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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 21 octobre 2005

30e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

ACCORD RELATIF
AU Centre spatial guyanais

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) (nos 2109, 2443).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

ACCORD RELATIF
AUX INSTALLATIONS DE LANCEMENT
DU CENTRE SPATIAL GUYANAIS

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l’Agence au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) (nos 2110, 2443).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord DE COOPÉRATION
France-Macédoine
SUR LA sécurité intérieure

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 2175, 2445).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-LibYe
SUR LA PROTECTION RÉCIPROQUE
Des investissements

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 2177, 2444).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord de siège
France-Communauté du Pacifique

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique (nos 2234, 2451).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

ACCORD DE COOPÉRATION DANS LE DOMAINE
DE LA TECHNOLOGIE DE LA Centrifugation

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre les Gouvernements de la République française, de la République fédérale d’Allemagne, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation (nos 2555, 2601).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, les textes qui viennent de nous être soumis ont été si promptement votés sous votre présidence efficace qu’il me semblerait utile de suspendre la séance pour cinq minutes, afin que certains de nos collègues puissent nous rejoindre pour la suite de l’examen du projet de loi de finances.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 7 rectifié portant article additionnel après l’article 13.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Les points que nous évoquerons après l’article 13 sont très importants. Hier, nous avons adapté l’ordre du jour de l’Assemblée à l’emploi du temps de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, afin que nous puissions bénéficier de la présence de M. Hortefeux. Ce fut d’ailleurs un vrai plaisir, même s’il n’a pas été très bavard.

Il semble aujourd’hui de bon ton de ne plus appeler un chat un chat : l’ISF s’appelle désormais « bouclier fiscal » ! C’est là un attribut quelque peu guerrier. Mieux vaudrait, pour rester dans la panoplie vestimentaire, parler de « feuille de vigne ». (Sourires.) Vous souriez, monsieur le ministre délégué au budget : est-ce de vous voir découvert et tout nu ?

M. le président. Monsieur Brard, veuillez revenir à votre rappel au règlement, sans vous égarer dans les vignes. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Les vignes, monsieur le président, c’est plutôt l’affaire de M. de Courson ou M. Auberger !

Comme nous nous sommes adaptés hier à l’emploi du temps de M. Hortefeux, nous pourrions nous adapter aujourd’hui à celui de M. Breton, afin de pouvoir parler en sa présence de bouclier – ou de feuille de vigne, comme il vous plaira.

Nous connaissons, monsieur Copé, votre compétence et la pertinence de vos réponses, mais nous aimerions pouvoir tester M. Breton.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. M. Breton a annoncé hier d’importantes mesures de dégrèvement des plus-values d’actions, qui doivent ravir nos collègues de la majorité. Je les sens d’ailleurs impatients de débattre de ce nouveau cadeau fiscal qu’ils préparent au titre de l’ISF.

Hier, nous nous sommes prêtés de bonne grâce à la demande du Gouvernement de débattre des collectivités locales. Le Gouvernement voulait, en effet, aborder aujourd’hui l’ISF, qui est la principale préoccupation des élus de la majorité. De très nombreux conciliabules ont eu lieu pour parvenir à un accord. Mieux vaudrait tenir ce débat au grand jour, plutôt que de le renvoyer à cette nuit.

Nous demandons, monsieur le président, que le Gouvernement veuille bien, comme il l’a fait à propos des collectivités locales, renvoyer les articles qu’il faudra pour que nous puissions aborder dès maintenant le cœur de notre débat – en présence, bien sûr, du ministre de l’économie, qui est particulièrement concerné par l’ISF et connaît bien cet impôt. M. le ministre nous a d’ailleurs assurés hier que nous devions bénéficier de cette expérience.

Je demande donc que M. Breton nous rejoigne pour que puissions engager immédiatement ce débat. Afin que le groupe socialiste puisse s’y préparer, je demande également une suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je comprends bien que ces interventions sont une manière de préchauffage. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Il y a du retard à l’allumage !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne suis pas totalement dupe. À ce propos, je salue l’arrivée de M. Montebourg. Mais on ne va tout de même pas bouleverser notre débat. Nous entamons la discussion sur la fiscalité des biocarburants. Je m’en félicite parce que M. Montebourg n’ayant pas été très présent sur cette question, ce sera pour lui l’occasion de participer à ce débat. Cela lui permettra d’en faire un peu plus que d’aborder le sujet pour lequel je pense qu’il est venu. Ce ne sera pas plus mal. Je propose que nous poursuivions sereinement la discussion, et quand nous arriverons au sujet qui semble vraiment vous préoccuper, nous en parlerons tranquillement.

Quant à M. Brard, il m’a fait un peu de peine en laissant entendre qu’il ne voulait plus de moi. Pour ce qui est du débat d’hier soir qui portait sur les dotations des collectivités, je pense qu’il était judicieux que mon ami Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, soit présent. Nous n’avions pas décalé l’ordre du jour pour lui, mais je trouve c’était convivial de se retrouver à deux, de montrer ainsi une équipe soudée dans un moment passionnant, celui qui permettait de commenter les simulations sur la DGE.

M. Guy Geoffroy. C’est un vrai sujet.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ça avait de la tenue.

Maintenant, je propose qu’on travaille sereinement sur la fiscalité applicable aux biocarburants.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, premier alinéa.

Nous avons besoin de savoir une chose pour reprendre nos travaux : M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie nous rejoindra-t-il d’ici la fin de la discussion budgétaire ? Monsieur le ministre, vous avez dit que c’était très convivial à deux. Ce serait intéressant que, sur des sujets tels que l’impôt de solidarité sur la fortune, la fiscalité sur les plus-values, le ministre en charge de l’économie soit également présent. J’ai souvenir que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, au cours de cette législature comme au cours des précédentes, venait toujours à certains moments importants de la discussion budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il y a un ministre qui est venu au début, ensuite plus jamais !

M. Didier Migaud. Non, ce n’est pas exact. Nous pourrions nous reporter aux comptes rendus des débats.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre réactivité…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’en abusez pas !

M. Didier Migaud. …et votre capacité à répondre, mais il serait normal que le ministre de l’économie soit dans cet hémicycle pour débattre de sujets dont il parle lui-même à l’extérieur.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Didier Migaud. S’il doit nous rejoindre, nous sommes prêts à adapter notre agenda comme nous l’avons fait hier. Nous sommes vraiment de bonne composition. S’il faut modifier notre agenda pour permettre qu’il soit compatible avec celui du ministre de l’économie et des finances, nous sommes tout à fait prêts à le faire. Sa venue nous paraît très importante puisque le Gouvernement se focalise tellement sur l’ISF. À chaque fois, vous nous dites que ce sujet ne vous intéresse pas, mais comme par hasard il devient le sujet principal de nos discussions dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Verrons-nous le ministre de l’économie et des finances aujourd’hui ? En fonction de la réponse, nous verrons si nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux.

M. le président. Mes chers collègues, vous posez la question de savoir quand nous discuterons des dispositions relatives à l’ISF.

M. Didier Migaud. Je ne veux pas que ce soit en catamini !

M. le président. Il y a quarante amendements à examiner avant d’en venir à l’ISF. Nous pouvons le faire en deux heures, cela dépend aussi de vous. Vous pouvez bien sûr jouer la montre, mais plus les suspensions de séance seront longues, moins il vous restera ensuite de temps pour débattre cet après-midi. Pour le reste, il appartient au Gouvernement de décider ce qu’il fait.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous situez fort bien le problème. Je pense que M. Copé s’est trompé sur le sens de nos interventions parce qu’il s’institue en Saint-Bernard pour protéger son ministre de tutelle. Mais ce n’est pas du tout le sujet – comme on dit à Bercy. La question n’est pas de savoir si nous souhaitons que M. Breton nous soit livré pour que, profitant de son inexpérience, nous nous jetions sur lui tels des lions affamés. Mais des journalistes nous annoncent la venue, pour les fameux amendements sur l’ISF, de M. Goasguen et de M. Lellouche.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On a déjà celle de M. Montebourg !

M. Jean-Pierre Brard. C’est-à-dire que les chevau-légers des privilégiés devraient arriver. On voit que veulent se mettre en place des bataillons serrés pour défendre les privilégiés.

M. le président. Monsieur Brard, je vous prie de revenir à l’objet de votre rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. J’y reviens, monsieur le président. Mais admettez que j’utilise les termes qui me conviennent dans ma digression pour revenir à mon sujet. On ne sait pas si on est à la veille d’Austerlitz ou de Waterloo, mais on a l’impression que les bataillons se mettent en place, peut-être en prévision de la charge de Reichshoffen ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. On aura droit à tout !

M. Jean-Pierre Brard. Mais voyez qu’à gauche, les rangs se sont aussi épaissis. Je ne sais pas si ce sera la charge finale, mais le sujet vaut le coup ! Je ne vois donc pas pourquoi M. Breton ne viendrait pas. Monsieur le président, puisque vous avez dit que, dans deux heures, nous serons au rendez-vous de l’ISF, M. Breton a le temps de se préparer, éventuellement de prendre un peu de tranxène ou de valium, pour que nous soyons tous en position pour l’affrontement sur le sujet important qui est prévu cet après-midi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Il y a les ordonnances Brard maintenant ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, vous n’êtes pas médecin, que je sache, pour faire des prescriptions. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai bien entendu le message, je le transmets immédiatement à Thierry Breton afin de savoir s’il peut nous rejoindre au moment où nous allons traiter ce sujet.

M. Jean-Louis Idiart. Qu’il prépare sa chaise à porteurs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je crois que, maintenant, nous sommes tous d’accord pour avancer dans le débat. Faisons-le avec la convivialité qui a animé nos travaux jusqu’à présent. Donc allons-y ! Je ne sais pas si c’est vers Austerlitz ou le pont d’Arcole, mais allons-y en tout cas !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je me permets d’intervenir dans ce débat bien que je ne sois pas membre de la commission des finances.

M. Jean-Louis Idiart. Vous en avez le droit !

M. Arnaud Montebourg. Monsieur Idiart, je disais cela pour parer à toute éventuelle objection, qui ne manquera pas de surgir. (« Oh non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes nombreux à nous interroger sur les conditions particulières de l’exercice par M. Breton de ses fonctions ministérielles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pèse mes mots en disant cela, s’agissant d’un certain nombre de dossiers qui sont apparus dans l’espace public. Je pense à l’affaire Rhodia (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dont il fut président du comité d’audit ;…

M. Michel Bouvard. On n’est pas dans un tribunal mais dans une discussion budgétaire !

M. Arnaud Montebourg. …je pense également à l’affaire France Télécom, dont il fut le président-directeur général et pour qui il a été amené, en tant que ministre, à prendre des décisions. (Mêmes mouvements.)

M. Guy Geoffroy. Quelle élégance, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Or, voici que surgit un amendement inspiré par la majorité parlementaire en liaison avec, bien sûr, Bercy, qui concerne des exonérations destinées aux grands patrons du CAC 40 ! C’est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons que M. Breton réapparaisse le plus vite possible. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, où des députés commencent de claquer leur pupitre.)

Qui bénéficiera en effet de ces exonérations au titre de l’impôt sur la fortune ?

M. Bébéar, patron d’Axa, détenteur de 510 000 actions – M. Breton a été membre du conseil d’administration d’Axa –, M. Bouygues, patron de Bouygues Telecom, détenteur de 453 000 actions – M. Breton a été membre du conseil d’administration de Bouygues Telecom – ;…

M. Guy Geoffroy. Qu’est-ce que c’est que ces attaques personnelles ?

M. Arnaud Montebourg. …M. Fourtou, patron de Vinci, détenteur de 400 000 actions – M. Breton a siégé aux côtés de M. Fourtou au sein du conseil d’administration de Rhodia – ; M. Richard, patron de Dexia, détenteur de 49 000 actions bientôt exonérées elles aussi au titre de l’ISF – M. Breton a été membre du conseil d’administration de Dexia – ; M. Lachmann, etc., etc. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il est patent que nous nageons en plein conflit d’intérêts, et si l’Assemblée nationale, le Parlement et la loi de finances, c’est le self-service pour les intérêts des grands patrons qui sont devenus ministres par un effet assez hasardeux, il faut le dire ! (Brouhaha grandissant sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En tout cas nous avons besoin, monsieur le président, dans cette discussion budgétaire, d’entendre les explications personnelles de M. Breton concernant le patrimoine de ses amis et d’ailleurs le sien propre !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Chacun d’entre nous le sait, lors de la discussion budgétaire, les débats peuvent être vifs, passionnés. C’est la démocratie, et ils contribuent à l’acte budgétaire. Mais l’intervention de M. Montebourg est d’une tout autre nature.

M. Alain Gest. Elle est scandaleuse !

M. Arnaud Montebourg. Elle est déontologique !

M. Hervé Mariton. Elle est d’une nature assez minable, monsieur Montebourg. Je dois dire que si c’est ainsi que vous appelez à la rénovation des institutions de notre pays, il y a du souci à se faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Non, il n’y a pas de souci à se faire !

M. Hervé Mariton. Le débat budgétaire appartient à tous les députés, quelle que soit la commission dont ils sont membres. Ayez la courtoisie cependant de faire en sorte que le débat budgétaire, comme il est de tradition, ait la qualité et la tenue qu’il mérite compte tenu de l’importance de l’enjeu pour nos compatriotes. Monsieur Montebourg, je vous en prie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons examiner l’amendement n° 7 rectifié, portant article additionnel après l’article 13. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. Les faits personnels sont examinés en fin de séance.

Monsieur le rapporteur général, vous avez la parole…

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, j’ai demandé une suspension de séance au nom du groupe socialiste !

M. Didier Migaud. Elle est de droit !

M. le président. Je vous l’accorderai, monsieur Bonrepaux, après la présentation de l’amendement par M. le rapporteur général. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Non, monsieur le président ! Appliquez le règlement ! La suspension est de droit !

M. le président. Je vous demande de laisser la parole à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Revenons-en aux biocarburants. Mes chers collègues, il s’agit par cet amendement de… (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je demande l’application du règlement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, on sait que vous avez un bel organe et que votre principal argument, c’est de crier le plus fort possible. Mais il y a un moment où les limites sont atteintes !

M. Augustin Bonrepaux. Le règlement doit s’appliquer dans cette assemblée ! Nous avons demandé une suspension de séance pour permettre au ministre de nous rejoindre, pour nous permettre de travailler ! Il s’agit de rechercher tous les éléments d’information dont nous avons besoin ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Cessez de hurler, monsieur Bonrepaux ! Vous n’avez pas la parole.

M. Didier Migaud. La suspension est de droit !

M. le président. Le président de la commission souhaite s’exprimer.

Je lui donne la parole…

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, vous bafouez le règlement !

M. le président. Ce n’est pas vous qui dirigez les débats.

Le président Méhaignerie seul a la parole.

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, cela suffit !

La parole est au président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur Bonrepaux, puis-je parler ?

M. Didier Migaud. La suspension est de droit !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, permettez-nous de nous réunir !

M. le président. Pour l’instant, M. Méhaignerie a la parole.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je demande que chacun fasse un effort pour la qualité de nos travaux. La sagesse serait que la suspension de séance que vous souhaitez ait lieu dès que nous aurons achevé l’examen des quarante amendements que nous avons à examiner maintenant. Cela permettrait au ministre d’être là au moment où nous souhaitons qu’il le soit, vous comme moi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je ne voulais pas vous empêcher de prendre la parole. J’avais simplement cru comprendre que tout le monde souhaitait avancer rapidement sur la quarantaine d’amendements qui nous restent à étudier avant d’aborder ceux qui susciteront des débats. Certains d’entre vous sont en effet venus exprès pour ces derniers.

M. Michel Bouvard. Certains qu’on ne voit jamais, en effet !

M. le président. Cela étant, monsieur Bonrepaux, si vous tenez à une suspension de séance, je suis prêt à vous l’accorder pour cinq minutes.

M. Augustin Bonrepaux. Je vous en remercie, monsieur le président.

Nous avons demandé que M. Thierry Breton participe à ces débats.

Hier, nous avons accepté de bonne grâce que soit modifié l’ordre d’examen des articles pour que ceux relatifs aux collectivités locales soient examinés en présence du ministre qui en a la charge.

M. Jean-Louis Idiart. Nous donnons toujours sans jamais recevoir !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne pouvez pas nous reprocher, monsieur le président, d’avoir retardé les débats. Pour ma part, c’est la première fois que je sollicite une suspension de séance. Il s’agit d’un point important : M. le ministre de l’économie et des finances a déclaré ce matin qu’il intégrerait dans la loi de finances rectificative un nouveau dégrèvement. Pourquoi dans la loi de finances rectificative ? Il me paraît normal qu’il nous le dise. Mieux vaudrait satisfaire la majorité par un bloc de mesures fiscales en faveur des plus favorisés (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) plutôt que de les distiller petit à petit…

Le président de la commission des finances nous annonce que le ministre de l’économie et des finances va venir, mais j’aimerais que M. Copé nous le confirme car M. Breton a une expérience qui dépasse celle de nous tous en matière d’ISF et de dégrèvements, et nous souhaiterions en bénéficier.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en donner l’assurance ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je veux répondre à la question de M. Bonrepaux qui, dans de tels moments, a le verbe haut ! Avec ou sans micro, impossible de ne pas l’entendre !

M. Augustin Bonrepaux. C’est pour mieux vous convaincre !

M. Jean-Louis Idiart. Nous ne sommes pas des habitués des salons feutrés, mais des élus de la montagne !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Calmez-vous… Montagnes, campagnes ou quartiers difficiles : personne n’a le monopole du terrain !

Le ministre du budget, monsieur Bonrepaux, assume traditionnellement la charge de défendre le projet de loi de finances devant l’Assemblée. M. Breton pratique comme M. Strauss-Kahn en d’autres temps : présent au début, il est ensuite relayé par le ministre du budget. Comme certains des membres de l’opposition avaient eu l’amabilité de me confier que je ne m’acquittais pas trop mal de ma tâche, au moins sur la forme,…

M. Jean-Pierre Brard. On ne veut pas vous laisser assumer cette charge tout seul ! (« Trop aimable ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …je pensais que nous pouvions continuer à travailler tranquillement.

Pour des raisons qui ne m’échappent qu’en partie, les choses se sont un peu emballées après le déjeuner ! Est-ce une réaction post-prandiale ? (Sourires.) En tout état de cause, M. Breton travaille cet après-midi sur le dossier de Gaz de France avec le président de cette entreprise. Sans vouloir en préjuger, il me semble que M. Breton ne pourrait nous rejoindre que…

M. Didier Migaud. Nuitamment ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …en fin de journée. Je vous propose donc de réserver jusqu’à vingt et une heures trente les amendements que vous évoquez.

M. Didier Migaud. Les mesures envisagées sont-elles si honteuses ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faut savoir ce que vous voulez ! Si vous souhaitez voir M. Breton, la moindre des courtoisies est de s’assurer qu’il pourra se libérer. D’ici là, nous pourrions reprendre tranquillement nos travaux.

Cette proposition me paraît d’autant plus acceptable qu’elle vous laisse le temps d’annuler vos obligations de ce soir ! (Sourires.)

M. le président. Maintenez-vous votre demande de suspension de séance, monsieur Bonrepaux ? Si la proposition de M. le ministre vous agrée, nous pouvons poursuivre nos travaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je maintiens cette demande de suspension, monsieur le président, afin que notre groupe puisse discuter de la proposition de M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels aux règlements

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Parce que notre collègue UMP de la Drôme s’est livré à des mises en cause, je me sens obligé de dire un mot de l’orientation du débat budgétaire. Il apparaît qu’on donne la préférence à ces grands patrimoines privés (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Philippe Auberger. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Arnaud Montebourg. …que constituent les portefeuilles des grands patrons du CAC 40.

M. Hervé Mariton. Vous préférez sans doute l’absence totale de patrimoine !

M. Arnaud Montebourg. Ils ont, aujourd’hui, la faveur d’un Gouvernement qui, du reste, compte parmi ses membres – il n’est pas actuellement au banc – l’un de ceux qui, ayant été à la tête d’une de ces grandes entreprises, est directement concerné, dans un conflit d’intérêts que nous dénonçons, par les mesures d’exonération d’impôt sur la fortune. (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. En prison, les grands patrons ! Tous des voleurs ! N’est-ce pas, monsieur Montebourg ?

M. Arnaud Montebourg. Entendant les protestations de nos honorables collègues de la majorité, je suis venu apporter un élément supplémentaire au débat.

Est paru, il y a quelques mois, dans un grand journal national, un article qui montrait que le parquet de Paris soupçonnait un délit d’initiés après le vote d’un amendement allégeant la fiscalité sur les fameuses « ventes à la découpe », qui ont suscité tant d’émotion dans le pays.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, cela n’a rien à voir avec le texte que nous examinons !

M. Arnaud Montebourg. Dans ces manœuvres, seraient impliqués un certain nombre de parlementaires dont les noms étaient cités, mais je ne les dévoilerai pas car ils ne sont pas en mesure de se défendre.

M. le président. Revenez-en, monsieur Montebourg, à votre rappel au règlement !

M. Arnaud Montebourg. Voilà qui prouve en tout cas que, dans cette majorité, on a une certaine habitude du conflit d’intérêt. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Voyou !

