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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 4 novembre 2005

47e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

Solidarité et intégration

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la solidarité et à l’intégration.

La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la solidarité.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la solidarité. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale, monsieur le ministre de la santé, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, , la mission interministérielle « solidarité et intégration » comprend sept programmes, axés sur les actions menées par l'État en faveur des publics les plus fragiles. Dans le cadre contraint du présent budget, elle bénéficie de moyens en progression.

La dotation totale de la mission s'élève à 12,22 milliards d'euros en crédits de paiement contre 11,8 milliards d'euros pour 2005. La progression des crédits est donc de 3,5 %.

Pour six programmes, les dotations sont en progression. Cette progression résulte d’abord de l'augmentation des dépenses d'intervention – pour l'inclusion sociale, le handicap, la famille –, qui augmentent globalement de 3,4 %. Compte aussi la progression des dépenses de fonctionnement : 35,2 millions d'euros supplémentaires pour la mission, et de personnel : 20,4 millions d'euros supplémentaires. Dans le cas du programme « égalité », la progression résulte presque uniquement des dépenses de personnel.

Le programme « accueil des étrangers et intégration » connaît une diminution apparente de crédits de 5,53 millions d’euros. Je laisse à Béatrice Pavy le soin d’en expliquer les raisons – entre autres, le changement de périmètre.

Le programme « protection maladie » qui réunit les crédits de la CMU complémentaire et de l’aide médicale de l’État, connaît une baisse de 337 millions d’euros,…

M. Gérard Bapt. Je ne vous félicite pas !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. …ce qui traduit la poursuite du transfert du financement de la couverture maladie complémentaire de l’État vers l’assurance maladie, transfert commencé en 2005. Ce transfert n’a pas d’incidence sur le fonds CMU qui bénéficie, à l’issue du processus, des mêmes ressources.

Avant d’examiner la part de crédits dévolue à chaque programme, je souhaiterais dire quelques mots des modifications de périmètre intervenues pour la présentation de ce budget.

La commission des finances avait demandé, fin 2004, que l’aide médicale de l’État ne relève plus du programme « accueil des étrangers et intégration » car le responsable de programme ne détenait aucun levier pour remplir les objectifs de performance et mettre en œuvre les moyens nécessaires. Un rattachement à la mission « santé » avait été suggéré. Il n’a pas été retenu. Il conviendra d’examiner les conséquences du rattachement choisi par le Gouvernement au programme « protection maladie complémentaire » et ses chances d’être efficace.

Une nouvelle action « Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » – HALDE – a été créée pour distinguer les crédits de cette autorité administrative indépendante. Cependant, il serait souhaitable que cette indépendance n'empêche pas l'autorité d'élaborer à son propre usage des objectifs et indicateurs de performance.

Les crédits du défenseur des enfants ont été rattachés au programme « soutien », ce qui manque de visibilité : un rattachement au programme « familles vulnérables » serait plus cohérent, et réaliserait une égalité de traitement avec la HALDE. Les avantages et inconvénients du rattachement actuel devront être examinés au cours de l'année 2006.

Le programme « soutien » regroupe désormais l'ensemble des crédits de personnel et de fonctionnement des missions « solidarité et intégration », « santé » et du programme « veille et sécurité sanitaires ». Un cloisonnement des effectifs entre les programmes aurait rendu quasiment impossible la fongibilité des moyens en personnels au sein du service, mais l'affectation de l'ensemble des emplois au sein d'un seul programme rend inopérant le contrôle parlementaire tel qu'il a été voulu par la LOLF à travers l'institution d'un plafond d'emplois. Une scission des moyens en personnel en deux ensembles serait, de l'avis des membres de la commission des finances, préférable.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. La mission bénéficie de moyens en augmentation pour 2006, disais-je. Parmi ses sept programmes, trois relèvent directement de la compétence du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ces trois programmes représentent un montant de crédits de 1,59 milliard d'euros. Après correction de périmètre, ce budget traduit une progression de 11,46 % par rapport à 2005. L'essentiel profite à la mission « rapatriés » pour l'achèvement du processus de désengagement et d'indemnisation. Si l’on met à part ce domaine d'action, la progression des crédits sera de 3,9 %. Ces crédits sont nécessaires, car la gestion de ce secteur est difficile depuis plusieurs années et de nouvelles dépenses sont à prévoir pour reloger ou héberger les familles expulsées des logements insalubres.

Le programme « inclusion sociale », doté de 1 010,72 millions d'euros, met en œuvre les politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Sa dotation progresse de 16 %. Ce budget traduit l'effort consenti par le plan de cohésion sociale adopté en 2005.

Le projet de budget prévoit plusieurs mesures nouvelles : la création de 500 places en CHRS, centres d’hébergement et de réinsertion sociale, avec un financement sur neuf mois, ainsi qu'une actualisation de la base des crédits – 21,67 millions d'euros supplémentaires – et la création de 1 500 places de maisons relais pensions de famille, pour 6 millions d'euros. Une autre mesure nouvelle est demandée en faveur de l'hébergement d'urgence, pour un montant de 8,5 millions d'euros. Au total, ce sont 9 800 places qui auront été créées ou transformées de 2005 à 2007. C’est dire que l'effort accompli depuis trois ans en faveur de la création de places d'hébergement est sans précédent.

Au delà, il conviendrait de s'interroger sur les limites à poser aux dispositifs d'hébergement d'insertion et d'urgence. Il faudrait mieux connaître les publics hébergés, dont certains n'ont plus vocation à se trouver dans le dispositif. Il en est ainsi des demandeurs d'asile déboutés ou en cours de procédure, par exemple. Il faut, bien entendu, progresser dans l'offre de logement social, mais aussi veiller à la coordination entre les deux domaines : les difficultés d'accès au logement social pour les personnes en voie de réinsertion, et même pour les salariés, empêchent leur sortie du dispositif d'hébergement d'urgence.

La création de trente-trois points d'accueil et d'écoute jeunes – les PAEJ – sera possible grâce à un crédit d’un million d'euros. Il serait souhaitable de vérifier, dans chaque département, que ces structures ne font pas double emploi avec l’action menée par les missions locales, les CDAS, les CCAS, les agents de prévention ou encore les médiateurs.

L'appui social individualisé bénéficiera de 40 millions d'euros.

La politique en faveur des rapatriés a connu un essor nouveau depuis 2002, avec la mise en œuvre d'une politique active de mémoire, la création de l'allocation de reconnaissance pour les harkis et l'accélération du traitement des dossiers des rapatriés réinstallés.

L'action 4, qui comporte les crédits de la mission interministérielle aux rapatriés, bénéficie de 177,8 millions d'euros, ce qui correspond à une mesure nouvelle de 114 millions d'euros. L'objectif est d'achever dans les trois prochaines années le processus d'indemnisation et de reconnaissance.

Les crédits du programme « accueil des étrangers et intégration » seront décrits par le rapporteur spécial pour ce programme, Mme Béatrice Pavy.

Le programme « égalité entre les hommes et les femmes » est doté de 27,44 millions d'euros ; la progression de sa dotation se limite à 2 %. Les dépenses d'intervention sont seulement reconduites à hauteur de 17 millions d'euros.

Trois programmes relèvent de la compétence du ministre de la santé et des solidarités. Les crédits afférents s'élèvent à 9,85 milliards d'euros. Ces programmes bénéficient de moyens nouveaux pour mettre en œuvre les priorités du Gouvernement.

Le programme « action en faveur des familles vulnérables », tout d'abord, voit sa dotation progresser de 4 % ; les crédits s'élèvent à 1,1 milliard d'euros. Ce programme bénéficiera de 43 millions d'euros de mesures nouvelles.

La volonté d'accompagner les bénéficiaires de l'allocation de parent isolé dans le retour à l'emploi conduit à estimer en légère baisse le nombre des bénéficiaires : 181 000 sont prévus contre 195 000 en 2005. Le montant moyen mensuel de l'allocation est réévalué à 404 euros et la dépense prévue est de 875 millions d'euros, soit 12,2 millions d'euros supplémentaires.

Il est souhaitable, comme veut le faire le Gouvernement, d'engager une démarche volontariste pour permettre aux bénéficiaires de cette allocation de retrouver un emploi et de ne pas rester à l'écart du marché du travail pendant plusieurs années. Je regrette que l'indicateur proposé par la mission LOLF, visant à mesurer la sortie des bénéficiaires vers l'emploi, et pas seulement vers le RMI, n'ait pas été retenu à cet égard, car il correspond pleinement à la politique que veut impulser le Gouvernement.

La protection juridique des majeurs est en voie d'être réformée. Pour 2006, il est prévu 197,9 millions d'euros de crédits, soit 27,7 millions supplémentaires.

Le programme « handicap et dépendance » est doté de 7,8 milliards d'euros, ce qui permet d'accompagner la réforme de la prise en charge des personnes handicapées et traduit la nouvelle priorité sociale du Gouvernement en faveur des personnes dépendantes. La dotation de ce programme augmente de 6,4 %. Ainsi, la loi « handicap », votée le 11 février 2005, connaîtra une pleine mise en œuvre en 2006 : le ministère bénéficiera de 475 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse des moyens de 6,4 % pour cette politique.

Les maisons départementales des personnes handicapées vont se mettre en place, sous la forme de groupements d'intérêt public. Il s'agira d'un « guichet unique » pour les personnes handicapées, chargé de les conseiller et d'organiser l'instruction des demandes de prestations et d'orientation. La dotation est de 13,82 millions d'euros.

Il convient de se féliciter du volontarisme manifesté par le Gouvernement en faveur de la création de places pour les personnes handicapées. En effet, le programme pluriannuel 2005-2007 va connaître une montée en puissance l'année prochaine.

Je rappelle que ce programme prévoit la création de 5 400 places en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés, dont 750 places pour les autistes, 540 places pour les polyhandicapés et 3 750 places en SESSAD.

La progression des places en centres d'aide par le travail et dans les ateliers protégés se poursuit : le programme pluriannuel prévoit la création de 8 000 places en CAT : 3 000 en 2005, 2 500 en 2006 et le même nombre en 2007. Les conditions d'octroi de la subvention d'accompagnement et de développement ont été réformées.

Pour 2006, il est prévu un montant de 1,24 milliard d'euros, en progression de près de 4 %, pour financer un nombre total de 110 311 places, dont 2 500 places nouvelles ouvertes l'année prochaine. Ces crédits progressent donc de manière significative pour la troisième année consécutive.

La dotation de l'allocation adulte handicapé s'établit à 5,18 milliards d'euros. Les indicateurs portant sur la politique du handicap et de la dépendance sont insuffisants. Il a été décidé d'éviter les indicateurs de moyens, ce qui entraîne l'absence d'indicateurs quantitatifs. Néanmoins, il me paraît indispensable d'annexer au projet annuel de performance le nombre de places effectivement créées chaque année et leur localisation. Cela serait beaucoup plus utile au contrôle parlementaire, mais aussi au Gouvernement lui-même, que certains indicateurs purement statistiques qui ont été retenus, et qui ne sont pas en réalité des indicateurs de performance, J'aimerais que le Gouvernement s'y engage.

Enfin, le programme « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » est cogéré par les deux ministres : avec une dotation de 1,06 milliard d'euros, les crédits progressent de 5 %. Le plafond ministériel d'emploi est en diminution, hors mesures de transferts, de 137 équivalents temps pleins travaillés par rapport au plafond 2005. Cette diminution des effectifs correspond à une partie des départs en retraite.

S’agissant du défenseur des enfants, le budget prévoit de reconduire la dotation en 2006, soit 1,9 million d'euros. Le défenseur des enfants est une institution aujourd'hui indispensable dont notre pays peut s'honorer et qui a bénéficié du dynamisme de la première titulaire de la fonction, laquelle a réussi à donner visibilité et autorité à cette institution. Il faut souligner néanmoins que son budget, hors personnel et charges, se limite à 200 000 euros, et que sa stagnation rendra la gestion plus difficile, alors que le loyer de l'institution doit progresser de 5 % en 2006, ainsi que le poste des dépenses de personnel. La défenseure souhaiterait par ailleurs pouvoir recourir à une dizaine de correspondants locaux supplémentaires, demande que j’appuie personnellement.

S’agissant de la protection maladie complémentaire, l'unique évolution dans ce programme est le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds de financement de la CMU complémentaire, qui se limite à 323 millions d'euros. Cette mesure traduit la poursuite du transfert de l'État vers l'assurance maladie du financement de la couverture maladie complémentaire. Le transfert n'entraîne pas de perte de ressources pour le fonds CMU. Le résultat du fonds a d'ailleurs été excédentaire de 5 millions en 2004 et devrait l'être de 38 millions en 2005, soit un excédent cumulé de 43 millions.

La dotation au titre de l'AME – l’aide médicale d’État – reste inchangée pour 2006 avec 233,5 millions d'euros, dont 20 millions pour les dépenses hospitalières au titre des soins urgents. Cette mesure reste sous-dotée. Or la sous-dotation d'année en année crée, il faut le rappeler, une dette de l'État auprès de la CNAM, Cette dette s'élève à 393 millions d'euros fin 2004, et l'insuffisance de crédits pour 2005 serait de 168 millions d'euros, Comment comptez-vous, monsieur le ministre de la santé, faire face à ce problème, notamment dans la perspective de la prochaine gestion au mode LOLF ?

M. Gérard Bapt. Bonne question !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. Il convient de se féliciter de l'adoption récente de deux décrets attendus depuis plusieurs années, régissant les modalités d'accession à l'aide médicale de l'État. Toutefois, il est regrettable qu'un dernier décret de mise en œuvre de la réforme législative de l'AME soit toujours en attente.

Au bénéfice de ces explications, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « solidarité et intégration ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’accueil des étrangers et l’intégration.

Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’accueil des étrangers et l’intégration. Le programme « accueil des étrangers et intégration » comporte quatre actions se répartissant entre la régulation des migrations, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, l'intégration et la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Le budget 2006 proposé à hauteur de 560 millions d’euros peut paraître en légère diminution par rapport à la loi de finances initiale de 2005, mais cette diminution n’est qu'apparente puisque 31 millions d’euros ont été affectés au programme des interventions territoriales de l'État pour une expérimentation des politiques relatives à l'accueil des demandeurs d'asile en région Rhône- Alpes. Donc, à périmètre égal, le budget global est en augmentation de 4,5 %.

Si l'on considère uniquement les crédits d'intervention, qui s’élèvent à 511 millions d’euros, la progression est de 4,9 %, soit une prise en charge sociale améliorée par rapport à 2005. Votre rapporteur rappelle toutefois que le montant du programme ne comprend pas les dépenses de personnel et de fonctionnement des administrations de l'État, à l'exception toutefois de celles de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

L'action 1 du programme concerne la régulation des migrations, et les crédits d'intervention s'élèvent à 12,25 millions d’euros. Nous pouvons prévoir un minimum de 140 000 migrants, compte tenu de l'élargissement de l'Union européenne en 2004, de la diminution du délai d'instruction des dossiers par l'OFPRA et de la mise en œuvre des deux lois successives du 26 novembre et du 10 décembre 2003.

Viennent s'ajouter aux migrants les demandeurs d'asile, dont le nombre est en forte progression depuis 1997. Avec 65 000 demandeurs d'asile en 2005, la France est au premier rang des pays européens. C'est également le seul pays à connaître une demande en hausse.

L'action 2 concerne la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, et ses crédits s'élèvent à 318,75 millions d’euros.

Si la lutte contre l'immigration irrégulière reste une priorité, il est important de définir une politique d'immigration choisie s'accompagnant d'une évaluation et d'une planification des besoins. C'est pour cela qu'a été créé par décret du 26 mai 2005 le comité interministériel de contrôle de l'immigration. Le comité propose entre autres de soumettre à l’expérimentation un nouveau dispositif d'aide au retour volontaire s'élevant à 3 500 euros pour un couple et 1 000 euros par enfant, soit un coût d'environ 8 000 euros pour une famille, incluant le transport aérien. L'hypothèse est qu'environ 2 500 personnes pourraient bénéficier de cette aide, alors que seulement 1 000 personnes recourent à l'aide actuelle, contre 9 900 en Allemagne et 2 600 au Royaume-Uni. Les crédits sont donc augmentés d'une mesure nouvelle de 5 millions d’euros pour compléter le financement de l'ANAEM.

La généralisation des visas biométriques, le renforcement des contrôles à l'occasion des transcriptions sur les registres d'état civil des mariages célébrés à l'étranger, l'extension des capacités de rétention administrative dans le cadre d'un plan pluriannuel, l'aménagement de la législation pour faire échec à l'immigration clandestine dans les DOM-TOM sont autant de mesures visant à réguler les flux.

Les dotations initiales ont connu une forte croissance depuis trois ans, mais restent malgré tout insuffisantes pour couvrir les besoins en hébergement des demandeurs d'asile. Les crédits affectés en 2006 sont inscrits pour 148 millions d’euros, soit une progression de 38 %. Cette progression s'inscrit pleinement dans une intention volontariste de création de places allant au-delà de la programmation initiale du plan de cohésion sociale, dont l'objectif est de 21 000 places fin 2007.

Le financement se fait en partie par redéploiement des crédits affectés précédemment à l'allocation insertion, puisque la réduction des délais d'instruction par l’OFPRA et la CRR permet de diminuer sensiblement la dotation qui passe de 156 à 128 millions d’euros. La durée de séjour en CADA est encore trop longue puisqu'elle est supérieure à dix-huit mois et est liée à la difficulté d'accès au logement pour les familles appelées à sortir de l'hébergement d'urgence. Cette situation contribue à bloquer le fonctionnement du dispositif. C'est pourquoi le plan hiver mis en place en 2003 pour la saison hivernale a été maintenu et développé, de même que le dispositif d'urgence AUDA contribue à soulager la situation en région parisienne, qui représente 43 % de la demande d'asile. Ces deux dispositifs permettent de faire face aux situations de crise et notamment de reloger les familles évacuées des immeubles insalubres par décision de la préfecture de Paris. Les crédits prévus pour 2006 s'élèvent à 25 millions d’euros.

Pour les centres d'hébergement de transit, le centre d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés et les vingt-sept centres provisoires d'hébergement, les crédits sont reconduits à hauteur de 10,55 millions d’euros.

Il convient d'ajouter à ces dispositifs les hébergements d'urgence mis en place par les services déconcentrés de l'État, soit dans des structures collectives, soit dans des hôtels, solution inadaptée et très coûteuse. Les crédits déconcentrés ont permis la prise en charge de 16 000 personnes, dont la moitié à l'hôtel. Ce sont près de 125 millions d'euros qui devraient être affectés à cet hébergement. Il importe de limiter et de supprimer à terme le recours à cet hébergement inapproprié et onéreux dont les crédits sont sous-dotés depuis plusieurs années, impliquant des abondements en gestion par décret d'avance.

Même s'il convient de souligner l'effort important du Gouvernement en termes de places nouvelles, qui, rappelons-le, sont passées de 5 282 en 2001 à 15 719 fin 2004, il est nécessaire d'engager très vite une réforme de notre système d'accueil conférant un rôle accru aux préfets de région dans la gestion et l'attribution des places d’hébergement. À défaut de clarifier les procédures et de remédier à la situation de crise que connaît notre système d'hébergement social, les places ouvertes chaque année resteront toujours insuffisantes face à des arrivées toujours renouvelées.

L'action 3 du programme concerne l'intégration, et les crédits sont proposés à hauteur de 219 millions d’euros.

Le contrat d'accueil et d'intégration, mis en place à titre expérimental en juillet 2003, s'est pratiquement généralisé à l'ensemble du territoire national et représente 92,3 % des primo-arrivants. Les obligations liées au contrat d'intégration devront être respectées et pourraient constituer les conditions de délivrance de la première carte de résident. Il serait par ailleurs souhaitable de poser un principe de compétence linguistique minimale pour la délivrance de la carte de résident, cette condition étant le gage d'une bonne intégration au sein de la société française. L'allocation insertion mensuelle de 299,90 euros sera transformée en allocation temporaire d'attente, avec un crédit de 156,93 millions d’euros en 2006. Cette réforme permettra d'étendre la mesure aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et la durée de l'allocation pourrait être liée à la procédure d'examen de la demande d'asile.

Le contrat d'accueil et d'intégration sera ouvert aux jeunes de seize à dix-huit ans afin de l'aligner sur la condition d'âge pour signer un contrat de travail. Une expérimentation lancée dans six départements vise l'accueil et l'orientation des jeunes mineurs de seize ans et plus, dans le cadre d'un partenariat entre les plates-formes de l'ANAEM et les services départementaux de l'éducation nationale. Après évaluation, ce dispositif pourrait être généralisé à l’ensemble du territoire.

L’ANAEM, Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, le FASILD, Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations, et la HALDE, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, forment le trépied de l’accueil, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations en France.

L’ANAEM est issue de la fusion de l’Office des migrations internationales et du service social d’aide aux émigrants. Avec 16,48 millions d’euros, sa dotation est la stricte reconduction de ces deux services. Outre sa mission d’accueil et de suivi des contrats d’intégration, elle devra assurer l’accueil des demandeurs d’asile, le contrôle médical, l’aide au retour volontaire et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d’origine, l’emploi des Français à l’étranger. S’y ajoute également l’introduction en France des étrangers, soit au titre du regroupement familial, soit en vue d’effectuer un travail salarié.

