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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 14 novembre 2005

59e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Je rappelle que la discussion de ces crédits a eu lieu, à titre principal, en commission des finances élargie. Le compte rendu de cette réunion sera annexé à celui de la présente séance.

Cette mission va donc faire l’objet, en séance publique, d’un débat restreint auquel prendront part le Gouvernement, pour une brève intervention, et un orateur par groupe, pour une explication de vote de cinq minutes.

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme l’a dit le Premier ministre, en cette période de crise de nos quartiers, il nous faut penser à reconstruire. Dans cette reconstruction, priorité doit être donnée à l’éducation. Ayant présenté ce budget en commission élargie le 26 octobre, je vous en rappellerai simplement les grandes lignes.

À périmètre constant, l’enseignement scolaire voit son budget croître de 3,65 %, ce qui est significatif puisque cette hausse représente 1,9 milliard d’euros supplémentaires et porte le budget à 58,47 milliards d’euros. Cette mission est la plus importante de l’État ; voilà qui manifeste très clairement le caractère prioritaire de l’éducation dans la politique de la nation, aux côtés des missions de sécurité intérieure et extérieure.

En ce qui concerne les effectifs, les choses sont simples. L’évolution des effectifs d’enseignants répond à l’évolution démographique des populations d’élèves. Or nous connaissons une situation en forme de ciseaux : les effectifs dans le primaire augmenteront en 2006 de 49 900 élèves, tandis que les effectifs du secondaire doivent, selon les prévisions, diminuer de 42 800 élèves. En conséquence, nous allons créer 1 000 postes supplémentaires dans le primaire, qui permettront de maintenir un taux d’encadrement de 23 élèves par classe. Symétriquement, la baisse du nombre d’élèves dans le secondaire nous conduit à ne pas remplacer 1 383 professeurs partant à la retraite. Je précise qu’en toute logique, à taux d’encadrement égal, nous aurions pu porter ce nombre à 2 500.

Sur la question générale de l’encadrement des élèves, je souhaite appliquer un principe simple, que tout le monde comprendra : un professeur doit être en priorité devant des élèves. Or aussi bien le rapport de la Cour des comptes que l’excellent rapport de votre collègue Jean-Yves Chamard ont souligné qu’il y a encore de nombreux professeurs sans élèves. Nous avons là un potentiel inemployé ; je souhaite leur redonner la possibilité d’enseigner.

Les mesures pédagogiques résultent pour l’essentiel de la mise en œuvre de la loi d’orientation pour l’avenir de l’école. Elles poursuivent trois objectifs pédagogiques majeurs : renforcer le soutien aux élèves en difficulté, aider les élèves particulièrement méritants à poursuivre leurs études au lycée, améliorer la qualité de l’enseignement en langues vivantes.

Pour renforcer le soutien scolaire à l’école primaire, nous avons décidé de généraliser à la rentrée 2006 les programmes personnalisés de réussite éducative à tous les élèves en difficulté des classes de CP ou de CE1, au choix des conseils d’école. Ils seront aussi appliqués à tous les élèves redoublants. Au collège, les PPRE seront également étendus à tous les élèves en difficulté à l’entrée en sixième, ainsi qu’à tous les élèves redoublants. Par ailleurs, nous créerons 200 classes ou ateliers relais supplémentaires et 200 unités pédagogiques d’intégration complémentaires pour les élèves handicapés.

Pour aider les élèves méritants issus de familles modestes, nous allons augmenter le nombre de bourses au mérite et en valoriser le taux.

Enfin, pour améliorer l’apprentissage des langues vivantes, nous allons généraliser l’enseignement en petits groupes, bien plus efficace puisqu’il permet une pratique orale de la langue beaucoup plus intense. À partir de la rentrée 2006, toutes les terminales générales bénéficieront de ce type d’enseignement, qui sera aussi étendu aux terminales technologiques et professionnelles.

Outre ces mesures qui concernent directement l’égalité des chances et la qualité des enseignements, je veux évoquer un certain nombre de dispositions très importantes qui touchent à la vie des élèves et à celle des enseignants.

Pour améliorer l’encadrement des élèves au sein des établissements, le projet de loi de finances consolide la création des nouveaux contrats « emplois vie scolaire » – contrats d’avenir et contrats d'accompagnement dans l'emploi – créés lors de cette rentrée. Il est ainsi prévu de rémunérer en moyenne sur l’année 28 500 emplois de ce type en 2006 ; les 16 500 autres emplois vie scolaire correspondent à des tâches qui vont relever des collectivités territoriales. À ce jour, 18 000 emplois vie scolaire ont déjà été recrutés, en priorité pour l’aide aux directeurs d’école en milieu rural – les RPI – et pour l’aide aux équipes pédagogiques accueillant des élèves handicapés.

Par ailleurs, pour améliorer la prévention et le suivi de la santé des élèves, nous avons prévu, à la rentrée 2006, la création de 300 emplois d’infirmière, comme vous l’aviez vous-mêmes souhaité par un amendement au rapport annexé au projet de loi d’orientation.

Afin de garantir la continuité de l’enseignement, j’ai fait inscrire 51 millions d’euros pour payer les heures supplémentaires majorées des professeurs qui remplacent leurs collègues absents pour une courte durée.

Par mesure d’équité entre les enseignants du primaire, nous poursuivons la constitution du corps des professeurs des écoles ; 20 375 emplois d’instituteur seront ainsi transformés en emplois de professeur des écoles, avec toutes les prérogatives attachées à ce statut. À ce rythme, l’ensemble des instituteurs sera intégré au corps des professeurs des écoles d’ici à 2007.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, le budget 2006 marque très clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’éducation et à la formation des jeunes. La hausse de 3,65 % des crédits de l’enseignement scolaire manifeste d’autant plus fortement notre résolution que la situation budgétaire est celle que vous savez. C’est un effort exceptionnel, qui n’est pas séparable dans mon esprit d’un souci constant d’efficience dans l’utilisation des contributions publiques. Nous le faisons pour une raison simple : nous avons la conviction que la cohésion nationale et la prospérité économique trouvent leurs racines les plus profondes dans l’efficacité du système scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.

M. Yves Durand. Au fond de vous-même, monsieur le ministre, sans doute êtes-vous d’accord avec moi pour considérer que ce budget a quelque chose d’ubuesque – comme l’est également votre silence. On brûle des bâtiments scolaires – ce qui est profondément inadmissible et que nous condamnons tous – et vous ne dites rien.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous n’avez pas écouté !

M. Yves Durand. Des enseignants et des parents se mobilisent pour préserver leurs écoles du vandalisme, et vous ne leur adressez aucun véritable message. Le Premier ministre annonce le retour de l’apprentissage à 14 ans, et vous restez muet – on se demande même si vous avez été consulté. À ce sujet, je voudrais vous poser une question précise sur un point auquel le président de la République a fait allusion lors de son intervention en début de soirée. Que devient le socle commun de connaissances que doit acquérir tout jeune à 16 ans si, dès l’âge de 14 ans, on l’exclut du système scolaire « classique » pour le placer en apprentissage ? J’attends une réponse de votre part sur ce qui me paraît une contradiction.

Il y a d’un côté vos déclarations sur la pseudo-priorité donnée à l’école, et de l’autre les actes qui les contredisent ; ce budget nous en fournit la preuve. Sans être exhaustif, puisque nous en avons déjà débattu en commission, je donnerai quelques exemples de vos contradictions.

Alors que tout le monde – enseignants, parents, et la plupart des spécialistes – s’accorde à considérer que la scolarisation dès le plus jeune âge est un élément majeur de l’égalité des chances, dans toutes les académies, la scolarisation des jeunes enfants à partir de deux ans, parfois même de trois ans, est en recul massif. En outre, le fait d’accorder si peu de postes à l’enseignement élémentaire, malgré une hausse importante des effectifs attendus dans l’enseignement préélémentaire et élémentaire – près de 50 000 élèves supplémentaires –, va à l’évidence entraîner une nouvelle détérioration de l’école maternelle. Comment, dans ces conditions, prétendre donner la priorité à l’école ? En réalité, vous continuez, avec votre budget, à compromettre cette égalité des chances que vous sacrifiez déjà depuis des années.

Nous estimons que le dispositif des ZEP constitue l’élément essentiel d’une véritable individualisation des parcours scolaires et des parcours pédagogiques, et nous sommes fiers de leur création par Alain Savary en 1982. Or, si vous avez annoncé la réunion de je ne sais quels états généraux sur les ZEP, il n’y a rien dans votre budget qui permette à ce dispositif d’être réellement efficace, de reprendre en main et de relancer l’éducation prioritaire, dont les événements que nous connaissons aujourd’hui rappellent pourtant l’importance.

De la même manière, vous avez complètement annihilé tout ce qui a trait à la formation des enseignants, notamment dans les quartiers les plus difficiles. En raclant les fonds de tiroir pour bâtir votre budget, vous n’hésitez pas à vider ce qui ne constitue pour vous qu’une ligne budgétaire.

Que dire, encore, de l’aide aux associations ? Alors que le Premier ministre reconnaît lui-même que la réduction de ces crédits a été une erreur, vous proposez la suppression de 800 mises à disposition auprès des associations, sans tenir compte du rôle fondamental que jouent celles-ci dans la vie des quartiers difficiles en assurant, dans le cadre de l’accueil périscolaire, l’encadrement après l’école des élèves les plus en difficulté.

M. le président. Vous arrivez au terme de votre temps de parole, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Je vais conclure, monsieur le président, mais je regrette, a fortiori dans les circonstances actuelles, qu’on ne consacre pas à l’école le véritable débat qu’elle aurait mérité.

Comment établir avec les enseignants et les parents un véritable contrat éducatif à long terme, quand vous refusez, monsieur le ministre, toute programmation en matière de recrutement et de formation des maîtres ? Bien qu’il ait voulu nous faire prendre la loi sur l’école pour une loi de programmation, votre prédécesseur avait dû avouer qu’il ne disposait pas d’un euro pour cette programmation.

En fait, vous n’avez qu’une vision comptable de l’éducation. Votre politique est sans souffle, sans ambition, parce qu’elle est sans moyens et, au fond, sans réelle volonté. À ces enseignants et ces parents qui passent leurs nuits à tenter de protéger les salles de classe de destructions inadmissibles, vous ne répondez que par un rapport de la Cour des comptes dont le seul objectif est de justifier votre politique de suppression de postes !

Vous avez, en commission, refusé nos amendements, qui vous auraient pourtant permis de montrer votre souci de remettre l'école au centre de la cité, comme on vous le demande en ce moment. Ce refus sera lourd de conséquences, monsieur le ministre.

Par son vote, le groupe socialiste non seulement rejette votre budget, mais condamne toute votre politique qui hypothèque gravement l’avenir de notre pays.

Mme Hélène Mignon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe UDF.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on étudie le budget de l’éducation nationale, ou plutôt de la mission « Enseignement scolaire », deux principes doivent guider notre vote : l’avenir de nos enfants et l’utilisation la plus raisonnable de l’argent public. À nous, parlementaires, de fournir aux enseignants les moyens de leur mission, fondamentale, qui donne tout son sens à notre République : assurer à tous les mêmes chances de s’élever dans l’échelle sociale par leur mérite, quels que soient leur naissance, leur fortune, leur religion, leur couleur de peau ou leur handicap.

Sur la question des moyens, notre position est claire : si l’on veut atteindre l’objectif de la réussite scolaire, il faut attribuer les moyens correspondants. Mais il n’est plus question de s’inscrire dans une perspective d’augmentation constante des crédits, d’autant que l’efficacité du système n’est pas conditionnée par le pourcentage de hausse du budget.

Il n'est pas honnête de vouloir réduire les dépenses de personnel d'un ministère, certes important, et de protester à la rentrée suivante contre les fermetures de classes. Aujourd’hui, la seule question qui vaille est de déterminer quels objectifs nous nous donnons et quels moyens sont nécessaires pour les atteindre.

Puisque l'essentiel de l'analyse de ce budget a été effectué en commission des finances élargie, je n'évoquerai ici que quelques points.

D'abord, la diminution des effectifs d'enseignants, moindre que les années précédentes, permettra de maintenir la présence d'adultes dans les établissements et de mettre en œuvre les programmes personnalisés de réussite éducative, mais aussi — et c'est fondamental — d’assurer l'accueil des élèves handicapés. C'est une bonne chose que ce potentiel de postes soit mis à profit pour les élèves qui en ont le plus besoin.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé votre intention de tenir compte du rapport de la Cour des comptes qui, en janvier dernier, soulignait que de nombreux professeurs ne sont toujours pas devant des élèves. À l'UDF, nous soutiendrons toute initiative permettant de redonner la possibilité d'enseigner à ces enseignants qui – c'est leur vocation – souhaitent reprendre le chemin des établissements scolaires.

S’agissant des mesures nouvelles contenues dans ce budget, j'évoquerai la généralisation des programmes personnalisés de réussite éducative à tous les élèves en difficulté des classes de CP, de CE1 et de 6e, ainsi qu’à tous les élèves redoublants ; la création de 200 unités pédagogiques d’intégration qui entrent dans le cadre des 1 000 UPI prévues pour cinq ans par M. Ferry ; la généralisation de l'enseignement des langues vivantes en petits groupes dans les terminales générales, puis son extension aux terminales technologiques et professionnelles ; enfin, le nouveau dispositif de remplacement de courte durée des enseignants, qui répond à une demande très forte des parents d’élèves et dont l’enseignement public a bien besoin aujourd’hui.

Un autre sujet nous tient à cœur, à l'UDF : la retraite des enseignants des établissements privés. Lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Yves Censi, nous nous étions battus pour obtenir une réelle parité, mais le Gouvernement n'a pas voulu nous entendre. À nouveau, nous demandons que l'État prenne en compte les attentes des 140 000 enseignants de l'enseignement privé sous contrat, qui sont recrutés et rémunérés par l'État, et donc soumis aux mêmes obligations que dans l'enseignement public, mais dont les pensions de retraite restent inférieures de 25 à 40 % à celles de leurs collègues du public.

L’amendement que j’ai déposé avec Pierre-Christophe Baguet prévoit ainsi une accélération de la montée en charge du rattrapage : une augmentation de 7 %, et non pas de 5 %, dès cette année, puis de 1 % tous les cinq ans, c'est-à-dire que nous atteindrions une hausse de 10 % dès 2020 au lieu de 2030. Cet amendement a été voté par la commission des affaires culturelles et par celle des finances et a été soutenu par le Gouvernement. Il s'agit en effet d'une mesure d'équité et de bon sens.

Enfin, je voudrais affirmer avec force l’opposition du groupe UDF à l'amendement voté en commission des finances visant à réduire de 80 millions d’euros le budget de l'éducation nationale. Au moment où l'actualité révèle les difficultés de nos banlieues, où il apparaît à quel point l'éducation nationale a un rôle éminent à jouer pour favoriser l'insertion sociale de nos jeunes, ce n'est pas le moment de baisser les moyens de l'école. Ce serait envoyer un mauvais signal à ces Français qui se sentent délaissés par l'État.

Nous attendons que ce budget permette à l'éducation nationale de progresser dans plusieurs domaines. Nous souhaitons notamment qu’il favorise le développement de l'enseignement technique et professionnel, et qu’il améliore le niveau des élèves en langues vivantes.

Nous vous appelons également à ouvrir des pistes de réflexion sur les points suivants : le statut des directeurs d'école ; la politique de santé à l'école avec la présence d'un nombre suffisant de médecins ; la double carrière des enseignants pour encourager leur mobilité professionnelle ; l’amélioration de l'information des élèves sur les débouchés professionnels et donc l’amélioration de l'orientation ; les ZEP, enfin, en vue de recentrer les moyens sur les établissements qui en ont le plus besoin : les récents événements nous montrent que c’est indispensable.

Ce budget va dans le bon sens. Nous attendons qu’avec les nouvelles dispositions de la LOLF, 2006 voie une amélioration des performances de notre système scolaire, dans un esprit de concertation avec l'ensemble du corps enseignant et du personnel de l'éducation nationale. Ainsi pourrons-nous, conformément aux attentes des familles, donner à tous les élèves les chances de réussir leur parcours scolaire, de réaliser leur épanouissement personnel et de trouver un métier. Le groupe UDF votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Pierre-Christophe Baguet et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, il y a quelques jours à peine, en commission élargie, vous avez répondu par une fin de non-recevoir aux propositions du groupe communiste tendant à accroître les moyens et les effectifs pour faire face à l’urgence. L'explosion sociale dans les quartiers a cependant conduit le Premier ministre à annoncer en catastrophe l’augmentation du nombre d’assistants pédagogiques dans les collèges. Dès janvier 2006, 5 000 postes d'assistants pédagogiques seraient ainsi créés pour les 1 200 collèges des quartiers sensibles et le nombre d'équipes de réussite éducative prévues par le plan de cohésion sociale serait doublé. Comment allez-vous financer ces mesures ?

Le déficit accumulé en trois ans de 30 000 personnels d'encadrement éducatif reste pourtant scandaleusement intact. Les nouveaux emplois « vie scolaire » qui doivent aussi remplacer les 60 000 contrats emplois solidarité disparus ou appelés à disparaître ne permettront pas de résorber sensiblement ce déficit, ni en termes d'effectifs ni en termes de qualification.

Depuis la rentrée 2003, 18 000 postes d’enseignants ont été supprimés dans le second degré et l'on peut s'attendre à seulement 1 200 postes ouverts aux concours externes au printemps 2006, soit un déficit de plus de 6 000 postes par rapport aux besoins.

La question des enseignants précaires demeure toujours préoccupante. Sous couvert de « déprécarisation » vous mettez au chômage des milliers de précaires sans aucune possibilité de reclassement ou de titularisation.

Le démantèlement de notre système éducatif peut aussi s'opérer de façon insidieuse. Prenons la situation économique des associations adhérentes à la Fédération des pupilles de l'enseignement public. Porteuses d'une mission pédagogique et éducative, elles mobilisent 17 000 salariés et des centaines de milliers d'usagers, au profit de jeunes en difficulté présentant des besoins particuliers. En 2003, la subvention ministérielle a été réduite de 10 %. En 2006, elle sera à nouveau réduite de 7 %. Dans ces conditions, il ne sera plus possible d'assurer la pérennité et le développement d'un réseau associatif qui participe étroitement à la mission du service public d'éducation et de cohésion sociale.

Quant à l’Office central de la coopération à l’école, après les coupes sombres opérées en 2005, vous prévoyez pour l’année prochaine la suppression de 800 emplois d’enseignants mis à disposition dont l’apport ne saurait être compensé par une subvention. Et je ne parlerai pas ici de la pratique consistant à geler les crédits de fonctionnement qui ont mis à mal tout le tissu associatif d’éducation populaire.

En revanche, dès qu'il s'agit de favoriser l'enseignement privé aux dépens du public, des moyens tout aussi insidieux sont à l'œuvre. Ainsi, les conséquences du projet de décret portant application à l'enseignement privé de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales restent d'actualité.

L'examen de ce budget de l'enseignement scolaire en commission élargie est un affront supplémentaire, non seulement à la communauté éducative, mais aussi à l'ensemble de notre jeunesse.

Mais ce n'est pas tout : le Premier ministre a annoncé l'abaissement à 14 ans de l'entrée en apprentissage en affirmant qu'il s'agit là d'une nouvelle chance pour des jeunes qui vont d'échec en échec. Pourtant, le 8 novembre 2007, vous allez installer le Haut conseil de l'éducation, qui a pour tâche prioritaire de vous faire des propositions sur la définition d'un socle commun de connaissances et de compétences relevant de l'ensemble de la scolarité obligatoire et destiné à tous les élèves jusqu'à l'issue de leur scolarité au collège. Belle contradiction !

Aujourd'hui, 68 % des élèves orientés en troisième vers un parcours professionnel sont issus des milieux les plus populaires. La proposition de votre gouvernement, qui va à contresens de l'aspiration à plus d'égalité entre tous les élèves, va encore accroître le fossé en créant des formations courtes au rabais. Elle entérine les différences sociales et renonce à la lutte contre l'échec scolaire. Elle fait de l'école un centre de tri plutôt qu'un lieu d'éducation, d'accès à la culture et d'épanouissement pour tous. En autorisant le travail des enfants en entreprise à 14 ans, le Gouvernement légitime un recul de société d'une importance considérable.

