Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 7 novembre 2005

49e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

défense

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les conclusions de la commission des finances sur les crédits du programme « environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme comprend six actions que j'ai regroupées dans mon rapport en trois pôles : la préparation de l'avenir, le renseignement et les relations internationales.

Le budget de ce programme atteindra 1,64 milliard d'euros.

La préparation de l'avenir, c'est d'abord l'analyse stratégique. Il s'agit, pour l'essentiel, de crédits d'études gérés par la délégation aux affaires stratégiques, la DAS, qui ne mobilise que 0,32 % des crédits de paiement du programme, soit un peu plus de 4,5 millions d'euros.

L'action « prospective des systèmes de forces » comprend notamment les moyens consacrés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles, ainsi qu’aux déplacements des personnels – à hauteur de 18,2 millions d'euros.

L'essentiel des crédits demandés au titre du maintien des capacités technologiques et industrielles sera consacré aux études amont pour lesquelles un effort considérable sera réalisé : au total un peu plus de 600 millions d'euros. Il semble que le montant des crédits d'études amont confiés aux PME devrait doubler entre 2004 et 2006. Je m'en félicite et je souhaite que cet effort soit encore amplifié. En effet, sans volontarisme politique et industriel, comme celui qui est exprimé par nos grands concurrents, le tissu de PME ne pourra être renforcé. Et pourtant, c'est de la qualité de ce dernier que dépend la compétitivité des grands groupes français, et, au-delà, européens.

La France commence, certes, à prendre conscience de l'importance de l'enjeu en développant une politique publique d'intelligence économique, mais le caractère administratif de la démarche engagée et le cadre dans lequel évolue cette politique – le secrétariat général de la défense nationale – ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des dispositifs mis en place par nos grands concurrents. Il manque encore une vraie impulsion politique qui ne peut venir que du sommet de l'État.

J'ajoute que je présente, dans mon rapport, un tableau édifiant relatif aux lacunes technologiques dont nous souffrons par rapport aux États-Unis. Nous ne sommes en avance sur eux que pour 4 % des technologies clés et en retard pour 76 % d'entre elles et, dans une moindre mesure sur le Royaume-Uni, sur lequel nous avons une avance pour seulement 26 % de ces secteurs.

Au titre de la préparation de l'avenir, je tiens à souligner une nouvelle fois, sans lassitude, la nécessité de mutualiser les ressources publiques destinées à soutenir l'innovation technologique. Cette action doit notamment s'appuyer sur des fonds d'investissement à capitaux mixtes public-privé destinés aux PME évoluant sur les marchés à forte densité technologique.

Précisément, le secteur des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité doit constituer une priorité nationale, comme le fut, en son temps, le nucléaire. Je renouvelle mon souhait que soit créé un « CEA des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité », moins d’ailleurs sous la forme d'une structure nouvelle que d'une procédure de mutualisation des moyens et des expertises. Cette politique doit être menée aussi à l'échelle européenne : une small business administration européenne doit aider les PME innovantes, au sein d'un « périmètre stratégique » européen – quand l'État, en France, aura pris l'initiative – même tardive ! – de le dessiner.

J'en viens maintenant aux crédits du renseignement.

Cette année, je ne me prononcerai pas sur les crédits de la direction du renseignement militaire, DRM, qui figurent au programme « préparation et emploi des forces ». Les budgets de la DGSE, direction générale de la sécurité extérieure, et de la DPSD, direction de la protection et de la sécurité de la défense, atteindront 538,9 millions d'euros, dont 449 millions d'euros pour la première et 89,9 millions d'euros pour la seconde.

L’année 2006 verra la création nette de vingt emplois de catégorie A à la DGSE qui ne représenteront que dix équivalents temps plein. Madame la ministre, cette progression reste dérisoire au regard des priorités assignées à la DGSE, corollaire de l’évolution des menaces. Tous nos partenaires occidentaux, en particulier depuis les attentats du 11 septembre, ont considérablement amplifié les moyens technologiques, humains et financiers destinés à leurs services de renseignement.

Les moyens de fonctionnement de la DGSE, stables en 2005, devraient progresser en 2006 pour atteindre 33,6 millions d'euros. Mais cette progression n'est qu'apparente puisqu'elle correspond à l'inscription au budget de la DGSE des crédits de fonctionnement qui n'y figuraient pas, pour un montant de 0,573 million d'euros.

Les dotations en crédits de paiement des dépenses d'investissement progressent globalement de 16 % entre 2005 et 2006, avec un pic de progression de 22,7 % pour les seules dépenses d'équipement.

La DPSD consacrera 7,7 millions d'euros à son fonctionnement et 4,4 millions d'euros en crédits de paiement à ses dépenses d'investissement, dont une partie proviendra du « soutien de la politique de défense ».

J'aborde maintenant les relations internationales, en commençant par le soutien aux exportations d'armement, animé notamment par les attachés d'armement, avant d'aborder la diplomatie de défense, mise en œuvre par les attachés de défense.

Le soutien aux exportations d'armement mobilise 13,78 millions d'euros, dont 12,81 millions d'euros au titre des dépenses de personnel de la direction du développement international de la DGA. Comment ne pas s'interroger sur la pertinence de notre dispositif après l'échec récent de l'exportation du Rafale à Singapour ?

Je propose que les procédures des ventes d'État soient modernisées. Il faut, en effet, qu'une version « allégée » de celles-ci soit ouverte afin d'aider les entreprises françaises et européennes à exporter. En outre, je souhaite qu'une initiative soit prise pour que les procédures européennes relatives aux exportations d'armement soient harmonisées et qu’une réflexion soit engagée sur l’harmonisation européenne des conditions d’application de la convention OCDE sur la corruption. Nos industriels sont, en ce domaine, victimes de graves distorsions de concurrence.

La diplomatie de défense est déterminante pour appuyer les ambitions internationales de la France face à l'évolution des risques. Elle contribue à la stabilité de l'environnement international et permet à la France de s'impliquer efficacement dans la prévention et la résolution des crises. Les postes permanents à l'étranger regroupent 389 équivalents temps plein. Les frais de fonctionnement, que la commission des finances avait critiqués, ont été réduits à 8,15 millions d'euros.

Globalement, dans un contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme et la multiplication des menaces, vous nous proposez donc, madame la ministre, de renforcer les moyens de préparation de l'avenir de nos systèmes de défense et de consolider les dotations des services chargés du renseignement, sans pour autant, il est vrai, conduire les efforts budgétaires et organisationnels que nos grands partenaires ont engagés.

Ayant formulé un avis favorable sur les crédits du programme « environnement et prospective de la politique de défense », la commission des finances en a approuvé les crédits en adoptant ceux de la mission « défense ». Je vous invite donc, mes chers collègues, à les adopter également. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, la loi de finances initiale s'inscrit strictement dans le respect de la loi de programmation militaire.

Voulu par le Président de la République et mis en œuvre sous votre autorité, madame la ministre, cet effort est véritablement exceptionnel tant par son ampleur que par sa continuité.

Ainsi, depuis 2002, année après année, dans un contexte de faible croissance et de difficile maîtrise des déficits publics, la France confirme sa détermination à dégager les moyens nécessaires pour moderniser ses outils de défense.

Dans le monde, rares sont les pays qui ont fait un tel choix. En Europe, seuls les Britanniques soutiennent un effort comparable.

C'est dans cet environnement que l'on voit ressurgir nombre d'interrogations – qui n'ont rien de nouveau – sur le budget de la défense.

Alors que les ressources financières de l'État sont extrêmement limitées, est-il raisonnable de maintenir cette priorité ? Ou, du moins, serait-il possible de le faire à moindres frais ?

Au cours des derniers mois et des dernières semaines, ces critiques traditionnelles se sont réintroduites dans le débat par le biais de questions faussement naïves que l'on peut résumer par celle-ci : pourquoi la défense serait-elle exemptée des efforts demandés à tous les autres ministères ?

Je souhaite consacrer mon intervention à démontrer que cette vision des choses ne correspond aucunement à la réalité. Certes, le ministère de la défense bénéficie de crédits importants. Mais, loin d'être pléthoriques, ils sont strictement nécessaires au regard des objectifs affichés. En outre, le ministère participe activement aux efforts d'optimisation de la ressource financière de l'État.

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. Mais l'on peut d'ores et déjà considérer qu'au cours des dernières années a été entreprise, sous votre impulsion madame la ministre, d'importantes réformes de structures qui ont déjà dégagé et dégageront à l'avenir des gains significatifs de productivité.

Placé sous l'autorité du CEMA et doté de 20,9 milliards d'euros de crédits, le programme « préparation et emploi des forces » est, par son ampleur, le deuxième des 132 programmes de l'État. Il n'en faut pas plus, pour que certains s'imaginent qu'il recèlerait en son sein d'importantes marges de manœuvre. Or, un examen plus attentif démontre qu'il n'en est rien. Bien au contraire, il faut souligner la forte contrainte qui pèse sur ce programme.

Six éclairages nous donnent une idée de la réalité de ce programme sous tension.

D'abord, on observe que la construction budgétaire elle-même, loin d'être large, suppose que les effectifs civils et militaires du ministère ne correspondent qu'à une partie seulement de ce qu'ils devraient être selon la loi de programmation militaire, soit environ 97 %.

Ainsi, depuis plusieurs années, on observe une adaptation des crédits de personnel au sous-effectif constaté. Cela peut paraître paradoxal au moment même où l'expérience prouve qu'il est essentiel d'avoir la ressource humaine nécessaire pour être et rester présent sur les théâtres d'opérations.

En 2006, l'effectif budgétaire sera inférieur de 2 913 postes aux 443 242 postes prévus par la programmation

Seconde illustration de la contrainte pesant sur les crédits alloués à la défense, le ministère a demandé aux trois armées une baisse de leurs moyens de fonctionnement courant : moins 3,5 % pour l'armée de l'air, soit l'équivalent du fonctionnement de trois bases aériennes ; moins 3,5 % également pour l'armée de terre, soit l'équivalent de huit jours d'activité ; moins 2,5 % pour la seule marine.

Autre contrainte, et non des moindres, le renchérissement du cours du pétrole n'est toujours pas pris en compte dans le budget. Pour finir l'année 2005, la marine a d'ores et déjà dû puiser 35 000 tonnes dans ses réserves. L'armée de l'air, quant à elle, avait déjà consommé dès le 31 août 160 des 163 millions accordés pour l'année !

À niveau d'activité équivalent, les 358 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2006 suffiraient, mais à la condition d'une chute de 28 % du prix du baril ! Je laisse à chacun le soin d'évaluer la probabilité d'une telle hypothèse.

Quatrième éclairage des contraintes pesant sur le programme « préparation et emploi des forces », les besoins pour l'entretien programmé du matériel sont en très forte croissance.

Le matériel ancien, arrivant en fin de cycle, voit son entretien subir le coût des pièces de rechanges et l'impact de la position de monopole de certains prestataires.

Quant au matériel neuf, de par sa haute technicité, il affiche également un coût élevé de maintenance. Une heure de vol d'un hélicoptère Tigre coûte 7 500 euros, contre seulement 700 euros pour une Gazelle. Mais plus d'une génération sépare ces deux équipements.

Les conséquences de la gestion 1997-2002 ont un prix que les armées n'ont pas fini de payer.

À force de tergiversations techniques et de mesures de régulation budgétaire, les armées doivent, aujourd'hui, entretenir un matériel vieillissant à la limite de la rupture, et financer, par ailleurs, les livraisons trop retardées des nouveaux équipements.

L'activité des forces est, elle aussi, en baisse constante. L'armée de terre peine à atteindre l'objectif des 100 jours de sortie des unités sur le terrain. Des choix sont désormais opérés pour garantir la sécurité des hommes. Bien entendu, les domaines phares conservent leur niveau d'excellence et les forces françaises continuent à soutenir la comparaison au niveau international.

Enfin, le coût des opérations extérieures atteint régulièrement plus de 600 millions d'euros. Le ministère a considérablement progressé dans leur budgétisation. De 24 millions d'euros inscrits en 2004, on est passé à 100 millions d'euros en 2005, et ce sont enfin 250 millions d'euros qui sont inscrits dans le PLF 2006.

Mais, de par leur nature imprévisible, on l'a encore constaté dernièrement avec l'intervention humanitaire française au Pakistan pour soutenir les populations des montagnes, les OPEX sont et resteront sources de contraintes supplémentaires, puisque le ministère les préfinance et que l'ouverture de crédits complémentaires entraîne des reports qui déstabilisent l'exécution budgétaire.

S'agissant du programme « équipement des forces », la dotation pour 2006 apparaît conforme à la loi de programmation militaire : elle s’élève à 15,2 milliards d'euros.

Cette importante dotation est la traduction de l'arrivée à maturité d'un nombre important de programmes qui sont soit en développement, soit en production : je citerai l'avion de chasse Rafale, l'avion de transport A 400 M, les frégates multimissions, les hélicoptères Tigre et NH 90.

Mais, dans la réalité de l'exécution budgétaire, ces dotations initiales doivent être immédiatement atténuées par le volume trop important de reports de crédits : 1,5 milliard d'euros de 2003 à 2004 et, de 2004 à 2005, ces reports ont augmenté de 83 % pour atteindre 2,77 milliards d’euros.

Il est essentiel de souligner que ces reports ne sont pas dus à une éventuelle incapacité à consommer de la part du ministère de la défense. Non seulement, au 30 juin de cette année, 47,81 % des crédits avaient déjà été consommés, mais les reports de charges et les intérêts moratoires issus des impayés connaissent une forte hausse.

Il faut en effet savoir que les reports de charges sont passés de 2,12 milliards d'euros en 2003 à 3,05 milliards en 2004. Quant aux intérêts moratoires versés au titre des impayés de 2005, la Cour des comptes craint de les voir multiplier par trois par rapport à ceux versés en 2003.

L'explication principale des reports de crédits réside dans la définition par le ministère des finances d'une norme de dépense en cours d'exercice budgétaire. Cette norme aboutit à bloquer globalement la dépense en cours d'exécution et à la reporter sur les exercices suivants.

Il s'agit d'une difficulté majeure puisque l'article 15 de la LOLF limite les reports de crédits à 3 %, soit 445 millions d'euros pour la défense.

Aussi, cette règle de bonne gestion comme le respect de la loi de programmation militaire exigent que soit rapidement résolue la lancinante question des reports et de leur résorption. Des discussions sont en cours entre les ministères des finances et de la défense, car la situation n'est satisfaisante pour personne.

À ce jour, alors que de nombreux programmes entrent en phase de production, il est clair que le strict respect de la loi de programmation militaire est conditionné par l'apurement des reports de crédits. Chacun doit s'engager pour y parvenir d'ici à 2007.

M. Michel Voisin. Très bien !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Il en va de la crédibilité de l'action gouvernementale, comme de la responsabilité du Parlement qui a voté la loi de programmation militaire.

M. Pierre Lellouche. Le Parlement, pas Bercy !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Enfin, j’ajouterai quelques mots sur la mise en place de la LOLF et la réforme du ministère. On le constate, la réforme budgétaire est loin d'être achevée. La définition des programmes budgétaires au sein de la mission « défense » a donné lieu et donne encore lieu à des interrogations.

Leur périmètre et leur volume suscitent des critiques, notamment le programme « préparation et emploi des forces », doté de 20,9 milliards d'euros, et le programme « équipement des forces », doté de 10,6 milliards d'euros.

Certes, la nomenclature actuelle n'est pas totalement satisfaisante, principalement pour le Parlement, même si le ministère a d'ores et déjà tenu compte de nombreuses observations formulées par la mission de notre collègue Michel Bouvard sur la mise en oeuvre de la LOLF. Ainsi de nombreux indicateurs de performance ont pu être améliorés. Doit-on pour autant modifier aujourd'hui la nomenclature retenue alors que la LOLF commence juste à être mise en œuvre ?

Une telle démarche me paraît, à ce jour, prématurée. En effet, je crois auparavant beaucoup plus utile d'évaluer l'impact et la pertinence des nombreuses réformes structurelles en cours au sein du ministère.

Rappelons tout d'abord que la professionnalisation des armées a été décidée par le Président de la République en 1996 et qu'elle constitue une évolution d'une ampleur à ce jour inégalée par les administrations civiles.

La restructuration de notre industrie de défense, je fais référence ici à DCN et à GIAT, est aussi à mettre à l'actif de l'actuelle majorité.

Aujourd'hui, sous votre autorité, madame la ministre, sont également conduites des réformes lourdes de conséquences sur le fonctionnement du ministère.

Je citerai le récent décret donnant autorité au CEMA sur les autres chefs d'état-major, mais aussi les actions entreprises dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme – SMR – ainsi que la réforme de la DGA.

D'importantes économies ont ainsi été réalisées par la défense depuis 2003.

La mise en place d'un économat unique, d'un service d'infrastructure unique, d'un commissariat unique, le regroupement des archives, la montée en puissance de la direction des réseaux interarmées et des systèmes d'information – DIRISI –, la réorganisation de la fonction achat et l'externalisation de la gestion du parc automobile permettent d'escompter pour 2006 des gains d'environ 23 millions d'euros.

Il est bien sûr possible d'aller encore plus loin dans les années à venir. Essentiellement dans les fonctions soutien, mais également dans la fonction communication ainsi que dans la fonction commandement.

Mais il faut bien comprendre que ces gains de productivité ne s'obtiennent pas du jour au lendemain. Ils sont le résultat de réformes de structure qui produisent progressivement leurs effets.

Après avoir souligné les lourdes contraintes de gestion qui pèsent sur la défense et les efforts accomplis pour réformer le ministère, je voudrais conclure par une mise en perspective qui relativise des chiffres que, hors contexte, certains peuvent juger exorbitants.

Je rappelle d’abord que l'effort consenti par les Britanniques reste sensiblement supérieur au nôtre.

Ensuite, il faut dire que l'effort engagé depuis 2003 ne permet que de compenser une partie du retard pris entre 1997 et 2002.

Enfin, loin d'être pharaonique, le modèle d'armée 2015 qui sous-tend la loi de programmation militaire 2003-2008, correspond plutôt à la stricte suffisance en matière de format des forces, d'équipement et de contrats opérationnels.

Au cours des dernières semaines, l'âpreté du débat budgétaire comme les joutes et rivalités politiques ont fait courir le risque d’une diminution des crédits faite à l'aveugle. Si elles aboutissaient, dans le contexte extrêmement contraint que j'ai signalé, de telles initiatives compromettraient, notamment sur la scène internationale, la crédibilité du discours que nous avons tenu et du redressement engagé sous l'impulsion du Président de la République. Et ceci, au moment même où nous entendons jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe de la défense et où notre statut de puissance nucléaire s'avère indispensable face à l'émergence probable de puissances régionales menaçantes.

M. Antoine Carré. Très bien !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. L'examen annuel de la loi de finances est un principe démocratique fondamental. Or, la crédibilité de nos armées, la modernisation de leurs équipements, la restructuration de leur format s'inscrivent par définition dans le long terme. La difficulté propre des crédits de la mission « défense » est de concilier ces deux exigences.

Aussi, afin d'éviter tout dérapage, il me paraît indispensable que le ministère poursuive son effort de réforme en y associant davantage le Parlement, tant sa commission de la défense que celle des finances.

Et puisque chacun convient que le coup de rabot est souvent intempestif, engageons ensemble des audits approfondis qui permettront de prendre des mesures efficaces et mûrement réfléchies.

C'est à mon sens la seule méthode qui nous permette de sortir des rôles convenus et des divisions dans lesquels nous nous complaisons parfois.

Car ma conviction, madame la ministre, mes chers collègues, notamment au regard de la situation internationale comme de l'engagement de nos troupes sur de nombreux théâtres d'opération, c'est bien que le budget de la défense peut et doit faire l'objet d'un consensus national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’environnement et la prospective de la politique de la défense. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois encore, c'est dans un contexte international très incertain que nous sommes amenés à examiner les crédits destinés au financement de notre défense pour 2006.

J'identifie dans mon rapport trois sujets de préoccupation majeure pour la sécurité et la stabilité internationales : le terrorisme international, la prolifération nucléaire et la persistance de foyers de tensions ponctuelles qui posent la question des stratégies de sortie de crise.

La première de ces menaces, le terrorisme international, représente un vecteur de fragilisation des États en crise extrêmement préoccupant. Les attentats de Londres, au mois de juillet dernier, ont confirmé la vulnérabilité des pays européens au terrorisme international. Dans les démocraties, les actes terroristes posent la question du point d'équilibre entre le respect des droits fondamentaux de l'individu et la nécessité de lutter efficacement contre les actes terroristes, mais ils deviennent, dans les États non démocratiques, une menace pour la pérennité de l'État lui-même. C'est toute la question qui se pose aujourd'hui en Irak ; c'est celle qui risque un jour de concerner un État tel que l'Arabie Saoudite, minée de l'intérieur par une violence terroriste qui pourrait être nourrie par les djihadistes saoudiens partis combattre en Irak.