Le FASILD a pour mission de favoriser l’intégration et de concourir à la lutte contre les discriminations dues à la religion ou aux croyances. Il participe au financement des actions telles que la formation linguistique, l’emploi, l’éducation, le logement, l’action sociale et culturelle. Les crédits prévus pour 2006 s’élèvent à 177,16 millions d’euros, en augmentation par rapport à 2005, afin de prendre en compte de l’augmentation du nombre de contrats d’accueil et d’intégration. Toutefois, votre rapporteure insiste pour que les relations entre l’État et le FASILD soient formalisées dans un contrat d’objectifs et de moyens.

Un crédit de 2,5 millions d’euros en autorisation d’engagement est inscrit pour le financement de l’investissement nécessaire à l’installation matérielle de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Votre rapporteure considère que le rattachement de la Cité au programme est purement artificiel, car l’établissement, à vocation historique et culturelle, n’a que peu de lien avec les problèmes que doivent surmonter les publics concernés par le présent programme. Il conviendrait donc de réajuster la maquette budgétaire en plaçant la CNHI dans la mission « culture ».

Enfin, l’action IV du programme correspond à la HALDE. Officiellement installée en juin 2005, cette autorité reprend les anciennes missions du GELD en les élargissant à l’ensemble des discriminations. Son budget, fixé à 10,7 millions d’euros en 2005, est reconduit pour 2006. Rappelons qu’elle a traité, avec un effectif de 35 agents, 615 plaintes entre mai et octobre 2005. Le recrutement se poursuit actuellement pour porter les effectifs à 50 équivalents temps plein d’ici fin 2005 et à 66 équivalents temps plein en 2006, dans la perspective de traiter 3 000 dossiers. Votre rapporteure estime que les nouveaux recrutements auxquels procède la HALDE sont prématurés et qu’il serait souhaitable, au préalable, de prendre la mesure de l’accroissement du nombre des saisines. De même, il semblerait nécessaire de réduire le budget de fonctionnement de la structure, qui supporte un loyer de 1,6 million d’euros pour 2 140 mètres carrés. Autorité indépendante, la HALDE ne peut se voir imposer d’objectifs de performance de la part du responsable du programme, et ses crédits ne sont pas fongibles avec ceux des autres actions du programme. Il paraît cependant souhaitable que l’autorité élabore des objectifs accompagnés d’indicateurs.

En conclusion, je salue l’effort important réalisé par le Gouvernement pour adapter la politique d’intégration et de lutte contre toutes discriminations aux enjeux de notre société en pleine mutation. Je demande à l’Assemblée de bien vouloir approuver les crédits dévolus à l’accueil des étrangers et à l’intégration, qui ont reçu l’avis favorable de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les crédits de la mission « solidarité et intégration » – à l’exception de ceux relevant du programme « handicap et dépendance », qui donnent lieu à un rapport pour avis de Mme Maryvonne Briot – correspondent à un ensemble un peu disparate de politiques de l’État. Après en avoir effectué l’analyse, je ferai le point sur la décentralisation, et en particulier sur la départementalisation du revenu minimum d’insertion.

Parmi les trente-quatre missions du budget général de l’État, la mission « solidarité et intégration » est l’une des huit à présenter un caractère interministériel : deux ministres sont responsables de sa gestion, celui de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, et celui de la santé et des solidarités, l’un et l’autre assistés par des ministres délégués. Cette mission est répartie en sept programmes de poids budgétaire très inégal.

Le rapporteur pour avis ne commentera pas les crédits du programme le mieux doté, « handicap et dépendance », qui représente, avec près de 8 milliards d’euros, les deux tiers des 12 milliards de la mission « solidarité et intégration », puisque la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné à cette fin Mme Maryvonne Briot.

Les programmes dont je vous parlerai représentent donc une masse budgétaire de 4 milliards d’euros. Ils sont subdivisés en actions, dont toutes ne figurent pas dans le tableau récapitulatif proposé dans le rapport.

Il convient par ailleurs de relativiser la portée de la comparaison des crédits de loi de finances initiale en 2005 et 2006, qui est proposée quand cela est possible : le nouveau principe de la justification au premier euro des dépenses doit conduire à s’écarter des présentations trop systématiquement comparatives.

La mission « solidarité et intégration » regroupe principalement des dépenses d’intervention : elles représentent 88 % du montant total des crédits. Les crédits des politiques en faveur de l’inclusion sociale traduisent la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des rapatriés.

S’agissant des actions en faveur des exclus, les crédits d’urgence sociale, estimés à 150,7 millions d’euros pour 2006, couvrent le financement de plateformes d’accueil et d’orientation type « numéro 115 », d’hébergements d’urgence en centre ou en hôtel, d’actions spécifiques pour les victimes de violences et les personnes prostituées.

Pour ce qui concerne les centres d’hébergement et de réinsertion sociale – CHRS –, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit une montée en charge du dispositif sur les années 2005, 2006 et 2007, pour atteindre à terme 1 800 nouvelles places, dont 800 dès 2005. Les 500 créations nouvelles budgétées en 2006, conformément au plan de cohésion sociale, devraient porter à 31 507 le nombre total de places disponibles en CHRS.

Chaque année, des crédits destinés aux CHRS sont ponctionnés pour financer des mesures d’hébergement dans des centres d’urgence, voire, plus coûteux encore, dans des hôtels. Pour les demandeurs d’asile, cette dérive s’est poursuivie jusqu’à une date récente. Toutefois, la réforme engagée depuis deux ans, associant un effort massif de création de places en CADA et un renforcement des moyens attribués à l’OFPRA et à la commission des recours des réfugiés, qui permet de réduire les délais, laisse espérer que nous sortirons de ce cercle vicieux, très préjudiciable pour les finances des CHRS. Je me réjouis donc que le projet de loi de finances pour 2006 ait prévu la poursuite de cette réforme.

Le programme des maisons relais, destiné à offrir un accueil plus durable que l’hébergement d’urgence à des personnes en grande difficulté, dans le cadre de petites structures permettant une bonne prise en charge, continue à monter en puissance : au 31 décembre 2004, 111 maisons relais étaient ouvertes, offrant 1 800 places. On prévoit plus de 1 700 demandes d’ouverture pour 2006.

En ce qui concerne le respect des engagements vis-à-vis des rapatriés et anciens harkis, la très forte augmentation des moyens de la politique des rapatriés, qui atteindront 177,8 millions d’euros en 2006, correspond pour l’essentiel à la traduction des mesures de la loi du 23 février 2005. En particulier, 100 millions d’euros devraient être consacrés au financement de l’allocation de reconnaissance pour les anciens harkis.

J’en viens au programme consacré à l’accueil des étrangers et à l’intégration. La stabilisation des crédits destinés à financer l’accueil des demandeurs d’asile rend compte d’un pari sur la réussite de la réforme engagée depuis 2003. Cette réforme a comporté des modifications législatives concernant le droit d’asile lui-même et ses procédures : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides devient ainsi le « guichet unique » d’examen des demandes ; l’introduction de la notion de « pays d’origine sûr » permet de rejeter en amont les demandes abusives. La réforme passe surtout par une évolution des moyens consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile visant à le rendre plus digne, grâce à de nouvelles possibilités d’hébergement, mais aussi plus efficace, grâce à des procédures plus rapides. À cette fin, je l’ai dit, un effort conséquent de création de places en centres d’accueil des demandeurs d’asile va être réalisé.

Le délai moyen de traitement des dossiers devant l’OFPRA est passé de 258 jours en 2003 à 130 jours en 2004. On l’estime à 101 jours pour 2005. Pour la commission des recours, ce délai était de 261 jours en 2003, de 292 jours en 2004 et de 284 jours en 2005. On voit donc mal comment le chiffre de 90 jours pourrait être obtenu en 2006. Une telle prévision paraît pour le moins optimiste.

L’article 88 du projet de loi de finances propose de rebaptiser l’allocation d’insertion « allocation temporaire d’attente ». En cohérence avec la réforme de l’asile, cette allocation serait étendue aux bénéficiaires des protections subsidiaire et temporaire, prévues en cas d’afflux massif de réfugiés après une crise comme celle du Kosovo. En revanche, elle ne sera pas versée aux demandeurs d’asile hébergés, ni à ceux qui auront refusé de l’être.

S’agissant de l’intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement, après la création, par fusion de l’OMI et du SSAE, de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, l’année 2006 sera l’année de la mise en place opérationnelle de cette nouvelle structure, dont les priorités sont la généralisation du contrat d’accueil et d’intégration, l’amélioration de la gestion du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et le développement de l’aide au retour volontaire des étrangers invités à quitter le territoire.

S’agissant du contrat d’accueil et d’intégration, le dispositif est progressivement étendu conformément aux prévisions de déploiement : 26 départements en 2004, 47 en juillet 2005. Début 2006, il fonctionnera sur l’ensemble du territoire. Le CAI permet d’assurer une prestation d’accueil à un nombre croissant d’immigrants réguliers et rencontre en général leur assentiment : environ 90 % d’entre eux le signent.

Il reste à s’assurer du respect des engagements pris dans le CAI, et en particulier de l’assiduité aux formations proposées, comme l’a voulu le législateur. Nous sommes encore loin des questionnaires pratiqués en Grande-Bretagne, et un examen final serait peut-être nécessaire. La mise en œuvre effective de cette vérification du respect des engagements exige une administration motivée pour l’effectuer, donc une forte impulsion politique.

Il reste également à faire en matière d’aide au retour, où les résultats atteints jusqu’à présent restent modestes. En 2004, l’OMI a aidé, dans le cadre de son programme général de réinsertion, 729 étrangers invités à quitter le territoire français – c’est moins qu’en 2003, où ils avaient été 947 – et 477 autres étrangers ont bénéficié d’un rapatriement volontaire pour raisons humanitaires.

S’agissant du programme « actions en faveur des familles vulnérables », la plus grande part des crédits est consacrée au financement de l’allocation de parent isolé.

Les crédits affichés pour 2006 sont construits sur l’hypothèse volontariste d’une maîtrise des effectifs d’allocataires – 191 500 en moyenne en 2004, 195 000 attendus en 2005, mais seulement 181 000 espérés en 2006 – grâce aux instruments d’insertion dans l’emploi mis en place pour les allocataires de minima sociaux.

La protection maladie est notamment assurée par la couverture médicale universelle et par l’aide médicale d’État. La CMU est financée par un fonds de financement ad hoc dont la subvention d’État assure simplement l’équilibre. Son montant diminue en 2006, ce qui constitue une bonne nouvelle : 324 millions d’euros contre 661 en 2005, la baisse résultant de l’existence d’excédents reportés sur le fonds, du dynamisme de ses autres ressources, en particulier la taxe sur les cotisations d’assurance complémentaire santé, et d’une modification de la répartition des droits sur les tabacs.

Le projet de loi de finances reconduit, par ailleurs, au même niveau que les années précédentes, soit 233 millions d’euros, l’évaluation pour les dépenses médicales d’État. On sait cependant que ces montants ont toujours été dépassés jusqu’à présent en exécution, la dépense effective atteignant 489 millions d’euros en 2003. Toutefois, les mesures prises depuis pour maîtriser l’explosion de ce dispositif, telles que l’instauration d’une obligation de résidence ininterrompue depuis trois mois en France et la suppression de l’admission immédiate, permettront de stabiliser cette dépense, laquelle pourrait s’établir en 2005 à environ 368 millions d’euros.

Enfin, à la différence de cette année, l’État contribuera en 2006 au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, en complément de la contribution de la branche accidents du travail du régime général de la sécurité sociale.

Le programme concernant l’égalité entre les hommes et les femmes est assez modeste, ce qui ne signifie pas pour autant que ses missions ne sont pas assurées. Il est ainsi proposé de reconduire en 2006 les moyens consacrés à cette action à hauteur de 27 millions d’euros. Affectés pour plus d’un tiers au financement des 204 emplois, en équivalent temps plein, du service des droits des femmes et de l’égalité, ces moyens sont, pour le reste, consacrés aux interventions.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales appelle donc l’Assemblée à voter les crédits de la mission « solidarité et intégration ».

Le président de notre commission souhaite également que soit dressé un premier bilan, dix-huit mois après la décentralisation du RMI, des expériences menées par l’ensemble des départements. La commission souhaiterait en savoir un peu plus avant l’arrivée de nouveaux textes, notamment du rapport des missions sénatoriales diligentées par le Premier ministre, et avant la réforme des minima sociaux et de l’intéressement, qui sera prochainement proposée à l’Assemblée nationale.

La décentralisation a au moins eu le mérite de faire bouger les choses. Confrontés à des situations extrêmement diverses, les conseils généraux ont apporté des réponses aussi diverses, ont conduit des expérimentations, et cherché parfois à leur donner un écho médiatique. La presse les a parfois longuement évoquées. Les conseils généraux se sont organisés pour gérer le dispositif, après avoir négocié avec les autres administrations concernées. En revanche, si la gestion du RMI a souvent pu être clarifiée, il reste à mieux préciser les obligations financières, voire les compétences des uns et des autres. Je n’évoquerai pas ici les transferts financiers, qui ont fait l’objet de nombreux débats et qui continueront d’alimenter la polémique. On l’a vu hier au Sénat, à l’occasion du débat organisé sur la décentralisation.

Sur le terrain de l’insertion, on relève aussi un nouveau dynamisme des politiques départementales, même si l’on ne peut guère, à ce jour, en mesurer les effets. Alors qu’un nombre croissant de secteurs économiques sont en pénurie de main-d’œuvre, l’accompagnement au retour à l’emploi marchand doit être une priorité et l’est dans nombre de départements.

Autre constat : le souci inédit de contrôle des abus que l’on retrouve dans des départements de tous bords politiques, lesquels assument cette obligation. Des évolutions de la réglementation permettraient certainement d’assurer ces contrôles dans de meilleures conditions, s’agissant notamment de l’accès des ressortissants communautaires au RMI ou de la connexion entre la lutte contre la fraude aux minima sociaux et celle contre le travail au noir.

Ces constats rejoignent parfaitement ceux du Premier ministre, qui s’exprimait ainsi, lors de sa conférence de presse du 1er septembre dernier : « La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Les personnes qui touchent des revenus d'assistance ne sont pas suffisamment incitées à reprendre un emploi. D'abord parce que leur accompagnement vers le marché du travail est insuffisant, en dépit du professionnalisme et de l'engagement remarquable des professionnels du secteur social : or davantage que n 'importe quel autre citoyen, ces personnes ont besoin d'un suivi personnalisé et d'un soutien dans leurs démarches. Ensuite parce que l'intérêt financier à reprendre une activité n'est pas toujours évident… »

Parallèlement, la mise en place des nouveaux contrats d'activation issus du plan de cohésion sociale, le contrat d'avenir et le CI-RMA rénové, s’effectue assez lentement, ce qui pose question. Ces dispositifs nationaux et parfois rigides sont-ils adaptés à la diversité des populations concernées par le RMI ? On observe que la grande variété de ses bénéficiaires, parfois proches de l'emploi, parfois au contraire tellement éloignés qu'un retour à l'activité est très improbable, conduit à s'interroger sur l'unité du RMI : ne devrait-on pas distinguer entre un « revenu d'existence » et un « revenu d'activité », pour ceux qui sont aptes à en exercer une, dont le versement serait subordonné à une véritable contrepartie ? Un récent sondage a montré que 84 % de nos concitoyens estiment qu'il ne peut y avoir d'assistance sans contrepartie : il convient d'adapter les dispositifs pour mettre en œuvre cette obligation.

Nos différentes auditions nous ont inspiré plusieurs pistes de réforme concrètes.

Première mesure : il s’agit d’assurer la réussite rapide des contrats d’activation du RMI, en supprimant le délai de latence de six mois dans un minimum social avant d’accéder au contrat d’avenir ou au CI-RMA…

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. …et en assouplissant la règle de l’horaire hebdomadaire de vingt-six heures pour le contrat d’avenir.

La deuxième série de mesures tendrait à mettre fin aux dérives du dispositif :

– en assurant la transparence des prestations et aides extralégales dont bénéficient les allocataires des minima sociaux ;

– en mettant en place un fichier national de l’ensemble des prestations gérées par les caisses d’allocations familiales et en généralisant l’usage du NIR, numéro national d’identification ;

– en prévoyant un signalement systématique aux présidents de conseil général des cas de travail illégal avérés lors des contrôles des autres administrations, notamment de l’inspection du travail, ce qui n’est pas le cas actuellement ;

– en précisant les règles d’accès des ressortissants communautaires au RMI en se calant sur les restrictions autorisées par la directive européenne du 29 avril 2004 : pour un chômeur, obligation d’être inscrit à l’ANPE, de rechercher activement un emploi et possibilité de limiter le versement du RMI à six mois sauf si on peut alléguer un an de travail effectif en France, le problème des ressortissants communautaires étant un sujet d’actualité dans un certain nombre de départements ;

– en conditionnant l’accès au RMI au statut de résident fiscal et en permettant aux conseils généraux de s’assurer de la situation financière des ressortissants étrangers en prévoyant dans les accords fiscaux internationaux les dispositions nécessaires ;

– en précisant que l’accès d’étudiants au RMI n’est possible que si leur formation permet une insertion effective dans l’emploi ;

– enfin, s’agissant des non-salariés, en généralisant les diagnostics de viabilité de l’activité et en envisageant des réorientations professionnelles, le RMI servant souvent de complément de revenu pour les étudiants et les non-salariés.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Dans la perspective de la réforme envisagée des minima sociaux, il convient, j’y insiste, d’approfondir la réflexion sur la distinction entre le « revenu minimum d’existence », qui s’adresserait à des personnes très éloignées de l’emploi, et le « revenu minimum d’activité », ce dernier pouvant être lié à l’inscription obligatoire à l’ANPE.

En outre, il faut donner aux départements la compétence de formation professionnelle des demandeurs d’emploi et allocataires de minima sociaux, le « I » du RMI passant souvent par la formation.

Enfin, il convient de clarifier la réglementation de l’élection de domicile pour éviter les fraudes et assurer la sécurité juridique des organismes domiciliateurs. C’est un sujet d’actualité, puisqu’une mission parlementaire vient d’être nommée par le Premier ministre et qu’il fait, de plus, l’objet de débats dans les conseils généraux. Chacun s’accorde toutefois à saluer les grandes avancées liées à la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le handicap et la dépendance.

Mme Maryvonne Briot, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le handicap et la dépendance. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, le rapport pour avis que je vous présente aujourd'hui porte sur le programme « handicap et dépendance » de la mission « solidarité et intégration ».

Le projet de loi de finances pour 2006 applique pour la première fois les règles et la présentation budgétaire arrêtées par la loi organique du 1er août 2001. Les crédits des personnes handicapées ne sont donc plus individualisés, mais intégrés dans le programme 157 « handicap et dépendance », qui couvre également les crédits d'État en faveur des personnes âgées en perte d'autonomie.

Pour 2006, ce programme représente près de 8 milliards d'euros. Il est le mieux doté, car il correspond aux deux tiers des 12 milliards d'euros de la mission « solidarité et intégration ». L'objectif global de ce programme est de permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d'autonomie de choisir elles-mêmes leur projet de vie en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins, évalués de manière individualisée. Le programme se décompose en six actions : quatre consacrées aux personnes handicapées, une aux personnes âgées et la dernière au pilotage du programme.

Malgré la très grande diversité des sources de financement mobilisées, la dépense de la collectivité en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d'autonomie peut être évaluée, cette année, à 43 milliards d'euros. En 2006, les dépenses publiques devraient progresser très fortement. En effet, quatre nouvelles actions seront engagées grâce aux crédits gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, auxquels s'ajouteront des crédits des départements et des caisses d'action sociale : la prestation de compensation du handicap, la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, le soutien au handicap psychique, l'aide au financement d'opérations d'investissement et d'équipement pour les établissements. D'autres facteurs expliquent la croissance de l'effort financier de l'État, tels que l'arrivée en année pleine de la garantie de ressources des personnes handicapées, effective depuis juillet 2005, et la mise en accessibilité des habitations, des lieux publics, des lieux de travail et des transports collectifs.

Les crédits inscrits au budget de l'État au titre du programme « handicap et dépendance » serviront essentiellement à financer deux types d'actions majeures : les ressources d'existence des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d'autonomie et le financement des établissements et services d'aide par le travail – ESAT – ainsi que la garantie de ressources des travailleurs handicapés.

Je souhaite insister sur ces deux points.

Les ressources d'existence reposent sur deux minima sociaux : l’allocation adulte handicapé – AAH – et l’allocation personnalisée d'autonomie – APA.

L'article 16 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées garantit des ressources composées de deux allocations : d’une part, l’AAH, d'un montant de 599,40 euros au 1er janvier 2005, versée par la Caisse d’allocation familiale et la Mutuelle sociale agricole à toute personne reconnue handicapée par une commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, la COTOREP – qui sera bientôt transformée en commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées – ; d’autre part, un complément de ressources versé aux bénéficiaires de l'AAH à taux plein auxquels leur handicap ne permet pas de trouver un emploi sur le marché du travail. Le coût de la mise en place de cette réforme est évalué à 90 millions d'euros pour 2006, soit 1,7 % du volume global des crédits.

Cette loi a permis de revaloriser les ressources d'existence par rapport au SMIC et, dans une moindre mesure, par rapport au RMI. Elle a également permis de corriger quelques inégalités concernant le « reste à vivre » des adultes handicapés qui vivent en établissement : il est passé de 12 % de l'AAH à 30 % pour la personne handicapée qui ne travaille pas et de 30 % à 50 % pour celle qui travaille.

Reste le problème des personnes handicapées hospitalisées ou accueillies en maison d’accueil spécialisé, qui payent le forfait journalier, car l'augmentation du forfait risque d'amputer fortement ce « reste à vivre ».