Nous vous demandons solennellement le retrait de cette proposition et le déblocage dans le budget pour 2006 de moyens massifs pour l'école, notamment dans les collèges, où se joue le devenir de beaucoup de jeunes. Il faut prévoir le recrutement d'adultes qualifiés : enseignants, éducateurs, psychologues et assistants sociaux. Compte tenu de l'état d'urgence sociale, c'est toutes les priorités de votre budget 2006 qu'il faut changer. Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce projet de budget.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le ministre, à votre arrivée au ministère, vous avez placé votre action sous le signe de la confiance et du dialogue. Nous savons bien que cela est essentiel pour faire fonctionner ce service public si important, qui présente des forces mais aussi nombre de faiblesses.

Ce budget a deux objectifs : l’avenir des enfants et l’utilisation la plus efficace de l’argent public. Il garantit par conséquent l’application de la loi d’orientation qui permettra de mettre progressivement en œuvre les priorités que nous avons définies à travers le socle de compétences et les mesures portant sur l’apprentissage des langues. Déjà, une vingtaine de décrets et d’arrêtés ont pu être pris.

Il se dégage de ce budget deux priorités que le groupe UMP soutient, naturellement : l’égalité des chances, pilier de l’école républicaine,…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Bernard Perrut. …et l’insertion professionnelle des jeunes.

Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, pour améliorer les chances de réussite des élèves et les performances du système éducatif. Mais ces dernières ne dépendent pas du seul budget et l’efficacité du système n’est pas fonction du pourcentage d’augmentation des moyens.

Cette mission, la plus importante de l’État, avec 58,47 milliards d’euros, a toujours vu ses moyens progresser. Mais il n’est pas possible de s’inscrire dans une perspective d’augmentation constante des crédits alors que la totalité des recettes de l’impôt sur le revenu ne suffit pas à financer le seul budget de l’enseignement scolaire.

En tout cas, le présent budget est marqué par le pragmatisme et son orientation vers l’avenir. Des postes sont créés là où ils sont nécessaires. Dans le primaire, par exemple, parce que le nombre d’élèves y est plus important. Mais il convient aussi de s’adapter à la baisse des effectifs du secondaire, où un certain nombre de professeurs partant à la retraite ne seront pas remplacés.

Je soulignerai deux mesures particulières : la création d’emplois d’infirmière, et l’augmentation du nombre de bourses au mérite et leur revalorisation, point très important pour les enfants et leurs familles. Je veux également insister sur ces 51 millions d’euros affectés aux remplacements d’enseignants et qui permettront d’assurer la continuité du service public, en l’occurrence l’accueil de nos enfants. C’est un principe auquel nous sommes très attachés au groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. C’est essentiel !

M. Bernard Perrut. Bien évidemment, les enfants et les adolescents sont au cœur de notre débat. En cette période, nous sommes particulièrement sensibilisés à la place qu’ils doivent occuper. Comme le disait si bien Victor Hugo, « tout enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne ».

M. Yves Durand. Pauvre Victor Hugo !

M. Bernard Perrut. On mesure particulièrement la signification de cette phrase en ces temps quelque peu troublés.

La réussite scolaire doit être notre objectif principal car, malgré tous les moyens déployés, le système scolaire reste souvent à plusieurs vitesses : 100 000 jeunes en sortent chaque année sans diplôme et 80 000 collégiens ne savent pas très bien lire, écrire et compter. Or les difficultés rencontrées par un jeune se reportent sur toute la famille, à travers le regard des parents qui change, le soupçon de déficience intellectuelle. La souffrance psychique, voire la dépression des jeunes est bien réelle.

C’est pourquoi nous sommes très attachés à la mise en place des programmes personnels de réussite éducative qui vont d’ailleurs pouvoir être complétés par les programmes de réussite éducative prévus par M. Borloo, dans le cadre de la loi de cohésion sociale. On pourra ainsi s’occuper des enfants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école. Comme je l’ai fait observer en commission, il faut d’ailleurs un lien entre ces deux politiques.

S’agissant toujours de la stratégie de réussite éducative, car c’est bien de stratégie qu’il s’agit, nous sommes très attachés à la découverte professionnelle au collège, qui permettra, à travers la nouvelle classe de troisième, d’offrir aux élèves une formation identique mais aussi adaptée à leur diversité.

Pour valoriser l’enseignement professionnel, il faut parler des métiers. Et là, monsieur le ministre, vous proposez le processus de labellisation des lycées. Il doit être encouragé comme doit l’être l’apprentissage, avec l’objectif d’accroître les effectifs de 50 % d’ici à 2006. Cela est essentiel, et je vous rends grâce de faire en sorte que l’éducation nationale s’investisse en faveur de l’apprentissage à travers la création d’UFA et l’implication des enseignants. Ceux-ci doivent comprendre que le monde de l’entreprise est là pour accueillir les jeunes.

Je voudrais également souligner combien nous apprécions la création de 45 000 contrats « emploi vie scolaire » et de 1 500 emplois d’assistant pédagogique, ce qui représente une avancée essentielle, ainsi que l’obligation de scolarisation des enfants et adolescents handicapés. Ceux-ci sont accueillis dans des structures spécialisées comme les CLIS et les UPI, lesquelles feront l’objet d’un effort particulier d’ici à 2010.

La présence d’auxiliaires de vie scolaire y est en effet indispensable. Si la nature contractuelle de leur emploi est de nature à nous satisfaire, dans la mesure où elle permet un renouvellement des candidatures et stimule une certaine forme de militantisme – j’allais dire la foi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car la vocation et les compétences sont essentielles pour exercer ce métier – il faut privilégier leur formation, monsieur le ministre.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Bernard Perrut. Des moyens ont certes été prévus, mais ils restent inégaux et sont insuffisants dans certaines académies. On voit même des organismes privés offrir aux candidats des formations payantes ! C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe UMP, j’insiste auprès de vous pour que soit proposée à ces personnels une formation sérieuse et adaptée…

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Bernard Perrut. …leur permettant notamment de passer les concours administratifs de l’éducation nationale ou d’accéder aux filières sanitaires et sociales. Je sais que le président Bernard Accoyer y est particulièrement attaché.

M. François Liberti. Si M. Accoyer y est attaché…

M. Bernard Perrut. Malgré tous les efforts déjà consentis, monsieur le ministre, nous constatons sur le terrain que la prise en charge de nos enfants est encore trop limitée et nous souhaitons que des efforts particuliers soient faits en ce sens. C’est pourquoi nous allons vous présenter un amendement visant à consacrer des moyens supplémentaires à la formation des personnes dont la fonction est d’accueillir et de guider les jeunes dans les établissements scolaires.

M. Guy Geoffroy. C’est essentiel !

M. Bernard Perrut. Je terminerai mon propos en évoquant l’enseignement agricole, car la grande mission de l’éducation concerne toutes les formes d’enseignement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et en insistant sur les préoccupations des maisons familiales rurales.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Bernard Perrut. Si celles-ci connaissent certaines difficultés, c’est que l’État, il faut le dire, ne respecte pas totalement ses engagements !

M. François Liberti. L’État est impardonnable, et il n’y a pas que dans ce domaine-là !

M. Bernard Perrut. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous vous proposerons un autre amendement tendant à obliger l’État à respecter l’accord conclu avec l’ensemble des maisons familiales rurales, qui accomplissent sur le terrain un travail admirable en proposant aux jeunes des formations en alternance.

M. Guy Geoffroy. Excellente remarque !

M. Bernard Perrut. Nous espérons que les décisions que nous allons prendre en adoptant ces amendements amélioreront les conditions d’accueil des jeunes et favoriseront leur réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de répondre aux différents orateurs. Ma réponse sera brève mais, je l’espère, suffisamment précise.

Oui, monsieur Durand, j’ai un message pour les parents et pour les professeurs et je rejoins ainsi M. Lachaud et M. Perrut : c’est que l’éducation nationale est le moteur de l’égalité des chances, le moteur de la réussite des jeunes, le moteur de la réussite de notre pays.

M. Yves Durand. Si vous le croyez, montrez-le !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous vous inquiétez pour l’apprentissage des juniors ? L’apprentissage que nous proposons aux jeunes – j’emploie à dessein le mot « proposer », car il s’agit bien d’une démarche volontaire – comprendra naturellement l’acquisition du socle de connaissances. Comment la République pourrait-elle accepter de voir des jeunes quitter l’école ou achever leur apprentissage sans avoir acquis ce socle commun, ce minimum sans lequel ils ne pourraient se débrouiller dans la vie active ? Cet apprentissage sera encadré et chaque apprenti junior aura un collège de référence. Il n’est pas question d’abaisser l’âge de la scolarité obligatoire. Des passerelles seront mises en place et la réversibilité sera possible à tout moment. Un jeune pourra revenir de l’apprentissage au collège.

Nous avons réfléchi à tous ces aspects, et je m’en suis expliqué dans les médias et dans des articles de journaux. Mais il semble, monsieur Durand, que vous ne m’ayez pas entendu, pas plus que le Premier ministre, avant votre intervention à la tribune !

Vous prétendez que rien n’est fait pour les ZEP. Je vous invite à étudier le budget de plus près : les PPRE sont destinés en priorité aux ZEP, comme la découverte professionnelle et le projet de dédoublement des cours de langue vivante, notamment en classe de terminale.

M. Yves Durand. Cela n’a rien à voir ! Nous n’avons pas la même conception des ZEP !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Notre politique offrira aux enfants la possibilité de réussir : c’est notre premier objectif.

Je veux également vous rassurer en ce qui concerne l’encadrement. Je l’ai indiqué à la tribune, le taux d’encadrement sera le même qu’auparavant : le rapport entre les départs et les arrivées, sur le plan démographique, ne sera pas modifié.

Je vous remercie, monsieur Lachaud, pour votre analyse à la fois perspicace, pragmatique et objective, et pour avoir souligné les efforts accomplis par l’éducation nationale, notamment lors de la dernière rentrée, en faveur des enfants handicapés.

Comme vous, je suis très attaché au remplacement des professeurs absents pour de courtes durées, surtout s’il s’agit d’une absence prévisible.

Je sais que, comme MM. Baguet et Luca, vous êtes sensible au problème que pose la retraite des enseignants du privé. Pour ma part, je suis très ouvert à la discussion pour que nous puissions trouver ensemble une solution permettant la meilleure équité possible.

Vous avez raison, monsieur Lachaud, nous devons travailler à l’avenir des ZEP, cette belle construction née il y a un quart de siècle. Année après année, nous devons consolider la grande idée que représentent les ZEP et leur donner des moyens spécifiques pour compenser les lacunes et les faiblesses que l’on constate dans certains quartiers où les difficultés s’accroissent. En janvier 2006, je dois remettre au Premier ministre des propositions à ce sujet.

Je vous remercie du vote positif du groupe UDF. Vous avez eu raison de le souligner, la gestion doit être raisonnable. J’ai d’ores et déjà demandé aux recteurs d’améliorer le taux des professeurs qui travaillent devant les élèves, ce qui nous aidera à répondre aux innovations pédagogiques que vous avez citées.

M. Guy Geoffroy. C’est essentiel !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie enfin d’avoir placé votre intervention sous le signe de l’épanouissement personnel des élèves, dont dépend leur épanouissement professionnel et leur réussite future.

Monsieur Liberti, la dernière rentrée s’étant déroulée de façon très correcte, vous devriez vous montrer moins agressif à l’égard du ministère que j’ai l’honneur de diriger.

M. François Liberti. Je n’étais pas agressif, mais passionné !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les enseignants savent faire beaucoup de choses, et plus on leur demande, plus on a l’occasion de le mesurer. Je vous ai parlé de la rentrée pour les élèves handicapés, mais j’aurais pu vous parler aussi de l’évolution de l’enseignement des langues, qui privilégie de plus en plus le mode oral, des PPRE et de bien d’autres innovations encore, que les communautés éducatives ont remarquablement assumées, j’en suis témoin, au sein de chaque établissement.

En ce qui concerne les associations, je réfute votre assertion selon laquelle nous allons supprimer 800 emplois. Monsieur Liberti, c’est par respect pour le Parlement que je préfère la formule claire du détachement à celle de la mise à disposition,…

M. Yves Durand. Mais qui paiera les détachements ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …sachant que l’État continuera d’assumer sa charge. Savez-vous que les subventions aux huit principales associations, auxquelles nous sommes particulièrement attachés parce qu’elles font un travail remarquable, représentent 24,5 millions d’euros ? Nous préférons financer ces associations afin qu’elles puissent rémunérer les professeurs détachés plutôt que de faire figurer dans le tableau des emplois du ministère de l’éducation nationale des effectifs qui sont affectés ailleurs. Ce souci de clarification, je crois, honore le Parlement ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous le confirme, monsieur Liberti, le Haut conseil de l’éducation est chargé de définir le contenu du socle commun, lequel, je vous le confirme également, s’appliquera aux apprentis juniors.

Vous m’avez interrogé sur la situation dans les quartiers sensibles. Un amendement visant à traduire sur le plan financier les annonces du Premier ministre répondra peut-être à votre préoccupation. Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que vous annoncez, le nombre d’emplois précaires dans l’enseignement a diminué puisqu’il est passé de 30 000 en 2001 à 17 000 en 2004. Vous dénoncez sans cesse les emplois précaires : ils sont aujourd’hui en diminution. Vous devriez saluer cette avancée !

M. François Liberti. Ils ont été licenciés !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Oui, monsieur Perrut, la réussite scolaire des jeunes est notre objectif. Vous l’avez souligné, la République a le devoir de faire les plus grands efforts pour les enfants en difficulté et les familles désemparées. Nous proposons de mettre en place les programmes personnalisés de réussite éducative afin d’aider ces élèves. Dès que leurs difficultés sont détectées, ils doivent être soutenus pour ne pas « décrocher ». Ce soutien supplémentaire, semaine après semaine, leur permettra de poursuivre le cursus scolaire dans des conditions normales.

Vous avez raison de le souligner : l’école doit s’ouvrir sur le monde de l’entreprise. Si elle doit permettre aux jeunes de s’épanouir, elle doit également les aider à réussir leur vie professionnelle. Je suis très frappé de voir à quel point, l’éducation nationale s’ouvre sur l’entreprise. Je trouve formidables les rapprochements qui s’opèrent entre ces deux mondes, par exemple les trois heures de découverte professionnelle. Dans les quelques collèges où je me suis rendu, j’ai vu des chefs d’entreprise, des artisans, des contremaîtres, des représentants de professions libérales, se présenter devant les classes de troisième, faisant découvrir à plusieurs dizaines d’élèves la vie professionnelle. Les tabous qui existaient entre les exigences du « grand capital », comme disaient certains, et la fonction noble de l’enseignement ont disparu. Nous voyons maintenant deux partenaires qui défendent une seule et même cause : l’épanouissement des jeunes. Il faut souligner cette évolution remarquable du monde de l’enseignement, qui n’était pas encore « gagnée » il y a quelques années. Saluons cette ouverture !

Vous avez parlé des lycées des métiers. Nous procédons en effet à la labellisation de certains lycées professionnels, dont nous avons pu apprécier la qualité. Ce label valorise l’établissement et par conséquent les élèves qui en sont issus.

Ce budget, monsieur Perrut, va dans le sens de l’égalité des chances. Là encore, nous faisons preuve de beaucoup de pragmatisme : les enseignants sont naturellement affectés dans les zones où le nombre d’élèves le justifie. Nous faisons de gros efforts pour trouver des enseignants qui ne travaillaient plus, et en étaient certainement malheureux, et nous leur donnons des élèves.

Vous avez évoqué la continuité du service public, à laquelle tout le monde est attaché. Les professeurs, lorsque nous les interrogeons, en conviennent : il n’est pas normal que des élèves se retrouvent sans professeur quand l’absence était prévisible. Dans ce cas, pourquoi ne pas remplacer ce professeur par un de ses collègues, sur la base d’un accord conclu au début de l’année scolaire ? Chaque jour, un grand nombre d’établissements adoptent un protocole organisant les remplacements. Certains voudraient s’y opposer, mais ils n’y parviennent pas, car les professeurs sont volontaires pour remplacer leurs collègues, trouvant normal de ne pas laisser des élèves privés d’enseignement.

M. Daniel Paul. C’est beau !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd’hui, 25 à 30 % des établissements ont adopté des protocoles de remplacement. Je me trouvais tout à l’heure dans un lycée, où ce protocole est en cours d’élaboration.

M. Yves Durand. Tout va bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tout mot d’ordre, toute consigne destinée à bloquer des protocoles conduirait à l’inverse de ce que souhaitent les partenaires sociaux, c’est-à-dire le volontariat. Faute de volontariat, c’est le chef d’établissement qui désignerait les professeurs devant effectuer les remplacements. Il serait dommage d’en arriver là et j’invite chacun de nos établissements à faire des efforts encore plus grands. Il leur reste quelques semaines avant le 31 décembre pour finaliser ces protocoles.

M. Daniel Paul. C’est une belle histoire que vous racontez là !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est celle de l’éducation nationale : une belle histoire, en effet !

Mme Marie-Jo Zimmermann. La plus belle !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’en viens, monsieur Perrut, aux emplois « vie scolaire ». Vous souhaitez, au nom du groupe UMP, qu’une partie de leurs titulaires soit formée à l’accueil des enfants handicapés : vous avez parfaitement raison. Aujourd’hui, ce sont les auxiliaires de vie scolaire qui accueillent les handicapés : les EVS, pour un grand nombre d’entre eux, auront la même mission. La dernière rentrée s’est déroulée dans de très bonnes conditions, en dépit des nouvelles contraintes résultant de l’obligation créée par la loi de février 2005. Je suis persuadé, au vu de la mobilisation que nous avons constatée lors de cette rentrée, que les EVS amélioreront encore la qualité de l’accueil. C’est ce que nous souhaitons tous, et si le Premier ministre m’a permis d’annoncer la création de 45 000 emplois « vie scolaire », c’est aussi pour accueillir les handicapés.

Nous serons également très attentifs – j’aurai l’occasion d’y revenir – au devenir des maisons familiales et rurales, qui rendent un service fantastique à notre pays en aménageant le territoire. Je salue la qualité de leur enseignement, que personne ne peut nier. Les maisons familiales et rurales ont besoin de moyens : nous allons les leur donner !

Enfin, monsieur Perrut, je tiens à vous remercier du vote du groupe UMP en faveur de ce budget, qui est un bon budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de passer à la discussion des crédits, je vais suspendre la séance quelques minutes pour permettre au Gouvernement de mettre au point ses derniers amendements.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mission « Enseignement scolaire »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 100, présenté par la commission des finances.

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. En vertu de quel article, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Oh, monsieur le président, sous forme de rappel au règlement, c’est en fait une question que je voudrais poser aux auteurs de cet amendement que je ne comprends pas très bien. Ils demandent la suppression de 80 millions d’euros de crédits. Mais, par ailleurs, leur amendement n° 444 tend à en supprimer 40 millions. Souhaitent-ils que ces sommes s’additionnent ce qui aboutirait à une suppression de 120 millions ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Ne faites pas semblant !

M. Yves Durand. Excusez-moi, mais ce n’est pas rien !

Ou bien l’amendement n° 444 est-il de repli au cas où, par bonheur, l’amendement n° 100 serait repoussé par notre assemblée ?

M. le président. Je suppose, monsieur Durand, que les auteurs de ces amendements vont nous expliquer s’ils se cumulent ou si l’un se substitue à l’autre.

