nombre d’équipements considérables, comprenant notamment des tunnels et des systèmes d’alarme. Tout cela a permis, de 2002 à aujourd’hui, de faire passer le nombre d’évasions du simple au double... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ou plutôt de le diminuer de moitié, comme on l’aura compris. (Sourires.)

Grâce à ces nouveaux moyens et aux personnels que nous remercions, la sécurité est mieux assurée dans nos prisons (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

mission de la France en côte d’ivoire

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Chacun jugera de l’efficacité du garde des sceaux…

Par ailleurs, je voudrais rappeler à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche que le gouvernement Jospin avait nommé une femme directrice générale du CNRS. Je me demande pourquoi vous l’avez démissionnée avant la fin de son mandat (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, hier votre majorité a une nouvelle fois refusé notre proposition d’une commission d’enquête sur la libération de nos otages en Irak et sur l’interférence des fameux réseaux Julia. Elle nous avait opposé le même veto concernant l’action de la France en Côte d’Ivoire. Cette marginalisation du Parlement dans des domaines comme celui des affaires étrangères et de la défense est inadmissible ; elle serait inimaginable n’importe quelle grande démocratie. Elle constitue surtout un grave déni de démocratie qui n’aide pas nos concitoyens et nos partenaires internationaux à comprendre nos initiatives diplomatiques et internationales.

Hier, le ministère de la défense a annoncé la suspension du général Poncet, ancien chef d’état-major de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire. Cette décision grave et exceptionnelle n’ayant fait l’objet d’aucune explication devant la représentation nationale, nous souhaitons que Mme la ministre vienne informer les commissions des affaires étrangères et de la défense. Si des manquements ont eu lieu, rien ne peut les excuser, et des sanctions s’imposent. Cependant, mes chers collègues, ne faisons pas pour autant d’amalgame en jetant l’opprobre sur l’ensemble de notre armée (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Soisson. Nous ne l’avons jamais fait !

M. Jean-Marc Ayrault. Car la vraie question est politique. Nos soldats font face à une situation extrêmement difficile en Côte d’Ivoire. D’un côté, ils mènent une action courageuse pour éviter une sanglante guerre civile. De l’autre, ils restent dans l’incertitude concernant la nature, la durée et l’issue de leur mission.

Monsieur le Premier ministre, cette situation est la résultante des ambiguïtés de votre politique. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous le savez bien, vous qui avez été ministre des affaires étrangères. La France est depuis trois ans au cœur du conflit sans que vous ayez réussi à définir son rôle, des perspectives de sortie de la crise et les modalités d’un règlement politique.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Jean Leonetti. Lamentable !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est pourquoi nous vous demandons aujourd’hui de lever ces incertitudes et de répondre à trois questions cruciales devant la représentation nationale.

M. Richard Mallié. Il n’a droit qu’à une seule question !

M. Jean-Marc Ayrault. Que veut la France en Côte d’Ivoire ? À quelles solutions politiques travaille-t-elle pour sortir de cette crise ? Allez-vous enfin associer le Parlement, et en particulier l’Assemblée nationale, en acceptant notre proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire sur la mission de la France en Côte d’Ivoire que nous réitérons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Ayrault, je ne me suis jamais dérobée à la moindre demande d’explication venant de vos commissions de la défense ou des affaires étrangères. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C’est l’honneur du Gouvernement que de répondre à toute demande en la matière.

M. Lucien Degauchy. Ce n’était pas le cas des socialistes !

Mme la ministre de la défense. S’agissant de la décision prise au sujet du général Poncet, et d’une façon générale de la chaîne de commandement, si j’ai pris une telle mesure conservatoire c’est que celle-ci apparaissait nécessaire au vu des premiers éléments résultant de l’enquête de commandement que j’avais demandée. Quelle serait notre crédibilité lorsque nous sommes amenés à défendre nos militaires contre des accusations mensongères si, quand des comportements non conformes au droit ou à nos traditions sont avérés, nous n’avions pas le courage de prendre des mesures et de le faire publiquement ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

Mme la ministre de la défense. Lorsque j’ai été informée d’un certain nombre de circonstances qui n’étaient pas très nettes sur la mort d’un Ivoirien, j’ai demandé une enquête de commandement et, dans le même temps, saisi le procureur. L’enquête de commandement a fait apparaître un manque d’information et des informations erronées. Et le procureur a ouvert une instruction pour homicide volontaire. Les mesures conservatoires sont donc tout à fait normales.

Ces mesures sont également importantes pour l’image de nos armées et pour l’action de notre pays en Côte d’Ivoire. La France s’est efforcée depuis le début de protéger ses ressortissants et les populations civiles contre des exactions et des massacres. Elle s’est employée, avec les forces de l’ONU, à faire appliquer des accords qui ont été d’abord passés à Marcoussis, puis à Accra, et qui ont été confirmés par la communauté internationale. Ces accords impliquent un désarmement des belligérants et la mise en œuvre d’une solution politique se traduisant par des élections présidentielles claires et démocratiques.

M. François Loncle. Quand ? Cela ne semble pas bien parti !

Mme la ministre de la défense. Si nous n’étions pas là, si nos forces n’étaient pas là, l’ONUCI ne serait pas là non plus et, comme le souhaitent les extrémistes des deux bords, les affrontements et les massacres dont seraient victimes en premier lieu les civils, qu’ils soient étrangers ou ivoiriens, continueraient de se produire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Marc Ayrault et M. Jean Glavany. Répondez sur la commission d’enquête !

Mme la ministre de la défense. Alors, oui, monsieur le président Ayrault, ce que nous faisons est utile. Et ce que font nos soldats dans des conditions difficiles est indispensable. Je tiens aujourd’hui à leur affirmer publiquement mon soutien. J’espère que vous aurez à cœur de les assurer du vôtre ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n’avez pas répondu à la question !

diversité culturelle

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe UMP.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, la convention sur la diversité culturelle a été adoptée par l’UNESCO lundi 17 octobre en commission par 151 voix pour, deux contre – États-Unis et Israël – et deux abstentions – Australie et Kiribati. Le vote définitif doit avoir lieu jeudi 20 octobre en assemblée plénière dans l’après midi.

Ce texte est un acte politique majeur. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, dans une tribune publiée hier, ce projet de convention sur la diversité culturelle lancé par la France et le Canada a été porté pour la première fois par la France au niveau des chefs d’État par le Président de la République qui en a fait l’une des priorités de notre action extérieure afin de contribuer à une mondialisation plus humaine et mieux maîtrisée.

« Sans pluralisme culturel, on étouffe ! » a justement souligné votre homologue brésilien. Vous avez vous-même coutume de rappeler que 85 % des tickets de cinéma vendus dans le monde profitent à un film hollywoodien. D’ailleurs, la négociation en commission a été marquée par une opposition forte des États-Unis qui ont déposé vingt-sept amendements pour tenter de vider le projet de sa substance.

En effet, l’objet de cette convention n’est pas mince puisqu’il vise, d’une part, à affranchir les diverses expressions culturelles, les œuvres de l’art et de l’esprit des règles qui régissent le commerce international. C’est la garantie de la survie des cultures minoritaires. Il permet, d’autre part, de donner une réalité juridique internationale à notre combat contre l’uniformité culturelle, contre le nivellement de la création artistique qui sera le patrimoine de nos descendants.

Alors, monsieur le ministre, à la veille de la séance plénière, plusieurs questions se posent. Le Gouvernement peut-il assurer à la représentation nationale que le vote définitif confirmera, vendredi, le vote en commission ? Quel a été le rôle de l’Europe dans cette négociation ? Une fois cette convention votée, et au-delà de la prise de conscience de l’enjeu de la diversité culturelle, quels effets le Gouvernement attend-il de cette convention ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, le 2 septembre 2002, le Président de la République, à Johannesburg, mobilisait la communauté internationale autour d’une maxime, d’une valeur et d’une stratégie : la diversité culturelle. C’était la volonté, dans cette période de conjoncture internationale marquée par l’engrenage des violences, des fanatismes et des intégrismes, et par les risques de délocalisations, de faire en sorte que chaque expression culturelle et artistique dans le monde ait droit de cité.

Vendredi, lors de la réunion générale de l’UNESCO, ce concept de diversité culturelle entrera dans le droit international.

Sur ce dossier, l’Europe a été unie de bout en bout.

M. Jacques Myard. C’est bien la première fois !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il est des sujets sur lesquels nous sommes divisés. Mais, en l’occurrence, les vingt-cinq pays de l’Union européenne se sont unis. C’est très important, au moment où la France défend avec fierté, à Bruxelles, les aides françaises au cinéma et à la production audiovisuelle. Bref, tout ce qui fait la spécificité de la politique culturelle de notre pays.

Soyez fiers que nous ayons été avec le Canada…

M. Jacques Myard. Vive le Québec libre !

M. le ministre de la culture et de la communication. …à l’initiative de ce qui est aujourd’hui, non pas uniquement la garantie de la liberté de circulation des œuvres et des artistes, non pas uniquement la reconnaissance de la spécificité des biens culturels, mais tout simplement l’affirmation d’un principe politique. Dans cette période de notre histoire où les affrontements dans un certain nombre de régions du monde engendrent toutes sortes de violences, la reconnaissance de la diversité culturelle est la reconnaissance d’un droit, du droit de l’autre quel qu’il soit à exister. C’est une grande victoire diplomatique pour notre pays et pour le Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

réforme de l’etat

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour le groupe UMP.

M. Georges Tron. Monsieur le ministre du budget et de la réforme de l’État, c’est au mois de juin dernier que les deux ministères, celui du budget et celui de la réforme de l’État, ont été rapprochés. Cela s’inscrit dans la logique de la LOLF, à laquelle nous souscrivons tous ici. La LOLF, et la gestion publique en général, constitue en effet un des leviers de la réforme de l’État.

C’est également la suite de plusieurs initiatives prises dans ce domaine depuis 2002 : instauration d’un secrétaire général par ministère, développement des stratégies ministérielles de réforme, lois de simplification avec en particulier la suppression de quelque 350 organismes que nous avions réclamée sur les bancs de cette assemblée, développement de l’administration électronique – le projet ADELE – et la charte Marianne sur la qualité.

La semaine dernière, vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous alliez lancer dix-sept audits auxquels vous aviez assigné trois buts : pointer les dysfonctionnements dans certaines administrations, faire en sorte d’obtenir des gains de productivité, enfin et peut-être surtout, rapprocher l’administration de l’usager.

Monsieur le ministre, quelles suites comptez-vous donner à ces différents audits ? À un moment ou un autre, est-il prévu de les étendre à la gestion des ressources humaines qui, comme vous le savez, est un des points essentiels de la réforme de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Tron, les Français attendent effectivement de la réforme de l’État et de la modernisation des services publics une capacité à améliorer sans cesse le service de l’intérêt général. En l’occurrence, nous allons tout simplement commencer par soulever le capot pour regarder précisément comment fonctionne chacune des grandes procédures qui font tourner au quotidien les ministères.

M. Hervé Novelli. Il était temps !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons donc lancé, depuis la semaine dernière, une énorme vague d’audits, un par pôle ministériel, soit dix-sept d’un coup. Et tous les deux mois, à rythme soutenu, nous allons produire avec le concours des inspecteurs de l’État mais aussi, d’ici à quelques semaines, d’auditeurs venant du privé, un dispositif qui va nous permettre de proposer à l’ensemble des ministères et des Français un véritable contrôle de gestion de l’État.

M. Jean-Pierre Soisson. À quoi sert la Cour des comptes ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’objectif est simple. Il s’agit de faire en sorte que la dépense publique soit efficace. Nous devons être, les uns et les autres, tenus à une obligation de résultat.

Cela concerne, monsieur le député, tous les secteurs de l’activité de l’État, dans tous ses domaines, dans tous ses métiers, ainsi que la gestion des ressources humaines. Cela ira de l’évaluation du coût de l’organisation des concours et des examens par l’éducation nationale, à celle du coût de la télédéclaration de l’impôt sur le revenu, en passant par le fonctionnement des services du Premier ministre ou de bien d’autres ministères. À chaque fois, il y aura un constat et des propositions. Le tout sera présenté au grand public sur Internet mais aussi, et en toute transparence, à vous-mêmes. C’est ainsi, en effet, que nous moderniserons notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

protection des vins français

M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Bascou. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Le 15 septembre dernier, le directeur général de l’agriculture de la Commission européenne a paraphé à Washington le projet d’accord sur le vin entre la Communauté européenne et les Etats-Unis. Ce projet, qui était en discussion depuis plus de vingt ans, risque s’il était adopté définitivement, d’entraîner une profonde modification de la définition du vin au niveau international et de pénaliser lourdement les producteurs français.

Par cet accord, en effet, les marques américaines qui intègrent actuellement certaines appellations françaises dans leur nom, pourront continuer à le faire sur les marchés des USA et des pays tiers. Pour la première fois, l’Union européenne et la France donneront leur accord à l’usurpation de certaines de nos appellations d’origine, considérées comme génériques aux États-Unis.

De plus les pratiques œnologiques américaines, jusqu’ici acceptées en Europe par dérogation, ou même interdites par l’Organisation internationale de la vigne et du vin, seront reconnues par l’Union européenne. Ces dispositions donneront un avantage commercial définitif aux producteurs américains et iront à l’encontre des intérêts des consommateurs en permettant la commercialisation de vins élaborés industriellement à partir de pratiques œnologiques éloignées de notre conception du vin, pratiques contraires à la qualité et à l’authenticité des produits, comme l’adjonction d’eau ou l’aromatisation.


Mais, plus important encore, la conclusion définitive de cet accord serait un très mauvais signal à quelques mois du sommet de l’OMC à Hong Kong, l’Union européenne ayant déclaré donner la priorité à la protection des indications géographiques dans les négociations commerciales multilatérales.

Ma question est triple, monsieur le Premier ministre, et je souhaite recevoir une réponse précise, plus précise que celle de Mme Alliot-Marie à la demande de commission d’enquête de M. Ayrault ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avez-vous mesuré les conséquences de cet accord ? Êtes-vous prêt à répondre à la demande de la grande majorité des producteurs français et des principales organisations professionnelles de ne pas le ratifier ? Enfin, êtes-vous prêt à demander à la Commission européenne de poursuivre les négociations afin d’aboutir à un accord respectueux de la conception traditionnelle du vin et conforme aux intérêts européens ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Comme vous le savez, monsieur le député, le Gouvernement est très attentif à la protection des indications géographiques ainsi qu’aux relations entre la France et les États-Unis. Ceux-ci, comme vous l’avez indiqué, utilisent actuellement des appellations de type champagne ou chablis : ce n’est pas acceptable. Dans le même temps, ils multiplient les contrôles à l’importation de vins français.

Que prévoit l’accord de l’OMC ? Il prévoit que les États-Unis s’interdisent pour toute leur production ultérieure d’utiliser les appellations champagne et chablis, dans un avenir sur lequel nous serons extrêmement vigilants. Ils s’engagent également à reconnaître nos contrôles de qualité. La Fédération des exportateurs de vins et spiritueux en est vivement satisfaite, car nos exportations risquaient d’être soumises à des contrôles très rigoureux à partir du 1er janvier 2006.

Bien entendu, cela ne saurait remettre en cause notre attachement, dans le cadre des négociations de l’OMC, notamment vis-à-vis des États-Unis, à la reconnaissance des indications géographiques, qui sont fondamentales.

J’en profite pour vous faire part des plus récents développements en matière d’OMC. Comme vous le savez, la France a demandé à la Commission européenne de justifier qu’elle opère bien dans le cadre du mandat qui lui a été confié, notamment en ce qui concerne ses propositions des 10 et 11 octobre derniers. Le Conseil des affaires générales, qui s’est réuni hier en présence de M. Douste-Blazy, de Mme Catherine Colonna et de M. Dominique Bussereau…

M. Albert Facon. Nous sommes sauvés !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. …a accepté le principe d’une expertise technique. La réunion des experts a eu lieu ce matin : la Commission européenne n’a pas été en mesure d’apporter la preuve claire et argumentée qu’elle agissait dans le cadre de son mandat. En l’état, la France ne soutiendra pas les propositions de la Commission européenne en matière agricole.

M. Jean-Pierre Soisson. Il faut dire non !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Dans ces conditions, la France demande à la Commission de poursuivre son travail dans les domaines industriels et des services, où elle n’a pas obtenu de résultats tangibles.

Nous demandons également la poursuite de l’expertise technique. Thierry Breton l’a rappelé hier : il est hors de question de remettre en cause la PAC. Nous serons très vigilants sur ce point ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

droits des consommateurs
dans le secteur de la communication

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat, pour le groupe UMP.

M. Jean-Yves Besselat. Ma question s’adresse au ministre délégué à l’industrie.

Monsieur le ministre, le Gouvernement mène une concertation avec tous les acteurs du secteur de la téléphonie et de l’internet, souhaitant engager un dialogue constructif et positif pour améliorer le rapport qualité-prix des services rendus à nos concitoyens.

D’importantes avancées ont déjà été obtenues en réponse aux demandes formulées par les associations de consommateurs, par exemple la baisse des prix et la tarification à la seconde.

D’autres avancées seraient souhaitables pour le consommateur, tant en ce qui concerne la téléphonie que l’internet : offre systématique du contrat d’abonnement minimal, possibilité de changer d’opérateur sans changer de numéro de téléphone, gratuité des temps d’attente dans les centres d’appel, réduction des délais de résiliation des abonnements, remboursement des dépôts de garantie.

Il y a quelques semaines, vous avez organisé, monsieur le ministre, une nouvelle table ronde avec les opérateurs, les représentants des consommateurs et les acteurs institutionnels de la consommation. Pouvez-vous nous indiquer quelles décisions ont été prises au cours de cette réunion et comment vous comptez prolonger le dialogue avec tous ces partenaires pour inscrire votre démarche dans la durée ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Vous avez raison, monsieur le député, le domaine des télécommunications a fait l’objet ces derniers temps d’un grand nombre de réclamations et il nous fallait absolument renouer le dialogue entre les consommateurs et les opérateurs. La situation s’explique en partie par la croissance très rapide qu’a connue ce secteur. Le nombre des raccordements à l’internet haut débit est aujourd’hui, dans notre pays, de l’ordre de huit millions. Ce chiffre, qui traduit le succès commercial de nos opérateurs, explique leurs difficultés pour réaliser ces raccordements en ménageant les droits de la concurrence.

Il était nécessaire de remettre un peu d’ordre. Mon prédécesseur a entrepris de le faire, et j’ai poursuivi son action en organisant cette rencontre importante que vous avez évoquée. Des avancées très concrètes ont été obtenues sur la portabilité du numéro, c’est-à-dire la possibilité pour l’abonné de changer d’opérateur en moins de dix jours : le décret d’application sera pris dans les prochaines semaines et la mesure sera opérationnelle dès l’année prochaine. Il en est de même pour le délai de résiliation, qui passe à un mois. Le dépôt de garantie, quant à lui, sera désormais remboursé en moins de dix jours. Enfin, dès l’année prochaine, les temps d’attente seront gratuits dans la plupart des centres d’appel, les opérateurs nous ont donné leur accord sur ce point.

Vous le voyez, les résultats sont très concrets. Je réunirai à nouveau les opérateurs dès le début de l’année prochaine pour mesurer les avancées réalisées et en obtenir d’autres. La situation est devenue plus normale, avec des opérateurs respectueux du droit de la consommation et de la qualité de services que, par ailleurs, ils souhaitent promouvoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

pôles de compétitivité

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

Les pôles de compétitivité sont importants et très appréciés car ce sont de véritables révélateurs des atouts économiques de notre pays et parce qu’en valorisant ses atouts, ils font avancer la France. C’est ce que nous attendions. C’est pourquoi je salue les décisions qui ont été prises par le comité interministériel du 12 juillet dernier, à votre demande, monsieur le ministre, ainsi qu’à celle de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vendredi dernier, un comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires, présidé par le Premier ministre, M. Dominique de Villepin (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) a arrêté 55 projets. L’un d’entre eux me tient particulièrement à cœur car il est situé dans ma circonscription : il s’agit de la « route des lasers », qui va du bassin d’Arcachon au Barp.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quels critères ont présidé aux choix de ce comité interministériel et ce qu’il adviendra des pôles dont les projets de contrats cadre n’ont pas été validés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Voilà une question équilibrée ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, vous avez raison ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement a doté notre pays d’une politique qui fédère les formidables énergies des universités, des centres de recherche privés et des industries innovantes. Nous avions besoin d’aller vite pour remporter notre défi et gagner notre pari. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C’est ainsi qu’en septembre 2004, nous avons lancé un appel à projets. Sous la présidence du Premier ministre, lors du CIADT du 12 juillet dernier, nous avons labellisé 67 projets et vendredi dernier, nous avons proposé de valider 55 contrats cadre.

Je rassure tous ceux qui craignent que 11 contrats cadre soient abandonnés : il n’en est pas question. Nous sommes actuellement en relation avec leurs responsables pour améliorer le contenu des projets avant la fin de cette année. Dès le 1er janvier prochain, la plupart d’entre eux seront validés.

Par ailleurs, grâce au dynamisme des industriels, des chercheurs, des universitaires et de l’ensemble des collectivités territoriales qui ont apporté leur contribution, aux côtés du Gouvernement, nous avons défini les zonages les plus souples de manière que les entreprises de recherche et développement qui pourront bénéficier des 300 millions d’euros d’aides de l’État grâce aux exonérations fiscales et aux exonérations de charges sociales soient concentrées dans des périmètres qui répondent à de véritables spécificités territoriales.

Enfin, nous avons souhaité que les industriels, les universitaires et les chercheurs organisent leur propre gouvernance afin de définir eux-mêmes leurs projets, les collectivités territoriales et l’État étant à leurs côtés pour leur fournir les outils nécessaires et les accompagner.

Madame la députée, lorsque je me suis rendu sur la « route des lasers », notamment sur le site du laser Mégajoule, j’ai pu mesurer combien, en matière d’énergie du futur, comme ailleurs en matière d’aéronautique, de microélectronique, de nanotechnologies, de biotechnologies, de textile, de plasturgie, la France qui gagne se réveille. Le génie français se révèle, grâce à l’initiative et à la compétitivité de l’ensemble de ses acteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Et à Sarkozy ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui, nous bâtissons dans tous ces domaines une France championne du monde ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

loi de finances pour 2006

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 2, et concerne le déroulement des débats.

Hier après-midi, nous avons eu droit à l’exposé d’un novice en matière budgétaire, je veux parler de M. Breton, lequel a entrepris de nous a expliquer ce qu’est un budget. Nous ne sommes donc pas venus pour rien ! Pour lui, c’était une première et pour nous, c’était une révision générale !

Or dans une interview au Parisien la semaine dernière M. Breton a déclaré que les Français vivaient au-dessus de leurs moyens. Ce n’est pas tout à fait mon avis ! Moi, j’ai l’impression que si des gens vivent au-dessus des moyens des Français, ce sont ceux qui s’enrichissent à leur détriment !

De telles déclarations sont insupportables. Moi, je voudrais savoir où va l’argent public !

Il paraît qu’au mariage de Delphine Arnault, 300 gendarmes avaient été mobilisés. Je voudrais qu’on nous dise si c’est vrai, combien ça a coûté…

M. le président. Monsieur Brard, vous vous écartez d’un rappel au règlement !

M. Jean-Claude Sandrier. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Au contraire, monsieur le président, nous sommes dans le vif du sujet ! Je veux savoir combien ça a coûté !

Et si on ne me répond pas, monsieur le président, je ferai comme l’année dernière. M. Sarkozy, en déplacement au États-Unis, avait déclaré le 4 octobre 2004 à Washington, devant une assemblée d’étudiants et de journalistes français, qu’il se sentait « étranger dans son propre pays ». Je l’avais donc interrogé à ce sujet, et à la sixième interpellation, enfin, il consentit à me répondre.

Plutôt que de m’obliger à intervenir souvent pendant ce débat budgétaire, qu’on me réponde. Y avait-il vraiment 300 gendarmes à ce mariage, combien cela a-t-il coûté et qui a payé ?

