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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 14 novembre 2005

58e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

travail et emploi

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi.

La parole est à M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui dispose de quinze minutes.

M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, bien qu’il me revienne, contre toute attente, de m’adresser à vous avant le rapporteur spécial de la commission des finances, je tiens à préciser que je n’évoquerai que brièvement les crédits de la mission « Travail et emploi », pour me concentrer sur la question des services de l’emploi, et plus particulièrement sur l’ANPE, dont les réformes récentes ont affecté les missions.

À propos des crédits, la première de mes observations générales porte sur la fiscalisation du financement des allégements de charges sur les bas salaires. Cette opération appelle trois questions : quelles sont les garanties de compensation intégrale pour la sécurité sociale ? La nature de l’allégement général de cotisations justifie-t-elle qu’il n’apparaisse plus comme une « dépense pour l’emploi » ? Quel sera, à l’avenir, le suivi de ce dispositif ?

Pour ce qui est, d’abord, de la compensation, le projet de loi de finances apporte plusieurs réponses : la garantie d’un recalage sur l’année 2006 à l’euro près, en fonction des montants effectifs, par l’intermédiaire d’une régularisation en 2007, la perspective d’une modification de la liste des impôts et taxes affectés dans le cas où les allégements de charges seraient eux-mêmes modifiés et les rendez-vous prévus en 2008 et 2009, où le Gouvernement remettra un rapport analysant les écarts éventuels entre les nouvelles ressources affectées et la perte de recettes.

Pour ce qui concerne, ensuite, l’avenir et le suivi du dispositif, je souhaite que la perte d’information formelle due à la débudgétisation soit compensée par un effort réel d’évaluation. Il est donc particulièrement nécessaire que le Gouvernement dépose au début de l’année prochaine les deux rapports prévus – l’un sur la perspective d’une intégration de l’allégement général de charges au barème des cotisations à partir de 2007, l’autre sur l’évaluation de la politique d’allégements.

Les crédits budgétaires qui restent inscrits au titre de la mission « Travail et emploi » rendent compte des priorités définies par plusieurs plans et lois très importants qui ont été adoptés récemment : la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier dernier, le plan d’urgence pour l’emploi, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février, traduction de l’un des trois chantiers du Président de la République, et la loi relative au développement des services à la personne du 26 juillet dernier.

Certaines des évaluations de dépenses présentées dans le « projet annuel de performance » de la mission « Travail et emploi » sont en retrait par rapport aux montants programmés dans le plan de cohésion sociale, par exemple pour les maisons de l’emploi ou les contrats d’avenir, ou par rapport aux crédits inscrits les années précédentes, par exemple pour les contrats jeunes en entreprise. C’est là, me semble-t-il, l’un des effets les plus positifs de la réforme budgétaire : la revue des dépenses induite par le principe de la justification au premier euro oblige en effet à ne plus se contenter d’afficher des crédits, mais à les ajuster à ce que devrait être la dépense réelle.

Pourquoi, en effet, faudrait-il dépenser toujours plus ? À l’occasion de la mise en place des maisons de l’emploi, les parties prenantes, soucieuses de ne pas créer un nouveau « machin » qui superposerait à l’accumulation existante une nouvelle couche d’administration, constatent généralement la nécessité de concentrer les moyens sur les domaines où ces maisons peuvent apporter un « plus » : la coordination, le diagnostic territorial et la stratégie. Elles constatent aussi qu’il est possible d’y parvenir en utilisant dans une large mesure des locaux et des moyens existants et que les dépenses supplémentaires sont bien inférieures aux prévisions. Qui peut s’en plaindre ?

Je tiens enfin à rappeler que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

Les maisons de l’emploi m’offrent une excellente transition vers le thème de l’organisation des services de l’emploi. Les réformes récentes comportent en effet un volet institutionnel très significatif, dont on peut rappeler les principaux éléments : l’inscription dans la loi du principe du rapprochement conventionnel entre l’Agence nationale pour l’emploi – l’ANPE – et l’assurance chômage, la mise en place des maisons de l’emploi, l’ouverture à des opérateurs privés du placement des demandeurs d’emploi dans le cadre du nouveau « service public de l’emploi », la réforme du suivi de la recherche d’emploi, l’instauration d’un entretien mensuel pour les demandeurs d’emploi et la mise en place de nouveaux contrats aidés, gérés d’une manière plus déconcentrée, voire décentralisée.

On ne peut éviter le débat sur l’organisation institutionnelle quand, selon un récent sondage sur les différents services publics, ceux de l’emploi se classent bons derniers en termes de satisfaction, avec seulement 19 % de bonnes opinions et, symétriquement, en tête de ceux qui devraient bénéficier d’un effort prioritaire de l’État, avec 56 % d’opinions exprimées en ce sens. Il serait certes très injuste d’imputer globalement au service public de l’emploi la situation de l’emploi, comme semblent le faire certains de nos concitoyens, mais on ne peut pas négliger pour autant la question de l’incidence sur l’emploi de la bonne – ou moins bonne – organisation de ce service.

Confrontée à la perte de son monopole historique – et depuis longtemps théorique – du placement des demandeurs d’emploi, l’ANPE évolue rapidement dans son image, ses moyens, ses méthodes et ses partenariats.

Cette évolution se manifeste d’abord dans la terminologie : les documents de l’agence évoquent désormais l’« offre de services » proposée aux « clients » – terme qui ne satisfait manifestement pas certaines de ses organisations syndicales, attachées à la notion d’« usager » du service public. Plus généralement, la modernisation de l’ANPE est patente, comme en témoignent – pour ne citer que cela – son site Internet, qui a reçu 82 millions de visites en 2004 et permet désormais, outre la diffusion d’offres d’emplois, celle de CV anonymes, ou la multiplication des visites de prospection d’entreprises, qui ont progressé de 17 % en 2004.

Pour ce qui concerne les moyens, si la loi de programmation pour la cohésion sociale a pu, en supprimant le fameux monopole du placement, sembler « déshabiller » l’ANPE, les moyens effectifs et les missions de terrain de celle-ci sont, dans le même temps, constamment renforcés. La mise en œuvre du plan d’aide au retour à l’emploi s’est ainsi traduite par le financement de 3 650 emplois supplémentaires à l’ANPE par l’UNEDIC. Celle de la convention de reclassement personnalisé et des plates-formes de vocation justifiera plus de 900 créations d’emplois en 2006, auxquelles s’ajouteront au moins 3 200 emplois pour les entretiens mensuels.

À cet égard, si les organisations syndicales de l’ANPE approuvent plutôt le principe de ces entretiens, elles n’en insistent pas moins sur la nécessité d’être en mesure de proposer à cette occasion aux demandeurs d’emploi, à défaut d’emplois, des offres réelles d’accompagnement et de formation pour éviter un découragement général, voire des réactions violentes.

Enfin, l’ANPE s’est vu confier la gestion, pour le compte de l’État, des nouveaux contrats aidés issus du plan de cohésion sociale.

L’évolution du paysage institutionnel et des méthodes d’accompagnement des demandeurs d’emploi conduit à des débats plus politiques. Sur certaines questions, pourtant au cœur de débats idéologiques, des constats plus ou moins consensuels me paraissent possibles.

C’est notamment le cas du renforcement du rôle des opérateurs privés sur le marché du placement en emploi. Il faut ainsi souligner la prudence de ces opérateurs et leur volonté de complémentarité plutôt que de concurrence frontale avec l’ANPE. On peut citer à cet égard les entreprises d’intérim, dont le syndicat a signé un accord de bonnes pratiques avec l’ANPE – laquelle, pour sa part, n’envisage pas à court terme la création des filiales commerciales que lui autorise désormais la loi.

Il en est de même des expérimentations en cours que finance l’UNEDIC, comme celle de la société Ingeus, que j’ai eu l’occasion de visiter à Lille. Ces expérimentations respectent deux principes fondamentaux : le monopole de prescription de l’accompagnement par ces prestataires privés est laissé au service public de l’emploi et la liberté de choix est laissée aux demandeurs d’emploi.

Il est trop tôt pour mesurer l’efficacité de ces accompagnements renforcés pour le retour à l’emploi durable. La presse a justement souligné que les tarifs des prestataires sont élevés – même s’il n’y a guère de sens à comparer la prise en charge de quelques centaines de demandeurs d’emploi dans ce cadre et celle de millions d’autres par l’ANPE. J’ai pu constater que le service offert en contrepartie est de bon niveau. Pour l’avenir, dans un domaine où prévalent souvent les préjugés, une évaluation indépendante des coûts et des résultats sera particulièrement nécessaire.

Autre sujet assez consensuel : les maisons de l’emploi. Bien évidemment, aucun retour d’expérience n’est encore envisageable, mais le mouvement de rapprochement des acteurs locaux permettant leur création est bien lancé, malgré d’inévitables conflits de pouvoir, notamment quant à la place des missions locales – ce qui tient aussi, il faut l’admettre, à une certaine ambiguïté de la loi de cohésion sociale.

Pour ce qui est, enfin, de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, la différenciation des parcours actuellement expérimentée sur la base d’une évaluation, lors de l’inscription à l’ANPE, du risque de chômage de longue durée me paraît être une évolution inéluctable et légitime, car il est normal de concentrer les moyens sur ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi et d’être, a contrario, plus exigeant envers ceux qui peuvent y revenir rapidement.

Il reste à évaluer les expériences en cours, à faire des choix clairs et à les assumer, car certaines interrogations ne sont pas tranchées et certains choix sont quelque peu contradictoires. Les interrogations portent sur la fiabilité du « profilage » initial et sur l’opportunité de faire débuter dès leur inscription, ou seulement après une certaine durée de chômage, l’accompagnement renforcé des personnes présumées connaître les plus grandes difficultés. Les contradictions tiennent à l’existence de mécanismes de différenciation des modalités d’accompagnement fondés sur des critères autres que la distance à l’emploi, comme la convention de reclassement personnalisé, réservée aux personnes concernées par un plan de licenciement économique.

La question des relations entre l’ANPE et l’UNEDIC est évidemment plus délicate, mais elle est d’actualité au moment où se négocient la future convention pluriannuelle entre l’État, l’ANPE et l’UNEDIC prévue par la loi de programmation pour la cohésion sociale et celle qui porte sur le financement de l’assurance chômage.

Dans le rapport qu’il a rendu en 2004 sur « le rapprochement des services de l’emploi », M. Jean Marimbert a décrit le système d’intervention français sur le marché du travail comme « de moins en moins lisible » et le « plus éclaté d’Europe ». Il a relevé en particulier que le degré de désengagement de l’État de la gestion courante de l’indemnisation du chômage est une véritable spécificité de notre pays. En Grande-Bretagne, où j’ai eu l’opportunité d’observer la situation, des résultats assez convaincants ont été obtenus avec un système très différent du nôtre : les Britanniques ont tout misé sur les incitations financières poussant à prendre un emploi et sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en unifiant les fonctions de placement et d’indemnisation dans le cadre de Jobcentre Plus, qui emploie globalement deux fois plus de personnes que l’ANPE et l’UNEDIC réunies. En revanche, l’indemnisation des chômeurs est très faible et les emplois aidés sont quasiment inexistants.

Bien sûr, il y a aussi outre-Manche d’autres facteurs de réussite plus généraux et plus difficiles à transposer – je pense notamment à la flexibilité généralisée. Mais les leçons des expériences étrangères qui marchent ne doivent pas être négligées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour en revenir à notre pays, le choix effectué jusqu’à présent pour l’ANPE et l’UNEDIC est celui de la coordination volontaire et centrée sur le rapprochement opérationnel dans le cadre de conventions. Il y a eu le PARE, en 2001, et la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui a apporté la force de la loi à ce principe de relations conventionnelles. Mais jusqu’où peut-on aller dans ce rapprochement volontaire, puisque conventionnel, et essentiellement limité à la coordination opérationnelle ? Il faut bien admettre que ce système rencontre vite diverses limites, tensions et contradictions. L’actuelle négociation tripartite, ou plutôt quadripartite puisqu’une annexe sera signée par l’AFPA, fait déjà l’objet de critiques car elle laisse de côté d’autres opérateurs majeurs, tels que le réseau des missions locales ou l’AGEFIPH. Ces deux acteurs, actuellement liés aux autres acteurs du service public de l’emploi par diverses conventions à objet spécifique qui forment parfois un ensemble très complexe, souhaitent une clarification de ces relations à travers des accords globaux qui en couvriraient l’ensemble. Étant exclus de la première négociation, celle sur la convention tripartite, ils craignent aussi de se voir ensuite imposer des choix qui ne seraient pas les leurs.

Il semble aussi que le projet de convention tripartite actuellement discuté soit centré sur le rapprochement opérationnel et qu’il traite peu de la gouvernance du système, alors que c’est l’un des objets que lui impose la loi de programmation.

Au-delà de ces observations sur la négociation conventionnelle, d’autres points de tension doivent être relevés.

Il s’agit d’abord du rapport de force structurellement déséquilibré entre l’assurance chômage, acteur politique puisque gérée par des partenaires sociaux ayant une légitimité représentative, et l’ANPE, acteur administratif dépendant de l’État, ce qui conduit à des relations dans lesquelles les personnels de la seconde ont souvent le sentiment d’être réduits à un rôle de sous-traitants.

Il y a aussi la contradiction entre la volonté légitime de l’assurance chômage, en tant que payeur, de contrôler les demandeurs d’emploi indemnisés et son implication limitée qui ne lui permet pas de revendiquer des prérogatives de sanction pour absence de recherche d’emploi active ou pour refus d’une formation ou d’un emploi proposés. Cette contradiction apparaît bien dans la réforme récente du régime de suivi des demandeurs d’emploi, qui accorde des prérogatives accrues aux ASSEDIC mais sans aller aussi loin qu’elles pouvaient le souhaiter.

On peut également s’interroger sur l’équité discutable d’une situation qui veut que parce qu’ils sont indemnisés par l’UNEDIC, qui accepte donc de payer pour cela, des demandeurs d’emploi bénéficient, le cas échéant, de prestations d’accompagnement renforcé, que ce soit avec les opérateurs privés ou par des formations inaccessibles aux demandeurs d’emploi non indemnisés, qui en ont pourtant tout autant besoin.

Autre point à souligner : les sentiments d’injustice ressentis lorsque l’on est amené à durcir les conditions d’indemnisation du chômage.

Enfin, il y a les effets induits de la segmentation de la chaîne d’indemnisation des personnes sans emploi, bénéficiaires d’abord de l’allocation de retour à l’emploi, financée par l’UNEDIC, puis de l’allocation de solidarité spécifique, financée par l’État, ou du RMI, à la charge des départements. Les modifications de réglementation décidées par un financeur se répercutent en effet sur les charges subies par les autres.

Tous ces éléments conduisent à penser que l’équilibre actuel ne saurait être très durable. Mais aller plus loin dans le rapprochement entre l’ANPE et l’UNEDIC, a fortiori aller vers une fusion, impliquerait, il faut en être conscient, une nouvelle intervention du Gouvernement et du législateur, qui pourrait être perçue comme un acte d’autorité inacceptable. Au demeurant, sans même évoquer les difficultés techniques d’une telle fusion, il existe des arguments de principe justifiant la distinction entre un organisme chargé du placement et un autre chargé de l’indemnisation. Du point de vue, par exemple, de la majorité des organisations syndicales, cette distinction est nécessaire pour assurer l’égalité de traitement des demandeurs d’emploi et la neutralité de l’action de l’agence.

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis. En conclusion, monsieur le président, je pense qu’il appartient à l’État d’assumer pleinement son rôle de pilotage du service public de l’emploi si l’on veut sortir de la situation éclatée que nous avons actuellement sans recourir aux moyens les plus autoritaires. Je remarque d’ailleurs que ces quelques constats recoupent largement ceux que vient de rendre publics le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale. Dans le même temps, le Gouvernement a installé le Conseil d’orientation pour l’emploi, dont l’un des premiers thèmes d’étude sera l’élaboration d’un consensus sur les causes du chômage, en distinguant celles qui relèvent du chômage frictionnel, du chômage volontaire et de celui qui est structurel. Mieux mesurer l’incidence des différentes causes du chômage nous permettrait de mieux appréhender ce qu’on peut attendre, pour l’amélioration de l’emploi, de réformes des modalités d’accompagnement des demandeurs d’emploi, des conditions d’accès à la formation et des conditions d’indemnisation.

Tandis que nous disposons – ou devrions disposer – des nouvelles expertises que j’ai mentionnées, la négociation s’engage sur la nouvelle convention UNEDIC, et l’État en sera certainement une partie prenante au rôle déterminant, vu la situation financière de l’assurance chômage. Nous pourrions avoir là une occasion exceptionnellement favorable de convaincre les partenaires sociaux de la nécessité d’une refonte en profondeur du dispositif institutionnel, dans le respect de la légitimité de chacun mais dans le sens d’un rapprochement beaucoup plus grand des acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

MODIFICATION DE L’ORDRE
du jour PRIORITAIRE

M. le président. M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement m’a informé que le projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 était inscrit à l’ordre du jour de demain, après les questions au Gouvernement. La discussion des crédits de l’agriculture et de la pêche se poursuivra mercredi matin, à neuf heures trente.

M. Jean Le Garrec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour un rappel au règlement.

M. Jean Le Garrec. Le Gouvernement est maître de l’ordre du jour, certes, mais engager, avec une rapidité tout à fait anormale, un débat aussi compliqué sur le prolongement d’une loi d’exception m’apparaît véritablement contraire à la réflexion que ce sujet implique et à l’autorité de notre assemblée. Le Gouvernement pouvait tout de même laisser le temps aux différents groupes parlementaires d’y travailler, d’y réfléchir, de faire connaître leur position et de consulter les maires, qui sont les premiers concernés. Cette hâte m’apparaît non seulement suspecte, mais tout à fait contradictoire avec la volonté affichée de porter un regard républicain sur les difficultés de la situation actuelle. Je proteste donc énergiquement contre cette organisation de nos travaux.

M. Patrick Roy. Très bien !

M. le président. Je ne doute pas, monsieur Le Garrec, que le Gouvernement aura entendu vos propos. Mais, comme vous l’avez signalé, je rappelle que le Gouvernement est maître de l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée.

M. Jean Le Garrec. J’ai pris la précaution de l’indiquer au début de mon intervention, monsieur le président.

M. le président. En effet.

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Reprise de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

travail et emploi (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen des crédits du travail et de l’emploi.

La parole est à M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, qui dispose de vingt minutes.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits que nous examinons aujourd’hui et sur lesquels l’Assemblée va être amenée à se prononcer témoignent de la volonté du Gouvernement de faire de l’emploi sa première priorité.

M. Patrick Roy. Ah bon ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Portée par le plan de cohésion sociale, renforcée par le plan de relance pour l’emploi lancé par le Premier ministre, la politique de l’emploi s’impose logiquement comme la priorité des priorités.

M. Patrick Roy. On ne s’en rend pas compte !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je vais m’efforcer, au travers de la présentation des crédits de la mission que je vous présente aujourd’hui au nom de la commission des finances, de mettre en évidence cette priorité absolue, d’abord au travers des crédits que nous votons, ensuite au regard des résultats déjà enregistrés, enfin en développant quelques pistes de réflexion dont je sais qu’elles suscitent chez vous, monsieur le ministre, un réel intérêt.

Le projet de budget de la mission pour 2006 s’élève à 13,17 milliards d’euros en crédits de paiement, soit près de 5 % du budget de l’État. En intégrant le transfert direct de la compensation des allégements généraux de charges sociales aux organismes de sécurité sociale, les crédits prévus sont de 32,61 milliards d’euros, soit une progression de 6,08 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. En neutralisant l’augmentation de ces allégements et en incorporant les dépenses fiscales en faveur du travail et de l’emploi, ces crédits s’élèvent à environ 40 milliards d’euros. C’est donc, à périmètre constant, une hausse de l’ordre de 5 % par rapport à 2005. Le Gouvernement a ainsi engagé une politique de plus en plus volontariste.

Dans le format LOLF, la mission « Travail et emploi » comprend cinq programmes : le programme « Développement de l’emploi » – 880,5 millions d’euros –, qui couvre 7 % des crédits, regroupe les dispositifs destinés à stimuler la création d’emplois par le biais notamment d’allégements de cotisations patronales de sécurité sociale ; le programme « Accès et retour à l’emploi », qui représente 55 % des crédits, soit 7 milliards d’euros, regroupe les actions visant à faire bénéficier les publics les plus en difficulté de parcours d’insertion adaptés : contrat d’avenir, contrat d’accompagnement dans l’emploi par exemple. Le troisième programme est celui de l’accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques. C’est 4,3 milliards d’euros, soit 35 % des crédits. Il couvre l’anticipation et l’accompagnement des mutations économiques, en clair la formation tout au long de la vie. Le quatrième programme, « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail », s’élève à 81,9 millions d’euros. Il vise à renforcer la sécurité et la santé au travail. Enfin, il y a le programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et de travail », à hauteur de 723,9 millions d’euros. C’est la mécanique qui permet de mettre en œuvre les quatre programmes précédents.

Ces cinq programmes de la mission se répartissent en quinze actions essentiellement orientées vers des dépenses d’intervention, qui sont les plus importantes – 77 % des crédits de paiement –, alors que les dépenses de fonctionnement représentent 18,6 % de ce budget.

Enfin, trente-sept objectifs et quatre-vingt-quinze indicateurs de performance ont été retenus pour la mission.

Le budget de cette mission prévoit donc les moyens nécessaires à la poursuite du plan de cohésion sociale et à la mise en place du plan d’urgence pour l’emploi.

Il confirme la volonté du Gouvernement de poursuivre la voie de la baisse des charges déjà engagée. Les allégements généraux sont pérennisés et l’aide à l’emploi dans le secteur hôtels-cafés-restaurants est prolongée.

