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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 22 novembre 2005

74e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

plafonnement
de la taxe professionnelle

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, les maires et les élus locaux sont en première ligne pour répondre aux demandes sociales de leurs concitoyens, comme le montre la crise des banlieues. C’est précisément le moment que vous choisissez pour diminuer les ressources financières des collectivités ! Le projet de loi de finances prévoit, en effet, de plafonner le montant de taxe professionnelle payé par les grosses entreprises au niveau atteint en 2004. À l’avenir, seule la taxe versée par les entreprises non plafonnées, souvent les plus petites, pourra être augmentée.

Un tel dispositif est particulièrement injuste, car il accentue les inégalités entre collectivités. Pour ne citer qu’un exemple, à Neuilly-sur-Seine (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), où il y a moins de 3 % de logements sociaux, un tiers seulement des entreprises seront plafonnées, ce qui laissera la possibilité d’augmenter la taxe des deux autres tiers. Mais à Bobigny, chef-lieu de Seine-Saint-Denis, où il y a plus de 30 % de logements sociaux, deux tiers des entreprises seront plafonnées. Pour obtenir de nouvelles ressources à Bobigny, il faudra augmenter les impôts des habitants, alors qu’à Neuilly, on pourra faire payer les entreprises. Il ne s’agit pas d’un cas unique : de telles situations se présenteront dans chaque département.

Face à tant d’injustice, une seule question se pose : allez-vous renoncer à ce dispositif, qui accentue les inégalités entre collectivités et pénalise les villes pauvres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le député, pourquoi renoncerions-nous à un dispositif unanimement réclamé par les entreprises, qui se préoccupent de l’emploi ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Lesquelles ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Est-il juste que 1 % des entreprises doive assumer 70 % de la taxe professionnelle ? Qui peut prétendre que la situation ne doit pas changer ? (Mêmes mouvements.) Vous me donnez l’occasion de préciser que c’est l’État qui assumera l’essentiel de la réforme en contribuant à hauteur de plus de 1,4 milliard d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En l’état actuel de la réforme, les communes qui vous préoccupent, et qui nous préoccupent également, ne seront que peu sollicitées : 80 % d’entre elles seront assujetties à un ticket modérateur limité à 50 euros. Des cas peuvent, certes, se présenter où une part très importante des bases de taxe professionnelles est plafonnée.

M. René Dosière. Oui, beaucoup !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Pour ceux-là, nous nous sommes engagés, avec Jean-François Copé, à mettre en place un mécanisme plus juste.

Le Gouvernement revendique donc et assume ce choix, qui contribue à préserver les collectivités locales et à soutenir l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

image de la France à l'étranger

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles. Monsieur le Premier ministre, pendant près de trois semaines, la France a connu des événements difficiles, qui font l’objet aujourd’hui de nombreux débats, tant au Parlement que dans le pays. Au-delà du problème des banlieues, nous sommes confrontés aux conséquences extrêmement négatives de ces événements sur l’image de la France à l’étranger, qui peuvent avoir des répercussions importantes sur l’emploi si nous n’y prenons garde. La presse étrangère a, en effet, relaté ces événements en montrant à la une des images de guerre, qui ne correspondaient pas exactement à la réalité dans notre pays.

La France, première destination touristique mondiale, commence à ressentir les effets de cette présentation. Depuis quelque temps, les annulations de réservations auprès des agences de voyage, des hôtels, des loueurs de voiture, des compagnies aériennes sont inquiétantes, atteignant parfois près de 30 %. Il est urgent qu’un plan de communication international soit confié à nos ambassadeurs, pour remédier à cette situation. Sinon, les conséquences économiques et sociales, dans un pays qui accueille 70 millions de touristes, risquent d’être très néfastes. Au nom du groupe UDF, je demande au Gouvernement quelles mesures il envisage de prendre pour redresser la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison, il faut être très vigilant sur les conséquences que peuvent avoir les images qui ont été diffusées dans le monde sur l’activité touristique dans notre pays et sur l’emploi en particulier.

Jusqu’à la Toussaint, la fréquentation touristique dans notre pays avait augmenté de 3,5 % à 4 % par rapport à 2004. Depuis le début du mois de novembre, une décrue s’est en effet manifestée, essentiellement sur Paris et sur la Côte d’Azur, à travers des annulations de voyages individuels et plutôt de haut de gamme.

La conséquence que nous en tirons avec Léon Bertrand, c’est la nécessité, comme vous le suggérez, de mettre en place une campagne de communication en direction des pays qui semblent avoir été les plus sensibles aux images diffusées, c’est-à-dire les États-Unis, le Japon et la Russie. Maison de la France va être chargée par Léon Bertrand de mettre en place une campagne de communication qui ciblera la période des fêtes de fin d’année. Souhaitons que cette action puisse corriger les conséquences des événements du mois de novembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

service public ferroviaire

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, après avoir privatisé France Télécom, GDF et SNCM (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous avez mis en œuvre l’ouverture du capital d’EDF et réduit les moyens de fonctionnement de l’ensemble des services publics. (Mêmes mouvements.)

Quel avenir attend donc les services publics, en particulier la SNCF ? (Mêmes mouvements.)

M. Charles Cova. Quel avenir attend la CGT ?

M. François Liberti. Consciente qu’ils sont un des éléments structurants de l’aménagement du territoire et les garants de la solidarité nationale, la population est attachée aux services publics. Les Français savent que l’ouverture à la concurrence n’est pas synonyme de baisse des tarifs, comme le démontre l’augmentation du prix du gaz.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. François Liberti. Elle n’est pas non plus une garantie de qualité ni de sécurité, comme l’ont montré les tragiques accidents ferroviaires survenus en Grande-Bretagne.

Certes, nous n’en sommes pas encore à la privatisation directe de la SNCF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais plutôt à une vente à la découpe. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Comment le président de la SNCF peut-il prétendre que les projets de réorganisation poussés à marche forcée ont pour but de renforcer notre service public ? La direction suggère aux conseils régionaux de faire gérer certaines gares par le privé, elle anticipe l’ouverture au privé du trafic fret national au 31 mars 2006, elle veut supprimer les trains Corail non rentables et organise la casse du fret SNCF. Face à la crise économique et sociale que traverse le pays, les services publics doivent plus que jamais être renforcés et développés pour répondre aux besoins de transports, de formation, de soins, d’éducation et d’énergie. Pour cela, il faut rompre avec la politique libérale et sortir des critères de stricte rentabilité financière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Liberti, vous avez une question à poser.

