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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du lundi 7 novembre 2005

51e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Médias

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux médias.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, le projet de budget pour 2006 comporte beaucoup de points intéressants, pour la télévision, la radio et la presse écrite.

Tout d’abord, en matière de présentation budgétaire comme de contrats d’objectifs et de moyens, 2006 constitue une année charnière.

En effet, la LOLF entre en application, ce qui devrait nous obliger à aller jusqu’au bout de la logique retenue. La mise en œuvre de cette loi constitue un réel progrès pour les médias. Deux missions sont identifiées au sein du budget de l’État – « Médias » et « Avances à l’audiovisuel public » – qui permettent une plus grande visibilité et une meilleure lisibilité des politiques publiques menées par l’État en faveur des médias.

Des améliorations pourraient cependant être apportées, par exemple en rassemblant, comme je l’ai proposé dans un amendement, l’ensemble des crédits de l’aide au transport postal au sein du programme « Presse » au lieu de se contenter de la dispersion actuelle. De même, il serait possible de créer un programme « Action audiovisuelle extérieure » consacré à la chaîne d’information internationale au sein de la mission « Action extérieure de l’État ». Je me permets également d’insister sur l’intérêt qu’il y aurait à scinder la mission « Avances à l’audiovisuel public » en autant de programmes que de bénéficiaires. On pourrait alors faire des comparaisons avec les contrats d’objectifs et de moyens. Nous y gagnerions véritablement en clarté, ce qui est tout à fait conforme à l’esprit de la LOLF, que nous souhaitons voir s’étendre pour suivre avec précision l’audiovisuel public.

Par ailleurs, la deuxième génération de contrats d’objectifs et de moyens permettra d’améliorer en 2006 le pilotage de l’ensemble de l’audiovisuel public. Ces contrats constituent un outil indispensable de pilotage pluriannuel, tant pour l’État actionnaire que pour l’opérateur public. Faire preuve de clarté vis-à-vis de la concurrence est une nécessité pour que les organismes publics puissent investir sur plusieurs années en sachant où ils vont. Trois contrats étant arrivés à échéance ou en passe de l’être, une nouvelle génération sera signée en 2006.

À la lumière de l’expérience qui vient de s’achever, les nouveaux contrats devront comporter en premier lieu des objectifs précis et chiffrés sur les missions de service public assurées par les opérateurs. En effet, l’intervention de l’État n’est justifiée que pour pallier les lacunes, voire les méfaits de l’économie de marché. Il nous faut donc connaître le coût des émissions relevant du service public pour le comparer aux dotations que reçoit l’opérateur au titre de la redevance.

Autre exigence : des engagements devront être pris en termes de maîtrise des coûts, de gestion du personnel et de gains de productivité, en insistant sur les indicateurs de résultats, plutôt que de moyens.

Ce n’est qu’une fois ces étapes franchies qu’il sera possible de déterminer le montant des ressources publiques nécessaires au financement des objectifs, compte tenu des marges de manœuvre qui existent en interne. Il faut les dégager et les utiliser avant de fixer le montant de ressources publiques nécessaire.

Le Parlement devrait aussi, si le Gouvernement le veut bien, être consulté pour avis préalablement à la signature définitive des contrats d’objectifs et de moyens. Il me semble légitime qu’il le soit, lui qui vote les recettes nécessaires aux contrats d’objectifs et de moyens.

Événement important de l’année 2005, la réforme de la redevance constitue un exemple de modernisation réussie de l’État. Le recouvrement de la redevance est désormais adossé à celui de la taxe d’habitation, les Français ayant déclaré sur l’honneur, lors de leur déclaration d’impôt sur le revenu, s’ils possédaient ou non un téléviseur.

Un premier bilan, forcément provisoire, est aujourd’hui possible. Il s’agit désormais d’un impôt plus juste – près de 5 millions de personnes ne paieront pas de redevance cette année, soit 1 million de plus que l’an dernier – ; et moins onéreux à recouvrer puisque 100 millions d’euros auront été économisés cette année sous une forme ou sous une autre. Tous les personnels ont été reclassés dans des conditions particulièrement satisfaisantes, permettant à l’État de faire face à de nouvelles missions sans procéder à de nouveaux recrutements. On peut, dès cette année, s’attendre à des excédents de redevance.

L’un des objectifs de la réforme de la redevance est d’assurer un financement adapté aux besoins de l’audiovisuel public. Qu’en sera-t-il pour 2006 ?

Les ressources publiques de l’audiovisuel public seront en hausse de 2,9 %. En 2005, l’audiovisuel public aura bénéficié de ressources publiques en hausse de 3,1 %, soit 0,7 point de plus que le budget adopté par le Parlement dans la loi de finances initiale pour 2005. En effet, le Premier ministre de l’époque et le ministre de la culture avaient décidé fin décembre 2004 d’attribuer 20 millions d’euros supplémentaires à l’audiovisuel public pour faire face notamment au lancement de la TNT. Ces crédits supplémentaires devront être ouverts dans la loi de finances rectificative pour 2005. Si, sur le fond, nous nous félicitons de cette décision, nous en regrettons la forme. La mesure ne revenait-elle pas à vider de son sens l’autorisation donnée par le Parlement puisque les crédits consentis ont été modifiés aussitôt après le vote du budget ? II est souhaitable que cela ne se reproduise pas en 2006 et que l’on sache dès le débat sur la loi de finances initiale pour 2006 l’usage qui sera fait des probables excédents de redevance de 2005 estimés, sur la base des renseignements obtenus auprès du ministère de l’économie, entre une vingtaine et une cinquantaine de millions d’euros.

Pour 2006, le projet de budget anticipe des encaissements de redevance à hauteur de 2,3 milliards d’euros au titre de la redevance, soit 100 millions de plus que ce que prévoyait la réforme. Il maintient le plafond du remboursement des dégrèvements à 440 millions d’euros, plafonnement qui, je le rappelle une nouvelle fois, ne peut être érigé en principe puisqu’il est contraire à la loi de 1986 sur la liberté de communication. Le budget prévoit aussi la stagnation de la dotation du ministère des affaires étrangères à Radio France Internationale – compte tenu de l’inflation, il s’agit d’une régression en termes réels, et nous le regrettons – ainsi qu’une baisse très importante des coûts de gestion et de recouvrement de la redevance, qui passeront de 73 millions il y a deux ans à 24 millions d’euros en 2006, soit une économie directe de 50 millions. En outre, une hausse de 3,9 % des ressources publicitaires est attendue.

Au total, les ressources publiques de l’audiovisuel public augmenteront en 2006 de 2,13 % par rapport au budget réel de 2005, et de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005.

En revanche, les crédits de fonctionnement du CSA inscrits dans le projet de loi de finances augmenteront insuffisamment pour lui permettre de faire face, d’une part, aux lourdes tâches qui l’attendent en 2006 – déploiement de la TNT, plan « FM 2006 », télévisions locales, tâches qui nécessitent des moyens en personnel si l’on ne veut pas prendre du retard –...

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. ...et, d’autre part, à la réévaluation du loyer de ses locaux « désamiantés » que le service des domaines a fixée à 1,9 million d’euros. Il faudra faire un effort pour le CSA, monsieur le ministre !

La situation des sociétés de l’audiovisuel public est saine, mais fragile. Je rappelle que ce qui peut sembler normal n’a pas toujours été la règle.

Comme l’a récemment souligné la Cour des comptes, France Télévisions a considérablement amélioré sa situation financière les cinq dernières années. J’en profite pour donner un coup de chapeau à son ancien président, Marc Tessier, à qui en revient le mérite. La nouvelle direction formée autour de Patrick de Carolis, élu par le CSA au mois de juillet dernier, hérite donc d’une situation financière saine, ce qui contraste avec les transitions passées.

La nouvelle équipe est confrontée à de nombreux défis – poursuivre le lancement de la TNT, rétablir l’audience de France 3 et d’autres... – et, parmi ses priorités, figure la négociation d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens.

En 2006, France Télévisions, qui est financée à 71 % par la redevance et à 28 % par la publicité, bénéficiera d’une augmentation de redevance de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005 et de 2,1 % si l’on y intègre les 15 millions d’euros supplémentaires dont elle a bénéficié en 2005 dans les circonstances que je viens de rappeler.

L’année 2005 a été pour ARTE-France une année décisive puisque, grâce à la TNT, elle est désormais accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Son premier contrat d’objectifs et de moyens s’achève à la fin de l’année et elle en a scrupuleusement rempli les objectifs de saine gestion.

En 2006, ARTE-France bénéficiera d’une augmentation de redevance de 3,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005 et de 2,11 % si l’on intègre à la base 2005 les 2 millions supplémentaires obtenus en cours d’année. Mais comme la moitié de ces 2 % sera absorbée par le coût supplémentaire de diffusion de la TNT, le reste ne permettra pas de financer toutes les heures nouvelles de programmation nécessaire à l’allongement de la durée de diffusion. Un effort supplémentaire devrait être fait sur les probables excédents de 2005 pour éviter qu’ARTE ne doive réduire ses investissements dans la production – dont elle est un partenaire important – ou rediffuser ses programmes à outrance.

Comme 2004, 2005 aura été pour Radio France une année marquée par un très lourd conflit social, signe de la fragilité du tissu social de cette entreprise. Le personnel représente 60 % des dépenses car, contrairement à la télévision qui achète l’essentiel de ce qu’elle diffuse, tout ce qui est produit en radio vient du travail du personnel.

L’équipe arrivée à l’été 2004 et dirigée par Jean-Paul Cluzel a significativement renouvelé les grilles à la rentrée 2005, afin de reconquérir une audience en légère baisse.

Sur le plan budgétaire, Radio France est confrontée à un gigantesque chantier de réhabilitation et de mise en sécurité de la Maison de la Radio, qui coûtera 277 millions d’euros sur la période 2004-2012. Il est urgent de savoir à quoi s’engage Radio France qui ne pourrait supporter que le financement des travaux réduise les ressources nécessaires à sa mission. La redevance doit servir aux programmes du service public plus qu’à l’immobilier.

En 2006, Radio France verra sa dotation au titre de la redevance augmenter de 2,7 %. Si l’on intègre à la base les 3 millions d’euros ouverts en collectif, la hausse ne sera plus que de 2,1 %, soit un peu plus de 10 millions d’euros.

Radio France Internationale est engagée dans une difficile modernisation de ses rédactions en langues étrangères, l’objectif étant de redéployer les moyens vers des zones où la demande et les besoins sont plus forts.

En 2006, la dotation du ministère des affaires étrangères stagnera, ce qui correspond à une régression en termes réels, tandis que la dotation-redevance augmentera de 4 %. S’il fallait apporter la preuve de l’utilité d’avoir une redevance affectée à l’audiovisuel, la voilà : d’un côté, une dotation budgétaire qui stagne et, de l’autre, la redevance qui évolue en fonction des besoins de l’audiovisuel public.

Enfin, l’Institut national de l’audiovisuel vient de conclure un nouveau contrat d’objectifs et de moyens couvrant les années 2005-2009, qui doit lui permettre de réussir l’ambitieux et indispensable plan de sauvegarde et de numérisation de notre patrimoine audiovisuel. C’est un formidable défi que l’INA est en passe de gagner dans des conditions qui nous mettront en tête sur le plan mondial. Dès 2006, l’INA bénéficiera d’une augmentation de sa dotation-redevance de 4,1 %.

Alors que l’année 2005 a vu le lancement de la télévision numérique terrestre, qui rencontre aujourd’hui un réel succès et couvre potentiellement 50 % de la population, 2006 sera une nouvelle année importante pour de grands dossiers du paysage audiovisuel français.

Il est urgent de décider des modalités techniques et financières de la couverture des 15 % du territoire non couverts par la TNT. Nous avons déjà évoqué le problème, monsieur le ministre, mais les précisions que nous attendons concernent non pas les zones frontières, lesquelles sont incluses dans les 85 % qui recevront la TNT, mais les 15 % hors zones frontières, qui recevront la télévision numérique sous une forme autre que terrestre : il y a va de l’égalité d’accès au service public et de la possibilité d’un enrichissement culturel que chacun revendique.

À la fin de 2005, vingt chaînes locales devraient émettre en France métropolitaine. Il s’agit là d’un progrès significatif, même s’il ne permet pas à la France de combler son très important retard. Ces télévisions étant malheureusement confrontées à de graves difficultés structurelles, il est impératif, si on souhaite qu’elles les surmontent, qu’une place leur soit garantie sur la TNT. Telle est l’intention du CSA : il conviendra d’y veiller.

Lors de la conférence de Liverpool sur la révision de la directive TSF, le Gouvernement s’est prononcé pour la suppression de la limite quotidienne de publicité. Cette position française, visant à ne pas bloquer des négociations européennes par ailleurs complexes, a suscité de nombreuses inquiétudes quant à son application éventuelle sur le territoire national. Pouvez-vous, monsieur le ministre, les dissiper ?

Par ailleurs, l’année 2006 doit impérativement être l’année du lancement de la chaîne d’information internationale, projet trop souvent retardé. Le Gouvernement doit répondre aux interrogations que le projet soulève – nous savons qu’il y travaille ardemment –, notamment à celles du nouveau président de France Télévisions, un des deux partenaires majeurs du projet, et annoncer rapidement sa décision. Tel est le sens d’un amendement qui a été adopté par la commission des finances : l’inscription de 65 millions d’euros ne peut être validée qu’à la lumière des informations, très attendues, permettant de la justifier.

Le projet de radio numérique doit, quant à lui, permettre d’assurer une meilleure couverture du territoire, notamment des zones ne recevant qu’une dizaine de radios, contre près d’une cinquantaine en Île-de-France.

Enfin, la France est un des pays qui aide le plus la presse écrite, ce qui ne lui interdit pas de connaître la crise : tel est le paradoxe que chacun peut constater ! Il convient donc, si nous voulons assurer efficacement avec la profession la grande mutation qui s’impose, de nous poser de nouveau la question de savoir si cette aide à la presse d’aujourd’hui prépare la nécessaire invention de la presse de demain, laquelle sera un des grands chantiers des prochaines années.

La presse quotidienne traverse, encore et toujours, une grave crise qui est à la fois conjoncturelle – une activité économique, donc publicitaire, morose – et structurelle – la formidable concurrence de nouveaux médias présents en tous lieux et à tous moments. Le seul secteur de la presse dont le chiffre d’affaires progresse est celui des gratuits : leur modèle économique, différent mais apparemment efficace, a vocation à s’étendre à d’autres secteurs de la presse que celui des quotidiens. Je pense notamment aux hebdomadaires ou aux bimensuels, comme le journal d’information gratuit Le Petit Solognot, qui existe depuis vingt-quatre ans, non loin de chez vous, en Loir-et-Cher, monsieur le ministre. Il est apprécié de quelque 60 000 lecteurs.

Le nouveau modèle de la presse de demain passe nécessairement par un développement sur Internet, média favori des jeunes, mais auquel la capacité de la presse à recueillir, valider, hiérarchiser et analyser l’information fait cruellement défaut. Face à la déferlante d’informations sur Internet, nous avons besoin de la presse pour introduire de la clarté.

Cette réflexion n’engage que moi, mais je crois à la diffusion du quotidien sur Internet, avec ou sans impression à domicile des feuilles qui intéressent le plus le lecteur. La diffusion électronique constitue une piste d’avenir car elle permettra de résoudre une part des problèmes de la presse quotidienne, notamment ceux qui sont liés aux coûts très lourds d’impression, de transport et de diffusion, à l’arrivée trop tardive de l’information sur papier par rapport à tous les autres supports d’information ainsi qu’au goût des consommateurs pour une consommation d’information « où ils veulent et quand ils veulent ».

Pour mieux connaître les besoins de la presse d’aujourd’hui et inventer celle de demain, j’ai déposé un amendement tendant à créer un « observatoire de la presse » visant à recueillir et à fertiliser les apports de la profession, de l’université, des pouvoirs publics et de tous ceux qui travaillent aux nouvelles formes du pluralisme de l’information. Nous devons, je le répète, inventer la presse quotidienne de demain.

L’État stabilise en 2006 l’important effort en faveur de la presse dégagé en 2005. L’ensemble des crédits budgétaires consacrés à l’aide à la presse représente près de 451 millions d’euros, sans compter la dépense fiscale. Les deux principales dépenses sont l’aide au transport postal – 242 millions d’euros – et les abonnements de l’État à l’AFP – 107,8 millions.

L’année 2005 aura vu pour la première fois l’utilisation du fonds de modernisation sociale. Malheureusement, une partie des crédits risque d’être annulée, la presse quotidienne régionale n’ayant pu conclure l’accord nécessaire avec les partenaires sociaux.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit également la budgétisation du fonds de modernisation de la presse, qui devrait permettre une meilleure gestion des crédits.

L’État continue d’accompagner la nécessaire modernisation des NMPP et augmente sa contribution au plan de modernisation des diffuseurs de presse, lequel est important pour toucher les lecteurs qui font défaut à de trop nombreux titres. Enfin, l’État respecte scrupuleusement ses engagements à l’égard de l’Agence France-Presse tels qu’ils figurent dans le contrat d’objectifs et de moyens.

Telles sont, mesdames, messieurs, les observations et les propositions que je souhaitais présenter comme rapporteur spécial de la commission des finances pour le projet de budget de 2006, que je vous invite à voter.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la communication n’a pas échappé aux modifications de nomenclature imposées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, car il recoupe désormais une mission « Médias » et un compte d’affectation spéciale.

La mission « Médias » compte deux programmes : le programme « Presse », regroupant les aides à la presse, et le programme « Chaîne française d’information internationale », consacré à cette nouvelle entité. Par ailleurs, le compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public » correspond à un programme « Avances aux organismes de l’audiovisuel public » présentant l’emploi de la redevance.

Cette nouvelle ventilation s’accompagne d’objectifs et d’indicateurs de performance qui constituent désormais un outil privilégié d’évaluation des différentes entités de l’audiovisuel public ou des politiques publiques menées dans le secteur de la communication.

Au-delà de la présentation du budget, je m’attacherai, comme il est d’usage dans les avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à examiner un aspect de la politique publique conduit dans le cadre de ce budget : ce développement portera sur la chaîne française d’information internationale, car ce projet fait l’objet d’un suivi attentif de la part de notre commission depuis ses premières ébauches, il y a déjà trois ans.

Le budget de l’audiovisuel public s’élèvera à 3 595 millions d’euros en 2006, soit une hausse de 3,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005.

La part de financement public – c’est-à-dire la redevance et les dotations budgétaires – augmentera de 77 millions d’euros pour atteindre 2 737 millions d’euros – soit une hausse de 2,9 %. Les ressources propres du service public connaîtront une hausse de 32 millions d’euros – plus 3,9 % – pour atteindre 858 millions d’euros.

En 2006, le service public de l’audiovisuel bénéficiera donc d’un budget en hausse de 109 millions, auquel s’ajoutera la dotation spécifique de 65 millions pour la chaîne française d’information internationale.

En 2006, les tarifs de la redevance audiovisuelle seront maintenus au niveau de 2005 puisqu’ils s’établiront à 116 euros pour la métropole et 74 euros pour les départements d’outre-mer.

En dépit de cette stabilisation des taux, le montant de la redevance à répartir augmentera de 77 millions grâce à la réforme de la perception de la taxe, désormais alignée sur le mode de recouvrement de la taxe d’habitation. Cette réforme permet de mieux lutter contre la fraude, grâce à la déclaration de non-assujettissement figurant sur la déclaration d’impôt sur le revenu, et de diminuer les coûts de perception, grâce à la suppression du service de la redevance.

Je souhaite rappeler à cette occasion que les recettes supplémentaires générées par le nouveau système de recouvrement de la redevance doivent intégralement bénéficier à l’audiovisuel public : notre commission sera attentive au respect de ce principe dès cette année. Qu’en est-il en effet, monsieur le ministre, de vos prévisions d’encaissement de redevance pour 2005 ? Allez-vous nous confirmer des excédents par rapport aux prévisions figurant dans la loi de finances et pour quel montant ? Vous savez que les attentes sont fortes en la matière et, pour la plupart, fort légitimes car de nombreuses priorités sont avérées, ce qui laisse ouverte la question de leur hiérarchisation.

Les télévisions et radios publiques doivent d’abord privilégier la qualité et la diversité des programmes, comme l’a relevé à plusieurs reprises le nouveau président du groupe France Télévisions, qui doit faire face à une érosion de l’audience de ses chaînes depuis 2001, à l’exception de France 5, qui a régulièrement progressé.

L’engagement pris de consacrer 20 millions d’euros supplémentaires par an à la création pendant cinq ans va dans le bon sens. Il s’inscrit dans la continuité de l’accord signé par France Télévisions le 2 novembre 2004 avec les syndicats de producteurs audiovisuels, tendant à augmenter de 10 millions sur trois ans le financement de documentaires.

De même, le lancement de la télévision numérique terrestre s’est traduit par l’extension des plages de diffusion des programmes d’ARTE entre douze heures et dix-neuf heures et de France 5 au-delà de dix-neuf heures, ainsi que par la montée en puissance de France 4, qu’il faudra continuer de financer en 2006.