2006 sera la deuxième année de mise en œuvre du plan de cohésion sociale. L’application de son volet « emploi » se poursuit conformément aux engagements pris sur cinq ans, dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Il comporte, je vous le rappelle, sept objectifs principaux : les maisons de l’emploi, le contrat d’avenir, l’économie solidaire, l’accompagnement des jeunes en difficulté, le développement de l’apprentissage, le développement des services et l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise. Au total, les crédits du volet emploi du plan de cohésion sociale s’élèvent à 2,1 milliards d’euros, soit 17 % du budget total de la mission.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, revenir sur certains de ces objectifs qui me semblent essentiels dans l’activation des dépenses de l’emploi : les contrats aidés, l’accompagnement des jeunes en difficulté et le renforcement de l’accompagnement personnalisé vers l’emploi.

S’agissant des dispositifs pour l’accès et le retour à l’emploi, l’année 2006 devrait voir l’accroissement des nouveaux contrats aidés prévus par la loi de cohésion sociale. Désormais, deux contrats de travail permettent d’activer les minima sociaux : le contrat d’avenir dans le secteur non marchand et le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité – le CI-RMA – dans le secteur marchand. Pour tous les autres publics en difficulté, ont été adaptés le contrat d’accompagnement dans l’emploi, dans le secteur non marchand, et le contrat initiative emploi, dans le secteur marchand. Le budget intègre les incitations données à ces contrats dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi.

Autre point : les dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes. Face à l’importance du chômage des jeunes, le Gouvernement s’est donné pour objectif de développer des parcours d’insertion professionnelle. Un accent particulier est mis sur l’apprentissage, élément essentiel du plan de cohésion sociale et considéré comme le meilleur moyen pour garantir aux jeunes actifs une bonne insertion professionnelle. Le plan de cohésion sociale prévoyant de faire passer le nombre d’apprentis de 350 000 à 500 000 de 2004 à 2009, les prévisions d’entrées pour 2006 sont en augmentation de 6 %, à 265 000.

Le soutien de l’État aux contrats de professionnalisation est également amplifié, avec 160 000 entrées prévues. Les crédits correspondants s’élèvent à 1,3 milliard d’euros, dont 846 millions pour l’apprentissage.

L’actualité brûlante que nous connaissons ces dernières semaines et la nécessaire lutte contre la désespérance des jeunes illustrent – s’il en était besoin – l’acuité et la pertinence de tels dispositifs à destination des jeunes et plus particulièrement de ceux issus des secteurs les plus défavorisés.

L’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi est renforcé. Les moyens budgétaires alloués au service public de l’emploi, notamment l’Agence nationale pour l’emploi et l’Association pour la formation professionnelle des adultes, ont ainsi pour objet d’assurer un accompagnement des demandeurs d’emploi adapté à leur situation. La mise en œuvre de la nouvelle convention de reclassement personnalisée signée par les partenaires sociaux en juillet 2005 permet en particulier aux salariés faisant l’objet d’un licenciement économique de profiter d’un accompagnement renforcé vers l’emploi pour une période de huit mois.

Dans sa déclaration de politique générale du 8 juin dernier, le Premier ministre a fait de l’emploi la première priorité de son gouvernement. Il a annoncé, d’une part, qu’il y consacrerait la totalité des marges de manœuvre budgétaires et, d’autre part, un ensemble de mesures d’urgence.

Comme le Gouvernement s’y était engagé, l’ensemble de ces mesures étaient opérationnelles le 1er septembre dernier : réduction du coût du travail, notamment par des allégements de charges sur le SMIC ; meilleure prise en charge des jeunes demandeurs d’emploi – comme me l’a confirmé M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, les 57 000 jeunes au chômage depuis plus d’un an ont tous été reçus individuellement par l’ANPE, qui a proposé à 60 % d’entre eux un emploi, marchand ou non marchand, ou un contrat d’apprentissage.

Le pouvoir d’achat des Français a aussi été amélioré : l’augmentation de la prime pour l’emploi – 800 euros par an contre 538 euros actuellement – et sa mensualisation rendent le retour à l’emploi plus attractif par rapport à la situation d’inactivité ; la simplification du mécanisme d’intéressement permet aux bénéficiaires des minima sociaux de cumuler ces minima avec la reprise d’activité ; la prime d’intéressement exceptionnelle est exonérée de charges. Cette dernière mesure, monsieur le ministre, me réjouit tout particulièrement : elle satisfait une proposition de loi, relative à l’exonération d’un intéressement annuel, notamment pour les salariés des PMI et des PME, que j’avais déposée avec plusieurs collègues.

Enfin, l’emploi et la mobilité ont été simplifiés grâce, entre autres, à la création du contrat « nouvelle embauche », à l’instauration d’une prime de mobilité, au crédit d’impôt pour les jeunes acceptant de travailler dans certains secteurs, ou au chèque TPE.

Même si je lis un certain scepticisme sur quelques visages,…

M. Patrick Roy. Un scepticisme certain !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. …les résultats sont encourageants.

Depuis quatre mois, les chiffres du chômage sont en baisse : à défaut de traduire une décrue structurelle, ils sont à tout le moins des signaux forts et encourageants qui vont au delà d’une simple amélioration conjoncturelle.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Nous devons tous, je pense, nous réjouir de cette baisse du chômage : même si elle est encore peu sensible, elle a du moins été amorcée.

Ces chiffres témoignent du fait qu’en matière de lutte pour l’emploi, le volontarisme et la conjonction de l’ensemble des acteurs de l’emploi sont essentiels dans ce combat.

Le nombre d’inscriptions en catégorie 1 enregistrées par l’ANPE au cours des trois derniers mois diminue de 3,4 % par rapport aux trois mois précédents. Les entrées consécutives à un licenciement économique baissent de 11,1 %. Il en est de même pour celles faisant suite à une fin de mission d’intérim – moins 6,4 % – et, dans une moindre mesure, à une fin de contrat à durée déterminée – moins 0,5 %. Le nombre de premières entrées recule également, de 2,5 %. En revanche, les entrées faisant suite à un autre type de licenciement s’accroissent de 2,3 %.

Les sorties de l’ANPE au cours des trois derniers mois sont en hausse de 2,7 % par rapport aux trois mois précédents. Les sorties pour reprise d’emploi déclarée progressent de 8,6 %, tout comme les sorties pour entrée en stage – plus 8,2 %.

Ces résultats montrent que l’action publique a été déterminante : nous nous en félicitons, monsieur le ministre.

Je fais partie de ceux qui, depuis de nombreuses années, répètent que le marché seul ne peut offrir de solutions qu’à ceux qui, par leur formation et leur parcours de vie individuel, y sont préparés. Ils sont hélas trop peu nombreux : le marché en demande plus.

M. Jean Le Garrec. Renoncez donc à l’apprentissage à quatorze ans !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Pour tous les autres, victimes de décalages ou de fractures de différentes natures, l’accompagnement public pour un retour vers l’emploi – marchand ou non marchand – est à mon sens tout à fait irremplaçable. Pour ceux-là, nous avons besoin de moyens humains et financiers à la hauteur.

C’est cette politique-là que vous avez mise en place, monsieur le ministre : nous soutenons donc votre action sans réserve.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Merci !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Malgré ces résultats très encourageants, le chômage frôle toujours la barre des 10 % de la population active : il est donc à un niveau plus élevé que dans la plupart des pays de la zone OCDE. Nous ne pouvons nous en satisfaire, et je propose quatre autres pistes de réflexion.

La première concerne la définition d’un nouveau mode de financement de notre protection sociale. On le voit bien, l’ensemble des mesures auxquelles nous faisons appel consistent essentiellement à réduire le coût du travail ou à donner davantage de pouvoir d’achat aux Français. Il ne s’agit cependant que d’ajustements « à la marge ». C’est pourquoi, me semble-t-il, la question du financement de la protection sociale devra être posée de façon plus claire et plus radicale. Certains de nos voisins européens l’ont déjà fait : ils ont souhaité financer leur protection sociale non plus seulement sur le travail, mais aussi sur la consommation. Nous pourrions les imiter, fût-ce partiellement.

Deuxième piste : aller plus loin pour soutenir cette dynamique de l’emploi qu’est la création d’entreprises. La France est-elle amenée à être un pays composé exclusivement de salariés de grands groupes ou du secteur public ? Ne faut-il pas qu’en nous appuyant sur nos artisans, qui font la richesse de notre pays, mais aussi en favorisant la transmission et la cession des entreprises existantes, nous donnions davantage d’oxygène, de souplesse et de confiance à ceux qui veulent créer leur propre emploi ? C’est un sujet sur lequel il faudrait rapidement avancer, être plus innovant, notamment en matière de financement de la création d’entreprises.

Troisième piste : mieux concilier l’offre de formation et les besoins du marché du travail. Nous devrions avoir la lucidité, un jour, de nous pencher sur notre système de formation. Sans vouloir remettre en cause les missions de l’éducation nationale, il me semble qu’une véritable analyse des filières s’impose. En formulant ce vœu, je me rapproche de mon collègue rapporteur des crédits de l’éducation nationale. Est-il normal que notre système produise chaque année autant d’illettrés ? Est-il normal qu’il ne soit plus source d’intégration mais d’exclusion, et ce malgré les moyens supplémentaires alloués chaque année à notre système d’enseignement ?

M. Patrick Roy. Que faites-vous de la suppression des aides-éducateurs ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Est-il normal que certaines filières n’aient plus aucun débouché alors que d’autres filières ne bénéficient pas d’offres de formations suffisantes ? Ces questions méritent réflexion.

Quatrième piste, essentielle à mes yeux : renforcer l’accompagnement personnalisé vers l’emploi, notamment pour les jeunes et les publics en difficulté.

Cette voie, monsieur le ministre, le Gouvernement l’a comprise et tente de la concrétiser en développant les maisons de l’emploi et en renforçant les moyens de l’ANPE. Ces dépenses sont utiles et actives : je l’ai déjà dit et je le répète. C’est la raison pour laquelle je regrette que, sur un sujet aussi important, la commission des finances ait décidé de déposer un amendement – que je n’ai pas soutenu – visant à une réduction de crédits. Là encore, l’exemple de nos voisins européens est déterminant : les pays qui ont simplifié le mode d’accompagnement des chômeurs et renforcé le nombre de référents professionnels ont vu le nombre de leurs chômeurs décroître de façon substantielle et ont rapidement obtenu des résultats significatifs. Le délai moyen de retour à l’emploi s’en trouve lui aussi réduit de façon spectaculaire.

Il nous faut donc davantage de professionnels, si possible qualifiés, pour aider ceux qui recherchent un emploi : cela a un prix.

Je sais, monsieur le ministre, que sur tous ces sujets vous « phosphorez ». Continuons à anticiper. Au regard de l’actualité, si votre plan n’existait pas, il faudrait l’inventer ! (Sourires.)

M. Bernard Perrut. Très bien !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je n’entends guère d’ailleurs de critiques sur ce que le gouvernement actuel a fait en matière de lutte contre le chômage. Les critiques et les regrets portent sur une période plus lointaine.

Nous sommes donc sur la bonne voie, mais nous pouvons et devons faire mieux, et plus vite encore. C’est pourquoi j’ai souhaité aborder ces quelques pistes de réformes structurelles, inspirées de l’expérience de pays – je me suis d’ailleurs rendu dans certains d’entre eux – où le chômage est en dessous de 5 %. Nous devons à terme viser cet objectif : l’état d’esprit de notre pays, ses espoirs, s’en trouveraient complètement changés.

En attendant, au nom de la commission des finances, j’appelle l’Assemblée à voter avec enthousiasme vos crédits. (Applaudissements sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, premier orateur inscrit, qui dispose de dix minutes.

M. Gaëtan Gorce. Les budgets se suivent et se ressemblent. Animé par la même absence d’inspiration, d’imagination et de volontarisme, le Gouvernement fait toujours preuve de son talent pour masquer les réalités !

M. Bernard Perrut. Vous êtes trop sévère !

M. Gaëtan Gorce. Jamais l’écart entre les discours et les actes n’aura été aussi flagrant que depuis que M. Borloo a succédé à M. Fillon.

M. Patrick Roy. Très juste !

M. Gaëtan Gorce. Encore M. Fillon s’entendait-il à faire accroire à la représentation nationale qu’il menait une politique en faveur de l’emploi !

Au moins pouvions-nous espérer qu’instruits par votre échec, vous eussiez amorcé cette politique. Nous devons malheureusement constater que ce n’est toujours pas le cas. Votre politique, ce n’est pas « Horreur et damnation », mais « Échec et stagnation » ! Il faudra bien, progressivement, lui trouver une alternative.

Votre échec est patent. Notre rapporteur a besoin de tout son enthousiasme pour considérer que « nous sommes sur la bonne voie » et que « la situation s’améliore » ! Il fait aussi preuve d’inattention lorsqu’il prétend n’avoir entendu aucune critique : il suffit d’ouvrir les journaux, d’écouter les déclarations des syndicats, d’interroger les Français pour s’aviser que ces derniers approuvent les critiques que nous formulons depuis trois ans.

Depuis plus de trois ans et demi, la dégradation de la situation de l’emploi, seulement interrompue ces derniers mois par des aménagements statistiques, est continue. C’est là le fruit d’une politique en zigzag.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis juin 2002, on compte 120 000 chômeurs de catégorie 1 supplémentaires – 311 000 si l’on ajoute les chômeurs de catégorie 6 –, dont 40 000 jeunes et 72 000 chômeurs de longue durée. À titre de comparaison, entre 1997 et 2002, le nombre de chômeurs avait diminué de 900 000, dont 200 000 jeunes et 500 000 chômeurs de longue durée.

Même constat pour les chiffres de l’emploi, qui dessinent la dynamique future : dans le secteur marchand, moins 232 000 depuis 2002, et presque moins 50 000 pour la période de juin 2004 à juin 2005.

Et ce ne sont pas les quelques éléments rassurants présentés depuis quatre mois qui peuvent nous faire croire que cette tendance est interrompue, d’autant que l’on ne peut s’empêcher de faire le lien entre ce brusque « redressement » de la situation – encore très relatif, vous l’avez dit vous-même – et des opérations engagées au cours des derniers mois : jamais les radiations n’ont été aussi nombreuses. Sur les 368 000 demandeurs d’emploi en moins, près de 200 000 résultent de radiations administratives ou de radiations au motif d’absence au contrôle.

Plus largement, toute une série de dispositions n’ont été récemment votées que dans le souci de faire baisser les statistiques du chômage. C’est à cela que sert, par exemple, la convention de reclassement personnalisé dans les petites entreprises.

C’est ainsi que sont traités certains demandeurs d’emploi qui ont basculé vers le RMI. C’est ainsi également que sont utilisés les contrats aidés, en particulier les contrats d’accompagnement dans l’emploi. On a assisté à une politique stakhanoviste de création de ces contrats, qui fait contraste avec l’indifférence totale qui régnait les années précédentes. Sans doute fallait-il repeindre la maison qui – effectivement – menaçait ruine !

Cette dégradation continue, à peine interrompue par les aménagements statistiques que je viens d’évoquer, est la conséquence d’une politique en zigzag que nous n’avons cessé de dénoncer. Il n’y a pas, il n’y a jamais eu vraiment de politique de l’emploi sous les gouvernements tant de M. Raffarin que de M. de Villepin.

Les différentes mesures ont d’abord été inspirées exclusivement par l’esprit de revanche : remise en cause de la réduction du temps de travail, des emplois-jeunes ainsi que des contrats aidés, dont M. Fillon nous a expliqué, ici, à de nombreuses reprises, qu’ils ne correspondaient pas à la logique d’une vraie politique de l’emploi. Il fallait, selon lui, créer des emplois marchands, alors même que l’économie en supprimait ! L’on récusait les contrats aidés, synonyme sans doute de « socialisme » !

Cette politique en zigzag a même donné des résultats déconcertants : selon l’OFCE, les mesures budgétaires ont même eu des conséquences négatives sur le nombre d’emplois créés en France. C’était vrai en 2004, ça le restait dans les premiers mois de 2005, où la politique menée se traduisait, pour l’essentiel, par une diminution du nombre d’emplois disponibles plutôt que par une création.

Je parlais d’échec ; le bilan est, malheureusement, pénible à établir car ce sont les Français qui en supportent les conséquences. Je parlais aussi de stagnation ; c’est bien le cas du budget qui nous est présenté. Alors que nous entendons un discours sur l’emploi particulièrement spectaculaire – M. Borloo ne manque jamais une occasion de vanter son plan d’urgence, qui sonne d’ailleurs comme une condamnation des politiques précédentes – et que l’on nous promet des moyens supplémentaires, on constate que les crédits consacrés à l’emploi n’augmentent que de 0,7 % en 2006, si l’on exclut, naturellement, les allégements de cotisations sociales – mais je reviendrai sur ce sujet.

Pour l’essentiel, les mesures annoncées sont donc financées par des redéploiements. Aucun moyen nouveau n’est réellement dédié à la politique de l’emploi. Il est, d’ailleurs, intéressant d’observer de plus près ces redéploiements. Il faut voir avec quel cynisme on brûle ce que l’on avait adoré quelques mois plus tôt. On faisait grand cas des contrats d’avenir ; on révise leur nombre à la baisse, puisqu’ils passent de 250 000 à 200 000. On faisait grand cas aussi des contrats jeunes en entreprise, mais les moyens qui leur sont destinés diminuent de plus d’un tiers – 36,5 %.

Ce n’est pas un hasard si l’effort ne porte que sur les contrats d’accompagnement à l’emploi qui sont les plus faciles à mettre en œuvre, d’autant que les collectivités locales et les associations ne cessent d’êtres sollicitées par vos services, monsieur le ministre. En effet, les contrats jeunes en entreprise supposeraient une économie plus dynamique, créant de l’emploi y compris pour les jeunes ; ce n’est pas le cas. La réduction des moyens constitue donc, en quelque sorte, un aveu.

L’impact des contrats d’avenir sera moindre que ce que vous aviez initialement prévu. En effet, comme ils concernent les publics les plus en difficulté qui ont besoin d’un accompagnement durable, ils nécessitent un effort d’insertion. Là n’est pas votre objectif. Vous ne voulez qu’agir sur les statistiques. Voilà pourquoi vous concentrez tous vos moyens sur les contrats d’accompagnement dans l’emploi.

Telle est bien, malheureusement, la réalité de ce budget de l’emploi, qui me fait penser au Portrait de Dorian Gray. En façade, un ministre brillant nous déclare, au nom du Gouvernement, combien il attache d’importance à la politique de l’emploi. Mais si l’on pénètre dans sa demeure et que l’on voit son portrait – son budget ! – on découvre toutes les turpitudes qui ont affecté cette politique depuis 2002 !

Une autre politique est nécessaire, et elle est possible. Elle devrait reposer sur des axes forts, qui soient clairement indiqués aux Français. Il y aurait d’abord le soutien au pouvoir d’achat, qui devrait devenir une des principales préoccupations de ce gouvernement, qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des salariés du privé. Pourquoi ne pas ouvrir une grande conférence sur l’évolution des salaires et du pouvoir d’achat, comme le réclamaient les syndicats, après la mobilisation sociale du 4 octobre dernier ?

Pourquoi renoncer à lier les allégements de cotisations sociales à des contreparties en matière d’emploi, de salaires et de lutte contre la précarité ? Les dispositions contenues dans ce budget et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale montrent bien que vous ne considérez plus désormais ces allégements comme un élément de la politique de l’emploi, mais seulement comme un moyen de faire baisser le coût du travail, d’une manière définitive et sans contrepartie. En effet, vous les sortez du budget de l’État, vous en assurez le financement sans compensation et, surtout, vous empêchez la représentation nationale de suivre l’évolution de ces allégements et d’en vérifier l’impact sur l’économie et sur l’emploi. Ce n’est pas acceptable.

Il faudrait aussi réfléchir à la manière de reconvertir la prime pour l’emploi, que nous avons instituée et à laquelle nous sommes attachés, probablement en baisses de cotisations sociales pour soutenir les salaires. Il faudrait encore engager une vaste réflexion – elle fait totalement défaut aujourd’hui – sur l’évolution des qualifications et des rémunérations qui y sont attachées. Nous savons tous que l’évolution démographique va priver de compétences des secteurs entiers et nombre de métiers. Pourtant, aucune initiative n’a été prise à cet égard. Pourquoi ne pas lier l’évolution des qualifications à celle des rémunérations ? Pourquoi ne pas utiliser ces outils que sont la validation de l’expérience…

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est ce que nous faisons !

M. Gaëtan Gorce. …et le droit à la formation individualisée pour faire en sorte qu’à partir d’une plus juste appréciation, dans les branches professionnelles, des compétences exactes des salariés, on leur offre des perspectives de promotion sociale et d’augmentation de leur pouvoir d’achat ?

Le temps m’étant compté, je ne peux pas développer davantage ces orientations qui pourraient constituer, avec d’autres, les bases d’une politique pour l’emploi. Cela supposerait que l’on fasse preuve d’une volonté réelle, et non que l’on se contente de discours. Au moment où notre pays connaît les difficultés que l’on sait, et dont nous débattrons demain, on pouvait espérer que le Gouvernement aurait enfin compris que ce n’est pas avec des effets d’annonce que l’on fait une politique et que, lorsque l’on veut défendre l’emploi, en particulier dans les zones les plus difficiles, il ne faut pas seulement y envoyer des ministres aux propos parfois très contestables. Il faut y mettre des moyens, en hommes et en crédits. C’est ainsi que l’on fait une politique et, surtout, que l’on préserve la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Ce n’est pas ce que vous avez fait !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour quinze minutes.

M. Francis Vercamer. Monter à la tribune devant un hémicycle quasi vide, alors que l’on examine le budget de la mission « Travail et emploi », première préoccupation des Français et priorité du Gouvernement, me fait froid dans le dos !

M. Bernard Perrut. Certains sont là !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, et M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis. Les meilleurs !