M. François Liberti. Les décisions doivent être réfléchies et prises en fonction des besoins des usagers. C’est le sens du mouvement de mobilisation que viennent d’engager les cheminots. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quelle décision le Gouvernement entend-il prendre pour permettre l’ouverture de négociations et imposer à la direction de la SNCF d’autres choix de gestion que ceux préconisés aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et il semble bien que ce soit votre cas, monsieur le député ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. –  Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste.) Le président Gallois, le Premier ministre et moi-même avons clairement dit qu’il n’était pas question de privatiser la SNCF. (Mêmes mouvements.) Nous avons mis en place une politique de développement du ferroviaire, confirmée par le CIADT du 14 octobre. Pour la première fois, dans quelques mois, débuteront trois chantiers de TGV en France, ce qui prouve notre volonté d’accroître le réseau et de le moderniser.

Par ailleurs, à la suite de l’audit sur la situation du réseau – lequel révèle des années d’insuffisance en matière de régénération –, nous avons décidé, par amendement au budget pour 2006, d’augmenter la dotation financière pour l’améliorer. Cela aura pour conséquence directe de diminuer de 80 % le nombre des ralentissements de trains que nous connaissons aujourd’hui.

S’agissant des trains Corail, j’ai réaffirmé très clairement le refus du Gouvernement de toute régionalisation et de toute fermeture de ligne.

La meilleure façon de préserver le service public, c’est de lui donner la capacité de se moderniser, de se réformer, de devenir plus productif et ainsi d’assurer le confort et la satisfaction des usagers. Telle est notre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

partenariat euro-méditerranéen

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le ministre des affaires étrangères, dans quelques jours sera célébré le dixième anniversaire du lancement du processus de Barcelone entre les quinze États membres de l’Union européenne de l’époque et douze pays de la rive sud de la Méditerranée. Ce processus engageait les uns et les autres dans un partenariat qui, par le biais d’accords d’association, se fixait pour objectif de faire de l’aire méditerranéenne une zone de paix, de stabilité et de prospérité. Cette démarche, la plus ambitieuse qui ait été entreprise depuis longtemps en matière de politique méditerranéenne, a suscité de grands espoirs. Las, il n’est pas sûr – et c’est un euphémisme – que tous aient été satisfaits.

Si l’on s’en tient à l’aspect économique, l’Union européenne a affecté 21 milliards d’euros aux pays du sud de la Méditerranée, pendant qu’elle en consacrait, en moitié moins de temps, 59 milliards à son propre élargissement. On peut supposer que le déplacement du centre de gravité de l’Union vers le Nord accentuera cette tendance.

Sur le plan géopolitique, la recherche de nouveaux partenaires autres qu’européens par les pays de la rive sud, le rôle grandissant de l’Alliance atlantique dans l’ensemble de la région et l’élaboration par les États-Unis du concept de Grand Moyen-Orient conduisent à penser que l’Europe, et plus encore la France, qui y a joué si longtemps un rôle majeur, doivent faire preuve de plus de volonté, d’audace et d’imagination dans leurs relations avec les pays de l’aire méditerranéenne.

Carrefour de trois continents, berceau des trois religions monothéistes, la Méditerranée est connue pour être à la fois un espace de jonction et de rupture, une zone d’échanges et de conflits. Propice au dialogue des cultures, elle concentre et exacerbe aussi toutes les tensions de l’époque. Elle peut être, selon la manière dont nous l’abordons, aussi bien un espace de stabilité et d’épanouissement qu’une menace et un facteur de déséquilibre.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de prendre des initiatives pour relancer le processus de Barcelone ou pensez-vous qu’il faille s’y prendre autrement pour renforcer les relations euro-méditerranéennes ? Que pensez-vous des potentialités du dialogue « 5 + 5 » entre les pays de la Méditerranée occidentale ? Enfin, avez-vous l’intention de renforcer les relations bilatérales entre la France et les pays francophones de la région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous avez raison, le processus de Barcelone, lancé en novembre 1995, a créé un espace commun entre l’Union européenne et les pays de la rive sud de la Méditerranée, mais n’a pas débouché sur des avancées suffisantes. À cet égard, l’enjeu du sommet des chefs d’État et de Gouvernement de Barcelone, qui se déroulera les 28 et 29 novembre prochains, sera de relever trois défis.

Un défi économique d’abord. Au-delà des onze contrats d’association qui lient l’Union européenne à nos partenaires du Sud, le temps me semble venu de créer un outil financier – pourquoi pas une banque euro-méditerranéenne d’investissement ? – pour aider nos partenaires à conduire les réformes politiques et de libéralisation économique dont ils ont besoin.

Un défi politique, ensuite, qui consistera à rassembler les États participants autour de la même vision de la lutte contre le terrorisme. À cet égard, sera élaboré à Barcelone un code de conduite commun à trente-cinq pays. Bien sûr, les réformes politiques visant à davantage de démocratie seront également abordées.

Je terminerai sur le troisième défi : l’immigration. Il faut savoir que les pays du Maghreb ne sont aujourd’hui que des pays de transit. C’est en développant la sécurité, en créant des corps communs de garde-côtes et en mettant en commun nos politiques de lutte contre l’immigration clandestine que nous parviendrons à stopper celle-ci. Mais il faut bien comprendre qu’une logique sécuritaire ne parviendra pas seule à régler le problème. Il faut lui adjoindre une politique généreuse et responsable à l’égard des pays de l’Afrique sub-saharienne et, en particulier, développer le co-développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Zones franches urbaines

M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe UMP.

M. Yves Jego. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, ma question concerne le volet économique des mesures annoncées récemment en faveur de nos banlieues.

Comme vous le savez, depuis 1997, la France a mis en œuvre un dispositif de zones franches urbaines, qui sont aujourd’hui unanimement saluées, par les maires de droite comme de gauche qui ont pu en bénéficier. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Ne parlez pas pour nous !

M. Yves Jego. La poursuite, et l’approfondissement, de ce dispositif est l’une des conditions de la résorption du chômage dans ces quartiers.

Je rappelle pour ceux qui n’auraient pas ces chiffres à l’esprit, que les 80 zones franches urbaines ont déjà permis la création de 15 000 entreprises et de plus de 60 000 emplois nouveaux. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pourriez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur vos intentions en matière de zones franches urbaines : allez-vous en créer de nouvelles ?

M. Jacques Desallangre. C’est prendre ici pour mettre là !

M. Maxime Gremetz. Et profiter des exonérations !

M. Yves Jego. Allez vous approfondir les mesures existantes et répondre favorablement à la vingtaine de villes qui espèrent une extension du périmètre de leur zone franche pour attirer encore plus d’entreprises dans leurs quartiers difficiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Eh voilà !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il y a quelques années, sous le gouvernement d’Alain Juppé, Jean-Claude Gaudin et Éric Raoult ont cherché une solution à la fois pour maintenir les commerces dans les secteurs en très grande difficulté et y attirer de l’activité. Ils ont mis en place un dispositif très puissant d’exonérations de charges sociales et d’exonérations fiscales pour les activités qui s’installeraient dans ces secteurs et qui recruteraient 25 %, puis 30 %, des personnes du quartier. Bien que décrié à l’époque, il a été un grand succès (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), à telle enseigne que, il y a trois ans, nous avons étendu ces zones franches urbaines à 85 sites et allongé la durée des anciennes à dix ans.