De même, il convient de souligner que le secteur de l’audiovisuel est soumis à un environnement caractérisé par des évolutions technologiques permanentes. La TNT, la diffusion de la télévision sur les téléphones portables ou la télévision en haute définition en sont autant d’exemples souvent interdépendants.

En matière de diffusion, on peut noter que les économies engendrées par les renégociations des contrats portant sur la diffusion analogique seront partiellement consommées par les coûts croissants de la diffusion numérique au fur et à mesure de la couverture du territoire – 85 % de la population prévus en 2007.

Notre commission est particulièrement attentive à la progression de la couverture du territoire par la télévision numérique terrestre, dont le coût marginal est élevé car c’est une question d’équité. Mais il ne faudrait pas assécher au profit des supports les ressources consacrées aux programmes : les deux doivent aller de pair et des financements supplémentaires doivent s’ajouter à la redevance pour atteindre un objectif qui relève évidemment de l’aménagement du territoire.

Par ailleurs, le déploiement de France Télévisions sur la haute définition constituera également un volet majeur du prochain contrat d’objectifs et de moyens. Les premières évaluations chiffrées sont éloquentes puisqu’elles s’élèvent à une centaine de millions d’euros sur la période 2006-2010.

Enfin, l’adaptation des programmes aux personnes sourdes et malentendantes, prévue par la loi du 11 février 2005, doit être menée selon un calendrier précis, comme l’indique votre projet annuel de performance. Dès 2006, c’est la moitié des programmes de France Télévisions et d’Arte qui devrait être sous-titrée contre respectivement 36 % et 30 % en 2005.

Là encore, un accompagnement budgétaire doit être systématiquement prévu en vue de financer cette action légitime de solidarité nationale.

S’agissant du patrimoine, je me contenterai de mentionner l’accélération bienvenue du plan de sauvegarde et de numérisation de l’INA, qui bénéficie d’une augmentation de ses ressources de plus de 4 %, ainsi que le lancement des travaux de réhabilitation de la Maison de la radio, qui dureront jusqu’en 2012.

Le budget du programme des aides à la presse pour 2006 s’élève à 280,1 millions d’euros. Il s’agit donc d’une consolidation du niveau déjà très élevé atteint en 2005, année de création de trois nouveaux dispositifs d’aide directe : modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale, modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale et modernisation du réseau des diffuseurs de presse.

Le budget 2005 avait ainsi consacré à la presse des moyens d’une ampleur exceptionnelle, avec une progression de près de 30 % à périmètre constant par rapport à 2004 ; on ne peut que se réjouir de la pérennisation de cet effort en 2006.

Les aides directes s’élèvent en 2006 comme en 2005 à 172,3 millions, et se répartissent en trois sous-actions reprenant les segmentations connues de la diffusion, du pluralisme et de la modernisation.

S’agissant de l’Agence France-Presse, conformément aux engagements pris dans le contrat d’objectifs et de moyens signé le 20 novembre 2003, les crédits prévus au titre des abonnements de l’État s’établissent à 107,8 millions d’euros, soit une progression de 2 % par rapport à 2005. En contrepartie, l’Agence s’est engagée à parvenir à l’équilibre financier en 2007 grâce au développement de ses recettes commerciales et à la maîtrise de ses charges.

Je souhaite maintenant évoquer un peu plus longuement le projet de chaîne française d’information internationale…

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. …qui fait l’objet d’un programme spécifique doté de 65 millions d’euros pour 2006. Une telle somme constitue un budget a minima, lorsqu’on connaît le budget des chaînes d’information internationale concurrentes : 650 millions d’euros pour CNN International, 480 millions d’euros pour BBC World, 120 millions d’euros pour Al-Jazira et 114 millions d’euros pour Deutsche Welle.

La commission des affaires culturelles a toujours manifesté une grande attention à cette chaîne…

M. François Rochebloine. La commission des affaires étrangères aussi !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. …et je ne pouvais que m'inscrire dans cette continuité au moment où des arbitrages importants seront rendus sur ce dossier dont on parle depuis bientôt trois ans.

Mon propos est inspiré, et je réponds à notre collègue qui vient de m’interpeller sur le sujet, par le travail mené par la mission d'information commune présidée par M. François Rochebloine…

M. Pierre-Christophe Baguet. Elle a fait un excellent travail !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. …et dont le rapporteur était M. Christian Kert, en m'efforçant de prendre en compte les événements survenus depuis lors.

Il faut bien reconnaître que depuis la remise au Premier ministre du rapport de M. Bernard Brochand, le 22 septembre 2003,…

M. François Rochebloine. Qui est-ce, M. Brochand ?

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. …le rythme du projet s'est singulièrement ralenti puisque, plus de deux ans plus tard, aucune étape significative n'a été franchie, si ce n'est la consultation officielle de l'Union européenne sur la conformité du montage envisagé aux règles communautaires.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. C’est une étape importante !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une étape importante, certes, mais pas significative au regard de l’ensemble des étapes nécessaires à une accélération ou, en tout cas, à un lancement rapide de cette chaîne. Le débat que nous avons eu en commission sur ce sujet montre qu'il existe un large consensus pour estimer maintenant qu'il est grand temps de passer à l'acte, sur le fondement de quelques principes simples qui devraient permettre de surmonter les difficultés récentes.

Le concept est très bien défini ; on peut le résumer en disant qu'il s'agit de proposer un point de vue français, une vision française de l'actualité internationale.

Le point de vue français, ce n'est pas le point de vue du gouvernement en place, quel qu'il soit : il s'agit de quelque chose de plus profond, que l'on peut présenter comme un socle de convictions partagées par l'immense majorité de nos concitoyens, bien au-delà des clivages politiques.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Le public visé par cette chaîne est d'abord un public étranger qui peut soit partager d'ores et déjà la vision française du monde, soit la découvrir.

Mais il va de soi que de nombreux Français seront intéressés par la CFII et que la chaîne doit aussi être diffusée en France comme le souhaitait dès le départ la mission d'information de l'Assemblée nationale.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Une reprise sur le numérique terrestre donnerait un accès immédiat à une diffusion élargie. Une préemption permettrait de le faire dans de bonnes conditions mais ce n'est possible que si la chaîne est publique, ce qui pose la question de sa gouvernance.

Vous le savez, la mission d'information de l'Assemblée nationale s'était prononcée en faveur d'un groupement d'intérêt public associant les contributions d'un nombre important d'acteurs publics et privés, dans lequel les opérateurs publics auraient été majoritaires.

La mission de M. Bernard Brochand avait préconisé une société détenue pour moitié par France Télévisions et pour moitié par TF1. Cette suggestion, reprise par le Gouvernement le 29 septembre 2003, n'a pas permis d’amorcer de dynamique.

Depuis sa prise de fonctions, M. Patrick de Carolis a plusieurs fois appelé de ses vœux une solution dans laquelle le secteur public, et notamment France Télévisions, serait le moteur de la CFII.

M. Frédéric Dutoit. Il a raison !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. La question n'est donc pas tant de savoir si TF1 doit être ou non associée au projet, ni, bien évidemment, de mettre en cause son savoir-faire en la matière – personne ne le conteste –, mais de désigner un chef de file et un seul, pour des raisons évidentes de dynamique dans la phase de démarrage de la chaîne et de pertinence et de cohérence dans son fonctionnement.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Dans mon esprit, ce chef de file ne peut être que France Télévisions.

Faute de règles clairement établies dans un tel pacte, le projet retombera à nouveau, inexorablement, dans les querelles de clocher et l’immobilisme que nous connaissons depuis deux ans, empêchant la réussite du lancement dans de brefs délais de cette nouvelle chaîne.

Par ailleurs, si la CII a vocation à couvrir le monde entier, elle doit démarrer sur les zones prioritaires que sont l'Europe, le Proche et Moyen-Orient, et l'Afrique, auxquelles s'ajouteront les zones outre-mer couvertes par les satellites de diffusion de RFO.

Il existe une communauté de destin évidente entre ces zones et la France, son message devant y être plus facilement reçu qu'ailleurs. En outre, ces régions sont réparties sur quatre fuseaux horaires seulement, ce qui permet de mettre en place une seule grille de programmes adaptée aux différents horaires.

Il s’agit d’une zone où la concurrence est forte puisqu'à côté des chaînes occidentales comme CNN International et BBC World, on retrouve des chaînes arabes comme Al-Jazira et Al-Arabiya. La BBC vient d'annoncer le lancement d'une télévision en langue arabe exclusivement, devant couvrir la même zone géographique dans des délais très rapides.

M. Pierre-Christophe Baguet et M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. La CFII devra donc diffuser des programmes en langues anglaise et arabe dès son lancement sous peine de ne jamais trouver son public.

Confier le rôle moteur de la chaîne à France Télévisions, permet de s’appuyer sur les ressources du groupe et au premier chef sur ses rédactions. Mais France Télévisions peut aussi compter sur l'apport d'autres partenaires du secteur public dont l'expérience internationale est incomparable, comme RFI et l'AFP.

En Afrique et au Moyen-Orient, les rédactions de RFI sont implantées depuis longtemps et disposent d'une expertise sans équivalent. La rédaction anglophone compte 22 journalistes et 35 correspondants dans le monde tandis que la rédaction arabophone compte 31 journalistes et 45 correspondants, et touche 10 millions d'auditeurs par semaine, dont 3 millions en Irak.

Le réseau de correspondants de RFI compte 300 pigistes qui peuvent contribuer à la production de la CFII dans toutes les zones du globe mais surtout en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe.

De même, l'AFP occupe la première place au Moyen-Orient parmi les agences mondiales grâce à sa couverture très complète de la région et à la qualité de son service arabe, qui compte une quarantaine de journalistes arabophones permanents et qui produit environ 250 dépêches par jour.

Le service anglais de l'AFP compte 240 journalistes permanents dans le monde, dont beaucoup sont des anglophones de naissance ayant eu des expériences professionnelles dans des médias anglophones.

Les contributions de RFI et de l'AFP iront donc au-delà de la simple prestation ponctuelle de client à fournisseur : elles devront prendre la forme de conventions de partenariat global et pluriannuel. D'importants travaux préliminaires ont déjà été menés et la conclusion de ces accords devrait être rapide.

Le dossier est techniquement très bien instruit, son financement figure dans le budget à hauteur de 65 millions pour 2006, auxquels s'ajoutent 30 millions pour les investissements imputables au lancement en 2005. Le moment est donc venu de prendre les décisions indispensables au lancement effectif de cette chaîne et nous serons attentifs, monsieur le ministre, aux engagements que vous prendrez devant la représentation nationale ce soir sur le sujet.

En conclusion, je dirai que ce budget est satisfaisant, qu'il permet à l'audiovisuel public de faire face à ses nombreuses et légitimes obligations, et ce d'autant plus s’il est abondé par les excédents de redevance comme le principe de l'affectation l'impose. La commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Médias » et « Avances à 1'audiovisuel public » pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, premier orateur inscrit.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, puisque nous parlons communication, soyons directs : la seule approche financière de votre projet de budget est plutôt satisfaisante, notamment, il faut le souligner, en matière d’aides à la presse. Mais de nombreux sujets qui dépassent le simple examen budgétaire méritent d’être abordés ce soir. Je parlerai de la TNT, de la CII, de la presse écrite, des services publics de l’audiovisuel, de la réforme de la bande FM et de la réforme de la redevance.

Le succès rencontré par la TNT est indéniable. Comme il est dans la nature de l’homme d’accompagner, voire de revendiquer toute réussite, on assiste à une sorte de course-poursuite entre de nombreux membres du Gouvernement, ce qui donne une désagréable sensation de cacophonie.

M. Frédéric Dutoit. Je n’ai rien à ajouter !

M. Pierre-Christophe Baguet. Sur les multiples questions qui restent en suspens, on ne sait donc plus qui croire. À propos du calendrier, des zones non couvertes, des zones frontalières, nous sommes donc impatients de vous entendre, monsieur le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je me suis exprimé sur ce sujet ici même, la semaine dernière !

M. Pierre-Christophe Baguet. Pour être plus précis, si chacun souhaite une accélération du calendrier, comment y aboutir sans générer de déséquilibres entre les différents supports ? Comment l’État va-t-il garantir la neutralité technologique ? De même qu’en matière de garde des enfants, le Gouvernement va-t-il proposer le libre choix, dans les zones frontalières, entre la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL ? La vraie question qui se pose est celle de savoir si le Gouvernement est prêt à payer le prix fort pour garantir la TNT à tous, quel que soit le lieu du domicile, et si le Gouvernement est assuré que cette technologie est bien utilisable sur tout le pays.

Entre garantir l’accès pour tous à la TNT et garantir le service gratuit de dix-huit chaînes sur des supports technologiques différents, la démarche ni le coût ne sont les mêmes. Par exemple, le fonds d’accompagnement spécifique annoncé par le Premier ministre, doté de 15 millions d’euros en 2006, n’apparaît nulle part. Par qui sont versés ces 15 millions d’euros ? Pour qui seront-ils ? À quoi serviront-ils ? Autres questions plus précises : quel sera le calendrier de la TV-HD ? Quand décidera-t-on du calendrier de l’attribution du multiplex R5 ? Quand prendrez-vous les dispositions réglementaires sur le choix de la norme de la télévision mobile ? Quand et comment adapterez-vous les règles sur la concurrence ? Enfin, dernière question, l’entrée en service pour les chaînes payantes des adaptateurs MPEG 4 doit se faire au printemps 2006, et nous nous en félicitons, mais comment envisagez-vous de gérer les frustrations inévitables de ceux qui découvriront l’incompatibilité entre les adaptateurs MPEG 2 qu’ils auront achetés moins d’un an plus tôt ?

Je conclurai sur la TNT en exprimant une revendication qui me semble bien légitime – je viens d’ailleurs de vous écrire sur ce point, monsieur ministre. Il s’agit de l’accès de la chaîne KTO à la TNT. Certes, le choix relève du CSA, mais il faut savoir prendre en compte les aspirations de nos concitoyens, surtout lorsqu’elles sont partagées par le plus grand nombre, au-delà même de tout engagement philosophique ou religieux.

À propos de la CII, je rejoins le rapporteur pour avis sur la nécessité de désigner au plus tôt un patron pour sortir de l’impasse actuelle. Car avant même le lancement de la chaîne, nos collègues de la commission des finances demandent une diminution de ses crédits de 10 millions d’euros. S’il ne saurait être question de thésauriser sur le dos de nos concitoyens-contribuables, il faut, monsieur le ministre, vous engager à réinscrire les crédits nécessaires dans la loi de finances rectificative de l’automne 2006.

Cette chaîne ne doit pas, en effet, voir le jour dans l’incertitude financière. Ce pourquoi il faut faire des choix. De retour de Grande-Bretagne, certains de nos collègues et moi-même avons appris que BBC World vient de décider la fermeture de onze versions linguistiques de sa radio en Europe de l’Est tandis qu’elle ouvrira très prochainement une télévision en langue arabe.

Lançons donc au plus vite cette chaîne en nous appuyant sur le rapport parlementaire, utilisons les synergies nationales déjà existantes, comme nous y invitaient nos collègues François Rochebloine et Christian Kert.

La presse écrite, quant à elle, reste plus que jamais un sujet d’actualité avec la menace qui pèse sur l’avenir de France Soir mais aussi avec l’espoir et la volonté de relance que souhaite porter la nouvelle formule du journal Le Monde. Monsieur le ministre, il est indéniable que vous faites de votre mieux mais, de grâce, après la TNT, j’en appelle, sur ce dossier aussi, à plus de cohérence gouvernementale.

Texte après texte, la presse écrite est attaquée. Je vais vous livrer à ce sujet un petit florilège : le débat sur le secret des sources avec le ministre de la justice ; l’extension à la presse écrite de la taxe sur les publicités des entreprises agroalimentaires, décidée la semaine dernière au détour du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; pas plus tard que vendredi matin, c’est au tour du Sénat qui, dans le cadre de la loi d’orientation agricole, condamne les blisters, alors que La Poste, elle, réclame leur généralisation pour étendre l’utilisation des machines de tri mécanisées ; la menace que fait peser depuis peu sur le portage à domicile la généralisation des clefs électroniques Vigik.

Nous sommes nombreux, et sur tous les bancs, à rester très attachés à la presse écrite, mais à ne plus savoir de quelle manière la défendre face à ces attaques multiples et pour le moins variées. L’imagination de certains n’a semble-t-il pas de limites.

En attendant, il y a au moins trois actions que nous pouvons conduire ensemble.

La première concerne les rapports entre la presse et La Poste, chers à votre directeur de cabinet. La presse respecte ses engagements. La Poste, de son côté, malgré ses efforts, n’est pas encore tout à fait au point. Aussi, monsieur le ministre, faut-il impérativement que l’État reste le garant des accords conclus entre les parties et qu’il participe financièrement aussi longtemps que cela sera nécessaire à leur aboutissement.

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet. La deuxième action concerne les kiosquiers. Sur proposition de notre collègue Patrice Martin-Lalande, nous avons voté un amendement prévoyant un abattement facultatif sur la base imposable à la taxe professionnelle des diffuseurs de presse, qui a été inscrit à l’article 109 de la loi de finances pour 2004.

L’an passé, j’avais proposé de rendre cet abattement obligatoire et compensable par l’État. Cette année, je redépose le même amendement. En effet, le rapport récemment publié sur ce secteur montre que la crise continue. Entre 1995 et 2004, on est passé de 34 700 points de vente à 29 706, soit 5 000 disparitions et une baisse de 14 %. Pire, la chute s’accélère : le solde entre les ouvertures et les fermetures est passé de 144 fermetures en 2002, à 202 en 2003 et à 532 en 2004. En 2004, seuls 84 communes et 21 EPCI à taxe professionnelle unique ont délibéré en faveur du régime des diffuseurs de presse. Cela représente une aide pour 259 d’entre eux, soit 0,8 % du total. À un point si critique, c’est une mesure de salut public qu’il faut engager et j’espère que vous soutiendrez mon amendement.

J’en viens à la troisième action. Il est malheureux de constater le peu de poids que l’on accorde au Parlement, notamment en ce qui concerne les lois de finances. Chaque année, quel que soit le gouvernement, nous voyons des crédits aussitôt votés, aussitôt gelés. Quand le Parlement obtient l’inscription d’un nouvel article, il faudrait au moins que le Gouvernement le respecte !

L’an passé, j’avais obtenu de l’Assemblée le vote, confirmé à l’unanimité par nos collègues sénateurs, d’un amendement qui engageait le Gouvernement à déposer en 2005 sur le bureau de l’Assemblée et du Sénat un rapport faisant état de l’opportunité d’élargir le champ d’application du Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale à d’autres quotidiens. Cet amendement est devenu l’article 123 de la loi de finances pour 2005. La fin de l’année approche et, n’ayant toujours pas connaissance d’un tel rapport, j’ai, suivant le principe de précaution, redéposé des amendements identiques : le premier consiste à étendre l’accès du Fonds à la presse sportive et à la presse et économique ; par le deuxième, qui est un amendement de repli, je demande le dépôt d’un rapport dont l’échéance est fixée cette fois à 2006. J’espère toutefois obtenir une réponse avant la fin de l’année 2005.

Pour conclure sur la question de la presse, je crains que l’on ne finisse par arriver beaucoup plus vite qu’on le pense, malgré nos efforts respectifs, à une presse non plus écrite, mais uniquement électronique. Espérant ne pas connaître ce triste jour, je poursuivrai mon combat sans relâche.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet. La télévision publique se trouve, quant à elle, à un double tournant, avec le changement de direction et la réforme de la redevance, qui lui laisse espérer des moyens supplémentaires.

Saluons d’abord la bonne gestion du président Marc Tessier et de ses collaborateurs et souhaitons bonne chance à Patrick de Carolis et à sa nouvelle équipe. Il faut continuer à tendre vers une télévision publique d’excellence, qui sache divertir, éduquer, informer, mais aussi affronter la concurrence avec sérénité, en s’épargnant une course épuisante à l’audimat, et s’adapter aux évolutions technologiques, le tout dans le cadre d’une gestion optimisée.

C’est à peine si j’ose évoquer de nouveau le déplacement de notre mission parlementaire en Grande-Bretagne et ce que nous avons appris de l’élaboration de la nouvelle charte de la BBC : celle-ci, en contrepartie de très substantielles économies de gestion, négocie avec le gouvernement britannique une augmentation de ses moyens de l’ordre de 25 % en sept ans. Revenons donc en France pour formuler une remarque et un souhait.

La remarque porte sur la situation de Radio France, qui bénéficie de la plus faible augmentation – 2,72 % –, alors que le groupe doit tout à la fois terminer la numérisation de France Musique et de France Culture et faire face aux travaux gigantesques de la Maison de la Radio. Certes, le bonus de redevance permettra au groupe, grâce à des efforts significatifs de gestion, de franchir le cap de 2005, mais qu’en sera-t-il pour 2006, 2007 et 2008 ? Il est probable qu’un soutien supplémentaire sera nécessaire dès la loi de finances rectificative pour 2006.