L’APA est une allocation personnalisée qui varie en fonction de la perte d’autonomie de la personne âgée, évaluée selon la grille AGGIR. Elle varie également selon les ressources dont dispose l’allocataire. Au 30 juin 2005, le ministère de la santé comptait 891 000 bénéficiaires de l’APA. Le taux de progression a été de 8 % sur les douze derniers mois. En 2005, les départements consacrent environ 4 milliards d’euros au financement de l’APA sur leurs propres budgets, et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie leur versera 1,34 milliard d’euros à ce titre. Pour 2006, une enveloppe de 1,4 milliard d’euros est budgétée.

Je souhaite maintenant évoquer le problème du financement des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, anciens centres d’aide par le travail, et la garantie de ressources des travailleurs handicapées qui y sont accueillis.

Les ESAT sont des établissements médico-sociaux qui offrent à la fois une activité productive et un soutien médico-social aux personnes handicapées. Cette double fonction entraîne un statut particulier pour les travailleurs handicapés, qui ne sont pas considérés comme des salariés à part entière puisqu’ils ne sont pas titulaires d’un contrat de travail et ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure de licenciement. Cependant, la loi du 11 février 2005 leur garantit des droits sociaux – congés, formation, validation des acquis professionnels – et une rémunération minimale qu’ils ne pourraient pas obtenir en raison de leur productivité réduite.

En contrepartie, l’État verse aux ESAT une subvention dite de garantie de ressources des travailleurs handicapées, qui est désormais gérée comme une aide au poste, c’est-à-dire que l’établissement reçoit une enveloppe globale correspondant au niveau moyen des rémunérations versées.

Pour 2006, l’État consacrera 2,23 milliards d’euros aux ESAT au travers de 1,25 milliard d’euros de subventions directes et de 980 millions d’euros de compléments de rémunération des travailleurs handicapés. Le complément annuel moyen alloué par place en ESAT est valorisé en 2006 à hauteur de 8 986 euros.

Cette réforme de la rémunération garantie permet d’aligner les salaires des travailleurs ayant un taux d’incapacité inférieur à 80 % sur ceux ayant un taux supérieur ou égal à 80 %. La conséquence directe est le relèvement de la rémunération des travailleurs handicapés ayant un taux d’incapacité compris entre 50 et 80 %. La FEGAPEI, Fédération nationale des associations de parents employeurs et gestionnaires d’établissements, que j’ai auditionnée, évalue à 1 646 euros le différentiel de rémunération qui doit être financé par les ESAT ; 25 000 travailleurs handicapés seraient concernés pour un coût financier de 41,15 millions d’euros pour 2006. Or le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit que 20 millions de crédits supplémentaires pour les ESAT. La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 ne serait donc pas totalement financée par l’État.

Certains établissements pourront assurer le rattrapage salarial du fait de leur activité à forte valeur ajoutée ; d’autres ESAT, qui choisissent d’accueillir des personnes handicapées avec une faible productivité, notamment les personnes handicapées mentales, ne le pourront pas. Afin d’éviter les inégalités entre les ESAT, il serait nécessaire de réfléchir à la définition d’un critère de répartition fondé sur la valeur ajoutée de chaque établissement. Ainsi, l’établissement dégageant une valeur ajoutée substantielle pourrait maintenir un reversement important à ses travailleurs, les autres ESAT étant privilégiés pour l’attribution de l’aide au poste.

Pour terminer sur ce sujet, je souhaite vous faire part, messieurs les ministres, d’un problème concernant les associations départementales qui gèrent plusieurs établissements. Elles disposent d’un siège social autorisé par arrêté préfectoral. Les dépenses sont fixées par l’État et supportées par les établissements en fonction d’une réglementation définie par un décret du 22 octobre 2003. La quote-part prise en charge par chacune des structures est calculée en fonction des charges brutes. Or cette répartition pénalise les établissements dont l’activité nécessite des achats de matières premières. À titre d’exemple, pour l’ADAPEI de mon département, la Haute-Saône, ce dispositif fait passer, en 2005, la charge des frais du siège supportée par le budget de production de 89 360 euros à 261 429 euros, bien au-delà de l’équité économique. La répartition des frais de siège en fonction de la valeur ajoutée permettrait de soutenir les activités de production des ESAT dont la rentabilité est difficile, notamment dans les périodes de forte fluctuation du cours des matières premières et de l’énergie.

Les autres effets secondaires de cette réforme de la rémunération garantie pour les travailleurs handicapés en ESAT portent sur l’attribution de l’allocation logement et sur l’exonération de la taxe foncière et de la taxe d’habitation.

Ces conséquences négatives résultent d’un effet de franchissement de seuil. En effet, la nouvelle rémunération garantie est prise en compte dans sa totalité dans le calcul du plafond de ressources alors que l’AAH ne l’était pas. La solution serait que la caisse d’allocations familiales ne prenne pas en compte le revenu financé par l’aide au poste, qui est une aide de l’État.

Par ailleurs, l’AAH exemptait son allocataire de la taxe foncière et de la taxe d’habitation. Cette exonération n’existe pas pour la nouvelle rémunération garantie. Il n’est donc pas exclu que certaines personnes handicapées soient conduites, pour de pures raisons financières, à renoncer au travail en ESAT afin de percevoir la seule AAH et de continuer à bénéficier de l’exonération de la taxe foncière et de la taxe d’habitation.

M. Claude Gaillard. Vous avez raison de soulever ce problème !

Mme Maryvonne Briot, rapporteure pour avis, pour le handicap et la dépendance. Le second volet de ce rapport pour avis concerne les dépenses en faveur des personnes âgées : action 5 du programme. Le total de la dépense publique, en tenant compte des financements de la sécurité sociale, de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et des dépenses des départements, s’élève à 11,2 milliards d’euros pour 2005.

Les crédits d’État demandés pour 2006 s’élèvent à 26 577 378 euros en autorisations d’engagement et à 16 975 378 euros en crédits de paiement. Cette action recouvre trois types de financement : les subventions à des associations ; les crédits mobilisés dans le cadre de la politique de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, notamment pour financer le réseau ALMA – Allô maltraitance personnes âgées ; les subventions d’investissements pour les établissements s’inscrivant dans le cadre des contrats de plan État-région 2000-2006.

Fin août 2005, on comptait 10 344 établissements d’hébergement pour personnes âgées, soit environ 670 000 places.

Le coût de prise en charge par l’État, les collectivités territoriales, l’assurance maladie et les caisses d’action sociale ont fait prendre conscience qu’il existait des solutions alternatives au placement en institution.

Deux formules sont principalement utilisées : les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, et l’accueil de jour ou accueil temporaire.

L’objectif des services de soins infirmiers à domicile est de maintenir les personnes en perte d’autonomie dans leur milieu familial tout en préservant un lien social et en assurant un suivi global de leur état de santé. Une aide à l’accompagnement non sanitaire est souvent proposée par les SSIAD en plus des soins infirmiers.

Le Gouvernement a pour objectif de porter à 100 000 le nombre de places en SSIAD en 2007. Pour 2005, la création de 6 000 places est prévue et, en 2006, 4 250 places supplémentaires seront créées, pour une dépense budgétaire de 22 millions d’euros.

Les dépenses engagées pour les SSIAD restent cependant relativement marginales. En effet, lorsque, en 2004, 3,6 milliards d’euros sont dépensés pour l’APA et 2,8 milliards pour les forfaits soins des EPAH, seulement 840 millions le sont pour les SSIAD.

Je voudrais également appeler votre attention, messieurs les ministres, sur le problème de l’aide ménagère financée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Ce sont 248 000 personnes âgées qui bénéficient de cette aide fournie par des prestataires conventionnés. Or les crédits de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ont baissé de 22 % en quatre ans. De plus, les caisses régionales d’assurance maladie ont décidé de concentrer les aides sur les personnes âgées classées GIR 5 en les supprimant à celles qui sont classées GIR 6. Les conséquences sont préoccupantes pour les services prestataires, et pour les personnes âgées qui sont obligées de verser une contribution financière. Le maintien de ce service d’aide ménagère est donc menacé.

Quant à l’accueil de jour ou l’accueil temporaire en établissement, il constitue une formidable alternative entre le maintien strict à domicile et le placement en institution. Il permet à l’entourage familial d’avoir des périodes de répit et à la personne en perte d’autonomie de disposer d’une période de transition entre deux prises en charge.

Le décret du 10 février 2005 impose à certains établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées de créer un accueil temporaire dans un délai de trois ans.

Le plan « vieillissement et solidarité » présenté par le Gouvernement en 2003 prévoit la création de 8 500 places d’accueil de jour et de 4 500 places d’accueil temporaire pour la période 2004-2007. Pour 2005, nous devrions atteindre 3 250 places. Pour 2006, la création de 2 125 places d’accueil de jour correspond à une dépense de 7,75 millions d’euros.

Pour accélérer le rythme de création de places, il convient de résoudre deux problèmes :

Premièrement, les conditions tarifaires ne sont pas encore définies. Actuellement, le prix de journée est à la charge de la personne âgée qui, certes, peut bénéficier de l’aide sociale ou de l’APA. La reconnaissance de l’utilité sociale et médico-sociale de cette forme d’accompagnement devrait se traduire par une prise en charge partielle, voire totale pour les cas les plus graves comme la maladie d’Alzheimer, par l’assurance maladie.

Le second problème concerne les frais de transport supportés par la famille ou la personne elle-même. Le nombre réduit de ces accueils de jour entraîne des coûts de transport élevés du fait de l’éloignement du domicile. Il conviendrait de réfléchir à une aide financière au transport pour ces personnes. Certains crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pourraient être utilisés à cette fin.

En conclusion, je dirai que la solidarité envers les personnes en perte d’autonomie est une priorité sociale. Une meilleure gestion prévisionnelle du risque dépendance devrait permettre la mise en place de modes de financement nouveaux. La création de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est un premier pas vers la création d’une nouvelle branche de protection sociale dédiée à la dépendance.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « solidarité et intégration » et donc du programme « handicap et dépendance ». Je demande à l’Assemblée nationale de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, premier orateur inscrit.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le programme consacré au handicap et à la dépendance représente près des deux tiers du budget de la mission « solidarité et intégration ». Je consacrerai cette intervention générale aux nombreuses interrogations suscitées par la mise en œuvre de la loi sur le handicap votée en février dernier. Je souhaiterais d’ailleurs savoir où en sont les décrets d’application.

Cette loi prétend répondre principalement à deux objectifs : permettre la compensation du handicap, grâce à la nouvelle prestation individualisée, mais aussi permettre la pleine participation des personnes handicapées à la vie sociale.

Nous pouvons légitimement nous interroger sur la volonté du Gouvernement d’assurer réellement ces objectifs. La rédaction actuelle du décret sur la prestation de compensation n’a en effet plus grand-chose à voir avec un droit présenté comme universel, car les propositions sont bâties sur une approche des capacités de la personne et non de ses projets individuels.

Ainsi, la proposition de financement des aides techniques et de l’adaptation de l’habitat est plafonnée à des montants insuffisants par rapport aux surcoûts liés au handicap. Par exemple, le prix d’un fauteuil roulant électrique peut atteindre plus de trois fois le montant maximal prévu de la prise en charge. Et dans le meilleur des cas, l’aménagement d’un logement serait financé à hauteur de 26 euros par mois pendant dix ans.

La somme dévolue à la prestation de compensation via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est de 500 millions d’euros. Cela représente 3 000 euros environ par bénéficiaire et par an.

Autre élément inquiétant : si l’on fait le point sur la rentrée scolaire, force est de constater le manque d’auxiliaires de vie, qui pénalise de nombreux enfants en situation de handicap, voire les empêche de suivre une scolarité ordinaire. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale a, dans une circulaire spécifique, affirmé le droit des élèves handicapés à s’inscrire, dès la rentrée 2005, dans l’école de leur secteur. Annoncer un droit sans y associer les moyens nécessaires relève de la supercherie.

D'autres inquiétudes se font jour, notamment à propos des futures maisons départementales des personnes handicapées. Les projets présentés n'intègrent même pas les missions collectives d'information, d'accompagnement et de conseil inscrites dans la loi. Méconnaître ces missions réduirait ces maisons à une simple fusion des actuelles CDES et COTOREP. La grande liberté laissée dans l'organisation risque de faire disparaître la logique de guichet unique couplée à celle de proximité. Avec les règles de majorité prévues au sein de la future commission des droits et de l'autonomie, la règle du « payeur décideur » s’impose alors que seuls les besoins de compensation devraient dicter les décisions.

Autre point d'inquiétude, la réglementation de l'accessibilité s'établit a minima et multiplie les dérogations. La nouvelle loi réaffirme pourtant l'obligation d'accessibilité du cadre bâti et fixe un délai maximum de dix ans pour l’adaptation des bâtiments existants. Seule une politique d'accessibilité volontariste et durable permettrait de faire respecter ce droit.

Je souhaiterais enfin obtenir des explications sur l'évolution du montant de la pension d'invalidité, de l'allocation adulte handicapé et sur la réforme de l'aide au poste des travailleurs handicapés.

La liste des inquiétudes est bien longue, monsieur le ministre, et vos réponses d'aujourd'hui sont attendues par des milliers de nos concitoyens et par leurs associations représentatives, si j'en juge au nombre impressionnant de courriers reçus dans nos circonscriptions. Certains d'entre eux font état de situations désespérées, et le mot n'est pas trop fort. J'espère que vos éclairages seront à la hauteur d'une attente qui peut se transformer au fil des semaines en une immense déception. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy.

M. Jean-François Chossy. Vous ne vous étonnerez pas, messieurs les ministres, si je concentre mes propos sur le volet « handicap » de ce budget.

C’est un exercice difficile que d’élaborer un budget en tenant compte de trois règles nouvelles, en l’occurrence la nouvelle présentation budgétaire arrêtée par la loi organique du 1er août 2001, la mise en place progressive de la loi du 11 février 2005 et l'implication de la CNSA dans le pilotage budgétaire et financier de dispositions législatives concernant les besoins des personnes handicapées et dépendantes.

Deux points me semblent essentiels : la loi sur l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées, et la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

La loi du 11 février 2005 s'est fixée comme objectif prioritaire de garantir à toute personne handicapée le droit à la solidarité nationale et le plein exercice de sa citoyenneté. Cette double exigence signifie que l’État se porte garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire, ce qui a et aura des incidences budgétaires et financières importantes.

Cette loi a donc des objectifs précis, mais elle s'est également préoccupée de faire changer le regard que l'on porte sur le handicap, et donc les mots que l’on emploie, pour que les mentalités évoluent et que la personne fragilisée par le handicap passe enfin du statut d'objet à celui de sujet. Par exemple, on ne prend plus en charge une personne handicapée mais on l'accompagne dans son projet de vie ; on n’intègre plus dans l'école un enfant porteur d'une différence, mais on le scolarise comme un enfant ordinaire.

La loi a aussi ses rigueurs et ses obligations. Au rang de celles-ci figure désormais la compensation des conséquences du handicap, servie sous forme de prestations quels que soient l'origine et la nature de la déficience ou l'âge et le mode de vie de la personne toujours douloureusement concernée.

Il est également envisagé de meilleures ressources pour les personnes handicapées. Une garantie de ressources a été créée ; elle est composée de l’allocation aux adultes handicapés – versée sous condition de ressources par la Caisse nationale des allocations familiales ou par la MSA, lesquelles sont ensuite remboursées par le budget de l'État – et d'un complément de ressources, versé aux bénéficiaires de l'AAH que le handicap empêche de travailler.

Par ailleurs, le reste à vivre des adultes hébergés en établissement a été substantiellement revalorisé, passant de 12 % à 30 % de l'AAH pour ceux qui ne travaillent pas et de 30 % à 50 % pour celles et ceux qui travaillent. Je vous renvoie sur ce point aux décrets du 29 juin 2005.

L'accessibilité de tout pour tous a également été une préoccupation majeure du législateur qui, dans la loi du 11 février, a souhaité avec insistance qu'au-delà de l'accessibilité au cadre bâti, aux transports et aux nouvelles technologies, la personne handicapée puisse plus facilement s'impliquer dans la vie scolaire à tous les niveaux et dans la vie sociale grâce à l'emploi dans une entreprise ordinaire, le travail adapté ou le travail protégé.

Sur ces points, comme sur bien d'autres, monsieur le ministre, votre budget répond aux exigences de ce challenge.

J'en viens aux missions essentielles de la CNSA, dont je salue l'autorité du président, Alain Cordier, et l'efficacité du directeur, Denis Piveteau.

La CNSA est, selon les termes de Mme Marie-Anne Montchamp, alors secrétaire d’État aux personnes handicapées, un nouveau pilier de notre protection sociale et un nouveau partenaire au service des personnes handicapées et des personnes âgées. Et vous n'avez pas dit autre chose, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu spontanément rencontrer le conseil de la CNSA. Ce qui, soit dit en passant, a été particulièrement apprécié.

Oui, c'est un financement qui autorise le progrès social. Oui, c'est un acte de citoyenneté partagé, c'est un engagement pour davantage de solidarité.

L'accompagnement d’une personne handicapée autour de son projet de vie exige de faire appel à la solidarité sociale. La CNSA remplit les fonctions d'une caisse de protection sociale puisqu'elle a pour mission de contribuer au financement de l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à domicile ou en établissement, dans le respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire.

À ce titre, la CNSA encaisse le produit de la contribution sociale autonomie, d'un dixième de point de la CSG, et de la contribution des caisses de retraite. Ces versements viennent en complément des efforts solidaires engagés par les départements au titre notamment de l’APA, de la prestation de compensation des personnes handicapées et du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées.

En 2006, la CNSA allouera 550 millions d'euros à la prestation de compensation. Grâce aux actions conjuguées de Mmes Marie-Thérèse Boisseau et Marie-Anne Montchamp et de vous-même, monsieur le ministre, le handicap reste, sous l'impulsion du Président de la République, une priorité d'action.

Ainsi, le programme de création de places en établissements et services reste soutenu : entre 2003 et 2007, 40 000 places nouvelles seront ainsi créées, que ce soit pour les jeunes autistes avec l'ouverture de 1 150 places, ou pour les polyhandicapés avec 900 places, ou encore avec 11 900 places médicalisées et 14 000 places en CAT, sans oublier la mise en œuvre de 300 clubs dans le cadre du plan handicap psychique, cofinancé par la CNSA à hauteur de 20 millions d'euros.

Les plans autisme et polyhandicap ont fait naître un immense espoir chez les familles et les personnes concernées, et votre objectif, je le sais, messieurs les ministres, est de n'en décevoir aucune.

Dans ce cadre aussi, la solidarité doit fonctionner dans des conditions optimales, et votre budget s'y emploie. Pour ce faire, Mme Maryvonne Briot détaille, dans son excellent rapport pour avis, les postes budgétaires attenants qu'il faudra, j'en suis certain, réajuster en fonction des besoins réels constatés au fil du temps, des projets et des actions.

Toutefois, quelques interrogations subsistent, que vous saurez sans aucun doute lever, notamment sur le financement de l'Observatoire national sur les formations, la recherche et les innovations, prévu à l'article 6 de la loi. Cet organisme – que certains, comme Julia Kristeva et Charles Gardou, voudraient voir fonctionner comme un institut – est un poste avancé de vigilance, chargé de se prononcer sur la coordination des politiques de prévention et de dépistage et qui devrait s'impliquer dans la programmation pluridisciplinaire concernant la recherche.

Par ailleurs, la loi du 11 février fait une très large place à la formation. Ainsi, l’article 7 prévoit une formation spécifique des professionnels de santé et du secteur médico-social, et l'article 9, l'apprentissage adapté de l'aidant naturel. L'article 19, qui concerne plus spécialement l'éducation nationale, prévoit une formation initiale et continue spécifique des éducateurs et des enseignants, des personnels d'encadrement, d'accueil et des personnels techniques et de service, et l’article 80, la formation des aidants familiaux, des bénévoles associatifs et des accompagnateurs non professionnels intervenant auprès des personnes handicapées. Enfin, l'article 41 impose à tous les architectes et professionnels du bâtiment une formation à l'accessibilité du cadre bâti.

Cette formation pour chacun est un élément important d'implication, permettant tout à la fois une meilleure compréhension et une meilleure acceptation des problèmes liés aux handicaps. Je sais, messieurs les ministres, que vous mettrez toute votre énergie et tout votre talent au service des financements multiples de cette initiative.

La loi concernant les personnes handicapées a posé le principe fort de la non-discrimination. Cet objectif est soutenu par un organisme devenu institutionnel : la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Mais à l'heure de la mise en œuvre des décrets d'application de la loi de février 2005, il faut que les principes deviennent réalité, et la HALDE doit être le gardien de son application pour ce qui concerne toutes les discriminations à l'emploi, au logement, aux accès aux biens et services dont nos concitoyens handicapés sont les victimes. Selon les informations qui m'ont été communiquées, 15 % des réclamations reçues par la HALDE concernent les discriminations liées au handicap et à l’état de santé.

Le collège de la HALDE a déjà délibéré et permis de résoudre des situations concrètes en matière d'emploi ; il a notamment saisi l'éducation nationale en vue de reconsidérer les critères d'intégration des handicapés dans les effectifs enseignants. Je souhaite donc que les crédits nécessaires à la HALDE pour lui permettre de développer son action de lutte contre les discriminations dont sont victimes les handicapés, comme dans les autres domaines de sa compétence, puissent être maintenus à hauteur de ce qu’elle a demandé et précédemment obtenu, c’est-à-dire 10,7 millions d’euros.