Le constat aujourd’hui est clair : 25 000 emplois de commerce de proximité ont été sauvés dans ces quartiers,…

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …60 000 emplois ont été créés.

M. Jean Glavany. Mais bien sûr ! Tout va bien dans les banlieues !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La rénovation urbaine et l’activité économique, l’habitat et l’emploi vont évidemment de pair.

Le Premier ministre a demandé l’ouverture de quinze zones franches urbaines complémentaires et l’examen des possibilités d’extension des zones existantes réclamée par de nombreux maires, de toutes tendances.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Peut-on prétendre sérieusement qu’aider à créer des entreprises et à maintenir des commerces de proximité dans ces quartiers, à développer de l’activité et de l’emploi serait contre-productif ?

Monsieur Jego, nous nous engageons résolument dans cette voie. Les prochaines zones seront définies démocratiquement selon des critères objectifs correspondant à leurs difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. C’est une vieille recette !

Grève a la SNCF

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe UMP.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, alors que la SNCF renoue avec les bénéfices, elle connaît aujourd’hui sa sixième grève depuis le début de l’année. (« Hélas ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette grève exaspère un grand nombre de nos concitoyens qui sont tributaires de la SNCF pour leurs déplacements quotidiens mais aussi fragilise l’entreprise,…

M. Pierre Lellouche. Eh oui !

M. Michel Bouvard. …à un moment où la nation fait un effort considérable en faveur du transport ferroviaire. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. C’est faux !

M. Michel Bouvard. Nous allons demain adopter le budget : ce sont 6,5 milliards d’euros – il faut que nos concitoyens le sachent – qui sont consacrés à l’entreprise propriétaire des infrastructures et, pour plus de la moitié, à la SNCF pour l’aider à équilibrer ses comptes, développer les tarifs sociaux, couvrir les charges de retraite des cheminots et développer le fret.

M. Pierre Lellouche. Il faut un service garanti !

M. Michel Bouvard. Un grand nombre de nos concitoyens souhaitent effectivement l’instauration d’un service minimum.

Mais je veux évoquer aussi le problème du fret ferroviaire.

Nous avons obtenu de Bruxelles, il y a un an, une autorisation de recapitalisation de celui-ci à hauteur de 800 millions d’euros. Quels risques, monsieur le ministre, cette grève fait-elle courir pour l’avenir du fret ferroviaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Celui-ci constitue un enjeu important en matière d’environnement à un moment où chacun considère qu’il y a trop de camions sur les routes et trop de pollution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Quels sont les risques pour la SNCF de ces grèves à répétition et quels sont les enjeux ?

Notre groupe est attaché au système ferroviaire et au caractère public de la SNCF, mais il souhaite aussi que cette dernière donne des signes tangibles et en appelle à la responsabilité des cheminots. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre Lellouche. Il faut instaurer un service minimum !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Vous avez raison, monsieur Bouvard, cette sixième grève décidée par certains syndicats de la SNCF aurait pu être épargnée aux usagers.

D’abord, l’un des prétextes, la privatisation, est totalement exclu des intentions du Gouvernement. Je l’ai confirmé par écrit aux organisations syndicales. J’ai adressé un courrier à chacune d’entre elles pour que les choses soient parfaitement claires.

Ensuite, concernant les autres revendications plus professionnelles, j’ai la conviction, après toutes ces journées de négociation, qu’il était possible d’arriver à un accord sans grève.

Je tiens à le proclamer haut et fort : le dialogue social n’est pas le conflit systématique. Cela passe par un travail en profondeur et par la négociation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans un pays moderne, c’est par le dialogue social que l’on peut faire avancer la situation des uns et des autres dans le cadre d’une économie équilibrée.

D’ailleurs, beaucoup de cheminots l’ont bien compris puisque, ce matin, moins d’un sur quatre était en grève.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. C’est le plus bas chiffre enregistré sur l’ensemble des six grèves.

Cette grève a deux conséquences.

La première est de prendre en otage un certain nombre d’usagers qui ont besoin du train pour aller à leur travail ou pour leur vie quotidienne. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C’est un scandale !

M. Maxime Gremetz. Non, il y a eu un préavis de grève. C’est le Gouvernement qui les prend en otage !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. La seconde conséquence est qu’elle coûte cher à la nation. Il faut que l’Assemblée nationale sache qu’une journée de grève à la SNCF coûte 20 millions d’euros, dont 8 millions pour le seul fret. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Gaspillage !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Voilà la réalité économique de la grève !

Dans ces conditions, le service garanti s’impose plus que jamais pour permettre aux Français d’utiliser les transports. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Depuis un an, nous avons beaucoup progressé par la voie contractuelle. La SNCF est l’une des premières entreprises à avoir signé un accord avec le syndicat des transports de la région parisienne et avec la région Alsace. Celui-ci a été respecté le 4 octobre dernier et il l’est également aujourd’hui. C’est très important.

Mais nous devons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à la SNCF, dans le cadre des renégociations avec l’ensemble des régions de France, de mettre ce sujet en discussion pour obtenir un engagement contractuel sur l’ensemble du territoire.

Mesdames, messieurs les députés, nous sommes attachés au dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. Ce n’est pas vrai !

M. Jacques Desallangre. C’est un dialogue à sens unique !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Ce dialogue doit respecter les usagers. Dans un pays moderne, il est très important que l’on puisse avancer sur le plan social essentiellement par la négociation.

M. André Gerin. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. J’espère que les discussions en cours entre les organisations syndicales et la direction de la SNCF vont nous permettre de sortir très vite de ce conflit parfaitement inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Gerin. Les propos du ministre ne sont que de la démagogie ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

logements sociaux

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier, pour le groupe socialiste.

Mme Nathalie Gautier. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le Président Jacques Chirac a déclaré hier, à l’occasion du congrès des maires de France, que la loi imposant à chaque commune d’avoir au minimum 20 % de logements sociaux doit être appliquée et a demandé que les préfets mettent en œuvre les pénalités qu’elle prévoit. Quel aveu d’échec ! Quel constat accablant pour votre gouvernement face à la réalité du terrain !

Quatre ans après l’adoption de la loi votée sous le gouvernement de M. Jospin, une commune sur trois n’atteint pas ce seuil. Alors que la quasi-totalité des maires de gauche se sont engagés dans cette politique, 241 communes, souvent riches et dirigées par la droite (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), n’ont strictement rien fait depuis 2000. (Mêmes mouvements.)

