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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 27 octobre 2005

38e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (nos 2575, 2609).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 109 rectifié, portant article additionnel après l’article 13.

Après l’article 13

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, pour soutenir l’amendement n° 109 rectifié.

Mme Françoise Branget. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, cet amendement vise à favoriser le remplacement de l’achat de terminaux et de forfaits téléphoniques portables fournis par les employeurs aux chauffeurs routiers, par le remboursement d’une somme forfaitaire de 15 euros par mois sur le forfait personnel des chauffeurs routiers.

La gestion de l’équipement téléphonique portable est lourde en temps et en coût pour les employeurs car, les modèles évoluant souvent, leur changement, ainsi que celui du kit mains libres qui l’accompagne, est fréquent.

Par ailleurs, les échanges sont facilités par le fait que la plupart des chauffeurs routiers possèdent, en plus de leur téléphone professionnel, un téléphone portable personnel. De plus, la plupart des employeurs communiquent désormais avec leurs chauffeurs routiers sous forme écrite, grâce au matériel l’informatique emporté dans les camions.

Afin de favoriser ce remboursement forfaitaire, l’amendement propose de l’exempter des charges sociales qui s’appliquent normalement aux avantages en nature donnés par l’employeur à l’employé. Au-delà de quinze euros, le remboursement des dépenses de l’employé se fera sur présentation de sa facture téléphonique à l’employeur et sera soumis aux charges sociales.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général. La commission n’a pas jugé utile d’émettre un avis favorable à l’amendement. En outre, vous me permettrez une note d’humour : j’espère que les chauffeurs routiers ne téléphonent pas en conduisant ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit, en son troisième alinéa, que le remboursement des frais professionnels peut être déduit de l’assiette des cotisations dans les limites fixées par l’article 7 de l’arrêté ministériel du 20 décembre 2002, qui indique que les frais engagés par le salarié utilisant à des fins professionnelles ses propres outils issus des nouvelles technologies sont considérés comme des frais professionnels et peuvent donc être déduits de l’assiette des cotisations.

M. le président. Forte de ces éléments d’information, retirez-vous votre amendement, madame Branget ?

Mme Françoise Branget. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 109 rectifié est retiré.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j’espère que les choses iront mieux aujourd’hui qu’hier soir. Mais je rappelle que j’ai écrit une lettre au président de l’Assemblée nationale au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains. J’ai déjà vu beaucoup de choses mais, à ma connaissance, jamais, dans l’histoire, une suspension de séance n’avait été refusée à notre groupe au motif que l’un de ses membres ne disposait pas d’une délégation lui permettant de la demander. C’est pourtant ce qui m’est arrivé hier, alors même que la délégation avait été remise. Jamais on n’avait ainsi refusé au groupe communiste de s’exprimer.

Je veux donc savoir, monsieur le président, si le monsieur là-bas a bien la délégation de pouvoir me permettant de demander une suspension de séance. Il faut en effet que les choses soient claires.

M. le président. Monsieur Gremetz, le président de l’Assemblée nationale, M. Debré, a été parfaitement informé, comme je l’ai été moi-même avant de me rendre en séance, des incidents que vous avez provoqués hier soir à plusieurs reprises dans l’hémicycle, en menaçant notamment la présidence.

M. Maxime Gremetz. Au bazooka !

M. le président. Je vous demande de comprendre en conscience qu’aucun député, à quelque groupe qu’il appartienne – l’alternance étant inscrite dans les faits, nous siégeons tous successivement dans la majorité ou dans l’opposition –, ne peut accepter que nous délibérions dans de telles conditions. Je tiens à le dire fermement au nom du président de l’Assemblée nationale.

Je vous rappelle aussi que, avec ou sans délégation, il est de jurisprudence constante qu’une suspension de séance soit refusée lorsqu’elle n’est pas destinée à réunir un groupe, mais constitue de manière notoire une manœuvre dilatoire visant à freiner les débats ou à créer des incidents. Je pourrais vous fournir une longue liste de précédents en la matière. Ils figurent d’ailleurs au Journal officiel, qui publie le compte rendu de nos débats. Ce que je dis est donc facile à vérifier.

Vous vous êtes exprimé clairement. Le président de l’Assemblée nationale a votre lettre et il en saisira le Bureau, conformément à l’usage. Quant à nous, j’espère que nous allons pouvoir délibérer sereinement, mais je ne pense pas qu’il soit de bon aloi de mettre en cause les fonctionnaires de cette maison.

M. Pierre Lellouche. Très juste ! Ce serait du populisme !

M. le président. Je vous le dis amicalement, monsieur Gremetz, car nous nous connaissons bien. Évitons, ici ou ailleurs, de pointer du doigt un fonctionnaire. Ceux qui travaillent à l’Assemblée sont tous de très grande qualité.

M. Maxime Gremetz. Les fonctionnaires travaillent bien et vous savez que je les défends toujours !

M. le président. Alors, défendez-les complètement et sans distinction. Ils sont au service de tous.

M. Maxime Gremetz. Mais avez-vous la délégation ?

M. le président. M’avez-vous écouté, monsieur Gremetz ? C’est par là que j’ai commencé.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. Pour ma part, vous le savez, je ne me laisse intimider par aucune menace, d’où qu’elle vienne.

Reprise de la discussion

M. le président. Pour en revenir à notre débat, je suis saisi d’un amendement n° 40, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Cet amendement avait déjà été adopté par la commission des finances, puis par l’Assemblée nationale, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Vidé de toute sa portée par le Sénat, il a ensuite été déclaré cavalier par le Conseil constitutionnel.

Il s’agit d’exercer un droit de suite sur la mise en œuvre de la réforme de l’assurance maladie de 2004, qui prévoyait 300 millions d’euros d’économies au titre de la systématisation du recours contre tiers. Donnons-nous enfin les moyens d’atteindre les résultats annoncés !

L’ordonnance du 24 janvier 1996 a institué une indemnité forfaitaire pour frais de dossier à la charge du tiers responsable et au profit des caisses d’assurance maladie, dans le cadre de la procédure de recours contre tiers. Or cette indemnité n’a pas été revalorisée depuis sa création, en 1996. Le seul rattrapage de l’inflation intervenue entre 1996 et 2006 peut justifier un relèvement de près de 15 %.

Dans ces conditions, l’amendement propose de porter les montants maximaux et minimaux de cette indemnité pour frais de dossier de 760 à 910 euros, d’une part, et de 76 à 91 euros, d’autre part.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40, deuxième rectification.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 360 rectifié.

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Dans le but de soutenir la croissance et la consommation des ménages, en favorisant le partage des résultats de l’activité des entreprises, lorsqu’ils sont positifs, le Gouvernement propose d’ouvrir aux entreprises concernées la possibilité de verser à leurs salariés un bonus d’un montant individuel maximum de 1 000 euros qui suivrait le régime social de l’intéressement en bénéficiant d’une exonération des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle, à l’exception de la CSG et de la CRDS.

Toutefois, dans le but de soutenir parallèlement la négociation salariale dans les branches comme dans les entreprises, et afin que ce versement exceptionnel ne gèle pas les efforts engagés, il est proposé de conditionner cette possibilité de versement exceptionnel par la conclusion préalable d’un accord salarial.

Afin d’éviter également tout effet de substitution, qui aboutirait à inclure dans ce bonus des primes déjà versées dans l’entreprise ou prévues par l’accord de branche, l’amendement propose que cette prime exceptionnelle ne puisse en aucun cas se substituer aux augmentations et primes conventionnelles prévues par lesdits accords de branche ou d’entreprise. Le montant de ce bonus, qui sera le même pour tous les salariés de l’entreprise, doit être fixé avant le 30 juin 2006 et versé au plus tard le 31 juillet 2006.

Ce bonus revêtant un caractère exceptionnel, ne se substituant à aucun élément de rémunération et étant subordonné à la négociation préalable d’un accord salarial, l’exonération des cotisations de sécurité sociale ne sera pas compensée par l’État à la sécurité sociale, par dérogation à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement instaure le « pourboire Villepin ». À la fin de l’année, juste avant les élections, on remettra leurs gages aux salariés, comme on le faisait jadis avant Noël. Telle est la conception, particulièrement moderne, que le Premier ministre se fait du social !

Au passage, il est amusant d’entendre le ministre chargé des comptes de la sécurité sociale plaider pour des exonérations qui amputeront d’autant son budget. Il est également plaisant que ceux qui ont toujours les mots de « libéralisme » et de « négociation sociale » à la bouche proposent de soutenir, de la façon la plus archaïque qui soit, une mesure qui sera évidemment imposée aux entreprises et aux salariés.

Ce ne serait que risible, voire grotesque, si une telle disposition n’allait entraîner deux effets pervers en dévitalisant, d’une part, le dialogue social normal que notre pays a déjà tant de mal à mettre en œuvre et en supprimant, d’autre part, toute politique salariale. En effet, pendant les dix-huit prochains mois, quand les salariés voudront discuter du partage de la valeur ajoutée entre le salaire et les profits, les entreprises leur répondront que leur cas est prévu et qu’ils toucheront leurs gages à la fin de l’année 2006.

Non seulement il s’agit d’une manœuvre politicienne – car les effets de cette disposition ne se feront malheureusement pas sentir –, mais vous tournez ainsi le dos à toute modernisation, à toute contractualisation de notre vie sociale. Cette mesure est caricaturale, archaïque, antiéconomique et antisociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement en discussion ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes l’équilibre et général. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais il est évident que, à titre personnel, j’y suis tout à fait favorable.

M. Gérard Bapt. Et voilà !

M. Jean-Marie Le Guen. Les députés qui voteront cet amendement pourront-ils prétendre à la « prime Villepin » ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il s’agit, monsieur le ministre, d’un amendement d’opportunité face à la stagnation du pouvoir d’achat des couches populaires et des classes moyennes, dont la consommation peine à soutenir la croissance. Non seulement vous usez d’expédients, mais vous agissez en dehors de toute négociation avec les partenaires sociaux. Du reste, les organisations syndicales ont dénoncé la forme que revêt cette mesure.

Pour la CGT, elle est perverse. Pour FO, ce bonus, qui vient rejoindre la cohorte des primes exonérées de toute charge, représente un manque à gagner pour la sécurité sociale et il est en contradiction avec les engagements du Gouvernement. Après les « emplois Borloo », voilà le « bonus Villepin », exonéré sans compensation ! Quant à la CFDT, elle fait remarquer à juste titre que l’accord salarial prévu dans l’amendement peut être exceptionnellement conclu avec les élus du comité d’entreprise. Or nombre d’entre eux n’étant pas issus de listes syndicales, c’est une manière de contourner les syndicats, puisqu’il n’y aura pas eu de négociations entre les partenaires sociaux.

Une fois de plus, il s’agit d’un expédient, d’une mesure éphémère. Nous ne participerons pas au vote de l’amendement n° 360 rectifié, car si une prime est toujours bonne à prendre pour les nombreux salariés dont le pouvoir d’achat est faible, nous sommes opposés à la manière politicienne dont le Gouvernement procède.

M. le président. La parole est à M. le le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je demande un scrutin public sur le vote de l’amendement n° 360 rectifié.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 360 rectifié, je suis saisi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement, si soucieux de politique sociale, a-t-il l’intention de montrer l’exemple aux entreprises en appliquant cette mesure à l’ensemble de la fonction publique ?

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 360 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je souhaiterais m’attarder un instant sur le résultat de ce vote. Il y a les grands discours et il y a les actes. La majorité vient de voter une mesure favorable au pouvoir d’achat ; l’opposition l’a refusée sous les prétextes les plus fallacieux.

Je suis très admiratif, monsieur Le Guen, monsieur Bapt, devant la façon dont vous prononcez les mots « dialogue social », sans savoir ce que c’est. Dois-je rappeler que, lorsque Mme Guigou était ministre des affaires sociales, l’ensemble des partenaires sociaux se plaignaient de ne pas être écoutés, en ayant parfois des mots très durs. « Archaïque, caricaturale et antisociale », avez-vous dit : ces termes illustrent parfaitement les pratiques du gouvernement précédent et votre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Entre hier soir et ce matin, ne tombons pas de Charybde en Scylla. Il serait tout de même souhaitable que le Gouvernement réponde, même en usant de la langue de bois, aux questions des parlementaires. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Monsieur le ministre, je vous ai demandé si les fonctionnaires bénéficieraient des largesses ancillaires du Gouvernement. Répondez-moi, au lieu de vous livrer à des attaques légèrement décalées sur notre politique sociale, alors que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale a été retoqué par l’ensemble des conseils d’administration des caisses et que la mesure que vous proposez a été refusée par toutes les organisations syndicales, lesquelles partagent pourtant votre souci d’accroître le pouvoir d’achat des travailleurs.

Je le répète, le Gouvernement appliquera-t-il cette mesure à la fonction publique ? Si je n’obtiens pas de réponse, je serai dans l’obligation de réunir mon groupe.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, j’ai le sentiment, ce matin, que nous avons affaire à Dr Jekyll et Mr. Hyde.

Votre prédécesseur, qui était aussi votre ministre de tutelle, M. Douste-Blazy, a pris devant le Sénat l’engagement solennel que plus aucune exonération de cotisations sociales ne viendrait grever les recettes de la sécurité sociale. En outre, il a répété moult fois, notamment lors du débat sur la réforme de l’assurance maladie, que le dialogue social – que le gouvernement de Lionel Jospin n’aurait pas su nouer – serait respecté, et même constitutionnalisé. Or que constate-t-on ? Non seulement vous n’avez tenu aucun compte de l’avis rendu par les conseils d’administration des caisses sur votre projet de loi, mais vous prenez une mesure perverse – dont je comprends bien que vous la défendez au nom de la discipline gouvernementale – qui, sous prétexte de bonus, va court-circuiter la négociation collective sur les salaires. Car le patronat tiendra évidemment compte de ce bonus lorsqu’il discutera avec les organisations syndicales de la répartition de la valeur ajoutée dans l’entreprise.

Nous ne pouvons pas voter contre une mesure qui apportera un petit plus aux salariés modestes et aux classes moyennes, mais nous refusons de nous engager dans une voie qui, une fois de plus, est en contradiction flagrante avec votre discours.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous avez l’air de regretter votre vote, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. Pas du tout !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, la réponse à votre question est contenue dans le texte de l’amendement. Sont visés les entreprises ou établissements couverts par une convention de branche ou un accord professionnel de branche sur les salaires. Or la fonction publique n’est pas régie par ce système. En ce qui concerne cette dernière, Christian Jacob mène avec les organisations représentatives un vrai dialogue, qui ne se limite d’ailleurs pas aux salaires.

Enfin, remettons les pendules à l’heure. La CNAF a-t-elle donné un avis défavorable au projet de loi ? Je ne le pense pas. Quant à la CNAV, elle a indiqué qu’elle souhaitait que les excédents soient reversés au F2R, et c’est ce que nous avons fait. Quel avait été l’avis des caisses de sécurité sociale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ? Négatif !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme le vôtre !

M. Claude Évin. Vous n’êtes pas obligé de suivre cet exemple, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous êtes donc mal placés pour me donner des leçons.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 142 rectifié et 347.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 142 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. M. le ministre prétend améliorer le pouvoir d’achat des salariés. Comment, dès lors, ne pas être surpris de le voir mettre en œuvre une majoration de cotisation pour les retraites, dont la charge de 880 millions d’euros sera supportée aux trois quarts par les salariés ? En effet, ceux-ci vont subir une augmentation de 0,15 point de leurs cotisations, contre 0,05 point pour les employeurs. C’est inadmissible, monsieur le ministre, et en totale contradiction avec vos déclarations humanitaires, faites la main sur le cœur, lorsque vous étiez rapporteur au nom de la commission des finances du projet de loi sur les retraites. Vous plaidiez alors pour une réforme équitable. Force est de constater que nous ne partageons pas votre conception de l’équité. Les profits boursiers ayant augmenté de 75 milliards d’euros cette année, il me semble que les entreprises doivent pouvoir supporter sans dommages la totalité de cette hausse. À l’inverse, il serait bon d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. C’est pourquoi nous proposons, avec l’amendement n° 142 rectifié, de faire supporter l’intégralité de cette augmentation de cotisations par les employeurs, exprimant ainsi une préoccupation partagée par nos collègues socialistes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement n° 347.

