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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 10 novembre 2005

57e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Santé

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour quinze minutes.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le ministre de la santé, mes chers collègues, je demande à M. le président de me permettre de réunir en une seule intervention les deux interventions que je dois prononcer, la première en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, la seconde en tant qu’orateur inscrit.

M. le président. À condition, mon cher collège, de ne pas confondre la teneur des deux interventions. Vous parlez dans la première au nom de la commission des finances, dans la seconde en tant qu’orateur d’un groupe politique.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. J’entends bien, monsieur le président, mais je vous demande la liberté de ne faire qu’une seule intervention, puisque deux autres députés du groupe socialiste sont inscrits.

M. le président. La présidence se montrera indulgente dans la mesure où vous saurez ne pas abuser de la liberté qu’elle vous accorde.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, avec la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, c’est une forme nouvelle qui préside, pour 2006, à l’examen du budget de la santé publique.

Toute innovation peut présenter des difficultés. C’est pourquoi je tiens à saluer la disponibilité des membres de votre cabinet : en dépit de délais extrêmement courts, ils ont aidé le rapporteur du mieux qu’ils ont pu. En revanche, la commission des finances regrette que des questionnaires ne lui aient pas encore été renvoyés. Nous aurons, il est vrai, de nouvelles occasions de mieux exercer notre contrôle, et d’affiner ainsi notre analyse.

Ce débat, monsieur le ministre, survient dans une période particulièrement chargée en termes de santé publique. Elle voit en effet l’application de la loi de santé publique de 2004, celle du plan Cancer, qui est une priorité présidentielle, et celle de la réforme de l’assurance maladie, qui ne saurait négliger les dimensions de prévention et les impératifs de santé publique. De plus, nous sommes en phase de développement du plan de prévention d’une éventuelle pandémie grippale d’origine aviaire, à laquelle, je crois, la séance du Sénat de ce matin était entièrement consacrée, et nous assistons à la montée en charge du plan national « Nutrition-Santé », lequel vise à maîtriser l’extension bien réelle de l’obésité, que l’on peut assimiler à une épidémie.

Avant d’aborder le projet de budget pour 2006, je ferai quelques remarques sur l’exécution budgétaire 2004, dont la dette a atteint 720 millions d’euros, en progression de 60 % par rapport à 2003, alors que les reports ont représenté plus de 4 % de la dotation votée en loi de finances initiale, soit 472 millions d’euros. La coexistence, sur un même exercice, de reports de dette et de crédits non utilisés n’est pas de bonne gestion. C’est la raison pour laquelle la loi organique encadre désormais strictement les reports, qui ne doivent pas excéder 3 % par programme.

L’exercice 2005 a été marqué pour sa part par un niveau élevé de gels et d’annulations de crédits. Si les crédits destinés au plan Cancer ont été sanctuarisés, le programme « Santé publique et prévention », avec 22 millions d’euros annulés, soit plus de 10 % du total, et la Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies, avec 3,5 millions d’euros annulés, soit près de 10 % du total, ont été particulièrement pénalisés.

Ces annulations ne peuvent que peser lourdement sur la mise en œuvre de la politique de santé publique, à moins de transférer des dépenses aussi lourdes sur le budget de l’assurance maladie, ce que vous faites dans certains cas !

En 2006, le budget de la mission « Santé» progresserait à périmètre constant de 12 % en autorisations d’engagement et de plus de 6,6 % en crédits de paiement.

Plusieurs mesures ont en effet modifié, dans un sens ou dans un autre, le périmètre entre 2005 et 2006. Les plus significatives sont la recentralisation d’actions sanitaires exercées précédemment par les départements, pour 41,6 millions d’euros, le transfert à l’assurance maladie du financement des CAARUD – centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues –, pour 15 millions d’euros, et la décentralisation de la formation paramédicale, pour 12,8 millions d’euros.

La hausse de 12 % du budget de la mission « Santé » tient à la montée en puissance du plan Cancer, qui bénéficie de 26 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23 millions en crédits de paiement.

En dehors du plan Cancer, les moyens de la mission « Santé » connaissent une quasi-stagnation : plus 6,4 % en autorisations d’engagement et plus 0,46 % en crédits de paiement.

Dans le cadre de la LOLF, la mission se décompose en trois programmes : « Santé publique et prévention », qui progresse de 28,8 % ; « Offre de soins et qualité du système de soins », qui diminue de 3,4 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement ; « Drogues et toxicomanie », qui diminue de près de 2 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Regrettons une nouvelle fois l’absence des crédits de personnel, transférés au budget de la mission « Solidarité et intégration ». Cette absence a paru à l’ensemble de la commission des finances contraire à l’article 7 de la loi organique. M. Mallié a, je suppose, évoqué cette question hier dans le cadre de son rapport pour la mission « Sécurité sanitaire » devant la commission élargie.

Le programme « Santé publique et prévention » a pour finalité de concevoir et de piloter la politique de santé publique, d’améliorer la qualité de vie des malades et de réduire les inégalités de santé. Il comprend quatre actions.

Premièrement, l’action « Pilotage de la politique de santé publique » concerne les dispositifs prévus par la loi de santé publique d’août 2004, avec la mise en place du Haut conseil de santé publique, du Comité national de santé publique et des conférences nationale et régionales de santé publique, les plans régionaux de santé publique et les groupements régionaux de santé publique. Cette action subit une baisse de 46 %, sans que nous en ayons obtenu l’explication.

Une dotation de 1,5 million d’euros concerne la création d’une base de données de suivi des plans régionaux de santé publique et d’un tableau de bord de suivi des indicateurs associés aux cent objectifs de santé publique – c’est là un point très important.

De même, 12 millions d’euros seront consacrés aux structures associées au pilotage de la politique de santé publique, notamment en ce qui concerne l’éducation pour la santé, les associations d’épidémiologistes, le collectif inter-associatif sanitaire et social, les observatoires régionaux de santé et les comités d’éducation pour la santé.

Ainsi, c’est très progressivement que se met en place le nouveau dispositif de santé publique. Or, la mise en œuvre aussi lente de la loi du 9 août 2004 est préoccupante car nous avons à faire face à des risques graves pour la santé publique – grippe aviaire éventuelle ou obésité, pour nous limiter à ces deux fléaux. Plus généralement, dans le domaine de la santé, c’est l’ensemble de la production normative, qu’il s’agisse de la législation nationale ou de la transposition des directives européennes, qui présente un retard regrettable, lequel est unanimement constaté. Ainsi, M. Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a noté dans un récent rapport que sur les 158 articles de la loi de santé publique, seuls soixante et onze – moins de la moitié ! –, sont applicables en l’attente des textes d’application.

La Cour des comptes a, quant à elle, estimé au début du mois de septembre 2004 que pour les seuls textes qui sont du ressort de la direction générale de la santé, c’est-à-dire hors les directives européennes restant à transposer, l’encours de décrets à produire représentait au moins quatre années de travail ! Elle estime que ces délais excessifs de production de textes «fragilisent le cadre juridique de la politique de santé publique et de l’action des acteurs du système de santé ».

Le dispositif de pilotage de la santé publique ne rentrera en vigueur que courant 2006.

Le projet annuel de performance pose comme objectif de « publier dans les meilleurs délais les textes d’application des lois et les transpositions ». À cet égard, le retard particulier du ministère de la santé se mesure dans l’indicateur retenu, qui est le pourcentage des textes publiés par rapport au stock. Le résultat n’est que de 16 % en 2005 et ne devrait être que de 30 % en 2006 ! Il s’agit pourtant de lois majeures, relatives à la bioéthique, à la santé publique ou à l’assurance maladie. Il reste même à publier une quinzaine de décrets d’application de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades !

Monsieur le ministre, de tels retards indiquent clairement que la direction générale de la santé manque de moyens. Elle est accaparée par des tâches de gestion et par la nécessité de répondre à l’urgence alors que la programmation est sa vocation première. Cela rend d’autant plus critiquable que les crédits de fonctionnement ne soient pas intégrés à la mission « Santé publique ».

Par ailleurs, comment ne pas regretter que les lacunes du système d’alerte identifiées après la crise caniculaire de l’été 2003 ne soient pas toutes traitées ? Alors que le projet annuel de performance pose comme objectif de «réduire les délais de traitement de tous les certificats de décès », beaucoup reste à faire en la matière, puisque l’indicateur de performance indique que le délai moyen de transmission des certificats de décès est encore de quatre-vingt-dix jours et le délai de traitement de trois ans. En 2006, l’objectif serait de le réduire seulement à soixante-quinze jours pour la transmission et à deux ans et demi pour le traitement !

Le rapport de la Cour des comptes évoque le rôle de la DGS et du ministère de la santé. Il note que la priorité donnée à la DGS en matière de moyens pâtit des vacances de poste prolongées et des rotations rapides. Votre ministère n’est pas l’acteur prépondérant de la politique de santé, notamment en matière de santé au travail et de santé environnementale, ce que nous regrettons, monsieur le ministre. Aussi est-il positif que le directeur général de la santé ait été nommé à la direction de la mission interministérielle de prévention de la grippe d’origine aviaire !

À l’heure où les spécialistes de gestion des crises non conventionnelles s’alarment de notre capacité à traiter de risques qui relèvent de l’inconcevable, il est important que la DGS voie son rôle confirmé et renforcé.

Cette action concerne aussi l’accès des plus démunis aux soins. Les crédits en provenance de l’État affectés aux plans régionaux d’accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, n’ont cessé de baisser au cours des dernières années et il est difficile d’évaluer l’impact territorial de ces plans car ils sont regroupés par les caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, dans des appels d’offres régionaux communs.

Il est regrettable que le financement par l’État des actions en faveur des plus démunis soit passé de 34 millions d’euros en 2002 à seulement 10 millions en 2006, et qu’un transfert massif ait été effectué vers les crédits de l’assurance maladie.

Une très récente étude de l’institut de veille sanitaire, l’INVS, parue le 31 octobre dernier, compare une population de plus de 700 000 personnes en situation de précarité avec une population de plus de 500 000 personnes qui ne le sont pas. Cette étude met en évidence de très significatives relations entre la précarité et le défaut d’accès aux soins, le mauvais état dentaire, l’hypertension artérielle, mais aussi le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité.

Or, ce n’est pas dans le contexte social actuel que peuvent être négligées les situations d’inégalités devant les soins ou la prévention ! Et ces inégalités ressortent directement des inégalités de revenus et de logement.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je suis de ceux qui s’inquiètent en permanence du désengagement de l’État de ses missions régaliennes, celles d’ordre social étant aussi importantes que celles touchant à l’ordre public.

On retrouve dans le domaine de la couverture maladie ce même désengagement de l’État. À cet égard, l’article 89 du PLF 2006, ainsi que l’article 36 du PLFSS 2006, à propos desquels je me suis largement exprimé au cours d’autres débats, participent de cette dérive. Vous l’avez partiellement corrigée en faisant adopter un amendement au cours du débat sur la mission « Solidarité », évitant ainsi que la « rectification » d’une incohérence présentée comme technique par l’exposé des motifs ne se traduise par une économie de 21 millions d’euros qui aurait exclu 60 000 personnes du dispositif de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC.

Reste à estimer la possibilité technique de la mise en œuvre du dispositif prévu par votre amendement, au regard des inquiétudes exprimées à cet égard. En outre, la restriction de l’accès à la CMUC, à partir du 1er janvier 2006, persistera pour des familles dont les revenus modestes excéderont de seulement quelques euros le plafond tel qu’il a été réévalué par la hausse du forfait logement. Le transfert à l’assurance maladie ou l’assurance complémentaire de la couverture maladie universelle s’accompagne donc bien d’une restriction à son accès.

Cette évolution concerne également le financement de l’Institut national de la prévention et de l’éducation pour la santé, l’INPES, dont le taux d’exécution des dépenses a fortement progressé ces dernières années, passant à 91 % en 2004. Son champ d’action s’étant élargi et son activité fortement accrue, le fonds de roulement de l’INPES s’est asséché. La dotation de l’État, pour 2006, se maintient à 23 millions d’euros ; je vous pose donc la question, monsieur le ministre, de savoir si l’INPES sera en mesure d’accomplir ses nouvelles missions de sécurité sanitaire prévues par la loi du 9 août 2004. Votre ministère a-t-il évalué le coût de ces nouvelles missions ?

Question d’autant plus pertinente que l’exposé des motifs de l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne laisse pas d’inquiéter en ce qui concerne la taxation des messages publicitaires pour des aliments sucrés, gras, salés ou manufacturés. Cet exposé des motifs indique que cet article « définit les conditions d’un renforcement des recettes de l’INPES et ouvre la voie à un allégement de la charge qui pèse sur les dépenses de l’assurance maladie pour financer l’INPES ». L’objectif est de ramener la part de l’assurance maladie au financement de l’INPES de 71 % en 2005 à 66 % en 2006. Cet objectif coïncide avec la baisse de la ligne budgétaire relative au programme national nutrition santé, le PNNS, ainsi qu’à la lutte contre l’obésité.

Enfin, l’article 38 exonère de cette taxation les publicités alimentaires contenant un message à caractère sanitaire. Il est important, monsieur le ministre, les décrets d’application étant en voie d’achèvement, que ce message sanitaire soit aussi visible qu’intelligible et que les lobbies ne parviennent pas à leurs fins.

Il faut par ailleurs imposer un étiquetage assurant une information nutritionnelle et calorique complète. Je m’en faisais encore la remarque ce matin en prenant mon yaourt matinal, étiqueté « bio » et supposé « bon pour la santé ». Sur le pot, ne figurait aucune information concernant la teneur en lipides, en glucides ou l’apport calorique. J’aurais pu vous l’apporter, monsieur le ministre, mais vous prenez peut-être le même que moi. (Sourires.) Mener une campagne de promotion axée sur l’intérêt pour la santé sans aucun étiquetage n’est pas admissible.

L’action « Déterminants de santé » concerne également l’alcool et le tabac.

Les experts de santé publique dénoncent la modification apportée par l’article 21 A du projet de loi d’orientation agricole à la composition du Conseil de modération et de la prévention, créé pourtant par décret en octobre 2005. Cette modification donne une place importante aux professionnels des filières viticoles et prévoit leur consultation systématique à propos de tout projet de communication ou de texte normatif relevant du domaine de compétences du conseil. Afin que la mise en œuvre de la politique de prévention ne soit pas freinée, il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous fassiez rétablir la configuration initiale de ce conseil.

Sur le plan de la méthode, il est inacceptable que des initiatives concernant la santé soient prises par surprise à l’occasion de l’élaboration de textes n’ayant a priori aucun rapport avec la santé publique, échappant donc à votre contrôle. Cela avait déjà été le cas pour l’article 21 de la loi relative au développement des territoires ruraux.

Le ministre de la santé, seul compétent en matière d’élaboration et d’organisation générale de la santé publique, doit être le seul à pouvoir amender des textes législatifs présentés par d’autres ministres dès lors que ces modifications concernent la santé publique !

La dotation budgétaire de l’action « Prévention des risques sanitaires environnementaux » stagne à la modique somme de 2 millions d’euros. Cette action est pilotée à la fois par les ministères de la santé, du travail, de l’environnement, de la recherche… Ici aussi, le ministère de la santé doit garder toute sa place, comme au sein de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, qui remplace depuis peu l’AFFSE.

La question de la santé au travail constitue une préoccupation majeure pour le Parlement dans le contexte des missions parlementaires concernant l’amiante, la mission sénatoriale ayant produit un rapport très rigoureux et celle de l’Assemblée nationale travaillant toujours sur la question.

Le ministre du travail, M. Larcher, s’est dit préoccupé par les conditions de travail, aujourd’hui encore, sur les chantiers de désamiantage. En effet, sur les 72 chantiers contrôlés en 2004, 55 ne respectaient pas certains points essentiels de la réglementation. Si les risques d’intoxication dans de très nombreuses situations de travail demeurent – opérations de désamiantage, transport des matériaux amiantés, travaux de maintenance courante de bâtiments publics et privés –, nous devons peut-être penser que se prépare une autre catastrophe sanitaire, d’une nature encore méconnue, ou sous-estimée.