M. Gérard Bapt. Très bonne demande !

M. Jean-François Chossy. Si je n'ai aucune crainte quant à la capacité du Gouvernement de résoudre les problèmes qui se posent encore pour la pleine application de la loi du 11 février,…

M. Gérard Bapt. C’est ce qui nous distingue !

M. Jean-François Chossy. …je tiens, messieurs les ministres, à vous faire partager la réelle inquiétude suscitée par les difficultés d'accueil des personnes handicapées. Un effort considérable a été consenti pour permettre à l'accueil temporaire, cher au président Jean-Jacques Olivin, de trouver sa place dans le panel de l'offre d'accueil. Je vous remercie d'y avoir apporté les moyens budgétaires indispensables. À ce propos, peut-être pourrions-nous réfléchir ensemble à la création d'un centre national de ressources sur l'accueil temporaire, outil indispensable à une meilleure estimation des besoins, à une implantation plus judicieuse des structures et à une mise en commun des expériences et des énergies pour une rationalisation et une économie des moyens.

Reste cependant une difficulté : de nombreux dossiers de création d'établissements, le plus souvent à l'initiative des parents, demeurent en souffrance, et nombre de jeunes adultes sont encore concernés par le fameux amendement Creton. Aussi, pour en finir avec cette situation ubuesque, l'article 67, élaboré en plein accord avec Michel Creton lui-même, prévoit que suivant un rapport biennal, toutes les dispositions seront prises en suffisance et en qualité pour créer, selon une programmation pluriannuelle, les places en établissement nécessaires à l'accueil des jeunes personnes handicapées âgées de plus de vingt ans. Ce n'est pas un article de bonne intention, ce n'est pas seulement un article symbolique, c'est surtout une invitation législative à répondre aux attentes et aux souffrances d'un très grand nombre de personnes. Je compte là aussi, messieurs les ministres, sur votre capacité à mobiliser les énergies associatives et les financements publics.

Pour qu'une loi soit effective, il lui faut un bon budget et un financement à la hauteur. C'est encore le cas cette année et c’est pourquoi le groupe UMP votera ces crédits qui servent bien le programme handicap de la mission « solidarité et intégration ».

Mais il faut aussi à la loi des décrets d’application. Même si l’article 101 de la loi du 11 février 2005 prévoit la publication des textes réglementaires dans les six mois suivant sa publication, je veux bien admettre que l'enthousiasme ambiant au moment de la discussion a quelque peu effacé de l'esprit du législateur – et même du Gouvernement – que, pour la plupart des quatre-vingts décrets, il était nécessaire de croiser les interventions et les décisions d'une vingtaine de ministères. J’émets donc une réserve sur ce point, afin qu’une réflexion soit engagée avec l'aide du CNCPH pour une meilleure rédaction.

Vous le savez bien, messieurs les ministres, le temps passé à attendre use les espérances des personnes handicapées et met à rude épreuve la patience des familles et des associations, qui attendent beaucoup de l'application de cette loi. Pour cela aussi, je compte sur votre détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, mon intervention sera consacrée à trois questions relevant du budget présenté ce matin : l'inclusion sociale, les familles vulnérables et le programme « handicap et dépendance ».

Le budget du programme « handicap et dépendance » est un budget de transition puisque le nouveau cadre de notre politique nationale en matière de handicap est en train de se mettre en place, en application de la loi du 11 février 2005, ce qui suppose de nouvelles sources de financement, de nouveaux transferts et des redéploiements de crédits. Je pense, entre autres, au financement de la prestation de compensation, via la nouvelle Caisse nationale de solidarité et les fonds départementaux de compensation, au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, ou encore aux nouvelles majorations de l'allocation adulte handicapé.

Mais au-delà des traditionnelles augmentations pour créations de places, les engagements nécessaires de l'État pour accompagner cette mise en place ne sont pas toujours visibles, pour ne pas dire qu’ils en restent souvent à l’effet d'annonce.

Les décrets d'application, dont on sait qu'ils constituent un chantier d'une certaine ampleur mobilisant de nombreux ministères, comme M. Chossy vient de le rappeler, ne sont toujours pas connus. C'est le cas, par exemple, de celui qui régira l'accès à la prestation de compensation. Mais on peut déjà supposer que l'enveloppe prévue sera largement insuffisante pour couvrir les besoins réels des personnes en situation de handicap, en dépit des intentions affichées dans la loi du 11 février 2005. On peut d’autant plus le supposer, madame Briot, que vos propos laissent à penser que certaines dispositions de cette loi seront revues.

Les maisons départementales, censées être opérationnelles au 1er janvier 2006, seront sous la responsabilité des départements, qui sont particulièrement inquiets – à juste titre tant les moyens semblent déjà insuffisants – mais surtout à cause de l’absence des décrets d’application.

Même en considérant l'ensemble des crédits consacrés au handicap par ce projet de loi de finances et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, force est de constater que les moyens ne sont pas au rendez-vous et que votre budget ne traduit en rien les priorités affichées par le Président de la République, puis par le Gouvernement lors de la discussion parlementaire de la loi de février 2005.

Vous nous annoncez, monsieur le ministre de la santé, un plan de rénovation des maisons de retraite et des centres médico-sociaux accueillant des personnes handicapées, qui serait financé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Nous nous réjouirions de cette annonce si nous n’étions pas inquiets de cette perpétuelle sollicitation de la CNSA, trop souvent appelée à la rescousse de projets et de programmes.

En ce qui concerne la vieillesse, nous ne pouvons que souligner encore une fois l’insuffisance des structures d’accueil au regard des évolutions démographiques ; la solution du maintien à domicile, que nous préférons tous, ne peut pas se concrétiser sur le terrain faute des réponses financières adéquates, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, tant pour les interventions à domicile que pour les structures d’accueil temporaire.

M. Tian remarque dans son rapport que les crédits relevant de la mission « solidarité et intégration » correspondent à un ensemble de mesures disparates relevant de différentes politiques de l'État. Cela peut se justifier dans le cadre de la lutte contre les exclusions, qui a par nature un caractère interministériel, mais cela suppose une approche différente.

Le discours prononcé par M. le Premier ministre à l’occasion du dernier conseil national de lutte contre les exclusions laissait espérer à chacun d'entre nous un souffle nouveau. Mais les propos contradictoires tenus, quelques jours après, par certains membres de la majorité nous ont gênés, car un véritable souci de la cohésion sociale interdit de stigmatiser les plus défavorisés en en faisant les coupables de leur situation. Il est, certes, essentiel de reconnaître le travail des associations, mais prétendre les soutenir sans mettre le budget en adéquation avec ses déclarations nous amène à nous interroger fortement sur la façon dont le Gouvernement entend répondre aux besoins.

Il est urgent, madame la ministre, aujourd’hui plus encore qu’il y a une semaine, de nous soucier des crédits du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FACILD. Cet outil nécessaire dans nos quartiers n’est pas actuellement à même de remplir ses missions.

Vous envisagez 1 800 créations de places dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale jusqu'en 2007, dont 500 immédiatement, conformément à la loi de cohésion sociale. Mais on ne peut aller de l'avant sans prendre la mesure de leurs difficultés actuelles. Deux problèmes se posent à eux. Le plus facile à résoudre, à mon avis, est le paiement des sommes encore dues au titre de l'exercice 2005, qui ne seraient versées qu'en 2006, ce qui ampute d’autant le budget pour 2006. Peut-être pourrez-vous, comme vous l’avez fait pour Emmaüs France à la demande de son président, débloquer très vite des crédits. Sinon le budget pour 2006 devrait être abondé, et les frais financiers engendrés par ce paiement retardé pris en charge. Il semble à la lecture des chiffres que le compte n'y serait pas : le rebasage budgétaire partiel à hauteur de 6 millions d'euros ne représente que la moitié de la somme estimée nécessaire par la mission IGAS-IGF.

De plus, malgré de nouvelles dispositions, le surcoût important des nouveaux contrats aidés inquiète les responsables. Ajoutez à cela le manque de logements sociaux, qui empêche de trouver une solution correcte pour sortir de l'urgence et n'autorise plus l'insertion tellement espérée. Ce fait contribue au malaise des travailleurs sociaux et nourrit l’agressivité des bénéficiaires. En effet, alors qu’ils sentent la réinsertion à portée de main, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent retrouver leur autonomie malgré tous les efforts qu'ils ont fournis.

La situation des chantiers et des ateliers d'insertion n'est pas meilleure. Comment peut-on prétendre réduire la fracture sociale, si on n'est pas capable d'offrir toutes les solutions de réinsertion aux plus cassés de nos concitoyens ?

2005 fut, certes, l'année des grands changements pour l'insertion par l'activité économique, notamment grâce à la reconnaissance longtemps attendue, à travers des décrets et circulaires, des chantiers d'insertion. Et je sais, madame la ministre, que vous y tenez beaucoup.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vous remercie de le reconnaître !

Mme Hélène Mignon. Mais il semblerait que les conséquences de la décentralisation et de la déconcentration des crédits soient en train d'anéantir le premier étage de la reconnaissance par la loi. Le montage financier s'écroule, vos engagements rassurants sur les niveaux de charge des nouveaux contrats aidés ne suffisent plus. Aujourd'hui, préfets, présidents de région et de département se renvoient la balle pour savoir qui finance quoi. Des structures déposent le bilan, des commissaires aux comptes lancent des procédures d'alerte. Et durant ce temps des gens attendent.

Nous sommes inquiets parce que la pauvreté n'a pas tendance à diminuer. Selon le Secours catholique, ce n'est pas tant le nombre de pauvres qui augmente que leur pauvreté qui progresse. Comme le remarque le sociologue Serge Paugam, les chiffres pourraient parfois donner l'impression d'un recul, mais de nombreuses formes de précarité se développent, alors que les mécanismes d'interprétation sont beaucoup plus défaillants que dans le passé. Les emplois atypiques, les CDD, le temps partiel, les bas salaires, en constante augmentation, sont autant de trappes à pauvreté. Pointent maintenant à l'horizon 600 000 retraités, destinés à rejoindre la cohorte des travailleurs pauvres.

La Journée internationale du refus de la misère du 17 octobre nous l'a rappelé. Il suffit d’écouter ATD Quart Monde, Emmaüs France, le Secours catholique, la coalition « 2005, plus d'excuse » pour en être convaincus, si nous ne l’étions déjà : la pauvreté et l'exclusion existent malheureusement dans notre pays ; elle n'est pas l'apanage des pays en voie de développement. Dans un pays riche comme la France, au possible nous sommes tenus, comme le dit Martin Hirsch. Pourtant, le budget consacré aux plus démunis n'est pas, dans bien des domaines, à la hauteur des besoins.

Madame la ministre, vous avez annoncé récemment une revalorisation des minima sociaux. On ne peut qu’en réjouir, surtout quand on connaît les observations du Secours catholique sur l’extrême dénuement où vivent les RMIstes.

D'après les déclarations de M. Lebreton, président de l'Association des départements de France, il semble qu'il soit dans vos intentions de décharger l'État d'une partie de ses responsabilités en la matière et de demander aux départements d'accroître leur part de contribution, alors même que l'État est déjà redevable envers ces collectivités territoriales de 435 millions d'euros au titre du RMI.

Même si la promesse a été faite d'introduire un rattrapage dans la loi de finances rectificative de décembre prochain, vous savez que ce ne sera qu'une réponse partielle à l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI. Plus de 62 % des demandeurs d'emploi rencontrés par les équipes du Secours catholique ne sont pas ou plus indemnisés.

Quand on observe comment se croisent les courbes du chômage et des allocataires du RMI, on peut se demander si une diminution du nombre de chômeurs signifie une réelle réinsertion dans la vie professionnelle, et non pas plutôt un accroissement du nombre des RMIstes. Je pense que malheureusement le principe des vases communicants fait illusion.

Les associations attendent que le Gouvernement tienne sa promesse de lancer une campagne nationale en direction de l’opinion. Pour gagner la lutte contre l'exclusion, il faut une solidarité forte. Et ce n’est pas la mettre en œuvre que de mettre surtout en exergue une poignée de tricheurs, qui doivent être justement sanctionnés, en oubliant de parler de tous ceux qui sont à la reconquête de leur dignité. Comment parler de solidarité quand on réduit l'accès aux soins, sans en mesurer l'impact sur la santé publique ?

Je voudrais que ne soit pas oublié ce million d'enfants qui, dans notre pays, vivent dans la pauvreté. Comment leur donner les mêmes possibilités d'avenir, en se souvenant qu'ils ne vivent pas seulement dans les banlieues stigmatisées, mais partout dans les villes et les zones rurales. Les événements des derniers jours indiquent que nous devons plus que jamais leur apporter notre soutien.

Pourquoi, madame la ministre, avoir accepté que les crédits affectés à l'accompagnement des familles baissent de 3 % ? Prévenir l'exclusion, c'est aider les parents à assumer leur rôle vis-à-vis de leur enfant, à la maison comme à l'école ; c'est soutenir les actions qui viennent en aide à la petite enfance et toutes les activités périscolaires. Vous connaissez comme moi le désengagement des caisses d’allocations familiales de ce domaine ainsi que celui du ministère de la jeunesse et des sports, qui supprime des contrats.

Prévenir l'exclusion, c'est aussi prendre en compte les problèmes de santé : combien d'enfants sont victimes de retard scolaire, décrochant très tôt parce qu'ils présentent des troubles de l'audition, de la vue ou de la nutrition non détectés ? Prendre soin de la santé des enfants, ce n'est pas faire une déclaration péremptoire et sans lendemain, comme celle de Jean-Pierre Raffarin en mai 2004.

Le combat contre la pauvreté des familles relève de toutes les grandes politiques publiques, fiscale, économique et sociale, familiale, la politique de l'emploi, les politiques sanitaire et éducative, la politique du logement.

Malheureusement, les divers budgets s'y rapportant et les votes intervenus dans ce domaine n’ont pas traduit une politique volontariste, bien au contraire. J’aimerais en particulier, madame la ministre, connaître les raisons qui ont conduit le Gouvernement à annuler, par deux décrets de février et de juillet, des crédits d’un montant de 27 millions d’euros destinés à l’action sociale et à la lutte contre l’exclusion.

Je pense que nous traitons là de sujets qui interpellent toute la nation.

Je voudrais enfin souligner que les crédits consacrés à la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ne sont pas à la hauteur de ce qu’il reste à accomplir dans ce domaine. Non seulement ce budget stagne, mais en outre un décret a annulé en octobre des crédits d’un montant de 778 564 euros. Là encore, j’aimerais connaître le motif de cette décision, à un moment où tant reste à faire sur le terrain, où tant de femmes vivent des situations difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, promouvoir l'égalité des chances, tel est l’objectif qui doit guider l'action de l'État et des élus. Le budget de la mission « solidarité et intégration » en est l'un des principaux fondements, et la traduction financière de la loi relative aux responsabilités locales, de la loi relative au transfert du RMI et à la création du RMA, de la loi de cohésion sociale, ou encore de la loi sur le handicap. Ces évolutions législatives récentes ont fortement augmenté les moyens mis au service des acteurs de l'insertion et de la cohésion sociale.

La priorité que nous devons accorder à ce budget est d'autant plus importante que les besoins sont de plus en plus lourds : le nombre de familles monoparentales augmente, de même que les besoins des personnes âgées, qui représentent une part croissante de notre population ; les naissances sont également plus nombreuses, ce qui nécessite une diversification accrue des modes de garde ; le tissu social se fragilise, en grande partie à cause des difficultés économiques.

Tous ces besoins, qui sont aujourd'hui à l’origine de nombreuses réformes législatives, trouveront des réponses adaptées à la seule condition que l'ensemble des collectivités et des élus se mobilisent et prennent réellement conscience des enjeux cruciaux de l'insertion et de leurs responsabilités nouvelles. Je pense en particulier aux conseils généraux et régionaux, qui, bien que soumis à des contraintes financières que chacun ici reconnaît, ne peuvent se désengager d’actions où ils sont fortement impliqués du fait de leurs compétences. Je veux parler, madame la ministre, de la mise en place du plan de cohésion sociale au niveau local.

Ainsi, les collectivités territoriales ne peuvent être absentes d’une structure telle que les maisons de l'emploi, qui mobilisera l'ensemble des acteurs de l'emploi et de l'insertion. Il en va de même pour les équipes de réussite éducative, qui vous tiennent à cœur, madame la ministre : elles permettront une intervention forte en direction des familles rencontrant des difficultés sociales et éducatives. Il en va de même encore avec les nouveaux contrats aidés : je pense plus particulièrement au rôle des conseils généraux en ce qui concerne les contrats d'avenir passés dans le cadre des chantiers d'insertion, ou à la responsabilité des conseils régionaux en matière de formation.

Je veux également parler du plan de développement des services à la personne dans le secteur de l'aide à domicile. On peut encore citer l’exemple de l’orientation des bénéficiaires de minima sociaux vers des emplois de service, auprès des personnes âgées ou handicapées.

Les maisons de l'emploi seront des points relais essentiels pour mieux adapter les politiques publiques aux réalités locales. La réussite du plan de cohésion sociale implique la mise en œuvre d'un vrai plan local d'insertion durable et d'accompagnement dans l’emploi.

En tant que membre du comité de suivi du plan de cohésion sociale, je mesure tout ce qui reste à faire. Les politiques de l'insertion et de l'emploi doivent être le cheval de bataille des élus locaux. Concertons-nous localement pour nous adapter vraiment aux réalités des territoires et aux besoins des personnes les plus isolées.

Au-delà des crédits que nous examinons aujourd’hui, l’essentiel réside dans l’engagement des élus locaux pour mener à bien la politique du Gouvernement. Quand il s’agit ici de cohésion sociale, tout le monde est concerné, mais beaucoup l’oublient encore aujourd’hui. Pourtant, cet engagement politique commun est essentiel pour mener sur le long terme des projets concrets de cohésion, comme les maisons de l’emploi ou les équipes de réussite éducative.

Les crédits consacrés à la solidarité et à l’intégration doivent s’inscrire dans la droite ligne du plan de cohésion sociale et permettre d’accentuer les politiques de proximité avec une meilleure insertion des publics en difficulté. Lors de l’examen pour avis des crédits de la mission solidarité et intégration par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Francis Vercamer a souligné au nom de l’UDF que près de 6 % de la population vit aujourd’hui avec moins de 600 euros par mois et 12 % avec moins de 720 euros par mois.

L’aide aux familles fragiles et l’éradication de la pauvreté ne doivent plus attendre. Au-delà des ambitions affichées, nous devons prendre en compte l’ensemble des réflexions menées à ce sujet, comme le rapport Familles, vulnérabilité et pauvreté de Martin Hirsch, président d’Emmaüs, ou le rapport de la sénatrice Valérie Létard sur les minima sociaux.

Après de nombreuses annonces en 2004, suivies de désillusions pour les personnes handicapées, 2006 doit être une année fondamentale. Ce sera l’année de la pleine mise en œuvre de la loi sur le handicap votée le 11 février 2005 : c’est dire l’attente immense que suscite chez les Français votre budget, madame et monsieur les ministres.

Il faut se féliciter que 475 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une hausse de 6,43 %, aient été inscrits à ce titre au budget du ministère.

J’évoquerai maintenant l’application de la loi du 11 février 2005, avant d’en venir à l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Le budget qui nous est présenté prévoit l’application de nombreuses dispositions de cette loi, mais il faut déplorer que tous les décrets ne soient pas encore parus, et nous souhaiterions avoir à cet égard quelques explications. Les élus locaux que nous sommes doivent garantir un « service après-vote ».

Ainsi, alors que des maisons départementales des personnes handicapées doivent être installées dans chaque département au 1er janvier prochain, soixante-dix décrets nécessaires à leur mise en oeuvre sont toujours attendus. Il en résulte pour les conseils généraux des incertitudes et des impatiences bien légitimes. Près de quatre-vingts décrets d’application de la loi sont en cours de rédaction et seront signés d’ici la fin de l’année 2005, en particulier ceux qui portent sur l’emploi des personnes handicapées. Madame la ministre, quelles assurances pouvez-vous nous donner sur l’accélération de ce processus ?

La question des ressources reste au cœur des préoccupations des personnes handicapées, même si des évolutions importantes ont été obtenues dans la loi du 11 février 2005, comme l’amélioration du cumul possible entre le revenu d’activité et l’allocation pour adulte handicapé, obtenue grâce à un amendement déposé par l’UDF.

Pour 2006, nous demandons que le projet de loi de finances traduise concrètement l’engagement du Gouvernement de fixer le montant de la garantie de ressources à 80 % du SMIC net, en prenant en compte ses dernières augmentations.

J’en viens, pour finir, à l’insertion professionnelle des personnes handicapées, élément essentiel de leur insertion dans la société. Il s’agit là, d’ailleurs, d’un thème sur lequel le groupe UDF s’était particulièrement investi lors de la discussion de la loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, en février dernier.

Si l’insertion du travailleur handicapé en milieu ordinaire de travail doit être considérée comme prioritaire, bien souvent la personne handicapée ne peut s’insérer dans un cadre professionnel dont elle ne peut affronter les exigences. Elle doit alors être orientée, au moins pour un temps, vers le milieu protégé.

Mais deux difficultés subsistent : les structures sont en nombre insuffisant et restent inégalement réparties sur le territoire : les centres d’aide par le travail – les CAT – sont engorgés à tel point que les associations de personnes handicapées estiment qu’il y manque près de 20 000 places ; les ateliers protégés souffrent d’un manque de compétitivité et leur création se heurte encore à de nombreux obstacles. La poursuite de la création de 2 500 places en établissements et services d’aide par le travail en 2006 comblera partiellement ce retard.