M. Yves Durand. Je l’espère !

M. le président. Et vous aurez vous aussi l’occasion d’intervenir dans le cadre de cette discussion.

M. Yves Durand. Je n’y manquerai pas, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’enseignement scolaire.

Préférez-vous, monsieur Chamard, présenter en même temps l’amendement n° 100 et l’amendement n° 444, ou bien les dissocier ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour l’enseignement scolaire. Je les présenterai bien entendu ensemble, et je rappelle d’ailleurs à M. Durand que, par la simple application de notre règlement, l’adoption d’un amendement diminuant les crédits de 80 millions d’euros ferait tomber tous ceux qui tendent à une diminution de valeur inférieure, lorsqu’ils ont un objet identique. Il n’y a pas d’ambiguïté, c’est la règle et elle ne peut qu’être strictement respectée en séance.

M. Yves Durand. Il vaut mieux le dire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je voudrais maintenant revenir sur le travail de la commission des finances, dans sa globalité. Son président, ici présent, pourra compléter mes propos.

Notre pays connaît un déficit important,…

M. Yves Durand. C’est reparti !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. …trop important, et il est absolument nécessaire de maîtriser la dépense publique.

Je rappelle que trois grands pays en Europe ont des finances détériorées : la France, l’Allemagne et l’Italie. Il y a quarante-huit heures, l’Allemagne, grâce à un accord des grands partis politiques qui forment la coalition que vous savez, vient de décider des mesures drastiques : durée hebdomadaire de travail des fonctionnaires relevée à 41 heures ; âge de départ à la retraite reporté à soixante-sept ans ; taux de TVA augmenté de trois points. Excusez du peu ! C’est dire que, demain, l’Allemagne ne sera plus l’un des mauvais élèves de l’Europe en matière de politique budgétaire.

M. François Liberti. Quel courage social !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. En Italie, des élections vont avoir lieu, et au moins un des candidats, Romano Prodi, promet des réformes structurelles, encore et toujours des réformes structurelles.

Dans le même temps, la France voit son déficit budgétaire augmenter : il passe d’environ 44,5 milliards à 46,5 milliards, voire un peu plus, dans le budget que nous allons voter.

M. Yves Durand. Pourquoi baisser les impôts pour les riches ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission des finances considère que la maîtrise de la dépense publique doit être renforcée et a donc adopté un amendement global de réduction de la dépense de 300 millions d’euros, à charge pour chaque ministère et donc pour chaque rapporteur spécial de demander des efforts.

A-t-on le droit de demander des efforts à l’éducation nationale ?

Mme Hélène Mignon. Non !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Oui ! Non pas que nous considérions que l’éducation nationale n’est pas prioritaire : nous sommes convaincus qu’elle l’est, elle qui prépare l’avenir de nos jeunes et qui dispose d’ailleurs du plus gros budget de l’État. Mais ce rôle essentiel de l’éducation nationale nous dispense-t-il de regarder si la dépense publique est efficiente ? Non, sinon nous ne ferions pas notre travail qui est bien de regarder à quoi sert l’argent des contribuables.

Or la Cour des comptes a démontré à deux reprises, dans ses rapports de 2003 et de 2005, que beaucoup de réformes sont nécessaires, notamment dans l’enseignement secondaire.

Le dernier rapport, que vous avez tous à votre disposition, chiffre à 32 000 équivalents temps plein le nombre d’enseignants sans classe ni activité pédagogique. Il mentionne, toujours en équivalent temps plein : 9 500 remplaçants inoccupés, 4 000 décharges non statutaires, 1 700 décharges UNSS, au titre de l’Union nationale du sport scolaire, qui ne correspondent pas à une activité réelle, etc.

Nous, commission des finances, considérons que l’éducation nationale doit faire des efforts, d’où le vote d’un amendement réduisant de 80 millions d’euros le total de la dépense.

Bien entendu, une fois ce vote intervenu en commission des finances, le président Pierre Méhaignerie, le rapporteur général, Gilles Carrez, et moi-même comme rapporteur spécial, avons discuté avec Gilles de Robien et ses services. Ces derniers nous ont expliqué combien ils étaient en train de réformer, d’améliorer les choses ! Nous en avons un exemple évident avec la meilleure utilisation des remplaçants, que vous pouvez constater dans vos départements. Il y a aussi la volonté d’aller plus loin dans certains domaines. Dans les collèges à faible effectif, par exemple, la suppression de la bivalence a peut-être été une erreur, et une réflexion est en cours sur la possibilité de la réintroduire, quitte à ce qu’elle soit facultative et donne lieu à un avantage financier pour ceux qui choisiront de travailler en bivalence.

Dans ces conditions, Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et moi-même avons considéré que tout ne pouvait pas se faire en un an, même si la volonté du ministre est indéniable, mais que nous devions accomplir la moitié du chemin dès 2006. C’est pourquoi, au nom de la commission des finances, je retire le premier amendement au profit d’un nouvel amendement qui divise par deux la nécessaire réduction du budget de l’enseignement scolaire, et plus précisément de l’enseignement secondaire.

Mais je reprendrai la parole après avoir entendu le ministre et avant que nous ne passions au vote, car, depuis nos premières discussions, nous avons connu certains événements dans les quartiers sensibles et le Gouvernement a pris des engagements dont nous parlerons dans un second temps. Pour l’heure, nous proposons simplement de ramener la réduction de 80 millions d’euros, montant qu’avait voté la commission des finances, à 40 millions d’euros.

M. le président. L’amendement n° 100 est retiré.

La parole est à M. le ministre, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 444. Et je lui suggère de défendre en même temps l’amendement n° 422, deuxième rectification, puisqu’il tend à réaffecter à de nouvelles tâches la réduction de crédits demandée par la commission.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai bien entendu le message de la commission exprimé avec beaucoup de détermination par la voix du rapporteur spécial. Sachez que le Gouvernement est parfaitement mobilisé pour optimiser les moyens que vous lui donnez. Des efforts, nous en faisons. Ainsi, nous réduisons le nombre de professeurs sans élèves, le taux d’occupation des titulaires en zone de remplacement − les TZR −, qui doit atteindre 84 % cette année, ayant augmenté de 12 % en trois ans. C’est déjà un progrès, mais il faut aller plus loin et j’ai demandé aux recteurs de me proposer des objectifs chiffrés pour la fin du mois de décembre, afin que, dès la rentrée 2006, un plus grand nombre de professeurs retournent devant les élèves.

Nous voulons aussi permettre aux professeurs qui le souhaitent d’avoir une plus grande polyvalence ; ce n’était pas jusqu’à présent, vous le savez bien, la caractéristique principale de l’éducation nationale. Grâce à l’instauration, dès 2006, de nouvelles mentions aux concours, un professeur d’histoire-géographie pourra par exemple passer une épreuve supplémentaire de langue au CAPES, ce qui lui permettra d’enseigner dans une section européenne. Par la formation, nous favorisons donc une gestion des ressources humaines beaucoup plus souple.

Nous faisons également des efforts dans le cadre de la LOLF. Des expérimentations concernant son application dans les académies ont eu lieu cette année ; elles portaient sur 11 milliards d’euros, soit 20 % du budget de l’éducation nationale. Elles ont été saluées par la Cour des comptes, qui a souligné des progrès décisifs dans la comptabilisation des plafonds d’emploi. La LOLF, à l’éducation nationale, ce ne sera pas une révolution de papier, je vous le garantis, monsieur le rapporteur spécial ! Elle entraîne, dit la Cour, « un nouveau management du système éducatif ».

Je suis décidé à poursuivre ces efforts, mais ne le ferai ni au détriment de l’égalité des chances, ni au détriment des quartiers sensibles − ce que vous ne me demandez d’ailleurs pas −, ni en remettant en cause l’application des dispositions de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, notamment celles qui concernent l’accueil des élèves handicapés, le programme personnalisé de réussite éducative, le nouvel enseignement de découverte professionnelle au collège, la réduction du nombre d’élèves en classes de langue, les remplacements des absences de courte durée. Tous ces efforts doivent être poursuivis, grâce à l’optimisation des moyens.

Enfin, j’ai bien compris que vous souhaitiez qu’une réflexion s’engage sur la nécessité de nommer, dans les zones d’éducation prioritaire, des enseignants expérimentés. Je mène actuellement, à la demande du Premier ministre, une réflexion de fond sur les ZEP. Je lui ferai des propositions sur ce point dès le début de l’année 2006.

Monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les députés, j’espère vous avoir convaincus que tous nos efforts tendent à ce que les moyens se retrouvent là où sont les élèves, mais que nous ne le ferons jamais au détriment de l’enseignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Chacun songe évidemment aux événements qui se sont déroulés dans les banlieues ces deux dernières semaines : comment ne pas y être attentif ? Ils viennent, c’est vrai, modifier la présentation de notre projet de budget. Le Premier ministre l’a dit : le rétablissement de l’ordre public est une nécessité absolue, un préalable avant toute action. Mais rien ne serait pire, une fois l’ordre rétabli, que d’oublier les événements et de continuer comme avant. Nous devons regarder la réalité en face. Ces événements trahissent un malaise, une crise. Il ne s’agit pas d’excuser ce qui est inexcusable, mais de traiter objectivement les problèmes.

Monsieur Durand, vous avez dit tout à l’heure que j’étais resté muet. J’ai pourtant fait beaucoup de déplacements − qui n’ont eu qu’une couverture médiatique mesurée −…

M. Yves Durand. Louable discrétion !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …pour soutenir les communautés éducatives des écoles, des collèges, des lycées, et j’ai été ému par leur capacité à conserver leur énergie, voire à en redoubler, dans ces moments difficiles.

Parmi les problèmes que connaissent ces quartiers, chacun songe au chômage et au recul de l’égalité des chances. Quand l’espoir et les perspectives viennent à manquer, le meilleur remède, c’est l’éducation, la formation, c’est l’insertion grâce à un projet professionnel. C’est pourquoi, mardi dernier, le Premier ministre a annoncé des mesures destinées à renforcer la promotion de l’égalité des chances dans les quartiers et qualifié la question éducative d’« enjeu majeur ».

Certaines de ces mesures ont un impact sur le budget 2006 de la mission « Enseignement scolaire ». Vous comprendrez que ces décisions ne pouvaient être anticipées et que les corrections que je vais vous présenter sont dictées par les circonstances. Trois des mesures annoncées par le Premier ministre ont un impact immédiat. La première prévoit le recrutement de 5 000 assistants pédagogiques dans les collèges situés en zone d’éducation prioritaire, en zone urbaine sensible ou qui sont membres d’un réseau d’éducation prioritaire. Ils s’ajoutent aux 1 500 assistants pédagogiques actuellement à l’œuvre dans 340 lycées en zone d’éducation prioritaire.

Mme Claude Greff et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La deuxième mesure concerne le passage, dès la rentrée 2006, à 100 000 bourses au mérite, ces bourses sociales étant attribuées en fonction de critères de revenus à des jeunes méritants, qui ont une vocation, un projet bien défini et qui pourraient aller beaucoup plus loin dans leurs études, mais qui n’ont pas les moyens de les poursuivre.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Excellente idée !

Mme Claude Greff. Très bonne initiative !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, la troisième mesure est l’accroissement du soutien aux associations qui mènent des actions d’aide aux devoirs ou à la réinsertion scolaire. Un appel à candidature aura lieu pour sélectionner les projets les plus adaptés.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La mise en œuvre de la première mesure nécessite 20 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires pour le programme « Vie de l’élève ». La deuxième mesure engendre un surcoût de 15 millions d’euros pour le même programme. Enfin, la troisième représente un effort de 5 millions d’euros.

Mme Claude Greff. Ce n’est pas rien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’amendement du Gouvernement répartit donc 40 millions de dépenses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 422, deuxième rectification, qui réaffecte les 40 millions d’économies proposées par l’amendement n° 444 ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Avant les événements que vous savez et après discussion avec le Gouvernement, la commission des finances proposait, pour les raisons que j’indiquais tout à l’heure, d’économiser 40 millions.

M. Yves Durand. Ça tombe bien ! C’est touchant !

M. François Liberti. Voilà un joli numéro de duettistes !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le ministre nous dit à l’instant que des besoins nouveaux sont apparus. Personne ne les met en doute, mais je voudrais ajouter quelques mots à ce sujet.

L’un des problèmes de ces jeunes de banlieue, c’est qu’on ne leur a jamais appris la citoyenneté et qu’ils ont un système de valeur inversée. Pour eux, plus on viole la loi, plus on est exemplaire, et celui qui respecte les règles de notre pays est traité de « bouffon » par ceux qui les transgressent. Certes, le monde enseignant consent un effort considérable, car, souvent, les familles ont démissionné et, avant même de transmettre des savoirs, il est nécessaire d’enseigner la citoyenneté.

Pour accompagner cet effort, il faut remplir deux conditions. Vous avez évoqué la première, monsieur le ministre : il convient de modifier progressivement le système de nomination dans ces zones difficiles. Trop souvent, en effet, on y affecte des jeunes, des enseignants débutants qui sortent à peine de formation et n’ont pas eu le temps de prendre de la bouteille. Il faut bien reconnaître que leur tâche est ardue et qu’ils n’arrivent pas toujours à accomplir l’œuvre qu’on attend d’eux et qui n’est pas la même que dans le lycée d’un quartier sans problèmes.

La seconde condition est de donner une formation complémentaire à ceux qui vont enseigner dans les établissements de ces zones sensibles. Il est nécessaire, en collégialité avec ceux qui sont déjà sur place, de former une véritable équipe pédagogique pour essayer d’aider les nouveaux.

Nous ne pouvons, je crois, que nous accorder sur ces objectifs : au-delà des bourses au mérite que vous venez de citer, monsieur le ministre, je souhaite qu’un effort supplémentaire soit fait par votre ministère pour nommer dans ces zones difficiles des enseignants plus aguerris et pour la formation des équipes pédagogiques.

Cela dit, il faudrait être aveugle pour imaginer qu’on puisse ne pas tenir compte de ce qui se passe depuis un peu plus de quinze jours. Au nom de la commission des finances, je me rallie donc à l’amendement du Gouvernement qui affecte 40 millions d’euros à l’aide aux zones sensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. On ne peut pas être contre cela !

M. François Liberti. Il a fallu que ça pète dans les quartiers pour que vous preniez conscience de ces problèmes !

M. le président. J’en conclus, monsieur le rapporteur spécial, que vous renoncez à votre amendement n° 444.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 444 est retiré.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Comme c’est touchant, monsieur le rapporteur spécial ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tout le monde a écouté attentivement ce que dit le Gouvernement depuis quelques jours et je ne suis sans doute pas le seul à avoir compris que les dispositions concernant les assistants d’éducation, les bourses au mérite ou le soutien aux associations faisaient partie des mesures supplémentaires venant s’ajouter au budget. Sans doute étions nous bien naïfs. Au contact de ce gouvernement, on ne cesse de découvrir de nouvelles méthodes pour tromper l’opinion. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Garrigue. Quelle mauvaise foi !

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, 80 % du territoire de ma circonscription est situé en zone d’éducation prioritaire : un seul collège est en dehors. C’est, dit-on, la plus grande ZEP de France.

Mme Claude Greff. Justement, vous devriez être content !

M. Daniel Paul. Elle a également subi des dégâts, que j’ai condamnés. Elle compte une zone franche urbaine et des zones urbaines sensibles. Mais on a décidé de réduire les moyens du second degré …

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ils ne sont pas réduits !

M. Daniel Paul. …de 40 millions d’euros : il vous faudra l’assumer politiquement et vous irez l’annoncer vous-même dans ces quartiers et dans leurs établissements scolaires, qui attendaient au contraire qu’on rétablisse des moyens qui ont déjà été réduits depuis quelques années et qui n’auraient pas dû l’être. Là aussi, j’avoue ma naïveté.

J’ai rencontré ce matin des responsables de centres d’information et d’orientation qui m’ont confié leur désarroi. Ils s’intéressent beaucoup aux collèges des quartiers en difficulté.

M. André Schneider. Heureusement !

M. Daniel Paul. Ils m’ont dit recevoir des appels téléphoniques parce que les factures qu’ils signent, payées par les rectorats, ne sont plus réglées : l’éducation nationale ne peut plus assumer ses dépenses !

Allez donc leur expliquer qu’on réduit à nouveau les crédits nécessaires au bon fonctionnement des collèges pour faire face. On comprend mieux pourquoi l’examen des crédits de la politique de la ville a dû, voici quelques jours, être reporté à une date ultérieure. La présentation que vous avez choisi de faire aujourd’hui nous éclaire sur vos intentions. Nous jugeons comme vous que la colère qui vient de s’exprimer dans les banlieues a pris parfois des formes inadmissibles, mais elle dénotait une très grande souffrance et un appel, auxquels vous répondez de la pire manière possible.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, s’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi grave que l’éducation, et particulièrement en ce moment, le tour de passe-passe dérisoire auquel vous vous livrez prêterait à rire.

Depuis deux ans, on nous sert un rapport de la Cour des comptes qui, je le répète, n’a pas d’autre fonction que de tenter de justifier des suppressions de postes.

M. François Liberti. C’est vrai : c’est sa seule raison d’être !

M. Yves Durand. Monsieur le président Méhaignerie, mon collègue Augustin Bonrepaux a demandé que la commission des finances examine ce rapport de la Cour des comptes, qui doit donner lieu à une véritable confrontation avec les représentants de tous les acteurs de l’éducation nationale. Connaissant votre honnêteté personnelle, je suis persuadé que vous accéderez à cette demande.

Sur la base de ce rapport, on nous annonce en commission une suppression de 80 millions d’euros de crédits. Alors que le budget de l’éducation nationale n’augmente pas – car la progression de 3,5 % dont vous vous targuez ne couvre que l’augmentation mécanique des salaires et des pensions –…

M. Daniel Paul et M. François Liberti. Exactement !

M. Yves Durand. …et que rien n’est donc prévu pour financer des politiques nouvelles, vous amputez le budget de 80 millions d’euros. Mais voilà que les incidents de ces derniers jours – dont on analysera un jour les responsabilités, quelles qu’elles soient – nous valent une surprise : un deuxième amendement, qui réduit cette suppression à 40 millions d’euros. Comme on dit dans ma région du Nord, on passe du pire au moins pire. On fait moitié moins mal : sans doute devrions-nous applaudir !

Et voilà encore que, par une sorte de génération spontanée de l’amendement gouvernemental, vous nous annoncez, monsieur le ministre, que ces crédits de 40 millions d’euros ne seront finalement pas supprimés, mais serviront à financer des propositions nouvelles annoncées à la suite des événements. Si vous aviez une politique et une volonté véritables, ces mesures devraient être financées sur des crédits nouveaux. Or vous faites payer par le budget existant du ministère de l’éducation nationale, qui est déjà mauvais, les annonces faites par le Premier ministre et le Président de la République – quand il parle – pour calmer dans l’urgence ces incidents que nous regrettons et condamnons tous. Qui plus est, vous prélevez ces crédits sur ceux de l’enseignement secondaire, qui connaît, de l’aveu de tous, les problèmes les plus importants, avec notamment les collèges et les ZEP.

C’est le signe même d’une politique à courte vue, voire d’une absence de politique. Monsieur le ministre, pardonnez ma colère, mais vous ne me ferez pas croire que ce tour de passe-passe indigne n’a pas été préparé avant cette séance et qu’il a été improvisé après une suspension, sous prétexte que votre amendement n’était pas prêt. Je vous demande donc de le retirer et de financer les mesures nouvelles sur des crédits nouveaux, en préservant au moins les maigres possibilités que vous accordez à notre école.

Nous refuserons ce tour de passe-passe et croyez bien que si cette assemblée vote votre amendement, nous dirons haut et fort avec quelle désinvolture vous traitez l’école et les enseignants qui, à vous entendre, vous émeuvent tant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Pas vous ! Souvenez-vous d’Allègre !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, l’émotion ne suffit pas !

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Le groupe UDF se félicite de constater que la négociation a permis d’éviter la diminution des crédits.

Si difficile que soit l’analyse, il me semble par ailleurs que la situation que connaissent les banlieues est le prix dont nous payons des années de discours entêtés sur ce qu’on a appelé le collège unique. Il n’est pas question, je tiens à le préciser, de remettre en cause la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans, mais comment peut-on imaginer que tous les enfants puissent suivre au même rythme le même cursus scolaire ?