La catastrophe sanitaire liée à l’amiante oblige à réviser toute la gestion du système de veille sanitaire en santé du travail et de la décision publique en la matière.

Toutes les conséquences n’en ont pas encore été tirées : l’indépendance et l’efficacité scientifique de l’expertise en santé au travail ne sont toujours pas assurées. La médecine du travail reste subordonnée aux employeurs et le nombre des inspecteurs du travail demeure insuffisant.

L’AFSSET, dont le champ d’action s’est élargi au travail, est loin d’être dotée des moyens nécessaires. Une véritable séparation entre évaluation et gestion des risques est indispensable pour éviter qu’une nouvelle catastrophe ne se reproduise. Ce qu’attestent bien les observations du rapport sénatorial en ce qui concerne le comité permanent amiante et l’Institut national de recherche et de sécurité, l’INRS.

Puisque l’État doit être responsable, monsieur le ministre, il devrait se donner les moyens d’une véritable politique de prévention des risques professionnels, à l’abri de tous les lobbies, de toutes les pressions. L’étude de la DARES de mai 2004 a indiqué que le travail pouvait être responsable d’un problème de santé sur cinq.

Le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » est, pour sa part, doté de 100 millions d’euros en 2006, en progression de 10 % en autorisations de programme et de 1 % en crédits de paiement. Pour l’organisation des concours de la formation médicale initiale des internes et du financement de l’année recherche, le déficit se creuse. Quant au financement de la Haute Autorité de santé, aucune réponse au questionnaire budgétaire ne nous a été fournie. La mise en œuvre de la télémédecine, pour sa part, voit ses crédits stagner.

L’action « soutien » du programme est assurée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH, cofinancée par l’État et l’assurance maladie, comme le groupement d’intérêt public « Carte de professionnel de santé ».

Le projet « Sesam-Vitale » assure désormais la remontée de plus de 60 % des 1,3 milliard de feuilles de soins traitées annuellement par l’assurance maladie. Nous n’avons pas reçu d’informations sur la mise en place de la carte « Vitale 2 » prévue pour 2006.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Elle l’est toujours !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Cette mission soutient également les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, groupements d’intérêt public. La part de l’État dans leur financement stagne, alors que le champ d’intervention des ARH est étendu, qu’il s’agisse de l’hospitalisation publique ou privée, ou de l’élaboration des SROS nouvelle génération.

Monsieur le ministre, les ARH, « vos » ARH, sont de ce fait tributaires de moyens mis à disposition par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, ou par les CRAM de manière aléatoire, et parfois conflictuelle. Ainsi en est-il actuellement du bras de fer feutré qui oppose l’assurance maladie et les ARH au sujet d’un débat aussi fondamental que l’évaluation de la tarification à l’activité, la T2A.

Par ailleurs, la loi du 9 août 2004 a prévu la création à titre expérimental des agences régionales de santé, les ARS. Or, aucune n’a encore été lancée, et aucun crédit n’est prévu pour 2006. Pourquoi ?

Le programme « Drogue et toxicomanie », doté de 37,3 millions d’euros, est en baisse à cause du transfert des crédits des injonctions thérapeutiques vers le programme « Conduite des politiques sanitaires et sociales ».

Ce programme ne concentre toutefois pas la totalité des moyens de l’État dédiés à la lutte contre la toxicomanie puisque 13 millions d’euros sont prévus dans le même but par l’action « Déterminants de santé » dans la mission « Santé publique et prévention ». Il serait judicieux de regrouper l’ensemble de ces crédits dans le programme « Toxicomanie ».

Un plan quinquennal ambitieux a été confié en juillet 2004 par le Gouvernement à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies, après une attente de dix mois. Encore faudrait-il que la MILDT soit dotée des crédits nécessaires à son action. Or ils stagnent depuis plusieurs années et ont même été gravement affectés par les annulations budgétaires – à hauteur de 10 %. Enfin, il conviendrait de mieux assurer le devenir même de la structure.

Tels sont, monsieur le président, mes chers collègues, les trois programmes concernant la mission « Santé publique », dont la commission des finances a, dans sa majorité, adopté les crédits.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est joliment formulé.

M. le président. Vous aurez remarqué, mes chers collègues, que je me suis montré particulièrement indulgent à l’égard de M. le rapporteur spécial.

La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Paul-Henri Cugnenc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2006 s’inscrit dans la dynamique créée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Dans un contexte budgétaire très contraint, il est l’expression de la priorité accordée à la santé et il traduit l’effort spécifique engagé pour relever les défis les plus graves, au premier rang desquels la lutte contre le cancer. J’y reviendrai de façon plus détaillée.

Avant d’évoquer les grandes lignes du projet de budget de la santé pour 2006, je voudrais saluer l’effort très important engagé depuis plusieurs années pour mettre en place la nouvelle présentation budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Cette réforme doit promouvoir une responsabilisation accrue dans la gestion des crédits, à travers une démarche de performance et d’évaluation. C’est une étape essentielle pour rendre l’État plus efficace, plus lisible et plus économe.

Venons-en au projet de loi. L’analyse des crédits de la santé demandés pour 2006 m’amène à saluer leur forte progression, puisqu’ils augmentent de près de 16 % en autorisations d’engagement. Si l’on tient compte des changements de périmètre d’action intervenus entre 2005 et 2006, les crédits de l’État destinés à la santé sont en hausse de 12,6 % en autorisations d’engagement et de 5,8 % en crédits de paiement. C’est donc incontestablement, monsieur le ministre, ce que nous pouvons appeler un bon budget.

Je ne me livrerai pas à une analyse détaillée de l’évolution des crédits – celle-ci figure dans le rapport –, me contentant de relever les principales mesures nouvelles apparaissant dans les trois programmes classiques de santé publique.

Dans le programme « Santé publique et prévention », les principales mesures concernent le plan Cancer, qui bénéficie de 22 millions de crédits supplémentaires par rapport à 2005. Les crédits de l’Institut national du cancer sont ainsi en hausse de 10 millions d’euros, tandis que l’expérimentation du maintien à domicile bénéficie de 8,5 millions d’euros supplémentaires et que 3,5 millions d’euros sont consacrés à un ensemble d’autres mesures nouvelles concernant les cancers professionnels, la prévention par la nutrition, la lutte contre la consommation excessive d’alcool et contre le tabagisme.

S’agissant des actions relatives à l’offre de soins, nous nous trouvons dans une période essentielle : la réorganisation de l’offre de soins, pilotée par la direction de l’hospitalisation et de l’offre de soins, va se traduire cette année par la mise en place des schémas régionaux d’organisation sanitaire – SROS – de troisième génération, qui seront mis en œuvre durant la période 2006-2010. Il s’agit d’assurer un maillage du territoire permettant de garantir l’accessibilité à des soins de qualité et d’un bon niveau de technicité. Cette démarche doit naturellement s’accompagner du développement de la coopération entre les établissements hospitaliers publics et privés.

Les actions du programme « Drogue et toxicomanie » voient également leurs moyens confirmés dans ce projet de budget. Les crédits demandés devront être prioritairement mobilisés dans des actions en direction des jeunes, en particulier pour les sensibiliser aux dangers encourus, qu’il s’agisse de l’usage du tabac, de la surconsommation d’alcool ou de la consommation de drogues illicites.

Permettez-moi d’insister, à ce propos, sur les questions de sécurité routière. Je pense qu’il faut réfléchir à l’instauration d’une démarche organisée de contrôles routiers visant à détecter la consommation de drogues chez les conducteurs.

M. Jean-Luc Préel. La consommation d’alcool également.

M. Paul-Henri Cugnenc, rapporteur pour avis. Concernant la surconsommation d’alcool, la loi est d’une grande rigueur, ce que nul ne saurait remettre en cause. Il serait dès lors naturel que la loi soit interprétée tout aussi rigoureusement contre la consommation de drogue, dont il est établi qu’elle induit, chez le conducteur, des modifications de comportement tout aussi dangereuses que celles que provoque la surconsommation d’alcool. En cette matière, on ne distingue pas les « alcools durs » des autres ; de même, il n’y a pas de place ici pour la discussion visant à dissocier les « drogues douces » des autres drogues : il doit être interdit de prendre la route si l’on a consommé de la drogue. Nous devons généraliser les contrôles routiers afin que chacun sache que la consommation de drogue, au-delà de son caractère illicite, sera sanctionnée avec la plus grande rigueur si elle est détectée chez le conducteur d’un véhicule.

Je consacrerai le reste de mon intervention au plan Cancer, qui a été lancé il y a un peu plus de deux ans. L’examen du projet de loi de finances est l’occasion de faire un point d’étape sur le cancer en France. Il s’agit en particulier d’examiner les moyens susceptibles de conforter l’impulsion donnée, de manière à assurer sa pérennité au-delà de l’échéance voulue par le Président de la République et fixée à 2007.

Le combat contre le cancer reste un défi national. Chaque année, 150 000 personnes meurent du cancer dans notre pays, soit 400 décès par jour. Les quatre pathologies les plus fréquentes qui sont à l’origine de cette mortalité sont le cancer du poumon, le cancer colorectal, le cancer de la prostate et le cancer du sein, qui représentent la moitié des décès. J’insiste sur le caractère médico-chirurgical de ces pathologies, car si, pour lutter contre le cancer, il faut que les acteurs soient au plus haut niveau dans le domaine des soins, la guerre ne peut être gagnée que si nous pouvons nous appuyer sur une base chirurgicale tout aussi solide.

Actuellement, 800 000 de nos compatriotes sont en traitement contre le cancer et 2 millions ont eu un cancer. Entre 1980 et 2000, le nombre annuel de nouveaux cancers a crû de 63 %, passant de 160 000 à 278 000, et la mortalité a augmenté de 20 %. Cette tendance ne doit néanmoins pas conduire au pessimisme : bien qu’on ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’une vision globale de l’ensemble des raisons, il est manifeste qu’une telle évolution s’explique essentiellement par l’augmentation de l’espérance de vie. À structure démographique constante, on peut dire qu’en France l’incidence des cancers a augmenté de 35 % de 1980 à 2000 et que la mortalité a diminué dans cette même période de 8 %.

Le plan Cancer a hérité d’une situation dans laquelle les points forts et l’excellence se mêlent à des manques, voire à des insuffisances graves. Il convient d’insister particulièrement sur la prévention et le dépistage, qui restent insuffisamment développés et doivent être aidés. S’agissant de la recherche, nos efforts, qui sont réels, sont encore trop dispersés. Le système de recherche clinique, en particulier, est inefficace, puisque plus de 90 % des nouveaux essais ne vont pas jusqu’à leur terme.

Sur le plan qualitatif, notre pays dispose de points forts importants, dont la liberté et l’universalité de l’accès aux soins, mais les disparités existantes sont encore importantes et cela est difficilement admissible. En termes de mortalité, l’espérance de vie, une fois le diagnostic établi, est six fois moindre dans certaines zones de notre territoire que dans d’autres. En matière d’accès aux soins, le délai moyen d’attente pour une IRM, qui est à l’heure actuelle de vingt-cinq jours, recouvre des délais réels qui varient de dix-sept à cinquante-quatre jours.

Dans ce contexte, le plan Cancer a permis d’insuffler une dynamique nouvelle. Les soixante-dix mesures qu’il comporte, annoncées par le Président de la République en mars 2003, se répartissent en six chapitres : prévenir, dépister, soigner, accompagner, enseigner, et enfin comprendre et découvrir. Le plan précise que le montant total des mesures nouvelles, qui s’élève à 100 millions d’euros pour 2003, devra atteindre, en valeur cumulée, 670 millions en 2007.

Un de ses éléments clés a été la mise en place d’un acteur nouveau, l’Institut national du cancer, dans un objectif d’impulsion, de suivi et de cohérence. La question a été posée de savoir si cet organisme devait être essentiellement un coordonnateur ou s’il devait agir comme opérateur. La réponse n’est évidemment pas univoque : elle varie en fonction des domaines concernés. Reste que, pour que cette impulsion agisse dans la durée, au-delà de 2007, il convient que l’organisation des rôles de chacun au service des malades puisse se faire dans les meilleures conditions d’écoute, de dialogue et de consensus. Dans le même esprit, il est essentiel que la mise en place du plan Cancer se fasse dans un souci renforcé d’équité territoriale.

S’agissant des politiques menées, je rappelle une fois encore la priorité que constitue le renforcement de la prévention et du dépistage, car notre pays est en retard dans ce domaine. À titre d’exemple, on notera que, sur les 280 000 cas de cancers nouveaux par an, l’Institut national de veille sanitaire estime que 4,5 % à 8 % sont d’origine professionnelle. Autre exemple : chez les personnes ayant bénéficié d’un dépistage du cancer du côlon, le risque de mortalité par cette pathologie sera de 30 % inférieur à celui encouru par le reste de la population. Rappelons à cet égard qu’entre 1980 et 2000 la généralisation du dépistage du cancer du col de l’utérus a permis une diminution de 57 % de sa mortalité.

En matière de dépistage, les apports nouveaux de l’oncogénétique sont considérables. Il y a vingt ans, la génétique était cantonnée à la pédiatrie ; aujourd’hui, l’essentiel des consultations de génétique concernent l’oncogénétique. Il s’agit d’identifier les familles à risque et, au sein de celles-ci, les individus particulièrement vulnérables, afin de mettre en place une surveillance et un suivi qui permettront des diagnostics précoces, et donc des traitements efficaces aboutissant à la guérison.

J’insisterai pour terminer sur trois aspects du plan Cancer qui doivent faire l’objet d’une application exemplaire : la restructuration, les soins de support et la formation.

Le plan conduit à l’élaboration d’une procédure d’autorisation pour les établissements de cancérologie. Les Français ont maintenant conscience que la proximité et la sécurité sont deux choses différentes. Chacun sait qu’une restructuration est nécessaire à la sécurité dans ce domaine. Nos concitoyens doivent accepter de faire quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres de plus pour bénéficier de cette sécurité. Au reste, je voudrais que cette analyse soit étendue au-delà du plan Cancer et serve d’exemple pour d’autres domaines. Dans celui de la chirurgie, que je connais bien, nous savons que la sécurité des Français passe par une restructuration des centres chirurgicaux.

En aval du traitement, il faut donner une réalité aux soins de support dans les structures hospitalières publiques et privées. Aidés par la dynamique du plan Cancer, nous essayons de créer des emplois nouveaux et des spécialités nouvelles, telles que celle de psycho-oncologue. On sait bien que les patients qui ont été traités pour un cancer dans un établissement donné et qui connaissent, des années plus tard, une récidive ou une complication se tournent vers l’équipe qui les a soignés lors de la phase aiguë. Il est donc nécessaire de créer des lits de soins de support. Le plan le prévoit, mais nous n’avons pas encore été capables de le faire.

Le renforcement de la formation est également indispensable, en matière de santé publique en général comme dans le cadre du plan Cancer, où le problème est essentiellement d’ordre médico-chirurgical : il faut former davantage d’oncologues médicaux, de radiothérapeuthes, mais également de chirurgiens viscéraux, en les regroupant dans des structures performantes – car, je le répète, contrairement à ce que pensaient beaucoup de Français et d’élus, proximité et sécurité sont souvent antinomiques.

Au total, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2006.

M. le président. La parole est à M. Serge Roques, premier orateur inscrit, pour dix minutes.

M. Serge Roques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le pilotage de notre système de soins est l’une des politiques les plus fondamentales de l’État, car elle touche à un aspect essentiel de la vie de nos concitoyens : la santé et sa préservation. Au-dessus des comportements individuels, forcément multiples et imprévisibles, l’État, devant le risque avéré, en est le garant suprême.

Premier budget d’application complète de la LOLF, le budget de la mission « Santé » pour 2006 est particulièrement intéressant en ce qu’il offre une grande lisibilité des interventions propres du ministère, donc de l’État, stratège en matière de détermination des objectifs de santé publique et de définition des programmes de prévention et d’adaptation de l’offre de soins. Sont en jeu dans cette mission la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de santé.