M. Jean-Michel Fourgous. C’est chez vous qu’il y a des conflits d’intérêts !

M. Arnaud Montebourg. M. Breton n’est pas là pour parler de choses qui le concernent, lui et l’ensemble de ses parrains économiques, qu’il a décidé de favoriser. C’est inacceptable, et il faudra qu’il rende des comptes devant l’opinion publique et devant le corps électoral. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Vous faites les questions et les réponses !

M. Philippe Auberger. Vous aussi, vous aurez à rendre des comptes !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Le parti socialiste peut faire le choix qu’il n’y ait, dans ce pays, ni patrimoine industriel, ni investissement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est un élément de débat entre nous – un débat on ne peut plus légitime – et la position des uns et des autres ne surprendra pas.

M. Jean-Michel Fourgous. Les patrons en prison !

M. Hervé Mariton. Mais le ton et le contenu du propos de M. Montebourg, dans ce type de débat, c’est du jamais vu !

M. Jacques Myard. Il joue les procureurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est inadmissible !

M. Hervé Mariton. Je ne suis pas toujours d’accord avec M. Bonrepaux, M. Migaud, M. Dumont ou M. Idiart, pas plus qu’avec M. Brard, mais je ne les ai jamais, monsieur Montebourg, jamais, entendus s’exprimer de la manière dont vous le faites !

M. Arnaud Montebourg. Eh bien ! C’est une première ! Et elle fera jurisprudence !

M. Charles Cova. Provocateur !

M. Jacques Myard. C’est un procureur !

M. Philippe Auberger. Un procureur de pacotille !

M. Jacques Myard. Quelle décadence !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas, monsieur Mariton, déformer nos propos.

M. Alain Gest. Ne défendez pas l’indéfendable !

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne sommes pas contre le patrimoine. Le problème, c’est que toutes les mesures fiscales qui nous sont proposées depuis le début de ce débat favorisent toujours les mêmes personnes,…

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Augustin Bonrepaux. …qu’il s’agisse d’impôt sur le revenu, de bouclier fiscal ou, précisément, de déductions sur le patrimoine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et vous en rajoutez encore avec l’amendement relatif à l’ISF ! Nous sommes curieux de savoir combien de personnes sont concernées et combien ça va leur rapporter.

Nous assistons à un véritable empilement de mesures favorables aux catégories privilégiées. C’est cela qui est scandaleux, alors même que l’État n’a plus les moyens d’assumer ses responsabilités essentielles !

Et pour répondre à la proposition de M. le ministre du budget : nous serons ravis d’accueillir, ce soir, à ses côtés, M. Thierry Breton.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour un dernier rappel au règlement. Après quoi, nous reprendrons la discussion.

M. Pierre-Christophe Baguet. Entre les maladresses des uns et les propos très largement excessifs d’autres,…

M. Philippe Auberger. Des propos déplacés !

M. Pierre-Christophe Baguet. …nous n’avons pas encore abordé notre ordre du jour. Il est temps d’y revenir, d’autant que nous allions commencer à examiner un amendement sur les biocarburants, qui concernent l’avenir des générations futures : c’est aussi essentiel que les points que vous avez abordés, mes chers collègues. Je demande qu’on reprenne la discussion.

Après l’article 13
(amendements précédemment réservés) (suite)

M. le président. Nous revenons aux amendements portant articles additionnels après l’article 13.

Monsieur le rapporteur général, vous avez la parole pour soutenir l’amendement n° 7 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. M. Baguet a parlé sagement et je partage son point de vue. Et comme l’initiative de l’amendement n° 7 rectifié revient à son collègue de l’UDF, Nicolas Perruchot, je lui laisse le soin de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. L’amendement n° 7 rectifié réserve la réduction de taxe intérieure de consommation à l’alcool non dénaturé. Cette mesure permet tout à la fois de préserver la qualité des carburants en évitant l’ajout de dénaturants, dont l’impact sur la qualité des essences et le bon fonctionnement des moteurs est mal connu, et de conforter une protection suffisante aux frontières de l’Union européenne pour permettre le développement d’une production nationale, à laquelle nous sommes tous attachés.

C’est aussi une condition nécessaire pour engager les investissements dans des unités nouvelles, investissements indispensables pour réaliser les objectifs définis par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 7 rectifié ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 88 et 271.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n° 88.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement tend à accorder un agrément aux seules distilleries, afin de permettre le développement de la filière d’incorporation directe d’éthanol. Il devrait favoriser la filière agricole tout en permettant de protéger l’environnement.

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour soutenir l’amendement n° 271.

M. Alain Gest. Je serai bref, car nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps cet après-midi.

Le développement de la filière éthanol dépend grandement du bon vouloir des pétroliers, qui exportent des supercarburants mais qui doivent importer du gazole. Par conséquent, ils ne se soucient guère de développer la filière éthanol. Voilà pourquoi cet amendement nous paraît, comme à nos collègues de l’UDF, indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88 et 271.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 270.

La parole est à M. Alain Gest, pour le soutenir.

M. Alain Gest. Les agréments accordés aux unités d’ETBE ne permettent pas à l’administration fiscale de s’assurer du respect des conditions fixées par les textes officiels.

Or l’article 3 de la directive de 2003 précise que, pour promouvoir l’utilisation de biocarburants, les États membres doivent tenir compte du bilan climatique et environnemental, tout en prenant en considération la compétitivité et la sécurité des approvisionnements.

Pour permettre à l’administration fiscale de s’assurer que les conditions de réduction fiscale sont bien remplies dans le cas de la production d’ETBE, il apparaît indispensable qu’à côté de l’agrément des unités d’ETBE obtenu dans le cadre d’un appel d’offre, les unités de production d’éthanol auprès desquelles s’approvisionnent les producteurs d’ETBE fassent, elles aussi, l’objet d’un agrément.

Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.

Je sais, monsieur Gest, que vous avez beaucoup travaillé sur cette question. Cet amendement est tout à fait pertinent et va dans le sens de ce sur quoi nous travaillons tous : le développement des biocarburants. Il est de nature à faire progresser notre débat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 270.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 169.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Le code des douanes prévoit une exonération de TIPP sur les produits pétroliers destinés à être utilisés comme carburéacteur à bord des aéronefs. La légitimité de cette exonération reste d’autant plus discutable qu’elle conduit à une perte de recettes pour l’État estimée à plus de 1,3 milliard d’euros.

Nous proposons donc, par notre amendement, de supprimer cette exonération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Monsieur Migaud, vous le savez, cette exonération résulte d’un accord passé à Chicago en 1944 en vue de favoriser les déplacements internationaux. Cet accord ayant été signé par des dizaines de pays, l’adoption de cet amendement nécessiterait une renégociation avec chacun d’entre eux.

Certes, 1,3 milliard, ce n’est pas négligeable, et cette exonération figure parmi les dix premières niches fiscales. Mais il n’est pas possible de revoir cet accord.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur général, je ne peux vous laisser dire qu’il n’est pas possible de revoir un accord international, aussi contraignant soit-il.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est préférable de taxer les billets d’avion.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas une mauvaise idée en soi. Mais les conventions internationales sont nécessairement datées et ce qui était pertinent à un moment donné ne l’est pas nécessairement pour l’éternité.

Certes, la renégociation de cet accord donnerait beaucoup de travail au Quai d’Orsay… Mais le Parlement aurait intérêt à voter cet amendement, non en vue d’une application immédiate, mais pour exprimer la volonté forte du Parlement que le Gouvernement revoie certaines conventions. Les conventions fiscales, par exemple, consenties par notre pays dans des conditions parfois hasardeuses, sont de vrais boucliers favorisant la fraude et l’évasion fiscales et, à ce titre, méritent d’être renégociées.

Vous ne pouvez pas dire qu’on ne pourra jamais revenir sur un accord, parce qu’il a été négocié à un moment donné. « Jamais », cela n’existe pas en politique, et vous êtes bien placés pour le savoir !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il y a toujours, dans les accords, des clauses de renégociation. Monsieur le rapporteur général, estimez-vous notre proposition raisonnable ? La soutiendrez-vous afin de faire enfin changer les choses ? Ne répondez pas seulement en droit ! Ce qui se concevait en 1944 peut ne plus se concevoir aujourd’hui. Certaines exonérations entraînent des pertes de recettes pour notre pays comme, sans doute, pour tous les pays signataires de cette convention.

M. Jacques Myard. C’est absurde !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 169.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 319.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement s’inscrit dans le cadre de la directive du 8 mai 2003 visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports.

Il s’agit de favoriser l’utilisation d’huile végétale pure comme carburant. En effet, les enjeux environnementaux, sociaux et économiques qui y sont attachés nécessitent de dépasser le cas très réduit de l’autoconsommation en milieu agricole.

Notre amendement permettrait de réduire la facture pétrolière et de diminuer la dépendance de notre pays pour son approvisionnement en carburant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Le rapporteur général et le ministre pourraient-ils donner les raisons de leur opposition à cet amendement, qu’elles soient d’ordre environnemental ou économique ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les huiles végétales ne sont pas assujetties à la TIPP, comme peuvent l’être les carburants.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 319.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 166.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Notre amendement vise à soumettre à la taxe générale sur les activités polluantes la distribution de sacs de caisse en plastique non biodégradables qui sont mis à la disposition de la clientèle dans de nombreux commerces. Ces sacs, qui sont ensuite éparpillés dans la nature, ont un effet dommageable pour l’environnement et particulièrement pour certains animaux, dont les poissons. L’IFREMER fait état d’un chiffre de 120 millions de sacs retrouvés sur le littoral. Le danger est patent et, pour tenter d’arrêter ce raz-de-marée et inciter à l’utilisation de sacs biodégradables ou recyclables, la seule solution est de créer une taxe à l’encontre non de l’utilisateur, mais de ceux qui les obligent à utiliser ces sacs, le client devant naturellement pouvoir emporter ses achats !

Pour que ceux qui fournissent ces sacs comprennent enfin le danger qu’ils représentent, il faut les taxer. Ce serait une excellente mesure qui bénéficierait à l’environnement et à la qualité de nos paysages, et éviterait à certains animaux, notamment les poissons, de ne pas s’étouffer avec cette matière ô combien dangereuse.

J’espère, mes chers collègues, que vous allez voter cet amendement à l’unanimité : nous ferions ainsi œuvre utile.

M. Michel Bouvard. Sauvons les poissons de l’étouffement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

La création d’une taxe n’est pas la bonne solution. L’interdiction me semble préférable, à condition d’établir un délai raisonnable afin que les producteurs puissent s’adapter. C’est exactement ce nous avons fait, la semaine dernière, dans la loi d’orientation agricole : la commercialisation de sacs en plastique non biodégradables sera interdite à l’horizon 2006. Cette mesure répond à votre souci, que nous partageons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Également défavorable.

Cet amendement, qui ne définit ni le taux ni l’assiette de cette taxe, est très imprécis. Par ailleurs, comme vient de le dire Gilles Carrez, la loi d’orientation agricole a changé la donne.

M. Jean-Louis Dumont. Va-t-elle s’appliquer ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mieux vaut appliquer les lois que nous votons ! Nous appliquons même parfois les vôtres ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Ce sont les lois de la République !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est pourquoi nous les appliquons. Et si elles ne nous satisfont pas, nous les modifions, pour tenter de limiter vos dégâts ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, ce n’est pas « fromage ou dessert » ! La loi d’orientation agricole prévoit d’interdire la production de sacs en plastique, et c’est bien. Mais, comme vous le savez, nos frontières sont ouvertes et sont loin de nous offrir une protection absolue.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous interdisons toute consommation, y compris celle de produits importés.

M. Jean-Pierre Brard. Cela étant, le coût environnemental de ces sacs en plastique est considérable. En Afrique, par exemple, les sacs en plastique volent dans la brousse et provoquent des dégâts sur le cheptel, alors que ce continent souffre de graves problèmes alimentaires. On ne peut pas tenir un discours à Johannesburg sans agir en adéquation. Outre les mesures fiscales, il faut afficher une forte volonté politique sur ce sujet si nous voulons créer un consensus qui amène nos concitoyens à mieux préserver l’environnement en ayant des gestes quotidiens responsables.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement n’a sans doute pas entendu, ce matin, l’intervention de Didier Migaud sur la réduction des crédits de l’ADEME. Cette agence n’a plus aujourd’hui les moyens d’encourager le tri sélectif et les énergies renouvelables. Comment, dans ces conditions, espérer résoudre le problème du traitement des sacs en plastique ? C’est bien pourquoi nous vous proposons de faire payer les pollueurs et de procurer ainsi une ressource supplémentaire à des organismes comme l’ADEME.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement aurait le mérite d’habituer les acteurs économiques à l’interdiction programmée à moyen terme. L’incitation est en quelque sorte une préparation à la prohibition.

Comme l’a rappelé Jean-Pierre Brard, notre pays connaît un grave problème d’élimination des matières plastiques, et la question de l’incinération n’est pas tranchée, sans oublier celle des dioxines. Les objections du rapporteur général et du ministre sont donc trop superficielles. L’Assemblée s’honorerait de voter un amendement de nature à apporter des ressources complémentaires à des organismes qui ont la charge de faire progresser des causes d’utilité publique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 89.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ce matin, notre assemblée a rejeté un amendement du groupe UDF sur le « flex-fuel » faute d’expertise suffisante. Il s’agit cette fois du biocarburant E85, composé à 85 % d’éthanol et à 15 % d’essence, dont le bilan environnemental est extrêmement positif. À titre d’exemple, les émissions de CO2 sont réduites, avec ce biocarburant, de 70 % en cycle fermé. Un tel produit ne doit donc pas rester ignoré et il convient de favoriser son développement par une politique fiscale incitative. Nous avons parlé ce matin de volontarisme, monsieur le ministre. À cette notion, ajoutons celle de diversité.

Afin de rendre le E85 attractif, il faut permettre de le proposer à un prix acceptable, proche de un euro le litre, et donc inférieur à celui du SP 95, ce qui serait possible avec une réduction de la TIPP revue à la hausse et fixée à 49 euros par hectolitre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons. D’abord, il n’existe pas de réseau distribuant ce type de carburant. Ensuite, seul un constructeur étranger produit un véhicule compatible. Il fait d’ailleurs état d’un montant d’exonération correspondant à celui de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 214 rectifié, 275, 331 et 287, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 214 rectifié, 275 et 331 sont identiques.

L’amendement n° 214 rectifié n’est pas défendu.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n° 275.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je défendrai également l’amendement n° 287, identique au gage près.

Ces amendements visent à octroyer aux petites et moyennes entreprises le crédit d’impôt de 1 100 euros déjà accordé aux entreprises utilisant un véhicule dont le poids est supérieur à 7,5 tonnes.

Il conviendrait de généraliser ce crédit d’impôt sur une base forfaitaire de 30 000 euros par véhicule et par an pour les véhicules utilitaires de moins de 7,5 tonnes.

M. le président. L’amendement n° 331 n’est pas défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Un ensemble de mesure a déjà été annoncé par Dominique Perben il y a quelques semaines : dégrèvement de taxe professionnelle, crédit d’impôt de 1 000 euros pour les véhicules les plus récents et possibilité de répercuter sur les prix l’augmentation du prix du gazole.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons proposé un dispositif global, complet et original. Il a sa cohérence, et je suis d’avis de nous en tenir là, même si nous pourrions envisager des dispositions complémentaires l’année prochaine.

Je vous propose donc, monsieur Baguet, de retirer ces amendements. Dans le cas contraire, je demande à l’Assemblée de les rejeter.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Laissons l’Assemblée décider.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 275.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 287.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 264.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le défendre.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 168.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Dans un contexte de très fortes tensions sur les prix des produits pétroliers, tout à fait comparable à celui que nous connaissons aujourd’hui, le gouvernement précédent et l’ancienne majorité avaient mis en place, dans le cadre de l’article 11 de la loi de finances pour 2001, un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières.

Un tel prélèvement est justifié par la constatation que, hors de toute décision propre à ces entreprises, leurs résultats s’améliorent mécaniquement en période de forte hausse des prix du pétrole. Ainsi, il est légitime, comme cela avait été fait pour l’État avec la mise en place de la « TIPP flottante », de considérer qu’une partie de ces revenus exceptionnels peut être réaffectée, par l’intermédiaire du budget général, au profit de l’ensemble des Français.

Le Gouvernement avait, un temps, évoqué une telle taxation, avant d’y renoncer en se contentant de vagues engagements sur une transmission plus rapide des variations à la baisse des cours vers les prix à la pompe – une promesse que n’avaient d’ailleurs pas faite tous les intervenants à la table ronde convoquée sur le sujet.

Il est donc proposé ici la mise en place d’une taxation exceptionnelle des entreprises pétrolières qui se justifie pleinement à l’heure où le prix du baril de pétrole semble s’installer durablement aux alentours de 60 dollars.

À écouter les propos tenus ce matin par le rapporteur général, j’ai cru comprendre que cette façon intelligente de demander une contribution exceptionnelle aux compagnies pétrolières ne lui déplaisait pas. Nous attendons donc de la commission un avis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, car l’amendement de M. Migaud n’a aucune portée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Laissez-moi vous en expliquer calmement la raison !

Vous proposez de créer une taxe frappant les entreprises au-delà des provisionnements pour hausse de prix. Or, ce que j’expliquais ce matin, c’est que pour ne pas minorer à l’excès le produit de l’impôt sur les sociétés par des provisions prenant en compte de manière excessive le risque de hausse des prix, nous avions décidé, dans l’article 36 de la loi de finances pour 2005, de plafonner ces provisions à 15 millions d’euros. Votre proposition serait donc inopérante.

Il faudrait soit se placer sur le terrain d’une taxe exceptionnelle – comme le proposait Jean-Pierre Brard ce matin –, soit sur celui d’une limitation de la provision déductible. C’est ce dernier choix que le Gouvernement a effectué dès l’année dernière, et il me paraît tout à fait pertinent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous proposez, monsieur Migaud, d’instituer une nouvelle taxe assise sur le montant de la provision pour hausse des prix constituée par les compagnies pétrolières. Je comprends bien l’idée, mais je rappelle qu’une telle provision doit permettre aux entreprises ayant besoin de matières premières pour leur production de faire face aux variations de prix. Si elles sont taxées sur ces provisions, elles risquent d’éprouver plus de difficultés à nous aider à tirer les prix du carburant vers le bas. Elles pourraient même, au contraire, répercuter cette taxe sur leurs prix. Je crains que cette proposition ne soit contradictoire et que le remède envisagé ne soit pire que le mal. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Les arguments qui nous sont opposés ne tiennent pas debout. Nous avons déjà mis en place une telle taxation sans que les compagnies pétrolières ne rencontrent les difficultés évoquées. Au demeurant, il me semble que le ministre de l’économie et des finances avait fait part de son intention de mettre en place une telle mesure. Était-elle donc impossible, ou s’agissait-il uniquement de rechercher un effet d’annonce, en manifestant une préoccupation envers la dégradation du pouvoir d’achat des plus modestes sans toutefois avoir la moindre intention d’y remédier ?

Cette deuxième hypothèse semble être la bonne, car, en dépit des bénéfices scandaleux, outranciers des compagnies pétrolières, vous ne faites rien et vous prétendez même que vous ne pouvez rien faire.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je sais bien que tout est bon, monsieur Bonrepaux, pour déformer la vérité, mais personnellement, je préfère vérifier avant d’affirmer quoi que ce soit. Jamais le ministre de l’économie et des finances ne s’est exprimé en ces termes. Il a seulement indiqué que dans l’hypothèse où les entreprises pétrolières ne feraient pas preuve de coopération constructive sur un certain nombre de sujets, des mesures coercitives pourraient être envisagées. Mais grâce à sa détermination et à celle du ministre délégué à l’industrie, François Loos, la concertation a été utile et a permis d’obtenir des engagements formels et précis de la part des entreprises pétrolières, …

M. Augustin Bonrepaux. Le résultat concret, c’est quoi ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est inutile de vous énerver, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Quel est le bénéfice pour les consommateurs ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Moi, je ne vous interromps jamais, monsieur Bonrepaux. La tentation me vient parfois de le faire, car je me dis que cela pourrait nous permettre de gagner du temps,…

M. Jean-Pierre Brard. Vous rêvez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …mais je m’en abstiens, et je vous serais reconnaissant d’en faire autant.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne cherche qu’à alimenter le débat afin d’aller directement à l’essentiel !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Revenons à notre sujet. Les concertations avec les entreprises pétrolières ont donné un certain nombre de résultats – je les ai rappelés ce matin – en termes d’investissements dans le secteur des énergies renouvelables et en faveur de la recherche-développement. Notre pays en a besoin.

M. Augustin Bonrepaux. Et les prix ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. S’agissant des prix, je ne répéterai pas mon propos de ce matin, mais des engagements très stricts ont été pris tels que la non-répercussion des hausses de prix pendant une certaine période. C’est pourquoi la taxe que vous proposez n’a plus de sens. J’invite donc votre assemblée à rejeter cette proposition.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Nous avons en effet déjà évoqué le sujet ce matin, mais il est important aux yeux de nombre de nos concitoyens, qui s’interrogent, au vu des cours de la bourse et des résultats financiers des compagnies pétrolières, sur les profits très importants qui sont dégagés alors qu’eux-mêmes doivent supporter la charge de la hausse des prix du carburant.

