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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 21 novembre 2005

72e séance de la session ordinaire 2005-2006

Ville et logement

Journaux officiels (p.

Direction de l’action du Gouvernement (p.

Gestion du patrimoine immobilier de l’État (p.

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre à M. le président de l’Assemblée nationale, M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement a fait connaître que la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales est retirée de l'ordre du jour de demain matin, et inscrite à l'ordre du jour du jeudi 24 novembre, à neuf heures trente.

La séance de demain matin commencera à dix heures.

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

VILLE ET LOGEMENT (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à la ville et au logement.

Nous en venons aux questions.

Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, je souhaite appeler votre attention sur la pénurie de logements sociaux dans les Alpes-Maritimes, et, plus particulièrement, sur les difficultés rencontrées dans l’agglomération niçoise.

Les communes de la Côte d’Azur peinent à loger leurs actifs, et nombre d’entre elles ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés dans leur programme local d’habitat. Cette pénurie touchant toute la chaîne du logement, la ville de Nice, le conseil général des Alpes-Maritimes et la région ont lancé des politiques de rattrapage. Le conseil régional a ainsi annoncé qu’il débloquerait 4,3 millions d’euros pour soutenir le projet de rénovation urbaine du quartier de l’Ariane, à Nice. La ville, quant à elle, a alloué une subvention de 5 millions d’euros à l’office d’HLM pour favoriser la remise en état et la sécurisation des parties communes d’une trentaine de résidences HLM.

Toutefois, ces financements sont loin de suffire. La réhabilitation des résidences vétustes et la construction de logements sociaux posent de nombreux problèmes. Trois opérations, dans la commune de La Trinité, dans le quartier Ranguin à Cannes-La Bocca, et dans le quartier de Saint-Augustin à Nice, pourtant déclarées prioritaires dans le cadre du programme de réhabilitation du parc de logements sociaux pour 2004, n’ont pu être financées. Ainsi, des opérations visant à améliorer la sécurité et à réduire les charges des locataires ont dû être reportées.

Alors que les prix moyens des logements relevant du parc privé se sont envolés de 60 %, nombre de mes concitoyens ne peuvent accéder à des logements aidés, la construction de logements sociaux étant insuffisante. En 2000, Nice comptait à peine 10,25 % de logements de ce type. Aujourd’hui, on estime ses besoins à 16 500 unités, ce qui coûte à la ville, au titre de l’article 55 de la loi SRU, 2,5 millions d’euros de pénalités. Pour sa part, la communauté d’agglomération a, l’année dernière, financé 480 logements aidés, ce qui est très en deçà de son objectif initial, fixé à 880 logements aidés par an pendant cinq ans.

Par ailleurs, les aides de l’État dans le département des Alpes-Maritimes sont stables depuis 2001. En 2003, les subventions s’élevaient à 11,6 millions d’euros, ce qui permet de financer 1 076 logements, mais reste très en deçà de l’objectif annuel de production de 2 500 logements, répartis sur trente-quatre communes.

Dans ce contexte, madame la ministre, quelles orientations budgétaires allez-vous privilégier pour traduire vos intentions au niveau local ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous faites allusion, monsieur le député, à la pénurie de logements rencontrée dans plusieurs départements, et notamment dans les plus touristiques.

Les moyens financiers alloués en 2005 au département des Alpes-Maritimes pour la rénovation urbaine, hors dotations à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, représentent 14,8 millions d’euros et sont donc en hausse de près de 50 % par rapport à ceux de 2004. Cette augmentation de crédits nous permettra de progresser dans la réalisation des objectifs de production : 606 logements sociaux sont ainsi financés dès cette année dans la communauté d’agglomération de Nice-Côte d’Azur, soit 27 % de plus qu’en 2004.

La réhabilitation des logements locatifs sociaux est une autre priorité pour le Gouvernement. L’opération du quartier Ranguin, à Cannes-La Bocca, est programmée pour 2005, et celle du quartier Saint-Augustin de Nice sera prise en charge par l’ANRU. En 2006, pour l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les moyens financiers de l’État destinés au parc locatif social connaîtront une augmentation d’environ 10 % par rapport à cette année. Nous pourrons ainsi intensifier l’effort de production, et j’espère d’ailleurs que tous les acteurs locaux suivront. Non seulement nous mobilisons des crédits budgétaires en faveur des logements sociaux, mais nous améliorons également les conditions de financement des opérations.

S’agissant de l’application de l’article 55 de la loi SRU, le montant des prélèvements est, conformément à la loi, versé depuis 2004 directement à l’agglomération de Nice, celle-ci ayant adopté son PLH en décembre 2003.

Par ailleurs, le fonds d’aménagement urbain, institué pour la région en septembre dernier et alimenté par ces prélèvements, atteint un niveau de plus de 30 millions d’euros. Il représente une source de financement complémentaire significative à laquelle l’ensemble des collectivités désireuses d’amplifier leur effort peut accéder.

Mme la présidente. Monsieur Salles, il reste deux questions du groupe UDF, mais leurs auteurs sont absents.

Le règlement, que vous connaissez aussi bien que moi pour avoir été vice-président de notre assemblée, n’autorise chaque député qu’à poser deux questions.

Vous avez donc la parole pour poser soit la question de M. Lagarde, soit celle de Mme Comparini.

M. Rudy Salles. Je poserai la question de M. Lagarde, qui est la suivante dans l’ordre de présentation.

Madame la ministre, la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, que vous avez fait voter, a créé un Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait.

M. Rudy Salles. Cet observatoire est « chargé de mesurer l’évolution des inégalités sociales et des écarts de développement dans chacune des zones urbaines sensibles, de suivre la mise en œuvre des politiques publiques conduites en leur faveur, de mesurer les moyens spécifiques mis en œuvre et d’en évaluer les effets par rapport aux objectifs et aux indicateurs de résultats » mentionnés dans la même loi.

Cet observatoire est donc chargé de dresser un bilan annuel de la situation dans les 750 ZUS, créées successivement par la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 et par celle du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. Or, si l’on peut se féliciter de l’existence de cet observatoire, il est dommageable qu’aucune conséquence ne soit tirée de l’évolution des ZUS qu’il est amené à constater. Du classement ou non en ZUS dépendent en effet l’octroi d’un nombre d’aides considérable, notamment en matière de revalorisation des logements, mais également les sommes allouées dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement ou de la dotation de solidarité urbaine.

Aussi, si l’on doit se réjouir que certains quartiers classés en zone urbaine sensible aient vu diminuer leurs inégalités sociales et leurs écarts de développement avec les autres quartiers, il est tout à fait incompréhensible, car injuste, que certains autres, non classés à l’origine en ZUS pour différentes raisons, accumulent les difficultés. Alors qu’ils répondent largement aux critères de classement en zone urbaine sensible, ils ne peuvent ainsi obtenir les aides qui leur permettraient justement de sortir de leurs difficultés.

Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il de prendre en considération ces évolutions et d’en tirer les conséquences qui s’imposent ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, la délimitation des zones urbaines sensibles a pu laisser de côté certains quartiers qui auraient pu être classés. Cela a d’ailleurs fait l’objet de débats dans cet hémicycle en 2003, au moment de la création de l’Agence nationale de rénovation urbaine, et cette discussion a conduit à l’adoption du fameux article 6 de la loi du 1er août de la même année permettant d’étendre les périmètres d’intervention de l’agence aux quartiers qui présentent des caractéristiques analogues à ceux classés en ZUS.

La commune de Drancy, pour laquelle chacun connaît l’attachement de Jean-Christophe Lagarde, a d’ailleurs profité à juste titre des dispositions de cet article puisque les caractéristiques sociales et économiques de la ville sont similaires à celles de zones urbaines sensibles. Elle a pu ainsi présenter un projet de 600 opérations de démolition-reconstruction, la demande de subvention s’élevant à 45 millions d’euros pour une dépense globale de 157 millions. Les quartiers Pierre-Sémard et cité Nord pourront bénéficier du programme de rénovation urbaine, ce qui montre là encore un esprit d’ouverture en faveur des territoires qui exigent une intervention massive.

Mme la présidente. Nous en venons à la série de questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Madame la ministre, ma question sera une nouvelle illustration, s’il en fallait une, de l’insuffisance de l’engagement de l’État en faveur de la politique de renouvellement urbain.

Le projet engagé à cet égard à Bagneux porte sur une partie importante du sud de la ville et implique de nombreux partenaires : l’ANRU, le conseil général, la Sem 92 et la commune. Or l’agence vient d’aviser le maire de Bagneux que la ville n’était éligible qu’au taux pivot de subventionnement de 20 %, pour les équipements comme pour les aménagements. Dans sa grande bonté et compte tenu « de l’effort financier » consenti par la ville, le comité d’engagement serait susceptible de moduler à la hausse ce taux, le portant alors à 30 % environ.

La remise en cause du taux attendu de 50 % serait lourde de conséquences financières et entraînerait des retards considérables dans la réalisation des opérations projetées, au détriment des populations concernées. L’inquiétude et le mécontentement des élus locaux sont d’autant plus légitimes qu’ils viennent de prendre connaissance des annulations auquel le Gouvernement vient de procéder.

Je vous demande donc de prendre toutes dispositions pour garantir un taux de subventionnement à 50 %, comme cela était prévu initialement, pour le projet de rénovation urbaine des Blagis, à Bagneux.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, les modalités d’intervention financière de l’ANRU, définies dans son règlement général, permettent de prendre en compte, ainsi que chacun ici y est très attaché, la diversité des situations locales.

Les taux de subvention des opérations sous maîtrise d’ouvrage communale sont déterminés en fonction de la situation financière de la commune, constatée au cours des trois derniers exercices connus, ainsi que d’éléments recueillis par l’agence. L’avis du trésorier-payeur général est notamment requis. La commune peut également produire des études complémentaires, faculté dont la commune de Bagneux a d’ailleurs usé.

Au vu de ces différents éléments, la collectivité est classée par l’agence dans l’une des trois catégories suivantes : situation financière normale ; situation financière fragile ; graves difficultés financières. Une telle classification permet de déterminer le niveau d’intervention souhaité, et c’est dans ce cadre qu’ont été appréciés les besoins de la ville de Bagneux.

Sans ignorer bien évidemment les difficultés que peut connaître cette commune, celles-ci doivent être comparées à celles des autres communes classées en ZUS, et c’est pourquoi l’agence a indiqué que le taux de financement serait de 30 à 35 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Madame la ministre, les événements qui viennent de se dérouler dans plusieurs villes de France ont mis en évidence les inégalités au regard du logement, de l’éducation ou de l’accès à la citoyenneté. Malgré ce constat, l’engagement de l’État recule de 3,2 % en crédits de paiement et de 2,14 % en autorisations d’engagement. Les crédits pour la rénovation urbaine baissent de l00 millions d’euros, tandis que le programme 147, intitulé « Équité sociale et territoriale et soutien », voit ses crédits diminuer de 50 millions d’euros, passant de 635 millions d’euros en 2005 à 585 millions prévus pour 2006.

Ce qui vient de se passer dans les banlieues tout comme les déclarations du Président de la République devraient engager le Gouvernement à maintenir le budget de 2005, voire à l’augmenter.

L’Observatoire national des ZUS souligne, dans son rapport d’automne, la détérioration de la vie des habitants. Malgré cela, les crédits du programme « Ville-vie-vacances », grâce auxquels la prévention de la délinquance des mineurs peut proposer des programmes d’activités scolaires et sportives aux jeunes des cités, passent de 10 millions à 9 millions d’euros. Les crédits concernant le dispositif de médiation sociale tombent quant à eux de 57 millions à 43 millions d’euros. Pourtant, tous ceux qui sont allés à la rencontre des jeunes depuis quinze jours ont constaté combien il était fondamental de dialoguer, d’écouter et d’entendre ces jeunes, plutôt que d’appliquer la solution autiste qu’est le couvre-feu.

Comment le dispositif « adultes-relais » pourra-t-il renforcer le lien social dans les quartiers prioritaires ? Comment les associations de ces quartiers pourront-elles élaborer des projets et financer des créations de postes pour les réaliser ?

Il aura fallu les derniers événements pour que le Président de la République annonce une dotation de 100 millions d’euros aux associations. Mais sur quel budget cette dotation sera-t-elle prélevée ? Nous venons d’apprendre que 5 millions d’euros seraient obtenus grâce à la réduction des dépenses de personnel éducatif du second degré. Nous sommes loin du compte : il manque 95 millions d’euros ! Est-ce un choix politique sérieux de faire un tel tour de passe-passe ? Est-ce sérieux, dans un moment où tout le monde s’accorde à dire que l’éducation égalitaire pour tous est la clé de voûte d’une société politiquement responsable, de réduire le nombre d’enseignants ?

Madame la ministre, confirmez-vous la dotation de 100 millions d’euros aux associations et pouvez-vous nous dire sur quel budget vous comptez la dégager ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, nous avons longuement évoqué l’ensemble de ces éléments budgétaires ce matin.

Sur les constats de l’Observatoire national des ZUS, je dirai simplement que ce diagnostic, nous le connaissions déjà. C’est d’ailleurs pour essayer de répondre à ces difficultés que nous avions mis en place, dès 2002, de nouveaux outils, je pense à l’Agence nationale de rénovation urbaine, à la loi de programmation pour la cohésion sociale, le troisième outil, qui est en ce moment en discussion au Sénat, étant le projet de loi portant engagement national pour le logement.

En matière budgétaire, la mission « Ville » voit ses crédits augmenter et dépasser 1 milliard d’euros. En outre, nous avons souhaité accentuer l’effort sur des points qui permettent d’apporter des réponses concrètes : je pense aux équipes de réussite éducative, ainsi qu’au maillage territorial, avec un accompagnement des associations, et au dispositif des adultes-relais.

En ce qui concerne l’Agence nationale de rénovation urbaine, les engagements prévus dans la loi de programmation sociale sont tenus, ils seront même dépassés puisque le Premier ministre a accepté que ses crédits augmentent eu égard au nombre de dossiers présentés. Donc non seulement nous pourrons accompagner les 200 projets initialement prévus, mais nous pourrons en soutenir d’autres.

Bref, dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de l’ensemble de cette mission sont en hausse, pour répondre aux besoins de croissance sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu, pour une seconde question.

Mme Janine Jambu. Je pose cette question au nom de mon collègue Jacques Desallangre, qui n’a pu se rendre disponible aujourd’hui.

Mme la présidente. Il n’y a pas de problème, madame Jambu.

Mme Janine Jambu. Je souhaitais simplement qu’il soit pris note que ce n’est pas moi qui pose la question, mais M. Desallangre.

Madame la ministre, lors d’une question au Gouvernement posée le 18 octobre, M. Desallangre vous interrogeait sur la crise du logement, et plus particulièrement sur le renchérissement de près de 5 % des loyers qui touchait, depuis juillet 2005, la quasi-totalité des locataires d’HLM.

Il demandait alors que le Gouvernement intervienne auprès des offices d’HLM et SEM afin que ceux-ci modèrent leurs prétentions, insupportables pour les foyers modestes. Vous aviez botté en touche avec le refrain habituel et sans lien avec la question posée : ce n’est pas de ma faute, c’est la faute de la gauche. Peut-être cette non réponse était-elle à la mesure de votre embarras ? Comme beaucoup de vos collègues, vous profitez de la LOLF pour camoufler la dégradation de votre budget.

M. Philippe Auberger. C’est une question polémique !

Mme Janine Jambu. Car vous avez beau clamer haut et fort que le logement est une priorité du Gouvernement, votre budget pour la mission « Logement » est en chute de 230 millions d’euros, c’est-à-dire près de 3,5 %.

M. Mansour Kamardine. M. Desallangre aurait été là ce matin, il aurait eu la réponse à sa question !

Mme Janine Jambu. Toutes les actions composant la mission « Ville et logement » voient leur budget amputé. Mais peut-être arriverez-vous à nous expliquer une fois encore que c’est la faute de la précédente majorité ? M. Desallangre a hâte d’entendre votre sophisme.

Urgence pour l’emploi : moins 17 milliards d’euros de crédits budgétaires. Urgence pour le logement : moins 230 millions d’euros, dont moins 40 millions pour l’équité sociale, moins 120 millions pour le développement et l’amélioration de l’offre de logements et moins 70 millions pour l’aide à l’accès au logement.

L’effort de l’État en faveur du logement social est en nette régression. L’effort des villes riches est également en deçà des obligations légales.

La précédente majorité a voté une loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui impose la construction de 20 % de logements sociaux dans toutes les villes afin d’éviter la ghettoïsation de certains quartiers et de favoriser une plus grande mixité sociale sur l’ensemble du territoire.

Mais l’intense lobbying mené par vos amis politiques élus de villes riches vous presse de saboter cette juste mesure qui répartit l’effort en faveur du logement social sur l’ensemble des collectivités locales du territoire.

M. Philippe Auberger. Quelle caricature !

Mme Janine Jambu. Allez-vous enfin renforcer le caractère contraignant de la loi pour assurer son efficacité ? Quatre ans après la promulgation de la loi SRU, ce sont encore près de 750 communes qui ne se sont pas soumises à l’obligation légale d’atteindre 20 % de logements sociaux. Vous me rétorquerez que ces communes paient des pénalités, au demeurant faibles. Mais le paiement d’une amende autorise-t-il le délinquant à commettre l’infraction ? Non !

Alors, madame la ministre, qu’allez-vous faire pour que soient enfin construits les logements sociaux que nos concitoyens attendent ? Allez-vous amnistier ces 750 villes hors la loi ? Laisserez-vous perdurer l’injustice alors que d’autres, elles, respectent la loi, comme celle dont M. Desallangre est maire et qui affiche 38 % de logements sociaux ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la rénovation urbaine et pour l’équité sociale et territoriale et le soutien. J’en ai le double dans ma commune !

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la rénovation urbaine et pour l’équité sociale et territoriale et le soutien. Et moi 50 % ; et j’en reconstruis 250 !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, il y a beaucoup d’éléments dans cette question de M. Desallangre.

L’article 55 de la loi SRU, dont nous avons longuement parlé ce matin, doit être appliqué. Le Président de la République lui-même est intervenu pour le réclamer et Jean-Louis Borloo a pris les premières mesures de procédure contradictoire. Une réunion avec les préfets de région est prévue sur ce sujet d’ici à la fin de l’année. La volonté du Gouvernement est que ce texte soit appliqué, qui plus est de façon harmonieuse, sur l’ensemble de notre territoire.

En ce qui concerne l’accès au logement et l’accompagnement, je rappelle, d’une part, que l’APL a été revalorisée au 1er septembre dernier de 1,8 %, d’autre part, qu’une circulaire a été adressée aux organismes de logement social les invitant à ne pas augmenter les loyers dans une proportion supérieure. Il est en effet nécessaire de maîtriser ces loyers.

En ce qui concerne la difficulté de l’accès par manque de logement social, et nous en avons également largement parlé ce matin, l’objectif est de construire 100 000 logements, de façon à calmer l’embolie de l’ensemble de la chaîne du logement et d’apporter de vraies solutions.

En termes budgétaires, chacun peut consulter les tableaux et voir que le budget pour le logement est en augmentation de 5 %. Quant au budget pour la ville, il est en augmentation de 7 %. Cela prouve la volonté d’accompagner ce secteur, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Madame la ministre, la hausse du prix du pétrole a des conséquences importantes sur notre économie mais également sur le budget des ménages. Pour alléger la charge qui en résulte, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures. Cependant, les hausses du prix de l’électricité et du gaz vont se ressentir dans le budget des ménages, notamment des plus modestes. Ainsi, les charges locatives vont se trouver majorées, notamment dans le parc locatif à caractère social. Je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures pour ces catégories de locataires, et, si oui, lesquelles ?

Dans ce contexte, l’allocation personnalisée au logement, dont le seuil minimum de versement avait été porté de 15 à 24 euros, me paraît revêtir toute son importance. J’ai à plusieurs reprises interrogé le Gouvernement sur le relèvement de ce seuil et le non-versement de ces sommes. Si je peux comprendre certaines des raisons administratives avancées, je renouvelle ma suggestion : pourquoi ne pas procéder à un versement trimestriel, ou semestriel, voire annuel, de ces APL ? Aujourd’hui, avec la hausse des loyers, nos concitoyens les plus modestes ne doivent pas être oubliés. Pour eux, ces sommes ne sont pas négligeables.

Enfin, madame le ministre, chacun le sait, le prix de l’eau augmente et augmentera encore. Le Gouvernement a pris des mesures qui favorisent les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Envisage-t-il de prendre des mesures pour ceux, propriétaires ou locataires, qui investissent dans des systèmes permettant de réaliser des économies d’eau potable ?

Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter à cette triple question.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Chacun a pleinement conscience de la répercussion de l’augmentation du coût du pétrole à la fois sur les frais de déplacement de nos concitoyens, notamment en province, mais également sur le prix du remplissage de la cuve de fioul, particulièrement d’actualité ces jours-ci.

Le Premier ministre a annoncé que les personnes disposant de ressources modestes pourraient bénéficier d’une aide à la cuve d’un montant de 75 euros pour les aider à faire face à leurs dépenses de chauffage.

En ce qui concerne les aides personnelles au logement, je viens de le rappeler, elles ont été revalorisées de 1,8 % le 1er septembre dernier, et cette revalorisation s’applique aussi bien dans le parc social que dans le parc locatif privé.

Le fonctionnement des aides personnalisées au logement est complexe. Il induit pour les caisses d’allocations familiales des frais de gestion et de versement qui sont évidemment non négligeables au regard du montant des aides les plus faibles. Ces aides ont vocation à atténuer les charges de loyer ou de remboursement d’emprunts qui sont exigibles chaque mois, de sorte qu’il convient de les verser selon la même périodicité. Le regroupement sur un trimestre des aides les plus faibles aurait en outre pour effet de compliquer encore l’instruction des dossiers par les caisses d’allocations familiales.

Les difficultés de logement que rencontrent nombre de nos concitoyens disposant de ressources modestes résultent en réalité d’une carence de l’offre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’est engagé dans la programmation de 100 000 logements par an pendant cinq ans. Le projet de loi portant engagement national pour le logement que Jean-Louis Borloo défend actuellement au Sénat permettra de faciliter la réalisation de ces objectifs.

Monsieur le député, vous avez fort justement insisté sur la problématique et sur la nécessité d’accompagner toutes les initiatives qui permettent de réduire la consommation d’eau. Ma collègue Nelly Ollin, ministre de l’écologie et du développement durable, a présenté le 26 octobre dernier une communication au conseil des ministres pour annoncer un plan visant à une meilleure valorisation de l’eau. Un projet de loi sera débattu par le Parlement en février prochain, qui proposera notamment que, dans les immeubles collectifs, chaque logement bénéficie d’un compteur d’eau individualisé de façon à responsabiliser chaque ménage quant à sa propre consommation d’eau.

En outre, un grand plan d’information sur une bonne utilisation de l’eau sera lancé à l’échelle du pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Madame la ministre, incontestablement, le Gouvernement fait un très gros effort en matière de constructions de logements sociaux. En effet, alors que 58 000 logements étaient construits en 2003, 75 000 logements ont été financés en 2004, et le programme prévoit, pour les années 2005-2009, de construire en moyenne 100 000 logements sociaux par an, ce qui est tout à fait considérable, sans comparaison avec ce qui avait été entrepris ces dix dernières années.

Par ailleurs, un effort également très important est fait en matière de rénovation urbaine dans le cadre de l’ANRU, puisque, pour la période 2004-2011, il est prévu de mobiliser environ 30 milliards d’euros au total pour la reconstruction et la rénovation de ces quartiers en difficulté.

Sur cet ensemble de réalisations, la Caisse des dépôts et consignations, en particulier sa commission de surveillance, veille à ce que les objectifs fixés par le Gouvernement soient correctement relayés en matière de prêts.

Néanmoins, ces objectifs peuvent venir en concurrence avec des actions qui sont conduites hors de ces programmes. Les directeurs départementaux de l’équipement par exemple se sont vu fixer des objectifs en matière de construction de logements nouveaux. Dans ces conditions, ils sont réticents à affecter une partie de leurs crédits à des rénovations, sous forme de travaux de gros entretien ou de grosses opérations, dans les logements sociaux existants.

Il faut donc éviter que se produise un effet d’éviction et que les logements sociaux construits dans le passé mais qui nécessitent progressivement des réhabilitations, des rénovations, des améliorations, indispensables en particulier, compte tenu de la crise actuelle de l’énergie, dans les domaines thermique et phonique.

Il faut empêcher que ces crédits s’amenuisent, car bien souvent les organismes de construction sociaux ne peuvent pas réaliser eux-mêmes ces travaux, sans l’aide des subventions de l’État et sans une TVA à 5,5 %.

Dans ces conditions, madame la ministre, comment comptez-vous mobiliser les crédits nécessaires pour permettre à ces organismes de rénover leur parc et de réaliser les grosses réparations permettant d’éviter des dégradations qui seront beaucoup plus coûteuses à l’avenir ?

M. Jean-Louis Dumont. Avec, en plus, des crédits en diminution dans certaines régions !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mesdames, messieurs les députés, le budget 2006 va permettre, grâce aux primes à l’amélioration de logements à usage locatif et à occupation sociale, de réhabiliter 40 000 logements locatifs sociaux en 2006, en dehors des zones d’intervention de l’ANRU.

Chacun sait combien les organismes locatifs sont impliqués dans l’entretien de leur parc, et il est clair que sur un sujet aussi important que celui de l’entretien du parc locatif social, plus l’on peut intervenir en amont, plus l’on évite des dépenses qui ultérieurement peuvent s’avérer extrêmement coûteuses.

Les 40 000 primes PALULOS hors zones d’intervention de l’ANRU seront maintenues pendant toute la durée du plan de cohésion sociale ; nous en avons discuté ici même lors du vote de la loi et cela est conforme à l’accord qui a été passé le 21 décembre 2004 avec la confédération des organismes HLM pour la mise en place de ce plan de cohésion sociale.

L’effort de réhabilitation représente un total d’environ 130 millions d’euros, en incluant les moyens destinés à l’ANRU et ceux mis en œuvre en dehors des zones de rénovation urbaine. C’est un engagement, permettez-moi de le rappeler, sans équivalent dans les années précédentes. Nous avons doublé en juillet 2004 l’enveloppe des prêts de la Caisse des dépôts et consignations destinés à l’amélioration des logements locatifs sociaux en dehors du champ d’intervention de l’ANRU.

M. Jean-Louis Dumont. Un prêt n’est pas une subvention !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Les baisses des taux d’intérêt des prêts au logement social intervenues au 1er janvier et au 1er novembre 2005 s’appliquent aux prêts dédiés à l’amélioration des logements locatifs sociaux. Le taux de ces prêts est désormais de 2,65 %. La durée en a également été augmentée, améliorant ainsi l’équilibre des opérations.