M. Yves Durand. On n’a jamais dit ça !

M. Yvan Lachaud. Alors que, dans les collèges, les classes de quatrième et de troisième technologiques ont produit des résultats extraordinaires pour certains enfants, ces classes ont été supprimées au motif que tout le monde devait suivre le même circuit, sans surplus pour quiconque.

En tant qu’élus, nous avons rencontré dans les banlieues des jeunes de treize à seize ans qui ont brûlé des voitures ou des bâtiments publics : ce sont des jeunes qui ont été exclus ou qui se sont exclus du système scolaire, parce qu’ils étaient aigris, en situation d’échec, et qu’on leur a imposé à tous le même fonctionnement : ils ont été contraints de passer tous de la sixième à la cinquième, puis à la quatrième et à la troisième alors qu’ils ne pouvaient pas tous suivre au même rythme.

Je suis favorable aux propositions du ministre dans ce domaine et je ne redoute pas l’apprentissage à 14 ans – si du moins il s’agit d’une démarche volontaire et s’il s’accompagne d’une alternance permettant, après un essai dans l’entreprise, de revenir au collège. Les jeunes pourront ainsi retrouver confiance et avoir à nouveau l’envie de se former. La situation que nous avons connue pendant des années – vous me comprenez –…

M. Yves Durand. Pas du tout !

M. Yvan Lachaud. …était la pire de toutes : on imposait à tous la même chose. Il faut beaucoup de souplesse dans les collèges : c’est ce qui nous permettra demain de rendre espoir à ces jeunes qui, en plein désarroi et aigris par l’échec scolaire, s’expriment comme on le voit depuis quelques semaines. Cela me semble assez simple.

M. le président. Mes chers collègues, puisque la LOLF permet un débat d’amendements tel que celui que nous tenons ce soir et compte tenu de l’importance du sujet, j’ai tenu à laisser s’exprimer un plus grand nombre d’orateurs qu’il n’était initialement prévu. Je vous prie néanmoins de faire un effort de concision et j’espère que la discussion des amendements suivants sera plus rapide, pour nous permettre de respecter le programme de ce soir, qui comporte, je le rappelle, l’examen d’un autre budget.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur Durand, la commission des finances est bien évidemment prête à tenir le débat contradictoire que vous demandez sur l’intéressant rapport de la Cour des comptes.

Cela étant, pour assurer au Parlement plus d’autorité et de dignité, une plus grande cohérence serait souhaitable de la part des responsables des groupes qui viennent dire à cette tribune, au début de l’examen du projet de loi de finances, que les dépenses publiques ne sont pas maîtrisées et oublient de transmettre ce message aux rapporteurs qui prennent la parole sur les différents budgets.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas.

Ma deuxième observation fait écho aux propos de M. le rapporteur spécial : si l’éducation est assurément une priorité, comme nous sommes nombreux à le penser, certaines performances pourraient être meilleures au sein même de l’institution. Ainsi, le fait que, dans le système éducatif français, les professeurs du secondaire enseignent une seule matière, ou que certains n’enseignent que huit heures, certains autres douze et d’autres encore quinze, ménage des marges de productivité.

Mon seul message est donc le suivant : au vu de ce qu’ont réalisé nos voisins européens – notamment la Suède ou l’Allemagne –, l’heure est venue d’un nouvel arbitrage entre les dépenses publiques collectives et le pouvoir d’achat des Français. Gérer mieux la dépense publique et en assurer le contrôle est la meilleure façon de rendre service à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Monsieur Durand, vous me reprochez de reprendre chaque année le rapport de la Cour des comptes, mais il vous a sans doute échappé que la Cour des comptes a publié au mois de janvier de cette année, à la demande de la commission des finances, un rapport particulier consacré aux enseignants qui n’enseignent pas – document qui, bien évidemment, n’était pas mentionné dans les rapports des années précédentes et qu’il était logique de commenter longuement dans mon propre rapport. Un tel examen s’impose en effet car, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, quand on aime, on compte quand même, parce qu’il s’agit ici de l’argent des contribuables.

Vous avez beaucoup pleuré sur l’enseignement secondaire, monsieur Durand. Pourtant, si l’enseignement primaire et maternel – ce dernier étant d’ailleurs l’honneur de la France –…

M. Yves Durand. Vous le remettez en cause !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur. …n’est ni plus ni moins cher dans notre pays, et si l’enseignement supérieur et la recherche ont besoin de plus de crédits, comme ne manqueraient pas de le réclamer les syndicats d’enseignants s’ils couvraient l’ensemble des niveaux, de la maternelle au supérieur, l’enseignement secondaire français est, quant à lui, le plus cher du monde, à une exception près. Le coût de la formation d’un élève du secondaire en France est en effet, comme l’avait dit en son temps Claude Allègre, de 20 % supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE, alors que les résultats de l’enquête internationale PISA situent notre pays dans l’exacte moyenne pour ce qui est des résultats. La Cour des comptes explique très précisément les raisons de cette situation : ce n’est pas que nos enseignants travaillent mal, c’est que le potentiel enseignant est mal utilisé, comme je l’ai déjà exposé.

Non, monsieur Durand, vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’enseignement secondaire : cet argent n’est pas bien utilisé, non par la faute des enseignants, mais faute d’une bonne organisation. Je me réjouis donc que le ministre nous ait indiqué des pistes sur lesquelles il travaille et s’est engagé à continuer d’avancer.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le rapporteur spécial, les enseignants des ZEP – sous l’effet peut-être de la nécessité et parce qu’ils se sentent en mission – travaillent généralement en équipe pédagogique. Quant aux jeunes enseignants qui demandent un poste en ZEP, ce sont des militants, très engagés auprès des enfants et des familles. Je regrette donc qu’il ne soit pas possible de laisser les enseignants qui étaient dans les associations poursuivre un travail qui assurait le lien entre l’école, la famille et le milieu social.

Parmi les points soulevés par notre collègue pour expliquer la désespérance des jeunes, l’un est très grave : ces jeunes voient leurs frères et, souvent, leurs sœurs ne pas trouver de travail malgré leurs diplômes de bac + 3, bac + 4 ou bac + 5, parce qu’ils viennent de quartiers et portent des noms qu’on stigmatise. Il nous faut tenir compte de la désespérance du jeune auquel ses copains disent qu’il ne trouvera pas de travail et que cela ne vaut pas la peine d’aller à l’école. Il ne sert à rien de former des jeunes qui savent qu’un tunnel les attend.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’enseignement scolaire.

M. Lionnel Luca, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’enseignement scolaire. La commission des affaires culturelles n'a pas eu à se prononcer sur l'amendement du Gouvernement, mais je me réjouis de cette proposition car elle marque un effort du ministère par rapport à ce qu'il avait envisagé au départ et parce que la nouvelle affectation répond à l'urgence de la situation. La commission ne peut que se féliciter que ces crédits encouragent les élèves les plus méritants.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour clore ce débat.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Mignon, je tiens à vous rassurer : surtout ne pensez pas que les professeurs ne vont plus aider les élèves. Ceux qui sont dans les associations y restent. Simplement, ils ne sont plus mis à disposition, mais détachés auprès de ces associations, et celles-ci recevront de l’État l’argent pour les rémunérer. Le travail qui est accompli continuera à l’être.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est de la transparence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 422, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements n°s 295, 293, 294 et 296, qui me semblent pouvoir faire l’objet d’une présentation commune.

C’est aussi votre avis, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Bien sûr, monsieur le président, et ils devraient même pouvoir rencontrer un accord général, du moins si j’en juge par certaines déclarations, y compris des plus hautes personnalités de l’État. En effet, les trois premiers visent à rétablir les moyens dévolus à l’école maternelle, les crédits nécessaires à l’accueil des enfants et adolescents handicapés en milieu scolaire ordinaire et le financement des travaux personnels encadrés.

Ces derniers ont été supprimés, je le rappelle, sans aucune concertation, pour financer – là encore par redéploiement – le dédoublement de toutes les classes de terminale en cours de langue, ce qui n’est toujours pas fait puisque l’on s’est contenté d’allégements. Par conséquent, nous demandons le rétablissement des travaux personnels encadrés, qui étaient, de l’avis de tous, un des meilleurs moyens de préparer les élèves de terminale, notamment ceux venant de milieux sans capacité culturelle, aux méthodes de l’enseignement supérieur, donc d’éviter cet échec massif des jeunes étudiants dans le premier cycle universitaire.

Enfin, l’amendement n° 294 vise à rétablir les 800 mises à disposition auprès des associations. Monsieur le ministre, je suis en désaccord complet avec vous à ce propos. Vous nous annoncez que les enseignants actuellement mis à disposition des associations périscolaires, dont par ailleurs vous reconnaissez qu’elles font un travail magnifique, ne vont plus émarger au budget de l’éducation nationale. Selon vous, ce n’est pas grave parce qu’ils seront détachés. Mais cela signifie qu’ils seront payés par l’employeur, c’est-à-dire par l’association. Ce ne serait pas grave non plus puisque ces associations vont recevoir une subvention équivalant au nombre de postes que représentaient les mises à disposition. Cependant, je souligne l’angoisse de toutes les associations, qui ont écrit unanimement à vous ou au Premier ministre pour demander le retrait de cette disposition. Parce que ces subventions, ce sera jusqu’à quand ? C’est la précarisation du mode de fonctionnement des associations.

M. François Liberti. Bien sûr !

M. Yves Durand. Au-delà de cet aspect financier, cela ne me gêne pas, bien au contraire, moi qui n’ai pas l’obsession comptable de M. Chamard, que des enseignants soient rémunérés sur le budget de l’éducation nationale pour être mis à disposition d’associations périscolaires, car le travail qu’ils y accomplissent fait partie intégrante de l’éducation. C’est un combat presque centenaire, monsieur le ministre, qui se confond avec celui pour l’école publique. C’est le combat pour l’éducation populaire que mènent, avec et autour de l’école, des associations qui permettent de prolonger son action. C’est un combat nécessaire, en particulier pour les jeunes issus de milieux défavorisés, et qui doit être confié à des éducateurs.

En réalité, nous avons, vous et nous, une conception radicalement différente de l’école et de l’éducation. Je l’ai bien compris avec la loi que votre prédécesseur a fait voter. Vous, vous avez une conception étriquée de l’école ; vous considérez qu’elle ne doit apprendre qu’à lire, écrire et compter. Mais l’ambition éducative, c’est tout autre chose, et c’est bien pourquoi ce grand mouvement d’éducation populaire, que vous êtes en train de tuer, est inséparable de l’école et doit s’appuyer sur des enseignants issus de l’éducation nationale. Tous les grands ministres de l’éducation nationale ont été d’ardents défenseurs de ce mouvement.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, même si elle fait émarger 800 postes de plus à votre budget, la mise à disposition est pour nous et surtout pour les associations un principe qui touche au cœur même de ce que doit être l’éducation nationale. Celle-ci comprend évidemment l’école, mais elle a aussi l’ambition de s’adresser à l’ensemble des activités de l’enfant et du jeune. Les évènements actuels sont un signe fort, un appel vibrant. Depuis douze jours, on ne parle que des associations, et au moment même où elles sont à juste titre remises en valeur, y compris par le Président de la République, le Gouvernement leur ôte encore des moyens.

M. Jean Tiberi. Mais non !

M. François Liberti. Mais si, allez rencontrer ceux qui les animent !

M. Yves Durand. Car vous savez très bien que ces subventions seront comme toutes les autres : une variable d’ajustement quand ce sera nécessaire !

De surcroît, vous retirez ces associations du giron de l’éducation nationale,…

M. François Liberti. Bien sûr !

Mme Claude Greff. Pas du tout, c’est le contraire !

M. Yves Durand. …ce qui est un signe défavorable et négatif. C’est pourquoi nous tenons particulièrement à l’amendement n° 294.

Monsieur le ministre, nous ne sommes guère étonnés, au fond, que vous soyez contraint à ce faux cadeau de 40 millions d’euros.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Arrêtez !

M. Yves Durand. Je rappelle qu’ici même, pendant toute une semaine, votre prédécesseur nous a fait croire que sa loi était une loi de programmation, qu’il y avait derrière 2 milliards d’euros ! C’était au mois d’avril dernier, il n’y a même pas un an. Ces 2 milliards d’euros, où sont-ils ? Aujourd’hui, vous êtes obligé de pratiquer des tours de passe-passe et de racler les fonds de tiroir, même pour les associations.

Mme Claude Greff. Parce que vous n’avez rien laissé !

Mme Hélène Mignon. Ne diminuez donc pas l’ISF !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission des finances a rejeté ces quatre amendements, tout d’abord parce qu’ils sont intégralement financés sur une seule ligne : celle de l’enseignement privé. Si nous les votions, nous diminuerions de 800 millions d’euros sur 7 milliards, c’est-à-dire de 12 %, le budget de l’enseignement privé. Ce serait grotesque !

M. Bernard Perrut. Impossible !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Par ailleurs, il est exact, monsieur Durand, que l’enseignement préscolaire joue un rôle essentiel. Si la fécondité en France est meilleure qu’en Allemagne, l’école maternelle et plus généralement l’ensemble des structures d’accueil de la petite enfance n’y sont pas pour rien.

Néanmoins, les chiffres que vous indiquez sont totalement surréalistes. Je rappelle, parce qu’il faut que les contribuables le sachent, qu’au cours des dix dernières années, entre 1995 et 2005, le budget de l’enseignement scolaire a augmenté de 25 %, c’est-à-dire trois fois plus vite que le reste du budget de l’État ; il y a eu 500 000 élèves en moins mais 70 000 enseignants de plus ! Vous me dites que j’ai une obsession comptable : non, j’ai l’obsession du respect du contribuable ! L’argent que nous prenons dans la poche du contribuable, c’est notre mission de nous assurer qu’il est utilisé de façon équitable et efficiente.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si ces amendements étaient votés, ce serait évidemment la mort de l’enseignement privé. Des millions de familles apprécieraient certainement ce geste, monsieur Durand, celles qui ont mis, qui mettent ou qui mettront leurs enfants dans le privé – car il y a des allers et retours entre le privé et le public. Aujourd’hui, ce seraient deux millions d’élèves qui ne pourraient plus aller dans le privé. L’avis est donc défavorable pour les amendements nos 295 et 293.

S’agissant de l’amendement n° 294, je vous rappelle que les crédits permettent la compensation. Ils sont inscrits au budget 2006 pour plus de 20 millions d’euros. Vous avez dit que les associations n’émargeront plus au budget de l’éducation nationale, mais c’est tout le contraire ! Il y a maintenant les sommes à la place des postes. Les sommes permettront de payer des postes dans les associations.

M. Daniel Paul. On sait ce que ça veut dire, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je répète que je suis très attaché au travail qu’accomplissent ces associations. Cela étant, je suis défavorable à l’amendement n° 294, qui n’apporte pas de clarté dans la présentation des budgets.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 296 relatif aux travaux personnels encadrés, vous savez que l’effort des élèves en terminale doit porter sur la préparation des épreuves obligatoires du baccalauréat. C’est la raison pour laquelle les TPE sont désormais obligatoires en classe de première. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement proposé, qui d’ailleurs ne résout rien puisqu’il faudrait également inscrire les crédits pour l’enseignement privé. Y êtes-vous prêt, monsieur Durand ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Je ferai deux observations générales.

Tout d’abord, à plusieurs reprises, le Gouvernement et sa majorité ont invoqué les contraintes de l’équilibre budgétaire pour justifier les réductions de crédits. Mais alors pourquoi assécher le budget de la nation des rentrées fiscales provenant des hauts revenus, de l’impôt sur les grandes fortunes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Rien ne nous sera épargné !

M. Guy Geoffroy. C’est la totale !

M. François Liberti. C’est votre choix politique, assumez-le ! Vous diminuez les recettes fiscales venant des hauts revenus, il faut donc en trouver ailleurs.

Ma seconde observation porte sur l’utilisation de la loi organique. Celle-ci définit une enveloppe globale, il faut ensuite se débrouiller pour essayer de répartir la misère. Je vous l’ai dit en commission élargie, monsieur le ministre, lorsque nous avons posé le problème des moyens supplémentaires – nous n’avons pas été les seuls –, et vous n’avez pas répondu : vous avez expliqué que ce n’était pas la question. Il a fallu l’explosion dans les banlieues pour que le Gouvernement comprenne qu’effectivement il faut donner quelques moyens supplémentaires, notamment dans les quartiers difficiles, aux zones d’éducation prioritaire ou à la vie associative. C’est assez caractéristique de votre absence de volonté politique de prendre en compte certains besoins.

Mme Claude Greff. Quelle vision réductrice !

M. François Liberti. Notre groupe soutiendra donc les amendements déposés par nos collègues socialistes.

Pourquoi les associations sont-elles très critiques à l’égard des subventions que vous proposez pour financer les détachements à la place des mises à disposition, notamment les 800 postes que M. Durand a évoqués ? Tout simplement parce qu’elles ont l’expérience du traitement qui est ensuite infligé aux subventions !

M. Durand évoquait la formation et la pédagogie, qui incluent le périscolaire. Outre ces questions relatives à notre conception de l’éducation nationale, les associations savent très bien qu’en termes financiers, on risque d’amputer, dans le prochain budget, certaines de leurs subventions.

M. Guy Geoffroy. C’est un procès d’intention !

M. François Liberti. La semaine dernière, au cours du débat sur la vie associative et l’éducation populaire, j’ai interrogé le ministre des sports. Il a été incapable de confirmer que les gels qui ont eu lieu en 2005 sur le budget de fonctionnement des associations ne se reproduiraient pas en 2006 !

Mme Claude Greff. Vous dites n’importe quoi !

M. François Liberti. Les associations d’éducation populaire ont subi des coupes sombres. Plusieurs d’entre elles ont été obligées de licencier, ou de cesser leur activité. Dans ce secteur, toutes les associations craignent de subir le même sort.

Mme Claude Greff. Il y a tant d’associations qu’on est bien obligé de faire des choix ! Il faut partager la solidarité !

M. François Liberti. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le ministre, que les subventions prévues par les précédents budgets seront confirmées, afin que les associations puissent assurer leurs missions, et qu’elles ne subiront pas en 2006 les gels budgétaires dont elles ont été victimes dans le budget de 2005 ? Vous devez répondre à cette question !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je ne souhaite pas allonger le débat, mais les cris d’orfraie poussés la main sur le cœur par M. Yves Durand m’obligent à préciser deux choses.

Je veux d’abord rappeler deux chiffres : en 1959, on comptait en France un enseignant du secondaire pour 21,6 élèves ; en 2002, un pour 11,9. Toutes choses égales par ailleurs, cela représente donc en quarante-trois ans presque deux fois plus d’enseignants dans le secondaire !

M. Yves Durand et M. Daniel Paul. Ce n’est pas la même chose !

M. François Liberti. Et vous le savez très bien !

M. Guy Geoffroy. On a injecté des moyens considérables dans l’éducation nationale, car, ces dernières années, les conditions de réussite des élèves ont au mieux stagné et au pire régressé.

Nous avons alors pris le problème en main et refusé la seule logique des moyens, qui faisait « patiner » la question scolaire sans répondre à ses difficultés.

Second point : que nous propose-t-on pour financer de prétendues améliorations ? Pomper de l’argent dans le budget de l’enseignement privé ! Quelle démagogie dérisoire ! Je suis comme Yves Durand et beaucoup d’entre nous un militant de l’enseignement public. Mais nous devons unanimement réaffirmer que le service public de l’éducation nationale associe l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat !

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Si vous avez l’intention de le contester, dites-le clairement ! Rallumez la guerre scolaire !

M. Daniel Paul. C’est vous qui la rallumez !

M. Guy Geoffroy. On verra alors si les Français vous soutiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 293.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 101 rectifié et 421 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 101 rectifié.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Cet amendement de la commission des finances est d’une simplicité biblique.

M. Yves Durand. C’est le cas de le dire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. L’État respectera-t-il non seulement sa parole mais aussi sa signature ?