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement n° 347 étant identique à celui que vient de présenter Mme Fraysse, je considère qu’il est défendu.

Évidemment, j’entends déjà M. le ministre s’exclamer que le Gouvernement n’a encore pris aucune décision... Une chose est sûre, c’est qu’un commissaire du Gouvernement s’est exprimé devant les caisses nationales et que le ministre l’a désavoué. Voilà la manière dont on gouverne aujourd’hui !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Estimant que cette question relève du domaine réglementaire, donc du décret plutôt que de la loi, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je suis touché, madame Fraysse, que vous m’ayez accordé votre confiance en 2003 lorsque j’étais rapporteur du projet de loi sur les retraites,...

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis déçue aujourd’hui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et il n’y a aucune raison pour que vous me la retiriez maintenant. Il semble que vous ayez été mal renseignée, car aucune décision n’a encore été prise. Cette décision relève bien du domaine réglementaire, comme l’a dit M. Door, et les chiffres que vous avez indiqués ne sont qu’une rumeur. Le Gouvernement recevra les partenaires sociaux à partir de la semaine prochaine et ce n’est qu’à l’issue de cette concertation que vous pourrez juger de notre équité.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je prends acte de la déclaration de M. le ministre et j’espère que l’alerte que nous avons donnée incitera le Gouvernement à faire preuve d’équité.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 142 rectifié et 347.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 14

M. le président. Je mets aux voix l’article 14.

(L’article 14 est adopté.)

Après l’article 14

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 14.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 42.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. La hausse du prix des paquets de cigarettes a permis de réduire le nombre de fumeurs de 13 %, et le nombre de cigarettes fumées de 14 à 11. Sur le plan de la santé publique, c’est un incontestable succès, et un acquis que nous devons préserver.

Mais nous savons aussi que les achats transfrontaliers sont devenus pratique courante, ce qui va à l’encontre des objectifs de santé que nous poursuivons, grève les finances sociales de recettes potentielles non négligeables et déstabilise le réseau des buralistes, notamment dans les régions frontalières. Cette situation nous conduit à rechercher une solution qui tienne compte de la vigilance des autorités européennes à l’égard du principe de libre circulation des marchandises. Il ne s’agit pas d’interdire d’acheter hors de nos frontières, ce qui serait contraire au principe européen, mais de faire en sorte d’éviter toute distorsion de concurrence entre les buralistes français et les points de vente situés chez nos voisins. Dans cet esprit, la législation européenne permet à un pays européen d’exiger le paiement des taxes pour les produits qui se situent sur son territoire et sont achetés hors de son territoire. L’article 9 de la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise édicte un certain nombre de critères destinés à permettre à l’État de prouver que la marchandise n’est pas achetée à des fins personnelles, mais dans un but commercial. Au titre de ces critères figure la quantité de marchandise transportée.

En ce qui concerne la législation française, les articles 575 G et 575 H du code général des impôts fixent des seuils plus élevés que les niveaux minimaux européens. Ainsi, alors que la législation européenne retient une quantité maximale de 800 cigarettes, notre législation en autorise 1 600, soit huit cartouches. Les quatre occupants d’une voiture peuvent donc transporter jusqu’à 32 cartouches. Je vous propose d’aligner la quantité autorisée par l’article 575 G sur le niveau indicatif européen, soit 1 kilogramme, ce qui est l’équivalent d’à peu près 800 cigarettes, et de garder la formulation de l’article au kilogramme, englobant l’ensemble des tabacs manufacturés – cigares, cigarillos et tabac à rouler –, afin de ne pas tomber dans le piège d’une liste de produits qui risque d’être rapidement dépassée du fait de l’apparition de nouveaux produits issus du marketing des cigarettiers.

Par ailleurs, afin d’éviter les tentatives de contournement de la législation, notamment au moyen du covoiturage, je vous propose – là encore dans le respect des principes européens – de ramener le seuil de l’article 575 H de 10 kilogrammes à 2 kilogrammes. Ainsi les quatre occupants d’une voiture ne pourraient-ils transporter que 8 cartouches de cigarettes au lieu de 32 aujourd’hui. Cette modification permettrait aux services des douanes de mieux repérer les trafics de proximité grâce au principe de la déclaration.

Si ce dispositif devait malgré tout poser des difficultés au niveau européen, cela donnerait au Gouvernement l’occasion de défendre à Bruxelles le point de vue que le tabac, en faveur duquel toute publicité vient d’être interdite dans l’Union européenne, n’est pas un produit comme les autres, mais bien un produit dangereux qui, dès lors, doit être traité spécifiquement en dehors des règles de libre circulation des marchandises, que je ne souhaite pas remettre en cause. Nul doute que, dans ce combat, nous aurons à nos côtés nos amis allemands, lorsque tombera la protection dont ils bénéficient vis-à-vis des nouveaux entrants dans l’Union européenne.

M. le président. Sur l’amendement n° 42, je suis saisi d’un sous-amendement n° 292.

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le soutenir.

M. Gérard Cherpion. Dans un souci de cohérence de l’action publique engagée en matière de lutte contre le tabagisme et afin de limiter efficacement la pratique des trafics transfrontaliers, extrêmement développés dans notre secteur, il est proposé de ramener la quantité de tabacs manufacturés pouvant circuler sur notre territoire après leur vente au détail à 0,2 kilogramme, soit une cartouche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Si les mesures proposées sont susceptibles de limiter ou de supprimer le trafic transfrontalier, on ne peut que les encourager. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable à l’amendement n° 42 et au sous-amendement n° 292.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le rapporteur, vous proposez une modification du code général des impôts destinée à limiter les achats de cigarettes par les particuliers dans les pays limitrophes. Or, comme vous le savez, les articles 575 G et 575 H ne sont applicables qu’à la circulation des tabacs manufacturés achetés en France, en provenance et à destination du territoire français, à l’exclusion des échanges intracommunautaires de tabac. Ces derniers sont régis, comme vous l’avez rappelé, par les dispositions de la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise. Cette directive pose une règle claire, celle de la libre circulation des marchandises. En conséquence, les modifications que vous voulez apporter aux articles 575 G et 575 H du CGI n’auraient pour effet que de renforcer les mesures applicables au tabac acheté en France, dont la circulation est limitée sur le territoire national, et non d’assurer un meilleur contrôle des achats effectués à l’étranger. Ainsi, pour les achats transfrontaliers, les particuliers resteraient libres d’acquérir et de transporter sans aucune formalité les quantités de tabac souhaitées dès lors qu’elles sont réservées à leur consommation personnelle.

C’est pourquoi, si le Gouvernement partage votre souci d’un meilleur contrôle des achats transfrontaliers de tabac, il ne peut qu’émettre un avis défavorable à ces propositions. J’aurai l’occasion de vous exposer de manière plus détaillée, lors de l’examen d’un prochain amendement, la position du Gouvernement au sujet du tabac ainsi que nos impératifs en matière de santé publique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je ne vous imaginais pas exprimer une autre position, monsieur le ministre, que celle consistant à nous opposer les règles de l’Union européenne. Mais je rappellerai que les mêmes qui nous expliquaient que les paquets de 19 cigarettes n’étaient pas euro-compatibles nous ont demandé un an plus tard de voter cette disposition.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Le principe de libre circulation des marchandises n’est pas remis en cause. Nous demandons simplement qu’au-delà d’un certain seuil, d’ailleurs prévu dans la directive européenne, le transport de ces produits ne puisse se faire qu’à la condition qu’y soit joint un document d’accompagnement. Par ailleurs, rien dans les articles 575 G et 575 H ne spécifie qu’ils s’appliquent uniquement au tabac acheté en France. L’argument selon lequel le code général des impôts aurait, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, une valeur inférieure à la directive ne me semble pas recevable non plus puisque cette directive a été transposée dans le droit français.

En revanche, la proposition de M. Cherpion, qui reprend une demande récurrente des buralistes des régions frontalières, ne me paraît pas réaliste. Contrairement au dispositif que je propose, un seuil de produits transportés fixé à une cartouche ne serait pas eurocompatible. Nous ne pouvons pas adopter une disposition simplement pour faire plaisir aux buralistes, tout en sachant qu’elle ne sera jamais appliquée.

Enfin, les articles du code des impôts s’imposent aux douaniers depuis bien longtemps, mais les contrôles sur ce point ne sont malheureusement plus effectués depuis longtemps. Il serait bon qu’ils le soient à nouveau.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le groupe socialiste, mobilisé pour la défense des causes de santé publique, soutient les amendements proposés par M. Bur. S’abriter systématiquement derrière les normes européennes est une tactique bien connue de la part de certains fonctionnaires de Bercy pour n’appliquer que ce qu’ils ont envie de voir appliquer. La direction des impôts a toujours eu une très grande tolérance, pour des raisons en grande partie fiscales, mais pas seulement, vis-à-vis des questions liées au tabac. Cela doit changer, à commencer dans les services des douanes, qui dépendent de cette direction.

Il nous semble que M. Bur a bénéficié d’une grande indulgence de la part du président de la commission des finances, ce qui n’a pas été notre cas lorsque nous avons évoqué la question de l’alcool. M. le ministre nous a promis à plusieurs reprises de s’exprimer sur cette question : trouve-t-il normal que ce soit le comité de modération, c’est-à-dire en fait l’industrie de l’alcool, qui tienne le stylo pour écrire les recommandations en matière de santé publique, d’éducation à la santé et de lutte contre l’alcoolisme ? Puisque nous avons un peu quitté les questions financières pour aborder le domaine de la santé publique, voici venu le moment qu’il nous fasse connaître sa position, notamment au sujet d’un vote que je qualifierai de funeste, effectué lundi dernier à la sauvette.

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles.

M. Bruno Gilles. Je souscris aux propos de M. Bur. Au-delà des problèmes transfrontaliers, il faut aussi prendre en compte ceux liés à la contrebande et aux ventes à la sauvette. Je veux parler de ce que les policiers appellent les trafics de fourmis. Or ces ventes ont énormément augmenté ces dernières années dans les grandes villes et même, d’ailleurs, dans des agglomérations de taille moyenne.

On le sait, une bonne partie de ces ventes résulte des gros trafics internationaux et de l’écoulement du tabac de contrefaçon, en provenance de Chine notamment. Mais le trafic transfrontalier intervient aussi pour une part non négligeable.

Je soutiens donc le sous-amendement et l’amendement qui nous sont présentés. Au-delà du problème de santé publique, plus nous limiterons les achats de cigarettes en dehors de la France, plus fort sera notre impact sur ces trafics que nous dénonçons.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Puisque nous abordons les questions de santé publique, je voudrais, dans le prolongement de l’intervention de M. Le Guen, vous interpeller moi aussi, monsieur le ministre. Nous comprenons que vous puissiez être gêné pour répondre sur le comité de modération, du fait que le ministre de l’agriculture n’a pas défendu une position de santé publique il y a dix jours, et que vous ayez donc d’abord à régler des problèmes ministériels. Mais il est un autre sujet sur lequel nous aimerions vous entendre.

En effet, un article de la loi de santé publique prévoit qu’un rapport concernant l’organisation d’états généraux de lutte contre l’alcoolisme devait être déposé avant la fin juin. Or ce rapport, qui a été rédigé, n’a toujours pas été remis au Parlement. Pourquoi ? Si rien ne justifie ce retard, à quel moment envisagez-vous de transmettre ce rapport et d’organiser ces états généraux ?

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Monsieur Le Guen, vous avez mis en cause l’impartialité de la commission des finances. Je le confirme, la disposition que vous souhaitiez défendre était d’ordre réglementaire. En revanche, mon amendement va élargir et renforcer l’assiette de taxation. Il aura donc un impact non négligeable sur les recettes du tabac et, par conséquent, les finances sociales. Il est ainsi parfaitement justifié que nous en discutions.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 292.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42, modifié par le sous-amendement n° 292.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour la clarté du débat, je propose de répondre aux différentes questions à l’occasion de l’examen du prochain amendement de M. Bur. J’espère que vous aurez la patience d’attendre encore un peu…

M. Gérard Bapt. Ça fait trois jours qu’on attend : on n’est pas à quelques minutes près !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Afin de contribuer au respect des objectifs de dépenses d’assurance maladie, les entreprises pharmaceutiques sont soumises à une taxation à raison du développement de leurs activités. Dès lors, rien ne justifie que les cigarettiers, qui contribuent au développement de pathologies lourdes, ne contribuent pas eux aussi aux efforts d’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Les clients apportent leur contribution au travers de l’augmentation des prix du tabac pratiquée voilà deux ans, les buralistes également au travers des prix élevés qui restreignent leur clientèle. Seuls les cigarettiers ne sont soumis aujourd’hui à aucun effort particulier. Il est proposé que leur effort soit équivalent à celui demandé aux entreprises du médicament qui investissent dans la recherche pour trouver de nouveaux remèdes.

Il existe au sein des entreprises de la cigarette d’importants gisements de profit qu’elles utilisent pour relancer leur sinistre commerce et conquérir des parts de marché supplémentaires.

Il est donc proposé par cet amendement d’instaurer une taxe sur la progression du chiffre d’affaires des cigarettiers, qui sera affectée à l’assurance maladie. Si les achats transfrontaliers diminuent, le chiffre d’affaires des cigarettiers installés en France devrait forcément augmenter. Le produit de la nouvelle taxe, qui sera peut-être modeste aujourd’hui, pourrait donc croître dans le futur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a émis un avis favorable sur cette taxation puisque ce sont les entreprises du tabac qui sont visées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, l’instauration de cette contribution sur l’accroissement du chiffre d’affaires des cigarettiers, avec un produit affecté à l’assurance maladie, serait progressive en fonction de l’accroissement du chiffre d’affaires entre l’année n et l’année n-1, cet accroissement étant comparé à l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Elle viserait donc les fournisseurs qui importent, introduisent et commercialisent les tabacs manufacturés.

Or le scénario le plus probable, en anticipation, est que les fournisseurs répercuteront la taxe sur les cigarettiers, qui eux-mêmes la répercuteront en augmentant leurs prix. Le Gouvernement s’est cependant engagé, dans le contrat d’avenir pour les buralistes, à ne pas augmenter la fiscalité sur les tabacs jusqu’à la fin 2007. Avec le présent amendement, cet engagement serait remis en cause.

