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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 18 novembre 2005

70e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de finances pour 2006

Deuxième partie

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2 568).

FINANCES PUBLIQUES

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux finances publiques.

La parole est à M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les engagements financiers de l’État et pour les provisions.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les engagements financiers de l’État et pour les provisions. Monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les très nombreux effets positifs de la LOLF figure incontestablement l’éclatement de l’ancien budget des charges communes dont les rapporteurs cherchaient vainement, depuis des années, le fil conducteur ou le dénominateur commun.

Les charges communes éclatent en effet en de multiples missions, les deux principales étant la mission « Remboursement et dégrèvements » et la mission « Engagements financiers de l’État ».

Celle-ci constitue le meilleur indicateur de notre situation budgétaire puisqu’elle est le reflet direct de la dette de l’État, 96 % de ses crédits, soit 39,2 milliards d’euros, correspondant au programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État ».

Formellement, ce programme doit être analysé conjointement avec l’évolution du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État », explicitement prévu par l’article 22 de la LOLF.

Ce compte comporte deux sections :

La première correspond aux opérations de gestion primaire de la dette – versement des intérêts et encaissement des coupons et des revenus de rémunération de la Trésorerie –, alimentée par la subvention d’équilibre du budget général, par versements hebdomadaires. Pour 2006, cette première section fait l’objet d’une autorisation évaluative de découvert de 15 milliards d’euros. Ce montant élevé s’explique par la concentration sur un nombre restreint de jours des remboursements de titres échus et des versements d’intérêts. C’est la conséquence de l’objectif de la politique d’assimilation en matière d’aides publiques.

La seconde section retrace, pour sa part, les opérations de gestion « active » de la dette, au moyen de produits financiers dérivés, tels les échanges de taux d’intérêts. L’autorisation limitative de découvert de cette seconde section est fixée à 1,7 milliard d’euros.

La LOLF apporte en outre deux innovations :

La première est l’approbation du tableau de financement de l’État lors du vote de l’article d’équilibre. Ce tableau fait apparaître le besoin de financement de l’État, constitué pour l’essentiel du déficit budgétaire – soit 46,8 milliards d’euros en 2006 – et le montant des amortissements de titres arrivés à échéance – soit 84 milliards d’euros. Le besoin de financement s’élève ainsi, pour 2006, à près de 131 milliards d’euros.

Aux termes de la seconde innovation, toujours en application de la LOLF, la loi de finances fixe désormais le plafond de la variation nette de la dette négociable de l’État, d’une durée supérieure à un an. L’article d’équilibre fixe ce plafond à 41 milliards d’euros.

L’évolution de ces divers éléments appelle plusieurs observations.

On note d’abord l’impact favorable de plusieurs décisions sur la charge de la dette et sur la dette elle-même.

Je citerai le solde positif des opérations d’échanges de taux d’intérêt, qui ramène la charge de la dette de 39,2 à 38,7 milliards d’euros en 2006, bien que ces opérations aient été interrompues en 2002. Ceci me conduit, monsieur le ministre, à vous demander quelles pourraient être les conditions de leur reprise, puisque ces opérations ont été finalement avantageuses pour le budget de l’État.

Plus significatives se sont révélées les conséquences de deux choix politiques : d’une part l’affectation, en 2004, de la totalité des surplus de recettes à la réduction des déficits, soit 9,9 milliards d’euros et, d’autre part, l’affectation en 2006 du produit des recettes de privatisations, directement, pour leur part, à une moindre progression de l’endettement.

J’observe toutefois, sans vouloir relancer le débat sur la cession des parts de sociétés d’exploitation d’autoroute, dont nous avons déjà largement débattu, que certains membres de la commission des finances, parmi lesquels le rapporteur général, se sont demandé si le produit de ces cessions n’aurait pas pu être affecté plus largement au financement des infrastructures publiques. La faiblesse actuelle des taux d’intérêt limite en effet – on peut certes se demander pour combien de temps – le bien-fondé de l’arbitrage favorable au désendettement.

Mais au-delà, monsieur le ministre, nous en sommes tous conscients, c’est la dimension considérable de la dette et, bien sûr, celle de sa charge qui pèsent sur nos débats.

Le stock de dette de l’État, de 872,5 milliards d’euros fin 2004, pourrait dépasser 960 milliards d’euros fin 2006. La dette publique au sens du traité de Maastricht, incluant les régimes sociaux et l’ensemble des collectivités publiques, pourrait même passer de 1 067 milliards d’euros fin 2004 à 1 150 milliards d’euros fin 2006.

On pourrait également évoquer la notion de dette implicite, liée notamment à l’évolution démographique et à certains engagements à long terme, en particulier les engagements hors bilan liés aux dépenses de pension et aux dépenses de santé, encore qu’il convienne d’éviter, en ce domaine, certaines extrapolations excessivement alarmistes ou parfois confuses.

Face à cette évolution, nous ne connaissons que deux réponses. 

D’abord la maîtrise des finances publiques, celle que vous avez courageusement recherchée à travers ce budget, même si la commission des finances aurait parfois souhaité que cette maîtrise s’applique davantage à certaines catégories de dépenses, optique que nous voudrions que l’ensemble des partenaires de l’État partage.

La seconde réponse, c’est la croissance qui, comme chez la plupart de nos partenaires européens – et nous suivons de près le débat en cours en Allemagne –, exige la poursuite des réformes et exige aussi l’initiative et la confiance des acteurs de la vie économique. Les chiffres dont nous disposons montrent que nous sommes sur la bonne voie.

On peut donc s’étonner de certaines prises de positions récentes de la Commission européenne et se demander si elles sont bien dans l’esprit de la réforme du pacte de stabilité et de croissance engagée au printemps dernier, réforme qui voulait substituer une approche volontariste et dynamique à une approche trop rigide et souvent inadaptée aux évolutions de la conjoncture.

Je renverrai, pour les autres programmes, ainsi que pour la mission « Provisions », qui n’est que la reprise des dotations pour dépenses éventuelles et accidentelles, à mon rapport, et je conclurai, comme l’a fait la commission des finances, à l’adoption des crédits relatifs à ces deux missions et aux programmes qu’elles regroupent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, qui supplée M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la gestion et le contrôle des finances publiques et pour les monnaies et médailles.

M. Augustin Bonrepaux, suppléant M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Thierry Carcenac, qui ne peut être présent ce soir. J’ai l’honneur de rapporter en son nom deux missions, « Gestion et contrôle des finances publiques » et « Monnaies et médailles », établies à la façon « lolfienne ».

Les bleus ainsi que le rapport écrit rendent compte de ces cadres budgétaires qui sont essentiels pour le fonctionnement de l’État, puisqu’ils concernent, pour le premier, l’assiette, le recouvrement et le contrôle des recettes de l’État, de celles des collectivités locales et de celles qui sont reversées à l’Union Européenne, le paiement des dépenses publiques et la tenue des comptes publics, les fonctions d’état-major du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ainsi que le pilotage des projets de modernisation du ministère, et, pour le second, la frappe de la monnaie et les activités commerciales des Monnaies et médailles.

La présentation de ces crédits doit être d’autant plus exemplaire et emblématique que vous êtes, monsieur le ministre, également chargé de la réforme de l’État.

La mission « Gestion et contrôle des finances publiques » est la mission la plus importante du ministère. Elle mobilise plus de 78 % des équivalents temps plein travaillé, soit 136 754 sur un total de 173 559, et concentre près de 65 % des crédits de paiement du ministère pour 2006 : 8,8 milliards d’euros sur 13,6 milliards. Elle représente environ 80 % de l’ancienne section des « Services financiers », englobant la DGI, la DGCP et une petite partie de la DGDDI, ainsi que la plus grande partie de l’ancienne « Administration générale ».

Elle est composée de deux programmes : « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local », pour 96,6 % des effectifs de la mission et 92 % des crédits de paiement, répartis entre neuf actions ; « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle » pour le solde, soit 3,4 % des effectifs et 8 % des crédits de paiement, répartis entre cinq actions. Les demandes de plafonds d’emplois autorisés sont respectivement de 131 541 et 5 213 équivalents temps plein travaillé.

Vos choix stratégiques, monsieur le ministre, tendent à « l’accélération de la modernisation de Bercy ». « C’est un choix exigeant, écrivez-vous : repenser l’organisation et le fonctionnement administratifs autour de l’usager-client, utiliser massivement les nouvelles technologies, adopter résolument la culture du résultat et de la performance, réaliser davantage de gains de productivité, intéresser tous les agents au changement. Mais, poursuivez-vous, c’est le choix d’une ambition que nous souhaitons faire partager, celle d’un ministère à l’avant-garde de la réforme de l’État »

Avant d’aborder succinctement deux points concernant les moyens humains et informatiques du ministère, je souhaite préciser que, s’il me paraît essentiel de mettre au centre de nos préoccupations le citoyen-contribuable et l’entreprise, le ministère lui-même ne saurait être considéré comme une « entreprise » ou un « groupe » qui cherche à fidéliser des « clients » : un contribuable, à ma connaissance, n’est pas un « client »…

La mission essentielle du ministère trouve son origine dans les fondements mêmes de notre République, et plus précisément dans l’article 20 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions, d’en surveiller l’emploi, et de s’en faire rendre compte. »

Chaque ministre ne redécouvre donc pas le monde lorsqu’il exerce sa fonction : une continuité existe dans les grandes orientations de fonctionnement de l’administration, que nous retrouvons dans le ministère des finances, de l’économie et de l’industrie. La réforme ne peut se résumer à l’« intéressement » au changement : il faut aussi une adhésion des personnels à ce changement. Or l’observatoire interne du ministère, qui permet depuis 1999 d’en appréhender le climat social, note que, depuis 2004, « le rythme est considéré comme trop rapide par 47 % des agents concernés, 62 % des agents estimant que leur situation personnelle au sein du ministère va se dégrader ».

Vous avez opté pour la suppression de 7 905 emplois entre 2003 et 2006, dont 2 238 en 2006. Il s’agit quasi exclusivement d’agents de catégorie C basés dans les services extérieurs. Si le choix du Gouvernement de diminuer les personnels est clair, il me paraîtrait justifié d’aborder dans son ensemble le fonctionnement du ministère, y compris dans les services centraux, et d’envisager la reprise de la déconcentration des services hors Paris et la région parisienne.

Par ailleurs, les économies sur la masse salariale que l’on entend tirer de cette diminution du nombre d’agents de catégorie C sont à rapprocher de vos choix informatiques. La mesure d’incitation à la télédéclaration des revenus et au paiement par prélèvement ou par voie électronique, qui consiste en une réduction d’impôt de 20 euros, vise dix millions de contribuables sur trente millions de foyers fiscaux. Elle est onéreuse et inéquitable, dans la mesure où elle ne concerne que les foyers équipés pour effectuer cette saisie informatique. L’économie engendrée par la suppression des postes d’agents peut être estimée à 52 millions d’euros, tandis que la mesure incitative est estimée, elle, à 65 millions d’euros, et tendra même, pour les déclarations de revenus pour 2005, vers 105 millions d’euros !

Vous poursuivez les programmes informatiques Copernic et Hélios en accroissant de plus de 23 % les crédits de paiement de l’action n° 09, intitulée « Soutien ». Ces programmes engagés sur plusieurs années s’élèvent pour Copernic à 911 millions d’euros sur la période 2000-2009 et pour Hélios à 130 millions d’euros. Nous souhaitons que le nouveau dimensionnement du portail Copernic permette d’éviter le cafouillage observé l’an dernier dans la télédéclaration des revenus. L’ambition d’atteindre les dix millions de télédéclarations en 2006 démontre surtout que nos concitoyens se sont approprié les technologies de l’information et de la communication. Dès lors, l’incitation de 20 euros ne se justifie plus. Nous souhaitions d’ailleurs vous faire faire des économies en la supprimant, monsieur le ministre, et nous ne comprenons toujours pas pourquoi vous y êtes opposé.

Vous comptez sur l’application informatique Hélios pour améliorer la qualité de l’offre de service aux collectivités locales et aux établissements publics. Nous constatons des débordements discrets en matière de crédits et nous nous interrogeons sur le développement de ce programme, qui semble avoir rencontré quelques difficultés. Aucune approche nouvelle n’est envisagée pour le réseau comptable et sa lente disparition du milieu rural.

Enfin, l’examen des indicateurs et de leur cible, et notamment des trois indicateurs de l’objectif n° 3, « Renforcer la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement offensif des impôts et des amendes », est décevant. Je regrette que le contrôle fiscal ne fasse pas l’objet d’une action pour lutter contre la fraude fiscale qui, avec la contagion des réseaux mafieux, l’économie souterraine et la fraude à la TVA intracommunautaire, met en danger l’autorité de l’État. Si l’on veut mieux combattre ces phénomènes dont nous entendons souvent parler, il faut s’en donner les moyens.

J’en viens maintenant à la mission « Monnaies et médailles ». Le montant brut du budget annexe s’établit à 92,5 millions d’euros, en diminution de 5,43 % par rapport à celui voté l’an dernier. La subvention d’équilibre proposée s’élève à 1,3 million d’euros, contre 2,2 millions en 2005. Le plan de frappe des monnaies courantes françaises est fixé à 818 millions de pièces, en augmentation de 45 % par rapport à 2005. Mais le prix de cession des monnaies baisse, en dépit de la hausse des matières premières.

La mission se compose de deux programmes : les activités régaliennes, pour de 49 millions d’euros, et les activités commerciales, pour de 63,5 millions d’euros. Les effectifs demandés s’élèvent à 659 équivalents temps plein travaillé, soit une diminution correspondant à 31 suppressions d’emplois.

C’est l’avenir des Monnaies et médailles qui préoccupe les personnels – fonctionnaires et ouvriers d’État –, mais également la représentation nationale. Les discussions sur la LOLF ont toujours fait état d’un budget annexe pour les Monnaies et médailles. Or, lors du comité d’entreprise du 3 novembre dernier, on a présenté le possible changement de statut. Votre rapporteur a donc appris ce projet par les personnels, alors que la commission des finances du Sénat avait déjà examiné cette mission en l’état. La forme juridique retenue serait celle de l’EPIC. La réforme entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2007, et cela sans débat clair et transparent au Parlement, ce qui semble quelque peu anormal. J’attire donc l’attention de M. le président de la commission des finances : il conviendrait au moins que l’on donne des explications à la commission.

Les Monnaies et médailles, les personnels des deux établissements de Pessac et Paris, méritent mieux qu’une transformation à la sauvette, alors que les incertitudes sur le devenir de ces établissements et du budget annexe existent depuis plus de trois ans.

La fonction régalienne de frappe de la monnaie, y compris étrangère, pour lesquelles notre qualification est notoire, nécessite un vrai débat, de même que la préservation du savoir-faire de nos ateliers pour les médailles et les décorations. Il est indispensable que vous apportiez des clarifications, monsieur le ministre : si vous souhaitez procéder à des modifications, que cela se fasse au grand jour. Pour l’instant, le maintien du budget annexe me paraît devoir être garanti.

Permettez-moi de souligner pour conclure que les fonctionnaires du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ont déjà accompli beaucoup de chemin. Ils sont prêts à aller de l’avant s’ils voient clairement dans quelle direction on les engage. La lisibilité et la transparence sont indispensables pour entraîner les agents, de même qu’elles sont nécessaires pour contrôler les deux missions que je viens de présenter.

En cette année de mise en œuvre de la LOLF, on sera relativement bienveillant quant aux réponses apportées au questionnaire, bien que le taux ait été particulièrement faible pour les Monnaies et médailles et les retours extrêmement tardifs pour la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ». Cependant, compte tenu des différents exposés présentés tant devant la commission des finances que dans le rapport, votre rapporteur avait proposé le rejet des moyens demandés pour les deux missions. Soyez rassuré, monsieur le ministre : il n’a pas été suivi par les membres de la commission.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la stratégie économique et le pilotage des finances publiques et pour les accords monétaires internationaux.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’un des nombreux avantages de la LOLF est de nous avoir conduits, avec le Gouvernement, à redéfinir l’action budgétaire de l’État en abandonnant la traditionnelle division en chapitres pour lui préférer une présentation plus dynamique et plus accessible à nos concitoyens. La LOLF apporte davantage de démocratie et de transparence à la vie et à l’action publique, tout en répondant mieux à l’environnement juridique européen.

La mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » est une parfaite illustration de cette réforme. Comme il s’agit d’une création ex nihilo, nous ne disposons pas, par définition, du recul suffisant pour effectuer des comparaisons et évaluer pleinement ses effets attendus, d’autant que la reconstitution des crédits de 2005 à périmètre constant, que j’avais demandée dans le questionnaire budgétaire envoyé aux administrations, ne m’a pas été fournie. Il faudra donc considérer avec prudence les quelques évolutions que je vais m’employer à exposer ce soir.

J’ai été amené à faire deux constats sur le budget dont l’analyse m’a été confiée : sur la forme, cette nouvelle présentation budgétaire est incontestablement plus claire et plus efficiente ; sur le fond, cette mission est principalement axée en 2006 sur la modernisation de l’État ainsi que sur l’amélioration des prévisions et statistiques économiques et financières.

Que la présentation budgétaire soit plus claire et plus efficiente, quoi de plus normal ? L’ambition du législateur, en votant notre nouvelle « Constitution » financière, était bien de parvenir à un tel résultat.

Pour ce qui concerne la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » le résultat est en effet satisfaisant, même si certains points peuvent être encore améliorés afin d’optimiser l’utilisation des crédits.

En premier lieu, la mission est claire et bien structurée. Dotée de 865 millions d’euros de crédits de paiement, elle est composée de deux programmes.

La finalité du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l’État », doté de 412 millions d’euros, est d’aider l’exécutif à concevoir puis à mettre en œuvre les politiques économiques et financières du pays. Regroupant également les moyens consacrés au pilotage des actions de modernisation de l’État, il est placé sous la responsabilité du directeur de l’Agence pour l’informatique financière de l’État.

Le programme « Statistiques et études économiques », doté de 455 millions d’euros, a pour objet de « fournir aux acteurs institutionnels, économiques, ainsi qu’au grand public, des informations pertinentes, fiables et cohérentes », aussi bien dans les domaines macroéconomiques ou sectoriels que dans les domaines démographiques et sociaux. Il assure également la tenue des répertoires d’état civil et des entreprises, de même que le recensement annuel de la population. Il est placé sous la responsabilité du directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques.

La définition même de la mission implique des dépenses de personnel relativement élevées, qui représentent 58 % de ce budget, contre 28 % pour les autres dépenses de fonctionnement, 12 % pour les crédits d’investissement et 2 % pour les dépenses d’intervention.

En second lieu, les objectifs et indicateurs de performance qui ont été construits sont le gage d'un meilleur emploi des crédits. Treize objectifs et dix-sept indicateurs ont finalement été retenus pour la mission, répartis de façon équilibrée entre les deux programmes – neuf indicateurs pour le premier et huit pour le second.

Autre gage de satisfaction, le Gouvernement a tenu compte des avis de la commission des finances, du comité interministériel d'audit des programmes et de la Cour des comptes en précisant la stratégie sous-tendant les programmes. Plusieurs suggestions de la MILOLF ont également été reprises, permettant de rendre plus pertinents les objectifs qui vous sont présentés. Toutefois, des améliorations peuvent être encore apportées.

Ainsi, dans le programme «Stratégie économique et financière et réforme de l'État », la rémunération des prestations assurées par la Banque de France pour le compte du Trésor, soit 140 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2005, imputée sur l'action 1 – « Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière » –, n'est toujours pas couverte par un objectif stratégique. L'indicateur de l'objectif 2, relatif aux délais de codification et de production des textes d'application, n'a pas été précisé, contrairement à ce que la Cour des comptes et la MILOLF avaient demandé.

Concernant le second programme, l'objectif 6 – « Maintenir le niveau de qualité des enquêtes auprès des ménages pour un coût maîtrisé » – n'a pas été modifié, alors qu'il serait préférable d'améliorer le niveau de ces enquêtes plutôt que de se contenter de le maintenir. Un peu d'ambition ne peut être que bénéfique, a fortiori lorsque les objectifs de ces enquêtes coïncident précisément avec ceux affichés par la nouvelle méthode issue de la LOLF.

L'indicateur du taux de rotation des stocks de créations d’entreprises, associé à l'objectif 3, reste également inchangé, ce qui pose problème. L'indicateur associé à l'objectif 4 n'a pas non plus été modifié, au risque de dériver vers un indicateur d'activité ne rendant pas compte de la performance.

Au-delà des objectifs et indicateurs, si la justification des crédits au premier euro figurant dans le projet annuel de performance est d'une réelle utilité, elle est encore imprécise. Par exemple, l'impact budgétaire du GVT – glissement vieillesse technicité –, qui constitue un facteur important d'évolution de la masse salariale, n'a pas été chiffré, ce qui, pour un budget comportant 58 % de dépenses de rémunération, est fort regrettable. Néanmoins, le PAP, en son état actuel, constitue déjà un progrès pour évaluer la performance des services.

J’en viens à l’analyse sur le fond de ce budget, qui se caractérise par une hausse apparente et des priorités centrées sur la modernisation de l'État et l'amélioration des prévisions et des statistiques. Il convient de relativiser la hausse puisque l'exercice de comparaison avec le budget précédent ne porte pas sur le même périmètre ni sur les mêmes référentiels budgétaires, comme je l'ai dit en introduction. Elle peut toutefois être estimée à 68,5 millions d’euros, soit 8,6 %, dont 43 millions d’euros pour le premier programme, en augmentation de 11,6 %, et 25,5 millions pour le second.

Ces augmentations substantielles profitent essentiellement aux systèmes d'information financière de l'État, dont les crédits passent de 81 millions à 118 millions d’euros, à l'entretien et au renouvellement de l'infrastructure informatique et statistique et à la politique d'amélioration des statistiques et études économiques

Par ailleurs, les autorisations d'engagement traduisent des efforts d'investissements importants. Ces derniers passent en effet de 870 millions d’euros en 2005 à 984 millions, soit une hausse de 13 % qui permettra de financer une politique ambitieuse de modernisation des systèmes d'information de l'État.

Concernant les dépenses de personnel, qui, je vous le rappelle, représentent 58 % de ce budget, la hausse proposée de 8,6 % s'explique par de nouvelles charges, telles que la nouvelle contribution – 103 millions d'euros – au compte d'affectation spéciale «Pensions », dont la création s'est traduite par l'intégration des crédits relatifs aux cotisations sur le budget du ministère et par la sortie des dépenses de pensions, ou la nouvelle cotisation à la caisse d'allocations familiales, pour 11 millions d'euros, ou encore par les mesures salariales générales – plus 5,3 millions d'euros liés notamment à l'augmentation de la valeur du point fonction publique –, ou catégorielles – plus 3,2 millions d'euros justifiés essentiellement par un plan de requalification des emplois.

Ces nouvelles sources de dépenses ont néanmoins été compensées par des mesures d'économie ou de modification de périmètre, qui ont engendré la suppression nette de 492 équivalents temps plein travaillé pour l'ensemble de la mission, du fait principalement de transferts d'emplois vers les services statistiques des ministères.

Le plafond d'emplois pour 2006 s'établit pour l'ensemble de la mission à 8 011 ETPT, soit 0,34 % du total des autorisations d'emplois prévu dans le projet de loi de finances.

L'autre caractéristique de ce budget reste ses priorités. Pour 2006, celles-ci sont centrées sur la modernisation de l'État et l'amélioration des prévisions et des statistiques.

Le ministère retient quatre priorités principales pour 2006 : fournir aux administrations un appui efficace pour la modernisation de l'État et son rapprochement avec le citoyen, accroître le recours à l'administration électronique dans les relations avec les usagers, assurer la qualité de l'analyse et des prévisions économiques et financières de l'État, améliorer la qualité des statistiques et des études économiques.

Les crédits du titre V – 210 millions d'euros en autorisations d'engagement et 103 millions d'euros en crédits de paiement – permettront de financer l'acquisition et la maintenance des outils informatiques existants ou à venir, ainsi que le recours à des prestataires externes pour assister l'AIFE.

En conclusion, dans l'ensemble, la nouvelle présentation budgétaire de la mission constitue un progrès certain, tant en termes de clarté et de transparence qu'au regard d'une recherche efficiente de l'emploi des crédits, même si quelques améliorations restent nécessaires. Cependant, il est regrettable que les ministères questionnés ne répondent pas en temps et en heure aux questionnaires que les parlementaires leur adressent. À la date limite du 10 octobre, je n'avais reçu que 2 % de réponses, ce qui est parfaitement inadmissible. En outre, ces réponses, pour la plupart, restent lacunaires, formelles ou répétitives. S'agissant de la mission chargée du pilotage des finances publiques et de la modernisation de l'État, qui se doit d'être exemplaire, cette attitude est particulièrement regrettable. D'autres missions, plus vastes et plus complexes, ont pu parfaitement surmonter les difficultés liées à la nouveauté de l'application de la LOLF. Pourquoi pas celle-là ? La LOLF ne pourra véritablement être opérante que si l'ensemble des acteurs concernés jouent pleinement le jeu, dans son élaboration comme dans sa mise en œuvre. L'administration doit nous fournir dans les délais requis les éléments qui nous permettront de nous forger un avis et de décider des politiques adaptées en connaissance de cause.

Pour cette première année de nouvelle présentation budgétaire, votre rapporteur spécial a choisi de se limiter à cet avertissement. Mais il estime que, si de tels dysfonctionnements perduraient, ils pourraient justifier l'an prochain une réduction des crédits de la mission. Nonobstant ces observations, je vous propose, au nom de la commission des finances, d’adopter les crédits de la mission, ainsi que ceux du compte de concours financier « Accords monétaires internationaux » lié à cette mission, qui comporte un programme et une action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour les remboursements et les dégrèvements.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour les remboursements et les dégrèvements. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’on mesurait l’importance du rapporteur spécial au poids des crédits qu’il rapporte dans le budget général, je serais probablement le meilleur (Sourires) : celui des remboursements et dégrèvements s’élève à 68 milliards d’euros ! Mais je serais également le rapporteur le plus court, car la plupart de ces 68 milliards correspondent à des dépenses purement mécaniques. Il ne reste qu’une petite part dédiée à la politique volontariste de soutien à l’économie conduite par l’État.

Nous avons déjà parlé ce matin des dépenses concernant les collectivités locales, qui s’élèvent à 13,3 milliards. Je n’y reviens donc pas.

Il reste 55 milliards d’euros, qui correspondent pour l’essentiel aux effets purement mécaniques de divers dispositifs. Ainsi, en 2006, le Trésor public remboursera près de 37 milliards aux entreprises qui ne seront pas en position de répercuter sur leurs clients la taxe sur la valeur ajoutée dont elles se sont acquittées auprès de leurs fournisseurs, 7 milliards de restitution d’excédent d’acompte au titre de l’impôt sur les sociétés et 2,2 milliards au titre de l’impôt sur le revenu des personnes.

Les remboursements de TVA sont essentiellement liés à l’inégalité des prélèvements au sein de l’Union européenne. Quand le Gouvernement pense-t-il que la directive européenne de 1991 sur l'harmonisation des prélèvements de TVA dans le pays d'origine sera complètement mise en œuvre ? Cela simplifierait considérablement le problème en France. Il faut dire que les 37 milliards remboursés aux entreprises correspondent à un million d’opérations mobilisant des personnes, des machines, du papier, que l’harmonisation permettrait d’économiser.

Il ne reste plus grand-chose dans ce budget qui corresponde réellement à une politique volontariste de l’État. La prime pour l’emploi payée aux ménages n’est évidemment pas négligeable, mais seule la partie non déductible de l’impôt payé par les ménages est prise en compte. Je n’insiste pas sur l’intérêt de la prime pour l’emploi, il est évident. D’autant qu’en 2006, elle devient mensualisée et est doublée.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Eh oui !

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. Malheureusement, dans le budget que je rapporte, tout cela n’apparaît pas ! Il serait plus intéressant de mettre ce poste dans la mission à laquelle est rattachée la prime pour l’emploi, ce qui rendra l’ensemble plus intéressant à expliquer aux Français. Le budget que je rapporte ne permet d’en expliquer qu’une toute petite partie, qui plus est noyée dans 68 milliards de dépenses mécaniques sans intérêt pour le public.

Je pourrais tenir le même raisonnement s’agissant du crédit d’impôt recherche, dont n’apparaît dans ce budget que la partie qui ne peut pas être imputée sur l’impôt sur les sociétés parce qu’elle concerne les entreprises qui n’y sont pas assujetties. Là encore, la mission « Remboursements et dégrèvements » ne rend pas compte de l’importance de l’effort global consenti.

C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai proposé ce matin à propos des collectivités locales, il conviendra sans doute l’an prochain de ne retenir dans cette mission que les crédits correspondant à des opérations strictement mécaniques et de rattacher les autres aux missions correspondant aux objectifs volontaristes fixés par la politique de l’État. C’est ainsi que les crédits de la prime pour l’emploi pourraient être déplacés dans la mission « Solidarité et intégration » et ceux du crédit d’impôt recherche dans la mission « Développement et régulation économiques ».

Je conclurai sur cette remarque ironique : si la mission « Remboursements et dégrèvements » ne contenait que des opérations purement mécaniques, comme ce devrait être le cas, le rapporteur spécial n’aurait qu’à vérifier que l’évaluation est bonne sans se poser de question de fond sur l’orientation budgétaire de ces dépenses, puisque les dépenses afférentes à une politique volontariste de l’État seraient reportées sur des missions qui correspondent à de vraies responsabilités ministérielles.

Donc, en attendant que cette mission « Remboursements et dégrèvements » évolue dans le prochain budget, celui pour 2007, je vous propose d’adopter pour 2006 les crédits en l’état. En 2007, le rapporteur spécial de cette mission devrait avoir beaucoup moins de travail.

M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à partir des rapports extrêmement intéressants qui viennent de nous être présentés, faire quelques remarques rapides.

Tout d’abord, s’agissant de la dette, Daniel Garrigue a souligné à juste titre que nous étions dans une situation optimale, quasi miraculeuse. En effet, alors que depuis quelques années le stock de la dette augmente de 50 milliards d’euros environ, les intérêts de la dette, eux, sont plafonnés, oscillant entre 38 et 39 milliards d’euros.

Cet état de fait est la conséquence de la baisse des taux ainsi que de l’excellente gestion de notre dette par l’Agence France Trésor – et vous transmettrez, monsieur le ministre, nos félicitations à ses services. C’est également dû à l’affectation d’une partie substantielle du produit de la privatisation des autoroutes, 600 millions d’euros en 2006, à la réduction de la dette.

L’année 2006 est probablement la dernière année où nous constaterons ce phénomène de stabilisation des intérêts alors que l’endettement augmente, et même fortement.

Camille de Rocca Serra l’a fort bien dit, nous sommes obligés d’avoir une stratégie de pilotage de nos finances publiques extrêmement rigoureuse. Cette stratégie, que le Gouvernement a mise en place, passe par la stabilisation des dépenses en euros constants, ce que nous faisons pour la quatrième année consécutive, mais également probablement, comme l’a indiqué M. le Premier ministre, par une stabilisation des dépenses, dès 2007, en euros courants. Cela suppose que nous menions une politique explicite de non-remplacement d’une partie substantielle des départs en retraite des fonctionnaires.

Nous devons, comme l’a souligné Jean-Jacques Descamps, être attentifs à cette règle dite de stabilisation de la dépense. Le budget comporte deux colonnes, la colonne des dépenses et la colonne des recettes. Or de nombreuses dépenses sont inscrites dans la colonne des recettes. Il en est ainsi de la prime pour l’emploi, que Jean-Jacques Descamps vient d’évoquer, mais également de tous les dégrèvements. Les dégrèvements d’impôts locaux ou de taxe professionnelle, les dégrèvements pour investissements nouveaux, le plafonnement à 3,5 % que nous allons examiner la semaine prochaine, tout cela représente pour l’Etat une charge de 3 milliards d’euros.

Nous devons donc être très vigilants à la fois sur la dépense proprement dite et sur l’ensemble des dégrèvements et prélèvements sur recettes. Je ne parle pas de l’augmentation du prélèvement au titre de l’Union européenne.