Dans cette optique, les trois programmes distincts « Santé publique et prévention », « Offre de soins et qualité du système de soins » et « Drogue et toxicomanie » poursuivent des finalités générales de pilotage. Il convient donc de les mettre en perspective avec le PLFSS et les autres missions interministérielles « Sécurité sanitaire » et « Solidarité et intégration », avec lesquelles ils sont très imbriqués. Par ailleurs, la culture du résultat, renforcée par le travail accompli en amont depuis des mois pour la mise en place de la nouvelle architecture budgétaire, va permettre de renforcer la dimension préventive de notre politique de santé insufflée depuis 2002 par le Gouvernement.

Aujourd’hui, la politique de prévention est bien plus qu’un palliatif à l’impuissance médicale, selon les mots du professeur Mattei. Elle ouvre des perspectives très prometteuses : en permettant de sauver de nombreuses vies et d’épargner beaucoup de souffrances et de séquelles définitives et invalidantes aux patients, elle ne peut que générer des économies. Le groupe UMP se réjouit donc que ce budget mette l’accent sur ce qui constituera l’essentiel de mon propos : la prévention, dans laquelle notre pays a pris beaucoup de retard.

Une telle démarche s’inscrit d’ailleurs dans un cadre politique plus global, voulu par le Président de la République et les gouvernements successifs soutenus par la majorité, et concrétisé en particulier par le principe de précaution adossé désormais à la Constitution, ou encore la politique de sécurité routière, grâce à laquelle des milliers de personnes ont échappé à la mort ou à un handicap définitif.

Développer la culture sanitaire de nos concitoyens pour les détourner des conduites à risque et être en mesure de traiter très en amont les déterminants des maladies, voilà des enjeux capitaux qui doivent recueillir tous nos efforts. Je pense en premier lieu au grand chantier voulu avec force par le Président de la République : le plan Cancer. Cette maladie étant la première cause de mortalité précoce dans notre pays, la lutte pour l’enrayer est un grand défi national. C’est le mérite des gouvernements de notre majorité d’avoir mis en place un plan global de très grande ampleur et sans précédent, attaquant la « pieuvre » de tous les côtés par la prévention, la détection précoce, le soin, la recherche et l’épidémiologie. Il faut tout faire pour freiner sa progression effrayante annoncée : plus 50 % d’ici à 2020. Le Gouvernement est résolu à s’en donner les moyens, en importance et en durée, comme votre plan le démontre. Notre collègue Paul-Henri Cugnenc l’ayant brillamment développé, je ne m’étendrai pas.

Je soulignerai, pour ma part, les défis que représentent quelques grandes pathologies contre lesquelles nous devons intensifier nos efforts. Certaines sont liées au vieillissement de la population et deviennent donc de plus en plus des sujets de société. Au premier rang de celles-ci figurent la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Le plan Alzheimer 2004-2007, mis en place par votre prédécesseur, a déjà permis de multiplier les dispositifs de prise en charge des malades d’Alzheimer à domicile. Le nombre des lieux de diagnostic a augmenté de plus de 20 % entre 2003 et 2005. L’effort est très important et sans précédent, mais il reste encore beaucoup à faire.

On le sait, en l’absence de traitement curatif, le diagnostic précoce est le seul moyen de ralentir l’évolution de la maladie et la perte d’autonomie. Il existe des traitements médicamenteux, en particulier les inhibiteurs d’acétylcholinestérase et de mémantine, dont l’action est d’autant plus efficace qu’ils sont administrés précocement. Or, selon le rapport du 6 juillet 2005 de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, une démence sur deux seulement est actuellement diagnostiquée et un cas sur trois seulement parmi les démences au stade précoce.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très mobilisé sur cette maladie, dont on dit qu’elle sera celle du xxie siècle. Elle a été longtemps ignorée des malades, de leurs proches, des professionnels de santé, des médias ou des décideurs politiques, comme le souligne le sociologue Michel Bille, parce qu’au fond elle est le miroir d’une société qui a peur de vieillir. Le plan Alzheimer a eu le mérite d’en faire prendre conscience. Il est donc important que ce plan soit scrupuleusement appliqué, en particulier son volet préventif, qui doit être accentué en direction du grand public. Il faut dédramatiser la maladie, qui cristallise les peurs attachées au vieillissement, et rappeler l’existence de traitements à tous les stades de la maladie.

Autre pathologie liée au vieillissement, touchant un quart des femmes de plus de cinquante ans et un homme sur huit, l’ostéoporose ne doit plus être une fatalité. Nous disposons actuellement de moyens de dépistage performants et de traitements préventifs efficaces. Un dépistage systématique de l’ostéoporose, notamment chez les femmes en pré-ménopause, serait souhaitable, car, là encore, une prise en charge précoce permet de réduire considérablement le risque de fracture, en particulier du col du fémur. Le coût d’une ostéodensitométrie est en moyenne de 40 euros, non remboursés. La moitié des personnes qui sont atteintes de cette maladie ne l’apprennent que trop tard, lorsque la fracture survient. Or la plupart des 50 000 fractures annuelles du col du fémur sont à l’origine de décès ou de situations de dépendance terminale.

Vous avez annoncé que la réforme de l’assurance maladie a permis de dégager une marge de manœuvre de 40 millions d’euros pour permettre à un million de personnes de bénéficier d’une ostéodensitométrie. Il est primordial, à l’instar de ce qui est fait depuis quelques années pour le cancer du sein – et le département de l’Aveyron, dont je suis élu, a été pionnier en la matière – non seulement que cet examen puisse être remboursé, mais que des campagnes d’information semblables à celles qui ont été menées cette année chez nos voisins belges soient lancées pour généraliser un dépistage chez les populations à risque.

Autre sujet qu’il me semble important d’évoquer : la lutte contre l’obésité, qui doit être une priorité affirmée des politiques de santé publique. En cinq ans, la fréquence de l’obésité est passée de 8 % à 11 % chez l’adulte et d’un peu plus de 2 % à 4 % chez l’enfant. Cette pathologie touche toutes les générations. C’est une maladie chronique évolutive, débutant souvent dans l’enfance ou l’adolescence et s’aggravant durant la vie. Elle est, en outre, un déterminant majeur pour de nombreuses maladies – accidents cardio-vasculaires, diabète, hypertension – et un facteur de risque aggravé pour certains cancers, les problèmes respiratoires ou musculo-squelettiques. Les études montrent une surmortalité chez les obèses adultes. Les causes sont multiples, tant génétiques ou biologiques que socio-économiques.

Dans le cadre du programme national Nutrition et santé, de nombreuses actions ont été entreprises et des partenariats ont été ouverts aux niveaux national et local. Certains industriels se sont engagés à intégrer des critères nutritionnels dans leurs cahiers des charges. La loi de santé publique apporte des réponses, notamment avec le renforcement des moyens de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, spécialiste public en matière de prévention et d’éducation à la santé. Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire quel bilan vous en tirez et quelles sont les perspectives, dans le cadre du programme national Nutrition et santé, pour renforcer la synergie entre les différents acteurs.

Bien d’autres actions de prévention sont menées. En matière de lutte contre le suicide, par exemple, l’accent est mis sur le dépistage des personnalités à risque, puisque avec 11 000 morts annuels, le suicide est la première cause de décès chez les personnes de vingt-cinq ans à trente-quatre ans.

En matière de lutte anti-tabagique, l’augmentation du prix du tabac était nécessaire, mais non suffisante. Il serait utile de continuer à développer l’action des centres « sans T » qui obtiennent de bons résultats dans le sevrage tabagique, pour lequel il existe des thérapeutiques efficaces.

La lutte contre la consommation excessive d’alcool doit continuer, en particulier chez la femme enceinte, où il est impératif d’obtenir la sobriété totale pour éviter l’alcoolisation fœtale, et chez les conducteurs, où le dépistage de l’alcoolémie pourrait être couplé avec celui de la consommation de cannabis et de drogues médicamenteuses à visée psychiatrique, souvent associées chez un même individu et qui rendent la conduite automobile extrêmement dangereuse.

Les activités de santé publique peuvent aussi se développer à l’initiative du personnel de santé. À titre d’exemple, je voudrais citer le centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue, qui a mis en place le prélèvement de cornée post mortem pour le traitement de la cécité, le dépistage spécialisé de la surdité infantile ou encore des actions d’éducation thérapeutique en matière de diabétologie, de nutrition, de maladies asthmatiques ou de lutte anti-tabagique.

En réalité, il y a un très vaste champ d’actions préventives à développer, dans lequel les médecins généralistes pourraient avoir un rôle pilote à la fois extrêmement valorisant et utile à toute la société, comme le préconise l’Académie de médecine dans son rapport « Campagnes de prévention nationales assurées par les généralistes ».

Finalement, cette majorité et ce gouvernement auront fait de la préservation de la vie et de la santé de nos concitoyens un enjeu politique primordial, porté au premier chef par votre ministère à travers toutes les luttes qu’il mène avec détermination contre les grands fléaux de ce siècle. Le plan de très grande ampleur que vous mettez en place contre la menace de pandémie de grippe aviaire en est un exemple supplémentaire.

La santé publique est sans doute le seul domaine dans lequel on assiste, par contraste à la décentralisation généralisée, à un phénomène de recentralisation. C’est le cas pour le dépistage des cancers, des infections sexuellement transmissibles, de la tuberculose, de la lèpre et des vaccinations. La création d’un Institut national du cancer, fort de 160 emplois, va dans le même sens. Dans le domaine de la santé publique, l’action du Gouvernement et la vôtre, monsieur le ministre, démontrent que l’État veut jouer pleinement et directement son rôle régalien de garant suprême et solidaire de la préservation de la santé des Français. C’est une responsabilité essentielle que vous revendiquez d’assumer pleinement dans la durée et dans sa globalité, comme peu de gouvernements – voire aucun – l’ont fait jusqu’ici. Et cette impulsion que vous donnez dans le domaine de la prévention ne peut qu’avoir un rôle exemplaire et très positif dans l’implication des acteurs de santé et de toute la société française.

N’en doutons pas, l’importance et l’efficacité de la prévention détermineront en grande partie la modernité et le degré de civilisation d’un pays dans les années à venir. C’est pourquoi le groupe UMP ne peut qu’approuver sans réserve un budget qui s’inscrit entièrement dans une action volontaire et efficace au service de la protection et de la qualité de la santé de tous les Français sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour quinze minutes.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui le budget de la santé pour 2006. Celui-ci est bien modeste. Il est loin de représenter la politique de santé de la nation. Le budget de la mission « Santé » représente 409 millions d’euros, dépenses de personnel non comprises, ce qui constitue d’ailleurs une aberration.

Nous venons de débattre pendant une semaine de la loi de financement de la sécurité sociale. Les dépenses remboursées par l’assurance maladie sont prévues à hauteur de 131,9 milliards d’euros. Or les dépenses courantes de santé, c’est-à-dire le total des dépenses engagées par les divers financeurs – sécurité sociale, complémentaires, ménages, indemnités journalières, subventions, recherche et formation –, se sont élevées à 185 milliards en 2004. En regard de ces sommes considérables, le budget du ministère de la santé est donc extrêmement modeste.

Il est dommage que nous ne puissions jamais avoir un vrai débat sur les sommes que la nation consacre aux dépenses de santé pour la prévention, le soin, la recherche, la formation, et sur les différents financeurs : assurance maladie, complémentaires, ménages, État et donc contribuables.

Le Parlement devrait pouvoir se prononcer chaque année, de manière transparente, sur le rôle et la place de l’État, de l’assurance maladie et des diverses agences.

Je fais partie de ceux qui plaident – et cela devrait vous satisfaire, monsieur le ministre – pour un vrai ministère de la santé, doté de moyens à la hauteur de ses missions élargies. Il pourrait, en particulier, avoir la responsabilité de la formation des professionnels et veiller à la qualité de celle-ci. La cogestion de cette formation avec l’éducation nationale entraîne actuellement une complexification des problèmes et un fréquent retard dans la recherche des solutions.

Avant d’aller plus loin, je ferai deux remarques.

Cette année, le projet de budget est présenté, du fait de la mise en œuvre de la LOLF, sous la forme d’une mission « Santé ». Cette nouvelle présentation devrait permettre un meilleur contrôle, une plus grande souplesse et surtout une évaluation plus facile de la performance. Cependant, il devient difficile de mesurer l’évolution du budget, d’autant que des transferts à l’assurance maladie ou des rapatriements dans votre budget rendent celui-ci illisible ou du moins empêchent les comparaisons et l’évaluation en toute objectivité des évolutions réelles.

La seconde remarque est plus sérieuse et vaut pour l’ensemble du budget de l’État. Chaque année, nous en débattons longuement. Chaque ministre – et celui de la santé ne déroge pas à la règle – présente, en s’en félicitant, des mesures nouvelles et attendues. Chaque année, et souvent dès janvier, Bercy propose des gels et des annulations de crédits qui frappent le plus souvent ces fameuses mesures nouvelles tant vantées quelques semaines plus tôt. Il est vraiment regrettable que ces gels soient possibles sans débat à l’Assemblée, car ils vident nos discussions de tout intérêt. En 2005, ils se sont élevés à 22 millions d’euros pour le programme « Santé publique et prévention », soit 10,60 % des crédits affectés à ce programme, et à 3,60 millions pour la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, soit près de 10 % des crédits de celle-ci. N’est-ce pas pourtant une priorité reconnue par tous ?

Monsieur le ministre, vous le savez, la santé est l’une des préoccupations majeures des Français. Ils sont inquiets parce qu’ils constatent que, malgré les réformes successives et les sommes considérables qui y sont consacrées, non seulement l’équilibre financier n’est pas atteint, mais surtout tous les secteurs sont en crise ou connaissent de grandes difficultés.

Je ne reviendrai pas sur les débats qui ont eu lieu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais je cherche en vain un seul secteur ou une seule profession où régnerait non pas la béatitude mais, simplement, la sérénité.

Qu’en est-il des établissements publics et privés, du secteur ambulatoire et des différentes professions : médecins, infirmières, kinésithérapeutes, dentistes, sans oublier les pharmaciens et l’industrie du médicament ?

II y a beaucoup à faire pour résoudre la crise. Celle-ci est financière tout autant que morale, et ce dernier aspect est au moins aussi important, tant le besoin de reconnaissance est grand chez tous les professionnels de la santé.

Monsieur le ministre, votre tâche est immense, mais elle est passionnante. Vous devez assurer l’égal accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire et veiller à la formation initiale et continue des professionnels, à l’évaluation des pratiques et des activités, à la permanence des soins, à l’organisation des urgences, à la meilleure prise en charge des pathologies…

Mais, avant tout, vous devez essayer de prévenir et de veiller, non seulement aux soins, mais également et surtout à la santé de nos concitoyens.

Vous avez hérité – ce n’est, en effet, pas vous qui l’avez préparée – de la loi de santé publique, qui a créé les groupements régionaux de santé publique, les GRSP, présidés par les préfets de région. Vous avez ainsi aggravé le fossé entre le soin et la prévention.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ah non !

M. Jean-Luc Préel. Comme je l’ai dit, vous en avez hérité, mais vous êtes bien obligé d’assumer cet héritage.

Le décret est sorti. Mais les GRSP vont-ils se mettre en place ? Personne ne le croit.

La loi réformant l’assurance maladie prévoyait la création d’agences régionales de santé expérimentales, lesquelles devaient voir le jour avant la fin 2005. Où en sont-elles ? Quelles seront leurs missions ? Comprendront-elles la prévention et l’éducation à la santé ? Aucun crédit n’est prévu pour 2006. Y auriez-vous renoncé ?

Pourront-elles fonctionner sans la fongibilité des enveloppes que vous avez refusée dans la loi organique, proposant à la place des sous-objectifs : ambulatoire, établissements, handicapés, personnes âgées ?

Pourtant, beaucoup jugent aujourd’hui souhaitable la régionalisation de la santé. Mais les résistances sont fortes, notamment au sein de votre ministère, de celui des finances et également, il faut le reconnaître, du corps préfectoral.

Allez-vous, monsieur le ministre, mettre en place les ARS et surtout leur donner les moyens de fonctionner grâce à l’attribution d’enveloppes régionales ?