M. Jean Le Garrec. Félicitez plutôt ceux qui sont présents !

M. Gaëtan Gorce. Il n’y a personne sur les bancs de l’UDF !

M. Francis Vercamer. Je ne peux être au four et au moulin !

M. Jean Le Garrec. Ça, c’est vrai ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. De surcroît, l’examen de ces crédits prend un relief particulier après les violences urbaines de ces dernières semaines. Au-delà des exactions commises, qui doivent être sanctionnées, elles ont mis en évidence l’intensité d’une souffrance sociale particulièrement cruelle pour beaucoup de jeunes qui habitent ces quartiers. L’un des symptômes de cette souffrance est évidemment l’absence de perspectives d’avenir et le peu d’espoir de trouver un emploi qui permette de bâtir une vie stable.

La crise de l’emploi, si elle n’est qu’un facteur parmi d’autres, reste néanmoins, avec le développement de la précarité, une clef d’analyse essentielle de ces événements. De ce fait, gardons-nous bien de toute déclaration intempestive d’autosatisfaction sur la baisse des chiffres du chômage de ces derniers mois, comme le faisait, à l’instant, M. Joyandet. Elle résulte davantage de la montée en charge progressive des contrats aidés du plan de cohésion sociale, notamment dans le secteur non marchand, que d’un retour de la croissance économique qui serait riche en création d’emplois.

Quant aux contrats « nouvelle embauche » d’ores et déjà signés, on entend, à propos de leur nombre, les déclarations les plus contradictoires, voire les plus fantaisistes. La vérité est que personne ne peut sérieusement mesurer, à ce jour, l’impact de cette mesure sur la création d’emplois, ni l’effet de substitution à d’autres contrats, temporaires ou non.

M. Jean Le Garrec. En effet !

M. Francis Vercamer. Cela ne fait d’ailleurs que mettre en évidence la nécessité de mieux évaluer les politiques de l’emploi, y compris au niveau local – je pense aux emplois tremplins –, de manière à mieux estimer leur impact sur la décision d’embauche.

La bataille que le Gouvernement entend mener pour l’emploi n’en est donc qu’à ses débuts. Elle ne donne pas, pour le moment, de résultats tangibles dans des bassins d’emplois comme celui de Roubaix où, recul de l’industrie et difficultés sociales des populations se cumulant, le taux de chômage est passé de 12,7 % en 2001, année où il a commencé à augmenter, à 15 % au mois de juin 2005. En réalité, il est des quartiers où le taux de chômage des actifs dépasse 30 % et celui des jeunes 40 %, si tant est que tous les jeunes en recherche d’emploi soient bien inscrits à l’ANPE !

Les outils du plan de cohésion sociale se mettent progressivement en place et contribuent à améliorer la situation : je pense évidemment aux contrats aidés des secteurs marchands et non marchands, aux maisons de l’emploi, au plan de développement des services à la personne et à l’effort effectué en faveur de l’apprentissage. C’est d’ailleurs la principale caractéristique du budget 2006 de votre ministère, monsieur le ministre, que de traduire en chiffres la montée en charge du plan de cohésion sociale et de s’inscrire dans les objectifs fixés dans la loi de programmation.

Néanmoins, force est de constater que la mise en œuvre des dispositifs a été laborieuse. À plusieurs reprises, le groupe UDF s’est ainsi fait l’écho des inquiétudes et des attentes formulées par les associations participant à l’insertion et au retour à l’emploi des personnes qui en avaient été durablement tenues éloignées. La charge financière supplémentaire que leur font supporter les nouveaux contrats aidés n’est pas la moindre de leurs préoccupations. Certes, le Gouvernement a finalement augmenté le taux de prise en charge des contrats d’avenir, pendant les six premiers mois pour les associations, et de façon pérenne pour les chantiers d’insertion. Il n’en reste pas moins que le coût reste élevé dans un bon nombre de situations, ce qui oblige les structures d’insertion à réduire le nombre de demandeurs d’emploi qu’elles prennent en charge, pour éviter que leur trésorerie et même leur survie ne soient menacées. Comment, en effet, une association prendrait-elle le risque d’embaucher dans ces conditions ?

Ces incertitudes, conjuguées à d’autres éléments, expliquent la lenteur de la montée en charge des contrats d’avenir par rapport aux contrats d’accompagnement dans l’emploi : au 3 octobre, 49 111 contrats d’accompagnement avaient été signés, contre 3 813 contrats d’avenir seulement, alors même que 185 000 de ces derniers étaient prévus au budget de 2005 ! Ce n’est pas au nombre de postes budgétés que nos compatriotes apprécieront le résultat de votre politique de l’emploi, mais au nombre de postes effectivement créés !

Tout cela, en outre, contribue à créer un contexte d’instabilité juridique et financière, particulièrement pénible pour des structures qui assurent, d’ores et déjà, une mission complexe, en prenant en charge la réinsertion vers l’emploi des personnes qui en sont les plus éloignées.

Chantiers d’insertion, associations intermédiaires et, plus largement, associations intervenant dans le domaine de l’économie sociale s’interrogent sur la place qui leur est réservée dans le dispositif du plan de cohésion sociale. Ces structures ont besoin, pour accomplir leur mission, que l’action et le soutien de l’État retrouvent rapidement lisibilité et fiabilité.

Mais c'est justement de lisibilité dont manque singulièrement le budget 2006 de la mission « Travail et emploi » : il n'aborde pas ou ne fait qu'esquisser des sujets qui devraient constituer autant de priorités clairement affirmées par l'État.

Il en va ainsi de la sécurisation des parcours professionnels, qui reste à l'état de chantier récemment ouvert par le Gouvernement à des partenaires sociaux sceptiques. Nous n'ignorons pas que 73 % des embauches s'effectuent en contrats à durée déterminée, dont moins de la moitié seront pérennisés en emplois stables. Notre marché de l'emploi est ainsi caractérisé, en début de vie active, par un taux de chômage très élevé et par une majorité de contrats à durée déterminée. Ensuite, à mesure qu'on avance en âge, la durée du chômage s'allonge et la perte de l'emploi s'accompagne de plus grandes difficultés à retrouver un travail.

Dans le même temps, notre pays compte plus d'un million de travailleurs pauvres, de plus en plus souvent salariés, directement confrontés à la précarité de l’emploi, certes, mais aussi du logement, de l'emploi et de la santé.

Le défi auquel nous devons répondre se pose finalement en termes simples : la lutte contre le chômage passe-t-elle par un recours croissant à la précarité de l'emploi ? Nous ne le pensons pas. Ainsi, s'agissant de l'organisation du travail, les performances et la compétitivité de l'entreprise ne peuvent être obtenues aux dépens du salarié. En outre, la précarité obère la confiance en l'avenir et pèse sur la consommation, donc sur la croissance tant attendue. De même, la sécurité des salariés ne peut être assurée si l’on met en cause la capacité de l'entreprise à évoluer dans son univers concurrentiel.

De fait, c'est une architecture nouvelle qu'il nous faut définir, où l'entreprise puisse librement s'adapter pour innover et se mesurer avec les meilleures chances à ses concurrents, tout en garantissant aux salariés la sécurité de leur parcours professionnel ; une architecture qui permette de réunir les conditions nécessaires pour assurer à chaque individu entrant sur le marché du travail la continuité de son parcours.

Nous regrettons également de ne pas trouver dans ce budget une approche plus ouverte de la situation des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui seront concernés par la réforme du dispositif fin 2003.

L'uniformisation, au 1er janvier 2004, des plafonds de ressources pour les couples, et la suppression de l'allocation à taux majoré pour les demandeurs d'emploi de plus de cinquante-cinq ans ont plongé nombre de bénéficiaires dans des situations difficiles, parfois dramatiques, que nous vous signalons depuis deux ans. Parallèlement à cette réforme, des réponses tangibles concernant le parcours de retour à l'emploi n'ont pas été apportées à ces personnes.

Par ailleurs, nous nous étonnons de ne pas voir l'État se saisir d'une façon plus volontariste de la question de l'emploi des seniors. Les partenaires sociaux ont conclu, le 13 octobre, un accord national interprofessionnel en vue de promouvoir le maintien et le retour à l'emploi des seniors. Cet accord contient plusieurs dispositions en termes de gestion des âges, d'amélioration et d'aménagement des conditions de travail, de retour à l'emploi et de gestion des fins de carrière. Mais il implique un certain nombre d'aménagements législatifs, et les partenaires sociaux insistent, dans l'article 3 de cet accord, sur la nécessité d'un plan national d'action pour l'emploi des seniors qui s'inscrive dans le cadre d'une mobilisation générale pour l'emploi.

Cet accord comprenant aussi des dispositions sur les modalités d’application du DIF – le droit individuel à la formation – aux salariés de cinquante ans et plus, j’appelle l'attention du Gouvernement sur les difficultés d’application de ce droit dans les entreprises. La principale inquiétude vient de ce que le DIF, s'il a contribué à renforcer la politique de gestion prévisionnelle des emplois dans les grands groupes, reste virtuel dans les PME. Nous attendons du Gouvernement qu'il le rende effectif dans toutes les entreprises où il est censé s'appliquer aux salariés.

Par ailleurs, la question d'une meilleure répartition du financement de la protection sociale – qu’a évoquée M. Joyandet –, qui ne doit plus reposer uniquement sur le travail à travers les cotisations des salariés et des employeurs, reste posée budget après budget. Qu'il s'agisse de la TVA sociale ou d'un financement par le biais d'une autre contribution, il n'y a à ce jour aucune réponse de la part du Gouvernement.

Enfin, je dirai quelques mots sur le dispositif de retour à l'emploi, sur lequel nous serons amenés à débattre dans quelques jours. Le Gouvernement a décidé de renforcer les sanctions à l’encontre des chômeurs. Toutefois, s'il est indispensable de sanctionner les abus, il n'en reste pas moins vrai que le chômage, notamment de longue durée, n'est pas un choix, mais une situation subie. Il convient donc d'améliorer l'accompagnement du demandeur d'emploi. Si les maisons de l'emploi constituent un premier pas dans cette voie, il faut également mieux différencier les situations dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'emploi pour leur apporter une réponse adaptée. Qui plus est, le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux ne peut être seulement favorisé par un intéressement structuré à travers un système de primes. Il faut impérativement se poser la question des droits connexes et de l'effet pervers des effets de seuil si nous souhaitons améliorer le parcours vers l'emploi. Or cet aspect n'est pas abordé par le Gouvernement.

C'est donc uniquement pour ce qu'il traduit de la montée en charge du plan de cohésion sociale que le groupe UDF, qui avait voté la loi de programmation pour la cohésion sociale, soutiendra ce budget,…

M. Maxime Gremetz. C’est un scoop !

M. Francis Vercamer. …par ailleurs sans souffle véritable et qui ne peut espérer, tout au plus, d'un observateur attentif que le bénéfice du doute.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour quinze minutes.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 29 mai 2005, le peuple s'est exprimé et a voulu rompre avec l'ensemble des politiques de régression sociale que vous mettez en œuvre depuis des années.

À travers ce vote, les Français, et en particulier les classes populaires – mais vous ne les avez pas écoutés –, ont exprimé leur crainte du chômage, des délocalisations et de l'insécurité sociale. Ils ont affirmé ainsi leur ras-le-bol de la précarité, des délocalisations et de l'insécurité professionnelle. Je le dis solennellement, ce n’est pas en prorogeant de trois mois l’état d’urgence, alors que l’on constate, nous dit-on, un retour au calme, que vous réglerez le problème. À Amiens, par exemple, où il ne s’est rien passé, on a déclaré le couvre-feu ! Et, le lendemain, toutes les chaînes de télévision nationales et internationales de dire : « Vous voyez, dès lors qu’on envoie quelques CRS, la ville est calme ! » Mais il n’y a jamais rien eu ! Il est donc inutile de décréter l’état d’urgence. Il faudrait seulement que le Gouvernement prenne la mesure de la situation et décrète l’urgence sociale. Je m’étonne d’ailleurs que, la semaine dernière, l’examen des crédits de la ville ait été retardé en raison des graves problèmes que connaît notre pays : il s’agissait de réviser ce budget. Mais dans le vôtre, monsieur le ministre, pas une seule ligne, pas un seul centime n’ont été changés ! Vous présentez ce budget comme s’il ne se passait rien, alors qu’il suffit d’aller à Amiens – ou ailleurs – pour comprendre que les problèmes les plus importants sont ceux du chômage, de la précarité de l’emploi, du logement et de l’éducation. Monsieur le ministre, comment osez-vous présenter un tel budget ? Je suis très surpris et j’ai même envie de m’en aller…

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, et M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis. Chiche !

M. Maxime Gremetz. …car je crains que ce gouvernement n’entende jamais rien : en réalité, il est autiste !

M. Jacques Remiller. Ne partez pas, car nous ne sommes pas nombreux !

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison. Il n’y aurait plus personne pour vous dire vos quatre vérités !

Sans doute conscients des raisons profondes de ce message, vous mettez en avant l'emploi comme « priorité des priorités ». En paroles du moins ! Ce qui est pire, car les gens sont tentés de vous croire pour s’apercevoir ensuite que rien n’a changé dans leur vie. Ce ne sont que des promesses ! Cela me fait penser à cette chanson de Dalida : « Paroles, paroles » ! Les jeunes, notamment, en ont ras-le-bol. Car quelle action menez-vous face au chômage ? Il touche aujourd’hui 23,3 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans – rappel utile au regard de l’actualité de ces dernières semaines –, qu’ils soient blancs ou de couleur. Je souligne ce point, en réponse à M. Sarkozy, qui s’est permis de dire : « Vous n’êtes pas français, mais arabe, et vous parlez mal. » C’est honteux ! Indigne ! Il a dit cela sur France 2.

M. Jacques Remiller. Quand ?

M. Maxime Gremetz. Vous ne suivez décidément pas l’actualité ! Vous restez dans votre monde ! Allez donc dans les quartiers populaires, et tous les jeunes vous diront à quel point ils ont été choqués ! Ils sont français, et ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Français. Et un ministre de la République leur dit qu’ils ne sont pas français !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Il n’a pas dit cela !

M. Maxime Gremetz. Écoutez donc l’enregistrement ! D’ailleurs, M. Borloo s’est empressé de rétablir les choses en disant que tous les jeunes, qu’ils soient blancs ou de couleur, étaient français et qu’il n’y avait aucune raison de faire un distinguo. M. Borloo a senti, à juste titre, qu’il était nécessaire de remettre de l’ordre dans cette affaire. Provoquez, provoquez, et voilà ce qui se passe dans les quartiers !

En outre, nous connaissons de plus en plus un chômage de longue durée. Vous encouragez, avec la bénédiction du MEDEF – ce n’est pas une surprise – la précarisation et la flexibilisation du travail. Le travail précaire est-il pour vous un instrument acceptable de lutte contre le chômage ? Pour maquiller les chiffres, sans doute, mais pour améliorer réellement les conditions de vie de nos concitoyens, et surtout des plus fragiles, certainement pas ! C'est cette précarité exacerbée – comprenez-le enfin, au lieu de théoriser dans votre stratosphère – qui conduit aujourd'hui à la désespérance sociale et qui est en grande partie à l’origine de la flambée de violence qui s'exprime actuellement un peu partout dans notre pays. Il ne s'agit pas pour moi, monsieur le ministre, de justifier ces actes irresponsables : il faut sévir. Mais, en l'absence de traitement des causes, sociales avant tout, les mêmes causes continueront à produire les mêmes effets, état d'urgence ou pas.

Aujourd'hui, la précarité ne réside plus uniquement le chômage, mais aussi dans l'emploi. La réponse au seul problème du chômage pour sortir de la précarité n'est plus suffisante. La multiplication des contrats précaires et des contrats aidés plonge de plus en plus de salariés dans la précarité, voire souvent dans la pauvreté, sans compter la stagnation des salaires, et donc du pouvoir d'achat. Ainsi, on compte aujourd'hui 2,5 millions de travailleurs, des salariés, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et un sans domicile fixe sur trois a un emploi. On n’a jamais vu cela dans notre pays ! Bien sûr, votre gouvernement n’est pas le seul responsable de cette situation. Cela étant, quelles mesures allons-nous prendre ?

Entre 1983 et 2003, le recours à l'intérim a plus que quadruplé et le nombre de CDD a été plus que multiplié par six. Le sous-emploi, entendu par l'INSEE comme le temps partiel contraint, a, quant à lui, été multiplié par huit. Dans le même temps, le nombre d'emplois aidés a augmenté de 34,1 % et celui des CDI de 12,2 %. Une tendance lourde, donc, illustrée par le dernier accord signé le 7 septembre 2005 entre le patronat de l'intérim et la CFDT, FO et la CGC. Un accord qui va contribuer encore un peu plus à la précarisation du salariat et à l'exclusion de ceux qui sont le plus en difficulté : il vise à sélectionner, comme le dit le MEDEF, les plus « employables et adaptables » aux besoins du patronat.

Lutter réellement contre la précarité implique de résorber l’emploi précaire, mais aussi de réformer l’ensemble des contrats aidés. En effet, ces derniers ne laissent souvent pas d’autre choix qu’un temps partiel. De plus, ils n’offrent que bien peu de perspectives durables : ils ne mènent que rarement à une concrétisation et s’adressent à un public trop large. Enfin leurs objectifs, censés viser les publics les plus éloignés de l’emploi, sont souvent détournés par les employeurs. Est-ce moi qui le dis ? Non, c’est M. Séguin, président de la Cour des comptes, auteur d’un rapport sur les exonérations de cotisations patronales. Il montre que si ces exonérations ne créent pas d’emploi, elles ont en revanche un grand effet d’aubaine : on empoche, et on n’embauche pas !

Le recours abusif à ces différentes sortes de contrats précaires a fortement perverti les relations de travail dans notre pays. La multiplication de ces contrats, dont le dernier en date est le contrat de nouvelle embauche, fragilise un peu plus le CDI et ses droits afférents. À cet égard, le CNE est le pire de tous. On prétend qu’il s’agit d’un CDI, mais un patron pourra, par simple lettre, et sans aucune justification, dire à son salarié : « Restez chez vous, vous êtes licencié. » Pas de motivation, pas de recours : c’est bien tout le code du travail qui est ainsi remis en cause !

La multiplication de ces contrats renforce également la subordination du salarié vis-à-vis de l’employeur. Elle encourage le turn over des salariés dans certains secteurs et conduit à tirer vers le bas les conditions accordées aux salariés diplômés et qualifiés entrant sur le marché du travail.

Or, sous le prétexte de lutter contre le chômage, ce sont de tels contrats précaires que vous favorisez de fait dans ce projet de budget. Celui-ci correspond pour beaucoup à la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et du plan d’urgence pour l’emploi, dont vous avez déjà largement usé pour vider la loi de modernisation sociale de son contenu et pour en remettre en cause les avancées. Vous avez ainsi entrepris de dynamiter le code du travail, de même que certaines avancées jurisprudentielles en matière de protection des salariés licenciés.

Dans ces conditions, qu’attendre d’un tel projet de budget, même revu à la hausse, si ce n’est une politique « ambitieusement » antisociale ?

Il n’y a, en effet, rien de nouveau sous le soleil. Toujours plus d’allégements, voire d’exonérations de charges sociales en faveur du patronat : celles-ci totalisent 21 milliards d’euros ! Malgré les critiques qui commencent à s’exprimer jusque dans votre propre camp, malgré les doutes sur l’efficacité de ces baisses, vous poursuivez dans cette voie. Je vous invite, mes chers collègues de droite, à lire attentivement le rapport de M. Séguin. Si vous ne me croyez pas, peut-être serez-vous convaincus par le président de la Cour des comptes.

Les crédits affectés au programme « Accès et retour à l’emploi » sont en légère baisse. Mais la baisse devient sensible s’agissant de la sous-action « Construction de parcours vers l’emploi durable », qui concerne les publics fragiles. Il est donc clair que le caractère durable de l’emploi n’est pas votre préoccupation.

De même, et alors que l’on nous parle sans cesse – à juste titre – des mutations technologiques et des changements liés au progrès, les crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » chutent de 10 %. Or l’action « Amélioration de l’accès des actifs à la qualification » en constitue l’essentiel. Ainsi sont sacrifiées l’éducation et la formation, conditions d’une amélioration de la qualification et donc du caractère durable de l’emploi.

Par ailleurs, les fortes incitations en faveur de la mobilité professionnelle viennent renforcer la prime à la précarisation et à la flexibilisation du travail. La mobilité, nous sommes pour, mais, avec un taux de chômage qui atteint 10 % au niveau national, le manque d’emplois est un problème  qui touche toutes les régions. Dès lors, un déplacement, avec tous les problèmes humains et matériels qu’il peut occasionner, devient particulièrement risqué.

Vous proposez 1 500 euros de crédit d’impôt aux chômeurs de longue durée qui accepteraient de déménager à plus de 200 kilomètres de leur domicile pour trouver un emploi, ou bien 10 % d’abattement sur les loyers en cas de mise en location de la résidence après une mutation géographique. Mais quelles seraient les conséquences de tels déménagements – généralement plus ou moins contraints – sur les personnes concernées et leurs familles ? Et les incitations compensent-elles, de toute manière, les frais engagés en pareil cas ? Bien souvent, non, surtout s’agissant des plus modestes, qui, la plupart du temps, sont non imposables et locataires. Là encore, les aides se dirigent en priorité vers des salariés relativement aisés au départ, puisque susceptibles d’être imposables et propriétaires : cadres, etc.

Nous sommes inquiets des problèmes de fond posés par la soi-disant « modernisation des services du ministère » que vous recherchez, et que ne saurait masquer la nette hausse des crédits affectés au programme « Gestion et évaluation des politiques du travail et de l’emploi ». Entendre parler de la nécessité de diffuser une « culture du résultat » dans un ministère tel que le vôtre – le ministère de l’humain, du social, du lien – ne peut que surprendre.