Selon un autre scénario, les fabricants pourraient être tentés de maintenir leurs prix pendant plusieurs années consécutives et de les augmenter plus fortement à l’issue de cette période, en une seule fois. Or cela irait à l’encontre de votre logique qui vise à instaurer une taxe sur la progression du chiffre d’affaires des cigarettiers. En outre, cette stratégie commerciale nuirait à nos objectifs de santé publique.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles le Gouvernement vous demande de rejeter l’amendement présenté par M. Bur. Je reviendrai ensuite sur les mesures qu’il serait préférable d’adopter pour lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le groupe socialiste est favorable à l’amendement de M. Bur. Mais il semblerait qu’il fasse l’objet d’un débat interne à la majorité du fait de l’engagement pris par le Gouvernement. Monsieur le ministre, peut-être faudrait adapter cet engagement pour prendre en compte la proposition de M. Bur, qui nous paraît saine ? Une précision à cet égard : l’exposé sommaire indique que la taxe ne sera pas supportée par les consommateurs ; il serait plus exact de dire qu’elle sera supportée par les fumeurs. M. Bur voulait surtout qu’il soit clair qu’elle ne pèserait pas sur les assurés sociaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Avant que le ministre ne s’exprime sur l’alcoolisme et le tabagisme, je souhaite rappeler la position constante de l’UDF sur ces questions. Nous regrettons que la France n’ait pas une politique suffisamment forte en matière de prévention et d’éducation à la santé. Chaque année, en effet, des dizaines de milliers de morts sont liées au tabac et à l’alcoolisme. Le Gouvernement a fait des efforts considérables dans le domaine de la sécurité routière. Cela a permis, en quelques années, de ramener de 8 000 à 5 000 le nombre de morts sur la route. Il faut à présent que le Gouvernement s’engage dans une véritable prévention de l’alcoolisme et du tabagisme. Tout ce qui sera fait pour lutter contre ces fléaux recevra notre soutien.

Pour l’heure, j’approuve avec force l’amendement de M. Bur. Il est sans doute imparfait. Il aura peut-être les conséquences que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre. Et je n’imagine pas un seul instant que le ministère de la santé ou Bercy ne soient pas indépendants des cigarettiers. Mais, en tout état de cause, comme il s’agit là de causes majeures de santé publique, je voterai l’amendement de M. Bur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le problème des prix dans la lutte contre le tabagisme est une vieille histoire. Chacun connaît ici la flexibilité considérable des industriels du tabac dans l’application des prix. On a vu qu’ils n’avaient pas hésité à donner des coups d’accordéon pour diminuer les prix alors même que le précédent gouvernement avait décidé d’augmenter le prix du tabac par le biais de la hausse des taxes. Il a donc fallu utiliser des moyens sophistiqués pour parvenir à nos fins. D’une certaine façon, les industriels du tabac nous ont appris qu’il ne fallait pas hésiter à agir.

Il est vrai, par ailleurs, que nous ne souhaitons pas que des profits soient réalisés sur la fabrication et la vente de tabac. Est-il choquant de le dire ? Je ne le crois pas. Ce qui me choque, au contraire, ce sont les trop grands profits de ces entreprises. Il suffit de regarder le cours de leurs actions ou leur niveau de capitalisation pour en prendre la mesure. J’en parle d’autant plus aisément qu’une de ces entreprises a son siège social dans ma circonscription. Souhaitant que les profits dans ce secteur soient diminués, je soutiens donc l’amendement de M. Bur, qui vise à instaurer une taxe sur les bénéfices. Il importe aujourd’hui de passer à une nouvelle étape et de faire clairement savoir que nous désapprouvons la profitabilité des entreprises du tabac.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avant de revenir à différents points évoqués notamment hier, je précise, monsieur Le Guen, que je n’ai pas pu participer hier au début de la séance car je participais, aux côtés de plusieurs ministres du Gouvernement et de M. le Premier ministre, à la réunion organisée pour informer les représentants des groupes parlementaires sur la situation et l’état de préparation de notre pays en cas de pandémie de grippe. Je ne veux pas croire que mon absence ait donné lieu à de mauvais procès. Vous connaissez suffisamment l’intérêt que je porte au débat parlementaire pour ne pas me chercher de fausse querelle.

J’en viens à la lutte contre le tabagisme. Au-delà des mesures que l’Assemblée vient de repousser, je vous indique que la politique menée par le Gouvernement entre 2002 et 2004, notamment à travers des hausses importantes du prix du tabac, a entraîné une baisse de la consommation de 20 à 25 %. Mais, aujourd’hui, nous devons passer à autre chose, et notre action sur le prix du tabac, notamment le contrat passé avec les buralistes, doit s’accompagner de nouvelles mesures. Il existe une loi, la loi Évin, dont certains voudraient qu’elle soit mieux appliquée. Mais, par rapport aux dispositions législatives en vigueur dans notre pays, nous ne pouvons plus nous contenter du statu quo.

En tant que ministre de la santé et des solidarités, je vous ferai un certain nombre de propositions dans les mois qui viennent, au plus tard au début de l’année prochaine, pour faire évoluer la réglementation en la matière. Notre action comprend plusieurs étapes, dont la première portait sur le prix du tabac. Nous en connaissons les effets, notamment sur les jeunes générations. Une chose est certaine : au-delà des nouvelles dispositions, nous ne devrons jamais relâcher notre vigilance en matière d’éducation à la santé et d’information. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec M. Préel.

Concernant la lutte contre l’obésité, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement au cours de l’examen de ce PLFSS, je voudrais rappeler à M. Le Guen que j’ai moi-même présenté un certain nombre de spots publicitaires. Le but de ces campagnes de prévention était de dire que certaines pratiques alimentaires et certains aliments sont bons pour la santé et que d’autres le sont beaucoup moins. C’est la première fois que certaines choses étaient dites aussi clairement. Si la mise en œuvre de tels moyens représente un pas supplémentaire, cela ne résume en rien l’action du Gouvernement en la matière. J’ai engagé une concertation avec l’ensemble des acteurs et je recevrai les parlementaires intéressés par ces questions pour faire, au plus tard au début de l’année prochaine, un certain nombre de propositions en matière de lutte contre l’obésité.

Je n’oublie pas pour autant la lutte contre l’alcoolisme. Je tiens à vous confirmer ici même que la lutte contre l’alcoolisme est un objectif majeur de santé publique, qui figure dans la loi de santé publique promulguée le 9 août 2004. Personne ne peut oublier que l’alcool cause dans notre pays 40 000 à 45 000 décès par an et que cinq millions de personnes sont exposées à des difficultés d’ordre médical, psychologique et social, sans oublier les deux millions de personnes dépendantes. Jean-Pierre Door me souffle que ces difficultés sont également d’ordre professionnel : c’est évident, et je parlais de l’environnement social dans sa globalité.

Nous devons mieux informer la population sur les consommations à risque. Comme vous le savez, j’ai pris l’initiative, en liaison avec l’INPES, de lancer une campagne d’information qui développe tous ces éléments, dans le cadre des recommandations de l’OMS. Diffusée dans la presse écrite du 1er au 28 octobre, mais aussi sous forme d’affichage, cette campagne a fait parler d’elle, ce qui prouve que son objectif est atteint.

J’en viens à un autre sujet, qui suscite parfois quelques rumeurs. Il ne faut jamais accorder de crédit aux rumeurs, mais dans la mesure où certains les colportent, je voudrais m’expliquer devant vous : les femmes enceintes doivent être mieux informées des dangers que représente toute consommation d’alcool, même à faible dose, pendant la grossesse. Il n’est pas question de revenir sur les dispositions qui ont été prises au cours des discussions parlementaires, notamment sur l’amendement sénatorial de Mme Payet, qui tend à informer les femmes enceintes par une mention sur toutes les bouteilles d’alcool. Le fameux arrêté SAF – syndrome d’alcoolisation fœtale – est prêt. J’en ai informé Mme Payet et me suis engagé à le publier dans les meilleurs délais. Comme vous le savez tous, cette question fait l’objet d’une consultation obligatoire de l’Union européenne. Lorsque nous aurons procédé à cette consultation, c’est-à-dire en janvier 2006, compte tenu du délai incompressible de trois mois, l’arrêté sera publié.

Je tiens également à améliorer la prise en charge des personnes ayant des problèmes avec l’alcool et des personnes dépendantes, pour soulager la souffrance de leurs familles. Je me suis entretenu cette semaine avec Hervé Chabalier, que mon prédécesseur Philippe Douste-Blazy avait chargé de présenter un rapport à ce sujet. Dès qu’il sera disponible, le 20 novembre, nous vous présenterons les orientations et les priorités qui s’en dégagent. Je discuterai de cette question avec l’Agence nationale de prévention de l’alcoolisme, que je rencontrerai dans les premiers jours du mois de novembre.

Mais nous devons également nous attacher à sensibiliser davantage le corps médical à ces questions et assurer une meilleure prise en charge des personnes concernées par l’alcool, sans oublier – j’insiste sur ce point – les aidants familiaux.

Le débat qui a eu lieu récemment autour de la loi Évin – pardonnez-moi de vous citer, monsieur le député – a montré la nécessité de créer des espaces de dialogue et de concertation sur le thème de la consommation d’alcool. Nous devons organiser des échanges entre les acteurs des politiques de prévention et le monde de la production.

Vous avez fait référence à un amendement qui fut, il me semble, voté à l’unanimité par cette assemblée, et vous avez reconnu que vous n’aviez pas été assez vigilant sur cette question. Je vous le dis très clairement : il n’est pas question que les campagnes soient coécrites avec qui que ce soit !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Consultation ne veut pas dire codécision. Que ceux qui sont concernés par ces campagnes soient informés ne me dérange pas, mais il n’y aura ni codécision, ni cogestion, ni coresponsabilité en matière de santé publique : je vous le dis très clairement, comme je l’ai déjà dit à un certain nombre de personnes.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le conseil de la modération est une instance consultative, mon collègue ministre de l’agriculture et moi-même sommes d’accord sur ce point. Vous le savez, monsieur Évin, il n’y a pas de sujet tabou entre mes collègues et moi. Néanmoins, un dialogue serein est nécessaire, car nous ne pouvons rester dans une guerre de tranchées. Nous devons faire comprendre aux producteurs que notre société a évolué.

Quant au rapport prévu par la loi du 9 août 2004, il n’est pas enterré : ce n’est pas le genre de la maison ! Il sera transmis dans les prochains jours aux parlementaires. Dès que ceux-ci en auront tiré les conclusions, je serai prêt à organiser des états généraux qui nous permettront d’engager un débat citoyen sur ce sujet.

J’ai bien conscience de la responsabilité qui est la nôtre en matière de santé publique. Je crois à l’éducation à la santé et à la prévention, mais je n’oublie pas la responsabilité première qui est la mienne en matière de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Nous pouvons en effet, monsieur le ministre, nous féliciter que l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale nous donne l’occasion d’un échange sur un certain nombre de questions de santé publique, tant il est vrai qu’on ne peut aborder la question des dépenses d’assurance maladie sans se préoccuper en permanence de la santé publique, ce qui peut parfois entraîner une augmentation de ces dépenses.

Mais, derrière l’aspect financier, nous ne pouvons pas ignorer les souffrances que représentent ces pathologies. L’attention que nous portons à ces questions, les uns et les autres, ne relève pas de je ne sais quelle manie. Cela fait un certain nombre d’années que nous cherchons à améliorer la santé de la population et nous sommes bien obligés d’accepter la réalité : le tabagisme représente 60 000 morts prématurées par an, l’alcoolisme 40 000 morts.

Bien d’autres problèmes devront être posés, car la santé publique ne se résume pas à la lutte contre l’alcoolisme, l’obésité ou le tabagisme.

Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur certains de vos propos. Concernant l’amendement d’Yves Bur, je voudrais dire – et ma parole vaut engagement – que je suis le premier à reconnaître que si la loi du 16 janvier 1991 en matière de lutte contre le tabagisme a eu le mérite de poser certains principes et de régler certains problèmes en matière de publicité, elle ne va pas assez loin s’agissant du tabac dans les lieux collectifs.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. C’était une loi pionnière !

M. Claude Évin. En ce qui concerne la publicité, même s’il subsiste quelques contentieux, le problème est quasiment réglé, et j’invite les pouvoirs publics à faire preuve d’une très grande vigilance sur ce point. Je voudrais à cet égard souligner l’utilité du combat que mènent certaines associations.

Le problème du tabac dans les lieux à usage collectif, selon la formulation du code de la santé publique, dépasse le cadre des lieux publics : il faut aller plus loin ! C’est pourquoi, dans le prolongement de la loi du 16 janvier 1991, l’opposition soutient le combat que mène Yves Bur. Il est important qu’il défende une telle cause, compte tenu de ses responsabilités au sein de la majorité.

Il ne s’agit pas seulement de renforcer la réglementation. Comme vous, monsieur le ministre, et nous vous soutiendrons toujours sur ce point, nous pensons qu’en matière de lutte contre le tabagisme, il faut que les pouvoirs publics affirment clairement leur volonté.

La question de l’alcoolisme est beaucoup plus complexe. Je rappelle souvent qu’en 1990, lors de l’examen du texte qui sera la loi du 16 janvier 1991, ce sont les questions relatives à l’alcoolisme qui ont suscité les plus vifs débats. D’ailleurs, les protagonistes de l’époque, notamment au sein de la Haute assemblée, participent toujours à ce débat et avancent toujours les mêmes arguments.

Je partage totalement votre point de vue : le dialogue doit se poursuivre, parce que, dans le domaine de la publicité en faveur de l’alcool, il semble que certains de nos collègues, qui s’attachent à défendre les productions agricoles de leur région, font preuve d’une grande confusion, même si l’intérêt qu’ils leur portent est légitime.

En matière de publicité, le combat que mènent nos collègues ne sert pas réellement les intérêts qu’ils défendent, car les marchés les plus intéressants pour la publicité sont ceux des alcools industriels et des spiritueux. En luttant pour défendre la production vinicole, nos collègues servent essentiellement les intérêts des publicitaires et des fabricants d’alcool. Je suis un fervent partisan de la transparence, mais il faut que les positions des uns et des autres soient clairement affirmées.

Il n’est pas facile, mes chers collègues, et cela nous renvoie à nos règles de fonctionnement, de réagir sur un sujet de santé publique lorsqu’il nous est présenté dans un débat d’orientation agricole. N’étant pas présents sur ces bancs en permanence, nous avons été très surpris de découvrir qu’un amendement relatif à la santé publique avait été adopté dans le projet de loi d’orientation agricole ! Il était nécessaire que nous en débattions dans le cadre du PLFSS. En matière de publicité, bien que nous soyons favorables au dialogue, nous ne pouvons accepter que les politiques de santé publique soient décidées par les représentants d’un secteur d’activité économique, si respectable soit-il. Ces représentants doivent pouvoir s’exprimer, mais ils ne doivent en aucun cas déterminer les politiques de santé publique.

Je me permets, monsieur le ministre, de vous faire une suggestion. Il est assez paradoxal qu’un article de la loi d’orientation agricole, qui crée un conseil de la modération, ait été voté après la publication d’un décret du 5 octobre créant ce même conseil. Si vraiment, comme semblent le souhaiter un certain nombre de nos collègues, il est nécessaire de lui donner un fondement législatif, je propose de le faire dans la loi de financement de la sécurité sociale plutôt que dans la loi d’orientation agricole, en reprenant les termes du décret du 5 octobre.

Nous avions déposé un amendement qui a été refusé par M. le président de la commission des finances ; nous nous sommes exprimés hier à ce sujet. Vous pouvez, vous, reprendre et déposer un amendement. Nous vous soutiendrons si, reprenant le cadre général du décret du 5 octobre, vous le réintroduisez ici pour donner au conseil de la modération – dans l’équilibre qui est celui du décret quant à sa composition – un fondement législatif. Inscrit dans la loi, ce conseil serait un véritable outil de santé publique et donnerait des garanties à tous les acteurs dans ce domaine.

Voilà une proposition que je vous fais, monsieur le ministre et, si vous la reprenez, nous vous soutiendrons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, nous sommes très heureux d’entendre votre engagement, que je sais sincère et déterminé. Effectivement, la lutte contre les grands fléaux de santé publique est essentielle. Nous avons voté, ici même, une loi de santé publique, avec des priorités de santé publique. Je crois que nous devons tous nous engager pour que ces priorités soient traitées, que les objectifs que nous nous sommes fixés soient atteints.