En profiterez-vous pour clarifier le rôle des préfets, des DRASS et des DASS ?

Il conviendrait également de clarifier les places respectives de l’État et de l’assurance maladie.

Après avoir rappelé, lors de la discussion de la loi de santé publique, que la prévention était une prérogative régalienne de l’État, vous confiez à l’assurance maladie le financement des stocks de médicaments, la préparation des plans dans le cadre de menaces sanitaires graves, ainsi que les CAARUD qui assurent pourtant des fonctions de santé publique.

S’agit-il de décharger l’État, ou est-ce là une véritable orientation de fond ? Et, dans le second cas, pourquoi, alors que l’État renonce à ses prérogatives, demandez-vous au préfet d’attribuer une dotation fournie par l’assurance maladie ?

A contrario, vous recentralisez le dépistage des cancers, des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les vaccinations, sans grande concertation, semble-t-il, avec les conseils généraux.

Votre ministère manque de moyens humains et financiers pour assurer toutes ses missions. Vous devriez vous concentrer sur les missions essentielles, sur la définition et le suivi des grandes orientations, et faire davantage confiance aux hommes et aux femmes compétents dans les structures décentralisées, notamment dans les établissements hospitaliers.

Tout le monde demande une simplification administrative. Allez-vous enfin réduire le nombre des arrêtés et des circulaires qui tombent chaque jour ? Pourquoi vouloir tout prévoir, tout contrôler ? Faites confiance et lâchez un peu la bride.

Il est un corps sur lequel vous vous appuyez beaucoup et à qui vous demandez toujours plus : celui des médecins inspecteurs de la santé. Ils sont aujourd’hui 500, à qui vous avez fait des promesses, notamment celle de les intégrer dans le corps des praticiens hospitaliers. Il existe, comme vous le savez, soixante-dix postes vacants, et leur rôle est majeur dans la prévention des risques et la surveillance de l’état sanitaire du pays et des établissements. Ils ont besoin de reconnaissance, vous avez besoin d’eux. Écoutez-les !

L’UDF a toujours plaidé pour la création d’un INSEE de la santé. Il nous paraissait nécessaire de disposer d’un organisme scientifique chargé de recueillir toutes les données, de les traiter et de les mettre à la disposition de tous – caisses, organismes complémentaires, professionnels de santé –, afin de permettre un pilotage fin en temps réel.

Lors de la réforme de l’assurance maladie, vous avez voulu créer un institut des données de santé, données que vous souhaitiez « anonymisées », sans remettre en cause les structures existantes. Vous présentiez cet institut comme une grande avancée, mais vous semblez si peu y croire que vous l’avez doté en 2005 de 100 000 euros. J’avais indiqué l’année dernière que j’attendrais avec le plus grand intérêt le résultat. Pouvez-vous m’indiquer, monsieur le ministre ainsi que monsieur le rapporteur – car je n’ai rien lu dans le rapport à ce sujet –, si ces 100 000 euros ont été utilisés ? Et à quoi ? Quel avenir prévoyez-vous pour cet institut des données de santé ? De quels moyens sera-t-il doté en 2006 ? Je n’en ai trouvé nulle trace. L’avez-vous abandonné ?

L’une des innovations de la loi de santé publique a été la création d’un institut pour le cancer, qui a été unanimement saluée. Cet institut, qui résulte de la volonté du Président de la République et a pour but de s’attaquer à l’une des maladies devenue parmi les plus fréquentes, se met en place. Les moyens importants que vous lui attribuez – 26 millions d’euros en autorisations d’engagement – contribuent pour beaucoup à l’augmentation des moyens de la mission « Santé » dans son ensemble.

Son budget pour 2006 est prévu à 95 millions. L’institut doit permettre de renforcer la prévention et le dépistage. Celui du cancer du sein, première cause de mortalité prématurée évitable chez la femme, doit progresser. Le taux de réponse est aujourd’hui notoirement insuffisant. Les femmes qui se présentent étaient souvent déjà suivies individuellement.

Par ailleurs, il est nécessaire de généraliser enfin le dépistage du cancer du colon et du rectum, en anticipant l’augmentation du nombre de coloscopies induites par un test positif.

L’institut du cancer a un rôle majeur à jouer pour améliorer la qualité de l’offre de soins en stimulant les réseaux et en définissant les critères d’autorisation pour les établissements. La mise en œuvre de ces critères ne sera pas simple, mais, au moment où se préparent les SROS de troisième génération, ils sont très attendus.

Quand ces critères seront-ils définis et validés ? Pour importants que soient le dépistage et le soin, la prévention ne peut être oubliée.

Vous augmentez les crédits de l’INPES. Fort bien ! Sur les 100 millions de son budget, l’État en finance un petit quart : 23 millions. Sa mission consiste pour l’essentiel en de grandes campagnes de presse. Ces dernières sont certainement utiles, mais l’important est de veiller à ce que les hommes et les femmes de terrain qui œuvrent dans les associations aient les moyens d’intervenir et de poursuivre leurs actions. Je plaide, au nom de l’UDF, pour que les CODES et les CRES soient confortés et que, dans le domaine de la prévention, nous nous préoccupions des deux fléaux majeurs que sont le tabagisme et l’alcoolisme.

Tous deux sont à l’origine de nombreux cancers, responsables d’au moins 66 000 morts pour l’un et de 50 000 pour l’autre, c’est-à-dire beaucoup plus que les accidents de la route. L’alcoolisme entraîne, de plus, des dégâts sociaux au sein des familles et nombre d’accidents du travail.

L’État doit s’impliquer avec force et détermination pour combattre ces deux fléaux. Vous devez, monsieur le ministre, vous engager dans une politique de prévention et d’éducation. Pour cela, vous devrez revenir sur un amendement récent, voté dans la loi d’orientation agricole, qui est contraire aux objectifs d’une politique de santé publique.

J’aurais pu aborder bien d’autres sujets qui me tiennent à cœur, notamment les problèmes de démographie médicale, le financement des maisons médicales de garde, les réseaux de santé, l’hospitalisation à domicile, les services de soins à domicile, les frais de déplacement des professionnels de santé – dont l’harmonisation et la réévaluation paraissent indispensables.

Je me bornerai à dire quelques mots sur le dossier médical personnel, proposition importante de la réforme de l’assurance maladie décidée dans le but d’améliorer la qualité des soins.

Contrairement à ce qu’avait annoncé votre prédécesseur, il ne permettra pas d’économiser 3,5 milliards d’euros en 2007. Outre que sa mise en œuvre sera encore longue et onéreuse, de nombreuses questions doivent encore être résolues, comme en témoigne le rapport de Jean-Jacques Jégou. Une expérimentation est prévue très prochainement ; elle doit, semble-t-il, concerner 30 000 dossiers.

Le dossier médical personnel sera-t-il exhaustif ? Comment sera-t-il sécurisé ? Qui y aura accès ? Avec quel matériel et dans quelles conditions ? Qui le mettra à jour ? Avec quelle rémunération ?

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attaché à sa mise en œuvre rapide. Quand et comment aura-t-elle lieu ? Avec quels moyens ? Le budget du ministère ne semble pas devoir y participer.

Pour conclure, vous êtes en charge, monsieur le ministre, d’un secteur majeur, qui intéresse et même passionne tous les Français, car chacun, à juste titre, veut demeurer en bonne santé et avoir accès à des soins de qualité.

Il est dommage, comme je l’indiquais au début de mon intervention, que nous ne puissions avoir un débat annuel sur l’ensemble de notre système de santé et l’ensemble des financeurs.

Je plaide au nom de l’UDF pour un responsable unique de la santé au niveau régional – contrôlé démocratiquement par une conférence régionale de santé élue – en charge de l’ambulatoire, des établissements, de la prévention, de l’éducation à la santé et de la formation.

J’espère, monsieur le ministre, que vous m’indiquerez clairement quel est, dans votre esprit et dans les faits, l’avenir des agences régionales de santé pour 2006 et quand sera prévue une enveloppe régionale fongible. J’y reviens, et j’y insiste. Je serais très heureux de savoir où en est le financement, car, malgré une lecture très attentive, je n’ai rien trouvé dans le rapport.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Je savais que vous parleriez après moi !

M. Jean-Luc Préel. En 2006, 100 000 euros étaient prévus. À quoi ont-ils servi ? Quelle est la dotation en 2006 ?

Je plaide aussi pour un ministre de la santé de plein exercice, garant de l’égalité sur le territoire et définissant les grandes priorités.

Votre tâche est ardue, monsieur le ministre, mais également, comme je l’ai dit tout à l’heure, passionnante J’espère que vous saurez améliorer notre système de santé, qui connaît aujourd’hui une crise profonde à la fois morale, organisationnelle et financière.

Sur les questions que je vous ai posées – j’en aurais eu beaucoup d’autres si j’avais eu plus de temps –, j’attends vos réponses avec le plus grand intérêt.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour dix minutes.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le projet de loi de finances pour 2006 est le premier budget à mettre pleinement en œuvre la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances – comme cela nous est indiqué dès la première phrase de l’exposé des motifs –, ce ne sera sans doute pas le dernier caractérisé par l’insincérité et l’illisibilité. Le budget de la mission « Santé » en donne la preuve.

Tout d’abord, son illisibilité pour le commun des mortels est patente. Précédemment, dans le cadre d’un seul et même budget, nous examinions, entre autres, les crédits consacrés à la santé, à la sécurité sanitaire, à la famille et au handicap. Désormais, nous avons plusieurs missions. Mais, malgré cette évolution a priori positive, j’aurais souhaité que les progrès notables sautent aux yeux. Ce n’est pas le cas !

Les nombreux changements de périmètres qui en découlent ne facilitent pas la lecture du « bleu » budgétaire, ni les comparaisons d’une année sur l’autre. Ainsi, le choix de concentrer dans la mission « Solidarité et intégration » l’ensemble des crédits de personnel intervenant dans le champ sanitaire et social ne peut que nous laisser perplexes.

Ensuite, son insincérité ne fait guère de doute. Depuis 2002, compte tenu du contexte économique quasiment récessif, que sa politique ne fait qu’aggraver, le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de multiplier gels et annulations de crédits. Cette manipulation lui permet de maintenir un affichage budgétaire certes flatteur, mais pas réel.

Après 55 millions d’euros annulés en 2003 et 20 millions en 2004, cette année, c’est bis repetita. Plus de 17 millions de crédits de paiements relatifs au programme « santé publique - prévention » viennent d’être supprimés par décret. Monsieur le ministre, que deviennent les annonces sur la lutte contre l’obésité, la lutte contre le tabagisme, la lutte contre l’alcoolisme ou la prévention du cancer du côlon ?

Une telle pratique réduit considérablement la portée de la discussion de ce jour, puisque tout nous laisse penser que nous avons affaire à un budget qui, aussitôt voté, risque d’être amputé.

Au regard de l’ensemble de ces observations, c’est avec circonspection que l’on se doit d’appréhender un budget qui nous est présenté en forte progression : plus 15,98 % par rapport à 2005 pour ce qui est des autorisations d’engagement et plus 10,06 % en ce qui concerne les crédits de paiement. C’est vraiment trop beau pour être vrai !

À périmètre constant, cette hausse est effectivement déjà moins spectaculaire. Elle est ramenée à 12,24 % pour les autorisations d’engagement et à 6,61 % pour les crédits de paiement.

À un niveau d’analyse encore plus poussé, c’est-à-dire si l’on fait abstraction du sort réservé au plan Cancer, les moyens alloués à la mission « Santé » sont stables. De ce point de vue, et compte tenu d’une inflation dont le taux avoisine les 2 %, on peut même parler d’une stagnation, voire d’un recul, des crédits de paiement.

En fait, sur les trois programmes que compte la mission « Santé », deux enregistrent une baisse significative. D’abord, pour le programme « Offre de soins et qualité du système de soins », on constate une baisse de 3,41 % pour les autorisations d’engagement et de 10,48 % pour les crédits de paiement. Ensuite, le programme « Drogue et toxicomanie » connaît une baisse de 1,85 % pour les autorisations d’engagement et une évolution identique pour les crédits de paiement.

Il ne serait pas possible, dans le temps qui m’est imparti, de dresser un inventaire exhaustif des conséquences néfastes de vos arbitrages budgétaires. Je pourrais, à titre d’exemple du désengagement de l’État, pointer le fait que l’ensemble des investissements dans le secteur hospitalier a été progressivement transféré à l’assurance maladie, la mission « Santé » ne comprenant plus que quelques subventions d’investissement n’excédant pas 10 millions d’euros en faveur d’établissements situés dans les collectivités d’outre-mer les plus sous-équipées – je pense à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Toutefois, je me contenterai de souligner que soins et réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie demeurent les parents les plus pauvres de la politique de santé publique. Les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l’expérimentation de nouveaux dispositifs sont, malheureusement, en chute libre. Sur l’exercice précédent, 3 millions d’euros étaient initialement attribués à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

C’est dans ce contexte très défavorable que se sont mis en place les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues.

Le PLFSS en cours de discussion organise le transfert de leur financement à l’assurance maladie. Cela tend à prouver que ces centres créés par la récente loi de santé publique verront effectivement le jour, mais cela ne dissipe pas pour autant les incertitudes auxquelles sont confrontées les 270 structures participant à l’action de réduction des risques.

En effet, on observe que le décret définissant les missions des CAARUD n’est toujours pas paru ; le processus de concertation et d’information entre l’administration et les associations est quasiment inexistant ; la liste des 80 structures pressenties pour être CAARUD a été établie dans la précipitation par l’administration déconcentrée et n’a pas été communiquée aux acteurs.

Aussi, je me permets de me tourner vers vous, monsieur le ministre, pour vous demander quel sera le sort réservé aux 190 structures qui n’auront pas l’honneur d’être labellisées CAARUD ? Seront-elles privées de financement ? Autrement dit, leur capacité d’expertise et leur action de proximité seront-elles sacrifiées sur l’autel de la rationalisation administrative et de la rigueur budgétaire ?

De plus, comment comptez-vous assurer la continuité des financements pour ces futurs CAARUD entre la fin des subventions d’État et le début des dotations assurance maladie ? Question essentielle s’il en est, puisque le financement assurance maladie devrait être effectif au 1er janvier 2006, alors que les CAARUD ne seront théoriquement agréés qu’en juin prochain.

Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, le programme « Santé publique et prévention » connaît une hausse non négligeable. Le plan Cancer, dont la montée en puissance en absorbe l’essentiel – priorité nationale oblige –, bénéficie cette année encore d’un abondement budgétaire conséquent : une subvention de 45,23 millions à l’Institut national du cancer conjuguée à 49,3 millions de dépenses d’intervention. On ne peut que s’en féliciter !

Néanmoins, nous doutons que cet effort, incontestable, soit réellement à la hauteur. II suffit de se référer au problème de l’amiante pour se persuader que beaucoup reste encore à faire. Lors de l’examen du PLFSS – puisque le FCAATA et le FIVA sont pour partie financés par des contributions de la branche accidents du travail et maladies professionnelles –, nous avions déploré le fait que les dotations soient reconduites à l’identique, alors que le nombre de recours et, partant, la prise de conscience de l’ampleur du désastre ne cessent de croître. Or, les barèmes d’indemnisation demeurent insuffisants et certaines professions, sans justification valable, sont exclues du bénéfice de la cessation anticipée d’activité.

« Le plan Cancer, c’est mieux que rien ! », s’était exclamé votre prédécesseur, monsieur le ministre, ici même, il y a un an jour pour jour. Cette déclaration, censée faire taire les critiques, avait, en fait, résonné, à cette époque, comme un formidable aveu de faiblesse.

Indéniable et méritoire – a fortiori au regard des mesures injustes et démagogiques de réduction des impôts progressifs que vous promettez pour la prochaine année électorale –, le soutien au plan Cancer ne saurait suffire à compenser les insuffisances, reculs et désengagements qui caractérisent un budget en définitive décevant. Il ne s’agit que de l’arbre qui cache la forêt.