Chacun s’accorde à reconnaître l’efficacité et l’utilité de l’enseignement alterné dispensé dans les maisons familiales rurales, y compris les élèves qui, marginalisés à un moment donné de leur parcours, ont pu être réintégrés dans les meilleures conditions.

En signant deux accords, l’un en juillet 2004, l’autre en juin 2005, le Gouvernement a pris des engagements. Or, dans le projet de budget, ces engagements ne sont pas respectés. En dépit du principe d’indexation, l’augmentation du point de la fonction publique – 2,8 millions d’euros – n’est en effet pas prise en compte, non plus que le glissement vieillesse technicité ; 3,2 millions. Le nombre d’élèves inscrits y est sous-estimé d’environ 2000. Enfin, un rattrapage de 3 millions d’euros au titre de 2002, pourtant signé, ne figure pas dans les chiffres budgétaires.

Alors que le budget des subventions attribuées aux maisons familiales rurales devrait s’élever à 177,4 millions d’euros, il n’est que de 161,9 millions : il manque donc 15,5 millions.

Cet amendement, très largement adopté par la commission des finances, propose d’abonder le programme « Enseignement technique agricole », dont dépendent les maisons familiales rurales, de ces 15,5 millions d’euros. Il ne poursuit pas d’autre but que celui d’atteindre les 177,4 millions d’euros prévus, quel qu’en soit le financement. Nous souhaitons que le Gouvernement s’engage ce soir à garantir le chiffre résultant de la signature des précédents ministres.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. L’avis du Gouvernement sur cet amendement n° 101 rectifié vaudra sans doute présentation de l’amendement n° 421 rectifié, qui propose 8 millions d’euros, quand celui de la commission en évoque 15,5.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tout à fait, monsieur le président.

Comme l’amendement n° 101 rectifié, l’amendement n° 421 rectifié vise à renforcer les moyens des maisons familiales rurales, dont chacun reconnaît l’utilité pour la qualité de l’enseignement et l’aménagement du territoire. Les enfants qu’elles accueillent étant souvent issus de familles moins favorisées, elles jouent un rôle social essentiel, que le Gouvernement tient à reconnaître, à souligner et à conforter.

Toutefois, le Gouvernement estime que le ministère de l’agriculture, par son programme « Enseignement technique agricole », devrait contribuer avec le ministère de l’éducation nationale à cet effort nécessaire de 15,5 millions d’euros. Je vous propose pour cette raison un amendement qui limite à 8 millions d’euros la contribution de l’enseignement scolaire à ce financement complémentaire.

Le ministre de l’agriculture m’a confirmé que cet aménagement était recevable : le financement des élèves inscrits dans les maisons familiales rurales sera de la sorte assuré. Il restera à permettre l’indexation des subventions, conformément au protocole : ce point sera traité dans la gestion pour 2006, dans le respect de toutes les formes d’enseignement.

Cela devrait porter le montant affecté aux maisons familiales rurales à 177,4 millions d’euros.

M. le président. M. le rapporteur spécial peut-il nous donner son avis sur l’amendement n° 421 rectifié que M. le ministre vient de défendre ?

Si l’Assemblée adopte votre amendement, monsieur le rapporteur spécial, l’amendement du Gouvernement tombera – et réciproquement.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le ministre peut-il remplacer le conditionnel par le futur ? Il vient de dire : « cela devrait porter ». Je souhaite qu’il nous annonce que, les calculs étant refaits selon la stricte application des textes signés, la somme induite « sera » – et non « serait » – appliquée.

Mme Claude Greff. Nous en avons besoin !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dont acte, monsieur le président.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Les missions de la LOLF étant interministérielles, la parole du ministre engage aussi celle de son collègue de l’agriculture, et du Gouvernement dans son ensemble.

Entre nous, il me paraît justifié que le financement de ces 15,5 millions d’euros soit partagé entre le budget de l’éducation nationale et celui de l’enseignement technique agricole.

Mme Claude Greff. Absolument !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Compte tenu de cet engagement, je retire l’amendement de la commission des finances au profit de celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L’amendement n° 101 rectifié est retiré.

La parole est à M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud. Nous ne jouons pas au bonneteau, mais je crois quelques éclaircissements nécessaires.

En adoptant l’amendement n° 101 rectifié, la commission des finances transférait du programme 141 vers le programme 143 15,5 millions d’euros, dont l’exposé sommaire décrit les composantes. Plusieurs éléments n’étaient pas pris en compte, notamment le nombre des élèves : il fallait donc rectifier le tir.

Pour compléter l’exposé de ces motifs, je voudrais d’abord rappeler la spécificité des maisons familiales rurales. Elles constituent une communauté éducative associant parents et enseignants, et elles assurent une alternance permettant un passage naturel de l’école à l’entreprise. L’alternance représente aussi un équilibre entre la nécessaire distanciation par rapport à la famille et l’encadrement pédagogique propice à l’évolution du futur adulte.

Voilà une formation utile et efficace, qui garantit des débouchés dans le secteur agricole, mais aussi dans le secteur des services en milieu rural, notamment les services à la personne. Elle ne coûte, rappelons-le, que le tiers de la formation d’un élève de l’enseignement public.

Malgré ces avantages, les engagements n’ont pas été respectés. Les expertises évaluent le déficit entre 15 et 17 millions d’euros, d’où la proposition de 15,5 millions de notre amendement n° 101 rectifié.

Il est donc à mon sens indispensable de garantir que ces 15,5 millions d’euros soient attribués aux maisons familiales rurales. La commission des finances avait prévu ce financement par le biais d’un canal unique, du programme 141 au programme 143. Vous le proposez, monsieur le ministre, d’une autre manière : moitié enseignement scolaire, moitié enseignement technique agricole.

Je voudrais vraiment avoir l’assurance,…

M. Yves Durand. Comme pour la subvention aux associations !

M. Pierre Hériaud. …sinon je reprendrai l’amendement à mon propre compte, que les négociations avec le ministre de l’agriculture ont bien eu lieu, et que celui-ci a donné son accord.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Oui, je l’ai déjà dit.

M. Pierre Hériaud. Dans ces conditions, je me rallie à la position de notre rapporteur spécial. Mais je regrette que ce problème n’ait pas été réglé en commission.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 421 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

………………………………………………………..

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur l'amendement n° 421 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 209.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Lionnel Luca, rapporteur pour avis. Je laisserai ce soin à M. Baguet car il est à l’origine de cet amendement, que la commission a adopté.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je suis très heureux de présenter, au nom de la commission des affaires culturelles, cet amendement auquel j’associe tout particulièrement Yves Lachaud et Bernard Perrut.

Malgré la loi Guermeur de 1977, qui édictait l’égalité des conditions de service et de cessation d’activité entre les maîtres de l’enseignement public et ceux de l’enseignement privé sous contrat, les 140 000 enseignants appartenant à ce dernier, qui sont recrutés et rémunérés par l’État et sont soumis aux mêmes obligations que leurs collègues de l’enseignement public, ne bénéficient pas des mêmes conditions pour leur retraite. Leurs cotisations sont supérieures et leurs pensions de retraite sont inférieures de 25 à 30 %.

À la suite du vote, en janvier dernier, de la proposition de loi de notre collègue Yves Censi portant régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation, le taux du régime additionnel de retraite des maîtres du privé est fixé, par décret du 30 septembre 2005, avec effet au 1er septembre, à 5 % des sommes perçues au titre des avantages de vieillesse. Le décret précise aussi que le taux évoluera par palier de 1 % tous les cinq ans, pour atteindre 10 % au 1er septembre 2030.

C’est bien, mais nous pensons qu’il est logique et souhaitable d’accélérer la montée en charge de ce nouveau régime. L’amendement proposé vise ainsi à fixer le taux de départ à 7 % à compter du 1er janvier 2006, y compris pour les maîtres partis à la retraite depuis le 1er septembre 2005, et à prévoir une progression de 1 % par palier de cinq ans, pour s’achever en 2020 au lieu de 2030.

Le coût de cette mesure est de 1,9 million d’euros. Afin de maintenir le caractère provisionné du régime, la cotisation patronale sera portée de 0,75 % à 0,80 % de la rémunération brute, tandis que la cotisation salariale demeure inchangée à 0,75 %.

Il ne s’agit là que d’une question d’équité en matière de retraites pour tous les enseignants, au nom du principe à cotisations égales, retraite égale. Et bien que j’aie découvert avec surprise que nos collègues du groupe socialiste avaient proposé de financer tous leurs amendements sur le dos de l’enseignement privé, je ne doute pas qu’ils reconnaissent la légitimité de notre amendement et que l’Assemblée l’adoptera à une très large majorité, tout simplement parce qu’il est juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Lionnel Luca, rapporteur pour avis. La commission, je le répète, a adopté cet amendement. Lors du débat sur la proposition de loi d’Yves Censi, nous l’avions déjà évoqué. Yves Lachaud était d’ailleurs intervenu en ce sens. Cet amendement trouve toute sa place, ici, quelques mois après l’adoption de cette excellente loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission des finances a examiné puis adopté, à une très large majorité, cet amendement qui lui a paru une mesure d’équité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement est tout à fait favorable à un amendement qui va dans le sens de la loi Censi et en accélère même l’application, pour aller vers l’équité entre les maîtres des établissements sous contrat et ceux de l’enseignement public au regard de la retraite.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agit pas de rallumer je ne sais quelle guerre scolaire. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le groupe socialiste, dont j’étais le porte-parole à cette occasion, a défendu et voté la proposition de M. Censi. Nous avions nous-même réclamé que l’équité fût totale et qu’il y eût rattrapage. Je suis donc en accord total avec l’esprit de cet amendement.

Mais il y a tout de même là, vous l’avouerez, monsieur le ministre, une économie non négligeable pour l’enseignement catholique.

M. Pierre-Christophe Baguet. Pas seulement catholique !

M. Yves Durand. L’enseignement privé, en effet, qui est, en France, à 85 %, catholique !

M. Guy Geoffroy. Chassez le naturel, il revient au galop !

M. Yves Durand. Monsieur Geoffroy, ne m’obligez pas à répondre aux assertions que vous avez proférées tout à l’heure !

Je souhaiterais par conséquent, monsieur le ministre, que vous examiniez avec les représentants de l’enseignement privé, dont la plus grande partie est catholique – mais non pas parce que c’est l’enseignement catholique –, la possibilité d’une contribution de ses établissements à ce rattrapage. Si tel n’était pas le cas, nous ne prendrions pas part au vote sur cet amendement, parce que, je le répète, si, dans son esprit, il est dans le droit fil de la loi Censi et que, par conséquent, il est juste, il faut en examiner les modalités de financement en un moment où l’on nous rebat les oreilles de restrictions, d’économies et de maîtrise des deniers publics. Il me paraîtrait cohérent, de la part de ceux qui réclament ces mesures de contrôle de la dépense publique, d’accéder à notre demande.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 209, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur l'amendement n° 209.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Bravo, la gauche !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 210, 34 et 127

La parole est à M. le rapporteur pour avis, afin de défendre l’amendement n° 210.

M. Lionnel Luca, rapporteur pour avis. Il s’agit d’abonder d’un million d’euros les crédits destinés à la formation des auxiliaires de vie scolaire. En dépit des efforts déjà importants déjà consentis par le ministère en la matière, ce supplément plus particulièrement dédié à la formation nous est apparu comme une nécessité à la suite des auditions que nous avons réalisées sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Bernard Perrut. J’ai déjà eu l’occasion d’insister sur la nécessité de nous engager fortement pour l’accueil des jeunes handicapés. La formation des AVS est indispensable. Ces crédits supplémentaires permettront de la réaliser dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est M. André Schneider, pour défendre l’amendement n° 127.

M. André Schneider. Mon amendement est identique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce qui peut contribuer à améliorer la formation des AVS ne peut que recueillir l’avis favorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 210, 34 et 127.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés par les amendements adoptés.

(Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Article 80

M. le président. J’appelle maintenant l’article 80, relatif à l’enseignement scolaire.

Cet article ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 80 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.

Je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Entreprises publiques

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux entreprises publiques.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, mes chers collègues, les entreprises publiques vont mieux. Après les dérives du Crédit Lyonnais dans les années 1990 et le vertige des investissements extérieurs de France Télécom et d'EDF au début des années 2000, les entreprises publiques ont retrouvé le chemin d'une croissance plus ordonnée et plus saine.

Sous l'impulsion de la Commission européenne, la distinction est désormais clairement faite entre, d’une part, les missions de service public, qui relèvent de l'État régalien et doivent donner lieu à une compensation financière et, d’autre part, l'activité concurrentielle, qui relève de l'État actionnaire et obéit aux lois du marché.

Dans le projet de loi de finances pour 2006, l'État actionnaire affirme un objectif clair, celui de la performance : performance dans la gestion, dans les cessions d'actifs et dans l'utilisation des ressources issues des cessions.

S’agissant d’abord de la performance dans la gestion, les résultats de 2004 sont encourageants. Tous les indicateurs de performance retenus pour 2006 dans le cadre de la LOLF sont plus ambitieux encore. Il faut s'en féliciter.

Je rappellerai les résultats de 2004. Le chiffre d'affaires des entreprises publiques a progressé de 4,8 %, soit sensiblement plus vite que la richesse nationale. Les trois quarts de cette croissance proviennent du secteur de l'énergie – EDF et GDF – dont l'activité a bondi de plus de 9 %. Le résultat net des entreprises publiques a décollé, pour atteindre 7,6 milliards d'euros : France Télécom, en particulier, retrouve le chemin de la croissance et dégage un bénéfice de 2,7 milliards. Enfin, la structure financière des entreprises publiques s'est renforcée : les capitaux propres, dont l'insuffisance est notoire, ont progressé de 12 milliards d’euros, pour atteindre 46,5 milliards.

Pour ce qui est de la performance dans les cessions d’actifs, depuis 2003, leur volume n'a cessé de progresser : 2,5 milliards en 2003, 5,6 milliards en 2004 et 6 milliards sur les neuf premiers mois de 2005. Pour la fin 2005 et l'année 2006, le volume des cessions devrait atteindre 14 milliards d'euros, dont 12 à 13 milliards pour les seules sociétés autoroutières.

Mais la performance des cessions d'actifs, ce n'est pas seulement leur volume, c'est aussi et surtout leur utilité au service d'une stratégie de développement. L'ouverture du capital n'est pas seulement une recette budgétaire pour l'État, mais aussi une perspective de développement pour les entreprises. Désormais, le marché des entreprises publiques est d'abord européen. Il est donc essentiel que se nouent des partenariats européens. Dans ces conditions, les solutions retenues pour la privatisation des sociétés d'autoroutes feront l'objet d'une surveillance très attentive, qu'il s'agisse des prix de cession ou des partenariats économiques.

S’agissant enfin de la performance dans l'utilisation des ressources de privatisation, le désendettement devient clairement une priorité.

Jusqu'à présent, plus de 80 % des ressources des privatisations avaient servi à recapitaliser d'autres entreprises publiques ou à financer des dépenses budgétaires nouvelles. C'est le cas notamment cette année, des dotations de plus de 7 milliards d’euros devant servir à financer la recherche et les transports.

L'année 2006 marque sur ce plan une véritable rupture : sur 14 milliards d'euros de cessions d'actifs, 10 milliards seront consacrés au désendettement. L'impact sur les charges annuelles de remboursement de la dette est loin d'être négligeable, l'allégement étant de 366 millions d'euros par an. Comment ne pas se féliciter de cette évolution ?

La gestion patrimoniale des entreprises publiques comporte donc des conséquences notables à la fois sur la performance de la sphère publique et sur l'assainissement des comptes de l'État. Mais une telle action ne pourra se poursuivre dans la durée que si la lancinante question des retraites trouve enfin sa solution. C'est une question majeure.

Les sommes en jeu sont considérables : les engagements de retraites souscrits par les cinq principales entreprises publiques – Électricité de France, Gaz de France, La Poste, la RATP et la SNCF – s'élèvent à plus de 250 milliards d'euros : c'est presque autant que la totalité des dépenses du budget général de l'État !

Ces engagements sont, dans la plupart des cas, totalement disproportionnés avec les fonds propres des entreprises : pour La Poste, 70 milliards d’euros d'engagements et 2,2 milliards de fonds propres ; pour la RATP, 21 milliards d’euros d'engagements et 900 millions de fonds propres ; pour la SNCF, 100 milliards d'euros d'engagements et 3,2 milliards de fonds propres !

Une première solution a été trouvée pour EDF et GDF : elle consiste à transférer à la caisse nationale d'assurance vieillesse la partie des retraites équivalente au régime général, le surcoût étant assuré pour partie par l'entreprise – la fameuse soulte – et pour partie par les usagers, la contribution tarifaire d'acheminement.

Cette solution a un mérite évident, celui de libérer les entreprises de l'obligation de provisionnement qui pesait précédemment sur elles. Mais elle a un inconvénient majeur : elle ne remédie pas à la cause de toutes ces difficultés, le surcoût du régime spécial. Plutôt que de remettre en cause les avantages qui déséquilibrent le régime, on a choisi, dans un premier temps, d'en répartir la charge de la manière la plus indolore possible. Cette manière de faire était sans doute la plus réaliste. Mais, au passage, peut-être a-t-elle accrédité l'idée que les privilèges – au sens étymologique du terme, priva lex : loi particulière – de ces régimes pourraient être indéfiniment maintenus. Or ce n'est pas vrai, parce que ni la collectivité ni les entreprises ne pourront durablement supporter une telle charge. Il suffit pour s'en convaincre de prendre trois exemples.

S’agissant de La Poste, dès à présent, en dépit d'une contribution de l'État de 500 millions d'euros par an, les cotisations patronales atteignent globalement 52 % de la masse salariale. Elles atteindront 55 % en 2015 et 60 % en 2020. Chez ses concurrents européens, ces taux sont de 23 % à la Poste allemande, 21 % à la Poste néerlandaise et 16 % à la Poste Britannique. Comment, dans ces conditions, La Poste pourrait-elle rester compétitive ?

En ce qui concerne la RATP, l'État prend d’ores et déjà en charge 65 % des retraites. Il en coûte à notre budget 416 millions d'euros. Si rien ne change, cette somme sera portée à un milliard en 2020. Ce dispositif soulève deux difficultés.

D'abord, il n'est pas conforme aux règles européennes et il sera immanquablement remis en cause au fur et à mesure de l'ouverture du marché à la concurrence.

Ensuite, cette aide de l'État est difficilement justifiable, dans son montant, car il est considérable, et dans son principe, car cette aide fait peser sur tous les contribuables – même les titulaires des retraites les plus modestes – le financement des retraites les plus élevées. C'est tout le contraire de la solidarité.

Enfin, comme pour la RATP, l'État participe au financement des retraites de la SNCF, mais pour un montant beaucoup plus élevé encore : 2,5 milliards d'euros par an. Le maintien de ce dispositif appelle les mêmes réserves que celui de la RATP, mais il présente une difficulté supplémentaire : la part du financement qui reste à la charge de l’entreprise représente un taux de cotisation de 33 % du salaire hors primes, soit environ 10 points de plus que pour les entreprises privées. Ce surcoût par rapport au régime général pèse dès aujourd'hui sur les comptes de l'entreprise à hauteur de 480 millions d'euros par an. Comment ce surcoût sera-t-il supporté demain lorsque la concurrence arrivera ?

Moralement injustes, financièrement prohibitifs, les régimes spéciaux devront tôt ou tard être revus. Les modalités, les délais, les compensations relèvent de la négociation. Mais, à l'évidence, le principe même d'une réforme s'impose.

Ces observations étant faites, la commission des finances a adopté les crédits du compte d'affectation spéciale des participations financières de l'État et ceux du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État », Je vous demande, mes chers collègues, d'émettre le même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, premier orateur inscrit.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de l'année, de nombreuses manifestations et mobilisations ont apporté des signes supplémentaires de l'attachement des Français à leurs services publics. Samedi prochain, une manifestation nationale poursuivra cette mobilisation. Un sondage publié par La Tribune il y a quelques mois confirmait d'ailleurs cet attachement de façon éloquente. Pourtant, les mises en cause des entreprises publiques ne manquent pas, après la banque postale, avec la mise en bourse de GDF, la privatisation partielle d'EDF, la large cession au secteur privé de la SNCM, la privatisation intégrale de nombreuses autoroutes ou l'ouverture du capital d'Aéroports de Paris.