Dans la lutte contre le tabagisme, nous avons fait de grands progrès. Nous devons atteindre une baisse de 25 % du nombre de fumeurs à l’horizon fixé par la loi de santé publique, c’est-à-dire d’ici à trois ans et demi. Nous avons encore des progrès à faire.

Avec l’engagement qui est le mien de revoir les dispositifs introduits en leur temps, de manière très courageuse, par Claude Èvin, j’essaie de faire bouger les limites et de changer les comportements dans ce pays. Je suis convaincu que les comportements des Français peuvent évoluer et qu’une loi de protection peut trouver chez nous toute son application et être respectée par nos concitoyens, comme c’est le cas dans d’autres pays.

Je veux simplement vous demander, monsieur le ministre, d’engager une nouvelle enquête, comme celle réalisée début 2004, afin de mesurer l’évolution du nombre de fumeurs et de la consommation en France car il est très important, je crois, de disposer d’un baromètre permanent.

Nous sommes à vos côtés pour faire en sorte que ces objectifs de santé publique, en matière de lutte contre l’alcoolisme, et l’obésité également, soient maintenus, et pour montrer aux Français qu’il ne s’agit pas de lois de coercition, mais de lois de bien-être, de santé et de liberté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, vous avez souhaité que nous ayons un débat sur ce thème, ce qui est utile, important et tout à fait opportun au regard de ce qu’est notre loi de financement de la sécurité sociale.

Sur le tabac, l’action menée depuis 2002 a été courageuse. Nous l’avons soutenue, y compris à l’époque de la polémique vis-à-vis des buralistes. À aucun moment, le groupe socialiste et l’opposition en général n’ont enfourché le mécontentement ambiant, l’incompréhension d’une partie de la population. Nous avons fait front dans cette période difficile. Nous n’avons donc aucun problème pour vous donner acte de ce qui a été fait, mais également pour nous flatter de n’avoir fait preuve d’aucune démagogie sur ce sujet, et nous regardons le reste avec d’autant plus de rigueur.

Pour le reste, l’alcool et l’obésité, nous ne sommes pas du tout dans la même situation. Depuis 2002, un certain nombre de parlementaires, pas tous issus de l’opposition, ont été obligés de mener une lutte vigilante, permanente, pour ne pas voir défaire les quelques avancées en matière de santé publique obtenues depuis la loi Evin, pour ce qui concerne l’alcool, et depuis la loi de santé publique, pour ce qui concerne les distributeurs de boissons et confiseries dans les établissements scolaires, disposition qu’Yves Bur a défendue à l’origine. Par un combat permanent pendant je ne sais combien de séances, et à l’occasion de textes qui n’avaient rien à voir avec la santé publique, quelques parlementaires ont été obligés, sans arrêt, de monter la garde, de se précipiter au créneau. Il y a là un véritable problème d’organisation générale de l’État, qui dépasse largement le cadre de cette majorité.

Monsieur le ministre, il est temps de faire avancer les choses car il n’est plus possible que, dans ce pays, au regard des crises que nous connaissons, y compris les plus actuelles, le ministère de l’agriculture soit le ministère de la production et, parfois, des mauvais usages de la production contre les consommateurs ! Il n’est plus admissible qu’un ministère aussi puissant, avec autant de moyens, soit l’instrument du détricotage des politiques de santé publique !

M. Claude Évin. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a là un problème d’organisation des pouvoirs publics, qui se pose au-delà de votre propre majorité, je le reconnais, mais qui est bien réel. D’ailleurs, le problème plus général de la manière dont nos concitoyens perçoivent aujourd’hui la politique agricole de la France est également posé. Car nous émettons des doutes sur le fait de savoir si cette politique agricole est tournée vers la satisfaction des besoins fondamentaux du consommateur ou si elle est tournée exclusivement vers les visions à court terme des producteurs. Nous savons tous que l’issue au problème réel que connaît la viticulture n’est certainement pas à chercher dans les polémiques sur la loi Evin et la publicité.

Au-delà de cette question de principe de l’organisation des pouvoirs publics, nous estimons de pas avoir été soutenus par les différents ministres de la santé. Vous nous avez dit ne pas avoir été présent, lundi dernier, lors de l’examen de la loi d’orientation agricole. Or le gouvernement a des moyens autrement plus puissants que les nôtres d’être au courant des amendements ; l’appareil gouvernemental en est chargé. Nous aurions donc aimé que la vigilance gouvernementale soit à l’œuvre ce fameux lundi, plutôt que de voir quelques parlementaires de l’opposition courir d’un hémicycle à l’autre, d’une commission à l’autre, pour défendre la loi de santé publique !

Vous prenez un engagement ; moi, je reprends ce qu’a dit Claude Evin. Il faut que le décret, qui est déjà un compromis, ait force de loi. Rien ne vous empêche, monsieur le ministre, pour que les choses soient claires – car vous ne pouvez pas être sûr de ce qui sera voté au Sénat –, d’inscrire aujourd’hui le décret dans la loi.

Nous reparlerons de l’obésité ultérieurement.

Monsieur le ministre, vous partagez nos analyses et le constat sur la gravité des problèmes de santé publique ; vous êtes d’accord sur la nécessité d’agir. Mais enfin, nous avons commencé l’examen de la loi de santé publique du 9 août 2004 il y a deux ans, en octobre 2003 ! Vous nous parlez du rapport sur l’alcool, des décrets, de l’action en matière d’obésité, mais nous en avons déjà discuté, et même bien avant ! Il y a donc un retard à l’allumage, et c’est très problématique !

S’agissant de l’alcool, tous les rapports des experts les plus impliqués et les plus éclairés seront utiles, certes, mais nous devons aussi mener un travail en profondeur avec notre société. C’était le sens de notre amendement à la loi de santé publique visant à mettre en place des États généraux de la lutte contre l’alcoolisme. Si nous ne sommes pas capables de brasser cette question en profondeur avec la société française, par des échanges, y compris avec les producteurs, pour lui faire comprendre qu’elle a un degré de tolérance envers l’alcoolisme trop élevé, une adhérence profonde, et que ce problème concerne tous les Français, tous les horizons politiques, tous les milieux sociaux, je vous assure que ce que nous déciderons dans cette assemblée, ce que vous déciderez, monsieur le ministre, ainsi que les sommes consacrées à l’éducation sur ce thème via les journaux et la télévision, ce sera largement insuffisant.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Comme mes prédécesseurs, je voudrais dire toute l’importance que nous devons accorder à la défense de la santé publique et souligner la dimension humaine que revêtent ces questions. Ce sont des problèmes de tradition, de conception, d’ignorance. Bien sûr, un énorme travail auprès de la société est nécessaire, et nous n’y consacrons pas suffisamment de moyens, alors qu’il serait – pour vous qui êtes si tendu sur les comptes – une source d’économies.

À travers l’amendement présenté par M. Bur, les problèmes des cigarettiers, de l’argent, de l’industrie sont traités, mais pourquoi ne proposons-nous jamais des dispositifs susceptibles d’aider les personnes à sortir de leur intoxication ? Tous les dispositifs de sevrage du tabac sont extrêmement onéreux et beaucoup de personnes qui voudraient en bénéficier – elles doivent d’abord être convaincues, c’est vrai – sont souvent arrêtées par le prix extrêmement élevé de ces dispositifs d’aide au sevrage tabagique.

Je suis de celles et ceux qui pensent que l’augmentation infinie du prix du tabac joue un rôle jusqu’au moment où elle atteint une limite. Elle a maintenant atteint ses limites ; on voit le résultat avec l’émergence des trafics.

Je crois profondément que notre pays devrait consacrer davantage de moyens dans différents domaines pour aider à la prise de conscience et au sevrage de toutes les intoxications. Il faut de la cohérence et avoir à l’esprit que les milieux sociaux les plus défavorisés sont les plus exposés.

Des expériences réalisées dans certaines régions ont pris en charge des dispositifs de sevrage, mais je n’ai pas connaissance de leurs résultats et j’aimerais les avoir. Monsieur le ministre, dans les régions où ces dispositifs ont été mis en œuvre , observe-t-on des résultats qui mériteraient d’être élargis à l’ensemble du pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je vous prie de bien vouloir m’excuser : je dois absolument m’absenter, mais je reviens très vite.

Ces débats sont toujours passionnants ; il n’est pas question de ne pas les avoir. J’ai été sensible aux propos de M. Evin : il faut aussi que nous ayons un dialogue, a-t-il dit. Quant aux propos sur le ministère de l’agriculture, ils ne vont pas forcément dans ce sens. Évitons les paroles excessives.

Si l’on veut éviter les situations d’hier ou d’avant-hier, il faut non seulement faire évoluer les comportements – c’est possible et c’est la meilleure voie de la réussite en matière d’éducation à la santé et de santé publique –, mais également éviter des paroles définitives contre les uns et les autres, surtout lorsqu’elles sont excessives.

M. le président. Nous avons eu un long débat, mais il était important.

Les amendements nos 247 et 248 ne sont pas défendus.

Article 15

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 15.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Avec l’article 15, qui concerne le médicament, nous changeons complètement de sujet, mais c’est la loi du genre. Le médicament n’est pas un produit marchand comme un autre : son but est de soigner et, si possible, de guérir les malades. Nous espérons tous pouvoir disposer de médicaments innovants afin de nous prémunir contre de nombreuses maladies pour lesquelles il n’existe pas encore de traitements efficaces, et contre des fléaux tels que les maladies tropicales.

Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, vous vous apprêtez à demander de gros efforts financiers à l’industrie pharmaceutique. Vous savez combien il est nécessaire de permettre et d’encourager la recherche et le développement, qui exigent des sommes de plus en plus importantes, et de maintenir dans notre pays des sites de production. Pour pouvoir produire, il faut investir. J’avais cru comprendre que le Gouvernement privilégiait une politique contractuelle, avec des engagements pluriannuels, comportant déjà un effort financier de plus de 2,5 milliards d’euros sur trois ans. Tout le monde avait estimé que cet engagement important était de nature à permettre de réelles relations de confiance, qui sont d’autant plus indispensables avec la mondialisation, la plupart des industries du secteur étant aujourd’hui internationales, qu’elles soient américaines, anglaises, suédoises ou, heureusement encore, françaises.

Or vous modifiez unilatéralement la donne en revenant brutalement sur cet engagement et en proposant de ponctionner l’industrie de quelque 2 milliards supplémentaires, avec des dispositions qui n’ont pas été négociées sur le tarif forfaitaire de responsabilité, le générique, une baisse des prix, des déremboursements et des taxes nouvelles. Est-ce ainsi que l’on entend établir et maintenir des relations de confiance avec des partenaires ? D’habitude, lorsque l’on passe un contrat, les deux signataires prennent un engagement. Il est certes souhaitable et nécessaire de parvenir à un juste prix permettant de financer la recherche et la production, mais également à un prix compatible avec les moyens financiers du pays. Il s’agit donc d’obtenir un compromis par la négociation et le contrat, et cela implique l’engagement de chacun des contractants. Les prix français sont considérés comme relativement bas, même s’ils ont tendance à rejoindre les prix européens, ce que tout le monde souhaitait pour lutter contre la concurrence et les importations parallèles.

Monsieur le ministre, vous savez que la mise en place du tarif forfaitaire de responsabilité peut avoir des effets pervers. Ainsi, si le princeps se retrouve au même prix que le générique, on ne sait pas si ce dernier survivra. Si vous souhaitez établir la confiance, je ne peux que vous engager à développer et à maintenir des relations contractuelles avec tous les partenaires, et si possible à ne pas changer la donne chaque année.

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je voudrais attirer votre attention sur la question des dispositifs médicaux. On peut considérer que la taxe sur les dépenses de promotion, qui doit responsabiliser les industriels, se justifie dans la mesure où, par définition, la promotion est inflationniste : plus on vante un produit, plus il a tendance à être prescrit. Le propre du dispositif médical est toutefois un peu différent. Sa promotion attire essentiellement l’attention sur l’aspect technique du produit et éventuellement sur son type d’implantation. Quand il faut remplacer une hanche malade, on met en place une prothèse, pas deux ; quand on installe un pacemaker, on en met un, pas deux. La philosophie du dispositif médical est quelque peu différente de celle du médicament et il aurait peut-être été souhaitable de différencier les deux.

Nous n’avons pas souhaité amender le texte car nous n’avons pas réussi à trouver un moyen de gager la contrepartie, mais il me semble que vous devriez tout de même réfléchir à cet aspect pour ne pas déstabiliser la politique du dispositif médical, qui prend de plus en plus d’importance dans la politique de santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous abordons un aspect essentiel non seulement du projet de loi, mais aussi de la politique de santé du Gouvernement. À cet égard, il me semble que, si le ministre de la santé ne peut pas assister à nos débats – ce que l’on peut concevoir −, le Gouvernement devrait demander la réserve de cet article. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, si, au stade où nous en sommes, vous souhaitez déclarer la réserve pour nous permettre de ne reprendre la discussion de l’article 15 qu’en présence de M. Bertrand, nous n’y verrions pour notre part que des avantages. Quoi qu’il en soit, je poursuis, et, si la réserve devait être demandée, on pourra considérer que j’ai déjà fait une partie de mon intervention. Vous le voyez, je suis de très bonne composition.

La mesure proposée dans cet article est motivée par des raisons financières. La diminution du déficit de l’assurance maladie, telle que prévue pour l’année prochaine, sera essentiellement liée aux mesures que le Gouvernement vient de décider sur le médicament. Le plan Douste-Blazy n’a absolument aucune conséquence sur les dépenses d’assurance maladie, et ce sont les mesures de déremboursement, dont nous parlerons plus tard, et celles sur le médicament qui produiront les effets attendus. Nous voyons bien où nous a conduits le plan Douste-Blazy.

Lors des débats sur la réforme d’août 2004, nous avions expliqué que le médicament était un élément essentiel de la maîtrise des dépenses de santé et qu’il fallait donc agir sur cette composante. Le gouvernement de l’époque et, il y a quelques jours encore, le ministre actuel ont répété que l’opposition n’avait aucune proposition à formuler. Nous avions pourtant proposé une méthodologie destinée à agir sur la question du médicament, et nous avions même chiffré ces mesures, considérant qu’il était possible de trouver, dans les trois ans, 3 milliards d’euros supplémentaires, tandis que vous nous en proposez 2 pour l’année. Nous souhaitions agir sur la prescription, avec des mesures structurantes. Il ne s’agissait pas seulement de ramasser de l’argent, comme vous proposez de le faire, mais d’essayer de modifier les comportements qui font que notre pays est le plus gros prescripteur et le plus gros consommateur de médicaments, non seulement du point de vue de la quantité mais aussi en termes de coût pour l’assurance maladie. Nous voulions renforcer l’indépendance de l’information du médecin, faire évoluer la pratique médicale, la prescription médicamenteuse étant, selon une pratique typiquement française, liée à l’intensification de la médecine à l’acte, conséquence logique du lien entre le médecin et son patient. Il s’agissait, d’une part, de libérer les médecins de la pression commerciale, de l’information et de l’action des laboratoires pharmaceutiques, et, d’autre part, de faire évoluer la pratique médicale vers un mode de paiement non exclusif à l’acte, en nous réservant de réfléchir à la situation de la pharmacopée.