Preuve est faite que le dispositif actuel n’est pas assez contraignant. Trois semaines de violence ont révélé l’ampleur et la gravité de la crise urbaine. Il est urgent de passer du discours aux actes.

Lors de la discussion du projet de loi de finances, nous avons demandé des pénalités financières aggravées pour les communes hors la loi. Vous les avez refusées.

Dans votre projet de loi d’engagement national pour le logement, aucune sanction ne figure.

Vous parlez de cohésion sociale et vous étranglez financièrement les collectivités locales par le bouclier fiscal et le plafonnement de la taxe professionnelle.

Monsieur le ministre, quand ferez-vous appliquer la loi ? Quand mettrez-vous en œuvre cette République de l’égalité des chances et des territoires, cette République de la solidarité que les Français attendent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous ferai trois observations, madame la députée.

Premièrement, vous êtes particulièrement mal placée pour parler de logements sociaux, alors que la plus mauvaise période de construction en France a été sous le gouvernement Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxièmement, l’état de dégradation d’un certain nombre de quartiers a nécessité la mise en place d’un programme de rénovation urbaine majeur de près de 30 milliards d’euros. Vous connaissez d’ailleurs ces quartiers puisque vous êtes une élue de l’agglomération lyonnaise.

Troisièmement, la loi est appliquée. J’ai saisi les préfets le 21 août pour que les constats de carence soient appliqués de manière contradictoire, en tenant compte de la réalité des efforts des uns et des autres. Le chef de l’État s’est à nouveau exprimé la semaine dernière et ce matin : la loi continuera d’être appliquée.

Quant au financement des communes, vous ne manquez pas de toupet. Nous avons mis en place un dispositif pour les communes pauvres. La réforme de la DSU les aidera, en effet, à hauteur de 600 millions d’euros. Et vous avez voté contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mensonge !

diminution des déchets ménagers

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe UMP.

M. Francis Delattre. Madame la ministre de l’écologie et du développement durable, nous produisons 360 kilos de déchets ménagers, par an et par habitant. Nous nous trouvons devant une double difficulté.

Premièrement, nous constatons une disproportion entre l’emballage lui-même et le produit. Ce phénomène de suremballage entraîne des coûts d’élimination des ordures ménagères parfaitement insupportables. En effet, dans certaines communes, la taxe sur les ordures ménagères représente environ la moitié de la taxe d’habitation.

Deuxièmement, compte tenu de la politique suivie par l’ADEME, 5 % seulement des déchets plastiques sont recyclés. La surabondance de plastiques pénalise la filière compost. Certains pays parviennent à composter 40 à 50 % de leurs ordures, mais la France est incapable de proposer un produit acceptable pour l’agriculture. Quelles solutions envisage le Gouvernement ? Le Parlement souhaite engager une réflexion afin que d’autres voies, ouvertes notamment par la chimie verte ou les bioplastiques, soient explorées.

Actuellement, Cargill investit 4 milliards aux États-Unis avec la technologie française, pour produire des bioplastiques d’origine végétale, qui sont à la fois biodégradables et compostables. Si nous loupons ce virage technologique, alors que nous disposons des brevets nécessaires, nos emplois seront assez rapidement menacés, car le sac plastique c’est le tee-shirt d’hier.

Madame la ministre, je connais votre détermination. Nous devons réunir toutes les pièces de ce puzzle, afin de conduire une politique sérieuse en matière d’élimination des ordures ménagères, permettant de sauvegarder les emplois de cette filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Delattre, la quantité de déchets, voire leur surproduction, nous mobilise tous.

J’ai annoncé à La Baule des objectifs concrets de diminution des quantités de déchets mis en décharge ou incinérés. Ils sont actuellement de 290 kilos par habitant et par an. Nous devons arriver d’ici à cinq ans à 250 kilos par habitant et dans dix ans à 200 kilos par habitant et par an.

La réduction des sacs de caisse, vous avez raison, est un des moyens nous permettant d’atteindre cet objectif. En 2003, 15 milliards de sacs de caisse ont été utilisés. Grâce aux actions engagées par la grande distribution et la mobilisation de nos concitoyens, en 2004, 15 % de sacs en moins ont été distribués ; nous devrions encore en économiser 15 % cette année. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai piloté avec l’ADEME un groupe de travail pour aller plus loin. Nous sommes à l’écoute de tous. Nous avons évoqué le souci légitime des producteurs de ne pas mettre en péril l’emploi, celui des fabricants de produits alternatifs aux sacs jetables – nous y travaillons – et, bien sûr, celui de la société civile. Je rappelle que tous les élus et parlementaires étaient associés à ce groupe de travail.

Le premier objectif vise à faire baisser de moitié d’ici à 2006 la quantité de sacs de caisse distribués par rapport à 2003. Nous diminuerons ainsi la production de déchets. Je suis d’accord pour poursuivre la réflexion avec le groupe de travail, afin de trouver, à brève échéance, toutes les solutions pour que les sacs plastiques ne polluent ni l’atmosphère, ni l’environnement.

Aujourd’hui, nous constatons que certains sacs fabriqués ne sont pas biodégradables. Nous poursuivons donc nos recherches grâce aux scientifiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Pyramide des âges dans la fonction publique territoriale

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe UMP.

M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, j’ai l’honneur, comme beaucoup de mes collègues sur ces bancs et de nombreux autres Français, de servir mes concitoyens, comme maire d’une commune, à Agnetz dans l’Oise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes, comme vous le savez, monsieur le ministre, les premiers interlocuteurs de nos concitoyens et sollicités, à ce titre, sur des sujets très variés : les crèches, les écoles, les ordures ménagères, les conflits de voisinage, la présence de trafiquants de drogue ou de prostituées, la délinquance, le logement, etc.

Un député du groupe socialiste. Le logement social !

M. Édouard Courtial. La liste pourrait s’allonger indéfiniment.

M. Yves Nicolin. C’est vrai !

M. Édouard Courtial. Or, les habitants des communes, dont la population ne cesse d’augmenter, se montrent de plus en plus exigeants vis-à-vis des élus locaux. Les maires doivent, davantage encore, faire face à de grosses difficultés dans la gestion de leur ville, tant leurs responsabilités se sont accrues.

Ils sont notamment confrontés au problème du recrutement des agents territoriaux, compte tenu des départs massifs à la retraite prévus dans les prochaines années.

M. Bernard Accoyer. Bonne question !

M. Édouard Courtial. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour combler ces départs et faire venir par exemple de jeunes fonctionnaires territoriaux dans les petites collectivités rurales ?