La prolifération nucléaire est, avec le terrorisme international, la menace la plus préoccupante pour notre sécurité. J'avais souligné, dans le rapport que je présentais l'an dernier sur la loi de finances pour 2005, les fortes turbulences que traversait le régime international de non-prolifération. Le même constat s'impose, même si les récentes évolutions du dossier nord-coréen incitent à nuancer l'évaluation de la situation.

Dans le cadre du processus de « pourparlers à six », un accord est intervenu à Pékin, le 19 septembre 2005, entre la Corée du Nord et les cinq pays – États-Unis, Chine, Japon, Corée du Sud et Russie – qui tentaient, depuis près de trois ans, de convaincre Pyongyang de renoncer aux armes nucléaires. La plupart des commentateurs considèrent que ce texte, qui multiplie les formules vagues, est une solution en trompe-l’œil, un accord bancal. Il est évidemment trop tôt pour en juger, d’autant que la solution au problème de la Corée du Nord, on le sait, dépend en grande partie du facteur chinois.

Le cas de l’Iran me paraît beaucoup plus lourd d’incertitudes pour l’avenir. Bien que Pyongyang dispose déjà de l’arme nucléaire, tandis que, selon les experts, Téhéran ne devrait pas l’avoir avant plusieurs années, le programme nucléaire iranien se révèle un problème plus délicat que celui de la Corée du Nord.

L’évolution de la situation politique interne à la suite de l’élection présidentielle rend difficile tout pronostic sur l’attitude de l’Iran dans les mois à venir : comment va se traduire l’alliance du populisme et de l’islamisme conservateur dans un Iran conforté par la déliquescence de l’Irak et la montée en puissance concomitante des chiites dans ce pays ? Les paroles inadmissibles du nouveau président iranien, qui appelait le 26 octobre à rayer Israël de la carte,…

M. Jérôme Rivière. Inadmissibles, en effet ! Vous avez raison de le souligner.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. …préjugent-elles d’une radicalisation du régime ? À ce stade, rien ne nous incite à l’optimisme.

À côté de ces nouvelles menaces existe un troisième sujet de préoccupation : les nombreux foyers de crise qui, comme au Soudan, peuvent aller jusqu’à menacer la pérennité de l’État. En raison de leur caractère à chaque fois spécifique, la communauté internationale est quelque peu embarrassée et peine à définir des modes d’intervention adaptés pour y faire face. Pour l’heure, là où elle intervient, on assiste bien souvent à une pérennisation de son engagement sur le terrain, comme c’est le cas au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan, sans qu’il soit malheureusement possible de prévoir l’échéance de son intervention.

Une crise me semble à cet égard particulièrement préoccupante, dans la mesure où le temps joue contre la paix : celle de la Côte d’Ivoire, où le report de l’élection présidentielle pose la question de la poursuite du laborieux processus politique, d’autant qu’une autre échéance électorale se dessine avec la fin de l’actuelle législature le 11 décembre prochain. Rien n’est à ce jour prévu pour renouveler un Parlement qui sera sans légitimité après cette date.

Dans ce contexte d’incertitude stratégique, les acteurs de la sécurité et de la stabilité internationales peinent à définir des stratégies de réponse adaptées.

Alors que le système international actuel a fêté son soixantième anniversaire avec celui de l’Organisation des Nations unies, on ne peut que constater les difficultés qu’il rencontre à répondre de manière efficace aux menaces contemporaines. En effet, des trois acteurs qui sont aujourd’hui à même d’élaborer des solutions, aucun ne semble en mesure de remplir sa fonction.

Ainsi, l’ONU est légitime, mais elle souffre d’un manque d’efficacité que seule une réforme d’ampleur de son fonctionnement pourra venir combler. Force est de constater à cet égard que les résultats du sommet mondial sont décevants, même si le pire scénario a été évité : peu avant le sommet, en effet, l’ambassadeur américain à l’ONU, M. John Bolton, avait remis fondamentalement en question le projet de résolution finale laborieusement négocié depuis six mois et proposé en lieu et place un document de clôture ramené à trois pages.

De leur côté, les États-Unis sont puissants, mais pas suffisamment légitimes pour pouvoir apporter les solutions adéquates. De surcroît, ils ne sont pas prêts à mettre en œuvre des stratégies complexes, c’est-à-dire recourant à une palette de moyens variés, non exclusivement militaires.

Enfin, l’Union européenne est influente, mais ne se donne pas les moyens de peser suffisamment dans le débat international, …

M. Yves Fromion.. En effet, mais à qui la faute ?

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. …même si elle a accompli des progrès importants depuis 1998. Pour insuffler un nouveau dynamisme à la construction d’une Europe politique, il faut des réalisations concrètes. Cette Europe des projets existe d’ores et déjà en matière de défense, mais beaucoup reste à faire. À l’heure où l’Union européenne doit définir un projet alternatif à celui qui a été rejeté le 29 mai, la PESD pourrait utilement contribuer à la mise en place de cette Europe des réalisations et des solidarités concrètes qu’une majorité de Français appellent de leurs vœux.

Le chantier principal en la matière est celui de l’accroissement des capacités européennes communes de défense. À cette fin, la priorité me semble devoir davantage porter sur la construction d’une véritable Europe des capacités par une meilleure coordination des politiques d’équipement nationales en Europe : à budget de défense égal, l’Europe pourrait être plus efficace si les membres de l’Union consentaient à coordonner leurs politiques d’équipement militaire. Une telle coordination est nécessaire si l’on songe que, sur les deux millions d’hommes et femmes sous les drapeaux en Europe, seuls 70 000 sont mobilisables pour être projetés sur un théâtre d’intervention extérieur. Comme ce chiffre le montre clairement, il est insuffisant d’additionner les efforts nationaux pour constituer une armée européenne.

M. Michel Voisin. C’est vrai.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. Il est donc absolument indispensable de rompre avec la priorité accordée aux stratégies nationales en matière de politique d’équipement, tant elles nuisent à la mise en marche d’une véritable Europe des capacités communes. Nous en sommes loin. En France, par exemple, nous persistons à inscrire notre démarche d’équipement militaire dans un cadre strictement national, les considérations européennes étant ponctuelles et généralement secondaires en termes budgétaires.

M. Yves Fromion. C’est une caricature !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. La démarche inverse devrait aujourd’hui prévaloir. Mais comme le montre le projet de loi de finances pour 2006, une telle révolution copernicienne n’est pas encore à l’œuvre. En effet, à l’instar de la loi de programmation dans lequel il s’inscrit, il représente une occasion manquée de faire émerger une Union européenne susceptible de se poser en acteur politique de stature internationale.

Dans le contexte international que je viens de décrire, ce projet de budget est-il, par ailleurs, adapté aux besoins de notre défense ? La réponse à cette question est, à mes yeux, triplement négative. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Premièrement, au regard des conditions d’exécution des budgets pour 2004 et 2005, le projet de budget pour 2006 ne permettra pas de respecter les prescriptions de la loi de programmation 2003-2008, dont il porte de toute façon les faiblesses intrinsèques.

M. Pierre Lellouche. C’est vous qui dites cela ?

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. Deuxièmement, il ne permettra pas d’atteindre le format d’armée prévu pour 2015, qui semble d’ores et déjà condamné. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Michel. La vérité vous fait réagir !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. Troisièmement, il ne constitue pas une réponse satisfaisante aux ambitions européennes qui devraient être celles de la France en matière de défense.

Certes, le projet de loi de finances respecte globalement la loi de programmation militaire : il porte l’effort de la nation en faveur de sa défense à 2,17 % du produit intérieur brut, gendarmerie comprise, hors pensions mais en incluant désormais le budget des anciens combattants. Cela représente un budget de la défense de 47 milliards d’euros, en augmentation de 3,4 % en valeur, soit 1,8 % en volume.

Si l’on se place dans une perspective internationale, la France se situe à l’évidence en bonne position. Elle est juste derrière le Royaume-Uni, pays européen de l’OTAN qui consacre le plus de crédits pour ses dépenses de défense, notamment de fonctionnement. Si l’on considère les seules dépenses en capital, la France passe même devant le Royaume-Uni…

M. Yves Fromion. Absolument ! Voilà ce qu’il faut souligner !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis. …puisqu’elle consacre cette année 0,66 % de sa richesse à l’équipement de ses armées, contre 0,57 % pour son voisin britannique, 0,26 % pour l’Allemagne et 1,02 % pour les États-Unis.

Dans un contexte budgétaire national difficile, l’effort mériterait d’être salué. (« Ah ! Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et je me prêterais volontiers à l’exercice si j’avais la conviction que les sacrifices consentis pour la défense sont adaptés aux objectifs. Tel n’est pas le cas cependant.

Lors de son audition devant la commission de la défense, le 11 octobre, le chef d’état-major des armées a souligné que « les retards pris sur certains programmes risquaient de poser des problèmes », citant le retard du Rafale, l’année de décalage prise pour la version navale de l’hélicoptère NH 90, et le fait que, à la fin de la loi de programmation militaire, vingt-huit hélicoptères Tigre seront livrés sur les trente-trois prévus.

La situation décrite par le chef d’état-major des armées met à l’évidence en cause la sincérité de la loi de programmation militaire 2003-2008, sincérité dont vous avez vous-même, madame la ministre, reconnu devant la commission des finances du Sénat qu’elle devait être renforcée.

Pour les programmes déjà engagés, l’écart est de plus de 2 milliards d’euros entre les crédits prévus dans la loi de programmation et ceux qui seraient nécessaires pour tenir les échéances et respecter les volumes d’équipements annoncés.

Dans le même temps, nous persistons à consacrer toujours plus de crédits à la dissuasion nucléaire sans que leur justification ne fasse l’objet d’un quelconque débat. En 2006, la France dépensera 3,613 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,322 milliards d’euros de crédits de paiement pour financer sa dissuasion nucléaire, soit un budget en hausse de 13,4 % pour les autorisations d’engagement et 5,53 % pour les crédits de paiement. Ce sont ainsi 21,5 % des crédits d’équipement du ministère de la défense qui seront consacrés à l’arme nucléaire dans le projet de budget pour 2006, contre 20,9 % en 2005.

On peut se demander si cette focalisation sur la dissuasion est justifiée à un moment où le développement du terrorisme international appelle un accroissement des moyens de prévention – notamment par le renseignement. De même, les aspirations de certains États à la maîtrise de l’arme nucléaire devraient également nous conduire à améliorer nos capacités de renseignement.

Le modèle d’armée 2015 reste officiellement la cible à atteindre. En réalité, en dépit de la chape de silence qui pèse sur le sujet, chacun sait que ce format ne sera pas atteint en 2015 et qu’il serait plus juste de parler d’un modèle d’armée 2025. Pour le réaliser, il manquerait aujourd’hui, selon les projections, entre 40 et 70 milliards d’euros. Pour l’atteindre en 2020 seulement, soit avec déjà pratiquement une programmation de retard, les crédits d’investissement annuels nécessaires ont été évalués à environ 22 milliards d’euros, soit, par rapport à l’enveloppe annuelle actuelle, qui n’est déjà pas respectée, une augmentation de pratiquement 50 %. C’est dire combien l’hypothèse est peu crédible.

Dans le cadre de la prochaine loi de programmation, nous devrons donc inscrire nos choix de défense dans une perspective européenne, quitte à revenir sur des choix antérieurs et à redéfinir un modèle d’armée nouveau. Cela impliquera des choix douloureux, du fait des engagements inadaptés qui sont aujourd’hui pris sur l’avenir. De toute façon, les progrès de la PESD ne feront que rendre décalé et inadapté l’exercice actuel que constitue la préparation d’une loi de programmation militaire dans un cadre strictement national.

Pour l’heure, se donner les moyens de nos ambitions européennes passe par le lancement en priorité de deux initiatives.

La première consiste à développer les moyens et la coordination en matière de recherche. En ce domaine, si l’on se fie aux chiffres globaux, la France n’a pas à rougir par rapport à ses partenaires européens : ainsi, elle occupe la première place en matière de recherche et technologie, devant le Royaume-Uni, ayant même, en 2003, dépensé 81 % de plus que son voisin britannique.

En réalité, ce constat doit être fortement relativisé dans la mesure où la supériorité du budget de recherche et technologie français est exclusivement due à la recherche liée à la dissuasion et au BCRD. Hors nucléaire, l’effort français en matière de recherche et technologie tombe largement en dessous de l’effort britannique.

Le deuxième projet structurant consiste à accroître et à accélérer les programmes liés au spatial militaire. Si l’Europe est une puissance spatiale civile, l’approche européenne de l’espace comme enjeu de sécurité est encore très peu développée. Tout au contraire, le spatial militaire est depuis cinquante ans un thème majeur aux États-Unis, où et il connaît une actualité renouvelée avec les projets de défense antimissile et le concept d’information dominance. Il faut être lucide : l’Europe restera un nain stratégique aussi longtemps qu’elle n’aura pas acquis une crédibilité en matière spatiale.

Dans le cadre de la PESD, il est donc devenu indispensable de mettre en place une véritable politique spatiale européenne, dépassant les égoïsmes nationaux.

En conclusion, je considère qu’en dépit d’un affichage favorable, le projet de loi de finances pour 2006 révèle une fois encore que ni les mutations de l’environnement stratégique, ni les conséquences véritables de l’engagement en faveur de la construction d’une défense européenne n’ont été véritablement et pleinement prises en compte ni assumées par les auteurs de la loi de programmation militaire 2003-2008, d’autant plus que la « sanctuarisation » proclamée des crédits de la défense n’est plus de mise, comme le montre, entre autres exemples, le taux historiquement faible de consommation des crédits d’équipement militaire en 2004.

J’ai donc invité la commission des affaires étrangères à donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2006 du programme « environnement et prospective de défense » de la mission « défense » dont nous étions saisis. Elle ne m’a pas suivi…

M. Charles Cova. Bien entendu ! C’est le rapport de la commission, pas le rapport de Paul Quilès !

M. Paul Quilès , rapporteur pour avis. …et a au contraire donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Les propos que vient de tenir M. Quilès me conduisent à inverser l’ordre de mon discours et à commencer par ma conclusion. Je souhaite en effet féliciter le Gouvernement, et d’abord la ministre de la défense, pour l’effort conséquent dont bénéficie ce budget. C’est un acte politique fort qui s’adresse au personnel de la défense, mais aussi à nos partenaires européens, monsieur Quilès,…

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Très bien !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. …dont on ne distingue pas toujours, hélas, la volonté de donner à l’Europe les moyens de son ambition, alors même que la scène internationale – et vous l’avez rappelé – se caractérise par l’émergence de nouvelles menaces.

Au-delà de la nouveauté que constitue, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation de la « mission défense » dans le cadre de la LOLF, le programme 144, que j’ai l’honneur de présenter, et qui concerne l’environnement et la prospective de la politique de défense, constitue un objet budgétaire véritablement particulier, pour ne pas dire singulier, tant il rassemble des éléments que l’on pourrait qualifier d’hétéroclites.

Ce programme comprend au total six actions retraçant : l'analyse stratégique et la prospective de défense ; la recherche et l'exploitation du renseignement de défense à l'intérieur et à l'extérieur des territoires confiées à la DGSE et à la DPSD ; la politique en matière de recherche et de technologie de défense, d'industrie et d'exportation d'armement – les études amont de la DGA – l'orientation et la conduite de la diplomatie de défense – action des attachés de défense et des services de la DGA. Ce programme a également la dimension la plus réduite au sein de la mission « défense » : seulement 4,5 % du total des crédits de paiement prévus pour 2006. Le directeur chargé des affaires stratégiques – DAS – en a la responsabilité.

Pour ce premier exercice, le programme 144 donne l'impression d'avoir été correctement doté en moyens humains et financiers.

Le projet de loi de finances pour 2006 porte la marque d'un intérêt réaffirmé en matière de recherche de défense, ce qui ne peut que satisfaire votre rapporteur. L’effort consenti en 2006 doit être replacé dans la durée. En 2003, les crédits votés au titre des études amont représentaient seulement 432 millions d'euros. En 2006, les crédits proposés s'élèvent à 601 millions d'euros, ce qui doit permettre de parvenir à une enveloppe de 700 millions d'euros en 2008. Cet objectif politique est parfaitement honorable, mais inférieur d'une cinquantaine de millions d'euros à la somme qu'il conviendrait d'atteindre en 2008 pour tenir l'annuité moyenne de 647 millions d’euros inscrite en loi de programmation militaire. Il faudra faire cet ajustement.

En matière spatiale, il est vrai que des lacunes capacitaires sont à déplorer. La recherche est un des moyens permettant d’essayer de les compenser partiellement, tout en abordant les futurs programmes. Pour 2006, les crédits de paiement des études amont espace progressent de 13,3 %. Je souhaite cependant insister, madame la ministre, sur l'urgente nécessité d'un soutien déterminé aux entreprises opérant dans le domaine des satellites. Faute d'un volume suffisant de commandes institutionnelles – et vous le savez – elles ne pourront faire jeu égal avec leurs concurrents américains. La situation est actuellement suffisamment préoccupante pour que votre rapporteur la souligne avec force, car cela relève explicitement de la préparation de l'avenir. Je ne pourrais toutefois m’empêcher de féliciter nos ingénieurs et nos techniciens pour la très belle réussite de la mise en orbite de notre satellite Syracuse, destiné à assurer les commandements et les transmissions de nos forces armées.

Enfin, pour les études amont qui constituent de loin la principale masse de crédits, la politique active de démonstrateurs technologiques se poursuit.

Dans ce domaine aussi, l'avenir est européen – M. Quilès l’a précisé à juste raison – et c'est sans doute par le biais de l'Agence européenne de défense – AED – qu'une meilleure efficacité de la recherche de défense et de sécurité pourra être atteinte. Des programmes fédérateurs peuvent être envisagés, notamment dans le domaine de l'aérobotique. Ainsi, le projet de drone Euromale a été identifié par la France comme un programme potentiel à confier à l’Agence. Il n'est pas interdit d'être plus ambitieux en ce domaine comme dans le domaine spatial où il est par exemple indispensable de préparer la relève du système Hélios.

L'action 3 « recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » comprend deux sous-actions, qui correspondent à la direction générale de la sécurité extérieure et à la direction de la protection et de la sécurité de défense. Ces deux services de renseignement militaires présentent des différences marquées, tant en raison de leur poids budgétaire – la DGSE représentant cinq fois le volume des crédits de la DPSD – que de leurs périmètres d'action.

La DGSE est renforcée, M. Carayon l’a souligné, par vingt créations de postes, visant à permettre de répondre aux besoins en matière d'analyse et de cryptographie. De plus, la progression des crédits de rémunération permet à celle-ci d'envisager à moyen terme de combler le décalage entre effectifs théoriques et effectifs réels. L'effort consenti pour la DGSE est légitime, si l'on veut bien se rappeler son rôle dans la libération de nos otages en Irak.

En revanche, pour la DPSD, la masse salariale prévue pour 2006 dans le présent projet a été établie sur la base d'un effectif moyen réalisé de 1 290, alors que les effectifs réellement affectés au sein de cette direction sont de 1 352. Il convient donc de noter ce déficit.

La progression des investissements est plus soutenue que ces dernières années, ce qui doit être salué, avec 122,96 millions d'euros en crédits de paiement, soit plus 14 %. Ces crédits concernent pour l'essentiel la DGSE, qu'il s'agisse de ses équipements techniques ou, dans une moindre mesure, des opérations immobilières, la part de ces dernières tendant à diminuer significativement.

Les crédits alloués en 2006 sont destinés à financer les priorités d'équipement liées au recueil du renseignement d'origine technique, à la cryptographie et à la gestion des flux massifs d'information. Ces défis sont d'autant plus stratégiques à relever qu'ils concourent à la lutte antiterroriste et à la capacité d'échanges avec nos partenaires. On peut noter la poursuite des projets de mutualisation avec, en particulier, l'installation du personnel et des antennes d'interception d'un centre situé outre-mer, réalisé en partenariat avec la DRM, ce dont nous devons nous féliciter.

Je conclurai mon propos en évoquant les actions 1 et 2 « analyse stratégique » et « prospective des systèmes de forces » qui présentent des points communs ; avec un poids budgétaire très limité, la concentration de personnels de haut niveau, une production d'ordre intellectuel et l'association le plus souvent des mêmes acteurs : délégation générale pour l’armement – DGA – état-major des armées – EMA – et délégation aux affaires stratégiques, – DAS.

L'esprit de la LOLF doit conduire le Parlement à dépasser la simple étude des crédits pour s’attacher à leur utilisation en termes de performance. De ce point de vue, il serait utile, madame la ministre, de s'intéresser à l'objet et aux conclusions des études commandées par la DAS. Avec la LOLF, la prospective de défense devient véritablement une responsabilité partagée et le Parlement peut faire valoir son droit de regard sur les grands choix qui concernent notre défense. Cette revendication, souvent exprimée ici, n’a jamais trouvé le début d’un commencement d’exécution. Nous en avons aujourd’hui l’occasion. Il est donc indispensable qu'une réflexion s'engage avec le ministère de la défense pour que l'action parlementaire puisse se développer dans des conditions convenables quant au suivi et à l'évaluation de la gestion du programme 144.