40 000 prêts à l’amélioration pourront être distribués en compléments d’une PALULOS et 40 000 autres prêts pourront être attribués pour réhabiliter des logements sans prime PALULOS. Au total, cela fait donc 80 000 logements sociaux qui pourront être réhabilités en dehors des zone ANRU.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry. Madame la ministre, les textes se succèdent depuis quelques années pour développer l’habitat et notamment le logement aidé. Les collectivités territoriales sont souvent partenaires de l’État face à l’insuffisance et à l’inadaptation du parc locatif sur notre territoire. Des politiques volontaristes ont été engagées pour soutenir notamment les personnes défavorisées.

Malheureusement, dans les différents dispositifs, les jeunes générations font figure de parents pauvres. Les obstacles qu’elles rencontrent sont nombreux. Elles se heurtent d’abord aux charges financières liées à l’accession au logement. Comment un jeune adulte qui vient à peine d’accéder au monde du travail peut-il simultanément faire face aux dépenses inhérentes au logement – frais liés à la caution, à l’assurance, à l’acquisition du mobilier de base, sans parler des loyers exorbitants et des charges – sans l’aide providentielle de ses parents ?

Pour une personne qui gagne le SMIC, la part des dépenses de logement approche 50 % du revenu, et un célibataire dans ce cas n’a pas droit à l’allocation-logement. Il se heurte aussi à l’ostracisme des propriétaires bailleurs, peu prompts à accepter des jeunes dans leurs appartements.

Force est enfin de constater que les jeunes sont mal préparés à gérer un logement, comme en témoignent les situations de surendettement, en augmentation sensible. Beaucoup d’entre eux ont besoin d’être accompagnés pour accéder à une autonomie responsable.

Cette situation contribue sans aucun doute au mal-être des jeunes, en panne de perspectives et d’avenir, comme nous le rappelle malheureusement l’actualité la plus récente.

Aussi serait-il opportun, madame la ministre, de mettre en place, en lien avec les collectivités territoriales de proximité, des dispositifs adaptés à cette problématique. Quelle action envisagez-vous d’entreprendre en la matière ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, je partage votre constat sur l’importance du budget logement dans le budget global des ménages. Je sais surtout à quel point la question du logement est souvent problématique pour des jeunes qui démarrent leur activité professionnelle, leur vie d’adulte. Je ne suis pas en charge de la famille, mais je sais que, lorsqu’on envisage des projets familiaux, lorsqu’on a des enfants, la question du logement devient absolument primordiale.

Les plafonds de ressources HLM sont, c’est vrai, plus élevés pour les jeunes ménages, de façon à prendre en compte leur situation spécifique face à l’acquisition d’une autonomie de vie.

A cette forme d’aide s’ajoute le 1 %, qui offre aux salariés, notamment aux jeunes, des aides spécifiques en matière d’accession à la propriété. Le 1 % distribue des prêts à des conditions tout à fait avantageuses en matière de location, et les salariés peuvent bénéficier des offres de logement locatifs sociaux proposées au sein du dispositif LOCAPASS, lequel consiste en une garantie contre les impayés de loyers et en une caution se substituant au dépôt de garantie dont tous les jeunes ne disposent pas forcément dans leur entourage immédiat.

Par ailleurs, l’accompagnement social des jeunes ménages en difficulté est l’un des volets du fonds de solidarité logement, dont 16 % des interventions concernent des jeunes de moins de 25 ans.

Enfin, s’agissant des aides personnelles au logement, les jeunes de moins de 25 ans à ressources modestes bénéficient d’une mesure favorable lorsqu’ils prennent un logement au moment de leur entrée dans la vie active : en effet, le calcul de l’aide prend en compte leurs ressources imposables au titre de l’année qui précède. Ces ressources étant la plupart du temps nulles ou faibles, ils ont, au cours de l’année d’entrée dans le logement, un montant d’aide maximum qui, là aussi, peut créer un effet de levier.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe socialiste. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Madame la ministre, le parc locatif privé représente 5,1 millions de logements et concerne 20 % des ménages. On compte 2 millions de logements vacants et de nombreuses copropriétés très dégradées, notamment dans l’habitat rural, vacant, souvent abandonné et vétuste.

Les crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat – que vous avez légèrement augmentés l’année dernière, reconnaissons-le – sont en baisse cette année. Gilles Carrez souligne, certes, dans son rapport le volume considérable de travaux effectués ; j’estime pour ma part qu’ils sont surtout dus à l’application de la TVA à 5,5 %, à laquelle le gouvernement précédent a largement contribué – vous en convenez sportivement – avec la CAPEB et la Fédération nationale du bâtiment. Il faut en effet prendre en compte le décalage entre la mise en place de la mesure et le moment où, les devis effectués, les travaux terminés et facturés, elle produit ses résultats.

En tant qu’architecte – et je n’ignore pas que les architectes ont été assez critiqués par les rapporteurs –, je peux livrer un témoignage « de terrain », plutôt négatif d’ailleurs. Je tiens en premier lieu à dénoncer la baisse des moyens de l’ANAH. Il en découle une inertie considérable cependant que, dans le même temps, les prix connaissent une forte augmentation, en particulier en milieu rural : 10 % par an dans ma région.

Il se passe parfois deux ans, voire plus, entre le dépôt du dossier et la notification. De ce fait, comme, dans l’intervalle les prix ont considérablement augmenté, beaucoup de maîtres d’ouvrage abandonnent le projet.

Êtes-vous prête, et c’est l’objet de ma question, à donner de nouveaux moyens à l’ANAH ou, au moins, à rétablir ses crédits de fonctionnement ?

Par ailleurs, la loi du 13 février 2005 qui concerne les territoires ruraux permet une exonération sur quinze ans du foncier bâti. Mais la mesure ne concerne que les zones de revitalisation rurale. Or ces zones ont souvent été définies par arrondissement, et certaines zones rurales étant annexées à des villes importantes, elles ne figurent pas dans ces zones de revitalisation rurale.

Êtes-vous prête à étendre ce mécanisme d’exonération à toutes les zones rurales qui en feraient la demande, à condition évidemment qu’il y ait compensation par l’État ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, ce que vous dites est juste, et tous les députés dont les circonscriptions sont en partie rurales vivent ce que vous vivez.

Compte tenu de l’évolution démographique très positive que connaissent les zones rurales depuis quelques années, des efforts doivent naturellement être faits en matière de logements vacants, un certain nombre de communes offrant des possibilités notables en l’espèce. L’ANAH a donc un rôle déterminant à jouer, via notamment les OPAH de revitalisation.

Quitte à m’inscrire en faux contre ce que vous disiez, je voudrais souligner que le budget de l’ANAH s’élevait à 418 millions d’euros en 2004, 447 millions d’euros en 2005, et qu’il est porté, avec la taxe sur les logements vacants, à 505 millions d’euros en 2006.

En ce qui concerne la remise sur le marché des logements vacants, leur nombre atteignait 11 000 en 2004 et 14 000 en 2005. L’objectif est d’atteindre le chiffre de 16 000 en 2006, de façon à ce qu’année après année nous nous inscrivions dans un processus durable de remise sur le marché de l’ensemble de ces logements vacants, qui ont incontestablement un rôle à jouer pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour une seconde question.

M. Daniel Boisserie. Madame la ministre, je vais vous paraître décidément très rural.

M. Jean-Louis Dumont. Revendiquons d’être ruraux !

M. Daniel Boisserie. Je souhaite vous interroger au sujet des organismes d’HLM dans les petites communes. Il ne vous a sans doute pas échappé, avec votre connaissance du milieu rural et malgré les difficultés que vous pouvez rencontrer à résoudre les problèmes de la ruralité, que les organismes HLM, généralement adossé à un capital départemental, ont du mal à investir dans les communes les plus rurales. Dans ces conditions, on demande donc à la commune d’acheter le bâtiment, lorsqu’il s’agit de rénovation, et de le céder gratuitement aux offices d’HLM, ou alors de céder le terrain, une fois réalisés les aménagements nécessaires, toutes choses que les communes ont aujourd’hui du mal à faire.

D’autre part, l’un de nos collègues a rappelé tout à l’heure que les subventions PALULOS étaient notoirement insuffisantes malgré les aides des départements et des régions. C’est un vrai problème parce qu’elles pourraient être très efficaces en milieu rural.

Vous avez également dit que la population augmentait en milieu rural. Pour ce qui concerne ma région, le Limousin-Périgord,…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Certes, c’est moins vrai.

M. Daniel Boisserie. Non, la population augmente bien, mais cela est surtout lié aux sujets de sa Gracieuse Majesté, qui achètent des logements vacants mais ne font pas de location.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Certes, ce sont des résidences secondaires.

M. Daniel Boisserie. Cela entraîne une hausse des prix considérable, très problématique.

Or il y a, dans ces régions, des populations vieillissantes qui rendent nécessaire des mesures spécifiques en termes d’accessibilité ; des ascenseurs, par exemple, car les résidences HLM ne sont pas toutes au rez-de-chaussée.

Je souhaiterais donc qu’un rapport soit effectué sur l’habitat locatif social en milieu rural, et qu’en même temps vous puissez calmer les ardeurs de la MIILOS, qui souhaite faire disparaître les offices des petites villes.

Par ailleurs, le dispositif Robien est extraordinairement avantageux pour les investisseurs et son coût est équivalent à la subvention accordée aux bailleurs sociaux. Le Gouvernement en est conscient, et c’est pourquoi il instaure le « Borloo populaire ». Ce nouveau mécanisme d’amortissement comporte une déduction forfaitaire de 40 % sur un loyer inférieur de 30 % aux prix du marché. Mais quel marché et quelles seront les conditions de ressources pour les locataires ?

Enfin, s’agissant des maisons Borloo, 100 000 euros, c’est aujourd’hui notoirement insuffisant compte tenu du coût du terrain, des frais d’hypothèque, de notaire et d’architecte. Parmi les trois zones figurent la zone de rénovation urbaine avec l’accession directe et l’application de la TVA à 5,5 %, 10 000 euros de subvention et le PTZ, ainsi que la zone à foncier modéré à laquelle s’appliquerait le principe de la location-accession – il faut donc forcément être locataire avant d’accéder – et la TVA à 5,5 %, mais pour un prêt SLA. Ne pourrait-on appliquer hors zone de rénovation urbaine le même système, mais avec le bénéfice de la TVA à 5,5 %, du PTZ et des 10 000 euros de subvention dans les zones rurales qui seraient volontaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous avez raison, monsieur le député, dans les zones rurales, les conseils généraux rencontrent souvent de vraies difficultés avec les tout petits organismes HLM. Et pourtant, nous savons tous combien la mixité sociale est nécessaire, tant dans ces communes rurales que dans les grandes villes. Il serait intéressant de regarder ce qui se passe réellement pour voir comment nous pouvons avancer. Un rapport sur le logement social en milieu rural me paraît donc une excellente initiative. Nous parlerons de choses précises, concrètes, pour apporter enfin des solutions. Le Gouvernement va étudier la faisabilité de cette mission dans les meilleurs délais. Cela me paraît indispensable.

S’agissant de la PALULOS, vous savez comme moi qu’elle est accessible, mais nous allons voir où elle se situe et comment on peut l’obtenir ; d’où l’intérêt de ce rapport. Ce sera un excellent point de départ, une photographie du logement social en milieu rural et, ensuite, nous pourrons décliner.

Mme la présidente. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. La forte croissance démographique en Guyane crée une demande extrêmement soutenue de logements, de services et d’équipements publics. Mon département se trouve ainsi confronté à une suroccupation de logements, un flux d’environ 1 000 constructions illicites par an sur des terrains squattés, une émergence de bidonvilles y compris en centre ville, des logements inadaptés aux caractéristiques des ménages. On recense aujourd’hui une cinquantaine de sites comprenant plus de 6 500 habitations insalubres abritant au minimum 25 000 personnes. Dans le même temps, la demande de logements locatifs sociaux est passée de 7 000 à plus de 12 000 en 2004. Or il ne se construit que 2 000 logements par an, dont un peu plus de 1 000 autorisés, et environ 750 logements sociaux.

La situation du logement s’aggrave. Pis, le taux de constructions illicites ne cesse de progresser. Les opérations de démolition de maisons construites illégalement conduisent à de véritables drames humains et donnent lieu régulièrement à de violents incidents. Encore récemment, dans la commune de Matoury, des démolitions ont provoqué des échauffourées entre les squatters et des jets de pierres sur l’hôtel de ville. L’insuffisance des dotations de l’État conjuguée à la faiblesse du système financier local – collectivités en grande difficulté financière, entreprises et opérateurs en panne de trésorerie, banques trop frileuses – constitue la principale cause de cette situation de carence de logements. Le déficit très important de l’offre de terrains aménagés, tant pour la construction privée que pour l’habitat social, a pour effet d’accentuer ce phénomène, d’où la nécessité de renforcer les moyens de l’établissement public d’aménagement de la Guyane.

Le Gouvernement a fait du logement, facteur de cohésion sociale, sa priorité. Il a pris les dispositions budgétaires propres à mettre en œuvre sa politique. Madame la ministre, quels moyens seront dans ce cadre consacrés à la Guyane ? Par ailleurs, comme vous le savez, de nombreux quartiers de Guyane présentent des caractéristiques économiques et sociales analogues à celles des zones urbaines sensibles, mais n’ont pas été sélectionnés en tant que telles. Ne pourrait-on pas favoriser l’attribution aux communes de subventions de l’ANRU pour la rénovation de ces quartiers défavorisés ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous avez raison, madame la députée. Chacun le sait ici, la Guyane a un besoin extrêmement important de logements sociaux, mais le financement du logement outre-mer relève des attributions de mon collègue François Baroin,…

M. Jean-Louis Dumont. Encore un anachronisme !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.… sauf en ce qui concerne les crédits de l’Agence nationale de rénovation urbaine. Suite à la visite du ministre en Guyane, en juin 2005, un projet de plan Guyane est en cours d’élaboration. Je mesure l’importance qu’il y a à l’accélérer.

Quant à l’Agence, elle va intervenir dans plusieurs villes des DOM – Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Cayenne – et Matoury sera également accompagnée au titre de l’article 6. Cependant, l’intervention de l’ANRU est centrée sur la démolition de logements et sur certains équipements publics. Les projets financés dans les DOM sont importants et, incontestablement, l’Agence s’impliquera sur ces sujets parce qu’il est impératif d’avoir rapidement une réponse. C’est d’ailleurs pourquoi elle a examiné le dossier de Matoury il y a quelques jours.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux. Madame la ministre, je voudrais d’abord rendre hommage à l’action du Gouvernement en faveur du logement social. En effet, pour mon département de Haute-Savoie, les chiffres sont explicites. Alors que dans la période 1998-2002 le nombre de logements sociaux mis en chantier oscillait entre 600 et 800, il est passé à 1 014 en 2003, 1 291 en 2004, et il est estimé à 1 134 pour 2005. Malgré cette progression, le nombre de demandeurs de logements sociaux, à l’exclusion de tout double compte, est à ce jour de 14 599, dont 6 226, soit 43 %, sont du Genevois proche de la frontière, dont je suis l’élu.

Les effets pervers des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne ont fait progresser le prix du foncier dans des proportions considérables. Aussi l’effort de l’État ne peut-il être traduit en termes de logements supplémentaires que grâce à l’effort parallèle du conseil général se traduisant par une subvention de 75 euros par mètre carré de SHON pour le surcoût foncier, plus une subvention de 2 300 euros par logement construit et une autre de 4 600 euros des bailleurs sociaux. Le prix du mètre carré de logement neuf dans le Genevois a très rapidement grimpé à partir de 2002, date d’entrée en vigueur des accords Suisse-Union européenne.

Comment répondre à la demande de plus en plus pressante de logements sociaux dans le Genevois français ? Ce thème du logement social a même été le sujet principal du Congrès des maires de samedi dernier. Êtes-vous prête à mettre en œuvre toutes les pistes ? Si j’osais, je dirais que, dans ce domaine aussi, il faut de la rupture, à savoir :

Continuer à augmenter le nombre de prêts locatifs dans toutes les catégories même si les PLS dans nos régions, compte tenu du prix du foncier, deviennent parfois inaccessibles, y compris pour les ressortissants du logement social ;

Instaurer un dispositif de surloyers qui, en évitant l’effet couperet, soit véritablement dissuasif pour les occupants afin de libérer des espaces en faveur de ceux qui en ont véritablement besoin ;

Autoriser les maires à imposer 20 % de logement social dans les promotions privées.

Enfin, êtes-vous disposée à faire une évaluation du dispositif Robien, qui a classé le Genevois français en zone A contre mon avis et en suivant celui du préfet de l’époque, afin de déterminer si cela n’a pas favorisé la migration de résidents de Genève vers le Genevois français et, en fonction des résultats de cet audit, le cas échéant, à reclasser le Genevois français en zone B ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous avez évoqué la faculté pour les maires d’imposer un pourcentage de logement social. Le projet de loi portant engagement national sur le logement, actuellement discuté au Sénat, prévoit de donner la faculté aux communes de fixer, à travers leur plan local d’urbanisme, un pourcentage de logements locatifs sociaux ou intermédiaires dans les programmes de construction de logements. Cette disposition confortera les maires dans leur effort de mobilisation des promoteurs en faveur du logement social. Quant au surloyer, ce même texte de loi le rend nettement plus dissuasif.

S’agissant du zonage du dispositif d’aide à l’investissement locatif, le Gouvernement propose de créer, dans le cadre de la loi, un nouveau dispositif d’aide à l’investissement, le fameux « Borloo populaire ». L’idée est d’encourager la production d’une offre de logements proposés à la location à 70 % des loyers du marché. Ce nouveau dispositif sera assorti de plafonds de ressources pour les locataires. Il complètera largement le dispositif Robien. Une offre de logements à loyers intermédiaires pourra ainsi se constituer dans cette partie du Genevois français. Pour répondre aux besoins de ceux de nos concitoyens qui souhaitent pouvoir se loger chez eux, la loi a prévu que le dispositif Robien, y compris le zonage sur lequel il est établi, serait évalué dès 2006.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu, pour un rappel au règlement.

Mme Janine Jambu. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58. Je tiens à manifester la vive protestation de mon groupe contre les conditions d’opacité dans lesquelles nous avons abordé ce matin l’examen de ce budget reporté. Face à la force de l’urgence sociale et à l’importance des besoins qui se sont exprimés au travers des mouvements de colère et de violence qui ont affectés plusieurs villes et quartiers, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la mise en œuvre urgente de mesures redonnant aux associations les moyens qui leur ont été enlevés et au dispositif de rénovation urbaine les moyens de dynamiser le rythme de réalisation et d’accompagnement social. Or nous n’avons été informés que vendredi dernier, par voie de presse, des montants des crédits affectés à ces promesses, sans rien connaître de leur origine. Nous savons en revanche que des crédits ont été subrepticement annulés par décret n° 2005-1362 du 3 novembre 2005 : 45 millions d’euros sur le développement social des quartiers et 55 millions sur la construction et l’amélioration de l’habitat.

Nous protestons contre ces procédés et contre le fait que, sur des questions de cette importance, la représentation nationale et, singulièrement, l’opposition soient de nouveau placées devant le fait accompli. Le vote de ces crédits en est déjà disqualifié et nous saurons le faire savoir à toutes celles et tous ceux qui demandent à votre gouvernement des engagements non seulement forts, mais aussi pérennes, qui aillent au-delà des effets d’annonce et de la publicité accordée aujourd’hui aux crédits dont nous discutons.

M. Éric Raoult. Expliquez donc ce que vous faites de votre DSU, madame le maire !

Mme Janine Jambu. Gardez votre calme !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au nom du groupe socialiste, je formule la même protestation concernant les conditions dans lesquelles nous procédons à l’examen de ce budget sur lequel est déposé un amendement du Gouvernement de deux pages : une page d’explications et une autre sur laquelle figure un montant de 181 000 000 euros au titre du programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».

Je trouve scandaleux un tel procédé au moment où la représentation nationale utilise pour la première fois un instrument, la LOLF, dont la vocation est justement de faire en sorte que le débat parlementaire ne soit plus abordé dans des conditions qui s’assimilent à de l’esbroufe.

M. Éric Raoult. Nous ne sommes pas au Mans ! Nous sommes à Paris !

Mme Janine Jambu. Cela vous gêne !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce matin nous étions là, nous, mon cher collègue !

J’informe la présidence que l’amendement n° 669 qui vient de nous être distribué, proposant un ajout de 181 millions d’euros – c’est-à-dire plus de tiers de la ligne budgétaire qu’il concerne – au programme « Équité sociale et territoriale et soutien », est motivé par des informations en contradiction avec le « bleu » sur lequel nous avons travaillé, seul document à notre disposition avant dix heures, ce matin.

Mme Janine Jambu. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit d’un problème de fond. L’exposé sommaire de l’amendement précise que 40 millions d’euros financeront une augmentation du nombre des adultes relais, qui passera ainsi de 3 000 en 2005 à 6 000 en 2006. Le bleu, lui, fait état d’un financement de 43 millions d’euros pour 2005 contre 83 millions en 2006. Il indique également que, sur 2 704 conventions signées en juin 2005, 450 arriveront à échéance avant la fin de l’année, sachant que le stock actuel est de 2 250 équipes. Autant dire que 450 équipes ne sont plus financées dans le nouveau dispositif, de sorte que l’augmentation envisagée par l’amendement ne permettrait pas de payer un tiers des objectifs envisagés. Quelle est donc la réalité ? Je ne cherche pas à polémiquer, madame la ministre,…

M. Éric Raoult. Ah bon ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous faites bien de le préciser !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais nous avons réfléchi à votre budget en travaillant sur les documents qui nous avaient été remis et apportaient pour la première fois des éléments comparatifs, notamment sur le taux d’effort et les modalités dans lesquelles les ZUS réagissaient aux dispositifs. Et voilà que tout cela est balayé par une page d’explication présentant un amendement qui propose d’ajouter 181 millions au programme « Équité sociale et territoriale et soutien », sans que l’on sache ce que recouvre cette somme.

Madame la présidente, ma critique ne s’adresse pas moins au Gouvernement qu’à l’Assemblée nationale. Je considère – et je crois que tous mes collègues peuvent partager ce point de vue – qu’il était inutile que l’on nous fasse travailler sur le bleu – pourtant utile, important, nécessaire et constituant manifestement un progrès sur le plan du contrôle exercé par le Parlement –, si, en trois heures, on modifie, surtout dans les circonstances actuelles, le budget « Ville et logement » en nous apportant aussi peu d’explications.

C’est pourquoi, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance. Je souhaite en effet réunir mon groupe pour savoir si, dans ces conditions, il entend continuer à participer au débat.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Pour leur part, les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire donnent raison au Gouvernement d’avoir reporté l’examen du budget « Ville et logement ».

Mme Janine Jambu. Ce n’est pas la question !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial pour la rénovation urbaine et pour l’équité sociale et territoriale et le soutien. Si, justement !

M. Denis Jacquat. Puisque le Premier ministre a présenté des mesures d’urgence, il convenait de les intégrer techniquement et financièrement dans le budget, car rien ne doit être fait dans la précipitation. Comme nos collègues de l’opposition, nous avons eu connaissance de cet amendement assez tard. Vous le voyez : la majorité et l’opposition sont dans la même situation, puisque nous sommes dans un pays où règnent l’égalité et l’équité.

Mme Valérie Pecresse. Tout à fait !

Mme Janine Jambu. Cela reste à vérifier !

M. Denis Jacquat. Nous ne pouvons donc que nous réjouir que le Gouvernement ait pu, dans une période financière extrêmement difficile, trouver le moyen de consacrer des sommes importantes à la politique de la ville.

M. Mansour Kamardine. Apparemment, cela gêne l’opposition !

M. Denis Jacquat. Nous nous sommes tous exprimés ce matin. D’excellentes interventions ont été faites par les membres de l’opposition. Dans le cadre de la politique de la ville, il faut que nous ramions tous dans le même sens, au lieu de nous opposer les uns aux autres. En effet, les personnes qui habitent dans les quartiers sensibles ne souhaitent pas que l’on se divise, mais que l’on travaille pour elles.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Très bien !

M. Denis Jacquat. Nous avons tous analysé parfaitement la situation. D’ailleurs, Mme la ministre a rappelé que, si les crédits de la ville et du logement sont abondés ce jour, on ne doit pas oublier les efforts considérables faits par le Gouvernement pour augmenter la DSU il y a quelque temps, mesure qui a été votée à l’unanimité dans cet hémicycle.

Mme la ministre a employé le terme de « tuilage », que j’apprécie particulièrement, et qui doit être mieux expliqué pour ce qui est des crédits du contrat ville et de ceux de la DSU. Madame la ministre, nous vous soutenons dans votre démarche.

À mon sens, le Gouvernement a eu parfaitement raison de reporter l’examen de ce budget et je le remercie de l’avoir abondé. À problème urgent, solution urgente. Nous attendons par conséquent la présentation de l’amendement n° 669. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, il me semble que je vous avais fait signe avant mes collègues. Mon rappel au règlement, fondé sur l’article 58-1, porte sur l’organisation de nos débats, mais il semblera peut-être, à ce stade de la discussion, en léger décalage avec les propos qui viennent d’être tenus.

Mme la ministre défend le Gouvernement et l’ensemble du budget. Mais, depuis ce matin, nous avons entendu deux de nos collègues, élus respectivement de Mayotte et de la Guyane, interpeller le Gouvernement et l’Assemblée sur l’état de la politique du logement sur leur territoire…

M. Mansour Kamardine. Cette situation dure depuis des décennies !

M. Jean-Louis Dumont. …et s’interroger sur sa cohérence avec les crédits affectés à la ville.

Lorsque j’étais rapporteur du budget du logement, les crédits de la politique du logement destinés aux DOM-TOM ont été retirés du budget général et affectés au ministère de l’outre-mer. Je m’étais alors demandé si cette mesure se justifiait réellement par un souci d’efficacité au bénéfice d’une politique menée sur des territoires ou des départements souvent frappés par des ouragans, qui connaissaient par ailleurs un certain retard et dont le logement, comme cela a été rappelé ce matin, était spécifique.

Aujourd’hui, les critiques émises sur l’état du logement dans les DOM-TOM m’incitent à me demander si nous répondons bien aux missions prévues par la LOLF. De toute évidence, il y a un certain manque d’organisation dans ce domaine, et les crédits à destination des DOM-TOM manquent de cohérence et d’efficacité. C’est pourquoi, madame la ministre, je regrette que votre collègue chargé de l’outre-mer ne soit pas là pour nous répondre.