M. le président. Monsieur Brard, la question est posée et le ministre, s’il le souhaite, y répondra.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’objet de la motion de procédure que je défends est de démontrer qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

Cela peut sembler paradoxal s’agissant d’une loi de finances, mais je voudrais vous inviter à réfléchir sereinement à la question de savoir si nous devons bien examiner ce projet de loi de finances. Je dis bien « ce » projet et non pas « un » projet. La France et les Français ont effectivement besoin, tout le monde en est conscient, d’un budget pour 2006, que d’ailleurs la Constitution nous oblige à adopter dans des délais précis, mais nous n’avons pas besoin de ce budget-là. En effet, nous pensons qu’il est particulièrement insincère, nous y reviendrons, monsieur le ministre, mais aussi injuste, inefficace, et même dangereux pour l’avenir car il prévoit, notamment dans sa seconde partie, des mesures non financées.

Ce projet de budget est truffé d’impasses qui mènent la France dans le mur, même si, comme le reconnaît un des vôtres, vous ralentissez la vitesse à laquelle vous conduisez notre pays dans le mur. J’ai lu cette observation dans un quotidien cet après-midi, prononcée par un de nos collègues UMP dont je salue la lucidité.

M. Hervé Mariton. Il a été mal compris !

M. Didier Migaud. Ce texte nous conduit dans une impasse démocratique. J’aurai l’occasion de revenir sur l’insincérité qui entache le projet de loi de finances, mais je veux d’ores et déjà dire combien le Gouvernement se conduit mal avec le Parlement. Qu’on songe à la privatisation des autoroutes.

M. Hervé Mariton. Très bonne décision !

M. Didier Migaud. Ce n’en est pas une, bien que le processus semble engagé. L’Assemblée nationale avait émis un vote contraire l’année dernière. On peut donc se demander si le Gouvernement a bien la volonté de respecter le Parlement.

D’autre part, et malgré ce qu’a pu dire le ministre hier, ce projet de loi de finances est fondé sur des prévisions que contredisent tous les économistes et tous les indicateurs conjoncturels. On peut concevoir qu’un ministre fasse preuve d’optimisme et de volontarisme…

M. Jean-Pierre Brard. D’inexpérience ! C’est le noviciat !

M. Didier Migaud. …mais cela relève davantage d’une manœuvre imposée pour améliorer la présentation du budget, au risque de tomber dans l’insincérité.

Mais on nous mène également dans une impasse budgétaire, car, en 2006, le déficit va se dégrader dans des proportions probablement bien plus importantes que celles que vous admettez, monsieur le ministre. Vous prévoyez une dégradation du solde du budget général de 45,7 milliards, en loi de finances initiale 2005, à 46,8 milliards d’euros, alors même que la prévision de croissance est plus forte pour 2006 qu’elle ne l’a été en 2005.

Nous nous trouvons aussi dans une impasse républicaine, tant le contenu des mesures fiscales et la choquante publicité qui leur est faite sont injustes, risquant de bafouer la devise républicaine − « Liberté, Égalité, Fraternité » − et de remettre en cause la progressivité des prélèvements indispensable pour financer la redistribution.

Nous nous trouvons enfin dans une impasse économique et sociale, car ce projet de budget ne nous permet pas de sortir de la situation actuelle, qui se caractérise par une France en panne dans une Europe à la peine, malgré une croissance mondiale beaucoup plus forte que sous la législature précédente.

Je souhaiterais, dans un premier temps, revenir sur la situation économique et sociale, et je ferai sans doute plus que nuancer le contentement réjoui que le ministre de l’économie et des finances a affiché lors de la présentation du projet de loi de finances. Je m’attarderai ensuite sur l’insincérité, l’irresponsabilité, la partialité, les trucages qui caractérisent ce projet de budget, également profondément injuste et inefficace. Je terminerai mon intervention en vous présentant les propositions que mes collègues socialistes et moi-même aurons l’occasion de défendre durant le débat budgétaire.

M. Jean-Pierre Brard. Ce plan ressemble à un réquisitoire ! Ça s’annonce bien !

M. Didier Migaud. Calmez votre impatience, mon cher collègue ! (Sourires.)

Au préalable, je voudrais revenir sur l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances − la LOLF −, adoptée à l’unanimité en 2001, sous la législature précédente. Cinq ans après l’adoption de ce texte, il me paraît utile de rappeler les objectifs de ce que certains ont qualifié de « révolution ». La réforme de l’ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959 avait en effet pour ambition d’atteindre deux objectifs indissociables : d’une part, l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique, en substituant, au cœur de l’action publique, la logique d’objectifs et de résultats à la logique de moyens, ainsi qu’en responsabilisant davantage le gestionnaire public, et, d’autre part, le renforcement des prérogatives du Parlement en matière de contrôle budgétaire et d’évaluation.

Le principe de base de la nouvelle constitution financière est simple et, je crois, utile pour la lisibilité des politiques publiques : la dépense doit être examinée au premier euro, au regard de politiques publiques auxquelles on assigne des objectifs précis, définis dans un projet annuel de performance, mesurées ex post, à l’aide d’indicateurs dans des rapports annuels de performance.

L’utilisation des moyens affectés à une politique publique doit désormais être examinée à l’aune de leur efficacité, c’est-à-dire de la capacité du gestionnaire à atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Ce faisant, le centre de gravité du débat parlementaire budgétaire devrait logiquement − nous en sommes tous conscients − se déplacer vers l’examen des lois de règlement. De ce point de vue d’ailleurs, on peut dire que la loi organique relative aux lois de finances n’entrera totalement en vigueur qu’en 2007, lorsque nous examinerons, avant le PLF pour 2008, la loi de règlement pour 2006. Notre collègue Michel Bouvard a raison d’insister sur l’importance qu’il y a à tirer les conséquences de ces évolutions dans l’organisation de notre travail parlementaire.

Trop souvent, on établit, de façon caricaturale et injuste − le ministre de l’économie et des finances nous en a infligé, hier, une nouvelle démonstration −, une équivalence entre dépense publique et inefficacité, voire gabegie. Nous sommes de ceux qui pensent que le service public et l’action publique peuvent aussi rimer avec efficacité. Si l’on croit à la nécessité d’un État présent, si l’on croit à la légitimité de l’action publique, on se doit d’être attaché à l’efficacité de la dépense publique, car seule celle-ci − qui, s’agissant de l’action publique, ne peut se réduire à la simple rentabilité économique mais doit intégrer également la notion d’utilité sociale − permet d’asseoir durablement la légitimité de l’action publique, et donc des impôts et prélèvements qui servent à la financer.

En soi, la loi organique relative aux lois de finances est un outil pour une plus grande lisibilité de l’action publique et une meilleure efficacité de la dépense. Elle n’a aucun impact a priori sur son niveau ou sur le périmètre de l’État. La loi organique relative aux lois de finances n’est pas un vecteur de réduction de la dépense publique, pas plus d’ailleurs que d’augmentation de la dépense publique. C’est contre cette confusion, que le Gouvernement entretient trop souvent, que je tiens à m’élever aujourd’hui.

J’ai été surpris, monsieur le ministre, d’entendre le président d’une association d’anciens combattants se plaindre publiquement de l’insuffisance du budget dont il relève et l’attribuer à la LOLF, selon les propres indications du ministre. Cela n’est pas acceptable : le Gouvernement ne doit pas chercher à se réfugier derrière l’outil de la loi organique relative aux lois de finances lorsqu’il n’ose pas assumer les conséquences de ses choix budgétaires.

La LOLF n’est qu’un outil, vous l’avez honnêtement rappelé, monsieur le ministre du budget, même si j’ai cru entendre une appréciation quelque peu différente dans la bouche du ministre de l’économie et des finances. Cet outil doit servir à redonner à la décision politique toute sa lisibilité et sa légitimité. Il n’est pas nécessaire de lui faire dire autre chose.

De la même façon, en ce qui concerne la fonction publique et les inquiétudes sur le statut des fonctionnaires, il faut rappeler que les organisations syndicales représentatives ont une approche plutôt positive de la réforme, dont elles ne contestent pas les finalités. Mais il est important de souligner que la LOLF n’exige aucune modification du statut de la fonction publique. Au contraire, ce statut est parfaitement compatible avec la loi organique et offre même des possibilités d’amélioration de la gestion des ressources humaines afin de rendre plus concrets des progrès dans le dialogue social que des expérimentations ont permis de faire émerger.

Là encore, j’invite le Gouvernement à ne pas faire croire que la LOLF exige des modifications statutaires qu’il pourrait par ailleurs souhaiter mettre en place, mais qu’il ne se sent pas capable d’assumer comme tels.

Le corollaire de l’autonomie du gestionnaire est sa responsabilisation accrue. Cela passe notamment par un renforcement des prérogatives budgétaires du Parlement, avec une plus grande transparence, une meilleure lisibilité de nos comptes et des politiques publiques faisant l’objet d’une évaluation et d’un contrôle renforcé.

En dehors des questions de moyens, le contrôle est d’abord une question de volonté. Il ne suffit pas de modifier tel ou tel texte pour que, tout d’un coup, nous puissions avoir cette culture de contrôle et d’évaluation qui prime dans nombre d’autres pays. Le contrôle parlementaire, en dépit des pouvoirs dont il dispose, n’est pas encore totalement entré dans les mentalités, tant pour le contrôleur que pour le contrôlé. La culture de l’évaluation et du contrôle nous a été trop longtemps étrangère, sauf peut-être au Sénat. Il est nécessaire qu’elle s’impose davantage dans notre assemblée, et je souhaite que les efforts voulus par le président de la commission des finances puissent se concrétiser tout au long de l’année prochaine en complément des audits que vous avez vous-même lancés, monsieur le ministre.

Le vote d’une réforme ne suffit pas à modifier les choses. Les parlementaires doivent notamment refuser de céder à la logique de la soumission et de la démission, qu’impliquent trop souvent le fait majoritaire et le parlementarisme rationalisé. De ce point de vue, je ne suis pas complètement optimiste lorsque je vois la majorité UMP voter, l’an dernier, comme un seul homme l’affectation des dividendes des sociétés autoroutières à l’AFITF, chargée de réaliser diverses infrastructures, puis s’apprêter à accepter cette année, sans trop broncher et malgré quelques gesticulations, la privatisation des autoroutes et donc l’assèchement des finances de l’AFITF.

M. Jean-Louis Dumont. Belle contradiction !

M. Jean-Pierre Brard. Les « godillots », disait le Général ! Mais là, ce sont des godillots sans semelles ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Je tenais, monsieur le ministre, à revenir sur ce sujet, car, comme une très grande majorité de nos collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, je souhaite que la réforme soit une réussite et je ne voudrais pas que la confusion entretenue au niveau gouvernemental entre cet outil et la réduction a priori de la dépense publique et du nombre d’emplois publics fassent que cette réforme soit rejetée par les agents publics eux-mêmes et par une partie de la représentation nationale. Nous avons fait ensemble une belle réforme. Faisons en sorte que nous puissions l’appliquer, qu’elle soit exécutée dans le respect des principes de l’outil. Si vous y manquiez, vous prendriez le risque de remettre en cause le consensus qui était en vigueur jusque-là pour l’adoption et l’application de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Le père défend son enfant !

M. Didier Migaud. Je n’étais pas tout seul…

M. Jean-Louis Dumont. Ils s’y étaient mis à plusieurs !

M. Didier Migaud. …et mon point de vue est partagé par vous-même, me semble-t-il, monsieur le ministre : je salue d’ailleurs le travail accompli à cet égard par vos services, ce qui ne m’empêche pas de prendre mes distances avec des propos de votre ministre de tutelle.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut l’excuser : c’est un novice ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Mon avis est même partagé sur les bancs de l’UMP.

Nous sommes confrontés, depuis juin 2002, à une situation économique et sociale particulièrement dégradée, comme en témoignent tous les indicateurs économiques et sociaux. Ce constat objectif, servi par des données officielles émanant souvent de vos propres services, monsieur le ministre, permet de tirer un bilan très sévère de la gestion de trois ans et cent jours des gouvernements de droite qui se sont succédé, sans jamais beaucoup se différencier. J’avoue avoir été extrêmement surpris par les propos du ministre Thierry Breton. C’est à se demander s’il vit dans le même pays que nous.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, je suis sûr que non ! Il est sur son nuage !

M. Didier Migaud. Selon lui, tous les indicateurs sont au vert.

M. Jean-Louis Dumont. C’est la méthode Coué !

M. Didier Migaud. On est en droit de se demander si sa vue ne méritait pas d’être quelque peu corrigée, dans la mesure où ses propres services publient nombre d’indicateurs qui sont au rouge.

M. Jean-Pierre Brard. M. Breton ne fréquente pas le même monde que nous. Regardez plutôt ces photos ! (M. Brard brandit un magazine.)

M. le président. Monsieur Brard, gardez votre presse people pour vous !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas moi qui ai dit à M. Breton d’aller au mariage de Delphine !

M. Hervé Mariton. M. Brard est jaloux !

M. Jean-Pierre Brard. Jaloux d’aller manger à la sueur des travailleurs ? Certainement pas !

M. Jean-Marc Ayrault. M. Brard a été invité, mais il n’y est pas allé !

M. Didier Migaud. Du coup, en entendant le ministre de l’économie et des finances, hier après-midi, je pensais à cette fameuse chanson : Tout va très bien, Madame la Marquise.

M. Hervé Mariton. Ah ! ça, c’est du Brard dans le texte !

M. Didier Migaud. Non, c’est une chanson de Ray Ventura !

Hier soir, je me suis amusé à adapter cette chanson, en l’adressant à Thierry Breton. Voilà ce que cela donne :

M. le président. Vous allez la chanter ?... (Sourires.)

M. Didier Migaud. Non, je ne la chanterai pas ici, monsieur le président.

M. Hervé Morin. Chanter dans l’hémicycle est réservé aux députés UDF. (Sourires.)

M. Guy Drut. Copé pourrait vous accompagner au piano !

M. Didier Migaud. J’espère que le ministre me pardonnera la familiarité de la première phrase.

M. Didier Migaud. Allô, allô Thierry ! [mais je pourrais tout aussi bien dire Jean-Francois ou Dominique]

Quelles nouvelles ?

Absent depuis trois ans,

Au bout du fil

Je vous appelle :

Que trouverai-je à mon retour ?

Tout va très bien, mon cher compatriote,

Tout va très bien, tout va très bien.

Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise,

On déplore un tout petit rien :

Un incident, l’épaisseur du trait,

Les résultats sont en retrait,

Mais, à part ça, mon cher compatriote,

Tout va très bien, tout va très bien.

Allô, allô, Thierry !

Quelles nouvelles ?

Les résultats en retrait ?

Expliquez-moi

Car vos promesses ?

Comment cela s’est-il produit ?

Cela n’est rien, mon cher compatriote,

Cela n’est rien, tout va très bien,

Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise,

On déplore un tout petit rien :

La consommation a été étouffée,

Les ménages sont déprimés,

Par les augmentations d’impôts

Que le gouvernement a fait voter.

Mais, à part ça, mon cher compatriote,

Tout va très bien, tout va très bien.

Allô, allô, Thierry !

Quelles nouvelles ?

Les impôts ont augmenté ?

Expliquez-moi

Car vos promesses ?

Comment cela s’est-il passé ?

Cela n’est rien, mon cher compatriote,

Cela n’est rien, tout va très bien.

Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise,

On déplore un tout petit rien :

Les impôts ont baissé pour quelques privilégiés,

Mais pour les autres, ils ont bien augmenté !

Oh ! Pas assez pour empêcher les déficits d’exploser…

Mais, à part ça, mon cher compatriote,

Tout va très bien, tout va très bien.

Allô, allô, Thierry !

Quelles nouvelles ?

Les déficits ont explosé !

Expliquez-moi

Car je chancelle

Comment cela s’est-il produit ?

Eh bien ! Voilà, mon cher compatriote,

Dilapidant son héritage,

Votre gouvernement n’a pas été sage.

Il a distribué les largesses à ses publics,

Fait exploser les dépenses et la dette publiques.

Mais sermonné par Bruxelles et ses instances

Il a régulé à outrance,

Et pour le plus grand nombre,

Multiplié les souffrances.

Ne restent plus que les décombres.

Et c’est ainsi qu’en moins de trois ans

Tout a foutu le camp !

Mais, à part ça, mon cher compatriote,

Tout va très bien, tout va très bien. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Quel talent !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Il est meilleur que Brard. Il y a de la concurrence !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, il est très bon !

M. Didier Migaud. Je me permettrai, bien évidemment, de remettre le texte à Thierry Breton. (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Faites !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes mauvais public, en face !

M. Michel Bouvard. M. Migaud renouvelle le genre !

M. Didier Migaud. Sans revenir sur le constat que nous avons présenté durant l’examen de la loi de règlement pour 2004, je voudrais insister sur les conséquences négatives de ces mauvais résultats sur l’attractivité de notre territoire dont le Gouvernement a pourtant, dans ses discours, fait une de ses priorités. Je voudrais également analyser les derniers indicateurs conjoncturels qui sont à notre disposition, pas ceux en devenir comme nous a dit le ministre de l’économie et des finances, et qui permettent de contredire, malheureusement, le discours optimiste du Gouvernement.

La croissance française stagne dans un environnement international pourtant porteur : la croissance mondiale cumulée depuis 2002 est plus forte que celle cumulée entre 1998 et 2001. Pourtant, depuis 2002, la croissance n’a jamais retrouvé les niveaux atteints entre 1997 et 2001, qui faisaient que notre pays se situait au-dessus de la moyenne des pays européens. Désormais, monsieur le ministre du budget, contrairement à ce que vous affirmez parfois, la croissance est, en France, inférieure à celle de la zone euro : au deuxième trimestre 2005, la croissance de la zone euro a été de 0,3 %, contre seulement 0,1 % en France. Ça, c’est la vérité des chiffres, ceux de votre ministère.

Alors que la compétitivité s’est fortement améliorée entre 1997 et 2001, en termes de coûts ou de prix, elle se dégrade depuis. La compétitivité de notre économie influence notamment les décisions d’investissement. Parmi les critères dégagés par l’Agence française pour les investissements internationaux, qui fondent, normalement, la compétitivité et l’attractivité de notre territoire, figurent notamment les infrastructures, la productivité de la main-d’œuvre et les coûts salariaux.

Ce sont des points forts de notre économie : sans évoquer la qualité reconnue de nos services publics, que vous êtes parallèlement en train de démanteler pour une grande part, la France possède la deuxième meilleure productivité au monde.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Surtout avec les 35 heures !

M. Didier Migaud. Ses coûts salariaux sont bien moins importants que ceux des Etats-Unis par exemple et ils sont inférieurs à la moyenne de l’Union européenne à quinze.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est totalement faux !

M. Hervé Mariton. Vous parlez des coûts salariaux à l’heure !

M. Didier Migaud. Je peux vous communiquer les chiffres, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Pierre Brard. Eurostat !

M. Didier Migaud. En procédant à des régulations budgétaires massives et aveugles, qui ont particulièrement porté sur les dépenses d’investissement, les gouvernements de droite ont contribué à affaiblir la France dans ses points forts, ce qui peut expliquer en partie le déclin en termes de compétitivité que connaît notre pays depuis 2002.

La conséquence de cette dégradation se traduit par une forte baisse des investissements étrangers en France, alors que ceux-ci progressaient jusqu’en 2001.

Tenue à l’écart du dynamisme mondial, en perte de compétitivité, la France renoue malheureusement mais logiquement avec ses vieux démons : le solde des transactions courantes affiche un déficit en 2004, pour la première fois depuis 1991. Vous ne vous en vantez pas et vous avez raison, mais puisque vous parlez de budget vérité, il faut bien dire les choses.

Les perspectives sont inquiétantes, contrairement à ce qui a pu être dit hier.

Pour 2005, les mauvaises nouvelles s’accumulent et rien ne laisse présager un rebond en 2006. Selon la dernière note de conjoncture de l’INSEE, au deuxième trimestre 2005, les indicateurs sont mal orientés :

L’investissement des entreprises a reculé de 1 % ;

L’emploi salarié a stagné ;

Le taux de chômage n’a pas diminué, il est toujours de 9,9 % par rapport à la population active fin août ;

Le nombre de bénéficiaires du RMI explose, sur la lancée des plus 8,4 % de 2004.

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui, et les transferts aussi explosent !

M. Didier Migaud. Malgré vos discours, monsieur le ministre, l’État ne respecte pas, Augustin Bonrepaux aura l’occasion d’y revenir, ses engagements à l’euro près vis-à-vis des départements.

M. Paul Giacobbi. C’est à la centaine ou au millier d’euros près !

M. Didier Migaud. Le pouvoir d’achat a stagné, plus 0,2 %, et la consommation des ménages a légèrement baissé, de 0,2 %, je parle toujours du deuxième trimestre 2005, et le rebond lié aux soldes cet été traduit surtout l’impossibilité des ménages à consommer autrement qu’en période de soldes.

L’inflation a fortement augmenté, pour atteindre 2,2 % sur les douze derniers mois en septembre, principalement à cause de l’envolée du prix des produits pétroliers, ce qui ampute d’autant le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et le Gouvernement continue de refuser de réagir vigoureusement devant cette flambée des prix, contrairement, une fois de plus, au discours qu’il tient.

Enfin, le solde des transactions courantes s’est brutalement dégradé depuis le début de l’année.

Sur le plan des finances publiques, on peut résumer l’exercice budgétaire 2006 ainsi : le déficit va se creuser de plusieurs milliards d’euros et les prélèvements obligatoires vont augmenter de près de 30 milliards d’euros pour représenter 44 % du produit intérieur brut.

Là aussi, je pourrais reprendre le rapport du rapporteur général, qui est toujours une mine de renseignements très intéressante, une vraie source d’informations.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Merci de le reconnaître.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un expert qui parle !

M. Didier Migaud. Je ne sais pas si je suis expert en la matière, mais je fais le constat que lorsqu’on est dans l’opposition, on trouve toujours le rapporteur général meilleur à l’écrit qu’à l’oral. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Eh oui. Vous me faisiez parfois cette observation lorsque j’étais moi-même rapporteur général.

M. Michel Bouvard. C’est vrai, je m’en souviens très bien.

M. Didier Migaud. Outre des informations intéressantes, le rapport se réfère, comme il est de tradition à la commission des finances, à un certain nombre d’indicateurs qui restent constants, quelles que soient les majorités.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les agrégats !

M. Didier Migaud. En effet.

Cela fait que, de temps en temps, il peut y avoir des différences entre l’analyse du ministère de l’économie et des finances et celle de la commission des finances, j’y reviendrai.

Dans son rapport, le rapporteur général évoque de « substantielles réductions d’impôts ». Je me demande, et cette question pourrait s’adresser également au ministre du budget, comment on peut avoir d’un côté de substantielles réductions d’impôts et, de l’autre, une sensible augmentation du taux de prélèvements obligatoires, c’est-à-dire des impôts, charges, prélèvements, directs et indirects, pesant sur l’ensemble des contribuables.

M. Jean-Pierre Brard. Là, Descartes ne s’y retrouve plus !

M. Didier Migaud. La réponse n’est sans doute pas facile à trouver, je comprends votre sourire gêné, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ma réponse serait la même que celle qu’a donnée Dominique Strauss-Kahn il y a quelques années quand il était confronté au même problème.

M. Didier Migaud. Votre référence à Dominique Strauss-Kahn n’est peut-être pas suffisante pour rendre votre réponse pertinente.

M. Jean-Pierre Brard. Et surtout convaincante !

M. Didier Migaud. Dominique Strauss-Kahn ne m’en voudra pas de dire cela.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il a d’autres raisons…

M. Didier Migaud. Vous nous faites beaucoup de discours, monsieur le rapporteur général, comme le ministre du budget d’ailleurs, sur le poids de la dette. Vous avez raison. Mais il faut bien reconnaître que, malheureusement, l’endettement s’est plutôt creusé depuis que vous êtes aux affaires.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Jean-Pierre Soisson. Hélas !

M. Didier Migaud. Vous parlez beaucoup d’équilibre budgétaire. Le rapporteur général nous entretient de sa règle des 10 milliards. Mais vous n’êtes même pas en mesure d’équilibrer ce que l’on appelle le solde primaire, qui avait été équilibré sous la législature précédente, en 1999, en 2000 et en 2001. C’est pourtant ce qui permet de limiter progressivement l’endettement de la France. J’invite à ce propos Pierre Méhaignerie, que je sais très sensible à ces questions, à militer davantage pour que le Gouvernement respecte ce principe d’équilibre du solde primaire, c’est-à-dire qu’il équilibre ses comptes avant de commencer à rembourser sa dette.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En mars 2002, le solde n’était déjà plus à l’équilibre.