Après avoir conclu en début de mon propos, je vous invite donc, mes chers collègues, à voter avec enthousiasme et lucidité les crédits du programme 144. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, les crédits de la loi de finances pour 2006 s'inscrivent dans le respect des objectifs de la loi de programmation militaire 2003-2008.

Il faut, cette année encore, saluer cet effort particulier, fourni dans un contexte économique difficile qui se traduit par de fortes contraintes budgétaires.

L'examen du projet de loi de finances pour 2006 est, à bien des égards, placé sous le signe de la novation, Cette réalité se vérifie particulièrement dans le cadre du présent rapport qui porte sur des éléments d'un programme frappé au sceau des caractéristiques de la LOLF. Cet exercice revêt un aspect original, puisque, dans le cadre de la réforme budgétaire, c'est sur le fondement de la loi de règlement que doit s'apprécier la réalisation des objectifs fixés. En l'absence, pour cette première fois, de ce texte, de nombreuses comparaisons deviennent malaisées, lorsqu'elles ne sont pas purement et simplement devenues sans objet. Cette difficulté trouve encore son origine dans la logique même de la LOLF qui procède à une inversion des valeurs en passant d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et, partant, de résultats. En effet, la LOLF implique de nombreux « changements de périmètre ». À titre d'exemple, il peut être rappelé que, désormais, la gestion des personnels, civils comme militaires, ainsi que de leurs pensions, relève de la responsabilité de chaque état-major. J'ai pu constater, au cours des auditions auxquelles j'ai procédé pour la préparation du rapport, que cette situation est diversement appréciée. Le fait qu'une forte contrainte budgétaire conduit parfois à une limitation, à terme, des effectifs de certaines catégories de personnels civils n’est pas sans poser problème à certains états-majors. Au demeurant, il faut bien admettre que le présent projet de loi de finances s'inscrit dans la continuité de la réforme du ministère de la défense. De son côté, la LOLF, par le renversement de logique qu'elle opère, implique des modifications dans les pratiques des administrations publiques. Là aussi, un des buts est de réaliser des économies rendues nécessaires par une conjoncture tendue.

Le programme 178 « préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées. Il occupe une place centrale, représentant près de la moitié des crédits et près des deux tiers des ressources humaines du ministère de la défense. Par sa dotation de 20 900 millions d'euros, il se place à la tête des programmes. Il consacre le rôle central du chef d’état-major des armées, tel qu'il lui est désormais dévolu par les dispositions du décret du 21 mai 2005. Il concerne encore les crédits destinés à la direction du renseignement militaire, notamment, qui s'élèvent à 126 millions d'euros. Au sein de ce programme, le présent rapport pour avis, intitulé « préparation et emploi des forces » n'a pas examiné les crédits attribués à chaque armée qui font l'objet de rapports pour avis particuliers. L'examen des crédits de la première action, dotée de 865 millions d'euros, permettra de retracer les activités de l'état-major des armées dans le domaine du commandement interarmées et interalliés. En effet, la France occupe une place importante dans ce domaine, tant sur le plan européen par sa participation à la constitution de l'état-major européen de niveau stratégique en cas de décision d'intervention de l'Union européenne, que par sa participation à la Nato Response Force, NRF.

L'action « logistique interarmées » recouvre les activités du service de santé des armées et du service des essences des armées. Elle est dotée de 1 152 millions d'euros, ce qui représente 5,3 % des crédits du programme. Les activités de ces deux services ne doivent pas être ignorées : très présents sur toutes les OPEX, ils assument des fonctions indispensables. Il faut, par ailleurs, souligner la participation du service de santé à la médecine civile ainsi qu'à la plupart des plans d'urgence sanitaire de l'État, comme une participation au secours des populations civiles victimes de catastrophes dans le monde entier. Cependant, madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes d'effectifs dont souffre toujours le service de santé des armées et qui concerne particulièrement les médecins d'active et les personnels civils. Pour les premiers, l'écart entre les droits ouverts et les droits réalisés était, au 1er juillet dernier de moins 22 % pour la gendarmerie, moins 19 % pour l’armée de l'air, moins 16 % pour la marine et pour l’armée de terre. Pour ce qui concerne les personnels civils, le déficit devrait s'élever à 360 personnes. Certes, le choc de la professionnalisation des armées produit encore ses effets et le service de santé des armées a, au cours des dernières années, mis en œuvre une série de réformes et de mesures pertinentes qui ne devraient pas manquer de porter leurs fruits, cela toujours dans un contexte budgétaire très contraint. Il faut pourtant rester vigilant, car le service reste très sollicité.

Le service des essences des armées, pour sa part, assume l'ensemble de la logistique pétrolière pour les armées, à l'exception de la marine qui pourvoit elle-même à ses propres besoins. Il exerce encore un rôle d'expertise dans le domaine des produits pétroliers. Il faut rappeler que, selon le ministère de la défense, un doublement du prix du baril de pétrole peut créer un besoin supplémentaire de l'ordre de 0,7 % du budget – soit 300 millions d'euros – pour ce ministère. Un mécanisme de couverture pétrolière a été mis en place par le biais de la création d'un comité des risques auquel participe le service des essences des armées. Néanmoins, madame la ministre, je m'interroge sur l'hypothèse d'évolution du coût du baril retenue pour échafauder le projet de loi de finances pour 2006 qui semble optimiste. Certes, ce montant a été révisé à la hausse au mois de septembre, mais cela a-t-il été pris en compte pour le projet de budget pour 2006 ? Je ne doute pas, madame la ministre, que mes collègues de la commission de la défense, rapportant pour chacune des armées, sauront vous faire part des interrogations posées par cette situation. En effet, il semble que certains états-majors aient fondé leurs prévisions de consommation de carburant sur l'hypothèse d'un baril à 60 dollars avec un dollar à 1,23 euro. Qu'en est-il de la satisfaction des besoins des armées, notamment de l'armée de l'air et de la marine ? Les dotations seront-elles suffisantes ?

Par ailleurs, le « stock OPEX » du service des essences des armées a été entièrement consommé en 2004, il est actuellement en reconstitution, mais à un rythme qui gagnerait à être accéléré. Quelles sont les perspectives envisagées dans ce contexte de forte augmentation du coût des carburants ?

Enfin, l'action « surcoûts liés aux opérations extérieures », consacre une heureuse avancée dans la prévision des dépenses. Alors que près de 11 000 hommes sont déployés sur des théâtres extérieurs, les dépenses supplémentaires occasionnées par ces opérations devraient atteindre environ 550 millions d'euros. Elles seront entièrement financées par le décret d'avances publié à la fin du mois de septembre. Pour 2006, le projet de loi de finances initiale inscrit 250 millions d'euros à ce titre, ce qui constitue un progrès indéniable. Le financement d'environ la moitié des opérations extérieures sera ainsi assuré dès le projet de loi de finances initiale.

Pour ce qui concerne le financement des surcoûts liés aux opérations intérieures, aucun crédit n'est demandé à ce titre dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2006.

En conclusion, le ministère de la défense bénéficie d'une dotation budgétaire satisfaisante. Le projet de loi de finances pour 2006 constitue un bon budget qui a été adopté par la commission de la défense nationale et des forces armées. Je vous demande donc de faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : air.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : air. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de la nouvelle architecture budgétaire, l’essentiel des crédits de l’armée de l’air se trouvent dans le programme « préparation et emploi des forces », avec 4,908 milliards d’euros alloués aux forces aériennes pour leur fonctionnement, et dans le programme « équipement des forces », avec 2,439 milliards d’euros destinés à la modernisation des matériels de l’armée de l’air. Dans son ensemble, le projet de loi de finances pour 2006 permet de répondre aux besoins de l’armée de l’air, même si l’exécution des moyens destinés aux carburants et à l’entretien des matériels doit être examinée avec attention.

S’agissant du fonctionnement des forces, le niveau des effectifs reste stable : au sein du programme 178, sont inscrits 65 488 personnels civils et militaires, contre 65 684 l’année précédente. L’armée de l’air enregistre en 2005 un sous-effectif global d’environ 4,5 % par rapport à ses effectifs budgétaires théoriques, mais elle a fait le choix d’exclure tout dépassement du montant autorisé pour sa masse salariale, ce qui suppose un certain sous-effectif.

Je souhaiterais, comme mon ami Antoine Carré, attirer votre attention sur la dotation en carburants, laquelle conditionne pour partie le volume d’activité de nos forces et la qualité de leur entraînement. Certes, la dotation pour l’armée de l’air connaît une augmentation sensible pour atteindre 186,3 millions d’euros mais, chaque année, depuis 2003, des abondements en faveur du carburant ont été nécessaires en cours de gestion, car le tarif de construction s’est révélé largement inférieur au tarif effectivement constaté. Il est à craindre que l’armée de l’air ait besoin, une fois de plus, de moyens supplémentaires à ce titre d’ici à la fin de 2006.

Autre sujet important, l’entretien des matériels. L’effort budgétaire engagé dans ce domaine depuis 2002 est poursuivi en 2006, et la SIMMAD s’efforce d’améliorer la gestion de la maintenance, De fait, la disponibilité des aéronefs de l’armée de l’air est passée d’une moyenne de 54,2 % en 2000 à 63 % cette année. Si le bilan réalisé se révèle satisfaisant, la progression constante de la disponibilité des équipements connaît cependant une pause. Cela résulte des contraintes financières auxquelles la SIMMAD doit faire face, en raison notamment de reports de charges importants. Il importe de veiller à la bonne exécution des crédits alloués à la SIMMAD, afin de lui permettre d’assainir sa situation financière et de poursuivre sa tâche dans de bonnes conditions.

S’agissant des équipements aériens, le Rafale s’insère progressivement dans nos forces de combat. Trois appareils ont été livrés en 2004, onze en 2005, et douze le seront en 2006. Le premier escadron de Rafale au standard F2 entrera en service dès l’an prochain. Dans le même temps, l’année 2006 sera marquée par la livraison de missiles MICA et SCALP EG, d’armements AASM, ainsi que par l’entrée en service d’un avion à très long rayon d’action. Le second entrera probablement en service au début de l’année 2007. Les avions à très long rayon d’action viendront utilement renforcer la flotte de transport de l’armée de l’air, laquelle se trouve dans une situation quelque peu tendue. En effet, outre le retrait de deux DC8 en 2004, celui des appareils Transall va débuter, alors même que l’A400M n’entrera en service qu’au début de 2009.

S’agissant des drones, la livraison du système intérimaire de drone Male ne devrait intervenir qu’en avril 2006, avec plus de dix-huit mois de retard, alors qu’il devait prendre la relève des drones Hunter. Ce décalage remet en cause l’articulation ainsi prévue entre les deux systèmes et se traduit par une diminution des capacités de l’armée de l’air.

Je terminerai mon propos en évoquant les multiples réformes que l’armée de l’air a mises en œuvre, faisant ainsi la preuve de ses capacités d’adaptation. Dans le cadre du projet dénommé Air 2010, elle a engagé des réflexions approfondies sur la rationalisation de ses bases, et elle a lancé la réorganisation de ses structures de commandement, afin de les simplifier, de les décentraliser et de les adapter au caractère de plus en plus interarmées et international des opérations. De plus, elle a relevé cette année un véritable défi en prenant la direction de la composante aérienne de la Nato Response Force 5. Cela atteste de la capacité opérationnelle qu’elle peut offrir non seulement à l’OTAN, mais également à l’Union européenne

De fait, l’armée de l’air participe pleinement à la construction de la défense européenne, notamment par deux initiatives : la mise en place de l’école de formation de pilotes de chasse franco-belge, et la conclusion d’accords en matière de sûreté aérienne avec des pays voisins.

Enfin, je rappelai que l’armée de l’air prend une part active aux opérations extérieures de la France : l’opération Serpentaire menée en Afghanistan, les opérations humanitaires en Indonésie, au Pakistan, et, plus récemment, en Louisiane,

Pour conclure, la commission de la défense ayant émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « préparation et emploi des forces » consacrés à l’armée de l’air, j’invite notre assemblée à voter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : marine.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : marine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la marine se trouve maintenant au premier plan de la puissance guerrière de la France et ce sera dans l’avenir tous les jours un peu plus vrai ».

Cette phrase prononcée par le général de Gaulle à l’occasion de la mise à l’eau du premier sous-marin nucléaire stratégique français, Le Redoutable, reste d’une actualité incontestable. J’ajouterai néanmoins que la marine française participe aussi très activement à la protection et à la surveillance de nos côtes, à la défense de notre environnement marin et au sauvetage en mer de vies humaines en danger.

Ce rappel, mes chers collègues, me semble nécessaire car on ne peut pas comprendre l’utilité des investissements que la nation consacre à cette armée sans avoir conscience de son apport à la défense de notre pays, au sens le plus global du terme.

Bien que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, ait profondément changé la nomenclature du projet de loi de finances, notre commission a décidé, avec sagesse, je crois, de maintenir des avis budgétaires s’intéressant à chaque armée. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est donc avec grand plaisir que j’ai accepté la lourde responsabilité de succéder à Charles Cova dans ce difficile exercice qu’est la présentation du budget de la marine. En cette séance publique, moment privilégié de dialogue avec vous, madame la ministre, l’occasion m’est ainsi offerte de relayer les satisfactions, les attentes et les espoirs des marins que j’ai rencontrés, que ce soit à Toulon ou à Brest, afin de préparer l’examen du projet de budget soumis à notre vote aujourd’hui.

Je ne m’attarderai pas, vous l’aurez compris, sur les chiffres, d’autant que mon temps de parole est compté. Je soulignerai cependant qu’avec une action « préparation des forces navales » dotée de 4,44 milliards d’euros en crédits de paiement et une action « équipement des forces navales » d’environ 2,41 milliards d’euros en crédits de paiement, la marine bénéficiera, en 2006, des crédits dont elle a besoin. La seule petite inquiétude porte sur l’enveloppe destinée aux carburants, notamment au regard du renchérissement des prix du pétrole. Néanmoins, il n’y a là rien de rédhibitoire.

Homme de terrain, habitué à parler de choses concrètes, je veux illustrer la qualité de ce budget pour les forces navales à travers trois sujets majeurs, appelant notre vigilance à tous.

Le premier de ces thèmes porte sur les ressources humaines. Compte tenu d’une masse salariale de 2,8 milliards d’euros, la marine pourra disposer, en 2006, d’un effectif total de 41 654 militaires et 8 958 civils. Dans l’ensemble, le format de 2005 sera reconduit, ce qui signifie un sous-effectif militaire cantonné à 1 %, du fait notamment des carences rencontrées dans certaines spécialités particulières et ô combien importantes comme les atomiciens ou les marins pompiers, et un déficit en personnels civils de l’ordre de 7 %. C’est ce dernier aspect qui pose le plus de difficultés, car il affecte le soutien.

Dans de telles conditions, la fidélisation des personnels est plus que jamais essentielle. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit plus de 6 millions d’euros pour la condition militaire, mais les personnels ne sont pas unanimes par rapport à l’octroi de primes qu’ils jugent discriminatoires et problématiques pour la cohésion des équipages. Peut-être vaudrait-il mieux encourager les mesures indiciaires. J’ajoute que l’amélioration des conditions de logement et un meilleur accompagnement social, par la mise en place de dispositifs de garde des jeunes enfants, entre autres, constituent aujourd’hui des préoccupations plus fortes.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer ici concerne la capacité d’investissement de la marine dans ses infrastructures et le renouvellement de l’intégralité de sa flotte. Les installations portuaires et les immeubles de casernement bénéficient d’un plan d’investissement important. Hélas, à voir certaines grues vétustes ou les pontons dégradés des bases navales, les infrastructures restent encore souvent les premières victimes des mesures de régulation budgétaire, ce qui n’est pas sans agacer les équipages.

S’agissant des matériels, j’observe que les commandes en 2006 du second porte-avions, du premier sous-marin Barracuda ou encore du missile de croisière naval, conjuguées à la signature, que nous espérons tous prochaine, du contrat des huit premières frégates européennes multimissions, concrétisent la modernisation annoncée et tant attendue. Les marins s’inquiètent, néanmoins, de certaines rumeurs sur le format de notre flotte. On parle de dédier deux FREMM à la lutte antiaérienne en lieu et place de deux frégates Horizon. Par ailleurs, il n’est pas certain que l’escadrille des Barracuda comporte six bâtiments au final, pour des raisons de coûts.

M. Jean-Michel Boucheron. Hélas !

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous aurez à cœur d’apaiser ici ces craintes.

Le soutien constitue le troisième et dernier volet de mon propos. Le projet de loi de finances prévoit une revalorisation de 7 % des crédits de paiement en faveur du maintien en condition opérationnelle des bâtiments et des aéronefs de la marine. L’effort consenti depuis 2002 ne se relâchera donc pas. Or les résultats sont déjà là, avec une disponibilité technique globale avoisinant aujourd’hui 70 %.

La société nationale DCN a sa part de responsabilité dans ce processus. Nous ne pouvons que saluer ici son rapide redressement financier et commercial. Se pose néanmoins la question de son avenir. Vous avez indiqué votre objectif de finaliser un rapprochement avec Thales cet automne. Qu’en est-il exactement aujourd’hui, y compris sur les perspectives d’alliances européennes ultérieures ?

Pour conclure, la commission de la défense ayant émis, sur ma recommandation, un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « préparation et emploi des forces » consacrés à la marine, j’invite notre assemblée à voter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : forces terrestres.

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : forces terrestres. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la comparaison entre les crédits alloués à l’armée de terre par le budget de 2005 et ceux prévus dans le projet de loi de finances pour 2006 se révèle particulièrement difficile compte tenu des importants changements de périmètre intervenus du fait de la LOLF. En effet, alors que l’armée de terre comptait en 2005 environ 135 000 militaires, seuls 126 000, soit 93 % d’entre eux, sont pris en compte au sein du programme 178, certains éléments étant comptabilisés au sein d’autres programmes.

En fonctionnement, la masse financière prévue pour la préparation des forces terrestres s'élèvera, en 2006, à près de 7 500 millions d'euros dont 4 650 millions d'euros au titre des rémunérations et charges sociales et 2 850 millions d'euros pour les pensions. Le projet de loi de finances alloue à l'armée de terre un niveau de crédits en cohérence avec les effectifs et les objectifs de la loi de programmation militaire. En revanche, les crédits de fonctionnement courant imposent une nouvelle économie estimée à 15 millions d'euros alors même que le prix des carburants ne cesse d'augmenter. Le principal poste sur lequel pourront porter les économies est celui du chauffage.

Les crédits d'équipement sont plus difficiles à comptabiliser, car répartis dans plusieurs programmes. Ce sont au total 3 100 millions d'euros qui sont consacrés à l'équipement des forces terrestres. Cette somme est légèrement inférieure à l'annuité inscrite en loi de programmation militaire, fixée à 3 300 millions d'euros. Ce décrochage, qui n'est certes pas aussi important qu'il a pu l'être dans le passé entre loi de programmation et loi de finances, conduit néanmoins à étaler dans le temps et à réduire un certain nombre de programmes.

C'est ainsi que le parc d'hélicoptères Gazelle antichars sera progressivement réduit et que la rénovation des hélicoptères de transports Puma n'est plus envisagée. L'acquisition de certains engins de franchissement pour le génie, non prévue par la loi de programmation, est également abandonnée. Enfin, les crédits destinés à l'entretien programmé du matériel seront particulièrement contraints, ce qui risque de réduire encore davantage la disponibilité des parcs de matériels.

Dans un contexte budgétaire, certes difficile, l'entraînement des personnels apparaît comme une variable déterminante. Toutefois, l'absence d'actualisation des coûts de fonctionnement ainsi que la nécessité de réaliser 3,5 % d'économies budgétaires par rapport à 2005 ont conduit le chef d'état-major de l'armée de terre à aligner les prévisions d'entraînement des forces en 2006 sur l'activité enregistrée en 2005, à savoir quatre-vingt-seize jours au lieu des 100 prévus par la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes auxquelles est soumise l'armée de terre, un tel niveau d'activité peut être considéré comme satisfaisant.

En revanche, la situation reste toujours délicate pour l'aviation légère de l'armée de terre qui n'a pas réussi à faire voler ses équipages plus de 147 heures en 2004 alors que le seuil de sécurité est de 150 heures par an et que l'objectif fixé par la loi de programmation est de 180 heures. Le vieillissement des hélicoptères constitue le principal frein à l'entraînement. Proche de 70 % en 2000-2002, la disponibilité des appareils est désormais inférieure à 60 %.

La disponibilité de ses moyens aériens va rapidement devenir un des principaux défis que l'armée de terre aura à relever au cours des prochaines années. Ainsi, l'école de pilotage franco-allemande du Luc devrait déjà être en possession d'une dizaine d'hélicoptères Tigre. Or, lorsque je l'ai visitée, il y a quelques semaines, seuls deux engins avaient été réceptionnés – ils sont maintenant trois – et l'un d'entre eux était déjà immobilisé pour un motif technique.