Cette stratégie de pilotage de nos finances publiques repose sur une règle très simple. Avec une croissance de 2 % à 2,5 % chaque année, nous disposons de 10 milliards d’euros environ de recettes supplémentaires. Qu’en faire ? Il faut, en limitant la dépense en francs constants, affecter 4 ou 5 milliards, en plus des prélèvements sur recettes, à la colonne dépenses, les 4 ou 5 milliards restants étant utilisés soit pour réduire le déficit, soit pour diminuer les impôts, ou pour les deux à la fois. Toute baisse d’impôt supérieure à ce montant de 4 ou 5 milliards risquerait d’aggraver notre déficit.

Je voudrais, pour terminer cette très courte intervention,…

M. le président. Courte : pas très courte.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …insister une fois de plus sur la nécessaire réforme de l’État. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Le mot est lâché !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et puisque nous examinons le budget des services de Bercy, monsieur le ministre, permettez-vous de dire que vos services doivent se montrer exemplaires.

Le 1er janvier prochain sera créée la grande direction générale de la réforme de l’État. Elle s’occupera à la fois de la réforme budgétaire, c’est la fameuse LOLF, mais également de la réforme de l’État sous tous ses aspects. Vous devez mener cette réforme avec détermination, tout en établissant une relation de confiance avec les autres ministères pour qu’ils vous accompagnent dans cet effort. Pour cela, il faut donner l’exemple.

Je profite de la présence autour de vous de tous les directeurs de votre administration centrale…

M. le président. Oh, d’un petit nombre seulement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …pour demander qu’on poursuive le rapprochement des réseaux ; je pense à la direction des impôts et à la direction de la comptabilité publique. Il faut développer les contrats d’objectifs et de performances, chercher des gains de productivité.

Monsieur le ministre, puisque vous êtes à présent ministre du budget et de la réforme de l’État, vous devez vous montrer exemplaire, c’est comme cela que nous piloterons convenablement nos finances publiques, ainsi que vient de le demander notre collègue Camille de Rocca Serra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous voterons contre ce budget.

Nous avons entendu, comme d’habitude, de très bonnes résolutions, et le rapporteur général, à l’instant, nous explique que nous allons faire des économies, que la dette n’augmentera plus, c’est promis… Pourtant, ce n’est pas tout à fait ce que pense la Commission de Bruxelles, qui annonce un déficit pour cette année et pour l’année prochaine.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle n’avait pas tous les éléments en main.

M. Augustin Bonrepaux. Je crois qu’il faudrait revenir à un peu plus de réalisme.

Comment parviendrez-vous à réduire la dette alors que, dès cette année, vous commencez à baisser les recettes de 2007 sans les gager ? Il faudra bien les gager en 2007 et nous nous retrouverons, en 2007, dans la même situation que celle que nous vivons aujourd’hui, situation un peu caricaturale d’ailleurs, je ne sais pas si vous vous en rendez compte. Vous vous évertuez à nous expliquer que vous allez réduire les dépenses, vous les réduisez et puis, lorsque vous êtes confrontés aux problèmes, M. le Premier ministre est bien obligé d’annuler les décrets d’économie qu’il avait pris, afin de dégager des moyens pour résoudre les problèmes des banlieues. Je vous invite donc à faire preuve d’un peu plus de modestie et d’un peu plus de réalisme.

Enfin, j’ai beaucoup apprécié le rapport de notre collègue Descamps, notamment quand il nous a expliqué qu’il avait quelques difficultés à expliquer le doublement de la prime pour l’emploi. C’est vrai. Il nous dit que la prime pour l’emploi représente 2 milliards et qu’elle va doubler en 2006. Si c’était le cas, il aurait fallu y consacrer au moins 1 milliard dans le budget. Or je n’ai vu qu’une inscription de 400 millions. Il y a bien un problème.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. C’est seulement une question de présentation.

M. Augustin Bonrepaux. Non, c’est une déformation de la vérité. En réalité, la prime pour l’emploi ne double pas comme vous l’annoncez.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si !

M. Augustin Bonrepaux. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les crédits de ces missions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs, je souhaite apporter un certain nombre de réponses aux différentes interventions.

D’abord, je voudrais évoquer les délais de réponse aux questionnaires des parlementaires, cela fera plaisir au président de l’Assemblée nationale car je me souviens, du temps où j’étais chargé des relations avec le Parlement, que leur raccourcissement lui tenait à cœur.

M. le président. En effet.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons décidé, avec Thierry Breton, de désigner pour Bercy un interlocuteur et un responsable unique pour la totalité des missions et des programmes se rattachant au MINEFI, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Il sera chargé de veiller à ce que toutes les questions obtiennent une réponse dans des délais rapides. Il s’agit du secrétaire général. À travers lui, je rends hommage à l’ensemble des directeurs de Bercy, dont une partie seulement est présente ce soir, parce qu’ils sont nombreux et qu’il n’y a pas suffisamment de place.

Sur la mission « Engagements financiers de l’État », les progrès constatés sont majeurs, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur Garrigue.

Les charges d’intérêts du budget pour 2006 s’inscrivent en baisse de 650 millions d’euros et je vous proposerai dans un instant un amendement qui, tirant la conséquence de la persistance du faible niveau des taux d’intérêt, porte le total de la baisse de ces charges à 850 millions d’euros. En outre, nous allons, pour la première fois depuis plusieurs années, stabiliser le ratio de la dette à 66 %.

Sur la mission « Remboursements et dégrèvements », j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre analyse, monsieur Descamps. Cette mission ne prend tout son sens qu’avec ses deux programmes, l’un concernant les impôts d’État, l’autre les impôts locaux. Cela représente 68 milliards, c'est-à-dire beaucoup d’argent. En même temps, vos observations sont tout à fait fondées. Je voudrais que l’on y réfléchisse ensemble. J’en profite pour dire que la LOLF est un produit vivant et qu’il faut en tirer toutes les conséquences au fur et à mesure du temps. Nous regarderons ensemble ce que nous pouvons entreprendre pour faire évoluer les choses.

Monsieur Bonrepaux, pour la PPE, ce n’est pas 400 millions qui sont budgétés, mais 500 millions.

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne change rien par rapport aux 2 milliards.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il n’y a jamais eu 2 milliards. C’est 500 millions en 2006, et 500 millions en 2007.

M. Augustin Bonrepaux. Par rapport aux 2 milliards…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Bonrepaux, cette manière que vous avez de vouloir me faire faire une économie de 100 millions sur la prime pour l’emploi est sympathique pour un ministre du budget, mais je ne saurais l’accepter, d’autant que c’est là une mesure de justice majeure.

En ce qui concerne la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », j’ai trouvé M. Bonrepaux, qui suppléait M. Carcenac, vraiment sévère. Nous nous sommes fixé un certain nombre d’objectifs, dont le premier est d’essayer de rendre le meilleur service au meilleur coût. C’est ça, la réforme de l’État : se demander tout le temps si on rend toujours le meilleur service au meilleur coût, et cela me permet de rebondir sur l’excellente intervention de M. le rapporteur général.

En ce qui concerne le ministère de l’économie, je veux améliorer encore la qualité du service et nous allons passer à la vitesse supérieure dans trois domaines.

Premièrement, dans les relations entre l’administration fiscale et le contribuable. Un document remarquable, la charte du contribuable, est né cette année, dont nous sommes collectivement fiers, je le dis en présence du directeur général des impôts, qui était très allant sur ce sujet et très content d’avoir un ministre qui soit encore plus fanatique que lui de ce sujet. La charte du contribuable existe. Elle offre des droits nouveaux mais impose aussi des obligations, tout cela étant précisément inscrit dans le marbre. Cela changera beaucoup les relations entre l’État et le contribuable dans de très nombreux domaines.

Je citerai une mesure emblématique, qui concerne les taux d’intérêt de retard. Il n’y a plus dorénavant qu’un seul taux, que l’État soit débiteur ou créditeur, de 4,80 %, et non plus deux taux, 2 % d’un côté, 9 % de l’autre. Nous essayons de sortir de cette idée de deux poids, deux mesures. Mais cette charte contient bien d’autres dispositions.

La deuxième direction dans laquelle nous voulons avancer, ce sont les nouvelles technologies. Vous allez me dire que je m’acharne sur le directeur général des impôts, mais c’est encore de sa faute. Il a tellement bien réussi avec son équipe l’opération de télédéclaration que nous avons eu des embouteillages sur l’autoroute d’Internet. On m’avait dit au début qu’à 1,5 million de contribuables télédéclarants, on pourrait faire la fête. Vous imaginez l’ambiance, avec 3,7 millions de télédéclarants.

M. le président. Vous avez fait la fête ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, nous avons dû arrêter, nous n’avions plus le temps. Nous devions constamment demander aux gens de se calmer, d’être patients et de persévérer. Ils ont été, je le répète, 3,7 millions. J’ai demandé à M. Parent de travailler jour et nuit avec les équipes informatiques, à qui je rends hommage.

M. Bernard Accoyer. Quelle santé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai une pensée particulière pour Bernard Limal, directeur de l’Agence pour l’informatique financière de l’État.

Moyennant quoi, nous devrions faire beaucoup mieux puisque l’objectif est d’accueillir sur notre portail 10 millions de télédéclarants. Je ne sais pas comment nous ferons si nous avons des embouteillages avec 10 millions de personnes. Mais je pense que nous allons y arriver.

Troisième avancée : l’interlocuteur fiscal unique. C’est un sujet majeur sur lequel Thierry Breton et moi-même travaillons activement car, derrière, il y a toute une réflexion pour moderniser notre ministère.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, le bilan de la direction des grandes entreprises est positif. C’est une réalité. Ainsi un nouveau service des impôts des entreprises a été mis en place, avec un interlocuteur fiscal unique pour toutes les démarches des entreprises. Pour les particuliers, l’objectif n’est pas de faire un mécano administratif mais d’offrir à nos concitoyens, quel que soit le lieu où ils se trouvent, la possibilité d’effectuer l’essentiel de leurs démarches auprès d’un seul interlocuteur. Nous allons développer les synergies entre les deux réseaux, Direction générale des impôts et Direction générale de la comptabilité publique. C’est un point essentiel pour la modernisation de l’État.

Nous avons un plan très ambitieux de regroupement immobilier des centres des impôts et des trésoreries. Quand ce n’est pas possible, notamment en milieu rural, nous expérimentons, dans une douzaine de départements en 2006, un protocole de délégations croisées DGI, DGCP. Cette organisation préfigure une évolution majeure au service du contribuable et s’inscrit dans la conférence nationale sur le service public en milieu rural. En milieu urbain, les choses sont un peu plus simples à organiser. À Meaux par exemple, nous n’avons qu’un seul endroit pour accueillir tout le monde.

Deuxième objectif : réduire les coûts. C’est un domaine dans lequel nous devons encore travailler. Il faut mener une politique de réduction intelligente des effectifs. Avec la suppression de 2 221 ETP, Bercy a fournit l’effort le plus important depuis vingt ans. C’est le ministère qui contribue pour près de la moitié aux réductions d’effectifs publics inscrites au PLF, je le dis à M. Carrez qui nous demandait d’être exemplaires. On ne peut pas l’être partout mais, dans ce domaine-là, on ne sera pas en retard.

Nous réalisons aussi 100 millions d’économies de fonctionnement, grâce en particulier à l’Agence centrale des achats.

Dans le domaine de l’informatique, mentionnons les projets Copernic, Hélios, Accord, Chorus, qui représentent beaucoup de travail de la part de nos équipes, auxquelles je tiens à rendre hommage.

Toutes ces actions, je le rappelle, sont accompagnées d’un mécanisme d’intéressement à la performance pour tous les agent du ministère et d’un travail de requalification des emplois.

Mon dernier point concernera le rapport de M. Camille de Rocca Serra. La mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » est évidemment au cœur de la réforme de l’État. J’ai créé une direction générale de la modernisation de l’État regroupant toutes les équipes qui, jusqu’à présent, y travaillaient en ordre dispersé. Cette direction devrait s’installer à Bercy d’ici quelques semaines, afin de porter la mise en œuvre de la LOLF et la réforme de l’État.

La modernisation du service des domaines va par ailleurs nous permettre d’atteindre déjà les objectifs fixés en termes de cessions immobilières pour l’année 2006.

Quant aux Monnaies et médailles, vous savez que la subvention d’équilibre au budget annexe s’inscrira en baisse en 2006 : 1,3 million contre 2,3. La LOLF ne permet plus le maintien de budgets annexes, ou alors dans des conditions très restrictives, comme la précisé la Cour des comptes. Il faut donc donner des perspectives d’avenir aux Monnaies et médailles. Il s’agit d’activités industrielles exercées dans un secteur concurrentiel, puisque la majeure partie des recettes de ce budget annexe est tirée aujourd’hui de la production de monnaies pour les marchés étrangers et de la fabrication de médailles et de bijoux. Aussi faut-il clarifier leur statut et construire pour le moyen terme un véritable projet industriel. Cela se fera en concertation avec la direction et les personnels concernés par les enjeux de cette transition, mais nous proposons d’ores et déjà d’opérer la transformation du budget annexe des médailles en établissement public à caractère industriel et commercial à compter du 1er janvier 2007. Les Monnaies et médailles bénéficient pour cela d’atouts remarquables, notamment d’un savoir-faire professionnel unique au monde.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire sur les missions relevant du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous remercie de votre attention.

Engagements financiers de l’État

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 666.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cet amendement a pour objet de réduire la charge de la dette de 200 millions d’euros par rapport à ce qui était prévu. Une telle baisse est rendue possible par le niveau des taux d’intérêt. Elle va dans le sens d’une gestion de qualité et justifie que votre assemblée veuille bien adopter l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 666.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », modifiés par l’amendement n° 666.

(Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Provisions

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’État B, ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Provisions » sont adoptés.)

Gestion et contrôle des finances publiques

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », inscrits à l’État B, ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » sont adoptés.)

Monnaies et médailles

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Monnaies et médailles », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Monnaies et médailles » inscrits à l’État B ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Monnaies et médailles » sont adoptés.)

Stratégie économique et pilotage des finances publiques

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » inscrits à l’État B ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » sont adoptés.)

Accords monétaires internationaux

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux » inscrits à l’État B ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.)

Remboursements et dégrèvements

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », inscrits à l’État B, ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux finances publiques.

Articles non rattachés (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen des articles non rattachés. Mercredi soir, l’Assemblée s’est arrêtée à l’amendement n° 98 sur l’article 61.

Article 61 (suite)

M. le président. Sur l’article 61, je suis saisi de deux amendements, nos 98 et 228, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour soutenir l’amendement n° 98.

M. Jean-Jacques Descamps. Nous avons très récemment mis en œuvre de nombreuses mesures concernant le renforcement des fonds propres des entreprises, en particulier des PME en phase de primo-développement. Il serait donc dommage de ne pas continuer à inciter, par le biais de réductions d’impôts, les contribuables à soutenir ce développement, essentiel pour l’emploi et le progrès social. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que ces réductions d’impôts soient sorties du plafonnement global de 8 000 euros.

On pourra me répondre que chaque réduction représente peu par rapport aux 8 000 euros, mais si chacune d’entre elles est intégrée au dispositif de plafonnement, leur addition devient impossible pour le contribuable, avec des résultats négatifs en termes de développement économique et social.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n° 228.

M. Daniel Garrigue. Je souhaite en effet défendre cet amendement avec le précédent, car ils ont été déposés dans le même esprit.

Dès lors que l’on ouvre des brèches dans l’article 61, il paraîtrait logique que ces brèches soient ouvertes vers des secteurs porteurs d’avenir. On est allé très loin en ce qui concerne la loi Malraux, et il serait préférable de soutenir l’innovation, la recherche et la création d’entreprises, qui sont les vrais enjeux d’avenir pour notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ces deux amendements sont importants, et ce n’est pas sur le fond que je m’y suis opposé lorsqu’on les a examinés en commission des finances. Il faut cependant être raisonnable. L’article 61 ne plafonne pas la totalité des avantages fiscaux, mais seulement dix-sept d’entre eux.

M. Jean-Jacques Descamps. Dommage que ce soient ceux-là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Parmi ces dix-sept avantages fiscaux figurent, il est vrai, les interventions dans les secteurs sauvegardés et, au titre d’un plafond spécifique, toutes les incitations fiscales concernant l’outre-mer ; ceci a fait l’objet d’un amendement de suppression du Gouvernement que nous avons adopté à l’unanimité avant-hier.