Nous vous demandons de mener une réflexion sur la nécessaire modernisation du secteur protégé, tout en préservant sa spécificité. Il est en effet indispensable de faire en sorte que les CAT ne deviennent pas de simples institutions d’accueil dans lesquelles les travailleurs handicapés demeureraient à titre permanent, sans perspective de sortie. Ils doivent conserver leur vocation de filière d’intégration progressive vers le milieu de travail ordinaire.

S’il est vrai que ce budget consacré à la solidarité et à l’intégration nous donne les moyens d’une bonne application du plan de cohésion sociale, rappelons aussi que cela ne sera possible qu’avec une implication pleine et entière des élus locaux. Un investissement supplémentaire n’en sera pas moins nécessaire en faveur des personnes handicapées.

Madame la ministre, la cohésion sociale doit être plus que jamais, comme le rappelait M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, l’affaire de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Madame et monsieur les ministres, mon intervention consacrée aux crédits de la solidarité portera tout particulièrement sur l’égalité entre les hommes et les femmes, car les indicateurs et les rapports les plus récents s’accordent à montrer que l’évolution en la matière reste bien trop lente.

Avec 27 millions d’euros, vous déclarez favoriser la mise en place de mesures spécifiques pour les femmes, afin de réduire les inégalités constatées, en particulier en matière professionnelle et sociale.

Avant transferts sociaux, 41,7 % des familles monoparentales – essentiellement des femmes avec enfants – disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Allocations familiales, allocation logement et minima sociaux permettent certes d’amortir le choc, mais 13,9 % des familles monoparentales vivent encore dans la pauvreté, contre 6,2 % des couples avec enfants, et cette proportion atteint presque 20 % pour les familles monoparentales de trois enfants.

Les femmes sont à présent aux premières loges de l’exclusion. Pourquoi un tel décalage entre l’ampleur de cette question sociale et son traitement ? Pourquoi si peu d’intérêt, notamment, et je le regrette, lors de la conférence de la famille ?

Nous pouvons affirmer aujourd’hui avec de nombreuses associations féminines que le droit des femmes au travail n’est pas respecté. Des milliers de mères de famille, après s’être consacrées à l’éducation de leurs enfants, sont dans l’impossibilité de réintégrer le monde du travail, malgré les quelques dispositions prises. Souvent, elles n’ont accès qu’à des emplois précaires et mal rémunérés, dont un grand nombre sont à temps partiel contraint. Un rapport sur les effets du travail à temps partiel, remis à Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, confirme la tendance selon laquelle les femmes seraient toujours les plus concernées par le temps partiel et s’inquiète du risque d’augmentation de la pauvreté engendré par cette forme d’emploi. Le niveau de rémunération des salariés à temps partiel, basé sur le SMIC horaire, participe au phénomène de précarité et se ressent également sur les retraites, du fait de l’insuffisance des cotisations.

Il convient donc de mettre en place des mesures concrètes de lutte contre cette forme de sous-emploi, comme l’instauration de dispositifs visant à limiter l’usage du temps partiel imposé. Il est regrettable que les amendements déposés par mon groupe lors de l’examen de la loi relative à l’égalité professionnelle n’aient reçu de votre part aucun écho favorable.

Je crains, madame la ministre, que l’on ne puisse réduire en cinq ans l’écart entre hommes et femmes en matière de travail à temps partiel, car ces inégalités tiennent notamment à l’orientation des jeunes filles au sein du système scolaire. En la matière, votre politique manque d’envergure et la loi Fillon d’orientation sur l’école n’y déroge pas, même si le sujet y est brièvement évoqué.

La démocratisation de l’enseignement passe pourtant par le respect de l’égalité des chances entre les filles et les garçons à l’école. Nous saisissons l’occasion de cette discussion budgétaire pour réaffirmer avec force notre attachement à la mixité. L’insertion des filles dans des filières professionnelles mixtes, masculines ou féminisées, l’attitude différenciée des parents, selon le sexe de leur enfant, en matière d’orientation, et les violences envers les filles en milieu scolaire sont des questions qui méritent d’être posées et de recevoir des réponses.

À cet égard, la convention interministérielle du 25 février 2000, étendue et prorogée jusqu’en 2006, va dans le bon sens. Il faut continuer de renforcer et d’élargir dans les académies le réseau des chargés de mission académiques à l’égalité des chances entre les filles et les garçons. Il faut aussi continuer de sensibiliser à cette question les partenaires internes et externes et diffuser des outils pédagogiques dans les établissements scolaires. Allez-vous renouveler cette convention et pérenniser ses moyens et ses personnels ?

La composition du nouveau conseil d’administration du CNRS est un exemple frappant des contradictions entre les annonces et les résultats : sur vingt et un membres, une seule femme siège au conseil du plus grand organisme de recherche européen !

La violence conjugale est un autre sujet de préoccupation La proposition de loi communiste et socialiste renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples a été adoptée par le Sénat le 29 mars 2005. Cette question, pourtant corrélée aux phénomènes d’exclusion sociale des femmes, n’est toujours pas inscrite au programme prévisionnel de nos travaux : sera-t-elle un jour débattue à l’Assemblée nationale ? Je souhaite que le vote de ce budget soit une occasion pour le Gouvernement de s’engager à poursuivre la discussion de ce texte.

Une question urgente est notamment celle du manque de centres d’hébergement d’urgence et de logements susceptibles d’accueillir les femmes victimes de violences.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne question !

Mme Valérie Pecresse. Oui !

Mme Muguette Jacquaint. À toutes ces questions, j’espère obtenir des réponses positives. Pour l’instant, nous ne pouvons voter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, en tant que rapporteure de la mission parlementaire sur la famille, je souhaiterais évoquer la question des familles vulnérables, en me concentrant particulièrement sur deux points.

Je profiterai d’abord de ce débat pour réaffirmer l’urgence d’une réforme des tutelles et des curatelles, troisième action du programme en faveur des familles vulnérables.

M. Serge Blisko. Très bien !

Mme Valérie Pecresse. Il faut regarder la situation en face : alors que 700 000 personnes font actuellement l’objet d’une mesure de protection, nous ne disposons, pour assurer la mise en place, le contrôle et la bonne gestion de ces protections, que de 80 juges des tutelles. C’est bien trop peu !

On estime à plus d’un million le nombre des personnes qui, dans les dix prochaines années, auront besoin d’être protégées, notamment à cause de la maladie d’Alzheimer.

Ceux qui sont aujourd’hui tuteurs ou curateurs sont nommés à partir d’une liste d’aptitude qui n’a jamais fait l’objet d’une mise à jour et ne se voient demander ni diplôme ni compétences spécifiques.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Serge Blisko. Assurément !

Mme Valérie Pecresse. N’importe qui peut donc assumer une responsabilité aussi lourde : régler la vie quotidienne d’une personne vulnérable, s’occuper de ses dépenses, gérer ses comptes, faire l’inventaire de son patrimoine sont autant de missions qui ne peuvent échoir à des mains malhonnêtes.

Or le tuteur ne doit aujourd’hui de comptes qu’au juge des tutelles qui, faute de temps, délègue bien souvent aux greffiers le suivi et le contrôle. Des fraudes et des abus, parfois très graves, existent, nous le savons. Cette question me semble faire l’objet d’un consensus politique.

M. Serge Blisko. Nous avons un projet de loi sur cette question !

Mme Valérie Pecresse. Un projet de loi visant à améliorer et à renforcer ce dispositif a été préparé par Dominique Perben, alors garde des sceaux, mais il semble aujourd’hui bloqué.

J’attends, dans l’intérêt des personnes vulnérables qui ont besoin d’être protégées, que ce texte soit inscrit prioritairement à l’ordre du jour de l’Assemblée, et je compte, monsieur le ministre, sur votre appui auprès du garde des sceaux, de qui se texte dépend essentiellement.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Gérard Bapt. Rendez-nous Perben ! (Sourires.)

Mme Valérie Pecresse. Par ailleurs, on a évoqué abondamment ce matin le rapport du Secours catholique qui a été publié hier. D’une façon générale, il constate que les personnes qu’il a accueillies en 2004 ne sont pas plus nombreuses que les années précédentes, mais qu’elles sont de plus en plus pauvres et qu’il s’agit souvent de familles. Quel soutien apporter à ces familles en difficulté ? Quels outils leur donner pour les prémunir de la pauvreté ? Du rapport du Secours catholique ressortent deux informations significatives sur lesquelles je souhaite mettre l’accent : en 2004, près de trois familles sur cinq qui reçoivent l'aide de cet organisme sont monoparentales, et la catégorie qui augmente le plus est celle des demandeurs d'emploi non indemnisés, parmi lesquels figurent de nombreuses femmes qui retournent sur le marché du travail après avoir élevé leurs enfants.

Nous sommes là au cœur de notre sujet : qui sont aujourd'hui les familles les plus vulnérables ? Ce sont le plus souvent celles dans lesquelles la mère, sans emploi, assure seule la charge des enfants, comme l’a dit notre collègue Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Valérie Pecresse. Selon l'Observatoire des inégalités, près de 14 % des familles monoparentales vivent encore dans la pauvreté, contre 6 % des couples avec enfants.

C'est précisément à cette situation que répond l'une des trois actions du programme en faveur des familles vulnérables que vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, et je souhaiterais la mettre en valeur : c’est l’action qui consiste à assurer un minimum de ressources aux familles monoparentales en prévoyant 875 millions d'euros de dépense pour l'allocation de parent isolé, l’API.

Mais, et c'est là une rupture qu’il faut souligner, pour la première fois, le Gouvernement a associé à cette dépense une action forte, volontaire et pragmatique d'incitation au retour à l'emploi des familles monoparentales. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que nous nous sommes fixé un objectif et que nous avons adopté un principe pour l'atteindre. L’objectif est écrit noir sur blanc dans le projet de loi de finances : nous voulons combattre la pauvreté des parents seuls, qui sont, on le sait, pour la très grande majorité des femmes. Pour atteindre cet objectif, nous avons posé un principe qui est parfaitement visible dans ce que l'on appelle dorénavant « les indicateurs de réussite » : celui du retour à l'emploi de ces femmes élevant seules des enfants. Parmi elles, près de 80 % ne travaillent pas et la moitié ne vivent que grâce à l'API. Cette allocation doit continuer à aider ces mères et à leur garantir un minimum de moyens financiers, mais elle n'a qu'une durée limitée. Il faut donc tout mettre en œuvre pour que les bénéficiaires de l'API ne basculent pas dans le dispositif du RMI et donc dans le chômage de longue durée qui les plongerait, elles et leurs enfants, de façon prolongée dans la pauvreté. Pour cela, nous devons lever tous les obstacles qui tiennent les mères seules à l'écart du marché du travail et qui finissent par les engluer dans l'assistance.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Claude Gaillard. C’est pour ça qu’il faut voter nos textes, cher collègue de l’UDF !

Mme Valérie Pecresse. En effet, et c'est important de le souligner, les personnes confrontées aux situations de chômage ne choisissent pas délibérément de rester dans l'assistance ; c’est l'ensemble des contraintes et des frais à engager pour retrouver le chemin de l'emploi qui constituent parfois des obstacles insurmontables. À nous de définir ces obstacles et de mettre en œuvre les outils pour les lever.

Lors de l'examen du plan d'urgence pour l'emploi présenté en juin dernier par le Premier ministre, j'étais intervenue dans cet hémicycle pour que l'on prenne en compte, à l'instar de ce que l'on proposait de faire pour les jeunes ou les seniors, les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes en matière d'emploi, comme l’a fait avec une vraie efficacité Tony Blair en Grande-Bretagne, avec son programme pour les parents isolés, New Deal for Lone Parents.

Mme Hélène Mignon. Tout à fait !

Mme Valérie Pecresse. Nous aussi nous devons prévoir une nouvelle donne sociale pour les mères isolées.

M. Gérard Bapt. Encore une blairiste !

Mme Valérie Pecresse. Je suis heureuse de constater, mes chers collègues, que nous sommes entrés aujourd'hui pour la première fois dans cette logique. Le Gouvernement a ajouté à la dépense en faveur de l’API trois impératifs qui constituent trois axes d’une vraie politique de l’emploi en faveur des mères seules.

Le premier impératif, c’est de lever l'obstacle pratique et matériel à la reprise d'une activité que constitue la garde des enfants. Seules 3 % des familles monoparentales mettent leurs enfants en crèche et 80 % d'entre elles gardent elles-mêmes leurs enfants. Ce chiffre est révélateur. C’est pourquoi je me félicite que la convention d’objectifs 2005-2008 de la CNAF prévoie la poursuite du développement du nombre de places d'accueil collectif et la prise en charge spécifique des allocations de l’API.

Le deuxième impératif est de mieux accompagner les bénéficiaires de l’API vers le retour à l'emploi. Nous voulons offrir à chaque titulaire de cette allocation un meilleur suivi, grâce notamment aux maisons de l'emploi mises en place par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. Très bien !

Mme Valérie Pecresse. Enfin, le troisième impératif vise à encourager les mères seules à travailler plutôt qu'à vivre seulement grâce aux minima sociaux et aux aides spécifiques qui leur sont versés. Je pense ici à la prime pour l'emploi, qui sera renforcée dans le cadre du projet de loi de finances, et à la prime de 1 000 euros de retour à l'emploi, qui sera étendue aux bénéficiaires de l'API qui reprennent un emploi.

Cette action en faveur des familles monoparentales va incontestablement dans le bon sens. Nous avons choisi, à l’UMP, notre camp : celui du travail comme axe privilégié pour réduire la pauvreté des familles. Martin Hirsch, le président d'Emmaüs France, dans son rapport « Famille, vulnérabilité et pauvreté », remis au Gouvernement en avril dernier, avait lui aussi adopté d'emblée ce parti-pris du travail et en avait fait le fil conducteur de ses propositions.

La nouvelle loi organique sur les lois de finances va nous permettre désormais de suivre les résultats concrets de nos politiques publiques. J’espère que cette nouvelle donne pour les parents seuls portera, dès 2006, ses premiers fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, il est bon que nous puissions nous adresser aux membres du Gouvernement qui sont en charge à la fois des problèmes de solidarité et de santé parce qu’à l’évidence ces problèmes sont liés, des indices scientifiques le démontrent.

La première réalité, c’est que la pauvreté grandit dans notre pays. À cet égard, Mme Mignon a rappelé les indications données par les grandes associations humanitaires et de solidarité. La pauvreté grandit aussi dans l’Union européenne. Pourtant, au sommet de Lisbonne, un des objectifs était d’éliminer la pauvreté dans l’Union d’ici à 2010. En vérité, le centre public d’action sociale – le CPAS –, basé à Bruxelles, vient de montrer que c’est le contraire qui se passe, et que même dans les pays dits du groupe de tête – les plus riches, dont la France fait partie –, la situation s’est durablement dégradée depuis le sommet de Lisbonne.

La seconde réalité, c’est que la santé dépend de plus en plus, à l’évidence, des revenus. L’excellence technique médicale, c’est une chose, mais la dimension prévention en est une autre ; elle ne relève pas simplement d’une loi de santé publique, mais aussi de la cohésion sociale et du bien-être social. De nombreuses études indiquent un lien très fort entre richesse et espérance de vie pour les niveaux de revenu les plus bas. Ce lien est démontré dans les comparaisons internationales qui prennent en compte des pays en développement ou des pays pauvres. Je me rappelle le titre d’un article de Jacques Attali qui m’avait frappé lorsque nous débattions de la réforme de l’assurance maladie, monsieur le ministre de la santé et des solidarités : « Les dépenses de santé augmentent : enfin une bonne nouvelle ».

Ce qui est vrai dans les comparaisons internationales est vrai aussi en ce qui concerne la situation nationale. Peu d’études toutefois ont porté sur le lien entre revenus et santé en France, la plupart s’attachant à appréhender les inégalités sociales en matière de santé selon leur aspect géographique ou en termes de catégories socio-professionnelles. Elles indiquent un fort gradient social de la santé. Ainsi, à trente-cinq ans, un cadre peut espérer vivre en moyenne huit ans de plus qu’un ouvrier qualifié. Mais rien, jusqu’à présent, ne permettait d’étudier le rôle spécifique du revenu sur la santé. Les récents travaux de Florence Jusot, chercheuse en économie et santé au CNRS, comblent cette lacune puisque, combinant l’application d’une méthode astucieuse à l’utilisation des données, ils indiquent que la mortalité des 20 % les plus pauvres est supérieure de 40 % à la moyenne. Mais ce que l’on savait moins, c’est que si la pauvreté tue, la richesse protège. Sous l’éclairage scientifique, c’est évident : la mortalité des 20 % les plus riches est de 50 % inférieure à la moyenne. Une autre indication, tout à fait d’actualité en ce qui concerne nos préoccupations de santé publique, c’est la prévalence pour l’obésité juvénile selon les revenus de la famille. Là aussi, les données épidémiologiques et sociales sont de plus en plus évidentes.

C’est, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, sous l’éclairage de ces considérations que je souhaite intervenir sur deux sujets : la couverture médicale universelle complémentaire et l’aide médicale d’État.

La couverture médicale universelle n’est pas une affaire mineure puisqu’elle concerne 4,7 millions de personnes, dont les ressources sont inférieures à 787 euros pour une personne seule ou à 1 233 euros pour un couple avec deux enfants. Elle est donc destinée à des ménages très modestes. Aussi apparaissent très choquantes les mesures d’ajustement que le Gouvernement vient de mettre en œuvre en ce qui concerne la prestation de la couverture médicale universelle complémentaire. Par exemple, la non-fourniture des pièces entraînera la suspension de l’instruction du dossier même si une seule pièce manque ! Ainsi, on abandonne la possibilité de faire des déclarations sur l’honneur pour pallier les pièces manquantes, ce qui va aboutir à reconstituer un groupe de personnes sans droits justifiés et en attente de prestations. De même, la procédure de domiciliation pour bénéficier de la CMU est rendue plus compliquée. Actuellement, les personnes qui, au moment où elles demandent à bénéficier de la CMU, sont sans domicile fixe, doivent élire domicile auprès d’un organisme agréé à cet effet ou bien auprès d’un centre communal d’action sociale. Cette disposition est modifiée afin d’exiger l’intervention d’un assistant de service social dans la procédure de domiciliation. Une telle mesure aura pour effet d’allonger les délais.

De plus, la mesure d’alignement du forfait logement sur celui du RMI pour l’évaluation du plafond d’ouverture aux droits est choquante puisqu’elle apparaîtra, pour les bénéficiaires éventuels, comme une augmentation de ressources. Certes, cette mesure permet une économie de 21 millions d’euros, mais elle exclut 60 000 familles du bénéfice de la CMU complémentaire. À cet égard, l’an dernier, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j’avais déjà dans mes attributions la solidarité et les personnes handicapées. J’avais écrit dans mon rapport que cette baisse était tout à fait regrettable, même si elle conduisait à 21 millions d’euros d’économies. Cette mesure n’a pas été mise en œuvre cette année, mais elle le sera malheureusement en 2006. J’avais également écrit dans ce rapport qu’il était extrêmement regrettable qu’aucun décret d’application ne soit paru concernant l’élargissement à 300 000 enfants supplémentaires du bénéfice de la CMU complémentaire en année pleine, ce qui correspondait, selon votre évaluation, à une charge de 35 millions d’euros. Je note que ce décret n’est toujours pas paru, suite semble-t-il à des impossibilités techniques. Comme quoi il peut être intéressant de tenir compte des observations des rapporteurs spéciaux, fussent-ils de l’opposition.

S’agissant du désengagement de l’État, je ne peux aller que dans le sens de ce que vient de dire Mme la rapporteure spéciale pour la solidarité, puisqu’on est passé d’un budget de 990 millions il y a deux ans à 660 millions cette année et à 330 millions l’an prochain. L’élément nouveau, c’est qu’il ne s’agit pas d’un transfert du budget de l’État vers l’assurance maladie mais, pour partie au moins, directement vers le budget des organismes complémentaires et des mutuelles. Celles-ci voient augmenter leurs charges de 175 millions d’euros, à destination du fonds de financement de la CMU. Monsieur le ministre, nous nous élevons contre le désengagement d’une action de solidarité qui doit relever de la dimension régalienne de l’État vis-à-vis des ménages les plus modestes.

Le second aspect de mon propos concerne l’aide médicale d’État.

En loi de finances rectificatives pour 2002, l’article 57 instaurait un ticket modérateur. Le décret d’application n’est toujours pas publié à ce jour. Je crois que vous vous rendrez compte qu’il est impossible, dans les faits, de demander à des gens sans ressources un ticket modérateur pour accéder aux soins.

Vous êtes attaché, monsieur le ministre, à la santé publique et au budget de la solidarité. J’espère que vous résisterez aux pressions de Bercy pour les défendre. Toutes les associations se sont en effet élevées contre les décrets parus le 29 juillet dernier, qui obligent les étrangers sans papiers à apporter la preuve de leur présence sur le sol français depuis plus de trois mois pour bénéficier de l’aide médicale d’État. La façon dont on appliquera ces dispositions sera déterminante. Le Gouvernement vient de déclarer le sida grande cause nationale : ce n’est pas le moment d’exclure des soins de certaines populations qui, faute d’être prises en charge à temps, risquent de propager cette épidémie.

Après ces deux points essentiels, je veux rapidement évoquer la lutte contre la discrimination et le budget de la HALDE. Cette institution, monsieur le ministre, vient d’être mise en place, dans des conditions aussi difficiles que les autres agences créées ces dernières années, et je pense notamment aux locaux ! Or les saisines de la HALDE se multiplient depuis quelques semaines – quinze par jour en moyenne actuellement –, preuve de la notoriété croissante de cette institution dont le Gouvernement a fait une vitrine de sa lutte contre toutes les discriminations. Au passage, n’oublions pas celles qui touchent les handicapés, comme l’a rappelé M. Chossy. Le financement de seize agences supplémentaires est d’autant plus nécessaire qu’au rythme actuel ce sont 5000 dossiers que la HALDE devra gérer en 2006, alors que ses effectifs ne peuvent aujourd’hui en traiter que 2000. Ce budget doit donc être protégé, comme l’a noté Mme la rapporteure.