La disponibilité des matériels terrestres reste tout aussi préoccupante. La seule bonne nouvelle concerne le blindé léger AMX 10 P dont les fissures apparues dans le châssis sont en cours de réparation. En revanche, le véhicule léger tout terrain P4, les camions de transport de troupe ou encore le véhicule de transport logistique – VTL – pâtissent de leur grand âge. Pour une grande partie de ces matériels, la disponibilité oscille entre 58 % et 63 %. Mais les engins qui sont en cours de rénovation ne sont pas pris en compte dans ces statistiques. Comme, par ailleurs, l'armée de terre tient à ce que les matériels envoyés en opérations extérieures soient disponibles à plus de 90 % – pour des raisons de sécurité de nos militaires que nous comprenons tous – la disponibilité réelle des matériels qui restent dans les régiments se révèle largement inférieure aux chiffres théoriques.

Le char Leclerc est confronté à de nouvelles difficultés : les patins en aluminium, qui s'usent trop vite, doivent être remplacés par des patins en aciers. Mais pour l'instant, les délais de livraison de l'industriel sont très longs, ce qui immobilise de nombreux blindés. Le fonctionnement des récupérateurs de tir ne s'avère pas satisfaisant, de même que les épiscopes qui présentent des défauts d'étanchéité. De l'aveu même du chef d'état-major de l'armée de terre, la disponibilité du Leclerc, ce char neuf dont la livraison n'est toujours pas terminée, ne dépasse pas aujourd'hui 40 %.

Le temps me manque pour détailler les opérations extérieures auxquelles participe l'armée de terre. Je voudrais juste rappeler qu'entre 18 000 et 20 000 de ses soldats sont en permanence stationnés outre-mer ou à l'étranger et que les forces terrestres mènent également des missions de sécurité publique sur le territoire national, comme Vigipirate, la lutte contre les incendies de forêt ou l'aide aux populations victimes de catastrophes naturelles.

Permettez-moi d’ajouter, monsieur le ministre, qu’au cours de mes visites dans les régiments, j’ai aussi pu mesurer combien votre action à la tête de nos armées est reconnue et appréciée de nos militaires.

En conclusion, même s'il apparaît nécessaire de rester vigilant, en particulier sur la disponibilité de certains matériels qui conditionne directement l'entraînement des forces, le projet de budget pour 2006 respecte globalement les dispositions de la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes financières de l'État, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit un bon budget pour les forces terrestres. La commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien de la politique de la défense.

M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien de la politique de la défense. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, doté de 3 milliards d'euros, le programme 212 « soutien de la politique de défense » constitue le programme qui retrace les fonctions transversales du ministère de la défense.

Les actions de « pilotage », de « contrôle » et de « gestion centrale » appellent peu de commentaires : elles ne rassemblent que quelques centaines ou milliers de personnes chacune et mobilisent des moyens modestes.

L'action relative aux « systèmes d'information, d'administration et de gestion » regroupe tous les systèmes informatiques de la défense. La création de cette action a conduit le ministère à créer deux nouvelles directions destinées, pour la première à mettre fin à la dispersion des politiques en matière informatique, pour la seconde à assurer la fonction support de l'ensemble des réseaux de la défense. Les crédits de paiement de cette action s'élèveront, en 2006, à 106 millions d'euros.

L'action immobilière est la plus lourde du programme. Avec 2 milliards d'euros, elle mobilise les deux tiers des ressources. Les deux armées qui disposent du plus grand nombre d'emprises sont l'armée de terre et la gendarmerie qui ont des préoccupations diamétralement opposées. Mais je ne vous parlerai ici que des forces terrestres puisqu'un amendement a transféré les crédits de la politique immobilière de la gendarmerie de la mission « défense » à la mission « sécurité ».

Malgré les cessions de biens immobiliers déjà intervenues, l'armée de terre dispose encore de 175 000 hectares de terrain et de 20 millions de mètres carrés de plancher répartis en 220 garnisons et 1 950 immeubles. Six cent cinquante de ces emprises, soit un tiers du patrimoine des forces terrestres, pourraient être cédées. Mais une contrainte particulièrement lourde et onéreuse s'impose : la dépollution.

Un décret paru en 2003 assouplit les règles et permet de dépolluer en regard de l'usage futur du terrain. Le coût de la dépollution étant directement lié à la profondeur des travaux, son ampleur est désormais modulée en fonction des projets de réutilisation des sites. Un autre décret, encore en préparation, permettra bientôt de faire réaliser, par des entreprises privées dûment habilitées, certains travaux, notamment pyrotechniques, que les armées ne peuvent assumer faute de moyens suffisants en personnels. En effet, les personnels du ministère de la défense, comme ceux du ministère de l'intérieur, sont censés agir principalement sur des déminages inopinés. La dépollution systématique des emprises à céder ne fait pas partie de leurs attributions. Enfin, les dépollutions s'avérant particulièrement coûteuses, un fonds interarmées de dépollution a été mis en place en 2004 et est alimenté par une partie des revenus tirés des ventes de biens immobiliers. Il permet la prise en charge des opérations les plus onéreuses.

Mais les opérations d'infrastructure ne se résument pas à des acquisitions ou à des cessions. Les chantiers les plus importants concernent actuellement des emprises qui sont depuis longtemps la propriété de la défense. C'est le cas de la reconstruction de l'hôpital militaire Sainte-Anne, à Toulon, pour 230 millions d'euros, de la construction de l'école d'hélicoptères franco-allemande du Luc destinée à former les équipages du Tigre, pour 87,5 millions d'euros, de la création du pôle stratégique de Paris qui consiste à rénover l'infrastructure de commandement stratégique et à renforcer la sécurité du ministère de la défense, pour 136 millions d'euros, de la construction du centre d'entraînement en zone urbaine, à Sissonnes, pour 75 millions d'euros ou de la création du quartier général français de la force de réaction rapide de l'OTAN, dans la citadelle de Lille, pour 45 millions d'euros.

J'en viens à l'action sociale du ministère de la défense. La professionnalisation des armées a conduit au remplacement des appelés, dont la plupart étaient célibataires, par des engagés volontaires dont la proportion de chargés de famille est bien plus importante. Les questions sociales se posent donc avec beaucoup plus d'acuité que par le passé, surtout dans une armée dont le nombre de militaires affectés en opérations extérieures a connu une augmentation impressionnante depuis une dizaine d'années. Dans ce contexte, l'action sociale s'inscrit comme un élément essentiel de la condition du personnel.

Pour mettre en œuvre sa politique sociale, le ministère dispose d'un partenaire privilégié : l'Institut de gestion sociale des armées – IGESA – avec lequel est passé un contrat pluriannuel d'objectifs. Acteur essentiel de la mise en œuvre de la politique sociale du ministère de la défense, l'IGESA gère une quarantaine d'établissements de vacances, ainsi que de nombreuses crèches et haltes-garderies. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006 au titre de l'action sociale de la défense s'élèvent à 88 millions d'euros, mais atteignent 165 millions d'euros avec les dépenses en personnel. Ces chiffres présentent le principal défi que le ministère de la défense aura à relever en matière d'action sociale : comment réduire les coûts de fonctionnement pour que la plus grande partie des crédits soit consacrée aux prestations et non à la gestion ?

En conclusion, je souhaiterais tout d'abord insister sur l'intérêt évident de la nouvelle architecture budgétaire qui nous permet une meilleure vision des missions budgétaires dans des domaines comme l'immobilier ou l'action sociale auxquels le Parlement s'intéressait peu jusqu'à présent.

Compte tenu des contraintes financières que connaît notre pays, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit un budget cohérent pour la défense en général et son soutien en particulier. La commission de la défense a émis un avis favorable et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour avis de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de la matinée, nous débattons du budget de la défense dans le cadre de la loi de finances pour 2006. Mais avant de me prêter, comme mes collègues, à cet exercice un peu convenu dans le cadre de la discussion, je veux à cette tribune, rendre hommage aux forces de l’ordre qui, pour moitié, sont sous statut militaire dans le cadre de leur mission de maintien ou de rétablissement de l’ordre, à l’heure où notre pays est secoué par de violents événements.

Si certains, avec une vision un peu trop budgétaire, voulaient renouer avec cette habitude de faire de la défense une variable d’ajustement, ils seraient bien inspirés de regarder les efforts immenses demandés aux hommes et aux femmes des forces armées. L’année dernière nous parlions de Bouaké – nos forces y sont plus que jamais présentes. Aujourd’hui je citerai l’exemple de ce week-end à Nice – mais c’est partout la même chose. Les gendarmes mobiles ont été engagés vendredi matin à sept heures. Ils ont terminé, après les échauffourées de la nuit, à trois heures du matin samedi pour être de nouveau engagés à seize heures le même jour. Gardons ce statut militaire et donnons-leur les moyens d’exercer leur mission. Je regrette, madame la ministre, l’amendement voté la semaine dernière qui me semble éloigner les gendarmes de votre tutelle directe.

Le rapport pour avis que j’ai présenté à la commission examine les crédits désormais regroupés au sein du programme 146 « équipement des forces », et placés sous l'autorité conjointe du CEMA et du DGA. Par la masse qu'ils représentent, ils constituent 29 % des crédits de paiement au sein de la mission « défense ».

Ce programme se décompose en cinq actions : « équipement de la composante interarmées » ; « équipement des forces terrestres » ; « équipement des forces navales » ; « équipement des forces aériennes » ; « préparation et conduite des opérations à d’armement ».

La volonté du Gouvernement de ne pas transformer ce budget en une variable d'ajustement discrète au sein du budget de l'État reste visible pour la quatrième année consécutive, avec un montant de 10,61 milliards d'euros de crédits de paiement en loi de finances initiale et mérite d'être saluée, comme nombre de mes collègues l’ont déjà fait. Le maintien de cette évolution traduit la priorité donnée, par le Gouvernement et la majorité, à l'équipement des forces armées.

Malgré les changements de périmètre liés à la LOLF, il est possible de retracer l’évolution des crédits de paiement relevant de « l’agrégat LPM » par action entre la loi de finances pour 2005 et le projet de loi de finances pour 2006.

Si nous les comparons, nous trouvons les résultats suivants : une augmentation de 2,5 % des autorisations d’engagement pour 2006 par rapport aux autorisations de programme pour 2005 et 2,3 % d'augmentation des crédits de paiement.

En tout état de cause, seul l'examen de la loi de règlement de la loi de finances pour 2006 permettra une comparaison fondée avec l'exercice suivant. Au demeurant, les principales évolutions, pour le domaine de l'équipement, sont justifiées.

Pour l'action 1, « équipement de la composante interarmées », les principaux paiements concernent les programmes M51, Syracuse III et ASMP-A.

Pour l'action 2, « équipement des forces terrestres », l'augmentation en crédits de paiement est notamment due aux livraisons et à des paiements importants. La livraison des premiers Tigre est enfin effective et se prolongera, mais elle ne doit pas faire oublier les problèmes de l’ALAT évoqués fort justement par Joël Hart.

Pour l'action 3, « équipements des forces navales », le Rafale bénéficiera de 534,8 millions d'euros et le SNLE-NG n° 4 de 389,5 millions d’euros. Je reviendrai dans un instant sur une préoccupation plus particulière liée à cette action.

Pour l'action 4, « équipement des forces aériennes », les principaux postes sont le Rafale et l'ATF qui sont en pleine phase de production pour le premier et d'industrialisation pour le second.

Pour l'action 5, « DGA » concernant les crédits de « l'agrégat LPM » à périmètre constant, il faut noter que la dotation pour 2006 est en diminution de 4,4 % en crédits de paiement par rapport à 2005.

Enfin, comme l’année dernière, mais hélas davantage encore, nous constatons une forte croissance des intérêts moratoires – 15 millions d’euros déjà cette année. Ils sont liés aux trop nombreux reports de charges, au taux de 9 %. Il me semble bon à cette tribune de rappeler à Bercy que cette méthode imposée au ministère de la défense ne traduit pas une bonne gestion des fonds publics.

Je terminerai, madame la ministre, en vous faisant part de quelques inquiétudes sur l’action 3 « équipement des forces navales ».

Vous avez affecté près d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagement au projet de deuxième porte-avions. Le Président de la République a choisi de renoncer à la propulsion nucléaire pour ce deuxième porte-avions, afin de favoriser la coopération avec les Britanniques. Malheureusement nos voisins, amis et alliés britanniques, peinent à définir leur choix. Depuis le moment où vous avez bâti ce projet de budget, les Britanniques ont, une fois encore, repoussé de six mois, la commande dite Maine Gate.

En conséquence, il me semble que nous pourrions transférer sur les Barracudas la moitié des autorisations d’engagement initialement destinées au PA2. Ce ne serait pas remettre en cause la constance de notre engagement en faveur de la coopération avec les Britanniques, mais simplement prendre en compte leur changement de calendrier. Et cette solution aurait l’avantage d’augmenter les crédits destinés à cette commande de Barracudas, dont le niveau est en l’état beaucoup trop faible, alors qu’elle est essentielle : je rappelle que moins de 200 millions d’autorisations d’engagement doivent leur être consacrées en 2006.

J’espère aussi, madame la ministre, que cette discussion sera pour vous l’occasion de nous rassurer sur la commande des frégates multimissions, les FREMM. Je veux croire, comme Philippe Vitel, à l’engagement du gouvernement italien, mais il me semble que nous ne devons pas en être dépendants. J’aimerais que vous puissiez nous indiquer à quelle date vous passerez, en tout état de cause, cette commande indispensable pour nos forces.

Ces questions posées, je souhaite, mes chers collègues, répéter qu’aujourd’hui encore ce projet de budget nous permet de tenir l’engagement que nous avons souscrit avec la nation dans le cadre de la loi de programmation militaire.

Ce n’est donc pas par discipline partisane, mais par adhésion de fond que nous voterons, madame la ministre, le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces, espace, communications, dissuasion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, espace, communications, dissuasion : sujet transversal s’il en est, même si, d’un point de vue historique, la construction de la force de dissuasion a entretenu des liens très étroits avec l’espace.

Ces deux domaines ont également un poids budgétaire important, puisque la dissuasion représente de l'ordre de 20 % des crédits d'équipement, et que les systèmes de communications, de renseignement et de commandement correspondent pour leur part à environ 10 % de ces mêmes crédits.

Surtout, il s'agit de véritables enjeux de souveraineté. C'est une évidence en ce qui concerne la dissuasion, la France ayant fait le choix de pérenniser cette dernière, tout en se donnant les moyens de maîtriser de manière autonome l'ensemble de ses composantes. C'est aussi le cas en matière de réseaux de communications interarmées et d'espace, ces domaines conditionnant désormais l'efficacité opérationnelle et la capacité à jouer un rôle de nation cadre.

L'évolution des crédits relatifs à la dissuasion en 2006 est caractérisée par une croissance plus rapide que ces dernières années. Je rappelle qu’ils s’élèvent à 3,6 milliards d’euros d’autorisations de programme et 3,3 de crédits de paiement. Ce phénomène s'explique par le fait que certains programmes d’armement entrent dans des phases coûteuses : je pense notamment aux tirs d'essai de M51 et au programme de missiles ASMP-A. L'exercice 2006 marquera donc, comme l’a relevé mon collègue Quilès, un pic en matière nucléaire au sein de la loi de programmation militaire, puisque la dissuasion atteindra 21,5 % des crédits du titre V, contre 20,9 % en 2005.

Dois-je rappeler également que sur la période 2002-2006, les autorisations de programme ont augmenté de 43,4 %, et les crédits de paiement de 13,9 % ?

La force océanique stratégique reste de loin la principale composante de la dissuasion nucléaire du point de vue opérationnel, mais aussi budgétaire puisqu’elle représente un peu plus de la moitié des crédits de paiement consacrés à la dissuasion. Cette situation s'explique notamment par l'ampleur du programme de renouvellement de cette composante, qui touche à la fois les plateformes, les vecteurs et, à plus longue échéance, les têtes. De plus, le maintien en condition opérationnelle constitue une lourde charge, en raison de la nécessité d'assurer la permanence à la mer, mais aussi de la complexité accrue des nouveaux bâtiments.

Le coût de la composante aérienne est pour sa part nettement plus limité. Les dotations sont destinées à financer deux grands types de dépenses : les adaptations spécifiques et l'entretien des appareils des forces aériennes stratégiques, d'une part, les missiles ASMP-A et la tête nucléaire aéroportée, d'autre part.

Enfin, une part importante, puisqu’il s’agit d’environ 40 % des crédits de la mission « défense », relatifs à la dissuasion nucléaire, a vocation à faire l'objet d'un transfert au profit de la direction des applications militaires du CEA, principalement au titre du programme de simulation. On peut déplorer l’absence de discussions concernant les orientations qui sous-tendent ces changements d’affectation.

Ce programme appelle un certain nombre d'observations. Jusqu'à présent, le calendrier et les devis ont été respectés et, techniquement, les spécifications ont été atteintes. Le programme de simulation est certainement un défi du point de vue technologique, mais également du point de vue financier : l'ensemble du programme représente un coût total estimé à 5,7 milliards d'euros au coût des facteurs de 2005, étalé sur la période 1996-2010, dont un peu plus de la moitié pour le laser mégajoule.

C'est le prix de l'indépendance, puisque la France a choisi, comme pour le reste de sa dissuasion, de préserver son autonomie complète.

M. Philippe Vitel. Eh oui ! C’est le bon choix !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis. Ainsi, on peut souligner que le programme de simulation numérique est conduit d'une manière qui en garantit l'indépendance. D’autres ont fait un autre choix, comme nos amis britanniques, qui sont obligés de lever le doigt pour demander la permission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J'en viens maintenant au second thème de mon rapport : les systèmes de communications et de commandement. Ils sont d'ores et déjà une nécessité vitale, et le seront encore plus demain, comme le soulignait mon ami Paul Quilès. Leur maîtrise d'ensemble est conditionnée par la capacité à disposer d'un système spatial performant et complet, ce qui constitue un défi technique et financier à l'échelle européenne. En tant que parlementaires, nous devons nous interroger sur la répartition des crédits de la mission « défense », et s’il ne conviendrait pas de privilégier le spatial et la communication autant que la dissuasion.

Il est vrai que la France est déjà le pays européen faisant l'effort de loin le plus significatif en matière de spatial militaire. Plus généralement, on peut noter que, malgré les gains financiers attendus dans le domaine de l'électronique, le poids relatif des systèmes C4ISR devrait continuer à se situer au niveau actuel dans les années à venir.

L'année 2005 a été marquée par les évolutions de deux grands programmes satellitaires : avec Hélios II, la France dispose du seul système militaire de renseignement optique satellitaire en opération en Europe, et le premier satellite de la série Syracuse a été lancé avec succès le 13 octobre dernier. Il constitue un véritable saut qualitatif en matière de télécommunications, même si les besoins ne cessent de croître dans ce domaine.

Face à la montée de ses concurrents et à la nécessité de satisfaire ses propres besoins, l'Europe n'est certes pas restée inactive. Certains programmes satellitaires militaires importants ont pu être réalisés grâce à la coopération entre pays européens, comme dans le cas d'Hélios, même si l'on peut regretter que celle-ci soit encore trop limitée. Faute d'entente en amont, ce sont toutefois surtout des coopérations a posteriori qui sont mises en œuvre – je pense notamment à l'échange de capacités avec l'Italie et l'Allemagne. Il reste que ce type de solution est loin d'être le plus efficace.

L'enjeu est donc désormais de mener une réflexion commune avec nos partenaires dès la phase de définition des futurs programmes, qui devraient être réalisés au milieu de la prochaine décennie et, il faut l'espérer, combler les nombreuses lacunes capacitaires.

Par-delà le rôle utile que pourra jouer l'Agence européenne de défense sur ce plan, c'est la question de la décision politique qui se posera rapidement. Or c'est la compréhension des enjeux et leur acceptation par les opinions publiques qui seront déterminantes à long terme. De ce point de vue, il est probable que l'Europe paie l'absence d'objectif mobilisateur.

Pour conclure, je voudrais souligner que si la consommation des crédits destinés à la dissuasion est satisfaisante, il n'en est toujours pas de même s'agissant de ceux prévus pour l'espace. Leur taux de consommation est ainsi passé de 90 % en 2002 à 82 % en 2004. Cette évolution correspond à celle, inquiétante, du taux de consommation de l'ensemble des crédits d'équipement, passé de 93,4 % en 2002 à 81,7 % en 2004 – différents intervenants ont déjà rappelé cette chute.

Dans ces conditions, en dépit de l’avis favorable à l’adoption de ce chapitre budgétaire qui a été émis par la commission, j’attends pour ma part, madame la ministre, une plus grande sincérité du budget de la mission « défense » – vous l’aviez d’ailleurs, je crois, promise à la commission des finances du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour assurer quatre missions, réparties en douze programmes, le projet de budget pour 2006 s'élève à 46,8 milliards d'euros de crédits de paiement et 47,8 milliards d'euros d’autorisations d'engagement. Hormis le montant impressionnant de ces sommes, mais surtout la nouveauté du vocabulaire et des concepts, deux évidences s'imposent qui font de ce projet de loi de finances une nouveauté historique.

La première, c'est que, plus de cinq ans après son adoption, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la désormais fameuse LOLF, entre pleinement en vigueur après de longs et fastidieux travaux préparatoires.