En ouvrant ces entreprises publiques aux capitaux privés, vous vous inscrivez dans la droite ligne des politiques menées par les gouvernements les plus libéraux : Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, en leur temps, avaient déjà livré au secteur privé les rênes du pouvoir économique. Vous ne faites donc guère preuve d'originalité quand vos attaques concernent des secteurs clés de notre économie, comme les transports et l'énergie. Pourtant, ces secteurs sont, on le sait, au cœur de défis cruciaux pour l'avenir de nos populations, puisqu’ils répondent à des besoins sociaux fondamentaux, comme le droit à l'énergie. Ce sont aussi des secteurs où les enjeux en termes de sécurité publique sont importants : sécurité des installations nucléaires, sécurité dans le transport aérien. Autant d'impératifs qui devraient les préserver des règles de concurrence et des exigences de rentabilité qu'impose la logique financière actuelle.

Alors même que de nombreux économistes ont pointé du doigt les dangers de la privatisation du secteur énergétique, vous livrez deux fleurons de l’industrie nationale aux pressions de la rentabilité financière. Je le répète : ces mesures n’ont aucune justification industrielle, mais ne sont dictées que par l’idéologie.

Pour tenter de convaincre nos concitoyens, vous avez usé de divers arguments, au gré des contextes politiques. L’article 295 du traité instituant la Communauté européenne, disposant que celui-ci « ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres », est venu invalider vos premières tentatives pour justifier les privatisations d’EDF et de GDF par les obligations européennes.

L’argument industriel du besoin de financement de nouvelles capacités de production des entreprises n’est guère plus solide. En effet, l’ouverture du capital d’EDF ne sert pas à financer son plan d’investissement de 40 milliards d’euros sur cinq ans.

L’entreprise publique et le groupe disposent de surcroît d’une capacité financière autonome permettant d’éviter un appel aux fonds boursiers. À titre indicatif, rappelons que les comptes du premier semestre 2005 – 6,5 milliards d’euros de capacité d’autofinancement, soit une augmentation de 39,7 %, et un bénéfice net en hausse de 24 % – comparés aux prévisions d’investissement de l’entreprise – 5 milliards d’euros en 2005, 6 milliards en 2006 et autant en 2007, dont 3 milliards pour la France – sont venus éclairer de singulière façon la supercherie de « l’ouverture nécessaire ». Il en est de même pour GDF qui, avec 4 milliards d’euros d’autofinancement et 7 milliards d’euros de capacité d’endettement, dispose de moyens supérieurs aux engagements estimés par la direction, et qu’elle aura d’ailleurs du mal à concrétiser.

Quant à la privatisation des autoroutes, elle a été annoncée cet été en catimini, en passant outre à tout débat parlementaire digne de ce nom. Mais la manne financière que vous apportera cette privatisation relève d’une décision « court-termiste ». L’État touchera certes une douzaine de milliards d’euros, mais se prive de beaucoup plus : on parle d’environ 43,5 milliards d’euros, montant auquel sont évalués, selon plusieurs grands quotidiens, les dividendes des sociétés autoroutières pour les vingt-cinq ans à venir. S’il avait été bon gestionnaire, l’État aurait-il échangé 43,5 milliards d’euros contre un « cadeau » de 13 milliards d’euros pour une seule année ?

Le rapporteur de la commission des finances a tenté de justifier cette décision fort contestée en saluant le financement de la politique des transports qui s’ensuivrait. Mais, en dépit de la dotation exceptionnelle qui lui est versée, l’AFITF subira des coupes claires dans les prochaines années, puisque le produit des péages devait alimenter son budget.

Qu’il s’agisse des autoroutes ou d’EDF, la presse ne s’y est pas trompée : elle ne manque pas de souligner les « incohérences » du Gouvernement dans la privatisation d’EDF ou encore « les contradictions de l’État actionnaire ».

Vous opposez de façon manichéenne gestion publique et gestion privée des entreprises. Les détenteurs de capitaux privés seraient, selon vous, des gestionnaires moins dispendieux et plus rationnels que les propriétaires de deniers publics.

Faut-il rappeler que l’État actionnaire n’a non seulement pas doté l’entreprise EDF de fonds propres depuis 1982, mais l’a, au contraire, ponctionnée régulièrement d’environ 300 à 400 millions d’euros par an ? Et vous assurez aujourd’hui que l’État ne gagne pas d’argent à l’ouverture du capital d’EDF ou lors de la mise en bourse de Gaz de France ! Comment vous croire ? Ainsi, quand notre gazier national récupérait 1,5 milliard d’euros, l’État en prenait 2,5 ! L’augmentation de 12 % du prix du gaz viendra sans doute rémunérer les actionnaires, à qui on a promis des dividendes en hausse de 50 %.

Il est bon de rappeler qu’EDF a apporté une soulte de 7 milliards d’euros l’année dernière, qui a permis une amélioration comptable des comptes publics. Même stratagème cette année, avec la mise à contribution de La Poste à hauteur de 2 milliards d’euros, pour alimenter le financement des retraites des fonctionnaires. Enfin, RFF n’est pas oublié : alors que son endettement justifierait que toutes ses recettes lui soient affectées, et même que la décision soit prise d’un désendettement total, avec toutes les conséquences positives que cela aurait sur le développement du ferroviaire, vous allez, là aussi, ponctionner l’entreprise à l’occasion de la vente de biens fonciers lui appartenant.

Ce bradage d’entreprises nationales, biens publics de la nation au sens où l’entend le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, constitue autant de spoliations inadmissibles. En d’autres termes, les privatisations cèdent au privé un patrimoine collectif et public d’une valeur considérable, financé par les usagers et les contribuables.

Mais ce n’est pas tout. De telles décisions sont lourdes de conséquences pour la bonne marche de notre économie et la qualité des services rendus à nos concitoyens.

Regardons ce qui se passe chez nos voisins : en Grande-Bretagne, une entreprise promise, semble-t-il, à un grand avenir chez nous, la Connex, s’est déjà vu retirer une partie de ses missions de gestion des transports ferroviaires en raison de la mauvaise qualité des services rendus. En France, un récent conflit a opposé la puissance publique à la société Cofiroute à propos de la qualité du service assuré et de la bonne exécution des investissements, à la suite du blocage de toute la circulation sur l’autoroute A10 dans les premiers jours de janvier 2003.

M. Jean-Pierre Balligand. Très juste !

M. Daniel Paul. Ces craintes demeurent. Dans le secteur de l’énergie, comment EDF va-t-elle concilier ses promesses de reverser la moitié des bénéfices nets aux actionnaires et celle de réaliser des investissements à hauteur de 30 milliards d’euros ? Car c’est bien là le cœur du problème : les investissements dans les centrales nucléaires seront-ils suffisants ? Déjà, EDF a massivement recours à la sous-traitance dans les centrales, où interviennent des salariés moins formés et moins compétents. Les salariés de la sous-traitance subissent dans ce secteur 80 % des doses d’irradiation et 70 % des accidents du travail, l’émergence de la concurrence ayant tendance à faire disparaître le savoir-faire et la connaissance des gestes professionnels. L’Autorité de sûreté nucléaire souligne d’ailleurs : « Lorsque des prestataires d’EDF sous-traitent à des entreprises qui, à leur tour, font appel à la sous-traitance, il devient difficile de contrôler effectivement la qualification de l’intervenant et la qualité des travaux. »

De même, dans le domaine autoroutier, l’exigence de rendement amène déjà les sociétaires à faire des économies sur la qualité des infrastructures. L’A28 comporte ainsi des bandes d’arrêt d’urgence restreintes et des voies de vitesse réduites en largeur.

S’il est de bon ton, de nos jours, d’arguer d’une nouvelle forme de services publics pour lesquels la nature du propriétaire serait d’importance secondaire, les expériences de privatisation réalisées à l’étranger ou dans certains secteurs de notre économie incitent à plus de prudence. Et si les revenus des dirigeants tendent à croître, ceux des salariés prennent la direction inverse.

Avec ce bradage des entreprises publiques, vous manifestez une conception étroite du rôle de l’État, alors que l’histoire du XXe siècle a montré l’importance de services publics forts, garants d’une dynamique socio-économique et d’une égalité de traitement entre les citoyens.

Pendant longtemps, les entreprises publiques ont aidé, par des partenariats, au développement de notre pays et de ses territoires, contribuant à l’émergence de grands groupes industriels et renforçant la cohésion nationale. Aujourd’hui, cela ne suffit plus : l’accumulation de capitaux privés non investis dans l’industrie est telle qu’il faut de nouveaux terrains de profits. C’est à cette logique que vous livrez les entreprises publiques. Cette casse d’outils économiques, de politiques de cohésion et donc d’emplois est aussi ce qui nourrit les colères et la pauvreté. On en voit les effets.

Quant aux salariés, on sait le sort que vous leur réservez : coûte que coûte, c’est une baisse des rémunérations qui est à l’ordre du jour : globale, avec la disparition programmée des fonctionnaires à statut et la baisse des retraites, individuelle avec l’introduction des critères de gestion du privé.

C’est bien une politique de rupture que vous menez : ne comptez pas sur nous pour l’accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après mes interventions sur le budget de l’emploi et sur celui de l’éducation scolaire, j’interviens à nouveau aujourd’hui sur un sujet important, puisqu’il concerne les participations financières de l’État.

M. François Liberti. Quelle polyvalence !

M. Jean-Pierre Balligand. Soit il est omniscient, soit il était de garde aujourd’hui !

M. Bernard Perrut. Je salue l’extrême clarté et la pertinence de l’exposé du rapporteur, M. Diefenbacher, qui a su mettre en évidence les progrès réalisés dans l’affectation au désendettement des recettes de privatisations, de même qu’il a su montrer les enjeux considérables et décisifs liés à la question du financement des régimes spéciaux de retraite.

Le compte « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant les services publics » qui est examiné dans le cadre de cette discussion budgétaire regroupe les avances du Trésor à l’Agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole ainsi que les avances aux services de l’État ou aux organismes gérant des services publics. Ces avances du Trésor, estimées à 13,6 milliards d’euros en 2006, ont vocation à être neutres pour le budget de l’État.

Le programme « Participations financières de l’État » retrace l’ensemble des opérations réalisées au titre de l’État actionnaire qui figuraient, avant la réforme budgétaire de la LOLF, au chapitre « Compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés ».

Ce compte d’affectation spéciale, qui constitue une mission, a pour finalité la valorisation des participations financières de l’État. Les objectifs affichés sont de veiller au succès des opérations de cessions de participations car elles contribuent prioritairement au désendettement de l’État.

Les cessions d’actifs ou d’augmentation de capital vont se poursuivre en 2006, en particulier dans le domaine énergétique et dans le secteur des transports.

Conscient de la nécessité de donner les moyens d’assurer le développement des entreprises publiques de l’énergie qui évoluent dans un secteur de plus en plus concurrentiel, le Premier ministre a annoncé, dans son discours de politique générale du 8 juin 2005, la poursuite de la procédure d’ouverture du capital de Gaz de France et d’EDF.

Nous parlons bien d’ouverture de capital et non de privatisation, puisque l’État reste majoritaire dans le capital de ces sociétés.

En contrepartie, les entreprises GDF et EDF sont soumises à des exigences importantes en termes d’investissements – 40 milliards d’euros d’investissements sur cinq ans, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport aux cinq dernières années – et en termes d’obligations de service public.

Ces missions de service public sont détaillées dans les « contrats de service public » que l’État a signés avec ces entreprises. À titre d’exemple, le contrat de service public souscrit avec EDF pour une durée indéterminée s’attache à la qualité et à la sécurité des approvisionnements. Il prévoit l’égal accès à l’énergie sur l’ensemble du territoire. Le principe du respect de la péréquation tarifaire est affirmé. Il est par ailleurs précisé que, pendant au moins cinq ans, l’évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure à l’inflation. Des dispositions concernant l’accès de l’électricité pour les plus démunis sont également prévues. Elles figurent d’ailleurs dans le projet de loi portant engagement national pour le logement.

Le groupe UMP demeure attentif au respect de ces obligations de service public, auxquelles il est particulièrement attaché, comme l’ensemble des Français.

L’ouverture du capital de Gaz de France, en juillet 2005, a été une grande réussite. Le produit de la cession s’est élevé pour l’État à 2,5 milliards d’euros. Pour GDF l’augmentation de capitaux propres est de 1,9 milliard d’euros.

Quant à la procédure d’augmentation du capital d’EDF, elle est actuellement en cours, et la première cotation est prévue pour le 21 novembre prochain.

En ce qui concerne les transports, le Gouvernement a annoncé l’ouverture prochaine du capital d’Aéroports de Paris ainsi que la cession des participations détenues par l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Un débat sur les infrastructures de transport s’est déroulé dans cet hémicycle, à l’initiative du groupe UMP, le 11 octobre dernier. À cette occasion, le Gouvernement a confirmé que le processus de privatisation s’accompagne d’un cahier des charges très précis imposé par l’État aux sociétés autoroutières. Il ne s’agit donc pas à proprement parler de la privatisation des autoroutes, mais de celle des sociétés autoroutières. Les décisions de construction, de tracé et de tarification restent en effet de la compétence des pouvoirs publics.

L’Agence de financement des infrastructures de transport de France sera dotée de ressources pérennes pour assurer le financement des infrastructures de transport.

En revanche, certains secteurs ont vocation à rester dans la sphère publique. C’est le cas d’une activité aussi stratégique que le nucléaire, qui doit entièrement rester sous le contrôle de l’État. Il en va de même pour La Poste et la SNCF. À cet égard, les propos du Premier ministre sont très clairs : il a réaffirmé, le 10 novembre, que l’ouverture du capital ou la privatisation de ces secteurs n’était pas à l’ordre du jour du Gouvernement.

À côté de l’opportunité de procéder à des cessions d’actifs, la valorisation des participations détenues par l’État est importante car le produit des cessions de participations financières, évalué à 14 milliards d’euros en 2006, contribue principalement au désendettement de l’État.

Une part représentant 85,26 % des recettes de ce programme est en effet affectée au désendettement de la France et des établissements publics, au sens de la comptabilité nationale, tels que l’Entreprise minière et chimique, Charbonnages de France, l’Établissement public de financement et de restructuration pour l’amortissement de la dette contractée vis-à-vis du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ou l’ERAP, l’Établissement de recherche et d’activité pétrolière.

En 2006, 10 milliards d’euros sont prévus pour l’allégement de la dette publique, soit une économie de 366 millions d’euros sur la charge des intérêts de la dette.

Notre endettement s'élève à 1 000 milliards d'euros, soit plus de 60 % du PIB. Les intérêts annuels de la dette se montent, quant à eux, à 38 milliards d'euros, et uniquement parce que les taux d'intérêt sont particulièrement bas ! C'est pourquoi, soucieux de l'avenir de nos générations futures, le Gouvernement a fait un choix responsable et de bonne gestion qu'il convient de saluer. Depuis 1986, seulement 13 % de l’ensemble des cessions de participation de l’État ont été consacrées à la réduction de la dette publique. Les produits des cessions permettent le versement de dotations aux entreprises publiques. Il s'agit de la participation de l'État au rétablissement de l'activité déficitaire du fret de la SNCF, de la dotation au GIAT pour mener à bien le projet de restructuration industrielle et sociale, des moyens destinés à la modernisation de la direction des chantiers navals et de la capitalisation de la future société de valorisation des biens immobiliers détenus, auparavant, par le réseau ferré de France.

Les ressources dégagées au titre de ce programme permettent enfin de participer au financement des politiques publiques de grande envergure considérées comme prioritaires, car source de croissance et d'emplois. L'Agence nationale pour la recherche, l'Agence pour l'innovation industrielle ainsi que l'Agence de financement des infrastructures de transport en France en sont les principales bénéficiaires.

Ce programme répond par conséquent à l'exigence de transparence des opérations réalisées dans le cadre de cette mission. Ses orientations peuvent être jugées judicieuses et la gestion patrimoniale des actifs de l'État est cohérente et dynamique. Elle poursuit, et c’est l’essentiel, un but précis : le redressement des comptes publics. C'est un changement d'approche important, car, depuis 1986, de bien maigres recettes provenant des cessions finançaient les dépenses courantes de l'État. Seules 13 % d'entre elles, en effet, étaient destinées à l’allégement de la dette.

Ce programme concourt par ailleurs à l'information du public sur le rôle de l'État actionnaire, au même titre que l'Agence des participations de l'État et le jaune budgétaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Balligand. M. Perrut, le Stakhanov de l’UMP !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons ce soir de la mission « Participations financières de l'État » qui, comme son nom ne l'indique pas forcément, est essentiellement relative à la politique de l'État actionnaire, notion qui, sous ce gouvernement, se limite essentiellement à la politique de privatisation.

Cette politique se présente sous un double aspect : le choix des privatisations et l'utilisation du produit de ces cessions de titres. Cela me permettra de faire quelques remarques sur la nomenclature retenue pour la mission « Participations financières de l'État ». J'aborderai ensuite la politique actionnariale de l'État dans les entreprises publiques qui ont survécu à votre politique de cessions tous azimuts. Enfin, en marge de notre débat, je souhaiterais obtenir quelques éclaircissements sur le point de vue exprimé de façon quelque peu brutale par notre cher rapporteur spécial concernant les régimes spéciaux de retraites des entreprises publiques.

C’est, tout d’abord, l’ampleur de votre politique de privatisations que l’on remarque. Les produits des opérations de privatisation connaissent un bond spectaculaire en 2006. Ils atteindraient 14 milliards d'euros en une année. Les recettes, qui étaient évaluées à 4,517 milliards en 2005, atteindraient déjà 5,586 milliards, avec les cessions de Thomson TSA au groupe chinois TCL, de la Société nationale immobilière à la Caisse des dépôts et consignations, la vente de 35 % du capital de la SNECMA, la cession de 10 % du capital de France Télécom et des titres Air France-KLM. À ce montant de près de 6 milliards d'euros en 2005 s'ajoutent 6,1 milliards de cessions en 2002 ainsi que 2,5 milliards d'euros en 2003 et, enfin, 5,6 milliards en 2004. Fin 2006, c'est ainsi pour plus de 34,2 milliards d'euros de patrimoine de l'État qui aura été cédé. Tel est le bilan de la droite au pouvoir jusqu’à maintenant. Le chiffre de 14 milliards d'euros en 2006 correspond à 9,97 milliards de recettes de privatisations proprement dites et près de 4 milliards d'euros de cessions de titres détenus indirectement.

Après avoir apporté des précisions sur l’ampleur de votre politique de privatisation, je voudrais, en deuxième lieu, en contester une nouvelle fois la nature même. Les recettes de privatisations, au titre de 2005 et de 2006, comptabilisent deux opérations auxquelles nous nous sommes très fermement opposés, car elles correspondent pour nous à un bradage à court terme des infrastructures de l'État. Je songe à l'ouverture du capital d'EDF, annoncée le 24 octobre 2005 et qui sera réalisée sur l'année 2005. Si 7 milliards, qui vont directement dans les fonds propres de l'entreprise, ne transitent pas sur le compte, l'offre réservée aux salariés, qui apportera 1 milliard d'euros à l'État, est bien sûr retracée. Je songe également – et je suis intervenu sur ce point comme un certain nombre de mes collègues – à la privatisation des trois sociétés autoroutières – Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, Autoroutes du Sud de la France et Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France –, dont nous avons dit à quel point elle ne nous semblait qu’une réponse à court terme, face à l'incapacité pour l'État de faire face à ses obligations de long terme. Cette opération est d'autant plus critiquable que vous la menez à l'encontre de la volonté exprimée ici même, dans le cadre d'une loi de finances, l'an dernier. Le législateur financier avait prévu, dans le budget de 2005, une affectation des dividendes de ces sociétés. La privatisation supprime ces dividendes et prive donc d'effet la mesure votée. On aurait pu penser que vous auriez au moins le courage de faire s’exprimer à nouveau le législateur mais vous vous contentez d'un décret. La méthode n'est guère respectable.