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Édouard Courtial. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre au défi majeur des ressources humaines des acteurs du service public de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Courtial,…

Un député du groupe socialiste. Des logements sociaux à Neuilly !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …vous qui êtes l’un des deux benjamins de cette assemblée, vous vous préoccupez, à juste titre, de la pyramide des âges de la fonction publique territoriale.

Vous avez raison, car 38 % des fonctionnaires territoriaux, la moitié des cadres A, partiront à la retraite avant 2012. Il y a eu, cette année, 16 000 départs à la retraite dans la fonction publique territoriale. En 2006, il y en aura le double, soit 32 000.

M. Maxime Gremetz. Il faut les remplacer et embaucher !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il était donc indispensable de réagir. C’est pourquoi nous vous proposerons un projet de loi, qui sera présenté au conseil des ministres avant la fin de l’année et discuté au Sénat puis à l’Assemblée nationale avant le printemps. Il répond à deux objectifs.

Premièrement, il permettra d’offrir plus de souplesse aux employeurs, et vous êtes tous concernés. Je citerai un exemple simple. Lorsqu’une puéricultrice expérimentée, ayant douze ans d’ancienneté, vient voir un maire pour être recrutée, c’est impossible dans le système actuel, sauf à lui proposer de commencer au premier échelon. Vous pourrez maintenant intégrer cette puéricultrice avec un salaire correspondant à son expérience.

Deuxièmement, les fonctionnaires territoriaux bénéficieront de plus de possibilités de promotion …

M. Bruno Le Roux. À Neuilly !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …grâce à la formation d’abord et aux passerelles offertes entre la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale.

Ce projet a été présenté devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, bien présidé – je n’ai pas peur de le dire – par Bernard Derosier. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Une discussion s’est engagée. Tant l’Association des maires de France que l’Association des départements de France et l’Association des régions de France ont approuvé ce projet. Concrètement, cela signifie que pas une seule formation politique représentée dans cette assemblée ne s’est opposée à ce projet. Nous avons ainsi atteint, sur ce point, un consensus jamais égalé.

Cela permettra de répondre à l’attente et à l’espoir de quelque 1,7 million d’agents qui constituent la fonction publique de proximité. Au-delà, il faut y voir un signal. Alors que beaucoup de nos concitoyens s’interrogent sur le bien-fondé de nos clivages partisans, il est réconfortant de leur démontrer que l’on peut parfois les dépasser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Un député du groupe socialiste. Des logements sociaux à Neuilly !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, nous ne sommes pas sur un marché ici ! Nous sommes à l’Assemblée nationale.

allocations aux familles
d’enfants étrangers

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je voudrais d’abord rappeler à M. Borloo que, contrairement aux propos qu’il a tenus il y a quelques instants, le groupe socialiste a voté le dispositif d’extension de la DSU…

M. Yves Nicolin. La question !

Mme Marie-Françoise Clergeau. … lors de l’examen de la loi de cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le Premier ministre, au moment où nous célébrons la journée internationale des droits de l’enfant, votre gouvernement a fait voter au Sénat une disposition qui remet en cause le droit aux prestations familiales de certains parents étrangers vivant en France, et cependant en situation régulière. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ces parents se verront refuser le versement des prestations familiales dès lors qu’ils ne seront pas en mesure de prouver qu’ils ont respecté les procédures de regroupement familial pour leurs enfants.

La jurisprudence de la Cour de cassation indique clairement que la condition d’ouverture des droits aux prestations familiales doit être la régularité du séjour du parent, quelle que soit la situation des enfants. Ceci est totalement conforme au principe d’égalité proclamé par la Constitution et aux engagements internationaux pris par la France.

La défenseure des enfants, Claire Brisset, a demandé, dans l’intérêt supérieur des enfants et de leurs familles, le retrait de ce texte discriminatoire. L’obsession de votre gouvernement est de réduire toujours plus les droits des étrangers, même en situation régulière, de nier le droit de leurs enfants,…

M. François Grosdidier. Elle ment encore !

Mme Marie-Françoise Clergeau. …d’accroître la précarité financière des familles au détriment du respect des droits les plus élémentaires et de ne rien faire pour faciliter l’intégration.

Dans le climat tendu que nous connaissons, le rôle de la République ne doit-il pas être de lutter contre les discriminations au lieu d’en créer de nouvelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – « Vous ne faites que mentir ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame Clergeau, jamais en France n’a été reconnu le droit de bénéficier d’allocations familiales pour des enfants qui ne sont pas entrés dans notre pays au titre du regroupement familial. Jamais ! (« Vous voyez bien qu’elle ment ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Depuis 1987, date à laquelle cette règle essentielle a été posée dans le code de la sécurité sociale, tous les gouvernements successifs l’ont appliquée : le gouvernement de M. Rocard, le gouvernement de M. Bérégovoy, le gouvernement de Mme Cresson et bien sûr le gouvernement de M. Jospin, ainsi que tous les gouvernements de la droite et du centre.

En effet, si nous n’attachons plus aucune conséquence au respect des règles de regroupement familial, elles ne seront alors plus appliquées.

Or, ces règles ont leur utilité. Elles sont même indispensables. Elles permettent de vérifier que les parents disposent d’un logement décent pour accueillir leurs enfants et les revenus nécessaires pour les élever. C’est donc dans l’intérêt même des enfants que le législateur est invité à confirmer cette règle essentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

biocarburants

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon., pour le groupe UMP.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le ministre délégué à l’industrie, face au réchauffement climatique et à la raréfaction du pétrole, la France a l’ambition d’incorporer en 2008, 5,75 % de biocarburants supplémentaires, au lieu de 1,2 % aujourd’hui, 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

Pour y parvenir, nous devons doubler la production de biocarburants et passer de 1,4 million de tonnes produites à plus de trois millions. Concrètement, nous créerons 300 emplois nouveaux dans l’industrie, nous préserverons de nombreux emplois dans l’agriculture et nous économiserons 4 millions de tonnes de gaz à effet de serre.

Pour mettre en place cette nouvelle filière économique, les agriculteurs devront être en mesure de produire davantage de colza et de betteraves. La filière biocarburants devra être capable de mettre en place des unités de production susceptibles de produire de l’éthanol et du diester.

Les pétroliers doivent être en mesure de produire des carburants qui supportent l’incorporation et les constructeurs automobiles devront adapter les moteurs à une consommation durable de biocarburants.

L’État fait son devoir puisque le Gouvernement a prévu une enveloppe de 320 millions d’euros afin de couvrir la défiscalisation de ces biocarburants. Il a également pris ses responsabilités aux plans législatif et réglementaire en préparant des mesures qui favorisent le développement de cette filière.