Quant à mon souhait, il est que le service public continue ses efforts en faveur des sourds et des malentendants, mais aussi en direction des aveugles et des malvoyants. Il faut lui en donner les moyens.

Il est impossible de ne pas évoquer aussi la réforme de la bande FM. Je rappelle que près de la moitié des autorisations de radios privées, soit 1 500 fréquences, vont arriver à expiration entre 2006 et 2008. Pour atteindre la plus grande efficacité, nous avons voté l’article 138 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Cet article autorise le CSA à proroger les autorisations de fréquence pour une durée qui ne peut excéder deux ans, et pas au-delà du 31 décembre 2006. L’échéance s’approchant à grands pas, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est ce dossier qui suscite tant d’espoir pour l’optimisation de la bande FM ? Pour répondre par avance à M. Didier Mathus, je propose que les éditeurs publics, privés, associatifs et indépendants bénéficient dans la même proportion de ces améliorations.

Ma dernière réflexion concerne la réforme de la redevance. Si l’on nous assure de l’optimisation de la collecte, je regrette que l’on n’ait pas assez anticipé les effets pervers de cette réforme. Outre les contribuables qui se sont trompés dans leur déclaration, il y a les victimes de l’insuffisance – voire, semble-t-il, de l’absence – des croisements de fichiers entre les services de la redevance et les services des impôts. Nombreux sont ceux, paraît-il, qui se sont vu demander une redevance au titre de leur résidence principale et une autre au titre de leur résidence secondaire. On aurait pu aussi profiter de la réforme pour faire enfin œuvre de pédagogie en expliquant en détail à nos concitoyens les raisons de la redevance et l’utilisation qu’on en fait.

Monsieur le ministre, votre budget pour 2006 est globalement positif. C’est pourquoi, sous les réserves que j’ai formulées et en espérant que vous apporterez tout à l’heure des réponses à nos questions, le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006, le service public de l’audiovisuel bénéficiera d’un budget en hausse. Cette augmentation se décompose en une part de recettes publiques – accrue de 77 millions, soit une hausse 2,9 %, grâce à la réforme de la perception de la redevance, dont le tarif est par ailleurs maintenu au niveau de 2005 – et une part de recettes propres, notamment de publicité et de parrainage, qui augmente de 32 millions, soit 3,9 %. Je précise que je suis tout à fait favorable au maintien de la redevance, qui garantit le financement du service public audiovisuel.

Cependant, l’augmentation de 1,2 % de la ressource publique attribuée à France Télévisions ne permettra à cette société ni de renforcer la diversité et la qualité des programmes, ni de déployer la TNT sur l’ensemble du territoire, ni d’accroître sa contribution à la création d’œuvres originales.

La TNT obtient bien le succès espéré. Plus de 800 000 adaptateurs ont été vendus en moins d’un an et le million devrait être dépassé en fin d’année. Elle était reçue, à ses débuts, par 35 % des téléspectateurs ; elle l’est désormais par 50 % d’entre eux. Vous vous êtes engagé à atteindre 85 % au printemps 2007 : chiche, monsieur le ministre !

Trois problèmes essentiels demeurent néanmoins : celui des zones non couvertes, celui des zones frontalières et celui du calendrier. Les ministres en charge de l’industrie, de l’aménagement du territoire et des affaires étrangères ne cessant de faire des annonces contradictoires, comme l’a déjà dénoncé M. Baguet, il serait bon que vous confirmiez la position du Gouvernement. De surcroît, il est étonnant de ne pas trouver trace, dans le projet de loi de finances, du fonds d’accompagnement spécifique, qui devait être doté de 15 millions d’euros. Sur quels crédits, dès lors, seront accordés au président du CSA les moyens dont il a estimé avoir besoin pour des études techniques complémentaires ? Je ne fais là que répéter une question déjà posée par M. Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances.

Ce budget ne tenant toujours pas compte du passif, des enjeux, du coût des investissements en matériel et en formation continue des salariés, l’audiovisuel public devra augmenter de 3,8 % ses ressources propres, issues en premier lieu de la publicité. Comment pourra-t-il le faire sans se soumettre davantage au diktat de l’audimat ? S’engagera-t-il toujours plus loin dans la voie de la télé marchande et la télé-spectacle ?

Comme l’a relevé M. Hamelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, la chaîne d’information internationale est toujours en attente d’un arbitrage du Premier ministre après les interrogations formulées par le nouveau président de France Télévisions. J’ai déjà salué ici l’ambition du Président de la République de créer une grande chaîne francophone capable de rivaliser avec la BBC ou CNN et visant à encourager la projection de l’Europe dans le monde, la francophonie et la défense des valeurs universelles héritées des Lumières. Mais, je le redis aujourd’hui avec force, l’alliance public-privé imposée sans concertation, au mépris des critiques unanimes et des observations formulées par la mission parlementaire, est une solution inacceptable. Cette chaîne doit et peut être de service public, comme le propose d’ailleurs le PDG de France Télévisions, M. de Carolis, et elle peut disposer d’un budget public propre d’au moins 100 millions d’euros. Elle doit se doter d’un conseil d’administration où seront représentés les salariés et disposer de moyens humains et matériels propres. Elle doit évidemment jouir d’une totale indépendance éditoriale, produire et diffuser en priorité ses propres images et fidéliser ses correspondants. C’est à ces seules conditions qu’elle sera une vraie chaîne, crédible et indépendante.

La situation économique de l’Agence France-Presse, malgré son dynamisme et le renforcement de ses positions commerciales sur plusieurs marchés, reste fragile. Le contrat d’objectifs et de moyens, qui comporte à la fois un plan d’économies drastiques, un plan social déguisé et la vente par crédit-bail du siège historique de l’AFP, suscite l’inquiétude des personnels, attachés à la qualité de leur production et au rayonnement de la France à l’étranger. La direction utilise toujours la masse salariale comme variable d’ajustement du déséquilibre. Comme il s’agit essentiellement d’une entreprise de main-d’œuvre, la réduction des moyens entraîne inéluctablement la dégradation de ses conditions de fonctionnement et de ses capacités à remplir ses missions définies par la loi.

Monsieur le ministre, les médias sont le plus souvent réduits à dispenser une « information-spectacle ». Visiblement, ils recherchent ce qui est le plus « vendable » en tous domaines, y compris en termes d’informations. Nous nous heurtons là à la contradiction du libéralisme poussé à son paroxysme : d’un côté, les médias ont besoin, pour vivre, du financement privé, de l’autre, la déontologie journalistique devient un lointain souvenir… Pour moi, l’atteinte la plus grave est en effet celle qui est portée à la fonction même de journaliste, à la profession d’informer. « Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres » : maxime indésirable au pays de l’argent roi !

Pour dégager des marges bénéficiaires, on cherche à réduire le coût de fabrication de l’information, on recherche l’émotion et le scoop et on précarise les salariés. Le métier de journaliste est en voie de paupérisation et de précarisation. Quel est donc le rôle de la presse et des médias dans la société d’aujourd’hui ? Informer et forger l’esprit critique des citoyens, ou les inciter à consommer ? Aujourd’hui plus que jamais, une réflexion de fond est nécessaire, et qui ne se limite pas aux médias télévisés : la radio, la presse écrite et Internet sont aussi concernés.

Internet est devenu un outil considérable pour l’exercice de la démocratie. Il ne faudrait pas que nous censurions son accès pour en faire un nouveau domaine totalement privatisé, un nouveau marché généreusement livré aux puissances d’argent. La démocratie et les libertés individuelles passent par une expression pluraliste des opinions : avouons que cela est de moins en moins le cas… Paradoxalement, plus la diversité des sources d’émission est grande, plus la pensée unique devient la règle. La marchandisation de l’information et son corollaire, l’uniformisation, sont des réalités qu’il faut combattre avec force car elles privent le lecteur et l’auditeur de la confrontation des idées, du débat démocratique audacieux et vrai qui lui permet de construire sa citoyenneté et sa liberté de pensée. Les événements récents attestent encore, s’il en était besoin, l’importance de cette question.

En fait, le problème est de savoir qui paie et qui gère. À cet égard, je crois que la pluralité des sources de financement pour le secteur public est préférable et que l’interdiction totale de la publicité est difficilement envisageable. Je veux aussi saluer l’effort significatif consenti en faveur de la presse écrite pour la seconde année consécutive. Il faut néanmoins rester vigilant quant à l’existence même de la presse d’opinion et de réflexion. Ce sont des aides financières publiques qui permettent à la presse écrite de continuer de vivre et qui ont permis de sauver nombre de titres. Ce qu’il faut surtout rejeter, c’est l’idée de journaux d’État : la confiscation des médias par cet État dans certains régimes de l’Est a constitué un crime à l’égard des peuples. Cela ne doit pas nous aveugler, mais au contraire nous permettre de développer une conception neuve et originale de service public des médias pour garantir un égal accès à l’information, à la connaissance et à la culture pour tous les citoyens.

Ce budget devrait avoir pour objectif de promouvoir une offre pluraliste et démocratique, tant la concentration des principaux médias – presse, maisons d’édition, distribution et diffusion, chaînes de télévision, radios – aux mains d’un petit nombre de groupes industriels est dangereuse pour les libertés publiques.

Monsieur le ministre, parce que votre politique n’est pas à la hauteur des enjeux de notre époque, parce qu’elle ne répond pas aux besoins d’indépendance, de créativité, de pluralisme et d’innovation de nos médias, le groupe communiste ne votera pas votre budget.

M. Michel Voisin. Comme c’est étonnant !

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le ministre, à écouter les deux rapporteurs, on mesure le chemin parcouru grâce à vous en matière de politique des médias au cours des trois années écoulées. Plusieurs réformes ont été engagées avec succès, ce qui vous autorise aujourd’hui à n’augmenter le budget consacré à l’audiovisuel public que de 3,1 % par rapport à la loi de finances initiale de 2005, sans mettre en péril le paysage audiovisuel français ni la politique en faveur de la presse. Ce taux pourrait paraître dérisoire et donner raison à M. Dutoit, si la réforme de la redevance, l’application du contrat d’objectifs et de moyens et la stabilisation des aides à la presse n’avaient apporté un véritable équilibre à l’ensemble du paysage audiovisuel et de la presse français.

La réforme de la redevance s’est mieux passée que l’on pouvait le redouter. Notre rapporteur spécial Patrice Martin-Lalande l’a parfaitement résumée en la citant comme « un exemple de modernisation réussie de l’État ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la redevance est devenue plus juste, plus simple, moins coûteuse à recouvrir ; elle garantit à l’audiovisuel public une ressource affectée et les premiers résultats laissent penser qu’ils seront supérieurs aux prévisions. En revanche, il semble que, faute d’une information claire, certains de nos concitoyens n’aient pas compris la nouvelle mécanique et redoutent d’avoir à payer cette redevance deux fois. Un effort de pédagogie s’impose : il n’est jamais trop tard pour se faire bien comprendre.

Vous devrez également consentir un autre effort, en direction du CSA celui-là. Notre Haute autorité de régulation et de contrôle s’est vu, en quelques années, confier des missions toujours plus importantes cependant que ses moyens, en euros constants, diminuaient. Le chantier de la TNT, la gestion des télévisions locales, au développement desquelles nous sommes nombreux ici à être attachés, l’approche d’une période électorale forte avec les difficultés nouvelles que pose le contrôle politique – que le récent référendum sur l’Europe a déjà montrées –, ne vont pas faciliter sa tâche. Nous devons l’aider !

Pour représenter l’Assemblée nationale au conseil d’administration de la holding France Télévisions, je suis attentif à l’évolution de la gestion du groupe. Je souhaite d’ailleurs, comme d’autres intervenants, rendre hommage ici à l’équipe dirigeante sortante, conduite par Marc Tessier, qui avait fait de la remise en ordre de cette gestion une priorité. Il est vrai qu’il fut aidé par la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens. La situation financière du groupe reste toutefois fragile, car elle dépend également de la conjoncture publicitaire qu’il ne maîtrise pas.

Quelles sont les autres problématiques que l’équipe désormais conduite par Patrick de Carolis va devoir résoudre ? La mission conduite par notre excellent collègue Dominique Richard doit l’aider à y réfléchir. On peut d’ores et déjà penser au recentrage de l’audiovisuel public sur ses missions spécifiques – nous approuvons, à cet égard, les objectifs de créativité, notamment culturelle, et d’ouverture à un large public énoncés par le nouveau président de France Télévisions – ; à l’arrêt de la baisse des audiences, qui affecte l’ensemble des chaînes généralistes hertziennes, publiques ou privées, et plus particulièrement France 2 et France 3, au bénéfice des thématiques du câble et du satellite ; à la reconquête du public jeune que la nouvelle donne numérique appelle sur d’autres chaînes ; à la confirmation des premiers succès de la TNT, grâce aux dispositions que nous vous demandons de prendre pour assurer l’équipement de tout le territoire afin que la France ne soit pas divisée en deux parties : celle qui peut accéder à la TNT et celle qui espérera longtemps le faire !

Et puis, il y a l’enjeu de la chaîne internationale, cette Arlésienne dont tout le monde parle et que personne ne voit jamais. Dans son rapport, notre collègue Emmanuel Hamelin reprend assez fidèlement la philosophie de la mission parlementaire, que présidait, avec le sens de la diplomatie qui le caractérise, François Rochebloine,…

M. François Rochebloine. Merci !

M. Christian Kert. …qui s’était donné pour objectif d’ouvrir la voie à cette création. J’intègre volontairement cette réflexion au chapitre de France Télévisions, car j’imagine mal que la gouvernance de cette chaîne puisse échapper au secteur public.

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. Christian Kert. Si la gestion, la programmation, la diffusion et la progression de la chaîne, peuvent se partager, on ne peut en dire autant de la responsabilité. Que France Télévisions soit le « patron » de la chaîne et que TF1 puisse y être associée, voilà la bonne solution, avec l’impératif que la chaîne soit visible sur le réseau domestique. Comment justifier, en effet, que, financée par des fonds publics, elle pourrait être vue par nos compatriotes expatriés mais pas par les contribuables qui la paient ?

L’audiovisuel extérieur de la France pourrait se trouver renforcé par la présence de cette chaîne, qui favorisera une redistribution des rôles, sachant que TV5 et CFI pourront servir d’autant plus efficacement la francophonie partout dans le monde, et plus particulièrement en Afrique où notre savoir faire est tant souhaité, tant espéré. À cet égard, je regrette que le ministère des affaires étrangères – qui est longtemps resté silencieux sur la CII – ne puisse consentir un effort plus significatif en faveur de RFI, véritable voix française à travers le monde et dont nous pensons tous ici qu’elle pourrait servir d’assise à la future chaîne internationale.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait d’accord !

M. Christian Kert. Par ailleurs, Radio France sera cette année le parent pauvre du secteur public puisque sa dotation n’augmente que de 2,7 %. Comme M. Baguet, je souhaite qu’elle ne connaisse pas deux années de vaches maigres consécutives.

À une époque où l’image prend des parts de marché sur l’écrit, comment ne pas nous alarmer de la situation paradoxale de la presse écrite française ? Des titres, prestigieux pour certains, disparaissent ou risquent de disparaître, le lectorat s’amenuise et ne se renouvelle pas, les jeunes – quand ils en lisent – préfèrent les journaux gratuits ou sur Internet. Le paradoxe, c’est que cette presse écrite en difficulté, quotidienne nationale ou régionale, compte parmi les plus aidées d’Europe et que c’est celle qui voit le plus baisser son lectorat. Les formules concurrentes – hors média, journaux gratuits – existent aussi dans les autres pays européens mais y nuisent moins à la presse payante. J’ai lu ce qu’en disent nos rapporteurs ainsi que leurs propositions. Je tiens à dire ici que notre commission des affaires culturelles, consciente de l’importance d’une presse indépendante pour la démocratie, souhaite s’engager résolument dans ce débat. À l’initiative de son président, Jean-Michel Dubernard, elle rassemblera, dès le début de l’année 2006, les acteurs du secteur en vue de faire une « batterie » de propositions auxquelles nous vous demanderons, monsieur le ministre, d’être particulièrement attentif.

Le groupe UMP a pris acte de la réussite des réformes que vous avez engagées depuis trois ans et il votera ce budget sans réserve. Il vous reste à aider à la création de la chaîne internationale, même si, s’agissant d’audiovisuel extérieur, vous n’êtes pas le seul porteur du projet. Dans le « village global » qu’est désormais notre monde, une grande démocratie ne peut pas se permettre de passer à côté du défi de l’image. Nous connaissons tous ici le poids symbolique des images, en temps de guerre comme en temps de paix. À travers le monde, la France est respectée et observée. Comment pourrait-elle être bien comprise en étant absente des écrans du monde ?

À propos de force de l’image, permettez-moi d’ajouter combien les journalistes et les diffuseurs d’images doivent, particulièrement en ce moment, avoir conscience de leurs responsabilités et se montrer prudents quand ils relatent des faits graves impliquant des jeunes. Je sais combien ces questions font débat au sein des rédactions.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Christian Kert. Plus que jamais, en cette fin d’année en France, cette préoccupation doit occuper nos esprits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos deux rapporteurs ont exposé avec brio toutes les raisons qu’ils auraient eues de voter contre ce budget. (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’est une interprétation abusive de nos pensées !

M. Didier Mathus. Ils se sont simplement trompés au moment de la conclusion, en invitant à le voter. Pour ma part, je reviendrai sur quelques-uns de ses éléments.

D’abord, la situation de France Télévisions n’est pas bonne. L’érosion de son audience est importante et préoccupante, si l’on considère qu’un pays comme le nôtre doit avoir un groupe de télévision public puissant qui structure le paysage audiovisuel. Pour respecter les conditions d’une démocratie ordinaire, un tel groupe devrait pouvoir fédérer près de 40 % de l’audience. L’érosion de l’audience de France Télévisions, et principalement de France 2 et de France 3, plusieurs intervenants l’ont souligné, dénote l’affaiblissement des antennes de la télévision publique. En démocratie, un tel constat n’est jamais bon.

Le nouveau président a fait part de ses vœux de renouvellement éditorial. Il me semble que le budget aurait pu venir épauler cet objectif de façon un peu plus volontariste. On demande en effet beaucoup à France Télévisions mais on lui donne peu de moyens. Ainsi, en euros constants, ses crédits n’augmentent que de 1,2 %. Une telle progression n’est pas à la mesure des enjeux que représentent pour l’ensemble des chaînes du groupe France Télévisions la bataille d’audience et la nécessité de satisfaire les téléspectateurs.

On demande de surcroît aux chaînes publiques d’accroître leurs ressources propres de près de 4 %. Les ressources propres, on sait ce que c’est : la publicité. Cette augmentation des objectifs de publicité, qui vient au moment où le Gouvernement a donné son accord pour supprimer la limitation de la publicité sur les chaînes publiques, doit nous inquiéter. Le recours massif à la publicité risque de leur enlever leur spécificité, de les banaliser et de leur faire perdre l’esprit public de la télévision, au point qu’on pourrait envisager la privatisation de l’une ou l’autre des grandes chaînes généralistes de France Télévisions.

S’agissant de la TNT, je regretterai toujours que nous soyons passés à côté – mais peut-être pourrons-nous corriger cela dans le futur ? – de ce qui me paraît impératif pour un service public et une véritable nécessité dans notre société d’aujourd’hui : une chaîne pour l’enfance et la jeunesse sans publicité, ainsi qu’une chaîne d’information en continu, dont je rappelle qu’elle était au cœur du dispositif de développement numérique de France Télévisions prévu par la loi d’août 2000, qui a été interdit purement et simplement par l’actuel gouvernement.

L’augmentation des ressources est donc un effet d’optique pour France Télévisions puisqu’il lui est demandé de recourir massivement à la publicité, ce qui, dans la situation actuelle, est contradictoire avec les objectifs de qualité que souhaite atteindre l’actuel président.

On ne peut non plus – je le dis avec beaucoup de sérénité – faire l’impasse sur l’indépendance de France Télévisions. Outre que l’actuel président du groupe s’est signalé par un livre d’entretiens avec l’épouse du Président de la M. République,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Et alors ?

M. Didier Mathus. …il a choisi comme directeur d’antenne un vieux routier de la droite audiovisuelle et a également pris des collaborateurs immédiats parmi le cabinet du porte-parole du Gouvernement. Tout cela n’est pas innocent ! De même, nous éprouvons un certain malaise à entendre présenter la crise urbaine que nous connaissons actuellement par l’épouse du ministre de la ville. Ce ne sont pas là des choses ordinaires, banales. Nous devons être vigilants, et nous le serons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je note, comme tous les maires, la confusion générée par le nouveau mode de perception de la redevance. Je regrette à ce propos que vous n’ayez pas profité de l’adossement à la taxe d’habitation pour effectuer quelques réformes qui auraient permis d’accroître les moyens de l’audiovisuel public. Premièrement, la non prise en compte des centimes entraîne un arrondi à la baisse qui coûte 22 millions d’euros.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Non !