Vous ne nous avez entendus ni à propos des mesures financières ni à propos des mesures structurantes. Aujourd’hui, vous proposez un plan brutal, non structurant, qui crée des taxes et décrète des baisses de prix, sans que les laboratoires en aient été informés. Lorsque, entre 2002 et 2004, vous déclamiez une ode à la spontanéité de l’industrie du médicament, qui devait améliorer la qualité des soins et la productivité de l’appareil de soins par l’introduction de la composante médicamenteuse, nous émettions quelques doutes sur les vertus de ces procédés. Cela ne vous a pas empêchés de supprimer tous les éléments de régulation de l’économie du médicament, ce qui a entraîné la flambée que nous avons connue ces dernières années, au moment même où des molécules fondamentales devenaient disponibles sous forme de génériques et où l’on aurait naturellement dû assister à une baisse des prix.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite que notre débat porte sur la question des médicaments à SMR insuffisant et sur celle de l’information donnée aux praticiens. Pourquoi le Fonds de promotion de l’information médicale − le FOPIM − que nous avions créé a-t-il été mis entre parenthèses, ce qui fait que les médecins n’ont toujours pas d’information indépendante ? Je souhaite que nous parlions également de la prescription en DCI. J’aimerais que le Gouvernement nous expose sa politique industrielle : après avoir embrassé tout le monde en 2002, puis réservé plus particulièrement son affection aux membres du G5, il donne aujourd’hui l’impression d’abandonner complètement la politique industrielle du médicament, ce qui n’est pas une bonne chose pour notre pays.

Peut-être les mesures que vous avez annoncées rassureront-elles certains, mais nous savons bien qu’elles ne seront pas appliquées. Malgré votre brutalité et votre volontarisme, vous ne parviendrez pas à baisser le prix des médicaments dans les semaines qui viennent, à moins de briser l’instrument de contractualisation de l’industrie du médicament. Néanmoins − et c’est d’ailleurs pour cela que vous suscitez autant d’inquiétudes − vous ouvrez la voie à un alignement de la politique française sur la politique allemande en matière de médicaments : nous risquons d’abandonner toute vision stratégique et de n’être plus que des acheteurs de médicaments au plus bas prix.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Gremetz revient ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Telle est la logique vers laquelle vous vous tournez : vous brisez deux maillons de la chaîne, celui de la politique industrielle et celui de la qualité du médicament, au profit d’une seule régulation de la dépense à travers la baisse des prix. C’est une politique insuffisante que vous mettez en œuvre, parce que vous avez refusé d’y réfléchir plus en amont.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, nous discutons d’un article financier qui ne définit aucunement une politique. Vous espérez en effet trouver des recettes susceptibles de compenser les dérapages que nous avons constatés en matière de consommation de soins. Vous allez donc chercher des recettes nouvelles, mais elles ne définissent pas une politique du médicament. M. Le Guen vient d’esquisser les orientations qui pourraient la fonder, car on peut se demander si la France, aujourd’hui, en a encore une, qui soit à la fois une politique de recherche et une politique industrielle. Il s’agit en effet de maintenir une production dans notre pays, y compris par l’intervention d’acteurs étrangers, tant il est vrai que, à l’exception d’un grand groupe qui figure parmi les plus importants du monde, la France n’a plus de laboratoires capables de développer des produits de manière dynamique et pertinente à l’échelle mondiale. C’est nécessaire pour permettre d’accélérer l’accès aux produits pour les patients qui sont traités sur notre territoire.

Nous avons tous un rapport complexe avec les médicaments. D’une part, le chapitre qui leur est consacré est celui qui a le plus augmenté dans toutes les dépenses de santé au cours des dernières années, cependant que la France consomme beaucoup plus de médicaments que les pays comparables de l’Union européenne. Mais, dans le même temps, nous ne pouvons le nier, le médicament est sans doute, dans l’ensemble de l’offre de soins, l’un des acteurs qui ont le plus contribué à améliorer la prise en charge de certaines pathologies lourdes.

Le dialogue avec l’industrie du médicament doit donc être serré, voire contraignant, mais il doit également permettre de développer sur notre propre territoire l’accès aux traitements et les activités de recherche.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Claude Évin. Or, de ce point de vue, l’article 15 n’apporte rien.

Nous affichons une politique contractuelle avec le Comité économique des produits de santé.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Insuffisamment contractuelle !

M. Claude Évin. Mais si cette politique était réellement contractuelle, elle devrait fixer des objectifs et des contraintes différenciés. Nous ne devrions pas avoir besoin, en plus, d’arroser l’ensemble de l’industrie de contraintes uniformes qui ne font pas de distinction en fonction des objectifs que se fixe tel ou tel groupe industriel.

Il faut faire un choix, développer une politique contractuelle, fixer des contraintes dans ce cadre et mettre fin aux contraintes que nous développons de manière indifférenciée à l’égard de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique, ce qui a été fait même avant 2002, je le reconnais.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Claude Évin. Si nous continuons de la sorte, nous allons creuser la tombe de l’industrie pharmaceutique, car elle n’est pas homogène, elle est même très disparate.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Claude Évin. Si nous voulons avoir une véritable politique du médicament, il faut renoncer à la stratégie uniquement financière qui inspire l’article 15 et lui substituer une politique ciblée – nous aurons l’occasion d’y revenir à propos du médicament orphelin – que seule permet la contractualisation.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je pourrais, moi aussi, parler pendant des heures sur ce thème. Je dirai simplement à Claude Évin que ce rapport complexe avec le médicament, nous l’avons tous, sur tous les bancs et qu’il en va de même avec l’industrie pharmaceutique. Face à la mondialisation et aux évolutions extrêmement rapides de cette industrie, la France a réagi avec retard, j’en conviens. N’oublions pas toutefois la constitution, il y a trois ans, de Sanofi-Synthélabo, qui a permis de placer un groupe essentiellement français parmi les cinq plus grands du monde. C’est un signe fort, qui a déjà entraîné le redressement d’un bon nombre d’entreprises françaises du médicament.

Un véritable problème se pose toutefois à l’Université et en matière de recherche. Jean-François Mattei, qui œuvrait beaucoup dans ce domaine, m’avait demandé de rencontrer des personnalités américaines. Celles-ci se déclaraient prêtes à implanter leur recherche en France si les relations entre l’industrie et la recherche, l’industrie et l’Université, l’Université et la recherche, s’amélioraient.

M. Bruno Gilles. Très juste !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Espérons que la future loi de programmation sur la recherche apportera une réponse dans ce domaine.

M. Claude Évin. En tout cas, l’article 15 n’y contribue pas.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Peut-être, mais je peux me permettre de déborder le cadre de cet article, comme vous-même l’avez fait.

Comme Jacques Domergue, je pense que les dispositifs médicaux doivent absolument être dissociés du médicament car ils n’ont rien de commun. Les entreprises françaises de cette filière sont, pour la plupart, des entreprises étrangères implantées en France. Les seules petites entreprises qui pourraient apporter quelque chose dans ce domaine ne pourront pas résister à des mesures comme celles qui sont proposées. Séparer les dispositifs médicaux du médicament me paraît être très important et j’espère, monsieur le ministre, que, grâce à votre équipe, vous trouverez le moyen de le faire.

M. Bruno Gilles. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je voudrais d’abord répondre à Jean-Luc Préel que le Gouvernement est très attaché à la politique contractuelle et conventionnelle du médicament, mise en place en 1993 par Mme Simone Veil.

Les prix européens continueront à être appliqués dans notre pays pour l’introduction de médicaments qui apportent de réelles innovations thérapeutiques, nous y sommes très attachés.

Monsieur Évin, le Gouvernement veille à ce que l’effort sur la recherche en matière de médicament se poursuive à un rythme élevé. Ainsi, l’année dernière, 2,7 milliards d’euros ont été consacrés à la recherche publique dans les sciences du vivant, en plus des 2,6 milliards d’euros investis par l’industrie pharmaceutique.

Nous continuerons naturellement à récompenser l’innovation thérapeutique aux prix européens. Et si nous cherchons aujourd’hui à réduire les déficits de l’assurance maladie, c’est aussi pour permettre d’incorporer tous ces progrès thérapeutiques dans la liste des médicaments remboursés et pris en charge par l’assurance maladie.

Le Gouvernement continue aussi à promouvoir une politique industrielle du médicament ambitieuse, à travers notamment les pôles de compétitivité et la coopération entre la recherche publique et la recherche privée, qui était, jusqu’à présent, le maillon faible de la France dans le domaine du médicament.

Je voudrais aussi rebondir sur la préoccupation exprimée par le président de la commission des affaires sociales et par son rapporteur, M. Domergue, en ce qui concerne la distinction entre les dispositifs médicaux et les médicaments eux-mêmes. Ce sont des produits médicaux d’une nature différente, c’est vrai. Aussi les dispositions qui vous sont proposées dans le cadre de cette loi de financement de la sécurité sociale n’abolissent-elles pas cette distinction ; elles visent simplement à ce que la taxe sur les publicités soit appliquée à des dispositifs médicaux qui, aujourd’hui, en sont exclus sans que cette différence de traitement soit réellement justifiée et alors même que la dépense pour ces dispositifs médicaux continue à s’accroître d’une manière qui pourrait être jugée excessive.

Monsieur Le Guen, je me réjouis que vous ayez pris conscience de l’importance de l’industrie pharmaceutique dans notre pays, aussi bien pour la recherche et le développement que pour le progrès médical et l’emploi.

M. Claude Évin. C’est de la petite polémique !

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, franchement, ce n’est pas brillant !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cela n’a pas été toujours le cas. Rappelez-vous : en 2001, le prix des médicaments innovants avait été baissé à l’initiative de Mme Guigou.

La politique du médicament que nous conduisons est une politique structurelle. Elle vise naturellement à réduire les dépenses inutiles, en promouvant le bon usage et le juste prix du médicament. En outre, la création de la charte de la visite médicale est destinée à rendre les informations plus déontologiques. Le seul but poursuivi est la prise en charge de l’innovation thérapeutique aux prix européens.

J’en donnerai un exemple, très simple. On parle beaucoup des médicaments qui, à la suite de la recommandation de la Haute autorité de santé, font l’objet d’un déremboursement et, comme par hasard, on ne parle jamais des 196 médicaments qui ont été ajoutés à la liste des médicaments remboursables l’an dernier et qui ont donc été pris en charge, en 2005, par l’assurance maladie. Les médicaments qui sortent de la liste sont ceux dont le service médical rendu est insuffisant, ceux qui entrent dans la liste sont en revanche des médicaments innovants, performants et qui apportent un vrai plus aux Français en termes de soins.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous en êtes sûr ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous avons par exemple choisi de rembourser un médicament contre le cancer que les Britanniques ont refusé au motif qu’il n’apportait, en moyenne, qu’une rémission de deux mois et qu’il était trop cher. Nous avons considéré que deux mois de rémission en moyenne c’était beaucoup, puisque, pour certains patients, cela pouvait aller jusqu’à un an.

Si nous voulons continuer à avoir une politique dynamique de prise en charge du progrès médical au profit de tous les Français, il faut aussi que nous sachions gérer de façon sérieuse la dépense sur les médicaments remboursés. Ainsi, l’industrie pharmaceutique a bénéficié d’une croissance de son chiffre d’affaires de 5 % en 2005, alors qu’elle s’était engagée à la limiter à 1 %. Il est donc légitime de faire appel à sa responsabilité pour parvenir à une meilleure régulation de la progression des dépenses.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour une brève intervention.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un sujet essentiel, monsieur le président, qui dépasse le cadre du PLFSS. Le médicament est une composante importante de l’ensemble des soins, il concerne des dizaines de milliers d’emplois et il draine des milliards d’euros en matière de recherche.

À ce sujet, j’aimerais qu’on arrête de répéter sans cesse les mêmes inexactitudes. L’innovation dans le domaine du médicament pose problème dans le monde entier. C’est une des données de la période que nous vivons. Nous ne connaissons plus les mêmes avancées thérapeutiques qu’il y a dix ou vingt ans. Pourtant, l’industrie pharmaceutique chante sur tous les tons, et le refrain est repris ici même, « Tout va très bien, madame la marquise, les innovations sont extraordinaires, payez-les à n’importe quel prix ! »

Le dossier des SMR insuffisants est sur la table des pouvoirs publics depuis plus de dix ans. Nous savons parfaitement que les preuves scientifiques de l’evidence based medecine ne vont pas, pour l’essentiel, dans le sens d’un avantage réel. Mais en Allemagne, par exemple, les dépressions et les états d’angoisse sont traités beaucoup plus par la phytothérapie que par les anxiolytiques ou les antidépresseurs. Ces médicaments, que nous prescrivons abusivement en France, seraient-ils considérés dans la pharmacopée allemande comme ayant un SMR élevé ? Nous avons toutes les raisons de penser que non.

Comment les industriels ont-ils pu croire aussi longtemps que les pouvoirs publics ne seraient pas amenés à prendre la décision de moins rembourser ou de dérembourser ces fameux médicaments à SMR insuffisant ? Quel est le responsable des pouvoirs publics qui, il y a deux ans, pouvait encore leur faire croire, alors que nous connaissions des difficultés de financement de l’assurance maladie, que nous continuerions à rembourser larga manu tous ces produits ? Ont-ils été bien informés ou sont-ils à ce point aveugles ? C’est une question qu’il faut leur poser.

Cela dit, est-il opportun de décider le déremboursement de ces médicaments et de fermer les yeux d’une façon pudique sur d’autres prescriptions très répétitives, trop coûteuses : je pense notamment aux produits « me too », et souvent critiquables ou inappropriées : je pense à ce qui s’est fait avec le Vioxx, le Celebrex, ou encore avec les statines. Ne nous laissons pas abuser par tous ces discours autour d’innovations qui n’en sont pas réellement.

À l’inverse, nous décidons de diminuer le remboursement des fameux veinotoniques, alors même que, s’ils n’ont pas un avantage médical absolu, en tout cas clairement démontré, ces produits présentent un intérêt industriel certain pour notre pays.

Ce choix est dicté par la naïveté que nous avons de croire que, chaque année, un grand nombre de molécules nouvelles arrivent sur le marché. Certes, quelques molécules sont de véritables révolutions thérapeutiques, mais pas toutes, loin de là.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. La démarche du déremboursement a été engagée par Mme Martine Aubry.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez choisi de dérembourser, monsieur le ministre, alors que vous avez refusé la création d’une mission d’information sur le médicament qui nous aurait permis de poser ces questions.

M. Jean-Marc Roubaud. On a déjà voté !

M. Jean-Marie Le Guen. Je crois qu’il y a une réelle surestimation de la valeur thérapeutique, de l’innovation, du prix et du besoin de prescription d’un certain nombre de médicaments. Au lieu de nous en préoccuper, nous avons fait le choix, avec un discours d’une naïveté confondante, de dérembourser des médicaments qui sont au cœur de l’industrie française.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. On ne peut pas soutenir, comme l’a fait M. Le Guen, que les améliorations en termes de déficit de la sécurité sociale sont uniquement dues aux efforts qui sont menés cette année sur la politique du médicament. C’est oublier les progrès accomplis avec le médecin traitant, dont le succès dépasse nos espérances.

M. Claude Évin. Avec quelles retombées sur les déficits ?

M. Laurent Wauquiez. D’autre part, nous devons tous admettre, s’agissant de la politique du médicament, pour l’heure en cours de modernisation, qu’il est temps de réorienter des négociations assez obsolètes et menées à l’aveugle dans deux directions fondamentales, la première consistant à donner aux industriels un minimum de stabilité dans le temps, stabilité qui leur est nécessaire aussi bien pour l’innovation que pour l’emploi ; la seconde visant à développer une vison plus stratégique, qui permette notamment de favoriser les laboratoires ayant une politique de création d’emplois sur notre territoire.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 15.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour soutenir l’amendement n° 301.

M. Jean-Pierre Door. rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 301.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 279.

La parole est à M. Bernard Depierre, pour le soutenir.