Citation du rapport à l’appui, on a enfin essayé de nous faire croire que la situation des rapatriés était radieuse depuis 2002. Dans ma région, des rapatriés surendettés sont en voie d’expulsion ou se voient déposséder de leurs derniers biens. Il est nécessaire d’accélérer les travaux de la commission de surendettement afin de régler définitivement la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Après l’excellente intervention de Rodolphe Thomas, permettez-moi, en premier lieu, d'aborder les crédits consacrés à la mission « rapatriés ».

Si je ne peux que saluer la création, en application de la loi du 23 février 2005, d'un capital attribué à titre de réparation aux harkis, je tiens à me faire l'écho de la stupéfaction de nombre d'entre eux devant l'étalement de cette réparation, qui peut s'étendre, selon la date de naissance de l'intéressé, jusqu'à quatre exercices budgétaires.

J'entends bien, comme l'a fait remarquer en commission le rapporteur pour avis, que les crédits affectés dans ce cadre aux harkis ont triplé par rapport à ce qu'ils étaient en 2005. Toutefois, après quarante-trois ans d'attente, on aurait pu espérer que l'État ne diffère pas davantage le versement d'une réparation qui exprime la solidarité et la reconnaissance de la nation envers ceux qui se sont engagés à ses côtés à un des moments les plus pénibles de son histoire.

M. Rodolphe Thomas. Très juste !

M. Francis Vercamer. On ne manquera pas de m'opposer tout un ensemble de bonnes raisons budgétaires. Il n'en reste pas moins qu'à mes yeux la reconnaissance de la nation ne se fractionne pas : soit elle s'exprime pleinement et immédiatement, soit elle prend le risque de se perdre dans de subtiles mesures comptables, qui non seulement portent atteinte à sa lisibilité, mais surtout engendrent chez nos amis harkis un ressentiment, voire une colère, qui me semblent légitimes.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. C’est un peu excessif !

M. Francis Vercamer. La mission « solidarité et intégration » comprend également, à travers le programme « accueil des étrangers et intégration », des mesures destinées à la lutte contre les discriminations.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. Les crédits de ce programme sont en augmentation de 11 % dans le PLF pour 2006.

M. Francis Vercamer. Je voudrais à cet égard, monsieur le ministre, revenir sur les conclusions du rapport Fauroux, pour mieux savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre, de manière à donner une application concrète aux propositions de ce rapport. Celui-ci faisait suite aux discussions que nous avons eues, à l'initiative de l'UDF, sur les discriminations à l'embauche, à l'occasion de l'examen de projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, discussions qui se sont notamment centrées sur l'opportunité de la généralisation du CV anonyme.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Francis Vercamer. Le rapport de Roger Fauroux invite tous les acteurs de la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi à passer des intentions aux actes. Tous les acteurs, c'est-à-dire l'État et ses administrations déconcentrées, les collectivités locales, les entreprises et les partenaires sociaux. On m'objectera que l'État a d'ores et déjà impulsé, dans la lutte contre les discriminations, une dynamique nouvelle, en particulier avec la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, qui a été installée au mois de juin dernier.

De la même manière, le plan de cohésion sociale a suscité la charte de la diversité, signée à ce jour par plus de 40 entreprises. Ces deux mesures appellent cependant quelques remarques. S'agissant de la HALDE, comme l'année dernière, la composante UMP de la majorité est prise en flagrant délit de contradiction – je ne connais pas la position du Gouvernement, qui ne s’est pas encore exprimé sur le sujet. En effet, la commission des finances a supprimé 2,7 millions d'euros de crédits affectés à la HALDE, dont 1,4 million en crédits de personnel. Il y a tout juste deux jours, dans un grand quotidien économique, le président de la commission des finances a expliqué que le budget de la HALDE, dont le train de vie serait « luxueux », est l'une des multiples sources d'économies qu'il est possible de réaliser dans ce budget.

La situation devient dès lors paradoxale : nous avons d'abord un gouvernement qui commande un rapport sur les discriminations dans le domaine de l'emploi. Après six mois de travail, ce rapport est publié et recommande notamment – page 40 – de « s'assurer que la HALDE dispose des moyens suffisants pour faire face à ses missions ». Trois mois plus tard, la commission des finances supprime une partie des crédits de celle-ci.

On ne peut pas, comme le Premier ministre, voir dans les discriminations l'une des sources du malaise qui règne dans les quartiers de nos villes, et décider de supprimer des crédits de la lutte contre les discriminations, au motif que le train de vie de la HALDE serait luxueux.

Qu'on ne s'y trompe pas ; je partage le souci de bonne utilisation des deniers publics, qui est celui du président de la commission des finances et de Mme la rapporteure. Pour moi aussi, il est indispensable que la HALDE consacre le maximum des crédits qui lui sont attribués à la réalisation de ses missions. Mais je ne peux pas cautionner la réduction des crédits de la lutte contre les discriminations. Cela reviendrait à mon sens, à l'inverse de tous les discours officiels, à nier l'importance du phénomène et la nocivité de ses conséquences pour notre contrat social et républicain. D'autant plus que le rapport Fauroux souligne lui aussi les limites des autres initiatives prises en ce domaine.

La charte syndicale pour « l'égalité de traitement, la non- discrimination et la diversité », signée le 2 janvier 2005 par quatre organisations syndicales, et qui invite à la conclusion d'accords collectifs d'entreprise sur ce sujet, n'est que peu relayée sur le terrain. De même, la charte de la diversité traîne à se traduire dans toutes les entreprises signataires en actions concrètes.

En même temps, le rapport Fauroux invite à s'appuyer sur la récente mobilisation – ou prise de conscience – qui a émergé autour de ce phénomène trop longtemps négligé pour donner un élan significatif à la lutte contre les discriminations. Mais le chemin est long et les résultats tangibles ne seront pas forcément, dans un premier temps, à la hauteur des espoirs suscités.

Vous le savez, le rapport dessine plusieurs pistes de travail. Sans revenir sur le détail de ses propositions, il recommande d'intensifier, sur ce thème, la mobilisation des entreprises – en formant leurs dirigeants et les cadres responsables des ressources humaines –, ainsi que celle des partenaires sociaux et des intermédiaires de l'emploi : service public de l'emploi, entreprises de travail temporaires, ANPE, AFPA, etc.

Vous noterez au passage que ces propositions ressemblent terriblement à certaines de celles que j'avais avancées, par voie d'amendements, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi pour la cohésion sociale. De la même manière, quand je lis dans ce rapport qu'il convient de garantir la prise en compte de la lutte contre les discriminations à l'embauche dans les objectifs des maisons de l'emploi, je ne peux que regretter le rejet par la CMP d'un amendement que j'avais fait adopter, et qui avait exactement, presque au mot près, le même objet. Vous conviendrez avec moi qu'on est aux limites de la cohérence !

Quand je vois d'ailleurs la liste impressionnante de représentants ou de salariés d'institutions publiques auditionnés dans le cadre du travail de la commission Fauroux, j'en viens, avec un peu d'ironie, à me demander si, par souci d'économie et de bonne gestion des deniers publics, on n'aurait pas pu faire l'économie… de ce rapport !

Ce dernier insiste également sur le développement de la méthode de recrutement par simulation, davantage pris en compte désormais, je l'admets, par le service public de l'emploi puisque 72 sites sont désormais équipés de logiciels de recrutement par simulation. Il conviendra d'amplifier cette méthode.

Le rapport recommande encore de développer les audits des services de gestion des ressources humaines pour mieux détecter les pratiques discriminatoires, associer les représentants du personnel et les organisations syndicales à la réforme des modes de gestion, et il conseille la conclusion d'accords d'entreprise.

Il recommande la promotion de la technique d'anonymisation des curriculum vitae, dont je persiste à croire qu'elle doit être obligatoire au moins pour les entreprises de plus de 250 salariés. Au moins le CV anonyme est-il reconnu comme un outil recevable, évidemment parmi d'autres, de lutte contre les discriminations à l'embauche, et le rapport lève sans ambiguïté les objections d'ordre technique et matériel que nous entendions sur les bancs de cette assemblée lors de la discussion du projet de loi.

Enfin, le rapport entend encourager la mesure de la diversité au sein des entreprises, dans le cadre des préconisations de la CNIL, et dans le respect des libertés individuelles.

Sur toutes ces propositions, nous attendons maintenant de connaître l'action qu'entend mener le Gouvernement. Alors que, lundi, les partenaires sociaux seront reçus par le Premier ministre pour aborder, entre autres, le sujet des inégalités sur le marché de l'emploi, je rappelle que la négociation nationale sur l'égalité des chances dans l'entreprise, confiée au début de l'année par le Gouvernement aux partenaires sociaux, n'est malheureusement toujours pas engagée.

Pour reprendre les termes du rapport, il est temps, pour tous les acteurs de la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi, de passer des intentions aux actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat.

M. Michel Charzat. Mon intervention portera sur le volet « handicap et dépendance » de la mission « solidarité et intégration ».

La présentation qui nous est faite par le Gouvernement du programme « handicap et dépendance » du budget 2006 met en évidence le fait que la loi du 11 février 2005 devrait atteindre son plein régime au cours de l'année prochaine, loi dont nous avons eu l'occasion de souligner les carences. Outre son incapacité à répondre pleinement aux revendications légitimes des familles confrontées au problème du handicap, ce texte n'est toujours pas appliqué. En effet, à l'heure où nous examinons le budget 2006, sur douze décrets d'application prévus, quatre seulement sont parus. Cela est incompréhensible, alors que l'on ne nous promettait rien de moins que « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté pour les personnes handicapées » dans notre société.

Le budget que nous examinons aujourd'hui est particulièrement insatisfaisant.

Tout d'abord, je constate que les crédits alloués à l'action « compensation des conséquences du handicap » sont en baisse de près de 4 %. Cette ligne budgétaire recouvre notamment les mesures relatives à l'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments et aux équipements collectifs. Sachant à quel point cette accessibilité est importante, je ne peux que regretter cette diminution des crédits qui entre en contradiction avec les effets d'annonce du Gouvernement, qui s'est targué de mettre en place une « accessibilité généralisée » pour les personnes handicapées au moment du vote de la loi du 11 février 2005.

Ensuite, je déplore que l'action relative aux ressources d'existence n'apporte pas de garantie suffisante pour assurer des conditions de vie décentes aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé, qui, malgré le cumul avec un complément spécifique, ne disposeraient que de 80 % du SMIC.

Je voudrais ensuite souligner que, si l’article 2 de loi du 11 février 2005 élargit la notion de handicap à toutes les déficiences – physiques, sensorielles, mentales ou psychiques – restreignant la participation à la vie en société, le budget pour 2006 est loin de prendre en compte de manière équitable ces différentes altérations.

Le handicap lié à des troubles psychiques est bien le parent pauvre du présent projet, qui tend à réduire la question du handicap à celle du handicap moteur ou sensoriel, en focalisant les réponses à apporter sur l’accessibilité physique, alors que les personnes en situation de handicap psychique ont besoin d’un autre type d’accessibilité, qui se joue dans la relation à autrui et l’estime de soi. Ainsi, le montant des crédits prévus pour 2006 au titre de l’aide aux groupes d’entraide mutuelle s’élève à 20 millions d’euros, ce qui est extrêmement faible, voire dérisoire. Dois-je rappeler que ces clubs, comme on les appelle, constituent la réponse la plus adaptée aux personnes en situation de souffrance psychique ? Ces espaces d’accueil conviviaux et chaleureux, en proposant des activités culturelles et sportives diversifiées, permettent de recréer le lien social autour des patients en psychiatrie, de développer leur créativité, de les insérer au cœur de la vie sociale des quartiers, tout en offrant un soutien aux proches, trop souvent démunis face au handicap.

J’ajouterai que les mesures en faveur de l’insertion par le travail des personnes handicapées, si elles sont d’inspiration louable, ne résoudront probablement pas la question du chômage de cette catégorie de travailleurs, qui est quatre fois plus élevé que le taux de chômage de la population active valide. L’enjeu est d’offrir aux personnes handicapées les mêmes chances pour l’emploi qu’au reste de la population. Les établissements et services d’aide par le travail peuvent, certes, constituer une solution pour des personnes en situation de handicap, mais il ne faut pas perdre de vue l’objectif, qui consiste à insérer ces dernières sur le marché du travail classique. Les personnes handicapées souffrent de stigmatisation dans de nombreux aspects de leur vie sociale, et ne concevoir leur travail, comme le fait le Gouvernement, que dans le cadre d’établissements qui leurs sont spécifiquement destinés, amplifie l’exclusion dont elles sont déjà victimes.

Il faudrait enfin que la législation en vigueur soit rigoureusement appliquée, notamment pour ce qui concerne les obligations qu’ont les entreprises d’embaucher ces publics en difficulté. Il serait également nécessaire de mettre en place et de développer des réseaux de partenaires – élus, médecins du travail, psychiatres et professionnels de l’insertion – autour de la question de l’employabilité des personnes handicapées. Malheureusement, ces mesures nécessitent une volonté politique qui fait actuellement défaut.

A l’aune de ces considérations, nous ne pouvons, madame et messieurs les ministres, nous rallier à ce budget en trompe-l’œil qui suscite à juste titre la déception des associations et des familles engagées depuis des années dans la lutte pour la reconnaissance des personnes handicapées et leur intégration dans la société.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Mme Pavy nous a fait, je tenais à le dire, une excellente présentation des besoins budgétaires liés à la question des demandeurs d’asile dans notre pays.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation n’est pas bonne, qu’elle est même catastrophique et que cela se lit dans l’exercice budgétaire. Après le compliment, je suis donc obligé de reprendre un certains nombre de vos chiffres.

Avec 65 000 demandeurs d’asile, notre pays est le plus sollicité au sein de l’OCDE. Or, pour reprendre des propos tenus par Marie-Hélène des Egaulx, « le Parlement a dénoncé à plusieurs reprises la sous-dotation initiale récurrente du chapitre 4681 de la loi de finances initiale. Celle-ci oblige à procéder par abondements successifs qui rendent souvent difficile la gestion du dispositif par les associations ». En clair, le budget n’est pas précis, il ne correspond pas aux besoins du secteur et, compte tenu des difficultés rencontrées, il doit être abondé en cours d’année. C’est ce que l’on appelle un budget peu sincère.

Il est indéniable néanmoins que des efforts ont été consentis, avec, par exemple, la création de 2 000 nouvelles places en CADA à partir d’août 2006. Mais nous sommes loin du compte, car cela porte le nombre total de places à 16 000, alors que le bon dimensionnement exigerait 30 000 places en CADA ou CPH.

C’est d’autant plus étonnant que l’on sait que les dépenses engagées en 2004 pour l’hébergement d’urgence se sont élevées à un peu plus de 143 millions d’euros, ce qui correspond à environ 23 000 places. Ces dépenses ne sauraient être inférieures en 2005 : or les prévisions pour 2006 concernant ce dispositif à gestion déconcentrée correspondent à 5 072 places seulement. Vous comprendrez donc l’inquiétude du groupe socialiste, inquiétude partagée par la plupart des associations humanitaires et des ONG qui accompagnent les demandeurs d’asile. Nous nous demandons si le Gouvernement a bien conscience de la gravité de la situation.

Je n’ose croire que vous pensiez avoir trouvé avec la modicité des crédits une réponse appropriée, une barrière efficace, pour limiter le flux migratoire. Croyez-vous qu’en faisant savoir aux demandeurs d’asile que la France n’a pas beaucoup de moyens à leur consacrer, ils seront moins nombreux ?

Je crains qu’il ne s’agisse là, madame la ministre, d’une mauvaise analyse de ce qu’est la demande d’asile. Ce n’est pas un mode d’immigration. Le gouvernement actuel la considère, et vous l’avez redit, madame la rapporteure, comme une des composantes de l’immigration, voire un moyen de fraude aux procédures classiques de regroupement familial ou d’immigration du travail, alors qu’il s’agit de personnes en danger qui fuient leur pays. Je ne pense pas qu’en 1973 les réfugiés politiques chiliens aient eu envie d’émigrer avant le coup d’État. Ils sont venus en France parce qu’ils étaient persécutés dans leur pays, et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.

Dotée de crédits insuffisants, notre politique de l’asile n’est respectueuse ni des droits de l’homme ni de la convention de Genève, traité international fondateur que nous avons signé et dont nous nous honorions, il y a quelques années, d’être les meilleurs défenseurs.

J’ai été consterné, madame la rapporteure, que, dans le même discours vous ayez mélangé la question du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile et celle des expulsés par la préfecture de police de Paris des immeubles insalubres.

Non, madame Pavy, les expulsés ne sont pas des demandeurs d’asile mais des demandeurs de logement social. Par ailleurs, ces expulsés sont le plus souvent des Français, des ressortissants de l’Union européenne ou des étrangers en situation régulière.

Certes, les élus locaux peuvent tous témoigner du même degré de malheur engendré par les situations d’urgence, quelles qu’elles soient, mais cela ne doit pas conduire à amalgamer des demandes juridiquement bien distinctes.

Précariser les demandeurs d’asile ne suffira pas à les décourager. Cela n’aboutira qu’à accroître leur défiance à l’encontre de l’OFPRA et de la commission de recours. Or, vous l’avez rappelé en parlant de l’ANAEM et de sa mise en place un peu difficile mais qui commence à produire ses effets,…

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je suis heureuse de vous l’entendre dire.

M. Serge Blisko. …il est important que le dispositif d’examen des demandes soit le plus objectif possible, afin que les demandeurs d’asile aient l’impression d’être traités avec équité et bienveillance, ce qui ne signifie pas complaisance, puisque, entre l’OFPRA et la commission de recours, à peine un demandeur d’asile sur six, soit moins de 17 %, voit ses droits reconnus.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. C’est la même moyenne dans toute l’Europe.

M. Serge Blisko. Dans la mesure où les structures de province sont en général les premières à pâtir des restrictions de crédits, la région parisienne, où sont déjà concentrés 43 % des demandeurs d’asile, va devoir faire face à un nouvel afflux de demandes. C’est une très mauvaise politique, puisque c’est là précisément que nous avons le plus de mal à construire des CADA et à les faire fonctionner dans les meilleures conditions.

L’hébergement d’urgence que vous avez mentionné à plusieurs reprises n’est en aucun cas une solution. Il est déjà engorgé dans la capitale, essentiellement du fait de la quasi-inaccessibilité du logement social. Dans ces conditions, 40 % des réfugiés statutaires – ceux qui ont obtenu une réponse – restent en CADA et « embolisent », selon notre affreux jargon, le système, empêchant l’accueil des nouveaux demandeurs.

On ne peut donc tabler sur les structures d’hébergement provisoire pour héberger les demandeurs d’asile, quand on sait que Paris ne dispose que de 3 900 places pour accueillir l’ensemble de ceux qui se retrouvent à la rue, les sinistrés, les femmes victimes de violences conjugales, les personnes en situation de rupture professionnelle ou victimes de ventes à la découpe. Compte tenu des difficultés immobilières et foncières actuelles, pourquoi surcharger la ville de Paris et la région Île-de-France ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale pour la solidarité. Je vais vous envoyer mon rapport, puisque vous ne l’avez manifestement pas lu !

M. Serge Blisko. Si nous voulons appliquer correctement la convention de Genève, nous devons renforcer notre dispositif d’accueil pour permettre aux CADA de traiter, comme vous l’avez souhaité, le cas des demandeurs d’asile dans des délais resserrés. Rien n’est pire, en effet, dans ces situations qu’une attente prolongée.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Serge Blisko. L’établissement d’un véritable programme social, aujourd’hui dramatiquement insuffisant, doit permettre de mettre un terme à l’ambivalence du Gouvernement, qui laisse croire que les demandeurs d’asile sont tous, en puissance, des fraudeurs de l’immigration.

Dans un monde de guerres et de malheur, l’asile revêt une dimension très particulière, et ceux qui arrivent dans notre pays dans un état de dénuement et d’angoisse extrême doivent être traités le mieux possible. C’est l’image de la France démocratique et respectueuse des droits de l’homme qui est en jeu. Je compte sur vous, madame et messieurs les ministres pour qu’elle ne soit pas altérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je rappelle à l’ensemble des groupes la nécessité de respecter les temps de parole, pour éviter que certains orateurs ne soient reportés à la séance suivante.

La parole est à le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en présentant aujourd’hui la mission « solidarité et intégration » du PLF pour 2006, nous montrons que les valeurs de cohésion sociale sont au cœur de l’action gouvernementale et des préoccupations de nos concitoyens. C’est pourquoi nous nous engageons, avec Jean-Louis Borloo, Catherine Vautrin et Philippe Bas, à mener une action volontariste en faveur des plus défavorisés, des victimes de l’exclusion, de celles et ceux qui vivent dans la précarité. C’est aussi par notre action en faveur des personnes handicapées, des personnes âgées et des familles que nous voulons traduire concrètement une volonté politique réaffirmée dans ce projet de loi de finances.