Pour ma part, je siège en tant que suppléant à l’AFD, l’Agence française de développement, qui a notamment pour mission de se préoccuper des politiques du logement ou de leur apporter des financements. Jeudi après-midi, je suppléais mon collègue titulaire.

À écouter ce qui s’est dit à l’AFD ou, ce matin encore, dans notre hémicycle, et à lire les rapports de nos collègues, il est manifeste que la présidence de l’Assemblée nationale devrait prendre une initiative pour que les financements retrouvent leur cohérence et que, au moment où nous étudions la politique du logement et de la ville, nous ayons connaissance de la plénitude des moyens et des actions mis en œuvre, notamment dans les territoires et départements d’outre-mer.

Mme la présidente. Je précise, monsieur Dumont, que Mme Jambu m’avait transmis depuis un long moment une demande écrite de rappel au règlement.

La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Madame la présidente, mon rappel au règlement, au nom du groupe UMP, se fonde aussi sur l’article 58-1, mais il sera moins consensuel que le précédent.

Je rappelle à nos collègues de l’opposition, qui ont fait preuve d’une grande sévérité à l’égard de Mme la ministre,…

M. Jean-Louis Dumont. Non : du Gouvernement !

M. Éric Raoult. …que quand, en 1988, des incidents sont survenus dans les quartiers, ils ont organisé une table ronde, sans crédits. Lors des événements de 1990, ils ont nommé Bernard Tapie, toujours sans crédits.

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, il serait parti avec ! (Rires.)

M. Denis Jacquat. Observation judicieuse !

M. Éric Raoult. Il siégeait sur vos bancs, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur Raoult ! Sur nos bancs à nous, c’étaient Robespierre et Saint-Just qui siégeaient, pas Bernard Tapie !

M. Éric Raoult. Devons-nous rappeler à Mme Jambu ou à M. Le Bouillonnec que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, il a fallu attendre un an et demi pour que Mme Martine Aubry s’aperçoive qu’elle était chargée de la politique de la ville. C’est seulement Claude Bartolone qui a fini par obtenir des crédits.

M. Jean-Pierre Brard. Tiens ? Encore un fabiusien !

M. Éric Raoult. Sous la Ve République – en attendant la VIe que vous nous promettez –,…

Mme Annick Lepetit. Ce n’est plus d’actualité !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Elle a été oubliée dans la synthèse !

M. Éric Raoult. …jamais les crédits n’ont été aussi importants qu’aujourd’hui dans le domaine de la politique de la ville.

Quant à M. Dumont, qui, sur un ton très sentencieux, a prétendu nous donner des leçons, dois-je lui rappeler que c’est le gouvernement d’Alain Juppé qui a défini une politique de la ville spécifique, notamment pour réhabiliter l’habitat insalubre ?

Du reste, n’y a-t-il pas une certaine duplicité à formuler dans cet hémicycle des critiques contre la politique du Gouvernement et à réclamer dans sa circonscription des actions de réussite éducative et des zones franches urbaines ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De quelle duplicité parlez-vous ? En somme, on ne peut pas critiquer un texte et demander qu’il soit appliqué ? Autant dire que la loi est réservée à la majorité !

M. Éric Raoult. Monsieur Le Bouillonnec, puisque vous le voulez, je vais vous répondre. Quand on critique le maire du Raincy au congrès du Mans, comme l’a fait le maire de Clichy-sous-bois, encore faut-il ne pas habiter le Raincy !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et que dire de ceux qui ne veulent pas appliquer la loi ?

M. Éric Raoult. Quand on veut se comporter en accusateur, on doit au moins avoir les mains propres !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est scandaleux ! Madame la présidente, j’ai été mis en cause. Je demande la parole pour un fait personnel.

Mme la présidente. Vous le ferez savoir en fin de séance, monsieur Le Bouillonnec.

M. Éric Raoult. Enfin, pour ramener un peu de sérénité dans notre débat, je rappelle à M. Dumont, qui parle des actions menées en direction de l’habitat insalubre et de la politique de la ville de l’outre-mer, que ce n’est pas un gouvernement de gauche qui les a mises en place. En la matière, ceux qui en ont fait le plus siègent sur les bancs de la majorité actuelle. M. Aimé Césaire, qui n’est pas membre de l’UMP, l’a reconnu lui-même. Quant à vous, monsieur Le Bouillonnec, il faudrait songer à mettre en rapport les idées et les actes, et cesser de tenir un discours marqué par la duplicité !

Mme Martine Billard. On ne vous le fait pas dire !

Mme Annick Lepetit. Que M. Raoult commence ! Il est complètement schizophrène !

M. Éric Raoult. Cela gêne nos collègues de l’opposition que l’on parle de la politique de la ville, parce que ce sont eux qui ont construit les cités et qui y ont fait entrer les populations déshéritées.

Mme Martine Billard. Mais non ! La gauche n’était pas au pouvoir dans les années soixante et soixante-dix !

M. Éric Raoult. Quand on critique les villes qui n’ont pas 20 % de logements sociaux, on s’abstient de venir y habiter, qu’il s’agisse de Sarcelles ou du Raincy !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Je souhaite pouvoir répondre, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que vous ne pouvez intervenir, à ce stade, que pour un rappel au règlement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaite revenir sur l’organisation de nos débats. Certes, le report de l’examen du budget s’explique par la tentative du Gouvernement de procéder à un rattrapage après les gels de crédits décidés le 3 novembre dernier et les réductions initialement prévues. Mais les annonces du ministre datent du 8 novembre et nous sommes le 21. En outre, madame la ministre, entre les mesures que vous avez détaillées le 9 novembre dans la presse – qui fut la seule source d’information des représentants de la nation – et l’amendement du Gouvernement que nous examinons aujourd’hui, on s’aperçoit que, si le montant global est à peu près identique, la répartition des crédits a changé.

Douze jours s’étant écoulés entre la date d’examen initialement prévue et aujourd’hui, avouez que cet amendement aurait pu nous être communiqué au moins vendredi dernier en fin d’après-midi – et je suis conciliante. Nous aurions ainsi eu le temps d’en prendre connaissance et de préparer nos interventions en connaissance de cause.

Mme Annick Lepetit. Très juste !

Mme Martine Billard. Car, ce matin, nous avons discuté d’un budget qui n’était pas celui qui va être soumis à notre vote, puisque 181 millions d’euros, sur une ligne budgétaire qui s’élève à près de 600 millions, ce n’est tout de même pas rien.

On nous a présenté la LOLF comme une procédure qui permettrait d’assurer une plus grande transparence du débat budgétaire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, cette année, c’est raté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1. Il serait souhaitable, madame la présidente, que vous suspendiez ensuite la séance afin que les esprits, qui se sont un peu échauffés, puissent s’apaiser.

Mme la présidente. Ce n’est pas vous qui présidez, mon cher collègue.

M. Rudy Salles. Si le débat avait eu lieu le 9 novembre, que n’aurait-on pas entendu !

Mme Janine Jambu. Ce n’est pas la question !

M. Rudy Salles. Grâce à ce report, nous pouvons nous exprimer avec davantage de recul et de sérénité sur les événements que nous venons de vivre, et le Gouvernement a pu déposer un amendement visant à ajouter 181 millions d’euros. Je ne crois pas qu’une autre procédure aurait changé quoi que ce soit à votre vote, puisque vous avez affirmé dès ce matin quelle serait votre position.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avions pas l’amendement !

M. Rudy Salles. Si, vous le connaissiez.

Mme Martine Billard. Non, il n’avait pas été distribué !

M. Rudy Salles. Ce que nos quartiers attendent aujourd’hui, c’est que nous agissions vite, car la situation est difficile. Il est vrai que l’organisation de nos débats n’est pas toujours satisfaisante, mais ce n’est pas nouveau.

Mme Martine Billard. Ce n’est pas une raison !

M. Rudy Salles. Depuis bientôt dix-huit ans que je siège sur ces bancs, j’ai vu bien des textes qui ne le méritaient pas faire l’objet d’une déclaration d’urgence mais, en l’occurrence, on ne peut pas regretter que nous agissions rapidement.

Vous avez énoncé vos griefs, nous exprimons la volonté que les choses avancent. Alors que nous appelons tous, sur le terrain, à un consensus, je remarque que vous saisissez toujours l’occasion de polémiquer. Je le regrette, car je crois sincèrement que le sujet ne s’y prête pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Les rappels au règlement de l’opposition relèvent d’un mauvais procès. On ne peut pas reprocher au Gouvernement sa réactivité ! (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si le débat avait été maintenu le 9 novembre, vous auriez violemment protesté.

Mme Janine Jambu. Répondez à la question !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Vous prétendez n’avoir pas pu prendre pleinement connaissance de l’amendement du Gouvernement, qui ne contient pourtant que quelques chiffres et dont l’exposé sommaire tient en trente lignes. Soyez donc de bonne foi. En outre, le fléchage de ces crédits est précisé, qu’il s’agisse du FIV, du dispositif des adultes-relais, de la réussite éducative ou des ZFU. Vous vouliez plus de moyens : les voilà !

Mme Janine Jambu. Où les prend-on, ces moyens ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Mais la nature des interventions, elle, ne change pas, et l’on sait notamment que vous êtes d’accord sur celles qui concernent le FIV et contre celles qui portent sur les ZFU. Alors ne dites pas que, après un débat de plusieurs heures, vous n’avez pas pu saisir la portée de l’amendement du Gouvernement !

J’ajoute que, contrairement à ce que vous avez dit, on ne restaure pas les moyens. Vous ne voulez pas voir que le projet de budget initial était déjà en très forte hausse : le Premier ministre a simplement décidé d’ajouter encore à l’augmentation. Il est vrai que cet amendement représente une hausse substantielle non seulement par rapport à ce qui était prévu initialement, mais aussi et surtout par rapport à ce qui a été fait sous le gouvernement qui a sévi jusqu’en 2002.

Nos collègues ont fait preuve d’amnésie ce matin. Ils sont également borgnes, sinon aveugles, puisqu’ils refusent de voir les ZFU et l’augmentation de la DSU,…

Mme Janine Jambu. Ça suffit !

Mme Martine Billard. Ce ne sont pas des subventions aux associations !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. …dont on se demande d’ailleurs comment ils l’utilisent…

M. Éric Raoult. Il serait en effet intéressant de le savoir !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. …s’ils ignorent qu’elle est destinée au traitement des difficultés dans les zones urbaines sensibles.

Ce budget très impressionnant montre bien que le Gouvernement ne se limite pas à la ferme répression de violences inacceptables – ce pour quoi il est soutenu par les trois quarts de l’opinion publique –, mais qu’il est bien décidé à accélérer les actions engagées depuis 2002 pour traiter en profondeur les maux de ces quartiers sensibles, ce que vous n’aviez pas fait jusque-là.

Dépassés par ce que nous faisons et par ce que vous n’avez pas fait, vous semblez vous raccrocher aux branches pour vous maintenir dans une opposition aussi systématique que stérile.

Mme Annick Lepetit. Supprimez l’opposition, tant que vous y êtes !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Vous pouvez contester la procédure ou les délais, vous ne nous empêcherez pas d’adopter cet amendement,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ça la démocratie et le débat parlementaire ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. … de doper des budgets déjà en augmentation et d’œuvrer pour vos quartiers, car nous ne doutons pas que les maires qui siègent dans vos rangs solliciteront le Gouvernement pour bénéficier de cette politique. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous partageons tous le même constat : il faut faire plus, plus vite, et nous mobiliser en faveur de nos quartiers. Nous sommes également tous d’accord sur la nécessité de ne pas s’égarer dans un énième plan mais, au contraire, de concentrer nos moyens pour que notre action soit la plus efficace possible.

Le Premier ministre est venu s’exprimer devant l’ensemble de la représentation nationale, lors d’un débat sur les quartiers qui a été inscrit à l’ordre du jour à la demande d’un certain nombre de groupes. Au cours de ce débat, il a annoncé un plan, dans lequel il s’est engagé notamment à consacrer 100 millions d’euros aux associations. Faire voter un budget de la ville qui n’aurait pas comporté ces modifications aurait été faire fi des demandes de la représentation nationale. D’où le report de dix jours de l’examen de ce budget.

En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, je vous ai indiqué, madame Jambu, que ces 181 millions d’euros correspondaient aux économies qui ont été réalisées par ailleurs, notamment dans la mission « Travail », également placée sous la responsabilité de Jean-Louis Borloo, où 140 millions d’euros ont été économisés. Ces crédits ne sortent donc pas de notre chapeau. Ils ont été redéployés grâce au travail que les parlementaires ont accompli avec le Gouvernement pour réaffecter des moyens au profit des quartiers, compte tenu de l’urgence de la situation. Vous avez d’ailleurs tous appelé de vos vœux ces crédits supplémentaires et les parlementaires comme les maires n’ont pas manqué de faire savoir qu’un tuilage était nécessaire entre, d’un côté, le fonds interministériel à la ville et, de l’autre, la DSU.

Renforcer notre action en faveur des équipes de réussite éducative, c’est agir rapidement là où c’est nécessaire. En ce qui concerne le dispositif des adultes-relais, nous savons qu’ils ne seront pas tous mis en place au 1er janvier. C’est pourquoi nous y consacrons 40 millions supplémentaires.

Ce budget, qui respecte les piliers de notre politique que sont le FIV – que vous avez appelé de vos vœux – les équipes de réussite éducative et les adultes-relais, permet, poste par poste, de renforcer le maillage social de nos quartiers. Beaucoup ont dit qu’il fallait aller vite. Comment aurions-nous pu prendre le risque de perdre du temps ? Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement peut être qualifié d’historique. Jamais un budget de la ville et du logement n’a été aussi important. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On peut toujours discuter de la méthode, mais ce que nos concitoyens attendent, ce sont des moyens et une action rapide. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Éric Raoult. Les banlieues brûlent et les socialistes font des rappels au règlement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Réflexion faite, madame la présidente, je ne donnerai pas suite à la mise en cause personnelle dont j’ai été l’objet de la part de M. Raoult…

M. Éric Raoult. Vous n’habitez pas Le Raincy, monsieur Le Bouillonnec !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …car ce serait m’abaisser au niveau de vulgarité et d’ignorance des arguments qu’il a cru bon d’employer.

En revanche, madame la présidente, je tiens à préciser – notamment afin que cela soit porté à la connaissance du Bureau de notre assemblée – que ce matin, mon intervention s’appuyait exclusivement sur le document qui a constitué notre base de travail durant des semaines. Le débat en commission avec le ministre avait d’ailleurs eu lieu sur la base du même document.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ? C’est normal !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lorsque nous nous interrogeons sur la méthode consistant à modifier le budget au moyen d’un amendement, ce n’est pas le fond qui est en cause. La question est surtout de savoir si la représentation nationale, en particulier l’opposition, est en mesure d’apprécier la réalité et l’étendue de l’engagement du Gouvernement. S’il n’y avait aucun doute sur ce point, le fait que le débat ait lieu aujourd’hui ou un autre jour n’aurait aucune importance

Mais si nous ne sommes pas à même de déterminer les moyens supplémentaires engagés par le Gouvernement et leur répartition, la situation n’est pas acceptable, surtout si l’on compare le débat actuel aux travaux sur la LOLF qui, grâce aux documents dont nous disposions, avaient été d’une grande qualité.

Ce que nous regrettons, ce n’est pas que le Gouvernement organise ce débat dans l’urgence…

M. Éric Raoult. Ça suffit, on vote !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais les conditions dans lesquelles celui-ci s’est ouvert.

La séance de ce matin a eu lieu sans que nous ayons reçu aucun élément d’information du Gouvernement, les amendements n’étant même pas disponibles. Nous avons donc dû travailler uniquement sur la base de la déclaration du Premier ministre – qui a parlé de rétablir 100 millions d’euros au profit des associations, alors qu’il n’est question que de 80 millions d’euros dans les indications que vous nous donnez – et d’un communiqué de presse, puisque nous sommes obligés de lire les communiqués de presse de l’AFP si nous voulons connaître la position de Mme la ministre ! Ce n’est pas ainsi que nous concevons le débat parlementaire.

Madame la ministre, cela fait plusieurs mois que nous travaillons sur la question qui nous réunit aujourd’hui et, puisque vous avez jusqu’à présent respecté les interlocuteurs que nous sommes, nous permettant d’être parfaitement informés – n’en déplaise à M. Raoult –,…

M. Éric Raoult. Allez, on vote !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …nous vous demandons aujourd’hui de nous confirmer les montants qui ont été évoqués et de nous préciser leur destination, afin que nous puissions juger si les mesures que vous prévoyez sont de nature à répondre à l’urgence de la situation et à l’élaboration d’une politique en profondeur. Ce n’est qu’à cette condition que nous déterminerons si nous pouvons ou non vous soutenir.

Le groupe socialiste estime que ce n’est pas gêner le déroulement des débats que de demander ces précisions qui lui paraissent nécessaires lorsqu’il s’agit de voter la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Raoult. Quelle clarté !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion des crédits relatifs à la ville et au logement.

Ville et logement

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Ville et logement », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 669.

La parole est à madame la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, l’amendement n° 669, dont nous parlons depuis ce matin, a pour objectif de modifier les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de la mission « Ville et logement » dans sa partie « Ville ». Comme chacun s’en souvient, nous avons présenté le budget de la mission le 2 novembre devant la commission, avant qu’il ne soit modifié suite à l’intervention du Premier ministre devant la représentation nationale le 8 novembre. Une demande de report de l’examen des crédits de la mission « Ville » a eu lieu le 9 novembre.

Les 181 millions d’euros qu’il vous est proposé d’ajouter à la mission « Ville » ne modifient pas l’équilibre global du budget puisqu’il s’agit de sommes prises par redéploiement sur d’autres dispositifs à la suite des votes des différentes missions. Cette somme se répartit sur quatre postes. Notre volonté première étant d’accompagner la mobilisation des acteurs de terrain autour d’objectifs prioritaires, 80 millions d’euros supplémentaires vont au Fonds interministériel à la ville – 15 millions étant alloués en outre aux associations sportives dans le budget « Sport », et 5 millions au budget « Santé » pour accompagner les démarches de santé. Les 100 millions promis par le Premier ministre sont donc bien là.

En outre, 4 millions d’euros sont affectés au dispositif des ateliers santé ville, dont j’ai parlé tout à l’heure ; 40 millions supplémentaires à celui des adultes relais, qui passe ainsi de 43 à 83 millions ; 37 millions aux équipes de réussite éducative, qui auront 99 millions au lieu de 62 ; enfin, les exonérations de charges dans les zones franches urbaines passent de 339 à 359 millions. Au total, l’effort sera porté de 890,6 à 1 071,6 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. L’avis de la commission – de son rapporteur, pour être exact – est très favorable. Cet amendement ne se contente pas de restaurer des crédits : du fait de l’augmentation de la DSU, le budget initialement prévu pour la ville et la rénovation urbaine était déjà un budget record. Bien sûr, certains crédits rétablissent des aides directes aux associations, mais celles-ci s’ajoutent aux aides aux communes, elles-mêmes indirectement destinées aux associations. L’amendement proposé par le Gouvernement renforce encore ce qui constitue le budget le plus important jamais voté par le Parlement pour la politique de la ville.

M. Jean-Pierre Brard. C’est beaucoup moins que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Réjouissons-nous par ailleurs de la mobilisation de tous les ministères. Grâce à des redéploiements de crédits opérés au sein de son budget, le ministère de l’éducation nationale prouve qu’il se préoccupe des zones urbaines sensibles. Celles-ci sont également une priorité pour le ministère de l’emploi, puisque 20 000 CAE seront réservés aux quartiers les plus en difficulté. Nous renouons enfin avec le principe de discrimination positive disparu depuis que vous aviez noyé le dispositif des emplois-ville du pacte de relance pour la ville, proposé à l’époque par Éric Raoult, dans celui des emplois-jeunes, qui avait largement profité aux plus qualifiés dans les quartiers les plus favorisés. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. N’importe quoi !

M. Éric Raoult. Mais si, c’est la vérité !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Ce budget de la ville et de la rénovation urbaine est le reflet d’une ambition sans précédent dans l’histoire de la République.

M. Jean-Pierre Brard. Mazette !

M. Patrick Braouezec. Un peu de modestie !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. J’ose donc espérer que la représentation nationale sera au rendez-vous de ce budget historique et qu’elle ne s’abritera pas derrière des artifices de procédure pour rejeter ce qu’elle a toujours réclamé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Voilà un bon rapporteur !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est plus un rapporteur, c’est un colporteur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

M. Éric Raoult. Combien de contrats d’avenir Mme Billard a-t-elle créés dans sa circonscription ?

Mme Martine Billard. Je vous rappelle que je ne cumule pas les mandats, monsieur Raoult : je ne suis que députée.

M. Éric Raoult. Vous êtes sans doute trop occupée à régulariser les sans-papiers pour vous occuper d’autre chose !

Mme la présidente. Allons, monsieur Raoult !

Vous avez la parole, madame Billard.

Mme Martine Billard. En l’absence de tout autre moyen d’information, nous avons essayé de suivre l’évolution de la position du Gouvernement à travers les communiqués de presse. Ainsi, le Premier ministre avait annoncé 100 millions d’euros de subventions aux associations…

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Ils y sont ! Il fallait suivre les autres budgets !

Mme Martine Billard. …mais, le 18 novembre, vous nous annonciez 84 millions d’euros, plus 15 millions d’euros pour les associations sportives. Dans l’amendement, il est question de 80 millions, plus 15 millions ; enfin, on vient d’apprendre qu’il y aurait 5 millions d’euros pour la santé.

En ce qui concerne le dispositif des adultes relais, le rapport de la commission des finances fait état d’un « stock » de postes – un terme qui, soit dit en passant, est choquant quand il désigne des êtres humains…

M. Éric Raoult. C’est comme les OGM !

Mme la présidente. Allons, monsieur Raoult !

Mme Martine Billard. Je vous prie d’être un peu plus respectueux à l’égard de vos concitoyens, monsieur Raoult !

Pour les adultes relais, disais-je, il était prévu 2 250 postes début 2006 pour un coût moyen de 19 065,20 euros, ce qui représentait un coût global de 43 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Selon l’amendement, 40 millions d’euros supplémentaires vont permettre de doubler le nombre de postes, le faisant passer de 3 000 à 6 000. Mais il n’avait jamais été question de 3 000 postes et, si leur nombre double, c’est pour passer de 2 250 à 4 500 ! À moins que le Gouvernement n’attende que les départements créent des contrats d’avenir pour compenser la différence ?

M. Éric Raoult. N’importe quoi !

Mme Martine Billard. Vous n’étiez pas là ce matin, monsieur Raoult, alors laissez-moi parler !

Mme la présidente. Allons, monsieur Raoult, laissez Mme Billard s’exprimer !

Mme Martine Billard. Autre question, les contrats d’accompagnement pour l’emploi font l’objet d’exonérations de cotisations sociales non compensées. Les personnes qui seront embauchées sous ce type de contrat pour des postes d’adultes-relais pourront-elles bénéficier de la validation des trimestres pour leur retraite ? C’était le cas dans l’ancien dispositif.

M. Éric Raoult. Cette question est stupide !

Mme Martine Billard. Non, ce n’est pas stupide !

M. Éric Raoult. Mme Billard est une martienne !

Mme Martine Billard. C’est vous le martien ! Trouvez-vous normal que des gens ayant travaillé deux ans ne puissent pas faire valider cette période pour leur retraite ? Il faudra que vous vous expliquiez devant eux !

M. Éric Raoult. On ne pense pas à la retraite dans les quartiers ! Vous faites honte au Parlement !

Mme Martine Billard. On travaille gratuitement, dans les quartiers ?

Mme la présidente. Ne vous laissez pas interrompre, madame Billard !

Mme Martine Billard. Apparemment, M. Raoult s’intéresse assez peu à la vie concrète des gens !

S’agissant par ailleurs des ateliers santé ville, le budget initial pour 2006 prévoyait 7 millions d’euros pour 140 structures. L’amendement fait plus que doubler ces structures, les faisant passer à 300. Il ne prévoit cependant que 4 millions d’euros supplémentaires. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, madame la ministre ?

Enfin, s’agissant des équipes de réussite éducative, vous avez annoncé, le 18 novembre, 37 millions supplémentaires. Or, aujourd’hui, il n’y en a plus que 30. Nous sommes plusieurs à nous demander comment le nombre d’équipes prévues va pouvoir fonctionner avec le montant budgétaire proposé dans cet amendement.

Voilà, madame la ministre, les questions que soulève votre amendement.

M. Éric Raoult. Des vertes et des pas mûres !

Mme Martine Billard. Vous êtes lourd, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. Enfin quelque chose d’exact ! Et moi, au moins, je suis solide !

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. En septembre dernier, le milieu associatif s’était ému à juste titre de l’annonce d’une baisse sans précédent des subventions, dans des proportions allant parfois jusqu’à 50%. Un grand nombre d’associations sont aujourd’hui menacées dans leur existence même, beaucoup ont eu à souffrir ces dernières années du manque cruel de subventions comme de la suppression du dispositif emplois jeunes.

Il aura fallu attendre le début du mois de novembre, et le mouvement de colère et de violence que nous connaissons, pour que vous preniez enfin la décision d’abonder ces crédits. Il est choquant qu’il ait fallu attendre des événements de la gravité de ceux que nous venons de connaître pour que vous preniez enfin conscience de l’état d’urgence social dans lequel vivent et survivent nos quartiers.

Nous ne sommes pas dupes du caractère transitoire des mesures proposées, ni de l’effet d’annonce que portent vos décisions. Les associations ne disposent d’aucune garantie de financement pérenne.

J’ajoute que les 180 millions d’euros que vous décidez aujourd’hui d’accorder gracieusement aux banlieues ne pèsent pas lourd face au 1,2 milliard d’euros d’allégements fiscaux consentis cette année à une minorité de privilégiés au titre de la baisse de l’impôt sur le revenu, de la mise en place du bouclier fiscal et de la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Faire des cadeaux aux riches et aux rentiers, et distribuer parcimonieusement les miettes de cet indécent festin aux quartiers populaires, voilà la philosophie de votre politique.

M. Philippe Auberger. Nous avons augmenté la DSU de 120 millions d’euros !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Oui, mais la DSU sert à certains à embaucher des permanents !

Mme Janine Jambu. Laissez-moi terminer mon propos, monsieur le rapporteur !

S’agissant des zones franches, nous ne pouvons par principe être opposés à une mesure de baisse des exonérations de charges en zone franche urbaine, ni au principe de l’extension du nombre de zones, bien que nous disposions en définitive de peu de visibilité sur l’efficacité réelle de ce dispositif.