M. Bernard Depierre. L’extension de la clause de sauvegarde aux produits de la rétrocession hospitalière va se révéler difficile à mettre en place. En effet, si l’on dispose aujourd’hui pour les médicaments de ville d’un outil statistique, le GERS, accepté par tous, il en va tout autrement concernant la rétrocession, pour laquelle seules les CPAM et la CNAM sont en mesure de consolider les données. Par ailleurs, l’accord-cadre hospitalier signé entre le LEEM et le Comité économique des produits de santé comporte déjà des dispositions en matière de rétrocession.

On peut également craindre qu’une telle mesure ne pénalise le patient, dont l’accès aux produits les plus innovants serait réduit. De là à parler de rationnement, il n’y a qu’un pas.

C’est compte tenu de l’ensemble de ces problèmes que notre amendement vise à supprimer la mesure d’extension de la clause de sauvegarde aux produits de la rétrocession hospitalière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. J’avoue, monsieur Depierre, que nous avons eu du mal à comprendre le sens de votre amendement, et je m’en excuse. Les produits délivrés en milieu hospitalier le sont exclusivement dans les pharmacies hospitalières. Il s’agit soit de médicaments innovants dont la vente n’est pas autorisée dans les pharmacies de ville, soit de médicaments qui peuvent être dangereux et sont réservés à certaines spécialités médicales. C’est pourquoi l’article 15 prévoit une clause de sauvegarde. Vous évoquez, pour demander sa suppression, des difficultés d’ordre réglementaire et psychologique qui ne m’apparaissent pas très clairement. C’est en partie à cause de cette incompréhension que la commission a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement, monsieur Depierre, parce qu’aujourd’hui les dépenses dites de rétrocession, c’est-à-dire liées aux prescriptions de médicaments qui sortent de la réserve hospitalière, progressent de manière très rapide : 29,4 % en 2001, 34,4 % en 2002, 11,8 % en 2003 et encore 8 % en 2004.

Il est donc difficile de justifier une différence de traitement dans l’application de la clause de sauvegarde entre deux catégories de médicaments, l’une prescrite et servie en ville, l’autre prescrite et servie à partir de l’hôpital. C’est pour appliquer le même traitement à ces deux catégories de médicaments que le Gouvernement a proposé cette disposition de l’article 15.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Le Gouvernement est cohérent. On peut certes contester la clause de sauvegarde – ce qui est un autre débat – mais, si elle existe, elle doit s’appliquer à l’ensemble des produits.

J’ajouterai simplement pour compléter les propos du ministre que, si, comme les chiffres en témoignent, les dépenses de rétrocession connaissent une progression importante, c’est parce que les établissements hospitaliers remplissent une mission particulière, à savoir la délivrance de médicaments particulièrement onéreux.

Sans remettre en cause la nécessité de veiller à ce que les pharmacies hospitalières gèrent au mieux la distribution de ces médicaments, cette rétrocession entre pour une large part dans les contraintes budgétaires que connaissent les établissements de santé – nous y reviendrons ultérieurement dans le débat.

Par ailleurs, si ces médicaments se révèlent de plus en plus onéreux, faisant exploser le chapitre « médicament » des budgets hospitaliers, il faut malgré tout préciser qu’ils répondent à des traitements de pathologies lourdes. L’une des missions de l’hôpital étant précisément le traitement de ces pathologies lourdes, cette rétrocession est normale, même si elle pèse sur les charges des établissements publics de santé.

M. le président. Monsieur Depierre, maintenez-vous votre amendement ?

M. Bernard Depierre. Non, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 279 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 127.

La parole est à M. Bruno Gilles, pour le soutenir.

M. Bruno Gilles. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement précédent.

M. Claude Évin. Non, c’est exactement le contraire !

M. Bruno Gilles. L’article 15 crée une clause de sauvegarde sur la croissance du chiffre d’affaires des médicaments rétrocédés par les hôpitaux à des patients qui viennent de la ville, et atteints par exemple d’un cancer ou du sida. Cette clause a pour objectif de taxer cette croissance, à l’instar du dispositif qui existe depuis des années pour les médicaments remboursables vendus en officine.

La rédaction proposée me paraît cependant insuffisamment précise sur deux points. D’une part, les produits vendus en double circuit : ville et hôpital, ce qui est le cas, par exemple, pour le traitement du sida, ou le sera demain pour certains anticancéreux, sont des médicaments déjà taxés en ville ; or la rédaction actuelle de l’article 15 semble les inclure dans l’assiette de la taxe hospitalière. D’autre part, l’article tel qu’il est rédigé inclut dans l’assiette de la taxe non seulement les produits vendus à l’hôpital pour la rétrocession à des patients non hospitalisés, mais aussi les ventes destinées aux patients hospitalisés et ne donnant pas lieu à rétrocession.

L’amendement que je propose a donc pour but de préciser le champ de la nouvelle taxe, dans un esprit conforme aux ambitions affichées par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur Gilles, de nombreux médicaments distribués par la pharmacie hospitalière ne sont pas délivrés en ville. Dans la plupart des cas, il n’y a donc qu’un seul circuit, même si, pour certaines pathologies que vous avez mentionnées, il existe des médicaments distribués à l’hôpital, puis en ville. Si, pour ces cas-là, le Gouvernement peut confirmer qu’il n’y a pas de double taxation, la commission maintient son avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je rassure M. le rapporteur et M. Gilles, auteur de cet amendement avec M Tian, sur le fait qu’il n’y aura pas de double taxation. Les dispositions prises dans le cadre de l’article 15 l’excluent formellement.

Ces dispositions ont été dictées par la nécessité de prendre des mesures de bonne gestion pour l’hôpital lui-même. L’hôpital ne doit pas miser sur la rétrocession de médicaments pour obtenir des ressources supplémentaires, car cela ne peut qu’aboutir à un mauvais usage du médicament et à des prescriptions excessives voire injustifiées. C’est la raison pour laquelle nous voulons appliquer la clause de sauvegarde à la rétrocession, comme nous l’appliquons pour les médicaments vendus en officine.

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles.

M. Bruno Gilles. Devant les assurances du Gouvernement, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 127 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements nos 11, 44 rectifié, 94 deuxième rectification et 194, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 11 fait l’objet d’un sous-amendement n° 363 rectifié du Gouvernement.

Les amendements nos 11 et 44 rectifié sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour soutenir l’amendement n° 11.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je laisse à M. Évin le soin de présenter l’amendement n° 11.

M. le président. Je vous en prie, monsieur Évin.

M. Claude Évin. Cet amendement concerne les médicaments orphelins, au sujet desquels plusieurs parlementaires ont fait part de leur préoccupation. Ce sont des médicaments affectés au traitement de pathologies qui ne concernent que quelques dizaines, au plus quelques centaines de patients à travers le pays et nécessitent donc une attention particulière.

De manière générale, les dispositifs de taxation ont toujours pris en compte la spécificité de ces médicaments, qu’il s’agisse de la taxe sur la promotion, ou taxe sur la publicité, de la clause de sauvegarde ou encore de la taxe sur les ventes directes. Chaque fois qu’un gouvernement a instauré une taxation sur les produits pharmaceutiques, celle-ci s’est accompagnée de mesures d’exonération ou d’abattement pour les médicaments génériques, d’une part, et les médicaments orphelins, d’autre part.

Il y a deux ans, lorsqu’à la suite d’un amendement déposé par Pierre Morange a été mise en place une taxation sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique, les médicaments génériques ont été exclus de l’assiette de ce prélèvement mais pas les médicaments orphelins. Or Pierre Morange a lui-même reconnu, il y a quelques jours, lors des débats en commission, qu’il s’agissait vraisemblablement d’un oubli.

Notre amendement propose donc de réparer cet oubli et d’exclure de l’assiette de taxation du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique les médicaments orphelins. C’est une mesure indispensable si l’on veut promouvoir la recherche et le développement de ces médicaments, qui représentent un segment très particulier du marché.

Le Gouvernement a déposé un sous-amendement à l’amendement n° 11 pour que l’exonération ne soit applicable qu’aux médicaments orphelins dont l’indication est clairement ciblée sur une maladie orpheline, et je peux comprendre cette préoccupation. Certains médicaments ont en effet le statut de médicaments orphelins, mais soignent aussi des cancers et pas uniquement les maladies orphelines que sont, par exemple, les maladies de Fabry, de Pompe ou de Gaucher, dont ne sont atteintes que très peu de personnes. Il ne me semble donc pas discutable de vouloir cibler l’exonération sur des médicaments dont l’indication est exclusivement le traitement des maladies orphelines.

En revanche, le Gouvernement introduit un second critère – seuls seraient concernés les médicaments qui auraient obtenu l’autorisation de mise sur le marché après le 1er janvier 2006 –, partant du principe que les médicaments présents sur le marché ont déjà été développés et qu’il n’y a pas lieu de les faire profiter de l’exonération. Cet argument me laisse perplexe. En effet, il n’a jamais été retenu lorsque d’autres prélèvements étaient en cause. De plus, monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur le fait que les groupes industriels produisant ce type de médicaments sont généralement de petite taille, ne distribuent pas de dividendes à leurs actionnaires et réinvestissent souvent tous leurs bénéfices dans la recherche. Il serait donc bon que les bénéfices qu’ils pourraient éventuellement réaliser sur des produits ayant déjà obtenu l’autorisation de mise sur le marché avant le 1er janvier 2006 soient utilisés pour développer des produits nouveaux attendus par les patients. Il me semblerait incohérent de ne pas appliquer l’exonération aux médicaments ayant obtenu l’AMM avant le 1er janvier 2006. Je ne peux pas, selon les règles de la procédure, sous-amender le sous-amendement du Gouvernement, mais je souhaite, monsieur le ministre, que vous fassiez disparaître cette restriction au Sénat.

M. Pierre-Louis Fagniez. Vous avez raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 363 rectifié et donner l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement et l’Assemblée devraient pouvoir trouver un terrain d’entente sur cette question des médicaments orphelins. Vous avez rappelé, monsieur Évin, l’importance des aides aujourd’hui accordées, dans le cadre tant européen que national, aux industries qui développent ces médicaments. Les initiateurs d’une telle politique ont été les États-Unis et le Japon, il y a plus de quinze ans. L’Europe, et la France notamment, ont également décidé de mettre en œuvre une politique de développement du médicament orphelin pour intéresser l’industrie pharmaceutique à la recherche sur le traitement de maladies souvent extrêmement graves, mais pour lesquelles il n’existait pas de médicaments. En effet, l’application des règles du droit commun ne rendait pas rentable la recherche sur de tels médicaments. Un tel effort en faveur de l’industrie des médicaments orphelins est donc nécessaire pour les patients atteints de ces maladies.

Cela étant, beaucoup de médicaments qui ont été développés dans le monde au titre des dispositifs spécifiques aux médicaments orphelins ont finalement trouvé des marchés considérables sur des indications médicales qui échappaient aux premières prévisions de leurs promoteurs. C’est vrai notamment pour certains médicaments précurseurs dans le traitement du sida et qui s’étaient développés grâce à l’application de la législation américaine sur les médicaments orphelins. En voulant encourager la production de médicaments orphelins, il faut donc veiller à ne pas ajouter des aides au développement de médicaments qui sont déjà très profitables selon les règles du marché normal.

Si le Gouvernement partage votre préoccupation, il a donc déposé un sous-amendement qui tend à limiter l’exonération, pour éviter les effets d’aubaine, aux médicaments ayant obtenu leur AMM après le 1er janvier 2006 et qui ne sont prescrits que pour des indications orphelines. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement lève le gage sur l’amendement n° 11.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 363 rectifié ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a voté l’exonération des médicaments orphelins à l’unanimité et je remercie M. le ministre d’accepter l’amendement n° 11 et de lever le gage. En revanche, je pense, comme M. Évin, que l’exonération devrait bénéficier aussi aux médicaments ayant obtenu leur AMM avant le 1er janvier 2006 et je souhaite que le texte soit amélioré au Sénat.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement peut toujours modifier son sous-amendement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 44 rectifié.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. La commission des finances a adopté à l’unanimité un amendement identique à celui de la commission des affaires culturelles. Je vous demande moi aussi, monsieur le ministre, de retirer le critère de la date. Les entreprises concernées sont de petite taille, s’occupent de maladies souvent négligées, et nous voulons leur donner un signe clair.

M. le président. Je précise, pour que les choses soient claires, que vous avez la possibilité, monsieur le ministre, de rectifier votre sous-amendement, mais que les rapporteurs ne peuvent le sous-amender.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne comprends pas bien, monsieur le ministre. Vous craignez qu’il soit possible, pour un laboratoire s’occupant de médicaments orphelins, de gagner un tout petit peu trop d’argent ? Avec les méthodes que vous venez d’utiliser, qui vous permettent de ramasser l’argent comme avec un râteau, vous ne devriez pas avoir peur ! Lorsqu’on voit les besoins considérables qui existent dans ce domaine, ce n’est pas le moment d’être chiche ! Vous pouvez récupérer vos billes sur d’autres produits. On manque des quelques millions d’euros qui permettraient de relancer les programmes de recherche contre la leishmaniose, alors faites des économies ailleurs ! S’il faut taxer les laboratoires, il me semble que vous savez faire !

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour soutenir l’amendement n° 94 rectifié.

M. Bruno Gilles. J’ai également déposé un amendement allant dans ce sens. Il est vrai qu’il faut lutter contre les effets d’aubaine, et le critère concernant les indications du médicament me paraît fondé. En revanche, pour ce qui est de la date, le Gouvernement devrait faire un effort.

M. le président. C’est pourquoi j’ai rappelé au Gouvernement qu’il pouvait lui-même rectifier son sous-amendement.

La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Il est vrai qu’il pourrait y avoir des effets d’aubaine pour les médicaments orphelins qui peuvent aussi être prescrits pour d’autres maladies, mais la première partie du sous-amendement garantit que l’exonération ne s’appliquera pas à ceux-là. À partir du moment où nous avons la certitude que l’exonération sera bien ciblée, vous avez tout intérêt, monsieur le ministre, si vous voulez aider au développement des véritables médicaments orphelins, à permettre que les bénéfices des laboratoires soient réinvestis dans la recherche sur d’autres médicaments orphelins. Devant l’unanimité qui se dégage au sein de l’Assemblée, vous avez le choix entre deux solutions : supprimez le critère de la date, ou alors, si c’est trop compliqué, changez-la et remplacez « 1er janvier 2006 » par « 1er janvier 1906 » ! (Sourires.)

M. Bruno Gilles. Belle proposition !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce n’est pas une difficulté rédactionnelle qui me retient ! J’ai bien entendu vos arguments, mais je ne veux pas prendre dès maintenant une décision à l’aveugle. Bien sûr, nous voulons tous inciter au développement des médicaments qui traitent les maladies rares, mais, justement, il existe déjà, pour les industriels qui se lancent dans cette aventure, le dispositif fiscal européen, l’exclusivité, qui empêche que le médicament orphelin tombe dans le domaine public dans le même délai que les autres médicaments, et la prolongation de six mois du brevet. De ce fait, certaines entreprises, bien que petites, sont également extrêmement profitables. Je ne voudrais pas, en changeant la date comme vous me demandez de le faire, créer des avantages qui ne seraient pas justifiés par le développement de médicaments orphelins, mais s’ajouteraient à des activités déjà très bénéficiaires.

Il faut donc qu’au cours du débat sur le projet de loi de financement, nous puissions approfondir cette question, avant que je ne sois en mesure de prendre une décision concernant le texte qui résulte du sous-amendement actuel du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle, à ce stade, je ne veux pas le modifier tout en ne fermant pas définitivement la porte à des modifications ultérieures.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. J’ai bien entendu les remarques de M. le ministre. Je prends note de la nécessité d’une étude analytique des médicaments orphelins avant toute modification supplémentaire et donne un avis favorable au sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 363 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11, modifié par le sous-amendement n° 363 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement n° 44 rectifié, monsieur le président.