M. Didier Migaud. Oui, mais en 1999, 2000, 2001, nous y étions parvenus. En 2002, 2003, 2004 et 2005, vous n’y arrivez pas.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais dès le mois de mars 2002, il n’était déjà plus équilibré.

M. Hervé Mariton. Rappelez-vous le PLF 2002 !

M. Didier Migaud. Je serai d’ailleurs très intéressé à ce que nous poursuivions le débat sur ce sujet-là. Chacun se souvient du jugement d’Alain Juppé sur le gouvernement précédent et de la crainte qu’avait éprouvée ce même Alain Juppé en 1997 de ne pas pouvoir qualifier la France pour l’euro, ce qui avait d’ailleurs motivé la dissolution de l’Assemblée.

Le poids de la dépense publique dans le PIB s’est accru car, contrairement à ce que vous dites, vous ne maîtrisez pas l’évolution de la dépense publique, j’y reviendrai aussi dans un instant.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Didier Migaud. Ces deux indicateurs cruciaux ont été améliorés entre 1997 et 2001 et vous les dégradez depuis que vous êtes revenus aux affaires.

Les tableaux montrent que, depuis 2002, la dépense publique augmente, tout simplement parce que vous avez procédé à un rebasage en 2002 et que vous avez des priorités qui ne sont pas les nôtres. Vous dépensez plus alors même que les besoins publics sont de moins en moins couverts et que les politiques publiques sont de plus en plus remises en cause. C’est un des paradoxes, une des contradictions de votre gestion.

De même, le solde primaire est redevenu négatif à partir de 2002 alors qu’il avait été positif auparavant et en 2006, le Gouvernement prévoit un écart de 0,5 point de PIB entre le solde effectif et le solde stabilisant, ce qui, malheureusement, va se traduire mécaniquement, monsieur le ministre, par une nouvelle augmentation du poids de la dette à 66 %, et ce malgré des taux d’intérêt très bas.

Le rapporteur général peut bien se transformer en professeur Tournesol des finances publiques et nous faire croire qu’il a trouvé la martingale avec sa règle des 10 milliards, mais cette pseudo-règle n’est, je crois, pas pertinente. Elle ne signifie rien de sérieux, comme tous les raisonnements en valeur absolue d’ailleurs, à la différence du solde primaire qui est une notion reconnue par tous les spécialistes des finances publiques.

Le rapporteur général peut bien tenter de démontrer que si la précédente majorité avait géré nos finances publiques comme l’actuelle, celles-ci se porteraient mieux,…

M. Hervé Mariton. C’est vrai !

M. Didier Migaud. …si nous avions fait comme vous, le nombre de chômeurs n’aurait pas baissé de 1 million…

M. Michel Bouvard. Il a remonté avant la fin de la précédente législature !

M. Didier Migaud. …et je n’ose imaginer alors l’état de nos finances publiques. En réalité, vous cherchez à masquer vos turpitudes en inventant de nouvelles règles, de nouveaux indicateurs, comme ce « solde structurel », inventé naguère par Nicolas Sarkozy, parce que vous êtes difficilement capables d’affronter les résultats de votre gestion.

Nous estimons que ce projet de loi de finances est malheureusement construit sur du sable, c'est-à-dire sur des hypothèses économiques irréalistes et une norme de progression de la dépense artificiellement respectée. Il nous paraît par ailleurs en décalage complet avec les problèmes rencontrés par les Français.

Concernant les prévisions des croissance, j’ai entendu ce qu’a dit le ministre de l’économie, hier, mais la moyenne des prévisions du groupe technique de la commission économique de la Nation, réunie en septembre, était de 1,8 %. Un seul conjoncturiste prévoyait un déficit public inférieur à 3 % en 2006, la moyenne étant à 3,3 %. Vous avez sollicité ces conseils, vous dites les entendre, les écouter, mais vous avez décidé de ne pas en tenir compte ! Selon vous la croissance serait de 2,25 % et le déficit public de 2,9 %. Il n’est pas besoin d’insister sur le caractère utopique de ces prévisions après avoir rappelé comment évoluent les indicateurs conjoncturels en ce moment. Je pense que vous auriez été mieux inspirés de suivre la pratique de votre prédécesseur qui, l’année dernière, s’était calé, avec une juste prudence, sur le consensus des économistes.

La LOLF, monsieur le ministre, interdit un certain nombre de pratiques budgétaires, contraires au principe de sincérité, et veut mettre fin au démantèlement du budget de l’État. Sans être conformes à l’esprit de la LOLF, la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales et les débudgétisations restent cependant possibles si elles sont encadrées. Mais ces manœuvres sont désormais plus visibles, et les turpitudes du Gouvernement apparaissent ainsi au grand jour. On peut donc se réjouir que la LOLF agisse comme un détecteur de mensonges, quand votre ministère ou votre majorité se laisse aller à présenter un projet de loi de finances peu conforme aux principes de vérité et de sincérité.

La première série de trucages consiste en une débudgétisation massive de dépenses, au rang desquelles les 19 milliards d’euros ou presque de dépenses liées à la compensation des allègements de cotisations sociales. Il y a deux raisons à cette débudgétisation qui contredit les discours enflammés que l’actuelle majorité a tenus à l’encontre du FOREC – j’ai en mémoire quelques propos du rapporteur général actuel et de Pierre Méhaignerie : d’une part, cela permet au Gouvernement de faire croire qu’il respecte la norme de progression de la dépense, d’autre part, en intégrant ces allègements dans le barème de cotisations, on les transforme en droits acquis pour l’employeur, quel que soit le comportement de ce dernier, ce qui pourrait permettre d’éviter qu’ils soient à l’avenir conditionnés à des créations d’emplois ou à des augmentations de salaires. Or les études ont démontré que ces allègements ne sont efficaces en termes d’emplois que s’ils sont conditionnés – on l’a vu avec les 350 000 créations d’emplois liées aux 35 heures.

Mais, par idéologie et par électoralisme, votre majorité refuse de considérer ces allègements autrement que comme de simples allègements de cotisations au bénéfice des employeurs. Nous attendons donc avec impatience, monsieur le président de la commission des finances, le résultat du travail que vous avez vous-même souhaité sur l’évaluation de la politique d’allègement des cotisations employeurs ; elle représente pratiquement 22 milliards d’euros en 2006, et rares sont ceux capables de dire si ces 22 milliards sont utilisés avec la plus grande efficacité.

Il ressort aussi des documents budgétaires que le Gouvernement prive le budget de l’État de recettes fiscales nécessaires au financement des politiques publiques. Ainsi, nonobstant sa politique fiscale qui consiste à diminuer le produit de l’impôt sur le revenu et de l’ISF en baissant l’imposition des foyers les plus aisés, le Gouvernement prive cette année l’État de plus de 20 milliards d’euros de recettes fiscales en les transférant à d’autres opérateurs : Sécurité sociale, ADEME, UESL, FNAL, Conservatoire du littoral, transferts aux collectivités locales, etc. C’est, à grande échelle, une entreprise de paupérisation de l’État !

A ces transferts s’ajoutent en outre la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Cette année, ce sont les transformations de l’an dernier qui produisent leur effet budgétaire, privant l’État de recettes fiscales et minorant d’autant les dépenses. La seule transformation du prêt à taux zéro en crédit d’impôt représente 500 millions d'euros. Quant à la création de niches fiscales, elle se poursuit, contrairement aux affirmations du président de la commission des finances, avec douze dispositions au moins, sans compter celles annoncées pour le marché de l'art par le Premier ministre lui-même, qui créent ou majorent une niche fiscale.

M. Hervé Morin. Exact !

M. Didier Migaud. En voici la liste : Accélération du rythme des donations en franchise de droits, abaissement de l'âge du donateur pour le bénéfice de réductions de droits, instauration d'un abattement sur les donations au sein d'une fratrie ainsi qu'au profit des neveux ou nièces, création d'un allégement de taxe sur le foncier bâti, suite à une mobilité professionnelle, allégement du foncier non bâti pour les exploitants agricoles, « bouclier fiscal » au bénéfice des fortunes les plus taxées au titre de l'ISF, suppression de tranches du barème de l'IRPP et intégration de l'abattement de 20 % dans ce barème, faux plafonnement des niches qui consiste en réalité à en sanctuariser certaines, prorogation des niches fiscales ciblées sur l'innovation, crédit d'impôt pour l'acquisition d'un véhicule propre, majoration du crédit d'impôt pour dépenses d'équipement…

Et j'en passe ! Sans doute certaines de ces mesures sont-elles pertinentes mais, au moment où vous prétendez vouloir plafonner les niches fiscales et les évaluer avant d’en créer de nouvelles, elles manquent de cohérence et ne suffisent manifestement pas à votre majorité qui s'apprête, conformément à un amendement de M. Hervé Mariton, à voter une nouvelle exonération d'ISF pour les actionnaires minoritaires faisant ainsi disparaître un nouvel élément de l'assiette de cet impôt.

Du fait de ces trucages, la norme de progression de la dépense dite « zéro volume » est une vaste supercherie ! Sans les nombreuses débudgétisations que contient le projet de loi de finances, la progression de la dépense serait très supérieure : la seule débudgétisation des allégements de cotisations représente l'équivalent d'une progression de 0,4 % en volume, ce qui donne un total plus proche de 2,5 % voire de 4,9 % ou de 5,4 %, si on se fie au rapporteur général. Je vous renvoie au tableau de la page 39 du rapport, qui montre que, selon les agrégats de référence du ministre de l’économie et des finances, on est à 1,8 %, alors que, selon une tradition constante de la commission des finances, on est en réalité à 4,9 %...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Soit le même niveau qu’à votre époque en incluant le FOREC.

M. Didier Migaud. …et à 5,4 % si on prend pour référence d’autres agrégats. Je renvoie au rapport du rapporteur général, excellent à l’écrit, plus partisan ou plus incomplet à l’oral.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme vous ?

M. Didier Migaud. Je ne prétends pas détenir la vérité, mais j’essaie de me baser sur des éléments précis, monsieur le ministre, et je constate non seulement qu’il y a des choses inscrites dans le rapport du rapporteur général mais également que la Cour des comptes a eu l’occasion, sur l’exercice 2004, de montrer combien votre norme d’évolution de la dépense publique était faussée. Le chiffre auquel parvenait la Cour des comptes était très supérieur au chiffre auquel vos propres services parvenaient, ce qui montre bien que l’opposition n’a pas, s’agissant de cette question une vue simplement partisane des choses mais qu’elle est aussi capable de s’exprimer objectivement.

Nous regrettons que, parallèlement à cette non-maîtrise de la dépense publique, un des paradoxes de votre gestion fasse que beaucoup de politiques publiques soient remises en cause.

La multiplication des recettes exceptionnelles, dites recettes de poche, est également particulièrement forte cette année, comme le reconnaît d'ailleurs le rapporteur général dans son rapport, en usant de formules plus diplomatiques. Les entreprises publiques ou à participation de l'État sont particulièrement concernées. Elles ont engendré un résultat net de 7,6 milliards d'euros, ce qui permet de démentir les idéologues libéraux selon lesquels « entreprise publique » signifie forcément « gabegie ». Le Gouvernement n'hésite donc pas à se servir dans cette cagnotte, puisque les recettes liées aux participations de l'État augmentent de 1,8 milliard d’euros, dont un prélèvement exceptionnel sur EDF de 688 millions d’euros ! D'autres prélèvements exceptionnels sont prévus, notamment sur le fonds d'épargne géré par la Caisse des dépôts, sur le fonds de garantie à l'accession sociale, sur Réseau ferré de France – ce qui, au sein de la commission des finances, a ému jusqu’aux membres de l’UMP…

M. Jean-Pierre Brard. Exactement ! La vente des rails et du ballast !

M. Didier Migaud. …et presque un milliard enfin sur les sociétés autoroutières, soit au total près de 3,35 milliards, c'est-à-dire pratiquement la moitié du résultat total des entreprises publiques. Ces prélèvements sont importants. Ils sont en contradiction avec les autres ambitions du Gouvernement. Lorsqu'ils concernent les fonds du livret A ou le FGAS, ils menacent directement le financement du logement social et révèlent l'absence de moyens budgétaires du Gouvernement pour mener sa politique du logement. Lorsqu'ils portent sur EDF ou les sociétés autoroutières, ils témoignent de l'irresponsabilité de ce même gouvernement, qui s'apprête à privatiser, et donc à démanteler, deux piliers du développement économique français, fondé notamment sur l'indépendance énergétique, gage d'une énergie peu coûteuse et moins polluante en termes de réchauffement climatique, et le développement d'infrastructures routières de qualité, élément incontestable d'attractivité de notre territoire. Et si le Gouvernement voulait démontrer qu'en privatisant à bas prix les autoroutes il va priver durablement l'État de recettes importantes pour tenter de boucler la fin de la législature, il ne s'y prendrait pas autrement !

Votre politique nous paraît aussi profondément injuste. Selon l'INSEE, 90 % des foyers paient plus de prélèvements sociaux que d'impôt sur le revenu. Pourtant, le Gouvernement a décidé de baisser l'impôt sur le revenu et l'ISF tout en augmentant les prélèvements sociaux. Pour justifier cette politique inique, il tronque les graphiques, travestit la réalité et fait souvent passer des vessies pour des lanternes. Concernant l'impôt sur le revenu, les graphiques mis en avant par Bercy sont trop beaux pour être honnêtes. Il est intéressant à cet égard de prolonger les courbes qui s'arrêtent opportunément à 60 000 euros de revenus : cela permet en effet de se rendre compte que, si ce que vous appelez les « classes moyennes » semblent bénéficier des mesures fiscales que vous proposez, monsieur le ministre, les plus hauts revenus sont en réalité les gros gagnants de cette réforme : plus on gagne, plus on est gagnant !

M. Jean-Pierre Brard. C’est normal, les pauvres ne savent pas dépenser !

M. Didier Migaud. Les réductions de quelques euros qui pourront concerner certains ménages modestes sont peu de chose par rapport aux milliers, voire aux dizaines de milliers d’euros que pourront percevoir en plus les contribuables qui relèvent des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Pierre Brard. Mais ils ont plus de frais, pour les mariages, par exemple !

M. Didier Migaud. Le bouclier fiscal constitue une belle imposture et une formidable aubaine pour un petit nombre de nos concitoyens.

C’est une imposture, parce qu’elle tend à faire croire aux Français qu’ils seront une très grande majorité à profiter d’un tel plafonnement, alors que c’est faux. En réalité, en dehors de cas exceptionnels, seuls quelques milliers de contribuables fortunés assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune sont concernés. Il y a 2 000 contribuables qui sont plafonnés du fait de la mesure Juppé, celle qui vous a beaucoup dérangés et dont vous êtes à l’origine.

Toutes les études effectuées sur notre système de prélèvement démontrent que seuls quelques milliers de contribuables subissent un taux marginal de prélèvements supérieur à 60 % sur l’ensemble des prélèvements et qu’une infime minorité de contribuables subit des taux moyens de taxation supérieurs à 50 %. Sans parler des 50 % de Français qui ne gagnent même pas assez pour être imposables sur le revenu ! Pour atteindre un taux moyen effectif de taxation de 40 % au titre de l’impôt sur le revenu, un couple marié sans enfant doit déclarer autour de 300 000 euros !

A la question : « N’est-ce pas un moyen détourné de toucher à l’impôt de solidarité sur la fortune ? », posée le 23 septembre dernier par le journal La Tribune, la responsable de l’optimisation fiscale d’un cabinet de conseil répondait : « C’est certain. » – Elle, elle n’est pas emberlificotée dans des discours politiques – « On considère généralement que les fortunes supérieures à 5 millions d’euros sont concernées. Cette mesure est donc incontestablement une bonne nouvelle pour les foyers fortement imposés à l’ISF. »

M. Jean-Pierre Brard. D’ailleurs, ils ne se plaignent pas !

M. Didier Migaud. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’une des responsables d’un cabinet de conseil fiscal.

Si c’est l’ISF que le Gouvernement veut supprimer, qu’il le dise et l’assume. Et qu’il cesse de mettre en avant le cas, habilement monté en épingle, de quelques contribuables de l’île de Ré pour tenter d’apitoyer l’opinion publique alors que même le maire UMP de La Flotte trouve cette polémique totalement déplacée !

Surtout, il faut que la majorité cesse de faire croire que, en raison de la flambée des prix de l’immobilier, tout un chacun peut désormais être assujetti à l’ISF du fait de sa résidence principale et que cet assujettissement serait insupportable ! En réalité, il faut détenir un patrimoine près de dix fois supérieur au patrimoine moyen pour être assujetti à l’ISF du fait de sa résidence principale. Et, dans ce cas, la cotisation à l’impôt de solidarité sur la fortune reste modeste et très inférieure à une taxe d’habitation ou à une taxe foncière.

Ainsi, un couple parisien doit-il acquitter pour un appartement de soixante mètres carrés, dans le centre de Paris, une taxe foncière de 380 euros et une taxe d’habitation de 350 euros. C’est d’ailleurs plutôt faible par rapport aux taux en vigueur dans beaucoup d’autres communes !

M. Jean-Pierre Brard. En banlieue notamment !

M. Didier Migaud. Et c’est une somme supérieure à la cotisation d’ISF due au titre de la résidence principale.

Nous avons fait les petites annonces, monsieur le ministre, et nous avons pris quelques exemples pour apprécier le poids réel de l’ISF sur l’immobilier. Je ne vous ferai pas l’injure de rappeler comment est calculé l’impôt de solidarité sur la fortune, vous le savez. Je ne reprendrai pas non plus les détestables propos tenus, hier, par M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, nous expliquant ce qu’était une loi de finances.

M. Jean-Pierre Brard. C’était une première leçon ! Il faut être indulgent !

M. Didier Migaud. C’était peut-être une révision nécessaire pour lui, mais il y a une certaine indécence…

M. Gérard Bapt. Une indécente arrogance !

M. Didier Migaud. …à venir expliquer aux membres de la commission des finances, qui sont parlementaires depuis des années, ce qu’est un budget et ce qu’il signifie pour des responsables politiques.

M. Jean-Pierre Soisson. Le ministre parlait aux Français !

M. Jean-Pierre Brard. Les Français n’étaient pas là, monsieur Soisson !

M. Didier Migaud. Le ministre était dans l’hémicycle, monsieur Soisson, pas à la télévision !

M. Jean-Pierre Brard. A la télé, il est encore plus mauvais !

M. Didier Migaud. Un cinq pièces de 131 mètres carrés est aujourd’hui mis en vente dans le 7e arrondissement de Paris,…

M. Jean-Pierre Brard. Un arrondissement prolétaire !

M. Didier Migaud. …au Champ-de-Mars, avec vue sur la tour Eiffel, à 950 000 euros. Et savez-vous quelle sera la cotisation au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune pour la propriété de ce bien ?

M. Gérard Bapt. Non !

M. Didier Migaud. Elle sera de 154 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Oh ! là ! là !

M. Gérard Bapt. C’est trop !

M. Didier Migaud. Quel drame !

J’ai un autre exemple, pris à Nice : une maison de 300 mètres carrés, de huit pièces, superbe villa contemporaine, sur un terrain de 1 150 mètres carrés avec piscine, vue sur mer et verdure – la publicité parle d’un « havre de paix ». Et savez-vous quelle sera la cotisation ISF pour un tel bien ?

M. Jean-Pierre Brard. Combien coûte la maison ?

M. Didier Migaud. Elle est mise en vente 929 176 euros, soit un peu plus de 6 millions de francs.

M. Jean-Pierre Brard. Il y a une mallette avec ?

M. Didier Migaud. La cotisation au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune sera de 62,4 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Mais comment vont-ils faire ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est trop ! C’est scandaleux !

M. Didier Migaud. C’est insupportable !

M. Jean-Pierre Brard. Que font les libéraux ?

M. Didier Migaud. Toujours dans les petites annonces, on trouve, pour 960 000 euros – cela reste raisonnable ! –, un élégant château Napoléon III, avec des parquets, des cheminées, des moulures, une galerie, trois belles réceptions, une cuisine équipée, un office, un cellier, une salle de billard, un bureau, dix chambres, une maison de gardien, un corps de ferme avec logis, grange, écurie, serre, l’ensemble sur parc de quatre hectares…

M. Jean-Pierre Soisson. Et trois ratons laveurs, pendant que vous y êtes !

M. Didier Migaud. …clos de murs en grande partie avec arbres centenaires et bassin !

M. Hervé Mariton. C’est minable !

M. le président. Vous faites de la promotion immobilière, monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud. Et savez-vous, monsieur le ministre Soisson, quelle est la cotisation au titre de l’ISF pour un tel bien évalué à 960 000 euros ? Elle est de 198 euros !

M. Gérard Bapt. C’est excessif !

M. Jean-Louis Dumont. Il faut faire quelque chose !

M. Didier Migaud. Tout cela pour montrer à quel point il est indécent de mettre en avant le poids insupportable de l’impôt de solidarité sur la fortune sur certaines propriétés immobilières ! Oui, monsieur Soisson, c’est indécent et je n’ai pas peur de le dire ici à l’Assemblée nationale, du haut de cette tribune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Soisson. Vos propos sont indignes d’un ancien rapporteur général !

M. Didier Migaud. Ce qui est indécent aussi, monsieur Soisson, ce sont les mesures que vous allez soutenir. C’est le bouclier fiscal qui permettra à tel riche contribuable, à tel chef d’entreprise d’acquérir une propriété en Corse ou dans un autre département très touristique et de se voir rembourser ses impôts locaux, alors que son voisin, bénéficiant de revenus beaucoup moins importants, sera, lui, contraint de les payer.

M. Daniel Poulou. Démago !

M. Didier Migaud. Vous trouvez, monsieur le ministre, que cela correspond à la justice fiscale dont vous nous avez parlé hier en disant que c’était ce qui conditionnait votre raisonnement ?

M. Jean-Pierre Soisson. Les résidences secondaires ne sont pas concernées par le bouclier !

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons pas accepter cela. Nous vous le disons, monsieur le ministre, avec la conviction qui est la nôtre. Nous estimons que c’est une politique particulièrement injuste. Vous dites ne pas faire de l’impôt de solidarité sur la fortune un problème, ne pas focaliser dessus, mais depuis trois ans vous n’arrêtez pas d’en parler !

M. Jean-Pierre Soisson. Qui en parle aujourd’hui ? C’est inouï !

M. Didier Migaud. Je réponds à des questions, monsieur Soisson ! D’ailleurs, vous étiez plus sensible à ce type de problème lorsque vous étiez dans d’autres majorités, ce qui était d’ailleurs tout à votre honneur !

M. Jean-Pierre Soisson. Je n’ai pas changé !

M. Didier Migaud. Si, vous avez bien changé en changeant de majorité. Pour notre part, nous n’avons pas changé de convictions.

M. Jean-Pierre Brard. M. Soisson est un disciple d’Edgar Faure ! Il n’ignore rien de l’art de la girouette !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de vous calmer et de laisser parler M. Migaud ! Il ne pourra pas poursuivre sa démonstration si vous l’interrompez tout le temps, monsieur Brard, et vous risquez de ne pas pouvoir intervenir avant la fin de la séance de cet après-midi !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas grave ! Je reviendrai demain !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Brard ! Monsieur Migaud, veuillez poursuivre !

M. Didier Migaud. S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, vous m’avez fait l’honneur de me citer, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Brard. Comme contributeur ? (Sourires.)

M. Didier Migaud. Non !

M. Jean-Pierre Brard. Ah, je suis rassuré !

M. Didier Migaud. Peut-être cela viendra-t-il un jour !

Vous avez repris une phrase que j’aurais pu effectivement prononcer soit dans une interview, soit dans un rapport que j’ai commis sur la fiscalité du patrimoine lorsque j’exerçais les fonctions de rapporteur général et qui s’intitulait « Pour plus de justice et d’efficacité ». Mais lorsqu’une phrase est sortie de son contexte,…

M. Hervé Mariton. Excuse classique !

M. Didier Migaud. …on peut s’interroger sur le caractère convenable de la méthode, pour ne pas utiliser une expression qui serait blessante à votre égard.