M. Didier Mathus. Deuxièmement, l’exonération des résidences secondaires ne me semble pas non plus de bonne politique. Nous souhaitons qu’elles puissent être taxées au titre de la redevance car les publics concernés ne sont pas parmi les plus modestes ni les plus en difficulté. Troisièmement, le plafonnement du remboursement des exonérations, qui va à l’encontre de la loi du 1er août 2000, est fixé à 440 millions d’euros pour 2006, ce qui fait perdre 80 millions d’euros à l’audiovisuel public.

Tout cela se solde donc par des manquements, au moment où va être renégocié le contrat d’objectifs et de moyens. Je me permets d’ailleurs de faire observer que le COM qui s’achève est loin d’être conforme aux engagements pris il y a quatre ans par le gouvernement précédent.

Enfin, nos concitoyens s’inquiètent d’une possible double perception de la redevance.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il n’y a pas de raison !

M. Didier Mathus. Toujours est-il que la réponse de M. le ministre du budget a été particulièrement confuse et anxiogène. Un éclaircissement s’impose.

Je déplore l’absence de toute compensation du passage à la TNT pour Arte et France 5, ce qui contribuera à affaiblir la télévision publique.

Je n’aurai pas la cruauté de revenir sur la question de la chaîne internationale, mes collègues en ayant excellemment parlé. Cela relève de la farce…

M. François Rochebloine. Que de temps perdu !

M. Didier Mathus. Le Parlement a fait, il y a quelques années,…

M. François Rochebloine. Trois ans déjà !

M. Didier Mathus. …des propositions qui ont été piétinées par le Gouvernement, alors que nous étions quasiment unanimes.

M. François Rochebloine. Unanimes !

M. Didier Mathus. À force de tergiversations, nous ignorons toujours la position du Gouvernement.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Didier Mathus. Les interrogations qui pèsent sur l’alliance public-privé, France Télévisions-TF1 et toute une série de questions annexes rejaillissent sur l’ensemble de l’audiovisuel et modifie l’approche que l’on peut avoir des médias.

Je ne peux pas ne pas parler de la presse écrite car c’est un sujet très important.

La presse écrite est confrontée à une situation très préoccupante : le lectorat chute pour l’ensemble des titres nationaux et nous assistons à des manœuvres opaques et inquiétantes pour la vente par appartements du groupe Socpresse. M. Dassault a certes le droit de faire ce qu’il veut des journaux qu’il a achetés mais, comme ce sont des journalistes et l’information, et, par suite, la démocratie, qui sont en jeu, on ne peut pas s’en désintéresser. Quand je vois que le pôle Rhône-Alpes a failli être vendu à un fonds de pension anglais, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le sens de tout cela. Dans le même temps, nous assistons à la mort clinique de France Soir et à l’explosion de la presse gratuite. Tout cela montre que la presse quotidienne en France – c’est un phénomène spécifique à notre pays – est en crise.

La presse magazine, quant à elle, se porte bien.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Elle est florissante !

M. Didier Mathus. Mais nous n’avons aucune assurance pour l’avenir, compte tenu de la manière dont fonctionnent les aides à la presse. Paris Turf et L’Humanité sont aidés à peu près de la même manière. Est-ce légitime ? Je ne le crois pas. Une remise à plat de l’ensemble des aides à la presse s’impose car la barque est lourde et, au fil des réformes successives, le système est aujourd’hui illisible.

M. le ministre de la culture et de la communication. Sauf pour les intéressés !

M. Didier Mathus. Je terminerai mon intervention, comme M. Kert, sur le poids des images dans la société d’aujourd’hui.

Je suis maire d’une ville où se déroulent tous les soirs des incidents graves et je suis frappé de voir à quel point nous vivons dans une société télévisuelle, une société des apparences et, parfois, du spectacle. Cela devrait nous conduire à réfléchir sur le rôle des médias.

Dans la presse écrite, s’organisent des sociétés de rédacteurs. Ce mouvement doit être encouragé car il est un élément d’équilibre dans les rapports au sein de cette presse, et il doit s’étendre à la presse télévisée.

Dans une situation comme celle que nous vivons, le poids des images est considérable. Un ministre a ainsi cru que la mise en scène télévisuelle de son action était une fin en soi et, dans le même temps, des jeunes se lancent tous les soirs dans une sorte d’« Intervilles » de la violence.

Tout cela n’est pas anecdotique mais le signe d’une transformation profonde de notre société qui ne peut qu’interpeller les politiques et les responsables de l’audiovisuel public.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de concentrer le court temps dont je dispose à un rapide survol de la situation dans laquelle se trouve le secteur audiovisuel, même si la création et la production sont désormais rattachées à la mission « Culture », ce qui me permettra d’y revenir dans quelques jours.

L’année 2005 aura donc été l’An I de la réforme de la perception de la redevance. C’est un succès indéniable puisque son rendement s’améliore malgré la stagnation du taux et les incompréhensions passagères de contribuables qui n’avaient pas intégré cette réforme.

On peut toutefois s’interroger sur l’évolution de cette ressource au cours des années à venir, d’autant que le fossé se creuse avec les autres télévisions publiques européennes et que Mme Reding a posé la question de l’augmentation des recettes publicitaires à la veille de la réécriture de la directive Télévision sans frontières. Nos voisins, notamment allemands et britanniques, produisent beaucoup plus que nous et le sous-financement des télévisions françaises n’est pas étranger à cet écart.

Parallèlement, je partage l’analyse de M. Martin-Lalande selon laquelle il n’est pas légitime de demander au service public de supporter les exonérations sociales décidées par le Gouvernement. Le remboursement intégral, principe jusqu’ici admis, est écorné pour la deuxième année consécutive.

Toutefois, la garantie de ressource qui avait été acceptée par le Gouvernement et son abondement de 20 millions d’euros, ajoutés aux résultats du plan Synergia remarquablement mené par Marc Tessier, doivent permettre à la nouvelle équipe de France Télévisions d’engager les orientations présentées par Patrick de Carolis devant le CSA.

Profitons donc de cette année particulière pour mener en commun, Gouvernement, service public et Parlement, une réflexion approfondie sur les bouleversements du paysage audiovisuel et ses conséquences. C’est dans cet esprit que travaille actuellement la mission d’information de la commission des affaires culturelles ; c’est dans le même esprit que nous avons redéposé l’amendement visant à soumettre pour avis le projet de contrat d’objectifs et de moyens à la représentation nationale, amendement qui a été adopté à l’unanimité par les deux commissions des affaires culturelles et des finances.

En 2006, nous devrons apporter des réponses, ou définir des orientations, sur quatre dossiers essentiels, dont certains ont déjà été évoqués.

Le premier est la couverture TNT à 100 %. Il s’agit d’une question d’aménagement du territoire et d’équité pour des Français qui paient la même redevance, tout autant que d’une nécessité pour la réussite économique de l’entreprise. Nous avons donc accueilli très favorablement, monsieur le ministre, votre réponse du 26 octobre dernier, lors de la séance des questions au Gouvernement, lorsque vous avez fait état de l’accélération et du bouclage du calendrier de couverture.

La deuxième urgence suit de très près la première : la France doit annoncer rapidement le terme de la diffusion en analogique hertzien. Le fameux switch off permettra de libérer des fréquences, de résoudre bon nombre de problèmes frontaliers, d’accélérer l’arrivée de la télévision haute définition et de développer les nouveaux modes de diffusion.

La troisième urgence concerne l’avènement de la télévision mobile et, avec elle, l’arrivée de nouveaux opérateurs qui ne répondent pas aux mêmes contraintes législatives et réglementaires que les diffuseurs hertziens, que ce soit en termes de concentration verticale ou de production de contenus. Il est urgent que le législateur s’empare de cette question qui prendra une ampleur considérable dans les toutes prochaines années. Il est essentiel que nous organisions au plus vite la confirmation du principe constant de neutralité technologique et que nous ne laissions pas s’installer des distorsions anormales de concurrence. Il y a là également un gisement important pour les industries de programme, et donc pour la créativité et la diversité, qui vous sont chères, monsieur le ministre.

Enfin, dernier dossier essentiel sur lequel je serai bref puisque notre rapporteur pour avis s’en est saisi : le projet de chaîne d’information internationale. Nous avons tous conscience de l’urgence de son lancement, mais je rappelle que ce projet ne pourra connaître le succès qu’à quatre conditions.

Premièrement, sa gouvernance doit être confiée clairement et définitivement à l’opérateur public.

Deuxièmement, la question de la distribution auprès des bouquets satellite et câblo-opérateurs, dont on ne parle pas assez à mes yeux, est déterminante. Ne croyons pas que le monde entier attend avec impatience une nouvelle chaîne française. L’expérience et les réseaux de TV5, de RFI, de l’AFP et de CFI seront également décisifs.

M. le ministre de la culture et de la communication. Eh oui ! C’est pour cela qu’il faut que tout le mode se groupe !

M. Dominique Richard. Troisième condition de succès : la déclinaison rapide en lange vernaculaire est un impératif, tout comme la mise à disposition gracieuse des images aux chaînes locales et nationale afin de démultiplier l’impact.

Enfin, un maximum de Français doivent y avoir accès, et pas seulement les 25 % qui disposent du câble ou du satellite.

Depuis 2003, sur toutes ces questions, le Gouvernement et la représentation nationale se sont beaucoup investis. Je puis témoigner personnellement, monsieur le ministre, de votre constante volonté d’associer le Parlement à votre propre réflexion. Nous y sommes sensibles et vous savez que nous sommes prêts à aller encore plus loin.

M. Mathus ne devrait pas regarder l’audience de France Télévisions avec des lunettes déformantes. On ne peut pas se livrer à une comparaison en termes de pourcentages uniquement alors que le PAF a été entièrement bouleversé : les chaînes thématiques totalisent aujourd’hui plus de 12 % d’audience, contre 5 % il y a trois ans.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Sans parler d’Internet !

M. Dominique Richard. L’audience est certes nécessaire. Elle témoigne de la rencontre d’un large public avec France Télévisions. Mais elle ne doit pas être le seul juge de paix !

Nous partageons la même ambition d’un service public fort, créatif, n’hésitant pas à explorer de nouveaux chemins et imprimant, par là même, une marque de qualité à l’ensemble du paysage audiovisuel français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, dernier orateur inscrit.

M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, il se fait tard. La séance n’est sans doute pas diffusée en direct. Aussi, je serai très bref, concentrant mon propos sur trois sujets : la TNT, les radios associatives et la presse écrite.

Vous vous félicitez du succès de la TNT, et vous avez raison : succès d’estime ; facilité de procédure, d’achat, d’installation, d’utilisation ; qualité supérieure de l’image et du son ; bouquet gratuit de dix-huit chaînes ; enfin, succès de l’offre sur le territoire français. Pourtant, la TNT revient de loin.

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est nous qui avons pris les bonnes décisions !

M. Henri Nayrou. Il est loin le temps, en août 2000, où le gouvernement Jospin, à l’initiative de Mmes Trautmann et Tasca, se lançait dans cette aventure, si ce n’est dans le scepticisme général, du moins avec le souvenir cuisant et onéreux de l’échec de la télévision par câble.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’était un amendement sénatorial, et non gouvernemental !

M. Henri Nayrou. Vous avez de bonnes raisons de vous féliciter aujourd’hui de l’engouement que suscite la TNT chez les Français. Mais nous avons aussi de bonnes raisons de rappeler ici certaines vérités dans l’euphorie du succès.

Comment oublier le travail de sape du lancement de la TNT par le gouvernement de M. Raffarin : non-versement de la dotation en capital de 152 millions d’euros destinée à son lancement ; abandon des nouveaux programmes du service public audiovisuel prévus pour la TNT ; remise en cause des dates du lancement du fait de la requête de TF1, faisant annuler six autorisations de ses concurrents, et remise en cause des ambitions de gratuité, de qualité et de diversification des programmes souhaitées par la gauche ?

En dépit des entraves et des retards qu’elle a subis, la TNT est un succès, avec une offre de dix-huit chaînes gratuites en qualité numérique pour 50 % de la population métropolitaine ; 685 000 foyers connectés étaient recensés fin septembre ; on prévoit 1,7 million de téléspectateurs pour le premier semestre de 2006. Il est envisagé d’accélérer le taux de couverture pour parvenir à 100 % et en finir avec la télévision analogique, grâce à une diffusion par réseau ou par satellite sans abonnement pour les zones non couvertes par les émetteurs TNT – lesquelles représentent 15 % du territoire.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Non ! 15 % de la population, pas du territoire !

M. Henri Nayrou. Mais, attention ! selon un récent sondage SOFRES, les Français ne sont pas prêts à regarder n’importe quoi au seul prétexte de gratuité. La qualité des programmes devra forcément s’améliorer si l’on veut que l’engouement perdure. Le service public audiovisuel ne pourra répondre à ce défi que si l’État – je dis bien : l’État  – lui en donne les moyens financiers.

Or les problèmes s’accumulent en proportion du succès avéré et des attentes que cette réussite fait naître.

S’agissant de la couverture territoriale, le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles a eu beau jeu d’argumenter sur l’objectif des 100 % d’accès à la TNT pour la population, mais encore faut-il savoir comment. Il nous a dit que M. Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire, envisage de financer cette opération, évaluée à 70 millions d’euros, sur ses crédits, mais avec le concours des collectivités territoriales. Cela ne peut pas marcher, et cela ne marchera pas. Les collectivités territoriales, qui sont les nouvelles vaches à lait de la « DD » – la décentralisation-délestage, ce n’est pas moi qui le dis, mais M. Poncelet –, ont encore en mémoire le souvenir de contributions fortement sollicitées pour la résorption des zones blanches concernant la télévision normale et la téléphonie mobile.

Voilà que l’équipement à haut débit s’annonce et que la TNT s’invite dans ce marché de dupes. Cela ne marchera pas, même si la médiatisation d’une telle offre à dix-huit chaînes pousse les citoyens à réclamer la connexion le plus rapidement possible. De là à aller frapper à la porte de l’élu le plus proche, c’est-à-dire celui de la commune ou du département, il n’y a qu’un pas, que les candidats à la TNT ont déjà franchi !

Entre TOS, APA, RMI, RMA, équipement handicap, téléphonie mobile et haut débit, les conseils généraux vont se rebeller d’autant plus durement qu’il s’agit là de décisions et d’une mise en œuvre, qui comme je le disais en préambule, dépendent de l’État.

Je note avec satisfaction que des collègues UMP et UDF ont déjà manifesté leurs craintes. M. Baguet a parlé de « cacophonie gouvernementale » et d’ « annonces non concertées ». Il s’étonne, comme moi, de ne pas trouver trace dans le projet de loi de finances pour 2006 des 15 millions d’euros prévus dans le fonds d’accompagnement spécifique. Et M. Kert a relevé, avec raison, que l’inégalité d’accès que l’on observe actuellement était inacceptable, ce qui nous ramène, en matière de TNT, au point de départ : quand ? pour qui ? combien ? qui paie ? avec quel argent ?

Il y a deux autres problèmes.

Premièrement, l’incompatibilité du dispositif de compression entre le MPEG 2 de la TNT gratuite et le MPEG 4 de celle à péage. Faudra-t-il, monsieur le ministre, que les téléspectateurs achètent deux décodeurs ? Voilà qui rendrait plus complexe la mise en service, que j’ai pourtant qualifiée tout à l’heure de relativement simple.

M. le ministre de la culture et de la communication. Dire la vérité rendrait déjà l’information plus accessible !

M. Henri Nayrou. Deuxièmement, le contenu ou les effets collatéraux du succès de la TNT vont entraîner les chaînes vers une augmentation de la production. Il manquera 120 heures de programme pour les seules chaînes France 5 et Arte. Qui les paiera ?

Je note enfin que l’on est encore loin des ambitions affichées en août 2002. La seule chaîne nouvelle est France 4. Les chaînes parlementaires diffusées sur le bouquet devront permettre de remplir plus souvent cet hémicycle, et il s’agira bien, finalement, d’une opération réussie par le service public.

Les radios associatives jouent un rôle essentiel dans la communication sociale de proximité, et elles contribuent au pluralisme et à la diversité de l’expression radiophonique.

C’est pour cette raison qu’a été créé le Fonds de soutien à l’expression radiophonique, permettant d’attribuer des aides à 600 radios associatives dont les ressources commerciales sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. La taxe parafiscale qui l’alimente est assise sur le chiffre d’affaires des régies publicitaires. Mais le rendement est irrégulier et en deçà des sommes prévues par la loi de finances : 22,43 millions d’euros en 2005 – le montant étant inchangé depuis quatre ans.

Face à ce constat dénoncé par les bénéficiaires du fonds et par de nombreux parlementaires, la loi de finances pour 2005 a instauré un barème plus large pour tenter d’augmenter le rendement du fonds.

Devant les difficultés financières que connaissent ainsi les radios associatives, les membres du groupe socialiste sont intervenus, début 2005, auprès de vous, pour vous faire part de leur inquiétude concernant la diminution en nombre et en niveau des subventions allouées à ces radios. Vous avez répondu que l’intégralité des subventions avait été versées au titre de 2004 et que, cette année, le nouveau barème aboutirait à une progression des recettes de 2,5 millions d’euros, permettant de garantir l’équilibre du fonds pour 2005. Nous examinerons attentivement la réforme annoncée pour 2006.

S’agissant de la presse écrite, qu’observe-t-on ? Une concentration, une prédominance de la haute finance sur les basses œuvres journalistiques, une concurrence galopante des médias de l’instantané ! On ne reviendra plus, bien sûr, à l’époque de Lazareff, mais on peut se demander combien il restera de titres et de groupes.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. À l’étranger, cela se passe beaucoup mieux, bien sûr !

M. Henri Nayrou. Si l’on compare le montant global des aides directes à la presse hors APF pour 2005 – 167,94 millions d’euros – au montant global des mêmes aides pour 2006 – 172 millions d’euros –, on constate une baisse de 4,95 % en euros constants, ce qui contredit vos propos, monsieur le ministre, et ceux tenus par M. Baguet en commission.

L’AFP est l’une des trois premières agences de presse mondiales. Elle connaît depuis plusieurs années des difficultés financières qui n’ont pu être réglées par les plans successifs.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. À la suite de quelles décisions ?

M. Henri Nayrou. Le contrat d’objectifs et de moyens, dit COM, signé en novembre 2003 a proposé un plan d’économies drastiques accompagnant un plan social déguisé et un volet financier s’appuyant sur la vente par crédit-bail du siège historique de l’AFP. Cela a suscité de nombreuses inquiétudes au sein des personnels. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte avec mes anciens confrères journalistes.

En contrepartie des engagements du COM, l’AFP s’est engagée à parvenir à l’équilibre financier à l’horizon 2007. Qu’adviendra-t-il au-delà de cette date de cette grande agence, qui mérite toute l’attention du Gouvernement ?

Je terminerai en soulignant les inquiétudes que suscite, légitimement, la privatisation de La Poste et les conséquences qu’elle peut avoir sur la diffusion de la presse.

En conclusion, le groupe socialiste ne peut pas adhérer à votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le budget que j’ai l’honneur de défendre ce soir, par-delà sa présentation modifiée, traduit une politique, assigne des objectifs et prévoit des moyens répondant aux nombreux défis que traversent les médias. Cette politique exprime une vision du rôle de la culture et de la communication aujourd’hui dans notre pays.

Un rôle déterminant pour son identité, son attractivité et son rayonnement, mais aussi – et je le dis, ce soir, avec une réelle gravité – pour la compréhension et la cohésion de notre société, pour faire prévaloir le dialogue, la citoyenneté, les valeurs de la République sur les fractures, les violences, les incompréhensions, les haines qui la menacent, …

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. …et enfin, au sein de cette société, pour favoriser l’épanouissement personnel de chacun, assurer le respect dû à chacun.

Dans le monde d’aujourd’hui, la responsabilité de l’audiovisuel public et de la presse écrite me paraît donc extraordinairement importante. Les médias de masse ont pour mission de rendre lisibles et accessibles à nos concitoyens les flux croissants d’informations et d’images, qui circulent de plus en plus vite. Dans un monde complexe, où les frontières sont de plus en plus floues entre le virtuel et le réel, l’information et la communication, nous avons de plus en plus besoin des médias, non seulement pour nous montrer et interroger ce monde, mais aussi pour fournir des repères, et nourrir les échanges, les débats, les dialogues qui permettent d’apporter des réponses.

Pour répondre à ces besoins, les professionnels des médias doivent aujourd’hui relever des défis sans précédent. Des défis éthiques, économiques, sociaux, technologiques, humains, à la mesure des attentes et des exigences croissantes à l’égard de l’information. D’autant que les médias font désormais partie de notre cadre de vie : ils accompagnent la vie des Français, du matin au soir, chaque jour, dans leurs moments de loisirs, comme au travail. Ils sont au cœur des violences, des fractures, mais aussi des réussites et des performances.