Ce budget est, je le répète, hormis l’effort enregistré dans la lutte contre le cancer, loin de répondre aux besoins de santé publique et de prévention. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour dix minutes.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si certains disent que la santé n’a pas de prix et si d’autres répondent qu’elle a cependant un coût, il n’en demeure pas moins vrai que le prix de la santé est incommensurable parce qu’elle est et restera le bien le plus précieux de l’homme.

Les Français sont bien obligés de constater que depuis plus de trois ans, votre gouvernement, monsieur le ministre, fait prévaloir les logiques d’équilibre budgétaire et libérales sur les impératifs du service public de santé.

Nous savons tous que la réforme budgétaire de la loi organique relative aux lois de finances empêche toute comparaison pertinente entre la simple mission « Santé », dont les crédits ne dépassent pas les 400 millions d’euros, et le budget 2005 de la santé, qui s’élevait à plus de 11 milliards d’euros, amputés – rappelons-le – par 26 millions d’euros d’annulation de crédits.

Il convient de préciser également que le financement de la mission « Santé » pour 2006 représente moins de 4 % de l’action gouvernementale en matière de solidarité et de santé publique. Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de sortir mon intervention du simple périmètre délimité par les trois programmes de la mission « Santé » qui font l’objet de notre discussion d’aujourd’hui. Non point que la prévention, l’offre de soins, la lutte contre la drogue et la toxicomanie ne méritent pas, à elles seules, l’intégralité de mon discours, mais ces actions primordiales pour la santé publique, et toutes les autres, doivent être appuyées par des moyens suffisants et des structures hospitalières adaptées. Or, le système de santé à la française est en crise. J’en veux pour preuve les nombreux mouvements de contestation des professionnels de santé, qui n’ont de cesse, monsieur le ministre, de vous le rappeler.

En effet, la situation est préoccupante. Je prendrai l’exemple des hôpitaux publics, qui connaissent déjà d’importantes difficultés et dont la grande majorité seront dans l’impossibilité de boucler leur budget de fin d’année.

Depuis la mise en place progressive du plan Hôpital 2007, nous assistons à l’instauration d’une véritable inégalité territoriale en matière de prévention et d’accès aux soins, En effet, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre la tarification à l’activité le 1er janvier 2004 dans les établissements de santé publics et privés.

L’objectif fixé, fort louable, était d’impulser une nouvelle dynamique de gestion par un mode de financement plus stimulant et équitable dans un souci de maîtriser les dépenses de santé. Force est de constater que les conséquences pour les départements d’outre-mer et plus particulièrement pour la Martinique sont dommageables, voire catastrophiques.

Président du conseil d’administration du Centre hospitalier général de la Martinique, je suis bien placé pour témoigner des maux endémiques qui touchent le secteur hospitalier dans nos régions. En effet, la réforme hospitalière, mise en place par votre Gouvernement, ne semble pas adaptée, en l’état actuel, aux particularismes des DOM-TOM. L’insularité et l’éloignement génèrent, en effet, des coûts de fonctionnement supplémentaires de certains services de soins indispensables à la population mais qui ne sont pas rentables du fait du bassin de population très limité : 395 000 habitants, par exemple, pour la Martinique. Faut-il pour autant, au nom de la rentabilité, renoncer à des services de soins toujours plus coûteux que ceux de métropole ? Je vous pose la question, monsieur le ministre.

De plus, le contexte de précarité dû à un environnement économique difficile – 27 % de chômeurs, en moyenne, dans l’ensemble des DOM-TOM – et la prise en charge de nombreux ressortissants étrangers insolvables, à quoi s’ajoutent entre autres les coûts de sur-stockage de médicaments, tous ces handicaps ont conduit les hôpitaux de Martinique à accumuler, au cours des dernières années, 25 millions d’euros de créances irrécouvrables, 22 millions d’euros de déficit de fonctionnement et 12 millions d’euros de moins-value dus à l’application de la T2A. En tout et pour tout, il manque 60 millions d’euros dans les caisses des hôpitaux martiniquais !

Monsieur le ministre, sans remettre en cause le principe de la réforme, il nous paraît indispensable de l’adapter aux réalités de l’outre-mer et d’en tirer les conséquences sur le plan du financement des budgets hospitaliers.

Il convient que les handicaps structurels des DOM-TOM soient intégralement pris en compte et que les dotations affectées aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, soient plus abondées afin de permettre aux établissements publics hospitaliers d’outre-mer de remplir leur mission de service public.

Beaucoup d’activités doivent être financées dans les MIGAC, et pas seulement par la T2A.

Face à l’inadaptation de la réforme hospitalière en outre-mer, que je viens de décrire, je ne peux que considérer que les trois programmes de la mission « Santé » pour 2006 rencontreront de très grandes difficultés pour être opérationnels dans les départements d’outre-mer. Les crédits que vous nous invitez à voter aujourd’hui relèvent de l’affichage, malgré une augmentation de 6 % des crédits de paiement : une goutte d’eau par rapport aux crédits qui seraient nécessaires pour qu’eu égard à leur indéniable particularisme les établissements publics de santé d’outre-mer puissent décemment remplir leur mission de service public.

Les professionnels de santé ont beaucoup fait dans le domaine de la prévention de certaines pathologies comme le cancer, la toxicomanie ou l’obésité. Ils attendent des moyens beaucoup plus importants pour poursuivre le travail qu’ils ont entrepris depuis des années.

Je dois ici aussi, monsieur le ministre, traduire l’inquiétude des Antillais, Guadeloupéens et Martiniquais, face à la pollution de leurs terres par le chlordécone, ce pesticide qui a fait des ravages. Vous savez comme moi, monsieur le ministre, qu’en ce moment beaucoup d’agriculteurs ne peuvent pas planter. De plus, il faudrait que les végétaux ne provoquent pas d’autres pathologies qui seraient préjudiciables à la santé des Martiniquaises et des Martiniquais.

En outre, vous savez aussi, monsieur le ministre, que la toxicomanie aux Antilles, et particulièrement à la Martinique, est en augmentation et fait des ravages ; nous attendons des moyens supplémentaires afin de pouvoir mener une politique de santé en direction de nos populations.

Monsieur le ministre, je pense vous en avoir assez dit pour que vous soyez suffisamment sensibilisé aux problèmes rencontrés par nos établissements hospitaliers en outre-mer. Le monde hospitalier en Martinique est en effervescence. Il vous appartient d’apporter des réponses urgentes et efficaces qui soient de nature à redonner confiance à l’ensemble des personnels qui se dévouent au quotidien, et parfois dans des conditions difficiles, pour assurer leur mission.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vous présente aujourd’hui la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2006 et je profite de l’occasion pour apporter les précisions nécessaires sur un certain nombre de points soulevés tant par les rapporteurs que par les autres intervenants.

Comme l’ont rappelé nombre d’entre vous, la politique de santé publique constitue l’une des missions essentielles de l’État tel que nous le concevons aujourd’hui. Nous sommes particulièrement attentifs au respect de l’exigence d’accès à des soins de qualité pour tous, notamment pour les plus vulnérables. Cette mission nous commande aussi d’associer tous les acteurs à la mise en œuvre d’une politique tournée vers l’avenir, qui développe une véritable culture de la prévention.

L’ampleur de ces défis explique que les moyens consacrés à la mission « Santé » augmentent en 2006 pour s’élever à 400 millions d’euros. Cette mission concerne d’abord la politique de santé publique, avec, d’une part, la mise en œuvre des plans – pour la lutte contre le cancer, contre le VIH, ou encore contre la maladie d’Alzheimer – et d’autre part, le développement de la culture de prévention, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants. Elle recouvre ensuite la lutte contre les drogues et toxicomanies. Elle permet enfin le pilotage de l’offre de soins à l’hôpital.

J’ajoute, monsieur Manscour, qu’au-delà de la réforme de la tarification à l’activité, la fixation annuelle de l’ONDAM hospitalier tient bel et bien compte de la spécificité des DOM. En 2005, comme au cours des années précédentes, l’enveloppe hospitalière pour les DOM est nettement supérieure à celle des hôpitaux de la métropole, avec un différentiel de 3 % par an en moyenne, soit un taux de réel de 7 % supplémentaires, ainsi qu’un coefficient correcteur qui vient majorer de 25 % les tarifs des établissements de santé de nos départements d’outre-mer.

Cette politique de santé repose sur trois piliers : c’est d’abord la politique de santé publique, c’est ensuite la lutte contre les drogues et les toxicomanies, mais c’est aussi la recherche d’une plus grande rationalité, d’une meilleure gestion et d’une amélioration globale de la qualité de notre système de santé.

Les actions en faveur de la santé publique et de la prévention mobilisent 260 millions d’euros. La progression de plus de 23 % de ces crédits s’explique par la volonté de tout mettre en œuvre pour assurer le succès total de nos grands plans de santé publique, au premier rang desquels le plan Cancer, sur lequel M. le rapporteur pour avis Paul-Henri Cugnenc a bien voulu insister. C’est la conséquence d’une exigence d’efficacité mais aussi d’équité territoriale, qui conduit aussi à la recentralisation de certaines compétences, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial Gérard Bapt.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a en effet réorganisé les compétences entre État, régions et départements. Dans le domaine de la santé, certaines actions comme le dépistage des cancers, les vaccinations ou encore la lutte contre les maladies infectieuses ont été recentralisées tandis que la formation des personnels sera effectivement décentralisée au 1er janvier 2006. Ces mesures reflètent notre choix de la qualité et de la sécurité pour tous dans la proximité.

Pour financer ces compétences recentralisées au niveau de l’État, sont prévus 41,6 millions d’euros, montant déterminé par une mission conjointe de l’IGAS, de l’IGA et de l’IGF. Cette dotation sera adaptée aux besoins réels, afin qu’elle contribue à améliorer la prévention et le dépistage sur l’ensemble du territoire.

Quant au drame de l’amiante, l’État a reconnu sa responsabilité. Il investit dans l’indemnisation mais il souhaite aussi rendre plus justes les préretraites « amiante » afin de n’oublier personne.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous l’avez dit, monsieur Bapt, l’État contrôle aussi les chantiers de désamiantage. Nous serons très attentifs au rapport qui sera publié par l’Assemblée nationale après celui du Sénat. Nous attendons également un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et nous serons bel et bien au rendez-vous de nos responsabilités, comme j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle lors d’une séance de questions d’actualité.

Monsieur Bapt, les moyens de l’INPES sont préservés, grâce à l’engagement et de l’État et de l’assurance maladie. Ils augmenteront même pour certaines actions de prévention, notamment dans le domaine de la nutrition.

Le plan de lutte contre le cancer bénéficie d’un quart des crédits consacrés à la mission, soit 95 millions d’euros. Au total, les moyens dévolus par l’État à cette priorité voulue par le Président de la République progressent de 32 % en 2006 et 22 millions d’euros supplémentaires permettront d’accélérer la mise en œuvre de ce plan. L’INCA, l’Institut national du cancer, présidé par le professeur Khayat, a en charge la coordination mais aussi le pilotage de la mise en œuvre de ce plan. Il sera doté, en 2006, de 45 millions d’euros de crédits au titre du ministère de la santé et d’autant pour celui de la recherche. Cette importante dotation nous permettra d’être plus ambitieux. À cet égard, permettez-moi de citer un seul objectif qui témoigne de notre mobilisation, celui de la montée en charge du dépistage organisé du cancer du sein. S’il ne touche aujourd’hui que 40 % des femmes de cinquante à soixante-quatorze ans, il devrait en concerner 70 % en 2007. Telle est la feuille de route que j’ai donnée à l’INCA lorsque je lui ai confié la coordination de ces actions. Nous lui donnons les moyens de réaliser cette ambition au service de la qualité des soins, mais aussi des patients et patientes.

Comme l’a souligné M. Cugnenc, ce dont je le remercie, nous accentuerons nos efforts, en 2006, dans plusieurs domaines spécifiques, comme la prise en charge à domicile, la lutte contre les cancers professionnels, la prévention des risques de cancer liés à l’alcool et au tabac, mais aussi à certaines pratiques alimentaires.

La prévention joue un grand rôle dans le domaine de la lutte contre le cancer. Il doit en être de même dans la mise en œuvre de toutes nos priorités de santé publique, pour que nous puissions réorienter notre système de soins en développant une véritable culture de la prévention. Notre système de santé est considéré comme le meilleur au monde sur le plan curatif, comme l’indique l’Organisation mondiale de la santé. Il est temps que nous puissions offrir également à nos concitoyens le meilleur de notre système de santé en matière de prévention.

Je sais que certains se sont interrogés sur la manière dont s’articulent les efforts entrepris dans le cadre du plan Cancer avec le maintien de nos autres priorités, comme la lutte contre le sida ou l’ensemble des plans de santé publique. J’ai veillé personnellement, lors de l’élaboration du budget, à ne pénaliser la mise en place d’aucun de ces différents plans qui figurent dans la loi de santé publique du 9 août 2004 et auxquels vous faisiez référence tout à l’heure, monsieur Roques.

Les crédits supplémentaires consacrés à la lutte contre le cancer ne proviennent pas d’autres plans, dont certains voient d’ailleurs également leur dotation augmentée. Comme vous le voyez, nous avons conscience que tous les défis de santé publique sont prioritaires.

Monsieur Bapt, l’effort public concernant la prévention et le traitement du sida, des hépatites et des autres maladies infectieuses est maintenu au même niveau que l’an passé, soit 67 millions d’euros répartis entre l’assurance maladie et le budget de l’État – 53 millions d’euros à ce titre. Du reste, ces crédits sont intégralement reconduits depuis 2002. Ainsi, le financement des associations est rigoureusement identique et nous essayons également de renforcer la cohérence des dispositifs actuels, ce qui explique la nouvelle répartition des financements entre l’État et l’assurance maladie. C’est notamment le cas pour les CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, dont le financement, soit 14,9 millions d’euros, revient désormais à l’assurance maladie. Je tenais à apporter ces éléments de réponse à Mme Jacquaint, car il est normal que ces centres adossés aux établissements médico-sociaux soient financés par l’assurance maladie dans la mesure où ils constituent l’un des volets de l’offre de ces établissements. Il s’agit donc avant tout d’une mesure de rationalisation et de simplification de la gestion.

Ces crédits nous permettront de poursuivre les actions de prévention et d’information sur les risques liés à certains comportements, ainsi que de favoriser un meilleur accompagnement des malades. Il nous faut améliorer la qualité de vie des personnes atteintes du sida, tant à domicile qu’à l’hôpital, et leur apporter un soutien accru en termes de thérapie et de réinsertion socioprofessionnelle tout en changeant le regard sur la maladie et la séropositivité.

D’autres actions ambitieuses témoignent de notre volonté de ne délaisser aucun plan de santé publique. Ainsi, 20 millions d’euros seront dévolus aux autres plans et programmes. Je pense ainsi au plan Nutrition et santé, qui vise à améliorer l’état général de la population en agissant sur l’un de ses principaux déterminants, l’alimentation. Cela passe par des actions de prévention primaire mais aussi par un dépistage précoce de l’obésité, qui permettent de diminuer les risques d’accidents cardiovasculaires comme de certains cancers.

L’effort que nous menons pour lutter contre l’obésité, monsieur Roques, se manifeste par une hausse des crédits, qui atteignent 5,3 millions d’euros. S’agissant des actions que nous menons, j’insiste sur le fait que les campagnes nationales d’information qui ont été lancées ne se contentent pas d’intervenir sur les risques liés à l’obésité, mais concernent des actions concrètes afin de remédier à ce risque sanitaire pour notre population. Cela dit, il faut aller au bout de la démarche, ce qui suppose, au-delà de l’interdiction des distributeurs dans les établissements scolaires, la publication du décret sur la publicité alimentaire, comme cela a été prévu.

Mme Anne-Marie Comparini et M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cette action place la France à la première position mondiale en matière de nutrition, comme l’indiquent de grands journaux américains. Je pense également à la campagne INPES sur les glucides, qui traite pour la première fois d’équilibre alimentaire et qui s’inscrit dans la lignée de ce que nous avons fait.