M. Jean-Louis Dumont. Sans parler de la TIPP !

M. Michel Bouvard. En outre, ils jugent généralement la répercussion de la hausse des cours sur les prix à la pompe beaucoup plus rapide que celle des baisses.

Il est vrai que le Gouvernement a agi – nous l’avons rappelé ce matin – en convoquant des réunions avec les acteurs concernés. En toute objectivité, nous ne disposons pas aujourd’hui du recul nécessaire pour juger l’efficacité du dispositif qui en a résulté. Mais je rappelle qu’un autre rendez-vous budgétaire doit intervenir avant la fin de l’année, le projet de loi de finances rectificative. Il serait l’occasion de faire un point sur ce problème, d’autant plus que nous pourrons alors apprécier les résultats des groupes pétroliers à la clôture de l’exercice fiscal et voir s’ils ont véritablement un lien avec l’évolution des prix.

Dès lors que la répercussion des baisses des cours ne se ferait pas comme elle le devrait et que l’existence de bénéfices exceptionnels serait avérée, l’idée d’une taxation spécifique me paraîtrait légitime. Autant il est normal qu’une entreprise qui investit ou réalise des gains de productivité dégage des bénéfices qu’elle peut investir à nouveau ou distribuer à ses salariés ou à ses actionnaires, autant des bénéfices dégagés uniquement sur des mouvements spéculatifs et des fluctuations monétaires me paraissent beaucoup moins légitimes. Je propose donc, si le Gouvernement en est d’accord, de nous donner rendez-vous au moment du collectif de fin d’année afin de faire le point sur la question.

M. Hervé Mariton. Vaste question que celle de la légitimité des bénéfices !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est évidemment pas convaincant, monsieur le ministre. C’est d’ailleurs si peu convaincant que Michel Bouvard, qui est un vieux routier de cette maison, en termes fort délicats, a formulé son scepticisme, et il a même fait plus puisqu’il fait des propositions que l’on peut partager. Il ne croit pas du tout aux engagements pris par les pétroliers, et ce qu’en a dit Thierry Breton dans son interview au journal Le Parisien confirme d’ailleurs ses préventions. M. Bouvard s’est demandé, sous une forme interro-négative, si le dispositif fonctionnait correctement. S’il propose de faire un point lors du collectif, c’est parce qu’il a déjà la réponse. C’est un homme d’expérience ! Il a à l’esprit la pompe à essence de Bonneval…

M. Michel Bouvard. Il n’y en a plus !

M. Jean-Pierre Brard. Si ! Avec le petit café-restaurant, où l’essence était, je crois, à 1,48 euro. (Sourires.)

Il sait très bien que c’est une promesse de dentiste – au sens d’ « arracheur de dents »… (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, je ne vous permets pas ! (Sourires.) Il n’y a pas de sot métier. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ah oui ! J’avais oublié… (Sourires.) Mais vous, vous êtes un dentiste de la nouvelle génération et vous ne faites pas souffrir vos patients. (Sourires.)

J’en reviens au sujet. Voici comment se passent les entretiens à Bercy, qu’il s’agisse des pétroliers ou du patron de Gaz de France. Vers seize heures trente, l’huissier annonce l’arrivée de ces invités de marque, il prévient le maître d’hôtel et lui dit de préparer le thé, parce que le scénario, en réalité, est réglé d’avance, et vous en avez une démonstration concrète aujourd’hui.

On nous annonce que Gaz de France souhaite obtenir du Gouvernement une augmentation de 12 %. Vous pensez bien qu’à l’arrivée, il n’y aura pas 12 %. Tout cela est négocié avant. On affiche une augmentation exorbitante et le Gouvernement, avec les mouvements de manche et de menton dont il est coutumier, va arriver à une augmentation moindre puisqu’elle a déjà été concertée avant sur la base du vieux principe : pour obtenir moins, il faut demander plus.

M. Charles Cova. La CGT est passée maître dans cet art !

M. Jean-Pierre Brard. Là, il y a des implications politiques, et il ne faut surtout pas faire apparaître la connivence qui existe entre le Gouvernement, les pétroliers, Gaz de France et quelques autres. Rappelez-vous, les baisses sont répercutées au bout de trois jours, les hausses au bout de trois semaines. Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles, ils voient la réalité : les prix continuent de monter.

Seize heures trente, le maître d’hôtel met l’eau à chauffer. Dix-sept heures, on sert le thé avec des after eight fournis par les patrons, qui se fournissent dans les meilleures boutiques, Fauchon et autres. Dix-sept heures trente, on se quitte en se disant qu’on a bien travaillé et qu’ils vont prendre des vessies pour des lanternes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 14
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi de deux amendements, nos 102 et 281, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre ces deux amendements, qui ne diffèrent que par leur gage.

M. Pierre-Christophe Baguet. L’article 14 supprime la possibilité d’imputer l’imposition forfaitaire annuelle sur l’impôt sur les sociétés. Les amendements de MM. de Courson, Perruchot et Thomas vous invitent à rétablir cette possibilité, car cela a des conséquences non négligeables, notamment sur les PME.

La suppression de l’imputation de cet impôt et son remplacement par une comptabilisation en charges reviennent à alourdir de manière significative cette imposition pour de nombreuses entreprises qui, en pratique, ne pourront plus déduire qu’un tiers de la charge.

Pour les PME bénéficiant d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15 % sur les bénéfices inférieurs à 38 120 euros, l’adoption de l’article 14 aurait des conséquences encore plus pénalisantes : la déduction de la charge fiscale supplémentaire aurait un effet marginal et le taux moyen d’imposition s’en trouverait sensiblement relevé. Ainsi, pour une entreprise réalisant 350 000 euros de chiffre d’affaires et 45 000 euros de bénéfice, la charge fiscale augmenterait de près de 10 %.

Il est donc proposé de maintenir la possibilité d’imputer l’IFA sur l’IS dû pendant l’année de l’exigibilité de cette imposition et les deux années suivantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements. Cette modification du régime de l’imposition forfaitaire annuelle a clairement pour but de favoriser les petites entreprises puisque le taux d’exonération est porté à un chiffre d’affaires de 200 000 euros alors qu’il y a encore peu de temps, il était autour de 60 000 euros. Ce sont plus de 70 000 petites entreprises qui ne paieront plus l’impôt forfaitaire annuel. En revanche, c’est vrai, est créé un taux supérieur pour les entreprises qui font plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et dont l’impôt forfaitaire sera porté à 100 000 euros. Son traitement comptable conduit à ne plus l’imputer sur l’impôt mais à en faire une charge déductible comme un certain nombre d’impôts et taxes qui figurent dans les comptes d’exploitation des entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je souhaite également que ces amendement soient repoussés.

Monsieur le rapporteur général, vous en avez parfaitement défini l’économie. C’est une mesure très favorable aux PME et, il est vrai, un peu moins pour les grandes entreprises, celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 millions d’euros puisque là où elles pouvaient en déduire la totalité, elles n’en déduisent plus que le tiers. Néanmoins, il y a d’autres mesures favorables aux entreprises, et même très favorables, je pense en particulier à ce que nous faisons en faveur de la taxe professionnelle – nous en reparlerons à l’occasion de l’étude des simulations que nous vous soumettrons.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Le groupe UDF est très sensible à l’effort réalisé pour les TPE, mais, entre 200 000 euros et 500 millions d’euros, il y a toutes les entreprises intermédiaires, toutes les PME. Une entreprise qui réalise 350 000 euros de chiffre d’affaires, ce n’est pas une entreprise de très grande taille, et son forfait annuel d’imposition va augmenter de 10 %.

On a donc soulagé les très petites entreprises, mais c’est encore la classe moyenne des entreprises qui va subir les effets négatifs de cette disposition. Comme disait M. Brard tout à l’heure, on pourrait avoir  « fromage et dessert », ce qui serait l’idéal pour le monde économique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 281.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 283.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le défendre.

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Rodolphe Thomas propose d’allonger la période de déductibilité de l’IFA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 283.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 282.

Peut-on considérer qu’il est défendu, monsieur Baguet ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Oui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 282.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 104.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le défendre.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est une question de cohérence.

La rédaction actuelle du III de l’article 14 supprime le premier alinéa de l’article 223 M, qui dispose que l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés du groupe qui est acquittée par la société mère est déductible de l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble, dans les conditions prévues à l’article 220 A.

Or, si l’imputabilité de l’IFA devait être supprimée, il n’en demeure pas moins que cet impôt doit continuer à être acquitté par la société mère pour l’ensemble des sociétés du groupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est satisfait. Ce dispositif existe déjà dans un autre article du code général des impôts.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 104 est retiré.

Je mets aux voix l’article 14.

(L’article 14 est adopté.)

Après l’article 14
(amendement précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 103, portant article additionnel après l’article 14.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est un amendement important.

Les PME françaises se développent moins vite que leurs homologues européennes. Il est donc nécessaire de les aider et de les accompagner dans leur développement, en étendant le bénéfice du taux réduit d’impôt sur les sociétés aux petites entreprises au sens de la définition européenne, c’est-à-dire ayant réalisé un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros et en augmentant la limite à 50 000 euros de bénéfice.

Cette mesure est d’autant plus urgente que les aménagements de l’imposition forfaitaire annuelle prévus dans le projet de loi de finances pour 2006 alourdissent la charge fiscale pesant sur de nombreuses PME.

Il est donc proposé de relever le montant qui est aujourd’hui de 7 630 000 euros à 10 millions d’euros pour se mettre en conformité et en harmonie avec les autres pays de l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 15
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 15, je suis saisi d’un amendement n° 176.

La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre cet amendement.

M. Didier Migaud. Alors qu’auparavant, seul l’accroissement par une entreprise de son effort de recherche ouvrait droit à incitation fiscale, les dépenses de recherche ouvrent désormais droit au crédit d’impôt au premier euro. Ainsi, en 2004, la part « accroissement » a été réduite à 45 %, et une part en « volume » de 5 % des recherches effectuées par l’entreprise a été introduite.

Le Gouvernement propose aujourd’hui, pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2006, d’augmenter la part en volume du crédit d’impôt, qui passerait de 5 à 10 % des dépenses engagées.

Cette mesure viendrait diminuer la part la plus incitative, c’est-à-dire la part liée à l’augmentation d’une année sur l’autre du crédit d’impôt, à 40 % au lieu de 45 %, ce qui semble être en contradiction avec la volonté d’une incitation forte au développement des dépenses de recherche des entreprises. Il est donc proposé de la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Cette disposition va être au contraire très favorable à la recherche et je crois donc que c’est une bonne chose de porter de 5 à 10 % la part du crédit d’impôt. Ce qu’on souhaite, c’est le dispositif le plus efficace possible. Au vu des premières évaluations, celui mis en place il y a deux ans est insuffisant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 176.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 392.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Fourgous. Contrairement à ce qu’a dit M. Migaud, le ciblage du crédit d’impôt recherche est amélioré et cette disposition sera conforme au projet de loi sur la recherche qui va venir en discussion. Ce redéploiement nous semble bien parti.

Le crédit d’impôt recherche est une réalité économique qui permet à l’entrepreneur d’avoir une vision d’avenir et de vérifier ses investissements. Cela lui permet d’avoir une intelligence stratégique.

Le présent amendement tend à attirer davantage de chercheurs dans le secteur privé. Il renforce le lien public privé et rompt cet isolement qui nuisait quelquefois à la productivité.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de porter le plafond du crédit d’impôt recherche de 8 millions à 10 millions d’euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour des raisons budgétaires, la commission a rejeté cet amendement, dont le coût est important. L’État a déjà fait un effort, comme qu’a souligné Didier Migaud, en retenant les dépenses existantes à hauteur de 10 % et non plus de 5 %.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je comprends tout à fait les arguments de la commission des finances, qui sont fort justes. Néanmoins, la démarche que vous avez engagée, monsieur le député, est tout à fait intéressante puisqu’elle permet aux grandes entreprises de bénéficier également du renforcement du crédit d’impôt recherche. Je soutiens donc cet amendement et je lève le gage.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général, et M. Michel Bouvard. Combien cela coûtera-t-il au budget de l’État ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Environ 60 millions !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Alors que la commission des finances, pour des raisons budgétaires, refuse cet amendement, le ministre, dans sa grande mansuétude, trouve soudain l’argent pour satisfaire M. Fourgous – par ailleurs très présent et très actif pour défendre les privilégiés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est de la pédagogie politique que nous sommes en train de faire !

M. Hervé Mariton. Il s’agit de la recherche en entreprise !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Mariton, je constate simplement que, pour l’environnement tout à l’heure, il n’y avait pas d’argent !

M. Hervé Mariton. Qu’avez-vous contre la recherche ?

M. Jean-Pierre Brard. Évitez la caricature ! Si vous aviez soutenu correctement la recherche, nos jeunes talents ne partiraient pas à l’étranger.

M. Hervé Mariton. Nous essayons de faire en sorte qu’ils reviennent !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne parlez jamais de ceux qui partent parce que vous ne financez pas leur laboratoire et que vous ne les payez pas suffisamment ! Ils vont déposer leurs brevets aux États-Unis !

M. Hervé Mariton. C’est pour cela qu’il faut les encourager.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 242.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à étendre aux métiers d’art – céramique, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et autres – le crédit d’impôt recherche.

En effet, ces métiers, qui représentent un important gisement d’emplois, se trouvent confrontés à la nécessité de renouveler leurs gammes, d’être de plus en plus créatifs pour faire face aux productions de masse en provenance notamment des pays du Sud-Est asiatique.

L’objet de cet amendement déposé par Nadine Morano est d’aider ce secteur à être plus innovant, à développer sa recherche pour s’adapter à un marché de plus en plus concurrentiel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a accepté cet amendement qui permet de tordre le coup à une idée reçue selon laquelle la recherche et l’innovation ne concerneraient que le secteur des technologies nouvelles.

Les industries traditionnelles telles que l’orfèvrerie, la joaillerie, l’habillement, le luxe peuvent, elles aussi, être fort innovantes et nécessitent un effort de recherche.

Réserver systématiquement ces dispositifs aux entreprises innovantes en matière de nouvelles technologies ne me paraît pas raisonnable compte tenu de la structure de notre industrie et de la localisation de ces emplois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En début de semaine, j’ai longuement discuté de cette excellente proposition avec Mme Morano.

Nous avons rencontré les professionnels. Néanmoins, je vous propose de retirer cet amendement pour que nous puissions continuer d’y travailler. Le projet de loi de finances rectificatives pourrait servir de support législatif pour proposer une nouvelle disposition – la formule du crédit d’impôt recherche ne me semble pas être la plus adaptée.

En revanche, dans ce secteur formidable, des choses très intéressantes sont à faire. Les métiers d’art sont un domaine dans lequel la France excelle. Il faut que nous en reparlions. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Le souhait de Nadine Morano est de trouver un dispositif adapté à ce secteur. Puisque vous en avez discuté avec elle, je retire cet amendement en espérant que, d’ici à l’examen du collectif, nous trouverons la solution adaptée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement soulève une question de fond et de méthode.

Le rapporteur général a souligné à juste titre que la recherche et l’innovation ne se limitent pas aux nouvelles technologies. Par ailleurs, apporter une aide à la création est tout à fait justifié. Il est juste qu’une telle initiative soit prise et que le ministre réponde positivement à la démarche d’encouragement à la création.

Cependant, je suis surpris de la jonction des logiques qui amène à se servir du support de la recherche pour, comme le dit l’exposé sommaire, « inciter ces métiers à lancer régulièrement de nouvelles collections susceptibles de séduire le consommateur toujours avide de nouveautés ».

Oui, il convient d’encourager la création ! Oui, il faut séduire le consommateur ! Mais le lien avec la recherche est parfois un peu distendu. Attention à ne pas mêler les différentes catégories !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes d’accord.

M. le président. L'amendement n° 242 est retiré.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16
(précédemment réservé)

M. le président. L’article 16 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 16 est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 16.

Après l’article 16
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 96.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Chacun connaît le talent inégalé de M. de Courson pour déceler les effets pervers des mesures que l’on pensait a priori bonnes et pour défendre nos entreprises.

La suppression de l'avoir fiscal, adoptée dans la loi de finances pour 2004, a pour conséquence de rendre définitive la double imposition des dividendes versés entre sociétés ne bénéficiant pas du régime mère-fille. Cela risque, en outre, d'avoir des conséquences économiques importantes. En effet, les entreprises françaises qui souhaiteraient investir dans d'autres entreprises, à l'occasion de privatisations par exemple, étant doublement imposées, seraient défavorisées par rapport aux étrangères. Il est à craindre que, pour éviter cela, elles ne soient obligées de recourir à des montages faisant intervenir des entreprises étrangères, ce qui serait préjudiciable à notre économie.

Pour supprimer cette double imposition illégitime, il est proposé d'étendre le régime mère-fille à toutes les personnes morales quel que soit le niveau de participation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

Le seuil minimal de participation pour bénéficier du régime mère-fille est fixé à 5 % en France, tandis qu’il est en moyenne de 10 % dans les autres pays de l’Union. Pour considérer qu’il y ait un lien, il faut un minimum de participation de la mère dans sa filiale. Il serait déraisonnable de supprimer tout seuil. Cela aboutirait également à des avantages fiscaux excessifs.

De plus, cette question n’a rien à voir avec la modification du régime de l’avoir fiscal puisque, d’ores et déjà, la double imposition liée à l’inapplicabilité du régime mère-fille ne résulte plus de la suppression de l’avoir fiscal : il avait été réduit à 10 % pour ces sociétés alors qu’il était de 50 % voici à peine quatre ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis très défavorable à cet amendement.

L’UDF se bat comme nous – quand elle veut bien nous rejoindre – sur l’attractivité de la France. Cette disposition, avec un seuil limité à 5 %, comme celle des plus-values de cession de titres de participation adoptée l’année dernière à mon initiative, est l’une des plus compétitives en Europe.

En outre, quelle n’est pas ma surprise de découvrir que M. de Courson figure en tête des cosignataires de l’amendement alors qu’il a passé la semaine, quand il a bien voulu être des nôtres, à expliquer que le budget que je présentais était insincère, que la moitié des chiffres étaient faux, que les dépenses étaient en réalité beaucoup plus importantes !

Lorsqu’il a déjà proposé voilà deux jours une disposition familiale qui coûtait 3,5 milliards, je pensais qu’il avait fait le maximum. Savez-vous combien coûte cet amendement, monsieur Baguet ? Il coûte 5 milliards au budget de l’État pour améliorer un régime qui est déjà le plus compétitif d’Europe. Très franchement, vous avez déjà fait mieux ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le ministre du budget ne saurait accepter un amendement de 5 milliards d’euros, y compris pour être agréable à l’UDF, même si nous nourrissons le rêve que ce groupe découvre, dans un mouvement d’enthousiasme, que ce budget maîtrise la dépense publique, les déficits et le financement de toutes les grandes réformes que les Français attendent et qu’il le vote.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 417.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le défendre.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 417.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 210.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le défendre.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 213 et 386.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour défendre l’amendement n° 213.

M. Marc Laffineur. L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour défendre l’amendement n° 386.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

J’ajoute, afin d’éviter toute ambiguïté que, si j’y suis défavorable, c’est parce que je renvoie cette discussion au projet de loi de finances rectificative.

M. le président. Ces amendements sont-ils maintenus ?

M. Marc Laffineur. Non !

M. Hervé Mariton. Je retire également l’amendement n° 386.

M. le président. Les amendements n°s 213 et 386 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 285 rectifié.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le défendre.

M. Pierre-Christophe Baguet. Il est défendu.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il sera également discuté lors de l’examen du projet de loi de finances rectificatives.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Baguet ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Non, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 285 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 182.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement concerne les ventes dites « à la découpe ». Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous avons bataillé dur sur tous ces bancs, sur ceux du groupe socialiste surtout, pour dénoncer ce phénomène qui sévit dans la région parisienne, mais aussi désormais dans la plupart des grandes villes, voire dans des villes de moindre importance.

Je rappelle que de telles ventes sont le fait de sociétés importantes et connues, filiales de grands groupes, qui entretiennent même parfois des liens avec notre assemblée – je pense à la Caisse des dépôts. Ces sociétés vendent « par appartement » les immeubles qu’ils possèdent. Il n’est pas abusif de parler de vente forcée, puisque les locataires n’ont pas d’autre choix que d’acheter ou de quitter les lieux. On a jeté quelques noms en pâture à la presse, ici celui d’une actrice renommée, là celui d’un ancien Premier ministre, alors qu’il s’agit surtout de cadres, de salariés. Si elles ne peuvent pas acheter l’appartement qu’elles occupent, ces familles seront contraintes de se reloger bien loin de leur lieu de travail, sans bénéficier forcément des commodités de transport nécessaires. Or la spéculation immobilière actuelle a considérablement réduit les possibilités d’accéder à la propriété.

Voilà pourquoi notre collègue Bloche vous propose de relever de 16,5 % à 26,5 % le taux d’imposition des bénéfices de ces sociétés. Il s’agit tout simplement d’imposer très lourdement les plus-values qui résultent de telles opérations. On a constaté en effet des phénomènes de « ventes en cascade », où la valeur du bien augmentait de près de 50 %, je ne dirais pas en un seul jour, bien que cela se soit vu, mais dans l’intervalle de quelques semaines, voire de quelques jours.