Or, pour reprendre l’expression de Daniel Garrigue, vous nous proposez à présent de nouvelles brèches. Je crois qu’il vient un moment où il faut savoir s’arrêter. Certes, les investissements en fonds propres dans les PME, que ce soit par le biais des FCPI, des fonds d’investissement de proximité ou du dispositif Madelin, sont importants, mais ils sont en moyenne de l’ordre de 2 000 euros. Avec un plafond fixé à 8 000 euros, il reste donc de la marge, surtout à partir du moment où il existe un dispositif de limitation cohérent et puisque nous avons accepté avant-hier un amendement au titre des secteurs sauvegardés.

J’en appelle donc à la raison de chacun pour ne plus adopter de nouveaux amendements. Il y a un proverbe qui dit : « Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. »

M. le président. Il me semble que c’est un proverbe chinois.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis également défavorable à ces amendements et je voudrais insister sur les raisons pour lesquelles je le suis. Les propositions dont ils sont porteurs peuvent apparaître justifiées, mais une réforme fiscale constitue un tout dont il ne faut pas dénaturer l’esprit.

La question de l’outre-mer, je le sais, a motivé le dépôt de ces nouveaux amendements. Mais j’insiste une fois encore sur la cohérence d’ensemble de la réforme. Tout à l’heure, l’amendement déposé par M. Méhaignerie nous donnera d’ailleurs l’occasion de poursuivre la discussion sur ce point.

Qu’il s’agisse de M. Descamps ou de M. Garrigue, je tiens par ailleurs à les assurer que nous avons fait en sorte que les plafonds soit suffisamment hauts pour ne pas être dissuasifs. Ils ont d’ailleurs été rehaussés par l’amendement Mariton, qui accroît la part calculée pour chaque enfant.

Je vous demande donc, à défaut du retrait de ces deux amendements, dont je comprends l’objectif mais qui dénatureraient la réforme dans son ensemble, de ne pas les adopter.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, je souhaite faire deux brèves remarques. La première, c’est que, dès lors que l’on ouvre des brèches dans l’article 61, on crée des distorsions fiscales et l’on encourage les fonds disponibles à se porter vers des secteurs qui ne sont pas forcément les plus indispensables pour notre économie.

Qu’il faille faire un effort particulier pour l’outre-mer, nous sommes tous d’accord là-dessus, compte tenu des risques et des besoins particuliers de ces territoires. Encore faut-il examiner avec soin tout ce qui peut être fait. Mais concernant les secteurs sauvegardés – ils sont un enjeu, je le sais, j’en ai dans ma ville et y suis attaché –, il n’est pas acceptable de les privilégier par rapport à la recherche, à l’innovation et aux entreprises.

Ma deuxième remarque s’adresse au rapporteur général, qui a évoqué des investissements d’un montant de 2 000 euros en moyenne. Il est vrai que beaucoup de gens peuvent placer de l’argent dans les FCPI, mais les personnes qui apportent plus de 8 000 euros constituent malgré tout le plus gros de la masse.

Je ne souhaite donc pas retirer mon amendement.

M. le président. Monsieur Descamps, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Jacques Descamps. Je trouve un peu désagréable que l’on fasse appel à notre conscience. J’ai conscience de bien faire et d’être cohérent avec l’amendement de suppression que j’avais déposé sur l’article 61 et qui n’a pas été adopté.

Quand on crée une entreprise familiale et qu’on trouve dans son entourage plusieurs personnes qui acceptent de contribuer au développement de cette PME, que représentent 8 000 euros dans le capital d’une entreprise en primo-développement ? Faudrait-il, de surcroît, arbitrer entre la femme de ménage et le risque que représente un investissement dans une entreprise ? Obliger les contribuables qui ont de l’argent, qui paient beaucoup d’impôts mais sont d’accord dès lors que des réductions d’impôts servent l’intérêt général, à faire des arbitrages entre les différentes niches qui sont plafonnées, le tout pour 8 000 euros, ce n’est pas un problème de conscience, c’est un problème d’efficacité économique !

Je ne retire donc pas mon amendement.

M. le président. Monsieur le ministre, faites-nous part de votre conscience.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Descamps, je souhaite apaiser votre inquiétude, à défaut de votre conscience. Ce plafonnement a été conçu de telle sorte qu’aucun des avantages ne soit stigmatisé en tant que tel. J’en donne un exemple concret : un foyer marié, avec deux enfants à charge, qui justifiera de 50 000 euros de perte en capital au titre de l’année 2006 va bénéficier d’une réduction d’impôts de 5 000 euros par an, entre 2007 et 2010. Compte tenu du plafond global de 9 500 euros applicable dans sa situation et porté à 10 000 euros suite à l’amendement de M. Mariton, cela lui laissera encore la possibilité de bénéficier de 5 000 euros supplémentaires pouvant être défiscalisés, à travers, par exemple, un emploi à domicile.

Les choses ont été pensées dans ce sens, j’y insiste, et il me semble que cela doit répondre à vos préoccupations. Notre plafonnement est suffisamment haut pour permettre, comme dans un menu, de combiner plusieurs choix.

Monsieur Garrigue, j’entends bien vos réserves sur la niche Malraux. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai indiqué à M. Bouvard qu’il semblait nécessaire de réexaminer le dispositif à la lumière de ce que proposait un autre de vos collègues, M. Mariton, à savoir distinguer entre ce qui relève de la sujétion et ce qui n’en relève pas.

Les deux critères que nous avons retenus pour le plafonnement sont la prestation – l’emploi à domicile – et le retour sur investissement. Ces deux catégories ne sont ni interdites, ni supprimées, elles sont plafonnées, avec, encore une fois, l’idée de pouvoir composer son propre menu.

Il faut garder la cohérence de la réforme, y compris pour le secteur sauvegardé. La distinction s’opère entre ce qui fait l’objet d’une sujétion du fait des architectes des Bâtiments de France – dans ce cas il s’agit d’une obligation, qui n’est donc pas soumise à plafonnement – et ce qui n’est pas soumis à sujétion, et se trouve donc plafonné. C’est un système cohérent.

C’est la raison pour laquelle je vous demande d’accepter de retirer vos amendements.

M. le président. Monsieur le ministre, nos deux collègues ne souhaitent pas retirer leurs amendements.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Le groupe socialiste ne participe pas au débat, car ce plafonnement est en réalité de l’affichage. Mes chers collègues, vous craignez que certains contribuables ne paient trop d’impôts, mais soyez rassurés : ils seront protégés par le bouclier fiscal ! Même si un plafonnement est instauré, les plus hauts revenus ne paieront pas davantage ! Ce débat ne sert donc pas à grand-chose ! Voilà pourquoi nous n’y participerons que très peu.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 228.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 226.

M. Jean-Jacques Descamps. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 569.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 569.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 352.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Certes, ce projet ne servira pas à grand-chose, ce n’est qu’un affichage, mais si l’on veut qu’il soit conforme à la Constitution, il faut adopter cet amendement.

L’avantage fiscal ouvert pour la retraite par capitalisation dans le cadre des plans d’épargne retraite mis en place lors de la réforme des retraites constitue la contrepartie d’un choix de placement du contribuable, et non d’une situation subie, à moins de penser que le Gouvernement considère lui-même que la retraite qu’il a mise en place ne laisse pas d’autre choix que l’assurance privée pour faire face à la dégradation du taux de remplacement dans les années à venir. C’est pourquoi il nous paraît normal d’inclure explicitement l’avantage fiscal dont bénéficient les contribuables qui ont recours à l’épargne retraite dans le plafonnement des niches fiscales, et cela au nom du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. Si tel n’était pas le cas, nous laisserions au Conseil constitutionnel le soin de trancher.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement. Monsieur Bonrepaux, cette majorité a eu le courage de faire la réforme des retraites que vous avez trop longtemps différée. Cette réforme, c’est deux choses : la pérennisation du système de base, qui est le système de répartition, et la mise en œuvre d’un système d’épargne retraite, donc de capitalisation. Ce dernier est d’une extrême importance. Pour le développer, nous avons mis en œuvre des incitations fiscales qui ne doivent pas être prises en compte dans ce plafond, car le fait de vieillir est une sujétion à laquelle aucun d’entre nous n’échappera !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 352.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 570.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. D’accord.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 570.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 99 de M. Novelli.

M. Jean-Jacques Descamps. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements, n°s 571, 572, 647 rectifié, 648 rectifié, 576, 574, et 577 troisième rectification, de M.  Carrez.

Ce sont tous des amendements rédactionnels ou de précision auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 504 et 50, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Nicolas Perruchot. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 504.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 108 de M. Novelli.

Cet amendement est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 61, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 61, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 58(amendement précédemment réservé)

M. le président. Nous en revenons à l’amendement n° 548 portant article additionnel après l’article 58, précédemment réservé.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour soutenir cet amendement.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. La commission des finances est partie du principe que les contribuables les plus aisés ne doivent pas pouvoir échapper à l’impôt sur le revenu. La réforme fiscale que vous avez présentée, monsieur le ministre, a plusieurs objectifs. Elle répond à l’exigence d’efficacité, de lisibilité et d’attractivité. Elle y répond non seulement du fait de l’intégration des 20 % et du plafonnement à 60 %, mais aussi en raison de sa simplicité et du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % pour protéger l’emploi.

Cette réforme est équitable puisque les trois quarts de ses bénéficiaires appartiennent à la classe moyenne. S’agissant des contribuables relevant de la dernière tranche, il a été signalé que l’incorporation de l’abattement de 20 %, dont ils ne bénéficiaient pas jusqu’à présent, pouvait créer un avantage peu justifié. Pour tenir compte de l’exigence d’équité, vous avez donc prévu deux dispositions importantes : la prime pour l’emploi – 1 milliard au 1er janvier 2007 – et le plafonnement de la réduction à 8 000 euros plus 1 000 euros par enfant.

Cet ensemble était solide, cohérent, efficace, lisible, juste et simple. Pour des raisons diverses, que l’on peut comprendre, il a subi des modifications et nous avons dès lors estimé nécessaire que, au-delà de la dernière tranche – revenu supérieur à 65 000 euros pour un célibataire, à 130 000 euros pour un couple – l’on ne puisse déduire plus de 50 % de son revenu afin que les contribuables aisés puissent participer à la vie collective. Il y va de la cohésion sociale, de la justice. Cet amendement, qui a été accepté par la commission des finances, répond aux critères d’équité, d’efficacité et de lisibilité. En l’adoptant, nous irions dans le sens de l’impôt minimum alternatif mis en place par certains pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement d’une extrême importance qui mérite que l’on s’y attarde. Il relève d’un principe qui s’intègre parfaitement dans la philosophie générale de cette grande et belle réforme de l’impôt sur le revenu que vous nous proposez, monsieur le ministre. Ce principe est tout simple : aucun citoyen, aucun contribuable, dès lors qu’il bénéficie de revenus élevés, ne peut s’exonérer totalement de l’impôt qu’il doit acquitter. Dans une démocratie, le lien fiscal fait partie du lien de citoyenneté. Je voudrais montrer en quelques mots comment ce principe s’inscrit dans l’architecture de la réforme.

Cette réforme poursuit deux grands objectifs et repose sur deux grands principes. Le premier objectif est celui de la justice fiscale. On ne le dira jamais suffisamment : si l’on prend en compte la baisse de l’impôt sur le revenu et l’augmentation de la prime pour l’emploi, les trois quarts de l’effort demandé – 3,6 milliards sur 4,6 milliards – profitent aux familles à revenus bas ou moyens. C’est un objectif non seulement de justice fiscale, mais aussi – cela n’a pas été suffisamment souligné – de politique économique. En effet, le pouvoir d’achat sera renforcé, la consommation sera stimulée et la croissance s’en portera mieux. Je tiens à le répéter : cette réforme est beaucoup plus concentrée sur les bas et moyens revenus que celle à laquelle a procédé le gouvernement Jospin avec Laurent Fabius comme ministre des finances entre 2000 et 2002.

Le second objectif, c’est l’attractivité du territoire national. Depuis quinze ans, nous nous inquiétons tous de l’hémorragie de départs de trop nombreux talents nationaux – sportifs, artistes, chercheurs, jeunes diplômés brillants. Dorénavant, avec un taux marginal à 40 %, nous ne pourrons plus entendre ce genre de critique et je suis persuadé que nous allons endiguer les délocalisations, les départs de nos talents, tout simplement parce que 40 % cela nous place au même niveau que les autres pays.

J’en viens aux deux principes, qui sont presque des principes philosophiques. Le premier consiste à dire : dans notre pays, l’impôt ne peut plus être confiscatoire, spoliateur. Dorénavant, aucun Français, quelle que soit sa condition, ne pourra payer plus de 60 % de son revenu au titre des impôts directs – impôts d’État et impôts locaux.

Quant au second principe, le Gouvernement a tenté de le mettre en œuvre avec l’article 61. Il consiste à dire : puisque l’impôt sur le revenu est un peu comme le gruyère – il a beaucoup de trous – en raison de toutes les incitations que l’on appelle des niches fiscales, il faut plafonner les déductions de sorte qu’aucun contribuable puisse se retrouver sans avoir à payer aucun impôt parce qu’il a fait de l’optimisation fiscale tous azimuts.

Il est vrai que, depuis 2002, nous avons cherché à mettre en place un dispositif de plafonnement, le président de la commission des finances peut en témoigner. L’article 61 est une première tentative, mais nous avons rencontré des difficultés. Je me réjouis que nos collègues d’outre-mer soient nombreux ici ce soir. La loi Girardin, votée il y a à peine deux ans, est un dispositif pluriannuel soumis à un impératif d’évaluation. Il faut donc que ce dispositif aille à son terme et nous nous donnons tous rendez-vous l’année prochaine pour l’évaluer. Nous avons donc examiné, hier, à l’initiative du Gouvernement, un amendement de suppression du plafond spécifique à l’outre-mer, et nous l’avons adopté à l’unanimité. Mais nous nous sommes également rendu compte – Daniel Garrigue l’a très bien dit – que l’autre volet, à savoir le plafonnement au titre des dispositifs en métropole, posait des problèmes.

Tous ensemble, nous avons réfléchi à ce problème, et le président de la commission des finances plus encore que les autres. Par son amendement, il propose un principe quasiment universel et qui me semble extrêmement intéressant, selon lequel nul ne doit échapper à l’impôt dès lors qu’il dispose de revenus suffisants. Il me semble que, dans une démocratie moderne, tout le monde devrait y souscrire.

Reste qu’il n’est pas facile de rédiger cet amendement qui, dans sa forme actuelle, « ne tourne pas bien », pour utiliser une expression de technique fiscale. Il va donc falloir le retravailler, car c’est un sujet difficile.

Deux grandes orientations se présentent. Soit on retient l’idée de plafonner les avantages fiscaux, mais je ne suis pas certain qu’on y parvienne ; soit on reprend la notion d’impôt minimum, adoptée dans certains pays et qui existe d’ailleurs en France pour les entreprises. Mardi, nous discuterons de la taxe professionnelle, mais je rappelle d’ores et déjà qu’il existe une taxe minimum au titre de la valeur ajoutée, ainsi qu’un impôt minimum au titre de l’impôt sur les sociétés, qui porte le nom d’« impôt forfaitaire annuel ». Peut-être pourrions-nous réfléchir ensemble, monsieur le ministre, sur la base de l’amendement du président de la commission des finances. En effet, cet amendement offre l’intérêt de s’accrocher sur la dernière tranche d’imposition. Je suis certain que le nouveau barème envisagé, qui se monte à 40 %, permettra de déboucher enfin sur une solution. Dans ce cas, mes chers collègues, nous serons parvenus à une belle réforme.

L’impôt s’appuiera en effet sur quatre piliers : la justice fiscale, le souci de l’attractivité du territoire, le caractère non confiscatoire de l’impôt, et enfin un principe qui apparaît pour la première fois dans notre droit, selon lequel personne ne peut échapper à l’impôt dès lors qu’il possède des revenus suffisants.