D’autant que les actes viennent confirmer la sémantique : alors que le budget en hausse, nous allons assister à la suppression d’une centaine d’emplois et à un redéploiement conséquent des effectifs restants. Est-ce un hasard si le ministère du travail expérimente ainsi de véritables pratiques managériales de rentabilisation ? Il s’agit d’une révolution – conservatrice, je le précise aussitôt.

Cette politique de déstructuration sociale, de précarisation et de flexibilisation de l’emploi, nos concitoyens n’en veulent plus, pourtant. Il faudrait relancer la croissance par les salaires, en contraignant le MEDEF à avancer dans les négociations salariales. L’État doit lui-même donner l’exemple en revalorisant le traitement des fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat est bloqué depuis des années.

Il faudrait encourager la création d’emplois stables et durables et résorber l’emploi précaire par la relance des négociations sur la réduction du temps de travail et la sécurisation des parcours professionnels.

M. le président. Monsieur Gremetz, veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz. J’ai presque terminé, monsieur le président. Le temps passe vite, n’est-ce pas ? Cela fait vraiment quinze minutes, vous êtes sûr de ne pas vous tromper ?

M. le président. Ne perdez pas de temps, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il faudrait également mener une politique volontariste afin d’endiguer la financiarisation de l’économie. L’aide à l’emploi doit être réorientée et son financement modifié. Cela passe par un contrôle de l’utilisation des aides publiques, la suspension des exonérations de cotisations « aveugles » – c’est-à-dire sans contrepartie en termes de créations d’emploi –, une réforme de l’assiette des cotisations pour favoriser les entreprises qui investissent dans l’emploi et la formation, des bonifications de crédit accordées selon les mêmes critères, la taxation des revenus financiers…

Ces propositions, vous vous entêtez à les refuser, tant elles remettent en cause vos certitudes et les intérêts que vous défendez, et qui ne sauraient être les nôtres ni ceux de la majorité du peuple français.

C’est pourquoi nous voterons contre votre projet de budget du travail et de l’emploi, qui fait la part belle à la précarisation de l’emploi. On parle souvent de l’emploi précaire, mais bien peu se rendent vraiment compte de ce que cela signifie. Lorsque l’on occupe un emploi précaire, on n’a pas accès aux prêts bancaires, ni droit au logement. On ne peut pas faire de projets. On n’a aucun espoir de s’en sortir.

Lorsque l’on élude les vrais problèmes, le retour du boomerang n’en est que plus douloureux. C’est ce que nous constatons tous depuis quelques semaines déjà. Mais vous n’en tirez manifestement pas les leçons, puisque vous poursuivez dans votre politique d’insécurité sociale, et maintenez en l’état un budget qui ne tient pas compte de l’urgence de la situation. Car si urgence il y a aujourd’hui, c’est avant tout une urgence sociale. Votre budget, monsieur le ministre, ne répond pas aux besoins concrets de millions de jeunes Français. Qu’ils soient ou non de couleur, ils sont l’avenir de la France, mais vous les jetez dans le chômage et la précarité.

M. le président. Grâce à la bienveillance de la présidence, monsieur Gremetz, vous avez disposé de cinq minutes supplémentaires.

M. Maxime Gremetz. Merci de faire jouer la solidarité régionale, monsieur le président !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Ce sont toujours les mêmes qui en profitent ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour dix minutes.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cohésion sociale est la pierre angulaire de l’action du Gouvernement…

M. Gaëtan Gorce. Paroles, paroles…

M. Bernard Perrut. …et le plan présenté par Jean-Louis Borloo a constitué un rendez-vous majeur de notre vie politique.

Le Gouvernement prend à bras-le-corps le problème, récurrent dans notre pays, de l’emploi et de la formation professionnelle.

M. Gaëtan Gorce. On ne s’en était pas aperçu !

M. Bernard Perrut. Il en fait sa priorité absolue, gardant à l’esprit là formule de Lamennais pour qui « le pire de tous les états de l’âme est l’indifférence ». Nous ne sommes aucunement indifférents face à la situation de nos compatriotes. L’« état d’urgence », c’est l’emploi.

Dans le passé, monsieur Gorce, trop de mesures ponctuelles, sans ambition durable, ont été prises, et leur efficacité s’est révélée bien fragile.

M. Gaëtan Gorce. C’est en effet le cas depuis 2002 !

M. Bernard Perrut. Nous connaissons tous, dans nos villes, nos quartiers, nos villages, des personnes de tous horizons qui pourraient témoigner des « galères » qu’ils vivent au quotidien. Leurs récits sont pour nous autant de motivations pour agir vite. L’immobilisme met en danger la cohésion sociale.

La cohésion sociale recouvre une réalité : celle d’une mobilisation de tous pour l’emploi. Soyons-en convaincus, l’égalité des chances est le ciment du dynamisme de notre société et le terreau fertile de la pérennité de notre pacte social.

Le plan de cohésion sociale commence à porter ses fruits. Nous constatons une baisse du chômage : 108 000 demandeurs d’emploi sont retournés dans le monde du travail depuis six mois. La courbe du chômage continue à s’inverser et l’UNEDIC a revu ses prévisions à la hausse, envisageant une création nette de 73 000 emplois en 2005.

Le regain de la croissance qui vient d’être annoncé par l’INSEE constitue un véritable sursaut, pour reprendre le terme employé par M. Breton lorsqu’il a réagi à cette bonne nouvelle.

Un milliard d’euros sont affectés en 2005 pour financer la première phase d’exécution du plan de cohésion sociale : c’est une mobilisation sans précédent. Ces efforts seront renforcés en 2006, puisque les crédits connaissent une progression moyenne de 5 %.

Le Premier ministre a installé le Conseil d’orientation pour l’emploi, dont la mission est de réfléchir aux moyens de lutter contre le chômage, de dresser des constats et de faire des propositions pour améliorer le fonctionnement du marché du travail.

On sait en effet à quel point le système français est complexe en ce domaine. Comme l’a révélé le rapport Marimbert, la multiplicité d’intervenants n’est aucunement un gage d’efficacité. Nous pouvons donc nous féliciter que l’ANPE ait su relever le défi de la modernisation. L’agence bénéficiera en 2006 d’un budget en hausse de 3,6 %.

Le service public de l’emploi reste mobilisé dans la bataille pour l’emploi. Depuis le mois de juin, l’ANPE reçoit les jeunes de moins de vingt-cinq ans et les bénéficiaires de l’ASS afin de les accompagner sur le chemin de l’emploi.

Par ailleurs, une offre de service commune sera proposée aux demandeurs d’emplois grâce au guichet unique, conséquence du rapprochement ANPE-UNEDIC. Les maisons de l’emploi représentent un progrès et un assouplissement indéniable. Il est nécessaire de préciser qu’il ne s’agit pas d’une énième structure superposée, mais d’une convergence des moyens existants : quatre-vingts, voire cent, maisons de l’emploi seront créées en 2005 et le Gouvernement espère en porter le nombre à 200 d’ici à la fin 2006. Président d’une communauté de communes, je suis très attentif, monsieur le ministre, à votre engagement de dynamiser ces plates-formes que sont les bassins d’emplois. Il ne faut pas les oublier, car ils correspondent à une réalité de terrain économique et sociale, historique et culturelle.

Quelles sont les grandes mesures de ce projet de budget ?

Le Gouvernement a revu à la hausse les différents dispositifs existants : 120 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi sont ainsi prévus en 2006, 200 000 contrats d’avenir et 50 000 contrats initiative emploi – CIE. Le suivi personnalisé des chômeurs montrera son efficacité : grâce à un interlocuteur unique, à des rencontres fréquentes, les chômeurs ne verseront plus dans l’anonymat, dans la démobilisation qui caractérisaient jusqu’alors leur recherche d’emploi, souvent comparable à un véritable parcours du combattant.

Il semble aussi fondamental de détecter en amont les restructurations économiques et d’aiguiller les chômeurs vers les secteurs créateurs d’emplois. La nouvelle convention de reclassement personnalisé, signée en juillet dernier, est un excellent outil qui permettra d’accompagner vers l’emploi les salariés victimes d’un licenciement économique.

L’entreprise est au cœur de l’emploi. Ainsi, de nombreuses mesures ont été prises depuis 2002 : qu’il s’agisse des possibilités offertes aux demandeurs d’emploi de créer ou de reprendre les entreprises ou du contrat nouvelles embauches, dont le cap des 100 000 contrats signés a été atteint, il y a quelques jours. Le CNE instaure de la souplesse pour les employeurs, sans placer pour autant les salariés dans une situation d’insécurité, puisqu’il prévoit un certain nombre de garanties.

On pourrait également évoquer le chèque emploi pour les très petites entreprises, instrument pertinent soutenu par le ministre Renaud Dutreil, ainsi que la loi en faveur des PME du 2 août 2005 qui favorise le développement des entreprises, améliore le statut des professionnels et des conjoints et facilite la transmission d’entreprises, point essentiel.

Ce projet de loi de finances comporte de nombreuses mesures en faveur de secteurs d’activités, comme l’ont rappelé les rapporteurs, comme des allégements de charges dans le domaine de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés.

L’État s’engage aussi très fortement dans les pôles de compétitivité : 1,5 milliard d’euros sur trois ans sera affecté à l’industrie française, permettant ainsi de la conforter.

La formation professionnelle tout au long de la vie, à laquelle vous êtes attaché, monsieur le ministre, est au cœur de notre système économique et contribue – c’est fondamental – à garantir l’efficacité, la compétence humaine, les possibilités d’adaptation et de reconversion. Cette loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a institué les validations des acquis de l’expérience. Vous vous êtes engagé, monsieur Larcher, à ce que les délais soient raccourcis, ce qui est essentiel.

Pour favoriser ceux qui ont le sens de l’effort et veulent reprendre une activité, Mme Catherine Vautrin a présenté, le 8 novembre dernier, un projet de loi ambitieux relatif au retour à l’emploi et à son développement. La philosophie de ce texte est très claire : il s’agit de favoriser la reprise d’activité en rendant le revenu du travail plus attractif que celui tiré de l’assistance. J’ai toujours, pour ma part, partagé l’idée que l’assistanat déresponsabilisait ses bénéficiaires et qu’il était de loin préférable de les motiver et les responsabiliser dans le cadre du monde du travail. Ainsi, le conseil général de mon département du Rhône a-t-il incité les RMIstes à faire les vendanges pendant quelques semaines, afin d’accroître leur revenu.

M. Jacques Remiller. C’est une très bonne initiative !

M. Gérard Bapt. Si les caisses sont vides, les cuves sont pleines ! (Sourires.)

M. Bernard Perrut. Il conviendra d’étendre cette initiative, qui s’inscrit dans l’esprit du projet de loi de Mme Vautrin, à d’autres activités.

Certains d’entre nous l’ont déjà évoqué, la France est le pays d’Europe qui détient le plus faible taux d’emploi des jeunes : 26 % contre 55 % pour l’Union européenne. Le Président de la République, lui-même, a regretté ce paradoxe français selon lequel il y a trop de jeunes sans emploi et trop d’emplois sans jeunes. Il convient donc d’inverser cette tendance. Au reste, la crise de nos banlieues est symptomatique et révèle ce mal-être de nos jeunes, qui rencontrent des difficultés à trouver un emploi et subissent une discrimination dans laquelle ils s’enferment inéluctablement. Des efforts restent à accomplir. Nous devons rester fidèles au Préambule de la Constitution de 1946, selon lequel chacun a le droit et le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. C’est pourquoi, monsieur Larcher, vous vous êtes fixé l’objectif de conduire 800 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans vers un emploi durable et de lever un certain nombre de contraintes à l’embauche en corrigeant les effets de seuil, ou en attribuant une prime à la reprise d’activité.

Je tiens à saluer le travail mené par l’ANPE et par les missions locales au cours de l’été, puisque 57 000 jeunes de moins de vingt-six ans ont effectivement été accueillis et se sont vu proposer, comme l’a précisé le rapporteur Joyandet, voici quelques instants, une formation ou un emploi.

L’apprentissage a vocation à faire émerger et reconnaître les aptitudes et les talents. Le plan de cohésion sociale a ainsi prévu de faire passer le nombre d’apprentis de 350 000 en 2004 à 500 000 en 2009, ce qui est considérable. Il semble d’ailleurs nécessaire que la conclusion de contrats d’objectifs et de moyens, d’ores et déjà signés avec dix-neuf départements, soit généralisée le plus rapidement possible : 846 millions d’euros sont affectés à l’apprentissage dans le projet de loi de finances pour 2006.

La Premier ministre a d’ailleurs annoncé, il y a quelques jours, que l’apprentissage serait ouvert aux jeunes de quatorze ans, leur scolarité devant alors être aménagée. Cette solution mérite d’être étudiée en toute objectivité, car il s’agit de faire en sorte que de nombreux jeunes en situation d’échec scolaire puissent emprunter le plus rapidement possible des passerelles, leur permettant de sortir de la spirale de l’isolement.

D’autres outils performants existent et sont défendus dans votre budget, qu’il s’agisse du CIVIS ou du programme PACTE. Vous croyez en cette seconde chance, monsieur le ministre, comme en témoigne l’initiative conjointe du ministère de l’emploi et du ministère de la défense au travers de l’opération « Défense deuxième chance ».

J’évoquerai d’un mot la création d’emplois de services, point fort de ce budget. Chacun le sait, le dynamisme d’un territoire dépend de la qualité des initiatives créant des richesses et donc de l’emploi. Nous mesurons combien les services de proximité constituent un rouage majeur, les emplois étant non délocalisables, répartis sur l’ensemble du territoire et accompagnés par nos associations locales qui accomplissent un admirable travail ou par les treize enseignes nationales qui auront vocation à s’impliquer dans ce domaine…

M. le président. Je vous signale, monsieur Perrut, que vous pouvez interrompre votre intervention quand vous le désirez puisque, tout autant que votre voix, votre temps de parole est épuisé. (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Laissez-le parler ! Il est sans doute le seul Français qui apprécie la politique de l’emploi du Gouvernement !

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, je sais que le temps presse, mais je ne puis conclure mon intervention sans dire un mot de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, qui doit se traduire concrètement dans la vie quotidienne. Consacrée par la loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des chances, l’obligation, érigée en priorité, d’employer des personnes handicapées n’est toujours pas imposée sur le terrain. J’aimerais que cette neuvième semaine pour l’emploi des handicapés soit l’occasion de nous engager dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour dix minutes.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, je ferai une remarque positive liminaire pour donner une tonalité un peu positive à un propos qui s’avérera probablement désagréable. La circulaire que vous venez de prendre portant sur le thème « santé et travail » est extrêmement importante et bienvenue. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec vous et dans le cadre des travaux de la mission sur l’amiante que je préside. C’est une étape tout à fait importante, même s’il y aurait beaucoup à dire sur l’organisation et sur les moyens !

M. Gérard Bapt. Concernant les moyens, la situation est catastrophique !

M. Jean Le Garrec. Monsieur le rapporteur spécial Joyandet, nous nous félicitons de la baisse du chômage, ne serait-ce que parce que l’on ne gagne pas des batailles d’avenir en entretenant l’angoisse. Le problème, c’est que l’annonce de cette baisse nous laisse sceptiques. Comme l’a constaté M. Éric Heyer, directeur-adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE –, il y a eu moins d’emplois créés entre janvier et septembre 2005 qu’entre janvier et septembre 2004. L’un des responsables de l’INSEE déclarait quant à lui récemment qu’il ne comprenait pas ce qui se passe et qu’il n’arrivait pas à décortiquer les résultats. Le débat ne doit donc pas porter sur les chiffres – tant mieux s’ils sont positifs – mais sur le fait que le nombre d’emplois n’augmente pas. Si les prochains événements confirment ce sentiment, nous le dirons, tout comme nous nous reconnaîtrons, s’il y a lieu, une dynamique. Incontestablement, tel n’est pas le cas aujourd’hui ! Cette situation est totalement artificielle ! Ayez au moins l’honnêteté politique de le reconnaître !

Monsieur Le Ridant, vous avez évoqué les allégements des cotisations sociales. Mine de rien, ce n’est pas un petit problème, puisqu’il met en jeu 18,9 milliards d’euros, ce qui est énorme ! Il y a là-dedans les baisses de cotisations de M. Juppé, de Mme Aubry, de M. de Robien et de M. Fillon. Je ne conteste pas cette politique. Mais, en éliminant le FOREC, dont je reconnais, pour avoir assez travaillé sur ce sujet, qu’il présentait bien des inconvénients, on s’est privé de la capacité d’avoir un regard sur cette baisse des cotisations et sur ses contreparties en termes d’emplois. Votre intention étant de pérenniser ce système dans le barème, c’est toute la politique sociale de notre pays qui se trouve structurellement modifiée.

Donc, on ne peut pas traiter ce problème clé à la légère. On voit bien l’habileté, imputable au ministère du budget plutôt qu’à vous, monsieur le ministre : la mesure permet d’afficher une meilleure prise en compte de la dépense publique. Un véritable problème se pose, et nous nous devons d’en débattre, car on ne peut admettre de le traiter à la légère, comme c’est le cas dans ce budget !

S’agissant de l’organisation du grand service public de l’emploi, sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler, je m’étonne parfois que l’on se pose des problèmes complexes, alors qu’il suffirait de recourir aux moyens technologiques existants pour gagner beaucoup de temps. Chacun sait que l’organisation de l’ANPE, comme le statut de ses personnels, est tellement différente de celle de l’UNEDIC que l’idée même du rapprochement – vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu – est tout à fait illusoire. Placer des bornes Internet dans chacun de ces services, leur permettre de communiquer en direct peut aller dans le sens du dossier unique, sans en passer par de grandes réformes !

En définitive, où en êtes-vous ? Vous êtes partis vent debout, avec comme seule idée de remettre en cause les politiques que nous avions lancées, de la réduction du temps de travail aux contrats aidés et d’accompagnement. Au bout de trois ans et demi, le bilan est désastreux. Les contrats en alternance sont dans un trou d’air. L’année dernière, 71 300 contrats de qualification, d’orientation ou d’adaptation ont été signés. Cette année, avec le nouveau dispositif du contrat de professionnalisation, 28 400 contrats seulement ont été signés. Voilà comment une politique démontre qu’elle est en train d’échouer. Pour les contrats d’avenir, 185 000 étaient programmés, 3 838 ont été signés. Un fonctionnaire de votre ministère, qui souhaite garder l’anonymat, ce que je comprends, déclarait il n’y a pas longtemps qu’il n’avait jamais vu un tel foutoir. Sur le terrain, ceux qui travaillent dans les ANPE ne savent plus très bien où ils en sont. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que, pour qu’un nouveau système soit efficace, il faut un an et demi à deux ans. Vous avez voulu tout chambouler, vous avez tapé à grands coups de pied dans le système, et ça se retourne contre vous.

Pour les CNE, on peut toujours avancer des chiffres mais je m’interroge fortement, et d’autres l’ont fait avant moi, sur la possibilité qu’ils se substituent à des CDI. Je ne vois pas pourquoi les entreprises à qui l’on offre des contrats de précarisation hésiteraient à les utiliser.

Dans une politique de l’emploi, il y a trois dimensions.

La première, c’est la croissance, et cela ne dépend pas de vous. Le ministre de l’économie considère que le vent est meilleur. Tant mieux si c’est le cas, nous verrons bien, mais rien ne peut être fait sans un accompagnement de cette croissance, et nous n’en avons pas vu les prémisses.

Deuxième dimension, la réflexion sur le temps de travail. En dépit d’un simulacre de conservation des 35 heures, restées comme une espèce de guide dans le code du travail, vous avez autorisé les salariés des entreprises de plus de vingt salariés à travailler jusqu’à quarante-deux heures par semaine et ceux des entreprises de moins de vingt salariés jusqu’à quarante-quatre heures. Personne n’a osé faire le bilan de ces politiques. Donnez-nous des chiffres, sur le nombre d’heures supplémentaires utilisées, l’effet sur l’emploi, la réactivité des entreprises. Nous n’en avons aucun et nous avons le droit et le devoir de vous interroger à ce sujet.

Troisième dimension, une politique d’accompagnement. Je me souviens de M. Perrut, pour qui j’ai de l’estime, intervenant à cette tribune pour dénoncer les emplois-jeunes. Aujourd’hui, vous êtes en train de les réinventer, mais après trois ans et demi d’échec.

M. Gaëtan Gorce. Et avec moins de talent !

M. Jean Le Garrec. Vous avez perdu beaucoup de temps, et vous êtes loin de ce que nous avions mis en place comme garantie d’accompagnement et de soutien.

M. Gérard Bapt. C’est un succédané !

M. Jean Le Garrec. S’agissant enfin de la formation, je suis de ceux qui sont scandalisés par votre annonce de l’apprentissage à quatorze ans.

Mme Hélène Mignon. Il n’y a pas que vous !

M. Jean Le Garrec. C’est la négation totale de ce que demandent les jeunes. C’est la négation totale d’une vision de l’avenir. C’est même dénoncé par l’artisanat lui-même. La CAPEB – et Dieu sait que ce sont des artisans sérieux ! – déclare que les entreprises ont besoin de jeunes ayant une bonne connaissance scolaire et une solide formation, et considère qu’à quatorze ans, il s’agit d’enfants. Comment pouvez-vous lancer cette idée qui a cinquante ans de retard ? Il sera demandé à ces jeunes de travailler quarante-deux si ce n’est quarante-trois ans. Avec quelles bases, quelle capacité d’adaptation, quand on sait que les cycles d’évolution de l’emploi sont de trois à cinq ans ? C’est une vision totalement malthusienne, réactionnaire et à contre-courant de ce qu’il faudrait construire pour l’avenir. Elle sera bien entendu rejetée par les jeunes qui protestent dans les banlieues.

Bref, ma sévérité est très grande, monsieur le ministre. Vous n’avez pas voulu tenir compte de ce que nous avions fait et vous êtes passé à côté de la réalité. Vous aviez parfaitement le droit de corriger, vous avez réinventé pour échouer, et vous poursuivez vers un échec hélas prévisible, qui sera aussi celui des valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Hélas !