On peut donc être sûr que certains se sont enrichis. En revanche les ménages qui ont accédé à la propriété dans de telles conditions risquent de connaître des réveils excessivement douloureux lorsque la bulle immobilière explosera. On peut donc s’attendre à de nouveaux dégâts, ces ventes en cascade ayant pour effet de faire monter artificiellement le prix des biens jusqu’à des hauteurs exceptionnelles.

Nous avions déjà, il y a quelques semaines, débattu dans cet hémicycle de ce phénomène des ventes à la découpe. Je crois cependant que nous devons compléter le dispositif qui a finalement été voté en adoptant l’amendement que nous vous proposons, avec M. Bloche en particulier, si nous voulons faire cesser ce type de ventes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable.

Vous vous trompez complètement de cible, monsieur Dumont : le patrimoine des sociétés immobilières cotées est constitué essentiellement par de l’immobilier d’entreprise, notamment des immeubles de bureaux. Celles qui possèdent encore des immeubles d’habitation se désengagent du secteur du logement, compte tenu de tous les problèmes qu’il pose, et que vous venez d’exposer. La question ne se pose donc pas en ce qui concerne ces sociétés.

Vous avez raison en revanche de rappeler que le Gouvernement a pris récemment des mesures pour limiter ce phénomène, bien qu’il se soit placé sur un autre terrain que le vôtre, qui n’est pas pertinent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis très défavorable à cet amendement, et je vais m’en expliquer. Je vous demande, monsieur Dumont, de me pardonner par avance, parce que je vais être très désagréable. Ces propos ne s’adressent pas tant à vous d’ailleurs qu’à M. Bloche.

M. Jean-Louis Dumont. Je suis cosignataire de cet amendement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je le sais, mais je vous demanderai cependant de transmettre ma réponse à M. Bloche.

De trois choses l’une, en effet. Soit il ignore complètement le sujet, mais il invente un amendement pour faire un numéro sur la vente à la découpe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Soit il utilise un sujet qu’il connaît très bien pour taper sur la vente à la découpe. Là encore il tombe à côté de la plaque. Soit enfin il milite contre l’attractivité de la France, et cela m’inquiète sérieusement, surtout venant d’un élu parisien. Quand on voit ce qui se passe en ce moment à Paris, où la majorité municipale a beaucoup de mal à attirer des investisseurs, ça vaut la peine de mettre les pieds dans le plat ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Analysons en effet sa proposition dans l’ordre. M. Bloche ne réclame pas moins de dix points d’augmentation du taux de l’impôt qui s’applique aux bénéfices des sociétés foncières, au motif – justifié – qu’il faut faire la guerre à la vente la découpe. Il y a un seul problème : la vente à la découpe concerne les immeubles d’habitation, alors que le patrimoine des sociétés foncières est constitué à 90 % d’immeubles à usage professionnel !

J’en conclus que M. Bloche ne connaît pas le sujet. Ou alors il a juste envie de faire un coup, mais, comme il ne veut pas le faire lui-même, il vous envoie, pauvre monsieur Dumont, en première ligne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas l’habitude de ce côté-ci de l’hémicycle !

M. Jean-Louis Idiart. C’est nul ! Un ministre de la République qui fait de la polémique locale dans l’hémicycle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sa démonstration tombe donc complètement à côté de la plaque.

M. Jean-Louis Idiart. Un ministre soutier de l’UMP de Paris !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’analyse du marché foncier montre en effet que si nous portons atteinte fiscalement à ces sociétés, nous mettrons en péril l’attractivité de la France vis-à-vis des investisseurs immobiliers.

J’en terminerai par une dernière remarque. Il faut naturellement se mobiliser sur le sujet de la vente à la découpe, comme vous l’avez affirmé, monsieur le rapporteur général, et le Gouvernement s’y est engagé – comme vous le savez. Il a soutenu la proposition de loi, adoptée récemment à l’Assemblée et au Sénat, qui vise à favoriser le droit de préemption des locataires en cas de vente d’un immeuble. Cette loi permettra de régler bien des abus, ce qui est le devoir de la puissance publique.

En résumé, cette mesure, non contente d’être inopérante en ce qui concerne les ventes à la découpe, porterait massivement atteinte à la capacité de la France à attirer les investissements immobiliers professionnels. Pour ces raisons, monsieur Dumont, je vous suggérerais de retirer votre amendement. Je demande en tout cas à l’Assemblée de le rejeter avec force.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. J’ai bien entendu vos explications, monsieur le rapporteur général, et les vôtres, monsieur le ministre.

Nous devons tout de même remédier aux effets pervers du système actuel. Des immeubles ont ainsi pu connaître des changements d’affectation sans contrevenir à la loi – à moins que la loi n’ait été contournée : je ne sais pas dans quelles conditions ces changements ont eu lieu – afin d’être livrés à la spéculation immobilière, à un moment où, à Paris, dans la région parisienne et dans certaines grandes villes de province, les logements de centre ville sont devenus rares. Le fonctionnement du marché immobilier a d’une certaine façon été dénaturé.

Le rapport des forces présentes cet après-midi dans cet hémicycle ne devrait pas nous permettre de faire voter cet amendement…

M. Claude Goasguen. Il est absurde !

M. Jean-Louis Dumont. …à la satisfaction, je suppose, de ceux qui se sont exprimés. J’attire néanmoins votre attention sur la réalité de ce problème. Notre retard à y répondre a déjà mis en difficulté certaines populations.

M. Patrice Martin-Lalande. Que n’avez-vous agi quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Louis Dumont. Notre but n’est pas d’entraver le fonctionnement du marché. Mais quand Réseau ferré de France – dont nous reparlerons au moment où nous débattrons des moyens de répondre aux besoins en logement…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais enfin ça n’a rien à voir !

M. Jean-Louis Dumont. Attendez ! Quand RFF a mis sur le marché des terrains à bâtir, peut-être en réaction à la pression très forte des politiques, il ne s’est pas tourné vers le logement social, mais vers des promoteurs privés. Il est vrai que, depuis, le patron de RFF a changé : espérons que cela se traduira par un plus grand souci de la mixité sociale.

On voit bien que la situation du logement est aujourd’hui très malsaine, en Île-de-France en particulier. Et pourtant, on refuse de se donner les moyens d’intervenir en lançant un signal d’alarme, en mobilisant l’ensemble des acteurs, tant du secteur privé que du locatif social, pour répondre aux besoins des populations.

M. Claude Goasguen. Ce blabla n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Jean-Louis Dumont. Passons au vote, monsieur le président, et on verra ce que ça donne.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 439.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a un objectif très modeste : préciser à partir de quelle étape de la procédure d’agrément les dépenses engagées par les entreprises pour la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles sont éligibles au crédit d’impôt prévu dans un tel cas. L’amendement vise à permettre aux entreprises de bénéficier de ce crédit d’impôt dès le dépôt de la demande d’agrément provisoire au Centre national de la cinématographie, et non à compter de la délivrance de cet agrément par le directeur général du centre.

Cette simple précision permettrait d’assurer le meilleur fonctionnement de ce dispositif, que j’avais, avec d’autres parlementaires, proposé en 2003 et 2004, pour préserver la création cinématographique en France. Je me réjouirais donc de l’adoption de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais notre collègue Patrice Martin-Lalande a l’habitude de faire dans ce domaine des propositions très raisonnables. Il me semble à première vue que cette proposition est à son image. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’espère que vous voudrez bien l’accepter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un très bel amendement. Nous y sommes favorables, et nous levons le gage.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il y a de la concertation dans l’air. Vous êtes ici, monsieur Martin-Lalande, un collègue respecté, parce que méticuleux, quoique vous manquiez parfois aux usages. Ainsi, j’ai découvert dans la presse que vous proposiez de ratiboiser les crédits du Commissariat général au Plan, dont je suis le rapporteur spécial. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il eût été de bon ton de me téléphoner préalablement pour que nous eussions un échange sur cette question : cela relève de la simple courtoisie entre collègues.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ça partait d’un bon sentiment !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez visiblement, avant de proposer votre amendement, pris le temps de régler la question en coulisses. Il me semble que je suis en droit d’attendre de vous que vous me traitiez aussi bien que vous traitez le Gouvernement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je n’ai appris cette proposition que ce matin !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 240 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. M. le rapporteur général vient de m’apprendre qu’il a découvert les propositions de M. Martin-Lalande encore plus tard que moi. C’est une attitude sympathique envers le travail collectif !

Cet amendement vise, monsieur le ministre, à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État. On a entendu certains de nos collègues de l’UMP dire que nous devions trouver 500 millions d’euros. Il y a deux manières d’y parvenir : soit en faisant des économies, soit en augmentant les recettes.

Or voilà que le ministre dépense sans compter. On l’a vu tout à l’heure : allez hop ! soixante millions d’euros de dépenses, et ceci après avoir repoussé nos amendements écologiques.

La proposition que je vous fais là est très positive, puisqu’elle pourrait se traduire par quelques centaines de millions d’euros de recettes supplémentaires.

Je rappelle que le gouvernement de M. Raffarin avait décidé, en septembre 2004, pour complaire à notre baron national – comme vous le savez, il a laissé depuis sa place à la tête du MEDEF, et il est, paraît-il, promis à un brillant avenir européen – de mettre fin à la fameuse « surtaxe Juppé ». Cette décision a entraîné une perte pour l’État de 900 millions de recettes fiscales en deux ans. Cela prouve qu’il n’est pas si difficile de trouver de l’argent quand on le veut.

Certes cette contribution alourdit de 3 % la fiscalité des entreprises. La suppression de ce dispositif, instauré en 1995 pour pouvoir qualifier la France à l'euro, ramène le taux de l’impôt sur les sociétés à 34,4 % au lieu de 35,4 %, ce qui le rapproche de la moyenne européenne, qui se situe aux alentours de 30 %.

Le MEDEF juge ce taux encore trop élevé. On nous explique en effet que le taux de l'IS reste supérieur de plus de deux points à ce qu'il était au début des années quatre-vingt-dix, lorsque Pierre Bérégovoy l'avait ramené à 33,3 %, et qu’il dépasse de plus de cinq points la moyenne européenne. Il est vrai que les ex-pays de l'Est et nouveaux membres de l’Union européenne sont nombreux à pratiquer une concurrence fiscale assumée en fixant des taux très bas, pour ne rien dire de certains de nos voisins.

Je note au passage que rien n’est fait pour engager des négociations au niveau européen en faveur d'une harmonisation fiscale permettant de lutter contre les politiques de dumping fiscal de certains pays membres de l'Union. On préfère nous présenter la concurrence fiscale comme l'horizon indépassable de la construction européenne libérale. Dans tous les cas, nous estimons qu'au regard des quelque 20 milliards d'euros d'allégements de charges dont bénéficient les entreprises, la mesure de suppression de la surtaxe Juppé constitue un cadeau fiscal exagéré et scandaleux, d'autant qu'il exclut par construction les petites entreprises, dont nombre n'ont pas la forme de sociétés. En revanche, ces 900 millions de recettes, si précieuses pour les finances de l'État, sont dilapidés à fonds perdu, car la suppression de la surtaxe Juppé ne créera aucun emploi.

L'emploi est votre unique objectif, dites-vous. Avec ce type de mesure, vous administrez la preuve du contraire, tant il est vrai que les entreprises n’ont pas besoin de subventions ni d’allégements de charge mais de clients pour leurs produits. Or ces clients ne seront gagnés qu’autant qu’ils auront du pouvoir d’achat.

M. Jacques Myard. Et qu’il y aura une offre d’investissement !

M. Jean-Pierre Brard. Mais ce n’est pas contradictoire ! M. Fourgous nous expliquerait une partie du raisonnement sur la nécessité de l’accumulation du capital, à condition que celui-ci soit productif et qu’on ne taille pas dans le capital vivant, les salariés, pour mettre en valeur le capital accumulé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Je voudrais rappeler à M. Brard qu’avec la suppression de cette surtaxe le taux d’IS sera en France dans le haut de la fourchette européenne, à peu près au même niveau que l’Allemagne, si l’on inclut la fraction « imposition locale » en Allemagne. Notre taux ne relèvera pas du dumping fiscal, loin s’en faut. Il sera équilibré. Je rappelle d’ailleurs qu’on revient ce faisant au taux qui avait été atteint sous le gouvernement Bérégovoy.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. La réponse de M. le rapporteur général n’est pas satisfaisante parce qu’on ne peut pas isoler un impôt d’un autre. Il faut regarder l’importance globale des prélèvements obligatoires. Or je vous ai fait la démonstration, chiffres à l’appui, que nos prélèvements obligatoires n’étaient pas, et de loin, les plus élevés de l’Union, ni, plus généralement, de l’ensemble des grands pays, États-Unis compris. Ses arguments n’en sont donc pas, car ils ne présentent qu’une vue partielle de la réalité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 432.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, la langue française doit être un atout à l’exportation.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’on donne des cours à M. Breton !

M. Jacques Myard. Votre souhait est de voir se développer les exportations. Or, lorsque des étrangers apprennent notre langue, ils sont autant de relais potentiels à l’extérieur pour les entreprises françaises, pour l’industrie française, pour la maison France en général.

J’attire donc l’attention du Gouvernement sur cet investissement extrêmement productif, et cela d’autant plus aujourd’hui que nous savons que le français est parfois malmené à Bruxelles,…

M. Jean-Pierre Brard. Ici aussi, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. …y compris par des Français, ce qui est profondément scandaleux – mais nous réglerons nos comptes en temps et en heure.

Il faut donc dépasser le discours officiel sur la promotion du français et mettre en place des dispositifs qui permettent d’ensemencer la langue à l’extérieur, y compris parmi les cadres, les ingénieurs des entreprises installées hors de France, propriété d’actionnaires ou de sociétés françaises. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné, avec MM. Godfrain, Delnatte et Dupont-Aignan, l’excellent amendement de Bruno Bourg-Broc qui a pour objectif d’accorder un crédit d’impôt aux sociétés mettant en place pour leurs cadres de l’extérieur un enseignement du français, afin de permettre une meilleure diffusion de notre langue. J’ajoute que la dépense occasionnée par une telle mesure resterait modeste.

Je souhaite donc que le Gouvernement accepte cet amendement et qu’il lève le gage, afin que nous puissions adopter une mesure concrète de développement du français dans les entreprises implantées à l’étranger.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable. D’une part, il existe déjà 450 niches fiscales et nous ne tenons pas à en créer une 451e. D’autre part et surtout, nous avons des crédits de formation professionnelle qui sont considérables et dont une partie reste inemployée. Orientons donc une partie de ces crédits vers l’apprentissage du français que vous réclamez et qui nous semble un très bon objectif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien que je sois comme vous, monsieur Myard, très engagé sur la francophonie, j’ai trouvé les arguments de M. Carrez tout à fait convaincants. Il est vrai qu’il n’est pertinent ni de créer un nouvelle niche fiscale, alors même que nous en plafonnons un certain nombre, ni de ne pas utiliser les crédits de formation professionnelle qui servent d’abord à ça. Cette question de l’enseignement du français attend donc une autre réponse que le crédit d’impôt.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je souscris volontiers aux arguments qui viennent d’être exposés, mais je ne savais pas que la formation professionnelle pouvait jouer pour des entreprises hors de France. Si vous me dites qu’on peut imputer ce genre de dépenses sur les crédits de formation professionnelle, dont acte. Mais il me semblait que la formation professionnelle, comme la sécurité sociale, avait une assise territoriale.

Le sujet mérite donc qu’on y réfléchisse, même si cela devait créer, comme vous dites, une niche fiscale, car il s’agir d’une situation différente de la formation professionnelle. La formation professionnelle s’adresse aux salariés employés sur le territoire national, tandis qu’il est question ici de travailleurs non français, travaillant dans des filiales hors de France. Je continue donc de m’interroger sur la possibilité d’utiliser ces crédits.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vérifierai ce point, mais une chose est sûre, monsieur Myard, c’est que les crédits d’impôts ne sont pas utilisables à l’étranger par les filiales d’une entreprise française. En tout état de cause, il me paraît beaucoup plus facile d’utiliser l’apprentissage que les crédits d’impôts. Il faudra vérifier avec M. Larcher.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je sais, pour m’être penché sur la question, que nous avons des crédits de formation professionnelle utilisables à l’étranger.

M. Jacques Myard. Si c’est le cas, utilisons-les !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 432.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 17
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 17, je suis saisi d'un amendement n° 313.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. M. le ministre nous a proposé tout à l’heure de reporter à la séance du soir tout ce qui concernait l’ISF. Je voudrais savoir quels amendements le ministre va réserver et s’il va les réserver pour vingt et une heures trente afin que M. le ministre de l’économie puisse être là. Je suis un peu surpris qu’on aborde l’article 17 dont je croyais qu’il allait être renvoyé ainsi que les articles suivants.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il est prévu de mettre en discussion l’article 17 et un premier amendement après l’article 17, qui ne concerne pas la question de l’ISF.

M. Jacques Myard. Il faudrait savoir où l’on va !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous propose, en effet, d’examiner l’article 17, puis de faire une petite suspension technique qui me permettra de faire le point sur l’emploi du temps de M. Breton. Le problème est que quand vous êtes au banc, vous êtes au banc et vous n’en bougez plus ! Je suis ravi d’y être, mais je n’ai plus aucun contact avec l’extérieur, puisqu’on a même supprimé la possibilité d’envoyer des « textos » ! (Sourires.) Une suspension technique me permettra donc de faire le point sur la situation.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. La seule suspension de séance demandée par le groupe socialiste en début d’après-midi devait justement permettre à la fois que nous nous réunissions et que vous entriez en contact avec M. Breton. J’avais compris que c’était fait et que nous avions son accord pour vingt et une heures trente.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quand je reçois un message de M. Bonrepaux, je l’écoute avec mes deux oreilles. J’ai compris qu’il souhaitait voir M. Breton pour discuter de cette partie-là de notre projet de loi de finances, et j’ai fait passer le message. Mais c’était il y a deux heures, et le ministre était en réunion !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 314.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 315.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement apporte une précision sur la nature des immeubles de placement. Il s’agit d’exclure les immeubles de placement qui sont mis à disposition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable. Je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 316.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est, là encore, un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 433 rectifié.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement s’inscrit dans le cadre de l’incitation au développement de la recherche en France et de l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises qui innovent. Il a pour objet de permettre aux entreprises qui ont exposé des dépenses de recherche ayant abouti à des dépôts de brevets de continuer à imputer des pertes qu’elles n’ont pu déduire jusqu’à présent de leur base taxable.

Ainsi, pour gommer les effets négatifs incidents de la réforme de l’article 39 de la loi de finances rectificative de 2004, il est proposé que les entreprises percevant des produits de concession de licences, de brevets ou d’inventions brevetables puissent continuer à imputer leur stock de moins-values à long terme existant au 1er janvier 2006 sur les produits de redevance de brevets. Le stock de moins-values à long terme serait minoré du montant des provisions pour dépréciation des titres relevant de facto du régime à long terme. Cette correction permet d’éviter une double déduction de la provision pour dépréciation au titre, d’une part, de la déduction du stock de MVLT sur le produit net de la propriété industrielle et, d’autre part, en raison de la non imposition de la reprise sur provision.

En termes budgétaires l’impact de cette mesure devrait s’avérer limité dès lors que les entreprises ayant subi des pertes sur des cessions de participation et percevant des redevances de brevets sont peu nombreuses. Cette mesure apparaîtrait comme un signal fort quant à la place de l’innovation en France et renforcerait les fonds propres des entreprises concernées. Elle aurait de petits effets financiers mais de grands effets médiatiques et économiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable dans la mesure où le principe est celui de l’imputation des moins-values sur les plus-values de la même catégorie. Or, en l’espèce, si la catégorie des plus-values sur titres de participation fait l’objet d’une suppression graduelle de l’imposition, en revanche une imposition à 15 % est maintenue sur les brevets. Il n’est donc pas possible d’imputer les moins-values à l’intérieur d’une même catégorie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis défavorable que la commission. Le raisonnement se suffit à lui-même.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 433 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 17, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Pour que les choses soient bien claires, monsieur Bonrepaux, je précise que nous allons examiner avant la suspension de séance l’amendement n° 27 rectifié de M. Auberger, le premier des amendements portant articles additionnels après l’article 17, car il n’a rien à voir avec la question qui doit être débattue avec M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Après l’article 17

(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27 rectifié, portant article additionnel après l’article 17.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Auberger. Il s’agit d’un sujet qui a déjà été abordé, notamment dans le cadre de la première loi Dutreil. Il s’agit de l’étalement du paiement de l’imposition sur les plus-values lorsque le vendeur d’un fonds de commerce accorde un crédit à l’acheteur. Une instruction de la comptabilité publique du 28 octobre 2003 a prévu un dispositif d’étalement de l’impôt sur les plus-values, mais celui-ci est à mon sens trop restrictif pour deux raisons.

D’abord, son champ d’application est limité à la plus-value portant sur les seuls éléments incorporels du fonds de commerce. Or, les éléments corporels devraient être englobés, car ils interviennent aussi dans la valeur du fonds de commerce.

Ensuite, cet étalement n’excède pas trois ans, ce qui peut être insuffisant. Il serait préférable de le porter à cinq ans maximum.