Nous savons qu’en 2003 les résidents des ZFU représentaient 27% des salariés recrutés dans les établissements implantés avant le 1er janvier 2002 et 32% de ceux recrutés dans les établissements plus récents.

Mais, selon le rapport 2005 de l’Observatoire national des ZUS, la situation reste cependant très difficile dans les ZUS. Je ne l’apprendrai à personne : le taux de chômage y est le double du taux national. Les femmes et les immigrés continuent à rencontrer plus de difficultés. L’emploi est largement précarisé. Il nous paraît donc utile de nuancer l’enthousiasme dont témoigne le Gouvernement.

M. Éric Raoult. Il fallait refuser !

Mme Janine Jambu. La question demeure en outre de savoir si le coût des dispositifs d’exonération n’est pas disproportionné, au regard en particulier du niveau des salaires moyens pratiqués par les entreprises implantées. Il serait utile de disposer à cet égard d’une évaluation précise de l’efficacité du dispositif.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Des communistes favorables à l’évaluation, c’est nouveau !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Éric Raoult. Il va nous parler des ponts de la Meuse !

M. Jean-Louis Dumont. Je ne cesserai jamais de défendre la reconstruction des ponts détruits par la dernière guerre.

M. Éric Raoult. Venez donc à Aulnay-sous-Bois !

M. Jean-Louis Dumont. Madame la ministre, nous prenons acte de l’amendement du Gouvernement et des sommes qui viennent ainsi conforter le programme « Équité sociale et territoriale et soutien ». Qui pourrait en effet faire la fine bouche devant ces crédits importants ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. La voix de la sagesse lorraine !

M. Jean-Louis Dumont. C’est, si j’ai bien compris, le résultat du travail des députés de la majorité, qui ont voté des amendements de réduction de crédits sur d’autres budgets. Cela a consisté en particulier à limiter le nombre de fonctionnaires. Pourquoi d’ailleurs ne pas s’en prendre à ceux qui, à l’éducation nationale, coûtent si cher au pays ?

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Surtout lorsqu’ils sont rue de Grenelle et non dans les écoles !

M. Jean-Louis Dumont. Nous nous réjouissons donc de ces 180 millions supplémentaires. Mais nous ne pouvons pas ne pas nous poser certaines questions.

Dans la majorité, personne n’a réagi lorsque nous avons souligné, le 3 novembre, des annulations de crédits pour 2005. C’est moins l’annulation que la date qui compte. Comme c’est l’usage, je ne doute pas que le Gouvernement prendra donc, fin janvier, début février ou, au plus tard, courant mars, des mesures d’annulation afin de pouvoir dire à Bruxelles que nos déficits sont tenus – à moins que la croissance n’atteigne un tel niveau que le bateau n’ait besoin d’aucune aide.

Madame la ministre, nous voudrions être sûrs qu’il ne s’agit pas là simplement de crédits de circonstance, dus au petit coup de chaud qu’on a connu ici et à l’extérieur. Nous allons donc suivre, ligne par ligne, l’évolution de ces crédits pour vérifier leur affectation, leur consommation et leur éventuelle annulation.

Je me suis attaché à prendre connaissance de l’exposé sommaire de l’amendement qui illustre bien les revirements auxquels a été contraint le Gouvernement. Voici ce qu’on peut lire dès les premières lignes : « Le Gouvernement a en effet décidé de remobiliser les acteurs de terrain… » Est-ce donc à dire qu’ils étaient démobilisés ? Où donc étaient-ils passés ?

M. Éric Raoult. Ils étaient au Mans !

M. Jean-Louis Dumont. Fermetures et garrottages de crédits ont entraîné, bien sûr, des licenciements. « Remobiliser les acteurs de terrain », qu’en termes choisis cela est dit ! C’est surtout qu’à force de supprimer des crédits, on a aussi supprimé des équipes. Il faut aujourd’hui les reconstituer pour « amplifier des actions ambitieuses », bien sûr.

Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que, courant septembre, M. le Premier ministre a tout à coup estimé que la délégation interministérielle à l’innovation et à l’économie sociale était dépassée et ne servait plus à rien. Je parle sous le contrôle d’un ancien ministre de l’économie sociale, qui sait mieux que quiconque à quoi servent pourtant les mutuelles, les coopératives et, surtout, les associations employeurs. Pour couronner le tout, on a scindé l’économie sociale. On a ainsi affecté quelques crédits supplémentaires au ministre des sports au titre de la vie associative. Et on a laissé le reste à M. Borloo, que nous n’avons pas vu de la journée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous le regrettons infiniment.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il est au Sénat !

Mme la présidente. Nous en avons déjà parlé ce matin, monsieur Dumont !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial. Jean-Louis Borloo n’a pas le don d’ubiquité !

M. Charles Cova. N’ajoutez pas la mesquinerie à la mauvaise foi, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont. Je ne mets pas en cause le ministre Borloo. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons le droit d’interpeller un membre du Gouvernement. Quand on l’interpelle, Mme Vautrin nous répond ! Et nous le faisons poliment, voire cordialement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont. Comment ne pas s’inquiéter de l’absence de M. Borloo, du fait précisément de son champ d’intervention ministérielle ?

M. Denis Jacquat. Mme Vautrin est tout aussi compétente !

M. Jean-Louis Dumont. Nous aurons l’occasion de lui poser nos questions lorsque nous le verrons.

M. Éric Raoult. Et à Martine Aubry, vous ne disiez rien ?

M. Jean-Louis Dumont. À l’époque, monsieur Raoult, j’avais une capacité d’analyse critique plus forte que la vôtre aujourd’hui !

M. Éric Raoult. Je n’étais pas là ! J’avais été battu dans une triangulaire !

Mme la présidente. Calmez-vous, monsieur Raoult !

M. Jean-Louis Dumont. J’en reviens à la délégation interministérielle. C’était un zinzin qu’on allait enfin supprimer, avant de se rendre compte, peut-être, de l’utilité des associations employeurs, ou des différents statuts auxquels j’ai fait allusion et qui permettent précisément de redynamiser nos quartiers, y compris sur le plan économique. Ce sont des créations d’emplois bien nécessaires pour celles et ceux qu’on n’autorise pas à aller travailler en dehors de leur zone. Il faut bien qu’on crée des emplois dans leur zone d’habitation si l’on veut qu’ils trouvent du travail puisque, à l’extérieur, on n’en veut pas et qu’on ferme les portes. Nous avons là une responsabilité collective que nous devons assumer.

S’agissant de ces délégations, j’aurais bien aimé qu’on nous explique ce que va faire le délégué interministériel au développement de l’offre de logements. On veut faire des économies mais on crée un nouveau poste, on parle même d’une agence. Qu’en est-il ? Je vois là une contradiction avec la politique exposée en commission des finances

S’agissant des problèmes scolaires, l’ensemble des parlementaires de la majorité et plus encore ceux de l’opposition ont souligné combien l’accompagnement scolaire et périscolaire était important.

S’agissant des problèmes familiaux, ce sont souvent les techniciens ou les techniciennes d’intervention sociale et familiale qui entrent dans les familles.

M. Éric Raoult. M. Dumont est inscrit pour combien de temps, madame la présidente ? Dix ou quinze minutes ?

Mme la présidente. C’est moi qui préside, monsieur Raoult !

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur Raoult, acceptez-vous que, dans notre pays, on coupe l’eau, on ferme l’électricité pendant l’hiver ?

M. Éric Raoult. Donneur de leçons !

M. Jean-Louis Dumont. Faites donc votre métier ! Lorsque vous avez été ministre, vous avez assumé vos responsabilités, non ?

M. Éric Raoult. Bien sûr !

M. Jean-Louis Dumont. Ça, c’est pour le passé. Assumez aussi le présent !

M. Éric Raoult. Je l’assume et le Gouvernement avec moi !

M. Jean-Louis Dumont. Faites donc en sorte qu’on ne coupe plus l’eau et l’électricité ! Cela ira déjà mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est ça aussi respecter les individus !

Mme la présidente. Concluez, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Quant aux associations, on a vu en quelques semaines apparaître de nettes contradictions entre les propos du Premier ministre et ceux que vous avez tenus aujourd’hui, madame la ministre. Je préfère les vôtres !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis pour la rénovation urbaine et pour l’équité sociale et territoriale et le soutien.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques ne s’est pas prononcée sur cet amendement. À titre personnel, je considère qu’il est urgent d’éteindre le feu qui couve dans les banlieues et que certains, ici, ont largement contribué à allumer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J’émettrai donc un avis très favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mesdames, messieurs les députés, je crois pouvoir répondre sereinement à toutes les questions qui m’ont été posées.

Madame Billard, vous m’avez demandé de vous apporter des précisions chiffrées. Comme vous le savez, aussi bien pour les équipes de réussite éducative que pour les ateliers « santé-ville » ou les adultes-relais, la montée en charge sera progressive. Tous ne démarreront pas le 1er janvier, et l’augmentation concerne des postes qui seront pourvus en cours d’année.

Toutefois, j’insiste sur le fait que nous souhaitons maintenir le dispositif adultes-relais dans sa totalité et l’enrichir d’une validation des acquis de l’expérience,…

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.… qui est le seul moyen de professionnaliser ces postes et d’ouvrir de vraies perspectives de carrière à celles et ceux qui les occupent.

En ce qui concerne le financement du dispositif et surtout son caractère absolument nécessaire, je vous répète une fois encore que le Gouvernement s’engage à ce que la quasi-totalité des crédits soit déléguée dès le mois de janvier prochain, afin que les associations disposent de la visibilité nécessaire pour mener à bien leurs actions. Ces 181 millions d’euros de crédits supplémentaires en faveur des associations correspondent donc bien à un budget sanctuarisé et non à quelque effet d’annonce.

Puisque vous parlez d’efficacité, je vous rappelle que c’est à Jean-Louis Borloo et à la loi de 2003 que nous devons la mise en place de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, cet outil que vous avez, les uns et les autres, cité à de nombreuses reprises. Chacun reconnaît le rôle important de cet observatoire dans l’évaluation des situations. Il est évident qu’analyser les actions conduites sur le terrain et évaluer leur efficacité nous permet de progresser en matière de politique de la ville.

Enfin, chacun comprend l’utilité de l’économie sociale. L’Agence nous permettra de mettre en cohérence tous les dispositifs existants. L’ensemble des associations et les élus, sur tous les bancs de cet hémicycle, sont d’accord pour dire qu’une meilleure coordination était nécessaire. C’est précisément le rôle de cette agence. À côté de l’Agence nationale de rénovation urbaine, qui a montré à quel point elle pouvait être utile en matière de coordination et d’appel de financements, nous avions besoin d’une sorte d’agence sociale, disposant d’une meilleure lisibilité, pour nous permettre d’optimiser les moyens destinés aux quartiers sensibles et de mener une action beaucoup plus pérenne.

Le dispositif que nous vous proposons, mesdames et messieurs les députés, nous donnera les moyens d’agir beaucoup plus vite. Dès le mois de janvier, les crédits seront délégués. C’est la réponse que chacun attendait, notamment dans le monde associatif, à l’impérieux besoin d’un meilleur tuilage entre, d’un côté, l’augmentation de la DSU et, de l’autre, les crédits du fonds interministériel à la ville.

Je vous le répète, ce budget est un budget historique.

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Jamais autant d’argent n’a été affecté à la politique de la ville, mais cet effort était indispensable pour la cohésion de nos banlieues et je sais que chacun aura à cœur de lui donner les moyens nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 669.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Ville et logement », modifiés par l’amendement n° 669.

(Les crédits de la mission « Ville et logement », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 93.

(L’article 93 est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la ville et au logement.

coordination du travail gouvernemental

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la coordination du travail gouvernemental.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la coordination du travail gouvernemental et pour les Journaux officiels.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la coordination du travail gouvernemental et pour les Journaux officiels. Madame la présidente, monsieur le ministre de la fonction publique, mes chers collègues, la commission des finances m’a désigné pour présenter les crédits correspondant au programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », auquel est joint le compte de commerce de la Documentation française ainsi que le budget annexe des Journaux officiels, qui fait l’objet d’une mission spécifique.

À titre préliminaire, je me félicite de la tenue d’un débat spécifique pour les services du Premier ministre. C’est la première fois qu’un tel débat est possible, et nous le devons à la LOLF. En effet, je ne peux que constater, en tant que membre de la mission d’information de la commission des finances sur la mise en œuvre de la LOLF, que son application a permis une rationalisation et une unification du traitement budgétaire des services du Premier ministre. La mission « Direction de l’action du Gouvernement » se substitue ainsi à trois anciennes sections budgétaires et il nous est enfin possible d’avoir une vision globale des crédits correspondants.

Néanmoins, la commission des finances a déploré le caractère très fruste de la nomenclature budgétaire interne du programme « Coordination du travail gouvernemental » qui ne comporte pas moins de onze actions correspondant à quelques regroupements de services ou d’institutions. La traduction aux services du Premier ministre de « l’esprit » – s’il est là – de l’article 7 de la LOLF aurait dû nous amener à identifier des actions par type de fonction et non selon les habitudes administratives et autres susceptibilités institutionnelles.

La souplesse de gestion que permet la LOLF, notamment la fongibilité des crédits au sein d’un programme, ne doit pas prendre le pas sur la nécessité de donner du sens à l’action publique. Les services du Premier ministre constituent, certes, un ensemble hétérogène très spécifique, pour lequel le cadre général de la LOLF n’est pas nécessairement parfaitement adapté ; mais il importe que le Premier ministre donne l’exemple et ne s’exonère pas de donner une visibilité et une clarté exemplaires à l’action de chacun de ses services, dont les crédits doivent être justifiés au premier euro et dont la performance doit pouvoir être mesurée au moyen d’indicateurs adaptés.

La commission des finances a ainsi regretté l’absence d’indicateurs de performance, par exemple pour la qualité de la réglementation, ou l’absence de justification précise des crédits pour un certain nombre d’organismes, au premier rang desquels figure le secrétariat général des affaires européennes, qui n’a pas même daigné répondre à temps au questionnaire budgétaire de la commission des finances. Certes, la réponse nous est parvenue depuis, mais elle est assez médiocre. Le remède, de ce point de vue, est pire que le mal et il conviendra la prochaine fois que ledit secrétariat général rende sa copie en temps et en heure. Et comme elle a été de mauvaise qualité la première fois, il sera du devoir de ses rédacteurs de nous en présenter une bonne… Cela a tant agacé le président de la commission des finances que c’est à l’unanimité que nous avons adopté un amendement de suppression des crédits concernés, mais nous reviendrons sur ce point.

Pour en terminer avec ces questions de nomenclature, la commission des finances a dénoncé à maintes reprises le fait que le budget annexe des Journaux officiels soit constitué d’un seul programme, contrairement à l’article 7 de la LOLF. Cette incomplétude de la maquette budgétaire pourrait – écoutez bien, monsieur le ministre, c’est pour votre bien que je dis cela – encourir un risque d’inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel pourrait exiger une évolution de la nomenclature budgétaire sur ce point d’ici la prochaine loi de finances. Plutôt que de découper le programme « Journaux officiels » en deux parties, ce qui aurait peu de sens sur le plan de la gestion, il pourrait être préférable d’examiner la faisabilité technique de la proposition avancée à la demande du secrétaire général du Gouvernement par M. André Barilari, inspecteur général des finances, consistant à intégrer sous la forme d’un programme spécifique la Documentation française dans le budget annexe des Journaux officiels, lequel serait alors étendu à l’ensemble de l’information administrative et à la diffusion publique.

Je ne proposerai pas cette année de modification de la nomenclature budgétaire, car il me faut encore un peu de temps pour approfondir ces sujets et ne pas intervenir « à la hache », mais je pense qu’une rationalisation de l’ensemble des structures et organismes rattachés au Premier ministre est encore possible et qu’une plus grande autonomisation budgétaire des autorités administratives indépendantes est souhaitable.

Par ailleurs, compte tenu du caractère essentiellement institutionnel du programme « Coordination du travail gouvernemental » ainsi que des nombreux changements de périmètre qui affectent les services du Premier ministre, je ne me livrerai pas devant vous à une exégèse des crédits, action par action. Vous en trouverez l’analyse détaillée dans mon rapport écrit.

Je me contenterai d’évoquer devant vous certaines des institutions que j’ai été amené à rencontrer pour préparer mon rapport, et qui touchent à des questions d’actualité.

M, Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, fait preuve d’un dynamisme rayonnant, si j’ose dire, dans ses nouvelles fonctions. Il est vrai qu’on a vu ces derniers temps à quel point il est important de disposer de lieux de recours. De ce point de vue, il faut que le médiateur parvienne à ce que ses recommandations soient suivies d’effet. Je note d’ailleurs que c’est la première fois dans l’histoire de la médiature que le médiateur use de son pouvoir d’injonction. Personnellement, je souhaite que cela se renouvelle afin qu’aucune administration ne puisse se placer au-dessus des recours de la médiature, ou plutôt des préconisations qu’elle formule.

Je me suis également entretenu avec le président de la commission nationale de déontologie de la sécurité, M. Pierre Truche. En réalité, si toutes ces personnes, tout à fait responsables, sont prêtes à une transparence totale envers le Parlement, elles ont néanmoins besoin d’une certaine stabilité pour mener leurs actions et d’une plus grande liberté d’organisation. Ce souhait, partagé par la commission des finances, paraît parfaitement conforme à l’esprit de la LOLF.

Une tout autre fonction de l’État est en cause avec la Documentation française et les Journaux officiels. Il est essentiel de valoriser le potentiel éditorial qui existe au sein de l’appareil d’État. Un plan de consolidation de la Documentation française et un rapprochement avec les Journaux officiels sont engagés. Il faut en effet se donner les moyens de maintenir au service du public un pôle d’excellence en matière de publications publiques, lorsqu’il s’agit notamment de publier la loi ou des rapports officiels, mais aussi des ouvrages de vulgarisation documentés et sérieux. Il convient de nous adapter – et les personnels, monsieur le ministre, y sont prêts – et de moderniser l’appareil de production, compte tenu de la diffusion toujours croissante des nouvelles technologies. Il est hors de question de revivre le gâchis de l’Imprimerie nationale. J’invite donc les représentants de l’exécutif à poursuivre la réflexion sur les évolutions nécessaires, en y associant les personnels concernés, ce qui permettra de gagner beaucoup de temps et d’éviter les conflits. C’est encore, monsieur le ministre, pour votre bien que je dis cela : vous avez suscité tant de conflits qu’il est inutile que vous en suscitiez de nouveaux…

J’en termine en abordant les crédits du commissariat général du Plan et de divers organismes de prospective comme le Conseil d’orientation des retraites ou le Conseil d’analyse économique, qui figurent dans le programme « Coordination du travail gouvernemental » pour un peu plus de 20 millions d’euros. On doit déplorer la sous-utilisation de productions de très grande qualité, fournies par beaucoup d’institutions qui travaillent assez peu en commun. Il faudrait donc réfléchir au moyen de mieux diffuser les sommes d’informations et d’analyses, dont le Parlement a grand besoin. Des choses simples pourraient être envisagées, comme la diffusion d’une bibliographie des études produites, au sein d’une collection dédiée à la Documentation française.

J’ai été surpris d’apprendre, par voie de presse, la disparition du Commissariat général du Plan. Sans porter de jugement sur la pertinence de cette décision, qui appartient en propre au Premier ministre, j’avais trouvé sur le moment la méthode un peu inélégante. Et je pense que ce sont des esprits un peu malins qui ont pu voir un rapport entre les productions dudit Commissariat et sa disparition. Si c’était moi qui vous disais cela, vous répondriez : c’est normal, c’est un opposant. Mais ce n’est pas moi qui ai ces intuitions : c’est le président de la commission des finances et, d’ailleurs, la presse dit la même chose quand il est question, par exemple, d’« un rapport du Commissariat général du Plan rendu public le 26 octobre [qui] met en exergue le manque d’actions des pouvoirs publics en matière de développement durable et préconise notamment la mise en conformité des indicateurs de développement durable et de ceux de la LOLF, et la création d’une entité interministérielle dédiée ». Il y a également eu le rapport sur les autoroutes qui, paraît-il, n’a pas plu.

Sans doute fallait-il que le Plan évoluât, mais il reste une référence par la qualité des études produites. On peut regretter qu’il n’y ait pas eu une réflexion collective publique sur ce point. Le président de la commission des finances a souvent souligné la nécessité de disposer d’une capacité d’expertise indépendante. Peut-être la disparition du Plan est-elle l’occasion pour le Parlement – à toute chose, malheur est bon –de faire entendre son point de vue.

Il est clair que la nomination de la nouvelle responsable du Plan ayant eu lieu, le Parlement sera extrêmement attentif. Nous formons des vœux de succès pour Mme Boissard, mais ils sont empreints d’une grande vigilance ; disons que nous aurons pour elle une affection d’accompagnement qui se vérifiera tout au long de l’année pour que sa mission réussisse.

La question de la représentation du Parlement et de la société civile mérite d’être posée, par exemple au sein d’un conseil d’orientation. Le nouveau Centre d’analyse stratégique pourrait produire des études à destination du Parlement, selon des modalités de saisine qui restent à déterminer. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous répondiez à ces suggestions qui sont consensuelles au sein de la commission des finances. On peut imaginer que le président de l’Assemblée nationale lui adresse les demandes des présidents des commissions et des groupes, afin de nourrir la réflexion collective. Un bilan annuel devrait permettre une évaluation à la fois par l’exécutif et le législatif. La commission des finances pourrait auditionner rapidement la nouvelle responsable du Plan, afin de se faire sa propre religion, mais aussi de montrer que le Parlement n’est pas indifférent à ce qu’elle fait. Ce serait aussi, pour nous, une façon d’exercer notre droit et notre devoir de contrôle.

Qu’un Centre d’analyse stratégique soit mis à la disposition du Premier ministre pour analyser ce qui se passe dans la société française est sans doute très utile, les événements des dernières semaines le montrent. Mais on peut aussi observer, monsieur le ministre, alors que, depuis un an et demi, à la demande du Gouvernement, les préfets ont produit des rapports montrant que les Français ne croient plus à rien, qu’aucune conclusion n’en a été tirée. Le Gouvernement a beau disposer d’une capacité d’analyse, encore faut-il qu’il soit capable d’en tirer la substantifique moelle, comme aurait dit Montaigne.

Qui dit qualité de l’analyse dit enfin indépendance de l’organisme. Jusqu’à aujourd’hui, le Plan, l’IRES, le CEPII bénéficient d’une reconnaissance unanime pour la qualité de leur production. Un conseil scientifique devrait donc être prévu au sein du nouvel organisme en faisant en sorte qu’une certaine forme de pensée unique n’y soit pas dominante ou exclusive.

Pour conclure, mes chers collègues, la commission des finances vous demande d’adopter les crédits des missions « Direction de l’action du Gouvernement » et « Journaux officiels ». Mais vous avez bien compris, monsieur le ministre, que si c’est un avis positif, ce n’est pas un blanc-seing.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, premier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme qui nous occupe pour un très court débat regroupe néanmoins onze actions qui couvrent le périmètre d’activité des services du Premier ministre. Les crédits – dont les crédits de soutien reventilés provenant d’autres missions ou au sein de la mission – sont en légère augmentation par rapport à 2005, et correspondent à l’augmentation mécanique des dépenses de fonctionnement. Je ne m’y attarderai pas.

Je constate avec satisfaction que les éléments de renseignement contenus dans l’annexe, notamment les dépenses de nature immobilière et la ventilation des emplois au sein des services concernés, sont clairs et nombreux. Cela rassure de savoir que le Gouvernement connaît et maîtrise parfaitement l’organisation de ses services les plus proches. Que n’en est-il ainsi des autres ! Cela inquiète. Trop souvent, au court de ce débat budgétaire pour 2006, les parlementaires ont constaté la pauvreté des éléments informatifs, le caractère parfois tautologique des objectifs présentés, le non-renseignement des indicateurs de performances. Ces lacunes devront absolument être comblées pour le prochain débat. Je ne doute pas que le Gouvernement saura faire preuve d’une clarté exemplaire pour le PLF de 2007, année des grands rendez-vous électoraux nationaux.

Je m’attarderai, si vous le voulez bien, sur la réforme d’une institution qui a pris de plus en plus d’importance dans notre vie publique, bien que son efficacité soit à la mesure de sa discrétion : le Médiateur de la République.

Le Médiateur de la République a été saisi, cette année, de 60 000 dossiers, dont 10 000 sont parvenus au siège de l’institution, où travaillent 90 personnes, et 50 000 à ses quelque 300 délégués territoriaux. La réforme administrative du fonctionnement de la médiature, réclamée par l’ensemble des médiateurs successifs, doit maintenant être abordée sereinement : quand va-t-on séparer la fonction d’ordonnateur et celle de comptable ? Faut-il maintenir le principe de saisine exclusive par l’intermédiaire d’un parlementaire, alors que les autres autorités administratives indépendantes sont d’ores et déjà directement accessibles au citoyen ? Par ailleurs, le champ d’intervention de la médiature étant très large, celle-ci ayant un pouvoir d’inspection, de sanction, mais aussi de proposition, qu’en est-il des différents souhaits de voir apporter de larges modifications à l’état du droit ? Je m’associe aux propos du rapporteur de la commission des finances sur ce point.

Autre sujet de questionnement : le Plan. Nous nous apprêtons à voter les crédits du Commissariat général du Plan, alors qu’il a été publiquement déclaré que cette institution serait supprimée ! Pourriez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur ce point ? Il semble bien que le Premier ministre opère une sévère reprise en main du Commissariat, qui aurait ainsi vocation à devenir sa propre direction de la prévision. Le Commissariat ou son successeur sera-t-il toujours un acteur du débat démocratique ? Les derniers rapports publiés par cette institution, dont la moitié étaient consacrés à l’« État stratège », étaient de grande qualité. Ils formulaient notamment des préconisations relatives aux indicateurs du développement durable. Pour avoir également écrit un rapport sur ce thème avec la délégation pour l’aménagement et le développement durable du territoire de notre assemblée, je souhaite que cet aspect des choses soit pris en compte par le Gouvernement. Le groupe socialiste n’est d’ailleurs pas le seul à critiquer ce changement radical de culture amorcé à marche forcée ; le rapporteur général, M. Carrez, s’en est, lui aussi, ému.