Vous avez même, monsieur le ministre, souhaité aller plus loin en associant Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture, à une table ronde réunissant tous les acteurs – agriculteurs, constructeurs, pétroliers – pour construire la synergie nécessaire au respect des engagements pris pour 2008, autant dire demain. Cette table ronde s’est tenue hier. Quelles avancées pouvons-nous en attendre ? Je souhaiterais connaître votre point de vue sur les engagements qui y ont été pris. Comment garantirez-vous leur suivi et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député, vous l’avez dit : lutter contre le pétrole cher est nécessaire. Nous avons décidé de nous en donner les moyens. Le développement des biocarburants est une excellente méthode qui garantit notre indépendance énergétique, protège notre environnement, offre de nouveaux débouchés à notre agriculture et crée une nouvelle activité économique.

Le Premier ministre a fixé des objectifs ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il faut que tous les partenaires de cette filière prennent rapidement de bonnes mesures. Dominique Bussereau et moi-même les avons réunis hier : les décisions qui ont été prises permettront d’avancer.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je voudrais vous en signaler quatre qui sont très concrètes et qui nous intéressent tous.

D’abord, on peut désormais incorporer directement de l’éthanol aux essences, ce que feront dès le mois de février prochain les raffineurs et les distributeurs de la région de Rouen pour 300 000 tonnes d’essence.

Deuxièmement, nous mettons en place le même système d’agrément fiscal pour lancer les nouveaux biocarburants.

Troisièmement, les normes sur les carburants évolueront de façon à dépasser le pourcentage de 5 % de biocarburants afin d’atteindre l’objectif de 10 % d’incorporation.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. Des essais sont nécessaires et seront conduits pendant l’année. Certaines décisions relèvent du niveau européen, d’autres seront prises au niveau français.

Enfin, concernant le « flex fioul », que vous ne connaissez pas encore et qui consiste en l’incorporation d’un peu d’essence dans beaucoup d’éthanol, les essais nécessaires seront menés dès à présent afin que les flottes puissent y recourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité routière

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, pour le groupe UMP.

M. Maurice Giro. Ma question s’adresse à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

J’ai cru comprendre tout à l’heure, monsieur le ministre, que vous étiez en faveur d’un service minimum garanti ; je vous signale qu’en son temps, j’ai déposé une proposition de loi qui peut toujours être d’actualité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Maurice Giro. J’en viens à ma question.

Il y a trente ans, la route, dans notre pays, causait 16 000 décès par an et l’insécurité routière était vécue comme une fatalité. En juillet 2002, M. le Président de la République, estimant inadmissible que la France soit le mauvais élève de l’Europe en ce domaine, a fait de la lutte contre la violence routière l’une des grandes priorités de son quinquennat. Sans relâche depuis lors, le Gouvernement et les pouvoirs publics se sont donné les moyens de lutter efficacement contre le fléau de l’insécurité routière par le renforcement des contrôles – surtout lors de périodes difficiles –, l’application stricte des amendes et des peines et la fin de la tolérance à l’égard des excès de vitesse.

Les médias se sont régulièrement fait l’écho des bons résultats obtenus grâce à l’action ferme et déterminée du Gouvernement. Ce sont autant de vies sauvées chaque jour dans notre pays.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous dresser le bilan de la sécurité routière pour le mois d’octobre et nous dire quelles sont vos ambitions pour les mois à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Vous avez raison, monsieur le député, de rappeler que, depuis les annonces du Président de la République et son engagement personnel dans cette grande cause nationale, ce sont près de 6 000 vies qui ont été épargnées et 100 000 blessés évités.

Où en sommes-nous ? Pour la première fois depuis qu’il existe un outil statistique, nous sommes, sur douze mois consécutifs, passés en dessous de la barre des 5 000 tués par an. La diminution a été de 8 % en août, 16,6 % en septembre et 10,3 % en octobre. Pour autant, nous devons rester très vigilants.

Comment continuer à progresser ? Il faut bien sûr que les règles soient respectées, et cela exige de poursuivre la répression. À cet égard, je veux remercier les policiers et les gendarmes qui sous l’autorité des préfets, département par département, accomplissent un travail extrêmement efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en ciblant en particulier les zones où les résultats sont moins bons pour essayer d’en comprendre la raison et en adaptant leur dispositif de surveillance à cette réalité.

Je voudrais aussi souligner l’importance de la prévention et l’importance du travail de tous ceux qui, sur le terrain, se dévouent à la cause de la sécurité routière : les associations et les élus locaux, dont la motivation est remarquable. Dans le cadre du congrès des maires, j’ai signé ce matin une convention entre l’Association des maires de France et la Sécurité routière pour mettre en œuvre un certain nombre d’actions avec l’ensemble des élus locaux, qui relaient très efficacement, sur le terrain, les messages de prévention et de sécurité, dans le domaine, par exemple, de l’organisation des transports sur leurs communes.

En dépit de ces évolutions satisfaisantes, nous devons rester très prudents et poursuivre notre action dans ces trois directions : répression, surveillance et prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

ARTICLES NON RATTACHÉS (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen des articles non rattachés.

Ce matin, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits sur l’article 67.

Article 67
(précédemment réservé) (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, permettez que je m’exprime à cette tribune, car, même si ce n’est pas toujours d’usage à ce point de la discussion, il me semble que c’est un sujet suffisamment important pour que je vous donne une réponse détaillée.

M. Jean-Pierre Brard. Vous nous dominez par la posture, non par la force des arguments !

M. le président. Laissez-vous plutôt dominer par le silence, pendant quelque temps, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais, monsieur le député, je n’ai pas encore commencé !

Je voudrais d’abord revenir sur la motivation qui est la nôtre dans cette réforme de la taxe professionnelle.

Je veux le dire ici d’emblée, j’ai entendu des mots qui ne sont pas dans mon vocabulaire. Il a été question, par exemple, d’« esprit de revanche », à la suite des élections régionales ou cantonales. Croyez-moi, nous en sommes très loin. En effet, une réforme de cette ampleur, réclamée depuis des années, ne relève évidemment pas de je ne sais quel opportunisme mais, tout simplement, de la volonté d’apporter des réponses claires au problème majeur qui nous est posé aujourd’hui, celui de la compétitivité de notre pays.

M. René Dosière. La commission des finances a des réponses qui ne vont pas dans le même sens !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De quoi s’agit-il ? Nous voulons mettre toutes nos forces dans la bataille pour éviter les délocalisations. On dit sans cesse que si les entreprises trouvent que notre pays n’est pas suffisamment attractif, c’est en partie parce que des impôts comme la taxe professionnelle peuvent pénaliser, dans des proportions très importantes, leur activité.