Si M. le ministre peut nous donner l’assurance qu’une instruction un peu plus souple, sans être laxiste bien sûr, permettra de mieux répondre aux situations pratiques, je me rallierai volontiers à sa position, car la question peut être traitée par la voie réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. En effet, le dispositif d’étalement du paiement de la plus-value pour pratiquer un crédit vendeur sur une durée de trois ans est tout récent – il a été mis en place par la loi Dutreil. Au terme d’une première évaluation, il est apparu qu’il n’a pas été suffisamment utilisé pour que l’on puisse dire s’il pose problème dans tel ou tel cas. Peut-être existe-t-il des difficultés particulières, mais il ne nous a pas semblé opportun de modifier le dispositif dès à présent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable. J’entends bien votre message, monsieur Auberger, mais si des problèmes particuliers motivent votre démarche, je vous propose de prendre contact avec mon cabinet. Nous pourrons ainsi les examiner et vous donner des réponses plus opérationnelles. En attendant, je vous suggère de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je partage la vision du président de l’Assemblée nationale, selon laquelle il faut s’en tenir à une interprétation très stricte du champ de l’article 34 de la Constitution et éviter de traiter de sujets relevant de l’article 37. En l’occurrence, comme je l’ai déjà dit, il se trouve que nous sommes dans le domaine de l’article 37. De plus, j’entends bien que M. le ministre se montre ouvert. Donc, se référant au compte rendu intégral des débats, les requérants pourront demander aux services de revoir la question.

Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

Comme je l’ai annoncé, je vais maintenant suspendre la séance, pour une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué au budget.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le président, je souhaiterais, pour mettre à profit la présence dans l’hémicycle de M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, que nous examinions l’amendement n° 246 avant les autres amendements portant articles additionnels après l’article 17. En effet, l’amendement n° 246 éclaire la philosophie que nous entendons mettre en œuvre en matière d’ISF, qui consiste à mettre l’accent sur l’emploi.

M. le président. Vous me demandez, monsieur le ministre, de réserver les amendements jusqu’à l’amendement n° 246. Mais ne vaudrait-il pas mieux garder l’ordre et commencer par l’amendement n° 155, qui tend à supprimer l’ISF ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne le pense pas. Cet amendement et les suivants portent articles additionnels, de sorte qu’il n’y a aucun inconvénient à modifier l’ordre dans lequel nous les examinerons.

En revanche, commencer la discussion par l’amendement n° 246 permettrait de mieux structurer notre débat et de mettre à profit la présence du ministre de l’économie, qui pourra répondre à toutes les questions.

M. le président. C’est entendu. Nous reviendrons aussitôt après l’amendement n° 246 à l’ordre initialement prévu.

M. Jacques Myard. Je ne vois pas pourquoi on doit ainsi tout inverser !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 246.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par cet amendement, nous proposons d’instaurer, pour la détermination de l’impôt sur la fortune, un abattement de 75 % sur les parts ou actions de société détenues par leurs salariés ou dirigeants. Le bénéfice de cette mesure ne s’étendrait aux anciens dirigeants que dans le cas où ils partent en retraite. Enfin, dans un souci de cohérence, nous proposons de relever à 75 % le taux de l’abattement qui existe déjà au titre des engagements de conservation.

Ce qui motive cet amendement, c’est le constat, que nous faisons depuis longtemps, que les entreprises de notre pays souffrent d’un manque de fonds propres qui les rend particulièrement vulnérables, de sorte que 40 % des grandes entreprises cotées au CAC 40 sont détenues par des institutions ou des investisseurs étrangers. Trop longtemps, en effet, notre pays a refusé de mettre en place une épargne retraite – ce que l’on appelle dans les pays anglo-saxons des fonds de pension – qui puisse s’investir dans les entreprises. Nous en payons aujourd’hui les conséquences, bien que, dans le cadre de la réforme des retraites, nous ayons mis en place les PERCO, les plans d’épargne retraite collectifs, qui facilitent ce type d’investissement. Je rappelle en outre que les petites et moyennes entreprises manquent en permanence de fonds propres.

Aujourd’hui, il est nécessaire de réagir, faute de quoi nos entreprises risquent de passer de plus en plus sous contrôle étranger. Or, et nous l’avons vu récemment encore à Grenoble, qui dit contrôle étranger,…

M. Michel Bouvard. …dit délocalisation !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En tout cas, dans un premier temps, monsieur Bouvard, délocalisation des centres de décision.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, lorsque les centres de décision quittent notre pays, les services de recherche ou les services financiers les suivent bientôt et, à plus ou moins long terme, les emplois industriels sont eux aussi condamnés. Il faut donc réagir.

La commission des finances réfléchit depuis plusieurs années au moyen de favoriser un actionnariat national aussi stable que possible dans nos entreprises. Nous avons déjà progressé puisque la loi pour l’initiative économique de 2003, dite « loi Dutreil » a instauré, au titre de l’impôt sur la fortune, un abattement pour les actionnaires minoritaires en cas d’engagement de conservation pendant au moins six ans.

Cette proposition s’inspirait en fait du dispositif, dit « Migaud-Gattaz », qui avait été mis en place trois ans auparavant au titre des successions puis des donations. Le problème ne date donc pas de 2002.

Aujourd’hui, nous proposons, dans le souci de poursuivre cette démarche, que les actionnaires minoritaires liés par un pacte d’engagement, les salariés – car nous souhaitons favoriser l’actionnariat salarié –, les dirigeants et, à condition qu’ils prennent leur retraite, les anciens dirigeants de l’entreprise puissent bénéficier d’une exonération de 75 % au titre de l’ISF, dès lors qu’ils conservent leurs actions pendant au moins six ans.

Par ailleurs, je rappelle que les œuvres d’art sont totalement exonérées de l’ISF…

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et que les bois et forêts le sont à hauteur de 75 %,…

M. Michel Bouvard. Heureusement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et ce depuis la création de l’impôt sur les grandes fortunes. Alors, mes chers collègues, je vous pose la question : le plus important pour notre pays n’est-il pas de sauvegarder nos entreprises et nos emplois ?

M. Jacques Myard. Il faut supprimer cet impôt ridicule !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La mesure que nous proposons favorisera un actionnariat stable qui permettra de conserver nos entreprises.

Souvenez-vous que, lorsque nous avons instauré les engagements de conservation pour actionnaires minoritaires, nous avons agi de manière pragmatique. En effet, l’exemple de plusieurs dizaines d’entreprises familiales nous avait montré que les actionnaires minoritaires finissaient, à un moment ou à un autre, par vendre parce que les dividendes qu’ils percevaient étaient inférieurs à l’ISF qu’ils devaient acquitter.

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or ces entreprises, souvent régionales et de renom – je tiens la liste à votre disposition – , étaient en général rachetées par des groupes étrangers, ce qui se traduisait ensuite par une cohorte de délocalisations.

M. Éric Besson. Vous ne l’avez jamais démontré !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À l’époque, monsieur Besson, vous affirmiez que nous allions démanteler l’ISF et que cette réforme représenterait un manque à gagner de l’ordre de 500 millions.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous avais alors répondu que le coût de cette mesure se chiffrait à environ 100 millions d’euros.

M. Augustin Bonrepaux. En quoi a-t-elle servi l’emploi ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd’hui, je puis vous confirmer qu’elle n’a pas coûté davantage. Et elle a permis, monsieur Bonrepaux, que des entreprises familiales restent en Ariège, au lieu d’être délocalisées en Espagne !

M. Augustin Bonrepaux. Toutes les entreprises fichent le camp !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous ne pouvez pas à la fois nous donner des leçons de morale sur la politique de l’emploi…

M. Augustin Bonrepaux. Qu’avez-vous fait pour Pechiney ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et refuser que l’on tente de supprimer les effets pervers de notre fiscalité !

Ainsi que je le disais à l’instant, nous avons eu confirmation de l’évaluation du coût de cette réforme puisque, entre 2004 – année de son application – et 2005, l’ISF a progressé de 300 millions d’euros, passant de 2,1 à 2,4 milliards. Quant au coût de la mesure que Pierre Méhaignerie et moi-même vous proposons aujourd’hui, il est évalué entre 60 et 80 millions d’euros.

M. Pierre Lellouche. Ce n’est rien par rapport à ce que l’ISF nous coûte chaque année !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il ne s’agit donc pas de démanteler l’ISF, mais d’en supprimer un effet pervers…

M. Jacques Myard. C’est l’ISF lui-même qui est pervers !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …au nom de la politique de l’emploi et de la pérennité de nos entreprises sur le territoire national.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 246.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le rapporteur général, j’ai écouté avec intérêt votre intervention. La volonté du Gouvernement n’est évidemment pas de réformer l’ISF.

M. Pierre Lellouche. Hélas !

M. Augustin Bonrepaux. Mais de le démanteler !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Notre objectif est de tout faire pour préserver l’emploi et favoriser le développement de nos entreprises. À cet égard, votre amendement répond à un certain nombre de problèmes, que vous avez très bien résumés.

Premièrement, nous avons besoin que le capital de nos entreprises soit stabilisé. À l’heure où il est question – et pas seulement en France – de patriotisme économique, il faut se donner les moyens de construire et de préserver un actionnariat stable. C’est un enjeu majeur. Actuellement, nous avons la chance que l’actionnariat salarié se développe en France. Il faut encourager ce développement, car il contribuera de manière importante à la stabilité de nos entreprises.

Deuxièmement, je rappelle que votre amendement n’a pas pour objet d’exonérer ou de supprimer l’ISF, mais uniquement d’en différer l’impact.

M. Jacques Myard. Vous êtes en train de rassurer la gauche. Adressez-vous plutôt à notre électorat !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet, une action est destinée à être cédée un jour – que ce soit en numéraire ou pour acheter une autre action – et son détenteur paiera l’ISF sur le produit de cette cession. Il s’agit d’inciter les salariés, anciens salariés et mandataires sociaux à garder le plus longtemps possible des actions de l’entreprise dans laquelle ils ont travaillé, afin d’accompagner son développement.

M. Claude Goasguen. Tournez-vous vers la majorité, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Outre qu’elle favorisera le développement des entreprises, auxquelles je sais M. Goasguen très attaché,…

M. Jacques Myard. Il n’est pas le seul !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …cette mesure nous permettra de préserver l’emploi.

J’ajoute que les actions devront être détenues sur le long terme et que, les cours évoluant, rien n’est jamais acquis tant qu’elles ne sont pas cédées.

Le Gouvernement soutient cette proposition qui va dans le sens de l’emploi et de la compétitivité nationale.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission, et M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’amendement qui nous est proposé instaure un dispositif utile, équilibré et d’un coût raisonnable – 70 millions d’euros, comme l’a rappelé le rapporteur général – au regard de l’objectif poursuivi.

M. Augustin Bonrepaux. En faveur de combien de personnes ?

M. Michel Bouvard. Et de combien d’emplois !

M. Hervé Mariton. Le nombre des contribuables concernés n’est pas le seul critère.

Ce dispositif équilibré, qui contribuera à renforcer le capital des entreprises et à favoriser leur développement, est conforme à la priorité de notre budget et de notre temps, qui est l’emploi.

L’opposition s’interroge sur le caractère redistributif de cette réforme. Encore une fois, l’action publique ne s’analyse pas en fonction d’un seul critère, fût-il celui de la redistribution. L’intérêt de notre pays, de son économie, de l’emploi et des salariés mérite également d’être pris en compte. Lorsque nous cherchons à corriger les aberrations de l’ISF parce qu’elles nuisent à l’emploi, notre principale préoccupation n’est pas, c’est vrai, de faire une réforme redistributive. Mais nos concitoyens demandent aussi que nous favorisions, quand c’est nécessaire, le dynamisme économique, le développement, la stabilisation du capital et l’organisation des entreprises. Or cela ne passe pas nécessairement par la redistribution.

Vous comparez parfois cet amendement à d’autres dispositions du projet de loi de finances. Alors comparons ! Le projet de loi de finances consacre, par exemple, 500 millions d’euros à l’augmentation de la prime pour l’emploi. Il s’agit d’une mesure d’encouragement au travail, certes, mais aussi de redistribution. Je le répète, celle-ci n’est pas le seul critère de notre action, qui repose sur deux piliers : les mesures destinées au citoyen contribuable et celles – améliorées par cet amendement – qui visent à renforcer l’entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous me direz que cette mesure bénéficiera également aux dirigeants et aux salariés actionnaires. Oui ! Les entreprises ne sont pas de purs esprits, elles ont des dirigeants et des actionnaires. Mais faudrait-il s’interdire d’agir en faveur des entreprises, de l’emploi et du plus grand nombre, au motif que cela pourrait profiter aux dirigeants ? Évidemment, non !

Par ailleurs, l’amendement ne réglera pas l’ensemble des difficultés soulevées par l’ISF. À chaque jour suffit sa peine.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

M. Pierre Lellouche. Cela fait quatre ans !

M. Hervé Mariton. Il ne résout pas notamment le problème de la résidence principale, qui n’est ni négligeable ni méprisable.

M. Pierre Lellouche. On s’en occupera tout à l’heure !

M. Hervé Mariton. Mais je pense, comme un certain nombre d’autres députés UMP, que l’urgence, en 2006, est de régler la question de l’emploi. Telle est la seule priorité du budget. Quand on a plusieurs priorités, autant dire que l’on n’en a pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Nous sommes donc cohérents. Sans doute un certain nombre de nos concitoyens, davantage concernés par le problème de la résidence principale,

M. Pierre Lellouche. Nous avons déjà recueilli 35 000 signatures !

M. Hervé Mariton. …peuvent-ils nous reprocher de ne pas régler cette question et être quelque peu irrités par le fait que nous apportions une solution à un problème national plutôt qu’à leur problème. Mais, je le répète, à chaque jour suffit sa peine.

Enfin, il est une question qui, bien qu’essentielle, n’a pas été évoquée ces derniers jours : celle du taux de l’ISF. Quand l’impôt sur les grandes fortunes a été créé, il y a un peu plus de vingt ans, son taux maximum était de 1,5 % alors que les taux à court terme étaient de 14 %. Aujourd’hui, le taux maximum de l’ISF est de 1,8 % pour un taux à court terme de l’ordre de 2 %. Le taux de l’ISF est donc passé, en vingt ans, de 10 % à 100 % du loyer de l’argent.

M. Pierre Lellouche. C’est confiscatoire !

M. Hervé Mariton. Cette question importante, nous ne la réglerons pas aujourd’hui, car nous ne pouvons ni ne voulons tout faire en même temps. Gardons cependant présent à l’esprit que ce qui turlupine nos concitoyens, ce n’est pas forcément le principe ou le champ d’application de l’ISF : chacun peut comprendre que le propriétaire d’un grand appartement à Paris ou d’une très belle propriété en province doive acquitter un impôt sur le patrimoine. Le problème est moins celui du champ d’application de l’ISF que celui de son taux. À l’évidence, la réponse ne peut pas être la même aujourd’hui qu’il y a vingt ans.

Cependant, il me semble que nous aurons bien avancé sur l’ISF ces dernières années, notamment en assumant qu’une fiscalité du patrimoine, quel que soit son nom, n’est pas injustifiée. Nous aurons également fait de l’ISF un impôt un peu plus ordinaire, en actualisant son barème l’an dernier, comme c’est le cas depuis fort longtemps pour l’impôt sur le revenu. Néanmoins, il faudra, un jour, que nous menions une réflexion sur le taux de l’ISF, en envisageant peut-être d’établir un lien entre ce taux et celui du rendement de l’argent.

Nous devrons aussi poursuivre le débat sur la banalisation de la situation juridique de l’ISF. Le fait que les services fiscaux ne traitent pas les personnes assujetties à l’ISF de la même manière que l’ensemble des autres contribuables est anormal et il convient d’y remédier, pour une question de sécurité juridique. M. le ministre du budget, qui a publié une excellente charte du contribuable, devrait également se demander comment faire pour que l’ISF soit regardé comme un impôt ordinaire, justifié et aussi intelligent que possible.

Tel est justement l’objet de l’amendement n° 246 : faire un pas important vers un ISF plus intelligent, en faisant en sorte qu’il n’agisse plus contre l’emploi, mais qu’il contribue au contraire à stabiliser et à développer l’emploi dans notre pays.

M. le président. Mes chers collègues, je vous précise que la réserve, même lorsqu'elle est de droit, ne peut avoir pour effet de modifier l'ordre des votes sur les amendements concurrents. L'amendement n° 155 de M. Myard ayant pour objet de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune doit donc être voté avant l'amendement n° 246, qui prévoit une modification partielle de cet impôt.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. le président. En conséquence, une fois la discussion sur l'amendement n° 246 terminée, son vote sera réservé et nous reprendrons le cours normal de la discussion à partir de l'amendement n° 155.

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’amendement.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir remis de l’ordre dans notre débat, la logique voulant que la discussion sur le devenir de l’ISF dans notre pays commence par l’examen de l’amendement de suppression de M. Myard.

M. Breton, qui, dans une vie antérieure, a dirigé une grande entreprise mondiale…

M. Jacques Myard. Ce n’est pas une réincarnation, tout de même ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche. …sait comme moi que, totalement engluée dans des archaïsmes d’un autre âge, la France est en train de passer pour l’homme malade de l’Europe, notamment aux yeux de ses partenaires européens. Année après année, la France présente depuis vingt-six ans un budget en déficit constant, devenu structurel.

M. Jean-Claude Sandrier. Et les États-Unis ?

M. Pierre Lellouche. Nous sommes également le pays où l’on travaille le moins, à cause de cette fameuse loi des 35 heures. Enfin, notre pays est le seul à conserver un impôt sur la fortune, institué en 1982. M. Breton a déclaré tout à l’heure qu’il n’est « évidemment pas question pour le Gouvernement de modifier l’ISF ».

M. Didier Migaud. Que fait-on d’autre ?

M. Pierre Lellouche. Quant à M. Mariton, il vient de nous dire que, faute de temps, nous devions nous concentrer sur l’amendement relatif à la transmission des entreprises. Sachez que je le regrette. Cela fait belle lurette que l’impôt sur les grandes fortunes ne mérite plus son nom, tout simplement parce que les grandes fortunes de notre pays sont déjà parties. Elles sont maintenant à Bruxelles, en Suisse ou en Italie. Il suffit d’interroger les fiscalistes pour se rendre compte de l’effet provoqué par cet impôt sur bon nombre de grands patrimoines français qui se sont délocalisés, emportant avec eux les emplois qu’ils généraient.

En ce qui concerne les entreprises, cet impôt a un effet dévastateur depuis des années. À chaque fois qu’une entreprise est transmise, elle est rachetée par des capitaux étrangers et découpée par appartements, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît sur les rentrées fiscales et surtout sur l’emploi.

Mais rien n’y fait : devant le terrorisme idéologique de la gauche, les gouvernements de droite se couchent les uns après les autres, année après année.

M. Didier Migaud. Et Juppé, c’est un gauchiste ?

M. Pierre Lellouche. C’est à se demander si cette majorité-ci est capable de défendre des idées différentes de celles de la gauche. Sur un dossier aussi capital que l’impôt sur la fortune, compte tenu de son effet sur les entreprises et sur l’emploi, la question vaut d’être posée.

En ce qui concerne le logement, du fait qu’il y a de moins en moins de grandes fortunes en France, cet impôt s’applique de plus en plus aux petits propriétaires. L’ISF est devenu une espèce de surtaxe sur le logement qui frappe, non plus les milliardaires, mais les familles moyennes. Où est la logique d’un tel dispositif ? Je trouve incroyable qu’année après année, on répète aux députés de la majorité qui souhaitent modifier cet impôt, qu’il est urgent d’attendre l’année suivante. C’est la quatrième année consécutive que l’on me fait le coup !

M. Jean-Louis Idiart. Peut-être allez-vous devoir apprendre à être patient ?

M. Pierre Lellouche. Messieurs du Gouvernement, à un an et demi des échéances électorales, que constate-t-on ? Que la situation de l’emploi ne s’est pas améliorée, que les entreprises françaises continuent à délocaliser, que le CAC 40 est possédé par des investisseurs étrangers, que notre pays s’enfonce dans le chômage et la stagnation de sa croissance, mais aussi que de plus en plus de gens sont assujettis à cet impôt alors qu’ils sont loin d’être milliardaires. Ayons le courage de poser ces questions sans capituler à l’avance devant le terrorisme idéologique de la gauche, qui n’a pas le monopole de la justice sociale ! Il est temps de dire que nous sommes en train de faire des bêtises sur le plan économique !

Je soutiens donc l’amendement de suppression de M. Myard. À défaut, nous devrons nous contenter de l’amendement a minima de la commission des finances, mais très honnêtement…

M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait aller plus loin ?

M. Pierre Lellouche. …il faudrait aller plus loin, certes, et ne pas amputer le logement des classes moyennes par frilosité, sous prétexte que l’on a un accord avec le Gouvernement sur la transmission d’entreprise. Aujourd’hui, entre 700 000 et un million de Français sont redevables de l’impôt sur la fortune uniquement parce qu’ils possèdent un logement de trois ou quatre pièces. C’est complètement déraisonnable. Il est temps que cela s’arrête et que la majorité de droite dans ce pays soit la droite ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il est tout à fait légitime que nous soyons nombreux à nous exprimer sur cet amendement. En ce qui concerne les interventions d’orateurs inscrits au nom de l’UMP, je me demande toutefois si certaines d’entre elles ne s’inscrivent pas dans le cadre de la campagne pour les élections municipales parisiennes, comme peut le laisser supposer la surenchère dramatique à laquelle M. Lellouche vient de se livrer…

M. Pierre Lellouche. Comme d’habitude, vos propos sont minables, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. J’ai été plus présent que vous depuis le début de ce débat budgétaire. Je vous dispense par conséquent de me donner des leçons. Nos débats y gagneront en sérénité.