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour cinq minutes.

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes moins de dix pour ce débat ô combien important…

Conformément à la politique engagée par le Gouvernement depuis 2002, le budget pour 2006 marque la poursuite des actions en faveur de l’emploi, et trois points me paraissent particulièrement significatifs.

Tout d’abord, je me réjouis de l’allégement des charges sociales pesant sur certains secteurs connaissant des difficultés de recrutement comme les hôtels, les cafés et les restaurants. Répondant aux attentes des hôteliers et restaurateurs, ce budget prévoit en effet le versement d’une prime à l’emploi dans ce secteur, destinée à revaloriser les rémunérations, à améliorer les conditions de travail et à rendre les métiers plus attractifs.

M. Gérard Bapt. C’est du travail précaire !

M. Jacques Remiller. Pas du tout !

Je trouve néanmoins regrettable que les métiers du bâtiment ne puissent également en bénéficier, car ils subissent eux aussi un déficit chronique de main-d’œuvre. Le secteur du BTP a du travail prévu pour au moins six mois, les chauffagistes ont leurs carnets de commandes bouclés un an à l’avance. C’est pourquoi il est urgent de rendre à ces métiers leur attractivité. Un artisan de ma circonscription interviewé dans la presse locale disait récemment que le secteur du BTP, qui annonce un minimum de quinze années de plein-emploi, déplorait dans le même temps un manque cruel de jeunes maçons possédant un bon niveau scolaire, sachant à la fois lire un plan et possédant la technicité. C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, comme bon nombre de mes collègues, que l’apprentissage soit étendu, pas seulement vers les jeunes en difficulté scolaire, mais vers tous ceux qui ont le goût du travail manuel bien fait. Quelles mesures pourriez-vous mettre en œuvre pour favoriser le compagnonnage ?

Votre budget est très positif concernant les aides à la création d’emplois dans le domaine des services à la personne, qui constituent un gisement d’emplois très important, compte tenu du vieillissement de la population notamment, et les mesures annoncées dans le cadre de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne sont confirmées par les 180 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances que nous examinons pour compenser les exonérations de charges sociales auxquelles nous nous sommes engagés.

Alors que débute la semaine pour l’emploi des personnes handicapées – il y a d’ailleurs un article dans Le Figaro d’aujourd’hui intitulé « les handicapés mieux accueillis en entreprise » –, le dernier point que je souhaite aborder est l’accès à l’emploi des personnes handicapées, qui est l’un des chantiers majeurs du quinquennat du Président de la République. Comme l’ont bien dit nos rapporteurs, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées affirme le principe de non-discrimination des personnes handicapées dans le domaine de l’emploi. Cela passe par l’accès aux dispositifs de droit commun et par la priorité donnée au travail en milieu ordinaire, notamment par le biais des contrats aidés des secteurs marchand et non marchand. Le chômage des « accidentés de la vie » est deux à trois fois supérieur à la moyenne. À la fin de décembre 2004, près de 279 000 demandeurs d’emploi handicapés étaient inscrits à l’ANPE, ce qui donne un taux d’environ 31 % pour une population totale de quelque 900 000 handicapés actifs. Récemment, l’AGEFIPH annonçait un taux de 20 % de chômage chez les personnes handicapées, contre 9,9 % pour la population générale.

Voilà pourquoi j’espère que l’exemple donné par les « entreprises adaptées », qui emploient des travailleurs handicapés et qui reçoivent de l’État une subvention spécifique d’aide à la structure « entreprise adaptée » et une aide au poste par travailleur handicapé employé par l’entreprise adaptée, sera suivi, afin que tous les Français puissent avoir également accès à l’emploi et aux lieux de travail.

Monsieur le ministre, il y aurait beaucoup à dire sur votre budget mais le temps de cinq minutes qui m’est imparti est déjà dépassé. Les mesures que vous annoncez sont de bon sens et vont dans le bon sens. Plan « service à la personne », modernisation et mobilisation du service public de l’emploi, emploi des seniors, évolution et réforme de l’apprentissage, voilà des mesures concrètes qui nous permettront de gagner la bataille de l’emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, dernier orateur inscrit, qui dispose de dix minutes.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, votre politique de l’emploi ignore la réalité de la gravité du chômage des jeunes, celui dont nous avons tant parlé au cours de ces dernières semaines.

Tandis que le chômage des jeunes persiste et s’aggrave – il est plus du double du chômage moyen, il touche près de 20 % des jeunes, près de 40 % dans les quartiers les plus sensibles des banlieues –, votre gouvernement présente un budget en totale contradiction avec les exigences que devrait impliquer cette réalité. À périmètre constant, il diminue de 2,7 %.

Le budget de la mission « Travail emploi » pour 2006 confirme la fin des emplois-jeunes créés par le gouvernement Jospin. Il y en aura encore néanmoins 33 900 en décembre 2005, que nous retrouverons dans nos permanences à l’expiration de leurs contrats.

Les crédits destinés au dispositif SEJE, soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, dispositif correspondant aux anciens contrats Fillon des jeunes en entreprise, réformés par la loi Borloo dans le cadre des politiques publiques vers les publics les plus en difficulté, sont en chute libre et diminuent de 36 %. Le Gouvernement ne prévoit que 50 000 nouvelles entrées pour 2006. Faut-il considérer qu’à ses yeux, ce dispositif est inadapté, ou que le problème de l’insertion des jeunes dans l’emploi est réglé ?

Tout aussi dérisoire est la création, annoncée récemment par le Premier ministre, de 20 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi, dits « cadets de la République ». Au lieu d’instaurer ce contrat d’insertion bas de gamme de l’État, correspondant à vingt-deux heures de travail hebdomadaire payées au SMIC horaire pour une durée qui en moyenne tourne autour de six à neuf mois, il eût été préférable de rétablir les emplois-jeunes qui ont permis une véritable insertion de ces jeunes, notamment dans la police.

Quant à l’ouverture de l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans, évoquée par M. le Garrec, c’est un leurre qui renforcera la discrimination scolaire, et va à l’encontre d’une politique d’égalité des chances – même si le ministre de l’éducation a tenté de revenir sur la brutalité de l’annonce du Premier ministre.

Cette mesure ne correspond pas aux besoins : l’Union professionnelle artisanale elle-même considère qu’elle ne répond pas à la priorité des entreprises artisanales qui cherchent à recruter du personnel qualifié, ou à former des jeunes ayant acquis les savoirs de base.

Au-delà de cette mesure de régression éducative sans précédent annoncée par le Premier ministre, le recours à l’apprentissage, dont l’image est dévalorisée, n’est pas forcément une garantie du succès. Il existe un taux élevé d’abandon en cours de scolarité. Dans certaines filières, notamment l’hôtellerie ou la restauration, un contrat sur quatre est rompu avant son terme. Beaucoup de candidats, qui se retrouvent en apprentissage par défaut, « décrochent ». Le phénomène risque de s’accentuer avec des candidats trop jeunes et en grande difficulté scolaire qui vont vivre cette orientation comme une ségrégation supplémentaire. En cas d’échec, parce qu’ils auront été sortis du système scolaire encore plus tôt que les autres, ils auront moins de possibilité de rebondir.

Dans le même temps, vous réduisez les moyens transférés aux régions. Si, dans le budget pour 2006, le nombre d’entrées nouvelles dans l’apprentissage est en légère progression avec 15 000 contrats d’apprentissage supplémentaires, les moyens transférés aux régions sont globalement en forte réduction et tombent de 2 milliards d’euros en 2005 à 1,6 milliard d’euros pour 2006 ! On peut alors regretter que la majorité de cette assemblée ait cru bon de supprimer l’article 18 du projet de loi de finances pour 2006, qui devait transférer des moyens supplémentaires aux régions qui ont la compétence de mettre en œuvre les contrats d’apprentissage, par l’accélération du calendrier de versement de la contribution au financement de l’apprentissage.

La mise en œuvre de la décentralisation prévoit également un dispositif d’insertion dans l’emploi des publics en difficulté, les contrats d’avenir, pour lesquels le projet de loi de finances prévoit 200 000 entrées nouvelles. Or le nombre de nouvelles entrées financées avec une aide à 90 % de l’État n’est que 58 300, soit moins que le nombre de contrats de ce type signés en 2005 !

Les collectivités locales, les associations, auxquelles il est beaucoup fait appel, ne peuvent pas être désignées à la fois comme dispendieuses des crédits publics et comme concourant à l’augmentation du déficit de nos finances publiques.

S’agissant de la santé au travail, M. le Garrec, qui préside la mission d’information sur l’amiante, a évoqué ce problème et vous-même, monsieur le ministre, après le rapport très rigoureux du Sénat, vous vous êtes dit préoccupé par les conditions de travail sur les chantiers de désamiantage.

Sur les soixante-douze contrôles effectués en 2004, cinquante-cinq chantiers ne respectaient pas certains points essentiels de la réglementation. On peut donc penser que l’intoxication se poursuit encore dans de nombreuses situations – opérations de désamiantage, mais aussi transferts des matériaux amiantés et travaux de maintenance courante des bâtiments publics ou privés – et qu’il faut par conséquent envisager l’éventualité d’une autre catastrophe sanitaire d’une nature encore méconnue ou sous-estimée aujourd’hui.

Étudier le déroulement de la catastrophe sanitaire de l’amiante nous amène à remettre en cause toute la gestion du système de veille sanitaire en santé du travail et de la décision publique en la matière. Toutes les conséquences qui devaient être tirées ne l’ont pas encore été. L’indépendance et l’efficacité scientifique de l’expertise en santé au travail ne sont toujours pas assurées.

M. Jean Le Garrec. C’est vrai !

M. Gérard Bapt. La médecine du travail reste subordonnée aux employeurs. Les inspecteurs du travail sont plus que jamais en nombre insuffisant. L’AFSSET – Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail – a certes vu son champ d’action élargi au travail, mais elle est encore loin d’être dotée des moyens nécessaires. Une véritable séparation entre évaluation et gestion des risques est indispensable pour éviter qu’une catastrophe ne se reproduise. Les observations du rapport sénatorial s’agissant du comité permanent amiante et de l’INRS – Institut national de recherche et de sécurité – l’attestent. Puisque l’État est responsable, il devrait se donner les moyens d’une véritable politique de prévention des risques professionnels, à l’abri de tous les lobbies et de toutes les pressions. Rappelons qu’une étude de la DARES de mai 2004 a indiqué que le travail pouvait être rendu responsable d’un problème de santé sur cinq.

J’aimerais d’autre part savoir, monsieur le ministre, comment vous envisagez l’avenir des comités de bassin d’emploi. Ces organismes, sous forme associative, gérés de façon tripartite – collectivités locales, employeurs et les salariés – et auxquels a été ajouté un quatrième pilier, celui de l’économie sociale, sont en grande déshérence, abandonnés qu’ils sont au bon vouloir des collectivités locales, selon qu’elles développent ou non une politique territoriale d’emploi et de formation.

Depuis la suppression, voilà deux ans, de l’association support du comité de liaison des comités de bassin d’emploi, ce dernier n’a pas été reconstitué et son président n’a pris aucune initiative. Il est dommage, monsieur le ministre, alors que vous développez des discours concernant les bassins d’emplois les plus en difficulté, vous ne vous appuyiez plus sur cet instrument d’action territorialisé, base de projets réunissant les bonnes volontés locales, et que vous pensiez que les maisons de l’emploi résoudront tous les problèmes.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire quelle est votre position personnelle ? Après la suppression et le renvoi aux régions du fonctionnement des comités de bassins d’emplois, il semble que le ministère puisse changer de position.

Enfin, je reviendrai sur un sujet dont je vous ai saisi récemment et qui m’avait paru très négatif : l’incitation à l’ouverture par des organismes de transport de ma région de filiales dans des pays européens n’appartenant pas à la zone euro afin de contourner la législation nationale. Il importe que la réglementation du travail, nationale ou européenne, soit contrôlée et respectée.

Il faut veiller à ce que le dumping fiscal et social n’amène pas demain des peuples à se heurter. Il est nécessaire, lorsque des travailleurs étrangers appartenant à l’Union européenne travaillent sur le sol national, que soit respectée la réglementation nationale, et notamment le SMIC comme minimum de rétribution pour ces travailleurs étrangers détachés. Je souhaite connaître sur ce point la position du Gouvernement.

Le groupe socialiste votera contre ce budget, mais nous entendrons néanmoins vos réponses avec intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je remercie tout d’abord tous ceux qui interviennent dans ce débat pour l’intérêt qu’ils portent à ce budget et, au-delà, à un sujet essentiel. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, tout comme Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, ont parfaitement souligné à quel point l’emploi était pour le Gouvernement la priorité des priorités.

Je remercie Bernard Perrut et Jacques Remiller pour leur soutien, ainsi que Francis Vercamer qui, en dépit des questions que soulève ce budget, apporte également son soutien. Et j’essayerai de répondre, au moins partiellement, aux interrogations exprimées par l’opposition.

Parce que l’on nous accuse parfois, un peu légèrement, d’autisme, permettez-moi de rappeler l’exposé des motifs de la loi de cohésion sociale. Jean-Louis Borloo et avec lui, à l’époque, Laurent Hénart et moi-même écrivions : « Le chômage des jeunes de seize à vingt-quatre ans dans les quartiers en zones urbaines sensibles est passé de 28 % à 50 %. »

Ou encore : « La République retrouvera l’égalité des chances ; elle ne transigera pas avec son ambition ; elle ne jouera pas avec son avenir. C’est l’ambition du plan de cohésion sociale, présenté le 30 juin 2004, et c’est celle du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale qui en traduit au plan législatif les principales mesures. C’est le sens de la démarche inédite qui les inspire, consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays, à rebours de l’approche cloisonnée et morcelée qui a longtemps prévalu. Certaines familles, certains quartiers cumulent des handicaps qui se nourrissent les uns les autres. Le but du plan de cohésion sociale et du projet de loi qui le traduit est d’agir simultanément sur tous les leviers et d’établir » – enfin – « un cercle vertueux de la réussite et de la cohésion.

« Le projet de loi qui vous est soumis s’articule ainsi autour de trois piliers fondamentaux : l’emploi et l’activité, le logement, l’égalité des chances. »

Ce sont ces préoccupations que nous allons retrouver pour partie aujourd’hui et pour partie dans le budget de la ville et du logement qui viendra en discussion la semaine prochaine. C’est donc à la lumière de cette volonté exprimée par le Gouvernement qu’il faut examiner la situation actuelle et les réponses que nous y apportons.

Vous parliez du portrait de Dorian Gray, monsieur Gorce. Je vous répondrai en citant cette autre œuvre d’Oscar Wilde : De l’importance d’être constant !

M. Gaëtan Gorce. C’est une comédie !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Constants, nous le sommes, Jean-Louis Borloo et moi, dans notre volonté de mettre en œuvre le plan de cohésion sociale…

M. Gérard Bapt. Depuis un an !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …comme le plan d’urgence pour l’emploi, tel que le Premier ministre vous l’a présenté ici le 8 juin dernier.

M. Jacques Remiller. Très bien !

M. Gérard Bapt. Cela fait presque six mois !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avec 108 000 chômeurs de moins, le chômage connaît depuis six mois une inversion de tendance, et je crois que nous pouvons nous en réjouir. Le taux de chômage, en passant de 10,2 % à 9,8 % amorce une décélération qui nous appelle à la volonté et à l’humilité : volonté de poursuivre dans l’effort, mais en même temps humilité parce qu’il n’y a jamais eu autant de salariés inscrits à l’UNEDIC – 15,950 millions aujourd’hui – et ce ne sont pas les radiations ni, même si nous nous en félicitons, la montée en charge du plan de cohésion sociale qui peuvent expliquer cette inversion.

Mais alors que, dans toutes les catégories, le taux de chômage baisse, je reste préoccupé par le taux de chômage des jeunes, qui baisse moitié moins vite que celui des catégories « médianes », ainsi que par celui des chômeurs de très longue durée.

Je remercie, puisque nous allons agir notamment sur les minima sociaux et l’intéressement, tous les parlementaires qui nous ont en quelque sorte tracé la route, à l’Assemblée nationale et au Sénat, à travers un rapport. Vous aurez très bientôt à débattre de tout ce qui peut faciliter l’accès et le retour à l’emploi.

S’agissant du développement de l’emploi, les contrats aidés montent en charge, tant dans le secteur marchand que non marchand.

Aujourd’hui, le nombre d’apprentis a augmenté de 8 % dans le secteur des bâtiments et des travaux publics, les centres de formation par l’apprentissage sont pleins, et nous avons signé des contrats d’objectifs et de moyens avec dix-neuf des vingt-deux régions métropolitaines, contrats qui devront être mis en œuvre rapidement afin que des centaines de jeunes ne restent pas aux portes des lycées professionnels et des CFA.

Nous constatons aujourd’hui une vraie mobilisation, notamment professionnelle, en faveur de l’apprentissage : je pense à tout ce qui a été fait pour faire mieux connaître les métiers, et je reviendrai dans un instant à ce qui sera fait dans les prochains mois, à la demande du Premier ministre, en matière d’orientation professionnelle. Chaque jour sont signés entre 750 et 800 contrats initiative-emploi, 1 400 contrats d’avenir et contrats d’accompagnement vers l’emploi. Il est vrai que la mise en place des contrats d’avenir a demandé du temps, sans doute parce qu’ils s’adressent à des publics difficiles, dont le retour vers l’emploi nécessite des délais plus longs, et que certains acteurs du terrain n’ont pas facilité leur mise en place. Nous en sommes cependant aujourd’hui, non pas à 3 000, mais à 10 000 contrats enregistrés.

Aujourd’hui, ces dispositifs fonctionnent, et ce projet de budget traduit leur montée en puissance.

Je voudrais dire un mot du contrat « nouvelles embauches », qu’on a peu évoqué, sinon pour s’interroger sur les chiffres.

Le CNE est un vrai contrat à durée indéterminée, soumis aux conventions collectives et assorti de réelles garanties pour les salariés. Il a vocation à s’inscrire dans la durée, même s’il est évidemment trop tôt pour s’en rendre compte. Ce sont cependant, selon les estimations de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, 74 000 intentions d’embauche qui ont été enregistrées en septembre, notamment dans des secteurs qui n’embauchaient pas, ou qui n’embauchaient plus. Ce CNE doit consolider les perspectives de croissance, notamment des petites et moyennes entreprises.

Je veux également évoquer très rapidement l’accompagnement des mutations économiques, qui est un des objectifs de la loi du 18 janvier 2005.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, avec l’autorisation de M. le ministre.

M. Jean Le Garrec. Vous venez de parler du contrat « nouvelles embauches », monsieur le ministre. Sans vouloir polémiquer, j’ai relevé que vous avez parlé de 74 000 « intentions » d’embauche : il ne s’agit donc pas de contrats réellement signés.

Vous avez dit ensuite qu’elles concernaient des secteurs qui n’embauchaient plus. Mais encore faudrait-il qu’on passe de l’intention à la réalisation. C’est pourquoi je souhaite, au nom de mon groupe, que vous nous communiquiez, dès que possible, des informations précises, qui nous éviteront d’avoir à débattre d’intentions ou de chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. C’est la condition d’un débat clair et serein.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous êtes trop fin connaisseur de la matière, monsieur Le Garrec, pour ignorer que les contrats de droit privé ne se passent pas avec l’État. Ce que l’ACOSS appelle « intention » n’est pas simplement une intention du cœur, ou un ex-voto à suspendre au mur, mais bien l’acte d’engagement d’un nouveau salarié. Ce sont donc des intentions suivies d’action. La question porte sur la pérennité de l’action, et telle est bien la préoccupation du Gouvernement, cher monsieur Le Garrec.

Nous avons eu, lors de l’examen de ce texte, des débats importants sur les mutations économiques. Les créations d’emplois sont liées d’abord au développement des entreprises à leur adaptation aux mutations économiques. C’est une de vos préoccupations principales, monsieur Joyandet, même si, comme vous le reconnaissez vous-même, il ne faut pas pour autant négliger d’autres dispositifs.

Il n’est que de voir comment les entreprises et les représentants des salariés se sont saisis de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, comment ils préparent les accords de méthode, comment ils conduisent, notamment dans certains secteurs sensibles – je pense à la fonderie – cette adaptation aux mutations économiques, pour comprendre que ce dispositif de la loi de cohésion sociale nous permettra, dans les années qui viennent d’éviter les difficultés, voire les gâchis sociaux et humains que nous avons connus dans les années précédentes.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la situation des quartiers en difficulté. J’ai moi-même rappelé l’exposé des motifs de la loi de cohésion sociale. Le Premier ministre a demandé un surcroît de mobilisation en faveur de ces territoires. Un nombre important de contrats d’accompagnement dans l’emploi et de contrats d’avenir sera réservé à ces quartiers.

De même, les missions locales de l’Agence nationale pour l’emploi et les maisons de l’emploi sont mobilisées pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, tout particulièrement dans ces territoires. Chacun des 57 000 jeunes qui ont été reçus entre juin et septembre sera à nouveau reçu dans quelques semaines, et il sera suivi mensuellement. Ils seront ainsi les premiers à bénéficier de ce dispositif prioritaire d’accompagnement vers l’emploi.

Messieurs les rapporteurs, vous évoquez dans vos rapports la lutte contre les discriminations, question particulièrement importante pour ces jeunes. Les plateformes des vocations, qui permettent de mesurer objectivement l’aptitude d’un jeune à exercer un geste professionnel, seront mobilisées en priorité pour les jeunes de ces quartiers, quelles que soient leur origine et leur histoire.

M. Maxime Gremetz. Encore heureux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est bien notre préoccupation, monsieur Gremetz. Nous mettrons en place d’ici à la fin de cette année les soixante plateformes des vocations prévues, et cent autres au cours de l’année 2006.