M. le président. Et qu’en est-il des deux derniers amendements ?

M. Bruno Gilles. Je retire l’amendement n° 94 deuxième rectification.

M. Claude Évin. Et je considère que l’amendement n° 194 est satisfait.

M. le président. Les amendements nos 44 rectifié, 94 deuxième rectification et 194 sont retirés.

Je suis saisi d’un amendement n° 152.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à pérenniser l’augmentation de la contribution des laboratoires pharmaceutiques, assise sur leur chiffre d’affaires, en ne la limitant pas seulement à l’année 2006.

Tout le monde reconnaît que l’un des plus importants postes de dépenses aujourd’hui est celui du médicament. Les remboursements ont progressé de 6 % en 2004, ce qui correspond à un coût de 17 milliards, soit 30 % des dépenses de soins de ville.

Ces dépenses ont beaucoup pesé sur les comptes de l’assurance maladie, et cela correspond à une flambée des prix. Entre 1990 et 2001, le prix du médicament a augmenté de 63 % dans notre pays, alors que, pour la même période, il n’a augmenté que de 28 % en Italie et de 17 % en Allemagne. Il y a donc lieu de travailler davantage à la maîtrise des prix, notamment par le biais de la contractualisation.

Cette hausse pourrait éventuellement être acceptable, si elle était contrebalancée par un retour sur investissement qui permette d’affecter les gains à la recherche de nouvelles thérapies, notamment en ce qui concerne les maladies orphelines. Mais, tout naturellement, l’industrie pharmaceutique préfère multiplier les molécules rentables pour valoriser le portefeuille de ses actionnaires.

C’est pourquoi nous souhaitons mettre en place des leviers incitatifs pour la recherche et l’innovation et pénaliser davantage la multiplication de molécules pour une même pathologie.

Notre amendement va dans ce sens, en fixant définitivement le taux de contribution sur le chiffre d’affaires à 1,96 %. Il s’agit d’encourager la recherche et de faire contribuer l’industrie pharmaceutique au financement de l’assurance maladie. Car il ne faut pas oublier que c’est en partie grâce à l’assurance maladie que cette industrie dégage des bénéfices considérables : 8,75 milliards pour le laboratoire Pfizer et 4,42 milliards pour le laboratoire Merck en 2004.

La mesure que nous proposons aurait des effets bénéfiques, sans pour autant précipiter l’industrie pharmaceutique dans la faillite, ce que nous ne souhaitons pas, bien évidemment. Nous visons un équilibre entre la liberté d’entreprendre et la mission d’intérêt général, chère à la représentation nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cette proposition est un véritable contresens, madame Fraysse. Le taux de cette contribution ne peut être fixe, il doit au contraire être lié aux résultats réalisés chaque année. Cela relève plutôt de la négociation et de la contractualisation entre les entreprises du médicament et le Gouvernement. Laissons-nous des marges de manœuvre, vers le haut comme vers le bas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Pourquoi avons-nous décidé une hausse exceptionnelle de la taxe sur le chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques ?

M. Jean-Marie Le Guen. « Exceptionnelle » : autrement dit, vous ne comptez pas la reconduire l’année prochaine !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Tout simplement parce que leur chiffre d’affaires a augmenté de 5 % alors que leur engagement portait sur une augmentation de 1 %.

Au moyen de cette hausse, l’assurance maladie récupère exactement la partie de l’augmentation des dépenses induite par l’accroissement du chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques qui ne peut pas être récupérée par la clause de sauvegarde. Celle-ci prévoit le versement de 70 % du chiffre d’affaires excédentaire à l’assurance maladie. Avec la récupération des 30 % restants, l’engagement initial des industries est respecté.

L’objet même de notre politique conjoncturelle à l’égard de l’industrie pharmaceutique est de rétablir le respect des engagements pris d’une hausse de 1 %. Mais comme les dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale visent à revenir à une progression normale du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique, nous ne voyons aucune raison aujourd’hui pour que cette hausse soit reconduite l’an prochain. C’est pourquoi nous ne pouvons approuver cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous voyons là la différence fondamentale entre vos propositions, monsieur le ministre, et les miennes. Vous considérez qu’il existe une hausse « raisonnable » du chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques. Pour ma part, je considère qu’elles peuvent supporter sans dommage une augmentation permanente de leur contribution. Les bénéfices qu’elles réalisent nous autorisent en effet à pérenniser la hausse de taxe que vous entendez limiter à 2006. Certes, cela n’empêche pas qu’il y ait chaque année, comme l’a suggéré M. Door, de nouvelles négociations et un réexamen de la situation, mais le texte actuel ne nous paraît pas suffisant pour corriger une anomalie aussi forte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous venez de prendre l’engagement qu’il n’y aurait pas de taxe l’année prochaine. J’en doute car les finances de l’assurance maladie seront encore une fois à genoux et le plan gouvernemental pour le médicament ne comprend aucune mesure structurante visant à maîtriser les dépenses.

On pourrait avoir l’impression que l’on se contente ici de belles déclarations sans entrer dans le vif du sujet. Pour ma part, j’aimerais interpeller solennellement le Gouvernement sur le fonctionnement de la Haute autorité de santé, qui a recommandé le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant. La création de cette institution a été l’un des points les plus positifs de la loi d’août 2004. Or, aujourd’hui, nous reviennent des bruits selon lesquels son fonctionnement n’est pas des plus harmonieux, ce que nous pourrons vérifier dans les mois qui viennent. Mais ce qui me frappe plus encore, c’est la faible productivité de cette structure, censée élaborer des normes scientifiques pour l’ensemble du système de santé. Elle semble s’être limitée à la fameuse recommandation sur les médicaments à SMR insuffisant, oubliant d’y faire figurer l’homéopathie ou les fameux « me too ». Elle n’a d’ailleurs même pas fait preuve d’innovation puisque ce travail scientifique avait déjà été mené depuis une dizaine d’années.

Ce n’est d’ailleurs qu’un premier sujet d’inquiétude, car j’ai été extrêmement choqué par les déclarations du président de la Haute autorité à l’occasion de la publication de la liste des médicaments déremboursés. Souvenez-vous que, lors de nos débats du mois de juillet 2004, nous avions bien pris soin de préciser que les responsabilités de la Haute autorité étaient essentiellement d’ordre scientifique et non pas économique. Or que déclare son président dans une interview à Libération, au moment où l’instance émet son premier avis public important ? « Notre pays n’a plus les moyens économiques de se payer des médicaments de confort. » De quel mandat politique se réclame-t-il pour pouvoir dire quels moyens la nation doit attribuer à la santé publique ? Il y a là une invraisemblable confusion des genres, car son rôle est de donner des avis scientifiques sur l’efficacité des médicaments. Tout cela fait perdre beaucoup de sa crédibilité à la Haute autorité. Désormais, à chaque fois que l’on sollicitera son avis, on se demandera s’il est bien fondé sur des considérations scientifiques.

C’est un dysfonctionnement d’autant plus grave que le ministre, à l’époque, avait été très clair à cet égard. Nous voulions justement éviter que des jugements subjectifs, idéologiques, ne viennent se mêler aux recommandations d’ordre scientifique. Et voilà qu’à la première occasion : patatras ! le président nous explique que la médecine de confort n’a plus à être prise en charge par la sécurité sociale. Voilà qui nourrit notre inquiétude pour l’avenir de cette institution, qui était sans doute l’une des moins contestées de la réforme Douste-Blazy.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Faut-il vous rappeler, monsieur Le Guen, que le déremboursement de certains médicaments dont le service rendu semble insuffisant au regard de critères scientifiques a été initié par Mme Aubry en 1999 ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je n’ai jamais dit le contraire !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Elle s’est même vantée devant Jean-Luc Préel et moi-même d’avoir eu, elle, là où tous les autres ministres avaient faibli, le courage de trancher. Force est pourtant de constater que ni Mme Aubry ni Mme Guigou n’ont tranché et que c’est finalement notre majorité qui a eu ce courage.

M. Jean-Marie Le Guen. De trancher à 15 % !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Certains médicaments qui, vous avez raison, sont actifs, mériteraient d’être pris en charge pour le bien-être qu’ils apportent. Mais, parce que nous souhaitons que les molécules les plus actives et les plus innovantes pour lutter contre la maladie ou l’accompagner puissent être prises en charge, nous devons demander aux assurés d’assumer eux-mêmes au moins une part des dépenses liées à ces médicaments de bien-être.

Je considère, pour ma part, que l’automédication n’est pas suffisamment développée dans notre pays et je souhaiterais, monsieur le ministre, que nous réfléchissions à la possibilité de mettre à la disposition des consommateurs, dans les pharmacies, des médicaments actifs permettant de soigner de petites pathologies. Si l’automédication est réduite aujourd’hui à sa plus simple expression, c’est en effet parce qu’on l’a pratiquement vidée de toutes les molécules actives. Le pharmacien, dans ce rôle de conseiller, trouverait une autre place qu’il n’a actuellement dans le système de santé, et je sais que cela répondrait à une demande.

Monsieur Le Guen, cessez donc ces querelles et ne remettez pas en cause la Haute autorité de santé : c’est une chance que nous l’ayons, car ses avis scientifiquement fondés faciliteront les prises de décision politiques.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Madame Fraysse, dans votre exposé sommaire, il est question de pérenniser à 1,96 % l’augmentation de la contribution des laboratoires pharmaceutiques. Or, lorsque vous avez défendu votre amendement, vous avez demandé au ministre de revoir la question l’année prochaine. Il y a là quelque chose d’antinomique.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai demandé d’évaluer le dispositif, non de le revoir !

Mme Claude Greff. Mieux vaut adopter un équilibre et travailler en fonction des activités et des besoins, d’autant que ces derniers sont très précis cette année puisque nous connaissons l’augmentation du prix des médicaments.

Monsieur Le Guen, j’ai l’impression que vous confondez le fonctionnement ancien de la sécurité sociale et celui que veut aujourd’hui privilégier le Gouvernement, centré sur le comportement responsable. Pour vous, telle personne serait habilitée à parler sur le plan scientifique, et telle autre sur le plan économique. Nous voulons aujourd’hui des hommes et des femmes responsables, sachant parler sur les deux plans. Bref, nous voulons éviter de lobotomiser les esprits !

La Haute autorité de santé, aujourd’hui comme hier – la seule différence étant qu’elle est aujourd’hui mieux considérée –, est capable de réfléchir sur les plans à la fois scientifique et financier. Cette double capacité s’appelle la responsabilité. C’est celle que nous attendons de tous les acteurs.

Nos concitoyens ont en effet pris conscience que l’assurance maladie avait pour but de pérenniser notre système de santé. Aujourd’hui nous demandons à tous et à toutes une plus grande responsabilité non seulement sur le plan de l’engagement financier mais également sur celui de la sécurité médicale.

J’apprécie, monsieur le ministre, votre proposition mais, personnellement, je serais partisane d’un taux inférieur à 1,96 %. Je fais en effet pleinement confiance aux entreprises pharmaceutiques, qui associent recherche, efficacité et emploi. N’oublions pas, madame Fraysse, que, dans les laboratoires pharmaceutiques – vous citiez Pfizer –, un grand nombre d’hommes et de femmes travaillent à l’amélioration des médicaments pour qu’ils soient demain beaucoup plus efficaces.

Mme Jacqueline Fraysse. Certes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Nous sommes tous d’accord pour développer l’automédication, mais je ne peux pas laisser M. Bur dire qu’elle a été vidée de toutes substances actives. C’est faux. Si elle n’est pas développée dans notre pays, c’est parce que, de manière démagogique, la sécurité sociale remboursait jusqu’à présent tout et n’importe quoi.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est fini, ça !

M. Jean-Marc Roubaud. Il faut aujourd’hui la revaloriser en informant nos concitoyens qu’il y a des molécules actives à leur disposition.

Contrairement à ce qu’affirme de manière démagogique M. Le Guen, on ne peut plus tout rembourser. Les médicaments de confort doivent faire partie de ces médicaments, certes actifs, que nos concitoyens doivent pouvoir décider de prendre en toute liberté.

À tout vouloir rembourser, nous voyons le résultat : le déficit de la sécurité sociale est aujourd’hui un gouffre abyssal !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Comme il est question de la politique du médicament, j’appelle l’attention de M. le ministre, qui s’est engagé, et cela me paraît souhaitable, à mener une politique contractuelle, sur la nécessité de conclure des contrats durables, signés en toute confiance par les deux partenaires. Cela n’a jamais été le cas, quel que soit le gouvernement en place. Comme Yves Bur, cela fait un certain temps que je suis les débats sur le financement de la sécurité sociale et j’ai trop souvent vu les ministres revenir sur des engagements antérieurs. C’est tout à fait regrettable, compte tenu notamment de la mondialisation de l’industrie pharmaceutique.

Je considère, comme M. Le Guen, que la Haute autorité de santé doit rester une autorité scientifique.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. Nous avions beaucoup insisté sur ce point lors de la réforme et il y aurait tout intérêt, monsieur le ministre, à ce qu’elle ne donne que des avis scientifiques.

Deux remarques encore avant de terminer.

Premièrement, en ce qui concerne la notion de « service médical rendu insuffisant », j’ai toujours plaidé en faveur de la prise en compte de la pathologie pour laquelle sont employés les médicaments. Les malades souffrant d’encéphalopathie hépatique et qui sont proches du coma hépatique ont besoin de recourir au lactulose, qui est un laxatif. Si ce médicament, quand il est prescrit pour soigner une constipation, n’a pas à être remboursé, je pense qu’il devrait l’être dans le cas de l’encéphalopathie hépatique. Il en est de même de certaines vitamines utilisées pour traiter ,par exemple, des neuropathies liées à l’éthylisme.

Deuxièmement, s’agissant de l’homéopathie, dont le cas est évoqué régulièrement dans cette assemblée,…

M. Jean-Marc Roubaud. Chaque année !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il est dommage qu’il n’y ait pas de discours homéopathiques ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. …plusieurs publications contradictoires sont parues cet été : certaines tendent à montrer l’efficacité de cette médecine, d’autres sont moins catégoriques.

Le président de la Haute autorité de santé a déclaré ne pas avoir été saisi de cette question par le Gouvernement et ne pas souhaiter s’autosaisir. Comptez-vous, monsieur le ministre, lui demander de rendre un avis scientifique sur l’homéopathie ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Dubrac.

M. Gérard Dubrac. Pour revenir à l’amendement de Mme Fraysse, je considère que la contribution des laboratoires doit être très réfléchie. Comme l’industrie pharmaceutique comptabilise sa production tous les ans, on risque de se retrouver dans la même situation qu’il y a quelques années : les quotas de production ayant été atteints, les chaînes de production avaient été arrêtées, et un certain nombre d’étagères et de tiroirs dans les pharmacies étaient alors restés vides, ce qui avait posé quelques problèmes.

La prise en compte du service médical rendu est une très bonne idée. Mais elle conduit à décrédibiliser certains médicaments qui sont utiles à un grand nombre de patients, et lorsque, pour cette raison, ils décident d’en changer, c’est toujours au profit d’autres beaucoup plus chers. En partant d’une idée généreuse, on arrive finalement au contraire de ce que l’on voulait faire.