M. Pierre Lellouche. Moi non plus je n’ai pas de leçons à recevoir de vous !

M. le président. Allons, monsieur Lellouche !

M. Didier Migaud. Je comprends que M. Lellouche, dont une bonne partie de la clientèle électorale est assujettie à l’ISF, défende cette catégorie de contribuables avec une telle ardeur, mais de là à essayer de les faire passer pour pauvres… Vous allez les vexer, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche. Ce sont les classes moyennes que je défends !

M. Didier Migaud. Ils ne se considèrent pas comme pauvres, et d’ailleurs un certain nombre d’entre eux est plutôt satisfait de payer l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Alain Gest. C’est cela, il y en a même qui demandent à le payer !

M. Richard Mallié. Provocateur !

M. le président. Allons, mes chers collègues, un peu de sérénité, je vous prie !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, je salue votre présence. Il est tout à fait légitime que vous soyez présent lors de la discussion de cet amendement. Vous auriez pu en être l’auteur, mais il se trouve qu’il a été rédigé par M. Méhaignerie, M. Carrez et M. Novelli. Ce dernier nous a habitués à ce genre d’amendements. Quant à M. Méhaignerie, d’ordinaire si pondéré, force est de constater qu’en l’occurrence il s’est quelque peu « lâché ».

Cet amendement me paraît sensiblement différent d’autres amendements relatifs à l’impôt de solidarité sur la fortune dont nous avons eu à connaître, car il remet en cause directement l’assiette même de cet impôt. Il porte sur la transmission des entreprises familiales et vous avez rappelé, monsieur le rapporteur général, les propositions que nous avons pu faire à ce sujet lors de la législature précédente. Vous avez d'ailleurs « boosté » très exagérément le dispositif que nous avions mis en place.

M. Jacques Myard. En français, s’il vous plaît !

M. Didier Migaud. Mais il ne s'agit pas ici seulement des entreprises familiales, l’amendement concernant également des entreprises du CAC 40. Vous expliquez que le dispositif ne représente pas une somme considérable, et je trouve cela extraordinaire : quand il est question d’aider les petits contribuables, un coût de quelques millions d’euros suffit à vous rebuter ; en revanche, 80 ou 100 millions d’euros ne vous effraient pas dès lors qu’il s’agit d’en faire bénéficier les personnes assujetties à l’ISF ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L'augmentation de la prime pour l'emploi, que vous invoquez, représente un coût de 500 millions d’euros à répartir entre 8,5 millions de bénéficiaires, c’est-à-dire moins de 5 euros par mois. Comment pouvez-vous avoir l’impudence, l’indécence de l’opposer à l’ISF ?

M. Hervé Mariton. On n’oppose rien, c’est vous qui opposez !

M. Didier Migaud. C’est à un grignotage permanent de l’impôt de solidarité sur la fortune que vous vous livrez. Nous n’avons pas l’intention d’opposer les Français, mais d’essayer de défendre la justice fiscale.

M. Jacques Myard. La justice fiscale, c’est d’avoir des emplois !

M. Didier Migaud. Pouvez-vous nous confirmer le coût de cette mesure, combien de personnes doivent en bénéficier et quel impact on en attend sur l’activité et l’emploi ? Vous nous dites que nombre de salariés non dirigeants pourraient bénéficier de la mesure. Or, 19 % seulement des salariés, essentiellement dans les grands groupes, ont accès à l’épargne salariale : combien bénéficieront de ce dispositif, aux côtés des dirigeants et des mandataires ?

Il ne s'agit plus ici d'exonérer l'outil de travail, puisque les mandataires sociaux et les actionnaires très minoritaires, ainsi que les anciens dirigeants et les anciens mandataires, seront concernés. L'argument du patriotisme économique ne tient pas davantage car toutes les sociétés, même étrangères, sont concernées : ce dispositif n'est pas un outil de lutte contre les délocalisations fiscales. Le fait qu’il entre en vigueur très rapidement pose également un certain nombre de problèmes, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que la détention de stock-options – obtenues à des conditions très avantageuses – ne sera pratiquement pas imposée et que, dès lors qu'un dirigeant les conservera au-delà de huit ans, un abattement sera appliqué sur la plus-value qu'il réalisera lors de leur cession ? Est-ce cela que vous appelez de la justice fiscale ?

Le Président de la République s’était engagé à ce qu’on ne touche pas au fond de l’impôt de solidarité sur la fortune. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je pense que vous ne l’avez pas informé suffisamment car ce que vous faites constitue une atteinte au principe et à l’assiette de l’ISF.

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Avec votre autorisation, monsieur le président, je m’exprimerai pendant cinq minutes environ, mais je n’interviendrai plus sur le sujet dans la suite du débat.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Besson.

M. Éric Besson. Je veux d’abord souligner que la volonté répétée de la majorité de réformer l’ISF témoigne d’une véritable obsession.

M. Jacques Myard. C’est vous que l’ISF obsède ! Nous, nous sommes soucieux des investissements en France !

M. Hervé Mariton. C’est une obsession partagée !

M. Charles Cova. Nous voulons encourager l’investissement !

M. Éric Besson. Je note d’ailleurs que le rapporteur, d’ordinaire si calme, fait preuve d’une véhémence tout à fait exceptionnelle dès qu’il s’agit de cet impôt.

Chers collègues de la majorité,…

M. Jacques Myard. « Chers » est de trop !

M. Éric Besson. …dès que vous avez été élus, dès le collectif budgétaire de l’été 2002, vous avez commencé à vous attaquer à l’ISF. Vous le faites aujourd’hui pour la quatrième fois.

M. Jacques Myard. Et nous en sommes fiers !

M. Éric Besson. Je note également que, contrairement à ce qui nous est chaque fois promis, aucun diagnostic n’a jamais été établi sur les conséquences de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Michel Bouvard. Et le rapport Charzat ?

M. Éric Besson. Le rapporteur affirme tenir à notre disposition des listes. Mais dès que nous demandons un diagnostic qui apporterait des preuves, nous ne voyons jamais rien venir.

M. Michel Bouvard. Relisez donc le rapport Charzat !

M. Éric Besson. Cela nous conduit malheureusement à avoir parfois des discussions de café du commerce sur le sujet.

Il faudrait aussi que nous écartions les faux débats. N’inventons pas de moulins à vent ! « Il faut avoir le courage de briser le tabou créé par la gauche », nous a dit M. Lellouche tout à l’heure, comme d’autres l’avaient fait avant lui.

M. Claude Goasguen. Avec raison !

M. Éric Besson. Mais il n’y a aucun tabou ! Nous sommes tous prêts sur ces bancs, Didier Migaud, moi-même et d’autres collègues à gauche, à discuter de l’impôt sur la fortune. Nous avons par exemple proposé d’élargir son assiette et de baisser ses taux, et de le faire à rendement constant, voire à rendement croissant. Discutons-en ! Il peut y avoir des effets pervers.

M. Pierre Lellouche. Merci de le reconnaître !

M. Éric Besson. Il peut y avoir, ici ou là, un certain nombre de difficultés, même si je ne voudrais pas qu’on exagère à l’infini les problèmes rencontrés par les propriétaires de l’île de Ré. Encore que j’aie pour quelques-uns d’entre eux, et plus spécifiquement pour l’un d’entre eux, une tendresse particulière. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Des noms !

M. Éric Besson. Arrêtez en tout cas de faire croire qu’il y a un tabou sur cette question dont nous pouvons discuter si vous le souhaitez.

De la même façon, nous ne vous reprochons pas, monsieur le ministre, d’avoir le souci de la compétitivité de notre pays. C’est bien le moins qu’on puisse attendre d’un ministre de l’économie et des finances. Nous déplorons, en revanche, que vous ayez de celle-ci une vision unilatérale. Au nom de cette compétitivité, vous ne nous parlez jamais, en effet, des infrastructures, de l’éducation, de la formation…

M. Claude Goasguen. Si, tout le temps !

M. Charles Cova. Les infrastructures ? Nous ne parlons que de cela !

M. Éric Besson. …de la recherche et de l’innovation.

M. Hervé Mariton. Le projet de loi sur la recherche viendra bientôt en discussion !

M. Éric Besson. Or tout cela contribue aussi à la compétitivité de notre pays. Mais votre obsession porte uniquement sur l’ISF.

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Didier Migaud. C’est vrai !

M. Éric Besson. Alors, messieurs, quelle est votre conception de l’impôt ? Vous avez prétendu – et c’était le slogan de la campagne d’avril 2002 – que vous vouliez réhabiliter le travail. Or, par touches successives – on en est déjà à quatre –, vous mettez en place, en fait, une économie de rentiers. C’est la rente, et non le travail, que vous réhabilitez dans notre pays. Toutes les mesures que vous prenez en matière de donations ou de successions vont dans ce sens.

Il y a quelques minutes, le rapporteur a pris l’exemple des actionnaires minoritaires ne travaillant pas dans l’entreprise. Mais, monsieur Carrez, il s’agit tout simplement de rentiers ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Non, d’investisseurs !

M. Michel Bouvard. Le propos de M. Besson est absolument inouï !

M. Jacques Myard. Vous ne connaissez rien à l’économie, monsieur Besson ! Allez prendre des cours du soir !

M. Pierre Lellouche. Mais enfin, tout le monde n’est pas rentier !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Besson a la parole ! Vous aurez l’occasion de lui répondre plus tard !

M. Éric Besson. Ils ont hérité de ces actions. Ils sont héritiers actionnaires minoritaires ne travaillant pas dans l’entreprise : c’est la définition d’un rentier. Même dans la logique libérale, la fluidité du capital est indispensable. Or vous vous opposez à cette fluidité au prétexte que les capitaux partent à l’étranger. Mais vous vous contentez d’affirmations. Vous n’avez jamais rien prouvé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Étudiez le dossier !

M. Pierre Lellouche. Contrevérités !

M. Éric Besson. Monsieur Lellouche, je vous ai écouté sans hurler. Vous étiez pourtant extravagant dans vos propos.

M. Pierre Lellouche. C’est vous qui l’êtes, monsieur Besson !

M. Éric Besson. Vous pourrez demander à intervenir lorsque j’aurai terminé.

Même si cela ne vous plaît pas, on voit bien, et là je m’adresse plus particulièrement à vous, monsieur Lellouche, où est votre modèle. Il est américain, et même néo-conservateur. Le numéro deux du Gouvernement, président de l’UMP, l’a dit l’année dernière.

M. Pierre Lellouche. Notre modèle est anglais, allemand, italien, espagnol, hollandais, danois, suédois ! C’est vous qui êtes totalement ringard !

M. Éric Besson. Monsieur le président, connaissez-vous un moyen de faire baisser le son à M. Lellouche ?

M. Pierre Lellouche. Cessez de m’insulter !

M. le président. Monsieur Lellouche, je vous en prie !

M. Michel Pajon. Cet homme est dangereux !

M. Éric Besson. En quoi vous ai-je insulté, monsieur Lellouche ? En vous disant que vous vous inspiriez d’un modèle néo-conservateur ?

M. Pierre Lellouche. Le modèle dont je parle est en vigueur dans toute l’Europe et vous le savez bien ! Arrêtez donc de caricaturer !

M. Éric Besson. Je disais donc, n’en déplaise à M. Lellouche, que votre inspiration est clairement néo-conservatrice en la matière.

M. Pierre Lellouche. Non ! Elle est européenne !

M. Éric Besson. Vous défendez une société de propriétaires. Pour notre part, nous voulons une fiscalité plus douce pour les fruits du travail parce que la vraie réhabilitation du travail, c’est à la fois l’emploi et la fiscalité du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Et les œuvres d’art ?

M. Éric Besson. S’agissant de la redistribution, j’ai entendu M. Mariton dire que ce n’était pas le seul critère sur lequel on pouvait juger l’action gouvernementale. Certes. Mais est-ce encore à vos yeux un critère ?

M. Hervé Mariton. Tout n’est pas redistribution !

M. Éric Besson. Plus largement, qu’avez-vous fait depuis quarante mois ? Et cette question explique sans doute la tonicité de notre débat. Contrairement à ce que vous prétendez dans vos discours lénifiants, les prélèvements obligatoires ont en effet augmenté – impôts, taxes, cotisations sociales.

M. Hervé Mariton. Ce sont surtout les impôts locaux qui ont augmenté !

M. Éric Besson. Le problème, c’est qu’ils ont baissé pour certains – impôt sur le revenu, impôt sur la fortune – et augmenté pour la grande majorité des Français.

M. Michel Bouvard. Au niveau régional, par exemple !

M. Hervé Mariton. Merci la gauche !

M. Éric Besson. Nous sommes donc en droit de vous demander si vous croyez encore à la redistribution.

M. Hervé Mariton. Oui !

M. Éric Besson. Cela pose un problème de décence.

M. Mariton nous a dit que les Français étaient « turlupinés » par l’ISF. Je n’ai pas l’impression, pour ma part, et je précise que nous sommes dans le même département, que nos compatriotes soient très « turlupinés » par l’ISF. Quand ils viennent nous voir dans nos permanences ou nos mairies, ils nous parlent d’emploi, de logement, de leurs difficultés, mais pas d’ISF.

Et si je parle de décence, c’est qu’aujourd’hui, on a annoncé que GDF réclamait une très forte augmentation de ses tarifs, alors que nos concitoyens sont déjà touchés par la hausse du prix de l’essence à la pompe.

M. Didier Migaud. Du reste, la consommation des ménages a diminué en septembre !

M. Éric Besson. Or, nous débattons dans cet hémicycle de l’impôt sur la fortune, pour la quatrième année consécutive.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Éric Besson. Vous proposez, quant à vous, un bouclier fiscal. Nous avons le sentiment, pour notre part, que nos concitoyens ont surtout besoin, en ce moment, d’un bouclier social.

Alors, mes chers collègues, avez-vous renoncé à toute pédagogie sur l’impôt ? Croyez-vous encore à l’impôt républicain ? Pensez-vous que nous ayons besoin de services publics et que chacun, dans notre pays, doive contribuer aux charges publiques à proportion de ses revenus, y compris les revenus du patrimoine ?

M. Hervé Mariton. Nous croyons en un impôt raisonnable !

M. Éric Besson. Vous n’en dites jamais plus rien. À vous entendre, l’impôt c’est quasiment du racket.

M. Hervé Mariton. Non, nous voulons un impôt raisonnable !

M. Éric Besson. Monsieur le ministre de l’économie, puisque vous avez bien voulu venir, dites-nous enfin – et ce serait une première depuis quatre ans – quelle est la philosophie du Gouvernement en matière d’impôt.

M. Hervé Mariton. Un impôt raisonnable !

M. Éric Besson. Croyez-vous encore à l’impôt républicain ? Et si oui, expliquez-nous, s’il vous plaît, votre philosophie en la matière.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je veux, à mon tour, vous remercier, monsieur le ministre de l’économie, de nous avoir rejoints. Il est vrai que nous avons besoin de son expérience. Quant à moi, je suis perdu, par exemple, lorsque je vois les montants des actions détenues en direct par les mandataires sociaux de certaines entreprises. Il s’agit de chiffres peu communs. Il est vrai que je n’ai jamais entendu un seul redevable de l’ISF venir se plaindre dans l’Ariège. Mais, grâce à votre expérimentation, vous allez nous expliquer tout cela. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En tout cas, les mesures que vous proposez pour l’instant ne correspondent assurément pas aux priorités de notre pays. M. le Premier ministre avait déclaré, après la grande manifestation de début octobre, qu’il était à l’écoute des Français. Et pour le montrer, il s’apprête à baisser l’ISF.

En fait, chers collègues de la majorité, vous êtes particulièrement nombreux ce soir pour vous occuper du sort des 350 000 contribuables les plus favorisés de France.

M. Hervé Mariton. On s’occupe de la France et des investissements !

M. Jacques Myard. Les autres contribuables sont partis à cause de l’ISF !

M. Augustin Bonrepaux. Vous étiez moins nombreux lorsque nous avons discuté de la prime pour l’emploi. Vous avez déposé trente-sept amendements pour baisser l’ISF. Il y a quasiment plus d’amendements que de députés présents. Combien en aviez-vous déposé pour tenter d’augmenter la prime pour l’emploi ?

M. Richard Mallié. Nous l’améliorons !

M. Augustin Bonrepaux. Aucun ! C’est dire où sont vos priorités ! Votre porte-parole, M. Mariton, a d’ailleurs été très clair sur ce point.

M. Hervé Mariton. Je n’ai jamais dit cela ! Notre priorité, c’est l’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Répétons-le : votre priorité, c’est de baisser l’impôt des riches. Alors, bien sûr le faramineux bouclier fiscal que vous avez prévu ne suffit pas. Le revenu de certains contribuables est tellement élevé que, malgré ce faramineux plafonnement à 60 %, ils risquent quand même de devoir payer des impôts.

Il vous faut donc prévoir un dispositif supplémentaire pour satisfaire les privilégiés.

M. Richard Mallié. Oh ! Ça suffit !

M. Augustin Bonrepaux. Comment pouvez-vous prétendre comprendre les problèmes qui se posent dans notre pays alors que vous êtes habitués à manipuler des chiffres comme ceux que j’ai sous les yeux.

Valeur des actions détenues en direct par les mandataires sociaux : 11 millions pour Axa – et je ne citerai pas de nom –, 207 millions pour Cap Gemini, 53 millions pour Vinci. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Croyez-vous que ces chiffres soient en rapport avec les 4,73 euros que vous accordez au titre de la prime pour l’emploi ? N’avez-vous pas l’impression qu’il y a un fossé entre vos préoccupations et la réalité à laquelle sont confrontés les Français ? Vous rendez-vous compte dans quelle situation se trouve aujourd’hui notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard. À cause de vous !

M. Augustin Bonrepaux. Êtes-vous bien conscients qu’il y a plus de 3 millions de pauvres en France ? Que le nombre de RMIstes s’est accru de 200 000 ? Or ce projet de budget ne prévoit rien en la matière.

M. Pierre Lellouche. Démagogie !

M. Augustin Bonrepaux. Pis, vous allez réduire les crédits de 60 millions. Et combien de personnes sont concernées ? Quel est le revenu des bénéficiaires ? Répondez donc à ces questions pour nous éclairer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. C’est ce terrorisme depuis vingt ans qui nous a conduits là où nous sommes !

M. Augustin Bonrepaux. Je comprends que mes propos vous dérangent !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. La majorité devient insatiable. Le bouclier fiscal n’est pas le paradis escompté, messieurs, puisque vous en rajoutez avec cet amendement. Hervé Mariton nous dit même qu’il faut aller plus loin.

Monsieur Mariton, avec vous il n’y aura bientôt plus d’impôt ! Pourtant, notre pays n’a plus les moyens de résoudre les problèmes les plus importants !

M. Jacques Myard. Il n’a plus les moyens parce que vous avez jeté son capital dehors !

M. Augustin Bonrepaux. Vous prétendez vouloir favoriser l’attractivité du territoire, mais est-ce en offrant aux grands patrons des réductions fiscales que vous allez attirer les entreprises dans notre pays alors que, dans le même temps, vous laissez notre patrimoine et nos infrastructures à l’abandon ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Je termine, monsieur le président !

M. Claude Goasguen. C’est trop long !

M. Pierre Lellouche. Il préfère les nationalisations !

M. Claude Goasguen. On comprend que l’Ariège soit en difficulté !

M. Augustin Bonrepaux. En définitive, monsieur le ministre, que proposez-vous pour les pauvres ? Le budget de l’État n’a déjà plus les moyens de soutenir le pouvoir d’achat,…

M. Hervé Mariton. Et l’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. …ni les emplois, ni les investissements. Il les aura encore moins après votre réforme !

M. Jacques Masdeu-Arus. Et c’est l’ISF qui réglera tous les problèmes ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je souhaiterais ramener un peu de sagesse dans ce débat et ajouter quelques arguments.

Je remercie Didier Migaud de saluer mon sens de l’équilibre.

M. Didier Migaud. Pas sur ce sujet en tout cas !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je voudrais lui expliquer pourquoi, comme il le dit, je me suis « lâché ». Didier Migaud le sait bien, tous les pays d’Europe, sans exception, connaissent en permanence le même dilemme : comment être à la fois plus efficace et plus juste ? Pour ce qui est de l’efficacité, vous êtes nombreux ici à savoir que notre pays est une anomalie en Europe…

M. Pierre Lellouche. Merci de le rappeler !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …et que nous vivons dans un monde ouvert. Je l’ai constaté dans l’ouest, dont je suis un élu, mais cela est vrai aussi dans d’autres régions. Beaucoup d’entreprises partent à l’étranger, certaines contraintes à la délocalisation par la concurrence internationale, mais d’autres pour des raisons fiscales.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tous les pays européens ont modifié leur législation fiscale.