Je souhaite aussi que nous accentuions nos efforts sur la prise en charge de l’obésité en menant des actions de proximité, et pas seulement sur la seule prévention. En effet, nous ne devons pas oublier ces personnes qui sont aujourd’hui atteintes d’obésité. Il faut assurer, notamment aux plus jeunes, un accompagnement individualisé et un soin particulier.

Mme Anne-Marie Comparini. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je rappelle également que 6,2 millions sont dévolus au plan Santé mentale, qui nous permettront d’accélérer sa mise en œuvre, notamment dans ses dimensions d’information. Je pense à la campagne de l’INPES sur les troubles dépressifs, la prévention du suicide des jeunes et le soutien aux associations de patients, aux familles et aux professionnels de santé. Je pense encore au plan Accidents et violences.

S’agissant du plan Maladies rares pour lequel M. Rochebloine manifeste un grand intérêt depuis plusieurs années, nous voulons mieux connaître, mieux informer et mieux soigner ces affections. Ce seront 6,1 millions d’euros qui seront consacrés aux actions en faveur de la lutte contre les maladies chroniques et, surtout, de la qualité de vie des patients.

C’est au sein de ce volet que s’inscrit le plan triennal Alzheimer. Les crédits, en hausse de 45 %, permettront, là aussi, une meilleure information, un dépistage plus précoce encore et une prise en charge répondant mieux aux règles d’éthique. Et quand je pense à la prise en charge, je pense aux malades mais aussi et surtout à leurs familles et à tous leurs accompagnants, qu’il ne faut plus oublier.

Mme Anne-Marie Comparini et M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les efforts consentis sont importants car il nous faut rattraper un très grand, trop grand retard.

C’est dans cet esprit que le plan de lutte contre la douleur vient d’être renforcé, comme l’ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre. De même, le plan Périnatalité vise à réduire la mortalité périnatale à un taux de 5 ‰ et celle de la mère à 5 ‰ο, en améliorant les soins mais aussi en accentuant le dépistage de risques éventuels.

D’autres grandes priorités de santé publique doivent être davantage prises en compte. Vous savez, monsieur Roques, l’intérêt que je porte à une meilleure prévention de l’ostéoporose, cette maladie qui concerne une femme sur quatre de plus de cinquante ans. L’utilisation des moyens de prévention, par le mode de vie ou l’usage de médicaments, suppose que l’on puisse évaluer la fragilité osseuse et le risque de fracture. Ceci peut se faire grâce à un examen radiologique, l’ostéodensitométrie, qui n’est pas jusqu’à présent prise en charge par l’assurance maladie, ce qui explique que de nombreuses femmes hésitent à faire ce dépistage et que les tarifs varient aujourd’hui beaucoup trop. J’ai souhaité demander à l’UNCAM d’inscrire cet examen au remboursement. Ce n’est possible qu’après consultation de la Haute Autorité de santé et de l’Union nationale des organismes complémentaires. Je veillerai personnellement à l’avancée de ce dossier dans les meilleurs délais afin de favoriser la prévention de l’ostéoporose et la qualité de vie de milliers de femmes. Nous pensons que la prise en charge de cet examen préventif devrait pouvoir bénéficier à un million de femmes dès 2006.

28,4 millions d’euros seront dévolus à une meilleure coordination de la politique de santé au niveau régional. C’est un sujet que vous évoquez régulièrement, monsieur Préel. Nombre d’entre vous s’interrogent sur la complexité de l’articulation entre les différents acteurs. Sur cette question, il n’est pas possible de parler du retrait du ministère de la santé. Au contraire, il faut considérer que les plans régionaux de santé publique, les groupements régionaux de santé publique et les conférences régionales de santé doivent permettre une déclinaison efficace des politiques menées au niveau national. Je crois à la proximité. L’État veille à mener une action vigoureuse de pilotage de l’ensemble de ces acteurs et d’évaluation de leurs actions. La mise en place des ARS, dont l’expérimentation est prévue par la loi du 13 août 2004, n’est en rien abandonnée, mais je ne peux que constater la divergence des avis de nombre d’acteurs, tant sur les missions qu’elles doivent remplir que sur leur organisation.

Monsieur Préel, vous considérez que les ARS doivent être placées auprès des conseils régionaux. D’autres n’ont pas la même vision des choses.

M. Jean-Luc Préel. Cela fait des années que je dis exactement le contraire !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est pourtant ce que j’avais cru comprendre ! Voilà pourquoi il est intéressant de pouvoir poursuivre encore l’échange car c’est visiblement toujours du manque de dialogue que viennent les problèmes ou les difficultés de compréhension !

M. Jean-Luc Préel. Je suis à votre disposition, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je suis à la vôtre, monsieur Préel, comme d’ailleurs à celle de tous les parlementaires.

Nous avons donc d’abord choisi de fixer les conditions d’une participation des conseils régionaux, dans le respect d’une mise en œuvre équitable de nos programmes de santé publique, et je souhaite lancer, dès 2006, les premières expérimentations d’ARS qui pourront être au nombre de trois. Elles doivent être différentes car il s’agit bel et bien d’une logique d’expérimentation. Là encore, je souhaite que nous progressions dans le sens d’une plus grande proximité en matière de santé.

La prévention est aussi un élément central du programme de lutte contre les drogues et les toxicomanies. Le 25 juillet 2004, le Premier ministre a validé le plan quinquennal contre les drogues et les toxicomanies qui sera doté en 2006 de moyens importants, 38 millions d’euros étant attribués à la MILDT. Toutefois, celle-ci n’a pas la responsabilité de la mise en œuvre du volet sanitaire du plan, ce qui explique, monsieur Bapt, que les crédits de lutte contre les drogues soient effectivement répartis entre deux programmes.

Je suis particulièrement attaché à la pérennité des sources de financement de la MILDT pour qu’elle puisse continuer à mener des actions efficaces d’information et de prise en charge de ces dépendances.

Je vous indique que les crédits de la MILDT bénéficient de l’augmentation du rendement du fonds de concours rattaché à la mission, ce qui a apporté 1,2 million d’euros en 2005.

Avec les crédits dont nous disposerons en 2006, nous comptons par exemple mener une action spécifique contre le crack et renforcer l’information sur le cannabis. Comme en 2005, près de la moitié de ces crédits seront mobilisés dans des actions en direction des jeunes. Parmi les opérateurs placés sous la responsabilité de la MILDT, je pense tout d’abord à la ligne téléphonique Drogues alcool tabac info service, qui reçoit plus de 1 200 appels par jour et qui permet l’écoute, l’information sur les risques, le soutien et l’orientation vers les organismes compétents. La subvention est maintenue à près de 4,7 millions d’euros en 2006.

Le programme « Offre de soins » témoigne pour sa part de l’importance de la politique hospitalière de l’État et de celle que nous accordons au pilotage et donc à l’efficacité des actions que nous entreprenons. Ce programme est doté de 102 millions d’euros, compte tenu du transfert aux régions de certains financements. Il permet notamment de préserver et d’améliorer le bon niveau et la qualité de l’offre de soins, grâce à une dotation de 70 millions d’euros. Cela concerne la formation et la mise en place d’une politique de dynamisation de la recherche à l’hôpital.

La recherche en santé publique est, et j’insiste sur ce point, fondamentale car la recherche d’aujourd’hui, ce sont les thérapies de demain. Nous souhaitons donc renforcer le partage des savoirs au sein des CHU et entre eux, notamment par l’intermédiaire d’une délégation interrégionale de recherche clinique sous la houlette de l’INSERM.

Par ailleurs, notre objectif est de mettre en place des incitations financières prises sur une enveloppe appelée MERRI – mission « Enseignement, recherche, référence et innovation ». Elle permettra de financer des projets de recherche ayant fait l’objet d’une évaluation en fonction des recommandations de l’Agence d’évaluation de la recherche, inscrite dans le projet de loi pour la recherche qui sera présenté par François Goulard. L’ANR nous permettra de donner à la recherche médicale l’impulsion et le soutien qu’elle mérite, et dont nous avons besoin.

Nous continuons par ailleurs à maintenir nos ambitions en matière de télémédecine, notamment en finançant plusieurs nouvelles avancées. Vous qui mesurez comme moi l’importance du chantier dû à la démographie médicale, convenez que la télémédecine constitue une perspective particulièrement prometteuse. Elle se met en place dans le cadre du plan Cancer grâce au dossier communicant en cancérologie, mais aussi pour les accidents vasculaires cérébraux et pour l’interprétation des images radiologiques.

Ensuite, 32 millions d’euros sont destinés au fonctionnement des acteurs qui interviennent dans le champ hospitalier, comme les agences régionales de l’hospitalisation ou la Haute Autorité de santé.

Concernant les ARH, je sais que M. Préel s’interroge sur leur articulation avec les DDASS et les DRASS. Je rappelle que, les directeurs régionaux et départementaux des affaires sanitaires et sociales étant tous membres des commissions exécutives des ARH, ils sont donc parfaitement informés à la fois des travaux et des décisions des agences. Par ailleurs, les schémas régionaux d’organisation sanitaire prévoient explicitement les articulations nécessaires entre le secteur médico-social et les programmes de santé publique.

S’agissant de l’Institut national des données de santé, je vous confirme qu’il sera mis en place en 2006. Le projet n’est donc en aucun cas abandonné.

La Haute Autorité de santé se voit quant à elle dotée de 60 millions d’euros, qui proviendront essentiellement de l’État, de l’assurance maladie, de la taxe sur les dépenses de promotion des laboratoires pharmaceutiques et de la contribution financière des établissements de santé liée à leur certification.

Avant de répondre aux questions, je voudrais vous assurer que nous avons des ambitions fortes en matière de santé et de santé publique. Mais, pour les mener à bien, nous avons besoin du soutien de la représentation nationale car, comme vous l’avez dit les uns et les autres, le sujet concerne au plus haut point nos concitoyens. Il est de ce fait bien souvent l’occasion de dépasser nos clivages, parfois bien artificiels, au regard de l’enjeu que constitue la santé de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Nous commençons par une question du groupe UMP.

La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le ministre, vous connaissez mon attachement au partenariat entre votre ministère et la Polynésie française, que je représente.

Le développement économique et social, donc la santé, est de la compétence des autorités locales. Néanmoins, nous ne pourrions pas faire grand-chose sans la solidarité nationale, qui s’est traduite, dans le domaine de la santé, par une convention couvrant une période de dix ans, de 1994 à 2003, au titre de laquelle votre ministère a versé une somme annuelle de 33 millions. Depuis, malgré l’absence de base juridique, votre ministère a bien voulu continuer à contribuer au financement du régime de protection sociale qui donne à tous les Polynésiens un accès à la santé. Mais il n’existe plus de crédits pour les formations sanitaires et les programmes de prévention et d’éducation sanitaire, que la convention nous permettait de mener.

Je vous demande donc aujourd’hui, monsieur le ministre, de vous engager à maintenir ces financements. Début 2006, nous allons entamer des négociations avec l’État pour conclure un nouveau contrat de développement, dont la santé sera l’un des axes forts, avec notamment la formation des professionnels de santé et l’ouverture d’un nouveau centre hospitalier. Mon attachement à la convention tient non seulement à l’importance des financements et des actions qu’ils nous ont permis de réaliser, mais surtout au soutien technique que le ministère de la santé nous a apporté. Grâce à lui, il est possible de parler de partenariat « intelligent » car, souvent, la solidarité nationale se limite à des financements, sans transfert d’expertise de la part des ministères. Nous souhaitons donc voir se poursuivre ce qui a duré plus de dix ans. Le professeur Khayat est venu chez nous cette année inaugurer le service d’oncologie. Cette semaine, le responsable du programme « Suicide » rencontrera vos services. Je viens donc vous demander de vous engager à poursuivre ce partenariat intelligent.

Toutefois, je ne voudrais pas terminer sans évoquer un autre problème. Vous avez vous-même parlé tout à l’heure du drame dû à l’amiante. Récemment, l’État a reconnu que cinq tirs atmosphériques avaient provoqué des radiations. Ce sujet préoccupe les Polynésiens et je voudrais aussi que vous vous engagiez à ce que l’État participe avec les autorités de Polynésie aux enquêtes épidémiologiques nécessaires qui permettront ensuite de déterminer ce qu’il conviendra de faire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, l’État a tenu ses engagements envers la Polynésie française, comme le montre le versement régulier, jusqu’en 2003, des crédits participant aux formations sanitaires et sociales, soit 2,5 millions d’euros par an pour des actions de santé et 1,5 million d’euros au titre des formations, dont 850 000 euros pour l’Institut de formation des professionnels paramédicaux dont les crédits sont désormais décentralisés. Ces financements, vous l’avez rappelé, découlaient d’une convention arrivée à échéance le 31 décembre 2003.

Il s’agit maintenant de conclure une nouvelle convention sous l’égide du ministère de l’outre-mer, désormais responsable de l’ensemble des crédits destinés aux services de santé de l’outre-mer. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, et je vous le confirme officiellement, mon ministère apportera sans réserve son soutien, mais surtout l’expertise qu’il vous faut au ministère de l’outre-mer, afin de mesurer les besoins en actions de santé et d’aboutir rapidement au rétablissement d’un financement de l’État dans le cadre d’une nouvelle convention.

Je sais que vous avez personnellement et largement contribué à l’élaboration du contrat de développement concernant le financement du régime de solidarité, et je connais l’intérêt que vous portez à l’ensemble des questions de santé. Je tiens également à vous dire, madame la députée, que, s’agissant du soutien de l’État en matière d’investissement, et non plus de fonctionnement, la Polynésie peut continuer à compter sur l’engagement de mon ministère pour participer pleinement au nouveau contrat de développement qui couvrira la période 2007-2016.

M. le président. Nous en venons maintenant aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, le sujet me tient particulièrement à cœur et vous allez finir par bien le connaître car je vous ai déjà interrogé le 21 décembre 2004 à son propos : il s’agit du projet de maternité à Boulogne-Billancourt.

Dans un souci d’économie, l’ARH a décidé la fermeture de la maternité de l’hôpital de Sèvres en échange de sa participation au financement d’un projet de remplacement. Deux solutions s’offraient à cette zone du Val-de-Seine qui est en plein essor : une fusion, coûteuse et contestée par l’ensemble du corps médical, avec la maternité de Saint-Cloud, ou la construction d’une nouvelle maternité à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, qui pouvait, de surcroît, s’appuyer sur l’un des meilleurs services de pédiatrie de France.

Malgré les atouts indéniables de Boulogne-Billancourt, c’est la fusion avec Saint-Cloud qui a été retenue, essentiellement, il faut le dire, pour des raisons politiciennes historiques locales.

M. Jean-Luc Préel. Oh ! Est-ce possible ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Je le regrette.

Comment le dossier se présente-t-il aujourd’hui ?

La fusion administrative de Sèvres et de Saint-Cloud a été validée, comme vous me l’écriviez le 11 avril dernier, et elle devrait être effective à la fin de l’année. Les études de faisabilité doivent commencer au 1er janvier 2006. Le chantier durera de trois à cinq ans et la destruction des blocs de chirurgie et d’obstétrique de Sèvres suivra.

Parallèlement, l’ARH vient de demander à l’hôpital Foch de Suresnes et à sa maternité de réduire les coûts de personnel de 15 % alors que l’État aurait une dette de 15 millions d’euros.

De son côté, l’AP-HP, qui était favorable à l’ouverture d’une maternité à Boulogne-Billancourt, n’a pas inscrit ce projet dans son plan de programmation 2005-2009, faute d’un engagement financier public clair, pourtant légitime. Elle vient néanmoins de désigner un représentant chargé d’étudier le lancement d’une future étude de faisabilité en insistant toutefois sur le fait qu’aucune décision n’avait encore été prise.

Dans un tel contexte, les questions se bousculent. Tout d’abord, qu’en sera-t-il du confort et de la qualité des soins pour les femmes qui doivent accoucher dans le secteur ? Sachant, premièrement, que la fusion Sèvres-Saint-Cloud ne pourra assurer, même si c’est déjà énorme, que 3 500 accouchements par an, soit moins que les 3 900 accouchements pratiqués par les deux établissements ; deuxièmement, que Foch qui abrite pas moins de 2 400 naissances par an doit résoudre une équation extrêmement délicate ; troisièmement, qu’Ambroise-Paré ne sera prêt que cinq ans au moins après la décision, où vont donc accoucher toutes les femmes du Val-de-Seine et toutes celles qui vivront demain sur les cinquante-deux hectares des terrains Renault ? Enfin, comment l’ARH peut-elle concilier sa volonté de faire des économies à Sèvres et à Foch et notre demande de financer le projet de Boulogne-Billancourt ?