Par avance, je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous pourrez apporter face à ces questionnements. Mais des réponses que vous donnerez, ne préjugez pas hâtivement l’assentiment de mon groupe aux propositions budgétaires qui sont faites par votre Gouvernement. Nous voterons contre les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, comme mes collègues l’ont souligné les orateurs précédents, le programme « Coordination du travail gouvernemental » peut sembler hétéroclite de prime abord. En effet, pour la première fois, l’ensemble des organes rattachés aux services du Premier ministre sont réunis dans un seul programme, ce qui n’était pas le cas dans les précédentes lois de finances. Cependant, et je crois que d’autres l’ont rappelé, il est cohérent de réunir ces organes institutionnels – qui étaient indépendants ou relevaient précédemment d’autres autorités – pour une meilleure rationalisation et, surtout, une unification de traitement autour du secrétariat général du Premier ministre. Même si d’importants changements de périmètre sont intervenus à cette occasion, ce programme permettra, j’en suis certain, d’optimiser la gestion des services, notamment concernant les emplois budgétaires.

Globalement, les crédits alloués à chaque organe restent stables, ce qui montre, s’il le fallait, la volonté du Gouvernement de continuer à développer les actions déjà entreprises les années précédentes, tant en matière de publications publiques que de services apportés aux administrés grâce au Médiateur, au CSA ou aux autorités chargées de défendre les libertés. Au nom du groupe UMP, j’invite donc la représentation nationale à voter ce budget équilibré et novateur, qui permettra à ces organismes institutionnels de poursuivre leur action d’information, d’assistance aux administrés et de conseil auprès du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vais vous présenter aujourd’hui, au nom du Premier ministre, d’une part, le programme « Coordination du travail gouvernemental » et, d’autre part, le compte d’affectation spéciale des Journaux officiels.

S’agissant tout d’abord du programme de coordination du travail gouvernemental, les crédits demandés pour 2006 s’élèvent à 396 500 000 euros. Ils sont, comme vous l’avez noté, en augmentation de 0,5 % par rapport à 2005. Ces crédits doivent permettre aux services rattachés au Premier ministre de l’assister dans différentes fonctions : fonctions d’état-major liées à la direction du Gouvernement – je pense au Secrétariat général de la défense nationale et au Secrétariat général des affaires européennes – ; fonctions de stratégie et de prospective avec le Commissariat général du Plan ; fonctions de coordination sectorielle, avec entre autres la direction générale de l’administration et de la fonction publique ; des fonctions d’information administrative, avec la Documentation française et les centres d’information et de renseignements administratifs.

Le plafond d’emplois autorisés s’élève à 2 954 emplois et augmente de trente-quatre équivalents temps plein par rapport à 2005, dont vingt créations nettes d’emplois.

Le compte d’affection spéciale des Journaux officiels s’élève à 171 millions d’euros, répartis en trois actions : la première, « Intégration et édition des données », est créditée de 62 millions d’euros et concerne les publications de normes juridiques françaises, les débats parlementaires, les décisions du Conseil constitutionnel ; la deuxième, « Diffusion des données », dispose de 59 millions d’euros pour les Journaux officiels, le Bulletin officiel ou le site internet legifrance.gouv.fr ; la troisième, « Soutien technique, administratif et commercial », avec 50 millions d’euros, regroupe les crédits de personnel et de fonctionnement. Les effectifs, en diminution, passeront de 590 à 574 équivalents temps plein.

Je voudrais à présent revenir, monsieur le rapporteur spécial, à certains des points que vous avez abordés. Avec M. Dufau, vous avez en particulier évoqué le Plan ; j’y reviendrai.

Je note d’abord, et vous-même l’avez dit, que la nomenclature n’est pas figée et a vocation à évoluer, notamment dans le cadre des actions entreprises au titre de la réforme de l’État.

Le SGCI, désormais SGAE, vous a présenté ses excuses pour le retard avec lequel il a rempli le questionnaire que vous lui adressiez. Ce retard est en partie imputable à la première année de mise en place de la LOLF. J’ai bien noté le jugement de valeur que vous portiez sur ces informations : l’important, c’est qu’elles vous aient finalement été transmises.

Pour ce qui est de la Documentation française et des Journaux officiels, je suis favorable à vos propositions. Des travaux sont en cours et je pense que nous pourrons bientôt regrouper ces programmes dans le cadre d’un même budget annexe.

Le Commissariat général du Plan n’est pas supprimé, mais transformé, et les missions que vous avez énumérées sont celles que lui a assignées le Premier ministre dans une lettre de mission parfaitement claire. En revanche, il est bien évident qu’il revient au Gouvernement et à lui seul de confier des missions au Commissariat général du Plan, éclairé en cela par la représentation parlementaire.

Je voudrais, pour conclure, remercier M. Bénisti de son intervention très constructive et de la contribution régulière qu’il apporte sur ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » seront mis aux voix à la suite de l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

Article 79

Mme la présidente. J’appelle l’article 79, rattaché à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

Je suis saisie d’un amendement n° 291 rectifié de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. Avant de défendre cet amendement, je voudrais répondre à M. le ministre à propos du Commissariat général du Plan. Vous avez voulu faire bref, monsieur le ministre, et n’avez pas cité toute la lettre de mission du Premier ministre, qui est plus explicite et plus ouverte que ce que vous avez dit. Le Premier ministre donne jusqu’au 15 décembre à Mme Boissard pour préciser les contours de la nouvelle structure, et la lettre de mission prévoit bel et bien de réserver un rôle au Parlement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Parfait !

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. Cela va dans le sens de nos préoccupations : nous avons donc été entendus − en tout cas, acceptons-en l’augure, car nous ne pourrons nous faire une opinion définitive que lorsque la nouvelle structure aura été clairement définie. La commission des finances est unanime − je parle sous le contrôle du rapporteur général − à demander que le Parlement dispose d’une sorte de droit de saisine. Cela n’exclut pas qu’il doive passer pour cela par le Premier ministre, car nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu’il soit le patron de ses services. Encore faut-il mettre à cela une condition, que formule d’ailleurs la lettre de mission : le souci principal de la nouvelle structure doit être la qualité scientifique du travail fourni. Or la qualité dépend de la liberté de réflexion et du pluralisme des experts. Sans cela, on risque de tomber de Charybde en Scylla.

L’amendement n° 291 rectifié est un amendement de coordination qui applique dans divers textes et codes la nouvelle nomenclature budgétaire des services du Premier ministre, après la mise en œuvre de la LOLF. J’en profite pour demander au Gouvernement de procéder aux mêmes coordinations pour l’ensemble des structures créées par voie réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 291 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 79, modifié par l’amendement n° 291 rectifié.

(L’article 79, ainsi modifié, est adopté.)

Journaux officiels

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Journaux officiels », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Ces crédits ne faisant l’objet d’aucun amendement, je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Journaux officiels » sont adoptés.)

Article 94

Mme la présidente. J’appelle l’article 94, rattaché à la mission « Journaux officiels ».

Je le mets aux voix.

(L’article 94 est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé la discussion des crédits relatifs à la coordination du travail gouvernemental.

Fonction publique

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan pour la fonction publique, pour la gestion du patrimoine immobilier de l’État et pour les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Assurément, la LOLF a déjà produit un effet : elle confère à tous les rapporteurs spéciaux des titres à rallonge. (Sourires.)

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Fonction publique » couvre les crédits de formation des fonctionnaires et d’action sociale interministérielle. Je suggère d’ailleurs par un amendement que l’on modifie quelque peu cette nomenclature.

L’École nationale d’administration se voit dotée d’une subvention de 30,9 millions d’euros en 2006, égale à celle de 2005. Nous devons engager une réflexion sur ses moyens, et la commission des finances a d’ailleurs adopté un amendement en ce sens.

Les IRA disposeront de 32,5 millions d’euros en 2006 et continueront le processus de déconcentration du recrutement des élèves et de réforme de leur scolarité.

Mon rapport souligne l’importance des efforts entrepris en matière d’action sociale. Ils confirment la tendance que nous constatons depuis des années : les agents sont de plus en plus demandeurs d’aides individuelles plutôt que d’actions collectives. Aussi une partie des prestations d’action sociale interministérielle destinées aux agents publics va-t-elle être revalorisée ou étendue : aide à l’installation, avec extension du dispositif à toute la France et revalorisation en Île-de-France ; chèque emploi service ; garantie de paiement du loyer et des charges, ce dispositif LOCAPASS qui, jusqu’à présent, ne s’appliquait qu’au secteur privé et qui est désormais doté de 500 000 euros.

Au-delà des chiffres, ce qui, dans ce budget, me paraît le plus important, c’est la politique de la fonction publique. La mise en œuvre de la LOLF permet d’améliorer la lisibilité de l’emploi public, avec la comptabilisation de l’ensemble des dépenses de personnel, y compris les retraites. La LOLF a institué des plafonds d’emplois par ministère, calculés en équivalents temps plein. Là où nous ne connaissions que des emplois budgétaires sans signification économique, nous avons dorénavant une remarquable lisibilité. Ainsi, le plafond d’emplois de l’État s’établira à 2 351 146 équivalents temps plein en 2006.

En ce qui concerne la nomenclature elle-même, la préconisation du dernier rapport de la MILOLF n’a pas été suivie : le projet annuel de performances demandait en effet que les crédits de personnel de la DGAFP figurant dans le programme de coordination de l’action gouvernementale soient rapportés à celui de la fonction publique. Tel n’a pas été le cas. La commission des finances déplore cette erreur : la gestion des ressources humaines aurait dû être la première mission de la DGAFP.

Je voudrais également faire quelques remarques générales sur les effectifs de la fonction publique. D’après l’Observatoire de l’emploi public, la fonction publique comprend, en 2003, un total de 5,2 millions d’agents publics. Les effectifs des établissements publics sont ceux qui s’accroissent le plus : ils ont augmenté de 57 % depuis 1992 ; ceux des ministères de 6 % seulement. Nous avions déjà remarqué, dans le cadre de la MEC sur l’immobilier d’État, que les établissements publics sont devenus le réceptacle de missions dont les moyens échappent au contrôle parlementaire : effectifs, patrimoine immobilier et endettement. Certains transferts s’opèrent entre les administrations centrales et les opérateurs − au sens de la LOLF −, ce qui permet de les soustraire au contrôle parlementaire. Ces opérateurs utiliseront 233 943 équivalents temps plein en 2006. Il serait utile que le Gouvernement présente un récapitulatif des emplois de tous ces opérateurs dans un document annexé au projet de loi de finances.

En 2006, le plafond d’emplois de l’État sera réduit de 5 318 équivalents temps plein. Le mouvement est plus ou moins marqué selon les ministères : certains ont consenti des efforts importants − l’agriculture, l’équipement ou l’économie −, quand d’autres, qui doivent mettre en œuvre les priorités gouvernementales, en ont été dispensés. Cette diminution est la poursuite d’une tendance entamée au début de la législature mais qui, in fine, n’aura concerné que 18 000 emplois au total, ce qui est assez modeste.

Nous allons avoir, au cours des années à venir, l’occasion de réfléchir à la question des emplois publics. Nous devrons le faire en dépassant les clivages politiques, en nous affranchissant de tous les poncifs mille fois entendus et ressassés. Dans la prochaine décennie, quelque 76 000 personnes prendront leur retraite chaque année, soit 30 000 à 35 000 de plus que ces derniers temps. Ne devons-nous pas profiter de cette situation exceptionnelle pour repenser la politique de recrutement dans la fonction publique ? Ne devons-nous pas en finir avec la logique qui consiste à recruter un agent entrant pour un agent partant ?

Plusieurs raisons nous laissent penser que nous devons profiter de cette opportunité.

La première – et non des moindres à mes yeux – est le fait que le Premier ministre a demandé à chaque ministre de faire des propositions chiffrées de redéploiement des effectifs et de non-remplacement des départs à la retraite avant le 1er février 2006, pour les intégrer dans le budget pour 2007. Nous sommes tous invités à participer à cette réflexion et je la juge utile.

Deuxièmement, cela permettrait – si tant est que l’on adhère à la logique défendue par plusieurs orateurs, dont votre serviteur – de répondre indirectement à la question des rémunérations dans la fonction publique : les économies ainsi dégagées ne seraient pas seulement affectées au désendettement de l’État, mais elles pourraient également être utilisées à hauteur de 50 % à augmenter la rémunération des fonctionnaires.

La réduction des effectifs que j’appelle de mes vœux et que je propose dans mon rapport devrait, d’une part, être modulée en fonction des circonstances conjoncturelles et selon les ministères et, d’autre part, ne pas être appliquée de façon trop homogène. Il faut à cet égard distinguer les emplois de back office et de front office. Selon moi, les seconds, les emplois de contact direct avec l’usager, doivent être, non pas sanctuarisés, mais protégés. Les premiers, en revanche, doivent donner lieu à une réflexion permettant de déboucher sur des économies.

Le  front office est défini dans le rapport comme l’ensemble des activités d’une entité gouvernementale exercées en interaction avec le public. Il doit évidemment concerner tout ce qui est en contact avec celui-ci : contact physique pour des missions publiques, contact direct par courrier, contact téléphonique. Ce sont les interlocuteurs connus, et reconnus, de l’élève, du patient, de l’assuré social, du justiciable, du contribuable, c’est-à-dire de l’usager au sens large.

À l’opposé, le back office rassemble les fonctions administratives et logistiques venant en appui du service public. C’est l’ensemble des opérations internes de gestion courante d’une entité gouvernementale qui soutiennent les activités exercées en interaction avec le public.

Ces notions découlent de concepts couramment employés dans les domaines de la finance et du commerce électronique. Des opérations ont déjà été menées avec succès, par le présent gouvernement comme par le précédent, dans ce domaine. Ainsi, au ministère de l’économie, la nouvelle direction chargée de la collecte de l’impôt des grandes entreprises recueille, avec moins de 500 agents, un produit équivalent à celui collecté auprès des autres entreprises par la DGI et la comptabilité publique réunies. Cette expérience concluante peut être extrapolée à d’autres ministères. Cet exemple montre que cette question doit être envisagée avec une totale liberté de pensée, hors des carcans politiques.

Dans la droite ligne des requêtes formulées par le Premier ministre auprès des différents ministères à l’échéance du mois de février, et du programme d’audit lancé par l’État, une première vague de dix-sept contrôles est annoncée par le ministre du budget. Nous aurons l’occasion d’en reparler mais le rapport souligne quelques chiffres significatifs que je me permets de rappeler. Les dépenses de personnel de l’État pour 2006 s’établissent à 118,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3 % en un an. Elles représentent plus des deux tiers de la marge de progression des dépenses autorisées par la norme de stabilisation en volume, c’est-à-dire un peu moins de 5 milliards d’euros. Pour les seuls crédits de pensions, la progression s’établit à 2,1 milliards d’euros en 2006, pour atteindre presque 38 milliards d’euros.

Il n’y a donc pas là, je le répète, matière à un débat politiquement figé. Il faut simplement prendre en compte l’évolution de cette dépense qui atteint aujourd’hui à peu près 43 % du PIB et qui n’ira qu’en s’accroissant.

C’est le point central du rapport. Il repose sur la différenciation de ce qui relève du back et du front office.

Je ferai maintenant deux observations plus générales sur la politique de la fonction publique.

Dans la continuité de ce qui a été fait les années précédentes, est évoquée, dans le rapport, la question de l’instauration d’une rémunération liée à la performance. L’expérimentation menée avec six ministères volontaires et quarante-quatre directions d’administration centrale a donné lieu à une évaluation positive par la MIPES. Ce type de rémunération a vocation à être élargi à partir du 1er janvier 2006 aux directeurs de tous les ministères.

Par ailleurs, la mobilité des fonctionnaires est, à mes yeux, un des points fondamentaux de la réforme de la fonction publique. Le Premier ministre a demandé aux secrétaires généraux des ministères de proposer chaque année un nombre significatif de postes pour des fonctionnaires d’autres administrations. Je trouve l’idée excellente, tout comme je trouve excellent qu’après quinze ans, un bilan approfondi soit proposé à chaque fonctionnaire pour que puisse s’ouvrir à lui une deuxième carrière. En 2006 sera organisée une formation de reconversion pour 1 000 enseignants volontaires ayant plus de quinze ans d’activité. Il y a là une piste qu’il nous paraît d’autant plus facile d’exploiter que nous y avons travaillé les uns et les autres.

Je terminerai en évoquant la création, à l’article 32, du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Le Gouvernement a proposé que 400 millions d’euros de cessions soient réalisés en 2006 à partir d’une liste de cent immeubles domaniaux. Je me permets de rappeler que sur ma proposition et avec la co-signature du président de la commission des finances, l’Assemblée a adopté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, deux amendements visant à ajouter à ce premier objectif 79 millions d’euros correspondant à la vente de deux immeubles du ministère de la culture.

En tant que rapporteur de la MEC, je n’aurais pas trouvé totalement inopportun ni totalement déplacé au regard des conclusions du rapport sur l’immobilier rédigé par la mission que le montant du programme de cessions sur l’année 2006 ne se résume pas à la moitié de celui de l’année 2005. Un programme de l’ordre de 800 millions d’euros de cessions m’aurait, au contraire, paru un geste positif à l’égard de la commission des finances. Mais je ne vais pas trop m’appesantir sur le sujet.

Le compte d’affectation spéciale ne comporte qu’un seul objectif : « identifier et remédier aux cas de sous-occupation du patrimoine immobilier de l’État », mesuré par un seul indicateur : « le nombre d’immeubles dont la cession sera proposée ». Je propose que cet indicateur soit complété par la mesure du « coût moyen du poste de travail », égal au produit de la surface moyenne par agent multiplié par la somme du coût d’occupation et du coût de gestion. L’une des bonnes façons de savoir ce que coûtent les immeubles à l’État est de se servir de ce ratio, qui est utilisé dans le monde de l’entreprise.

Je ferai enfin quelques remarques au regard des conclusions de la MEC remises au mois de juillet dernier.

Premièrement, je me réjouis qu’il ait été décidé d’expérimenter les loyers budgétaires dans trois ministères : les affaires étrangères, l’économie et la justice. Je suggère néanmoins que ces loyers soient établis sur la valeur locative du marché et non sur la valeur forfaitaire figurant au TGPE, calculée à l’aide d’une formule mathématique dont je vous épargne la complexité. Je considère, en effet, que plus on fera simple et lisible, et plus les commissaires des finances, entre autres, seront en mesure d’apprécier le coût réel de l’immobilier de l’État et plus nous serons en adéquation avec la valeur réelle du marché.

Deuxièmement, la commission des finances est très attachée à ce que les préconisations qu’elle a présentées concernant le service des domaines soient prises en compte. Sans entrer dans le détail, faute de temps, je souligne que nous avions espéré que la direction des domaines soit érigée en un service à compétence nationale. Cela lui aurait permis de disposer d’une certaine autonomie. Le ministère semble s’orienter vers une répartition un peu différente puisqu’il souhaite rattacher les domaines à la comptabilité publique. Nous pourrions trouver une formule intermédiaire consistant, par exemple, à affecter les 500 agents des services centraux des domaines à la nouvelle agence « France Domaine » qui serait érigée en service à compétence nationale, tandis que les 800 autres agents des services déconcentrés des Domaines seraient rattachés à la comptabilité publique.

En attendant la mise en place du nouveau dispositif institutionnel, deux décisions devraient être prises immédiatement : en premier lieu, suspendre en 2006 pour l’État et ses établissements publics toute dépense d’investissement ou de restructuration en matière immobilière qui aurait pour effet d’accroître les surfaces ou de les restructurer sans audit préalable ; en second lieu, modifier avant le 31 décembre 2005 dans le code du domaine de l’État le régime de l’affectation des immeubles de l’État et des établissements publics, afin que la nouvelle entité « France Domaine » soit affectataire de ces biens, en lieu et place des différents ministères.

Telles sont, monsieur le ministre, les différentes remarques que je voulais faire. Je les synthétise en trois points.

Premièrement, je préconise, comme je l’ai fait en commission des finances, l’adoption de vos crédits parce qu’ils correspondent bien à l’évolution de l’état d’esprit des agents en individualisant les prestations.

Deuxièmement, en matière de politique de la fonction publique, nous devons poursuivre notre réflexion en matière de recrutement : elle doit se fonder sur la base incontournable des 76 000 départs à la retraite par an au cours des dix prochaines années et sur la distinction entre ce qui relève du « front office » et du « back office ».

Troisièmement, en ce qui concerne l’immobilier de l’État, je renouvelle le souhait que les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle soient prises en compte et, notamment, que la réforme du service des domaines ne soit pas un enjeu de concurrence entre les différentes directions de Bercy mais corresponde bien à un impératif de clarification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie et du Plan, pour les régimes sociaux et de retraite et pour les pensions.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial. Mon propos ne sera pas très enflammé car le message qu’il me revient de transmettre est, je n’irai pas jusqu’à dire triste, mais un peu terne.

La désignation d’un rapporteur spécial entièrement chargé de la double question des retraites des fonctionnaires et des régimes spéciaux est une des conséquences de la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Je vais donc vous présenter les crédits de deux missions.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » porte sur les crédits du budget général à destination de certains régimes spéciaux en grand déséquilibre démographique, voire en extinction.

La mission « Pensions » porte sur le compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des fonctionnaires civils et militaires et des ouvriers des établissements industriels de l’État ainsi qu’à d’autres allocations viagères.

La création de ces missions améliore la transparence budgétaire concernant le financement de certains régimes spéciaux ainsi que les retraites des fonctionnaires, dont le coût total pour l’État n’était pas mis en évidence auparavant.

S’agissant de dépenses qui résultent d’engagements passés, leur contenu est peu contestable politiquement – dès lors tout effet de manche de ma part serait assez inutile – et sans rapport avec la politique budgétaire du gouvernement actuel. Je retracerai donc simplement et brièvement le contenu des crédits de ces deux missions.

Les régimes sociaux et de retraite concernés par la première mission ont pour point commun, je l’ai dit, d’être des régimes en rapide déclin démographique, voire presque éteints pour certains. C’est pourquoi l’État, manifestant la solidarité nationale envers ces régimes, leur verse une subvention destinée à assurer leur équilibre financier.

Trois régimes sont visés : le premier concerne les transports terrestres, le deuxième les marins et le troisième les mines et la SEITA.

Pour les transports terrestres, la principale dépense réside dans la subvention versée à la SNCF. Cette dernière présente un déséquilibre démographique important, qui s’explique essentiellement par les fortes embauches de cheminots lors de la reconstruction du réseau ferré après la seconde guerre mondiale. Dans les prochaines années, la subvention d’équilibre devrait encore s’accroître. Toutefois, le rapport démographique du régime devrait s’améliorer au cours des trente années à venir, compte tenu de la diminution inéluctable du nombre des pensionnés.

Par ailleurs, dans le cadre de la décentralisation du Syndicat des transports d’Ile-de-France, le STIF, l’État a accepté de contribuer au financement des charges de retraite de la RATP.

Enfin, 90,5 millions d’euros sont destinés au congé de fin d’activité des transporteurs routiers, qui est accordé en contrepartie des embauches devant être réalisées pour remplacer les départs.

La subvention de l’État au régime spécial de sécurité sociale des marins s’élèvera à 684 millions d’euros en 2006. Il s’agit de la subvention d’équilibre de l’ENIM – Établissement national des invalides de la marine. Les crédits diminuent de 17 % par rapport à 2005 car les dépenses de prévoyance sont désormais prises en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, à laquelle l’ENIM va être adossée en 2006.

Le troisième programme de cette mission concerne les régimes des mines et de la SEITA, ainsi que divers autres régimes en extinction. Le régime minier, en raison de la quasi-disparition des actifs, est dépendant de ressources externes pour un montant proche de 90 %.

Un des objectifs de la LOLF a été d’introduire une mesure de la performance dans l’utilisation des dépenses. En raison du caractère inéluctable des dépenses que j’ai évoquées et recensées, on ne peut retenir un objectif de rentabilité. Les objectifs et indicateurs retenus concernent donc la maîtrise des coûts de gestion, le taux de recouvrement des cotisations et le service rendu aux usagers.

La deuxième mission concerne le compte d’affectation spéciale « Pensions ». La création d’un CAS consacré aux pensions est prévue par l’article 21 de la LOLF. Le but est de permettre le regroupement et la présentation synthétique de l’ensemble des crédits que l’État consacre aux pensions de ses fonctionnaires.

L’équilibre du régime doit être assuré par l’intermédiaire du seul taux de cotisation. Chaque programme doit supporter un coût représentatif des pensions futures des fonctionnaires qu’il emploie aujourd’hui. Les décisions de gestion du personnel devraient ainsi prendre en compte à la fois le coût actuel de ces personnes et le coût futur de leurs pensions, sur la base d’un taux de cotisation aussi réel que possible.

Les dépenses du compte s’élèveront à 45 milliards d’euros en 2006, dont 40,6 milliards sont prévus au titre des pensions civiles et militaires et allocations temporaires d’invalidité. Le compte d’affectation spéciale permet de révéler les sources de financement de ces pensions.

Au total, l’engagement hors bilan de l’État au titre des retraites futures de ses fonctionnaires pourrait avoisiner 900 milliards d’euros, soit 55 % du PIB, le montant variant selon les comportements individuels des agents et les taux d’actualisation utilisés.

Les dépenses affectées aux retraites des ouvriers des établissements industriels de l’État s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, pour 105 746 pensionnés.

Avant de conclure, je tiens à rappeler que l’article 49 de la LOLF fixe le 10 octobre comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. En raison probablement du caractère novateur de l’application de cette loi, les réponses au questionnaire ne nous étaient pas parvenues à temps. Le président de la commission des finances est donc intervenu, afin que des incidents de cette nature ne se reproduisent pas. Je ne fais ici que rappeler les propos déjà tenus par M. Brard.

En définitive, je ne peux que me féliciter de la mise en place du système préconisé par la LOLF, dont l’objectif est d’améliorer la transparence des régimes de retraite à la charge de l’État.

La commission des finances a adopté les crédits de ces deux missions. Je me fais son interprète en vous demandant d’émettre un vote favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la fonction publique.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Fonction publique ». Cela fait l’objet d’un rapport, auquel je vous renvoie.

Pour le préparer, je me suis entouré d’avis et d’informations. Le ministère de la fonction publique a répondu à mon questionnaire – sans respecter les conditions de délai imposées notamment par la LOLF – ainsi que l’Observatoire de l’emploi public, dont je veux saluer l’intérêt et les travaux. Il conviendrait d’ailleurs qu’il puisse étudier la problématique des salaires dans la fonction publique – je reviendrai à cette suggestion. Quant aux partenaires sociaux, ils m’ont permis, dans leur pluralisme, de bien comprendre les préoccupations des fonctionnaires.

À partir de tout cela, j’ai pu constater que le projet de loi de finances n’était porteur d’aucune action significative pour la fonction publique. Pourtant, les incertitudes et les nouveaux enjeux auxquels doivent faire face l’État et son administration devraient inciter à présenter mieux qu’une politique de l’immobilisme. Je veux croire, monsieur le ministre, que vous ne tomberez pas dans le travers où voudrait nous entraîner M. Tron, rapporteur spécial, selon lequel toute approche critique traduirait forcément une vision passéiste de la fonction publique.