Pour que l’action publique soit plus efficace, l’État s’est engagé dans une démarche de modernisation et de rationalisation de ses moyens. C’est la première fois que nous vous présentons le budget sous la forme de grand projet de politique publique. Et la mission « solidarité et intégration » est l’incarnation de cette nouvelle dynamique, par son caractère interministériel que les trois ministres assis sur ces bancs et moi-même symbolisons. Nous conjuguons donc nos forces pour que notre action soit à la hauteur de cet enjeu national

Cela explique le poids budgétaire très important de cette mission. Pour les seuls programmes qui concernent le ministère de la santé et des solidarités, les crédits en jeu représentent 10,6 milliards d’euros, dépenses de personnel et de fonctionnement comprises. Ces crédits sont en progression car la solidarité est une exigence et certains grands chantiers, comme la politique du handicap, une véritable urgence.

Je m’attacherai en répondant aux uns et aux autres à vous présenter deux des programmes de cette mission ainsi que les détails des crédits contenus dans le PLF pour 2006. Philippe Bas interviendra plus particulièrement sur les politiques du handicap, de la dépendance et de la famille.

L’impératif de solidarité nous conduit à accentuer nos efforts en matière de protection des plus démunis et d’indemnisation des victimes. C’est l’objectif du programme « protection maladies », doté de 607 millions d’euros. Ces crédits permettront de tenir les engagements de l’État en matière de financement de la couverture sociale des plus démunis.

Il s’agit, d’abord, de la CMU, qui poursuit l’objectif d’universalité des fondateurs de la sécurité sociale en 1945, celui de l’accès à la santé pour tous. Comme le souligne M. Tian dans son rapport, le fonds de la CMU verra sa stabilité financière confortée par la dotation d’équilibre. Je sais qu’une question a été posée sur une mesure que nous proposions. Nous souhaitions aligner sur le RMI les modalités de calcul du forfait logement pris en en compte pour l’ouverture des droits à la CMU. C’est une mesure de simplification visant à améliorer la gestion des minima sociaux,…

M. Gérard Bapt. On peut le faire dans l’autre sens !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …donc une mesure d’harmonisation. Cependant, cette mesure risquerait d’exposer certaines personnes à davantage de précarité, ce que nous ne voulons ni les uns ni les autres. Au nom de la cohérence de la politique que nous menons pour lutter contre l’exclusion, il n’est pas possible de prendre le risque d’une mesure qui renforcerait la précarité, fût-ce celle d’une personne. C’est dans cet esprit que nous vous ferons des propositions en la matière lors de la discussion du budget proprement dit.

II s’agit, ensuite, de l’aide médicale d’État. Je suis attaché à un dispositif qui répond à une exigence d’humanité et de santé publique. Je veux redire, à la suite du rapport de M. Tian – je m’adresse à vous, monsieur Bapt –, qu’il s’agit non pas de réduire le nombre des bénéficiaires de cette aide, mais tout simplement d’appliquer un principe clair. Ceux qui ont réellement besoin de ces soins doivent bénéficier de ce régime de solidarité. En revanche, il n’est pas normal que certaines personnes qui n’y ont pas droit profitent de cette aide. Nous voulons donc mieux gérer l’aide médicale d’État pour que ceux qui y ont légitimement droit puissent continuer à en profiter. Les crédits de 2005 sont reconduits en 2006. Vous avez évoqué, madame des Esgaulx, le montant précis de la dette qui subsiste à l’égard de la CNAM. Je suis décidé à régler cette question avec mes collègues dans les meilleurs délais.

Vous savez l’importance que nous attachons à l’indemnisation des victimes de l’amiante. L’ampleur de ce drame nous a conduits à mettre en place des dispositifs spécifiques d’indemnisation. Ainsi, l’État a voulu apporter aux victimes et à leurs ayants droit une indemnisation intégrale du préjudice à la fois rapide – en moins de six mois – et juste, puisque 95 % des offres d’indemnisation sont acceptées, afin d’éviter des procédures contentieuses souvent trop longues et à l’issue inégale. Le financement du FIVA – Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – en 2006 sera réalisé non seulement par la branche AT-MP, mais aussi, pour la première fois, par l’État, à hauteur de 50 millions d’euros. C’est une évolution importante que souligne M. Tian dans son rapport et qui permet de répondre à un besoin de financement du FIVA estimé à 250 millions d’euros. Nous fixons également des objectifs qualitatifs et quantitatifs plus importants pour le fonds. Il s’agit de réduire les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation Le but est d’atteindre un traitement en moins de quatre mois de 100 % des offres d’ici à trois ans.

Les crédits de personnel et de fonctionnement du ministère sont essentiels pour faire vivre le service public sanitaire et social, mais ils sont désormais mieux maîtrisés et plus efficaces. Le programme de soutien est rattaché à cette mission dans la LOLF, mais il finance la mise en œuvre de l’ensemble de nos missions de solidarité, de veille sanitaire et de santé publique, à hauteur de 1,065 milliard d’euros. Je sais que certains d’entre vous ont été surpris par le regroupement des moyens en personnel dans le programme de soutien. Je remercie Mme des Esgaulx d’avoir rappelé cette question. II nous était difficile de répartir les effectifs de l’administration sanitaire et sociale entre nos différentes missions. Il existe une grande polyvalence de nos services. Et, comme le dit Mme des Esgaulx, un éclatement entre trois missions, voire onze programmes, ne pourrait que conduire à une rigidité excessive de notre administration. La souplesse n’est jamais mauvaise conseillère.

Par ailleurs, l’esprit de responsabilisation et d’information de la LOLF est respecté, car le ministère publie une répartition détaillée de ces effectifs pour les autres programmes. Dès lors, monsieur Bapt, nul besoin de séparer les dépenses de personnel pour identifier avec précision les moyens en personnel affectés à chacune de nos actions.

La solidarité que nous voulons mettre en œuvre nous donne une responsabilité accrue, celle de mieux gérer notre administration, de la rendre plus efficace, pour que chaque euro engagé soit réellement mis en œuvre dans le service public des citoyens. A cet égard, le projet de loi de finances pour 2006 est porteur de réformes profondes.

C’est le cas pour notre gestion des dépenses de personnel, qui s’élèvent à 776 millions d’euros. L’évolution des effectifs de l’administration sanitaire et sociale s’inscrit dans la politique globale décidée par le Gouvernement de maîtrise de ses effectifs. Ceux-ci sont fixés à 14 921 équivalents temps plein travaillés, et nous nous engageons à poursuivre notre effort de réduction du taux de vacance. Celui-ci est en effet passé de 4,46 % en 2001 à 2,12 % début 2005. Grâce à nos seuls efforts de bonne gestion, nous avons ainsi des effectifs réels en hausse, alors que les effectifs prévus par le PLF diminuent. Par ailleurs, je veux vous redire à quel point nous sommes conscients de la nécessité de doter les services déconcentrés d’un personnel qualifié en nombre suffisant.

Parallèlement, un effort important est consenti pour revaloriser les carrières de nos fonctionnaires et rapprocher les corps. Nous procédons ainsi à la revalorisation indemnitaire de la filière santé-environnement. Et nous avons commencé l’intégration en deux étapes des agents administratifs dans le corps des adjoints – je l’ai confirmé lors du dernier comité technique paritaire. La promotion des carrières est en outre améliorée de façon plus globale par la mise en œuvre du ratio promus-promouvables. Par ailleurs, des moyens sont mis en œuvre pour leur permettre de faire face à des évolutions de leur profession. Je pense notamment à la mise en œuvre de la VAE des professions sanitaires et sociales. Des crédits de 3,6 millions d’euros sont prévus pour permettre un premier financement de la gestion externalisée de la VAE. Cela correspond à une réelle demande, puisque environ 40 000 candidatures sont prévues en 2006. Je pense également aux nouveaux métiers de santé publique ou de sécurité sanitaire comme celui des médecins inspecteurs de santé publique, qu’il nous faut rendre plus attractifs. Comme vous le voyez, plus qu’un débat sur la quantité de nos moyens en personnel, il nous faut axer notre travail sur la qualité de la formation.

Nous nous mobilisons aussi pour accroître notre maîtrise des dépenses de fonctionnement, qui représentent 261 millions d’euros. Certes, celles-ci progressent de 30 millions en 2006. C’est le résultat du principe de sincérité accru affirmé par la LOLF plutôt que la conséquence d’une inflation de nos dépenses prévues. Et je note avec satisfaction que Mme des Esgaulx souligne certains aspects des réformes de notre gestion de l’immobilier. Nous nous sommes engagés dans un important programme de cessions immobilières de 30 millions d’euros sur les années 2005-2008. Ces cessions s’accompagneront de nécessaires rénovations qui concernent notamment la mise aux normes et la sécurité.

Par ailleurs, je voudrais vous présenter des crédits qui nous permettent de mieux piloter nos actions en leur donnant les moyens de la réflexion, de la comparaison et de la coopération. Il s’agit des crédits de coopération internationale – 9 millions d’euros –, du programme civil de défense – 1,6 million d’euros – et des dépenses de statistiques, d’études et de recherches : 17,5 millions d’euros. Un État bien gouverné, c’est un État qui prévoit et qui anticipe. Je souhaite particulièrement insister sur les 5 millions de crédits attribués à la DREES au sujet des minima sociaux. Je pense qu’il est en effet nécessaire de mieux connaître nos actions en ce domaine pour dépenser mieux et mieux veiller à l’égalité territoriale.

La réorganisation et la modernisation de ce ministère, au cœur de la stratégie ministérielle de réforme que nous portons, doit encore progresser en 2006.

Je voudrais maintenant aborder l’avenir de l’administration sanitaire et sociale. Je sais que l’apparition d’agences, le mouvement de déconcentration de nos services et de recentralisation de certaines actions interrogent le rôle de l’État en matière de santé publique et de cohésion sociale. Je veux vous redire que la place de l’État demeure essentielle, que ses missions ne sont en rien remises en cause, bien au contraire, qu’il n’est pas question de modifier la structure de nos services régionaux et départementaux. Leur travail est admirable et il participe, dans nos régions, de l’exigence de proximité et de qualité du service public. Nous avons le devoir de veiller à la meilleure articulation possible entre ces services.

Enfin, je voudrais évoquer certains programmes que Philippe Bas vous détaillera. Ils concernent deux de nos priorités d’action : le handicap et la dépendance, d’une part, les familles, d’autre part.

La politique du handicap et de la dépendance constitue le programme prioritaire de cette mission. Derrière ce terme unique de personne handicapée, les vies, les niveaux de dépendance, les difficultés de quelque 7 millions de nos concitoyens diffèrent. Mais ce qui est commun, ce sont les discriminations, quotidiennes ou sur le marché du travail, c’est l’intégration plus faible de ces citoyens dans notre société. Nous pouvons agir dans ces domaines non seulement en faisant jouer la solidarité nationale, mais aussi en menant des actions, en milieu ordinaire ou dans les établissements, pour faciliter leur vie quotidienne. C’est notre devoir si nous voulons une société réellement accueillante. C’est aussi une exigence de savoir changer de regard.

L’intégration passe par la lutte contre la précarité et l’exclusion qui touchent particulièrement les familles les plus vulnérables. Nous devons mener une action plus résolue encore en la matière. Si la pauvreté est en recul en France, la précarité touche durement de nombreuses familles françaises.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Des ressources réduites impliquent des inégalités multiples : difficultés d’accès au logement ou mal-logement, enfants en situation d’échec scolaire, inégalités de santé, absence de loisirs, etc. C’est le ministre qui intervient, mais l’élu local n’est jamais très loin,…

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …car je sais comment les choses sont vécues au quotidien dans ma ville, et parfois durement vécues. Les enfants en sont souvent les premières victimes : le nombre d’enfants pauvres dans notre pays atteindrait un million. Cela n’est pas admissible ! Contrairement à ce que j’entends dire, nous prenons ce problème très à cœur. La mesure devant permettre à 300 000 enfants pauvres de bénéficier de la CMU n’est pas abandonnée : elle exige au contraire d’être mise en œuvre avec efficacité et rigueur, et donc d’être bien préparée. Nous y travaillons, j’y travaille personnellement.

Lutter efficacement contre la pauvreté des familles relève tout autant de l’égalité sociale que de l’efficacité économique. Il nous faut aller plus loin, comme l’a souligné M. Vercamer, en s’inspirant par exemple des propositions formulées dans le rapport de Martin Hirsch. Cela passe notamment par une meilleure combinaison des revenus du travail et de la solidarité.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il faut que le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu final de la famille. Il faut aussi réfléchir aux effets de seuil. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Notre action dans ce domaine participe de l’ambition du Premier Ministre d’insérer durablement sur le marché du travail les allocataires de minima sociaux.

L’objectif principal de la mission que je partage avec Jean-Louis Borloo renvoie au nom même du ministère qu’il dirige, la cohésion sociale. Il s’agit de renforcer non seulement la cohésion de notre société, mais aussi notre cohésion autour d’un projet de société orienté vers toujours plus de solidarité et d’intégration en luttant contre l’exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je voudrais revenir plus particulièrement sur trois points essentiels de ce projet de budget pour 2006 : l’application de la loi de 2005 ; l’effort de création de places pour les personnes âgées et les handicapés ; les innovations dans le domaine de la politique familiale, notamment pour l’insertion des bénéficiaires de l’allocation de parent isolé. Je remercie les rapporteurs, en particulier Mme des Esgaulx et Mme Briot, qui ont bien voulu souligner l’ampleur de l’effort prévu pour 2006.

La loi de 2005 sera appliquée dans toute sa plénitude. La loi organique relative aux lois de finances nous permet de bien prendre la mesure de l’effort accompli en faveur des handicapés et des personnes âgées. Comme l’ont souligné les rapporteurs, cet effort ne se limite d’ailleurs pas à ce que l’État va faire en 2006 ; il porte aussi sur les crédits de l’assurance maladie, que vous avez adoptés cette semaine même, et sur ceux de la journée de solidarité.

Il est très important pour Xavier Bertrand comme pour moi de pouvoir vous présenter un budget qui ne comporte que des plus en ce domaine. Le « plus »de la journée de solidarité n’est contrebalancé par aucun « moins » ! Il y a non seulement ce plus de 2,2 milliards pour la dépendance des personnes âgées et les personnes handicapées, mais aussi le plus de l’effort, que vous avez voté, de l’assurance maladie : crédits en hausse de 9 % pour l’accueil en établissement et les services à domicile aux personnes âgées, et de 6 % pour les personnes handicapées.

À ces nouveaux moyens mobilisés s’ajoutent d’autres « plus », grâce à un effort sans précédent de modernisation des maisons de retraite, des foyers logements, des maisons d’accueil spécialisés et des foyers d’accueil médicalisés. Un effort de 500 millions sera effectué par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, selon une disposition que vous avez adoptée, mesdames, messieurs les députés, dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il permettra de répondre aux besoins des personnes âgées ou handicapées actuellement accueillies dans les établissements. Des travaux doivent être faits, notamment dans les salles de bains, les couloirs ou les ascenseurs. Il faut aussi installer des rampes ou simplement permettre à chacun de disposer d’une pièce à soi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Cet effort se traduira également par des créations de places, avec un doublement du plan vieillesse-solidarité. Celui-ci prévoit entre 2004 et 2007 une augmentation de 10 000 places. Il y en aura donc 20 000, ce qui représente une augmentation sans précédent. De même, en cinq ans, 40 000 places sont créées pour les personnes handicapées. Le budget pour 2006 fait naturellement sa part du chemin pour atteindre ce but. Je rappelle que l’effort qui sera réalisé pendant la présente législature est le double de celui qui a été accompli pendant la précédente.

Enfin, pour la famille, le ministre de la santé et des solidarités l’indiquait tout à l’heure : le projet que porteront Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin à la demande de Premier ministre sur la réforme des minima sociaux et l’insertion de leurs bénéficiaires dans l’emploi comportera des dispositions spécifiques pour permettre aux bénéficiaires de l’allocation parent isolé de retrouver plus facilement le chemin de l’emploi.

Permettez-moi de revenir plus en détail sur chacun de ces points.

M. Chossy, rapporteur de la loi sur le handicap du 11 février 2005, s’est inquiété, ainsi que d’autres orateurs, du rythme de parution des différents décrets relatifs au handicap. Dès mon entrée en fonctions, j’ai pris l’attache de toutes les associations qui siègent au Conseil national des personnes handicapées. Avec ce grand conseil, qui réunit une soixantaine personnes et représente une sorte d’Assemblée nationale des personnes handicapées, nous sommes convenus que les décrets seraient pris avant le 31 décembre, à l’issue d’un travail de concertation étroite. Tel est le défi que nous nous sommes imposé.

M. Jean-François Chossy. Merci !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. À ce jour, je n’ai jamais vu un milieu associatif aussi mobilisé pour la mise en œuvre d’une loi. Cette grande loi voulue par le Président de la République et réclamée par les associations de personnes handicapées sera pleinement mise en œuvre, non seulement parce que les crédits prévus seront mobilisés, mais aussi parce que tous les décrets nécessaires à sa bonne application seront pris en temps utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Près de trente décrets ont déjà été présentés au Conseil national consultatif des personnes handicapées. Celui-ci se réunit au rythme de deux fois par mois sans désemparer. À la fin du mois, il aura examiné tous les décrets pour les réformes les plus importantes prévues dans la loi de 2005.

Plusieurs orateurs se sont inquiétés de la mise en place des maisons départementales ou de la prestation de compensation du handicap. Je rappelle que cette réforme est financée avant même que tous les textes aient été mis en œuvre, ce qui, si l’on songe à ce qui s’était passé il y a quelques années lors de la création de l’allocation personnalisée d’autonomie, constitue une innovation positive.

M. Serge Blisko. Vous voulez sans doute parler de la PSD !

Mme Hélène Mignon. L’APA était financée !

M. Yves Simon. Tiens ? Voilà un point qui gêne nos collègues socialistes !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’APA était une prestation dont les paramètres avaient été définis dans les textes, mais dont les financements n’avaient pas été prévus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons été obligés de mobiliser les financements nécessaires à sa mise en œuvre.

Pour la prestation de compensation du handicap, les financements sont mobilisés avant même que tous les paramètres aient été définis, car nous sommes responsables et nous voulons non seulement que cette prestation rejoigne les attentes des personnes handicapées, mais aussi qu’elle soit financée. Et elle le sera.

Madame Buffet, vous avez évoqué tout à l’heure les 500 millions qui seront affectés à cette prime. Oui, 500 millions viendront bien s’ajouter aux 580 millions que les départements consacrent déjà à l’allocation de compensation pour tierce personne et aux fonds drainés dans le cadre des sites de la vie autonome, qui comptent des financeurs multiples, dont l’État, la sécurité sociale, les départements, les régions et la mutualité. L’ensemble de ces crédits, qui s’élève cette année à plus de 60 millions d’euros, sera aussi apporté au fonctionnement de la prestation de compensation du handicap.

Quant aux maisons départementales du handicap, elles ont été dotées par l’État, au moment de leur création, de 50 millions, à travers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Leur fonctionnement est assuré par le transfert des personnels de l’État qui, tout en restant agents de l’État, travailleront désormais au sein des maisons du handicap.

Au reste, madame Buffet, je me réjouis de ce que j’interprète comme un ralliement du groupe communiste à la loi du 11 février 2005, dont vous réclamez à juste titre l’application pleine et entière. Il y a donc au moins une bonne nouvelle ce matin !

Mme Muguette Jacquaint. Il faudrait que les moyens suivent !

M. Serge Blisko. Mme Buffet ne demande que la stricte application de la loi !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Pour la dépendance des personnes âgées, je rappellerai quelques chiffres. Le plan « vieillissement et solidarité » apportera avant 2007, non pas 10 000, mais 20 000 places supplémentaires en maisons de retraite médicalisées, 10 000 places en services de soins infirmiers à domicile, 8 500 places d’accueil de jour et 4 500 places d’hébergement temporaire.

Madame Mignon, sont-ce là des mesures insuffisantes ? Certes, on peut toujours faire la fine bouche, comme dans la fable de La Fontaine. Mais qu’avez-vous dû dire chaque année, lors de la présentation des budgets du gouvernement Jospin ! Je me reporterais volontiers aux comptes rendus de nos travaux. Vous deviez être alors d’une sévérité implacable. Car si nous réalisons un effort aussi important, c’est bien parce que nous devons rattraper le temps perdu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-François Chossy. C’est vrai !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le plan Alzheimer a été lancé l’an dernier par M. Douste-Blazy. En 2005, les moyens mobilisés par l’État se montent à 315 000 euros ; en 2006, ils s’élèveront à 657 000 euros. Pour ce qui est de l’assurance maladie, 7,45 millions d’euros sont mobilisés en 2005 et 8,75 millions le seront en 2006. En effet, il est indispensable aujourd’hui de faire installer sur l’ensemble du territoire national des consultations mémoire pour un diagnostic plus précoce de la maladie d’Alzheimer, qui n’est pas traitée assez tôt dans notre pays. Il faut aussi développer les centres mémoire de ressources et de recherche au plan régional. Ils seront vingt-six à fonctionner à la fin de 2006.

Pour l’accueil de jour, 2 150 places supplémentaires seront créées l’an prochain et, pour l’hébergement temporaire, 1 125 places. N’oublions pas, enfin, que plus de 70 % des personnes qui entrent aujourd’hui dans une maison de retraite médicalisée présentent des signes de cette maladie. Notre effort général en faveur des personnes âgées en grande dépendance est donc également un effort privilégié pour ces malades.

Vous savez que le Gouvernement attache une grande importance à la famille, comme l’a rappelé le Premier ministre à l’occasion de la conférence de la famille. Mais je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions déjà prises, que vous avez approuvées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Madame Pecresse, je vous remercie de votre intervention sur les tutelles. Non, leur réforme n’est pas abandonnée. Je tiens même à vous dire que, en liaison avec le garde de sceaux, je vais continuer dans cette voie. Les chiffres que vous avez cités parlent d’eux-mêmes. Aujourd’hui, on compte 700 000 bénéficiaires d’une mesure de tutelle ou de curatelle. Si rien n’est fait, ils seront peut-être un million dans quelques années. Ce dispositif doit être simplifié.