M. René Dosière. Ce n’est pas ce que disent les économistes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le dispositif actuel de la taxe professionnelle prévoit un mécanisme de plafonnement pour protéger les entreprises d’une surtaxation. En théorie, celles-ci ne peuvent supporter une cotisation supérieure à un pourcentage compris entre 3,5 % et 4 % de leur valeur ajoutée, selon le chiffre d’affaires. Mais, en réalité, un tel mécanisme n’est pas effectif. Le plafonnement est calculé sur la base des taux de 1995, époque à laquelle on avait considéré que les collectivités locales veilleraient à une certaine forme de modération dans leurs relations avec les entreprises en tant que contribuables. Or 200 000 entreprises acquittent aujourd’hui une taxe professionnelle supérieure à 3,5 % de la valeur ajoutée. Pour certaines, ce taux va jusqu’à 10 %. Comme l’a souligné M. Mariton ce matin, la charge fiscale locale des entreprises est parfois de 30 % supérieure à celle qui existe dans les pays voisins.

La taxe professionnelle souffre d’une deuxième faiblesse : elle est le seul impôt en Europe à taxer les investissements avant qu’ils n’aient produit le moindre résultat.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vrai : l’imposition se fait à n +1 !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous proposons donc de corriger tout cela à travers une réforme qui vise à rendre la taxe professionnelle plus attractive, plus simple et plus efficace.

Pour la rendre plus attractive, nous allégeons la charge fiscale des entreprises, par le plafonnement effectif de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. L’idée est claire : nous nous engageons à ce qu’aucune entreprise ne paie plus de 3,5 % de la valeur ajoutée. Pour cela, ce que je propose, c’est que l’État mette les compteurs à zéro : le plafonnement sera calculé en fonction de l’année courante et non plus en fonction d’une année de référence. L’objectif est de faire en sorte que la taxe professionnelle prenne mieux en compte les capacités contributives des entreprises. C’était d’ailleurs l’une des principales préconisations de la commission Fouquet,…

M. René Dosière. Que vous n’avez pas suivies !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …auxquelles nous répondons ainsi, monsieur Dosière.

Je veux insister sur le fait que cet axe de notre réforme représente pour l’État un effort considérable : 1,4 milliard d’euros est consacré au rattrapage de la période 1995 à 2004. Je vais y revenir.

M. René Dosière. Et pourquoi pas 2005, s’il n’y a pas d’esprit de revanche ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous ai dit que j’allais y revenir, monsieur Dosière.

Cette réforme ne fera aucun perdant parmi les entreprises. Elle permettra d’alléger la charge fiscale qui pèse sur les entreprises industrielles mais aussi sur certaines entreprises de services. Et j’assume les responsabilités qui sont les miennes en vous disant cela.

La commission Fouquet a produit un rapport de très haute qualité,…

M. Augustin Bonrepaux. Auquel vous n’avez pas donné suite !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.… qui comportait un risque, celui de transferts de charges d’un secteur à un autre. C’est la raison pour laquelle, tout en m’inspirant des conclusions de ce rapport, j’ai préconisé la formule que je viens d’exposer.

Le deuxième atout de cette réforme est la simplicité. Je me permets d’en vanter les avantages car il est bon de temps en temps, dans notre beau pays de France, de voir le côté positif des choses, ce qui, je le conçois, est antinomique avec le rôle de l’opposition.

M. René Dosière. Mais que disent vos propres amis ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous alignons sur un taux unique de 3,5 % les trois taux existants – 3,5 %, 3,8 % et 4 % –, qui donnaient d’ailleurs lieu à des dérapages.

M. Charles de Courson. Vous oubliez un quatrième taux, de 1 % !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le troisième atout de cette réforme est son efficacité. Pour rendre la taxe professionnelle plus efficace, il était indispensable de corriger ses effets pervers sur les investissements. C’est pourquoi je propose la réforme du dégrèvement pour investissements nouveaux. Son principe est simple : nous allons pérenniser l’exonération des investissements nouveaux, qui sera totale la première année, qui portera sur les deux tiers la deuxième année et sur un tiers la troisième année.

Quelles seront les entreprises bénéficiaires de la réforme ? Toutes celles qui subissent des délocalisations.

Je vais vous donner un exemple, celui de l’industrie du bois et du papier. Ce secteur a perdu 17 000 emplois depuis 1995. Nous savons qu’à chaque fois, ce sont des familles et des territoires qui sont touchés de plein fouet. Grâce à la réforme, la taxe professionnelle de ce secteur sera allégée de 100 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. Cela ne suffira pas à relancer cette industrie !

M. Augustin Bonrepaux. Ça ne les sauvera pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mieux vaut 100 millions en moins que 100 millions en plus, ou alors je ne sais plus ce qu’est la logique économique. Mais je pourrai dire aux responsables du secteur du bois que vous trouvez que cet allégement n’est pas bon. Nous verrons ce qu’ils en pensent, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. C’est un affichage !

M. René Dosière. Nous, nous dirons aux maires que vous réduisez leurs ressources !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous parlerons des élus après.

Deuxième exemple, le secteur du textile qui a connu en dix ans 35 000 suppressions d’emplois. Avec notre réforme, l’allégement de la taxe professionnelle atteindra 30 millions d’euros.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est pour le frère de Number Two !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’autre effet de notre réforme est de soutenir les fleurons de notre industrie. Pour l’industrie automobile, le gain sera ainsi de 260 millions d’euros, soit 8 % de l’allégement global. Pour la pharmacie ou la parfumerie, la charge fiscale sera allégée de 50 millions d’euros.

Enfin, je précise, contrairement à ce qui a pu être dit par certains ce matin, que la réforme ne s’adresse pas qu’aux grandes entreprises. Près de 90 % de ses bénéficiaires ont un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros.

Cette réforme est aussi une réforme juste, qui partage équitablement la responsabilité du dispositif entre l’État et les collectivités locales. C’est un deuxième élément de réponse que je veux ici exposer.

Pourquoi prévoir un mécanisme qui fait intervenir les collectivités locales ? Parce que la taxe professionnelle est d’abord un impôt local, malgré la nationalisation rampante à laquelle nous assistons depuis quinze ans…

M. Charles de Courson. Et on continue !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui conduit à la prise en charge croissante de son produit par l’État – 38 % aujourd’hui. La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, entreprise en 1999, a encore aggravé la situation, et M. Migaud ne me contredira pas.

M. René Dosière. Mais elle était compensée !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais nous compensons aussi !

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La taxe professionnelle est un impôt local et elle doit le rester, mais cela suppose naturellement une gestion maîtrisée de son évolution.

Ce matin, certains se sont inquiétés d’un possible transfert de fiscalité vers les ménages, et en particulier M. Bonrepaux. Sur ce point, je répondrai clairement qu’il n’y a pas de raison que ceux qui ont toujours fait preuve de modération fiscale ne continuent pas de le faire.