Vous me permettrez, ce soir, de dédier notre débat à toutes les réflexions qui parcourent aujourd’hui toutes les rédactions de France. Qu’il s’agisse de l’audiovisuel, public ou privé, ou de la presse écrite, quelle que soit sa place dans l’échiquier politique et démocratique, il n’y a pas un journaliste qui ne se pose aujourd’hui la question de sa responsabilité et de la difficile conciliation entre la liberté de l’information et l’exercice de sa responsabilité face à la violence. À cet égard, j’ai trouvé très choquants les propos de Didier Mathus et d’Henri Nayrou, parce qu’il faut savoir reconnaître cette recherche de déontologie de la part des journalistes de notre République. C’est un point d’équilibre très difficile, qui, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, fait cohabiter des objectifs parfois inconciliables.

Dans cette perspective, l’action de l’État est confrontée à de nouvelles ambitions. Celles-ci ont, à mes yeux, une tonalité particulière dans notre pays, compte tenu de la place tout à fait singulière qu’y occupe le service public de l’audiovisuel. Avant que je ne fasse de l’autosatisfaction, de l’eau aura coulé sous les ponts !

Messieurs de l’opposition, si vous êtes des passionnés, comme les députés de la majorité et comme le Gouvernement de l’audiovisuel public, sachez aussi rendre hommage à la qualité et au travail d’un certain nombre d’émissions. J’aurais aimé que, au lieu de vous borner à des critiques, vous parliez de la diffusion, ce soir, des Rois Maudits sur France 2 et que vous nous félicitiez de la relocalisation du tournage en France. Parce que ça, c’est l’audiovisuel public,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. …c’est le fruit des crédits que vous avez votés.

Il faut rendre hommage au travail accompli, à toutes les émissions réalisées aujourd’hui pour donner le goût du respect, le goût du contenu et de la qualité à tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, quelle que soit la couleur de leur peau, quelles que soient les violences qu’ils estiment subir.

Dire cela n’est pas renoncer à l’exercice des responsabilités et des moyens supplémentaires que, les uns à la suite des autres, nous devons savoir trouver.

L’un d’entre vous a parlé du démarrage de la télévision numérique terrestre. Arrêtons de nous entre-déchirer de manière artificielle ! Chaque gouvernement, chaque majorité apporte sa pierre ! Il est grand temps que nous apprenions à manifester vis-à-vis de l’extérieur une forme de fierté nationale, lorsqu’un gouvernement – éclairé par vos interpellations et muni de vos conseils et observations, mesdames et messieurs les députés – sait prendre à temps les décisions techniques et technologiques nécessaires pour simplement faire bénéficier nos compatriotes du progrès.

Conforter l’audiovisuel public dans son périmètre et ses missions demeure pour moi un véritable enjeu, qui demande une mobilisation de tous les instants. Les défis sont multiples : il s’agit d’accroître la spécificité et l’identité des programmes et des missions de l’audiovisuel public. En effet, les programmes de la télévision et de la radio publiques doivent se traduire par une couleur, une tonalité, une identité différentes, par la place particulière donnée à la culture, à l’information et à la création audiovisuelle française. Ils doivent fédérer le public le plus large et donc le plus divers. C’est ce lien solide, spécifique et fidèle avec les Français, qui est le fondement même de la pérennité de la redevance, ressource propre et directement affectée au service public de l’audiovisuel. C’est un objectif fort de ma politique depuis ma prise de fonction.

Je veux aussi, et ce budget en est la traduction, que l’audiovisuel public, tout en renforçant son identité, s’adapte aux mutations provoquées par les nouveaux supports, notamment numériques.

Le démarrage de la télévision numérique de terre, la fameuse TNT, qui est passée du statut de slogan barbare à celui de progrès concret, constaté par nos concitoyens, a conduit, comme vous l’avez relevé, monsieur le rapporteur spécial, à un véritable succès. « Un succès à confirmer » : je m’y emploie et je reprends volontiers votre appréciation à mon compte. Alors, je le sais, il existe des critiques concernant les programmes offerts sur la TNT mais ne l’oublions pas, il y a à peine un an, 70 % de nos concitoyens ne recevaient que cinq chaînes. Gardons ce chiffre en tête, nous qui, habitant le cœur des villes ou bénéficiant de conditions de vie privilégiées par rapport à la majorité de nos concitoyens, oublions trop cette réalité ! Certes, l’offre doit encore progresser mais, de toute façon, le pluralisme est en soi un enrichissement.

C’est donc un progrès formidable auquel le service public participe pleinement. Je souhaite que les étapes suivantes de son déploiement soient menées au plus tôt et que la télévision haute définition et la télévision mobile bénéficient d’un cadre qui permette leur développement. J’y travaille.

Dans cette perspective, comme vous le soulignez, messieurs les rapporteurs, la LOLF peut et doit être un outil efficace. C’est la logique de la LOLF, monsieur le président de la commission des finances, de cette loi fondamentale que nous appliquons cette année pour la première fois, et qui entraîne une présentation nouvelle du budget, structuré en deux missions. Une présentation sans doute perfectible, monsieur le rapporteur spécial, qui nous incitez à « aller jusqu’au bout de la logique de la LOLF », tout en nous accordant votre « satisfecit général » sur la lisibilité de cette présentation que vous qualifiez, pour votre part, monsieur le rapporteur pour avis, d’« éclatée ».

Je souhaite en tout cas, comme vous tous, que la LOLF permette de redonner à l’autorisation budgétaire, qui est au fondement même de la démocratie parlementaire, et à notre débat, pour tous les acteurs du secteur comme pour nos concitoyens, tout son sens. Ai-je besoin de vous redire, aux uns et aux autres, ma disponibilité permanente pour venir dans chacune des commissions concernées, débattre, avec passion en tous les cas, et – je l’espère – toujours en amont d’un certain nombre de décisions ?

Chantier prioritaire de l’audiovisuel public, les contrats d’objectifs et de moyens ont d’ailleurs, dans le domaine des médias, mis en œuvre la LOLF avant la LOLF. De ce point de vue, c’en est assez que l’on considère que le ministère de la culture et de la communication serait en retard sur les réformes, que nous serions de mauvais gestionnaires ! Nous sommes en pointe pour un certain nombre de décisions nécessaires, que le président de la commission des finances a raison de vouloir impulser, et raison parfois aussi de me demander de continuer à prendre. Je le fais volontiers. Il faut reconnaître, en tout cas, que nous sommes prêts pour ces progrès.

Le bilan des contrats souscrits est largement positif. Le secteur des médias a été précurseur, que ce soit pour l’AFP, France Télévisions ou Arte France et, bien sûr, l’Institut national de l’audiovisuel. Je m’en félicite. La négociation des contrats d’objectifs et de moyens, que vous appelez de deuxième génération, doit non seulement fixer des objectifs stratégiques pluriannuels aux entreprises, dans un souci de performance et de résultats, mais donner aussi les moyens d’évaluer précisément leur réalisation.

L’action des pouvoirs publics, dans le domaine des médias vise bien sûr aussi à soutenir la presse face aux défis nombreux qu’elle doit relever pour assurer son avenir. Il s’agit là, j’y reviendrai, d’un enjeu majeur. La presse française doit être forte et rayonnante.

Le projet de budget qui vous est soumis prévoit que les ressources du compte de la redevance augmentent de près de 3 %, 77 millions d’euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. Plus des trois quarts du budget de l’audiovisuel public sont ainsi financés par des ressources publiques. Ce qui signifie aussi qu’il existe d’autres ressources. Ne l’oublions pas, avant de donner des leçons à l’audiovisuel public : ce n’est ni vous, ni moi qui finançons l’intégralité de son budget !

En 2006, la réforme de la redevance audiovisuelle entrera pleinement et définitivement en vigueur. Quand une réforme est réussie, on oublie le courage qui a été nécessaire pour la mener à bien. Nombreux ont été ceux qui criaient : tout, tout de suite, sinon je refuse ! Mais la réforme est appliquée. mesdames et messieurs de la majorité, soyez fiers de l’avoir conçue, exigée et obtenue. Le Gouvernement que je représente est fier de l’avoir réalisée.

Cette nouvelle organisation du recouvrement permet une collecte plus performante d’une taxe plus juste et plus simple. Cette réforme réussie permet à la fois une augmentation de la ressource publique pour les organismes du service public de l’audiovisuel, une stabilisation de la charge fiscale sur les ménages. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement vous propose de maintenir le taux de la redevance audiovisuelle à 116 euros pour la France métropolitaine et à 74 euros pour les départements d’outre-mer.

Cette réforme permet aussi une stabilisation de la contribution du budget de l’État au financement du service public de l’audiovisuel en 2006. Au total, le budget du service public de l’audiovisuel qui vous est soumis augmentera de 109 millions d’euros en 2006, soit 3,1 %.

Je souhaite que l’évolution dynamique du financement du secteur audiovisuel public s’inscrive dans la logique pluriannuelle des contrats d’objectifs et de moyens qui seront conclus et négociés en 2006. Il s’agit là d’une modernisation certaine des rapports entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public, responsabilisant chacun. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut national de l’audiovisuel est sur le point d’être signé et ceux des autres sociétés le seront dès les premiers mois de 2006. Les discussions avec France Télévisions ont d’ores et déjà commencé. Elles sont également en cours avec Radio France.

Ces contrats seront en pleine cohérence avec la logique de la LOLF, que nous avons tous à cœur de mettre en œuvre, dans un souci partagé de transparence et d’efficacité. Outre leur utilité pour le contrôle de la performance, les contrats d’objectifs et de moyens seront les garants de l’identité du service public.

C’est pourquoi je tiens à ce que le budget que je vous demande d’adopter permette de renforcer la qualité et la diversité des programmes, et de financer la modernisation indispensable des sociétés de l’audiovisuel public.

France Télévisions consacrera la majeure partie de ses moyens supplémentaires, soit 53 millions d’euros, résultant de l’augmentation de 3 % de la dotation publique du groupe et des économies réalisées, à l’amélioration de l’offre de programmes. Sachons, là encore, reconnaître les talents : pour que l’audience soit au rendez-vous, il faut imaginer et élaborer des programmes de qualité, tâche extraordinairement difficile ! Ne nous arrogeons donc pas tous les mérites !

Les priorités pour 2006 sont la consolidation des missions de service public de France 2 et France 3, le renforcement de l’attractivité de France 4 et de France 5, dans la perspective d’un élargissement de la couverture de la TNT à 85 % de la population, au printemps 2007, et, au-delà, d’une large accessibilité de ses services sur l’ensemble des moyens de diffusion de la télévision.

Autre priorité, l’affirmation pour RFO de son identité de diffuseur public de proximité, notamment par le développement de la production locale, et le renforcement de la visibilité de l’outre-mer sur les antennes métropolitaines. L’adossement de RFO au groupe France télévisions lui en donne désormais les moyens.

Enfin, il y aussi la participation au développement des nouveaux modes de consommation audiovisuels avec notamment la haute définition et la télévision mobile et un engagement encore accru dans la création, et dans la production audiovisuelle et cinématographique. Ainsi, France Télévisions accroîtra sa contribution à la création d’œuvres françaises originales, son président ayant annoncé son intention d’y consacrer 20 millions d’euros supplémentaires par an pendant cinq ans, soit 100 millions d’euros.

Arte France, qui bénéficiera d’une augmentation de 3,1 % de sa dotation publique par rapport à la loi de finances initiale pour 2005, s’attachera à consolider sa grille de programmes. Elle maintiendra son effort en faveur de la création d’œuvres audiovisuelles innovantes, dans le contexte de l’élargissement de sa diffusion grâce à la TNT.

L’adaptation des programmes aux personnes sourdes et malentendantes constitue également un objectif prioritaire du Gouvernement. France Télévisions et Arte France ont engagé un plan progressif de sous-titrage qui concernera 50 % des programmes dès 2006.

Radio France renforcera sa capacité d’innovation et se rapprochera de tous les auditeurs. Le contrat d’objectifs et de moyens de Radio France est en cours de négociation. Dans l’attente de sa conclusion, Radio France poursuivra en 2006 ses principaux projets, notamment le développement de la diversité et de l’attractivité de ses programmes, grâce à l’ouverture des antennes à de nouveaux talents et à une attention particulière portée aux attentes et aux nouveaux usages des auditeurs.

Radio France voit ainsi ses ressources publiques pour 2006 progresser de 13,12 millions d’euros, soit de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur spécial, le chantier que vous avez qualifié, à juste titre, de «gigantesque » dans votre rapport écrit, engagé par Radio France dès cette année pour mettre en sécurité l’ensemble de la Maison de la Radio, pour y rénover fondamentalement les conditions de travail et accroître son rayonnement. Les travaux de réhabilitation de grande ampleur débuteront dès 2006 et seront l’occasion d’une totale modernisation. La dotation de 7,4 millions d’euros, allouée à Radio France en 2004 et 2005, est renouvelée afin que la société puisse assumer les charges de fonctionnement liées à l’évacuation des parties centrales et au déménagement de France Inter. De surcroît, la dotation de redevance d’équipement affectée au financement des investissements liés aux travaux de sécurisation atteint 5,8 millions d’euros en 2006. Elle permet de financer l’intégralité des coûts d’investissement 2006 associés à ce projet ambitieux.

La sauvegarde et la mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel par l’Institut national de l’audiovisuel constituent un chantier d’ampleur que j’ai souhaité inscrire dans le long terme. Il y va de la mémoire audiovisuelle. La poursuite de l’accélération du « plan de sauvegarde et de numérisation », qui permettra de numériser à l’horizon 2015 l’intégralité des fonds audiovisuels en fonction de leur état de dégradation, est l’une des priorités du budget de l’audiovisuel public pour 2006, justifiant une dotation en progression de 4,1 %, avec une hausse de 3 millions d’euros.

Cet objectif prioritaire constitue l’ossature du contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut, qui détermine précisément les moyens mis à la disposition de l’INA sur la période 2005-2009, afin d’assurer la sauvegarde la plus complète des fonds audiovisuels et radiophoniques menacés. Les autres objectifs prioritaires concernent la mise à disposition du public et l’exploitation commerciale des fonds, ainsi que l’extension, puis la stabilisation, du périmètre du dépôt légal.

Radio France Internationale devra consolider sa place de média de référence. Dans l’attente de la signature du premier contrat d’objectifs et de moyens entre RFI et l’État, ce projet de budget lui permet de poursuivre la numérisation de sa production, engagée depuis 2003. RFI s’attachera également à développer ses sites Internet.

Enfin, les négociations du contrat d’objectifs et de moyens seront, pour RFI, l’occasion de faire aboutir sa réflexion sur ses priorités géographiques, son audience et sa politique des langues étrangères.

Dans cette perspective, la redevance affectée à RFI en 2006 progresse de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005, pour s'établir à 55,86 millions d’euros. La dotation du ministère des affaires étrangères demeure stable à 72,13 millions d’euros, ce qui porte le total des ressources publiques à 128 millions d’euros.

Je souhaite tout particulièrement que le renforcement des moyens de France Télévisions et des autres sociétés de l'audiovisuel public leur permette de favoriser l'emploi des professionnels de l'audiovisuel. Cela implique de poursuivre et d'amplifier le mouvement de relocalisation des tournages en France et d'améliorer les conditions d'emploi des artistes et techniciens du spectacle. Le Gouvernement procède par ailleurs, en concertation avec les partenaires sociaux, à une restructuration du champ conventionnel du spectacle autour de huit conventions collectives.

Enfin, les crédits d'impôt pour l'audiovisuel et le cinéma que vous avez adoptés pour 2004 et 2005 ont permis de créer ou de préserver plus de 3 000 emplois dans le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’est un beau succès.

M. le ministre de la culture et de la communication. La France entre de plain-pied dans la télévision numérique pour tous. Trois quarts des Français ne recevaient jusqu'à présent que six chaînes gratuites. Six mois à peine après son lancement, la TNT permet désormais à un Français sur deux de recevoir seize chaînes gratuites et bientôt dix-huit. Les ventes des adaptateurs numériques se poursuivent à un rythme rapide : 800 000 adaptateurs ont été vendus entre mars et novembre, et le cap du million sera dépassé d'ici à la fin de l'année.

L'arrivée des chaînes payantes donnera une assise supplémentaire à la TNT et contribuera aussi à son succès. L'enjeu est considérable, et il ne vous a pas échappé : la richesse et la diversité des programmes des chaînes de la TNT modifient en profondeur l'offre et la manière de regarder la télévision pour un très large public.

C'est pourquoi la priorité est maintenant de généraliser l'accès à la télévision numérique gratuite pour tous. Et plus les ministres seront rassemblés et unis autour cet objectif, sous l’autorité du Premier ministre, plus le ministre de la culture et de la communication sera heureux ! Ne voyez jamais, dans les propos tenus par les uns ou par les autres, des formes d’expression solitaires, mais tout simplement la volonté d’agir ensemble pour parvenir le plus rapidement possible au meilleur résultat.

Le 16 octobre dernier, à l'occasion de la mise en service de quinze nouveaux émetteurs pour la TNT, le Premier ministre a demandé d'accélérer le déploiement de la TNT pour que 85 % des Français puissent y avoir accès dès le printemps 2007. Il a annoncé une série de mesures permettant de répondre à cet objectif.

Afin de régler les questions spécifiques aux zones frontalières, mon collègue chargé de l'industrie a été chargé d'engager des discussions avec nos voisins sur les fréquences utilisables ; le Gouvernement a décidé la mise en place d'un « fonds d'accompagnement du numérique » doté de 15 millions d'euros en 2006. Ce fonds permettra l'extinction de l'analogique, nécessaire dans les zones frontalières pour lancer la TNT.

Mais il faut encore aller plus loin, pour les 15 % de la population non couverte par la TNT. Vous l’avez tous exprimé, c’est un droit pour chaque Française et chaque Français de recevoir la TNT. C'est pourquoi le Premier ministre a appelé les acteurs de la télévision numérique à se rassembler pour que l'ensemble des Français puissent recevoir les dix-huit chaînes gratuites de la TNT. À terme, et pour l'outre-mer, je demande à France Télévisions d'étudier pour RFO la pertinence d'une diffusion de ce type.

Sur le plan technique, la solution de l'offre de satellite gratuite permet la disponibilité immédiate la plus large des services de télévision numérique. Je souhaite que l'ensemble des chaînes de service public financées par la redevance, c’est-à-dire France 2, France 3, France 4, France 5 et Arte, puissent mettre en place cette diffusion satellitaire au plus tard à l'été 2006.

Le service public, au service de l'ensemble de nos concitoyens, bénéficiera ainsi de ce budget, conforté par la réforme de la redevance, les contrats d'objectifs et de moyens, l'essor de la TNT et des nouveaux services.

C'est particulièrement important, à l'heure où le monde de l'audiovisuel connaît des bouleversements technologiques majeurs, avec notamment l'arrivée de nouveaux acteurs, comme les opérateurs de télécommunications, et la mise en place de nouveaux modes de transmission des signaux. Ces mutations ne doivent pas être subies, mais anticipées, au service du développement de la création et de sa diversité. Sur le plan national et européen, je souhaite que le cadre législatif et réglementaire nous permette de nous adapter et d'organiser les nouveaux services en tenant compte de ces objectifs. C'est dans cet esprit que je vous proposerai de modifier la loi relative à la liberté de communication, afin de l'adapter au développement des modes de télévision du futur, la haute définition et la télévision mobile.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Telles sont les priorités de la politique audiovisuelle publique que traduit ce budget.

Je vous propose également d'adopter, dans le cadre de la mission « médias », un budget offensif et persévérant pour soutenir la presse écrite, pilier vivant de notre démocratie, dans « la continuité de l'effort » soulignée par le rapporteur pour avis. Et à ceux qui dénoncent l’insuffisance des crédits…

M. Frédéric Dutoit. Qui ?

M. le ministre de la culture et de la communication. …je n’aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres de leur budget en 2002 !

C'est cette continuité qui apporte une réponse à la question que vous posez dans votre rapport écrit, monsieur le rapporteur spécial : « Comment aider la presse ? »

Vous parlez de « crise grave ». Je suis prêt à vous suivre, mais en revenant au sens étymologique du mot « crise », celui d'un moment décisif. Je dirai que la presse écrite en France est aujourd'hui à la croisée des chemins. Comme le disait Gramsci,…

M. Frédéric Dutoit. C’est une bonne référence !

M. le ministre de la culture et de la communication. …« la crise naît lorsque l'ancien meurt et que le nouveau n'est pas encore né ». « C’est pourquoi » ajoutait-il, « il faut marier le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté ». Pour ma part, j'ajouterai : « de l'action ». Oui, la presse doit se régénérer pour assurer son avenir et faire face à l'émergence de nouvelles habitudes de consommation, à l'essor toujours accéléré des nouvelles technologies, au développement d'une culture de la gratuité et à l'ensemble des évolutions structurelles qui bousculent les repères anciens. La presse française dispose d'un capital humain précieux : ses journalistes, qui sont les meilleurs garants de son indépendance et de la libre circulation des idées. Parler de situations individuelles, c’est tout simplement faire offense à la capacité de déontologie de chaque journaliste de notre pays.

Je suis, sur l'ensemble de ces sujets, très attaché au rôle régulateur que doit jouer l'État.