Je me tourne par conséquent vers vous, monsieur Bonrepaux, qui représentez ce soir le groupe socialiste : si nous mettons en place ce dispositif, ce sera à notre honneur, car jamais les socialistes n’y sont parvenus. Entre 1997 et 2002, tous les dispositifs en vigueur permettaient à un contribuable aux revenus très importants d’échapper à l’impôt. Nous tenons donc particulièrement à l’adoption de cet amendement qui permettra de consolider le quatrième pilier de notre réforme. À nos yeux, le lien fiscal fait partie du lien de citoyenneté et, dès lors qu’on perçoit des revenus suffisants, on ne doit pas échapper à l’impôt. Nous pourrons donc être fiers de cette réforme.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. Sur l’amendement n° 548, je suis saisi d’un sous-amendement n° 668.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Auparavant, monsieur le président, vous me permettrez de répondre au rapporteur général, qui m’a mis en cause, ainsi que l’ensemble du groupe socialiste.

Je vous rappelle donc, monsieur le rapporteur général, que si, à partir de 1997, nous n’avons pas instauré de plafonnement général, nous avons réduit toutes les niches fiscales, notamment la déduction pour emploi à domicile, que vous avez exagérément étendue, ou le dispositif d’investissement outre-mer qui résultait de la loi Pons. Je vous rappelle également qu’il vous aura fallu trois ans pour vous résoudre à la disposition que vous proposez aujourd’hui. En outre, non content d’avoir augmenté les niches de manière abusive, le Gouvernement en crée de nouvelles. Qu’il ne parle donc pas de justice fiscale ! D’ailleurs, il ne finance pas sa réforme. Il faudra par conséquent le faire l’année prochaine. On sait déjà comment : par de nouvelles réductions de services publics, dont souffriront toujours les mêmes – les plus modestes –, par de nouvelles augmentations des tarifs ou par un relèvement des impôts indirects.

Nos collègues de la majorité ont donc beaucoup à faire avant de parler de justice, eux qui viennent de s’écharper pendant des heures pour savoir s’il fallait plafonner les niches, mais qui n’ont pas hésité à voter le bouclier fiscal.

Cependant, l’amendement n° 548 est sympathique et nous ne demandons qu’à l’améliorer en proposant qu’un contribuable ne puisse bénéficier d’une réduction de plus de 50 % du montant de l’impôt.

M. Richard Mallié. N’importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons proposé cette mesure à plusieurs reprises et la majorité l’a toujours rejetée. Nous y revenons. Tel est l’objet du sous-amendement n° 668.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 548 et sur le sous-amendement n° 668 ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mesdames, messieurs les députés, nous sommes actuellement dans une des parties les plus passionnantes de notre débat sur cette importante réforme fiscale. Je crois vraiment que ce sujet essentiel mérite une discussion de fond.

Je salue d’ailleurs tant le propos du président de la commission des finances que l’explication du rapporteur général. Il faut garder à l’esprit leurs deux exposés. Il s’agit en effet d’un sujet majeur, régalien au sens noble du terme, puisqu’il met en cause le rapport du citoyen à l’impôt. Nous avions d’ailleurs pour objectif, Thierry Breton et moi-même, d’avoir avec vous un débat de fond à ce sujet.

Le résumé qu’a fait Gilles Carrez de la philosophie de notre réforme fiscale est excellent.

Tout d’abord, nous avons vraiment œuvré, comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, pour que celle-ci soit juste. Ainsi, 75 % du produit de la réforme va vers les revenus moyens et modestes. La prime pour l’emploi et la simplification des taux et des tranches répondent à la même logique.

Par ailleurs, l’attractivité du territoire fait partie de nos priorités, Gilles Carrez l’a rappelé brillamment. Je n’ai rien à ajouter sur ce point, sinon que cette réforme est un formidable message adressé à nos voisins européens et aux investisseurs du monde entier. La France est en train de devenir pour eux un pays attractif. Nous compléterons cette réflexion mardi, quand nous débattrons de la taxe professionnelle.

En troisième lieu, depuis des années, nous rêvions, les uns et les autres, d’un impôt qui ne soit pas confiscatoire. Je l’ai rappelé : la gauche l’avait mis en place, mais elle est revenue sur cette mesure. Quoi qu’il en soit, le plafonnement à 60 %, qui pourra sans doute être amélioré avec le temps, est essentiel. Certains débats doivent être ouverts. Faut-il, par exemple, intégrer la CSG ? Pour l’heure, Thierry Breton et moi-même n’avons pas souhaité le faire. En effet, la réforme de la sécurité sociale est déjà en route. À chaque jour suffit sa peine. Nous aurons l’occasion de rouvrir ce débat le moment venu.

Enfin, quatrième et dernier point, il faut savoir jusqu’où on peut aller quand on décide qu’une personne qui a des revenus élevés ne peut pas échapper à l’impôt par le biais de déductions. Sur ce point majeur, je rends hommage au président de la commission et à l’ensemble de la commission des finances. Je sais en effet que tous ont beaucoup travaillé sur ce sujet, comme en témoignent les interventions de M. Descamps ou de M. Garrigue. Quant à M. Bonrepaux, il proposait de faire entrer un nouveau chien dans la niche. Mais nous avons déjà bien du mal à les tenir tous. Mieux vaut donc s’arrêter là. (Sourires.)

Je pense moi aussi que nul ne peut ou ne doit échapper à l’impôt s’il a des revenus élevés. Mais j’ai une proposition à faire à ce sujet. Je comprends bien le principe qui sous-tend votre amendement, monsieur le président de la commission. J’ai d’ailleurs travaillé sur ce point avec vous-même, avec le rapporteur général, avec des parlementaires et les membres de nos équipes.

Mais je souhaite m’assurer que le dispositif que nous pourrions adopter n’est pas répréhensible sur le plan technique, juridique ou constitutionnel. Pour cela, j’aimerais savoir comment il a fonctionné là où il a été mis en œuvre, notamment aux États-Unis, où le Président Bush a demandé une évaluation à son sujet. On doit s’assurer, par exemple, qu’il n’est pas facteur d’iniquité, c’est-à-dire qu’un contribuable très riche, pouvant recourir à de bons experts fiscaux, ne puisse pas trouver le moyen d’y échapper, tandis qu’un contribuable moyennement aisé paierait finalement davantage.

Je vous propose donc, monsieur le président de la commission des finances, de retirer votre amendement au bénéfice d’un engagement formel que je prends solennellement devant l’Assemblée nationale.

Je propose la création d’un groupe de travail composé des membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui pourraient consulter ou auditionner des experts extérieurs, éventuellement étrangers. La constitution de ce groupe de travail pourrait être arrêtée avant la fin de cette année, de manière à ce qu’il puisse rendre ses conclusions dans les premiers mois de 2006. Je rappelle en effet que la réforme fiscale n’est applicable qu’à compter du 1er janvier 2007. Nous avons donc le temps de travailler sereinement, de poser toutes les questions et de trouver la formule juridique la plus opportune – celle qui « tourne bien », pour reprendre la formule de Gilles Carrez – et qui répond à tous nos objectifs.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, vous adopteriez un premier principe de plafonnement des niches, dans la liste que je vous ai proposée. Qu’il s’agisse de dispositifs donnant lieu à un investissement et à un retour sur investissement ou de dispositifs de prestations à la personne, le plafonnement serait maintenu. Par ailleurs, je propose à M.  Bouvard de revoir son amendement, car je ne voudrais pas qu’il porte atteinte à la constitutionnalité de la réforme.

Pour le reste, je propose que nous retravaillions sur les dispositions de l’amendement n° 548, qui, bien que non retenu, servirait de point de départ pour nous permettre d’avancer ensemble et de travailler selon les modalités que j’ai indiquées.

Depuis un an que j’ai l’honneur d’être ministre délégué au budget, chacun a pu constater que je n’ai pas pour habitude de ne pas tenir mes engagements, et ce quelle que soit l’importance du sujet en cause. Nous avons travaillé ensemble sur des domaines aussi essentiels que la taxe professionnelle ou la réforme fiscale elle-même. Le point que nous débattons ce soir est très important. Je m’engage donc solennellement devant vous, car je pense que nous pouvons faire un travail fructueux pour notre pays et pour les Français.

Dans ce contexte, je vous demande, monsieur le président de la commission des finances, de retirer votre amendement. Quant au sous-amendement de M. Bonrepaux, je crois comprendre qu’il vise à transposer l’amendement de M. Méhaignerie non aux contribuables les plus riches, mais à tous les contribuables.

M. Richard Mallié. C’est scandaleux !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est de la provocation !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, c’est antisocial.

M. Daniel Garrigue. C’est le socialisme !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En clair, le sous-amendement de M. Bonrepaux conduirait à ce que, proportionnellement, les dispositifs de défiscalisation profitent plus aux riches qu’aux pauvres, ce qui me semble à tout le moins antisocial. Sans doute, dans l’enthousiasme d’un moment, a-t-il voulu sous-amender l’amendement n° 548, mais sa rédaction me pose réellement un problème de conscience.

M. le président. Si M. Méhaignerie retirait son amendement, le sous-amendement de M. Bonrepaux tomberait ipso facto.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En retirant son sous-amendement le premier, M. Bonrepaux sauverait au moins l’honneur !

M. le président. La parole est à M. le président de la de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. La réforme fiscale s’appliquera au 1er janvier 2007, et je reconnais l’importance de l’évaluation des dispositifs en faveur des départements d’outre-mer. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’il était nécessaire, dans une démocratie, que les revenus élevés ne puissent pas échapper à l’impôt sur le revenu. Je mesure parfaitement la complexité de la mise en œuvre de la mesure que je propose, puisque le plafonnement ne s’appliquerait plus à dix-sept mais à quatre cents niches et pourrait ainsi avoir des conséquences sur le PEA ou l’assurance-vie, par exemple. Et je n’ai pas l’habitude de soutenir des amendements insuffisamment préparés. J’accepte donc l’engagement politique que vous avez pris et je rappelle l’absolue nécessité d’inscrire cette mesure dans le prochain budget afin qu’elle soit applicable au 1er janvier 2007.

Monsieur Bonrepaux, je vous remercie d’avoir soutenu l’amendement en commission. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler un souvenir. J’ai eu la très grande chance de rencontrer, ce soir, deux collègues bien connus pour leur sens de la rigueur et de la justice, Adrien Zeller, président de la région Alsace, et Yves Fréville, aujourd’hui sénateur, qui m’ont indiqué avoir déposé, en 1991, un amendement exactement identique. Or, à cette époque, le gouvernement socialiste – peut-être étiez-vous d’ailleurs président de la commission des finances – avait estimé que cet amendement était très intéressant mais complexe, et qu’il fallait un peu de temps pour l’étudier. (Sourires.) Vous avez eu sept ans, et rien n’a été fait. Aujourd’hui, vous pouvez donc attendre quelques mois de plus avant que ce plafonnement ne soit mis en application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous retirez donc votre amendement, monsieur Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Oui, compte tenu de l’engagement pris par le ministre.

M. Augustin Bonrepaux. Je le reprends !

M. le président. Bien, mais il a déjà été défendu.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne voulez pas me donner la parole, monsieur le président ?

M. le président. J’applique le règlement, monsieur Bonrepaux ! Vous reprenez l’amendement, j’en prends acte, mais il a été défendu.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le président Méhaignerie, le rapporteur général et le ministre ont raison de rappeler l’importance de la corrélation entre lien fiscal et lien civique, ainsi que le principe selon lequel nul ne peut échapper à l’impôt. J’entends d’ailleurs en partie le raisonnement de M. Bonrepaux – mais celui-ci souhaite certainement aller trop loin pour compliquer les choses –, car il n’y pas de raison que ce principe s’applique à la dernière tranche et pas à l’avant-dernière.

Le président Méhaignerie a rappelé que la réforme fiscale devait reposer sur deux piliers : l’efficacité et l’équité. Gilles Carrez et le ministre ont, quant à eux, souligné l’équilibre de la réforme fiscale dans son ensemble. J’attire votre attention sur le problème de méthode qui consisterait à rechercher l’efficacité et l’équité par des mesures distinctes. Notre démarche doit se caractériser par la recherche d’un équilibre d’ensemble.

Par ailleurs, le président Méhaignerie considère comme une difficulté de principe le fait que 0,7 % de foyers risquent de bénéficier de plus de 0,7 % des allégements. Or je rappelle que ces 0,7 % de foyers payaient 21 % de l’impôt sur le revenu et qu’ils en paieront demain 22 % : c’est une forme de réponse. J’ajoute – et je soupçonne M. Bonrepaux d’avoir cette idée en tête – que si l’on impose le critère selon lequel 0,7 % des foyers ne doivent pas avoir plus de 0,7 % du bénéfice de la réforme, alors il n’y aura jamais de réforme de l’impôt sur le revenu.

Enfin, je ferai une remarque technique qui nourrira la réflexion que nous allons engager. La question du quotient familial, qui est un pilier de notre système fiscal, doit être prise en compte, ainsi que l’indique Christian Saint-Étienne dans son rapport. Sinon, tout ou partie des 50 % que vous laissez au contribuable risque d’être mangé par l’effet du quotient familial. Ce point essentiel mérite donc un débat sérieux.

Ne perdons pas de vue la corrélation entre lien civique et lien fiscal, et privilégions une approche globale sans chercher à opposer efficacité et justice car, dans la réforme proposée par le Gouvernement, elles peuvent aller ensemble.

M. le président. Je vous fais remarquer, monsieur Bonrepaux, qu’en reprenant l’amendement, vous avez donné à la majorité la possibilité de s’exprimer longuement.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. L’amendement de Pierre Méhaignerie et votre réponse, monsieur le ministre, contribuent selon moi à débloquer le système, et je vous en remercie. J’ai apprécié votre enthousiasme et celui du rapporteur à propos de la réforme fiscale, qui va dans le bon sens, mais il y a encore beaucoup à faire. En ce qui concerne l’attractivité, il faut savoir sur quels impôts s’applique le taux marginal de 40 %. Par ailleurs, le montant de la tranche maximale auquel s’applique ce taux n’est pas tout à fait le même en France et dans d’autres pays : en Allemagne, par exemple, il est de 500 000 euros alors que, chez nous, il est de 65 000 euros seulement.

Par ailleurs, dans la logique du dispositif proposé par Pierre Méhaignerie, le plafond de 8 000 euros n’est plus intéressant. En effet, ainsi que vous le dites vous-même, pour les classes moyennes, les plafonds n’ont pas d’importance. Il est donc préférable de laisser une plus grande liberté au contribuable pour qu’il puisse choisir ce qui lui semble le plus intéressant pour lui ou pour la collectivité. Pour les hauts revenus, en revanche, l’amendement de Pierre Méhaignerie présente l’avantage de limiter l’importance de la réduction fiscale, ce qui me paraît plus moral. Je souhaite donc que notre réflexion vise à revoir chacune des deux méthodes – celle de M. Copé et celle de Pierre Méhaignerie – pour n’en faire plus qu’une seule.

M. le président. C’est le discours de la méthode. Sourires.)

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Le groupe UDF juge très intéressant l’amendement de M. Méhaignerie, que nous aurions voté s’il ne l’avait pas retiré. Par contre, nous ne sommes pas favorables au sous-amendement de M. Bonrepaux.

J’ai pris acte de l’engagement du ministre de créer un groupe de travail, et nous sommes prêts à nous y associer si nous y sommes invités. Comme l’a dit très justement M. Descamps, il faudra apprécier l’impact de la réforme en cours sur la proposition de Pierre Méhaignerie. Celle-ci avait le mérite d’être simple, alors que la réforme fiscale qui nous est proposée s’apparente à une usine à gaz que nous avons nous-mêmes du mal à comprendre : imaginez ce qu’il en est pour nos concitoyens qui ne sont pas des spécialistes. Il nous faudra donc avoir la sagesse d’imaginer un dispositif simple quant au mode de calcul afin qu’il puisse être compris par celles et ceux qui, assujettis à la plus haute tranche du barème, participeront ainsi un peu plus à la nécessaire cohésion sociale qui fait malheureusement défaut aujourd’hui dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je rappelle à M. Méhaignerie qu’en 1991 la situation était très différente, et ce pour deux raisons.

D’abord, les niches fiscales étaient moins importantes. Ainsi, celle qui concerne l’emploi à domicile était quatre fois moins élevée qu’aujourd’hui.