La seconde, c’est qu’il s’agit de la quatrième annuité budgétaire conforme à la loi de programmation militaire. Pour parvenir à ce constat, il faut, bien sûr, sur les montants que je viens de rappeler, ne retenir que les crédits relevant de la mission « défense », objet du débat de ce jour, et les considérer, en toute transparence – cela étant dit à l’intention de M. Michel – du point de vue de l'ancien périmètre de l'ordonnance de 1959. Les faits sont là, qui s'imposent : les engagements pris sur les objectifs de ressources financières à consacrer à notre défense sont tenus.

J'articulerai donc mon propos autour du fait que si le projet de loi de finances pour 2006 qui nous est présenté connaît une profonde transformation dans sa forme, sur le fond la finalité d’équipement de nos armées, quant à elle, ne change pas.

Chacun connaît désormais les principes de cette grande réforme de la gestion de l'État : rechercher la meilleure efficience des dépenses, améliorer la transparence de la présentation, accroître les pouvoirs de contrôle du Parlement, pour ne citer que les principaux.

Pour sa part, la commission de la défense s'est résolument approprié cette nouvelle donne, et s’est efforcée, dans ses travaux préparatoires, d'en respecter et la lettre et l'esprit. Nous avons beaucoup travaillé à redéfinir le périmètre de chacun des rapports pour avis et à respecter la transversalité des programmes, tout en tenant compte de la particularité de chacune des armées. Il n'était donc pas possible, ni de rester sur le schéma ante, ni de se contenter du découpage en quatre programmes de la mission « défense ».

La présentation faite à l’instant par les rapporteurs est donc de type matriciel, croisant les différentes fonctions assurées par le ministère avec ses diverses composantes organiques. Ainsi a pu être également surmontée la difficulté d'analyse des deux « super programmes », celui de préparation et d'emploi des forces d'une part, et celui d'équipement des forces d'autre part. Ces programmes regroupent en effet la grande majorité des ressources, financières et humaines, de la défense.

De cette mise en œuvre de la LOLF découlent néanmoins plusieurs interrogations, notamment les deux suivantes.

Il est tout d'abord essentiel de savoir quelles peuvent être les conséquences de la prééminence nouvelle du chef d'état-major des armées. Celle-ci est affirmée d'une part par le décret du 21 mai 2005 qui fixe les nouvelles attributions du chef d'état-major ; elle découle d'autre part de sa responsabilité totale dans le programme « préparation et emploi des forces », et de sa responsabilité partagée, et néanmoins très importante, avec le délégué général pour l'armement dans le programme « équipement des forces ».

Lors de son audition, le chef d’état-major a fourni les informations nécessaires à la commission, au moins pour ce qui concerne la préparation du budget : la nouvelle organisation interne du ministère conduirait à une gestion dite de « collégialité arbitrée » des ressources, au sein du comité militaire des chefs d'états-majors, mais aussi entre vos grands subordonnés, sous votre autorité, madame le ministre. Nous en espérons une plus grande cohérence et une plus grande rationalité dans tous les actes de la gestion quotidienne.

Ma seconde interrogation tient aux nouveaux principes appliqués à la gestion des effectifs civils et militaires.

À la différence du passé, la loi de finances initiale ne définit plus les effectifs de façon détaillée, mais fixe un « plafond ministériel d’emplois autorisés » qui représente un maximum théorique. Dans cette limite, les effectifs sont déterminés directement par la masse salariale. Celle-ci peut être réduite au profit d’autres titres budgétaires, mais non augmentée, selon le principe de la fongibilité asymétrique des crédits instauré par la LOLF. Recruter, faire partir ou simplement transférer d’un programme à l’autre un militaire ou un civil n’est cependant pas chose facile, même lorsqu’il s’agit de personnel non titulaire.

Des difficultés peuvent en résulter pour l’exécution du budget en cours d’année, les différents statuts des personnels entraînant une forte rigidité dans la gestion des effectifs alors que les coûts réels des personnels sont très difficiles à déterminer. Nous prêterons donc une attention particulière à cette question lors de notre contrôle de l’exécution du budget à venir.

La commission poursuivra ce contrôle trimestriel, en raison notamment de sa parfaite cohérence avec la nouvelle donne budgétaire. Il permet en effet de disposer de l’information nécessaire au contrôle parlementaire voulu par la LOLF, mais aussi, à partir d’une batterie d’indicateurs élaborés en commun, de s’assurer des résultats obtenus dans l’utilisation des crédits. En un mot, ce contrôle, que j’ai souhaité dès le début de 2003, a largement anticipé la mise en œuvre de la LOLF ; sa poursuite s’impose donc pour l’avenir.

Toutefois, pour novatrice et profitable qu’elle soit, la procédure instaurée par la LOLF n’est pas une fin en soi. Elle n’est qu’un moyen plus performant et mieux adapté à une gestion moderne pour atteindre un objectif qui, lui, ne change pas : fournir à nos armées les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs missions par le respect de la loi de programmation militaire que nous avons votée à l’automne 2002. C’est notre devoir envers nos armées et une exigence pour que notre majorité soit cohérente avec les engagements pris.

Fait sans précédent, le projet de budget qui nous est proposé correspond très exactement, et pour la quatrième année consécutive, à l’annualité prévue dans la loi de programmation. Ainsi se trouve concrétisée la volonté affichée par le Président de la République, et qu’il a encore réaffirmée avant l’été, de ramener l’effort budgétaire de défense de la France à un niveau correspondant à notre action internationale. Il était urgent et indispensable, à l’automne 2002, de rattraper les néfastes coupes claires opérées par la majorité sortante dans les budgets,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oh oui !

M. Gilbert Le Bris. Par Juppé !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. …et donc dans les capacités opérationnelles de nos armées.

M. Yves Fromion. Ce sont les prédateurs de la défense !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Certains seraient pourtant prêts à nous proposer des réductions de crédits sur le projet présenté par le Gouvernement. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Voudraient-ils se faire l’écho de ceux qui dans l’opinion publique, par irresponsabilité, par démagogie (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ou par méconnaissance, s’interrogent sur l’utilité des dépenses de défense et proclament qu’il suffirait de les réduire pour parvenir à la paix ?

Ignorent-ils – ou feignent-ils d’ignorer – l’impératif de défense qui s’impose aux responsables de la conduite de notre pays dans un monde soumis à de plus grandes menaces qu’au temps de la guerre froide ? Terrorisme, armes de destruction massive, conflits interethniques ou interreligieux : voilà les dangers encourus par notre village planétaire.

Ce sont des réalités peu agréables à entendre dans des sociétés – dont la nôtre – trop certaines d’être à l’abri de risques mortels et trop tentées d’opposer la défense à d’autres fonctions régaliennes de l’État. Ces réalités sont autant de raisons de ne pas renoncer à notre assurance nationale ultime, la dissuasion nucléaire, et de la conserver au niveau de juste suffisance qui fonde sa réalisation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce besoin de défense, il n’est plus possible aujourd’hui, monsieur Quilès, de l’assurer dans les seules limites de notre territoire national, comme s’il était une citadelle assiégée. Il n’y a pas de mur qui protège, plus de ligne bétonnée sur laquelle nous battre. Tous ceux qui partagent les mêmes intérêts et les mêmes valeurs doivent unir leurs forces pour assurer un meilleur ordre international.

Telle est la voie que doit suivre l’Europe et que nous devons encourager en utilisant les coopérations industrielles entreprises et développées, les états-majors et les unités multinationales constitués, les interventions conduites en commun. Il s’agit d’une action de longue haleine, exposée dans chacun de mes déplacements en Europe et lors de chaque université d’été de la commission de la défense. C’est l’action que vous menez à votre niveau, madame la ministre, chaque fois que l’occasion vous en est donnée, auprès de vos homologues. La déception ressentie le 29 mai par tous ceux qui voyaient dans le projet de Constitution européenne une formidable avancée pour une défense communautaire ne doit pas entamer notre détermination.

Si les crédits proposés à notre vote pour la mission « défense » connaissent une augmentation de 3,4 %, c’est que les besoins sont importants pour nos armées professionnelles.

Les conditions de vie et de service de nos militaires doivent faire l’objet d’une attention particulière et le plan d’amélioration de la condition militaire se poursuit comme prévu. Les crédits destinés aux réserves augmenteront à nouveau de façon conséquente en 2006, pour atteindre un montant de 110 millions d’euros.

Comme j’en avais émis le souhait au début de la présente législature, la budgétisation des OPEX se poursuit, les crédits passant de 100 à 250 millions d’euros.

Les crédits destinés à l’équipement de nos forces doivent eux aussi être maintenus à un niveau élevé : d’abord pour la poursuite du redressement de la disponibilité technique opérationnelle des matériels en service, dont nul ne peut contester l’impérieux besoin ; ensuite pour la reprise de l’effort de recherche qui permet seule de préparer l’avenir et dans laquelle de nombreux domaines sont de nature duale ; pour le financement, encore, de grands programmes d’armement qui arrivent à maturité, comme les programmes de simulation dans le domaine de la dissuasion, le satellite Syracuse 3B destiné aux transmissions opérationnelles, le Rafale de nouvelle génération, le Tigre pour l’armée de terre, les BPC ou les frégates Horizon ; enfin pour la préservation de l’activité donc de l’emploi des nombreuses entreprises – grandes, moyennes ou petites – du secteur de l’armement. Je tiens, à cet égard, à souligner le cas particulier de GIAT Industries, qui a besoin de visibilité à moyen terme pour le plein succès de son plan de restructuration.

Chacun des rapporteurs pour avis, dans son nouveau champ de compétence, nous a présenté d’une manière plus exhaustive ces équipements, dont la liste ne manque pas d’impressionner. Elle est longue pour les programmes en cours, alors que se profilent déjà de nouveaux équipements majeurs, qu’ils soient en cours de développement comme l’A400M et le VBCI ou de conception comme les frégates FREMM et le deuxième porte-avions. Les besoins de financement seront donc considérables au-delà de l’actuelle programmation et vous savez, madame la ministre, qu’il s’agit pour nous d’un grave sujet de préoccupation.

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Parce qu’il répond aux engagements que nous avons pris en 2002, donc aux besoins de nos armées, nous voterons ce budget pour 2006 avec une grande satisfaction.

Nous le ferons d’autant plus volontiers qu’il se situe dans le prolongement de celui de 2005, qui connaît une exécution exceptionnelle avec l’abondement d’une partie des crédits de reports antérieurs. Des engagements ont été pris pour qu’il en soit de même en 2006. Nous y veillerons tout particulièrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames et messieurs les députés, les crédits mis à la disposition du ministère de la défense pour la mission « défense » s’élèvent pour 2006 à 35,5 milliards d’euros. Le projet de loi de finances pour 2006 présente une double particularité.

D’abord, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission, la loi de programmation militaire est, pour la quatrième année consécutive, intégralement respectée ; ce précédent n’a jamais été égalé dans l’histoire, loin s’en faut. Ensuite, il s’agit du premier projet de loi de finances établi selon les règles de la LOLF.

Le ministère de la défense, qui se prépare depuis plusieurs années à cette échéance, a pu être assez facilement au rendez-vous de cette réforme. Pour nous, la LOLF est un outil qui n’a de sens que s’il nous sert à accompagner et à mettre en œuvre une ambition politique et une stratégie. En termes de masses budgétaires, les moyens sont là pour réaliser ces ambitions. Le projet de loi de finances est, en effet, conforme à l’annualité de la loi de programmation militaire.

La LOLF induit cependant une nouvelle logique de la gestion publique. La mission « défense » du projet de loi de finances pour 2006 s’inscrit dans la logique globale d’objectifs et de résultats qui caractérise l’esprit de la LOLF. Je le répète, il est relativement facile pour le ministère de la défense de satisfaire à cette logique, parce que la défense est un ensemble d’actions visant à remplir des missions.

Ces actions concernent des opérations, des équipements et, surtout, des militaires, des jeunes, des entreprises, des usagers d’hôpitaux militaires, des visiteurs de musées et des chercheurs, qui font l’objet de missions plus ou moins essentielles de la défense, que les crédits mis à notre disposition ont pour but de remplir d’une façon satisfaisante.

La LOLF permet aussi au Parlement, comme l’a souligné le président Teissier, de disposer d’indicateurs lui permettant de mesurer les résultats obtenus dans chacun de ces domaines, que ce soit en matière d’efficacité et de qualité du service ou d’efficacité socio-économique.

Je me félicite du travail accompli en commun depuis 2003, à l’occasion des rendez-vous trimestriels organisés avec la commission de la défense de votre assemblée à l’initiative du président Teissier. Ces rendez-vous nous ont permis, dans une logique de transparence et d’efficacité « lolfienne » avant la lettre, d’agir au profit de tous. La mission « défense » comporte aujourd’hui 45 objectifs, qui font l’objet de 104 indicateurs que nous nous sommes efforcés de définir en commun et que nous avons souhaités fiables et facilement compréhensibles.

J’en donnerai deux exemples concrets.

Tout d’abord, à l’objectif consistant à « disposer d’une capacité d’intervention extérieure » correspond le taux de réalisation du contrat opérationnel. Le nombre de militaires susceptibles d’être projetés est un élément de réponse et sa variation nous permettra de mesurer notre efficacité. La France est d’ailleurs déjà, de tous les États européens, celui dont les forces présentent la plus grande « projectabilité ».

Pour un autre objectif important, qui consiste à « mettre à disposition des armées des équipements en maîtrisant les coûts », on peut prendre pour indicateur l’évolution des devis.

Ensuite, la défense s’organise pour mieux répondre aux exigences de performance, de transparence et d’efficacité, dans l’esprit de la LOLF. De ce point de vue, la mise en œuvre de cette dernière, dans la continuité de la stratégie ministérielle de réforme que je conduis depuis mon arrivée à la défense, c’est-à-dire depuis plus de trois ans.

Cette stratégie repose d’abord sur une clarification des responsabilités. On ne peut bien suivre les choses que lorsque l’on sait qui est responsable de quoi. C’est ce qui m’a conduit, d’une part, à réformer la délégation générale à l’armement, et, d’autre part, à renforcer les pouvoirs d’arbitrage du CEMA par le décret de mai 2005.

La recherche d’efficacité s’appuie aussi sur la mutualisation des services. Il est vrai que celle-ci est assez étrangère à la tradition du ministère de la défense car, ne l’oublions pas, nous sommes partis d’un système où il y avait, outre le ministère de la guerre, un ministère de la marine et un ministère de l’air. En 2004, la création du service historique de la défense a concrétisé la mutualisation des archives. À des non-initiés, celle-ci pourrait paraître une évidence, mais j’aime autant souligner que ceux qui ont eu à mettre en œuvre cette mutualisation se sont aperçus qu’il ne s’agissait pas simplement d’une petite action à mener.

De même, la création, début septembre, du service d’infrastructure de la défense permet aujourd’hui le regroupement des services constructeurs des armées, sous l’autorité du secrétaire général pour l’administration. La prochaine étape sera la création d’une direction générale des systèmes d’information et de communication. Cela répond à une préoccupation exprimée par M. Beaulieu. D’ici à deux mois, cette nouvelle direction générale permettra une politique dans des domaines lourds, aussi bien en enjeux financiers qu’opérationnels et industriels.

Enfin, la modernisation du ministère s’appuie sur des modes de gestion innovants. Un contrat, signé à la fin du mois de juillet, prévoit ainsi la location de longue durée d’avions de transport à long rayon d’action, dans l’attente de la montée en puissance de l’A-400M. Ces locations de longue durée nous permettent ainsi de garantir la disponibilité de ces moyens de transport quand nous en avons besoin, et d’obtenir une meilleure répartition financière et un meilleur coût financier de ces locations.

De même, l’externalisation des 22 000 véhicules de la gamme commerciale est attendue pour la fin de l’année. Suivra l’externalisation de la gestion immobilière, que j’entends mettre en œuvre avant la fin de 2006. De ce point de vue, même si ce n’est pas tout à fait un problème de mode de gestion innovant, je veux dire à Jean-Claude Beaulieu que nous avons effectivement une politique d’aliénation des emprises qui nous sont devenues inutiles. Cette politique était très lourdement handicapée dans sa réalisation par toutes les contraintes liées à l’obligation de dépollution de ces emprises qui, sur celles qui restent disponibles, est presque remplie. Le décret s’y rapportant vient d’être publié et va nous permettre de mener plus facilement nos opérations de dépollution.

Toujours dans le cadre de la recherche de modes de gestion innovant, j’ai aussi apporté d’emblée mon soutien au développement des contrats de partenariat de l’État. Un premier dossier concerne la formation initiale des pilotes d’hélicoptère, qui nous permet de confier à des sociétés privées de formation à la conduite des hélicoptères la responsabilité de cette formation initiale, qui n’a rien de spécifique.

M. Pierre Lellouche et M. Yves Fromion.. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Je pense que nous allons répondre ainsi en partie au problème qu’a soulevé Joël Hart : celui de l’usure, tout à fait réelle, des hélicoptères de l’armée de terre. Cette formation externalisée nous permet de réduire le nombre d’heures qui ne nécessitent pas l’utilisation des équipements spécifiques de ces d’hélicoptères, donc de les préserver en attendant la livraison des nouveaux hélicoptères qui nous pose, en raison du retard dû à l’industriel, un certain nombre de difficultés.

Dans le même esprit de clarté de la LOLF, je me félicite, comme vous sans doute puisque vous avez été, mesdames, messieurs les députés, à mes côtés dans cette affaire dès le départ, de la progression de la budgétisation initiale des OPEX. Le financement des OPEX en loi de finances initiale s’inscrit bien dans l’esprit de sincérité et de transparence de la LOLF.

M. Yves Fromion.. Eh oui !

Mme la ministre de la défense. Une nouvelle étape sera franchie en 2006 puisque la dotation est portée à 250 millions d’euros, contre 100 millions seulement dans le budget 2005, avec la perspective d’arriver, en 2007, à une budgétisation quasi-totale des OPEX. Chacun sait bien que l’on ne peut pas en début d’année budgétaire savoir exactement de quoi l’avenir sera fait et qu’il y aura toujours des besoins d’ajustement de dernière minute. Avoir cette budgétisation dès le départ va nous permettre d’améliorer sensiblement les difficultés de trésorerie des armées et, surtout, de mettre fin à ce problème des reports, qui est majeur.

M. Yves Fromion. Parfait ! Ce sera un très beau progrès !

Mme la ministre de la défense. En effet, le respect de la loi de programmation militaire suppose l’utilisation de tous les reports. Cela a été souligné, à fort juste titre, par M. Cornut-Gentille et par M. Bernard. Comme vous le savez, les reports constatés à la fin de 2004 ne sont pas le fait de la défense ; ils proviennent du mode de financement des OPEX puisqu’on nous demandait chaque année de faire l’avance de trésorerie, jusqu’à pratiquement fin novembre, de toutes les OPEX,…

M. Pierre Lellouche. C’était scandaleux !

Mme la ministre de la défense. …ce que, bien entendu, nous ne pouvions pas faire sur les seuls budgets de fonctionnement. Par conséquent, les gages étaient très souvent pris sur les crédits prévus pour le matériel. Bien sûr, nous en étions remboursés – c’est une grande nouveauté de cette législature ! –, mais, comme c’était au mois de décembre, nous n’avions plus la possibilité de consommer ces crédits dans l’année. La règle du ministère des finances interdisant la consommation de crédit au-delà de ce qui est inscrit dans la loi de finances initiale nous bloquait complètement, ce qui faisait que nous étions totalement handicapés. C’était bien malgré nous puisque nous faisons la démonstration que nous sommes capables d’utiliser – c’est la moindre des choses quand vous nous en donnez « l’ordre » par le vote de la loi de finances – l’ensemble des crédits mis à notre disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai le plaisir de vous affirmer que tous les reports seront effectifs puisqu’il y a eu un arbitrage du Premier ministre en ce sens, et qu’ils seront utilisés d’ici à la fin de 2007. J’en ai obtenu l’assurance et du Premier ministre et du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Michel.. On verra !

Mme la ministre de la défense. J’entends dire : « on verra ». Je rappelle simplement qu’en 2003, s’agissant du strict respect de la loi de programmation militaire, certains me disaient déjà : « on verra ». Eh bien, la réponse est là aujourd’hui et il en sera exactement de même en ce qui concerne les reports. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’ailleurs, une première étape est réalisée dès 2005 puisque, à la fin de l’année, les reports seront réduits de plus d’un tiers et auront donc repassé sous la barre des 2 milliards d’euros.

M. Charles Cova. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Voilà ce qu’apporte l’esprit de la LOLF à la préparation de ce budget. Néanmoins, comme je l’ai souligné en introduction, l’outil qu’est la LOLF n’a de sens pour la défense et pour la France que s’il conforte une politique et une stratégie au service de nos ambitions. Or notre première ambition est d’être au service de la sécurité des Français.

Le contexte stratégique actuel a été rappelé par plusieurs d’entre vous, dans tous les groupes. Il est marqué par le terrorisme, par la multiplication et la prolongation des crises, par la prolifération des armes de destruction massive, par la persistance de zones grises, lesquelles sont autant de sanctuaires pour les trafics illégaux des mafias mais également pour servir de bases d’entraînement ou de repli au terrorisme.