Dans ces conditions, je suis très inquiet pour le projet de maternité à l’hôpital Ambroise-Paré. Je sais, monsieur le ministre, que vous le trouvez pourtant pertinent. Mais, devant le temps perdu et les transferts financiers qui risquent d’être encore plus coûteux à l’avenir, vous engagez-vous, dans l’intérêt de nos concitoyennes du Val-de-Seine, à accélérer le projet d’une maternité à Boulogne-Billancourt et à participer à son financement ?

M. Jean-Luc Préel. Très bonne question !

Mme Anne-Marie Comparini. En effet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas la première fois, monsieur le député, que nous parlons de ce projet, auquel vous portez un intérêt que je n’ignore pas. Je sais aussi à quel point vous êtes impliqué dans ce dossier, localement et à l’Assemblée nationale, au-delà de vos préoccupations personnelles et dans le souci du bien-être d’un grand nombre de vos concitoyens.

Le projet de maternité à Boulogne-Billancourt est étroitement lié au regroupement des maternités de Sèvres et de Saint-Cloud réalisé dans le cadre de la fusion de ces deux établissements. L’opération, décidée en octobre par le directeur de l’Agence régionale d’hospitalisation en accord avec les acteurs hospitaliers et les élus, doit être effective d’ici à la fin de l’année 2007. Le regroupement était indispensable pour assurer la continuité de la prise en charge des patientes. Le maintien du site de Sèvres est en discussion pour deux raisons : l’environnement médical de la maternité, relativement limité en raison de la petite taille de l’établissement, et, surtout, l’attractivité des postes médicaux en pédiatrie et en anesthésie, qui a diminué, provoquant une difficulté croissante pour assurer la continuité des soins, mais aussi pour disposer d’équipes de garde complètes, avec des médecins expérimentés.

La construction d’une maternité à l’hôpital Ambroise-Paré n’est pas écartée, monsieur le député.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ah !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mais vous savez que la réalisation d’une nouvelle maternité sur ce site prendra du temps, forcément. Elle est donc incompatible avec la nécessité de traiter rapidement les difficultés constatées à la maternité de Sèvres. À court terme, seul le rapprochement des deux maternités existantes peut garantir la qualité des soins et, surtout, la sécurité des patientes.

La réflexion sur l’opportunité d’une maternité à Ambroise-Paré est inscrite dans le projet stratégique de l’AP-HP. Vous avez d’ailleurs souligné qu’une personnalité a été nommée pour mener cette étude. La localisation d’une maternité au cœur de la ville la plus peuplée du bassin, qui plus est dans un établissement disposant d’un service de pédiatrie, pourrait en effet constituer un atout pour cette zone.

La seule raison pour laquelle les décisions n’ont pas encore été finalisées et officialisées tient à la longueur des délais. Or il ne peut y avoir de rupture dans la prise en charge des patientes. Le regroupement est une solution pour aujourd’hui, mais le projet, pour demain, n’est en rien abandonné.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. En février 2004, j’avais attiré l’attention de votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur la situation des personnes atteintes du syndrome de Rett, l’une de ces maladies rares dont la prise en compte effective permettrait de mieux répondre aux spécificités du polyhandicap et à l’angoisse des proches qui doivent faire face au quotidien à de grandes difficultés. À l’époque, l’annonce du projet de loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ouvrait des perspectives et avait créé un réel espoir dans les milieux associatifs. Aujourd’hui, si de réelles avancées ont été enregistrées en faveur des handicapés, il n’en demeure pas moins que de nombreuses questions restent en suspens, liées pour partie aux contraintes budgétaires, reconnaissons-le, mais aussi aux lourdeurs de notre système de santé et de protection sociale.

Les pouvoirs publics se sont assignés des objectifs ambitieux, créant des attentes fortes. Alors, attention à ne pas décevoir ! Les engagements pris se doivent d’être respectés et se traduire dans les faits par la prise de décisions et le vote des budgets correspondants. La tâche est d’envergure, mais n’oublions pas le sentiment d’abandon qui domine chez les proches et l’entourage familial des victimes de pathologies rares, de maladies orphelines, dont on nous dit qu’elles toucheraient plus de trois millions de nos concitoyens. Leur vie quotidienne est dure ; ce sont des réalités humaines difficiles à vivre et des situations pénibles, hélas trop souvent méconnues, qui éprouvent les individus.

Saluons le travail du tissu associatif qui a contribué à faire connaître, faute de les faire complètement reconnaître, ces maladies trop souvent délaissées par la recherche médicale. Les 8 000 pathologies recensées à ce jour paraissent oubliées ou trop peu connues pour être prises en considération par notre système de santé et de protection sociale.

Voici un an, le Gouvernement a présenté un plan dédié aux maladies rares, qui prévoyait, entre autres, la labellisation de centres de référence destinés à prendre en charge les personnes atteintes de maladies orphelines.

Ces engagements se concrétisent-ils, monsieur le ministre, et quels moyens sont-ils mis en œuvre pour répondre aux besoins recensés par les associations dans notre pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce sujet mérite tout particulièrement d’être évoqué. Les familles des personnes concernées sont aujourd’hui satisfaites par ce plan qui a permis la reconnaissance de ces maladies rares et a facilité la communication. Mais il reste tellement à faire pour que le plan 2005-2008 devienne une réalité ! J’ai pu le mesurer, samedi dernier, dans ma région, en rencontrant un grand nombre d’associations. Nos concitoyens demandent des résultats.

Vous avez évoqué les pistes qui figuraient dans le plan national Maladies rares. Il est vrai que nous avons de nombreux objectifs : mieux connaître l’épidémiologie des maladies rares, reconnaître leur spécificité, informer les malades, les professionnels de santé et le public pour qu’ils ne se trouvent pas démunis face à ces maladies, sans compter la formation des professionnels, l’identification des maladies, le dépistage, l’accès aux tests-diagnostics.

Mais il nous faut aussi promouvoir la recherche et poursuivre l’effort en direction des médicaments orphelins : vous connaissez les initiatives de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, il faut améliorer l’accès aux soins. Dans cet esprit, la labellisation est aussi une priorité.

En 2004, trente-quatre centres de référence de maladies rares ont été labellisés et trente-trois en 2005. Le Comité national consultatif de labellisation des centres de référence de maladies rares, présidé par le professeur Marc Brodin, a achevé ses travaux le 22 septembre dernier. Au terme des deux premières années, soixante-sept centres de référence sont actuellement labellisés, qui se partageront, de plus, chaque année 10 millions d’euros.

Le plan national Maladies rares tellement attendu devient aujourd’hui réalité. Il est toutefois certain que, si nous devons atteindre des objectifs très précis pendant la durée de ce plan, il ne sera pas question ensuite d’arrêter !

Mme Anne-Marie Comparini et M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, les représentants des internes de médecine générale viennent de dresser un bilan inquiétant des postes de cette rentrée 2005 : sur les 2 400 proposés, 971 sont restés vacants à l’issue de la procédure de choix.

En plus des conséquences démographiques potentiellement graves à moyen terme, ce déficit d’internes en médecine générale risque d’hypothéquer la qualité de formation des étudiants de troisième cycle. L’instauration d’un stage de médecine générale en deuxième cycle semble, dès lors, nécessaire afin de faire connaître cette spécialité aux étudiants. Dans le même ordre d’idée, il faut reconnaître la médecine générale, tant universitaire, par la mise en place d’une filière, que professionnelle.

Monsieur le ministre, vous êtes, tout comme nous, attaché à garantir une formation initiale et continue de haut niveau pour chacune des professions de santé. Quelles sont vos intentions à cet égard ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au-delà de la situation des internes, madame la députée, vous évoquez l’avenir de la médecine générale, ou plutôt son attractivité.

Depuis cette année, l’augmentation du numerus clausus produit ses premiers effets : 189 postes supplémentaires ont été pourvus à l’internat de médecine générale, soit une hausse de 15 %. Nous commençons à inverser la tendance, mais cela ne suffit pas.

Comment faire ? Il s’agit avant tout de renforcer l’attractivité de la médecine générale. La réforme de l’assurance maladie a fait du médecin généraliste le pivot du système de santé. Aujourd’hui, plus de trente-deux millions de Français ont déjà choisi leur médecin traitant. Est-ce un spécialiste ? Dans 99 % des cas, c’est un généraliste ! Le généraliste est à la base de l’évolution de notre système de santé, qu’il s’agisse de la prévention ou du dossier médical personnel. Il est souvent celui que nous appelons le « médecin de famille ». Il faut donc donner des perspectives très claires aux jeunes.

Dans cet esprit, nous avons commencé à proposer une première série de mesures de démographie médicale, dont les internes ont été sensibles à ce qu’elles soient adoptées à l’unanimité. La démographie médicale concerne tout le monde : hospitaliers et libéraux, généralistes et spécialistes, médicaux, paramédicaux, mais il est vrai que c’est aux généralistes que l’on pense en premier lieu. Une première mesure a été prise pour mieux rémunérer l’acte, a fortiori quand il est exercé en groupe dans des zones sous-médicalisées. Par ailleurs, nous avons relevé le numerus clausus. Certaines années nous étions à 4 300 ; nous atteindrons les 7 000 en 2006. Il nous faut, dès maintenant, envisager la suite de ce numerus clausus : nous ne devons pas nous contenter d’une vision à une seule année, mais cela prendra du temps. En attendant, je souhaite encourager les médecins qui se sentent proches de la retraite à prolonger leur activité.

M. Gilles Artigues. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il faut savoir réaliser cette jonction en leur donnant envie de rester en activité. En effet, pour eux également, se pose la question de la pratique. Nous devons réfléchir à des voies de cumul du revenu d’activité et de la retraite, peut-être même en les dispensant de certaines obligations pour qu’il y ait des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire.

Mme Anne-Marie Comparini et M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ces idées, parfois considérées comme simples, s’appuient sur l’expérience de terrain. Le rapport Berland, d’une très grande qualité, a été unanimement salué sur tous ces bancs et par l’ensemble des acteurs du système de santé. Je souhaite que nous reprenions les mesures qu’il préconise, voire que nous allions au-delà. Ce n’est que de cette façon que nous donnerons véritablement envie aux jeunes de s’orienter vers la profession de médecin généraliste, une très belle profession, qui doit être encouragée, et pas seulement par des discours, mais aussi par des actes concrets.

Je comprends votre motivation. Elle nous est commune, madame la députée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous passons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie. Le département de la Seine-Saint-Denis se distingue par une surmortalité par tumeurs de 8 % par rapport à la moyenne nationale. Il est vrai que la santé ne se réduit pas à son aspect purement clinique, mais dépend du contexte social et économique.

La population de la Seine-Saint-Denis est particulièrement touchée par la crise économique, la crise du logement et le chômage. On le sait, cette souffrance est porteuse de pathologies.

Il est également fondamental de souligner les inégalités au cœur même de la région Ile-de-France en termes de densification médicale. À Paris, on compte 768 médecins pour 100 000 habitants, contre 274 seulement en Seine-Saint-Denis. Il ne reste qu’un seul médecin généraliste à la cité des Quatre-Mille à La Courneuve. Cette désertification participe à la surmortalité, car elle empêche les dépistages précoces pour des maladies graves comme le cancer.

Le plan Cancer lancé en 2003 a permis de mettre en place des réseaux, tel le réseau Oncologie 93, de créer l’Institut national du cancer et d’encourager les campagnes de dépistage. C’est une bonne chose. Mais si, en termes de dépistage, l’information est primordiale, il est également nécessaire de garantir à tous un égal accès aux examens et aux nouvelles technologies. Détecté précocement, le cancer du sein est celui qui se soigne le mieux. Or notre pays est grandement déficitaire en équipements de mammographie numérisée, technique de détection la plus fiable. Ces équipements ont certes un coût, mais la santé ne peut être sacrifiée sur l’autel de la rigueur budgétaire ! Nous n’en sommes, en France, qu’à un taux de dépistage de 37 % des femmes entre cinquante et soixante-quatorze ans, alors qu’un taux d’au moins 60 %, conjugué à ces technologies de pointe, permettrait de réduire fortement la mortalité par cancer du sein qui, comme pour les autres cancers, frappe plus fortement le département de la Seine-Saint-Denis.

À compter du 1er janvier 2006, un certain nombre d’actions de prévention sanitaires, notamment pour le cancer, jusque-là exercées par les départements, seront recentralisées. Or des besoins spécifiques appellent des moyens spécifiques, des moyens budgétaires, certes, mais aussi des campagnes de dépistage et de prévention adaptées aux caractéristiques de chaque département et qui font défaut aujourd’hui.

Monsieur le ministre, quels sont les moyens mis en œuvre pour la Seine-Saint-Denis particulièrement touchée par cette pathologie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, le plan Cancer, qui se met en place sur l’ensemble du territoire, vise aussi à faire profiter tout un chacun du progrès médical et des meilleurs soins possibles. Mais ne nous voilons pas la face : nous avons eu de vraies disparités pendant trop longtemps. On le constate aussi aujourd’hui en termes de morbidité ou de mortalité. Vous êtes député de la Seine-Saint-Denis. Je suis, quant à moi, élu de la région Picardie qui, tout comme une région voisine, le Nord-Pas-de-Calais, a accumulé pendant longtemps beaucoup de retard en la matière.

Ce plan Cancer doit se mettre en place partout de la même façon, mais en ayant aussi à cœur, chaque fois que c’est possible, de rattraper le retard. Sa mise en œuvre tient également compte de certaines données épidémiologiques dont on n’a pas forcément eu conscience pendant longtemps – les travaux de fond de l’INCA permettant de mesurer l’ampleur du problème sont, bien évidemment, à la disposition des parlementaires – et des caractéristiques médicales, sociales et économiques de votre département, comme la prise en charge d’un quart des patients dans les structures de soins de Paris.

Sont déjà réalisées ou en cours de réalisation en Seine-Saint-Denis la restructuration de l’offre de soins en cancérologie de l’hôpital européen de Paris La Roseraie à Aubervilliers, la restructuration de l’oncologie-radiothérapie au centre hospitalier intercommunal de Montfermeil-Le Raincy, la mise en place d’un réseau, Onco 93, regroupant les oncologues chirurgiens radiothérapeutes médicaux et les spécialistes d’organes, les imageurs et l’ensemble des soignants qui participent à la prise en charge des patients dans le département autour des professionnels de l’hôpital Avicenne de Bobigny et de l’hôpital de Paris-La Roseraie d’Aubervilliers.

Le dépistage est organisé dans le département depuis 1999 par l’ACPM, le conseil général, la DDASS, les professionnels de santé et les associations, avant même sa généralisation au niveau national. Bien souvent, les départements confrontés à de grandes difficultés n’attendent pas les directives nationales. Mon département, l’Aisne, a fait de même.

Actuellement, le dépistage est réalisé dans soixante-quatre centres répondant de l’agrément au cahier des charges, quatre hôpitaux – Aulnay, Bobigny, Bondy et Montfermeil-Le Raincy –, douze CMS – Aubervilliers, Aulnay, Bagnolet, Bobigny, Drancy, La Courneuve, Montreuil, Pantin, Pierrefitte, Saint-Denis, Saint-Ouen et Stains –, et quarante-huit centres d’imagerie libéraux –90 % des examens sont effectués dans les centres libéraux et à l’hôpital Verdier.

Le département participe de façon dynamique à ces actions de restructuration de l’offre de soins en cancérologie et profitera pleinement de la montée en puissance du dépistage du cancer du sein. Le taux de participation a progressé entre 2004 et 2005. Il se situe aujourd’hui à peu près à 40 %. Quand nous voulons passer à 70 %, cela vaut pour tous les départements, parce que toutes les femmes de notre pays ont besoin d’être dépistées.