M. Hervé Mariton. Nous comprenons que vous ne démentez pas !

M. Jean-Pierre Brard. C’est du Tarik Ramadan !

M. Didier Migaud. J’ai fait des propositions,…

M. Hervé Mariton. Lesquelles ?

M. Jean-Pierre Brard. Élargir l’assiette de l’ISF !

M. Didier Migaud. …parce que je pense, comme d’ailleurs certains de mes collègues à gauche, que si cet impôt mérite quelques ajustements, l’on ne doit en aucune façon pouvoir remettre en cause le rendement qui est le sien. Les propositions que j’ai formulées…

M. Hervé Mariton. Rappelez-les nous !

M. Didier Migaud. …et qui se trouvent dans ce petit livre…

M. Hervé Mariton. Vous pourriez nous l’offrir !

M. Didier Migaud. Vous le trouverez à la distribution !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut élargir l’assiette des contribuables !

M. Didier Migaud. Je proposais en effet d’élargir l’assiette de cet impôt…

M. Jean-Pierre Brard. Voilà ! Très bien !

M. Didier Migaud. …et de raisonner toujours à rendement constant, c’est-à-dire le contraire de ce que vous proposez aujourd’hui, à savoir une réduction de l’assiette et une remise en cause du rendement de cet impôt de solidarité sur la fortune. Ce sont des propositions d’une philosophie complètement différente et il vaut mieux assumer cette différence plutôt que de vouloir faire dire à un élu ce qu’il n’a pas voulu dire.

Pour terminer sur ce chapitre des baisses d’impôts, qui, une fois de plus, ne concernent qu’une partie de nos concitoyens alors que la très grande majorité d’entre eux subissent des augmentations de cotisations et d’impôts, je citerai Pierre Méhaignerie, le président de la commission des finances.

M. Hervé Mariton. Ne sortez pas du contexte !

M. Didier Migaud. Non !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je crains que si !

M. Didier Migaud. De tels propos avaient d’ailleurs également tenus par l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, Francis Mer, qui avait expliqué à cette tribune que la réduction de l’impôt sur le revenu n’avait pas du tout produit les effets escomptés au regard de l’efficacité économique.

M. Gérard Bapt. Tout à fait !

M. Didier Migaud. Quant à Pierre Méhaignerie, il nous disait, lors de la deuxième séance de l’Assemblée nationale du 6 juillet dernier : « J’étais de ceux qui pensaient que nous ne devions pas baisser l’impôt sur le revenu. »

M. Gérard Bapt. Il avait raison !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Disons que je ne considère pas la baisse de cet impôt comme une priorité !

M. Didier Migaud. « Nous avons perdu ainsi 7 milliards d’euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures. »

M. Gérard Bapt. On s’en souvient !

M. Pascal Terrasse. C’est consigné au Journal officiel !

M. Didier Migaud. Cela ne correspond pas tout à fait à vos chiffres, monsieur le ministre. J’ai cru comprendre que le point de vue de M. Méhaignerie était partagé par certains collègues de l’UMP, mais, comme par hasard, ils s’apprêtent à voter comme un seul homme une réduction supplémentaire de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune qu’ils considèrent comme peu efficace et comme ayant fait perdre des marges de manœuvre au Gouvernement et à l’État !

M. Jean-Pierre Brard. Ils sont venus à résipiscence suite à une retraite ordonnée par Accoyer !

M. Didier Migaud. Cette citation du président de la commission des finances illustre parfaitement combien les mesures supplémentaires que vous nous proposez sont injustes et inefficaces au regard des conséquences qu’elles pourraient avoir sur la situation économique et sociale de notre pays. Cela conduit d’ailleurs aux résultats que nous subissons aujourd’hui. Dès lors, plutôt que de nommer quatre ministres de l’économie et des finances successifs depuis juin 2002,…

M. Jean-Pierre Brard. On va de Charybde en Scylla !

M. Didier Migaud. …c’est de politique économique et sociale qu’il aurait fallu changer.

J’aborde maintenant le problème des collectivités locales avant d’en venir à nos propositions.

Je le mentionne à l’occasion de cette question préalable, mais nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir tout au long de la semaine, au fil de la discussion, puisque c’est un sujet qu’Augustin Bonrepaux souhaite développer : le procès que vous faites aux élus locaux ou aux collectivités locales, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, est inacceptable. Il ne correspond pas à la réalité.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si, hélas !

M. Didier Migaud. Je regrette que ceux qui, parmi nous, siègent dans des associations d’élus de différentes tendances et y formulent des observations d’autant plus pertinentes qu’elles sont plurielles ; n’en fassent pas toujours état dans cet hémicycle, tant les élus, surtout ceux de la majorité, peuvent être prisonniers de leurs partis pris idéologiques ou de leur discipline de groupe. En effet, tout le monde a bien conscience que les mesures proposées dans ce projet de loi de finances peuvent avoir des conséquences redoutables sur le budget des collectivités locales.

Certaines dispositions – notamment le fait de se fonder sur l’année 2004 pour la réforme de la taxe professionnelle – relèvent d’un esprit de revanche déplacé à l’encontre des collectivités locales et même du suffrage universel qui, lors des dernières élections, vous a fait perdre la quasi-totalité des régions et de nombreux départements. Oui, vous cherchez à vous venger en contraignant les collectivités locales à rembourser les augmentations d’impôt auxquelles elles ont malheureusement dû se résoudre.

Un tel comportement n’est pas de bonne méthode. Il n’a d’ailleurs rien de républicain. Nous en reparlerons. Peut-être même prendrons-nous l’initiative de saisir le Conseil constitutionnel car certaines mesures ne nous paraissent pas respecter, sinon la lettre de notre Constitution, du moins certains principes républicains qui doivent régir les relations entre le Gouvernement et les collectivités locales.

À ce sujet, monsieur le ministre, je renouvelle la demande du président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, et d’Augustin Bonrepaux : nous souhaitons prendre connaissance des simulations dont vous disposez certainement. Nous ne pouvons imaginer, en effet, que vous proposiez des mesures telles que le bouclier fiscal ou la réforme de la taxe professionnelle avec un plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée sans avoir apprécié leurs conséquences non seulement pour les entreprises, mais également pour les différentes catégories de collectivités locales : communes, groupements de communes, conseils généraux ou régionaux. Il est indispensable que nous ayons accès aux simulations pour comprendre les conséquences de ces mesures, même si, du fait des prochaines échéances électorales, elles ne se feront sentir au niveau des collectivités locales qu’en 2008, voire en 2009. C’est un sujet auquel je souhaite que le rapporteur général, qui préside également le comité des finances locales, soit particulièrement attentif.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il le sera ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Sans doute, monsieur le rapporteur général ! Encore faut-il le démontrer concrètement en veillant à ne pas mettre les élus locaux dans des situations impossibles lorsqu’ils auront à gérer leur budget, d’autant que, si des investissements interviennent dans notre pays, c’est parce que les collectivités locales se substituent le plus souvent à l’État ou qu’il transfère vers elles certaines dépenses. On doit leur donner les moyens d’y faire face sans partir du principe, comme le fait le président de la commission, que les élus locaux sont systématiquement dépensiers ou irresponsables. On n’augmente jamais les impôts par plaisir.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Surtout au niveau de l’État !

M. Didier Migaud. Les élus locaux sont capables d’agir dans l’esprit de la LOLF, que nous avons votée ensemble, en cherchant à rendre la dépense publique la plus pertinente, la plus efficace et la plus adaptée possible aux stricts besoins de la population.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a dit que la France vivait au-dessus de ses moyens. C’est ignorer les difficultés que beaucoup de nos concitoyens rencontrent au quotidien. Comment vivraient-ils au-dessus de leurs moyens quand ils n’ont déjà pas les moyens de mener une vie normale ? Ils ressentent ce type de déclaration comme une provocation profondément choquante.

Pour en revenir à nos propositions, nous aurons l’occasion de présenter quelques amendements sur ce texte. Nous souhaitons notamment que la politique salariale soit mise au premier plan et qu’elle soit volontariste. Depuis trois ans, notre pays souffre en effet d’une stagnation du pouvoir d’achat, qui empêche notre économie de sortir de sa morosité, et d’un déséquilibre du partage de la valeur ajoutée, qui s’opère au bénéfice des détenteurs du capital et au détriment des salariés et de l’investissement.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, il n’existe que deux moyens : redistribuer ou augmenter les salaires.

La redistribution ne peut s’effectuer sans progressivité des prélèvements, d’où le caractère révoltant – je n’y reviens pas – des mesures fiscales que vous avez prises avec constance depuis juin 2002. Elle devrait passer également par une revalorisation significative de certaines allocations en matière de logement ou d’éducation, qui n’a pas eu lieu durant cette législature.

Néanmoins, sans action volontariste sur les salaires, la redistribution, nécessaire car elle corrige partiellement les inégalités, ne peut à elle seule relancer la croissance d’où la nécessité de poser la question du salaire minimum. Vous prétendez l’avoir sensiblement augmenté mais la vérité oblige à rappeler que cette augmentation ne concernait qu’une partie de ceux qui perçoivent le SMIC.

Au terme du processus que vous avez mis en place, et que nous avions nous-mêmes prévu, une grave menace pèse tout de même sur l’évolution future du salaire minimum. En effet, le Gouvernement a modifié les références servant à fixer le taux d’augmentation du SMIC et mis en place un dispositif qui l’exonère de toute responsabilité en la matière. Si rien n’est fait, on peut donc craindre une érosion du pouvoir d’achat des smicards dans les années à venir.

Il faut au contraire que, conformément aux objectifs qui ont justifié sa création, l’augmentation du SMIC soit supérieure à l’obligation légale de revalorisation, ce qui permettrait de soutenir le pouvoir d’achat. Pour accroître la diffusion des augmentations de salaires et éviter l’écrasement des bas salaires au niveau du SMIC, il est nécessaire de restaurer le dialogue social. Celui-ci doit permettre de renégocier les conventions collectives afin que tous les minima conventionnels des branches atteignent enfin le SMIC.

Les plus sceptiques diront sans doute que ce qui était possible hier ne l’est plus aujourd’hui du fait de la mondialisation. C’est un débat auquel nous sommes prêts. La France est en situation de concurrence et nos entreprises ont parfois du mal à supporter une augmentation du coût de la main-d’œuvre, mais la main-d’œuvre française, compétitive et bien formée, figure parmi les plus productives du monde, comme l’ont montré des études de la Banque de France, du ministère de l’économie et de l’OCDE. Peut-être n’est-ce pas toujours une référence pertinente, mais je rappelle que, au cours du premier semestre de 2005, les profits du CAC 40 ont atteint 40 milliards d’euros. C’est dire que des marges existent, qui permettraient une meilleure répartition des bénéfices entre actionnaires et salariés.

Sans doute, en Chine ou en Roumanie, le coût de la main-d’œuvre est-il beaucoup moins élevé, mais ce coût ne peut s’analyser en dehors de la productivité. Au reste, les écarts de coûts sont tels avec ces pays qu’une augmentation des salaires ne changerait rien. Il est nécessaire que nous menions une politique différente au niveau tant national qu’européen. C’est un des défis auxquels nous sommes confrontés. Il est indispensable que l’Union européenne empêche la concurrence sociale et fiscale qui se développe en son sein comme à ses frontières, au détriment de l’Union et de chacun des États : non seulement les pays les plus développés, mais aussi les nouveaux entrants qui, à terme, seront les victimes des politiques de réduction des recettes fiscales qu’ils mettent en place actuellement.

M. Alain Claeys. Très juste !

M. Didier Migaud. Il nous paraît également nécessaire de mettre la fiscalité au service de la justice sociale, du pouvoir d’achat et de l’emploi. Parallèlement à une politique salariale plus dynamique, nous souhaitons que l’outil fiscal soit centré sur ces priorités et mis au service du plus grand nombre. À cet égard, le doublement de la prime pour l’emploi nous paraît nécessaire…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ah !

M. Didier Migaud. …non pas de la manière dont vous prétendez le faire, mais de façon effective. En effet, même si vous pouvez démontrer que, dans quelques cas, vous avez augmenté la prime pour l’emploi, ces mesures n’auront en vérité que peu de conséquences pour le plus grand nombre des bénéficiaires.

M. Hervé Mariton. La démonstration est laborieuse !

M. Didier Migaud. Non ! Ce qui est laborieux, c’est ce que vous nous expliquez, à savoir que la prime pour l’emploi peut doubler grâce à une augmentation annuelle globale de 500 millions d’euros. Si l’on divise cette somme par 8,8 millions, ce qui correspond au nombre actuel de bénéficiaires, on obtient à peine 5 euros par personne et par mois.

M. Pascal Terrasse. Le prix d’un paquet de cigarettes !

M. Didier Migaud. C’est ce que vous appelez un effort très significatif en faveur de la prime pour l’emploi ; je vous laisse la responsabilité de cette formule.

Il est vrai en revanche que vous prenez des mesures tendant à réduire le nombre des bénéficiaires de cette prime. C’est le cas quand vous instaurez un plancher de 30 euros. La leçon est claire : toutes les économies sont bonnes quand il s’agit des populations les plus modestes, mais quand il s’agit de favoriser les plus aisés, vous avez beaucoup moins de scrupules !

Pour ce qui est du pouvoir d’achat, nous ne cessons de dénoncer l’inaction du Gouvernement. Celui-ci refuse de protéger les Français de la flambée des prix des produits pétroliers, dont l’impact macroéconomique très négatif et chaque mois plus évident – je vous renvoie aux dernières statistiques sur l’inflation – imposerait pourtant une décision urgente. Nous souhaitons la réactivation de la TIPP flottante qui, compte tenu de l’ampleur de la hausse, pourrait avoir un effet non négligeable sur les prix, donc sur le pouvoir d’achat des ménages.

M. Hervé Mariton. Qui y croit, à part vous ?

M. Didier Migaud. Je sais bien que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, mais tout de même ! J’ai repris certains propos des membres de l’actuelle majorité en l’an 2000, au moment où nous avons mis en place la TIPP flottante.

M. Michel Bouvard. Le contexte n’était pas le même !

M. Didier Migaud. Je me suis notamment référé à des interventions de M. Carrez, notre rapporteur général actuel.

M. Hervé Mariton. Vous oubliez le contexte !

M. Jean-Pierre Brard. Comme vous le faites vous-même si souvent, monsieur Mariton !

M. Didier Migaud. Pas du tout ! Je ne l’oublie pas !

M. Michel Bouvard. À l’époque, la recette de la TIPP était en augmentation. C’est toute la différence !

M. Didier Migaud. M. Carrez parlait du « mécanisme Migaud », ce qui était flatteur pour moi. Je le cite : « Si le mécanisme Migaud vient fort à propos – et d’ailleurs nous le voterons –, il est loin d’être à l’échelle des augmentations subies ces derniers temps par les automobilistes. »

En somme, dans un contexte où le Gouvernement prenait en compte une situation proche de celle que nous connaissons aujourd’hui, M. Carrez jugeait que ce n’était pas suffisant et qu’il fallait aller bien au-delà.

M. Pascal Terrasse. Il était alors dans l’opposition !

M. Didier Migaud. Or aujourd’hui le Gouvernement nous répond : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » De plus, il a le culot de nous expliquer qu’il perdrait lui-même de l’argent s’il intervenait, ce qui est inexact.

M. Pascal Terrasse. En effet ! Cela reste à démontrer !

M. Hervé Mariton. Vos amis ont siégé dans les deux commissions, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Écoutez, j’ai travaillé dans la première commission et plusieurs de mes amis ont siégé dans la deuxième, mais ils ne sont pas dupes.

M. Hervé Mariton. Ils n’ont exprimé aucun désaccord !

M. Didier Migaud. Malgré le talent de Bruno Durieux, nous ne pouvons perdre de vue que, quand les prix augmentent, les recettes de l’État sont obligatoirement plus importantes. Pour ce qui concerne la TVA, c’est une relation mécanique. Point n’est besoin d’une commission pour le constater. Ensuite, vous pouvez toujours mélanger les choux et les carottes.

Nous sommes en plein cœur du sujet : des comptes qui ne sont pas sincères permettent de tenir tous les raisonnements que l’on veut.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Mais il y a moins de TIPP.

M. Didier Migaud. Comme, depuis quelques années, vous surestimez systématiquement le produit de la TIPP dans la loi de finances initiale, vous avez beau jeu ensuite de constater que vous perdez de l’argent.

M. Hervé Mariton. La consommation baisse !

M. Didier Migaud. Certes, mais ce n’est pas un phénomène récent : il existait déjà en 2000. Les contrôles de vitesse font que les véhicules roulent moins vite et consomment moins d’essence.

M. Michel Bouvard. Les voitures consomment moins !

M. Didier Migaud. Les moteurs sont plus performants et, avec un pouvoir d’achat moindre, les gens regardent à deux fois avant de prendre leur voiture pour un déplacement de loisir.

M. Hervé Mariton. Surtout quand l’essence est plus chère !

M. Michel Bouvard. CQFD : les recettes baissent !

M. Hervé Mariton. Et il y a moins de TIPP ! Comment voulez-vous qu’elle flotte ?

M. Didier Migaud. Oui, mais cela n’empêche pas, pour rappeler des propos de Gilles Carrez frappés au coin du bon sens, que les personnes dont le pouvoir d’achat est affecté par l’augmentation de la facture pétrolière sont confrontées à des difficultés financières, qui pèsent sur leur capacité à consommer, ce qui influe sur le niveau de consommation générale, donc sur la croissance.

C’est pourquoi ill nous paraît nécessaire, en toute hypothèse, de conforter, à travers diverses mesures, le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Or les dispositions que vous avez prises sont insuffisantes pour faire face à ce type de situation.

Je pourrais continuer…

M. Hervé Mariton. Grâce !

M. Michel Bouvard. Épargnez-nous !

M. Didier Migaud. …en vous présentant les propositions qui sont les nôtres.

En ce qui concerne la question pétrolière, nous pensons utile de remettre en place une taxation exceptionnelle sur les compagnies pétrolières.

M. Jean-Louis Dumont. Très bonne mesure !

M. Augustin Bonrepaux. Ils pourraient utilement s’en inspirer !

M. Didier Migaud. Nous avions introduit cette disposition en 2001 et vous pourriez vous en inspirer utilement pour donner à l’État quelques capacités pour prendre des mesures en faveur du pouvoir d’achat.

S’agissant de la justice fiscale, nous proposerons bien évidemment de supprimer les mesures de baisse de l’impôt sur le revenu que vous envisagez à travers une prétendue simplification ainsi que la choquante baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Pour ce qui est du plafonnement des niches fiscales, nous proposerons, comme nous le faisons depuis trois ans, d’instaurer un véritable plafonnement, qui soit global et qui ne souffre d’aucune exception. C’est en effet la seule façon de limiter la progression préoccupante des dépenses fiscales que le Gouvernement, qui prétend les combattre, ne fait en réalité qu’accentuer. Il s’agit aussi d’un bon moyen de laisser le choix aux contribuables de l’allocation de leur épargne et de leurs dépenses.

Nous serons attentifs aux réponses que vous apporterez à la forte offensive lancée par certains lobbies à l’occasion de la discussion budgétaire. Ils essaient, nous le savons, de faire en sorte que les exceptions au plafonnement des niches fiscales soient les plus nombreuses possible. Là aussi, nous apprécierons, monsieur le président de la commission des finances, l’effectivité des mesures de plafonnement que vous avez-vous-même proposées…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et que vous avez aussi proposées !

M. Didier Migaud. Certes, mais nous avons eu peine à reconnaître notre enfant dans les dispositions du Gouvernement tant les exceptions sont nombreuses, ce qui revient à remettre en cause le plafonnement lui-même.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est faux !

M. Didier Migaud. Nous aurons d’autres occasions de prolonger ce débat.

Pour conclure, je veux revenir sur quelques questions simples au Gouvernement, que nous avons posées sans toujours avoir les réponses souhaitées.

M. Jean-Pierre Brard. Combien a coûté la présence des gendarmes au mariage de la fille Arnault ?

M. Didier Migaud. Combien va rapporter à l’État la mesure dite de plafonnement des niches fiscales ? Se traduira-t-elle concrètement par des recettes supplémentaires pour le compte de l’État ?

Le plafonnement de l’impôt à 60 % va profiter, semble-t-il, à 93 000 contribuables. Pouvez-vous nous préciser combien parmi eux sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune ? Au regard des débats que nous avons en la matière ces éléments ont leur intérêt. En outre, quelle sera la réduction d’impôt moyenne pour ces contribuables ?

Aujourd'hui, le montant minimal de la prime pour l'emploi est de 25 euros. Demain, le Gouvernement propose de renverser la charge de la preuve et de ne pas verser la PPE si son montant est inférieur à 30 euros. Combien de personnes risquent d’en perdre le bénéfice ? Le chiffre indiqué dans le rapport général correspond-il à celui du Gouvernement, sachant qu’il y a parfois des écarts de calcul entre la commission des finances et le ministère de l’économie et des finances ? Quel est le rendement attendu de cette mesure d'économie ?

Comment vont s'articuler entre elles les mesures de plafonnement des niches fiscales et de plafonnement de l'impôt à 60 % ? Les contribuables vont-ils d'abord subir le plafonnement des niches puis, ensuite, profiter du plafonnement de l'impôt à 60 %, ou bien l'inverse ? Vous dites simplifier les dispositifs, mais il nous apparaît que vous allez, bien au contraire, créer de véritables usines à gaz à partir de vos propositions de bouclier fiscal ou de plafonnement de la valeur ajoutée à 3,5 %.

Il est vrai que notre point de vue peut apparaître sévère. Il l’est même de plus en plus au fil des ans car, avec le temps, nous mesurons pleinement les conséquences néfastes de la politique que vous conduisez depuis juin 2002, sur les plans budgétaire, fiscal, économique et social.

J’ai constaté que nous étions parfois rejoints dans la critique par d’autres groupes au sein de cette assemblée. Nous nous en réjouissons.

M. Michel Bouvard. Ils ne sont pas là !

M. Didier Migaud. Cela dit, nous ne sommes pas partisans de l’opposition « Canada Dry » : ferme ici, beaucoup moins au Sénat.

M. Michel Bouvard. C’est le débat Fabius-Hollande d’hier ! Voici la voix fabiusienne !

M. Didier Migaud. Ne vous inquiétez pas : je parle au nom de l’ensemble de notre groupe !

Depuis juin 2002, nous faisons le même réquisitoire contre la politique que vous proposez et contre celle que vous mettez en application, avec toutes les conséquences que l’on connaît.

Pour toutes ces raisons, j’appelle notre assemblée à voter en faveur de cette question préalable pour que nous puissions poursuivre le dialogue avec le Gouvernement et la commission des finances et marquer l’opposition au projet de budget tel qu’il nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Quelle démonstration ! Quel souffle !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Migaud, je souhaite répondre à l’ensemble des points que vous avez évoqués. Il y en a eu beaucoup et vous me pardonnerez si, par malheur, j’en oublie quelques-uns. En tout état de cause, vous savez que j’aurai à cœur d’y revenir à un moment ou à un autre du débat. Il y a en particulier un certain nombre de sujets qui me semblent relever davantage de la discussion des articles et nous les examinerons longuement à cette occasion.

Néanmoins, puisque j’ai pris beaucoup de notes en vous écoutant, je veux vous répondre précisément.

Je commence par nos prévisions, dont vous doutez de la sincérité. C’est une tradition puisque, l’année dernière, alors que je prenais mes fonctions, vous étiez déjà très alerte sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard. C’était fondé !

M. Augustin Bonrepaux. À juste titre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pas tant que ça, justement. Malgré les difficultés liées à la croissance, nous avons en effet tenu notre objectif de dépenses à 0 % en volume.

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous êtes trompés sur le taux de croissance !

M. Didier Migaud. La Cour des comptes a un avis différent à ce sujet !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pourtant ce n’était pas si simple, compte tenu des contraintes auxquelles nous avons été confrontés.

Nous jugerons ensemble des résultats, monsieur Migaud, mais, à propos des hypothèses économiques, il y a des choses que je ne peux laisser dire.

Pour ce qui est des prévisions de croissance, le consensus des économistes se fait autour d’une fourchette située entre 1,8 % et 2,3 %, ce qui est très proche de notre propre prévision, qui est de 2 % – 2,5 %, à partir de laquelle nous avons pu opter pour 2,25 %. Il existe certes des marges d’incertitude, mais il n’y a rien de choquant à retenir une hypothèse de cette nature.