L'année dernière, je vous ai convaincus d'adopter pour la presse un budget exceptionnel par son ampleur, en progression – à périmètre constant – de près de 30 % par rapport à l'exercice précédent, tandis que les seules aides directes à la presse faisaient plus que doubler.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication. Vous écrivez dans votre rapport que le projet de budget que je vous présente pour 2006 « stabilise » l'effort sans précédent consenti en 2005. Je dirai qu'il le consolide à la hausse : il atteint en effet un montant total de 280 millions d'euros, soit 2 millions de plus que cette année.

Cette constance dans le soutien à la presse écrite marque la cohérence de l'action du Gouvernement en même temps que notre volonté de préparer efficacement l'avenir. J’essaie de ne pas franchir le seuil des compétences qui ne sont pas les miennes, parce que j’y attache une forte valeur symbolique. Lorsqu’un de mes collègues du Gouvernement a la charge d’une partie de la responsabilité concernant le mode de fonctionnement de la presse écrite ou audiovisuelle, c’est mon honneur que de respecter publiquement sa responsabilité et sa compétence. Ce n’est pas du cafouillage : à chacun son rôle ! Je ne suis ni ministre de l’intérieur ni garde des sceaux, et je n’exerce pas certaines fonctions. À chacun l’exercice de sa propre responsabilité !

Que tout cela puisse créer des problèmes, c’est évident.

M. Pierre-Christophe Baguet. Eh oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. Cela étant, il ne faut pas parler de « cafouillage », mais d’une répartition judicieuse des responsabilités.

Ce projet de budget traduit les trois priorités de notre politique en faveur de la presse dont l'objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus large de la presse écrite ; soutenir la modernisation du secteur ; respecter les engagements de l'État, avec le souci de la plus grande efficacité ; enfin, favoriser le développement à long terme du lectorat, en menant une action spécifique en direction des jeunes lecteurs. L'objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus large de la presse écrite française.

Plus de 60 millions d'euros seront mobilisés en 2006 pour accompagner la modernisation du secteur, afin de soutenir les initiatives dites structurantes ou innovantes.

En outre, 31 millions d'euros seront consacrés à l'accompagnement de la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne, qu'elle soit nationale, régionale ou départementale. Ce dossier a connu d'importantes avancées au cours de l'année, au rythme du dialogue social.

Pour la presse quotidienne nationale, les accords du 30 novembre 2004 ont été complétés, afin de préciser les contours du processus de modernisation sociale. Une fois le cap déterminé, le cadre juridique nécessaire à la mise en œuvre du soutien de l'État a pu être posé. Le décret du 2 septembre 2005 détermine les caractéristiques du dispositif spécifique de cessation d'activité mis en place pour les salariés de la presse parisienne. La convention cadre précisant les conditions d'âge des personnels éligibles, formalisant l'engagement de non-embauche des entreprises et déterminant la clé de répartition du dispositif entre l'État et la branche a été signée le 30 septembre 2005. Les premières conventions entre l'État et chacune des entreprises du secteur seront signées dans les tout prochains jours.

Les choses avancent aussi pour la presse quotidienne en régions. Les négociations entre les syndicats professionnels et les organisations représentatives de salariés devraient aboutir dans les prochains jours et le décret étendant à la presse en régions le dispositif de modernisation sociale est en cours de finalisation et pourra être pris avant la fin de l'année. Une fois cette étape franchie, le dispositif de soutien public, calqué sur le modèle défini pour la presse parisienne, pourra être rapidement mis en œuvre. Le dispositif juridique et financier est mis à la disposition des projets.

L'effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs sera renforcé, afin de prendre en compte notamment les besoins liés à l'informatisation des points de ventes ; les crédits correspondants seront portés à 4 millions d'euros, soit près de 15 % de plus qu'en 2005.

Les crédits du fonds d'aide à la modernisation de la presse, destinés aux projets de modernisation des entreprises augmentent, dans ce projet de budget, de près de 20 %, pour atteindre 23 millions d'euros. La budgétisation du compte d'affectation spéciale, que vous aviez souhaitée, améliore la lisibilité chère à votre commission des finances.

Enfin, de nouvelles mesures, et c'est essentiel, sont destinées à améliorer l'autonomie financière et la capacité d'investir des entreprises de presse, afin de remédier au défaut de fonds propres qui les caractérise.

La création d'un fonds de garantie dédié aux entreprises de presse au sein de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles – l’IFCIC – facilitera leur accès aux prêts bancaires nécessaires au financement de leurs investissements. Il sera mis en œuvre d'ici au 1er janvier 2006.

Tout en mettant l'accent sur des actions innovantes et structurantes, destinées à préparer et à garantir l'avenir de la presse, l'État entend honorer l'ensemble des engagements pris auprès de ses partenaires ou à l'égard de ses objectifs essentiels que sont la défense du pluralisme et le soutien à la diffusion.

Ainsi la dotation prévue pour les abonnements de l'État à l'Agence France-Presse, soit 107,8 millions d'euros, est conforme à la norme de progression de 2 % par an fixée dans le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Agence. Soyons fiers, là aussi, de la performance de cette très grande entreprise internationalement reconnue. Je me rappelle être allé l’année dernière saluer, très tôt le matin, le travail fait par l’AFP et avoir constaté la diffusion mondiale des informations qu’elle élabore, puis transmet.

L'aide au transport postal de la presse d'information politique et générale, dotée de 71,5 millions d'euros, évolue aussi conformément aux engagements pris dans le cadre de l'accord signé le 22 juillet 2004 entre l'État, la presse et La Poste. Je salue le travail de La Poste et les engagements tenus ainsi que le panel de qualité qui va voir le jour.

L'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, créée en 2002, est maintenue. Il est indispensable, pour préserver l'équilibre du système coopératif de distribution de la presse, que les efforts engagés par les Nouvelles messageries de la presse parisienne afin de réduire le surcoût lié à la distribution des quotidiens soient poursuivis. Comme les années précédentes, l'aide publique permettra aux quotidiens bénéficiaires de contribuer à financer la modernisation du circuit de distribution et à réduire le déficit supporté à ce titre par les NMPP. Les bons résultats récemment dégagés par la société de messageries permettent cependant de redimensionner cette aide, qui s'élèvera à 8 millions d'euros en 2006.

L'engagement traditionnel de l'État en faveur du pluralisme est poursuivi et renforcé. Ainsi, l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, qui est au cœur de notre action, verra sa dotation progresser de 7,5 %, pour atteindre un montant total de plus de 7 millions d'euros. Ce souci du pluralisme est l’honneur de la majorité présidentielle.

Les aides à la diffusion sont globalement stabilisées, qu'il s'agisse de l'aide au transport de la presse par la SNCF, de l'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger, de l'aide à la presse hebdomadaire régionale ou encore de l'aide au portage.

Enfin, l'effort spécifique en direction des jeunes lecteurs, amorcé en 2005, sera prolongé et amplifié en 2006.

C’est une priorité stratégique ainsi qu’un enjeu démocratique et éducatif majeur. Des études récentes montrent en effet que les habitudes de lecture s’acquièrent et se fixent avant l’âge de dix-huit ans : les jeunes lecteurs que la presse conquiert aujourd’hui forment le vivier du lectorat de demain.

Une première série de projets innovants a été mise en route, et je m’en félicite, grâce à l’enveloppe de 3,5 millions débloquée cette année pour le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale.

Il est essentiel que ces premières expériences soient menées à leur terme et évaluées avec soin avant d’être éventuellement généralisées par la suite. D’autres actions du même type doivent également être encouragées. Je suis à l’écoute des projets des professionnels, et aussi, bien sûr, des idées des élus dans ce domaine, où l’effort des pouvoirs publics sera renouvelé et amplifié en 2006, avec une enveloppe de 4 millions d’euros, en progression de près de 15 %.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce projet de budget en faveur de la presse est offensif, parce qu’il investit sur l’avenir et la modernisation du secteur, et persévérant, parce que l’État se donne les moyens de garantir la cohérence de son action, de respecter ses engagements, et de maintenir le cap d’une politique dédiée à la défense du pluralisme, de l’ouverture, de la diversité si essentielle à notre vie démocratique.

Je veux terminer cette présentation du budget 2006 pour la communication par la chaîne d’information internationale. Celle-ci sera dotée de 65 millions d’euros pour 2006.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Si le Parlement l’accepte !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je l’ai répété à maintes reprises : il s’agit là d’une nécessité stratégique. À vous avoir entendu sur le sujet, je ne doute pas un seul instant que vous donnerez votre accord à l’inscription de ces crédits.

M. François Rochebloine. Ne seront-ils pas réduits ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il y va de notre vision du monde et de l’influence de nos idées. C’est la raison pour laquelle cette chaîne devra être très vite diffusée en anglais, en arabe, puis en espagnol. Dans le monde actuel, qui pourrait contester la nécessité d’un tel choix ?

M. François Rochebloine. Créons déjà la chaîne, nous verrons ensuite !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est d’ailleurs cette dimension d’expression en langues étrangères qui la différencie de TV5, laquelle remplit une mission remarquable de défense du français et de la francophonie.

La CII étant financée par l’argent public, il est légitime, comme beaucoup d’entre vous ainsi que le président de France Télévisions l’ont souligné, qu’elle soit diffusée en France et qu’elle participe à ce titre au pluralisme de l’information.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très bien !

M. François Rochebloine. Nous progressons !

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour un tel enjeu, national et international, il fallait rassembler les talents, les expériences et les énergies, et donc unir des sociétés dont le rôle est fondamental en matière d’information. Je vous confirme donc que les dernières questions juridiques sur lesquelles achoppe la constitution de la société réunissant à parité France Télévisions et TF1 seront réglées le plus rapidement possible,…

M. François Rochebloine. À parité ? Trois ans pour en arriver là ?

M. le ministre de la culture et de la communication. …afin que le contrat de subvention entre l’État et la chaîne puisse être signé. D’ultimes accords demeurent à trouver – j’y travaille quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n’y a aucun atermoiement, aucune faille dans la volonté du Président de la République et du Premier ministre sur cet objectif stratégique majeur. La chaîne d’information internationale pourra donc démarrer avant la fin de 2006.

En voyage à Atlanta vendredi et samedi, et ayant eu l’extraordinaire chance de visiter la salle de rédaction de CNN, je peux mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir. C’est pourquoi la future chaîne internationale a vocation à rassembler de nouveaux talents, prêts à faire preuve de cohésion et à relever des défis.

Cette chaîne n’est pas une mosaïque : c’est une société indépendante dotée d’une rédaction autonome. France Télévisions y jouera nécessairement un rôle moteur, de même que prendront leur part les autres entreprises concourant au rayonnement audiovisuel de la France que sont notamment RFI et l’AFP, par des conventions de partenariats ou d’association.

M. Pierre-Christophe Baguet. Alors pourquoi ne pas choisir un financement 100 % public ?

M. Frédéric Dutoit. Quelle est l’utilité de TF1 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour garantir une présence universelle de la chaîne, il convient en effet de prendre appui sur les institutions et les entreprises implantées partout dans le monde.

Ce projet, qui constitue un enjeu essentiel pour le rayonnement de la France et de ses idées, est aussi – et cela fait sa force – un projet de rassemblement impliquant une grande chaîne du secteur privé (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui assume une large part de la diffusion d’informations, qu’il s’agisse de l’actualité intérieure ou internationale. Le rassemblement est mon objectif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les gens qui travailleront dans cette grande chaîne ne se préoccuperont pas du lieu d’où ils viennent, mais de leur but commun.

M. Didier Mathus. Qui paye ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Cette mission est urgente, et c’est pourquoi, je le répète, la chaîne sera opérationnelle au cours de l’année 2006.

Je donne mon accord pour le regroupement des participations de France Télévisions dans l’audiovisuel extérieur au sein d’une holding. Cette rationalisation de l’audiovisuel extérieur était réclamée à juste titre, et, à cet égard, je veux rassurer pleinement Emmanuel Hamelin, qui a beaucoup contribué à la réflexion sur ce sujet.

Enfin, cette chaîne – est-il besoin de le rappeler ? – est un élément clé de la diversité culturelle. Or l’ensemble de notre action sur le plan international va dans ce sens, avec l’adoption, le 20 octobre, de la convention sur la diversité culturelle par la conférence générale de l’Unesco, et l’échange fructueux que nous avons avec la Commission européenne à propos de la révision de la directive télévision sans frontières. Ce sont des acquis essentiels pour l’avenir.

Tels sont les éléments que je voulais porter à votre connaissance. Si je n’ai pas donné une réponse à toutes vos questions, je le ferai par écrit à celles que j’ai omises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. François Rochebloine, pour deux minutes.

M. François Rochebloine. Je vous propose, monsieur le ministre, de poursuivre la discussion sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, de même qu’à beaucoup de mes collègues : la chaîne française d’information internationale, dotée par le projet de loi de finances d’un crédit de 65 millions d’Euros – espérons que les trois amendements proposant d’en réduire le montant seront rejetés.

Je m’étonne tout d’abord de la méthode choisie par le Gouvernement. L’an dernier, en effet, il avait fait voter par le Sénat, dans le collectif budgétaire, un crédit de 30 millions d’euros destiné à financer la future chaîne. Faute d’une décision sur le montage du nouvel opérateur, ils n’ont pas été dépensés. Je redoute donc que les crédits inscrits au titre du nouveau programme « CFII » ne soient tout aussi virtuels. N’est-il d’ailleurs pas curieux de demander au Parlement de voter un budget de 65 millions d’euros alors que le Gouvernement n’a toujours pas rendu son arbitrage sur le montage de la future chaîne ? Vous venez de nous donner des précisions sur ce point, mais je permets de vous reposer la question : la chaîne sera-t-elle 100 % publique, ainsi que le souhaite le PDG de France Télévisions, Patrick de Carolis ? Sera-t-elle mi-publique, mi-privée, ainsi qu’il avait été annoncé, avec une association paritaire entre TF1 et France Télévisions ? Ou sera-t-elle majoritairement publique, avec une part substantielle de son capital attribué à TF1 – on a parlé de 51 % pour l’une et de 49 %  pour l’autre ? Il semblerait, selon vos propos, que nous soyons revenus à la formule 50-50…

Je souhaite par ailleurs faire part de mon étonnement devant le découpage budgétaire retenu pour le financement de ce nouvel opérateur de l’audiovisuel extérieur. La mission « Médias » comporte en effet deux programmes, l’un consacré aux aides à la presse et à l’abonnement de l’État à l’AFP, le second au financement de la CII. Vous me permettrez de douter, monsieur le ministre, de la cohérence d’une telle mission. On ne voit pas très bien pour quelle raison le nouvel opérateur audiovisuel serait le seul à être rattaché aux services du Premier ministre. Ce lien est d’autant plus malheureux qu’il jette un doute sur l’indépendance de la future chaîne.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oh !

M. François Rochebloine. Il risque de donner des arguments aux commentateurs étrangers, qui estiment d’ores et déjà que la France souhaite se doter d’une chaîne chargée de porter à l’étranger la bonne parole gouvernementale. Le regard français sur l’actualité internationale, que nous appelons tous de nos vœux, risque ainsi d’être perçu comme étant en réalité le retour de la « voix de la France », ce qui serait particulièrement malheureux.

Par ailleurs, cette imputation budgétaire nuit à la cohérence de l’action audiovisuelle extérieure. Je vous rappelle que la Cour des comptes s’est déjà exprimée sur ce point dans son rapport public de 2002. Elle regrettait la dérive des coûts et l’absence de pilotage stratégique d’ensemble de l’audiovisuel extérieur, écartelé entre diverses tutelles, divers opérateurs et différents modes de financement.

M. le président. Monsieur Rochebloine, veuillez poser votre question.

M. François Rochebloine. J’en termine, monsieur le président.

Force est de constater que le choix de financer la CII par le biais de la mission « Médias », qui dépend du Premier ministre, aggrave la situation dénoncée par la Cour. Désormais, l’audiovisuel extérieur est financé par quatre sources différentes, la mission « Médias » pour la CII, la mission « Action extérieure de l’État » pour TV5 et RFI, …

M. le président. Monsieur Rochebloine…

M. François Rochebloine. …la mission « Aide publique au développement » pour CFI et la redevance en financement complémentaire de RFI.

M. le président. Monsieur Rochebloine, il ne suffit pas de dire que vous allez terminer : il faut le faire.

M. François Rochebloine. Je vais le faire, monsieur le président, mais depuis trois ans que nous attendons cette chaîne, nous en sommes toujours au même point : cela mérite bien une minute supplémentaire !

J’en viens à ma question.

La LOLF devrait permettre de clarifier les politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics. Force est de constater qu’elle n’a pas permis d’améliorer la lisibilité de leur action en la matière. Monsieur le ministre, ne serait-il pas temps de donner suite aux observations de la Cour des comptes ? Dans ce but, la création d’un programme intitulé « Audiovisuel extérieur » au sein de la mission « Action extérieure de l’État » ne semble-t-elle pas s’imposer ? Enfin, ne faudrait-il pas saisir l’occasion que constitue la création de la CII pour rationaliser notre action audiovisuelle extérieure en mutualisant des moyens actuellement dispersés dans l’ensemble du secteur audiovisuel public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Didier Mathus. Excellente question !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Un peu trop longue !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, le fait d’être rattaché au budget des services du Premier ministre ne menace en aucune manière l’indépendance de la chaîne. Il me semble par exemple avoir entendu certains d’entre vous défendre à juste titre le travail remarquable accompli par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et réclamer avec passion les moyens nécessaires à son action.

M. Didier Mathus. Ce n’est pas étonnant : tous ses membres sont issus de l’UMP !

M. le ministre de la culture et de la communication. Or le budget du CSA est rattaché à celui des services du Premier ministre, et en aucune manière son indépendance n’est menacée.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’est vrai.

M. le ministre de la culture et de la communication. D’une certaine manière, d’ailleurs, la question se retourne contre vous-même. Si nous cherchons le plus large rassemblement de toutes les rédactions, du secteur public comme du secteur privé, c’est que nous sommes parfaitement conscients de l’image d’indépendance, de rassemblement, de pluralisme que cette chaîne d’information internationale doit acquérir dès sa constitution. À cet égard, le choix des personnes sera symbolique. Il faudra vérifier leur capacité à assurer la diffusion dans de nombreux pays de monde, et donc leur talent de négociation. Nous ne sommes en effet pas vraiment attendus dans ce secteur, même si j’ai été heureux que le président de CNN me dise voir d’un très bon œil cet élément,…

M. François Rochebloine. C’est un homme poli !

M. le ministre de la culture et de la communication. …non de concurrence, car nous ne saurions y prétendre dans un premier temps, mais de pluralisme. Ce sont les journalistes, et le directeur ou la directrice de la rédaction, qui seront les garants, vis-à-vis de l’extérieur, de cette nécessaire indépendance. Une grande responsabilité pèsera sur leurs épaules.

Comme vous, je serai particulièrement attentif à ce que les moyens soient disponibles. Pensez-vous un seul instant que le Premier ministre, compte tenu de la passion dont il fait preuve pour défendre les intérêts de la France sur la scène internationale, puisse oublier cette responsabilité particulière de la chaîne d’information internationale ?

M. François Rochebloine. Je n’ai jamais dit cela !

M. le ministre de la culture et de la communication. Pensez-vous un seul instant que le Président de la République, l’auteur direct de la réussite de la convention sur la diversité culturelle à l’UNESCO, puisse oublier l’importance stratégique de la diffusion en langues étrangères ? Je ne nie pas les difficultés – ce serait grotesque – qu’il y a régler les ententes et les synergies. Il faut éviter d’entrer dans une spirale de difficultés, mais, au contraire, appeler à une mobilisation pour relever le défi que constitue la création de la chaîne française d’information internationale. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour régler les dernières questions en suspens. Elles peuvent paraître mineures à certains, mais sont essentielles pour d’autres.

M. François Rochebloine. Quel désaveu pour M. de Carolis !

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour deux minutes.

M. Frédéric Dutoit. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'utilité des radios associatives. Elles sont pourtant maintenues dans un état de précarité financière qui rend leur travail extrêmement difficile. Une centaine d'entre elles pourraient être amenées à licencier une partie de leur personnel si leur situation ne s'améliore pas rapidement.

En premier lieu, le temps d'examen des dossiers des radios au FSER s'est considérablement allongé et nombreuses sont celles qui ne toucheront pas leur subvention 2005 avant la fin du premier trimestre 2006, ce qui est catastrophique pour la plupart des associations. Est-il possible de mettre à la disposition de la commission chargée de répartir le Fonds de soutien à l'expression radiophonique le personnel nécessaire au traitement des dossiers dans un délai raisonnable ?