Le premier de nos impératifs, comme pour tout État, est d’assurer la protection de nos concitoyens, où qu’ils se trouvent dans le monde, ainsi que de nos intérêts et d’anticiper les crises qui pourraient porter atteinte à notre sécurité. Telle est la mission première de tous les militaires. C’est la raison pour laquelle ces hommes et ces femmes, souvent jeunes, acceptent de prendre tous les risques et d’agir, au péril de leur vie.

Ainsi les 35 000 militaires des trois armées et de la gendarmerie, les sapeurs et marins pompiers, les unités d’intervention de la sécurité civile, forment le socle permanent de protection de notre territoire. Ils le forment sur notre territoire, mais aussi à l’extérieur de notre pays parce que vous savez bien, mesdames, messieurs les députés, que c’est surtout en opération extérieure que commence notre combat pour la sécurité de notre pays.

Au moment où je vous parle, plus de 33 000 militaires sont engagés hors métropole, dont 11 000 en OPEX : en Afghanistan et dans l’océan Indien, nos forces terrestres et maritimes sont engagées dans la lutte contre le terrorisme ; en Afghanistan et dans nombre d’autres pays, nos forces participent à la stabilisation de la situation intérieure et ont contribué à assurer, notamment dans le pays que j’ai mentionné, que les élections se passent dans les meilleures conditions possibles puisqu’il n’y a eu que neuf morts pendant cette période ; dans les Balkans, en Afrique, nos forces mènent des actions de stabilisation et de maintien de la paix pour contrôler l’ensemble des zones sensibles et lutter contre la criminalité organisée, qui a parfois des retombées jusque chez nous.

Je voudrais qu’une nouvelle fois, et de façon unanime, nous rendions hommage au dévouement sans limite de ces hommes et de ces femmes, de celles et ceux qui s’engagent au service de notre sécurité, y compris jusqu’au sacrifice suprême. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

L’an dernier, dix-sept d’entre eux ont été tués dans l’exercice de leur mission. Nous avons compté plus de 200 blessés. Je souhaite que nous ayons une pensée pour chacune et chacun d’entre eux et que nous exprimions notre soutien à toutes celles et à tous ceux qui sont engagés dans ces opérations périlleuses.

Notre deuxième ambition est d’être au service de l’Europe. À cet égard je réaffirme clairement devant vous ce que je rappelle aussi à mes collègues : sans la volonté de la France, soutenue par le crédit que lui confère son important engagement financier, la défense européenne n’aurait pas autant progressé depuis trois ans.

Nous avons permis à la politique européenne de sécurité et de défense de devenir une réalité concrète et opérationnelle. L’Europe a assumé le commandement des forces de l’OTAN en Afghanistan ; elle est présente en Bosnie ; elle est intervenue en République démocratique du Congo. Ce sont encore des opérations européennes qui, précédant la mobilisation de la communauté internationale, ont soutenu l’Union africaine au Soudan. La défense européenne a ainsi démontré ses capacités et son savoir-faire ; elle a affirmé son identité propre sur le terrain.

En deux ans, nous avons doté l’Union européenne de nouvelles forces, adaptées aux situations opérationnelles auxquelles elle pourrait avoir à faire face. Les « groupements tactiques 1 500 » constituent une force d’intervention très rapide permettant de déployer 15 000 hommes en 72 heures sur un théâtre d’opérations, c’est-à-dire dès l’origine de la crise.

Initiative française, la force de gendarmerie européenne regroupe aujourd’hui cinq pays. D’autres aspirent à y participer, et à créer leurs propres forces de gendarmerie ; ce sont là de nouveaux moyens d’intervenir sur des sorties de crise, moyens dont on connaît l’importance pour garantir la stabilité dans les pays concernés.

M. Philippe Folliot. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Nous plaçons beaucoup d’espoirs dans l’agence européenne de la défense et de l’armement. Celle-ci consolidera la démarche capacitaire de l’Europe et permettra de développer, selon nos priorités stratégiques, de nouveaux programmes.

Oui, monsieur Quilès, ces projets supposent une contribution de la France, mais aussi de tous ses partenaires européens. Les moyens que notre pays met en œuvre pour développer ces différentes capacités et permettre à l’agence européenne de jouer son rôle de coordination des efforts, de définition des besoins et de satisfaction des capacités, sont unanimement salués. Si nous voulons que l’Europe tienne toute sa place à l’avenir, il faut que les autres pays européens, notamment les grands, consentent un effort financier qui s’approche du nôtre et de celui de la Grande-Bretagne. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis convaincue que la défense européenne continuera à progresser : sa nécessité fait l’objet d’un consensus dans une Europe par ailleurs divisée sur d’autres sujets ; elle est aussi le moyen de relancer et d’approfondir le projet européen.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Le troisième volet de notre ambition est de préparer l’avenir.

Comme l’a rappelé le président Teissier, équiper nos forces de moyens modernes et adaptés aux nouvelles menaces suppose un outil industriel performant et compétitif : investir dans la défense, c’est aussi servir nos ambitions économiques et industrielles. La défense est déjà le premier investisseur économique de notre pays ; elle irrigue un ensemble de plus de 10 000 entreprises, y compris des PMI et PME, pour un effectif total de 2 millions de salariés. Il faut insister sur ces chiffres, parfois méconnus.

La défense prépare aussi notre avenir économique par son rôle dans la formation. Elle a sous sa tutelle de nombreux établissements d’enseignement supérieur et centres de recherches parmi les meilleurs du pays, et elle s’occupe de la formation professionnelle de base.

Mon ambition est que la défense continue à rénover notre industrie, conforte son excellence technologique et sa compétitivité. Je ne crois pas à un gap technologique avec les États-Unis. Même si ces derniers affirment leur prééminence dans quelques domaines, nous obtenons, dans ceux où nous intervenons, des résultats comparables, voire meilleurs. Le lancement du satellite Syracuse III a ainsi été réalisé avec un degré de précision qu’aucune fusée, de quelque nationalité qu’elle fût, n’avait atteint auparavant et les performances d’Ariane V feront gagner à Syracuse III et aux autres satellites lancés avec lui trois années de vie supplémentaires.

M. Yves Fromion. Très bien !

Mme la ministre de la défense. De même, comme nous avons pu le voir il y a quelques semaines en Afghanistan, nos missiles sont les plus performants et les plus précis. Il en va également ainsi de la simulation – où nous sommes en avance sur les États-Unis –, et de nombreux domaines. Il ne s’agit certes pas d’un concours de beauté, mais la France n’a pas à rougir de ses performances !

M. Jérôme Rivière. Au contraire !

Mme la ministre de la défense. Nous devons y trouver une motivation pour poursuivre et intensifier nos efforts en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour cela nous devons nous appuyer sur nos entreprises et leur donner les moyens d’être toujours en tête. Ainsi, monsieur Vitel, j’approuve depuis longtemps le projet de rapprochement entre DCN et Thalès. Des discussions se sont engagées depuis le début de l’été, notamment entre les banquiers. DCN n’ayant reçu le statut d’entreprise que récemment, elle n’avait pas réalisé l’estimation de ses actifs, ce qui a engendré un certain retard.

Toutefois il ne faut pas laisser passer cette occasion de conforter notre industrie navale de l’armement et, par la suite, de faciliter des rapprochements européens. Si nous voulons être compétitifs par rapport aux grandes nations émergentes, elles aussi intéressées dans ces secteurs, il faut en effet que nos entreprises atteignent une dimension européenne. Elles réaliseront ainsi certaines économies et, surtout, éviteront une concurrence inutile. Les projets européens favorisent la mutualisation des moyens en matière de recherche et offrent à nos technologies la possibilité de rester en pointe, d’être performantes et attractives pour d’éventuels acheteurs. Nous pérenniserons ainsi, voire développerons un grand nombre d’emplois.

Oui, monsieur Carayon : nous devons aider nos entreprises à exporter. Nous le faisons en envisageant des politiques qui dépassent le domaine strictement commercial : cela constitue une originalité française en matière d’exportation. Néanmoins je ne peux défendre ce marché si le coût des produits présentés, par ailleurs d’une indéniable qualité, n’est pas similaire à celui des offres concurrentes, et si, en aval, les entreprises ne garantissent pas les délais de livraison et le suivi des produits exportés. C’est pourquoi j’ai créé des structures qui, en coopération avec les industriels, sont destinées à identifier les problèmes et à y remédier.

Cela étant tout ne dépend pas de nous. Ainsi a été évoqué le problème du Rafale. À ce sujet les autorités singapouriennes ont admis qu’il s’agissait du meilleur projet sur le plan technologique. Malheureusement, l’ouverture des plis s’est faite à un moment où le taux du dollar dépassait de 23 à 28 % le taux de change normal avec l’euro. Il est difficile, même par la qualité, de compenser une différence de prix de plus de 20 % induite par le cours des monnaies. Sans doute aurions-nous, en tant qu’acheteurs, le même comportement économique.

Une politique de défense digne de ce nom, mesdames, messieurs les députés, doit être ambitieuse, volontariste, concrète, mais aussi visionnaire. Je souhaite évidemment promouvoir un environnement favorable à nos entreprises, notamment aux plus jeunes et aux plus innovantes d’entre elles. Cela suppose une mobilisation des pouvoirs publics, de la communauté scientifique et des entreprises elles-mêmes, au service d’une politique d’intelligence économique lucide.

Je tiens d’ailleurs à saluer le rôle précurseur de M. Carayon dans ce domaine où nous avons beaucoup progressé depuis quelques années, et qui a été l’une de mes préoccupations constantes depuis mon entrée en fonction au ministère de la défense. Je me félicite qu’un responsable de l’intelligence économique existe aujourd’hui auprès du Premier ministre. Cependant, une structure seule – et pas seulement pour des raisons de rigidités administratives – ne peut pas tout faire : il faut développer un état d’esprit général, chez les industriels, les banquiers, les chercheurs qui publient leurs travaux sur Internet, et, bien sûr, dans l’ensemble de nos services.

Cela suppose également un accompagnement financier de la recherche et technologie. Cette priorité m’a d’ailleurs conduite à sanctuariser les crédits d’études en amont. Je remercie François Cornut-Gentille et Yves Fromion de leur soutien en la matière. Cela est important s’agissant des crédits ainsi bloqués et du signal qu’on envoie, ce faisant, aux chercheurs et aux industriels. Cela permet également de donner une visibilité car il ne peut pas y avoir de recherche efficace sans visibilité sur les investissements qui seront faits dans les années à venir.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Plus généralement, c’est l’ambition des pôles de compétitivité dans lesquels la défense joue, pour un certain nombre d’entre eux, un rôle de premier plan. J’ai pu le constater sur le terrain.

La LOLF est bien un outil mis au service des ambitions que je viens de rappeler. Les crédits du projet de loi de finances pour 2006 sont précisément à la hauteur de ces ambitions puisqu’ils permettent l’exécution conforme de la loi de programmation militaire pour la quatrième année consécutive, conformément aux engagements politiques que j’avais pris devant vous dès le départ.

Le budget pour 2006 prévoit les commandes et les livraisons des équipements nécessaires à l’exercice des missions de nos armées ; M. Rivière l’a rappelé. Je n’entrerai pas dans le détail puisque les rapporteurs, que je remercie pour la précision de leur rapport, les ont largement évoqués. Je souligne simplement que 2006 assure la poursuite de l’effort en matière de dissuasion avec les SNLE et le M 51. Je remercie M. Michel de son approbation en la matière.

M. Quilès a souligné que la prolifération était l’une de nos préoccupations communes et qu’un certain nombre de puissances régionales dont les régimes politiques ne sont pas forcément caractérisés par la stabilité ou la démocratie représentaient une menace. Face à cela, il est important de maintenir une dissuasion nucléaire vraiment dissuasive, c’est-à-dire adaptée aux nouveaux risques et à la psychologie de ceux qui sont susceptibles de détenir des armements nucléaires.

Cela implique que nous poursuivions nos efforts de mise à jour et explique, en grande partie, le montant des crédits de dissuasion nucléaire dont je rappelle cependant qu’ils ont terriblement diminué depuis une vingtaine d’années.

L’année 2006 donnera également lieu à la commande du second porte-avions. Monsieur Rivière, les retards de nos amis britanniques ne concernent que leur programme et pas le nôtre. Ils ont pris leurs propres décisions bien avant nous. C’est d’ailleurs nous qui étions en retard par rapport à eux. Les reports de quelques mois auxquels ils ont procédé – les choix devraient intervenir en décembre et non plus en mai –, nous permettront tout simplement de les rattraper. Après quelques fluctuations dues non pas aux politiques mais souvent aux industriels, nous sommes repartis sur une vraie dynamique de coopération en la matière et nous n’avons aucun retard.

L’année 2006 sera également celle de la commande des frégates multimissions, du lancement du programme du sous-marin Barracuda, de la montée en puissance du FELIN, de l’A-400M, des hélicoptères de la gendarmerie. Elle sera aussi, et c’est important pour les forces et leur action, l’année de livraison de Syracuse 3, qui est en effet, monsieur Michel, un atout essentiel pour améliorer notre capacité de maîtrise de l’information ; l’année de livraison de 14 Rafale, de missiles SCALP, de 34 chars Leclerc.

Si l’on peut effectivement regretter que les Rafale ne soient pas livrés plus rapidement, je rappelle que ce programme a quinze ans et qu’on ne peut pas imputer à cette loi de programmation militaire des retards de dix ans accumulés avant son entrée en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, 2006 sera l’année de l’admission au service actif du deuxième bâtiment de projection et de commandement le Tonnerre. Vous pouvez le constater, monsieur Vitel, la marine est particulièrement bien servie en 2006 et le sera encore dans les années à venir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. Il faut continuer !

Mme la ministre de la défense. Le projet de loi de finances répond également à nos engagements prioritaires en matière d’effectifs. Ceux-ci sont globalement maintenus au niveau actuel. J’ai tenu, cette année encore, à améliorer la condition militaire car cela participe de son attractivité. Nous avons évoqué la difficulté de la mission et l’attitude exemplaire de nos militaires. En retour, il faut donc qu’il y ait, non pas compensation car celle-ci est impossible au regard de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont prêts à faire, mais au moins une forme de reconnaissance de cette action.

Monsieur Carré, des emplois sont créés au service de santé des armées, et c’est justice. Ce service avait été, en effet, fortement perturbé par la fin de la conscription. Les efforts réguliers que nous consentons au niveau des emplois correspondent à la fois aux souhaits exprimés et à la capacité d’absorption du service de santé des armées. C’est donc la prolongation de l’effort dans la durée qui est essentielle. Un effort considérable sur une année pourrait d’ailleurs s’avérer inutile dans la mesure où tous les postes risqueraient de ne pas être pourvus. Il faut donc miser sur la continuité et sur certains assouplissements auxquels la loi de programmation militaire que vous avez votée nous permet, du reste, de procéder. Nous conforterons ainsi un service de santé si utile sur les théâtres d’opérations extérieures. Nous en avons eu de multiples exemples au cours de ces années, et encore au cours des toutes dernières semaines.

Il en va de même pour la DGSE dont M. Fromion et M. Carayon ont souligné les besoins. Il est important, là aussi, de pouvoir s’adapter aux besoins qualitatifs au moins autant qu’à des souhaits quantitatifs. Créer des emplois dans des domaines de spécialité où l’on constate des lacunes, compte tenu de l’évolution stratégique, est une façon de répondre à une réelle ambition dans un contexte extrêmement contraint.

La DGSE, comme la DRM, souffrait d’un certain nombre de lacunes pour des postes qui, normalement, doivent être pourvus par les armées. Or je me suis aperçue que celles-ci n’ont pas toujours rempli leurs obligations vis-à-vis de ces services et n’ont pas pourvu les emplois qu’il leur revenait de pourvoir. D’une part, j’ai mis bon ordre à cet état de fait. D’autre part, j’ai demandé aux chefs d’état-major de veiller à ce que la qualité des personnels ainsi mis à la disposition des services de renseignements soit au niveau le plus élevé possible. Cela relève de leur choix et d’une véritable valorisation de ces postes dans la carrière des militaires, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. C’est le moins qu’on puisse dire !

Mme la ministre de la défense. Il s’agit d’une vraie réponse aux besoins des services.

N’oublions pas le rôle du personnel civil dans le ministère de la défense. Avec la professionnalisation des armées, avec le recentrage des militaires sur leur mission rendue encore plus essentielle par le contexte stratégique, le personnel militaire a un grand rôle à jouer. Ainsi que vous l’avez souligné, il existe effectivement des problèmes de tension sur le personnel civil dont une partie sera sans doute résorbée au cours de cette année par de nouvelles formules. Surtout, j’ai tenu à reconnaître le dévouement et les qualités des personnels civils en améliorant encore les mesures prises en leur faveur. Je rappelle que, depuis que je suis au ministère, les mesures d’amélioration de la condition du personnel civile prises chaque année sont égales à cinq années des crédits antérieurement affectés à ces missions. Nous faisons tous les ans cinq fois plus que ce qui était fait auparavant. Nous poursuivrons l’amélioration en 2006.

Cette année marquera aussi un nouveau pas pour la politique des réserves. D’ici à quelques semaines, vous aurez à examiner le projet de loi sur les réserves. Il vous montrera que je considère la réserve comme un complément essentiel des forces d’active. Dans cette logique, j’ai tenu à augmenter les crédits prévus dans le budget pour 2006 de 15 millions d’euros : ils atteindront ainsi 110 millions d’euros au total.

Notre objectif est d’atteindre, fin 2005, le nombre de 50 000 réservistes, dont 18 000 gendarmes et, pour fin 2006, 50 000 réservistes dont 20 000 gendarmes. Cette augmentation numérique devra aussi s’accompagner d’une amélioration qualitative de la reconnaissance et du rôle de la réserve dans le fonctionnement des armées.

Pour améliorer, par ailleurs, l’attractivité de la réserve pour les entreprises, j’ai obtenu la création d’un crédit d’impôt en faveur des employeurs.

M. Yves Fromion. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Ce dispositif vous sera présenté à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dans quelques semaines.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. C’est une très bonne chose !

Mme la ministre de la défense. Voilà, mesdames et messieurs les députés, au-delà de ce rendez-vous budgétaire annuel et dans l’esprit de la nouvelle logique instaurée par la LOLF, ce que je voulais vous dire sur mon souci permanent de renforcer la transparence vis-à-vis de la représentation nationale. C’est un problème de démocratie et d’utilité très concrète pour moi car cette transparence, que vous réclamez à juste titre, m’est également nécessaire pour un suivi régulier et totalement efficace des sommes investies au ministère de la défense.

Si vous acceptez de voter les crédits de cette mission « défense »,...

M. Yves Fromion. Mais oui !

Mme la ministre de la défense. …2006 marquera un nouveau progrès de notre action de redressement de l’effort de défense, sous le signe de la protection de nos concitoyens, de la construction de l’Europe de la défense et de la participation à une politique de la paix dans le monde.

Cela permettra à la France de disposer, dans la durée, des moyens d’une défense cohérente et efficace. Cela nous permettra aussi d’envoyer un signal fort aux hommes et aux femmes qui, chaque jour, avec courage, dévouement et abnégation servent la sécurité des Français et les intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, premier orateur inscrit dans la discussion.

M. Jean-Michel Boucheron. Madame la ministre, si je devais utiliser le langage de la météorologie pour évaluer votre projet de budget, je dirais :…

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Beau fixe !

M. Jean-Michel Boucheron. …temps clair, annonce d’une forte dépression financière, risque cyclonique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Cela commence bien !

M. Jean-Michel Boucheron. Vos intentions sont bonnes, votre communication remarquable, et ce projet de budget n’est pas mauvais. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Première grande question : pourra-t-il être tenu ? Deuxième question : quel est le niveau réel de préparation de l’avenir ?

La grande nouveauté de ce projet de budget réside dans la première application de la LOLF. Cette réforme est extrêmement intéressante en ce qu’elle apporte beaucoup de clarté en matière de commandes et de livraisons. Ses indicateurs permettront un contrôle réel de l’activité gouvernementale. L’année 2006 sera durablement l’année de référence pour l’évaluation des politiques publiques.

Même si je comprends les arguments du découpage actuel de la mission « défense », je regrette que celle-ci n’ait pas profité au maximum de cette révolution en définissant les grandes vocations de ce ministère : dissuasion, protection, projection, préparation de l’avenir, etc… Je pense qu’il s’agit d’une occasion manquée.

Il n’en reste pas moins que ce changement de cadre rend extrêmement difficiles les comparaisons, les périmètres budgétaires étant complètement différents. Il est donc quasiment impossible d’évaluer la sincérité de ce budget, la clarté de sa présentation ne garantissant en aucun cas la rigueur de son exécution.

Sans attendre la loi de règlement qui paraîtra en juin, nous avons déjà une idée précise sur cette question. À cet égard je tiens à souligner que la LOLF ne remplace en rien la loi de programmation militaire : elle rend la procédure budgétaire plus transparente, mais elle n’est pas un exercice de programmation. La défense aura toujours besoin de cette lisibilité à long terme que procure la programmation.