Vous qui êtes bon connaisseur du budget, monsieur Migaud, vous savez pertinemment que les recettes fiscales sont très indirectement corrélées à la croissance. Nous connaissons déjà beaucoup d’éléments qui entrent en compte dans leur estimation.

Prenons l’exemple de l’impôt sur les revenus qui représente 57 milliards d’euros sur un total de 257 milliards de recettes fiscales, soit environ 20 %. Ce qui compte, ce sont les revenus des ménages pour 2005 ; or nous les connaissons.

Pour l’impôt sur les sociétés – 41 milliards, soit 15 % du total des recettes –, ce qui compte, ce sont les bénéfices des entreprises en 2005 ; or les informations dont nous disposons à ce sujet sont très encourageantes.

Enfin, pour la TVA, ce qui compte, c’est la consommation des ménages ; or vous savez que nos prévisions rejoignent celles du consensus des économistes et elles sont plutôt bonnes si je me réfère aux trois ou quatre derniers mois.

Je donne ces précisions parce que le Gouvernement s’est fixé des objectifs, que nous aurons à cœur de tenir, comme l’année dernière.

Il s’agit d’abord de la maîtrise des dépenses avec un taux de croissance de 0 % en volume. A cet égard je tiens à souligner devant vous qu’il s’agit d’un exercice d’autant plus difficile qu’une part des dépenses nous échappe, qu’il s’agisse du prélèvement européen, qui connaît une forte hausse du fait de l’accélération des programmes, du prélèvement des collectivités locales ou encore de l’arrêt du versement de la CADES, soit plus de 5 milliards d’euros au total. Nous devons donc maîtriser la dépense tout en étant soumis à ces contraintes dès le début de l’année, preuve que cette maîtrise réclame un réel effort. Aussi aimerais-je que vous ne nous fassiez pas de procès d’intention en ce domaine d’autant que le moins qu’on puisse dire, c’est que, depuis le début de cette mandature, nous avons fait la démonstration que nous étions capables de tenir cet objectif de maîtrise, contrairement à ce qui a pu se passer les années précédentes, celles du socialisme.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De la même manière, nous stabilisons le déficit. En l’évoquant, vous avez d’ailleurs buté sur les mots et sur les chiffres, ce que je regrette, car il est bon dans ce domaine de ne pas trop jouer avec. C’est de 46,8 milliards dont nous parlons, soit un déficit identique à celui de l’année 2005 et nous maintiendrons son niveau.

De la même manière nous stabilisons le niveau de la dette.

M. Didier Migaud. En apparence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Surtout, nous le faisons en lançant les réformes de structures que vous n’avez pas menées quand vos amis étaient au Gouvernement. Je ne me lasserai pas de le rappeler, non pas que je veuille fustiger l’héritage que nous avons reçu et dont nous avons eu bien souvent l’occasion de débattre, mais simplement parce que, dans le contexte économique que nous connaissons, la mise en œuvre de la réforme des retraites, de la réforme de la sécurité sociale et de la réforme fiscale que nous présentons cet automne, ainsi que de toute une série de lois de programmation traduit le retard accumulé.

Puisque nous en sommes encore à l’approche économique, je voudrais une bonne fois pour toutes tordre le cou à ces allégations selon lesquelles la France n’a pas de bons résultats économiques.

Dans le contexte actuel, la croissance de la France aura progressé, entre 2003 et 2005, plus vite que celle de la zone euro, passant de 0,4 à 0,6 point. Certes, il n’y a pas lieu de sauter de joie au vu du taux de croissance d’autres pays d’autres continents, mais nous sommes au-dessus de la moyenne de la zone euro. Dans la période difficile que nous traversons, ce résultat vaut la peine d’être signalé, d’autant qu’il se conjugue, depuis quelques mois, avec la baisse du taux de chômage et, surtout, avec la reprise de l’emploi salarié près de 20 000 emplois au premier trimestre – qui semble même s’accélérer au second semestre. Tout cela me laisse penser que les mesures que nous avons prises – je pense en particulier au contrat nouvelles embauches – sont tout à fait encourageantes.

En vous écoutant, monsieur Migaud, je mesure combien nos désaccords sont profonds sur la politique économique à conduire. Cela tombe bien, car nous n’appartenons pas à la même famille et il n’y a pas de raison de penser qu’à court ou moyen terme cela s’arrange.

Pour notre part, nous avons fait des choix qui, évidemment, ne sont pas les vôtres, en donnant la priorité à l’emploi, au pouvoir d’achat et à la compétitivité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Non ! Nous avons les mêmes priorités mais ce sont les moyens qui diffèrent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le gouvernement Jospin, lui, a fonctionné en boucle sur l’idée que l’on allait régler le problème du chômage seulement en instaurant les 35 heures et les emplois jeunes dans le secteur public. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Didier Migaud. Pas seulement !

M. Gérard Bapt. Vous caricaturez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La boucle était tellement étroite que les résultats ont été malheureusement sans appel. Lorsque la croissance s’est ralentie et que les 35 heures ont été généralisées, les dégâts ont été considérables, et vous le savez très bien. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons fait exactement l’inverse.

D’abord, nous avons assumé une politique de baisse des charges sociales. À ce propos, je ne peux pas laisser dire que le coût du travail est supérieur dans notre pays à celui pratiqué en Europe. Nous avons maîtrisé le coût du travail dans des conditions d’autant plus difficiles que la loi sur les 35 heures qui commençait à être appliquée était extraordinairement rigide.

M. Jean-Pierre Brard et M. Jean-Claude Sandrier. Affabulation !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ajoute que notre politique de l’emploi ne s’est jamais limitée aux seuls emplois publics. Qu’il faille des emplois aidés pour ceux de nos concitoyens dont on sait pertinemment qu’ils ne peuvent pas reprendre immédiatement un emploi dans le secteur marchand parce qu’ils sont victimes d’un processus de désocialisation, parce qu’ils sont en chômage de très longue durée, parce qu’ils sont en situation d’exclusion, c’est évident. En revanche, monsieur Migaud, il va de soi que notre objectif a toujours été et demeure de développer l’emploi marchand, car ce sont les entreprises qui créent d’abord de l’emploi. D’ailleurs, le nombre de contrats nouvelles embauches conclus en quelques semaines le démontre et ouvre des perspectives intéressantes pour l’avenir.

Ensuite, nous avons fait un autre choix en matière de pouvoir d’achat en décidant une augmentation importante du SMIC, une hausse de la prime pour l’emploi et une baisse de l’impôt sur le revenu, en particulier pour les classes moyennes.

Dans le même temps, la dépense publique est restée importante, c’est vrai. D’ailleurs, au sein de la majorité, un grand débat a eu lieu pour savoir où placer le curseur. Il reste que, si depuis quatre ans, et c’est inédit en France, nous avons maîtrisé la dépense publique à zéro en volume, nous avons cependant eu à cœur de financer des lois de programmation qui étaient indispensables compte tenu des retards cumulés dans des missions aussi essentielles que la sécurité, la justice, la défense ou même l’école.

M. Richard Mallié. Les socialistes n’ont rien fait pendant cinq ans !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je me souviens que deux des voitures du commissariat de Meaux ne fonctionnaient pas et que le moteur de la troisième, une 305, était bridé. Comment voulez-vous courir après une BMW volée avec de tels véhicules !

Aujourd’hui, dans les commissariats, nos policiers sont équipés de gilets pare-balles, les effectifs y sont bien plus nombreux…

M. Jean-Pierre Brard. À Montreuil, Sarkozy a réduit le nombre de fonctionnaires de police de quatre-vingts !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et ils ont des matériels qui leur permettent de travailler dans des conditions plus efficaces.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. La baisse de la délinquance est ainsi spectaculaire depuis trois ans.

M. Michel Pajon. C’est de la mauvaise foi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À la fin des années 90, les Français considéraient que l’insécurité n’était pas simplement un sentiment mais une réalité.

M. Michel Pajon. C’est bidon, et vous le savez bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous considériez qu’ils avaient tort et il a bien fallu assumer le financement de cette priorité.

Dans ce contexte, nous avons engagé, avec Thierry Breton, une réforme fiscale ambitieuse. Il est normal que vous la critiquiez, monsieur Migaud,…

M. Jean-Pierre Brard. Elle est faite pour les riches !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …puisqu’elle valorise le travail (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain.)

M. Jean-Pierre Brard. Non ! C’est de l’affabulation !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et qu’elle profite à hauteur de 80 % aux classes moyennes et modestes, grâce à la combinaison du doublement de la prime pour l’emploi pour ceux qui travaillent au SMIC à temps partiel, et de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce pour vous une classe moyenne ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur ce sujet, monsieur Brard, à force d’être dans le flou on ne dit pas les choses. C’est pourquoi, dans tous les documents que vous avez, je présente des simulations...

M. Augustin Bonrepaux. Jusqu’à présent on n’en a pas vu beaucoup !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui montrent clairement que, pour 80 %, cette réforme profitera aux Français dont le revenu est inférieur à 40 000 euros par an. C’est bien la démonstration que c’est d’abord à ceux de nos compatriotes qui travaillent, qui ont repris un emploi, que cette baisse des impôts va profiter.

M. Jean-Pierre Brard. Affabulation, illusion !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De la même manière, nous avons le souci d’être justes en instaurant un double plafonnement : celui de la somme des impôts d’État et locaux qui ne devra pas dépasser 60 % des revenus – 90 % des bénéficiaires sont dans le premier décile de l’impôt sur le revenu – et celui des fameuses niches fiscales.

M. Jean-Pierre Brard. De combien bénéficieront les plus modestes ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous reviendrons sur tous ces sujets tout au long du débat.

Quant à l’impôt de solidarité sur la fortune, j’ai regretté le caractère très agressif de vos propos, monsieur Migaud.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne pouvez pas comprendre !

M. Jean-Louis Dumont. Il a fait une démonstration éclatante !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ainsi que je l’ai souligné hier, il ne s’agit pas de faire une réforme pour une réforme ; cela n’aurait aucun sens.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez une réforme pour les riches !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Personne ne pense un instant à remettre en cause cet impôt tel qu’il existe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Didier Migaud. Beaucoup y pensent, au contraire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous, par exemple, il y a quelques années, du temps où vous ne flirtiez pas avec l’extrême gauche !

M. Didier Migaud. Je ne nie rien de ce que j’ai écrit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous voulons simplement en corriger les excès et les aberrations qui nuisent aujourd’hui gravement à l’emploi et incitent aux délocalisations.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on veut noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce budget est entièrement consacré à la mobilisation pour l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.) La feuille de route du Premier ministre est parfaitement claire : toutes nos marges de manœuvre sont consacrées à la mobilisation pour l’emploi.

M. Augustin Bonrepaux. C’est pour cela que l’emploi va aussi bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous pouvez être en désaccord, mais ce sont les Français qui jugeront. (« Oui ! Oui » sur les bancs du groupe socialiste.)

Toute disposition fiscale qui porte atteinte à l’emploi, qui incite à des délocalisations exige que nous réagissions.

M. Augustin Bonrepaux. Que faites-vous ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne peut pas d’un côté pleurer toutes les larmes de son corps en tant qu’élu local et de l’autre déplorer que des entreprises partent et refuser d’agir au plan national. Vous l’avez préconisé vous-même, monsieur Migaud, en d’autres temps, au début de l’année 2002. Peut-être pensiez-vous alors occuper bientôt des fonctions gouvernementales qui vous auraient conduit à prendre ces décisions qui, à l’évidence, ne relèvent ni de la droite ni de la gauche, mais simplement de l’intérêt national.

Il me semble qu’il est des moments où l’on a le droit de divorcer de l’idéologie et de considérer que l’emploi et l’intérêt général sont bien supérieurs à tout le reste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Quel théâtre !

M. Richard Mallié. Dans ce domaine, monsieur Brard, vous êtes une référence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, cela fait quelques années maintenant que nous nous connaissons, mais je ne vous ai pas reconnu tout à l’heure lorsque vous avez lu des petites annonces immobilières, pointant d’un doigt rageur les méchants riches de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Jean-Claude Sandrier. Les riches sont riches, mais ils ne sont pas méchants !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il m’a semblé qu’en d’autres circonstances vous êtiez capable de dépasser une telle attitude pour parler de modernité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous le dis en conscience : il y a des moments dans la vie où l’on a le droit, les uns et les autres, quels que soient nos engagements politiques, de regarder simplement ce qui se passe ailleurs et de penser que l’intérêt supérieur de notre pays exige que nous appelions tout le monde à construire ensemble notre nation.

M. Didier Migaud. Je pense l’avoir démontré !

M. Jean-Louis Dumont. Chacun doit apporter sa contribution !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’en ai assez que l’on passe son temps à opposer les Français !

M. Didier Migaud. Ce n’est pas nous mais vous qui le faites !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons besoin de tout le monde ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Sandrier. Mais certains s’en mettent plein les poches alors que d’autres souffrent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous voir pointer du doigt ces « méchants Français » qui possèdent des châteaux ou de grandes demeures…

M. Didier Migaud. Caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Ça existe !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est pas de la caricature ! C’est très exactement ce que vous avez dit à cette tribune.

…n’a plus rien à voir avec les exigences d’un pays moderne. Aujourd’hui, notre devoir est de faire en sorte que chacun trouve sa place, car chaque Français a de la valeur.

Il y a quelques jours, je suis allé à Boston, rencontrer les étudiants de Harvard. J’avais devant moi 150 étudiants, dont une petite centaine de jeunes Français issus de Centrale, des écoles de commerce ou de Polytechnique. En leur parlant de la réforme fiscale que nous étions en train de mettre en œuvre, je leur ai expliqué que, contrairement à la caricature, notre pays ne sommeillait pas mais qu’il était en train de bouger. À la fin de mon discours, je leur ai lancé un appel afin qu’ils reviennent en France une fois leurs études terminées, parce que notre pays a besoin d’eux.

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. Didier Migaud. Démagogie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tant que certains continueront ici de fustiger, avec un doigt rageur, ceux qui réussissent, comment voulez-vous que nous soyons fiers de notre pays ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons besoin de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est ridicule !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, j’ai bien mesuré votre évolution politique récente. Je vous ai vu, avec M. Fabius, voter non au référendum sur l’Europe ; je vous ai vu trouver sympathique de chanter l’Internationale avec José Bové.

M. Jean-Pierre Brard. Bové chante faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Or, quand on est dans l’opposition, on a vocation à préparer l’alternance.

M. Augustin Bonrepaux. C’est ce que nous faisons !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne pensez pas qu’en les montant les uns contre les autres vous convaincrez les Français que vous leur parlez d’avenir.

M. Didier Migaud. Ce sont eux qui le diront !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’avenir, c’est la France rassemblée sur un seul et même projet, au service de l’emploi, du pouvoir d’achat et de la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant aux collectivités locales, je veux, là aussi, mettre les pieds dans le plat.

M. Jean-Pierre Brard. Avec vos gros sabots !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Que reprochez-vous au Gouvernement en la matière ?

Je n’ai pas honte de dire – et pour cause, puisque j’ai suivi le dossier lorsque j’étais ministre délégué à l’intérieur – que l’État a conduit cette décentralisation de manière exemplaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai ! Vous étranglez les collectivités locales !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons payé les dotations et respecté le pacte qui était prévu.

Alors que l’État refuse d’augmenter la dépense publique, il a payé rubis sur l’ongle les 3 % d’augmentation de dotations aux collectivités locales.

Quant au financement de la décentralisation, la règle a été appliquée, comme du temps de M. Mauroy : la loi a fixé l’année de référence pour payer les dotations. Malgré tout, nous avons accepté des rallonges compte tenu de la situation que connaissent certains départements.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ainsi nous verserons 450 millions d’euros aux départements pour le RMI.

M. Michel Bouvard. Très bien ! C’est mieux que pour l’APA !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme le rappelle M. Bouvard, le procédé est bien meilleur que celui utilisé pour l’APA. Il s’est agi d’une magnifique escroquerie dans laquelle certain d’entre vous ont sauté à pieds joints à la fin des années 90 et il n’a jamais été rendu de comptes à personne.

M. Pascal Terrasse. Pour l’escroquerie voyez plutôt le lundi de Pentecôte !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons également réglé le problème du STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, alors que le président de la région Île-de-France, dans une superbe démonstration, refusait tout simplement de siéger parce qu’il voulait des rallonges, rallonges que nous avons accordées au nom de l’intérêt général.

Quant à la loi sur l’autonomie financière des collectivités locales, c’est une sacrée belle avancée que vous n’aviez pas réalisée en votre temps. S’engager à ce qu’un plancher minimum de ressources propres soit proposé aux catégories de collectivités locales constitue un bel exercice pour un pays qui est jacobin depuis des décennies.

M. Augustin Bonrepaux. C’est une fumisterie ! Cela ne garantit rien ! Nous le verrons ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est totalement garanti, et sous le contrôle du juge constitutionnel.

Dans ce contexte, il me paraît tout à fait légitime, monsieur Migaud, de demander une conférence sur les finances publiques. Je ne vois vraiment pas au nom de quoi nous ne pourrions pas parler ensemble, calmement, dans un esprit républicain, des évolutions comparées des dépenses publiques et de la fiscalité.

M. Didier Migaud. À condition que ce ne soit pas un procès !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ajoute que je ne comprends pas pourquoi, au moment où l’État baisse les impôts, les régions ont augmenté les leurs dans des proportions scandaleuses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Enfin, vous avouez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Il faudrait peut-être se poser des questions.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous me demandez pourquoi, monsieur Migaud ?

Elles ont augmenté leurs impôts parce que, quand on fait des promesses électorales, il faut bien les financer ! Et, pour un socialiste, il n’y a rien de tel que d’augmenter les impôts. La boucle est bouclée. Voilà une raison supplémentaire de ne pas vous voir revenir au pouvoir en 2007 !

M. Augustin Bonrepaux. C’est un roman ! En fait vous voulez votre revanche ! Vous n’acceptez pas d’avoir été battus en 2004 !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, un peu de calme, s’il vous plaît !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous le voyez, monsieur Migaud, l’inventaire de tous les sujets que vous avez abordés fait ressortir nos différences dont certaines sont fondamentales. Elles tiennent probablement au fait que nous n’avons pas le même regard sur l’avenir de notre pays. Entre ceux qui sont plutôt conservateurs et ceux qui sont plutôt réformateurs (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ...

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un réformateur réac !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. ...la différence tient à l’importance que l’on porte à l’avenir des enfants. Les premiers considèrent qu’il ne faut rien changer et que les enfants se débrouilleront quand ils seront grands.

M. Didier Migaud. Vous pouvez difficilement m’adresser pareil reproche.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les seconds pensent que c’est maintenant qu’il faut prendre les décisions pour l’avenir de nos enfants, conformément à notre esprit de responsabilité.

M. Alain Joyandet. Excellent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà pourquoi, malgré les critiques et, parfois, les dérapages auxquels j’ai assisté depuis le début de cette discussion et qui m’ont beaucoup choqué, nous conduirons ces réformes car le courage politique est la seule raison de s’engager pour son pays.

M. Didier Migaud. Encore faut-il le mettre au service de bonnes causes comme la justice ou l’emploi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, il faut regarder les choses en face et assumer les décisions nécessaires pour son pays.

Or, depuis 2002, monsieur Migaud, nous devons prendre des décisions que vous n’avez pas voulu prendre ; et nous sommes obligés d’agir dans l’urgence parce que le temps a passé et que le retard ne se rattrape pas.

M. Jean-Louis Idiart. Et tout ce que Juppé nous a laissé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Plus nous attendrons, plus ce sera coûteux. Nous avançons parce qu’il y va de l’intérêt de la France.

Seuls les résultats ne trompent pas ! Qu’il s’agisse de la maîtrise de la dépense publique ou des déficits, de la baisse des impôts, du retour de la croissance et de la compétitivité, de la baisse du chômage, nous avons rendez-vous devant les Français en 2007 (« Banco ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Le bilan ne sera pas brillant !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous leur proposerons alors de continuer avec courage et ambition : tels sont l’esprit de réforme et la volonté de travailler pour l’avenir de nos enfants qui nous animent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je souhaite mettre un terme à la polémique qui s’est engagée et que, à mon grand regret, Didier Migaud a relancée à l’instant.

Mes chers collègues, les dépenses du budget de l’État en 2006 n’augmenteront pas plus vite que l’inflation puisque la hausse sera de 1,8 %.

M. Didier Migaud. Vous êtes meilleur à l’écrit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je peux confirmer ces chiffres.

Sont branchés sur le budget trois gros tuyaux qui le siphonnent.

Le premier est le prélèvement au bénéfice de l’Union européenne.

M. Paul Giacobbi. Cela fait partie des dépenses de l’État !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est greffé, non pas sur les dépenses, mais sur les recettes. Cela s’appelle un prélèvement sur recettes. En 2006, il drainera 1 milliard d’euros de plus, puisque le versement passera de 15 à 16 milliards.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a une montée en puissance.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le deuxième est celui qui alimente la sécurité sociale. Il a été mis en place en 1994, quand, aux termes de la loi Veil, on a admis le principe de la compensation, à l’époque au franc près, de toutes les pertes de recettes liées aux exonérations de charges sociales que subirait la sécurité sociale. En 2005, environ 17 milliards d’euros ont été ponctionnés, chiffre qui passera à près de 19 milliards en 2006 parce que nous avons augmenté, – et ce n’avait pas été fait sous la gauche –, le SMIC de plus de 11 %. Nous avons achevé l’unification des SMIC au 1er juillet 2005. Pour cela, il a fallu compenser les allégements de charges sociales à hauteur de 1,8 milliard.

Enfin, le plus gros tuyau, qui se dédouble, est relié aux collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y a, d’abord, le prélèvement sur recettes au bénéfice des collectivités locales pour assurer le versement de la DGF telle qu’elle est prévue dans le contrat de croissance. L’État tient totalement ses engagements puisque, à ce titre, il paiera aux collectivités locales 1 milliard d’euros de plus en 2006 qu’en 2005, soit une progression de près de 3 %.

Le second « sous tuyau », que tout le monde oublie, correspond aux dégrèvements de charges. Pierre Méhaignerie en parle très régulièrement et il a tout à fait raison. En 2006, la compensation des dégrèvements excédera de plus de 2 milliards d’euros celle de 2005, essentiellement à cause de la taxe professionnelle. Pour la première fois en 2006, le dégrèvement pour investissements nouveaux s’appliquera.

M. Augustin Bonrepaux. Qui l’a décidé ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous l’avons décidé pour la compétitivité de nos entreprises, monsieur Bonrepaux ! Vous êtes toujours en train de vous plaindre que vos entreprises quittent l’Ariège ; peut-être que, grâce à nous, elles y resteront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. )

Les dégrèvements ajoutés aux mesures que nous avons prises pour baisser la taxe professionnelle des transporteurs, à la suite de l’augmentation du prix du pétrole, représenteront 2 milliards de plus.

Si l’on fait les comptes, l’ensemble représentera 1 milliard de plus pour l’Union européenne, presque 2 milliards de plus pour la sécurité sociale et 3 milliards supplémentaires pour les collectivités locales, soit près de 6 milliards d’euros de plus.

M. Didier Migaud. Cela s’appelle de la dépense !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Jean-François Copé nous a dit qu’il était dur d’être ministre du budget, (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) parce qu’avant même de construire le budget, il fallait financer 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je salue la performance. Pour la quatrième année consécutive, le budget de l’État n’augmentera pas plus vite que l’inflation...

M. Didier Migaud. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et je tiens à en féliciter notre jeune ministre du budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, pour enrichir le dialogue avec nos collègues du groupe socialiste à propos de la question préalable, je me suis contraint à m’informer des mesures de portée budgétaire et fiscale que les socialistes envisageraient pour notre pays et j’ai lu leurs différentes motions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’exercice a été un peu rude.

Au fond, il existe assez peu de différences entre la motion Rassembler à gauche, signée par notre collègue Didier Migaud, et la motion Socialistes pour réussir à gauche, signée, entre autres, par le président Ayrault, si ce n’est la TVA sociale.

M. Didier Migaud. Cela n’a rien à voir avec le sujet.

M. Hervé Mariton. Cela vaut la peine de connaître vos convictions à portée budgétaire et fiscale d’après la motion Hollande.

M. Didier Migaud. C’est tout de même un procédé étrange, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Cela mérite le détour, pour savoir ce qu’il faut éviter.