Osons regarder les réalités en face : ne le faisant pas, nous perdons des bases, donc des recettes fiscales. Le système actuellement en vigueur nous a certainement fait perdre des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. Personne ne peut contester que nous perdions des emplois…

M. Jacques Masdeu-Arus. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …et nous pouvons citer les entreprises. Nous perdons aussi des investissements. Face à cette réalité, nous pouvons bien entendu fermer les yeux, mais est-ce que cela répondra aux problèmes actuels de notre pays ?

M. Jacques Myard. Non, c’est la politique de l’autruche !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je cite souvent cette phrase que François Furet a prononcée après les élections législatives de 1997, car elle traduit bien la politique française : « Sur l’emploi, la droite n’a pas dit grand-chose, de peur de déplaire, et la gauche a dit des choses fausses, pour plaire. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen. C’est tout à fait juste !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Dans ce domaine, chers amis, il y a dans cette enceinte trois positions ennemies.

Certains voudraient supprimer tout de suite l’ISF en totalité…

M. Jean-Louis Idiart. C’est le cas de M. Lellouche !

M. Jacques Myard. Et de M. Myard !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. D’autres voudraient que l’on ne change rien, et ceux-là se divisent en deux camps. Je crois savoir, monsieur Migaud, que certains de vos amis partagent exactement notre analyse et connaissent son mérite.

M. Alain Gest. Bien sûr !

M. Claude Goasguen. C’est le cas de tous les économistes de gauche !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. D’ailleurs, c’est Michel Rocard lui-même qui avait institué le plafond de 70 % !

M. Augustin Bonrepaux. Mais pas sur la totalité !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Certes ! Vous avez évoqué le cas des actionnaires minoritaires, qui dirigent une entreprise mais qui ne détiennent pas 25 % de son capital. C’est Michel Rocard lui-même, lorsqu’il était Premier ministre, qui a prévu pour ces actionnaires minoritaires la disposition suivante : « Sont également considérés comme des biens professionnels les parts ou actions détenues directement par le gérant, nommé conformément aux statuts, c’est-à-dire le président, le directeur général, le président du conseil de surveillance, qui remplit les conditions prévues lorsque leur valeur excède 75 % de la valeur brute. » Ceux-là étaient déjà exonérés !

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne vous suffit pas ?

M. Hervé Mariton. Soyons cohérents !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Par ailleurs, monsieur Bonrepaux, la mesure ne vise pas les très grandes entreprises, qui ne produisent plus que 10 à 15 % de leur chiffre d’affaires en France, mais tout le réseau des très grosses PMI, dont dépend directement le niveau de l’emploi industriel en France.

M. Richard Mallié. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. Regardez les chiffres ! Savez-vous à qui va profiter la réforme ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cessez d’interrompre l’orateur, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Je veux que M. le président de la commission réponde à ma question ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, calmez-vous !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je vais vous répondre, monsieur Bonrepaux, en toute sagesse.

Est-ce l’intérêt de l’entreprise que ces acteurs familiaux vendent leurs parts ?

M. Alain Gest. Non !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. N’oubliez pas non plus la contrainte ! En effet, l’exonération est subordonnée à l’engagement de conserver ces parts ou ces actions pendant six ans, avec tous les risques que cela comporte.

M. Hervé Mariton. Absolument, c’est la durée qui compte !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Enfin, j’ai souvent entendu dire dans des conversations privées – je me tourne vers vous, messieurs les ministres – qu’il n’y a pas de problème en France, que nous sommes le deuxième ou le troisième pays pour l’accueil des investissements étrangers. Il y a sur ce point une convergence gouvernementale, à laquelle se rallient parfois quelques membres de l’opposition. Mais si les investisseurs étrangers sont nombreux en France, qu’achètent-ils ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nos entreprises !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ils achètent, en effet, une partie de nos moyennes et de nos grosses PMI. Le font-ils pour créer de la richesse (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ou pour déplacer leurs sièges sociaux et leurs centres de recherche ? C’est plutôt pour cela ! (« Absolument ! » sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

Très sincèrement, mes chers collègues, il nous faut rechercher à la fois l’efficacité et la justice. Vous connaissez ma position sur ce point, monsieur le ministre de l’économie. Entre autres mesures de justice, nous avons augmenté le SMIC, revalorisé la prime pour l’emploi, dégagé 500 millions d’euros pour le prêt à taux zéro. Je pense pour ma part que, pour les entreprises et leurs salariés, nous pourrions faire un effort plus important, par exemple améliorer la prime pour l’emploi pour les salaires compris entre 1 et 1,5 SMIC.

Je suis convaincu, chers amis, de la nécessité de cette réforme si nous voulons conserver nos emplois et nos entreprises industrielles.

Tel est le sens de notre amendement.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ne le faites-vous pas ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’ISF (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) mais de remettre en cause ce qui, dans tous les pays européens, a conduit à des modifications. Notre pays est le seul à n’avoir pas encore modifié sa législation en ce sens. Il faut du courage en politique, et regarder les faits en face est la première étape. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est du bon sens !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Dans la logique qui est la vôtre, vous avez raison : nous vivons dans un système capitaliste (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). Du capital industriel, on dérive petit à petit vers le capital financier et sa rentabilité. Nous assistons à une sorte de fuite en avant vers la rentabilité du capital financier et vous vous inscrivez très naturellement dans cette fuite en avant, constituée d’un double dumping : un dumping social doublé, comme si cela ne vous suffisait pas, d’un dumping fiscal. C’est une logique, sur laquelle je ne porte pas de jugement.

Sauf à reconnaître qu’il y a une pensée unique, on peut imaginer d’autres logiques – je mets le mot au pluriel pour ne léser personne – et je vous demande de faire un effort pour les imaginer.

Ma première question est celle que vont se poser les Français : à qui la mesure profitera-elle ? La réponse à cette question est claire. Vous, vous prétendez qu’elle s’adresse aux salariés et aux dirigeants, mais vous savez très bien que peu de salariés paient l’ISF. Elle s’adresse donc aux responsables d’entreprise. D’ailleurs, ce qu’on peut lire aujourd’hui même dans Les Échos est très clair : « Dans les faits, la mesure devrait surtout bénéficier aux cadres supérieurs, aux cadres dirigeants et aux chefs d’entreprise. Ce sont les patrons du CAC 40 qui pourraient être les premiers gagnants. » Je cite Les Échos, et non L’Humanité !

J’en viens à la deuxième question, que tout le monde doit se poser, quel que soit son choix.

S’il suffisait d’enrichir les riches pour créer de la croissance et de l’emploi, je suis tenté de dire que cela se saurait. C’est pourtant ce que vous faites depuis trois ans et demi et, plus généralement, ce qui se fait depuis plusieurs décennies. Ce que vous avez réussi en trois ans et demi n’est pas rien : les profits du CAC 40 ont triplé ! C’est un excellent résultat, mais qu’y ont gagné les Français ? Ils vous ont dit ce qu’ils en pensaient : ils ne sont pas satisfaits en ce qui concerne leur emploi et les reculs sociaux que vous leur imposez.

Est-ce que le fait d’enrichir les riches sert la croissance et l’emploi ? Pour répondre à cette question, je vous citerai le fameux théorème de Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. »

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Jean-Claude Sandrier. Or, depuis que M. Schmidt a dit cela, nous sommes largement après après-demain et nous savons où cela nous a menés !

Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz l’écrit lui-même : « Rien ne prouve que baisser l’imposition stimule la croissance. »

Pour reprendre la référence de M. Lellouche à la maladie dont souffre notre pays, je voudrais me faire le porte-parole d’un certain nombre de patrons de petites PME. L’un d’entre eux me disait se contenter pour ses investissements d’un rendement de 4, de 5 ou de 6 %. Il aimerait, bien sûr, payer un peu moins de cotisations sociales et d’impôts locaux, mais ses principales charges sont les charges financières, et ce dont il souffre le plus, ce sont les contraintes que lui imposent ses donneurs d’ordre.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C’est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. Le président de la commission le sait bien ! Prenons une PME qui se contente d’une rentabilité de 4, de 5 ou de 6 %. Si le donneur d’ordre exige du chef d’entreprise qu’il baisse ses prix, celui-ci est obligé d’accepter pour préserver l’emploi. Mais pourquoi le donneur d’ordre lui demande-t-il de baisser ses prix ? Parce qu’il vise, lui, une rentabilité de ses actions de 15 à 20 % !

Comme le souligne le Commissariat général du plan dans l’un de ses rapports, la recherche d’un tel taux de rentabilité n’est pas tenable sur le plan économique. Voilà où nous en sommes ! Et cette fuite en avant, ce dumping social et fiscal, nous mène à des paradis sociaux – je ne vous les décris pas – ou à des paradis fiscaux – peut-être plus intéressants pour quelques-uns – mais cela est meurtrier sur le plan social.

Aujourd’hui, il y a huit fois plus d’argent dans la sphère financière et spéculative que dans la sphère productive. Il faut tirer les choses vers le haut et non vers le bas.

On peut lire aujourd’hui dans la presse économique – Les Échos ou La Tribune – que les investisseurs ne savent plus quoi faire de leur cash, ce qui veut dire qu’ils ont beaucoup d’argent en mal de placement. Aujourd’hui, la question qui se pose à notre société, dans le monde entier, est celle de la répartition des richesses. C’est la seule question que nous devons nous poser si nous voulons recréer une dynamique économique, sociale et favorable à l’emploi dans tous les pays du monde : pour cela, instaurons plus de justice sociale et investissons dans les capacités humaines…

M. le président. Je vous remercie, monsieur Sandrier...

M. Jean-Claude Sandrier. Je regrette de ne pouvoir aller au bout de mon propos, car j’allais vous expliquer comment retrouver la croissance et l’emploi tout en répartissant les richesses.

M. le président. Je demande aux orateurs de faire un effort de concision.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Pour ma part, je crois à l’impôt redistributif et je dis que l’impôt sur la fortune est légitime. Cet impôt n’a d’ailleurs pas été démantelé et, lorsqu’on regarde les chiffres – 2,4 milliards en 2004, 2,763 milliards en LFI 2005, révisé à 3,1 milliards, 3,3 milliards prévus l’an prochain –, on s’aperçoit que l’apport de l’impôt sur la fortune à la solidarité nationale n’est pas en cause.

M. Pierre Méhaignerie. Très bien !

M. Michel Bouvard. Ce qui est en cause, ce sont les effets pervers de l’ISF.

Le problème de la résidence secondaire ne sera pas traité. Il est pourtant réel pour tous ceux qui, tout d’un coup, découvrent, à l’occasion d’une succession, parce qu’ils ont une maison de famille à proximité de la Suisse, un vieux chalet en montagne ou un appartement qu’ils ont acheté voilà quarante ans et dont ils ont fini de régler les emprunts, qu’ils sont redevables de l’ISF. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’autre problème, c'est celui des entreprises. Oui, il y a les entreprises du CAC 40, mais il y a aussi les entreprises patrimoniales familiales.

Dans mon département, quelques entreprises sont là depuis cent ou cent cinquante ans. Ce sont de vieilles entreprises familiales. L’une d’entre elles, Opinel, est connue dans le monde entier. Il y en a d’autres, par exemple Tivoly, qui fabrique des mèches industrielles. Quand son fondateur a créé l’entreprise, ils étaient trente. Le fils a porté l’effectif de cette entreprise à huit cents personnes aujourd’hui. Il est bientôt à l’âge de la retraite et se demande ce qui se passera après lui. Va-t-il mettre son épouse, qui n’a jamais dirigé l’entreprise, au conseil de surveillance, pour tourner la loi ? Que vont faire ses enfants qui ne sont pas actionnaires et qui ne sont pas dans l’entreprise ? Ces derniers ne sont pas des rentiers, ont une activité professionnelle autre, mais sont intéressés car ils veulent que cette entreprise demeure parce qu’elle fait partie de leur héritage familial.

Un salarié d’Opinel, que j’ai rencontré il y a quelques jours, me tenait le discours suivant : que va-t-il se passer après le décès de Maurice Opinel ? Une entreprise qui fabrique des couteaux n’est pas obligée de rester en Savoie ; ce n’est pas une appellation d’origine contrôlée ; ce n’est pas un fromage qu’on doit fabriquer sur place. Que va-t-il se passer si les héritiers vendent ?

M. Jacques Myard. Ils vont délocaliser !

M. Michel Bouvard. La famille Opinel, poursuivait-il, a absorbé les trente-cinq heures, sans rogner nos salaires ; elle les a même augmentés. Elle se contente de 4 ou 5 % de rémunération ; quand il faut investir, elle investit. Ce n’est pas un fonds de pension qui attend 12 % de rémunération !

Je crois que le problème est là aujourd’hui : souhaitons-nous garder ces entreprises patrimoniales familiales dans notre pays ?

M. Alain Gest. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument !

M. Michel Bouvard. L’amendement de Pierre Méhaignerie règle ce problème, qui est le plus important. Nous savons bien, monsieur Bonrepaux, que les grands groupes, eux, peuvent partir du jour au lendemain ! Pechiney a fermé des usines ! Saint-Gobain a fermé des usines ! Elf Atochem a fermé des usines !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce sont eux qui commandent tout !

M. Michel Bouvard. Certains sont encore là, et c’est tant mieux, mais un jour, peut-être, ils partiront parce que les capitaux de ces grands groupes s’inscrivent dans des logiques internationales.

Avec les entreprises patrimoniales familiales, nous sommes dans une logique régionale, avec un attachement viscéral au terroir. Alors, oui, il faut traiter le problème car si, demain, les familles qui en sont actionnaires se retrouvent à payer plus d’impôt que ce qu’elles gagnent ailleurs par leur métier, elles vendront !

Voilà la simple raison pour laquelle cet amendement est nécessaire. Je le soutiens car, derrière, ce sont des dizaines de milliers d’emplois que nous sauvons de la délocalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je dirai trois choses.

Premièrement, j’ai le regret de dire que le quotidien économique du matin qui a été cité fait un contresens…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Total !

M. Philippe Auberger. …total, mes chers collègues !

En effet, comme l’a très justement rappelé Pierre Méhaignerie tout à l’heure, il existe depuis le gouvernement Rocard une disposition dite « Accor », du nom de l’entreprise dont les dirigeants, sans posséder 25 % du capital, laissaient une grande partie de leur fortune dans leur entreprise. Cela a été reconnu comme un outil professionnel et ils ne sont pas imposables à l’ISF. Or dans la liste donnée dans Les Échos de ce matin, tous les cas cités, sans exception, sont dans la même situation ! Compte tenu des chiffres annoncés, aucun n’a plus de 50 % de son capital en dehors de l’entreprise.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument !

M. Philippe Auberger. Dans ces conditions, puisqu’il s’agit de dirigeants, c’est l’outil professionnel qui est considéré. Ils ne sont pas imposables à l’ISF et ne sont donc pas concernés par l’amendement.

La disposition qui est visée dans l’amendement ne les concerne pas. C’est donc un contresens total qu’ont fait Les Échos et je regrette que nos collègues, notamment de la gauche, aient pris ces informations comme argent comptant et je les mets au défi de me contredire.

Pourquoi vais-je voter l’amendement qui nous est proposé ? C’est très simple.

D’abord, pour éviter la vente à des groupes étrangers. Nous avons bien vu ce qui s’est passé pour Legrand et pour Taittinger. Je peux citer d’autres entreprises dans mon département : Hermès-Métal, 400 emplois ; l’entreprise Charlatte, 200 emplois. Nous pourrions allonger la liste car nous connaissons tous des entreprises qui ont été vendues à des groupes étrangers. Pourquoi ? Parce que les entreprises ne peuvent pas simultanément réinvestir par autofinancement et distribuer des dividendes pour permettre aux personnes détenant une partie du capital de payer l’ISF.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument !

M. Philippe Auberger. Donc, si elles préfèrent investir pour être compétitives, elles sont conduites progressivement à vendre leur capital et, dans ces conditions, il passe à l’étranger.

Deuxièmement, on veut éviter la délocalisation des dirigeants. Ce matin même, dans Les Échos, on pouvait justement lire l’interview d’un dirigeant expliquant qu’il allait reconsidérer sa délocalisation à Bruxelles et réfléchir « à la possibilité de revenir en France ». Tout à l’heure, je vous ai cité Charlatte : elle est allée à Monaco ; je vous ai cité Hermès-Métal : M. Aumaître, son patron, est allé en Suisse. Nous pourrions citer des tas d’exemples de délocalisations du capital du simple fait de l’ISF.

Troisièmement, nous voulons, et je remercie à cet égard le ministre de l’économie, développer l’actionnariat parmi les salariés. Mais prenons l’exemple d’un cadre habitant Paris ou la région parisienne et qui a une résidence principale. Comment voulez-vous développer l’actionnariat salarié de ce cadre si les actions qui lui sont distribuées sont imposables à l’ISF ? Il va être imposable à l’ISF, c’est incontestable. Hier, j’ai rencontré le président du directoire d’Accor, lequel m’a expliqué qu’il développait une politique de répartition du capital au sein des salariés. Or je peux vous dire que tous les salariés qui auront un petit paquet d’actions gratuites dans le cadre de ces distributions deviendront, de ce fait, s’ils sont propriétaires d’une résidence principale, imposables à l’ISF. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. C’est complètement caricatural !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas une tare de payer des impôts !

M. Philippe Auberger. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter cet excellent amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Je poserai juste une question au Gouvernement.

Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas sous-amender, ici ou au Sénat, l’article additionnel de nos collègues pour sortir du bénéfice de cette disposition les stock-options des grands patrons et ne le réserver qu’à l’actionnariat salarial ou à l’actionnariat patrimonial ? Pour ma part, franchement, je souhaite voter cet amendement pour la préservation de l’emploi et de nos entreprises, mais pas forcément pour rendre plus agréable fiscalement les stock-options des grands patrons.

M. Philippe Auberger. Oh !

M. Augustin Bonrepaux. Eh bien voilà !

M. Claude Goasguen. C’est déjà assez compliqué comme ça !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. J’ai écouté le président de notre commission des finances, qui est un homme pondéré et équilibré, nous expliquer qu’il y avait une sorte de courage immense à toucher à l’ISF. Mais c’est qu’il sent très bien que notre peuple, dans le contexte actuel, ne comprend pas du tout ce genre de mesure !

M. Claude Goasguen. Alors, expliquez-leur !

M. Jean-Louis Idiart. Je vous entends les uns après les autres, et on peut comprendre ce que Michel Bouvard nous a expliqué il y a quelques instants, mais vous nous donnez toujours les mêmes exemples : vous ne nous parlez pas de la réalité, vous ne faites pas de comparaison !

Monsieur le président de la commission des finances, avec l’amendement que vous avez déposé, combien va-t-il y avoir de bénéficiaires ? Il faut nous le dire !

M. Didier Migaud. Exactement !

M. Jean-Louis Idiart. Notre collègue Philippe Auberger considère d’abord que Les Échos de ce matin se trompent. Mais ensuite, il les prend comme référence. Justement, M. Payre à qui un journaliste des Échos pose la question : « N’estimez-vous pas [que la réforme de l’ISF] est inéquitable d’un point de vue de justice fiscale ? », répond, lui qui éventuellement aurait envie de revenir en France : « C’est vrai que la réforme ne concerne pas beaucoup de gens, mais ce sont des gens très importants. » Tant pis pour les autres !

Autre exemple concernant les grands dirigeants d’entreprises. Nous avons calculé combien M. Daniel Bernard, ancien PDG de Carrefour, va économiser d’ISF pour un patrimoine valorisé à 46 millions d’euros : 615 000 euros d’économies. Il va passer à taux moyen effectif d’imposition au titre de l’ISF de 0,3 %, contre 1,6 actuellement.

M. Didier Migaud. Vous pouvez répétez la somme, mon cher collègue ?

M. Jean-Louis Idiart. 615 000 euros !

Bien sûr, il vous faut un courage, une détermination, une force parce que vous êtes contraints idéologiquement par la gauche qui vous presse, qui vous terrorise dans ce pays ! Mais enfin, à qui ferez-vous comprendre ce genre de chose ?

Il n’y a donc là aucun courage, mais purement et simplement la volonté de servir quelques-uns. Franchement, vous ne vous honorez pas en proposant ce type de mesure !

M. Didier Migaud. Profondément injuste !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Nos collègues de la gauche, par sectarisme pour beaucoup, …

M. Jean-Louis Idiart. Ce n’est pas par sectarisme, ce sont les chiffres !

M. Richard Mallié. …avec agressivité pour certain – au singulier – nous ont démontré que ce n’est pas nous qui avons une phobie de l’ISF. C’est bien vous, messieurs, qui avez une phobie de l’ISF pour des raisons idéologiques.

Parce que, aujourd’hui, tout simplement, les riches sont partis.

M. Augustin Bonrepaux. C’est çà ! Il n’y en a plus.

M. Richard Mallié. Et il y a de plus en plus d’assujettis à l’ISF parce que ce sont désormais des cadres moyens, de gens issus des classes moyennes qui sont touchés du fait des prix de l’immobilier.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi faites-vous cela, alors ?

M. le président. Calmez-vous, monsieur Bonrepaux, vous vous faites du mal !

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi leur donnez-vous 60 millions ? À qui vont-ils aller s’il n’y a plus de riches ?