Pour que mon propos soit équilibré, je vais citer quelques acquis positifs de votre politique.

M. Pierre Lellouche. C’est bien de le souligner !

M. Jean-Michel Boucheron. Tout d’abord, nous approuvons votre réforme des procédures d’acquisition, votre réforme de la DGA et, surtout, celle de l’état-major des armées qui a enfin mis les moyens de la défense au service de son utilisateur final.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron. Pour ma part, j’approuve les efforts accomplis dans le domaine du renseignement, qu’il s’agisse des créations de postes à la DGSE ou de la mise en service attendue du centre Dupuy de Lôme. Sur ce point précise je souscris aux propos de notre collègue Bernard Carayon. J’approuve également la création de la direction générale de l’information et de la communication, qui est une nouveauté importante, ainsi que la création de 2 000 postes dans la gendarmerie.

Pour autant que l’on puisse en mesurer la réalité, je pense que l’effort que vous portez sur la recherche est également positif.

Je veux également saluer, bien que leur financement soit inconnu à ce jour, la création des EPID – établissements publics d’insertion de défense – dont nous soutenons le principe sans mésestimer les difficultés, aussi bien en ce qui concerne la rémunération des cadres que le traitement juridique des étrangers. En dépit des difficultés liées au choc des cultures, l’expérience mérite d’être menée. Tout dépendra de la qualité de l’encadrement et de l’esprit qui le guidera.

J’arrête ma liste des félicitations (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en évoquant la position courageuse qui a été la vôtre face à la difficulté rencontrée en Afrique. L’affaire ivoirienne est deux fois douloureuse. L’armée française est là-bas pour ramener la paix. L’âpreté du combat ne légitime jamais l’assassinat, fut-ce celui d’un voyou parmi les pires. Cet acte est condamnable. C’est parce que l’armée française a perdu dans cette affaire l’un de ses chefs les plus valeureux, les plus intelligents, qu’elle a, par votre décision, gardé son honneur. Le métier de soldat est un métier difficile, car il est aussi rude de maîtriser sa propre violence que celle des autres. Mettons en garde ceux qui, loin du drame, voudraient porter des jugements trop faciles. Dans ces difficultés, madame la ministre, votre politique a été celle qu’il fallait mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Pour en revenir à ce projet de budget, je dirais qu’il y a deux façons de l’approcher, et là, mes chers collègues, vos applaudissements vont cesser : soit on aime les contes de fées et on l’approuve ; soit on s’intéresse au monde réel ; on est donc beaucoup plus circonspect et on ne peut l’approuver. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Vous étiez pourtant bien parti ! Abandonnez plutôt votre texte et laissez-vous aller !

M. Jean-Michel Boucheron. Les incertitudes financières sont nombreuses, trop nombreuses. Faut-il parler du gel de 5 % des crédits annoncés par le ministère des finances, prolongeant la politique de M. Sarkozy ? Personne ne sait quels seront les crédits frappés. Ces 5 % ne sont-ils pas une mise en réserve pour financer le supplément d’OPEX ? Cette hypothèse plausible réduirait sérieusement les progrès constatés par ailleurs dans leur budgétisation, car les 300 millions d’euros qui seront prélevés sur le titre V avec un remboursement tardif en fin d’année interdiront comme d’habitude la consommation de crédits, selon une vieille technique utilisée par Bercy.

M. Pierre Lellouche. Par M. Jospin en particulier !

M. Jean-Michel Boucheron. Formater le coût du carburant sur la base de 38 dollars le baril de brut alors que nous en sommes au double entraînera la disparition de 0,5 % du budget.

La question de la gestion des stocks d’autorisations de programme n’est pas résolue. Celles ouvertes en 2005 seront-elles reportées en autorisations d’engagement en 2006 ? Cette question est sans réponse.

Votre projet de budget va structurellement subir des tensions extrêmement fortes, dues à l’explosion des dépenses de maintien en condition opérationnelle des matériels suremployés : faible renouvellement, consommation supérieure à la production et, surtout, coût d’entretien beaucoup plus élevé des matériels modernes par rapport aux matériels anciens. Le récent rapport de la Cour des comptes à ce sujet est éclairant. Cette dérive structurelle est peut-être le sujet le plus préoccupant de notre construction budgétaire, cette année et les années à venir.

La tension sur votre budget est maximale. Un autre indicateur en atteste : la flambée des intérêts moratoires qui seront de 14,7 millions d’euros en 2005 au lieu de 13 millions en 2004. N’avez-vous pas vous-même été obligée de créer une mission de secours pour les petites et moyennes entreprises étranglées par les retards de paiement du ministère de la défense ?

On le voit, vos intentions sont bonnes, madame la ministre, mais les incertitudes financières en termes de fonctionnement sont immenses. Ce projet de budget ne pourra être appliqué.

En ce qui concerne les programmes de l’ancien titre V, les incertitudes de financement sont la règle générale. Vos lois de finances sont parfaites : elles respectent – elles vont même au-delà – les prévisions de la loi de programmation militaire, mais, quand on regarde concrètement les crédits consommés au 31 décembre – c’est cela qui est important, mes chers collègues – on s’aperçoit qu’ils sont marqués par la dérive traditionnelle : 11,8 milliards d’euros au lieu de 13,6 en 2003 ; 12,5 milliards au lieu de 14,9 en 2004. Si vous observez les schémas qui figurent à la page 86 du rapport de M. Cornut-Gentille, vous constatez qu’il y a déjà une divergence.

Vous êtes en moyenne, et compte tenu de mon indulgence coupable, à 80 % de réalisations annuelles de la loi de programmation militaire. Il manquera une annuité en fin de parcours, comme d’habitude. Je modère cette critique en relevant que vous partiez d’un objectif sensiblement plus élevé que l’objectif habituel.

Les techniques de camouflage traditionnelles qui se cachent derrière le discours selon lequel « les crédits reportés ne sont pas annulés mais peuvent être consommés l’année suivante…

M. Pierre Lellouche. M. Boucheron n’a pas tort !

M. Jean-Michel Boucheron. …sont la marque du talent et de l’imagination de vos conseillers, que je salue, mais elles ne peuvent abuser un parlementaire expérimenté, surtout quand sa méfiance a été aiguisée au fruit de l’expérience. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Et la vôtre est immense !

M. Jean-Michel Boucheron. Faisons attention, car la variable d’ajustement ne doit pas être l’entraînement des forces. Or on relève 140 heures de vol pour les pilotes d’hélicoptère au lieu de 180 et 325 heures pour les pilotes d’avion au lieu de 400. Le fait que les effectifs réels soient de 3 à 10 % inférieurs au niveau de la programmation est une réalité qui s’installe, mais qui pourrait devenir cruelle sur le terrain.

En attendant, nos programmes sont retardés ou disposent de financements virtuels : retard de livraison du char Leclerc, du Rafale, du Tigre, de la rénovation de l’AMX 10 RC, étalement du MICA, du Scalp, du Félin, du financement de l’Euromale, du programme de simulation, et des missiles de combat terrestre.

Si l’on ajoute que le programme majeur pour la marine – celui relatif aux FREMM – n’a pas l’ombre d’un financement, que l’argent budgété en faveur du porte-avions numéro 2 n’a aucune chance d’être consommé, que l’on s’interroge sur l’étalement du programme Barracuda, nous voyons que l’impasse est globale tous azimuts.

Devant la commission de la défense du Sénat, vous avez annoncé la résorption des reports de crédits avant la fin de l’année 2008. J’imagine que cette phrase était destinée à détendre l’atmosphère. Il est vrai qu’au Sénat tout est possible, y compris la prolongation de mandats. (Rires.) Mais, madame la ministre, je ne pense pas que ce soit envisagé pour le Gouvernement ! (Sourires.)

Concernant les FREMM, où en sont les programmes innovants chers aux libéraux ? Où est la philosophie du Private Financing Initiative, d’inspiration britannique, que certains ont voulu réinventer à la mode gauloise ? Cette plaisanterie financière a fini sa course, comme prévu, dans l’absurde et le ridicule. Vous avez passé ce gag froidement par pertes et profits, et vous avez eu raison. On affirme aujourd’hui que l’État assumera directement le coût du programme. Comment trouvera-t-on les 5,3 milliards d’euros nécessaires à la seule marine ?

Le nombre de questions sans réponse est impressionnant. Quels crédits supprimerez-vous pour financer les FREMM ? Comment financerez-vous le surplus d’OPEX ? Comment financerez-vous le Scalp naval ? Autant le dire clairement : la loi de programmation ne pourra en aucun cas être respectée.

En réalité, nous sommes face à une situation de blocage budgétaire. La réalisation de la loi de programmation militaire ne sera pas possible. Il manquera une année de programmation car la cible budgétaire est trop haute, les crédits nécessaires sont sous-calibrés, et la croissance n’est pas au rendez-vous. Le bilan 2020 ne pourra être rendu public, et on le comprend ! En fait, pour la seule marine, il manque au moins 5 milliards d’euros.

La réalité est simple et crue : le modèle 2015 n’existe plus. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Boucheron. Eh oui !

M. le président. Mes chers collègues, du calme !

M. Jean-Michel Boucheron. Il est hors d’atteinte. Il faudrait au minimum 40 à 60 milliards d’euros pour l’atteindre en 2020, c’est-à-dire avec une loi de programmation de retard.

Mme Patricia Adam. Tout à fait !

M. Jean-Michel Boucheron. Non seulement il est inaccessible, mais il est aussi largement obsolète.

Si le constat que je dresse n’est pas optimiste, il n’est pas une critique à votre égard. Vous avez fait beaucoup et courageusement, en tout cas mieux que beaucoup d’autres ; je pense notamment à MM. Juppé et Balladur.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial. Et surtout Paul Quilès !

M. Jean-Michel Boucheron. Toutefois le système est bloqué ; il est dans une impasse financière. Il vous revient, il nous revient de préparer ensemble la mutation nécessaire.

Les échéances électorales de 2007 ne doivent pas servir de prétexte à l’attentisme que certains pourraient vous conseiller. Il n’y a pas d’enjeu électoral dans ce domaine et la réflexion doit s’engager sur cette mutation fondamentale. Elle est nécessaire, chacun le sait, partout dans les armées. Le privilège et le devoir de l’opposition sont de le dire à haute voix. Nous prenons ici date vis-à-vis de toute la communauté militaire.

Si le modèle 2015 est obsolète, c’est qu’il faut envisager une organisation totalement différente, à la hauteur des ambitions européennes de la France mais aussi de ce qu’elle est capable de financer. La question se résume en une formule : quel nouveau modèle d’armée pour la France, quel niveau d’intégration d’une défense européenne ? Tout le monde se pose cette question, et il serait anormal que le seul endroit où elle n’est pas évoquée soit le Parlement.

Notre réflexion devra donc porter sur la question de la défense européenne, sur la mutualisation assumée des fonctions essentielles. Il est évident que cette question est difficile car on ne peut pas dire que la situation politique soit propice aujourd’hui en Europe. Les capacités financières du seul pays à notre niveau, c’est-à-dire la Grande-Bretagne, sont absorbées par la guerre en Irak. Les faibles financements allemands s’accompagnent du doute politique qui règne aujourd’hui dans ce pays.

Il nous faut donc jeter un regard vers ce qui compte, c’est-à-dire vers les coopérations. À cet égard la situation est relativement inquiétante : en ce qui concerne le franco-italien et les FREMM, c’est l’incertitude ; pour ce qui est du franco-allemand, souhaitons qu’EADS sorte définitivement de sa crise au sommet ; quant au franco-britannique, c’est l’incertitude sur le porte-avions ; pour le franco-espagnol, on peut s’inquiéter de voir les Espagnols choisir le système de combat Lockeed Martin pour le sous-marin S80. MBDA voit ainsi s’éloigner l’espoir d’équiper l’Espagne du Scalp naval et l’Europe, peut-être, celui de construire un EADS naval ; enfin, l’européen est marqué par le blocage de Galileo.

Aujourd’hui, en Europe, le volontarisme politique dans le secteur de la défense est faible, c’est le moins que l’on puisse dire. Il est important pour nous de muscler nos outils industriels.

Certes, EADS remporte de beaux succès, mais nous devons aider la recherche et le développement et prolonger l’effort en ce domaine vis-à-vis de Dassault. Quant au GIAT, il devra apprendre à coopérer et à sous-traiter.

Dans le domaine naval, le dossier DCN-Thales doit impérativement progresser et il convient d’abandonner les débats liés à la répartition des pouvoirs au profit d’une logique fusionnelle des équipes. Des responsables DCN doivent avoir leur place au plus haut niveau du management stratégique de Thales. On m’opposera la différence de culture d’entreprise ; je réponds en citant l’exemple spectaculaire du rapprochement Matra-Aérospatiale : en quelques semaines, des équipes qu’on présentait comme inconciliables se sont fondues pour fabriquer la remarquable équipe fondatrice d’EADS.

Flou budgétaire, loi de programmation militaire impossible à appliquer, modèle 2015 à revoir, coopérations en phase difficile, politique industrielle à réaffirmer (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)…

Mes chers collègues, nous sommes là pour voir la réalité en face !

…il est clair que nous sommes à une période charnière et qu’il faut réfléchir à une véritable intégration des forces européennes.

Le monde change, le troisième budget militaire du monde est maintenant le budget chinois avec ses 80 milliards de dollars, ses missiles stratégiques de 8 000 kilomètres de portée, ses huit satellites de surveillance dans l’espace, ses huit sous-marins lanceurs de missiles nucléaires, une posture de moins en moins défensive et un discours de plus en plus nationaliste.

Les OPEX deviennent de plus en plus longues, sans que leur intensité soit affaiblie. Ce n’est acceptable ni pour les populations locales, ni pour nos armées. Qu’on le veuille ou non, la sécurité du Maghreb et la stabilité de l’Afrique relèveront à l’avenir de l’Europe, même si nous devons jouer un rôle majeur à cet égard.

La réflexion sur le rôle de l’OTAN doit être renouvelée ; cette organisation ne peut plus être un simple instrument destiné à prendre le relais des Américains ou à nous imposer des standards techniques.

Le rôle de la dissuasion, qui ne peut être une variable d'ajustement, doit être réaffirmé à l'heure où le traité de non-prolifération a perdu beaucoup de sa légitimité à cause de la relance de nouveaux programmes nucléaires américains.

Pour garder une présence politique dans le monde, chacun sait que l'Europe de la défense doit se construire par intégration de ses moyens et de ses politiques de sécurité. Il est temps d'assumer l'interdépendance des forces européennes. C'est cette phase nouvelle qui s'ouvre aujourd'hui devant nous et qu'il nous faut préparer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'an passé, j'intervenais dans cette discussion budgétaire en vous citant le contexte très préoccupant pour notre armée et nos soldats présents en Côte d'Ivoire. L'UDF est solidaire de nos militaires engagés dans un combat difficile et nous avons pu mesurer à quel point les récents événements ont touché notre nation. Ce que l'on peut appeler un dérapage, pour ne pas dire plus, perturbe le remarquable travail des forces armées françaises.

Ce contexte d'engagement de nos forces dans un conflit étranger, mais aussi sur d'autres théâtres d'opérations dans des missions essentielles de maintien de la paix pose chaque année le difficile problème de l'évaluation financière des OPEX. Aujourd'hui, 11 000 hommes y sont engagés.

Nous saluons le renforcement du budget dû à ces opérations extérieures, avec une enveloppe de 250 millions d'euros, réelle prise en compte de la dépense par rapport aux 100 millions d'euros du budget précédent.

Il faut également noter le décret d'avance publié en septembre, qui permet de couvrir les 550 millions d'euros de dépenses supplémentaires en OPEX.

Le budget 2006 est le premier établi selon la loi organique relative aux lois de finances et, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense respecte totalement la loi de programmation militaire.

Ceux qui pensaient, dans un passé pas très éloigné, que les forces armées étaient appelées à restreindre leur format, tant en matériels qu'en hommes, imaginant que nous entrerions dans une ère sans conflits majeurs, se sont lourdement trompés. La situation internationale ne nous permet pas d'envisager un ralentissement des situations de crise, des conflits, mais aussi du terrorisme qui reste omniprésent.

Il convient de souligner l'effort consenti dans les commandes d'équipements nouveaux, tels le second porte-avions, le sous-marin d'attaque Barracuda, mais aussi les premiers essais moteurs tant attendus de l’A400 M qui devrait compter 180 avions commandés en Europe et ailleurs.

Le programme des hélicoptères convoités par nos différents corps d'armée, dont notre gendarmerie, poursuit son développement, mais nous sommes toujours en attente du contrat concernant les frégates multimissions FREMM. Non seulement ce contrat serait bénéfique en termes d'efficacité pour les marins, mais il devrait créer plus de 2 000 emplois en France. Si nos collègues italiens ne prennent pas un engagement rapide, il serait souhaitable que la France démarre seule ce programme.

Nous fondons des espoirs sur le satellite Syracuse III et attendons en 2006 les 14 avions Rafale, les 34 chars Leclerc manquants et les 160 missiles Scalp-EG.

La gendarmerie, grâce aux 200 millions d'euros débloqués cette année, bénéficiera d'un renouvellement du matériel avec plus de 2 000 véhicules acquis, et nous souhaitons un effort particulier en faveur de l'immobilier. La gendarmerie fonde des espoirs sur la promesse de 2 000 emplois créés en 2006.

Soulignons le maintien en condition opérationnelle qui, en termes de disponibilité des matériels, toutes armées confondues, est acceptable ou en amélioration : par exemple, deux avions sur trois dans l'armée de l'air et un taux de disponibilité de 70 % pour les bâtiments de surface dans la marine.

Toujours sensible à la politique des réserves, le groupe UDF souligne l'augmentation de 15 millions d'euros des moyens qui leur sont alloués pour un montant total de 110 millions d'euros. Les réservistes renforcent la professionnalisation en permettant aux militaires de carrière de se concentrer sur leurs missions premières. Ils ont également un grand rôle à jouer dans la sécurité intérieure et dans la réactivation du lien entre la société civile et l'armée.

Vous nous avez annoncé l'examen, dans quelques semaines, d'un projet de loi relatif à la réserve militaire. Nous nous en félicitons et suivrons avec attention ce texte afin qu'il donne à la réserve sa juste place et que les réservistes ne soient plus considérés comme des civils en uniforme ou comme des clandestins au sein de leur entreprise. Il est également utile de souligner l'obtention du crédit d'impôt destiné aux employeurs qui autoriseront leurs salariés à effectuer leur travail de réserviste en maintenant leur niveau de rémunération.

Nous approuvons la réforme de la délégation générale pour l'armement, qui porte ses fruits, et il serait intéressant d'évaluer prochainement l'efficacité du décret du mois de mai renforçant les pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées.

Nous approuvons pleinement les efforts en matière de renseignement.

Nous sommes plus réservés sur le dispositif de location d'avions de transport à long rayon d'action quant à l'économie que cela est censé réaliser. Nous estimons que l'acquisition patrimoniale est préférable.

Je souligne aussi la professionnalisation achevée depuis trois années, qui force l'admiration de nos alliés et qui a permis d'acquérir une véritable crédibilité de nos armées dans les opérations multinationales. Il importe maintenant d'en stabiliser les effectifs, car quelques inquiétudes se font jour dans l'armée de terre où 10 000 hommes pourraient rapidement faire défaut.

Toujours attaché à la défense européenne, le groupe UDF voit en elle un moyen de relance de la construction européenne. La gendarmerie européenne nouvellement créée, la construction de matériels militaires communs, tels l’A400 M ou le NH 90, participent de cette collaboration des nations européennes. La France est un bon élève en Europe et l'effort financier du pays pour sa défense représente 2,17 % du PIB.

Toutefois, nous regrettons la lenteur des avancées en matière de défense européenne. Celle-ci doit nous permettre de retrouver le niveau d'une puissance mondiale. En sortant des systèmes intergouvernementaux, elle est également une réponse face à la demande exprimée par les deux tiers des citoyens européens,

Après avoir évalué hors de l'hexagone l'efficacité des SMA, nous saluons la réalisation de l'objectif « Défense, deuxième chance ». Le centre de Montry a ouvert un horizon nouveau à tous ces jeunes en échec scolaire, professionnel ou social. Nous attendons avec impatience l'ouverture d'autres centres, prévue prochainement.

Toutefois il serait souhaitable de revoir le système des JAPD, pas toujours très pertinent ou efficace. Voilà un nouveau chantier de réflexion que l'on pourrait entreprendre après avoir réglé, très prochainement, la situation des réservistes, comme vous vous y êtes engagée, madame la ministre.

Les crédits destinés à une véritable politique de recherche, passant de 550 à 600 millions d'euros, sont une première étape vers l'enveloppe de 700 millions que nous garantit la loi de programmation militaire pour 2008.

En quelque sorte, précurseur de la LOLF, le contrôle parlementaire, voulu par notre président Guy Teissier, nous permet d'observer la réalisation des crédits de la défense.

L'engagement opérationnel croissant nous a fait prendre conscience des enjeux de l'interarmisation et il serait bon d'être plus audacieux en regroupant sous une même égide certains moyens : par exemple, l'ensemble des moyens héliportés.