J’énumère : revoir les critères du pacte de stabilité, remettre en cause les annonces de baisses d’impôts pour 2007, doter l’Union européenne d’un impôt propre, instaurer une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, doubler le budget européen, plafonner le quotient familial, créer une contribution de solidarité sur l’ensemble des revenus pour les retraites, (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) moduler les prestations familiales en fonction des revenus (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), supprimer les niches fiscales, fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), créer une taxe écologique et une société de participations publiques qui deviendrait le pôle financier du secteur public. (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Giacobbi. Quel est le rapport avec la question préalable ?

M. Hervé Mariton. Je ne suis pas parvenu, tant les chiffres m’ont inquiété, à faire les additions pour évaluer le coût de ces mesures.

En tout état de cause, il est urgent que nous adoptions le budget et que les Français soient convaincus de ne vous confier la responsabilité des affaires budgétaires, ni en 2006, ni en 2007, ni en 2008.

M. Céleste Lett. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. Nous verrons ce qu’ils en pensent le moment venu !

M. Hervé Mariton. D’après vos intentions, même mesurées à l’aune de la motion Hollande qui passe à tort pour modérée, nous pouvons anticiper les dégâts que vous causeriez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Sauve qui peut !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le rapporteur général, dans votre exposé général – tome I, fascicule n° 2568, deuxième paragraphe de la page 113 – vous écrivez : « Les transferts aux collectivités locales diminueraient de 478,2 millions d’euros – - 6,1 % – et atteindraient 7,4 milliards d’euros ». Vous expliquez ensuite les différences entre 2005 et 2006, et vous parlez de compensations, qui ne sont pas chiffrées, au bénéfice des régions. Ainsi, votre rapport, qui sera certainement lu par l’ensemble de nos collègues, montre bien que, dans la décentralisation de M. Raffarin, que d’aucuns ont qualifiée de « poutinisation », les financements sont loin d’être assurés.

Didier Migaud en a apporté la preuve dans son excellente intervention, à la fois calme et pondérée, monsieur le ministre. Elle était émaillée, certes, d’exemples tirés de la vie quotidienne, pour mieux illustrer la réalité sur le terrain des mesures que vous avez prises ou que vous entendez prendre. C’est sans doute le caractère implacable de sa démonstration qui a fait réagir certains, mais c’est le propre d’un débat de qualité. Il faut écouter les arguments des uns et des autres.

Cette décentralisation, que l’on prétend exemplaire, est comparable au transfert des routes dans les années soixante-dix. Certains départements ne s’en sont jamais remis, alors que d’autres – et mes collègues savent auquel je pense en particulier – dont la richesse était préalablement assurée, ont continué à se développer. L’État républicain ne se doit-il pas d’être un État régulateur et solidaire, pour donner sa chance à l’ensemble des citoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire ? Or c’est loin d’être le cas.

Quand Didier Migaud indique les difficultés rencontrées par les Françaises et les Français à cause de l’augmentation des prix des produits pétroliers, vous répondez en général, en raisonnant par grandes masses. Certains collègues de la majorité vont essayer de nous convaincre que l’État va perdre de l’argent, mais la question n’est pas là ! Le problème est le pouvoir d’achat de celles et ceux qui se rendent chaque matin à leur travail et doivent parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres, faute de transports collectifs. Pour eux, il n’y a eu jusqu’à présent aucune compensation de perte de pouvoir d’achat et je n’ai rien lu dans la loi de finances initiale qui permettrait de le maintenir en 2006.

Ce projet de loi de finances offre donc bien des effets d’aubaines. Monsieur Migaud les a découverts, et je comprends bien que vous en soyez irrités, mais sa démonstration est sans appel.

En ce qui concerne l’ISF, notamment, pourquoi ne pas admettre tout simplement que vous souhaitez donner davantage encore à ceux qui ont déjà beaucoup, tout en abandonnant à son sort une partie de la population ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. Oh, là, là !

M. Richard Mallié. Caricature !

M. Jean-Louis Idiart. C’est pourtant vrai !

M. Jean-Louis Dumont. Est-ce ainsi que l’on favorisera le retour à l’emploi de ceux qui en sont privés depuis des années ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. L’orateur n’avait que cinq minutes !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et elles sont passées !

M. Jean-Louis Dumont. Si je n’étais pas sans cesse interrompu, je pourrais arriver plus vite à ma conclusion !

Mes chers collègues, dans notre assemblée, les députés ne sont ni interdits de parole ni censurés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. C’est le moins qu’on puisse dire !

Mme Sylvia Bassot. On s’en rend compte !

M. Jean-Louis Dumont. Nous avons, tout comme vous, le droit d’expliquer les raisons de nos choix !

M. le président. Il faut tout de même penser à conclure, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont. Certains d’entre vous ont écouté la démonstration implacable de Didier Migaud : c’est votre droit de ne pas la partager mais il est bien plus facile pour vous de voter contre la question préalable que d’écouter l’ensemble de nos arguments. Cela nous aurait pourtant permis d’avoir un échange fructueux, que ce soit au cours de la discussion générale ou lorsque nous aborderons l’examen des articles du projet de loi.

M. Richard Mallié. Nous ne savons toujours pas comment va voter le groupe socialiste ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Dumont, veuillez conclure !

M. Jean-Louis Dumont. Alors oui, monsieur le ministre, et cela ne vous étonnera pas, le groupe socialiste votera avec une totale détermination la question préalable excellemment défendue par Didier Migaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Certains des propos tenus par M. Mariton étaient hors sujet et je n’ai toujours pas compris pourquoi notre collègue a fait, à l’instant, la promotion du parti socialiste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Alain Gest. Jaloux !

M. Hervé Mariton. C’est pour l’édification des masses !

M. Jean-Pierre Brard. …puisque les Français qui l’ont entendu ne peuvent qu’être favorables aux propositions qu’il a lues. Moi-même je les approuve, dans la mesure où elles annoncent une évolution,…

M. Alain Gest. Une révolution, plutôt !

M. Jean-Pierre Brard. …très positive et préparent des lendemains qui chantent pour la gauche…

M. Hervé Mariton. Merci de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Brard. …et, surtout, pour notre peuple ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, mes chers collègues, l’impôt est légitime à condition que ce soit ceux qui peuvent le payer qui le versent, ce qui ne sera pas le cas avec votre projet de loi de finances qui vise à exonérer davantage encore les plus riches.

Vous osez prétendre que ce sont majoritairement les plus modestes qui profiteront de vos mesures. Est-ce avec raison, quand 80 % des Français ne tireront aucun bénéfice de vos réformes, tandis que les plus riches – 14 000 d’entre eux – se verront rembourser en moyenne 18 500 euros ?

Monsieur le ministre, vous avez affirmé qu’il ne faut pas opposer les Français les uns aux autres. Vous l’avez pourtant fait avec une éloquence digne de l’aigle de Meaux, dont vous êtes le lointain descendant. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est une descendance qui prête à discussion, monsieur Brard ! Je ne suis pas fils d’archevêque !

M. Paul Giacobbi. Bossuet n’était qu’évêque, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Brard. En réalité, ce que ne souhaite pas M. Copé, c’est opposer les poules aux renards ! Il voudrait les faire cohabiter dans le poulailler dont il détient la clef, livrant les plus pauvres de nos compatriotes aux appétits gloutons de ceux qui n’en ont jamais assez et dont vous êtes, mes chers collègues, les avocats zélés. Nos compatriotes qui sont dans les tribunes vous entendront avec intérêt sur le sujet, car vous êtes les fondés de pouvoir des privilégiés ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, vous prétendez être moderne alors que vous baignez intégralement dans la ringardise. En effet vous souhaitez revenir à l’époque d’avant l’abolition des privilèges, à celle d’avant la Révolution !

M. Yves Censi. La Révolution d’octobre ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous siphonnez les finances publiques et démantelez l’ISF pour alimenter les coffres-forts.

Quand à vos comparaisons avec l’étranger, sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir, vous affabulez ; je dis bien « affabulez » et non « mentez » parce que le mensonge est intentionnel, tandis que l’affabulation ne l’est pas. Vous êtes totalement imbibés de votre idéologie ultralibérale ! Si vous n’avez d’inclination que pour les privilégiés, que vous défendez spontanément, c’est que vous avez grandi avec eux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Ces attaques personnelles sont insupportables !

M. Jean-Pierre Brard. J’en reviens à la question préalable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) Elle est parfaitement justifiée parce qu’on ne nous dit pas la vérité. Didier Migaud a eu raison de le relever : notre ministre des finances, Thierry Breton, habite manifestement sur une autre planète. Est-ce pour cette raison qu’il lui est interdit d’être présent à vos côtés ce soir, monsieur Copé ? Sans doute êtes-vous plus habile que lui, car lui ne connaît rien à la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En témoigne ce qu’il a déclaré dans Le Parisien du vendredi 14 octobre, au sujet de la réforme fiscale.

M. le président. M. Brard, il faut conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, pour que nos collègues puissent choisir de voter ou non la question préalable en toute connaissance de cause, ils doivent être suffisamment éclairés.

M. le président. Vous devez tout de même conclure !

M. Yves Censi. M. Brard fait partie du patrimoine national !

M. Philippe Vitel. Il faudrait le classer !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les propos de M. Breton, et non les miens que je cite : « Trois principes nous ont guidés, avec Jean-François Copé, pour mettre en place la réforme fiscale : la lisibilité, la justice et la compétitivité. Parce que notre système fiscal est un des plus compliqués du monde : sept tranches, des niches fiscales partout, fruit de nombreuses lâchetés… » – et vous en rajoutez ! – «…il fallait absolument le simplifier […]. La réduction des tranches du barème profitera en priorité aux contribuables les moins favorisés. […] Quant aux autres, les plus aisés, ils bénéficieront aussi de la réforme dans une moindre mesure. […] »

Et le ministre de poursuivre : « Ce dispositif profitera aussi à 10 % de contribuables très aisés » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Mieux vaut qu’ils paient leurs impôts en France plutôt que de s’exiler en Suisse !

M. le président. Monsieur Bouvard, je vous prie de laisser l’orateur conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez bien la chute du ministre, mes chers collègues : « Il faut être juste pour tout le monde. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C’est du Breton dans le texte !

M. le président. Concluez, s’il vous plaît !

M. Jean-Pierre Brard. Un dernier mot, monsieur le président.

M. Céleste Lett. Nous en sommes déjà aux arrêts de jeu !

M. Jean-Pierre Brard. Les exemples cités par Didier Migaud et qui ont fait bondir le ministre, – dont les châteaux ou autres résidences achetés officiellement pour trois francs six sous – montrent, premièrement, qu’il n’existe pas en France d’impôt réellement payé sur la fortune pour les contribuables vraiment riches (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ; deuxièmement, que ces achats …

M. le président. Monsieur Brard, votre temps de parole est écoulé !

M. Jean-Pierre Brard. …ont manifestement été effectués en partie au noir, avec de l’argent transporté dans des mallettes ! Votre gouvernement ne mène aucune lutte contre la fraude et, notamment dans le sud-est, contre la mafia russe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, que pense à votre avis le peuple français de ce débat sur la question préalable ? Entre M. Brard, le marquis de Montreuil, comme on le surnomme à l’Assemblée,…

M. Jean-Pierre Brard. Aristocrate, va !

M. Richard Mallié. Un marquis rouge !

M. Charles de Courson. …qui tient des propos archaïques et totalement irresponsables en matière budgétaire, et M. Migaud, qui applique strictement le principe de Guy Mollet, selon lequel un congrès socialiste se gagne à gauche, pour pouvoir gouverner ensuite à droite (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean-Louis Idiart. On vous invitera à notre congrès !

M. Alain Gest. Ce sera Apocalypse now !

M. Charles de Courson. …le spectacle offert aux Français est finalement assez triste.

Monsieur Migaud, vous ne croyez même pas à ce que vous dites (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). D’ailleurs si la gauche devait revenir au pouvoir, vous feriez strictement l’inverse de ce que vous préconisez ce soir. La raison en est simple : nous sommes déjà à 44 % de prélèvements obligatoires et chacun d’entre vous, en son for intérieur, sait pertinemment qu’on ne peut encore alourdir la pression fiscale qui est, en France, l’une des plus élevées d’Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Charles de Courson. Rappelez-vous cet éditorial de M. Fabius dans Le Monde selon lequel la gauche peut perdre en raison de sa « dépensophilie » : c’est pourquoi il faut résister à la dépense. Aujourd'hui, le même, flanqué de M. Migaud, son jeune lieutenant, comme chacun sait,…

M. Jean-Louis Dumont. Jeune et brillant !

M. Didier Migaud. Je vous remercie !

M. Hervé Mariton. « Lieutenant », c’est peu et « jeune », c’est trop !

M. Charles de Courson. …nous expliquent qu’il faut ouvrir les vannes. Monsieur Migaud, un peu de sérieux ! Vous ne nous aviez pas habitués à une telle dérive gauchiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Je n’ai jamais dit ça !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne l’avez pas écouté !

M. Charles de Courson. Si ! Je l’ai entendu dans mon bureau, où l’on entend souvent mieux que dans l’hémicycle.

Ce gauchisme vous ridiculise : la proposition de M. Fabius d’une augmentation massive du SMIC ou celle d’une hausse importante des impôts, faite à la télévision par le représentant du parti communiste, au cours d’une table ronde à laquelle j’ai participé, manque de sérieux. La vérité, qu’elle vous plaise ou non, mes chers collègues – j’y reviendrai au nom du groupe UDF dans la discussion générale –, c’est que le pays est ruiné ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui l’avez ruiné ?

M. Charles de Courson. Nous n’avons plus aucune marge de manœuvre.

M. Jean-Louis Dumont. C’est au ministre qu’il faut le dire, pas à nous ! Il est présent !

M. Charles de Courson. La seule vraie critique que vous pourriez adresser au Gouvernement, c’est de n’être pas assez rigoureux, d’avoir laissé filer la dépense publique et d’avoir augmenté les prélèvements obligatoires !

Je m’adresse maintenant au Gouvernement et à l’UMP. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Il était temps !

M. Charles de Courson. Beaucoup d’entre vous savent pertinemment que nous allons dans le mur !

M. Jean-Jacques Descamps. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Mais ce n’est certainement pas en adoptant les mesures proposées par le parti socialiste et par le parti communiste que nous redresserons l’état extrêmement dégradé de nos finances publiques.

Si vous pensez, mes chers collègues, que les Français sont encore nombreux à vous croire, vous vous trompez. Écoutez ce que dit le peuple : il dit que les hommes politiques sont irresponsables parce qu’ils promettent tout et n’importe quoi ; il dit qu’en annonçant matin, midi et soir des dépenses nouvelles qui endetteront le pays, ils alourdissent la facture que nos enfants et nos petits-enfants devront payer. Telle est la dure vérité !

Alors de grâce, mes chers collègues, faites preuve d’un peu de modération ! L’UDF, évidemment, ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton, ne faites plus de propagande socialiste !

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP approuve un projet de budget qui traduit à la fois sa politique, celle qui est demandée par ses électeurs et – ce qui est le plus important – celle qu’attend le pays.

Notre groupe a travaillé et a proposé : aujourd'hui, parfaitement uni, il approuve la priorité qui est donnée à l’emploi et les perspectives de réformes qui sont dans l’esprit de son projet politique, au premier rang desquelles se situe la réforme de l’État. Le groupe UMP a poussé le Gouvernement à lui insuffler un nouvel élan.

Le budget dont nous commençons l’examen sert un objectif, l’emploi, et répond à deux exigences : la réforme de l’État et la confiance des Français.

Nos compatriotes nous attendent sur l’emploi et c’est sur cet objectif prioritaire que nous aurons des comptes à leur rendre. Grâce aux nombreuses dispositions qu’il prévoit – elles ont été déjà évoquées et elles le seront de nouveau –, le budget stimule l’embauche, notamment par le développement des services à la personne et de l’apprentissage, et par l’allégement des charges, dont il conviendra évidemment d’évaluer l’incidence mais qui doit être poursuivi car il est justifié, efficace et légitime. L’État doit en effet respecter sa parole et tenir les engagements qu’il a pris à l’égard des entreprises au nom de l’emploi et pour l’emploi.

Le budget stimule l’embauche ; il encourage aussi la reprise d’activité à travers un certain nombre de dispositions contenues dans la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, réforme dont la première dimension, dans l’ensemble de sa géométrie, est de ne léser personne, condition indispensable pour qu’elle soit entendue et acceptée par nos compatriotes. Enfin, le budget encourage le travail grâce à la revalorisation de la prime pour l’emploi, qui stimule l’activité et valorise ceux qui ont un emploi, même modeste, ou ceux qui en retrouvent un.

Par ailleurs, le projet de loi de finances encourage l’investissement public, à travers l’augmentation des moyens alloués à l’État pour qu’il puisse mener sa politique d’infrastructures et tenir des engagements récents, essentiels à la préparation de l’avenir dans les domaines de la recherche ou de l’innovation industrielle. Toutefois le budget doit aussi favoriser l’investissement privé. Tel est, ne nous en cachons pas, le sens de la réflexion dont notre groupe a fait part au Gouvernement, visant à corriger les anomalies et les aspects négatifs de l’impôt de solidarité sur la fortune, dès lors qu’il joue contre l’investissement, contre l’emploi.

Enfin, nous servons l’emploi lorsque nous améliorons la compétitivité de la France. La réforme du barème, comme d’autres dispositions, permettent en effet une amélioration de notre compétitivité dans le contexte actuel de concurrence fiscale internationale. Nous ne sommes pas dans un monde fermé et la concurrence existe aussi entre les systèmes fiscaux, au niveau européen ou mondial.

Certains soutiendront que le Gouvernement propose à notre assemblée un budget fondé sur des prévisions trop optimistes. Vous avez répondu, monsieur le ministre, que les hypothèses de croissance que vous avez choisies sont à la fois optimistes et raisonnables : raisonnables parce qu’elles ne sortent pas du champ des prévisions proposées par les conjoncturistes, et optimistes parce que, au fond, c’est votre métier et le nôtre de l’être. Sinon, on nous reprocherait à juste titre, à nous parlementaires, d’enfermer notre pays dans une perspective pessimiste. Pour éviter cela, nous devons nous donner les moyens de transformer ces hypothèses en réalité ; or vous le faites, et nous vous soutenons.

Il faut aussi mettre en œuvre des moyens de régulation, afin d’assurer une exécution du budget sérieuse au cours de l’année 2006 ; il s’agit en effet de faire face à une évolution de la conjoncture qui peut être plus ou moins favorable.

D’ailleurs, pourquoi ne pas nous montrer optimistes ? Comme M. Thierry Breton hier, vous rappelez, monsieur le ministre, que les indicateurs économiques sont loin d’être tous mauvais pour la France, certains, on ne le souligne pas assez, se révélant même positifs.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Brard. Le CAC 40 et les pétroliers, par exemple !

M. Hervé Mariton. On parle souvent du messager de mauvais augure ; mais il est souvent difficile, dans la vie politique, d’être le messager de la bonne nouvelle.

M. Jean-Pierre Brard. C’est quasiment biblique.

M. Jean-Louis Dumont. S’agit-il de l’ancien ou du nouveau testament ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’évangile selon saint Hervé.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas nouveau !

M. Hervé Mariton. Il n’y a pas de quoi pavoiser, mais c’est un fait que la croissance française est meilleure que la croissance moyenne européenne. D’ailleurs, contrairement à ce que M. Migaud a affirmé tout à l’heure, le pouvoir d’achat ne baisse pas, il augmente.

M. Jean-Louis Dumont. C’est un scoop !

M. Jean-Claude Sandrier. Si, il baisse !

M. Hervé Mariton. Non, ce n’est pas un scoop ! Le pouvoir d’achat du salaire mensuel de base a augmenté au cours de la dernière année ; c’est une réalité statistique connue.

M. Jean-Pierre Brard. Les gens ne vivent pas de statistiques !

M. Hervé Mariton. Le pouvoir d’achat augmente, trop peu, certes, et nous souhaiterions qu’il progresse davantage. La réalité n’en est pas moins celle-là, et c’est, entre autres, la raison pour laquelle nous connaissons, depuis peu, une reprise de la consommation. Les campagnes de dénigrement que vous menez renforcent la perception que le pouvoir d’achat stagne ou baisse. C’est faux car, j’insiste, il faut bien admettre qu’il augmente.

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y a que vous qui y croyiez !

M. Jean-Pierre Brard. Quel effort d’autoconviction touchant !

M. le président. Monsieur Brard !

M. Yves Censi. Non, c’est un fait !

M. Hervé Mariton. Je souligne, par ailleurs, que le Gouvernement a la sagesse de fonder son projet sur une lecture équilibrée de la situation et des besoins, car cela n’a pas toujours été le cas. En effet, nous avons parfois souffert d’une action conjoncturelle quand elle n’était pas nécessaire, d’une politique de l’offre quand il fallait une politique de la demande, ou l’inverse.

Ces questions recouvrent une réalité très subtile, si bien qu’il est devenu aujourd’hui difficile d’établir un diagnostic privilégiant une dimension plutôt qu’une autre. Ainsi, certains souhaitent stimuler l’embauche, d’autres encourager le travail. Or la politique du Gouvernement n’oppose pas l’offre à la demande ; elle encourage les deux à la fois. Le projet de loi de finances apporte des réponses à des enjeux de structures en termes de compétitivité fiscale par exemple, mais aussi des réponses à un certain nombre de nécessités conjoncturelles.

Certes, la priorité essentielle est de servir l’emploi. Cela fait, force est de constater que les marges de manœuvre qui restent ne sont pas considérables. C’est justement pourquoi nous devons nous mobiliser entièrement afin de créer, pour les années à venir, les marges nécessaires pour répondre aux préoccupations de nos compatriotes et améliorer la situation de nos finances.

Il s’agit de satisfaire deux exigences, contenues dans le budget, auxquelles notre groupe tient particulièrement.

La première est l’efficacité de l’État. On en parle sans cesse ; seulement, à mesure que le temps passe, l’urgence se fait davantage sentir et il est de plus en plus difficile de dégager les marges de manœuvre plus indispensables que jamais.

M. Claude Gaillard. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. On peut certes faire confiance aux procédures prévues par la LOLF mais, chacun le comprendra, elles ne suffiront pas si elles ne sont pas servies par une volonté politique. Or, fort heureusement, cette volonté politique existe.

M. Michel Bouvard. La LOLF est un outil.

M. Hervé Mariton. En effet, la LOLF est un outil qui doit nous engager à nous montrer toujours plus attentifs à la performance et à l’évaluation.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Hervé Mariton. Les audits que vous nous promettez, monsieur le ministre, au-delà des rapports et des évaluations que l’on connaît déjà, doivent contenir des propositions précises. L’efficacité de l’État consiste aussi, il convient de le souligner, à savoir limiter les conventions budgétaires qui aident à boucler un budget. Nos collègues socialistes en ont beaucoup abusé. Ces conventions font partie de l’exercice budgétaire, mais moins il y en aura, mieux ce sera.

L’efficacité de l’État passe aussi par la réforme fiscale. Il s’agit d’un débat de fond que vous engagez concrètement, monsieur le ministre, et nous nous en réjouissons. Vous avez la sagesse, dont nous devrions nous inspirer, de ne pas vous limiter à des questions conjoncturelles, certes parfois importantes, mais qui ne sont pas l’objet de la réforme proposée. De même, l’augmentation du pouvoir d’achat n’est pas la finalité première de la réforme. L’État ne peut répondre à lui seul à cet objectif, même s’il doit y prêter attention.

Cette réforme est une première étape qu’il faudra prolonger. Pour cette raison, je souhaite qu’ensemble nous puissions nous engager vers l’élaboration d’une loi d’orientation fiscale.

M. Jean-Pierre Brard. Mais il est insatiable !

M. Hervé Mariton. Lorsqu’on parle de réformes fiscales, des enjeux de structures auxquels nous sommes confrontés – et je convie nos collègues de l’opposition à cette réflexion – nous devons anticiper un certain nombre d’évolutions comme celle concernant la fiscalité pétrolière.

On peut faire de la démagogie avec la TIPP flottante, comme Didier Migaud qui l’a inventée et s’y tient au point d’être le seul à y croire, mais la commission sur la transparence de la fiscalité pétrolière l’a rappelé : la réalité est que nos compatriotes vivent des difficultés sérieuses dues à l’augmentation des prix des carburants et des combustibles. Il faut le comprendre et y répondre dans certains cas. En même temps, nous devons mesurer la difficulté dans laquelle l’État se trouve et qui ira croissant.