M. Serge Blisko. Chiche !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il faut aussi améliorer les garanties et les modes de financement, en concertation étroite avec les départements et les conseils généraux, qui sont fortement impliqués dans la prise en charge de ces politiques.

M. Serge Blisko. Faites-le donc !

M. Gérard Bapt. Voilà une nouveauté !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’allocation de parent isolé connaît, je l’ai dit, une évolution extrêmement importante. Cette prestation a été créée en 1976 dans le but de permettre à de jeunes mamans isolées de rester chez elles pour s’occuper de leur enfant.

Aujourd’hui, telle n’est plus notre politique. Nous voulons au contraire assurer le développement de la cellule familiale, surtout si elle est monoparentale, en permettant une meilleure insertion professionnelle des femmes. Dans la durée et pour l’avenir, ce qui est important, c’est que ces familles disposent d’une ressource régulière provenant du travail. Quatre-vingts pour cent des femmes de notre pays ont une activité professionnelle, alors même que nous avons une très forte natalité. C’est ce qui nous fait dire que non seulement le travail des femmes n’est pas l’ennemi de la natalité, mais qu’il y contribue au contraire, en créant les conditions d’un développement harmonieux de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, le budget de la solidarité qui vous est présenté comprend aussi les crédits nécessaires pour mettre en œuvre la réforme que vous avez adoptée cette année, en votant la proposition de loi de M. Yves Nicolin, qui consacre la création de l’Agence française de l’adoption. Cette agence sera créée dès le début de l’année prochaine et sera dotée, la première année, de 4 millions d’euros, en plus de l’apport des départements, qui disposeront chacun d’un correspondant auprès de cette agence.

Ainsi, ce budget mobilise les moyens nécessaires au soutien d’une politique de solidarité. Il va garantir l’égalité des droits et les chances des personnes handicapées, et relever le défi de la grande dépendance des personnes âgées grâce à un effort sans précédent de création de places et d’investissements de rénovation. C’est aussi un budget qui sert le retour à l’emploi des allocataires de l’API, dont la moitié basculent encore dans le RMI à la fin de leurs droits. C’était là, pour nous, le signe d’un échec d’insertion que nous avons voulu corriger par diverses initiatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Hélène Mignon. De toute façon, ils ne trouvent pas d’emplois, puisqu’il n’y en a pas !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, les programmes que je vous présente ce matin sont évidemment au cœur des enjeux actuels de la cohésion sociale.

Le programme « inclusion sociale » a pour objectif de prévenir la pauvreté et l’exclusion, de créer les conditions favorables pour permettre aux publics les plus fragiles de sortir de l’assistance, et de répondre à l’urgence sociale.

À l’égard du dispositif d’accueil et d’hébergement, notre objectif est d’améliorer l’offre d’hébergement de façon pérenne en proposant un accompagnement social adapté à des publics divers, tout en limitant le recours à l’hôtel aux cas d’extrême urgence. Toutes les solutions qui facilitent l’insertion sont pour nous une priorité. Vous l’avez souligné, madame des Esgaulx, depuis trois ans, des efforts financiers importants ont été accomplis en faveur de ce dispositif.

Pour 2006, les efforts doivent être poursuivis dans deux directions.

La première concerne le développement de l’offre d’hébergement d’insertion, avec la création de 500 places supplémentaires en CHRS et de 1 500 places en maisons relais. Ces créations doivent s’accompagner d’une mobilisation volontariste pour faciliter l’accès au logement social des personnes accueillies. Nous connaissons tous la situation. Le projet de loi que proposera le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement dans quelques jours au Sénat, puis à l’Assemblée, nous permettra d’avancer ensemble sur ce sujet.

Je partage, madame des Esgaulx, votre souci de mieux connaître les publics accueillis dans le cadre de ce dispositif. Aussi ai-je souhaité disposer de données trimestrielles. Par ailleurs, ainsi que l’a annoncé le Premier ministre en septembre dernier, nous allons créer 5 000 logements d’urgence pour proposer une vraie trajectoire résidentielle, c’est-à-dire d’insertion, aux personnes qui vivent actuellement dans un logement insalubre ou en CHRS. En effet, il n’est pas normal que des personnes qui ont fait l’effort de se former et de trouver un emploi continuent d’être logées, faute d’alternative, dans des conditions qui ne sont pas dignes. Nous créerons également 5 000 nouvelles places dans des hôtels sociaux labellisés. Le plan hiver, qui entre en vigueur en ce début de mois de novembre, prendra particulièrement en compte, cette année, les besoins des personnes évacuées. Des locaux supplémentaires ont ainsi été fléchés pour faire face à la situation, notamment en Île-de-France. Je tiens à ce propos à saluer la mobilisation des ministères de la défense et de la santé.

Deuxièmement, nous concentrons nos efforts sur la consolidation du financement du dispositif d’accueil d’urgence et d’insertion. Les crédits de l’hébergement d’urgence augmentent ainsi de 6 % et ceux des CHRS de 16 millions. Sachez, monsieur Tian, que je reste vigilante en ce qui concerne les dotations allouées à ces derniers par rapport à celles dont bénéficie l’hébergement d’urgence. Les crédits de ces structures sont préservés et font l’objet d’un suivi particulier. Chaque année, madame Mignon, des crédits complémentaires ont été obtenus en gestion afin de consolider les bases budgétaires de ces établissements. Cette année encore, je solliciterai 20 millions d’euros en loi de finances rectificative pour résoudre durablement les difficultés rencontrées.

En ce qui concerne les moyens consacrés à la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, soyez assurés, madame Pécresse, monsieur Thomas, de la mobilisation du Gouvernement, tant sur la forme – pour la première fois, le Premier ministre a présidé un conseil de lutte contre l’exclusion – que sur le plan financier, puisque ce secteur ce ne fait l’objet d’aucune régulation budgétaire. Nous avons mobilisé 193 millions d’euros complémentaires pour faire face aux besoins qui s’expriment sur le terrain et ces efforts seront poursuivis en 2006, avec une augmentation de 3,4 % du budget de la lutte contre l’exclusion. J’ajoute que je veille particulièrement à ce que les associations, dont je reconnais le travail remarquable, disposent des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs actions.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je pense en particulier aux 50 millions que le Premier ministre a décidé de consacrer à la mise aux normes des CHRS.

Mme des Esgaulx a très justement souligné l’importance de la complémentarité des points d’information et d’écoute des jeunes avec les structures existantes et j’ai donné des instructions très précises en ce sens aux préfets. Ces structures contribuent de manière importante à l’intégration et au retour à l’emploi.

L’inclusion sociale ne dépend pas uniquement de l’hébergement, et nous devons tout faire pour ramener nos concitoyens vers l’emploi. Comme vous le remarquiez, monsieur Tian, le RMI et les contrats aidés sont des éléments essentiels de notre dispositif d’insertion. Vous avez cependant déploré la complexité de certains des nouveaux dispositifs, notamment le contrat d’avenir.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous avons pris vos demandes en compte et, désormais, la signature d’une seule collectivité publique, au lieu de deux, sera requise pour la conclusion d’une convention.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous donnons également plus de souplesse au dispositif en permettant aux communes tout autant qu’aux départements, s’ils le souhaitent, de signer de telles conventions. J’ajoute que 60 départements ont conclu une convention avec l’ANPE en 2005 et qu’une quinzaine d’autres s’inscrivent actuellement dans cette démarche. Ces résultats intéressants démontrent combien la logique d’activation était attendue par tous.

Les contrats d’insertion liés au RMI ont longtemps stagné autour de 50 %. En 2003, nous avons décidé qu’un référent serait obligatoirement désigné. Il est indispensable que le plus grand nombre de bénéficiaires du RMI retrouvent un emploi. Tous peuvent y parvenir si les moyens d’insertion sont adaptés. À cet égard, je salue le travail effectué par les entreprises et les chantiers d’insertion, dont les taux de placement sont remarquables.

M. Serge Blisko. Il faut les aider !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement entreprend une démarche d’accompagnement de ces structures, qui offrent une réponse concrète au problème de l’emploi.

En ce qui concerne l’attribution du RMI aux étrangers, monsieur Tian, la suppression de la nécessité du titre de séjour a mécontenté les conseils généraux frontaliers. Le projet de loi relatif à l’incitation au retour à l’emploi, que je vous présenterai dans quelques jours, instituera une condition de séjour d’une durée minimale de trois mois pour pouvoir bénéficier du RMI. Je précise que ce texte mobilisera des crédits d’État et n’imposera aucune charge supplémentaire aux conseils généraux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine. Ils en supportent déjà assez !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. J’en viens maintenant au programme « accueil des étrangers et intégration », dont les crédits augmentent aussi fortement puisqu’ils enregistrent une hausse de 4,5 %, soit 25 millions d’euros supplémentaires. Ce programme contient trois priorités : l’intégration, la prise en charge sociale et l’aide au retour, en d’autres termes le codéveloppement.

Madame Pavy, vous avez brillamment souligné les efforts sans précédent qui ont été réalisés depuis 2002 pour améliorer la prise en charge des demandeurs d’asile, en rappelant notamment les objectifs que le Gouvernement s’était fixés dans ce domaine.

Le premier d’entre eux est de réduire de façon drastique les délais d’instruction des demandes d’asile. Nous progressons, mais je veux aller plus loin afin que ces délais ne dépassent pas six mois. Notre deuxième objectif est de proposer systématiquement un hébergement aux demandeurs d’asile et des instructions ont été données en ce sens. Le nombre de places de CADA est passé de 10 317 en 2002 à 17 570 places à la fin de cette année. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les capacités d’hébergement progressent de 69 %. J’ajoute que 2 000 places de CADA supplémentaires seront créées l’année prochaine, ce qui portera leur nombre à 20 000 fin 2006.

La réforme du droit d’asile commence à porter ses fruits, mais nous savons que le chemin est long. La prévision du nombre de demandes pour 2005 se situe autour de 61 000, soit une baisse de près de 8 % par rapport à 2004. Cette tendance se confirmant, ce nombre s’établira à 57 000 en 2006.

Monsieur Blisko, vous avez évoqué l’absence de mesures nouvelles pour favoriser l’insertion des réfugiés, mais je rappelle que toutes les aides de droit commun sont mobilisées en faveur de ces personnes autorisées à rester sur notre territoire. Celles-ci feront ainsi partie des publics prioritaires pour l’accès au logement, et des instructions seront données en ce sens. La fluidité de l’ensemble du dispositif sera garantie. Les durées de séjour en CADA seront raccourcies. Enfin, ma priorité est de réserver les hébergements en hôtel aux situations d’extrême urgence. Cette année, 2 000 places d’hébergement d’urgence ont été transformées en CADA.

Sur la question essentielle de l’intégration des nouveaux arrivants, je rappelle que, depuis 2002, nous avons refondé les dispositifs d’intégration et rompu avec l’indifférence qui prévalait jusqu’alors, en mettant en œuvre une politique contractuelle qui s’appuie sur quatre opérateurs : le FASILD, l’ANAEM, la HALDE et la Cité nationale d’histoire de l’immigration, dont les actions sont complémentaires. L’ANAEM, qui existe depuis le 1er octobre, accueille les étrangers dans le cadre des nouveaux contrats d’accueil et d’intégration. Le FASILD complète ce contrat par l’organisation et le financement d’actions spécialisées. Quant à la Haute autorité, elle lutte contre toutes les discriminations, qu’elles soient liées à l’origine ou au handicap – comme le rappelait fort justement M. Chossy – et agit au niveau individuel comme au niveau collectif, où elle développe une action de promotion de l’égalité des chances pour laquelle elle doit disposer des moyens nécessaires.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Enfin, la Cité nationale d’histoire de l’immigration, qui est en phase de préfiguration, valorisera l’apport des étrangers au patrimoine français et reflétera la diversité assumée de notre société. À terme, elle devra être rattachée à la mission « culture » mais, pour l’instant, il nous faut l’installer et faciliter son démarrage. L’ANAEM et le FASILD concluront un contrat d’objectif et de moyens dès le début de l’année 2006 ; leurs directeurs y travaillent actuellement avec mes services.

Le contrat d’accueil et d’intégration, qui a été expérimenté avec succès – 100 000 contrats de ce type auront bientôt été signés –, sera généralisé en 2006 à tous les départements. À terme, nous entendons le rendre obligatoire. À titre personnel, j’estime que nous devrons réfléchir au lien qu’il conviendra d’établir entre la pratique de notre langue et la délivrance de titres de séjour, notamment de longue durée, ainsi qu’au respect des engagements liés au contrat. L’extension du CAI aux jeunes de seize à dix-huit ans sera examinée lors du prochain comité interministériel à l’intégration. Ces différentes mesures vont dans le sens de vos observations, madame Pavy.

La lutte contre les discriminations par la promotion de l’égalité des chances est une priorité. Monsieur Vercamer, les préconisations du rapport Fauroux sont actuellement expertisées et certaines d’entre elles seront inscrites à l’ordre du jour du prochain comité interministériel à l’intégration. Il nous faut en effet avancer sur ces questions. Les discriminations, notamment dans le domaine de l’emploi, sont l’une des difficultés auxquelles nous devons, tous ensemble, apporter des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Une politique d’intégration forte et pleinement assumée doit aussi lutter efficacement contre l’immigration irrégulière. C’est pourquoi, outre les reconduites à la frontière, le Gouvernement a mis en place dans vingt et un départements, depuis le 15 septembre dernier, un dispositif expérimental d’aide au retour. Nous nous inscrivons ainsi dans une démarche de codéveloppement et de coopération, car il faut faire en sorte que ces personnes n’aient pas à quitter leur pays d’origine, ce qu’elles font rarement de gaîté de cœur.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce dispositif, qui concernera en particulier les familles déboutées du droit d’asile, se verra allouer 5 millions d’euros.

Enfin, en ce qui concerne la place des femmes dans notre société, j’approuve les remarques de Mmes Jacquaint et Pécresse concernant les difficultés que rencontrent de très nombreuses femmes chefs de famille monoparentale. Beaucoup bénéficient des minima sociaux, mais elles sont encore plus nombreuses à ne pas s’en contenter et à souhaiter trouver un emploi. Vous avez cité à ce propos l’orientation initiale : la convention interministérielle sera renouvelée et je veillerai à l’amplifier.

Par ailleurs, je souhaite aller plus loin en matière de désenclavement du travail des femmes, sujet auquel je suis très attachée. En effet, si le chômage des femmes est si important, c’est aussi parce qu’elles sont les plus nombreuses dans onze familles de métiers alors que notre pays en compte quarante. Il est donc nécessaire de favoriser leur formation afin de leur permettre de découvrir de nouveaux métiers, synonymes d’emploi mais aussi d’évolution professionnelle.

En ce qui concerne le temps partiel subi, je tiens les engagements que j’avais pris au Sénat lors de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité salariale. Un calendrier de négociations a été arrêté avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux. En outre, j’ai confié une mission au Conseil économique et social, qui me remettra ses conclusions à la fin du mois. Il convient en effet d’évaluer la situation actuelle et d’élaborer des solutions.

Il faut aussi parler, bien sûr, de l’accès des femmes aux responsabilités. J’ai entendu vos remarques concernant le CNRS. Sachez que trois femmes ont été nommées récemment à la délégation interministérielle à la ville, au FASILD et au Conseil d’analyse stratégique.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Dans ce domaine également, l’État se veut exemplaire

Un autre sujet extrêmement grave est celui des violences dont sont victimes les femmes dans notre pays.

M. Serge Blisko. C’est vrai !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour lutter contre ce phénomène qui touche les femmes de tous les milieux, nous devons non seulement dénoncer, mais agir ensemble.

Je proposerai au printemps d’utiliser un véhicule législatif qui permettra d’introduire des mesures de nature à lutter contre les mutilations sexuelles et contre les mariages forcés, mais aussi de revenir sur un archaïsme de notre code civil, à savoir la notion d’âge nubile, ainsi que de réfléchir à la façon dont on peut punir les violences faites aux femmes au sein du couple. Je m’exprimerai plus longuement sur ce sujet lors de la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui aura lieu le 25 novembre prochain.

Je travaille également à l’amélioration des conditions d’accueil des femmes victimes de violences, en envisageant notamment d’expérimenter leur accueil dans un cadre familial, ce qui permettrait un accompagnement personnalisé de ces femmes – et le cas échéant de leurs enfants – pour les aider à se reconstruire.

Ce budget, mesdames, messieurs les députés, est un budget ambitieux qui mobilise l’ensemble du Gouvernement. La cohésion sociale et, au-delà, les femmes et les hommes de notre pays pour lesquels nous travaillons, doivent bénéficier de toute notre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. À titre exceptionnel, nous allons prendre une question avant de lever la séance.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre, vous avez durci considérablement les conditions d’accès aux soins pour toutes les personnes qui, bien que résidant sur le territoire français, ne sont ni assurées sociales, ni bénéficiaires de la couverture maladie universelle, c’est-à-dire pour l’essentiel des personnes en attente de régularisation. Ces décisions se font au mépris le plus élémentaire des conditions d’humanité à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont besoin de soins, un besoin à mon sens toujours légitime.

Depuis décembre 2002, vous n’avez cessé de remettre en cause ce dispositif. Le droit à l’admission immédiate à l’aide médicale d’État, même dans les cas où la situation l’exige, a été supprimé, et il est devenu obligatoire de justifier de trois mois de présence ininterrompue sur le territoire pour pouvoir bénéficier de l’AME. Rien ne justifie cette politique dangereuse pour la santé publique et à contre-courant des efforts d’intégration qu’il convient de faire. Quand on contracte le virus du sida, quand on est contaminé par le bacille de la tuberculose, quand on souffre de toutes les pathologies liées à la pauvreté, que l’on soit avec ou sans papiers, étranger ou français, il y a des urgences sanitaires qui s’imposent. C’est vital pour les personnes concernées et nécessaire pour la santé publique.

L’accueil et la solidarité envers les étrangers impliquent la réelle universalité et la gratuité de l’accès aux soins, le droit à la santé pour tous et toutes à partir du moment où l’on séjourne sur le territoire, que l’on soit pauvre ou riche, blanc ou noir. Il faut donc créer les conditions permettant effectivement l’accès universel à la sécurité sociale selon le principe fondateur ayant présidé à sa création en 1945, mais qui n’a jamais été atteint.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous engager dans cette voie et, dans l’immédiat, êtes-vous prêt à supprimer les mesures restrictives et dangereuses qui vident l’aide médicale d’État de son sens ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, l’aide médicale d’État, qui existe depuis plusieurs années, est un dispositif qu’il faut pérenniser, mais aussi mieux organiser. Comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, nous voulons que l’accès aux soins soit une réalité. Cela n’exclut pas que, comme pour l’ensemble des bénéficiaires de notre système de santé, nous vérifiions quelles sont les conditions d’identité, de résidence et de ressources des demandeurs. Rien de plus, rien de moins.

Nous avons publié les décrets correspondants pendant l’été, après en avoir informé les associations concernées. Parallèlement, nous avons aussi travaillé à un projet de circulaire pragmatique visant à ne pas aboutir à l’impossibilité de se faire soigner. C’est dans ces deux directions que la vigilance du Gouvernement s’est exercée.

Pour répondre précisément à votre question, s’il est vrai que nous avons instauré la condition de résider en France depuis plus de trois mois pour pouvoir bénéficier de l’AME, les maladies infectieuses font partie des affections prises en charge au titre des soins urgents en vertu de la circulaire de mars 2005. Par ailleurs, compte tenu de leur particulière vulnérabilité, les mineurs sont réputés répondre à la condition d’urgence exigée pour la prise en charge de leurs soins.

Dans le cadre des efforts qui doivent être accomplis pour améliorer la gestion de l’aide médicale d’État, je pense que les soins pris en charge à ce titre ne doivent pas être uniquement des soins hospitaliers. Chaque fois que cela est possible, il convient de privilégier les soins de ville, qui permettent d’être soigné dans d’aussi bonnes conditions, mais à un coût moindre pour la collectivité ; nous avons donc également travaillé en ce sens.

Afin de contrôler l’application des décrets et de la circulaire que j’ai évoqués, un comité de suivi de l’aide médicale d’État, regroupant l’ensemble des acteurs concernés, sera mis en place. Il aura pour mission de vérifier que l’égalité d’accès aux soins est respectée de façon équitable sur l’ensemble du territoire.

D’une part, veiller au respect des règles, d’autre part, s’assurer que leur application ne fait pas obstacle à l’accès aux soins, car soigner celles et ceux qui en ont besoin fait partie de la tradition de notre système de santé : telles sont les préoccupations qui guident notre action. À mon sens, le dossier de l’aide médicale d’État a besoin de raison plus que de passion : le principe de l’accès aux soins ne doit pas nous faire oublier la logique de bonne gestion qui s’impose à l’ensemble du système de l’assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Solidarité et intégration ; articles 88 et 89 (suite) :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 33, de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Rapport spécial, n° 2568, annexe 34, de Mme Béatrice Pavy, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2569, tome X, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2569, tome XI, de Mme Maryvonne Briot, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Développement et régulation économiques ; articles 76, 77 et 78

Rapport spécial, n° 2568, annexe XI, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2570, tome II, de MM. Jacques Masdeu-Arus, Serge Poignant et Alfred Trassy-Paillogues, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2571, tome VI, de M. Jean-Paul Bacquet, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)