J’en viens aux orientations clefs du budget, à sa nature et à son importance.

Vous l’avez rappelé, messieurs les rapporteurs, le projet de budget de 2006 de la mission « Travail et emploi » représente 13,2 milliards en crédits de paiement. Comme vous l’avez vous-même fait remarquer, ce montant ne peut pas être comparé au budget de l’année en cours, puisqu’il n’inclut pas la compensation des allégements généraux de charges sociales. Comme vous le savez en effet, le financement des allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale est désormais assuré par l’affectation d’impôts et taxes aux régimes de sécurité sociale concernés, en compensation des pertes de recettes résultant des allégements de charges sur les bas salaires et n’est donc plus retranscrit dans le budget du travail et de l’emploi. Le montant prévisionnel pour 2006 des dépenses en question s’élève ainsi à 18,9 milliards d’euros. Avec réintégration de la compensation des allégements généraux pour permettre la comparaison, le projet de budget de 2006 s’élève donc à 32,07 milliards.

Le budget confirme ainsi la volonté du Gouvernement de poursuivre dans la voie de la baisse des charges déjà engagée.

M. Maxime Gremetz. Vous ne tenez pas compte des observations de la Cour des comptes !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Joyandet, vous nous avez fait part de vos préoccupations en ce qui concerne les conséquences pour le contrôle parlementaire du transfert direct de recettes à la sécurité sociale pour le financement des allégements généraux, ainsi que vos interrogations sur la barémisation envisagée et l’efficacité du dispositif. Ce dispositif, du fait de l’importance de son montant, fait l’objet d’un suivi très attentif, et la barémisation est encore à l’étude. L’objectif du projet de loi de finances a été la stabilité des engagements pris vis-à-vis des employeurs et la maîtrise du coût du travail afin de favoriser l’emploi.

Le Gouvernement a pris en compte votre préoccupation : nous avons demandé au Conseil d’orientation pour l’emploi, qui a été installé par le Premier ministre le 6 octobre dernier, d’établir, d’ici à la fin de l’année, un bilan des contreparties des aides publics en termes d’emplois et d’investissements, et d’éventuelles contreparties additionnelles à tout ou partie des nouveaux allégements de charges.

Les moyens affectés à la mission « Travail et emploi » s’élèvent donc à près de 40 milliards d’euros, soit une progression de 5 % par rapport à 2005.

Vous l’avez compris, le budget pour 2006 traduit la montée en charge du plan de cohésion sociale. Le montant des crédits consacrés au volet « emploi » de ce plan s’élève à 2,1 milliards d’euros, soit 17 % du budget total de la mission. Cette évolution profite à tous les dispositifs du plan : aide à l’accès et au retour à l’emploi, promotion de l’emploi des jeunes, renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

En ce qui concerne les contrats aidés, l’année 2006 voit l’accroissement du nombre des nouveaux contrats prévus par la loi de cohésion sociale. Désormais deux contrats de travail permettent d’activer les minima sociaux, le contrat d’avenir dans le secteur non marchand et le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité, le CI-RMA, dans le secteur marchand. Par ailleurs, pour tous les autres publics en difficulté, ont été adaptés ou rénovés le contrat d’accompagnement dans l’emploi, le CAE, dans le secteur non marchand et le contrat initiative emploi, le CIE, dans le secteur marchand.

Tous ces dispositifs sont désormais mis en œuvre. Comme je l’ai dit, 1 400 contrats d’accompagnements dans l’emploi et contrats d’avenir sont signés chaque jour ; sur les neuf premiers mois de l’année, 79 000 embauches ont eu lieu dans le cadre du CIE, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année passée.

Le budget prévoit ainsi 320 000 entrées en contrats d’accompagnement dans l’emploi et en contrats d’avenir.

Le ministère est fortement mobilisé, et vous me permettrez, monsieur Le Garrec, de rendre hommage aux fonctionnaires anonymes, au pluriel, qui se mobilisent pour la réussite du plan de cohésion sociale, plutôt qu’à votre fonctionnaire anonyme, au singulier, qui ferait mieux de signaler à son ministère le prétendu « foutoir » que vous avez décrit.

M. Jacques Remiller. Il doit être socialiste !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est à l’ensemble des personnels du ministère que je souhaite rendre hommage, ainsi qu’à ceux de l’ANPE et des missions locales, que je vois se dépenser sans compter sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous savez que, d’ores et déjà, une forte mobilisation est demandée aux services du ministère pour remplir les objectifs assignés en 2005. Cet effort sera naturellement poursuivi en 2006.

Je répète, mesdames et messieurs les députés, que la lutte contre le chômage des jeunes constitue à mes yeux la priorité des priorités, dans le prolongement de l’action engagée par Laurent Hénart. En effet, cela fait maintenant plus de vingt ans que le taux de chômage des jeunes est, de façon quasi mécanique, deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population, et ce indépendamment de la croissance. Cela signifie que l’accès des jeunes à l’emploi durable est obstrué par des obstacles structurels. Ce sont ces freins que nous entendons lever, dans l’objectif de ramener progressivement le taux de chômage des jeunes au niveau du taux de chômage général.

J’ai, dès le mois de juin, saisi les 500 présidents des missions locales de l’ANPE et de permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les PAIO, de la question des jeunes sortant du système scolaire peu ou pas qualifiés. J’ai veillé à ce que les moyens importants prévus en loi de finances initiale au titre du programme CIVIS soient disponibles dès le début de l’été, ce qui a permis une montée en puissance du dispositif. Aujourd’hui, ce sont 80 000 CIVIS qui sont signés. Nous atteindrons donc l’objectif de 100 000 contrats signés avant la fin de l’année. Jeudi soir, alors que je visitais la mission locale de l’ANPE d’un département cher au cœur de certains des députés présents, j’ai pu mesurer à quel point ce contrat, notamment le CIVIS renforcé, répondait à un vrai besoin d’accompagnement de jeunes qui n’ont pas aujourd’hui accès à l’emploi.

Notre préoccupation est d’ailleurs plutôt de trouver le moyen de contacter tous les jeunes aujourd’hui en déshérence, parce qu’ils ne sont inscrits nulle part et qu’ils ne vont vers aucun guichet, échappant ainsi aux équipes de prévention spécialisées ou aux missions locales. C’est à ce problème qu’avec Jean-Louis Borloo nous entendons nous atteler dans les semaines qui viennent. On sent bien que c’est beaucoup plus que 15 000 jeunes déscolarisés qui ont aujourd’hui besoin d’une réponse et d’un accompagnement. C’est un des objectifs prioritaires que nous nous assignons, ainsi qu’à l’ensemble des fonctionnaires du ministère et des personnels des missions locales de l’ANPE, des caisses d’allocations familiales et de l’éducation nationale. C’est tous ensemble qu’il nous faudra trouver des moyens d’entrer en contact avec ces jeunes.

S’agissant de l’apprentissage, les prévisions d’entrée pour 2006 sont en augmentation de 6 %. Vous avez également évoqué à ce propos une mesure annoncée par le Premier ministre, la mise en place d’un « apprentissage junior » adapté, à partir de l’âge de quatorze ans.

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Qu’il me soit d’abord permis de rappeler qu’il existe déjà un certain nombre de dispositifs en la matière, qu’il s’agisse de la classe de préparation à l’apprentissage ou de la CLIPA. Ce n’est donc pas un dispositif que l’on découvre aujourd’hui même si les précédents sont restés relativement confidentiels et, en tout cas, sans faire l’objet d’une réflexion pédagogique globale.

Naturellement, la mise en œuvre se fera en concertation avec l’éducation nationale, avec la mise en place de passerelles. Toutes les chances seront données aux jeunes,…

M. Maxime Gremetz. Pour travailler de nuit et le week-end !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …qui recevront ainsi une formation leur permettant de disposer d’une nouvelle chance plutôt que d’aller d’échec en échec et de se retrouver sans avenir.

Nous aborderons ce sujet sans tabou mais en faisant en sorte d’apporter des solutions spécifiques à tous ces jeunes de quatorze à seize ans, en association également avec toutes celles et tous ceux qui sont à leur contact dans le monde éducatif et qui se préoccupent de la santé des adolescents et des jeunes adultes. Nous conduirons donc dans les semaines à venir, en liaison avec l’éducation nationale, un vrai travail de concertation et de réflexion pour pouvoir vous proposer, dans le cadre d’un projet de loi, une disposition sur un apprentissage junior adapté.

Quant aux contrats de professionnalisation, ils sont d’abord le fruit, comme le droit individuel à la formation, d’un accord des partenaires sociaux mais aussi de la volonté de cette majorité qui est, à cet égard, extrêmement en avance en Europe. Ce droit individuel à la formation, les entreprises et les salariés doivent maintenant s’en saisir. Il conviendra peut-être de l’améliorer, mais il représente d’ores et déjà une grande avancée. En permettant une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, il évitera bien des situations dramatiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous entendons développer les contrats de professionnalisation et, dans les négociations avec les branches professionnelles, régler le problème des contrats « orphelins » de financement. Grâce au travail mené tant avec les partenaires sociaux qu’avec le Conseil national pour la formation tout au long de la vie – qui sera d’ailleurs saisi du projet « apprentissage junior » – je ne doute pas que nous atteindrons nos objectifs.

Concernant toujours les jeunes, le fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes est renouvelé à hauteur de 70 millions d’euros, ce qui permettra de répondre de façon déconcentrée aux besoins exprimés sur le terrain.

Oui, monsieur Joyandet, monsieur Le Ridant, une meilleure orientation des jeunes, mais aussi tout au long de la vie, est nécessaire. Nous devons ainsi mettre en place un véritable service public de l’orientation afin d’éviter tout cloisonnement et de permettre à l’ONICEP, au Centre INFFO et à l’ensemble des acteurs de l’orientation de mieux connaître et d’anticiper les besoins. La présentation des métiers pendant trois heures au collège est un élément de la loi sur l’école tout à fait important pour l’orientation précoce, et que nous mettons en œuvre dès cette année.

M. Mansour Kamardine. C’est bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, tous les moyens nécessaires sont consacrés à la mise en œuvre du plan « Services à la personne » prévu dans le plan de cohésion sociale. L'effort vise à accompagner et à stimuler l'essor de ce gisement d'emplois considérable : il s’agit de doubler le nombre annuel de créations d'emplois dans un secteur employant déjà 1,3 million de personnes et très créateur d'emplois.

En particulier, le secteur bénéficie d'allégements de charges spécifiques : un abattement de 15 points de charges sociales pour les particuliers employeurs ainsi qu’une exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale pour les entreprises et associations agréées opérant dans le secteur. Au total, 200 millions d’euros sont consacrés à ce plan.

Monsieur Perrut et monsieur Remiller, vous étiez intervenu auprès de moi à propos de certaines difficultés rencontrées dans la région Rhône-Alpes – et je veux d’ailleurs saluer votre mobilisation en sa faveur – qu’il s’agisse de Hewlett-Packard ou d’autres entreprises, notamment dans le secteur de la photographie avec le passage de l’argentique au numérique. Le renforcement des moyens du service public de l’emploi et de la cohérence de son action est une priorité du Gouvernement.

L’ANPE a été fortement sollicitée pour recevoir, ainsi que je l’évoquais, 57 000 jeunes chômeurs de longue durée durant l’été et l’automne. En ce moment, ses agents reçoivent individuellement les 125 000 bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité et assurent, en coordination avec les missions locales et les maisons de l’emploi, le suivi des jeunes de moins de vingt-cinq ans issus de secteurs urbains qui connaissent des difficultés.

Dès janvier 2006, l’Agence mettra en place le suivi mensuel des demandeurs d’emploi, pour améliorer leur retour vers l’emploi.

En ce qui concerne, monsieur Le Ridant, les liens entre les opérateurs et les partenaires du service public de l’emploi que vous avez évoqués avec d’autres orateurs, le dernier bureau de l’UNEDIC, réuni le 6 octobre dernier, s’est fixé trois objectifs opérationnels de rapprochement : un système informatique commun, des locaux rapprochés et une formation des agents coordonnée.

Si nous additionnons les personnels de l’UNEDIC, de l’ANPE et des missions locales, ce sont 55 000 personnes qui sont concernées. Encore faut-il qu’elles soient effectivement aux côtés des demandeurs d’emploi. Voilà pourquoi la procédure du dossier unique, de l’accompagnement individualisé et du profilage, donnera à l’Agence nationale pour l’emploi la fonction de placement et à l’UNEDIC celle de l'assurance chômage, au travers des partenaires sociaux.

Ce qui compte, ce ne sont pas les structures, mais le retour et l’accompagnement vers l’emploi de ceux qui en cherchent un. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Notre priorité, ce n’est pas d’imaginer des structures : c’est d’apporter des réponses aux hommes et aux femmes qui ont des difficultés face à l’emploi.

M. Pierre-Louis Fagniez. Enfin de la volonté !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Le Ridant, vous avez évoqué, à propos des missions locales, les problèmes rencontrés en matière d’interface informatique.

Comme l’ANPE et L’UNEDIC, les missions locales perdent, à remplir les documents Cerfa, un temps qui pourrait être consacré à un meilleur accompagnement. Je me rendrai d’ailleurs dans deux jours devant le bureau du conseil national des missions locales pour voir concrètement comment mieux nous mobiliser tous au profit des jeunes et des demandeurs d’emploi, grâce à des réponses techniques adaptées.

Mme Hélène Mignon. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Quant aux maisons de l’emploi, 56 projets ont été labellisés. L’objectif est d’atteindre 200 maisons de l’emploi fin 2006. Je peux vous affirmer, monsieur Joyandet, qu’elles ne se résumeront pas à additionner des obstacles supplémentaires sur le parcours vers l’emploi, mais qu’elles constitueront réellement un instrument privilégié de mutualisation des actions sur chaque bassin d’emploi.

Sur ce sujet, monsieur Bapt, la réponse doit être pragmatique. Nous avons, avec Bernard Perrut, engagé une réflexion que nous poursuivrons afin de répondre aux préoccupations qui peuvent s’exprimer concernant ces lieux de dialogue que doivent être les maisons de l’emploi.

J’en viens à la mission « Travail » de ce ministère. Elle est pour moi essentielle pour la santé au travail, pour le respect tout simplement de l’ordre public social et de nos valeurs fondamentales.

Monsieur Le Garrec, vous avez, dans un premier temps, dit tout le bien que vous pensiez de la dernière circulaire.

M. Jean Le Garrec. Voyez que je peux être objectif !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai eu du mal à m’en remettre ! (Sourires.)

En mettant en place l’Agence française pour la sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, dotée, monsieur le rapporteur spécial, de 8,6 millions d’euros, et en prévoyant de disposer dans quatre ans de cinquante ingénieurs et chercheurs indépendants de haut niveau, nous répondons à l’une des préoccupations exprimées concernant l’indépendance de cette agence. De même, en commandant, pour pouvoir prendre toute décision utile, des études sur les esters de glycol,…

M. Jean Le Garrec. C’est important !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …sur les fibres céramiques, sur les nanomatériaux, et en déclarant au cours de la réflexion menée sur le projet de directive Reach que l’on ne peut se satisfaire de connaître 3 000 produits toxiques quand il faudrait en connaître au minimum 30 000 sur les 100 000 répertoriés, nous nous préoccupons bien de la santé de celles et de ceux qui travaillent en entreprise, quelle que soit sa taille.

Cette politique de la santé au travail a besoin de moyens. Elle les obtiendra avec la mise en place des sept premières cellules d’appui régionales, dont celle du Nord-Pas-de-Calais, qui viendront épauler une inspection plus généraliste, répondant ainsi à un besoin et à une nécessité.

Le budget pour 2006 – si vous voulez bien lui apporter votre soutien, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés de la majorité – …

M. Jacques Remiller. Sans problème !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …répond bien à la montée en charge du plan santé au travail, mais nous avons besoin aussi des partenaires sociaux sur le terrain car la dimension territoriale est indispensable si l’on veut améliorer les choses au plan national, au-delà des belles déclarations.

S’agissant de l’amiante, sujet majeur…

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …que vous avez également évoqué, nous disposons du rapport du Sénat, et j’attends avec beaucoup d’intérêt le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale, que vous présenterez, M. Lemière et vous-même, et celui de l’IGAS, notamment sur l’utilisation, que je juge très préoccupant, des fonds de préretraite.

À cet égard, j’ai deux préoccupations immédiates.

La première porte sur les moyens humains affectés à l’ordre public social. Grâce à des redéploiements, nous allons, par souci d’efficacité, mettre au concours cette année 155 postes d’inspecteurs et de contrôleurs du travail, au lieu de 48 les années précédentes, afin de répondre notamment, et pas simplement, à ce souci de la santé au travail.

Ma seconde préoccupation a trait aux chantiers de désamiantage. M. Bapt a évoqué 72 contrôles pour 2004. Cette année, nous en avons déjà fait 780, ce qui est d’une tout autre dimension, et nous allons poursuivre, montrant ainsi quelle est notre volonté en matière de santé au travail.

J’aurai l’occasion de présenter le bilan de ces chantiers de désamiantage, mais aussi mes priorités, notamment la certification d’un certain nombre d’entreprises et la volonté de trouver des réponses techniques adaptées à l’amiante friable, qui ne mettent en cause la santé ni des intervenants ni de ceux qui sont proches de ces chantiers.

Nous nous soucions également de lutter contre le travail illégal. Le vrai dumping social, qui est la pire des précarités, c’est d’être au chômage ou d’être utilisé dans des filières que l’on voit émerger dans certains quartiers. Le travail illégal est un mal, pour les salariés, pour notre économie et pour l’ordre public républicain.

Grâce à la mobilisation de l’inspection du travail, de la gendarmerie, de la police, des URSSAF, des GIR, des douanes, nous avons pu doubler le nombre de contrôles, en les ciblant sur des secteurs prioritaires – le bâtiment, l’hôtellerie-restauration –, mais aussi sur le spectacle, l’agriculture et l’agro-alimentaire, et d’autres encore. Le bilan des récents contrôles effectués fait apparaître l’existence de véritables filières de travail illégal, que nous sommes décidés à démanteler.

M. Bapt a évoqué certaines pratiques observées dans le secteur des transports. Je voudrais en profiter pour donner la position du Gouvernement sur ces sujets du travail et de l’emploi vis-à-vis de l’Europe. Notre position sur la directive Services comme sur le projet Temps de travail est extrêmement claire.

Sur le projet de directive Services, qui est en cours d’examen au Parlement européen, et qui ne s’appelle plus Bolkestein mais Mc Creevy,…

M. Maxime Gremetz. Ça change tout !

M. François Liberti. Le nom change mais le contenu est le même !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …notre exigence est tout à fait claire : c’est le droit du travail du pays d’accueil qui doit s’appliquer, et lui seul.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Notre seconde exigence porte sur l’obligation de la déclaration préalable des salariés employés, ce qui répond aux préoccupations de M. Bapt.

M. Gérard Bapt. Il faudra l’obtenir.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous agissons dans ce sens. Au cours du sommet franco-espagnol qui s’est tenu la semaine dernière, sous la présidence du Président de la République, l’Espagne et la France ont réaffirmé, comme nous l’avions fait avec la Suède il a deux semaines, le caractère intangible de ces deux exigences sur le droit du travail du pays d’accueil et sur la procédure de déclaration préalable. C’est le seul moyen d’éviter un dumping social, qui nuirait à la fois à nos salariés et à nos entreprises.

Sur la directive Temps de travail, nous exigeons la fin de l’opt-out, n’en déplaise à nos amis britanniques, même si nous concevons qu’une phase transitoire puisse être nécessaire, comme dans toute évolution. La position de la France à ce sujet n’a pas varié d’un iota et c’est ce point de vue que nous défendrons, début décembre, au Conseil des ministres de l’emploi et du travail. Le Président de la République a réaffirmé, dans le cadre du sommet franco-espagnol, cette position, qui est commune, notamment mais pas seulement, à la France et à l’Espagne.

Messieurs les rapporteurs, je voudrais vous remercier d’abord pour vos rapports mais, plus encore, pour les contacts que nous avons tout au long de l’année. Ces rencontres sont pour vous l’occasion de nous faire part de vos suggestions, de vos préoccupations. Au-delà de la mission tout à fait essentielle de contrôle du Parlement, elles permettent d’enrichir le débat, en rapportant les diverses expériences des uns et des autres, comme vous l’avez fait, monsieur le député et président du conseil général du Lot-et-Garonne, ou les préoccupations de l’outre-mer.

En tout cas, croyez bien que notre priorité, c’est bien l’emploi, mais également les conditions de travail, la cohésion sociale et la qualité des rapports sociaux étant notre première préoccupation. Nous avons encore des progrès à réaliser dans le financement des relations sociales car le dialogue social est au cœur des valeurs qui nous rassemblent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. À grand renfort de communication, le Gouvernement a, à de nombreuses reprises, affiché sa volonté de mieux faire respecter notre législation – et vous venez encore, monsieur le ministre, de l’affirmer – en matière de droit du travail concernant différents domaines, comme la santé au travail, la lutte contre le travail illégal ou dissimulé, le respect des règles encadrant les procédures de contentieux. Vous créez même des agences de veille, pour donner à cette volonté une dimension supplémentaire, et avez engagé un plan « Santé au travail ».

Nous en convenons, et ce n’est pas faute de vous avoir, non pas harcelé – le harcèlement est contraire au droit du travail –, mais, si j’ose dire, bousculé sur le respect des protections à l’égard des salariés, la dégradation de la santé au travail et les conséquences de l’intensification du travail nécessitent de renforcer les pouvoirs et les moyens de contrôle des règles sociales. Or, au-delà des effets d’annonce, on peine à voir un infléchissement de la situation.