Je m’élèverai, en troisième lieu, contre les modalités précises de cette privatisation. Je pense à l'évaluation du prix de cession des sociétés d'autoroutes. Je suis déjà intervenu au nom de mon groupe sur ce point. Il nous faut revenir une nouvelle fois sur le niveau de valorisation retenu pour la participation de l’État dans ces sociétés. La différence entre l'évaluation la plus basse et la plus favorable est en effet de 12 milliards d'euros – 10 à 22 milliards d'euros – somme loin d'être négligeable puisqu’elle représente près de 0,7 point de PIB 2006. Pour sa part, le groupe socialiste a marqué son refus. Il est en tout état de cause inacceptable que soit réalisée une opération consistant à ne retirer, selon les évaluations, que 12 à 13 milliards d'euros d'une cession qui pourrait rapporter 22 milliards !

Cette question de l'évaluation des prix de cession est posée de façon globale, et nous ne trouvons guère satisfaisants en la matière les « indicateurs de performance » qui s'y rapportent dans le bleu budgétaire. Ils visent en effet seulement à assurer que l'écart entre le produit des cessions et la valeur des titres, évaluée par la Commission des participations et des transferts, sera « globalement positif ». C'est assez limité, vous en conviendrez, et je ne parle pas de la référence historique. Dans le cas des entreprises cotées, la vision est à très court terme. En effet, l'objectif fixé est d'assurer une absence d'écart entre les recettes de cession et la valeur boursière moyenne sur les marchés dans les trente jours de bourse précédents. Imaginez que l’on ait fait la même chose au moment où M. Juppé voulait brader Thomson pour le franc symbolique !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La Commission des participations et transferts a dit non ! Elle a joué son rôle !

M. Jean-Pierre Balligand. Mais trente jours ne sont pas un critère correct !

Compte tenu des fortes variations de court terme que peut connaître le cours des titres d'une société, on peut penser que la définition de références basées sur une plus longue période pourrait avoir tout son sens si l'on voulait éviter de brader les actifs publics.

Parallèlement, je souhaite faire une dernière remarque sur la privatisation des autoroutes, pour m'élever contre l'imagination du ministère des finances ! Non content en effet des recettes de cession, il s'est attribué pour près de 1 milliard d'euros de ce que notre rapporteur spécial désigne, avec beaucoup de poésie mais peu de rigueur, « des « quasi-dividendes », c'est-à-dire en réalité une dernière ponction de l'État au titre des recettes de poche, sur une entreprise privatisable, afin de boucler son budget, comme cela a été dénoncé en première partie de l'examen de la loi de finances.

Venons-en à l'utilisation des recettes de privatisation que vous nous proposez, ou plutôt que vous nous imposez. Le Gouvernement se targue, pour l'avenir, d'une « bonne pratique » qu'il n'a absolument pas respectée jusqu'ici. Ainsi, 11,95 milliards d'euros sur un total de 14 milliards de recettes sont destinés au désendettement de l'État ou d’établissements publics de l'État – et c’est là, monsieur Perrut, que vous n’avez pas bien lu. Sont incluses dans cette action, outre la dette de l'État proprement dite, la dette confinée dans des structures particulières comme l’Établissement public de financement et de restructuration du Crédit lyonnais. Le rapporteur spécial, moins euphorique que le porte-parole de l’UMP, reconnaît que les apports spécifiques à la dette publique ont été « singulièrement limités », de même que les dotations accordées au fonds de réserve des retraites. C'est le moins que l'on puisse dire ! En effet, à ce jour, 500 millions seulement ont été accordés à la Caisse de la dette publique, en 2003 seulement, et le fonds de réserve n'a pas été abondé de produits de privatisations depuis 2002. À cet égard, il est regrettable, car en contradiction avec l'esprit de la LOLF, qui se fonde sur une logique de résultat, qu'aucune cible ne soit fixée en matière de recettes affectées au désendettement de l'État et de réduction des charges d'intérêt pour les années à venir. Nous devons donc nous contenter d'une simple prévision pour 2006.

Plus de 150 millions d'euros sont consacrés aux prestations juridiques. C’est dire à quel point les opérations de privatisation peuvent représenter une bonne affaire pour le secteur bancaire. Le Gouvernement indique que ces commissions sont évaluées à environ 2 % des produits des cessions réalisées directement par l'État. Les indicateurs de performances devraient sans doute viser plus spécifiquement une réduction drastique de ces coûts. Ainsi, décider que les taux des commissions versées par l'État à ses conseils sont seulement inférieures ou égales aux prévisions pour 2005 ne permet pas d'envisager de progrès significatifs en la matière. Parallèlement, l'inclusion de cette action dans le compte d'affectation nous semble contraire aux règles prévues par l'article 21 de la LOLF. Je citerai in extenso le commentaire de cet article 21, réalisé par les meilleurs spécialistes de la LOLF : « Le compte de gestion des participations financières ne devra retracer que des opérations de nature patrimoniale, à l'exclusion de toute opération courante. Au contraire, le compte n° 902-24 finance des dépenses courantes afférentes aux ventes de titres, parts ou droits de société : commission aux établissements financiers chargés de la vente et du placement des titres, frais de communication, rémunération des prestations des banques conseil, frais juridiques, etc. En 2000, ces dépenses se sont élevées à 85,9 millions d'euros. Ce dispositif n'est guère transparent et a été maintes fois critiqué par la Cour des comptes. Il est vraisemblable que le législateur organique a été sensible aux observations répétées de la Cour. Quelles qu'aient été ses motivations profondes, il ressort de ses travaux que les frais de gestion courante seront désormais entièrement imputés sur le budget général, une fois tenu compte de l'effet des conventions de partage de frais. »

Voilà ce qui est écrit dans La réforme du budget de l’État, sous la direction de Jean-Pierre Camby, à la page 150.

Pour nous, le choix d’intégrer ces dépenses au compte d’affectation spéciale est donc en contradiction avec les préconisations de la LOLF. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de censurer cet écart.

Enfin, l’exercice par l’État de son rôle d’actionnaire des entreprises publiques est particulièrement limité.

Seulement 1,9 milliard d’euro correspond à l’exercice par l’État de sa fonction d’actionnaire dans les entreprises publiques, soit dans des augmentations de capital, soit par dotations en fonds propres, soit par avances d’actionnaire.

Ces sommes devraient aller, selon les indications du Gouvernement, à la dotation en capital au profit de la DCN, à la restructuration de l’activité fret de la SNCF, à l’augmentation du capital de GIAT Industries.

C’est ici qu’est également comptabilisée la dotation de 500 millions d’euros à la société de valorisation des biens immobiliers de RFF.

Ainsi, le Gouvernement utilise des recettes de privatisation pour doter une société ad hoc dont le seul objet est de lui permettre un gain de 350 millions d’euros, au détriment de RFF et en contradiction totale avec la mission qui était fixée à cet organisme.

Cela renvoie aux débats qui ont eu lieu sur l’article 48 de la première partie de ce projet de loi de finances, et nous continuons à refuser cette manipulation budgétaire que mon collègue Jean-Louis Dumont mais également des élus de l’UDF et même de l’UMP ont dénoncée il y a quelques semaines ici même.

Pour ce qui est des critères d’action de l’État actionnaire, le choix des objectifs et des indicateurs est révélateur de votre conception politique des choix à effectuer.

En effet, le Gouvernement semble n’avoir pas d’autre but qu’un pur alignement sur les comportements de la sphère privée.

On peut en prendre pour exemple l’objectif fixé de « veiller à l’augmentation de la valeur des participations financières », dont les indicateurs retenus, page 130 du bleu, sont notamment la rentabilité financière des capitaux propres avec une réalisation d’un ratio résultat net sur capitaux propres de 10,1 % en 2004 et une cible de 16,3 % en 2006.

Je ne suis pas certain que le bon exercice de sa mission d’actionnaire par l’État puisse se limiter à des indicateurs dont la pertinence est largement critiquée en matière d’analyse des performances des sociétés privées.

En conclusion de ce point sur l’utilisation des recettes, je souhaite revenir sur la question de l’absence totale de liberté laissée aux parlementaires en la matière.

La mission que constitue le compte d’affectation spéciale n’est constituée que d’un seul programme, n° 731, « Participations financières de l’État ».

Comme le reconnaît d’ailleurs notre rapporteur spécial, M. Diefenbacher, les parlementaires se trouvent ainsi privés totalement de leur droit d’amendement

Je cite son rapport : « Le fait qu’une mission ne comporte qu’un seul programme ne paraît pas conforme à la lettre de l’article 7 de la LOLF, même s’agissant de missions hors budget général. Cette configuration réduit à néant le droit d’amendement en matière de transferts de crédits ».

En effet, la répartition des crédits du programme entre les différentes actions n’est qu’indicative et ne peut faire l’objet d’amendement.

Ainsi, les parlementaires ne pourront absolument pas arbitrer l’utilisation des sommes issues des privatisations ou des opérations d’ouverture du capital d’entreprises publiques. Il faut que mes collègues de la majorité soient bien conscients de la perte d’autonomie qu’ils subissent ainsi.

Les actions du programme correspondent pourtant à des utilisations très différentes de ces recettes, qui correspondent à des options politiques fortes, notamment entre dotations en fonds propres des entreprises encore détenues par l’État, désendettement de l’État, et, depuis l’adoption de l’amendement socialiste concernant le fonds de réserve des retraites en première partie, prise en compte des engagements à long terme de la sphère publique en matière sociale.

C’est la raison pour laquelle je défendrai tout à l’heure, au nom du groupe socialiste, un amendement identifiant, au sein de programmes distincts, la destination des crédits du compte d’affectation spéciale.

Avant de conclure, je souhaite poser une question à notre rapporteur spécial et au Gouvernement concernant l’avenir des régimes spéciaux de retraites.

Nous avions cru comprendre, lors de la discussion sur la réforme des retraites il y a seulement deux ans, que le Gouvernement n’envisageait pas de réforme de ces régimes. Aujourd’hui, à lire notre rapporteur, rien ne serait plus urgent, et il n’a pas de mots assez durs pour dénoncer l’absence de propositions en ce domaine.

Certes, le Gouvernement a eu l’occasion, notamment cet été lors de la discussion d’un texte sur les PME, de revenir subrepticement sur le régime particulier des salariés de la Chambre de commerce de Paris, mais il ne semble pas avoir remis globalement en cause sa position. Je souhaiterais donc savoir, au nom du groupe socialiste, si les attaques en règle du rapporteur spécial représentent réellement la position de la majorité et du Gouvernement, ou d’une partie de la majorité et du Gouvernement, comme c’est malheureusement de plus en plus le cas, et quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre réellement en la matière. J’espère, monsieur le ministre, obtenir une réponse de votre part.

Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, qui montrent à quel point un budget a priori aride est la traduction de choix, et de divergences politiques, fondamentaux en matière d’actionnariat public, je vous indique donc que le groupe socialiste votera contre l’adoption de la mission « Participations financières de l’État ».

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, mon intervention ce soir permettra de présenter conjointement, afin d’économiser votre temps, deux programmes retraçant les relations financières de l’État avec les entreprises et les organismes publics. Il s’agit, d’une part, du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », et, de l’autre, du compte de concours financier sous forme d’avances.

Le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » vise, comme l’actuel compte d’affectation des produits de cession de titres, à identifier les recettes de cessions des participations de l’État, afin de ne pas les assimiler à des produits courants qui financeraient le fonctionnement de l’État, mais d’en assurer l’affectation à de véritables opérations d’investissement. Telle est la ligne directrice de la structuration du compte et des indicateurs qui vous permettront d’en vérifier la performance.

Le fonctionnement de ce compte d’affectation est très simple : un euro de recette permet de réaliser un euro de dépense.

La loi organique d’août 2001 a cependant apporté deux pierres qui contribuent fortement à la solidité de cet édifice : en citant explicitement ce compte d’affectation, elle l’a sanctuarisé ; en encadrant strictement ses modalités d’utilisation, elle a mis un terme aux aménagements qui ont parfois pu être apportés aux principes directeurs que je viens de rappeler.

La LOLF est en effet le premier texte à définir de manière synthétique l’objet du compte d’affectation, appréhendé jusqu’à aujourd’hui sous la forme d’une énumération de recettes et de dépenses que le législateur modifiait annuellement. Aux termes de la loi organique, le compte « Participations financières de l’État » ne retracera que les opérations de l’État de nature patrimoniale liées à la gestion de ses participations financières, et il les retracera toutes.

Si le volet recettes du compte ne pose pas de réelle, difficulté, M. le rapporteur spécial ayant à très juste titre relevé que la rédaction de l’article 33 qui a été retenue permettra d’éviter l’accumulation explicite des sociétés détenues indirectement et appelées à verser des produits de cession au compte d’affectation spéciale, il me semble en revanche utile d’insister sur l’usage qui pourra être fait des recettes.

En quelques mots, je dirai qu’il ne pourra s’agir que d’opérations réalisées par l’État actionnaire intervenant donc en tant qu’investisseur. En contrepartie de son apport financier, l’État devra recevoir un actif équivalent ou pouvoir espérer un retour sur investissement qui soit clairement valorisable. L’État pourra également réaliser des opérations de gestion de son passif.

La préparation du projet de loi de finances a été l’occasion, pour ce compte d’affectation comme pour d’autres, mais ici de manière plus emblématique compte tenu des masses et des enjeux, de préciser quels sont les objectifs poursuivis.

Avant tout, et notamment avant de chercher à céder les actifs qu’il détient, l’État actionnaire doit veiller aux intérêts patrimoniaux de ce qui constitue un élément du patrimoine collectif.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela vaudrait mieux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est l’objectif central assigné à l’agence des participations de l’État de veiller à ce que les entreprises qui entrent dans son champ d’action, qui constituent l’essentiel des participations financières et donc le socle du compte d’affectation spéciale, créent de la valeur et n’en détruisent plus.

Les résultats de l’exercice 2004 sont à cet égard encourageants. Ils ont été marqués par la poursuite de l’assainissement de la situation économique et financière de la cinquantaine des principales entreprises contrôlées par l’État. Je relève plus particulièrement la diminution de 10 % de leur dette nette et la très importante amélioration de la structure du bilan de la holding, puisque le ratio dette sur capitaux propres s’est réduit de plus d’un tiers entre 2003 et 2004, même s’il demeure encore relativement élevé.

Cette tendance doit pouvoir être poursuivie, la plupart des entités présentant à mon sens des marges importantes de progrès qui doivent être pleinement exploitées.

Les indicateurs qui permettent d’apprécier comment cet objectif est atteint sont par nature financiers. Leur amélioration est le résultat de la transformation de ces entreprises en sociétés de droit commun, de leur normalisation comptable, du traitement au fond de ce qui a longtemps constitué le « hors bilan » de ces entités – je vise ici tout particulièrement la question des retraites et du démantèlement des installations nucléaires – mais aussi de la meilleure gouvernance des entreprises à participation publique.

Je profite de cette occasion pour répondre plus particulièrement au rapporteur spécial, M. Diefenbacher, sur les régimes spéciaux, question qui a été également évoquée par M. Balligand.

L’évolution des normes comptables conduit à clarifier à partir de 2007 le mode de financement des retraites dans les comptes des entreprises publiques. Nous avons choisi d’étudier chaque situation au cas par cas sans tirer de règle générale. Pour cela, il convient d’étudier d’abord soigneusement la situation de chaque régime pour rechercher ensuite un mode de financement pérenne dans le respect des intérêts de chacune des parties. Il s’agit de réformer le financement des retraites, les droits étant inchangés. D’ores et déjà, nous avons réalisé ce travail pour les industries électriques et gazières, vous le savez. Nous l’avons engagé pour la RATP à l’occasion de la décentralisation du STIF. Nous sommes également en discussion avec La Poste à ce sujet. Enfin, il conviendra de mener ce travail pour la SNCF, pour laquelle, du reste, un travail d’analyse est en cours.

Revenons aux participations.

Lorsqu’elle est décidée, la cession d’une participation doit être parfaitement maîtrisée. C’est le deuxième objectif de l’État actionnaire, qui constitue la partie la plus visible de son action et qui, je le répète, ne constitue pas une fin en soi, même si elle peut constituer un puissant levier de désendettement de l’État d’une part, et, d’autre part, d’évolution et de développement des entreprises publiques, l’augmentation de capital d’EDF en constituant l’illustration la plus récente.

Les indicateurs qui sont associés à cet objectif doivent permettre de répondre à une double question : ces cessions ont-elles été réalisées au meilleur moment de l’année d’une part, et dans les meilleures conditions de coût pour l’État d’autre part ? J’insiste tout particulièrement sur la transparence que ces indicateurs permettent de donner aux opérations qui sont réalisées.

Cet objectif me conduit naturellement à aborder la question des prévisions de recettes du compte « participations financières de l'État ». Ces prévisions intègrent la cession des sociétés autoroutières sur lesquelles je me suis déjà largement exprimé, mais qui suscitent encore des interrogations ; je vais donc les lever. Il s'agit là de la cession des titres détenus directement par l'État, et indirectement, via l’établissement Autoroutes de France, ainsi que du produit résultant de l'offre réservée aux salariés dans le cadre de l'opération EDF. Ce sont au total 14 milliards d’euros qui pourraient être enregistrés en recettes en 2006.

S’agissant de ces opérations, je me rends compte que certains aspects demandent encore à être précisés. Monsieur Balligand, arrêtez de vous demander quel Premier ministre, depuis M. Balladur, a été le plus grand privatiseur. Jusqu’à aujourd’hui, la réponse est M. Jospin et vous le savez. Sera-t-il détrôné par M. Raffarin ? Non : M. Jospin tient encore la corde ! M. de Villepin fera-t-il mieux ? Je n’en sais rien mais le temps n’est plus à ces comparaisons. Tout le monde a privatisé et, si tout le monde l’a fait, c’est sans doute que c’était dans l’intérêt de l’État.

En ce qui concerne l’opération particulière des sociétés de concession autoroutière, nous disposons, je le répète, d’un instrument qui a très bien fonctionné sous MM. Balladur, Juppé, Jospin et Raffarin : la commission des participations et transferts. Composée de personnalités éminentes, elle est totalement indépendante, tout à fait respectée et même crainte par mes collaborateurs de Bercy. En dix-neuf ans, elle a rendu 300 avis sur 158 opérations qui n’ont jamais été contestés, parce qu’il s’agit de sociétés cotées en bourse, par décision de M. Fabius. Pourquoi, pour cette cent cinquante-neuvième opération, la commission aurait-elle perdu tout son pouvoir ? Non, monsieur Balligand, je vous rassure, elle l’assume pleinement. Si les offres sont inférieures à la valeur patrimoniale de l’État estimée par les sages de cette commission, cette opération ne se fera pas. Si, par contre, elles sont au-dessus, elle pourra se faire. Donc il n’y a pas de différence. Vous évoquez des chiffres de 14, 15 ou 22 milliards. On peut toujours écrire n’importe quoi ! La commission analysera la situation et rendra son avis, qui doit être conforme à celui que j’émettrai, faute de quoi il n’y aura pas d’opération. Soyez rassuré, je le répète : cette cent cinquante-neuvième opération se fera dans les mêmes conditions de transparence et de sécurité pour la garantie des actifs patrimoniaux de l’État que les cent cinquante-huit autres qui l’ont précédée. Cela répond à votre question : il s’agit d’entreprises cotées comme les autres.