Un véritable projet pour la fonction publique dans son ensemble est plus que jamais nécessaire. Une stratégie claire fait pourtant défaut face à la baisse prévisible du nombre des agents publics liée aux retraites. Il est par ailleurs urgent de s’attaquer à la question de l’attractivité de la fonction publique.

Les départs à la retraite vont se multiplier dans les prochaines années, sans que leur compensation en termes de recrutement soit garantie, d’où un risque d’amoindrissement de la qualité du service public. Néanmoins, le Gouvernement reste muet sur ses intentions en matière d’évolution à moyen terme des effectifs et semble se satisfaire d’une perspective de baisse des effectifs. Il se borne ainsi à annoncer – avec satisfaction – le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Depuis quatre ans, la réduction des effectifs est la principale préoccupation de la politique gouvernementale en matière de fonction publique : 1 089 suppressions d’emplois ont été programmées dans la loi de finances pour 2003 ; 4 561 en 2004 ; 6 850 en 2005 ; et 5 318 en 2006. Je désapprouve bien entendu un tel choix. Je n’en vois pas la justification dans les documents budgétaires qui nous ont été distribués. Ces restrictions ne sont donc inspirées que par la mise en œuvre d’une démarche purement comptable de la fonction publique.

La Cour des comptes a d’ailleurs relevé, dans son rapport préliminaire sur les résultats de l’exécution des lois de finances pour 2004, que les suppressions d’emplois dans les services de l’État ne s’accompagnaient d’aucun plan de réorganisation des services. Cette politique est inquiétante. Elle taille dans les administrations, sans que soit menée au préalable une évaluation des besoins auxquels le service public de demain devra répondre. Elle se caractérise par une absence totale de concertation, de lisibilité et de cohérence.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, d’organiser un débat parlementaire qui permettrait de définir l’avenir du service public.

J’en viens maintenant au volet financier et à la participation insuffisante de l’État à la nécessaire modernisation de la fonction publique.

Regrouper le programme « Fonction publique » et le programme « Coordination du travail gouvernemental » au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » dénote, selon moi, un manque d’ambition. Ces deux programmes sont sans rapport direct. D’ailleurs, la fonction publique aurait pu faire l’objet d’une mission, car il s’agit d’une politique à part entière et qui plus est sans lien véritable avec le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

En l’occurrence, le budget qui est soumis à la représentation nationale n’assure pas la cohérence de la formation des fonctionnaires de l’État avec les autres programmes budgétaires et politiques menés par l’État. Ainsi, à l’heure où des appels à la mobilité des agents sont régulièrement scandés, l’effort financier de l’ordre de 3 millions d’euros n’est pas à la hauteur des enjeux des actions de formation interministérielle. On ne connaît donc pas la stratégie gouvernementale et on ne sait pas quelles sont les ambitions du Gouvernement en la matière. Plus généralement, la stratégie ministérielle définie par ce programme budgétaire fait défaut.

Par ailleurs, la réforme de l’État étant confiée non plus au ministre de la fonction publique mais au ministre du budget, les crédits correspondants ont été rattachés aux crédits de ce ministère. Un tel regroupement témoigne bien de la volonté d’instrumentaliser la réforme de l’État à des fins purement budgétaires, comptables, au détriment de sa dimension transversale. Ces mesures ne s’inspirent pas d’une réforme planifiée et raisonnable ; elles lèsent ainsi l’ensemble des usagers.

En omettant de fixer de grandes orientations à la réforme de la fonction publique, c’est l’avenir même du service public que le Gouvernement hypothèque. Un véritable débat d’orientation sur le devenir de la fonction publique et de son statut est donc plus que jamais nécessaire. Confronté aux nouveaux besoins sociaux et aux transferts de personnels prévus dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le statut de la fonction publique doit en effet être adapté.

C’est pourquoi je regrette que la grande loi de modernisation de l’ensemble de la fonction publique, annoncée depuis plus de trois ans par les ministres successifs, se réduise à la seule fonction publique territoriale. Plus de vingt ans après sa création et alors que celle-ci fait l’objet de points d’accord, largement partagés par les différents acteurs, pour répondre aux besoins de formation et de mobilité des agents et aux attentes en termes de recrutement de leurs employeurs, le Gouvernement n’a pas prévu les dispositifs nécessaires permettant de favoriser la mobilité entre les fonctions publiques.

Pour la fonction publique d’État, la modernisation du système des corps devrait également constituer une priorité de l’action gouvernementale, tant leur diversité est préjudiciable à la mobilité et aux perspectives de carrière des agents. Cependant, en dépit du consensus sur la nécessité du regroupement des corps pour en réduire le nombre total, aucune piste concrète n’a encore été présentée.

Au lieu d’une réforme d’ensemble du statut de la fonction publique, la multiplication de dérogations contribue à le mettre à mal. En effet, avec l’instauration des parcours d’accès aux carrières de la territoriale, de l’hospitalière et de l’État ainsi que des contrats à durée indéterminée – véritable choix idéologique sous couvert de transposition du droit communautaire –, se profile le risque d’une fonction publique à deux vitesses. Le Gouvernement s’engage dans un retour en arrière vers le système de l’emploi, au détriment du système de carrière choisi en 1946 pour l’État et la fonction publique hospitalière, et étendu en 1984 à la territoriale.

Par ailleurs, l’attractivité de la fonction publique devrait être le chantier prioritaire de tout ministre de la fonction publique. Or tel n’est pas le cas ; à ce jour, le Gouvernement s’est montré incapable de mener une politique salariale globale. La timidité des revalorisations du point d’indice depuis quelques années a entraîné une dégradation du pouvoir d’achat des fonctionnaires.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Depuis quand déjà ?

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Depuis plusieurs années.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Et plus précisément ?

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Eh bien, je pense que, depuis trois ans et demi ou quatre ans, la situation s’est encore aggravée.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Et les « années blanches » de 1998 à 2001, vous les avez oubliées ?...

Mme la présidente. Monsieur Tron, laissez parler M. Derosier !

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Je vous remercie, madame la présidente, mais ne me gêne pas que M. Tron réagisse ainsi. Cela montre qu’il se sent mouché par le fait que depuis trois ans et demi le Gouvernement laisse la politique salariale des fonctionnaires en jachère.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Décidément, vous êtes amnésique ! L’an dernier, il ne s’est rien passé peut-être ? Et cette année, en juillet, il n’y a pas eu d’augmentation sans doute ?

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Même comme cela, depuis trois ans et demi, le Gouvernement que vous soutenez n’a pas fait avancer la politique salariale. Et ce n’est pas parce que, avant l’arrivée de ce gouvernement des erreurs ont été faites, qu’il faut les poursuivre.

Aucune négociation syndicale sérieuse avec les syndicats de fonctionnaires n’a été engagée afin d’envisager un rattrapage. Les discussions salariales qui devaient s’ouvrir en novembre sont finalement reportées en décembre, alors que le budget sera déjà bouclé. Quelle sera alors la marge de manœuvre du Gouvernement pour satisfaire une légitime revendication de rattrapage et de revalorisation ?

Les pistes proposées par le Gouvernement pour améliorer le niveau de vie des fonctionnaires sont choquantes ou n’apparaissent pas satisfaisantes. Le 27 octobre dernier, le Premier ministre conditionnait la hausse du pouvoir d’achat des fonctionnaires à l’augmentation de la durée du temps de travail avec le déplafonnement des heures supplémentaires et l’élargissement du rachat des jours de RTT. Est-ce, monsieur le ministre, la position définitive du Gouvernement ?

Le ministre de la fonction publique, quant à lui, tente de promouvoir une approche « plus globale » en relativisant l’importance du traitement et en mettant l’accent sur les prestations sociales dont bénéficient les agents. Cependant, le développement des prestations sociales ne saurait se substituer à la revalorisation régulière des rémunérations, car ces prestations ne sont réservées qu’à certaines catégories de bénéficiaires. D’autre part, l’augmentation de 6,5 millions d’euros cette année des crédits de l’action sociale interministérielle – après une baisse importante de 12,4 millions d’euros en 2005 – ne représente finalement que 2,50 euros de plus par an et par agent. Il est donc abusif, monsieur le ministre, de prétendre que l’action sociale compense les carences en matière de revalorisations salariales.

Aucune politique salariale ne pourra aboutir dans un tel climat de défiance à l’égard des fonctionnaires. Il est d’ailleurs fort dommage que nous ne disposions pas de statistiques consensuelles sur les rémunérations des fonctionnaires. L’Observatoire de l’emploi public pourrait voir ses compétences élargies dans ce sens.

La mise en application de la loi organique relative aux lois de finances était l’occasion pour le Gouvernement de présenter à l’Assemblée nationale des propositions pour la fonction publique dignes des enjeux et des besoins des agents de l’État, des services hospitaliers et des collectivités territoriales. Le Gouvernement a raté cette occasion : il a manqué de considération pour ceux qui prennent quotidiennement en charge le service public, comme il a manqué d’ambition pour leur statut.

En conclusion, parce que le Gouvernement ne présente aucune stratégie cohérente en matière de fonction publique, parce qu’il n’a pas su saisir l’occasion d’une refonte du budget de l’État en prenant réellement en compte l’action des agents de l’État, parce que les crédits alloués à la fonction publique ne correspondent pas aux besoins et aux attentes salariales des fonctionnaires, j’ai proposé à la commission des lois de ne pas adopter vos propositions. Elle ne m’a pas suivi, je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, premier orateur inscrit, pour quinze minutes.

M. Patrick Braouezec. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, si le budget de 2005 donnait la priorité à la réduction des déficits, il fallait aussi entendre réduction des effectifs. Celui de 2006 s’engage sur la même voie en poursuivant, évidemment, la privatisation de tout ou partie de certains services publics, qu’il s’agisse du démantèlement de la Poste avec la création au 1er janvier 2006 de la « Banque postale » ou de la SNCF qui connaît le même sort avec l’éclatement de l’entreprise et la privatisation de certaines activités comme le fret. Les hôpitaux publics sont mis en concurrence avec les cliniques privées financées par les fonds publics et sont de plus en plus gérés comme des entreprises commerciales.

Les missions de service public sont affaiblies par le manque de moyens et de personnel dans tous les ministères : éducation nationale, finances, travail, culture etc. La liste des privatisations continue avec les autoroutes, EDF, la SNCM, et avec, en perspective, celle des aéroports de Paris, s’accompagnant des conséquences que l’on sait pour les usagers. Rappelons, à propos des autoroutes, que dès 2003, la cour des comptes signalait que le tarif moyen de la société privée Cofiroute était de 37 % plus élevé que celui des concessionnaires d’économie mixte. Et tout cela au nom de la « modernisation des services publics » et du postulat défendu par le Premier ministre que les services publics ne doivent plus être des structures particulières mais « des missions ». Ce Gouvernement affiche une certaine cohérence en utilisant à l’envi le concept de mission.

La réforme budgétaire elle-même, en ce qui concerne le budget général, répartit les crédits entre trente-quatre missions, ce qui au passage assure aux ministres beaucoup plus de souplesse puisque la répartition des dépenses entre les programmes peut être modifiée au sein d’une même mission. Dès lors, certaines missions du service public seront confiées au secteur privé.

Vous justifiez ces privatisations à tour de bras au nom de la résorption des déficits publics – déficits de l’État, de la protection sociale et des administrations locales – et de la dette, qui ne cessent pourtant d’augmenter. Ne soyons pas dupes, la privatisation des services publics fait monter les tarifs, supprime la péréquation, la solidarité et la couverture – sociale et territoriale – des besoins, dégrade la maintenance et réduit l’investissement. Plus grave encore, la privatisation fait obstacle aux politiques structurelles qui seraient nécessaires pour faire face aux menaces pesant sur l’environnement, notamment dans les secteurs clés de l’énergie et des transports.

Nous avons du souci à nous faire car, pour les citoyens résidant en zone rurale comme dans certains quartiers de nos villes, pour ne parler que d’eux, les privatisations se traduiront par d’autres fermetures de bureaux de poste, d’agences France Télécom, GDF ou EDF, et par davantage encore de fermetures de classes. La promesse que certaines antennes – appelées guichets itinérants – seront ouvertes une fois par semaine jusqu’à vingt heures et le samedi matin dans certaines grandes villes ne suffit pas à nous rassurer, d’autant qu’il n’est prévu aucune création de poste dans ces secteurs, tout au plus davantage de flexibilité et de mobilité d’un ministère à l’autre.

Ainsi, le Premier ministre offre à ceux qui le souhaitent la possibilité de « travailler plus pour gagner plus», propos déjà entendu du temps de M. Raffarin. Il propose aussi le déplafonnement du nombre d’heures supplémentaires autorisées là «où il est le plus réclamé, en particulier pour les infirmières à l’hôpital». Ce contingent est actuellement fixé à 180 heures par an et doit être abaissé à 120 heures au 1er janvier prochain. En théorie, il est interdit de travailler davantage. En pratique, ces heures sont parfois effectuées, mais non payées. Le Premier ministre envisage également, toujours pour que le salarié gagne plus, d’ « élargir le principe du rachat des jours de RTT pour ceux qui le souhaitent ». Le système existe dans la police. Plus de 70 % des 1,7 million d’agents de l’État – hors enseignants – travaillent au moins 38 heures par semaine ou au forfait, ce qui leur donne droit à des journées de RTT.

Toujours dans la liste des innovations sociales, on trouve le point carrière tous les cinq ans et le bilan approfondi tous les quinze ans. Il est par ailleurs demandé à tous les ministères de fournir « des propositions chiffrées de redéploiement des effectifs et de non-remplacement des départs en retraite » pour qu’elles puissent être intégrées dans le budget 2007, 50 % des économies salariales ainsi réalisées devant être redistribués aux fonctionnaires en poste, sous forme d’intéressement, d’amélioration des carrières ou de primes de résultat. Il est curieux que les syndicats de fonctionnaires n’aient pas été informés des propos du Premier ministre alors qu’ils sont, depuis la rentrée, en pourparlers avec le ministre de la fonction publique ; celui-ci leur a même remis un document comprenant trois volets – social, statutaire et salarial – qui doit servir de base de discussion et permettre l’élaboration d’un calendrier des négociations. Visiblement, le dialogue social est en crise et, en tout état de cause, il n’est pas dans les habitudes du Premier ministre.

Et la situation ne risque pas de s’améliorer en affirmant aux fonctionnaires qu’ils sont trop nombreux et ne travaillent pas assez. Le Gouvernement persiste à aborder la réforme de la fonction publique sous l’angle des effectifs plutôt que sous celui des besoins et de la redéfinition des missions de l’État. Abordant la question de la réforme de la fonction publique par le même biais que le Gouvernement, les députés UMP se préparent à faire des coupes supplémentaires dans les emplois en utilisant la LOLF et son principe de fongibilité asymétrique qui permet de transformer des crédits pour les salaires en crédits de fonctionnement, et non l’inverse.

Ainsi, le projet de budget pour 2006 annonce 5 000 suppressions d’emplois dans la fonction publique, qui s’ajoutent à celles effectuées les années précédentes. Une fois encore, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux est devenu une règle sacro-sainte, érigée en modèle de politique si arbitraire et si systématique qu’il en devient dogmatique.

Pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement va diminuer le nombre des fonctionnaires, notamment au ministère de l’éducation : 2 500 postes non remplacés. Seuls la défense, l’intérieur et la justice verront leurs effectifs augmenter. Ainsi, à l’éducation nationale, pour pallier les suppressions d’emplois sont apparus les emplois de vie scolaire, qui ne sont ni plus ni moins que l’équivalent des contrats nouvelles embauches. Ainsi, au sein de la fonction publique, la précarité gagne du terrain. En témoigne la mise en place du projet du Premier ministre de créer 100 000 pactes juniors à raison de 20 000 par an – les jeunes pourront remplacer des titulaires, mais en étant payés entre 55 et 70 % du SMIC. La précarisation des agents de l’État continue donc à s’installer. Pas plus que nous ne voulons de la précarité dans le privé, nous ne l’accepterons dans la fonction publique.

De plus, la décision de réduire les dépenses de 500 millions d’euros, obtenue par les membres UMP de la commission des finances, confirme la volonté de la majorité d’accélérer le désengagement de l’État des entreprises publiques par des suppressions d’emplois et par la suppression de certaines missions. Ces coupes sont là pour renforcer l’idée que la France vit au-dessus de ses moyens, mais la seule option imaginée est de tailler dans les dépenses publiques, sous prétexte de les réduire structurellement afin de les maîtriser.

Depuis trois ans, le Gouvernement prône la politique du « zéro volume ». Pourtant, la pénurie se fait déjà sentir dans certaines professions : infirmières, aides-soignantes, travailleurs sociaux, assistantes maternelles…

Il est un autre sujet d’inquiétude : la situation de la plupart des agents de la fonction publique en termes de rémunération et de reconnaissance professionnelle traduit une absence totale de considération pour ces personnels. Cela se traduit par un gel des salaires puisque le point d’indice sur lequel est calculé le salaire des fonctionnaires n’a augmenté que de 0,5 % en février et de 0,5 % depuis le 1er novembre.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. De 0,8 % en novembre, et vous oubliez juillet.

M. Patrick Braouezec. Dans son dernier rapport, l’INSEE précise que le salaire net des fonctionnaires de l’État a baissé de 0,5 % depuis 2003, alors que l’inflation prévisionnelle de 2005 avoisine les 3,5 %. Tous les syndicats de la fonction publique s’entendent aujourd’hui pour estimer à plus de 5 % la perte de pouvoir d’achat depuis janvier 2000. Le Gouvernement estime le contraire puisqu’il établit une moyenne à partir des primes et des avancements personnels de certains. À ce propos, il serait temps d’accéder aux demandes des syndicats, qui réclament une vraie lisibilité des primes et des mesures catégorielles, pour que l’ensemble des fonctionnaires puissent bénéficier équitablement de ces avantages. Ces primes, précisons-le, sont inégalitaires et créent entre les collectivités locales des concurrences qui n’ont pas lieu d’être.

Une autre forme d’inégalité est à pointer du doigt, celle du manque de diversité au sein de la fonction publique. Contrairement au secteur privé, le recrutement par concours dans la fonction publique devrait garantir une certaine égalité des chances. Pourtant, le dernier Portrait social de la France, 2005-2006 publié par l’INSEE, montre combien cette " garantie " est biaisée par différents facteurs extérieurs, avec pour résultat final peu de femmes aux postes de direction, très peu d’enfants d’immigrés et peu de personnes handicapées. « Toutes les classes sociales recrutent en priorité leurs propres enfants », mais cette tendance est particulièrement forte dans l’administration où 41 % des enfants de fonctionnaires le deviennent eux-mêmes.

Ce n’est pas en laissant les députés déterminer les coupes budgétaires, parce que le Gouvernement voudrait faire croire, selon son habitude, qu’il n’est en rien responsable, que les inégalités dénoncées ou les dysfonctionnements diminueront ou se résoudront.

Monsieur le ministre, vos propos sur le temps de travail des fonctionnaires qu’il serait envisageable d’allonger, vos projets de réforme des corps et des statuts et votre absence totale de dialogue social ne peuvent que mettre les personnels de la fonction publique dans la rue, comme ils l’ont fait samedi dernier et comme d’autres, ceux de la SNCF, le referont dès demain.

Les missions, les conditions de travail et les rémunérations des personnels de la fonction publique ne sont pas des variables d’ajustement d’un budget. Ces personnels souhaitent que l’État, leur employeur, apporte des réponses de fond à leurs nombreuses interrogations.

Il semble bien, tant le Gouvernement est sourd aux bruits qui montent des quartiers ou de la rue, que nous vivons dans des mondes séparés. Pourtant, le référendum du 29 mai dernier aurait dû faire réfléchir le Gouvernement. Au-delà de ce que certains veulent faire croire, il a montré que la majorité des citoyens français sont attachés au bien commun ainsi qu’aux droits sociaux, et que la plupart sont convaincus que des services de qualité, accessibles à toutes et tous, ne peuvent relever des seules logiques de profit qui animent ce Gouvernement libéral, main dans la main avec le privé. Les services publics méritent d’être défendus, même s’ils vont mal, même si le monde change, parce qu’ils restent un outil de solidarité. Ils constituent une forme d’intervention publique dont le but est de réduire les inégalités. Ils représentent un frein à la dislocation sociale, à la précarisation et à la misère des quartiers. Mais ils méritent surtout d’être défendus parce qu’ils appartiennent à l’ensemble des citoyens de ce pays. C’est important de le rappeler à un moment où le privé va jusqu’à s’approprier le « vivant », je pense à l’eau ou aux OGM.

Or c’est tout le contraire que ce gouvernement démontre depuis quelques années. Pour lui, les services de la fonction publique sont incompatibles avec le projet libéral, conforté au niveau international par l’accord général sur le commerce et les services, et au niveau européen par la fameuse directive Bolkestein qui refait surface, alors qu’il avait été annoncé qu’elle serait abandonnée. Le maître mot de notre société est le profit. Tout doit être mis en concurrence et rapporter.

Pour se délester de ses entreprises publiques et de ses services publics, le Gouvernement se masque derrière les chiffres, taillant sans scrupule dans le nombre de postes pour obliger à des restructurations. Il touche à toute la cohésion du territoire et l’accès de tous aux services publics est menacé. De fait, le Gouvernement renonce aux prérogatives et au rôle de l’État. Où sont, dès lors, la cohésion et la solidarité nationales ?

Si les Français apprécient largement l’apport des services publics, ils n’en demandent pas moins l’indispensable évolution. Des inégalités se sont creusées. Les disparités sociales et géographiques demeurent. Les besoins évoluent très vite. Ainsi, le fait que 85 % de la population vit dans les agglomérations urbaines nécessite un vaste redéploiement des services publics. Des transformations sont indispensables pour que l’intervention publique soit redimensionnée et revalorisée. Celle-ci doit permettre de mettre en œuvre et de promouvoir les droits fondamentaux, qui se réduisent partout où les services publics reculent. Or votre projet de budget ne va pas dans ce sens, et l’on voit se profiler le recul des droits fondamentaux.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste ne peut que sanctionner la politique du Gouvernement en matière de fonction publique et s’opposer à ce budget.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Alain Benisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite au préalable saluer la mise en œuvre de la LOLF, qui clarifie et améliore sensiblement la qualité des informations sur les crédits que nous sommes appelés à voter. Les dépenses de la fonction publique, les rémunérations des agents sont désormais clairement identifiées dans différentes missions, ce qui est tout à fait satisfaisant, surtout pour ceux qui côtoient de près ou de loin la fonction publique.

Après trois années blanches en matière d’augmentation des rémunérations de la fonction publique, les fonctionnaires – je l’indique à l’intention de Patrick Braouezec – ont bénéficié d’une augmentation de 1 % en 2004 et de 1, 8 % en 2005. De plus, le projet de budget consacre 570 millions d’euros à des mesures catégorielles et 35 millions d’euros à des mesures sociales. Voilà ce que l’on appelle un débat de fond, aurais-je pu dire également à Patrick Braouezec, s’il était encore là.

Les mesures qui nous sont proposées dans ce budget, en plus d’être satisfaisantes, présentent donc une nouvelle fois des avancées notables en matière de « croissance sociale ». Elles s’inscrivent dans le prolongement des budgets des précédentes lois de finances, en cohérence avec les réformes engagées par Jean-Pierre Raffarin et la réforme de la fonction publique que le gouvernement de Dominique de Villepin prépare.

Nous nous félicitons que l’ensemble des crédits soient stabilisés par rapport à la loi de finances pour 2005 et que les crédits relatifs à l’action sociale interministérielle augmentent de 10 %. En effet, cette hausse s’inscrit dans la logique gouvernementale, initiée il y a trois ans, visant à moderniser les trois fonctions publiques dans leurs missions de service public, mais également dans leur fonctionnement interne : évolutions de carrières des agents, formations, environnement professionnel.

Le Gouvernement met d’ailleurs l’accent sur les crédits de financement des prestations en en créant de nouvelles et en améliorant certaines : je veux parler notamment des aides individuelles à l’installation, de l’aide ménagère à domicile, des chèques-vacances, des prestations collectives en matière de logement et de restauration, du chèque emploi service universel ou encore du dispositif de garantie des paiements de loyer de type LOCA-PASS. Il s’agit là de réelles innovations qui alignent désormais le secteur public sur les prestations déjà offertes aux salariés du secteur privé. Eh oui, messieurs de l’opposition, c’est un gouvernement de droite qui est à l’origine de ces propositions !

II faut également saluer le choix du Gouvernement de faire un effort notable en matière de crédits de formation, initiale et continue, et d’avoir créé un droit individuel à la formation.

Le budget qui nous est proposé est ambitieux et permet, de surcroît, par sa nouvelle présentation en missions et programmes, de mieux évaluer et de mieux contrôler les objectifs de performances d’année en année, contrairement à l’avis émis par Bernard Derosier. II est d’ailleurs regrettable que ce dernier ait amalgamé, dans son rapport et lors de l’audition du ministre, les crédits présentés dans la LOLF et les mesures en cours de préparation dans le cadre du futur projet de loi de réforme de la fonction publique.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. De quoi parlez-vous ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Georges Tron, rapporteur spécial, a insisté sur la « nécessité absolue de réduire le nombre de fonctionnaires pour trouver des marges de manœuvre budgétaires dans les années à venir et de ne pas renouveler un poste sur deux ». Pour autant, la réduction des effectifs n’est pas au « cœur de la politique gouvernementale en matière de fonction publique », comme l’affirme encore Bernard Derosier.

M. Jean-Pierre Dufau. Non, elle en est le cœur !

M. Jacques-Alain Bénisti. Certes, les départs massifs en retraite que nous allons connaître ces prochaines années sont une opportunité qu’il nous faut saisir.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Pour quoi faire ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais il s’agit avant tout de mettre en place une politique d’ensemble qui, d’une part, prenne mieux en compte la gestion des ressources humaines et les besoins réels des administrations et des collectivités et, d’autre part, lève les freins qui aujourd’hui grippent le fonctionnement de nos trois fonctions publiques.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Privatisons, privatisons !

M. Jacques-Alain Bénisti. On ne peut pas échapper non plus à une réflexion sur le redéploiement des fonctionnaires vers les ministères et les directions déconcentrées dans les domaines de la sécurité, de la justice, de la prévention, de l’accompagnement social et, bien sûr, de l’emploi. Ce n’est qu’alors que nous pourrons mesurer plus précisément le nombre de postes de fonctionnaires à ne pas renouveler.