Nous comptons, depuis 2004, 1 300 inspecteurs ou contrôleurs pour plus de 15 millions de salariés et environ 1,5 million d’entreprises. Ce sont les chiffres officiels, ils sont incontestables. Dans ce vaste monde à contrôler, les 1 300 agents paraissent bien démunis. Pas étonnant dès lors que seuls 2 % des observations faites donnent lieu à des sanctions contre 50 % pour nos voisins européens, que le taux de fréquence des accidents du travail soit passé de 25,4 % en 2002 à 26,9 % en 2003 et que le nombre des accidents graves ait augmenté de 15 % en deux ans.

Il faut donc donner des moyens à l’inspection du travail, en termes de contrôle et de sanctions, et donc en termes de formation. C’est d’ailleurs ce qu’avait recommandé le rapport Bessières, rendu public en fin d’année dernière, lequel estimait à 2 000 le nombre des agents qu’il faudrait mettre sur le terrain.

Monsieur le ministre, mes questions sont simples : quels efforts en matière de formation prévoyez-vous pour l’année 2006 ? Quelles garanties comptez-vous apporter à la profession d’inspection du travail pour les prochaines années ? Qu’avez-vous prévu de mettre en œuvre parmi l’ensemble des recommandations du rapport Bessière en réponse au vibrant appel de l’été dernier signé par des magistrats, des universitaires, des chercheurs, des inspecteurs, des médecins du travail, pour assurer un avenir à l’inspection du travail et garantir la réglementation sociale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir rendu hommage au rapport de Jean Bessière. Ce directeur de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle fait partie de ces grands fonctionnaires que le ministère du travail et de l’emploi s’honore de compter dans ses rangs. Toute sa carrière professionnelle au service du travail et de l’emploi a été marquée par le sens du service public et, une fois encore, son rapport sur l’inspection est allé au cœur des choses. Il faisait suite notamment à ce drame qu’a été l’assassinat d’un contrôleur et d’un inspecteur du travail en Dordogne, qu’il ne faut pas oublier car le temps ne doit pas effacer la nécessité de faire respecter cet ordre public social.

À la suite du rapport de Jean Bessière et de celui de l’IGAS, qu’il ne faut pas oublier non plus, j’ai confié à Jacques Rapoport, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales – les postes de secrétaires généraux des ministères ont été créés dans le plan de modernisation des services de l’État de Jean-Pierre Raffarin, pour mieux coordonner notre action et la décloisonner –, l’élaboration d’un plan de modernisation de l’inspection générale.

Il s’agit notamment de mettre en place auprès des agents de contrôle de l’inspection, dont la vocation généraliste est confortée, contrairement à ce qui se passe à l’étranger, d’équipes pluridisciplinaires d’appui, comme celle que j’ai évoquée pour la santé au travail. Lors de mes rencontres avec des inspecteurs et des contrôleurs, j’ai compris l’importance du tutorat pour le transfert de l’expérience.

Il s’agit aussi de la création de sections territoriales plus étoffées. Des expériences seront menées dans des départements volontaires, notamment de travail en commun entre les différentes inspections, comme celle de l’agriculture et des transports.

Je citerai encore le renforcement de l’animation de l’inspection du travail, grâce à la mise en place, au sein de la direction des relations du travail, d’un service ayant pour mission d’animer l’action des inspecteurs sur le terrain dans le cadre d’une politique du travail destinée à promouvoir la qualité des emplois et l’effectivité du droit, dans le respect de l’indépendance prévue par la convention de l’OIT et en s’appuyant sur un certain nombre de dispositifs dont la MICAPCOR, la Mission centrale d’appui et de coordination des services déconcentrés.

Je n’oublie pas la recherche d’une meilleure synergie sur le terrain, que j’ai évoquée tout à l’heure.

Cette modernisation de l’inspection, cette adaptation nécessite un dialogue avec les agents qui ont en charge l’inspection, mais aussi avec l’ensemble des partenaires sociaux : l’inspection n’est pas l’ennemi des confédérations des entrepreneurs, elle doit être un élément de la relation sociale dans l’entreprise.

Quant aux effectifs, les chiffres que vous avez cités sont tout à fait exacts. Dès l’an dernier, nous avons augmenté, notamment dans le cadre des prédispositifs de santé au travail, le nombre de postes. J’ai annoncé l’ouverture de 155 postes au concours. J’espère faire un peu mieux grâce au travail conduit notamment par les services du ministère, que ce soit la DAGEMO, la direction de l’administration générale et de la modernisation des services, ou la direction des relations du travail. Mais j’attends le document définitif. En tout cas, j’ai été il y a peu de temps devant le CTPM, le comité technique paritaire ministériel, ce qui est un peu inhabituel, pour évoquer avec les représentants du personnel cette modernisation de l’inspection du travail.

Jamais il n’y aura eu de concours aussi importants ni de réflexion aussi intense sur la formation à l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui deviendra, dans quelques semaines, un établissement public. Cet institut est un lieu de rencontre, à la manière de l’IHEDN, l’Institut des hautes études de défense nationale. Il est ouvert aux parlementaires et j’invite vraiment les parlementaires à participer à ses sessions.

Il existe enfin sur tous ces sujets des lieux de dialogue et pas simplement d’affrontements autour du principe d’un ordre public social modernisé, adapté et qui réponde aux valeurs qui sont les nôtres.

Tels sont, monsieur le député, quelques-unes des éléments de réponse que je pouvais apporter à votre question.

M. le président. La parole est à M.  Maxime Gremetz, pour poser une seconde question.

M. Maxime Gremetz. J’ai évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre, le travail précaire et intérimaire, et ses conséquences désastreuses sur l’avenir de notre pays et de notre jeunesse. Lorsqu’on est en situation de précarité, on n’a aucun droit, ni droit à un prêt bancaire, ni droit au logement à moins d’avoir un garant. On n’a aucune possibilité d’imaginer son avenir, même à trois ou six mois. C’est une situation dont on ne mesure pas les conséquences. Le chômage est une chose, la précarité en est une autre. Comment, lorsque on est jeune et incapable de concevoir l’avenir, même proche, construire un couple ou une vie de famille ? Quel projet élaborer ? Rien n’est possible. Le drame tient en particulier à l’absence totale de perspective.

Contrairement à ce que disait le Premier ministre, la précarité, ce n’est plus seulement le chômage, mais c’est aussi l’emploi. La multiplication des emplois précaires et des emplois aidés, la modération salariale plongent les salariés dans la précarité et, trop souvent, dans la pauvreté.

M. Jacques Remiller. Vous disiez tout à l’heure qu’il ne fallait pas supprimer les emplois-jeunes !

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas moi qui ai dit cela, ne confondez pas ! Celui qui a parlé des emplois-jeunes était un peu moins à gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut rendre à Maxime ce qui appartient à César, et non l’inverse. Nous siégeons sur des bancs différents, chacun avec ses particularités, sans quoi nous serions tous du même parti, ce qui ne serait pas bon pour le pluralisme.

M. Jacques Remiller. Je vous mets simplement face à vos contradictions !

M. le président. Monsieur Gremetz, posez votre question, s’il vous plaît.

M. Maxime Gremetz. Merci, monsieur le président, mais vous constaterez que je suis interpellé à droite et à gauche, jusque dans mon dos, ce qui ne me plaît pas.

Je souhaite du ministre des réponses précises.

Le recours aux contrats atypiques quelle que soit leur forme – CDD, intérim ou, plus grave encore, contrat « nouvelle embauche », cette invention que le MEDEF mettra tout en œuvre pour faire durer – se banalise en France et concerne de plus en plus de créations d’emplois. Entre 1983 et 2003, l’intérim a ainsi augmenté de 316,8 % et les CDD de 517,5 %. Je n’ai pas inventé ces chiffres : ce sont ceux du ministère de l’emploi. Quant aux emplois aidés, ils ont augmenté de 34,1 % tandis que les CDI n’augmentaient que de 12,2 %.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Si tous ces contrats augmentent, c’est que le chômage baisse !

M. Maxime Gremetz. Mais pas du tout ! Le chômage augmente en même temps que l’intérim.

Le sous-emploi au sens de l’INSEE, comme le temps partiel contraint, a progressé – écoutez bien ! – de 701 %. Illustration de cette tendance, le dernier accord signé le 7 septembre 2005 entre le patronat, les sociétés d’intérim et trois organisations syndicales, va permettre d’utiliser le travail temporaire au-delà du droit actuel. Ainsi, les entreprises pourront librement recourir à l’intérim pour les chômeurs de plus de cinquante ans sans qualification, les jeunes de moins de vingt-six ans, les personnes bénéficiaires du RMI, de l’allocation de solidarité, de l’allocation de parent isolé, les travailleurs handicapés et les personnes ayant cessé leur activité professionnelle depuis plus de six mois pour s’occuper de leurs enfants ou d’un ascendant.

Cet accord est lourd de conséquences. Vous observerez d’ailleurs que ce ne sont pas les syndicats majoritaires mais des syndicats minoritaires, ne représentant donc qu’une minorité de salariés, qui l’ont signé. Il ne devrait donc pas être valable.

M. Jacques Remiller. La CGT ne signe jamais !

M. Maxime Gremetz. Cet accord va aggraver la précarité du travail. On sait qu’en 2004, pour les seuls cas dans lesquels le recours à l’intérim est légal, à savoir le remplacement d’un salarié absent et le surcroît d’activité, près de 13 millions de missions, d’une durée moyenne de dix jours, ont été effectuées. On imagine aisément l’impact de tels chiffres pour tous les salariés, surtout quand on sait que la majorité des entrées en indemnisation de chômage – 400 000 nouveaux demandeurs d’emploi étaient en 2004 des intérimaires en fin de mission – est liée à ces emplois précaires.

Cet accord va aggraver la situation de l’UNEDIC et celle des intérimaires, déjà mal lotis en matière d’indemnisation. Il va renforcer la précarisation du salariat et l’exclusion de ceux qui sont le plus en difficulté. Il sera aisé dans ces conditions d’afficher un taux de chômage de 5 % comme au Royaume-Uni ou au Danemark, où près de 10 millions de personnes sont considérées comme des inactifs et exclus à ce titre des statistiques et des droits.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande si vous comptez surseoir à l’application de cet accord. Allez-vous demander aux partenaires sociaux de revoir leur copie, puisque les signataires ne représentent pas la majorité des salariés ?

M. le président. Monsieur le ministre, je vous suggère de répondre brièvement à M. Gremetz car, comme il a largement dépassé son temps de parole, je ne voudrais pas que la longueur de votre réponse empêche son collègue, M. François Liberti, de poser sa question.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vais donc défendre les intérêts de M. Liberti en répondant brièvement à M. Gremetz.

En premier lieu, rien n’empêche un syndicat d’utiliser le droit d’opposition mis en place par la loi du 4 mai 2004. Dans ce cas-là, chacune des confédérations est responsable de son engagement et, par respect pour les partenaires sociaux, je me garderai bien d’entrer dans un débat qui ne concerne qu’eux.

Ensuite, quand le chômage augmente, l’intérim baisse, et non l’inverse, comme vous l’affirmiez il y a un instant.

Sachez par ailleurs que, concernant le projet de directive « Intérim », nous sommes en Europe le pays le plus exigeant en matière d’encadrement légal. Et cela est vrai quel que soit le gouvernement en place.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi un intérim volontaire.

M. Maxime Gremetz. Très limité !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’intérim, c’est aussi pour 30 % un parcours de retour vers l’emploi.

Le vrai débat aujourd’hui se situe entre la flexibilité, la souplesse et la sécurisation des parcours professionnels. Le droit individuel à la formation, l’accompagnement, la convention de reclassement personnalisé, que je n’ai pas encore évoquée mais qui entre dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005, sont autant de réponses que nous tentons d’apporter. Il ne s’agit ni de faire de l’intérim l’unique instrument de flexibilité du marché, ni de le diaboliser en faisant croire qu’il est dénué de toutes garanties.

Puisque, monsieur Gremetz, vous avez évoqué le CNE, je rappellerai pour conclure que, selon les vœux du Premier ministre, l’une des préoccupations essentielles de Jean-Louis Borloo et du pôle de cohésion sociale est de permettre qu’il ne génère pas d’entrave à l’accès au logement. C’est le but de la procédure Locapass et des discussions que nous menons avec les organismes bancaires pour que les titulaires d’un contrat « nouvelle embauche » ou d’autres contrats courts ne se voient pas refuser de prêts. Ces prêts, parfois modestes, peuvent en effet servir à acquérir une automobile – souvent d’occasion – grâce à laquelle on peut se rendre au travail.

C’est donc un sujet sur lequel nous sommes mobilisés et sur lequel le Premier ministre nous apporte tout son soutien. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Dans le prolongement du débat ouvert par Maxime Gremetz, mon propos portera plus particulièrement sur le lien entre travail et revenus du travail.

Le retour de l’apprentissage à quatorze ans, qui va faire de l’école un centre de tri plutôt qu’un lieu d’éducation, ne constitue pas plus que la mise en œuvre du contrat « nouvelle embauche » une réponse à la crise de l’emploi ou à la fracture sociale. Il répond simplement aux exigences du MEDEF, dont l’ambition est de précariser l’emploi afin de mieux rentabiliser le capital par la baisse du coût du travail. L’ensemble des dispositifs que vous avez mis en œuvre au titre de l’emploi vont par conséquent peser lourdement sur la rémunération du travail, les salaires et le pouvoir d’achat des familles déjà particulièrement malmenées. C’est là un fait incontestable.

Selon le directeur du CREDOC, le pouvoir d’achat des couches moyennes et modestes a reculé de 1 à 3 % en trois ans. Il a été lourdement grevé par des dépenses incompressibles : 50 % d’augmentation du prix de l’essence, 18 % de l’assurance santé, 16 % du logement, sans parler de l’augmentation du prix du gaz, cadeau de fin d’année lié à la privatisation.

Il devient donc urgent d’inverser la tendance. Vous avez, monsieur le ministre, les moyens économiques de contraindre les employeurs à négocier sur les salaires et à les augmenter. Dans ce conflit vieux comme le monde entre le travail et le capital, endossez au moins une fois la robe d’avocat au service des salariés !

Allez-vous faire en sorte qu’aucun des minima conventionnels ne soit inférieur au SMIC ? Plutôt que de mensualiser la prime pour l’emploi, allez-vous inciter les entreprises à embaucher en conditionnant les aides à l’évolution des salaires et de l’emploi ? Allez-vous mettre à contribution les entreprises qui abusent du temps partiel, afin de provoquer un retour progressif à des emplois pérennes et bien payés, en y adossant ce que nous proposons, à savoir un projet de sécurité emploi-formation tout au long de la vie ? Voilà qui serait de nature à s’attaquer aux vrais racines du mal.

Depuis vingt ans, les richesses créées par le travail ont augmenté dans notre pays de 60 %, mais la part de ces richesses affectées aux salaires a reculé de 7 %. Il faut changer de priorité. Ne répondre qu’aux désirs du MEDEF ne rendra plus riches que ceux qui le sont déjà. Ce n’est bon ni pour l’emploi ni pour le pouvoir d’achat, lequel est pourtant indispensable à la croissance.

Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à relever le défi de la vraie croissance et du développement durable, à en faire le cap de l’action politique du pays ? C’est une question fondamentale, qui mérite des réponses précises.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Liberti, ma réponse sera précise : en trois ans, le plus bas niveau du SMIC a augmenté de 11,4 %, du fait notamment de la disparition des sept SMIC différents résultant des lois Aubry sur la réduction du temps de travail. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est la première réalité.

La seconde réalité, c’est que nous avons décidé, le 18 mars dernier, en sous-commission de la négociation collective, que les négociations salariales conduites dans les 274 branches professionnelles regroupant plus de 5 000 salariés feraient l’objet d’une analyse que nous aurons terminée le 18 novembre.

M. Maxime Gremetz. Cela ne va pas être brillant !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. À ce jour, 71 de ces branches ont fait l’objet d’une « mise sous suivi », entre guillemets, assortie de la nomination d’un président de commission mixte et 24 accords ont été signés pour remettre en conformité les grilles de rémunération avec les minima conventionnels. Du fait de l’empilement de nouveaux textes, la rémunération dans certaines branches était en effet devenue inférieure au minimum conventionnel.

Il fallait, en outre, accroître l’attractivité des métiers. Vous avez parlé du bâtiment. Jacques Remiller a, quant à lui, plaidé pour un secteur extrêmement important, l’hôtellerie-cafés-restauration.

M. Jacques Remiller. Absolument ! C’est très important !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le dispositif est reconduit, mais il faut que la profession, qui se réunit cette semaine, fasse un effort quant à l’attractivité du métier,…

M. Jacques Remiller. Très juste !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …comme l’ont fait le bâtiment et les travaux publics,…

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …notamment en revalorisant le salaire des apprentis de seize ou dix-sept ans.

M. Jean Le Garrec. Là-dessus, nous sommes d’accord !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je crois en effet qu’il faut pouvoir faire carrière dans un métier et éviter que des jeunes n’interrompent leur formation faute de se voir proposer une rémunération suffisamment attrayante.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est dans ce sens qu’il faut aller ! Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je m’attacherai donc à réduire le taux de rupture des contrats d’apprentissage et de professionnalisation notamment.

Il reste quelques secteurs sensibles. J’évoquais celui de l’hôtellerie-cafés-restauration, mais il y a aussi le commerce de gros, la chimie, les succursales de l’habillement, l’ameublement et le papier carton. J’ai pris l’initiative de rencontrer moi-même les représentants de la chimie pour montrer l’importance que nous accordons à ce secteur.

Je rappelle par ailleurs que, le 8 juin dernier, le Premier ministre a conditionné l’octroi du bonus de 1 000 euros à l’aboutissement des négociations salariales avant juin 2006.

Le Gouvernement est attaché à ce que la négociation salariale devienne bien un rendez-vous annuel obligatoire de la négociation collective.

M. Maxime Gremetz. Qu’il montre l’exemple dans la fonction publique !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous le voyez, au-delà des mots, il met concrètement en œuvre les instruments du dialogue avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Travail et emploi

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Travail et emploi » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 321 rectifié et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 321 rectifié.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La suppression de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2006 implique une majoration de 203 millions d’euros des crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ».

En effet, la contribution au développement de l’apprentissage – CDA –, créée par la loi de finances pour 2005, passe de 0,06 % à 0,12 %, et non à 0,18 % comme prévu dans le projet de loi de finances.

La commission des finances a proposé les redéploiements suivants pour respecter le plafond de dépenses : 103 millions d’euros pour le service public de l’emploi, 50 millions d’euros pour l’ASS et 50 millions d’euros pour les contrats aidés.

Ce schéma d’économies soulève des difficultés importantes. En effet, la proposition de la commission de réduire les moyens du service public de l’emploi ne prend pas suffisamment en compte les missions assignées à l’Agence par le plan d’urgence pour l’emploi – accueil renforcé en faveur des jeunes, mise en place du suivi mensuel des demandeurs d’emplois.

Dans ce contexte, le Gouvernement vise par le présent amendement à relever le plafond de dépenses de la mission « Travail » de 63 millions d’euros afin de faire face à la suppression de l’article 18.

Le redéploiement est proposé selon les modalités suivantes :

Une économie de 40 millions sur le programme « Développement de l’emploi » reposant sur un affinement de la prévision d’exécution 2005 et 2006 portant sur la mesure concernant l’hôtellerie-cafés-restauration, et la mesure d’exonérations des services à la personnes ;

Une économie de 100 millions sur le programme « Accès et retour à l’emploi », et plus particulièrement, comme le suggérait l’amendement initial, une réduction de 50 millions sur les crédits relatifs à l’allocation spécifique de solidarité – nous sommes en train de recevoir tous les bénéficiaires d’une ASS et nous espérons bien qu’une part significative d’entre eux retournera vers l’emploi – et de 50 millions sur les crédits relatifs aux contrats aidés marchands et non marchands. Cet ajustement répond à une première évaluation des résultats de l’action que nous menons. Ce n’est pas une simple pioche dans les crédits. Il s’agit de la traduction financière de l’un des objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de la LOLF ;

En outre, une économie de 20 millions sera réalisée par un recentrage des contrats-jeunes en entreprise sur les non-diplômés et les jeunes des zones urbaines sensibles. Il s’agit de respecter l’esprit de la loi de cohésion sociale qui n’avait pas encore reçu de traduction budgétaire, car son examen n’était pas terminé au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2005.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour donner l’avis de la commission des finances sur l’amendement n° 321 rectifié et soutenir l’amendement n° 1.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Ma situation est un peu compliquée, car je dois à la fois me prononcer sur un amendement du Gouvernement que la commission n’a pas examiné…

M. Maxime Gremetz. Il faut demander une suspension de séance pour réunir la commission !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. …et défendre un amendement de la commission que je n’ai personnellement pas voté – je me suis même prononcé contre.

Adopté par la commission des finances, l’amendement n° 1 visait à réduire globalement les dépenses de l’État. Depuis lors, le Gouvernement nous a dit que la façon dont nous avions réduit les crédits posait des problèmes, et je partage cet avis. En effet, à l’origine, l’amendement prévoyait une réduction des crédits de l’ANPE, notamment. Or je suis de ceux qui pensent que nous avons besoin de plus d’intervenants pour accompagner les demandeurs d’emploi. En France, chaque conseiller de l’ANPE doit suivre une centaine de demandeurs d’emploi, contre trente au Danemark et quinze dans les job centers britanniques. Nous avons donc besoin de plus de moyens en la matière. Mais l’amendement les réduisait.

Il me semble donc – je parle sous le contrôle du rapporteur général qui vient de nous rejoindre – que nous pourrions être favorables à l’amendement du Gouvernement dans la mesure où il permettrait d’atteindre pratiquement 70 % des objectifs de la commission des finances, sans toucher au service public de l’emploi, mais en procédant à un ajustement entre la programmation et la consommation des crédits sur l’année.

M. Maxime Gremetz. On ne comprend rien !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Moi, j’ai bien compris et je pense que nos collègues vont comprendre aussi !