La TIPP représente 25 milliards d’euros. Nous avons estimé que le coût de l’augmentation du prix du pétrole sera pour l’État, toutes incidences comprises, de 600 millions d’euros en 2005. Cependant si notre politique énergétique est bien comprise, si nos compatriotes réagissent à l’augmentation du prix du pétrole comme les modèles économiques le prévoient pour les années à venir, on doit envisager une élasticité de la demande de moins 0,25 à court terme et de moins 0,50 à long terme. Ces chiffres signifient que l’ensemble de la fiscalité pétrolière et de la fiscalité énergétique est gravement menacée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est exact !

M. Hervé Mariton. Il est important de préparer l’avenir. Vous devrez, monsieur le ministre, même si ce n’est pas nécessairement l’enjeu de l’actuelle loi de finances, aborder le sujet dès le début de l’année 2006 et nous présenter des propositions, faute de quoi un pan entier de l’édifice fiscal français va s’effondrer. Nous devons l’anticiper.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien ! On va taxer les bâtons de randonnée ! (Sourires)

M. Hervé Mariton. L’efficacité de l’État dépend aussi d’une politique de gestion de ses actifs. Même si cela déplaît à quelques uns de nos collègues de l’opposition, il est normal, il est sain, il est indispensable que l’État vende certains de ses immeubles.

La commission des finances et son rapporteur général le réclament depuis longtemps, et c’est aussi le souhait de l’ensemble de notre groupe. Il est heureux que le Gouvernement réponde à notre demande.

La gestion intelligente des actifs consiste aussi à investir, à dépenser, à constituer des actifs nouveaux tout en valorisant ceux qui mérite de l’être : de ce point de vue, c’est une bonne chose que de vendre les sociétés d’autoroute.

L’efficacité de l’État passe bien entendu encore par la maîtrise de la dépense : zéro en volume, puis zéro en valeur.

M. Jean-Pierre Brard. Parlez français, mon cher collègue !

M. Hervé Mariton. Atteignons le zéro en valeur le plus vite possible, monsieur le ministre. Il faut que nous nous en rapprochions fortement dès le budget de 2007, car c’est la condition de la maîtrise de la dépense et des déficits.

Quant à la réforme de l’État, « Chiche ! » nous dites-vous, mais comment y arriver ? Selon moi, si l’on veut avancer concrètement, efficacement sur ce chemin, il faut considérer que les questions qui se posent à la société française sont également celles qui se posent à l’État. Notre pays n’a besoin ni d’homéopathie ni de brutalité. Il doit s’inspirer de la démarche que bien des entreprises ont menée autour d’un concept tout simple, efficace et partagé : la conduite du changement.

Le groupe de l’UMP soutient l’amendement de certains collègues visant à réaliser 500 millions d’économie. C’est en somme une avance sur audit que nous vous proposons de faire, monsieur le ministre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général et M. Michel Bouvard. Belle formule !

M. Hervé Mariton. Il faudra accomplir davantage d’efforts en fonctionnement. Nous ne faisons pas du niveau des effectifs un a priori : c’est une question raisonnable qui découle de la gestion par missions fixée par la LOLF.

En matière d’investissement, l’amélioration de la dynamique des partenariats entre public et privé vous aidera sans nul doute à desserrer quelque peu la contrainte.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Hervé Mariton. Notre groupe se réunira la semaine prochaine pour examiner mission par mission la deuxième partie du projet de loi de finances et établir comment l’on pourra dégager ces 500 millions d’économie. Nous le disons avec vous, monsieur le ministre : « Chiche ! » Notre volonté rejoint la vôtre pour faire avancer la réforme de l’État.

La deuxième exigence majeure est d’obtenir la confiance des Français. La contribution demandée à nos compatriotes doit être, conformément à la Déclaration des droits de l’homme, juste et nécessaire. La justice exige certes que l’impôt d’État permette de répondre aux besoins, mais aussi que l’on sache le modérer, le rendre plus lisible et plus intelligent : tel est le sens de la réforme du barème, qui doit s’inscrire, je le répète, dans une réforme fiscale plus vaste.

Au reste, le débat sur le juste degré de progressivité de l’impôt est légitime. J’entends bien, à cet égard, la logique de la gauche qui s’emploie à en rajouter toujours en termes d’impôts et de progressivité, comme l’a encore montré la motion socialiste dite modérée que j’ai citée tout à l’heure. Pour notre part, nous considérons au contraire qu’il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut aller.

La responsabilité de rendre l’impôt plus juste incombe aussi aux collectivités locales. Au début de l’année, nous avons mené un débat d’opinion sur ce thème. La commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale a d’ailleurs souligné que les collectivités doivent assumer leurs responsabilités. Il s’agit maintenant de faire aboutir ces débats et de traduire ces propositions : aussi approuvons-nous la logique du bouclier fiscal, ainsi que la réforme et le plafonnement de la taxe professionnelle.

La confiance des Français suppose également que nos choix budgétaires s’appuient toujours sur un socle de valeurs : notre attachement au travail, à sa valorisation et à son encouragement, notre attachement à l’initiative et à l’investissement, la mise en valeur des forces et des atouts de notre pays, en particulier dans le domaine de la politique familiale. À cet égard, lorsque les socialistes proposent de plafonner le quotient familial, il y a de quoi être inquiet : des dégâts sont à craindre !

Enfin, la confiance des Français suppose un bon équilibre entre la stabilité et la réforme. Lorsque l’on parle de paysage fiscal ou de compétition fiscale, il faut prendre en compte l’appréciation de nos compatriotes : n’oublions pas la demande de stabilité qui est en chacun d’eux et qui coexiste avec le besoin de réforme. Attention, donc, aux visées esthétisantes qui sous-tendent parfois telle ou telle mesure, telle ou telle simplification. Attention également à la multiplication des primes et des gestes de bonne volonté que l’urgence peut parfois dicter à l’État. Il arrive en effet que celui-ci soit enclin à apporter des réponses immédiates à des attentes déraisonnables. Il s’ensuit une relation qu’on ne saurait qualifier de saine entre l’État et son budget d’un côté, et les Français de l’autre.

Je le répète, monsieur le ministre, ce budget est le meilleur que vous pouviez nous présenter cette année, parce qu’il est adapté aux contraintes que nous connaissons et à la situation d’urgence où se trouve notre pays. Néanmoins le groupe de l’UMP entend poursuivre le travail : il va notamment charger un groupe de travail d’évaluer toutes ces questions complexes et liées que sont la prime pour l’emploi, l’allégement des charges, la « barèmisation », la TVA sociale. Dans ce chantier important et compliqué, il convient de ne pas prendre de décisions trop rapides qui pourraient contredire les principes de base présidant à nos choix fiscaux et à nos choix de société.

Le groupe de l’UMP approuve ce projet de budget, parce qu’il correspond à nos choix de société, à nos valeurs et aux choix politiques que nous croyons conformes à l’intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, mes chers collègues de l’UMP, voilà trois ans et demi que vous êtes là et la situation des finances publiques est calamiteuse !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et toc ! C’est parti !

M. Augustin Bonrepaux. Didier Migaud vient de le démontrer excellemment et Charles de Courson l’a confirmé.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est tout dire !

M. Augustin Bonrepaux. Pendant toute cette législature, le déficit restera au-dessus de la limite supérieure qu’avait établie l'audit commandé par Jean-Pierre Raffarin et qui avait été fixée à 2,6 % en 2002. Après un record en 2003 – 4,2 % –, il s’est maintenu à 3,6 % en 2004, malgré le rebond de croissance, et il n’est ramené à 3 % en 2005 que grâce à la soulte de 9 milliards d'EDF.

Fixée à 2,9 % du PIB, la prévision pour 2006 est une simple amélioration optique, puisqu'elle n'est obtenue que grâce à une recette exceptionnelle dont nous avons été informés au dernier moment – les 2 milliards d'euros versés par La Poste – et à des recettes de circonstance.

Quant à la dette, elle poursuit son escalade : depuis 2002, où elle s’élevait à 58 % du PIB, elle a subi une hausse de 10,5 %, pour en atteindre 65 %, et la programmation pluriannuelle la maintient bien au-dessus de la norme européenne jusqu’à 2008 au moins.

Malgré la mise en œuvre de la LOLF, l'insincérité de la présentation des comptes publics grandit. La prévision de croissance à 2,25 % du PIB en moyenne est largement supérieure au chiffre de 1,8 % sur lequel le consensus des conjoncturistes s’est établi. Certes, cette hypothèse de croissance permet de desserrer à moindre frais la contrainte budgétaire, mais elle signifie surtout que nous pouvons nous attendre à de nombreux gels et annulations de crédits, pratique que vous avez à présent instituée en règle générale de gestion des finances de l'État.

De la même façon, la norme de zéro augmentation en volume des dépenses est une supercherie. Le Gouvernement prétend que la dépense budgétaire augmenterait au même rythme que l'inflation : c'est faux. La décentralisation se traduit par le transfert des déficits aux collectivités locales. Les crédits d'impôts et les affectations de recettes se multiplient pour délester la dépense de l’État. La principale manœuvre porte sur les allégements de cotisations sociales : le transfert de ces allégements à la sécurité sociale en contrepartie de recettes comme la taxe sur les salaires et une partie de la TVA permet au Gouvernement de ramener de 2,3 % à 1,8 % l'évolution de la dépense de l'État.

Parallèlement, les recettes exceptionnelles se multiplient. Pour compenser la soulte d'EDF et tenter de contenir le déficit à 3 % du PIB, vous faites les fonds de tiroirs : prélèvement sans justification d’un milliard d'euros sur les dividendes des sociétés autoroutières avant leur privatisation, récupération de la trésorerie des fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété pour 1,5 milliard d'euros…

Plus symbolique encore est le prélèvement que vous voulez opérer sur le budget de Réseau ferré de France, car il montre à quel point votre politique est à courte vue. Vous envisagez ainsi d'obliger cet établissement à vendre son patrimoine dans l'urgence, au risque de mal le vendre, mais surtout vous entendez prélever 350 millions d'euros sur cette vente au bénéfice du budget de l'État. Quand on connaît l'endettement de RFF, son manque de moyens pour entretenir et assurer le renouvellement des voies existantes – mille kilomètres de voies ne peuvent plus supporter le passage des trains à vitesse normale –, votre choix est inexplicable. Il faut que vous soyez pris à la gorge pour en venir à de telles extrémités !

M. Michel Bouvard. Qui a laissé filer la dette de la SNCF, monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux. Vos cadeaux fiscaux sont des traites sur l'avenir que vous transmettez à vos successeurs. Aucune des mesures fiscales annoncées par le Premier ministre n'est incluse dans le budget pour 2006 : ni la refonte du barème de l'impôt, ni le bouclier fiscal, qui ne produira ses effets qu'en 2007, ni même l'élargissement du crédit d'impôt pour frais de garde de jeunes enfants. Tout est renvoyé à 2007 et le Gouvernement se livre à une véritable mystification lorsqu’il veut donner l'impression de la rigueur en plafonnant les niches fiscales à 8 000 euros.

Tout d’abord, seules certaines niches sont concernées par ce plafonnement et tous porte à croire que les amendements de la majorité seront légion pour en réduire encore le nombre.

Ensuite – et là est la mystification –, tandis que vous plafonnez les niches pour que les contribuables paient davantage d’impôts, vous offrez un parachute doré pour les plus favorisés : le plafonnement des niches sera sans effet pour eux puisque le fameux bouclier fiscal annulera l’augmentation d’impôt qu’il pourrait représenter. Ce que vous leur prenez d'une main, vous le leur rendez au centuple de l’autre !

Le plafonnement de l'ISF à 85 % du revenu n'est rien à côté de ce que vous proposez. Les opposants à l’ISF les plus virulents n’auraient jamais rêvé d’une telle mesure ! En effet c'est le total de l'ensemble des impôts – ISF, IRPP, impôts locaux – que vous voulez plafonner à 60 % des revenus, avec la volonté affichée de faire rembourser par les collectivités locales la part de l'impôt local qui dépassera ce plafond. On en arrivera donc à l'aberration suivante : être contraint d’augmenter les impôts des contribuables les plus modestes, en particulier la taxe d’habitation, pour pouvoir rembourser les redevables de l'ISF. Et vous avez encore le culot d’appeler cela une réforme juste !

Le bouclier fiscal ne profitera que par accident aux personnes aux revenus moyens ou modestes qui subissent une perte de revenu brutale : ces contribuables servent d'alibi à une mesure qui est surtout mise en œuvre pour les 5 000 plus gros contribuables dont le Gouvernement et sa majorité se préoccupent essentiellement, ceux qui paient 85 % de leurs revenus en ISF et en impôt sur le revenu. En effet, les gains en euros et en pourcentage de l'impôt économisé sont fortement croissants à partir de revenus supérieurs à dix SMIC par mois. À compter de 13 000 euros de revenu mensuel par part, ces gains deviennent même considérables.

Au total, plus de la moitié du coût de la mesure profitera aux 10 000 contribuables les plus fortunés. Leur gain représentera 2 083 euros par mois en moyenne, somme que l’on comparera aux 4,73 euros mensuels que vous consentez aux bénéficiaires de la prime pour l'emploi : 250 millions d’euros pour 10 000 privilégiés, 500 millions pour 8,8 millions familles : est-ce cela que vous appelez une réforme juste ?

Vous prétendez que votre réforme s’adresse aux classes moyennes, que vous définissez de façon très souple comme la catégorie sociale des Français dont le revenu varie entre le SMIC et 3 500 euros par mois. Cela montre que vous devriez d’urgence améliorer votre connaissance des classes moyennes. En réalité, pour les classes moyennes et modestes, la fiscalité va augmenter.

Elles ne bénéficieront pas davantage des allégements des droits de succession engagés en 2005 et poursuivis en 2006. Alors que le patrimoine médian est de 67 000 euros et que 25 % seulement des ménages ont un patrimoine supérieur à 150 000 euros, vous allez permettre de léguer 50 000 euros en franchise de droits à chacun des enfants et 30 000 euros à chacun des petits enfants, tous les six ans au lieu de dix ans, soit la totalité du patrimoine d’un ménage moyen. La combinaison des dispositifs permettra à deux parents de léguer à leurs deux enfants, entre 1996 et 2005, 320 000 euros, soit cinq fois le patrimoine d’un Français modeste.

Vous ne cessez de prétendre que personne n’y perd. C’est faux : l’ensemble des prélèvements obligatoires augmente régulièrement. Nous ne sommes pas les seuls à le dire ; je l’ai aussi entendu sur les bancs de l’UDF. Seulement, ils n’augmentent pas pour tout le monde. Depuis trois ans, vous baissez les impôts sur les revenus les plus élevés et, bien sûr, ce sont tous les autres qui en font les frais. En 2003, le prélèvement de la CSG a représenté 1 milliard d’euros, soit plus que l’ensemble des baisses d’impôt affichées en loi de finances. Pour 2006, la hausse des cotisations vieillesse pèsera 660 millions d’euros sur les salaires tandis que vous accorderez 500 millions à la prime pour l’emploi. Et votre politique à l’égard des collectivités locales va contraindre celles-ci à accroître encore les impôts des ménages.

Or de tels cadeaux ne relancent en rien le pouvoir d’achat du plus grand nombre, fortement amputé par la hausse du pétrole. Ils sont concentrés sur les ménages qui ont la plus faible tendance à consommer le surplus que vous leur accordez. C’est pourquoi la consommation stagne. Les critiques sont de plus en plus nombreuses, y compris dans vos rangs. Didier Migaud a fort justement cité dans son intervention les regrets du président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie. D’ailleurs, à l’issue de chaque examen de projet de loi de finances, après avoir voté les allégements d’impôts, il déclare qu’il ne fallait pas les faire. Je suppose que, cette fois encore, il va persister, avec tous ceux qui disent que vous allez dans le mur en klaxonnant, à soutenir une telle politique.

La nouvelle réforme, dont se gargarise M. Mariton, va encore se traduire par un allégement d’impôts de 3,6 milliards d’euros. La plus forte baisse depuis 2002 ! Au total, plus de 10 milliards auront été gaspillés en pure perte. M. Méhaignerie disait en juillet 2005 : « Nous avons perdu ainsi 7 milliards d’euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures. » Nous allons atteindre plus de 10 milliards d’euros. Pouvez-vous me dire à quoi ils auront servi ?

De tels allégements sont sans lien avec l’économie. L’imposition des hauts revenus et des droits de mutation n’incite en effet que très marginalement à la délocalisation des activités, comme l’a souligné le conseil des impôts à propos de la concurrence fiscale. L’impôt sur le revenu n’est pas déterminant. Il occupe d’ailleurs une place beaucoup moins importante en France que chez beaucoup de nos voisins. Ainsi le poids de l’impôt sur le revenu dans le total des prélèvements serait proche de 23,2 % en France en 2003, contre 36,5 % au Royaume-Uni et 33,2 % dans la moyenne de l’Europe des Quinze. Comme l’indique le conseil des impôts : « les effets économiques de ces expatriations sont très limités […] Au total, si une réforme de l’ISF peut être recommandée, ce n’est pas au nom d’arguments relatifs à l’attractivité de la France ou au maintien d’activité en France, ni en attribuant à une telle réforme un hypothétique équilibre budgétaire. »

L’attractivité du territoire n’est pour vous qu’un prétexte pour baisser l’ISF. Pouvez-vous nous expliquer quel a été l’effet de l’allégement de l’ISF en 2003 pour tous ceux qui investissent dans une PME ? Comment aurait-il pu freiner les délocalisations quand cette réduction bénéficie aussi aux investissements en Pologne ou en Tchéquie ? Est-ce une façon d’encourager les installations en France ou simplement un cadeau fiscal supplémentaire ?

Malheureusement, en privant de ressources les politiques publiques essentielles à l’attractivité du territoire, en particulier la qualité des infrastructures, nous nous retrouvons dans la situation que connaît notre pays : des investissements en panne sur les contrats de plan et sur les infrastructures routières, un service public de la SNCF perturbé avec la suppression du fret sur de nombreuses lignes.

Votre budget n’a même plus les moyens d’encourager les installations d’entreprises dans les zones défavorisées, comme vient de le confirmer M. Estrosi, ministre de l’aménagement du territoire. Votre politique sacrifie à la fois l’attractivité du territoire et l’emploi. Pourtant, malgré son inefficacité et l’aggravation des inégalités qu’elle entraîne, vous continuez. Vous voulez encore alléger de 75 % l’ISF pour les actions détenues par les salariés dans la société où ils travaillent. Pas n’importe quels salariés tout de même : ceux qui paient l’ISF et ce ne sont pas les plus démunis ! Quelle pourrait être l’incidence sur l’emploi de ce nouveau cadeau fiscal ?

Pour alléger vos dépenses, pour justifier vos choix, il vous fallait un bouc émissaire. Vous l’avez trouvé dans les collectivités locales. Sous prétexte de décentralisation, vous leur transférez le plus de charges possible. Bientôt, on ne parlera plus de solidarité nationale mais de solidarité départementale. On peut déjà apprécier les conséquences du transfert du RMI après deux exercices budgétaires. Avec 200 000 bénéficiaires supplémentaires et une allocation revalorisée, les charges pour les départements ont explosé alors que les recettes stagnent, en dépit des promesses que vous aviez faites d’une ressource évolutive. Le résultat, c’est que, malgré la compensation à l’euro près au moment du transfert, le déficit de 2004 est de 462 millions d’euros. Et si vous compensez ce dernier, vous ne dites pas si vous compenserez le milliard qu’il atteindra en 2005. Cette expérience malheureuse augure mal de ce que sera le transfert des TOS et celui des routes sur les départements et les régions.

La législation ne cesse d’alourdir les charges pour les collectivités locales. L’an dernier, elles ont dû assumer les retraites des sapeurs-pompiers volontaires ; cette année, la loi sur le handicap risque de faire exploser davantage les dépenses sociales des départements, car les compensations sont dérisoires. Le Gouvernement sait se montrer généreux lorsque ce sont les autres qui paient ! Il avait pourtant promis aux collectivités locales des recettes évolutives qu’elles pourraient moduler : la TIPP pour les régions, la taxe sur les conventions d’assurance pour les départements. Aujourd’hui, alors que les transferts sont en cours, nous ne savons toujours pas si les régions pourront moduler la TIPP. Quant aux départements, le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il ne pourrait pas tenir son engagement.

C’est au moment où toutes les charges sont transférées et les dotations pratiquement figées – ce qui va forcément entraîner l’augmentation des impôts locaux pour les ménages – que le Gouvernement engage sa réforme fiscale, qu’il veut faire payer par les collectivités locales. De fait, il instaure sur celles-ci une véritable tutelle financière. Le résultat de cette deuxième décentralisation sera le transfert des déficits et le rétablissement d’une tutelle que la décentralisation de 1982 avait fait disparaître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Très juste !

M. Jean-Louis Dumont. C’était une vraie décentralisation !

M. Augustin Bonrepaux. Cette réforme aura de graves conséquences sur l’ensemble des collectivités locales.

Vous voulez d’abord leur imposer un remboursement de 474 millions d’euros pour la taxe professionnelle et de 43 millions d’euros pour le bouclier fiscal. Une telle décision rétroactive – sans doute contraire à la Constitution, même si, en la matière, celle-ci ne garantit pas grand-chose – ne peut être inspirée que par votre désir de revanche sur la déculottée subie par vos candidats en 2004.

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas beau le désir de revanche !

M. Augustin Bonrepaux. Mais les conséquences à moyen et long termes sont encore plus graves. Ainsi la taxe professionnelle représente plus de la moitié des ressources des collectivités locales. Parce que vous n’avez pas le courage de réaliser la réforme préconisée par la commission Fouquet, que vous avez fait travailler pour rien pendant un an, vous voulez la faire supporter essentiellement par les collectivités locales. Alors que vous transférez des dépenses en croissance, vous compensez avec des ressources plafonnées. Ainsi vous réduisez encore leur autonomie fiscale. Cela aura de graves conséquences pour les régions, qui n’ont que cette seule recette avec le foncier bâti, et davantage encore pour les départements, dont les charges de solidarité explosent cependant que les ressources transférées, plafonnées, stagnent.

C’est pour les communautés de commune à taxe professionnelle unique que la situation deviendra dramatique. Leur association, présidée par Marc Censi, maire de Rodez, souligne très sévèrement toutes les conséquences de cette réforme. Le plafonnement ne corrige en rien les défauts de la taxe professionnelle diagnostiqués par la commission Fouquet. Il ampute l’assiette fiscale de façon différente selon les territoires, de telle sorte que ce sont les territoires industriels les plus en difficulté qui seront les plus touchés et cette proportion va s’aggraver en cours d’année, car le parc d’entreprises plafonnées va s’accroître. Cette réforme va forcément aggraver les disparités entre les territoires et ce sont toutes les régions défavorisées qui en feront les frais.

M. Hervé Mariton. Elle va surtout protéger les contribuables !

M. Augustin Bonrepaux. Depuis trois mois, nous réclamons des simulations. Votre refus de les communiquer ne peut que nous alarmer. De deux choses l’une : ou elles n’existent pas et c’est inquiétant, ou elles existent et vous refusez de nous les faire connaître car les conséquences sont trop dramatiques, et c’est encore plus inquiétant !

On peut déjà prévoir les conséquences de cette mesure. Dans un premier temps, ce sont forcément les investissements des collectivités locales qui vont se réduire et la dette exploser. En fait, vous voulez obliger les collectivités locales à suivre l’exemple de l’État. Est-ce le meilleur moyen de soutenir la croissance, d’assurer l’attractivité des territoires et d’inciter les entreprises à s’installer dans notre pays ? Les élus locaux n’auront d’autre ressource que d’augmenter les impôts pesant sur les ménages : la taxe d’habitation et la taxe foncière. Voilà pourquoi vous prévoyez une augmentation des prélèvements obligatoires.

En conclusion, monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris de m’entendre dire que nous ne voterons pas votre budget. Il va avoir les effets inverses de ce que vous annoncez et de graves conséquences. La réduction du chômage que vous annoncez n’est que le résultat de votre traitement statistique de la manipulation des chiffres et des contrats précaires, tels les contrats d’avenir que vous faites payer aux départements. Ce ne sont pas des créations d’emplois, car les suppressions d’entreprises sont plus nombreuses que les créations.