Les 950 millions d’euros dont vous avez parlé ne constituent pas une ponction mais sont là encore une preuve de transparence comptable. La holding Autoroutes de France détenant les participations et la gestion de ces titres devant générer des plus-values, il fallait bien prévoir les plus-values qui vont remonter à l’État ; nous avons donc prévu des plus-values après cession. Une mauvaise compréhension vous a sans doute fait penser que ce serait peut-être ponctionné avant cession. Non, ce sont les plus-values d’Autoroutes de France qui généreront la nécessité de verser un dividende à l’État. Tel est exactement le mécanisme mis en œuvre et rien d’autres. J’espère vous avoir clairement démontré que la transparence est ce qui prime

Les choix d'affectation de ces recettes sont doubles. Il s'agit en premier lieu de permettre à l'État de jouer pleinement son rôle d'actionnaire. Même si elle diminue, cette part demeure importante, puisqu'en 2006 environ 2 milliards d’euros y seront consacrés. Il s'agit pour l'essentiel de la poursuite de la recapitalisation de GIAT, du financement de la restructuration de l'activité fret de la SNCF, qui est réalisée dans le cadre du plan validé par la Commission européenne, et de la libération de l'avant-dernière tranche de la capitalisation de DCN. Il est donc très clair qu'il n'y aura en 2006 ni substitution du compte d'affectation spéciale au budget général, ni financements qui auraient une forte coloration de subvention, ou qui pourraient s'apparenter à une mise de fonds sans perspective de retour clairement identifiable, l’État actionnaire intervenant comme un actionnaire avisé.

Les recettes de cession pourront donc être affectées massivement – nous espérons à plus de 85 %- au désendettement des administrations publiques, qu'il s'agisse des établissements publics qui entrent dans cette catégorie – je vise ici Charbonnages de France et l'EPFR – ou de l'État directement, comme cela avait été fait en 1987 et 1988. Le niveau actuel de notre dette – je rappelle que le produit de l'impôt sur le revenu sert désormais exclusivement au seul paiement des intérêts de la dette – exige en effet de notre part une réaction vigoureuse.

Dans ce contexte, et compte tenu du caractère très prioritaire des actions conduites par l'Agence nationale de la recherche, l'Agence de l'innovation industrielle et l'AFITF, j'envisage d'abonder ces entités dès l'exercice 2005.

Bien gérer, bien vendre lorsque cela est utile et possible, et ce afin de pouvoir contribuer de manière significative au désendettement des administrations publiques, tels sont donc les trois grands objectifs de l'État actionnaire, et je crois pouvoir dire en conclusion que la présentation au Parlement de ces activités a été très sensiblement améliorée. En témoignent le rapport annuel publié début octobre, qui donne une vision synthétique de la situation financière des cinquante plus grandes entités contrôlées par l'État, ainsi que le projet annuel de performances qui accompagne la présentation des prévisions de recettes et de dépenses du compte « participations financières de l'État ». Nous poursuivrons dans cette voie, en continuant à favoriser le développement des entreprises et participations publiques, et en utilisant les recettes qui peuvent parfois en résulter, avec le souci de limiter la charge qui pèsera sur les générations futures.

Le deuxième programme qui fait l'objet de votre examen concerne les avances octroyées par le Trésor à divers organismes de la sphère publique ou sociale. Il reçoit moins d'attention publique que les participations financières, mais sa bonne gestion est essentielle à la sincérité de la présentation budgétaire. Tout comme la LOLF a clarifié le processus d'octroi de la garantie de l'État, je compte sur ce programme pour assurer l'encadrement, par une doctrine d'emploi judicieuse, des avances octroyées aux organismes publics.

Le programme se compose de deux actions, distinguant les avances consenties à l'Agence centrale des organismes d'interventions dans le secteur agricole – l’ACOFA – de celles destinées aux autres services ou organismes publics.

Les avances consenties à l'ACOFA présentent une spécificité forte : elles permettent aux offices agricoles d'assurer le préfinancement national des aides agricoles communautaires. Leur individualisation sur une action spécifique assure ainsi une plus grande clarté des comptes de l'État et notamment une meilleure visibilité du reste des interventions du compte, dont l'importance financière est bien moindre mais dont il ne faut pas pour autant ignorer la supervision.

Je vous rappelle qu'en vertu de l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, le compte de concours financiers est désormais doté de crédits limitatifs. Sur la base des montants des avances octroyées ces dernières années et des prévisions d'aides communautaires, il est proposé de retenir en prévision un montant de crédits de 13,6 milliards d’euros, dont 13,5 milliards au titre des avances à l'ACOFA. Ce montant de 13,5 milliards d’euros de crédits est nécessaire, non pour réaliser une avance double de celle faite en 2005, mais pour effectuer deux avances successives dans le temps, de 6,4 milliards et 5,6 milliards d’euros.

Permettez-moi enfin de rappeler la doctrine d'emploi des avances. Elles ont vocation à répondre à des situations d'urgence, qu'il s'agisse d'assurer la continuité de l'action publique ou de mettre en œuvre de façon accélérée telle ou telle mesure. Elles autorisent également la couverture provisoire d'un besoin de financement qu'une ressource durable doit venir ultérieurement assurer de façon pérenne.

Or l'expérience montre que les avances consenties n'ont pas toujours fait l'objet d'un remboursement certain, dans des délais précisément définis et sans coût pour l'État. Comme l'a souligné à plusieurs reprises la Cour des comptes, les avances relèvent alors davantage de la subvention ou du prêt visant à couvrir un besoin de financement durable. Elles augmentent ainsi le besoin de financement de l'État et suscitent une charge d'intérêt additionnelle.

Je voudrais donc réaffirmer notre attachement au plein respect des deux règles qui doivent conditionner le recours à une avance du Trésor. Il s'agit d'une part du caractère certain de la ressource financière permettant le remboursement de l'avance, qu'il s'agisse de son montant comme de la possibilité juridique et technique de la mobiliser, et d'autre part de la neutralité financière pour l'État de l'avance.

C'est tout le sens de l'objectif de performance que se fixe l'AFT. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, depuis la loi du 2 juillet 1990, La Poste, bénéficiant d'une autonomie de gestion, assume seule la charge des pensions de ses fonctionnaires.

Conformément à notre système solidaire de retraites par répartition, les fonctionnaires actifs cotisent pour les fonctionnaires pensionnés. Toutefois, depuis 2003, la Poste ne recrute plus aucun fonctionnaire, mais des salariés de droit privé, 110 000 à ce jour pour 215 000 fonctionnaires.

Ces salariés touchent des salaires inférieurs d'environ 30 % en moyenne à ceux de leurs collègues fonctionnaires. Une partie travaille dans des conditions très précaires. Comme l'a souligné la cour d'appel administrative de Paris dans son arrêt du 29 novembre 2004, ces embauches, datant pour leur majorité d'avant la loi postale du 20 mai 2005, ont été faites dans la plus stricte illégalité, en violation de l'article 32 de la loi du 2 juillet 1990. Et comme ces salariés de droit privé ne cotisent pas au régime de pensions des fonctionnaires, La Poste se retrouve dans une situation difficile : un nombre croissant de fonctionnaires à la retraite, avec un nombre décroissant de fonctionnaires actifs cotisant au régime de retraite. Ainsi, la contribution de La Poste aux retraites des fonctionnaires représente environ 52,5 % des traitements à l'heure actuelle.

Cette contradiction n'a pas échappé au rapporteur spécial de la commission des finances chargé des comptes spéciaux de l'État, qui propose d'adosser le régime des retraites des fonctionnaires de La Poste au régime général. Comment accepter cette mesure injuste, venant sanctionner des salariés qui touchent 1 700 euros mensuels en moyenne ?

J'aimerais vous soumettre une autre solution, qui éviterait à l'État de puiser dans ses deniers publics pour alimenter tous les ans une partie de cette charge, non négligeable : le transfert de charges de La Poste vers l'État, que la collectivité devrait verser à partir de 2007, serait de 246 millions d’euros dès 2007 et pourrait atteindre 538 millions d’euros en 2010... Mauvaise nouvelle ! Pourquoi donc ne pas titulariser les quelque 100 000 salariés de droit privé employés par La Poste ?

Monsieur le ministre, vous feriez ainsi d'une pierre quatre coups : cette mesure permettrait d'augmenter le nombre de cotisants et d'assurer la viabilité du système de retraite des fonctionnaires, elle éviterait de nouvelles dépenses à l'État, elle empêcherait La Poste de violer les règles législatives en vigueur et elle sortirait de nombreux salariés de la précarité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je m’attendais à tout sauf à votre conclusion, qui est originale, mais je ne vous surprendrai pas en vous disant qu’elle ne correspond pas aux orientations du Gouvernement.

Je vous confirme que nous sommes en discussion avec La Poste sur les modalités d’un financement pérenne des retraites, sans toucher aux droits des agents. Nous le faisons dans le respect des normes comptables – c’est indispensable au XXIe siècle – et des contraintes du droit, notamment communautaire, – ce qui ne l’est pas moins –tout en permettant à l’entreprise La Poste de s’aligner sur la concurrence, car tel est notre monde d’aujourd’hui.

Beaucoup de travail reste à faire, j’en conviens, avant de finaliser ces discussions en liaison avec l’ensemble des parties prenantes, mais soyez certains que nous le menons en toute transparence et avec la volonté, du côté de La Poste comme du Gouvernement, d’aboutir, dans l’intérêt des agents.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, depuis maintenant plus de trois ans, le Gouvernement avance à grands pas, dans le droit-fil des orientations de l’OMC, vers la déréglementation et la privatisation des services et entreprises publics. Au nom de ce dogmatisme, bien des assurances sont données aux usagers sur la baisse des prix, la liberté de choix ou l’amélioration de la qualité du service rendu. La réalité quotidienne est bien différente.

Ajoutons à cela les conditions incertaines dans lesquelles s’opère aujourd’hui la décentralisation d’un certain nombre de services de l’État, notamment en ce qui concerne le devenir des missions de service public et le statut des personnels.

Le service maritime de navigation de l’État en Languedoc-Roussillon est directement concerné par ce problème, dans le cadre du transfert des ports d’intérêt national. Dans ce cadre, une série de missions d’entretien et de protection du littoral seraient supprimées. S’agissant de l’activité de dragage, une partie des personnels et des engins d’intervention serait mise à disposition de Voies navigables de France pour l’entretien du canal Sète-Rhône, et de la région pour l’entretien des ports de Sète et de Port-la-Nouvelle. Il s’agit en clair d’une partition des activités.

Or ces activités et ces missions sont complémentaires. Il est inconséquent de les répartir entre deux entités différentes, d’autant qu’on ne peut pas exclure le risque de voir à court terme ces missions externalisées dans le privé : cet abandon au secteur marchand aurait des répercussions sur les tarifs, mais aussi sur la qualité même des interventions.

D’autre part cette partition compromettrait la cohérence entre les statuts des personnels, qui sont soit inscrits maritimes, soit ouvriers d’État, et la nature de leurs missions.

Vous devez donc comprendre, monsieur le ministre, avant toute décision définitive, qu’une telle partition des services, de l’outil et des personnels porterait à terme atteinte à ces missions de service public, pourtant indispensables à l’économie littérale et portuaire, à l’emploi et à la sécurité maritime.

Enfin, comment sera résolu le problème des salariés ayant le statut de marins, afin que les transferts annoncés se fassent dans le respect de la spécificité de ce statut ?

Je sais que cette question peut paraître un peu incongrue dans le cadre du débat que nous avons aujourd’hui.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vous qui l’avez dit !

M. François Liberti. Je tiens cependant à vous faire observer que j’ai déjà posé cette question à trois autres ministres. Les organisations syndicales ont fait de même auprès de la sous-direction des ports. Nous n’avons à ce jour obtenu aucune réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis émerveillé, monsieur le député, par la façon dont vous tirez parti de toute occasion pour poser vos questions, aussi longtemps qu’elles n’ont pas reçu de réponse. Cette constance est tout à votre honneur.

J’ai bien noté que vous aviez vous-même souligné la possible incongruité de votre question ; non qu’elle soit infondée, mais elle est peut-être un peu éloignée de notre débat. Je vous propose donc, pour la clarté de nos débats, de réserver à cette question une réponse écrite. Vous exprimez en effet une préoccupation légitime de votre circonscription.

M. François Liberti. Pas seulement de ma circonscription !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Elle est en tous les cas un peu éloignée de notre débat.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour poser une dernière question.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, les Autoroutes du sud de la France, les autoroutes Paris-Rhin-Rhône et la Société des autoroutes du nord et de l’est de la France emploient quelque 17.000 salariés. Or tous les syndicats sans exception soulignent l'opacité du processus de privatisation en cours, qui est un signe inquiétant du peu de cas qu’on fait de ces personnels. Les parlementaires n’ont donc pas été les seuls à être tenus à l'écart de ce dossier

Ainsi, les syndicats n'ont toujours pas connaissance des modifications qui auraient été apportées au cahier des charges relatif à la procédure de transfert des participations de l'État au secteur privé, mis à disposition des repreneurs potentiels. Pour justifier ce manque de transparence, les directions des sociétés d'autoroutes avancent systématiquement l’argument selon lequel le processus serait du ressort exclusif du Gouvernement.

Les salariés du secteur n'ont donc été aucunement consultés sur le choix final des repreneurs, en violation de l’article 432-1 du code du travail, selon lequel « dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ». Ce même article précise que « le comité est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales ».

Il est encore temps de mettre un terme à ces violations caractérisées de la légalité.

En tout état de cause, comment, face à de telles violations, ne pas s'inquiéter du sort futur réservé aux salariés ? Les accords actuellement en vigueur dans les sociétés d'autoroutes interdisent les licenciements secs. Mais les salariés partant en retraite seront-ils remplacés ? Le recours à des entreprises sous-traitantes, avec des salariés parfois moins bien formés et connaissant moins bien les infrastructures autoroutières, sera-t-il évité ?

Cette question n’est pas gratuite : la gestion de la nouvelle A 28, inaugurée il y a quelques jours par le Premier ministre, laisse craindre des dérives inadmissibles, au détriment tant des droits et de la sécurité des salariés que de ceux des usagers des autoroutes. Ainsi, l'entreprise n'emploiera pas plus de 49 salariés, afin de ne pas avoir à s'embarrasser de section syndicale. En matière de sécurité, une simple glissière en béton armé fait office de terre-plein central : un ouvrier intervenant sur une voie de vitesse n'aurait d'autre solution, pour éviter un véhicule, que de se réfugier de l'autre côté de la glissière.pour se retrouver sur l'autre voie rapide ! Toutes les organisations syndicales ont relevé ce risque.

On rogne aussi sur la main d'œuvre, certains péages étant entièrement automatisés : ce sont autant de postes en moins en période de fort chômage, autant de désagréments pour les usagers qui ne disposeraient d’aucun autre moyen de paiement que de la monnaie.

L’ensemble des syndicats d’autres sociétés autoroutières expriment des craintes en ce qui concerne la réduction des dépenses de personnels pour les postes d'entretien et le défaut de formation des salariés.

Comment pouvez-vous promettre que l'État gardera le contrôle des prix, alors que seuls les péages peuvent générer des rentrées financières pour les sociétés autoroutières ? L'amélioration de la performance financière implique donc une réduction des coûts, en premier lieu de la masse salariale, principale variable d’ajustement .

Monsieur le ministre, si les actionnaires veulent des dividendes, les exigences des usagers et des salariés sont aussi légitimes. Que comptez-vous faire pour que les personnels des sociétés autoroutières ne soient pas un simple facteur de compétitivité de l'entreprise, pour que leurs droits soient respectés et que la sécurité des usagers soit assurée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je profite, monsieur le député, de l’occasion que vous m’offrez de répéter que nous veillons avec une vigilance extrême à ce que, dans le cadre du processus en cours, la situation des salariés des sociétés d’autoroute soit pérennisée, et même renforcée.

Nous avons, avec le cabinet de M. Perben, d’ores et déjà rencontré l’ensemble des organisations syndicales. Cette réunion a été très positive puisqu’elle nous a permis de nous expliquer abondamment.

Nous comptons poursuivre sur cette voie et, dès demain, Dominique Perben recevra à nouveau les organisations syndicales. Nous leur confirmerons à cette occasion, et par écrit, que l’automatisation que vous venez d’évoquer n’entraînera pas de licenciements secs, et que les accords existants seront intégralement maintenus.

Comme je l’ai déjà souligné, il ne s’agit pas pour l’État de sa première cession. L’État en a déjà réalisé un très grand nombre, et celle-là aura lieu, comme les autres, dans le strict respect de la loi et avec le souci de préserver l’intérêt des salariés.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Participations financières
de l’État »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Participations financières de l’État » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°300.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Cet amendement vise à réécrire l’article 54, en tenant compte des observations que j’ai déjà commencé à développer.

La mise en place de missions « monoprogramme » est une violation de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, elle prive les parlementaires de leur droit d'amendement et, ce faisant, leur interdit toute réorientation des crédits. C’est le contraire de ce qui était l’objectif de la réforme.

Ce choix ne peut pas être accepté en matière d'affectation des recettes de privatisation, en particulier parce que les parlementaires doivent avoir la possibilité d'arbitrer entre le désendettement de l'État, la mise en réserve de fonds pour faire face aux engagements sociaux de long terme – je pense au fonds de réserve des retraites, qui ne figurait pas originellement dans la nomenclature qu’on nous proposait, et qui a été introduit par l’Assemblée à notre initiative – et sa politique actionnariale propre, notamment les dotations en capital au profit des entreprises publiques.

Cet amendement propose donc une identification de ces objectifs à travers trois programmes différenciés.

Il propose notamment d’affecter un milliard d’euros au fonds de réserve des retraites, qui n'a pas été abondé depuis 2003 de crédits issus de privatisations.

Il est évident que, s'agissant de crédits évaluatifs, la création de trois programmes distincts aura pour effet principal d'indiquer au Gouvernement, en gestion, la proportion relative de crédits effectivement disponibles sur le compte d'affectation spéciale qui devront aller aux trois programmes, et non le montant précis devant leur être alloué en exécution.

Il n'en reste pas moins qu'il doit revenir au Parlement de se prononcer sur cette répartition, et que l'on ne peut se contenter d'une présentation en actions qui n'a d'autre valeur qu'indicative.

Tel est pour l’essentiel l’objet de cet amendement, important à nos yeux, qui tient compte du vote intervenu en première partie, et surtout des prérogatives du Parlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement, comme vous le savez, monsieur Balligand, mais j’y suis défavorable à titre personnel.

Mon rapport aborde la question que vous venez d’évoquer. Il est vrai que l’existence de missions « monoprogramme » réduit à néant le droit d’amendement en matière de transferts de crédits. Mais je pense qu’il est impossible de faire autrement : étant donné que la vie des affaires connaît des évolutions très rapides, les gestionnaires de crédits doivent pouvoir disposer de la souplesse et de la réactivité nécessaires. Lorsque, par exemple, il s’est agi de sauver Alsthom, il a bien fallu prendre très rapidement une décision.

C’est pourquoi nous n’avons pas intérêt à édicter des règles de gestion trop contraignantes.

J’opposerai un autre argument à l’adoption de cet amendement : s’agissant des comptes d’affectation spéciale, les dépenses ne peuvent être faites qu’au fur et à mesure de l’entrée des fonds, ce qui constitue déjà une contrainte lourde pour les gestionnaires de crédits. Si l’on y ajoute la contrainte que vous proposez, je crains que l’on ne rende purement et simplement impossible la gestion du compte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je comprends bien, monsieur Balligand, votre volonté de clarté, mais les propos du rapporteur spécial nous confirment dans l’idée que cette mesure non seulement n’est pas nécessaire, mais se révélerait même néfaste.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement en propose le rejet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°300.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Participations financières de l’État ».

( Les crédits de la mission « Participations financières de l’État » sont adoptés.)

Mission « Avances à divers services de l’État
ou organismes gérant des services publics »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Sur ces crédits, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux entreprises publiques.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, mardi 15 novembre à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, n° 2673 ;

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 ;

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Sécurité sanitaire (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie) ; articles 86 et 87

Rapport spécial, n° 2568, annexe 32, de M. Richard Mallié, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2569, tome 9, de M. Jean-Marie Le Guen, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis, n° 2570, tome 11, de M. Jean Gaubert, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural ; article 74

Rapport spécial, n° 2568, annexe 4, de M. Alain Marleix, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2570, tome 1, de MM. Antoine Herth et Aimé Kergueris, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 15 novembre 2005, à une heure quinze.)