Je m'étais engagé à relayer les inquiétudes d'un certain nombre de nos concitoyens réunis en association pacifique. Ils s'inquiètent des 5 milliards d'euros de crédits destinés à l'armement nucléaire, estimant que, dans ce domaine, la France est suffisamment dotée et se place en contradiction avec le traité de non-prolifération dont la France est signataire. La réponse, madame la ministre, vous nous l’avez apportée lors de votre intervention : adaptation aux nouveaux risques avec un effort de mise à jour face à des régimes politiques qui n’interprètent pas la démocratie de la même manière que nous.

En conclusion, je relève que les choix capacitaires tracés par le modèle Armée 2015 ont été les bons et que le projet de loi de finances pour 2006 constitue indéniablement un effort, reconnu par les militaires. Il respecte dans ses grandes lignes la loi de programmation, mais il ne faut pas penser que la LOLF nous dispense d'une vision à long terme ; une loi de programmation reste indispensable dans ce domaine.

Votre budget, madame la ministre, augmente de 3,4 %. Globalement, les autres ministères ont revu à la baisse leurs prétentions, dans un souci légitime de réduction de la dette publique mais nous sommes ici saisis d'un budget qui, de nombreuses années durant, s’est vu dépouillé. Le retard accumulé est en voie d'être résorbé.

M. Michel Voisin et M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Francis Hillmeyer. Ces considérations mises à part, cette nouvelle organisation de la loi organique relative aux lois de finances est censée permettre une plus grande lisibilité et un meilleur contrôle du Parlement afin d'aider le ministère à remplir ses missions et à utiliser le plus efficacement possible les ressources légitimes du budget. Cette année étant la première année d'application, elle est une transition et cela rend les comparaisons encore malaisées. Néanmoins, on peut espérer que les objectifs de transparence seront atteints.

Pour la qualité des engagements pris, le groupe UDF votera votre budget, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, dans un souci d’équité, je ferai intervenir ce matin les quatre premiers orateurs des groupes politiques. Nous nous arrêterons donc après M. Michel Voisin.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, vous ne serez pas étonnée si je vous dis que nous n’avons pas la même lecture que vous de ce budget. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nos remarques dont je veux vous faire part sont étayées par les faits.

Ce budget, en hausse de 3,4 % hors pensions, échappe cette année encore à la logique de l'austérité touchant les budgets civils qui, dans leur quasi-intégralité, stagnent quand ils ne régressent pas.

M. Charles Cova. Il a été dépouillé pendant vingt ans !

M. Jacques Brunhes. De surcroît, il s'affranchit des règles de la LOLF – que vous avez pourtant vantée, madame la ministre – dès la première année de son application puisque l'interdiction du report de plus de 3 % des crédits votés d'une année à l'autre, que cette dernière impose, ne lui est tout simplement pas appliquée.

M. Philippe Vitel. Heureusement !

M. Yves Fromion. Il faut bien réparer vos erreurs passées !

M. Jacques Brunhes. Les sommes en jeu sont considérables puisqu’il s’agit de quelque 2 milliards d'euros qui n'ont pu être utilisés au cours d'exercices précédents.

Pour autant, du fait des choix d'armements qu'il opère et des options stratégiques qui le sous-tendent, ce budget n'est adapté aux exigences de sécurité ni de notre pays ni du monde actuel.

En effet, et s'agissant tout d'abord de la répartition des crédits budgétaires, il se caractérise par la forte tension maintenue sur les effectifs. À périmètre identique, il prévoit 5 307 emplois de personnel civil en moins, alors qu'ils ont déjà été réduits de plus de la moitié durant les dix dernières années. Les sous-effectifs en personnel civil atteignent 5,9 %, pour l'armée de terre, 7 % pour la marine, et 4,5 % pour l'armée de l'air. Cela va inéluctablement nuire aux fonctions de soutien.

Plus généralement, la compression drastique des emplois civils accélérera la politique d'externalisation, voire l'abandon de missions publiques au service de la défense, et la politique de déstructuration du ministère, que les syndicats des personnels civils de la défense avaient fortement dénoncées ces dernières années lors de leur audition devant la commission de la défense. Monsieur le président de la commission de la défense, est-ce la raison pour laquelle, en rupture avec une pratique traditionnelle, ils n'ont pas été entendus cette année sur le projet de budget pour 2006 ?

Tout aussi grave est la contrainte pesant sur les crédits de fonctionnement. Ceux pour l'armée de terre n'ont pas été réactualisés depuis 2003 et les économies budgétaires supplémentaires de 3,5 % par rapport à 2005 auront des conséquences sur l'entraînement des forces. Il en va de même pour la marine : malgré tous les efforts d'économies de fonctionnement afin de préserver l'activité, celle-ci sera réduite de 4 % en 2006.

Par ailleurs, le problème de la disponibilité des matériels demeure, notamment pour les équipements vieillissants.

Comment expliquer ces difficultés dans le cadre d'un budget pour le moins conséquent ? Madame la ministre, cela tient au fait que vous privilégiez des choix qui n'ont rien à voir avec les nécessités de la défense nationale, de la défense européenne et de la sécurité internationale.

Ainsi, malgré les critiques émanant de l'établissement militaire lui-même, dont j'avais fait part l'année dernière, vous accélérez l'effort pour la modernisation des équipements nucléaires.

La hausse des crédits est plus forte cette année qu’au cours des dernières années : 5,5 % en crédits de paiement, 13,4 % en autorisations d’engagement. Cette « mise à jour » − pour reprendre votre formule − n’a pourtant aucune justification. Qui voulez-vous dissuader avec ces armes nucléaires de dernière génération ? Le terrorisme ? Cela n’a pas de sens. Souhaitez-vous vous prémunir contre la prolifération nucléaire ? Vous savez parfaitement que la meilleure façon d’éradiquer définitivement cette menace, c’est le désarmement nucléaire global et contrôlé.

M. Yves Fromion. Il y avait longtemps !

M. Joël Hart. Que d’âneries !

M. Jacques Brunhes. Or toute avancée vers ce but a été bloquée à l’ONU lors de la dernière conférence de révision du TNP tenue en mai 2005. Les engagements pris dans le cadre de la précédente conférence de 2000, tendant notamment à la mise en œuvre d’un processus d’élimination des armes nucléaires en vertu de l’article 6 du TNP, parallèlement au développement des moyens de contrôle, ne sont pas respectés. La sauvegarde du monopole nucléaire militaire aux mains d’une poignée d’États, dans un monde où cette arme est légitimée comme facteur de puissance et de sécurité nationale, est un pari perdu d’avance. Pis, cela revient à inciter les États qui ont renoncé au nucléaire militaire, alors même qu’ils en avaient la capacité technologique, à revenir sur leurs engagements. Nous avons donc de quoi être inquiets.

Vous privilégiez les équipements pour une stratégie d’intervention sur les théâtres extérieurs. Certes, notre pays doit apporter sa contribution à la prévention des conflits et au maintien de la paix dans le cadre des missions d’une ONU démocratisée et réformée, mais cette exigence n’implique nullement le niveau et l’architecture actuelle de nos armements. Par contre, on voit toute leur utilité dans le cadre du glissement accélérée de la politique française vers l’OTAN qui s’est érigée en gendarme du monde sous l’impulsion américaine.

M. Joël Hart. Avec la participation des anciennes démocraties populaires !

M. Jacques Brunhes. Le Président de la République a approuvé, en 2003, l’implication de la France dans la force de réaction de l’OTAN et la création du quartier général du corps de réaction rapide France à Lille, inauguré le 1er octobre dernier. Voilà un symbole marquant pour le quarantième anniversaire de la décision prise par le général de Gaulle de sortir la France de la structure militaire de l’OTAN. Mettre en place un état-major certifié par l’OTAN, n’est-ce pas afficher sa volonté d’être présent dans les engagements militaires de l’OTAN ?

Quant à cette défense européenne au nom de laquelle notre capacité nationale de défense est sabotée, son autonomie n’est qu’un mythe. D’autres intervenants de mon groupe reviendront plus longuement sur la question de l’industrie de défense. Je note simplement que, après les mesures concernant GIAT Industries, après l’ouverture du capital de la DCN, après la fusion SAGEM-SNECMA, le désengagement de l’État et la politique de casse de nos entreprises étatiques et des sociétés nationales de pointe se poursuivent. Au nom de la rentabilité, la sous-traitance s’accroît. Le fusil Beretta est rénové par les Italiens ; certaines pièces du char Leclerc sont fabriquées en Chine.

M. Jérôme Rivière. On a vu ce que vous avez fait avec GIAT !

M. Jacques Brunhes. Demain, on craint la privatisation de la direction des essais de la délégation générale à l’armement et la liquidation du centre d’essai de lancement de missiles de Toulon. Je vous ai d’ailleurs posé une question écrite à ce sujet, madame la ministre. Les perspectives d’activité de la DCN sont incertaines, suspendues à la conclusion du contrat des FREMM pour l’établissement de Lorient, et des sous-marins Barracuda pour celui de Cherbourg.

Je rappelle que la politique de restructuration et de regroupement dans le cadre européen n’empêche pas que l’industrie de défense de certains pays de l’Union européenne, notamment dans le secteur des armements terrestres, soit contrôlée par les groupes d’armement et les fonds de pension américains. Le rapport d’information de la commission de la défense sur l’industrie de défense européenne, publié en mars 2005, en fourmille d’exemples.

Par ailleurs, il n’existe pas de relation préférentielle au sein de l’Union européenne au profit de l’industrie européenne. On pourrait malheureusement citer bien des exemples, à commencer par celui de la Pologne.

De surcroît, cette défense européenne demeure totalement subordonnée à l’OTAN. Le projet de traité constitutionnel européen prévoyait explicitement que l’Europe de la défense se réaliserait sous l’égide de l’OTAN.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est vrai !

M. Jacques Brunhes. Il ne faisait d’ailleurs que confirmer la réalité : l’Union européenne ne peut mener aucune opération d’envergure sans l’OTAN.

Mme la ministre de la défense. C’est faux !

M. Yves Fromion. Il n’est pas à une erreur près !

M. Jacques Brunhes. D’ailleurs, le rapport de la commission de la défense note : « C’est en effet grâce à l’accord dit de “Berlin plus” qu’elle a pu conduire les opérations Concordia et Althéa. Tout se passe donc comme si l’OTAN était seule compétente pour conduire des opérations de haute intensité […] tandis que l’Union européenne devrait se contenter d’assurer le suivi des crises […]. »

M. Michel Voisin. C’est facile !

M. Jacques Brunhes. « Certaines prises de position récentes de hauts responsables du Département d’État américain tendent d’ailleurs à accréditer cette thèse à travers la revendication pour l’Alliance atlantique d’un droit de premier refus quant aux souhaits de l’Union européenne d’agir militairement dans une crise. »

II faut se rendre à l’évidence, madame la ministre : il n’existe aucun consensus au sein des pays de l’Union, encore moins après l’élargissement, sur une politique étrangère indépendante des États-Unis et une défense européenne autonome.

Pour nous, la défense européenne n’a pas de sens en dehors d’une réelle autonomie par rapport à l’OTAN et d’un projet qui la démarque nettement du paradigme américain de puissance et de domination. Si la politique militaire doit se consacrer en priorité à la défense du territoire national et, dans le cadre européen, des États membres, ses autres missions devraient concerner l’action humanitaire et celle en faveur de la paix, la prévention des crises et des guerres régionales sous l’égide de l’ONU…

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. C’est bien le cas !

M. Jacques Brunhes. …suivie, en cas d’échec, d’une intervention dans le cadre de l’ONU, rénovée et démocratisée, sous réserve d’une définition internationale des critères d’intervention. Plus globalement, nous préconisons une politique multidimensionnelle de sécurité, fondée sur l’action en faveur du développement et de la réduction des inégalités inter et intra-étatiques.

Votre politique, madame la ministre, ne répond pas à ces exigences. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Charles Cova. C’est étonnant !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ménager un peu de suspense, je ne ferai pas comme mon ami Yves Fromion et ne donnerai pas d’emblée les conclusions de la réflexion du groupe UMP sur le budget de la défense. (Sourires.)

M. Jean-Michel Boucheron. J’ai peur que nous ne soyons tout de même déçus !

M. Michel Voisin. Je tiens d’abord, madame le ministre, à vous remercier et à vous féliciter au nom du groupe UMP, car, grâce à votre action et sous votre autorité, trois ans après l’achèvement du processus de professionnalisation, nos armées ont acquis une stature reconnue par nos alliés.

Aujourd’hui, plus de 22 000 hommes et femmes sont en posture opérationnelle, en opération ou en alerte. Depuis 2002, plus de 50 000 de nos soldats ont été engagés en Côte-d’Ivoire, 15 000 dans les Balkans et 7 000 en Afghanistan. La plupart des opérations auxquelles participent nos armées sont multinationales et nos forces y ont acquis une vraie crédibilité. La grande qualité du système de recrutement, de formation et d’entraînement est reconnue par tous. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de budget pour 2006 que vous nous présentez aujourd’hui.

Ce budget est ambitieux. Il respecte la loi de programmation militaire et porte l’effort de la nation en faveur de sa défense à 2,17 % du produit intérieur brut, gendarmerie comprise. En citant ce chiffre, je comprends d’autant moins les hésitations de notre excellent collègue Jean-Michel Boucheron qui, il y a un peu plus de trois ans, s’exprimant au nom du groupe majoritaire, ne pouvait se targuer que de 1,79 %.

M. Jean Michel. C’est le produit intérieur qui a baissé !

M. Michel Voisin. À l’époque, M. Boucheron avait bien des difficultés à défendre les projets de budget qui nous étaient présentés. Cela explique peut-être pourquoi, aujourd’hui, il noircit autant le tableau et pourquoi il a tant de mal à nous expliquer les raisons de son opposition au budget.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron. C’est que la croissance a baissé depuis !

M. Michel Voisin. Au total, le budget de la défense augmente de 3,4 % en valeur, soit 1,8 % en volume. Il permet de répondre aux attentes des Français en matière de sécurité, que ce soit pour la protection de nos ressortissants à l’étranger ou pour l’anticipation et la gestion des crises, à l’heure où les zones d’instabilité se multiplient.

Cela constitue, pour nous tous, un réel motif de satisfaction qu’il convient de saluer.

Cet exercice annuel de débat budgétaire est certes indispensable, mais il est, en matière de défense, toujours périlleux. Les masses budgétaires, souvent colossales, dont nous débattons, les livraisons de matériels aux noms souvent exotiques pour nos compatriotes − Tigre, Barracuda, Tonnerre − ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : derrière les chiffres, derrière les programmes, il y a la réalité des hommes et des femmes qui ont choisi de servir notre pays et la paix ; il y a leurs conditions de vie et celles de leurs familles ; il y a, enfin et surtout, leur sécurité, car, quand les matériels sont vieillissants, quand ils ne sont pas suffisamment entretenus, quand l’entraînement des troupes est bâclé faute de moyens, nous hypothéquons certes l’efficacité de nos troupes, mais nous les exposons surtout à des dangers croissants, au péril de leur vie.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Michel Voisin. Fort heureusement, grâce à votre action, madame la ministre, et sous l’impulsion du Président de la République, chef des armées, le budget de la défense a cessé d’être la variable d’ajustement du budget de la France. Il y avait fort longtemps que notre pays n’avait pas respecté, comme vous le faites, une loi de programmation militaire.

Les crédits de votre budget permettront donc de poursuivre et d’amplifier en 2006 la modernisation de nos armées. Ainsi que les différents rapporteurs ont eu le loisir de le rappeler, les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 garantissent la poursuite de l’effort consenti en matière de dissuasion − même si M. Brunhes y voit un domaine où pratiquer des économies −, tandis que la commande du second porte-avions sera passée et que le programme de sous-marin d’attaque Barracuda sera lancé.

Dans le même temps, les programmes A 400 M, Félin et d’hélicoptères destinés à la gendarmerie poursuivront leur développement, et 14 avions Rafale, 34 chars Leclerc et 160 missiles Scalp-EG seront livrés. Le deuxième bâtiment de projection et de commandement Tonnerre sera également admis au service actif.

S’agissant des personnels, les effectifs sont globalement maintenus au niveau atteint en 2004. Des emplois seront créés au sein du service de santé des armées, en application d’un plan de rattrapage que vous avez lancé depuis trois années. De plus, afin de prendre en compte la situation stratégique actuelle et les menaces terroristes qui pèsent sur la France, vous allez accroître les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure. Enfin, vous créerez 2 000 emplois dans la gendarmerie, ce qui porte à 5 100 les créations d’emplois de gendarme depuis 2003. Je ne m’étendrai pas plus longtemps sur ce sujet, dont j’ai suffisamment parlé il y a quelques jours.

Le projet de loi de finances pour 2006 permettra également de franchir une nouvelle étape dans la politique des réserves. Vous nous soumettrez le projet de loi relatif aux réserves avant la fin de l’année et prévoyez une augmentation de 15 millions d’euros des moyens alloués aux réserves, qui seront portés à 110 millions.

En ce qui concerne les opérations extérieures, la budgétisation des surcoûts résultant des OPEX enregistre des progrès considérables. Pour 2006, le projet de loi de finances initiale inscrit 250 millions d’euros à ce titre, ce qui constitue une avancée indéniable, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Cette demande avait été formulée il y a dix ans par notre commission sous l’impulsion de son président de l’époque, Jacques Boyon. L’opposition actuelle a eu, ensuite, le temps de la mettre en place ; je comprends donc mal ses critiques.

Pour l’exercice 2006, le financement d’environ la moitié des opérations extérieures sera ainsi assuré dès le projet de loi de finances initiale. Le Président de la République a d’ailleurs exprimé le souhait que, d’ici au terme de la loi de programmation militaire, la quasi-intégralité de ces surcoûts soit financée de cette façon.

L’avancée enregistrée dans ce domaine dans le projet de loi de finances pour 2006 revêt une grande importance, non seulement parce qu’elle permet de réduire les difficultés de trésorerie que connaissaient les armées, notamment l’armée de terre, du fait des opérations extérieures, mais encore parce qu’elle permet d’éviter des reports de crédits sur l’année suivante.

Le financement des opérations extérieures en fin d'année, dans le cadre de la loi de finances rectificative, se traduit – ainsi que cela a été maintes fois décrit – par l'ouverture tardive de crédits qui ne peuvent être consommés l'année de leur inscription.

Par ailleurs, madame la ministre, la défense est aussi au cœur de l'activité économique et sociale de notre pays.

Avec votre projet « Défense deuxième chance », financé par les crédits du plan de cohésion sociale, votre ministère va former chaque année 20 000 jeunes en échec scolaire, professionnel ou social, qui sont décelés lors de la journée d'appel de préparation à la défense. Au vu des événements tragiques que nous connaissons aujourd’hui, ce projet semble prémonitoire.

À ceux de ces jeunes qui le souhaitent, une possibilité de remise à niveau scolaire et comportementale, assortie d'un véritable apprentissage professionnel, sera proposée pour une durée s'échelonnant entre un et deux ans. Les bénéficiaires se verront attribuer une allocation de 300 euros mensuels dont la moitié sera capitalisée en vue d'un versement à la fin de la durée de leur contrat afin de leur donner les moyens d'une première installation. L'encadrement sera constitué d'anciens sous-officiers et de personnels de l’éducation nationale.

Il s'agit – cela mérite d’être souligné – d'une action majeure à destination de nos concitoyens, qui ne peut que renforcer le lien entre l'armée et la nation.

Enfin, votre projet de budget pour 2006 prépare l'avenir grâce à une véritable politique de recherche, ce que les rapporteurs ont également montré.

Les crédits destinés aux études amont passeront ainsi de 550 à 600 millions d'euros, l'objectif étant de parvenir à une enveloppe de 700 millions d'euros en 2008, comme l’a prévu la loi de programmation militaire 2003-2008. De même, les crédits de recherche et technologie passeront de 1,4 à 1,5 milliard d'euros.

Votre ministère contribuera également à la mise en place des pôles de compétitivité, grâce notamment à la qualité de ses écoles, de ses centres de formation et de ses entreprises, qui placent la défense au cœur du dynamisme économique et industriel de la France.

Avant de conclure, permettez-moi, madame la ministre, d’affirmer, au nom du groupe UMP, notre soutien et notre reconnaissance pour l’abnégation et la professionnalité dont ils font preuve, aux femmes et aux hommes de la défense placés sous votre autorité.

C’est donc sans surprise, mais avec un réel enthousiasme, que le groupe UMP votera les crédits de la mission « défense » pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Défense (suite) :

Sport, jeunesse et vie associative.

Rapport spécial, n° 2568, annexe 35, de M. Denis Merville, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2569, annexe XII, de M. Olivier Jardé, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540.

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Sport, jeunesse et vie associative (suite).

Médias ; compte spécial : Avances à l’audiovisuel public ; article 95.

Rapport spécial, n° 2568, annexe XIX, de M. Patrice Martin-Lalande au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2569, annexe V, de M. Emmanuel Hamelin, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)