Sur l’automédication, mon opinion est donc très proche de celle de Jean-Marc Roubaud. Au lieu de dire clairement qu’il n’est pas possible de tout rembourser, on décrédibilise, en les déremboursant, certains médicaments et certaines classes médicamenteuses, de sorte qu’il se crée chez les patients une confusion entre l’efficacité d’un médicament et son taux de remboursement : vignettes blanches, vignettes bleues et, demain, les remboursés à 15 % pour les veinotoniques. Là encore, on obtient l’inverse de ce que l’on voulait faire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je souhaite rappeler les attributions de la Haute autorité de santé puisqu’elle a été très injustement mise en cause. Je tiens, tout d’abord, à préciser que les procès d’intention ne sont pas de mise à l’égard d’une jeune institution dont le travail scientifique n’a jamais été contesté par les médecins.

M. Jean-Marie Le Guen. Procès d’intention ? Vous voulez que je vous lise les articles ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La Haute autorité se prononce sur l’admission au remboursement des médicaments et le fait en prenant en compte les autres médicaments présents sur le marché. Cette étude pharmaco-économique est au cœur de ses attributions. Ses avis scientifiques tiennent naturellement compte des autres médicaments. Il ne peut pas en être autrement et il est très souhaitable qu’il continue à en être ainsi.

Pour ma part, je rends hommage à la qualité du travail accompli par cette institution, dont nous avons décidé, Xavier Bertrand et moi-même, de suivre les recommandations.

M. Jean-Marie Le Guen. Même pas !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. M. Dubrac a raison de souligner le danger qu’il y aurait à disqualifier certains produits à partir de l’avis de service médical rendu insuffisant. Les médicaments qui font l’objet d’un déremboursement ou dont le remboursement est ramené à 15 % ne sont pas pour autant de mauvais produits. Ils répondent à leur objet et à un certain nombre d’indications. Nous considérons simplement que l’intérêt médical de ces médicaments que d’aucuns appellent « d’habitude » et d’autres « de confort » ne se situe pas au même niveau que celui des médicaments auxquels nous voulons donner la priorité dans les prescriptions médicales parce qu’ils traitent des maladies plus graves.

Je remercie Mme Greff d’avoir souligné, en utilisant le terme imagé de lobotomie, que les considérations scientifiques et économiques doivent, à un moment donné, se rejoindre. Les considérations tirées de la nature des médicaments présents sur le marché ne peuvent pas être écartées des critères d’un avis sur leur remboursement. Ou alors la Haute autorité de santé ne servirait plus à rien, comme vous l’avez fait justement remarquer.

M. Jean-Marie Le Guen. Elle rend donc bien des avis économiques ! Tout cela est d’une confusion extrême, monsieur le ministre. On voit que n’y connaissez rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les études pharmacologiques, qui sont essentielles et de caractère strictement scientifique, sont au cœur de la mission que le législateur a confiée à la Haute autorité de santé dans la loi de 2004. Je le sais car je connais la loi, monsieur Le Guen, et vous-même, qui participez à son élaboration, devriez le savoir !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est pour cela que j’en parle !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Préel, l’industrie pharmaceutique s’était engagée à limiter à 1 % la progression de son chiffre d’affaires. Or la hausse atteindra 5 % cette année. C’est parce que ce contrat n’a pas été respecté – et ce n’est pas le fait de l’assurance maladie ou des pouvoirs publics – que nous sommes obligés de prendre des mesures permettant de l’honorer.

Concernant l’homéopathie, chacun sait combien la charge de travail de la Haute autorité de santé est lourde. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Elle va examiner une troisième vague de médicaments. Il lui appartiendra ensuite de prendre en considération, si elle le juge utile, la question de l’homéopathie.

M. Gérard Dubrac. Il faut limiter son remboursement à 15 %.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Pour ma part, compte tenu des connaissances scientifiques relatives aux médicaments homéopathiques, je leur suis attaché, comme beaucoup de Français.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 152.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 43 et 61.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 43.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. L’industrie du médicament, contrairement à celle du tabac, est une industrie de la vie et de la recherche, qui demeure indissociable du progrès médical. Elle crée encore de l’emploi et exporte une grande partie de sa production. C’est la raison pour laquelle l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait mis en place le Conseil stratégique des industries de santé...

M. Jean-Marie Le Guen. C’est sûr, le Gouvernement et les laboratoires ont tellement de choses passionnantes à se dire !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. ...pour défendre et valoriser le site France. Les industriels sont en contact permanent avec les pouvoirs publics et le dialogue se poursuivra pour trouver un équilibre entre une éthique industrielle au service de la santé et le niveau de profit, entre la nécessaire régulation d’un marché où l’ordonnateur et le consommateur ne sont pas les payeurs directs et le souci de préserver la capacité de recherche-développement et l’attractivité du site France.

D’ailleurs, plusieurs accords ont été signés ces dernières années – sur l’innovation, sur le médicament à l’hôpital, et une charte sur la visite médicale – mais il manque une vision qui s’inscrive dans la durée. Il faudrait un cadre contractuel pour définir de part et d’autre des engagements clairs, précis et chiffrés. J’ai parfois l’impression que nous ne disposons pas des mêmes données et que nos attentes vis-à-vis du secteur ne correspondent pas totalement aux exigences de la maîtrise médicalisée, qui a des retentissements sur la consommation et le coût du médicament.

Aujourd’hui, même l’industrie comprend qu’elle doit participer à l’effort collectif...

M. Jean-Marie Le Guen. Même elle !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. ...car la France constitue un grand marché...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le quatrième mondial !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Vous avez raison de le souligner, monsieur le président.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et qui dit mondialisation dit délocalisation !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. ...un marché dont les volumes sont supérieurs à ce qu’ils devraient être, comparés à ceux d’autres pays.

Avec l’amendement n° 43, je lance un message à l’industrie du médicament. Si nous voulons éviter à l’avenir des mesures brutales comme le relèvement conjoncturel de cette taxe, nous devons obtenir des résultats clairs sur l’ensemble de la politique du médicament.

D’abord, sur la place des génériques. Monsieur le ministre, vous avez raison de souligner qu’elle est insuffisante par rapport à ce qu’elle est dans d’autres pays. Il faut à l’évidence aller plus loin, plus vite et plus fort.

Ensuite, sur les médicaments eux-mêmes, en conditionnant le remboursement à leur SMR. Nous faisons depuis maintenant trois ans un travail que nos amis de gauche n’ont pas eu le courage d’engager, victimes de leurs contradictions.

Enfin, sur les volumes. Il est inacceptable que nous consommions davantage que nos voisins. De même, les prescriptions hors AMM sont beaucoup trop nombreuses.

Nous devons revenir, dans tous ces domaines, à une norme européenne,...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mondiale !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Européenne, monsieur le président.

Rien ne justifie dans la pathologie des Français une surconsommation médicamenteuse.

C’est par le biais d’une politique plus active que nous ferons faire à l’assurance maladie de vraies économies. Et, pour aller plus loin en ce sens, nous examinerons dans le cours de la discussion plusieurs de mes amendements, visant notamment à remettre en cause la prise en charge à 100 % des médicaments prescrits au titre des affections de longue durée, que leur SMR, médiocre, ne justifie pas. L’économie réalisée serait de l’ordre de 400 millions d’euros. Vous le voyez, je fais des propositions en contrepartie de la baisse de 1,96 % à 1,5 % de la taxe exceptionnelle assise sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques, que prévoit l’amendement n° 43.

Il est clair que nous souhaitons que le Gouvernement se lie avec cette industrie, comme il l’a fait avec les médecins, dans une convention durable aux termes de laquelle les partenaires privés s’engageraient à respecter intégralement les objectifs de la maîtrise médicalisée des dépenses. Une action de ce type, plus volontariste, produirait de meilleurs résultats que cette taxe exceptionnelle dont le relèvement ne rapportera que 90 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour défendre l’amendement n° 61.

M. Bruno Gilles. Je me rallie à l’amendement de M. Bur et je retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 61 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il y a un peu plus d’un an, nous avons auditionné les entreprises du médicament dans le cadre de la mission d’information spéciale sur la réforme de l’assurance maladie créée à l’initiative du président Debré, et nous avons en tête les engagements qu’elles avaient pris : la croissance annuelle de leur chiffre d’affaires devait passer progressivement de 7 % à 1 % environ. Or nous sommes loin du compte puisque l’augmentation est encore de 4 ou 5 % en 2005. D’où cette contribution exceptionnelle.

Après s’être adressé l’année dernière à d’autres acteurs de la santé, le Gouvernement voudrait que les entreprises pharmaceutiques s’engagent à leur tour à participer au rétablissement des finances de l’assurance maladie. Lors de l’examen en commission, nous nous sommes interrogés sur le niveau de cette contribution. Lors des auditions, j’ai pu mesurer qu’un triplement – elle passe de 0,6 % à 1,96 % – revenait à placer très haut le curseur.

Monsieur le ministre, s’agit-il simplement de faire accepter aux industriels de prendre leurs responsabilités ou bien de leur donner, en quelque sorte, un signe de blocage ? Entre ces deux extrêmes, je comprends la position médiane de M. Bur et des autres signataires de l’amendement. En abaissant le curseur, ils rendent la mesure plus acceptable et cherchent à éviter le conflit, l’acrimonie et la défiance...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C’est tout bonnement du réalisme !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. ...pour nous épargner ensuite un dialogue difficile sur la contractualisation. Tel est le dilemme qui est le nôtre.

La commission a repoussé l’amendement n° 43 mais, à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement ne peut qu’être sensible au souci d’éthique et d’équilibre exprimé par M. Bur et à l’avis de votre rapporteur, même si ce dernier s’est démarqué de la commission. Je sais aussi combien le rapporteur de la commission des finances est conscient de la nécessité de réduire le déficit de notre assurance maladie. Ses interventions et plusieurs des amendements qu’il a déposés en témoignent.

Toutefois, le contrat passé avec l’industrie pharmaceutique depuis la réforme de l’assurance maladie prévoit une hausse de 1 % par an de son chiffre d’affaires. Or nous avons constaté, alors même que l’année n’est pas terminée, que la progression pour 2005 tend, hélas ! vers 5 %.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais l’ONDAM est respecté, monsieur le ministre ! Vous n’avez cessé de nous le répéter !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il faut absolument ramener l’évolution du chiffre d’affaires sur un sentier vertueux.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ne croyez pas que ce soit de gaieté de cœur que le Gouvernement a proposé une hausse exceptionnelle de la taxe sur le chiffre d’affaires. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais si nous voulons que les résultats soient au rendez-vous, nous sommes bien obligés d’en relever le taux à 1,96 %. C’est pourquoi je vous demande de rejeter cet amendement tout en espérant que le signal donné aux industriels les incitera à respecter, dès l’an prochain, l’objectif voulu par la représentation nationale dans le cadre de la loi du 13 août 2004. Nous n’aurons pas alors à reconduire cette taxe exceptionnelle.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’entends bien, monsieur le ministre, et même je m’en amuse, que cela doit vous faire mal au cœur de taxer l’industrie pharmaceutique.

M. Jean-Marie Le Guen. Heureusement qu’il y a la réforme de l’ISF pour le consoler !

Mme Jacqueline Fraysse. Tout le monde sait que l’industrie pharmaceutique est dans le rouge !… Et que vous vous préoccupez de l’emploi qu’elle représente ! J’aimerais vous le voir défendre avec la même ardeur dans tous les secteurs.

Vous parlez d’éthique et d’équilibre. C’est précisément au nom de ces principes que l’industrie pharmaceutique doit supporter cette taxe. Je rappelle que cette activité est l’une des plus rentables au monde puisque son taux de profit moyen est de 19 %. On peut donc maintenir la taxe au niveau prévu : l’industrie pharmaceutique peut aisément le supporter sans risquer la faillite ou licencier la moitié de son personnel.

Une des raisons, d’ailleurs, pour lesquelles l’industrie pharmaceutique fait tant de profits, alors que les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres, c’est que la sécurité sociale les rembourse. De même, nous avons longuement évoqué l’insuffisance des moyens consacrés à la recherche dans certains domaines thérapeutiques, particulièrement dans celui des maladies orphelines, mais nous n’avons pas parlé du budget consacré à la publicité : il est pourtant supérieur à celui de la recherche ! Pour toutes ces raisons, je crois vraiment que l’amendement de la commission des finances n’est pas sérieux.

M. Pierre-Louis Fagniez. Donc, vous soutenez le Gouvernement.

Mme Jacqueline Fraysse. Si je partage le souci, exprimé par M. Bur, de régulation et de conventionnement du domaine, c’est afin d’améliorer en faveur des patients et de l’assurance maladie un équilibre qui se fait aujourd’hui en faveur de l’industrie pharmaceutique, ce qui ne me paraît pas légitime.

En repoussant mon amendement n° 152, l’Assemblée a refusé de reconduire l’an prochain la hausse de la taxe sur l’industrie pharmaceutique. De grâce, laissons-la au moins, pour cette année, au taux prévu. Je le répète : cela ne mettra pas en danger notre industrie pharmaceutique, à laquelle je tiens autant que vous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous vivons à l’évidence un moment pathétique ! (Sourires.)

Non qu’il s’agisse de la douleur du ministre à taxer l’industrie du médicament : si nous le pouvions, nous serions volontiers compatissants. Mais chacun a ses œuvres ! Le ministre a les siennes, nous avons les nôtres. Non, la douleur du ministre ne suscite pas notre compassion.

Ce qui est pathétique, c’est la situation confuse dans laquelle nous nous trouvons. La Haute autorité de santé a pour mission de rendre des avis scientifiques et des avis sur l’amélioration du service médical rendu. Telles sont, clairement, ses attributions. En revanche, elle n’a pas à se prononcer sur l’impact économique des mesures qu’elle préconise : ça, c’est de votre ressort, monsieur le ministre ! Mais lorsqu’une recommandation ne vous convient pas, vous l’ignorez. Vous avez ainsi porté à 15 % le taux de remboursement des veinotoniques, alors qu’il avait été demandé de le réduire à 0 % !

Au cours de ce débat, vous entretenez une véritable confusion sur le rôle des institutions, car vous voudriez ne pas assumer vos responsabilités politiques en vous cachant derrière les pseudo-décisions médico-économiques d’une institution qui n’a aucune légitimité pour les prendre.

M. Pierre-Louis Fagniez. Est-ce notre genre ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je le répète : la mission de la Haute autorité est de rendre des avis d’ordre scientifique et sur l’amélioration du service médical rendu. Elle n’a pas à faire de recommandation sur ce qui peut ou sur ce qui doit être remboursé ! C’est de votre responsabilité, non de celle de la Haute autorité de santé.

Mais le plus pathétique de tout, c’est d’entendre le ministre, transporté par la douleur d’avoir à justifier une taxe sur l’industrie du médicament, nous expliquer tout simplement que la réforme Douste-Blazy ne donne aucun résultat, que l’ONDAM n’est pas respecté et que toutes les mesures relatives notamment à la prescription des médicaments sont inopérantes.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen. Alors, vous recourez à une taxe tout en la déclarant exceptionnelle. En réalité, elle n’a d’exceptionnelle que l’argumentation qui la justifie ! Pour le reste, nous assistons à la démonstration que la réforme Douste-Blazy ne contient aucune mesure structurelle et que chacun y perd. L’industrie pharmaceutique se voit taxer de façon aveugle et les malades n’ont pas le sentiment d’une amélioration du suivi ou de la qualité des prescriptions. Et nous voici contraints de prendre une mesure strictement financière pour compenser l’échec d’une réforme qui a atteint ses limites et qui est dépassée un an seulement après avoir été adoptée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(L’amendement est adopté.)

M. Jean-Marie Le Guen. Je précise que je n’ai pas pris part au vote.

M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 15, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n° 2575 :

Rapport, n° 2609, tomes I à V, de MM. Jean-Pierre Door, Jacques Domergue, Mmes Cécile Gallez et Marie-Françoise Clergeau, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2610, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)