En second lieu, le Fonds de soutien est financé par une taxe assise sur les sommes payées par les annonceurs pour la diffusion, par voie de radiodiffusion ou de télévision, de leurs messages publicitaires. La taxe augmente en raison des ressources publicitaires, jusqu'à un certain plafond, au-delà duquel elle reste stable. Si on déplafonne la taxe, sa rentabilité permettra d'augmenter significativement les dotations aux radios, ce qui aidera la plupart d'entre elles à retrouver l'équilibre de leur budget. Cette mesure serait d'autant plus intéressante qu'elle est indolore pour le budget de l'État. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, lors du vote du projet de loi de finances rectificative pour 2004, les parlementaires et le Gouvernement ont souhaité réformer la taxe assise sur le chiffre d’affaires des régies publicitaires des radios et télévisions qui alimentent le FSER afin d’augmenter son rendement. Le nouveau barème, entré en vigueur le 1er janvier dernier, devrait conduire à une augmentation des recettes.

Par ailleurs, il m’est apparu indispensable de réviser les règles de fonctionnement de ce fonds, afin de rendre le système plus simple, plus efficace et plus équitable. Une réflexion est en cours, qui devrait déboucher sur une réforme applicable à partir de 2006. Nous avons ainsi procédé par étapes et avons dû trouver les moyens de disposer de recettes supplémentaires, ce qui a permis de répondre favorablement aux sollicitations particulièrement nombreuses.

M. Pierre-Christophe Baguet. Il y a eu un amendement UDF !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il conviendra, en conséquence, de redéfinir un certain nombre de règles dans le courant de l’année 2006.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour poser sa seconde question.

M. Frédéric Dutoit. Ma seconde question concerne les chaînes de télévision associatives qui ne peuvent exister que depuis la promulgation de la loi Trautmann le 1er août 2000.

Les télévisions associatives ont maintenant le droit d'exister aux niveaux local, régional et national et d'être diffusées par le câble, le satellite, en ADSL sur Internet et par voie hertzienne, en mode analogique comme en numérique.

Cela constitue incontestablement une avancée significative de la démocratie participative et de la liberté d'expression, dans la mesure où les télévisions associatives ont vocation à se faire l'écho des préoccupations citoyennes de terrain et à donner accès à la télévision à de larges couches de la population qui en sont actuellement exclues, les jeunes des quartiers et des cités, par exemple. Ce dernier point serait, aujourd’hui, intéressant à développer.

Or nous constatons que le Conseil supérieur de l'audiovisuel – le CSA – a jusqu'à ce jour refusé toute autorisation permanente de diffusion hertzienne analogique ou numérique à des chaînes associatives pourtant légitimement candidates à de telles autorisations, notamment à Marseille.

Le principal motif invoqué par le CSA est en général l'absence d'un fonds de soutien aux télévisions associatives, qui, seul, pourrait rendre économiquement viables ces chaînes non commerciales et à but non lucratif, tout en préservant leur nécessaire indépendance, comme c'est le cas pour les radios associatives. Autrement dit, les télévisions associatives ont le droit d'exister, mais, comme aucune mesure d'accompagnement n'a été prise, elles n’en ont pas les moyens.

Alors que les appels à candidatures du CSA pour la TNT locale approchent, cette situation est extrêmement préoccupante. En effet, si rien n'est fait très rapidement pour y remédier, il n'y aura pas de télévisions locales associatives en France, c’est-à-dire qu'il n'y aura pas de chaînes indépendantes, participatives et non marchandes, diffusant les innombrables programmes audiovisuels issus du vaste monde des associations, des ONG, de l'éducation populaire et des vidéastes et cinéastes amateurs ou ignorés par les grosses chaînes. Ce serait, vous en conviendrez, monsieur le ministre, tout à fait intolérable.

Ma question est donc la suivante : quand et comment allez-vous demander la création d’un fonds de soutien aux télévisions associatives, afin que le souhait du Parlement d’une démocratie audiovisuelle ne reste pas lettre morte ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, parlez-vous de télévision locale ou de télévision associative ?

M. Frédéric Dutoit. Je parle de télévision associative.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n’est évidemment pas exactement la même chose.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. le ministre de la culture et de la communication. Soyons réalistes, nous ne sommes pas là pour raconter n’importe quoi à celles et ceux qui liront nos débats. Les lois récentes, votées en 2003 et 2004 par l’Assemblée nationale et par le Sénat, suite, c’est vrai, aux initiatives prises en son temps par Mme Trautmann, prévoient de nouvelles dispositions, des mesures spécifiques sur l’allégement des contraintes et des mesures fiscales pour le développement des télévisions locales.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, tout comme le Gouvernement, souhaite que la TNT permette une offre de télévision de proximité.

La question va ensuite se poser de savoir qui on soutient et avec quels moyens financiers ? Il existe aujourd’hui des expériences très réussies de télévisions associatives diffusées par Internet. Ce peut être une étape, si leur audience est suffisante, vers la diffusion par la TNT.

Pour l’heure, le Gouvernement ne vous propose pas de créer un fonds spécifique parce que nous ne sommes pas certains, pour être francs, que ce soit la mesure la plus appropriée. La loi du marché s’applique aux télévisions non associatives. Des télévisions locales de proximité fonctionnent d’ailleurs remarquablement bien. La question du financement public pourrait alors poser un certain nombre de difficultés.

Je souhaite que la TNT permette une télévision de proximité. Ce service est attendu par nos concitoyens. Toutefois, il n’y a pas que la TNT. De nombreux supports de communication permettent aujourd’hui de bénéficier de services audiovisuels élargis. Une typologie très précise devra être précisée.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

MÉDIAS

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Médias » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 102.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Sous réserve d’une affirmation – qui n’est pas encore tout à fait claire à mes yeux – du Gouvernement sur ce point, il est peu probable que la CII puisse commencer à émettre dès janvier prochain.

M. François Rochebloine. Il ne faut pas rêver ! Ce n’est pas Noël !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je n’ai jamais dit cela !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Vous avez, en effet, évoqué la fin de l’année 2006. C’est pourquoi je pense pouvoir affirmer qu’il est peu probable que le démarrage ait lieu le 1er janvier.

Sont inscrits sur la mission « médias » 65 millions d’euros pour financer la chaîne d’information internationale. Faut-il considérer qu’en année pleine, le montant des crédits nécessaires sera considérablement plus élevé ? La commission des finances s’est donc interrogée sur la nécessité d’inscrire un tel montant de crédits en loi de finances initiale. Nous savons, en effet, d’expérience que les 30 millions inscrits n’ont pas été consommés. Pour cette première année d’application de la LOLF, nous partageons tous l’objectif de n’inscrire dans le document budgétaire que les crédits dont nous sommes sûrs qu’ils seront utilisés en 2006.

L’amendement n° 102, adopté en commission des finances, tend simplement à ce que, seuls, figurent dans la loi de finances les crédits exacts dont nous aurons besoin. Or nous ne connaissons aujourd’hui ni la date de démarrage ni le volume de crédits nécessaires en année pleine. Il ne s’agit en aucun cas, comme certains auraient pu le penser, de remettre en cause le projet CII, mais de le calibrer à bonne hauteur. Nous vous proposons donc de réduire de 10 millions d’euros les crédits inscrits au projet de loi de finances initial pour la chaîne d’information internationale. Cette mesure pourra faire l’objet d’une rectification ultérieure en cours d’année. Dois-je, à ce titre, rappeler les 20 millions d’euros que vous avez, monsieur le ministre, ce dont je vous félicite, obtenus du Premier ministre précédent pour compléter les dotations de l’audiovisuel public ? Nous pourrions procéder à une telle opération, donc à la montée en puissance rapide de la consommation des crédits, pour favoriser le démarrage de la CII au cours de l’année 2006. Nous avons tous, les uns et les autres, en tête que la réduction du déficit de notre pays est un objectif suffisamment grave pour que ne soient pas inscrits dans ce projet de budget 10 millions d’euros inutiles.

Tel est le sens de l’amendement proposé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. L’inspiration de cet amendement est tout à fait légitime, puisque nous essayons tous de réaliser des économies sur le budget de l’État.

L’année dernière, nous avions provisionné 30 millions d’euros imputables au lancement de cette chaîne d’information. Il est proposé, pour 2006, 65 millions d’euros pour la réalisation et la mise en place de la chaîne dans le courant de l’année. Même si son démarrage est tardif, les coûts fixes seront, malgré tout, là, que ce soient les coûts de personnels, de négociations, de diffusion… Ils ne seront pas divisés par deux dès lors que le lancement de cette chaîne aura lieu en juin.

Ainsi, 30 millions d’euros ont été provisionnés en 2005 et 65 millions d’euros en 2006, soit un total de 95 millions d’euros. Nous nous interrogeons donc légitimement sur la date du démarrage de la CII. Si cette chaîne d’information internationale n’est pas juridiquement constituée avant le 31 décembre, les 30 millions d’euros provisionnés ne seront pas reportés. De 95 millions, on passera donc à 65 millions.

M. Pierre-Christophe Baguet. Eh oui !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Si on enlève, de plus, 10 millions, on tombera à 55 millions. Cet écart extrêmement important ne me semble pas judicieux, compte tenu de l’importance de cette chaîne et de l’enjeu qu’elle représente.

La commission des affaires culturelles, après en avoir débattu, s’est donc unanimement opposée à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je crois avoir été clair sur le calendrier. La société sera constituée avant la fin de l’année 2005 et elle sera opérationnelle avant la fin de l’année 2006. Des investissements initiaux sont à réaliser et nous devrons faire face à des dépenses de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle ces deux chiffres s’additionnent. Il m’est toutefois impossible de vous dire si le budget de fonctionnement, actuellement demandé par le Gouvernement pour 2006 – 65 millions d’euros –, sera suffisant ou s’il ne faudra pas progressivement l’augmenter en fonction des langues étrangères et des zones de diffusion. Ce n’est pas de l’affichage, c’est du réalisme.

Au moment où, sur tous les bancs de l’hémicycle, a surgi la même passion face à l’émergence de cette chaîne d’information internationale, je vous demande d’être confiants en ce projet qui doit rassembler l’ensemble de la démocratie française que vous représentez ici.

Je fais partie des ministres pour lesquels la LOLF ne représentera pas un progrès considérable car je suis souvent en état de surchauffe et je n’ai pas de marge de manœuvre pour opérer un redéploiement d’une ligne vers une autre. Le budget que je vous demande d’accepter est sincère. Je suis donc défavorable à cet amendement, et je vous demande de le retirer ou, en tout cas, de ne pas l’adopter.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Si je comprends bien, on a la certitude que la société sera créée avant le 31 décembre 2005 et pourra bénéficier des 30 millions d’euros inscrits en 2005, auxquels s’ajouteront les 65 millions inscrits dans la loi de finances pour 2006. Cela fera donc 95 millions pour un début dont on ne connaît pas précisément la date.

J’avoue que je suis assez sensible à l’amendement présenté par M. Martin-Lalande, M. Méhaignerie et M. Carrez, car il faut tout de même raison garder. On ne peut pas passer notre temps à thésauriser sur le dos de nos compatriotes.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n’est pas de la thésaurisation !

M. Pierre-Christophe Baguet. Si. Pour constituer 95 millions d’euros pour une chaîne internationale qui n’a pas encore vu le jour, on prélève des impôts sur nos concitoyens. Il y a un moment où il faut être un peu raisonnable.

Il y a peut-être une solution plus simple, monsieur le ministre, et vous ne m’avez pas répondu sur ce point, c’est de prendre l’engagement d’abonder les crédits nécessaires à cette chaîne d’information internationale dans la loi de finances rectificative de 2006. Avec les 30 millions dont on dispose aujourd’hui, plus 65 millions moins 10, soit 55, on aurait 85 millions pour démarrer. Si la chaîne voit le jour en mars, en avril ou en mai, on aura largement le temps d’abonder les crédits à l’automne. Cela me paraît être une position intermédiaire raisonnable.

Dans les deux amendements suivants, monsieur le rapporteur spécial, vous nous demandez de prélever encore 8,5 millions sur la chaîne d’information internationale, puis 1,5 million. Les défendez-vous au nom de la commission des finances ou à titre personnel et faut-il les additionner ? Dans ce cas-là, le vote du groupe UDF ne sera pas le même.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Avouez que, pour un député de l’opposition, ce débat est succulent. Il démontre d’ailleurs à quel point le débat parlementaire est utile puisque nous avons aujourd’hui des informations sur l’avenir de la chaîne internationale. Cela fait longtemps que l’on attendait une décision « définitive ». Vous venez de nous annoncer, monsieur le ministre, que, d’ici à la fin de 2005, la société nouvelle serait créée et pourrait bénéficier des 30 millions déjà inscrits.

J’avoue avoir été surpris par l’amendement de M. Martin-Lalande car j’y voyais un pessimisme très poussé quant à la volonté politique du Gouvernement et donc du Président de la République de réaliser cette chaîne parlementaire, mais votre position, monsieur le ministre, sur le statut de la chaîne crée une nouvelle difficulté puisque nous retombons au point de départ des propositions du rapport Brochant. Je ne vois pas en quoi il est légitime qu’un financement public bénéficie à part égale à une entreprise totalement privée. J’ai bien entendu votre argumentation sur l’indépendance de cette future chaîne, mais service public ne veut pas forcément dire censure ou maîtrise par l’État. Un service public peut très bien être totalement indépendant du pouvoir politique. Nous avons suffisamment de hautes autorités indépendantes pour nous garantir que le service public ne dépend pas forcément directement du chef de l’État ou du Gouvernement. Bref, l’introduction de TF1 dans cette chaîne internationale n’a aucune légitimité, ni du point de vue économique ni du point de vue du service public qui sera rendu et pour lequel nous voulons tous agir.

Les 10 millions d’euros que M. Martin-Lalande propose de supprimer seront-ils financés par TF1 ? Il serait intéressant d’avoir des informations un peu précises à ce propos.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Les deux amendements qui suivent, monsieur Baguet, sont présentés à titre personnel. Les règles que l’on doit suivre dans le nouveau cadre imposé par la LOLF ne permettant pas de trouver les recettes nécessaires, il s’agit d’une imputation budgétaire, mais je souhaite que, si les amendements venaient à être adoptables, le Gouvernement propose plutôt un relèvement du plafond des compensations des exonérations sociales sur la redevance, ou qu’on trouve un système pour essayer de ne pas prendre ces crédits sur ceux de la CII.

Quant à l’amendement de la commission des finances, qui a été présenté par votre serviteur, par le président Pierre Méhaignerie et par Gilles Carrez, notre rapporteur général, le président Méhaignerie souhaitait souligner que cet effort de 10 millions était demandé à titre symbolique en cette première année de LOLF et que ce serait une bonne manière pour le ministre d’éviter les gels de crédits…

M. Pierre-Christophe Baguet. Oh ! On est dans le chantage !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. …en montrant sa volonté de coller au plus près.

Les éclaircissements que vous avez apportés suffisent-ils, monsieur le ministre ? Vous nous avez donné un certain nombre d’informations. Je sais que le dossier est en pleine maturation et que vous ne pouvez rien nous dire de plus pour l’instant. Je vais donc retirer l’amendement, mais nous voulons que vous nous apportiez d’autres précisions au cours de la discussion budgétaire, qui va durer encore un bon mois, pour être sûrs que les crédits demandés sont justifiés. Nous pourrons d’ailleurs examiner la question une dernière fois en commission mixte paritaire si c’est nécessaire.

M. le président. L’amendement n° 102 est retiré.

M. Didier Mathus. Je le reprends.

M. le président. L’amendement n° 102 est repris par M. Mathus.

Vous avez la parole, monsieur Mathus.

M. Didier Mathus. On nous demande de nous prononcer ce soir sur des crédits destinés à une société dont on ne connaît ni la structure ni le mode de pilotage. On nous dit qu’elle sera à 50-50. C’est l’une des choses qui avait particulièrement choqué le Parlement et la mission qui avait travaillé sur cette question,…

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. Didier Mathus. …sachant qu’il s’agit en gros de financer avec 100 % de crédits publics une société composée à 50 % de partenaires privés. Il y a donc tout de même une question de fond qui reste posée. Ce n’est pas satisfaisant.

Je trouve extrêmement choquant, monsieur le ministre, que le ministre de la culture puisse ainsi lancer la suspicion sur les rédactions publiques en expliquant que c’est grâce à la présence de TF1 qu’on pourra avoir confiance dans la chaîne internationale.

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est de la caricature ! C’est lamentable !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Martin-Lalande, je vous remercie d’avoir retiré votre amendement. J’ai pris des engagements ce soir et j’espère pouvoir vous annoncer le plus rapidement possible les termes de l’accord.

Je vous remercie également de considérer comme stratégiques, comme le Président de la République et le Premier ministre, tous les crédits du ministère de la culture. Nous ne sommes pas dans le supplément d’âme, dans le loisir intelligent, mais dans la défense du rayonnement de notre pays et de l’activité de métiers d’art, d’artistes et de techniciens. Je remercie le Premier ministre chaque fois qu’il prend une décision me permettant d’honorer mes engagements.

Je trouve scandaleuse la déformation de mes propos. J’ai été choqué que l’on cherche à opposer la déontologie des journalistes, qu’ils travaillent dans tel ou tel organe de presse écrite, dans telle radio ou dans telle télévision. De toute façon, il faut que les choses soient claires, c’est le conseil supérieur de l’audiovisuel qui est chargé de contrôler le contenu et la déontologie des émissions audiovisuelles, pas le ministre de la communication. Je ne suis pas le ministre de l’information !

En tout cas, ceux qui voteront cette diminution des crédits donneront un signal négatif au moment où nous voulons crédibiliser cette nouvelle chaîne d’information internationale aux yeux du monde.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102, repris par M. Mathus.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 203.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le défendre.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de 15 millions d’euros ayant pour vocation de financer l’accélération du déploiement de la TNT pour que celle-ci soit disponible pour 85 % de la population au printemps 2007, et non fin 2007 comme c’était initialement prévu.

Ces 15 millions doivent permettre de financer, à parité avec les collectivités locales concernées, l’achat d’adaptateurs dans les zones où l’arrêt anticipé de l’analogique est la seule solution au problème, notamment les zones frontalières. Cela concerne donc essentiellement le passage de 66 % à 85 % de la population. Il s’agit d’une très bonne décision, que je salue bien volontiers.

Pour les 15 % restants, vous avez évoqué, monsieur le ministre, la possibilité d’une offre satellitaire gratuite permettant d’assurer la réception des chaînes gratuites de la TNT sur l’ensemble du territoire. Vous avez évoqué aussi une formule concernant uniquement les chaînes gratuites du service public, ce qui nous semble insuffisant.

Cette démarche semble la plus efficace et la moins onéreuse. Pour autant, elle suppose un investissement en équipement – parabole et adaptateur pour les télévisions qui ne sont pas numériques – de la part des téléspectateurs. Or aucun financement n’est, semble-t-il, prévu. Il faut donc étudier la possibilité d’aider une partie au moins des foyers à réaliser un tel investissement. L’hypothèse d’une réduction temporaire de redevance pourrait y contribuer mais ne bénéficierait pas, par définition, aux foyers dégrevés, qui sont tout de même 5 millions, et la mesure serait donc insuffisante. Il est donc nécessaire que le Gouvernement précise ses intentions le plus vite possible.

En outre, il est souhaitable que cette solution puisse s’harmoniser avec le complément de la desserte par internet haut débit, au-delà de l’ADSL – on sait que 2 ou 3 % du territoire ne pourra pas y avoir accès – et la téléphonie mobile de troisième génération, à laquelle une autre partie du territoire, probablement en partie la même, n’aura pas accès. Il faudrait mutualiser une partie au moins des équipements.

Dans la mesure où les règles de la LOLF ne permettent le transfert de crédits qu’à l’intérieur d’une même mission, il est proposé, pour financer ce projet, de prélever les 8,5 millions d’euros nécessaires sur le programme de la CII. Naturellement, compte tenu de la discussion qui vient d’avoir lieu, si je souhaite toujours que l’idée d’un financement pour ces 15 % de la population soit retenue, je laisse à l’imagination du Gouvernement le soin de trouver comment.

M. le président. Où mène l’imagination du Gouvernement ce soir, monsieur le ministre ? (Sourires.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Il ne s’agit pas d’imagination mais de la traduction en actes des décisions annoncées par le Premier ministre, en particulier quant au calendrier d’accession à la télévision numérique terrestre par tous les Français. Nous tiendrons ces engagements.

Je vous le dis avec franchise, le Gouvernement formulera peut-être une demande au Parlement, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, à moins qu’un redéploiement ne permette d’abonder les crédits si cela s’avérait nécessaire.

Je partage entièrement votre objectif politique : cette technologie doit être un progrès pour tous. Nous ferons en sorte que ce soit le cas. Je vous remercie, une fois de plus, monsieur le député, de votre sagesse.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Vous me demandez de retirer cet amendement, ce que je fais bien volontiers compte tenu de la discussion que nous avons eue sur la CII, et je prends acte avec plaisir de votre réponse quant à la volonté d’atteindre l’objectif ainsi défini.