Vous avez laissé démanteler Pechiney, l’un des fleurons de notre industrie, qui est vendu par appartements.

M. Michel Bouvard. C’est l’Europe qui a fait cette bêtise, et la gauche n’est pas montée au créneau à l’époque.

M. Augustin Bonrepaux. Et qu’avez-vous fait pour l’empêcher ? Rien !

M. Michel Bouvard. Et vous, lors de la première fusion ?

M. Augustin Bonrepaux. Aujourd’hui, vous abandonnez notre industrie textile et d’autres secteurs, comme la papeterie, sont en difficulté.

Toutes vos mesures fiscales n’ont eu aucun effet sur le pouvoir d'achat : celui-ci est en berne depuis 2002 et il est, aujourd’hui, fortement amputé par la hausse du pétrole.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je termine.

La plupart des services publics disparaissent des territoires ruraux : l’Éducation nationale, La Poste, la santé. L’aménagement du territoire est sacrifié. L'État n'a plus les moyens de moderniser les infrastructures alors que cela garantirait l’attractivité de notre territoire. Il ne peut même plus financer les installations d'entreprises.

Le bilan que vous laisserez dans dix-huit mois sera désastreux pour vos successeurs.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui ! Nous sommes déjà obligés de dresser le bilan en vue de relever le pays !

M. Augustin Bonrepaux. Heureusement M. Mariton a rappelé le programme et le projet du parti socialiste et Didier Migaud a formulé des propositions concrètes au nom de celui-ci. C’est l’intérêt du pays qu’elles puissent être mises en œuvre le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour être qualifiée de bonne, une politique des finances publiques doit répondre à trois critères : le premier, c'est de dire la vérité aux Français sur l'extrême gravité de l'état des finances publiques de notre pays ; le deuxième, c'est d’affirmer qu’un bon budget implique une réduction sensible des déficits, une réduction significative du poids des dépenses publiques dans la richesse nationale, et une pression fiscale et sociale au minimum stable ; le troisième, c'est que la politique financière vise à la fois à la justice sociale et à l'efficacité économique.

Or, mes chers collègues, le premier constat que l’on peut établir est que la situation de nos finances publiques est catastrophique et ne se redressera pas de manière significative en 2006.

Depuis 2002, le poids des prélèvements obligatoires ne cesse de s'accroître et, depuis quatre ans, plus de la moitié de la richesse créée a été ponctionnée par le secteur public.

Les chiffres sont clairs : le taux de prélèvements obligatoires était de 43,1 % en 2002 et il sera, selon les prévisions gouvernementales, de 44,0 %. En quatre ans, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 108 milliards d'euros, contre 213 milliards pour la richesse nationale. Ainsi, 51 % de celle-ci ont été ponctionnés.

Deuxième constatation : les déficits publics se réduisent très lentement et insuffisamment pour contenir l'aggravation du poids de la dette publique. De 3,2 points en 2002, il sera encore, d’après les prévisions gouvernementales, de 2,9 % en 2006 mais on peut douter que cet objectif ne sera pas tenu pour plusieurs raisons.

D’abord, il y a une légère surévaluation de la croissance par rapport au consensus comme on dit, c’est-à-dire à l’avis des experts. Cette surestimation d’environ 0,7 % correspond, pour l’État, à un manque à gagner de l’ordre de 2 milliards d’euros.

Par ailleurs, bénéficiera-t-on durablement des soultes ?

Après la soulte en 2004 de 1,6 milliard relative au démantèlement de Marcoule et de Pierrelatte et celle de cette année de 8,4 milliards des IEG – EDF-GDF, pour simplifier – on nous promet pour l’année prochaine deux soultes de l’ordre de 2 milliards relatives à la Banque de France et à La Poste. Quoi qu’il en soit, le taux de déficit restera très nettement au-dessus du 3 %.

D’ailleurs, la programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2007-2009 figurant dans le rapport économique, social et financier, montre que, pour faire revenir le déficit à un taux raisonnable et le ramener à zéro en 2009, il faudrait – tenez-vous bien ! – que la croissance des dépenses de l'État soit stabilisée à 0 %, celle des dépenses sociales à 1 % et celles des collectivités locales autour de 1,5 % en volume.

Qui est aujourd’hui capable d’assumer politiquement un tel choix ?

M. Jean-Pierre Brard. L’UDF !

M. Charles de Courson. L'inéluctable progression du poids de la dette publique est un fait acquis. Il est ainsi passé de 58,2 % du PIB en 2002 – 901 milliards – à 66 % en 2006 : 1 162 milliards. Et il n’est pas vrai que sa progression soit stabilisée parce qu’on utilise 10 milliards des recettes de privatisation pour moins endetter l’État. En fait, la dette publique devrait être de 10 milliards supplémentaires car, que vous ayez 1 000 milliards de dettes et 100 milliards d’actif ou 900 milliards de dettes après avoir vendu vos 100 milliards d’actif, c’est exactement la même chose.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Charles de Courson. En fait donc la dette aura atteint 66,6 % du PIB à la fin de l’année prochaine, avant cession d’actifs publics et l’on ne répétera jamais assez, à temps et à contretemps, que le poids de la dette publique par rapport à la richesse nationale ne peut que croître tant que le niveau des déficits publics n’est pas en deçà de 2 à 2,4 %. Voilà la dure réalité.

Le rapporteur général tient d’ailleurs dans son rapport des propos très durs sur ce qui s’est passé de 2002 à 2006. D’après ses calculs, les surplus spontanés de recettes ont été de 41,5 milliards. À quoi ont-ils été utilisés ? Pour 68 % à accroître les dépenses, pour 28 % à diminuer les impôts et pour moins de 4 % pour réduire le déficit.

Ainsi que ne cesse de le répéter l’UDF, à temps et à contretemps : nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de réduire les impôts.

M. François Rochebloine. Et oui !

M. Charles de Courson. Commençons donc par essayer de limiter la hausse des dépenses et mettons toutes les marges de manœuvre sur la réduction des déficits. On verra après ce que l’on peut faire en matière de baisse d’impôts.

Troisième constatation : la croissance des dépenses publiques aura été plus rapide que celle de la richesse nationale sur la période 2002-2006. Entre ces deux années, la dépense publique consolidée se sera ainsi accrue de 130 milliards soit 61 % de la croissance de la richesse nationale, soit 213 milliards d'euros. Voilà l’âpre vérité.

La conclusion de ce premier point est claire : sur la période 2002-2006, les finances publiques n’ont pas été gérées dans des conditions permettant de les assainir durablement.

Le deuxième point que je veux développer est le niveau d’insincérité de la présentation 2 006 du budget de l’État et de celui des finances sociales, car il a atteint un niveau rarement égalé.

Loin de moi de croire que vos prédécesseurs aient été des anges, mais je veux vous éclairer sur la situation actuelle.

La présentation du budget de l'État relève de plus en plus d'un exercice de style visant à dissimuler l'excès de dépenses et la surestimation des recettes

En matière de dépenses, le projet de loi de finances pour 2006 ne maintient l'objectif de progression zéro en volume que grâce à des artifices de présentation visant à dissimuler une croissance des dépenses de plus de 4 %. Je suis d’ailleurs moins dur que le rapporteur général qui, lui, l’estime à 4,9 %.

Comment arrive-t-on à une augmentation d’un peu plus de 4 % ?

Tout d'abord, le Gouvernement a décidé de transférer les allégements de charges sociales vers les organismes de sécurité sociale. Or ces dépenses augmentent de 10 % : entre 2005 et 2006, ils passeront de 17,10 milliards à 18,90 milliards. C’est énorme.

Ensuite, les prélèvements sur recettes, c’est-à-dire le prélèvement européen et celui concernant les collectivités territoriales, augmentent de près de 2 milliards.

En troisième lieu, les dégrèvements et remboursements sur les impôts locaux connaissent une hausse considérable – 2,11 milliards –, à cause notamment des mesures concernant la taxe professionnelle.

En quatrième lieu, la part de la prime pour l'emploi destinée aux contribuables non imposables augmente de 0,42 milliard.

En cinquième lieu, sept opérations que j’appelle les « zakouskis budgétaires » ont permis de dissimuler au moins 2,8 milliards d'euros d'accroissement des dépenses publiques.

La première opération concerne la modification radicale du mode de financement de l'agence pour le financement des infrastructures de transports, l’AFIT, pour 900 millions : les dépenses de cette agence passeront de 1,10  à 2 milliards entre 2005 et 2006. On verra que ce sera probablement plus.

La deuxième opération est celle amorcée l’année dernière du financement du prêt à taux zéro par un crédit d'impôt d'aide à l'accès à la propriété : 0,5 milliard.

La troisième opération consiste à financer la suppression de la vignette automobile qui constitue une recette des départements en augmentant le prélèvement sur la taxe sur les conventions d'assurance-automobile au profit des départements : 0,13 milliard.

La quatrième opération est le doublement de la hausse prévue de la taxe d'apprentissage au bénéfice des régions : 0,2 milliard.

La cinquième opération consiste à faire supporter les frais de fonctionnement et d'investissement des radars automatiques par un nouveau compte d'affectation spéciale et de les financer par un prélèvement de 0,14 milliard d'euros sur les recettes des amendes permises par ces radars automatiques. Ainsi, on soulage de 0,14 milliard les dépenses du budget général.

La sixième opération vise à affecter 0,27 milliard de la part de la taxe sur le tabac qui était encore affectée en recettes du budget général sur le FNAL – le fonds national du logement –, et sur l'UESL – l’union économique et sociale pour le logement. Ainsi 0,27 milliard de dépenses échappent au budget général.

Enfin, septième opération : la création, conformément à la loi organique, du compte d'affectation sociale « Pensions » a entraîné la disparition, dans le budget de l'État, du paiement des pensions des fonctionnaires de la Poste et de France Telecom – 4,95 milliards en 2006 contre 4,70 milliards en 2005 – ainsi que des charges nettes de compensation démographiques et les transferts vers l’IRCANTEC et les fonds particuliers. Il en résulte que 0,60 milliard de hausse des charges ont été sortis du périmètre.

Au total, ces sept opérations dites Zakouskis budgétaires ont abouti à dissimuler une augmentation de dépenses de 2,77 milliards d'euros.

Le budget de l’État est passé – tenez-vous bien, mes chers collègues – de 371,9 milliards à 386,9 milliards, de 2005 à 2006, soit une hausse de 4,02 %. Ce chiffre pourrait atteindre 4,30 % si l’on remonte, comme l’annonce le Gouvernement, de 0,84 milliard à 2 milliards la dotation en capital dont doit bénéficier l’AFIT sur les recettes de privatisation des sociétés d’autoroutes. La conclusion est simple : la hausse réelle des dépenses de l’État devait être, en 2006, de 4,3 % au lieu de 1,8 % comme cela est affiché.

On peine d’ailleurs à trouver dans le projet de budget de véritables économies.

Prenons l’exemple de la fonction publique, sujet dont la gauche n’aime pas trop que l’on parle.

La suppression de 5 700 emplois se résume à peu de chose…

M. Jean-Pierre Brard. Combien de postes supprimés dans votre circonscription ?

M. Charles de Courson. … puisque est proposée la création de postes de contractuel : 5 800 auxiliaires de vie scolaire et plus de 20 000 emplois de vie scolaire supplémentaires, dont une partie remplacera des CES-CEC. Peut-on parler dans ces conditions de rigueur budgétaire ?

De plus, certaines dotations budgétaires sont sous-estimées.

Ce sont toujours les mêmes : pour les opérations extérieures, dont le coût est estimé à 650 millions cette année, est prévue une dotation de 250 millions. Il manque 400 millions de crédits.

L’aide médicale d’État sera dotée, en 2006 comme en 2005, de 233 millions d’euros alors qu’il faudrait environ 400 ou 430 millions. Il manque dès lors 200, voire 270 millions.

Les reports de crédits se sont fortement accrus, notamment pour les crédits militaires d’investissement.

Enfin, on peut, comme l’année dernière, s’interroger sur le caractère réaliste d’une revalorisation du point de la fonction publique. Il convient de rappeler qu’en 2005, il avait fallu majorer en cours d’année de 0,8 milliard d’euros les crédits de personnel suite à la sous-évaluation des revalorisations.

Les recettes fiscales sont légèrement surestimées et les recettes non fiscales sont, pour une part importante, non reconductibles.

La surestimation des recettes fiscales porte, M. le ministre a eu raison de le souligner, sur un ou deux milliards ce qui est bien peu de choses par rapport à 250 ou 260 milliards de recettes brutes.

Plus grave est la surestimation des recettes non fiscales. L’État se comporte, à l’égard des entreprises dont il est propriétaire en actionnaire prédateur. Que l’on en juge : augmentation de 688 millions du dividende d’EDF, de 380 millions du dividende de la Banque de France, augmentation de 212 millions du dividende de France Telecom ; de 213 millions du dividende de la Caisse des dépôts et consignations. En plus, quatre opérations tout à fait exceptionnelles montrent combien le bouclage du budget a été réalisé par des expédients : augmentation de 653 millions du prélèvement sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts, prélèvement exceptionnel de 1,4 milliard sur le fonds de garantie à l’accession sociale, ce qui entraîne des réactions très vives des banques qui menacent de ne plus distribuer les prêts à taux préférentiel à l’accession à la propriété sociale ; versement d’un résultat exceptionnel des sociétés autoroutières de 950 millions ; reversement de 350 millions de plus-values de cession d’actifs fonciers détenus par Réseau Ferré de France et non utiles à l’exploitation ferroviaire. Ce prélèvement sur une société déficitaire et criblée de dettes montre que l’État actionnaire, de prédateur qu’il était des sociétés qu’il possède, devient un véritable vampire.

Dernier exemple : le prélèvement de 110 millions sur l’institut géographique national à travers la vente obligée de sa filiale aux Etats-Unis.

Ce sont là des pratiques tout de même assez étonnantes !

Le vrai problème, monsieur le ministre, je vous le dis tout net, c’est que, si vous êtes encore là pour préparer le budget de l’année prochaine, il va vous falloir trouver 5 nouveaux milliards d’euros de recettes non fiscales exceptionnelles.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit les mêmes dérives que le budget de l’État.

M. Jean-Louis Idiart. C’est un réquisitoire !

M. Charles de Courson. Le déficit des comptes sociaux ne se réduit pas significativement. Le déficit de l’ensemble des régimes de base, y compris le fonds de solidarité vieillesse, atteindra 14,4 milliards d’euros en 2006, soit un chiffre peu différent de celui de 2005, où nous étions à 15,2 milliards, compte tenu de la fragilité des évaluations sur les recettes. Même si l’on se trompait de 2 ou 3 milliards, ce serait malheureusement plutôt en moins qu’en plus.

Comme chaque année, l’objectif de croissance de l’ONDAM de 2,5 % est de plus en plus difficile à respecter. Personne ne croit un seul instant que l’on pourra ainsi faire face aux dépenses hospitalières.

La quasi-stabilité des déficits sociaux est obtenue par de nouvelles et importantes hausses des prélèvements sociaux, qui atteignent 3,2 milliards.

Au total les recettes des régimes de base progresseront de 14,4 milliards en 2006, soit une augmentation de 4,1 %, supérieure à la croissance de la richesse nationale.

Troisième point que je souhaite développer : le budget de l’État comme celui de la sécurité sociale traduisent une fuite en avant à caractère électoraliste.

D’abord, les baisses d’impôts en 2007, décidées dès la fin de 2005 sont d’un montant supérieur aux marges de manœuvre prévisibles. Elles atteindront 6,18 milliards d’euros en 2007, ce qui est supérieur aux marges de manœuvre existantes. Si l’on ajoute cette somme aux 5 milliards de recettes non fiscales non reconductibles, comment allez-vous boucler le budget pour 2007 ? Vous me répondrez que ce n’est pas grave, puisque ce sera peut-être un autre gouvernement qui l’exécutera. Certes, mais cela correspond-il à une gestion rigoureuse des finances de l’État ?

L’absence de réelles économies traduit votre incapacité à réformer à l’État et à adapter en profondeur les régimes de sécurité sociale. S’agissant du budget de l’État, on est frappé par la faiblesse des économies réalisées en matière de personnel, comme dans bien d’autres domaines ; je l’ai montré tout à l’heure. Pour ce qui est du budget de la sécurité sociale les économies obtenues grâce à un certain nombre de mesures sont de l’ordre d’un milliard, alors que les dépenses s’élèvent à 374 milliards.

En définitive, le Gouvernement promet des baisses d’impôt pour demain et se garde aujourd’hui de mener une politique d’économies sérieuse pour les financer. En un mot, on vit à crédit.

Je voudrais développer un quatrième point. Plusieurs dispositions du budget ne vont pas dans le sens de la justice sociale et de la responsabilisation des élus locaux. Certaines mesures vont en effet déresponsabiliser les élus locaux et dégrader encore l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Je mets en garde le Gouvernement, qui se montre de plus en plus critique à l’égard de la gestion des collectivités locales, en particulier de l’intercommunalité qu’il accuse d’avoir provoqué des groupements d’aubaine visant à ramasser des avantages de l’État, des régions et des départements. Ces critiques sont excessives, car, s’il existe des collectivités dont la gestion est dispendieuse, on ne peut considérer que ce comportement soit généralisé.

Ainsi, le Gouvernement propose de récupérer les fameux 43 millions d’euros sur les collectivités locales, dont certains citoyens – 93 000 au niveau national selon les estimations du Gouvernement – sont concernés par le bouclier fiscal fixé à 60 % du revenu, y compris les impôts locaux afférents à la résidence principale. Ce dispositif est absurde, car cette récupération frappera également des collectivités locales ayant une faible pression fiscale. Vous nous expliquerez pourquoi on pénalise des gens ayant une faible pression fiscale !

Cette nouvelle invention devrait vous permettre de recevoir le prix Nobel du roi Ubu. C’est un dispositif fou ! Il semble – cela se murmure dans les couloirs – que le Gouvernement renoncera à la récupération. Ce serait une excellente mesure, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée de l’avoir affichée.

Ensuite, le Gouvernement poursuit la politique de démantèlement de l’autonomie fiscale locale engagée par ses prédécesseurs. L’UDF s’est beaucoup battue lors de l’examen de la réforme constitutionnelle et de la loi organique, mais elle a malheureusement été battue.

Le Gouvernement a décidé de financer les transferts de compétences par des prélèvements sur deux recettes fiscales de l’État : 1,14 milliard d’euros en 2006 prélevés sur le produit de la taxe sur les conventions d’assurances pour les départements et 5,67 milliards sur la TIPP pour les départements et les régions. En fait, ces nouveaux prélèvements sur les recettes de l’État ne donnent aucune marge de manœuvre aux collectivités territoriales, le Gouvernement ayant officiellement annoncé que les départements ne pourront pas moduler le taux de la taxe sur les conventions d’assurance mais qu’il ne désespérait pas d’obtenir de l’Union européenne, pour les régions, une légère modulation de la TIPP. Ainsi, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales se réduit constamment. La suppression de la vignette des départements est remplacée par un prélèvement sur les recettes de la taxe des conventions d’assurance. La suppression de 20 % du foncier non bâti se fait à taux stabilisés 2005. Quant au plafonnement de la taxe professionnelle des entreprises à 3,5 % de leur valeur ajoutée, elle se traduira par le gel des taxes sur plus de la moitié, en moyenne, de l’assiette de la taxe professionnelle.

Les diverses dispositions relatives à la fiscalité locale aboutissent toutes au même résultat : encourager les collectivités à fiscalité élevée en faisant prendre en charge par la fiscalité nationale, le surcoût de la fiscalité locale. Où est la responsabilisation ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Charles de Courson. J’ai fait sur ce point, au nom de l’UDF, plusieurs contre-propositions, dont nous discuterons ultérieurement. Il s’agit de jouer sur les taux plafonds, et non, de façon obscure, en frappant même ceux qui ont bien géré leur collectivité.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Charles de Courson. Certaines mesures fiscales ne vont pas dans le sens de la justice sociale.

Ce qu’on appelle improprement la réforme de l’impôt sur le revenu comporte trois principales mesures qui posent, toutes les trois, de délicats problèmes au regard de la justice fiscale. L’intégration de l’abattement de 20 % dans l’assiette aboutit à des résultats inacceptables. Il est en effet plafonné à partir d’un revenu de 120 000 euros environ dans le système actuel de l’impôt sur le revenu. Ainsi, un couple avec deux enfants dont le revenu dépasse 200 000 euros aura une réduction de son impôt sur le revenu de l’ordre de 14 %, correspondant à une hausse de son revenu net de 2,9 %, alors, que pour un autre couple ayant deux enfants et deux salaires de 23 636 euros chacun, la réduction sera de 5,2 % de l’impôt, soit une hausse du revenu net de ce ménage de 0,2 %.

M. Jean-Pierre Brard. Quel gauchiste !

M. Charles de Courson. Le bouclier fiscal est destiné à ne pas poser le problème de la réforme de l’ISF. Son coût de 400 millions d’euros profitera à 93 000 personnes, dont 14 000 imposables à l’ISF qui bénéficieront des deux tiers de cette somme – ce que l’on a oublié de nous dire. Ce bouclier fiscal ne réglera pas le problème de l’ISF, et l’UDF, comme l’année dernière, est favorable à un abattement sur la résidence principale de 300 000 euros…

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Charles de Courson. …et, conformément aux promesses gouvernementales, d’améliorer la situation des actionnaires familiaux ou salariés en portant de 50 % à 75 % l’abattement sur l’assiette de cet impôt.

Enfin, la mise sous plafond de 8 000 euros des niches fiscales est une illusion, car elle ne concernera que 14 mesures sur les 400 existantes et pour un montant de 3 milliards d’euros, alors que l’ensemble des avantages fiscaux représente un coût de 50 milliards pour le Trésor public. D’ailleurs, 10 000 personnes seulement seraient concernées par ce plafond, dont l’avantage financier pour l’État est voisin de zéro du fait de la substitution de niches sans plafond à des niches sous plafond, ce qui ne manquera pas d’intervenir.

Quant à la hausse de la prime pour l’emploi de 0,5 milliard en 2006 et de 0,5 milliard en 2007, l’UDF y est favorable car elle va dans le sens d’une plus grande justice sociale. Mais le vrai problème est ailleurs. Aujourd’hui, le mode de versement de la prime pour l’emploi supprime largement son caractère incitatif en matière de retour à l’emploi. L’UDF souhaite que la PPE soit liée au versement du revenu du travail dès que le bénéficiaire reprend le travail.

Alors que la situation des finances publiques est grave, le Gouvernement a présenté un projet de loi de finances et, dans une moindre mesure, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui tendent à dissimuler l’excès de la hausse des dépenses publiques, et ne réduisent pas significativement les déficits publics, tout en augmentant la pression fiscale en 2006 et en promettant de la réduire en 2007. Ces deux textes n’apportent pas de réponse à la très grave crise des finances publiques et traduisent un choix électoraliste à court terme rendant extrêmement difficile l’élaboration du budget 2007, d’ores et déjà handicapé par 5 milliards de recettes non fiscales et non pérennes et 6,1 milliards de baisses d’impôts qui ne sont pas financées et ne vont pas, pour partie, dans le sens de la justice sociale ni de la responsabilisation des élus locaux.

L’État et la sécurité sociale vivent à crédit, c’est-à-dire sur le dos de nos enfants et de nos petits-enfants. En ce sens, le projet de budget 2006 ne correspond pas à la vision que l’UDF a de l’intérêt général et de l’avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le président, j’ai proposé à mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, d’être présent demain à mes côtés lorsque nous évoquerons les articles 23 à 29 qui concernent les collectivités locales.

Je vous propose donc que cette discussion ait lieu jeudi soir à vingt et une heures trente, afin que puissent être conciliés nos différents emplois du temps.

Dans cette hypothèse, il conviendrait, en application de l’article 95 alinéa 4 du règlement de l’Assemblée nationale, de réserver les articles restant en discussion avant l’article 23 en fin de séance demain après-midi.

M. le président. Acte vous est donné de cette demande.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La commission des finances est d’accord sur la proposition du ministre.

Par ailleurs, j’indique à l’Assemblée que, compte tenu de l’heure, la commission des finances, qui devait se réunir à vingt et une heures, ne se réunira qu’à vingt et une heures quinze.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)