M. Richard Mallié. Monsieur Bonrepaux, je crois que vous allez devoir prendre un peu de repos ! Attention à votre cœur !

M. Augustin Bonrepaux. Non, ça va très bien ! À qui on les donne, ces 60 millions ?

M. Richard Mallié. Je dis la chose suivante : les riches sont partis ! Alors, c’est facile de dire que cela fait tant d’exonération pour certains, mais les autres sont partis : ils ne vous ont pas attendus, messieurs !

Je voudrais faire un parallèle. En 1981, a été créé l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF. On a exonéré les œuvres d’art pour éviter qu’elles ne sortent de France. Eh bien, aujourd’hui, mes chers collègues de la gauche, nous vous proposons tout simplement d’exonérer les actionnaires salariés et dirigeants, afin que les actionnaires, qui sont les investisseurs et les créateurs d’emplois, ne partent pas, ce qui évitera que l’emploi ne soit délocalisé.

Sans citer personne, je voulais simplement établir un parallèle avec ce qui avait été fait pour les œuvres d’art en 1981. Aujourd’hui, nous, nous travaillons pour l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Notre collègue Mme Brunel a bien raison, cet amendement a un côté dérangeant. Il ne faudrait pas qu’on imagine qu’il s’agit ici d’envoyer un signal aux grands patrons du CAC 40 ou à ceux qui quittent une entreprise avec des paquets de stock-options.

M. Augustin Bonrepaux. C’est pourtant le cas, pour l’instant !

M. Pierre-Christophe Baguet. On peut cependant le considérer dans un esprit plus positif si l’on songe qu’il se veut un encouragement aux entrepreneurs, aux dirigeants d’entreprises familiales ou aux cadres dynamiques.

M. Didier Migaud. Mais il ne concerne pas les cadres d’entreprises familiales !

M. Pierre-Christophe Baguet. Peut-être, mais il y a des gens qui ont envie d’entreprendre, de s’engager, et il n’y a pas de raison de pénaliser ces cadres dynamiques qui fondent leur entreprise, qui s’associent, qui créent des emplois, mais qui sont pénalisés sous prétexte qu’ils cumulent à la fois un outil de travail et un appartement ou une villa dans une ville où le marché immobilier est soutenu. Il faut, au contraire, les encourager et les défendre. À titre personnel, je voterai donc cet amendement très positif.

Mon collègue Charles-Amédée de Courson en a déposé un que nous examinerons plus tard : il concerne plus spécifiquement l’actionnariat salarié et les entreprises patrimoniales, et s’inspire de l’amendement du président Méhaignerie, mais propose une durée de cinq ans, au lieu de six. Il est en effet important de rassurer et de garantir la stabilité de l’actionnariat des entreprises.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je n’ai pas la prétention de convaincre tout le monde : j’ai compris que le débat était très passionnel et allait bien au-delà de cet amendement. J’ai toutefois noté plusieurs questions auxquelles je vais essayer de répondre de façon pédagogique et non partisane.

Je rappelle, une fois de plus, qu’il ne s’agit pas de supprimer l’ISF.

M. Augustin Bonrepaux. Vous le réduisez petit à petit !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un mouvement progressif et continu !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Bonrepaux, je suis précisément venu vous apporter des explications. Des dizaines de milliers de salariés sont concernés par cet amendement.

M. Augustin Bonrepaux. Des dizaines de milliers ? Cela veut donc dire que vous avez chiffré cette mesure ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce sont les salariés qui investissent dans leur entreprise et qui, tous les ans, doivent déclarer l’évaluation.

M. Didier Migaud. Plafonnez !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cette évaluation vaut ce qu’elle vaut, et vous savez bien qu’elle peut varier d’une année sur l’autre. Par définition, le cours d’une action n’est jamais stabilisé : elle n’a de valeur que lorsqu’on la vend ; tant qu’on la garde en portefeuille, on ne sait pas ce qu’elle vaut. Je pourrais citer de très nombreux cas. Le président d’une grande entreprise de distribution m’écrivait que 2 500 de ses salariés étaient assujettis à l’ISF et que cela posait un grave problème : en effet, ils investissent leurs économies dans l’entreprise et, tous les ans au 31 décembre, font l’évaluation. Mais les cours évoluent et, comme ce chef d’entreprise incite ses salariés à conserver leurs actions par le biais de programmes de détention à long terme, certains risquent d’être spoliés.

Grâce à cet amendement, les actions n’entreront dans le champ de l’ISF que lorsqu’elles seront effectivement vendues − et elles ont vocation à l’être −, car on saura exactement ce qu’elles valent. On ne peut donc pas dire que nous supprimions l’ISF. Nous le normalisons et ne faisons qu’en différer le paiement. Ainsi, les salariés ne seront plus spoliés.

Il a, d’autre part, été question des stock-options. Soyons clairs : une stock-option est un droit à acheter une action. Admettons qu’un salarié ou un dirigeant quitte une entreprise avec ses stock-options : il ne pourra pas bénéficier de la mesure puisqu’elle ne s’appliquera que pour la période durant laquelle il sera présent dans l’entreprise. Les stock-options ne sont donc pas concernées. Seules le sont les actions effectivement achetées et non pas des droits à acquérir une action. Je ne comprends que vous mettiez tant de passion dans tout cela. Je sais bien que je ne vais pas vous convaincre, mais prenez au moins le temps de considérer la réalité. Je le répète, il ne s’agit pas de supprimer l’ISF sur ces détentions…

M. Jacques Myard. Dommage !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …mais d’en différer l’impact et d’attendre le moment où l’on connaîtra la valeur certaine des actions. Il s’agit en outre d’inciter les salariés et les dirigeants à investir à long terme dans leur entreprise.

Enfin, cela ne concerne pas, comme vous l’affirmez, une petite poignée de privilégiés, mais des dizaines de milliers de salariés. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra cet amendement de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement…

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vais vous laisser répondre au Gouvernement pour quelques minutes. Mais, le débat s’étant déroulé dans de bonnes conditions, chacun ayant pu parler sans que le temps lui soit compté, je considérerai ensuite que cette vaste discussion générale sur l’ISF est close et nous passerons à l’examen des amendements en respectant strictement la procédure.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, je voudrais apporter une précision .

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je m’aperçois que ni le ministre ni moi-même n’avons souligné que cet amendement est également inspiré par le souci de permettre la transmission par un mandataire social âgé. Un des effets pervers du dispositif actuel est que, pour continuer à bénéficier de l’exonération, des personnes très âgées − octogénaires, voire nonagénaires − continuent d’exercer des fonctions de mandataire social.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai donc proposé de leur permettre de conserver le bénéfice de l’exonération, dès lors qu’elles gardent leurs actions et dans le seul cas où elles prennent leur retraite. Cela favorisera un renouvellement des dirigeants, et des gens plus jeunes prendront la responsabilité de ces groupes familiaux. Vous le voyez, tout cela est cohérent et inspiré par le souci que Michel Bouvard a bien illustré tout à l’heure. Notre seule préoccupation est d’assurer, dans les meilleures conditions, la pérennité des groupes familiaux − pas celle des entreprises du CAC 40. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Il fallait le dire tout de suite !

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Monsieur le ministre, je voudrais dissiper toute ambiguïté. Vous venez d’expliquer que le dispositif ne s’appliquera pas aux détenteurs de stock-options, c’est-à-dire − si je vous comprends bien − pas à ceux qui n’auraient pas levé leurs stock-options avant d’avoir quitté l’entreprise. Car, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, s’ils les ont levées avant d’avoir quitté l’entreprise, l’amendement s’applique parfaitement.

M. Jean-Claude Sandrier. Bien sûr !

M. Éric Besson. Si je me trompe, veuillez démentir, car ce point est très important.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je n’ai pas parlé des détenteurs, mais des stock-options.

M. Éric Besson. Qu’en est-il de ceux qui les ont levées ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Qu’entendez-vous par « levées », monsieur Besson ?

M. Éric Besson. Je parle de ceux qui ont acheté les actions !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Si j’ai bien compris l’amendement, cela ne concerne que les salariés qui sont toujours dans l’entreprise, tant qu’ils détiennent les actions qu’ils ont pu acquérir.

M. Éric Besson. Ça s’applique donc !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Encore une fois, il ne s’agit pas de supprimer l’ISF. À partir du moment où vous vendez des actions pour en acquérir d’autres, vous payez l’ISF dessus. L’amendement ne s’applique donc qu’aux actions détenues, pas aux stock-options détenues.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai préparé cet amendement avec Pierre Méhaignerie et je peux en parler en connaissance de cause.

M. Didier Migaud. Si le ministre lui-même ne le connaît pas…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Besson nous accusait tout à l’heure de présenter un amendement préparé par le Gouvernement. C’est inexact, car la commission des finances y travaille depuis plusieurs années déjà.

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons longtemps cherché le moyen de corriger cet effet pervers de l’ISF pour les PME.

M. Éric Besson. Sur les stock-options ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, dès lors que l’action est acquise dans le cadre d’un plan d’options et alors que le salarié ou le dirigeant est encore au sein de l’entreprise, elle entre bien dans le champ de l’amendement.

M. Didier Migaud. Vous pourriez plafonner !

M. Éric Besson. Dites-le au ministre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, si le salarié quitte ensuite l’entreprise, il faut qu’il garde l’action au moins six ans.

M. Éric Besson. Et alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est la logique de cet amendement qui, pour assurer un actionnariat stable, encourage à détenir les actions au moins six ans. Tout cela est parfaitement logique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Besson. Donc, le dispositif s’applique !

Mme Chantal Brunel. Alors oui, il s’applique !

M. Jean-Louis Dumont. Mme Brunel avoue !

M. le président. Laissez parler M. le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela ne s’applique pas à une stock-option qui n’a pas été levée, mais, dès lors que l’action a été achetée par le salarié ou par le mandataire pendant qu’il exerçait son activité dans l’entreprise, cela s’applique en effet. C’est même le but de l’amendement.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole !

M. le président. Mes chers collègues, notre débat sur cette question, qui dure depuis plus d’une heure, a été parfaitement équilibré, puisque la majorité s’est exprimée trente-deux minutes, et l’opposition trente-trois. M. Bonrepaux sera donc le dernier intervenant, après quoi nous passerons à l’examen des amendements.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, ce débat est d’autant plus important que les membres de la majorité présents ce soir dans notre assemblée sont très nombreux : ils sont plus d’une vingtaine et n’ont pas déposé moins de trente-sept amendements.

M. Claude Goasguen. Vous l’avez déjà dit !

M. Augustin Bonrepaux. Voilà bien la preuve que, pour eux, la priorité, c’est de baisser les impôts pour les riches. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Il recommence ! On a déjà entendu ces âneries !

M. Pierre Lellouche. Il a déjà dit tout ça !

M. Charles Cova. On l’a déjà entendu !

M. Augustin Bonrepaux. Quand on pense à la situation dans laquelle se trouvent tant de personnes défavorisées, quand on voit le dérisoire des mesures que vous prenez pour les bénéficiaires de la prime pour l’emploi, on se dit que vous devriez avoir honte de soutenir de telles propositions. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Masdeu-Arus. Arrêtez, c’est ridicule !

M. Augustin Bonrepaux. Depuis le début de ce débat, vous accumulez les exonérations excessives.

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, c’est de l’obstruction !

M. Augustin Bonrepaux. Tout à l’heure, Jean-Louis Idiart citait le chiffre de 615 000 euros pour un seul contribuable. Cela n’a pas été démenti : est-ce donc vrai ? Vous nous dites que vos mesures sont destinées aux entreprises familiales, et vous nous feriez presque pleurer. Mais, quand on lit votre texte, on n’y trouve qu’un seul paragraphe les concernant, le II. Tout le reste, c’est pour le CAC 40 : ne dites pas le contraire, monsieur le ministre, car vous êtes bien placé et vous connaissez le CAC 40.

Vous ne m’avez pas répondu.

Vous parlez de dizaines : combien de dizaines ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Des dizaines de milliers !

M. Augustin Bonrepaux. Combien de dizaines de milliers ? Vous n’êtes pas capable de le dire.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous demande de conclure. Nous avons été très tolérants, me semble-t-il.

M. Augustin Bonrepaux. J’avais demandé la parole pour un rappel au règlement. En effet, nous ne pouvons pas poursuivre le débat si l’on ne nous fait que des réponses aussi vagues. Le ministre dit que ça ne concerne pas les stock-options, alors que ça les concerne bien. Le rapporteur général n’est pas plus capable d’expliquer le dispositif.

M. Claude Goasguen. Provocateur !

M. Augustin Bonrepaux. Certains membres de l’UMP eux-mêmes trouvent tout cela excessif et demandent qu’on limite la mesure aux entreprises familiales du II.

Dans ces conditions, monsieur le président, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance afin que nous puissions adapter nos interventions à cette situation.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Les deux sous-amendements à l’amendement n° 246, n°s 397 et 420, ne sont pas défendus.

Le vote sur l’amendement n° 246 est réservé.

Nous en venons maintenant, comme il a été décidé, à l’examen, dans l’ordre de leur inscription, des amendements précédemment réservés.

Je suis saisi d’un amendement n° 155.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Beaucoup de choses ont déjà été dites à propos de l’ISF. Permettez-moi cependant de vous rapporter une petite histoire française qui circule à Bruxelles.

M. Jean-Louis Idiart. Ce n’est pas une histoire belge ?

M. Jacques Myard. Dans les dîners en ville, on raconte l’histoire d’un groupe français, le groupe Taittinger, qui passe aux mains des Américains, et qui a permis à un Belge de doubler sa fortune dans l’opération. Les industriels, les hommes d’affaires belges font donc l’éloge de l’ISF, ils trouvent même que c’est un impôt fantastique. Je pense que nous devrions méditer cette dernière blague française racontée par les Belges.

Que se passe-t-il ? La France est un pays d’épargnants. Les comptes de la nation, vous le savez mieux que moi, révèlent que le taux d’épargne des Français est de 16 ou 17 %, selon les années. Il est manifeste aujourd’hui que cette épargne, en raison du matraquage sur le patrimoine, prend le chemin de l’étranger. D’où la faiblesse des investissements dans notre pays. D’ailleurs, le tableau général des comptes de la nation, qui est annexé à la loi de finances, fait apparaître une baisse de l’investissement en France ces dernières années, ou plus précisément une stagnation puisque son taux de progression se situe juste au-dessus du taux d’inflation. Cette année, vous prévoyez une progression de 4 %. Je souhaite que vous ayez raison. Il n’en demeure pas moins que ce n’est qu’une prévision et que, durant ces dernières années, l’investissement, c'est-à-dire la formation brute du capital, a, dans notre pays, plutôt baissé.

Lorsqu’on gratte un peu, on s’aperçoit que 11 milliards d’euros ont quitté la France grâce à l’ISF ou en raison de l’ISF et ont pris le chemin de l’étranger.

M. Jean-Louis Idiart. Grâce à l’ISF, avez-vous dit ? Que vous êtes taquin !

M. Jacques Myard. On assiste à un phénomène curieux. En effet, comme le soulignait le président Méhaignerie, nous sommes toujours le deuxième pays pour les investissements étrangers. En réalité, c’est tout à fait logique. Les étrangers, par définition non-résidents, ne paient pas l’ISF. Nous assistons donc à une espèce de chassé-croisé ridicule : l’épargne des Français fuit le pays tandis que les étrangers viennent investir chez nous, parce qu’il reste encore de beaux restes et qu’ils apprécient les infrastructures françaises, du moins le disent-ils – d’où la nécessité de ne pas faire l’impasse sur les infrastructures.

Le Gouvernement a souligné à juste titre la nécessité d’une fiscalité claire et transparente et proposé à cette fin une modification de l’IRPP. C’est très bien, mais il faut aller plus loin car, si l’on clarifie l’IRPP, on n’en construit pas moins, si ce qui est proposé est accepté, des usines à gaz dans les autres domaines.

Il faut être simple et avoir le courage de la politique. L’épargne des Français doit s’investir d’abord en France. Elle ne doit pas fuir comme en 1914 et profiter aux Tramways de Shanghai ou aux emprunts russes. Nous devons favoriser l’investissement de l’épargne des Français en France, pour y créer des emplois – et pas en Pologne, en Roumanie, voire aux États-Unis comme cela s’est fait ces dernières années. Il faut prendre des positions fermes en ce sens.

Je n’hésiterai pas à employer une formule qui choque : il faut envoyer l’ISF à la guillotine ! Ce sera une véritable révolution, qui soutient l’économie française et sort des archaïsmes idéologiques.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 155, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a rejeté l’amendement n° 155. Elle n’a, en fait, adopté que l’amendement n° 246, qui vise en priorité à limiter les effets pervers de l’ISF en termes de délocalisations d’entreprises et d’emplois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je partage l’avis de M. Carrez sur cet amendement, pour une raison que vous connaissez et que Thierry Breton a rappelée tout à l’heure : la suppression de l’ISF n’est pas aujourd’hui – et il s’en faut de beaucoup – la priorité du Gouvernement.

En outre, les sommes en jeu sont considérables et la suppression de cet impôt représenterait pour le budget de l’État une perte de recettes de l’ordre de 3 milliards d’euros, ce qui est difficilement imaginable.

Dans ce contexte, je vous proposerais volontiers, monsieur Myard, de retirer cet amendement. S’il était maintenu, je demanderais à l’Assemblée nationale de le rejeter.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur Myard écrit ce que nombre de ses collègues de la majorité pensent tout bas.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est un procès d’intention !

M. Didier Migaud. Sa proposition est plus radicale que celle de M. Méhaignerie et de M. Carrez, qui programment une disparition lente et progressive de l’impôt de solidarité sur la fortune, à la suite de mesures qui ont déjà remis en cause une partie de son assiette.

Nous ne sommes d’accord ni avec l’amendement, ni avec l’interprétation de M. Myard. En effet, nous n’avons pas reçu de réponse à toutes les questions que nous avons posées. Nous souhaitons notamment savoir s’il est bien vrai que, comme l’a affirmé Jean-Louis Idiart, un ancien directeur de Carrefour pourrait réaliser un bénéfice de 615 000 euros. Si c’était le cas, ce serait proprement scandaleux, et je ne vois pas en quoi ce serait juste ou efficace sur le plan économique. Nous attendons des clarifications sur ce point.

Il est, en tout état de cause, évident que nous voterons contre l’amendement n° 155.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je voterai l’amendement n° 155, mais je tiens à préciser que ce vote n’engage pas mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

J’ai déposé des amendements qui seront examinés ultérieurement et j’espère qu’ils pourront être votés.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État a avancé un argument qui n’avait pas encore été soulevé dans notre débat : le risque de dépasser le seuil de 3 % de déficit public fixé par le pacte de stabilité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’ai établi aucun lien avec le pacte de stabilité !

M. Jacques Myard. Toujours est-il que le manque de recettes est important : 2,3 milliards d’euros.

Je poursuis donc mon raisonnement, même si vous n’avez pas compris ! (Sourires.)

Dès lors que la recette est moindre, on risque en effet de dépasser le seuil fixé par le pacte de stabilité. Mais le pari est de favoriser l’investissement. Une économie moderne ne cède pas aux illusions des carcans idéologiques. Il faut être pragmatique et savoir, lorsqu’il le faut, sortir d’une fiscalité néfaste aux investissements avant de relancer la machine économique.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 155.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Le débat que nous avons eu tout à l’heure était certes intéressant, mais nous avons obtenu peu de réponses et avons relevé des contradictions entre le ministre de l’économie – qui ne nous accompagne d’ailleurs pas jusqu’à la fin du débat – et le rapporteur général.

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas continuer de travailler. Il est en effet impossible de considérer sereinement l’amendement n° 246 sans avoir reçu toutes les explications nécessaires. Il nous faudrait connaître, par exemple, le nombre précis des bénéficiaires de cette mesure et obtenir une réponse à la question posée par Jean-Louis Idiart : est-il exact qu’un contribuable pourra bénéficier d’une réduction de 615 000 euros ? Le président de la commission des finances doit pouvoir réunir la commission pour que lui soient fournies toutes les informations nécessaires. À cette fin, je demande une suspension de séance.

M. le ministre délégué au budget est bien placé pour nous répondre, mais M. Breton aurait été mieux placé encore pour le faire. L’opinion doit savoir ce que fait l’Assemblée et ce que la majorité s’apprête à voter ce soir.

Monsieur Myard, si vous n’avez pas eu satisfaction, c’est parce que vous n’avez rien compris ! La majorité veut faire les choses progressivement, insidieusement, insensiblement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En 2003, elle a voté une première mesure ; elle en vote aujourd’hui une nouvelle et en votera encore une autre dans le collectif budgétaire : peu à peu, on en viendra à la suppression pure et simple de l’ISF.

Je demande donc une suspension de séance, qui permettra à notre groupe de se concerter et au Gouvernement de nous apporter toutes les informations que nous demandons.

Pour l’instant, nous sommes dans le flou le plus complet ! Vous ne nous dites même pas si la mesure que vous proposez concerne les petits patrons ou ceux des entreprises du CAC 40. À vrai dire, nous le savons, mais il semble que, dans les rangs de la majorité, on ne le sache pas.

Il est indispensable d’obtenir des réponses claires. Nous sommes témoins d’une accumulation insupportable pour tous ceux qui sont aujourd’hui dans le besoin comme pour tous les élus et tous les parlementaires auxquels le Gouvernement répond qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses, alors qu’il y en a pour les patrons du CAC 40 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais lever la séance.

La suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)