Nous avons besoin de tout le monde et notamment des généralistes car, au-delà des moyens, au-delà du suivi pour avoir l’assurance que le dépistage est de grande qualité avec la double lecture, au-delà du suivi de la chaîne de soins, chacun d’entre nous doit aider à faire comprendre qu’on doit aborder le dépistage sans réticence et que la pire des choses, c’est de ne pas savoir, ou de ne pas vouloir savoir. Il faut faire le dépistage soit pour être rassuré plus tôt, soit pour être soigné plus tôt et, au-delà de l’environnement familial et du rôle des associations, c’est bien souvent le médecin qui, dans le secret du cabinet médical, peut convaincre et rassurer.

Tous nos efforts ne seront couronnés de succès que si chacun nous aide à atteindre cet objectif ambitieux.

M. le président. Le président et la Seine-Saint-Denis vous disent merci, monsieur le ministre.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, je voudrais revenir, après mon ami Daniel Paul, sur le drame du cancer de l’amiante et l’indemnisation des victimes.

Ce n’est pas la peine de noircir le tableau, déjà assez inquiétant, de ce drame auquel toutes les catégories de salariés sont malheureusement confrontées. L’INSERM évoque le chiffre de 100 000 morts à l’horizon de 2025, 2 500 personnes sont décédées depuis le début de l’année. C’est dire combien les moyens, même s’il y en a eu, sont encore insuffisants pour la prévention et le contrôle des risques encore présents, notamment lors du désamiantage dans de nombreux secteurs publics ou privés. Ces moyens doivent être accrus sans retard et être portés à la hauteur des exigences actuelles.

C’est pourquoi j’insiste à nouveau pour que le Gouvernement se dote des moyens nécessaires pour financer la cessation anticipée d’activité des victimes de l’amiante, alors que la lutte contre le cancer a été érigée en priorité nationale par le Président de la République. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en effet, les dotations au FCAATA et au FIVA ont été reconduites à l’identique alors que le nombre de recours en lien avec la prise de conscience du désastre ne cesse d’augmenter. Chaque mois, 700 personnes supplémentaires sont prises en charge par le FIVA. Faudra-t-il attendre que certains aillent devant les tribunaux pour être indemnisés et respectés, ce qui suppose, autre obstacle, que les procédures soient effectivement engagées ?

Selon le rapport de la mission du Sénat sur l’amiante, les pouvoirs publics sont responsables de l’absence de système de veille et d’alerte, de l’inadaptation et du manque de moyens de la médecine du travail et de l’inspection du travail. La mission s’alarme du fait que le risque d’exposition et de contamination n’est pas derrière nous : les ouvriers de second œuvre dans le bâtiment comme les électriciens, les plombiers ou les chauffagistes, les personnels d’entretien, souvent à statut précaire, les salariés des entreprises de désamiantage, dont les trois quarts ne respecteraient pas les obligations de sécurité, sont encore aujourd’hui exposés.

Nous savons que de très grandes entreprises sont entendues. La situation n’est pas réglée pour autant pour l’ensemble des salariés concernés. J’ai dans ma circonscription une entreprise, Alstom, que l’on désamiante encore, vous en connaissez peut-être aussi. Ses salariés ne sont pas encore reconnus comme des gens exposés à l’amiante, qui ont le droit de prendre une retraite anticipée ou d’être indemnisés comme il se doit.

Que va-t-il être fait de plus pour lutter contre ce fléau ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame Jacquaint, c’est un dossier qui relève davantage de la mission « Solidarité et intégration ».

S’agissant du calendrier, le rapport du Sénat a été publié, celui de l’Assemblée nationale le sera en janvier, et la mission de l’IGAS rendra ses conclusions à la fin de novembre sur le FCAATA. Cette mission va évaluer le dispositif et nous faire des propositions pour assurer avant tout une meilleure équité de traitement et une adéquation entre les conditions effectives d’exposition à l’amiante et la possibilité de bénéficier du dispositif.

À la lumière de ces différents éléments d’information, le Gouvernement améliorera le dispositif. Nous ne sommes pas restés sans rien faire.

Le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante a encore été élargi à trente entreprises le 14 octobre dernier. Ses ressources s’accroîtront en 2006, notamment grâce à la contribution employeurs, une taxe de 15 % ayant été lancée en 2005, et grâce à la contribution de la branche ATMP : 700 millions d’euros en 2006 contre 600 millions d’euros en 2005. L’État, parce que c’est son rôle, sa responsabilité et son devoir, investit dans l’indemnisation.

Les dépenses du FIVA augmentent : 500 millions d’euros en 2006, c’est-à-dire trois fois plus qu’en 2003. Le budget de l’État contribuera à son financement en 2006 à un niveau supérieur à la tendance historique. Cela a été 12 % les années précédentes, ce sera, en 2006, 16 % : 315 millions d’euros pour la branche ATMP et 50 millions d’euros pour l’État.

La prévention, vous avez eu raison de le souligner, reste toujours d’actualité. Il y a l’indemnisation, juste reconnaissance de la responsabilité des uns et des autres, et il y a la prévention. Avec Gérard Larcher, ministre délégué au travail, et Jean-Louis Borloo, ministre du logement, nous veillons à la meilleure application possible de la réglementation dans les bâtiments. Pour ce qui relève de ma responsabilité ministérielle, je me soucie du cas des établissements de santé sociaux et médico-sociaux qui accueillent une population sensible. J’ai demandé la mise en place de tableaux de bord régionaux dans les DRASS pour suivre 25 000 établissements concernés. Une enquête exhaustive a été lancée pendant l’été. Les retours auront lieu au début du mois de décembre et nous ferons des opérations de contrôle ciblées dès 2006. Gérard Larcher s’est engagé à annoncer un certain nombre de mesures pour contrôler la façon dont sont effectués les chantiers de désamiantage. Je n’oublie pas l’effort de veille épidémiologique pour savoir exactement ce que sera l’avenir et de quelle façon nous devons prendre en charge ces travailleurs.

Vous avez raison de le souligner, c’est un drame qui nous concerne tous. Nous avons une responsabilité. Il faut l’assumer. C’est ce que fera l’État.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Monsieur le ministre, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises avec vos collaborateurs et vous-même la situation du CHPL, le Centre hospitalier privé de la Loire. Cet établissement, construit de manière exemplaire à Saint-Étienne, dans un quartier sensible après démolition de la fameuse « muraille de Chine », est le plus important centre privé de la région Rhône-Alpes, mais son avenir économique est très incertain.

Cette situation préoccupante est due à une lecture stricte de la circulaire Hôpital 2007, qui a eu pour conséquence de priver le CHPL du bénéfice des subventions qu’il attendait : il pouvait espérer obtenir jusqu’à 16 millions d’euros. À cela s’ajoute l’absence de nouveau calcul du coefficient correcteur en dépit d’un réajustement tarifaire lié à la fusion de trois établissements stéphanois.

Dès 2005, vous avez bien voulu faire réaliser une enquête auprès de la CRAM, qui met en évidence un besoin de financement de 5 millions d’euros.

En février dernier, le CHPL a reçu le soutien de l’agence régionale d’hospitalisation, qui avait réajusté les tarifs à hauteur de la moyenne régionale, soit une augmentation de 10 % sur le forfait de salle d’opération, de 20 % sur le prix de journée chirurgie et de 29 % sur le prix de journée médecine. Cette hausse tarifaire a pris fin le 28 février 2005.

En contrepartie, un contrat d’objectifs et de moyens a été signé entre l’agence et l’établissement, qui intègre de nombreuses missions d’intérêt général ou de service public : courts séjours gériatriques, néonatologie, réanimation, etc.

Aujourd’hui, le CHPL n’est plus en mesure de respecter ce contrat, notamment dans les domaines de surveillance continue et de gériatrie.

Nous sommes conscients de vos contraintes budgétaires mais comprenez aussi notre forte inquiétude. Je sais que vous connaissez bien ce dossier, et je vous remercie du temps que vous lui avez consacré. Des possibilités d’aides ont été évoquées lors des entretiens que nous avons eus ensemble. Vous serait-il possible de les officialiser dans cet hémicycle et d’examiner dans quelle mesure elles pourraient être reconduites ?

M. François Rochebloine. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, vous avez appelé à plusieurs reprises, avec ténacité, mon attention sur les difficultés de financement du Centre hospitalier privé de la Loire.

Cet établissement n’a pu bénéficier des crédits du plan Hôpital 2007, ce qui le met dans une situation financière délicate.

Il est vrai que, les travaux de reconstruction ayant débuté en mai 2002, cette opération n’était de ce fait plus éligible au plan Hôpital 2007 car celui-ci a été arrêté au début de l’année 2003 et il avait pour objet de susciter des opérations nouvelles et non de financer des opérations en cours de réalisation. Je tiens toutefois à souligner que l’ARH a fortement soutenu ce projet de reconstruction dans le cadre du fonds de modernisation des cliniques privées et qu’elle a tenu à respecter ses engagements en lui accordant 410 000 euros en 2003 alors même que le dispositif était éteint.

Compte tenu de la demande de l’établissement et de l’intérêt de regrouper les activités du territoire de santé sur cet établissement, de nouvelles autorisations d’activité ont été accordées en 2004, avec l’extension de vingt et un lits de médecine et de cinq lits de néonatologie, et l’autorisation d’acquérir un équipement de cardiologie interventionnelle. Ces activités vont générer des ressources supplémentaires, et les enveloppes récentes accordées au titre des missions d’intérêt général vont également contribuer à un meilleur équilibre financier de l’établissement.

Enfin, le besoin de financement de 5 millions d’euros va bel et bien faire l’objet d’une compensation par l’État de 400 000 euros en 2005 au titre des frais financiers des amortissements et d’un engagement parallèle de l’ARH sur la marge qui est la sienne d’aide à la contractualisation.

Concernant les demandes de financements supplémentaires qui pourraient intervenir s’il y a de nouvelles opérations d’investissement, le plan Hôpital 2007 est en voie d’achèvement et il n’est pas question d’attendre la fin de l’année 2007 pour réfléchir à la poursuite du plan de modernisation indispensable des établissements de santé dans notre pays. C’est un dossier auquel je m’attelle avec beaucoup d’ambition. L’établissement que vous évoquez avait commencé à engager des réflexions et des travaux avant Hôpital 2007, d’autres ont eu des idées d’investissement après, et je ne veux en aucun cas les oublier.

Si l’État accompagne cet établissement, c’est parce que nous savons que le travail qui y est fait est de qualité. Nous savons aussi la place qu’il occupe dans le territoire de santé. Au-delà du soutien personnel que vous apportez au Centre hospitalier privé de la Loire, il est normal, lorsque des établissements se modernisent et veulent développer leurs activités, que l’État soit à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, je voudrais rester dans le domaine hospitalier.

Notre système hospitalier, qui était le meilleur du monde, est aujourd’hui en crise. Pourtant, ce système est bon. Il représente 6 % du PNB en France, il crée de la richesse et des emplois ; mais il connaît un problème d’adaptation à l’évolution du métier et des soins.

Comme l’a dit tout à l’heure mon collègue Jean-Luc Préel, l’hôpital en France connaît une crise morale, une crise organisationnelle et une crise financière, les trois quarts des établissements étant en déficit.

Afin de mieux gérer ce secteur, ne serait-il pas possible de préférer la clarté économique, qui passe par la mise en place d’un tableau de bord et de statistiques – je reviens à cette idée d’une structure de type « observatoire » – à la confusion actuelle, où l’État est propriétaire des hôpitaux et la sécurité sociale gère le corps médical ?

Ne pourrait-on par ailleurs renforcer le rôle des agences régionales de l’hospitalisation ? Je profite de cette occasion pour répéter, au nom du groupe UDF, que, lorsque nous prônons une régionalisation de la santé, nous ne pensons pas à un transfert de compétences aux conseils régionaux, mais à une action de proximité, l’échelon régional nous semblant le niveau pertinent pour résoudre tous les problèmes du système de soins.

J’aimerais connaître, monsieur le ministre, votre sentiment et vos intentions, sur le problème de l’hospitalisation dans notre pays.

M. Jean-Luc Préel. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je n’ai jamais évoqué la possibilité de faire prendre en charge par la région les problèmes du système de soins, et le Journal officiel en fera foi. Mais la question se pose de savoir quelle peut être, quelle doit être la place des conseils régionaux, notamment au sein des agences régionales de santé. C’est une question qui n’est pas anodine, et que nous devrons trancher. La réponse à cette question dépasse les clivages politiques, puisqu’elle relève des convictions personnelles et du rôle que sont disposées à jouer les collectivités.

En 2006, les ARH auront dix ans d’existence. Elles ont largement contribué à l’amélioration de la cohérence et de l’efficience de notre organisation sanitaire. Elles sont aujourd’hui un interlocuteur légitime, clairement identifié et spécialisé, qui a su faire travailler ensemble les services de l’État et de l’assurance maladie.

Au fil des années, elles se sont impliquées aux côtés des URCAM dans le développement des réseaux de soins et, en 2005, dans le droit fil de la réforme du 13 août 2004, elles ont constitué les missions régionales de santé.

Le renforcement de leur rôle passe par des moyens spécifiques : le ministère doit leur laisser davantage de marges de manœuvre et les moyens financiers de contractualiser avec d’autres établissements, notamment dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens, conclus et honorés – la précision est importante.

L’expérience des agences régionales de santé va également nous permettre de renforcer le rôle des ARH. On ne pourra pas aller vers une régionalisation, dont ces expérimentations sont une première étape, sans passer par ces agences.

Avec les schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, qui seront publiés avant la fin mars 2006, nous devrons mettre en œuvre une plus grande complémentarité entre les établissements, ce qui renvoie à une autre mission des ARH. Sur le principe, tout le monde est d’accord ; mais il faudra désormais faire vivre cette complémentarité.

Nous devrons également penser l’organisation des hôpitaux en pôles et dans le cadre des territoires de santé. Certains services d’urgence, par exemple, interviennent déjà dans différents établissements : il faut pousser cette logique jusqu’au bout. Il faudra également régler tous les problèmes qui pourraient être liés à la tarification à l’activité, la T2A, et à sa répartition entre les établissements. Il faudra par exemple éviter que les établissements de moindre dimension ne se sentent lésés par rapport aux autres. Nous devons nous donner les moyens de maintenir une offre hospitalière de qualité sur tout le territoire.

Les SROS permettront également d’affirmer la complémentarité entre les établissements de santé publics et privés. Ils devront montrer qu’il n’y a pas d’opposition entre les uns et les autres. Des opérations de coopération très structurées, pour un montant de plus d’un milliard d’euros, sont aujourd’hui en cours de réalisation.

Sur le plan juridique, un premier décret relatif aux groupements de coopération sanitaire, les GCS, est en cours d’examen au Conseil d’État et sera publié à la fin de l’année. Un second décret, d’élaboration plus complexe, est en préparation sur les GCS directement titulaires d’autorisations d’activités de soins.

Notre pays doit s’engager résolument dans des opérations de coopération entre public et privé. Pour les patients et pour les professionnels de santé, ce qui compte est d’être soigné et de soigner au mieux. Voilà pourquoi il est temps de développer les complémentarités à tous les niveaux : entre les établissements d’un territoire, et entre le secteur public et le secteur privé, à chaque fois que cela sera possible. On s’apercevra alors que, loin de pénaliser notre système de santé, cela le renforce.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Santé

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Santé ».

(Les crédits de la mission « Santé » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la santé.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

loi d’orientaTion agricole

Communication relative à la désignation
d’une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 10 novembre 2005

« Monsieur le Président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous faire connaître que j’ai décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation agricole.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l’Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J’adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Lundi 14 novembre 2005, à quinze heures, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Travail et emploi ; articles 91 et 92 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 39, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2569, tome 13, de M. Jean-Pierre Le Ridant, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Enseignement scolaire (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie) ; article 80 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 16, de M. Jean-Yves Chamard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2569, tome 4, de M. Lionnel Luca, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Travail et emploi ; articles 91 et 92 (suite).

Participations financières de l’État ; Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 42, de M. Michel Diefenbacher, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)