M. Jean-Pierre Dufau. On supprime d’abord, on mesure ensuite !

M. Jacques-Alain Bénisti. Permettez-moi également de rappeler au rapporteur pour avis, qui s’étonne dans la presse de l’augmentation de 4 % des emplois publics dans la fonction publique territoriale, que les missions des collectivités territoriales ont été profondément transformées et accrues par les lois de décentralisation et le développement de l’intercommunalité. Il s’agit donc là d’une augmentation tout à fait logique et raisonnable, qui n’a rien à voir avec cet objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Je croyais que l’État compenserait tous les transferts de charges.

M. Jacques-Alain Bénisti. Si les dépenses augmentent, les recettes aussi, et le Gouvernement s’est d’ailleurs engagé à retranscrire à l’euro près les transferts budgétaires.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Tiens, Copé est passé par là !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous ne pouvions rester indifférents à l’évolution des missions et de l’organisation des collectivités au regard de l’acte II de la décentralisation, du développement de l’intercommunalité et des impératifs conjoncturels qui pèsent sur l’emploi public : départs massifs d’agents à la retraite, rareté de certains profils professionnels, transfert de certains personnels.

J’en viens à plusieurs points que vous avez abordés, monsieur le ministre, lors de votre audition au sujet du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, texte qui suscite beaucoup d’attentes.

Comme vous le savez, les acteurs de la fonction publique territoriale ont, dans leur ensemble, beaucoup travaillé depuis trois ans à l’élaboration d’un projet novateur de modernisation. Nous vous avons d’ailleurs présenté, à plusieurs reprises, des propositions concrètes et consensuelles de réformes, sollicitées non seulement par les fonctionnaires, mais aussi par leurs syndicats représentatifs, les collectivités locales, les associations d’élus et l’ensemble des institutions qui régissent la fonction publique. De nombreux rapports ont également nourri les réflexions et mis en lumière l’urgente nécessité d’une réforme. Des centaines de réunions, concertations et consultations de l’ensemble des acteurs ont été organisées par les différents ministres successifs et les conseillers de ces derniers.

Aujourd’hui, nous ne pouvons que féliciter Christian Jacob, ministre de la fonction publique, et Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, de s’être emparés de cette réforme et de leur volonté de concrétiser un projet qui traînait depuis sept ans. Les agents, quant à eux, attendent cette évolution depuis 1984, c’est-à-dire depuis plus de vingt ans.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Soyez sérieux ! En 1984, la loi sur la fonction publique territoriale venait juste d’être promulguée !

M. Jacques-Alain Bénisti. La dernière version du projet de loi, soumise à l’ensemble des différents acteurs, semble recueillir un avis globalement favorable. J’ai moi-même accueilli favorablement l’esprit général du texte, qui répond en grande partie aux attentes de modernisation rapide et efficace de la fonction publique territoriale. Il est d’ailleurs mentionné que les questions d’ordre réglementaire, concernant notamment la gestion de l’action sociale, les quotas et les seuils, seront jumelées à cette loi.

C’est pourquoi, il me semble incongru que M. Derosier consacre une partie entière de son rapport à la « réforme rampante de la fonction publique » et écrive que les réformes annoncées par le Gouvernement tardent à se concrétiser, alors même que le Conseil supérieur de la fonction publique, qu’il préside, approuve le projet de réforme de la fonction publique territoriale aux deux tiers des voix, dont celles des représentants syndicaux, et que lui-même salue « les avancées attendues de ce projet de loi, qui ne comporte pas de recul pour les agents ».

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. J’apprécie que vous me lisiez, mais le débat n’est pas entre vous et moi, il est entre vous et le Gouvernement !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous ne pouvez pas, monsieur le rapporteur, avoir un point de vue positif le mercredi et négatif le lundi suivant. Même s’il y a encore quelques améliorations à lui apporter, ce projet présente le double avantage de définir un vrai cadre général et d’être doté d’une architecture qui permet de répondre concrètement à l’exigence de qualité que le service public local se doit de proposer.

Ce texte mettra fin à l’imbroglio des tâches de chacune des institutions ainsi qu’à l’illisibilité et à la confusion qui règnent en matière de formation, d’emplois et de gestion des carrières. Il marque d’abord une volonté d’aboutir à plus de lisibilité dans la répartition des compétences entre centres de gestion, CNFPT et collectivités non affiliées. Il induit la nécessité d’aller vers plus d’unité entre collectivités affiliées aux centres et grandes collectivités. Dès lors, même si certains ajustements restent encore à trouver, les fondations d’une nouvelle ère de la fonction publique territoriale paraissent enfin posées.

Je crois sincèrement, comme l’a très justement dit le ministre lors de son audition devant la commission des lois, que « la fonction publique essuie des critiques qui ne sont pas justifiées ». Grâce à cette réforme ambitieuse et au présent budget revu selon la LOLF, nous redynamiserons ensemble l’image de la fonction publique.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à soutenir l’action gouvernementale et à voter ce budget qui permettra au ministère de la fonction publique d’être en possession de moyens à la hauteur de ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour dix minutes.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la fonction publique que nous examinons, dans le cadre de la LOLF, sous l’intitulé « Direction de l’action du Gouvernement », s’élèvent à 138,4 millions d’euros en crédits de paiement et concernent deux actions : la formation des fonctionnaires pour 70,6 millions et l’action sociale interministérielle pour 67,8 millions. Ces chiffres sont cependant à relativiser, l’ensemble des dépenses de la fonction publique représentant 45 % du budget général de l’État.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, votre budget est sensible et il est révélateur de la politique de l’État envers ses fonctionnaires.

Avant d’entrer plus en détail dans le budget, je dirai, pour résumer mon sentiment général, que ce budget est caractérisé par de modiques changements et par une pesante continuité. Je m’explique : quelques aménagements de façade sur la forme, une continuité implacable de la politique libérale sur le fond.

Tout d’abord votre budget, au gré des modifications de structures, ne prend plus en compte la « réforme de l’État et prospective » et se limite à la seule fonction publique. J’imagine, monsieur le ministre, que cet arbitrage ne vous a pas ravi. C’est désormais le ministre du budget qui s’occupe de la réforme de l’État. Cela est révélateur : la réforme de l’État sera comptable et financière. Quelle ambition pour la fonction publique !

Vous avez cependant eu soin de préciser en commission des lois que vous coprésiderez, avec votre collègue du budget et de la réforme de l’État, la commission de modernisation de l’État. Une réunion devait avoir lieu en novembre. Nous sommes déjà le 21 : quand se tiendra-t-elle ?

L’autre aménagement de façade que je voulais évoquer est le changement de ton. Homme de terrain, vous adoptez un ton plus convivial, un comportement plus matois que votre prédécesseur. Vous avez ainsi affirmé à propos des fonctionnaires que les « réductions d’effectifs ne sont pas un objectif en soi ». Quelle générosité ! Malheureusement, le 27 octobre dernier, le Premier ministre a précisé dans sa conférence de presse sur les services publics : « À chaque ministre de faire des propositions chiffrées de redéploiement des effectifs et de non-remplacement des départs en retraite avant le 1er février 2006. » Alors, qui croire ? Vous, monsieur le ministre, ou M. le Premier ministre.

Sur le fond, c’est la même politique libérale qui se poursuit.

Les crédits consacrés à la formation des fonctionnaires sont en diminution d’environ 2 % par rapport à 2005, alors que vous affirmez souhaiter une fonction publique plus moderne, plus performante, plus réactive. Affectés principalement au fonctionnement de l’ENA et des IRA, ils accompagnent la réduction constante du nombre de places aux concours. Et cette situation est aggravée par une augmentation des départs en retraite. Nous suivrons cependant avec intérêt les évolutions que vous annoncez à propos des IRA.

Les crédits relatifs à la formation interministérielle sont maintenus au niveau de l’année dernière, avec 3 millions d’euros. L’effort financier n’apparaît pas à la hauteur des enjeux, à l’heure où vous appelez régulièrement à la mobilité des agents dans le cadre de la réforme de l’État. Le renforcement des actions de formation interministérielle, non déconcentrée ou déconcentrée en préfecture, est indispensable. Certes, les crédits consacrés à l’action sociale interministérielle augmentent de 10,5 % mais, comme ils avaient diminué de 10,8 % en 2005 avec la suppression de l’aide à l’amélioration de l’habitat des retraités et la forte réduction des aides ménagères à domicile pour les retraités – quel manque de considération pour nos anciens ! –, le compte n’y est pas.

Cette année, conscient de vos excès, vous rectifiez un peu le tir en matière d’aide aux familles, notamment avec les chèques vacances. Mais le compte n’y est toujours pas.

En commission, vous avez rappelé que les crédits liés au handicap ne figuraient plus dans les dotations de votre ministère. Le fonds interministériel commun aux trois fonctions publiques, mis en place en 2005, et celui délégué aux différents ministères n’ont pas permis d’atteindre, loin s’en faut, les 6 % de personnes handicapées dans la fonction publique. La loi de 1987 n’est donc pas appliquée. Nous attendons des progrès sensibles sur ce point. Il faut être exemplaire et soumettre les fonctions publiques, d’État, territoriale et hospitalière, aux mêmes devoirs que le secteur privé. La solidarité et l’insertion des personnes handicapées sont indispensables. La loi l’impose, la morale le commande.

Mais c’est surtout votre politique libérale que nous combattons, celle des nouvelles suppressions d’emplois, celle de la perte du pouvoir d’achat des actifs et retraités, celle du démantèlement rampant du statut.

Monsieur le ministre, vous prétendez que la diminution du nombre de fonctionnaires n’est pas un objectif en soi. Comment pouvez-vous justifier la suppression de près de 20 000 équivalents temps plein en trois ans, même si, compte tenu des créations pour les ministères de la recherche, de l’intérieur, de la justice et de la défense, le solde négatif sera d’un peu plus de 5 000 emplois ?

Depuis quelques années, la perte du pouvoir d’achat est manifeste : 0,5 % en 2003, 1,6 % en 2004, plus de 1 % en 2005. De combien sera-t-elle en 2006 ? Aucune négociation salariale sérieuse n’a été engagée avec les syndicats de la fonction publique pour opérer un rattrapage du pouvoir d’achat. Alors que les fonctionnaires attachés à leur statut réclament une augmentation de la valeur du point d’indice, le Gouvernement leur répond réduction des effectifs, rachat des jours de RTT, déplafonnement des heures supplémentaires, rémunération au mérite, augmentation de la durée du travail.

À ce propos, je tiens à ouvrir une parenthèse pour rectifier les propos qui m’ont été prêtés en commission – peut-être me suis-je mal exprimé ou ai-je été mal compris. Dans ma commune de Capbreton, les employés des services techniques terminaient leur travail, hors saison, le vendredi à 14 heures. Les organisations syndicales m’ont proposé, non pas d’allonger la durée du travail comme cela est retranscrit, mais d’assurer une présence du service public le vendredi après-midi.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il faudra nous expliquer comment vous faites !

M. Jean-Pierre Dufau. C’est simple : il suffit que tout le monde ne soit pas présent en même temps tous les jours de la semaine !

M. Jacques-Alain Bénisti. Quelle bonne organisation !

M. Jean-Pierre Dufau. Je vous donnerai le mode d’emploi. (Sourires.)

J’en reviens à votre politique, monsieur le ministre. Je note le mécontentement des actifs en termes de pouvoir d’achat, mais aussi celui des retraités.

Au-delà du problème, récurrent depuis le vote de la réforme Fillon, du pouvoir d’achat des retraités de la fonction publique et de la revalorisation des retraites, et alors que la fonction publique d’État va devoir faire face, d’ici à 2012, à plusieurs vagues de départs en retraite, lesquels pourront atteindre, dans certains corps, jusqu’à 40 % des effectifs, il est urgent d’analyser le sentiment d’une distorsion de plus en plus grande entre la société française contemporaine et notre administration. Ce sentiment se traduit par les appels incessants à la diversité de et dans la fonction publique.

Que signifie ce mot d’ordre pour des retraités qui nourrissent un sentiment d’injustice vis-à-vis de leur ancien employeur et de la société en général ? Les retraités ne demandent-ils pas seulement que nos services publics continuent de traduire un système de valeurs fort auquel ils ont consacré leur vie professionnelle ? Autrement dit, les retraités ne sont pas de sempiternels demandeurs du renforcement des allocations ou des pensions. Ils sont aussi des spectateurs avertis des bouleversements infligés à l’administration – j’allais dire à leur administration – et s’inquiètent légitimement de leur avenir, alors que le Gouvernement assène sans discontinuer sa vérité selon laquelle il faut toujours recruter moins de fonctionnaires.

L’an dernier, nous avons dénoncé la loi du 26 juillet 2003, qui crée dans la fonction publique des CDI de droit public. Le fallacieux prétexte du droit communautaire vous en avait fourni l’occasion. Mais c’est un choix idéologique et non une contrainte imposée par l’Europe.

Comme l’a souligné Bernard Derosier dans son rapport, la création d’une fonction publique contractuelle aux côtés de la fonction publique statutaire est une véritable entorse à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ainsi, les fonctionnaires ne seront plus recrutés « selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents », ce que garantissait la voie unique du concours d’accès, mais par contrat entre l’employeur public et la personne de son choix. C’est bien le démantèlement du statut de la fonction publique que vous organisez.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Il s’agit d’une directive européenne !

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le ministre, malgré de légères modifications de façade, votre projet de budget s’inscrit dans le cadre d’une politique libérale selon laquelle il y a toujours trop de fonctionnaires et qui abandonne les prérogatives de l’État soit aux collectivités locales, sans leur donner les moyens, soit à la sphère privée. De plus, vous démantelez le statut de la fonction publique. Nous sommes donc dans l’attente d’une véritable réforme de l’État, qui modernise le rôle et la place de la fonction publique dans notre République, qui trace une stratégie et des perspectives confortant les services publics. Manifestement, cette ambition n’est pas la vôtre. Aussi le groupe socialiste votera-t-il contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour cinq minutes.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, je suis convaincu au contraire que, comme moi, le groupe UMP votera votre budget, même si je ne suis pas habilité à parler en son nom.

En France, c’est devenu une habitude de nous critiquer nous-mêmes, de ne parler que de ce qui ne marche pas et d’occulter au contraire tout ce qui marche. Pour ma part, je souhaite vous faire part de ce qui marche, notamment depuis le mois de juin 2002.

M. Patrick Braouezec. Ça a marché tout à coup, en claquant des doigts ? Ce fut instantané ?

M. Mansour Kamardine. Monsieur Braouezec, j’aurais aimé que ça marche avant !

Française depuis 1841, Mayotte attendait sa fonction publique, notamment depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du 6 juillet 1975. Il était alors prévu qu’un décret intégrerait l’ensemble des fonctionnaires originaires de Mayotte, qui sont demeurés français, dans la fonction publique de l’État. En 1981, parce qu’on ne pouvait pas entendre cet écho, ce choix délibéré, responsable des Mahorais de vouloir rester français, la nouvelle majorité a pris un décret visant à intégrer seulement les Comoriens qui avaient fait le choix de l’indépendance mais qui étaient en métropole, les Mahorais restant sur la touche. Depuis, les fonctionnaires mahorais se battent pour intégrer la fonction publique de droit commun, et il a fallu attendre l’actuelle majorité pour que ce soit fait, dans le cadre de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 portant création des trois fonctions publiques à Mayotte. Il y a donc matière à se réjouir.

M. Jacques-Alain Bénisti. Bravo !

M. Jean-Pierre Dufau. Ma secrétaire générale adjointe est à Mayotte pour œuvrer à la mettre en place !

M. Mansour Kamardine. Eh bien, c’est grâce à l’action de cette majorité. Elle travaille pour mettre en œuvre une belle politique UMP au service des Français de Mayotte, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Avec cette réforme, nous avons mis en place les trois fonctions publiques, territoriale, hospitalière et d’État, sans inflation de personnels, ce qui supposait des aménagements, des adaptations, des efforts dans la rédaction des textes. Et je suis heureux de noter que, sur les vingt-sept ou trente décrets attendus, vingt-deux ont été publiés à ce jour. Même si cela ne vous satisfait pas complètement, monsieur Braouezec, cela mérite d’être dit.

M. Patrick Braouezec. Cela me satisfait ! C’est le caractère instantané qui me gêne !

M. Mansour Kamardine. Sur les vingt et un ans qui viennent de s’écouler, vous êtes restés au pouvoir pendant seize ans. J’aurais aimé que cela se fasse alors. Mais tel n’a pas été le cas car vous avez considéré qu’il n’était pas souhaitable que Mayotte reste française.

Monsieur le ministre, demain 22 novembre, les fonctionnaires de Mayotte seront en grève…

M. Jean-Pierre Dufau. Voilà qui est étonnant !

M. Bernard Derosier. Ils sont en grève pour soutenir l’UMP ?

M. Mansour Kamardine. …parce qu’ils revendiquent l’intégration.

M. Bernard Derosier. Ce n’est pas encore fait ?

M. Patrick Braouezec. Tout n’a donc pas été réglé en juin 2002 !

M. Mansour Kamardine. Cette grève préventive est justifiée par le fait que les gens sont impatients et qu’ils souhaitent être fixés. C’est pourquoi je veux appeler votre attention sur la nécessité de prendre rapidement les quelques décrets qui manquent à l’appel.

M. Jean-Pierre Dufau.  Mais que fait le Gouvernement ?

M. Mansour Kamardine. Monsieur Dufau, prenez l’avion et allez soutenir les grévistes, car je suis persuadé qu’ils ne seront pas nombreux, puisque les fonctionnaires ont retrouvé dans l’action de ce gouvernement soutien et écoute.

M. Bernard Derosier. La preuve, ils sont en grève demain ! (Sourires.)

M. Mansour Kamardine. Tout n’est pas parfait, cela fait partie des choses de la vie ! Nous essayons donc d’améliorer la situation.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Mansour Kamardine. M. Bénisti nous a parlé de la réforme à venir. Mais notre souci majeur est déjà d’intégrer la fonction publique qui existe. C’est dire que nous sommes dans une sorte de course-poursuite, d’abord pour intégrer la fonction publique, puis pour faire bénéficier nos fonctionnaires des mêmes droits dès lors qu’ils assument les mêmes obligations que les autres agents publics de France et de Navarre.

Monsieur le ministre, beaucoup de fonctionnaires de Mayotte nous regardent. J’aurais souhaité avoir le calendrier précis des décrets qui manquent à l’appel pour que l’ensemble des décrets soient publiés d’ici au 31 décembre.

J’ai interrogé le Gouvernement dans ses multiples composantes. Les réponses qui m’ont été données sont bien sûr totalement déconnectées de la durée effective de nos mandats politiques. Je le rappelle en effet à ceux qui l’auraient oublié : nous avons un contrat à durée déterminé vu que nous devons toujours revenir devant le corps électoral, ce qui permet de vérifier si les orientations que nous prenons sont celles que souhaite l’opinion.

Mme la présidente. Monsieur Kamardine, vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Mansour Kamardine. J’ai terminé, madame la présidente.

M. Bernard Derosier. Mayotte, c’est si loin !

M. Mansour Kamardine. Je souhaite que les moyens soient mobilisés pour que l’espoir qui est né de cette réforme puisse être complet. On me répond que la loi prévoit une intégration d’ici à 2010. Je souhaite que les textes soient publiés d’ici à la fin de l’année et que, tenant compte de ces impératifs parce que je ne peux pas postuler pour ceux qui viendront, cette réforme aboutisse dans les meilleurs délais.

Sous le bénéfice de ces observations, je souhaite exprimer, au nom des Mahoraises et des Mahorais, notre profonde gratitude au Gouvernement de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Derosier. La preuve, Mayotte est en grève demain !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous présenterai à la fois le programme « Fonction publique » et la mission « Régimes sociaux et de retraite », au nom de Dominique Perben, qui présente en ce moment au Sénat son projet de loi sur l’urbanisme. Je présenterai également, au nom de Jean-François Copé, le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et le compte « Pensions ».

Les crédits du programme « Fonction publique » s’élèvent à 138 millions d’euros, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2005. La répartition est équilibrée puisque l’action n° 1 « Formation des fonctionnaires » sera dotée de 70 millions d’euros et l’action n° 2 « Action sociale interministérielle » de 67,8 millions d’euros.

Cette augmentation permet d’assurer le financement à la fois des actions de formation et des prestations sociales, dont certaines sont nouvelles.

La formation des fonctionnaires regroupe la formation initiale dispensée par l’ÉNA et les cinq instituts régionaux d’administration, la préparation aux concours administratifs et la formation interministérielle continue. On trouve aussi le soutien aux associations de formation et aux organisations syndicales dans le cadre de leurs actions de formation.

En ce qui concerne l’ÉNA, la subvention de fonctionnement est reconduite au niveau prévu dans la loi de finances initiale pour 2005. Elle est suffisante pour intégrer les effets du transfert effectif de l’École à Strasbourg et la réforme de la scolarité qui avait été évoquée ici même l’année dernière.

Les crédits consacrés à l’action sociale interministérielle, soit 67,8 millions d’euros, sont en hausse de près de 10 %. Les prestations existantes, qu’elles soient individuelles, comme l’aide ménagère à domicile et le chèque vacances, ou collectives – aide au logement et à la restauration – seront maintenues, voire améliorées, et de nouvelles verront le jour.

Ce point me donne l’occasion de répondre à plusieurs de vos interventions concernant le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Je signale tout d’abord un petit oubli de la part de M. Braouezec : en mentionnant une augmentation de 0,5 % en février et une autre en novembre, il s’en est tenu aux chiffres de l’année dernière puisque, en 2005, il y aura eu + 0,5 % en février, + 0,5 % en juillet et + 0,8 % en novembre, soit une hausse globale de 1,8 % au lieu de 1 %.

M. Jacques-Alain Bénisti. Après trois années blanches sous un gouvernement de gauche !

M. le ministre de la fonction publique. À propos du fonds « Handicap », vous savez très bien, monsieur Dufau, que, s’il ne figure pas dans le budget de la fonction publique, c’est parce qu’un fonds interministériel a été créé.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est exactement ce que j’ai dit.

M. le ministre de la fonction publique. La présentation que vous en avez faite pouvait laisser croire à un désengagement de l’État.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. le ministre de la fonction publique. Si nous sommes d’accord, tant mieux ! De toute façon, je pense que ce rappel n’était pas inutile.

De façon plus générale, la discussion sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires ne doit pas se limiter à l’évolution de la valeur du point d’indice, encore que, sur ce terrain, la majorité n’ait rien à redouter de la comparaison entre les gouvernements Jospin, d’une part, Raffarin et Villepin, d’autre part, bien au contraire. Mais la question doit faire l’objet d’une approche beaucoup plus large.

Ainsi, la mobilité à laquelle les agents sont incités a un coût, notamment à cause du logement. Déménager implique en général d’immobiliser un à deux mois de loyer, soit un manque à gagner qu’aucune augmentation de salaire ne viendra combler en trésorerie. Il faut donc aborder le sujet sous un autre angle. De même, une mutation peut avoir un impact sur les frais de garde d’enfant si les solidarités familiales ne peuvent plus jouer à cause d’un changement de domicile. D’après nos estimations, ils représentent entre 230 ou 235 euros, ce qui peut grever le budget d’un fonctionnaire en début de carrière.

C’est pourquoi nos préoccupations sociales nous ont conduits à revaloriser substantiellement l’aide à l’installation des personnels de l’État qui s’implantent en Île-de-France et en région PACA, ainsi que dans les zones urbaines sensibles.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique. Nous avons également conçu un nouveau dispositif pour l'ensemble des autres régions de sorte que les jeunes fonctionnaires bénéficieront d’une aide au moment de leur première affectation. Ces mesures répondent aux attentes des fonctionnaires qui regrettent souvent qu’elles n’aient pas été prises plus tôt. Elles sont tout à l’honneur du Gouvernement.

Par ailleurs, il existe pour les salariés du privé le chèque emploi service universel, dont les fonctionnaires sont exclus. Nous avons décidé d’étendre ce mécanisme aux agents de la fonction publique, ce qui ramènerait le coût effectif de la garde d’enfant de 230-235 euros par mois à environ 150 euros, déduction fiscale comprise. Il s’agit d’une amélioration concrète qui se ressent sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

De même, le système Loca-Pass permet aux salariés du secteur privé de toucher une avance en trésorerie pour financer le dépôt de garantie et accéder ainsi plus facilement au logement locatif. Les agents de la fonction publique pourront bénéficier d’un avantage comparable qui minore de fait le coût d’un déménagement.

Réduire de 40 % le coût de la garde d’enfant, prendre en charge le dépôt de garantie qui représente deux ou trois mois de loyer, revaloriser significativement l’aide à l’installation, ce sont autant de réponses concrètes aux problèmes des fonctionnaires et de mesures favorables à leur pouvoir d’achat.

Nous nous sommes également attachés à mettre en mouvement l’ascenseur social au sein de la fonction publique. Georges Tron et Jacques-Alain Bénisti l’ont souligné, la fonction publique se doit d’être à la fois attractive et valorisante, ce qui implique que les fonctionnaires puissent évoluer dans leur carrière, sans doute plus rapidement qu’aujourd’hui, et se voient offrir de nouvelles perspectives, par exemple en passant d’une catégorie à l’autre.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique. Nous devons, et vos collègues Tron et Bénisti y ont insisté, contribuer au dynamisme et à l’attrait de la fonction publique. Il importe donc de l’adapter de façon que le service rendu se rapproche du service attendu par nos concitoyens. Les effectifs ne sont que la résultante de cette équation, et non une fin en soi. Dans certains secteurs, on aura besoin de plus de fonctionnaires, dans d’autres, de moins. À cet égard, la distinction retenue par Georges Tron, qui distingue le back office du front office, lequel doit être privilégié, est saine. Nous veillons à ce que le service soit rendu le mieux possible, avec les conséquences que cela implique sur les effectifs, dans un sens ou dans l’autre.

Un autre point a été évoqué, auquel je crois beaucoup moi-même : la gestion des ressources humaines. Nous devons dans ce domaine privilégier une approche plus horizontale et moins verticale, c’est-à-dire élargir les possibilités de déroulement de carrière pour l’ensemble des agents. Il faut donc travailler, ministère par ministère, à partir des effectifs, des départs à la retraite, des modalités de recrutement en fonction des profils de poste. Nous devons réfléchir aux perspectives de carrière et favoriser le passage non seulement d’un ministère à l’autre, mais aussi entre les trois fonctions publiques : État, territoriale, hospitalière. Nous nous y employons grâce aux possibilités offertes par la LOLF.