Par ailleurs, depuis 2000, l’impôt sur le revenu a été considérablement réduit. La majorité actuelle y a contribué à hauteur de 7 milliards. C’est vous, monsieur Méhaignerie, qui regrettez ces baisses d’impôt, estimant qu’elles se sont faites en pure perte et qu’elles ont surtout bénéficié aux revenus les plus élevés. Et vous voulez en rajouter encore pour 4 milliards ? De plus, ces 4 milliards ne sont pas financés. C’est de l’irresponsabilité, ou plutôt de la démagogie, car il est facile de baisser les impôts en faisant payer les gouvernements qui vous succéderont.

Ces deux éléments expliquent pourquoi, en 1991, cette réduction n’était pas justifiée. En outre, je rappelle qu’en 1997 nous avons réduit la plupart des niches fiscales, notamment celle dont bénéficiait la presse. Vous n’avez donc pas de leçons à nous donner. Contrairement à vous, je considère que l’impôt est un acte citoyen. Vous, vous avez tendance – comme l’association Contribuables associés – à vouloir le faire disparaître.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne mélangeons pas tout !

M. Augustin Bonrepaux. Nous en reparlerons bientôt, monsieur le ministre, puisque vous avez promis hier soir d’examiner attentivement un amendement qui permettrait de déduire les cotisations versées à cette association.

L’impôt étant un acte citoyen, on peut estimer qu’il n’est pas équitable qu’il soit réduit de plus de 50 %. Mais pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt, puisque cette réforme a été proposée à plusieurs reprises ? Pour le bouclier fiscal, vous n’avez pas pu présenter de simulations mais vous n’avez pas eu besoin de réfléchir. Pour une mesure si simple et si équitable, il faut par contre réunir une grande commission et prendre une année de réflexion. En réalité, vous n’avez pas l’intention de la mettre en œuvre, en tout cas pas tout de suite : vous l’appliquerez juste à la veille des élections, en espérant que l’on aura oublié tous les cadeaux fiscaux que vous aurez faits aux plus fortunés.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 668.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 548 de M. Pierre Méhaignerie, repris par M. Augustin Bonrepaux.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Article 62

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 578 de M. Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’une simple précision, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement étant favorable à cet amendement, je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 62, modifié par l’amendement n° 578.

(L’article 62, ainsi modifié, est adopté.)

Article 63

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 579, de coordination, de M. Carrez.

Le Gouvernement étant favorable à cet amendement, je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 580 de M. Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de simplification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 580, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 582 de M. Carrez.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement de précision et lève le gage.

Je mets aux voix l’amendement n° 582.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 581 de M. Carrez.

Le Gouvernement étant favorable à cet amendement rédactionnel, je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 63, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 63, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 63

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5 rectifié, portant article additionnel après l’article 63.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement car il est satisfait.

M. le président. Le Gouvernement étant également défavorable à cet amendement, je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 64

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 354, visant à supprimer l’article 64.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Une nouvelle fois, et en contradiction flagrante avec les engagements pris régulièrement par les ministres de l’économie qui se sont succédé depuis 2002, une niche fiscale est reconduite sans qu’aucune étude d’impact ni aucune évaluation de ses effets ne soit produite par la Gouvernement. À l’heure où celui-ci se targue de mettre en place un plafonnement des niches – qui reste très superficiel –, l’évaluation systématique des dépenses fiscales devrait devenir la règle.

Dans l’attente d’une telle évaluation, il est proposé de ne pas reconduire aveuglément le dispositif de réduction d’impôt pour les souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l’immobilier.

M. le président. La commission et le Gouvernement étant défavorables à cet amendement, je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 269 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement tend à proroger la durée de validité des incitations fiscales à la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 269, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 64, modifié par l’amendement n° 269.

(L’article 64, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 64

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 117, deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 64.

La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le soutenir.

M. Camille de Rocca Serra. La situation de la Corse est très particulière, dans la mesure où son activité économique est essentiellement liée aux services publics et au secteur tertiaire administratif. Depuis des années, l’État fait des efforts, engageant d’énormes moyens financiers afin de développer les infrastructures. Malheureusement, ces moyens ne servent pas au lancement d’une économie durable.

Nous avons bénéficié dans les années 90 du soutien économique apporté par le dispositif des zones franches, mis en place par Alain Juppé, qui a servi à maintenir les entreprises existantes. Or ce dispositif fort efficace arrive aujourd’hui à son terme.

Par ailleurs, la Corse ne va plus bénéficier, dans les années à venir, du soutien de l’Union européenne dans le cadre de l’objectif 1. Malgré son retard structurel de développement et malgré l’insularité, qui constituent pourtant des facteurs de retard de développement correspondant à ceux définis dans le projet de Constitution européenne, elle relèvera prochainement de l’objectif 2 au même titre que la région Île-de-France, ce qui paraît anormal au vu de l’important décalage qui existe entre ces deux régions en matière de développement et de capacités économiques et industrielles.

Je cherche – en coopération avec le Gouvernement, qui nous a proposé, voici quelques mois, un partenariat de croissance – les moyens de soutenir le développement économique de la Corse. À ce titre, les incitations fiscales à l’investissement consenties au profit de l’outre-mer me paraissent très intéressantes. Certes, la situation de la Corse n’est pas tout à fait identique à celles des départements et territoires d’outre-mer mais, à tout le moins, les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.

Les difficultés de financement de l’économie corse tiennent pour l’essentiel à deux raisons : l’insuffisance de l’activité bancaire et l’absence de fonds propres dont souffrent les entreprises. La zone franche avait permis de produire de la trésorerie et contribué à l’augmentation des fonds propres, mais cela n’a pas été suffisant. C’est pourquoi je cherche aujourd’hui à utiliser le dispositif des fonds d’investissement de proximité pour accroître l’apport de fonds propres aux entreprises.

La Corse dispose de 7 milliards d’euros d’épargne. Cependant, cette épargne a un comportement très particulier, lié au « risque pays » : du fait de la situation politique que connaît la Corse depuis vingt-cinq ans, nous avons une épargne de précaution, voire de thésaurisation, stockée sur des livrets A, des CODÉVI et autres placements du même type. Nous voudrions engager un cycle vertueux commençant par la diminution de cette épargne au bénéfice d’investissements dans l’économie corse ; une fois qu’elles auront constitué des fonds propres suffisants, les entreprises trouveront plus facilement des financements.

Si un FIP existe déjà en Corse, les banques ne s’y sont pas intéressées pour le moment. Celles-ci – notamment le groupe Viveris, la CDC, la Caisse d’épargne et Natexis Banque populaire – se sont toutefois déclarées prêtes à y participer à condition que l’on élimine le « risque pays ». Cela permettrait d’engager la Corse dans un développement économique durable et d’entrer dans un cycle vertueux.

Monsieur le ministre, je pense que nous répondrions ainsi efficacement aux besoins de la Corse, non plus en moyens publics au service du secteur public, mais en moyens du secteur privé au service du développement économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel je le trouve extrêmement intéressant. Comme vient de l’expliquer M. de Rocca Serra, il s’agit de mobiliser de façon différenciée une épargne d’un volume important, dont la caractéristique essentielle est d’être corse. En prenant en compte l’insularité de la Corse grâce à un taux d’incitation fiscale plus élevé, on pourrait mobiliser plus efficacement cette épargne.

Certes, il existe des problèmes de nature juridique. Ainsi, pour mettre en place des avantages fiscaux particuliers, il faut au moins trois régions, alors qu’en l’occurrence il n’y en a qu’une. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que l’on adapte le cadre juridique pour trouver une solution à la demande de M. de Rocca Serra, qui me paraît parfaitement fondée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai écouté très attentivement la proposition de Camille de Rocca Serra et je sais le travail fantastique qu’il accomplit en Corse pour attirer les investisseurs et participer activement, à travers la collectivité qu’il préside, à son développement économique. Je veux vous assurer, monsieur le député, que le Gouvernement en général, et votre serviteur en particulier, sont à vos côtés pour essayer de trouver les meilleures solutions possibles en termes de soutien au développement économique.

Cependant, certaines difficultés m’empêchent d’être favorable à votre amendement. Elles ne sont pas d’ordre politique, mais de nature purement technique.

Premièrement, l’instrument que vous proposez permettrait une défiscalisation qui irait au-delà du plafonnement des niches. Celui-ci est de 8 000 euros, alors que votre amendement permettrait une réduction pouvant aller jusqu’à 12 000 euros.

Deuxièmement, votre amendement introduit une distorsion avec les FCPI, puisque vous proposez une réduction de l’impôt sur le revenu égale à 50 % du montant de la souscription, alors que le taux de réduction pour les FCPI est de 25 %.

Troisièmement, il faut trois régions pour créer un FIP, alors que votre système est prévu pour une seule région.

Je vous propose de mettre mon équipe à votre disposition dès la semaine prochaine, afin que nous puissions trouver ensemble le moyen de surmonter ces difficultés et d’imaginer un dispositif qui réponde à votre objectif. Il n’est d’ailleurs pas certain que mon ministère soit le seul concerné : il conviendra sans doute de travailler aussi avec l’aménagement du territoire. Sachez en tout cas que nous soutenons avec vous le développement économique de la Corse.

Je vous demande donc, monsieur de Rocca Serra, de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de l’engagement que je prends devant vous.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. L’amendement de M. Méhaignerie, en retenant la limite de 50 % de l’impôt, permettrait, pour la plus haute tranche de revenus, d’aller au-delà du plafond de 8 000 euros. Certes, les personnes qui participent au financement de l’économie en réalisant des investissements sont en général celles qui disposent des revenus les plus élevés, mais il est bon que l’ensemble des citoyens puissent participer, en Corse, au développement de leur propre économie.

Deuxièmement, si le FIP doit effectivement être constitué de trois régions, il n’est pas mis en œuvre en Corse par les banques à cause du « risque pays », ce qui est regrettable.

Cela étant, je retire mon amendement au bénéfice de l’engagement que vous venez de prendre, monsieur le ministre, car je sais que vous le tiendrez.

M. le président. L’amendement n° 117, deuxième rectification est retiré.

Article 65

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 129.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement est défendu. J’insisterai sur le suivant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 539.

M. Patrice Martin-Lalande. La diversification énergétique dans les transports et l’amélioration de la qualité de l’air en milieu urbain par la réduction de la pollution constituent des priorités gouvernementales.

C’est à cette fin que l’ADEME a soutenu, par le biais d’une avance accordée dans le cadre du programme interministériel de recherche et d’innovation sur les transports terrestres, une innovation française consistant à introduire dans les automobiles une technologie d’alterno-démarreur dite  stop and start, premier stade d’entrée dans le domaine des voitures hybrides et utilisée par ailleurs à tous les niveaux d’hybridation.

Faisant appel à l’énergie électrique et couplée à un moteur classique, cette technologie permet de mettre le moteur en veille automatiquement pendant les phases d’arrêt momentané du véhicule et de redémarrer instantanément, sans bruit ni surcroît de consommation d’énergie. Considérant qu’en milieu urbain, les phases d’arrêt peuvent représenter jusqu’à 35 % des temps de déplacement, l’ADEME a relevé qu’une telle innovation génère des économies de carburant, donc une réduction des émissions de CO2, allant jusqu’à plus de 15 % en ville et permet d’abaisser substantiellement les émissions de polluants, en particulier d’oxydes d’azote.

Dans une circulaire du 28 septembre dernier, le Premier ministre a lui-même retenu cette technologie parmi celles relevant de la catégorie des véhicules hybrides et devant faire l’objet, pour ce qui concerne le renouvellement du parc de l’État, d’une politique visant à « utiliser des véhicules à faible consommation et émettant moins de CO2 ».

À juste titre, l’article 65 du projet de loi de finances tend à renforcer l’encouragement à l’achat de véhicules hybrides. Il convient toutefois d’inclure clairement dans le champ de cette catégorie de véhicules propres, dont l’utilisation est encouragée par les pouvoirs publics, une technologie française d’hybridation constituant, selon l’ADEME, une innovation convaincante permettant d’augmenter l’efficacité énergétique des voitures.

Tel est l’objet du présent amendement, que j’ai déposé avec MM. Masdeu-Arus, Deniaud et Gatignol.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais elle avait rejeté le précédent. Celui-ci est un peu plus simple. Il comporte cependant deux inconvénients. Tout d’abord, il propose un crédit d’impôt de 500 euros alors que le dispositif, d’après le constructeur lui-même, ne représente qu’un surcoût de 300 euros. Surtout, il s’agit là d’une technologie qui va se développer dans l’avenir. Si donc on prévoit un crédit d’impôt trop généreux, cela risque de devenir un véritable gouffre pour l’État et de se traduire par un simple effet d’aubaine. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je salue la créativité de M. Martin-Lalande. Néanmoins, comme l’a souligné le rapporteur général, cette technologie va évoluer quasiment tous les semestres. Faudra-t-il déposer des amendements chaque année pour suivre son évolution ?

Cette disposition pose en outre un problème de fond. L’incitation fiscale doit-elle encourager une technologie ou une performance ? Il faut répondre à cette question, sans quoi toute innovation technologique fera l’objet d’un dégrèvement dans la loi de finances. Il y va de notre crédibilité.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur Perruchot, il s’agit naturellement d’encourager des technologies qui ont fait leurs preuves. En l’occurrence, l’ADEME peut l’attester puisqu’elle a soutenu cette innovation et en a mesuré les résultats.

Concernant le montant du crédit d’impôt, monsieur le rapporteur général, si on retient le principe d’une aide à ce type de technologie, on peut envisager de le réduire au montant exact de la dépense engagée. Cela pourrait faire l’objet d’un sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. J’ai défendu moi-même un amendement allant dans le sens du soutien à l’innovation. Mais si l’on commence à adopter des amendements visant des technologies particulières, on va créer des distorsions sans fin entre les différentes technologies et les entreprises concernées. Procéder ainsi ne serait pas raisonnable. Ce n’est pas de la bonne politique fiscale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 539.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 270 rectifié de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’initiative en revient à M. Mallié, à qui je laisse le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Cet amendement vise à étendre le crédit d’impôt prévu à l’article 200 quinquies du code général des impôts aux véhicules dont la première mise en circulation est intervenue depuis moins de cinq ans au lieu de trois ans. Cette mesure permettrait de poursuivre la politique menée par le Gouvernement en matière d’énergie propre. Elle aurait un avantage immédiat sur le parc automobile existant car nos concitoyens pourraient garder leur véhicule en le « gépélisant », ou acheter un véhicule d’occasion pour le « gépéliser ». Elle permettrait aussi d’augmenter le pouvoir d’achat des Français puisque le GPL coûte moins cher que l’essence ou le gazole.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 270 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 583 de M. Carrez.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 65, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 65, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je vous propose de suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 66

M. le président. Je mets aux voix l’article 66.

(L’article 66 est adopté.)

M. le président. L’article 67 ainsi que les amendements portant article additionnel après l’article 67 sont réservés.

Article 68

M. le président. Je mets aux voix l’article 68.

(L’article 68 est adopté.)

Article 69

M. le président. Je mets aux voix l’article 69.

(L’article 69 est adopté.)

Après l’article 69

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 524.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, notre pays est victime, ces dernières années, d’un mouvement de délocalisation fiscale particulièrement préoccupant pour les finances publiques, mais également pour l’emploi et les salaires. Un nombre croissant de grands groupes, mais aussi de moyennes entreprises, décident en effet d’implanter leur siège dans des pays européens voisins où les taux nominaux de l’impôt sur les sociétés sont plus faibles. C’est vrai du Luxembourg et des Pays-Bas, mais surtout de la Suisse qui, selon une étude du cabinet Arthur D. Little, a accueilli 59 % des entreprises européennes ayant établi ou déménagé leur siège européen. Près de 1 400 multinationales seraient sur le point de les suivre. Unilever pense ainsi à délocaliser ses achats européens de Rueil-Malmaison à Schaffhausen. Nom de code du projet :  Mountain !

Ce n’est bien évidemment pas le charme des Alpes suisses qui attire les sièges, mais plutôt les perspectives comptables, car cette expatriation présente l’avantage de permettre aux multinationales, en jouant sur les prix de transfert ou en pratiquant la sous-capitalisation, de drainer vers la maison mère les bénéfices réalisés par leurs filiales et leurs unités, notamment celles situées en France.

Le but de ces techniques dites d’optimisation fiscale, dont le montage est élaboré par des cabinets conseils à l’activité florissante, est d’échapper, légalement ou par la fraude, au prélèvement fixé par la représentation nationale pour la formation d’un revenu sur notre territoire.