M. le président. L’amendement n° 203 est retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je le reprends.

M. le président. L’amendement n° 203 est repris par M. Baguet.

Vous avez la parole, monsieur Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. En fait de zone d’ombre, nous y sommes en plein. Je ne comprends plus rien. Je vous ai demandé, monsieur le ministre, d’où venaient les 15 millions d’euros et vous ne m’avez pas répondu. Je ne les ai vus inscrits nulle part en dépit des recherches que j’ai effectuées dans les différents documents budgétaires. Nous ne savons même pas à quoi ils vont servir ! Manifestement, nous ne sommes pas tous égaux en matière d’information dans cet hémicycle. Certains disent que ce fonds servirait à autre chose qu’aux 15 %. J’ignore d’où ils tiennent ces informations. Pour ma part, je n’ai pas eu le plaisir de recevoir directement l’information du Premier ministre. Nous sommes en droit d’avoir quelques explications.

La CII sera-t-elle sur la TNT ? Si tel est le cas, au nom de l’égalité devant la loi – j’ai noté avec satisfaction votre volonté que cette chaîne soit enfin visible par l’ensemble des Français – la TNT doit être le plus rapidement possible opérationnelle pour le plus grand nombre de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Baguet, je suis disponible à tout moment pour m’exprimer devant le groupe UDF. Je suis ministre de la culture et de la communication depuis vingt mois et je suis à votre disposition parce que je crois qu’il est tout à fait sain qu’au-delà du travail en commission une discussion puisse s’instaurer.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je ne suis qu’un modeste député de banlieue…

M. le ministre de la culture et de la communication. Cela est également valable pour les groupes socialiste et communiste. Il est normal qu’un groupe politique souhaite, sur certains sujets, rencontrer directement un ministre. Cela ne me pose aucun problème. J’aime les débats, et cela vaut mieux dans la fonction que j’exerce !

Le problème des zones d’ombre diffère de celui des zones frontalières. Comme je vous l’ai indiqué, nous essayons d’adapter le dispositif à chacun des types de problème. Les zones frontalières supposent, par définition, une discussion avec des pays voisins. Elle est en cours. Le Premier ministre a chargé un de mes collègues du Gouvernement de la mener à bien.

Concernant les zones d’ombre, la question d’ordre technologique a été considérée dans le cadre d’un partenariat exceptionnel et exemplaire entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la direction du développement des médias, d’où est issue l’idée du système de satellite gratuit. Il faut rassurer nos concitoyens : la TNT ne suppose pas l’acquisition d’un nouvel appareil de télévision. Il est possible de la recevoir grâce à l’antenne râteau classique ou, dans une zone d’ombre, grâce au satellite. Il suffira donc – et ce peut être un magnifique cadeau de Noël – d’acheter un adaptateur.

Deux problèmes technologiques différents, deux modes de financement et d’intervention de l’État différents, mais un objectif rappelé par le Premier ministre, qui, lorsqu’il prend des engagements publics et demande à ses ministres de les assumer, en surveille l’exécution concrète et quotidienne.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je retirerai l’amendement, monsieur le ministre, si vous répondez à une question : êtes-vous favorable à ce que la CII soit sur la TNT ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. « Tout tout de suite, ou alors je refuse ! »

M. Pierre-Christophe Baguet. Mais non !

M. le ministre de la culture et de la communication. L’Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité que cette chaîne d’information internationale, qui a vocation à être une chaîne en langues étrangères, pour toucher des publics partout dans le monde, puisse être accessible sur tout le territoire national.

Il faudra probablement procéder par étape car il n’est pas certain que, dès sa naissance, la CII soit accessible pour tous par la TNT. Il y a de la concurrence dans l’air, les projets se bousculent. Plusieurs d’entre vous ont évoqué la création d’une chaîne pour la jeunesse ou encore des projets de télévisions locales.

Malheureusement, en dépit de l’extension de l’offre grâce à la TNT, il faudra faire des choix. Je ne suis pas en mesure ce soir de vous garantir que la chaîne d’information internationale sera directement accessible par la TNT parce qu’il y a beaucoup de projets concurrents qui sont jugés également prioritaires par nos concitoyens. Mais la décision politique, conformément à vos souhaits, de rendre la CII accessible aux Français demeure.

Permettez-moi d’ajouter que nos concitoyens regardent aujourd’hui de grandes émissions de débats sans savoir s’ils les reçoivent grâce au câble ou au satellite.

M. le président. Monsieur Baguet, retirez-vous l’amendement ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 203, qui avait été repris par M. Baguet, est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 204.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d’attirer l’attention sur le problème de l’évolution de la presse quotidienne. Tous les professionnels, les universitaires et les chercheurs que j’ai rencontrés pour la préparation de mon rapport m’ont assuré que nous manquions d’un lieu pour travailler ensemble à une meilleure connaissance des problèmes de la presse – son évolution dans le nouveau contexte des médias et les solutions à mettre en œuvre pour inventer la presse de demain.

Je propose, par cet amendement, de créer un Observatoire de la presse qui soit ce lieu de travail, de suivi des questions et d’élaboration de solutions. Je ne reviens pas sur la question du gage – la CII – puisque la solution a été trouvée, mais je souhaite que le Gouvernement donne son avis sur l’objectif de cet amendement. Nous avons besoin d’un effort particulier pour sortir la presse, quotidienne notamment, de la crise qu’elle traverse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je travaille en permanence avec l’ensemble des professionnels de la presse écrite et audiovisuelle. Je mesure donc parfaitement la nécessité de bénéficier des instruments d’analyse et d’information les plus précis possibles.

J’ai d’ores et déjà œuvré pour faire progresser l’analyse économique et statistique, qui est une aide essentielle aux prises de décisions et vous savez que l’expert désigné par le Gouvernement, Jean-Paul Guillot, ainsi que les services du ministère de la culture et de la communication, travaillent auprès des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel.

Je souscris donc à l’idée d’un observatoire, dès lors que c’est une occasion de rencontres et d’échanges. Votre voisin organise d’ailleurs de nombreuses rencontres entre les grands partenaires de l’information publique et privée sur tous les sujets du moment.

L’idée de lieux de rencontre, dans le cadre d’une évolution technologique aussi importante, avec de tels enjeux financiers, me paraît bonne. Je ne peux pas me déjuger quant à la question du financement. Peut-être, si les professionnels de la presse le jugent nécessaire, et en procédant par étape, pourrait-on voir s’il est possible de mettre en œuvre votre idée. Quoi qu’il en soit, c’est sur la prise de conscience de la réalité que se fondent les décisions du Gouvernement. Et je partage votre objectif.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Le Fonds de modernisation rechigne, dans l’état actuel des choses, à financer des études transversales sur ces questions. Sans doute un assouplissement sera-t-il nécessaire, mais, compte tenu de la réponse de M. le ministre, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 204 est retiré.

Je mets aux voix les crédits…

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, je souhaite reprendre l’amendement.

M. le président. Je regrette, monsieur Baguet, le vote est déjà commencé.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Médias ».

(Les crédits de la mission « Médias » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant un amendement portant article additionnel après l’article 80 du projet de loi de finances.

Après l’article 80

M. le président. Pour soutenir cet amendement, n° 184, vous avez la parole, monsieur Baguet.

Voyez comme la nature fait bien les choses ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Je n’avais pas vu, monsieur le président, que mon amendement n° 184 allait être immédiatement appelé.

Je souhaiterais évoquer le problème de la presse écrite.

Il y a deux ans, j’avais demandé que soient organisés des états généraux de la presse écrite lorsqu’on avait pris sur notre « niche parlementaire » d’organiser un débat sur l’avenir des médias.

Je suis heureux que le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ait annoncé un débat en commission au mois de janvier sur l’avenir de la presse, et je trouve l’idée de M. Martin-Lalande d’un Observatoire de la presse particulièrement pertinente face aux incohérences que j’ai relevées tout à l’heure.

Monsieur le ministre, je reviens sur les amendements qui sont présentés par tel ou tel devant l’une ou l’autre des assemblées. S’il est de votre honneur de défendre la presse dans le cadre de votre ministère, il est également de notre responsabilité collective – la vôtre comme la nôtre – de défendre la presse contre les attaques latérales. Votre directeur de cabinet connaît très bien l’importance du blister dans le cadre de la modernisation des rapports entre la presse et La Poste et dans le cadre de la mécanisation. Ce sont des amendements que l’on ne peut pas laisser passer ; il faut réagir. Comme ministre de la culture et de la communication et eu égard à votre attachement à la défense de la presse, vous devez opérer une distinction entre la solidarité gouvernementale et la défense légitime d’un secteur pour lequel nous nous battons tous.

J’avais déposé, l’an passé, deux amendements.

L’un visait à ouvrir directement le Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée à des quotidiens sportifs et économiques. Cet amendement a été écarté au titre de l’article 40, comme ce fut encore le cas cette année. J’avais déposé un second amendement, qui, lui, avait été approuvé, redonnant, si je puis dire, une seconde chance au Gouvernement. Je redépose aujourd’hui un amendement analogue, disposant que, à compter cette fois de 2006, le Gouvernement déposera sur le bureau de l’Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport faisant état de l’opportunité d’élargir le champ d’application du Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale à d’autres quotidiens.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, ce qu’est devenu le rapport. Est-il en cours de rédaction ? En disposerons-nous avant la fin de l’année, conformément au vote de la loi de finances de l’an passé ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement, même si nous partageons tous l’objectif de redonner le goût de la lecture à tous nos jeunes.

À titre personnel, je considère que nous devrons réexaminer l’ensemble de notre système d’aides. Les aides d’aujourd’hui produisent des résultats mitigés. Servent-elles réellement à préparer la presse de demain ? Je me pose la question. C’est dans le cadre d’un réexamen de l’ensemble des aides qu’il faudra étudier ce problème. Ainsi aurons-nous une décision qui sera logique et cohérente avec l’ensemble du dispositif à revoir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. La question que vous posez est celle du périmètre des aides à la presse. Pour parler clairement, cela revient à se demander si L’Équipe a droit à un financement public, ou s’il faut limiter ce financement public à l’arc-en-ciel de la démocratie politique et à l’information politique générale ?

Le rapport de Jean-Loup Arnaud propose de ne pas modifier le point d’équilibre atteint par l’actuel périmètre de cette aide, ce qui entraînerait un appel d’air considérable.

La version définitive du rapport n’est pas encore prête. Mais je me suis renseigné avant de venir, car je prépare les débats et je sais que cela fait partie des questions qui vous tiennent particulièrement à cœur. Il me semble même que vous m’aviez déjà posé une question en ce sens l’année dernière.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous l’avions voté à l’unanimité l’année dernière.

M. le ministre de la culture et de la communication. Telle est la répartition des responsabilités. Il faut ensuite gérer les conséquences des décisions prises, et les faire accepter par ceux qui s’estiment dans une situation très fragile.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je demandais simplement qu’on nous communique ce rapport !

M. le ministre de la culture et de la communication. Depuis 2002, les aides à la presse écrite se sont accrues de plus de 40 %, voire 50 % – je n’ai pas les chiffres exacts en tête. Si je devais prendre toutes ces mesures nouvelles, le budget que je vous propose n’y suffirait pas, et ce serait au détriment des aides aux journaux les plus fragiles.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles n’a pas examiné cet amendement, mais après les interventions tout à fait pertinentes de Patrice Martin-Lalande et du ministre, nous nous en remettons à la sagesse du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Permettez-moi de rigoler deux minutes, mes chers collègues ! Je vous rappelle que le même amendement a été voté l’année dernière à l’unanimité, ici, à l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Sénat.

Il y a eu un malentendu, monsieur le ministre : je ne vous ai pas demandé de prendre une décision ce soir. Je voulais simplement savoir si un rapport avait été commandé, à qui il avait été confié, et si nous avons des chances d’en prendre connaissance. Or voilà que je découvre, en vous écoutant, qu’un rapport a bien été demandé, que quelqu’un s’est effectivement penché sur la question, et qu’il est en cours de finalisation. Cette réponse me suffit. Et si j’ai la certitude que nous en aurons connaissance avant le 31 décembre, comme le Parlement l’avait demandé l’année dernière, je retire mon amendement, monsieur le président. Mais je trouve cocasse de voir mes collègues changer d’avis d’une année sur l’autre.

M. le président. l’amendement n° 184 est retiré.

Avances à l’audiovisuel public

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Avances à l’audiovisuel public » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 103 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement vise à créer un programme pour chaque opérateur bénéficiant de la redevance. Cet alignement de la présentation budgétaire sur les contrats d’objectifs et de moyens favoriserait un meilleur contrôle parlementaire. Une telle solution permettrait aussi de supprimer l’article de la loi de finances qui porte répartition de la redevance, que les nouvelles possibilités d’amendement ouvertes par l’article 47 de la LOLF rendraient superflu.

Ces deux avantages militent dans le sens de la création d’un programme par opérateur. Cette solution apporte enfin de la clarté : la possibilité de faire converger les exigences de la LOLF et celles des contrats d’objectifs et de moyens permettra une décision parlementaire, et probablement aussi une décision gouvernementale, plus transparentes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Votre question est importante, et je n’en sous-estime pas le contenu. Une réflexion est actuellement en cours en vue de déterminer la pertinence de la création d’une mission « poly-programmes », en lieu et place d’une mission « mono-programme ». Cette démarche permettra de tirer toutes les conséquences de la signature prochaine des contrats d’objectifs et de moyens avec les différents organismes du service public de l’audiovisuel, dont les spécificités pourront être mieux prises en compte.

C’est l’expérience de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens qui confirmera ou infirmera la pertinence de la disposition que vous proposez. Nous aurons donc à tirer ensemble les conclusions de cette expérience, afin, le cas échéant, de rendre la solution que vous proposez applicable dès le budget pour 2007.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Avant que vous ne le repreniez, monsieur Baguet…

M. Pierre-Christophe Baguet. Je n’ai rien dit !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que j’enregistre avec plaisir votre proposition de mesurer la pertinence de cette solution à l’issue de la négociation avec les opérateurs. Je suis pour ma part persuadé de sa pertinence, et je pense qu’on aurait pu gagner un an en l’appliquant immédiatement. Mais si elle doit se concrétiser dans les conditions que vous proposez, avec le concours indispensable du Gouvernement, je m’en réjouis, et je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement 103 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Avances à l’audiovisuel public ».

(Les crédits de la mission « Avances à l’audiovisuel public » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant l’article 95 du projet de loi de finances, relatif aux avances à l’audiovisuel public.

Article 95

M. le président. L’article 95 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 95 est adopté.)

M. le président. Nous passons à des amendements portant articles additionnels après l’article 95.

Après l’article 95

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 104 et 136.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 104.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je vous rappelle que j’avais l’an dernier, avec d’autres parlementaires, déposé le même amendement. Il avait été adopté, mais le Gouvernement, usant de son droit de demander une seconde délibération, était parvenu à faire revenir l’Assemblée sur son vote.

Je vous le dis en toute franchise : on ne peut pas tout à la fois prétendre vouloir revaloriser le rôle du Parlement, et lui interdire de prendre connaissance des futurs contrats d’objectifs et de moyens avant leur signature. En effet ces contrats ont notamment pour objectif d’assurer aux opérateurs les moyens d’accomplir leur mission pendant plusieurs années, moyens qui sont constitués essentiellement de la redevance, votée par le Parlement.

Je ne vois pas en quoi cette mesure remettrait en cause le pouvoir contractuel des opérateurs. Elle compléterait en outre le dispositif, que nous avons déjà enrichi l’an passé, qui permet au président de France Télévisions de présenter chaque année son bilan devant les commissions des finances et des affaires culturelles. Le Parlement serait désormais aussi impliqué en amont dans la procédure des contrats d’objectifs et de moyens. Je ne vois donc que des avantages dans cette solution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 136.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Je ne peux que souscrire aux arguments de mon collègue Patrice Martin-Lalande, puisque mon amendement est identique au sien.

Je préciserai simplement qu’en l’état actuel, le Parlement n’est associé qu’en aval, et de façon ponctuelle, aux COM ; il serait extrêmement utile qu’il puisse l’être aussi en amont, d’autant qu’une nouvelle génération de contrats d’objectifs et de moyens doit être signée à partir de l’année prochaine, avec RFI notamment. Il serait bon que l’approfondissement de l’association du Parlement à ces contrats soit décidé auparavant.

Pour toutes ces raisons, il faut que nous puissions adopter une fois pour toutes cet amendement, qui avait déjà été adopté l’année dernière, comme l’a rappelé Patrice Martin-Lalande.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je partage bien évidemment la volonté du Parlement d’être davantage associé à l’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens. Je rappelle que je suis en permanence à la disposition des différentes commissions de votre assemblée, pour débattre des objectifs des sociétés de l’audiovisuel public, comme je le fais avec les responsables de ces sociétés.

Je souhaite d’ailleurs qu’on ne parle pas seulement de France Télévisions, et qu’on n’oublie pas Radio France. Je vous proposerai dans un instant un amendement visant à étendre à Radio France le dispositif retenu pour les sociétés de la télévision publique.

Un certain nombre de parlementaires siègent déjà dans les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public, où vous accomplissez un travail très important. Je souhaite évidemment une information totale du Parlement. Le président de France Télévisions rend déjà compte chaque année aux commissions des affaires culturelles et des finances du Parlement de l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens. Je rappelle que je suis également à votre disposition.

Nous devons trouver une solution équilibrée, qui permette à la représentation nationale de disposer de toute l’information nécessaire, sans alourdir ni rigidifier les procédures.

Il nous faut également réfléchir ensemble à une meilleure association des Françaises et des Français à l’ensemble de l’audiovisuel public. Tous ceux qui payent la redevance ont l’envie légitime de parler du contenu de l’offre audiovisuelle publique. On critique parfois allègrement, et on ne connaît pas, et on ne diffuse pas assez les initiatives remarquables de Radio France, RFI, Arte ou France Télévisions, ou encore de TV5 sur le plan de la diffusion internationale.

Je crois donc qu’il faut trouver les moyens de renforcer les possibilités du contrôle qui relève par définition du Parlement, notamment en l’étendant à Radio France. Tel est l’objectif de l’amendement que le Gouvernement vous proposera. Je ne peux pas en revanche accepter le vôtre, dont je crains qu’il ne rigidifie à l’excès les procédures.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Nous soutenons les amendements déposés par nos rapporteurs. Je vous fais observer, monsieur le ministre, qu’il existe déjà un dispositif visant à associer les téléspectateurs à la réflexion sur les programmes du groupe France Télévision. En effet un article de la loi d’août 2000 avait créé un conseil téléspectateurs ; hélas ! les décrets d’application n’ont jamais vu le jour. Il vous suffit donc d’activer cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu’une telle mesure alourdirait la procédure de quelque façon que ce soit. Il s’agit simplement de transmettre ces contrats au Parlement avant leur signature, le Gouvernement et les opérateurs conservant toute leur liberté d’initiative. Grâce à ces informations, le Parlement peut se faire une idée de ces contrats avant leur signature, et émettre une opinion, s’il le souhaite, dont le Gouvernement et les opérateurs feront ce qu’ils voudront. Cette mesure ne retarde en rien le processus et ne porte aucune atteinte à la liberté de chacun des deux contractants. Elle permettra simplement au Parlement, qui aura à voter ultérieurement les moyens de mettre en œuvre ces engagements, d’être au moins informé en amont, et non pas une fois que ces décisions de financement sont prises. Je rappelle que ce sont elles qui concrétisent les contrats.

Voilà pourquoi je maintiens cet amendement, adopté pour la deuxième année consécutive par la commission des finances : cela vous évitera de le reprendre, monsieur Baguet !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur pour avis. Je maintiens également mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 104 et 136.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 205.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je retire cet amendement. Je répète calmement que je suis à la disposition de chacun, et que je serai très heureux de défendre les orientations du Gouvernement, sur certains sujets, devant les commissions compétentes.

M. le président. L’amendement n° 205 est retiré.

Nous avons terminé…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Un mot, monsieur le président.

Votre amendement, monsieur le ministre, loin d’être incompatible avec l’objectif exprimé par les amendements précédents, le complète parfaitement. Je suis donc grandement tenté de reprendre l’amendement du Gouvernement, mais en ai-je le droit ?

M. le président. Ce n’est peut-être pas utile, monsieur Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Alors nous y reviendrons ultérieurement.

M. le président. C’est plus sage.

Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux médias.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, mardi 8 novembre, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Politique des territoires :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 21, de M. Louis Giscard d’Estaing, au nom de la commission des finances, de l’économie général et du Plan ;

Rapport spécial, n° 2568, annexe 22, de M. Pascal Terrasse, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2570, tome 5, de M. Jacques Le Nay, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2570, tome 6, de M. Jean-Michel Couve, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2570, tome 7, de M. Jacques Bobe, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

1. Déclaration du Gouvernement sur la situation créée par les violences urbaines et débat sur cette déclaration.

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Écologie et développement durable :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 11, de M. Philippe Rouault, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2570, tome 3, de M. Christophe Priou, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2570, tome 3, de M. Jean-Jacques Guillet, au nom de la commission des affaires étrangères.

Politique des territoires (suite).

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ; article 75 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 6, de M. Jean-Claude Mathis, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2569, tome 2, de Mme Geneviève Lévy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2572, tome 1, de M. Jean-Claude Viollet, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 8 novembre 2005, à une heure quinze.)