Monsieur Kamardine, vous avez à juste titre évoqué les disparités qui subsistent au détriment de nos agents d’origine ultramarine. Il faut les corriger et le Gouvernement est à vos côtés. Grâce à vos nombreuses propositions, nous pouvons avancer. La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 a permis de franchir des étapes. Tous les décrets d’application ne sont pas encore sortis mais nous nous efforçons d’en accélérer la parution. Par prudence, je ne peux m’engager pour la fin de l’année car les navettes interministérielles prennent du temps en raison des vérifications juridiques auxquelles il faut procéder. En revanche, les décrets seront publiés dans le courant de l’année 2006.

J’en viens maintenant à la mission « Régimes spéciaux et de retraite », au nom de Dominique Perben.

Le programme 1 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » s’élève à 3 milliards d’euros. Il contribue au régime des retraites de la SNCF et comprend une dotation pour équilibrer le régime de la RATP. C’est la conséquence de la décentralisation du Syndicat des transports d’Île-de-France par lequel transitait jusqu’à présent cette dotation. Le programme participe également à la compensation de la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers. Enfin, il aide les conjoints des artisans bateliers à se constituer des droits propres à la retraite.

Le programme 2 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » représente 684 millions d’euros. Il s’agit de la subvention d’équilibre à l’Établissement public des invalides de la marine qui sera désormais adossé financièrement à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

S’agissant du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », Georges Tron peut mesurer le chemin parcouru depuis quelques années. Son rapport sur la politique immobilière établi dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle dressait un constat d’autant plus accablant qu’il était largement justifié. La première leçon qu’il fallait en tirer était que la gestion immobilière de l’État devait être revue.

Jean-François Copé a pris en charge cette mission, en cohérence avec ses fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La création d’un compte d’affectation spéciale destiné à retracer les opérations immobilières conduites par l’État en tant que propriétaire s’inscrit dans le cadre d’un plan d’action très complet que le Gouvernement est en train de mettre en œuvre à marche forcée. Les opérations réussies en 2005 par les domaines montrent que les choses bougent. La vente récente d’un immeuble de la rue du Bac appartenant aux douanes en est la dernière illustration. Le Gouvernement s’est engagé à tout faire pour atteindre l’objectif de 600 millions de produits de cession en 2005 et les réalisations sont compatibles avec la cible.

À compter du 1er janvier 2007, monsieur Tron, le nouveau service France Domaine sera formellement en place, ce qui ne nous empêchera pas d’agir concrètement auparavant. Je partage votre idée d’utiliser à l’avenir des ratios de gestion. Les schémas pluriannuels de stratégie immobilière que chaque ministère va préparer comporteront ce type d’information.

De même, je suis favorable à votre suggestion de facturer des loyers budgétaires aux administrations. En chiffrant cette prestation, on matérialise le fait que l’État est propriétaire et que les ministères sont en position d’occupants, la contrepartie étant que, si jamais ils réalisent des économies, la différence sera pour eux. Au stade de l’expérimentation, le montant des loyers est fondé sur le coût de l’immobilisation du capital. Le Gouvernement cherche à adapter la méthode de calcul et à généraliser le dispositif. Tout dépendra de la façon dont l’État, en tant que propriétaire, organisera ses relations avec les administrations qui occupent ses immeubles, comme dans un contrat de bail classique.

La création du compte d’affectation spéciale « Pensions » constitue un grand progrès puisqu’il permettra de retracer, en les centralisant, l’ensemble des crédits que l’État consacre au service des pensions et des allocations viagères. La nouvelle méthode de budgétisation permet aux gestionnaires de personnel de mieux appréhender le coût complet et d’arbitrer en gestion sur des bases qui incluent la totalité du coût de l’emploi des agents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, samedi dernier des fonctionnaires et des usagers de plusieurs villes de France étaient côte à côte dans la rue pour s’opposer catégoriquement aux logiques financières qui provoquent la déréglementation et l’affaiblissement des services publics. Ils manifestaient aussi leur mécontentement car, depuis des mois, le Gouvernement reste sourd aux exigences dont les syndicats se font les porte-parole. En effet, alors que les fonctionnaires constatent une perte de leur pouvoir d’achat depuis des années, les prix à la consommation augmentent : les loyers et l’immobilier flambent tandis que la pression fiscale exercée sur les revenus et sur les dépenses de santé et de protection complémentaire devient plus lourde.

Pour toute réponse, on ne leur propose que de revenir sur l’acquis de la réduction du temps de travail, afin de les contraindre à travailler davantage. Décidément, les salariés de la fonction publique ne sont pas entendus ! Le Gouvernement leur propose aussi « d’aborder la discussion salariale » autour des « composantes fixes de l’évolution de la masse salariale », dont le point d’indice n’est qu’un élément, avec l’ancienneté et les mesures catégorielles. Enfin, il souhaite discuter des composantes « variables » de la rémunération en fonction de l’évolution du PIB et des « gains de productivité dégagés par les administrations », certainement grâce aux suppressions de postes.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les éléments sur lesquels vous comptez vous appuyer pour répondre aux demandes salariales – somme toute très raisonnables – des fonctionnaires afin que l’évolution du salaire soit synonyme d’augmentation significative de leur pouvoir d’achat ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur le député, je pensais avoir déjà répondu, au moins en partie, à votre question.

Notre approche est la suivante : nous raisonnons sur le pouvoir d’achat dans son ensemble. Or celui-ci est constitué de plusieurs éléments : la discussion ne se borne donc pas au point d’indice. Je l’ai rappelé : lorsqu’il s’agit pour un fonctionnaire gagnant 1 200 euros par mois d’avancer deux mois de loyer – deux fois 600 euros, si on prend un loyer moyen –, ce n’est évidemment pas une négociation sur le point d’indice qui permettra de répondre à sa demande.

Il faut donc prévoir d’autres mécanismes, ceux que nous avons imaginés dans le volet social. Je ne reviens pas sur la garde d’enfant, que j’ai déjà évoquée. Mais, je le répète, le pouvoir d’achat est constitué d’un grand nombre d’éléments. Si l’on compare deux fonctionnaires, à salaire identique, dont l’un est en mobilité, et l’autre non, le premier sera handicapé en termes de pouvoir d’achat parce qu’il aura à faire face à des dépenses plus importantes que le second. C’est pourquoi il convient d’avoir une approche individuelle dans un certain nombre de cas.

Les possibilités d’évolution de carrière constituent un autre élément important du pouvoir d’achat. Un point d’indice représente quelque 14 euros mensuels d’augmentation. Le fait, pour un fonctionnaire, de passer de catégorie C en catégorie B représente 70 euros par mois. La mise en place de la VAE : validation des acquis de l’expérience, ou de la REP : reconnaissance de l’expérience professionnelle, permettra à des agents de passer dans une catégorie plus élevée et ouvrira la voie à une augmentation très nette du pouvoir d’achat, tout en offrant de nouvelles perspectives de déroulement de carrière. Celles-ci contribueront autant à l’attractivité de la fonction publique que la seule négociation sur le point d’indice.

Nous négocions donc sur trois volets : le volet social, le volet statutaire et le volet salarial. Ils ont fait l’objet de nombreuses discussions avec les organisations syndicales. En voici les étapes : au mois de juillet, je leur ai demandé de me faire part de leur réaction sur la proposition d’ensemble que je leur faisais. Fin septembre, j’ai fait des propositions concrètes, puis nous nous sommes revus pour des négociations techniques. Enfin, la semaine dernière, je leur ai remis un document très précis qui fera l’objet de nouvelles discussions le 6 décembre. Ces six mois de discussions nous auront permis d’avancer sur des propositions – je le répète – tout à fait concrètes.

Mme la présidente. Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse concernant le chantier de publication des textes réglementaires pour la mise en place d’une véritable fonction publique à Mayotte.

La question que je soumets à la sagacité de l’Assemblée et à la vôtre a trait au statut des fonctionnaires de l’État originaires de Mayotte mais en poste en métropole. Dans un souci pédagogique, pour rendre plus claire ma démonstration, je comparerai les situations d’un jeune Mahorais, d’une jeune Guyanaise – en hommage à Mme Juliana Rimane, ma collègue de Guyane ici présente – et d’un jeune Parisien – puisque nous sommes à Paris. Tous trois se présentent à un concours d’entrée dans la fonction publique et tous trois sont reçus. D’abord affectés à Paris, ils demandent, au bout de deux ans, leur mutation outre-mer, le jeune Parisien et le jeune Mahorais à Mayotte, la jeune Guyanaise en Guyane.

L’administration dit au jeune Mahorais : « Vous allez chez vous, là où vous avez vos intérêts matériels et moraux. » Il n’a donc droit qu’à son salaire brut, assorti du régime accessoire applicable à Mayotte – les allocations familiales par exemple, qui sont dix fois inférieures à ce qu’elles sont à Paris. Le Parisien allant à Mayotte a droit, quant à lui, à son salaire et à une indemnité représentant vingt-trois mois de salaire sur deux ans d’exercice. Il percevra également ses prestations sociales à Mayotte.

Ainsi, pour l’administration, quand le jeune Mahorais est nommé à Mayotte, il va chez lui, où il a, je le répète, ses intérêts matériels et moraux – mais quand il était à Paris, comme il est Français, il était également chez lui ! Il y a là un problème qu’il convient manifestement de résoudre. À l’inverse, la jeune Guyanaise aura droit au bout de quelque temps au congé bonifié, à la prise en charge, pour elle et sa famille, des frais de transport et au même régime de protection sociale qu’à Paris.

À Paris, en Guyane ou à Mayotte, ces trois fonctionnaires ont pourtant les mêmes obligations et assument les mêmes devoirs. Il s’agit d’une discrimination, dénoncée depuis plusieurs années, mais qui ne trouve aucune réponse satisfaisante. En effet, celle qui a été donnée est inacceptable : on ne saurait faire valoir que Mayotte n’étant pas encore un département, les Mahorais ne peuvent pas bénéficier des mêmes prestations que les fonctionnaires originaires des départements d’outre-mer. La fonction publique ne recrute pas en fonction des origines ou de la race, mais en fonction des talents et des mérites, comme cela a été rappelé.

Mme la présidente. Je vous demande de conclure, monsieur le député, en dépit du souci pédagogique qui vous anime.

M. Mansour Kamardine. J’ai fini, madame la présidente.

Monsieur le ministre, je conclurai en vous livrant cette réflexion : « Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est l'efficacité de notre modèle d'intégration : un modèle fondé sur la reconnaissance du seul individu et non des communautés ; un modèle fondé sur la reconnaissance égale de tous les citoyens quelles que soient leur origine, leurs convictions et leur culture ; un modèle fondé sur l'équilibre des droits et des devoirs de chacun. » C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre, le 8 novembre dernier.

Monsieur le ministre, que vous inspire cette réflexion en ce qui concerne le statut des fonctionnaires de l’État originaires de Mayotte ?

Mme la présidente. Et que vous inspire-t-elle, monsieur Kamardine, pour le droit à la parole ? Pour vos deux interventions, vous avez nettement eu plus de temps que vos collègues.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur le député, je le répète, il existe encore des disparités entre certaines affectations outre-mer. Elles sont dues à l’histoire, mais il faut évoluer vers une harmonisation des règles.

Pour l’heure, nous sommes dans un cadre budgétaire extrêmement contraint, et la priorité du Gouvernement, jusqu’à 2010, va à l’intégration des fonctionnaires d’État mahorais dans la fonction publique. Je suis évidemment prêt à envisager toutes les évolutions possibles, mais à condition de rester dans le cadre de loi de programmation.

Je le répète : notre priorité demeure le respect des engagements pris dans le cadre de la loi de programmation à l’échéance 2010, dont il s’agit d’accélérer la mise en œuvre au travers des décrets d’application.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

Direction de l’action du gouvernement

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », inscrits à l’État B.

État B

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 288.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, nous en revenons au problème que j’ai précédemment évoqué, et qui concerne le Secrétariat général pour les affaires européennes, le seul organisme rattaché au service du Premier ministre qui n’ait pas répondu dans les délais au questionnaire budgétaire de la commission des finances malgré plusieurs relances de Matignon. C’est pourquoi je m’interroge et me perds même en conjectures sur l’autorité du Premier ministre sur les services qui dépendent de lui.

La réponse a fini par arriver, mais hors délai. Or, chacun le sait, un billet de la loterie nationale acheté hors délai, même s’il porte le bon numéro, n’a aucune valeur !

De plus, la réponse est arrivée sans justification des crédits au premier euro. Il s’agit là d’une entorse sérieuse à la LOLF. La commission des finances a donc voulu exprimer son mécontentement, souhaitant ainsi marquer sa volonté qu’il soit remédié à cette situation l’année prochaine.

La commission des finances m’a également donné mandat pour retirer l’amendement après avoir entendu votre réponse, monsieur le ministre, parce que si nous sommes libres, nous ne sommes pas irresponsables.

Mais, au-delà de la question posée par ce secrétariat, il est clair que la commission des finances veut adresser un avertissement clair aux ministères et aux grandes directions qui seraient tentés de traiter le Parlement avec de la distance, du dédain, voire un manque total de considération. Le Parlement, avec l’accord du Gouvernement, s’est donné au travers de la LOLF des pouvoirs renforcés. Nous entendons que la loi soit respectée. Et il appartient au Gouvernement de rappeler à l’ordre les services qui ne font pas preuve d’un zèle suffisant vis-à-vis du Parlement.

Certes, il ne s’agit là que d’un incident de parcours. J’ai bien entendu vos explications : le service en question, avec retenue, a fait acte de contrition et faute avouée est à demi pardonnée. Mais à demi seulement ! Il est important que tous les ministères, y compris les plus grands, se rappellent qu’ils doivent déférer aux demandes du Parlement avec le zèle qui convient. (Approbation sur divers bancs.)

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur Kamardine, si j’avais appliqué à votre endroit la même rigueur que la commission des finances à l’endroit du Gouvernement, je ne sais si vous auriez eu le temps de poser intégralement votre question.

M. Mansour Kamardine. Je vous ai remercié de votre mansuétude, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement de la commission ?

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur Brard, je vous ai compris ! (Sourires.) Le Gouvernement vous a entendu. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 288.

Mme la présidente. Y êtes-vous disposé, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. Je suis très heureux que le Gouvernement m’ait entendu et compris, mais c’est surtout la commission des finances qu’il faut écouter. J’ai néanmoins pressenti qu’à travers moi, c’était bien à la commission que le ministre s’adressait. C’est pourquoi, comme elle m’en a donné le mandat, je retire l’amendement. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Mme la présidente. L’amendement n° 288 est retiré.

Je pense qu’il faudra organiser des formations à la LOLF pour tout le monde. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. Y compris pour certains ministres, mais pas pour M. Jacob, bien entendu. (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 289.

La parole est à M. Georges Tron, rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Notre collègue Louis Giscard d’Estaing a présenté cet amendement que la commission des finances a adopté. Il a une valeur un peu symbolique dans la mesure où il concerne les crédits de l’École nationale d’administration.

En effet, l’ENA a engagé une vaste réforme de son fonctionnement, prévoyant en particulier la diminution de l’effectif de ses promotions et son installation à Strasbourg. Elle a ainsi bénéficié de crédits supplémentaires pour faire face à ses frais de déménagement. Cependant, malgré une poursuite de la baisse de ses effectifs, la subvention inscrite au budget 2006 reste identique à celle de 2005.

Or la commission des finances a noté que si les autres établissements ont donné des indicateurs précis sur le coût de leur formation par élève pour la rentrée prochaine, l’ENA ne présente pas, pour sa part, un tableau prévisionnel de ses effectifs. En conséquence, les effectifs équivalents temps plein de l’ENA étant réduits de 3,5 % cette année, il est proposé de réduire à concurrence les crédits attribués à cet établissement dans le programme « Fonction publique ».

Je ne crois pas déformer la pensée des auteurs de cet amendement en affirmant qu’il n’est pas anormal de demander à l’École nationale d’administration d’adopter un comportement d’autant plus exemplaire que nous sommes très attentifs à la mise en œuvre de la LOLF au sein de la commission des finances, ainsi que M. Brard vient de le rappeler.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur le rapporteur, M. Louis Giscard d’Estaing avait déjà déposé un amendement similaire et l’avait retiré en demandant, en contrepartie, que le Gouvernement s’engage à transférer l’École et à mettre en place la réforme de sa scolarité. Vous savez que ces deux objectifs sont remplis depuis le 1er janvier 2005. Le transfert de l’École est effectif et la promesse de vente du bâtiment de la rue de l’Université à Paris a été signée.

Par ailleurs, en ce qui concerne la réduction des effectifs engendrée par le transfert, trente-sept emplois vont être supprimés dont douze dès cette année. Si l’on veut être complet, on doit noter la création de trois postes d’enseignants-chercheurs, recrutés pour 2006.

Un accompagnement social prévoit que les douze fonctionnaires concernés cette année disposent d’un an pour retrouver une administration d’affectation. Aussi avons-nous prévu un budget d’accompagnement arrivant à échéance le 31 décembre. Si ces douze agents trouvent une autre administration dès le 1er janvier, votre amendement pourrait très bien être accepté par le Gouvernement mais, pour le moment, nous ne pouvons pas donner d’éléments de réponse.

Ainsi, sur le fond, nous partageons tout à fait votre volonté d’avoir incité au regroupement ainsi que votre préoccupation d’une gestion rigoureuse, soucieuse des deniers publics, cependant qu’était engagée la réforme de la scolarité. Il fallait néanmoins passer un protocole avec ces agents afin qu’ils restent couverts jusqu’au 31 décembre.

Par conséquent, cette explication entendue, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Après avoir entendu les explications de M. le ministre, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement et préférerait également qu’il soit retiré. Reste que je m’associe au rappel à l’ordre de la commission des finances vis-à-vis de certaines directions de ministères, qui vaut aussi pour l’ENA.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Tron, rapporteur spécial.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous avez parfaitement vu quel était le sens de cet amendement, tant en termes de comportement général que doit adopter une école aussi symbolique que l’École nationale d’administration qu’en termes de gestion publique.

Le déménagement de l’ENA à Strasbourg doit être pour nous synonyme d’économie. À ce titre, permettez-moi d’ajouter un mot en tant que rapporteur de la mission d’évaluation et contrôle sur l’immobilier d’État : la façon dont s’est déroulée la cession de l’immeuble de la rue de l’Université nous a montré que l’École nationale d’administration n’avait pas forcément bien pris en compte quelques-unes des recommandations que nous avions émises dans le rapport concernant le comportement de l’État en tant que cessionnaire, comportement qui doit s’apparenter à celui d’un acteur du marché, ce qui suppose le respect de certaines règles élémentaires.

Au nom de M. Giscard d’Estaing, je retire donc l’amendement tout en étant satisfait d’avoir pu rappeler ce que nous attendons de l’ENA.

Mme la présidente. L’amendement n° 289 est retiré.

Je suis saisie d’un autre amendement de la commission, n° 290.

M. Tron garde donc la parole pour le soutenir.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement concerne également la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Il procède à la réaffectation des dépenses de rémunération de la direction générale de l’administration et de la fonction publique du programme « Coordination du travail gouvernemental » vers le programme « Fonction publique ».

En effet, le « bleu budgétaire » indique que l’action n° 4 du programme « Coordination du travail gouvernemental » comprend les crédits de rémunération de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Il indique, par ailleurs, que le programme « Fonction publique » comprend les crédits d’intervention mis à la disposition de la DGAFP en matière de formation et d’action sociale.

Cette situation est contraire à l’esprit de la LOLF : la commission des finances l’a mentionné à plusieurs reprises, notamment dans le rapport que j’avais présenté il y a un peu plus d’un an, en octobre 2004 ; cela avait été également relevé par la MILOLF au mois de mars de cette année ; enfin, le dernier rapport de la Cour des comptes indique qu’elle partage elle aussi cette analyse.

En outre, cette présentation occulte la comptabilisation budgétaire des activités de la DGAFP dans le programme « Fonction publique ». Ce programme comporte seulement deux actions – « Formation des fonctionnaires » et « Action sociale interministérielle » – alors que la mission première de la DGAFP est le pilotage de la fonction publique. Il manque donc, dans cette analyse des coûts, les crédits de personnel affectés aux autres tâches de la DGAFP, soit environ 6 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur Tron, je suis tout à fait d’accord avec votre amendement sur le plan de l’orthodoxie budgétaire et pour le respect de l’esprit de la LOLF. Toutefois, nous sommes confrontés à la difficulté suivante : dans le programme de coordination, nous avons un panel d’environ 3 000 agents. Quant à la DGAFP en tant que telle, elle représente 150 agents. Notre souci est donc de permettre à ces agents de bénéficier des mêmes perspectives de carrière que les autres fonctionnaires, et de bénéficier d’un vivier ressources plus important et beaucoup plus dynamique. C’est pourquoi il nous semble préférable de laisser les crédits tels qu’ils sont prévus, plutôt que d’isoler ces 150 agents dans le programme relatif à la fonction publique.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est à titre personnel que j’interviens. Cet amendement a certes été adopté par la commission des finances à l’initiative de M. Tron, mais je me permets de faire observer l’incohérence d’une proposition qui tend à réaffecter les seules dépenses de personnel sans toucher aux moyens de fonctionnement de la DGAFP, mutualisés au sein de l’action «Soutien » du programme « Coordination du travail gouvernemental ».

En effet, il me semble, cette fois en tant que rapporteur spécial pour ce programme, que la DGAFP, comme la DDM, y a toute sa place, même si les crédits qu’elle gère figurent dans d’autres programmes.

La fongibilité des crédits que permet la LOLF nécessite de disposer d’une taille critique suffisante pour mutualiser les moyens et optimiser la gestion. La présentation d’une politique publique « à coûts complets » – l’un des objectifs de l’article 7 de la LOLF – n’est pas vraiment adaptée aux spécificités des services du Premier ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 290.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 301, qui n’est pas défendu.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je souhaite néanmoins en dire un mot.

Mme la présidente. À titre exceptionnel et par pure gentillesse. (Sourires.)

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement présenté par MM. Martin-Lalande et Méhaignerie vise à augmenter les crédits du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Même si le renforcement des moyens du CSA peut être une nécessité, la commission des finances a émis un avis défavorable. En effet, pour augmenter ces moyens, l’amendement prévoit de réduire les crédits de la fonction publique en matière d’action sociale, au moment même où cette dernière apparaît comme une priorité de l’action gouvernementale. Cette proposition nous a donc semblé anachronique et paradoxale.

M. Jean-Pierre Dufau. Cela devient de « l’odieux visuel »…

Mme la présidente. Il valait donc mieux que cet amendement ne soit pas défendu.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

(Ces crédits sont adoptés)

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’État B.

État b

Je suis saisie d’un amendement n° 292 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. Michel Bouvard. C’est bien plus que cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Tron, rapporteur spécial.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement revêt deux aspects.

Il vise d’abord à tirer les conséquences de l’adoption des deux amendements que j’avais déposés avec M. Méhaignerie en première partie de la loi de finances et qui abondaient de 79 millions d’euros les crédits de cession immobilière de l’État. Cette mesure concernait deux immeubles du ministère de la culture. De ce point de vue, il s’agit bien d’un amendement de coordination.

Il s’agit ensuite de créer un second programme intitulé « Contribution au désendettement de l’État » dans le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Deux raisons expliquent cette proposition : d’une part, la LOLF proscrit les missions mono-programmatiques et, d’autre part, la création de ce second programme « Contribution au désendettement de l’État » permettra au Parlement de valider les propositions du Gouvernement en matière d’affectation des recettes tirées des cessions immobilières. Ainsi les deux assemblées pourront-elles exercer leur droit d’amendement, ce qui n’est possible que s’il existe au moins deux programmes au sein d’une même mission. Il s’agit de défendre les droits du Parlement dans le cadre des objectifs définis par la LOLF.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Monsieur Tron, le dispositif des loyers budgétaires que nous avons mis en place, comme vous l’avez rappelé à juste titre dans votre intervention, montre bien à chaque ministère qu’il n’est pas propriétaire, mais simple occupant de ses locaux. Jean-François Copé a d’ailleurs confié à l’Inspection générale des finances et au Conseil général des ponts et chaussées une étude sur la réforme de l’affectation.

Je ne reviens pas sur l’idée de soumettre toute dépense immobilière de l’État à un audit, mais voilà déjà les quelques éléments que je peux vous apporter aujourd’hui et qui doivent répondre sinon totalement, du moins en partie à vos préoccupations tout à fait légitimes.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je n’ai pas réussi à déterminer si le Gouvernement était favorable ou non à l’amendement.

M. le ministre de la fonction publique. J’en souhaite le retrait.

M. Michel Bouvard. Dans ce cas, je crains de n’avoir pas été convaincu par vos explications, monsieur le ministre.

L’architecture de la loi organique interdit en effet que l’on crée une mission monoprogramme. De plus, en adoptant cet amendement tendant à créer un programme « Contribution au désendettement de l’État », nous donnons une crédibilité supplémentaire à la disposition que nous avons adoptée dans le cadre de la modification de la loi organique, engagée il y a un an et achevée cet été, et par laquelle nous avons décidé d’affecter pour partie d’éventuels excédents de recettes au désendettement. Nous sommes donc en parfaite cohérence tant avec la lettre de la loi organique initiale qu’avec les évolutions que nous avons souhaitées en adoptant le texte présenté par celui qui était alors ministre des finances et qui est aujourd'hui ministre d’État. Le Parlement pourra ainsi exercer son droit de contrôle.

Au surplus, si l’établissement de loyers fictifs pour les locaux qui appartiennent à l’État et qui sont occupés par les ministères instaure une transparence sur les coûts réels, je ne vois pas en quoi cela peut régler la question soulevée par cet amendement. Les audits que M. Copé va lancer sont très positifs et nous y souscrivons tous, mais ils ne traitent en rien le problème que l’adoption de l’excellent amendement de la commission des finances permettrait de régler.

Selon moi – et je pense que tous ceux qui ont travaillé sur la loi organique partageront ce point de vue –, il faut créer ce programme supplémentaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique. Les deux inspections, l’une du Conseil général des Ponts et Chaussées, l’autre de l’Inspection générale des finances, que Jean-François Copé a lancées nous fourniront dans les mois qui viennent des réponses précises. Attendons au moins de disposer de ces éléments.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas une inspection qui réglera la question de l’existence d’une mission monoprogramme !

Mme la présidente. Maintenez-vous cet amendement, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 292.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

(Les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » sont adoptés.)

Prêts et avances à des particuliers
ou à des organismes privés

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Ces crédits ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » sont adoptés.)

Régimes sociaux et de retraite

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Ces crédits ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.)

Pensions

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Pensions », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Ces crédits ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Pensions » sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Mardi 22 novembre 2005, à dix heures, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés (suite),

Articles de récapitulation,

Éventuellement, seconde délibération.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)