Compte tenu du pas en avant qui est ainsi fait par le Gouvernement, je vous propose donc, chers collègues, si le rapporteur général en est d’accord, de nous rallier à l’amendement n° 321 rectifié. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je vais expliquer pourquoi nous avions proposé une économie de 200 millions d’euros.

En première partie de loi de finances, l’article 18 remettait en cause la montée en charge de la contribution au développement de l’apprentissage, taxe que nous avions eu du mal à faire adopter, et nous avons souhaité garder le dispositif de l’an dernier, à savoir une montée en charge étalée sur trois ans – 0,06 %, 0,12 %, 0,18 %. Dès lors, cela occasionnait en 2006 un manque à gagner de 200 millions d’euros pour les régions, puisque ce sont elles qui touchent cette taxe. Il fallait donc trouver à leur profit une nouvelle recette à l’intérieur de la mission « Travail et emploi ».

L’application de la LOLF autorisant une certaine souplesse, que l’application de l’article 40 de la Constitution interdisait auparavant, nous avons pu nous livrer à la gymnastique suivante : créer une dépense supplémentaire de 200 millions au bénéfice des régions et trouver 200 millions d’économies. Mais, et là je rejoins mon collègue Alain Joyandet, nous étions parfaitement conscients que cela posait des problèmes.

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai d’ailleurs participé à plusieurs réunions de travail avec le cabinet du ministre et avec le ministre lui-même pour voir comment nous pourrions régler la question. Nous étions parfaitement conscients du fait que le budget du ministère ne pouvait supporter une charge supplémentaire de 200 millions.

Je me réjouis donc que, au bout de deux ou trois semaines de discussion, le Gouvernement nous présente un amendement bien mieux calibré prévoyant une économie de 140 millions seulement. Cela dit, je tiens à préciser que ce que le Gouvernement propose, nous ne pouvions pas le faire : nous étions obligés de retenir 200 millions, même si c’était critiquable.

M. Jean Le Garrec. Très juste  !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement du Gouvernement est excellent, et je suis heureux qu’une solution ait été trouvée à nos difficultés.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Est-ce que vous avez tous bien compris ? (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Remiller. Nous étions dans la confidence !

M. Maxime Gremetz. J’avais l’intention de demander une suspension de séance pour nous éclairer ! Vous paraissez tellement dans les nuages. Vous ne comprenez rien, et moi non plus d’ailleurs !

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous, nous avons travaillé avec le Gouvernement !

M. Maxime Gremetz. Allons donc ! Vous êtes paumés et je demande une suspension de séance pour que nous puissions examiner sérieusement cet important amendement et en mesurer les conséquences.

M. le président. Monsieur Gremetz, je ne peux pas vous accorder de suspension de séance : vous n’avez pas la délégation de votre président de groupe qui vous permettrait de la demander.

M. Maxime Gremetz. Je vais vous la fournir !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’amendement du Gouvernement est significatif. Il doit certes y avoir compensation – à l’euro près, comme dirait le ministre délégué au budget – des 203 millions d’euros, puisque la compensation des transferts est imposée par la loi relative aux responsabilités locales.

Néanmoins, quand je regarde, dans le tableau, les baisses de crédit compensant la dotation aux régions, je constate que le Gouvernement, suivant d’ailleurs la commission des finances, propose de réaliser une économie de 100 millions sur les crédits du programme « Accès et retour à l’emploi ». Autant dire que je le prends en flagrant délit d’insincérité sur son budget.

Pour le chapitre budgétaire que nous examinons, le Premier ministre a, la semaine dernière, augmenté le nombre de contrats d’accompagnement dans l’emploi de 20 000 dans les banlieues difficiles. Je précise qu’il n’a pas parlé d’un transfert des CAE classiques vers les jeunes des banlieues, mais bien d’une création de 20 000 CAE. Comment peut-il diminuer de 100 millions d’euros un programme qui voit la création de 20 000 emplois ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Vercamer n’a pas écouté ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. Soit le budget est insincère, soit le ministre estime que le nombre de postes qui seront effectivement créés sera bien inférieur à celui qu’il a annoncé.

Quoi qu’il en soit, je me demande comment il arrive ainsi à baisser un poste budgétaire qui prévoit la création de 20 000 contrats, alors même que cette mesure a été annoncée par le Premier ministre après l’édition du budget.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. L’amendement du Gouvernement me plaît davantage que celui de la commission, car je voyais mal comment, après toutes les annonces faites par le Gouvernement, on pouvait amputer les crédits de l’ANPE.

Néanmoins, je rejoins M. Vercamer : soit le Gouvernement ne croit pas aux projets de réinsertion qu’il annonce, soit il a déjà renoncé à l’idée d’honorer, en fin d’année, tous les contrats qu’il aura signés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 321 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 303, 304, 302 et 305, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. J’ai écouté vos réponses avec attention, monsieur le ministre. Nous partageons votre inquiétude devant l’augmentation du chômage des jeunes, notamment dans les zones qui étaient au centre de l’actualité durant ces derniers jours.

Vous vous êtes demandé comment toucher les jeunes qui, bien qu’ils en aient besoin, ne sont pas détectés par les missions locales. Lors de la journée de la défense, certains d’entre eux ont pu être repérés et le taux d’illettrisme – 13 % chez les garçons, 8 % chez les filles – a été évalué. Mais, même ceux auxquels on a proposé de se mettre en rapport avec une mission locale, n’ont que très rarement utilisé cette possibilité. Il faut donc trouver d’autres solutions.

Le plus important est le démarrage dans la vie professionnelle, quelle que soit sa forme. Il faut qu’il soit réussi pour que le jeune ait envie de continuer. Si nous vous proposons, dans nos différents amendements, de redéployer les crédits destinés aux hôtels, cafés et restaurants, c’est parce que nous avons constaté que les jeunes renoncent, pour au moins un tiers d’entre eux, avant la fin de l’apprentissage. Ceux qui sont embauchés le sont à temps partiel ou avec un contrat à durée déterminé, et ils abandonnent très vite.

Enfin, comme on l’a dit, faire un tel cadeau aux hôteliers et restaurateurs ne serait ni constructif ni productif en matière d’emploi, car ils n’ont pas tenu leurs engagements envers le Gouvernement. Ils semblent plus intéressés par la baisse à 5,5 % de la TVA que par les aides que vous leur proposez.

Je m’interroge également sur les contrats d’avenir. Alors que, en 2005, plus de 67 000 étaient aidés à 90 %, il n’y en aura plus que 58 300 en 2006. Or nous nous sommes rendu compte sur le terrain que les associations seraient mises en grande difficulté financière si elles n’étaient pas aidées à 90 %. S’il est bon de soutenir les ateliers et les chantiers d’insertion, cela ne suffit pas. Les collectivités et les autres associations sont en effet très réticentes à la signature de contrats d’avenir.

J’ai rencontré beaucoup de représentants d’associations dans mon quartier du Mirail durant ces derniers jours. Ils n’ont pas ressenti l’annonce de financements exceptionnels de manière positive. Ils veulent avant tout un bon projet, en fonction duquel ils demanderont éventuellement des subventions. Mais ils redoutent un émiettement, voire un éclatement des financements, souhaitant avant tout que les aides répondent réellement à un besoin des banlieues et des jeunes en difficulté.

Nous sommes tous d’accord pour dire que le contrat d’apprentissage peut amener un certain nombre de jeunes vers l’emploi. Encore faut-il savoir les orienter. Ainsi, trop de jeunes sont attirés par les filières de mécanique, alors qu’ils ne sont pas capables de les suivre, faute de bases suffisantes, de sorte qu’ils sont nombreux à réussir l’épreuve pratique, mais à échouer à l’épreuve théorique, ce qui les laisse démunis.

La grande difficulté est que beaucoup de jeunes s’orientent vers un contrat d’apprentissage, non parce qu’une voie leur plaît vraiment, mais du fait d’un manque de places, de tuteurs ou de maîtres d’apprentissage dans le domaine qui leur plaît vraiment, ce qui fait que, au terme de leur contrat, ils cherchent du travail dans une autre branche.

C’est pourquoi l’idée d’ouvrir l’accès au contrat d’apprentissage dès quatorze ans est une très mauvaise mesure. À cet âge, un jeune change encore. D’un moment à l’autre, il peut avoir des idées différentes sur le choix de sa profession. Il n’est pas vraiment mûr. En outre, si l’on veut éviter qu’il échoue à la partie théorique, il faut lui donner la possibilité de rester plus longtemps dans le milieu scolaire et faire le maximum pour qu’il rattrape son retard.

Quoi qu’il en soit, au moment où elle est intervenue, l’annonce que l’apprentissage sera accessible dès l’âge de quatorze ans a donné une image extrêmement négative de cette filière. Le Gouvernement avait l’air de dire que seuls les enfants des quartiers en difficulté se dirigeraient vers elle. La réaction de la CAPEB, la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment, a d’ailleurs été très négative, voire violente. En outre, faire croire aux jeunes qu’ils trouveront demain un maître d’apprentissage relève de la tromperie.

De nombreuses questions se posent également à propos des contrats d’accompagnement dans l’emploi. Seront-ils correctement financés ? Qui en bénéficiera ? La durée moyenne des conventions est de neuf mois. Une embauche interviendra-t-elle à la fin de ce délai ou y aura-t-il au contraire un turn over important ? De toute façon, il s’agit de contrats à temps partiel qui ne sont pas forcément satisfaisants, alors que les emplois-jeunes avaient aidé dans les quartiers l’action de la police et des services publics, notamment la poste et l’école. Bref, ils instauraient, entre la population et les institutions, un lien social important.

Un mot encore sur les contrats de professionnalisation. Le soutien à l’emploi des jeunes en entreprise est en chute libre puisque seules 50 000 nouvelles entrées dans le dispositif seront financées en 2006. À ces jeunes en difficulté, les contrats de professionnalisation peuvent offrir une nouvelle chance d’accéder à un CAP, à un BEP ou même à un bac professionnel. Il faut donc augmenter les crédits pour donner plus de chances à tous ces jeunes auxquels nous pensons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements en discussion ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Beaucoup de choses intéressantes ont été dites et, madame la députée, ces amendements contiennent des propositions positives qui mériteraient sans doute d’être étudiées et approfondies. Hélas, vous les gagez par la suppression du dispositif en faveur de l’hôtellerie et de la restauration, ce qui pose un réel problème, car je vous rappelle que nous avons pris l’engagement de le maintenir en attendant de remporter la bataille de la TVA.

M. Maxime Gremetz. Belle Arlésienne : on en parle beaucoup mais on ne la voit jamais !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. La commission n’a pas étudié ces amendements, mais elle ne peut décemment pas y être favorable, précisément en raison d’un tel gage. Néanmoins, monsieur le ministre, il serait intéressant que vous nous donniez une évaluation du dispositif en faveur de l’hôtellerie et de la restauration, puisque vous avez fait allusion tout à l’heure à ses résultats.

La commission des finances ne peut donc qu’émettre un avis défavorable à ces amendements, même si je reconnais, madame Mignon, qu’ils offrent des perspectives intéressantes. À titre personnel, je m’associe d’ailleurs à certains de vos propos.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En ce qui concerne l’hôtellerie, les cafés et la restauration, je n’ai ménagé ni mes propos ni ma peine pour que l’on aboutisse à un accord sur les salaires et l’amélioration des conditions d’emploi dans ce secteur. D’ailleurs, je garde l’espoir que les discussions qui vont être entamées dans les jours qui viennent nous permettront d’avancer.

Cela me rend d’autant plus libre de rappeler certaines dispositions qui sont dans l’esprit de l’accord du 13 juillet 2004. Celui-ci prévoyait la suppression du SMIC hôtelier, qui est aujourd’hui effective. L’octroi aux salariés de sept jours de congés supplémentaires est également devenu effectif. Enfin, c’est aussi le cas de la participation des employeurs au financement de la moitié de la cotisation à un régime de prévoyance représentant 0,8 % du salaire brut des salariés. Naturellement, je souhaite que ces mesures soient doublées de l’amélioration de la grille indiciaire au-delà des minima conventionnels. Je rejoins donc la préoccupation qui vient d’être exprimée.

M. Remiller évoquait tout à l’heure la création d’emplois. Pour le premier semestre de 2005, elle a augmenté de 1,40 %. Ayant eu l’occasion de visiter un CFA à Villepinte, il y a moins d’un mois, juste après la rentrée, j’ai pu constater que les CFA sont beaucoup plus remplis qu’ils ne l’étaient auparavant. Mais je crois que la profession doit encore faire un effort pour rendre les carrières plus attrayantes et améliorer leur déroulement. Voilà pour l’évaluation des résultats.

Mais, comme l’a rappelé le rapporteur, ces mesures ne sont en vigueur que pour un an, car les négociations sur le taux de TVA sont toujours en cours. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, où existent des dispositions comparables, nous avons pu constater qu’elles étaient créatrices d’emplois et permettaient de lutter contre le travail illégal.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est d’ailleurs vrai pour l’ensemble des secteurs.

Permettez-moi de dire encore quelques mots pour prolonger ces réflexions.

La journée de préparation à la défense peut aider à détecter les jeunes en difficulté, qui sont bien connus dans certains territoires, au sens large du terme, et qui ont besoin de davantage de cohésion sociale. Jean-Louis Borloo et Laurent Hénart s’étaient mobilisés à ce sujet dès 2004. Aujourd’hui, nous voyons enfin les EPID, créés par le ministère de la défense, monter en puissance.

La journée de préparation à la défense peut être elle-même un moment de détection. J’ai moi-même lu des évaluations effectuées à l’occasion d’une journée de préparation à laquelle j’avais assisté. Mais d’autres occasions existent, notamment au sein de l’éducation nationale. Il faut savoir cependant que la rupture scolaire est souvent plus importante qu’on ne le pense. En effet, ce n’est pas parce qu’un jeune se rend dans un établissement quelques jours dans l’année qu’il n’a pas rompu les liens avec celui-ci. Sur un tel sujet, on doit se dire la vérité.

Enfin, l’apprentissage junior ne remet pas en cause la grande voie de l’alternance, du CAP à bac + 5, qui doit permettre l’accomplissement et la réussite personnels et être un ascenseur social.

Que mettons-nous en priorité dans les contrats d’objectifs et de moyens ? M. Gremetz le sait bien : dans celui de la région Picardie notamment, nous avons inscrit des éléments culturels et linguistiques et d’ouverture sur les autres pays. La dimension d’enrichissement personnel est donc également présente et elle permet l’adaptation tout au long de la vie.

M. Maxime Gremetz. Pas à quatorze ans !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cela vaut mieux que de voir des dizaines de milliers de jeunes en rupture scolaire. Notre préoccupation est de favoriser ces passerelles et de travailler avec l’éducation nationale, car ces jeunes relèvent naturellement de sa responsabilité pendant la période d’obligation scolaire. Pour autant, ce n’est pas parce que cette obligation existe que nous devons considérer que notre devoir est accompli, car nous savons tous que des dizaines de milliers de jeunes sont déscolarisés.

Le Premier ministre veut répondre de manière courageuse et pragmatique à un problème qui se pose depuis des années mais que nous n’avons pas eu le courage d’aborder. Il est temps de le faire dans la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour répondre au Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je suis moi-même entré en apprentissage à quatorze ans, mais il y a quelque quarante années de cela. À l’époque, il n’y avait pas de passerelles vers le « bac pro » ou vers le BTS : c’était le CAP, point à la ligne. On s’est battu, notamment avec des recteurs d’académie, pour que cela change et on a obtenu ce passage de l’apprentissage vers une formation professionnelle supérieure.

Mais, en raison des progrès des connaissances, des mutations économiques et technologiques, il faut aujourd’hui, pour passer de l’apprentissage à un BTS ou à un « bac pro », des connaissances plus larges et une culture générale plus grande. Si on envoie des enfants de quatorze ans en apprentissage, on les flingue ! On les condamne à vivre dans les conditions les plus difficiles. Et il n’est pas vrai que, à quatorze ans, un enfant puisse faire ce choix et sacrifier ainsi toute sa vie. Tous les pédagogues et les sociologues vous le diront.

Vous avez de la suite dans les idées, monsieur le ministre, car vous avez fait passer un régime dérogatoire qui permet à certaines corporations, dont la liste sera établie par un décret en Conseil d’État, de faire travailler ces jeunes-là – des gamins ! – de nuit et le week-end. Est-ce l’avenir que vous préparez aux jeunes des couches populaires ? Ce n’est pas une ambition digne de la France. Vous remettez ainsi en cause, et ça me révulse, l’obligation scolaire et l’accès égal pour tous au savoir, à la connaissance, à l’éducation et à la formation. Nous mènerons donc un grand combat sur ces questions. Je suis pour l’apprentissage mais, en agissant de la sorte, vous le dévalorisez…

Je vois que mes propos font rire un commissaire du Gouvernement, qui a sans doute fait de hautes études. Or il s’agit d’un sujet grave.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Il n’est pas convenable de mettre en cause l’administration en séance publique !

M. Maxime Gremetz. L’administration doit écouter les députés et s’abstenir de ricaner lorsqu’on évoque un sujet aussi sérieux. C’est la moindre des politesses. Mes parents étaient ouvriers, mais ils m’ont au moins appris cela.

Compte tenu de ces éléments, je demande une suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Nous allons entendre M. Francis Vercamer, qui a demandé la parole pour répondre à la commission.

Monsieur Vercamer, vous avez la parole, pour une brève intervention.

M. Francis Vercamer. Je suis d’accord avec Mme Mignon sur certains points, notamment en ce qui concerne le financement des contrats aidés et de l’apprentissage. Néanmoins, l’inégalité qui existe entre la restauration rapide et la restauration classique, dont les taux de TVA sont respectivement de 5,5 % et de 18,6 %, est flagrante et le Gouvernement a voulu la corriger par une diminution des charges sur le travail. Or c’est exactement ce que l’UDF préconise depuis longtemps, à savoir un transfert du financement de la solidarité nationale vers d’autres dispositifs, tels que la TVA sociale par exemple, afin d’alléger le coût du travail pour l’ensemble des salariés et des employeurs.

Je souhaitais relever ce point car la mesure pourrait être appliquée à d’autres secteurs.

Le dispositif appliqué à la restauration me paraissant juste, je ne voterai pas les amendements du groupe socialiste.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les amendements nos 303, 304, 302 et 305.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés par l’amendement n° 321 rectifié.

(Les crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je vous ai demandé une suspension de séance !

M. le président. En effet, monsieur Gremetz, mais le président de votre groupe devait être un peu distrait, car la délégation que vous m’avez fait parvenir ne comporte pas le nom du délégataire. Je vous prie donc de la compléter.

Je vais maintenant appeler les articles 91 et 92 du projet de loi de finances, relatifs au travail et à l’emploi. (M. Maxime Gremetz proteste.)

Article 91

M. le président. L’article 91 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 91 est adopté.)

Article 92

M. le président. L’article 92 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 92 est adopté.)

Après l’article 92

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 36, portant article additionnel après l’article 92.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l’amendement n° 36.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement intéressant, qui a trait à un sujet dont nous avons beaucoup débattu, notamment en commission des finances.

À l’occasion de la restructuration des sites de l’entreprise Hewlett-Packard en Europe, le Premier ministre avait dit son souhait de voir les entreprises rembourser les aides publiques dont elles avaient bénéficié, en cas de délocalisation hors de l’Union européenne.

L’amendement de M. Meslot répond au souci de nombre d’entre nous dont les départements accueillent des entreprises qui, après avoir bénéficié d’aides publiques, sont délocalisées, puisqu’il prévoit de conditionner ces aides à un engagement de l’entreprise de rester sur le territoire national pendant au moins une durée de cinq ans.

Je vous invite donc, chers collègues, à adopter cet amendement mesuré.

M. Jacques Remiller. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Meslot, élu du Territoire de Belfort, s’est beaucoup impliqué dans le dossier Alstom. Cette entreprise vient d’ailleurs de recevoir deux commandes importantes d’un armateur italien qui nous permettent d’être optimistes. J’ajoute à ce propos que nous avons enregistré, au troisième trimestre, un taux de croissance de 0,7 % qui doit contribuer à la création d’emplois et au développement du secteur marchand.

La réponse aux délocalisations est triple.

Tout d’abord, nous avons mis en place les pôles de compétitivité.

Ensuite, le Président de la République a demandé à la Commission européenne d’envisager des réponses autres que curatives et a proposé la mise en place d’un fonds « anti-chocs » qui permettrait, grâce à la recherche et à l’innovation, d’aider les territoires en difficulté. L’évolution de grandes entreprises du secteur informatique ou numérique n’est pas un sujet uniquement national : elle concerne l’ensemble de l’Union européenne.

Enfin, en ce qui concerne les responsabilités des entreprises recevant des subventions publiques, le Premier ministre a saisi le Conseil d’orientation de l’emploi pour que soit fixé un code. Le Conseil nous remettra ses conclusions au mois de janvier, ce qui nous conduira certainement à revenir devant vous pour répondre à vos préoccupations. Dans cette attente, monsieur le rapporteur spécial, je souhaiterais que l’amendement soit retiré.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Compte tenu de l’engagement du ministre de revenir bientôt devant la représentation nationale avec de nouvelles propositions et sachant que la commission des finances n’a pas eu le temps de travailler plus avant sur le sujet, je retire bien volontiers l’amendement n° 36.

M. le président. L’amendement n° 36 étant retiré,…

M. Maxime Gremetz. Je le reprends ! Et j’ai demandé un scrutin public.

M. le président. …la demande de scrutin public du groupe des député-e-s communistes et républicains n’est pas retenue.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président…

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes pire que tout ! On bafoue le règlement ! C’est indigne !

M. le président. La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Enseignement scolaire (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie) ; article 80 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 16, de M. Jean-Yves Chamard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2569, tome 4, de M. Lionnel Luca, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Participations financières de l’État ; Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 42, de M. Michel Diefenbacher, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)