Selon les estimations d’un collectif de syndicalistes du secteur de la chimie, ces comportements de « passagers clandestins », comme les qualifie le Conseil des impôts, risquent à l’horizon 2008 de priver l’État de 32 milliards d’euros de recettes fiscales. Excusez du peu ! En outre, cette réorganisation des firmes tend à transformer nombre d’entreprises françaises en simples centres de coûts, privés d’autonomie financière et de pouvoirs d’investissement par des mécanismes bien huilés de « vampirisation ».

Dans ces conditions, les pressions se font de plus en plus fortes sur les salaires et l’emploi. Les restructurations brutales frappant des complexes industriels tels que Colgate, Hewlett-Packard, Kodak ou encore Arcelor, sociétés qui ont toutes installé leur siège hors de France, témoignent des effets négatifs d’un système qui institutionnalise la fuite de la richesse créée par les hommes et les femmes de notre pays.

S’étant émue à bon droit de la situation, la direction générale des impôts avait proposé qu’une disposition législative soit adoptée dans le cadre de la présente loi de finances, de façon à « contraindre toute personne élaborant, développant ou commercialisant un schéma d’optimisation fiscale » à porter celui-ci à la connaissance de l’administration fiscale. C’était bien le moins ! Mais, cédant aux récriminations du MEDEF et de groupes de pression d’avocats d’affaires, le Gouvernement a visiblement renoncé à cette mesure de transparence, qui représentait pourtant un premier pas dans la prévention des délocalisations abusives.

C’est pourquoi nous jugeons qu’à défaut de pouvoir adopter une telle mesure, il serait souhaitable que l’Assemblée nationale puisse disposer d’un rapport lui permettant à la fois d’avoir une information plus complète sur ces questions et de dégager des pistes de proposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, même si je reconnais la réalité du problème que soulève M. Brard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’espérez pas vous en sortir comme cela, monsieur le ministre ! Le Gouvernement voit de grands groupes frauder légalement et soustraire à la cassette nationale des revenus légitimement dus dans notre pays. Face à cela, avec son énergie coutumière, il ne fait rien ! Et comme il a décidé de ne rien faire, je propose qu’un rapport nous permette d’y voir clair. C’est le minimum, mais le Gouvernement n’en veut pas. Ce n’est pas acceptable ! Et le ministre espère qu’il lui suffira de lancer à la sauvette un « défavorable » ?...

M. le président. C’est ainsi, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Il a tort, monsieur le président !

M. le président. Je sais bien, mais nous allons interroger l’Assemblée. (Sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 524.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 525 rectifié, qui est également de M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, c’est mal parti !

M. Richard Mallié. Alors levons la séance !

M. le président. Monsieur Mallié !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, en mars dernier, nous avions déposé une proposition de résolution visant à faire toute la lumière sur l’impact du bénéfice mondial consolidé qui, comme vous le savez, permet de frauder plus ou moins légalement. Avec cet amendement, nous proposons qu’un rapport soit remis au Parlement sur cette question.

Créé en 1965 pour soutenir les grandes entreprises industrielles françaises dans leur conquête de marchés à l’international, le régime fiscal dérogatoire, dit du bénéfice mondial consolidé, concerne à ce jour une quinzaine de firmes multinationales. Il permet à une société mère de consolider ses pertes ou profits de manière plus avantageuse en prenant en compte, dans son résultat imposable, les résultats des filiales étrangères qu’elle détient à plus de 50 %.

Le 26 août 2004, le ministre de l’économie et des finances avait accordé au groupe Vivendi Universal un agrément l’autorisant à adopter ce régime. Pour Vivendi, la baisse d’impôt consécutive à l’application de ce dispositif a été estimée à 3,8 milliards d’euros d’ici à 2010, ce qui permettra à ce géant de la communication d’améliorer ses résultats nets de 500 millions d’euros chaque année pendant cinq à sept ans. En contrepartie, le groupe se targue d’implanter 600 emplois de téléopérateur à Belfort ou à Douai, mais uniquement par sous-traitants interposés. Plus globalement, Vivendi a promis de créer 2 100 emplois sur cinq ans, soit 420 emplois par an. C’est l’emploi aidé le plus cher au monde : 1,8 million d’euros par poste ! Mais le ministre s’en moque éperdument !

Entre-temps, Vivendi a pris la décision de transférer à l’étranger la gestion des appels de nuit, sous la pression de Cegetel, et engagé le processus de fusion de Timing et Mediatel, qui conduira à la liquidation pure et simple de la première.

Dans ce contexte, et pour poursuivre avec l’exemple de Vivendi, comment ne pas souligner le décalage total entre le régime fiscal avantageux obtenu par cette entreprise en échange de promesses de créations d’emplois et le démantèlement programmé de filiales ? Vous parlez beaucoup d’entreprise citoyenne : comment un groupe puissant peut-il se dérober à sa responsabilité citoyenne de payer l’impôt tout en cautionnant les projets de délocalisation et de licenciements d’un sous-traitant de sa filiale la plus florissante ?

D’un côté, vous vous targuez d’augmenter la prime pour l’emploi de 5 euros par mois, et de l’autre, vous subventionnez des emplois à hauteur de 1,8 million d’euros par poste. Il est vrai que dès lors qu’il s’agit d’engraisser les privilégiés, vous ne reculez devant aucun sacrifice, d’autant plus que vous les faites payer aux gens modestes !

M. le président. La commission et le Gouvernement ont exprimé un avis défavorable.

Je vous rends la parole, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’avais pas remarqué ces dernières semaines, monsieur le président, à quel point vous étiez en symbiose avec le Gouvernement !

M. le président. Avec tout le monde, monsieur Brard. Je sais exactement ce que vous allez dire ! (Rires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le président n’a pas tort !

M. Jean-Pierre Brard. Vous risquez d’avoir des surprises, monsieur le président ! J’ai regardé le ministre lorsque vous l’avez interrogé : il n’a pas eu le temps de ciller que déjà vous en aviez déduit qu’il était défavorable à mon amendement !

M. le président. C’était notre sujet de conversation avant la séance.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, comment pouvez-vous accepter de faire des cadeaux aussi royaux à des gens qui n’en ont pas besoin ? Cette mesure coûte 1,8 million d’euros par poste pour des entreprises qui délocalisent et suppriment des emplois.

M. le président. Monsieur Brard, M. le ministre va vous répondre, ce qui montre sa grande bonté…

M. Jean-Pierre Brard. Surtout pour les riches !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Brard, dans la mesure où nous vous connaissons depuis de très nombreuses années, nous sommes habitués à votre rhétorique, mais répéter sans cesse que nous engraissons les riches finit par être désobligeant, pour ne pas dire blessant !

M. Jean-Pierre Brard. Pour les riches !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, pour vous, parce que cela réduit la qualité intellectuelle de votre propos et vous transforme en idéologue, ce que vous êtes beaucoup moins que vous ne le prétendez ! (Sourires.)

Je vous indique que ce préambule vaut pour l’ensemble des amendements que vous présentez ce soir, ceux que vous avez déjà présentés et tous ceux que vous serez amené à présenter à l’avenir…

M. le président. Ce qui inclut l’année prochaine ! (Rires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument ! Monsieur Brard, le régime du bénéfice consolidé n’est pas réservé aux grands groupes : il est appliqué à des sociétés de taille plus modeste, qui représentent près de la moitié des sociétés agréées. Ce régime est accordé à une entreprise sous réserve qu’elle réponde à des critères précis et publics et respecte certains engagements techniques. Il ne s’agit donc pas de fraude puisqu’un agrément doit être accordé. Le contrôle de ces engagements relève de la compétence de l’administration fiscale, dont la feuille de route précise qu’elle a l’obligation de veiller à ce que les règles soient respectées. Si ce n’est pas le cas, l’agrément peut être retiré.

Je vous donne ces précisions bien que vous les connaissiez parfaitement, car il s’agit d’amendements quelque peu statutaires, voire automatiques, que vous avez défendus en lisant un papier. Et je vous connais, monsieur Brard : quand vous croyez ce que vous dites, vous ne lisez pas ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez voir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne dirai pas que je vous ai vu naître, mais je commence à vous connaître…

Mon rêve serait que vous acceptiez de retirer cet amendement, convaincu par ce que je viens de vous dire. Si vous ne le faites pas, j’inviterai naturellement l’Assemblée à le repousser.

M. le président. Un seul mot, monsieur Brard : oui ou non, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Pierre Brard. J’hésite encore, monsieur le président !

M. le président. Pas moi ! Je vous ai déjà donné la parole à deux reprises et ne vous la donnerai à nouveau que pour retirer votre amendement !

M. Jean-Pierre Brard. Permettez-moi de réfléchir à voix haute avant de prendre une décision ! (Sourires.)

M. le président. J’aimerais autant à voix basse ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. M. le ministre vient de dire que les grands groupes ne sont pas les seuls à bénéficier de ce régime fiscal. Il n’a pas osé nous dire qu’il concernait même les PMI-PME. En réalité, une quinzaine de groupes importants en bénéficient. Vos services, monsieur le ministre, qui sont très compétents, obéissent à vos instructions.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ils sont excellents !

M. Jean-Pierre Brard. Dès lors que vos instructions sont perverses, vous obligez des fonctionnaires à effectuer un travail pervers eu égard à l’intérêt national.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Là, vous devenez insultant !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, votre mansuétude m’a laissé le temps de réfléchir : le moment n’est pas venu de laisser M. Copé rêver : je ne retire pas mon amendement.

M. le président. Je m’en doutais !

Je mets aux voix l’amendement n° 525 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 70

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 585 de M. Carrez.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 318.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour le soutenir.

M. Jean-Jacques Descamps. Je présenterai en même temps l’amendement n° 317, qui porte également sur l’article 70.

Cet article tend à modifier l’article 212 du code général des impôts. Il est assez frappant de constater que la rédaction actuelle se limite à une dizaine de lignes, tandis que la rédaction future représentera probablement trois pages du code, ce qui risque de rendre sa lecture plus difficile.

L’amendement n° 318 tend à supprimer la décote de 5 % appliquée sur les intérêts reportables à l’ouverture de chaque exercice ; quant à l’amendement n° 317, il vise à n’appliquer cette modification du code des impôts qu’à partir du 1er janvier 2006, afin d’éviter l’effet rétroactif sur des plans de recapitalisation en cours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 318 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. Pour ma part, j’y suis défavorable, mais je voudrais apporter trois précisions à notre collègue Jean-Jacques Descamps.

Tout d’abord, la décote est la seule sanction qui existe. Sans décote, il n’y a pas d’incitation à procéder à une recapitalisation.

Ensuite, le dispositif qui existe en France est le plus favorable d’Europe. C’est incontestable, car chez nos partenaires européens, les intérêts non déduits sont définitivement perdus.

M. Jean-Jacques Descamps. C’est l’attractivité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, puisque vous citez les États-Unis dans votre exposé sommaire, sachez que si l’on peut y déduire les intérêts, que l’on peut reporter indéfiniment, le ratio de l’endettement global est beaucoup plus large puisqu’il s’élève à 25 %. Beaucoup d’entreprises américaines fonctionnent donc avec un dispositif de sous-capitalisation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 318.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 586 rectifié.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai présenté cet amendement pour obtenir du Gouvernement une précision de doctrine.

M. le président. S’il vous donne cette précision, retirerez-vous votre amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je l’espère ! Je suis comme M. Brard, je réfléchis. (Sourires.)

M. le président. Le Gouvernement peut-il répondre à M. le rapporteur général ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vais donc préciser la doctrine : vous proposez d’insérer dans le nouveau dispositif de sous-capitalisation une doctrine administrative prise pour l’application du dispositif de l’actuel article 212, qui consiste à admettre la déductibilité sans limitation des intérêts versés au titre des prêts consentis par des établissements de crédit à des sociétés liées, sous réserve que les conditions de ces prêts soient identiques à celles pratiquées avec les clients extérieurs au groupe.

Je ne peux être que favorable à votre proposition qui renforce le dispositif proposé, à savoir sanctionner les situations abusives. Mais si vous en êtes d’accord, monsieur Descamps, cette précision pourrait être apportée par voie de doctrine administrative, comme c’est le cas actuellement, afin de ne pas alourdir davantage le texte. Je donnerai des consignes en ce sens à mes services. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ces conditions, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 586 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 588 de M. Carrez.

Le Gouvernement émet un avis favorable à cet amendement rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 317, qui a déjà été défendu par M. Descamps.

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels de M. Carrez, nos 589, 590 et 591, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre aux voix.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 70, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 70, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 70.

Après l’article 70

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 311.

M. Nicolas Perruchot. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 311.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 361.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Afin de promouvoir la diversité de l’habitat dans les quartiers où sont menées des actions importantes en matière de rénovation urbaine, cet amendement propose d’appliquer le taux réduit de TVA, actuellement de 5,5 %, aux opérations d’accession sociale à la propriété d’un logement neuf dans les quartiers faisant l’objet d’une convention de rénovation signée par l’ANRU.

Les ressources des acquéreurs ne devront pas dépasser les plafonds de ressources ouvrant droit à l’accès à un logement locatif social financé au moyen d’un prêt locatif social.

Mes chers collègues, vous comprendrez tout l’intérêt de cet amendement au moment où se posent beaucoup de problèmes en matière de logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, cet amendement est excellent, et son contenu si intéressant qu’il fait l’objet de l’article 5 du projet de loi portant engagement national pour le logement, adopté en conseil des ministres il y a quelques jours, et dont la discussion commencera au Sénat la semaine prochaine.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, car votre disposition à toutes les chances d’être adoptée dans le cadre de ce projet de loi.

M. Augustin Bonrepaux. Nous devrions anticiper en l’adoptant dès ce soir ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais fort de cette assurance, je le retire volontiers !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et vous voterez la loi Borloo !

M. le président. L’amendement n° 361 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 357.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. La Commission européenne a intégré les réseaux de chaleur parmi les biens et services pouvant bénéficier du taux réduit de TVA dans le cadre du projet de révision de la directive TVA.

Cette orientation positive permettrait l’alignement de la fiscalité frappant une énergie renouvelable aux effets positifs en matière environnementale – je pense en particulier au bois dont notre pays est fournisseur – sur celle actuellement applicable à l’électricité et au gaz.

Une telle mesure pourrait concerner à la fois l’abonnement et la consommation mesurée au compteur. Elle permettrait, outre l’incitation au développement d’une énergie renouvelable, un allégement de la facture énergétique de nombreux ménages aux revenus modestes, locataires de HLM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Nous avons défendu cet amendement entre 1997 et 2002, monsieur Bonrepaux, et c’est vous qui le faites depuis. Nous espérons pouvoir l’adopter, mais seulement l’an prochain, car, pour le moment, il est euro-incompatible. Cela dit, l’annexe H est en cours de révision et, parmi les propositions d’intégration dans cette annexe qui recense les services à taux réduit, figureront les abonnements aux réseaux de chaleur. Nous pourrons donc enfin régler ce problème car, sur le fond, je suis d’accord.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, fort de ces explications, retirez-vous l’amendement ?

M. Augustin Bonrepaux. M. le rapporteur général est si convaincant qu’il me laisse espérer que nous allons obtenir satisfaction à la fois sur les réseaux de chaleur et sur la restauration ! (Sourires.) Ne pouvant qu’y souscrire, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 357 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la motion de synthèse ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 282 rectifié de M. Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est rédactionnel.

M. le président. Le gage est-il levé ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 282 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 71

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 592 rectifié de M. Carrez, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 71, modifié par l’amendement n° 592.

(L’article 71, ainsi modifié, est adopté.)

Article 72

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 283.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a souhaité supprimer l’article 72, estimant qu’il risque de limiter le droit des contribuables à contester une taxe auprès de la juridiction administrative compétente, au motif de son incompatibilité avec la réglementation européenne.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le rapporteur général, je vous avoue que je suis tout à fait opposé à cet amendement, et j’espère vous convaincre.

L’article 72 unifie les délais de réclamation, mais apporte en même temps une clarification juridique très utile de la définition des décisions juridictionnelles pouvant donner lieu à réclamation de restitution.

D’une manière générale, le délai de réclamation fiscale expire au 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. En revanche, la période répétible est de quatre ans lorsqu’une décision de justice révèle la non-conformité du texte. Il est donc envisagé d’unifier ces délais.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Donc de passer de quatre ans à deux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le maintien d’une période répétible de quatre ans se traduit par des restitutions potentiellement coûteuses pour l’État, qui ne constituent qu’une aubaine pour les bénéficiaires éventuels. Le délai de deux ans proposé par le Gouvernement reste très favorable par rapport à la pratique de la plupart de nos partenaires : 90 jours au Portugal, 6 semaines aux Pays-Bas, 3 mois au Luxembourg, 30 jours au Royaume-Uni. Ces délais s’appliquent d’ailleurs à l’ensemble des contestations sans réserver de traitement particulier aux contentieux relatifs à la non-conformité des textes.

Par ailleurs, l’article clarifie et étend la définition des décisions juridictionnelles pouvant ouvrir droit à réclamation. Par exemple sont inclus les avis rendus par le Conseil d’État à la demande des juridictions administratives de premier et second niveaux.

Il serait donc très dommageable de supprimer l’article 72, et je souhaite qu’au bénéfice de ces explications, vous acceptiez, monsieur Carrez, de retirer un amendement auquel je m’oppose totalement.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, retirez-vous votre amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement a été adopté par la commission des finances, même si, en tant que rapporteur général, j’y étais défavorable.

M. le président. Allez, retirez-le !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si mes collègues m’y autorisent. Vous les voyez tous de là-haut, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. Un seul coup d’œil m’a suffi : ils sont d’accord !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dont acte !

M. le président. L’amendement n° 283 est retiré.

Je mets aux voix l’article 72.

(L’article 72 est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 72.

Après l’article 72

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17.

M. Augustin Bonrepaux. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43 rectifié.

M. Richard Mallié. Défendu !

M. le président. Avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

Est-il défendu ?

M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le président. M. Warsmann propose de faire correspondre le délai de réponse de l’administration fiscale avec celui qui est imposé aux contribuables. Le Gouvernement a publié une charte du contribuable qui constitue un pas important. Adopter cet amendement serait tout à fait cohérent avec la charte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement non examiné par la commission : sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La charte du contribuable est une avancée très importante. Si je me permets de le dire, ce n’est pas pour faire de l’autosatisfaction…

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas s’en priver !

M. le président. Cela ne fait pas de mal ; on ne meurt jamais d’une autosatisfaction ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est sûr, et dans mon cas, on ne peut pas dire que ce soit une difficulté ! (Rires.)

Il y a beaucoup de règles dans cette charte. Elle a sa cohérence d’ensemble. De plus, c’est un « produit » qui a vocation à évoluer. Alors, je vais vous faire un aveu. Pourquoi intégrer cette disposition-là dans la loi plutôt que d’autres ? L’engagement que prend l’administration pour ses délais de réponse est un élément majeur. Mais je ne veux pas donner le sentiment que, si j’intègre cette disposition dans la loi sans le faire pour d’autres qui, à certains égards, demandent plus de force de la part de l’administration, je crée une hiérarchie, alors que, pour moi, toutes ces règles sont importantes.

Je vous le dis formellement : l’administration s’engage à tenir ces délais car c’est sa mission, son devoir, et elle sait, puisque je lui en ai donné l’instruction, qu’elle a sur ce point une obligation de résultat, comme sur bien d’autres sujets. J’en profite pour lui rendre hommage car les progrès accomplis dans la qualité de ses relations avec le contribuable sont très importants. Je tenais à le dire.

Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur le ministre, M. Mariton ne peut pas retirer un amendement qu’il n’a pas déposé.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Alors que faut-il faire, le mettre aux voix ?

M. le président. Eh oui.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Imaginons par hypothèse que nous ne retrouvions jamais pareil ministre du budget…

M. le président. Ce n’est pas possible, il est à vie ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Les instructions qu’il aura données, en toute bonne foi certainement, ne seront peut-être pas aussi bien suivies qu’il l’imagine.

M. le président. Et la continuité républicaine ?

M. Jean-Pierre Brard. Elle pose problème, on le sait !

Le rapport du citoyen à l’État est d’autant plus légitime qu’il y a équilibre entre l’État et le citoyen. La proposition de M. Warsmann, telle qu’elle a été présentée par M. Mariton, peut, pour une fois, faire consensus. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le rapporteur général s’en remet à la sagesse de l’Assemblée : lui qui est un homme de terrain sait bien qu’en la matière, c’est souvent le pot de fer contre le pot de terre ! Pour moi, cet amendement est légitime et je l’approuve sans réserve.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Permettez-moi d’insister. L’adoption d’un tel amendement me causerait vraiment une difficulté car il donnerait le sentiment que nous sommes plus favorables à cette disposition-là qu’à toutes les autres. Or la charte contient des garanties très importantes : le rescrit, qui n’est pas dans le texte, et tous les engagements forts que prend l’administration fiscale. Très honnêtement, légaliser l’obligation de réponse sous trente jours et pas les autres risquerait de laisser accroire que l’on déresponsabilise l’administration fiscale. Cet amendement doit être repoussé.

M. le président. J’ai compris votre insistance, monsieur le ministre.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je prends acte de l’engagement du ministre pour que la disposition inscrite dans cet amendement soit effectivement respectée par l’administration fiscale et,…

M. le président. Et vous suggérez à vos collègues de ne pas voter l’amendement !

M. Hervé Mariton. …compte tenu des contraintes de procédure que vous avez rappelées, monsieur le président, je crois comprendre qu’il doit connaître un rejet technique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 310.

M. Nicolas Perruchot. Défendu !

M. le président. Et l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Et l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 310.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 528.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Le bref débat que nous venons d’avoir est très intéressant. Nous avons connu M. Mariton beaucoup plus déterminé lorsqu’il s’agissait de défendre les privilégiés. Mais dès lors qu’il s’agit de protéger des citoyens, il fait une génuflexion et se retire prudemment devant l’insistance ministérielle.

M. le président. Monsieur Brard, au lieu d’attaquer vos collègues, défendez votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’attaque pas mes collègues, monsieur le président, je mets en évidence leurs faiblesses ou leurs renoncements ; c’est comme si M. Mariton était député de Canossa ! (Rires.)

M. Hervé Mariton. Ma circonscription est grande, mais pas à ce point !

M. le président. Monsieur Brard, contentez-vous de défendre votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, pour évaluer le degré de conviction de mes propos, vous observez si je lis ou non des papiers. Comme je ne veux pas vous décevoir, je ne lirai celui-ci que pour la précision des citations.

La fraude est une plaie. Savez-vous ce qu’on appelle les « carrousels de TVA », les escrocs peuvent gagner jusqu’à 150 000 euros par jour ? Un exemple a alimenté la chronique de l’été dernier. Mais l’administration n’agit guère contre cela, alors qu’elle sait très bien ce qu’il faudrait faire. Comme l’a dit le mois dernier dans Les Échos Mme de Talancé, juge d’instruction à Paris : « Les lois et les conventions internationales peuvent se succéder comme autant de pommades sur une jambe de bois, dès lors qu’il n’existe pas une volonté politique de les faire appliquer » : c’est de vous qu’elle parle, monsieur le ministre. « Là encore, reportons-nous à la réalité sans polémiquer. Il existe de moins en moins d’ouvertures d’informations judiciaires sur des infractions pourtant de plus en plus dénoncées par les organes de surveillance ou de tutelle − AMF, TRACFIN, Cour des comptes − ce qui conduit à une démoralisation des services de police et des juges spécialisés, aggravée par la fonctionnarisation insidieuse des magistrats du parquet, qui ont perdu leur pouvoir d’initiative. “Circulez, il n’y a rien à voir !” : c’est, malheureusement, en matière de délits financiers, le mot d’ordre que l’on constate aujourd’hui dans le cadre de la politique pénale menée par la France. »

Dans l’Union, il y a des États voyous. J’en citerai au moins un − quoique je n’ignore pas qu’il n’est pas de bon ton de le faire −, le Luxembourg. On pourrait même parler des Pays-Bas, où je me suis rendu quand j’ai travaillé sur la fraude. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que même la famille royale se livrait à des écarts condamnables ! Il est vrai qu’elle n’a jamais été étrangère au bizness, et que, quand on s’écarte des voies normales, ça peut rapporter encore plus gros.

Le Conseil de l’Europe a récemment stigmatisé la criminalité économique, au sein de laquelle la fraude fiscale figure en très bonne place : sociétés fictives, sociétés écrans, sociétés offshore. Le juge Van Ruymbeke soulignait que, si l’on a envie de frauder, il suffit de taper les mots « sociétés offshore » sur Google.

J’ai un jour été invité à Genève, dans un hôtel de luxe… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ça alors !

M. le président. Vous allez en Suisse, monsieur Brard ? On en apprend de belles ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je suis allé en Suisse, en effet, monsieur le président, pour participer à un débat.

M. Richard Mallié. Avec des valises ?...

M. Jean-Pierre Brard. Dans cette assemblée qui comptait plusieurs centaines de personnes, il y en avait au moins deux qui étaient honnêtes : votre serviteur…

M. Hervé Mariton. Prétentieux !

M. Jean-Pierre Brard. …et le procureur du roi de Charleroi. Je fus d’ailleurs méchamment agressé par le représentant du Lichtenstein. J’ai expliqué les mesures contre la fraude que nous voulions prendre sous l’ancien gouvernement − lequel, d’ailleurs, en a pris de nombreuses. Après mon exposé, je me suis installé dans la salle. Or lorsque ces gens-là règlent leurs petites affaires, ils oublient vite les oreilles indiscrètes. C’est ainsi que j’ai appris que l’on peut ouvrir un compte, qui n’a rien de fictif, dans un paradis fiscal, sans avoir à y mettre les pieds. Vous pouvez essayer, monsieur le président. En réalité, le compte n’est même pas ouvert dans le paradis fiscal. Tout se règle en Suisse, voire à Annemasse, où des banquiers on ne peut plus nationaux coopèrent avec ces voyous. Que fait le Gouvernement ? Rien. Il n’a pas le temps de s’occuper de cela. Et c’est ainsi que nous nous faisons escroquer avec la compassion gouvernementale.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à l’amendement no 528.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 73

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 207, 284, 69 et 526, tendant à supprimer l’article 73.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 207.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La mesure prévue par l’article 73 se justifiait par le souci du Gouvernement de mener outre-mer une politique de l’emploi ambitieuse. Je rappelle les grandes caractéristiques du dispositif d’exonération de charges patronales actuellement applicable outre-mer : 30 % d’allégement jusqu’à 1,3 SMIC pour les entreprises de moins de onze salariés dans les secteurs du BTP et du transport pour la desserte de l’outre-mer ; 1,4 SMIC pour les secteurs de l’industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de la pêche ; 1,5 SMIC pour le tourisme, la restauration classée, l’hôtellerie. Ce régime permet d’exonérer la totalité des charges patronales et de maintenir sur toute l’échelle des salaires une exonération à concurrence, en valeur absolue, du montant des cotisations patronales correspondant à un salaire de 1,3 SMIC.

La réforme proposée consistait à réduire progressivement l’exonération tout en la maintenant à son niveau actuel pour les salaires inférieurs à 1,3 SMIC, dont la part relative dans la distribution des salaires est beaucoup plus forte outre-mer qu’en métropole.

Diverses raisons sous-tendaient notre réflexion, mais j’ai été très sensible aux demandes qu’ont formulées, depuis la rédaction de cet article, des parlementaires de la majorité, élus de l’outre-mer : leurs arguments étaient suffisamment pertinents pour que je vous propose de retirer ce dispositif et d’y retravailler dans un autre cadre. Nous avons besoin de cohérence et de lisibilité. La loi de programme pour l’outre-mer de 2003, dite « loi Girardin », prévoit qu’une évaluation sera menée au bout de trois ans, c’est-à-dire en juillet 2006. Il n’est pas de bonne gouvernance de prendre de nouvelles dispositions avant cette date. De plus, cette question doit être liée à la réflexion globale sur la défiscalisation qui a été évoquée tout à l’heure. Peut-être vaudrait-il la peine de travailler sur ces sujets dans le cadre de la mise en œuvre de la loi Girardin.

Je propose donc que nous retirions ce dispositif et que nous effectuions ensemble, dans les prochains mois, le travail d’évaluation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 284.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je tiens à dire à nos collègues de l’outre-mer qu’à l’initiative du président Méhaignerie, de notre collègue Victor Brial et du rapporteur général, la commission des finances avait souhaité supprimer l’article 73 avant même que le Gouvernement ne dépose son amendement.

L’article 5 de la loi de programme pour l’outre-mer a prévu une évaluation du dispositif d’allégement des charges sociales patronales au bout de trois ans. Ce délai n’étant pas encore écoulé, il nous est apparu que l’on ne pourrait envisager une modification qu’une fois l’évaluation effectuée, en 2006.

Je signale toutefois que la suppression de l’article entraîne un manque à gagner de 195 millions d’euros : raison de plus pour soutenir la commission des finances dans sa recherche de 300 millions d’économies.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 207, 284, 69 et 526.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 73 est supprimé.

Après l’article 73

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7, tendant à introduire un article additionnel après l’article 73.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 287 rectifié, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 458 rectifié et 540 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Peut-être M. Rouault pourrait-il présenter cet amendement au nom de la commission des finances. Il était, tout à l’heure, à l’origine d’un amendement que, malencontreusement, je n’ai pas présenté de façon assez détaillée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Il s’agit de clarifier une partie des dispositions relatives au contrôle des rapporteurs spéciaux, du président et du rapporteur général des commissions des finances.

En outre, cet amendement étend le champ du contrôle des rapporteurs spéciaux en alignant leurs compétences sur celles des magistrats de la Cour des comptes.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir les sous-amendements nos 458 rectifié et 540 rectifié.

M. Augustin Bonrepaux. Je retire le premier au bénéfice du second.

La loi organique du 12 juillet 2005 a modifié l’article 57 de la LOLF afin de prévoir, essentiellement au profit des groupes parlementaires d’opposition, la possibilité qu’un de leurs membres soit désigné pour exercer une mission de « rapporteur spécial flottant », chargé d’un contrôle sur un sujet précis, proposé par lui.

Il convient de prendre en compte cette modification en insérant, dans le dernier alinéa de l’amendement n° 287 rectifié, après les mots : « chargées des finances », les mots : « ainsi que les membres désignés à cet effet par ces commissions en application de la loi organique relative aux lois de finances ».

M. le président. Le sous-amendement n° 458 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 540 rectifié ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je remercie M. Bonrepaux d’avoir réparé cet oubli de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci, monsieur Bonrepaux.

M. Richard Mallié. M. Bonrepaux a bien fait de ne pas aller au Mans ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 540 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 287 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 540 rectifié.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 286 de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’abroger différentes dispositions devenues obsolètes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 286.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 285 est également de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Celui-ci est un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 285.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 191 rectifié.

La parole est à M. Joël Beaugendre.

M. Joël Beaugendre. Cet amendement étant satisfait, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 191 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 667.

M. Nicolas Perruchot. Défendu !

M. le président. Avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 667.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Modification de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le président, compte tenu de la rapidité et de la très grande qualité de nos travaux, je demande le retrait des séances inscrites à l’ordre du jour du samedi 19 novembre.

M. le président. L’ordre du jour est modifié en conséquence.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Lundi 21 novembre 2005, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Ville et logement ; article 93 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 40 de M. François Grosdidier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe 41 de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2570, tome XV de M. Philippe Pemezec, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Avis, n° 2570, tome XVI de M. Jean-Pierre Abelin, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Ville et logement ; article 93 (suite) ;

Direction de l’action du Gouvernement (programme : Coordination du travail gouvernemental) ; article 79 ; Journaux officiels ; article 94 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe XII de M. Jean-Pierre Brard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Direction de l’action du Gouvernement (programme : Fonction publique) ; Gestion du patrimoine immobilier de l’État ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ; Régimes sociaux et de retraite ; Pensions :

Rapport spécial, n° 2568, annexe XIII de M. Georges Tron, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Rapport spécial, n° 2568, annexe XXVI de M. Tony Dreyfus, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2573, tome II de M. Bernard Derosier, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Direction de l’action du Gouvernement (programme : Fonction publique) ; Gestion du patrimoine immobilier de l’État ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ; Régimes sociaux et de retraite ; Pensions (suite).

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 19 novembre 2005, à zéro heure quarante-cinq.)