Cet argument a été évoqué très fréquemment, pour ne pas dire systématiquement, à gauche de l’hémicycle. Tradition oblige !

M. Augustin Bonrepaux. À droite de l’hémicycle, ils ne disent rien, mais n’en pensent pas moins !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, il est trop facile de dire que ceux qui ont toujours eu la culture de la hausse d’impôts seront poussés à la réforme. Il ne faut pas confondre les causes et les effets.

M. Didier Migaud. C’est caricatural !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les communes ne sont pas en cause, parce que leurs taux n’ont pratiquement pas augmenté en 2005. De même, la hausse est restée raisonnable au niveau des départements. En revanche, et je suis désolé de gâcher ce début d’après-midi, les régions ont fortement augmenté leur fiscalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Observez les faits !

M. René Dosière. Pourquoi ne pas compenser en 2005 ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans vous infliger une litanie de chiffres, je vous ferai observer que la quasi-totalité des régions ont augmenté de manière phénoménale leurs taux d’imposition, ces hausses brutales étant intervenues entre 2004 et 2005. Vous aurez beaucoup de mal à me faire croire que c’est de la faute de l’État et de la décentralisation puisque la réforme de la décentralisation n’était pas encore entrée en vigueur.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette réforme repose sur trois principes.

Premièrement, les collectivités resteront parfaitement libres d’augmenter leur taux de taxe professionnelle. Deuxièmement, elles ne bénéficieront du produit correspondant qu’au titre des entreprises qui ne sont pas déjà plafonnées. Enfin, ni les entreprises plafonnées ni l’État ne supporteront les conséquences des hausses de taux décidées à partir de 2004.

Les collectivités locales n’ont donc pas lieu de s’inquiéter des conséquences de cette réforme. Contrairement à ce qui a pu être dit, elle n’entame en rien la libre administration des collectivités locales. D’abord, parce que les collectivités conserveront en tout état de cause la totalité du produit supplémentaire de taxe professionnelle lié à la croissance de leurs bases. Ce n’est pas la croissance des bases qui est en cause, mais les taux,…

M. Didier Migaud. Encore heureux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ce qui veut dire que c’est un atout pour les collectivités locales que de mener une politique active d’attractivité du territoire local.

Chaque année, les bases de taxe professionnelle augmentent en moyenne de 4 % en volume. Un tel dynamisme permet aux collectivités qui tirent l’essentiel de leurs ressources de la taxe professionnelle – ce qui est le cas des EPCI à taxe professionnelle unique – de faire face à l’augmentation des dépenses.

Monsieur de Courson, je veux essayer de vous rassurer.

M. Charles de Courson. Vous aurez du mal, mais essayez tout de même !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci de ne pas me décourager dans l’effort !

Nous avons veillé à ce que cette réforme préserve totalement l’intercommunalité, notamment les EPCI à taxe professionnelle unique.

M. René Dosière. Il faut le dire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la réforme prévoit que si les EPCI sont en période de convergence, les hausses mécaniques liées à ce processus ne seront pas prises en compte dans le calcul de la refacturation.

Je crois être parvenu à vous rassurer, au moins sur ce sujet.

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La réforme que je propose n’a donc rien à voir avec les suppressions de fiscalité locale que nous avons pu connaître par le passé et qui étaient remplacées par des dotations de l’État. Je pense à la part salaires de la taxe professionnelle ou à la vignette automobile.

Par ailleurs, la réforme n’entame pas la capacité des collectivités à fixer leur taux de taxe professionnelle. Mais les augmentations de taux n’auront pas d’effet sur les seules entreprises plafonnées.

M. Augustin Bonrepaux. Que se passe-t-il quand elles sont toutes déplafonnées ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mesurons bien les choses : la réforme proposée est beaucoup moins contraignante en matière de liberté et de fixation de taux que les règles qui existent actuellement en matière de liaison des taux entre les impôts des ménages et des entreprises.

M. Michel Bouvard. Dont il faudra parler !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Effectivement, monsieur Bouvard !

Les simulations montrent que pour 80 % des communes, le manque à gagner sera nul ou inférieur à 50 euros. Autant dire que l’impact sera totalement marginal. Et pour les collectivités concernées par le ticket modérateur, le montant reste très faible puisqu’il est de 20 millions d’euros pour les communes. Cela n’affectera donc en rien leur ratio d’autonomie financière. En vérité, cette réforme n’enlève donc aucun pouvoir aux collectivités locales.

M. Jean-Pierre Brard. Non, à peine !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle les incite seulement à participer à la préservation des entreprises situées sur leur territoire et, ce faisant, elle conforte le caractère local de la taxe professionnelle et sa place dans les ressources fiscales des collectivités.

Monsieur de Courson, je ne peux pas vous laisser dire que la réforme pénalise les collectivités qui ont été vertueuses. Je le répète : si ces collectivités n’augmentent pas leur taux à l’avenir, elles n’auront aucun manque à gagner. La vertu est donc récompensée, quel que soit l’écart de bases entre les collectivités.

Certains d’entre vous reprochent à la réforme d’accentuer les inégalités entre collectivités. Mais ne confondons pas ici encore les causes et les effets. Dans un très grand nombre de cas, les collectivités qui ont le plus de bases plafonnées sont celles qui ont, comme par hasard, le plus augmenté leurs taux dans le passé.

M. Michel Bouvard. Pas toujours !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Par exemple, la moitié des régions dans ce cas ont des taux supérieurs à la moyenne de leur catégorie. C’est bien pour arrêter cette spirale infernale qui aboutira à la fermeture de sites d’activités surimposés que j’assume de mettre les pieds dans le plat et d’engager une réforme difficile dont tout le monde parlait dans les colloques mais jamais à cette tribune. Or il faut bien assumer nos responsabilités à un moment ou un autre.

La vraie inégalité entre les territoires est celle de la fermeture des sites industriels, de la perte d’activité économique, de la désertification. En clair, quand on augmente les taux à l’infini et que l’on impose les entreprises jusqu’à 10 % de leur valeur ajoutée, il ne faut pas déplorer, en versant des larmes de crocodiles, qu’elles délocalisent.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Brottes, il me semble que le Gouvernement n’a de leçon à recevoir de personne en la matière. Je rappelle que c’est ce gouvernement qui a fait inscrire le principe de péréquation dans la Constitution et que c’est encore lui qui a renforcé le caractère péréquateur des dotations de l’État – et j’en parle en connaissance de cause puisque c’est moi qui ai présenté ce projet l’année dernière à la même époque – ce qu’aucun gouvernement n’avait eu l’opportunité d’engager depuis 1993. C’est notre gouvernement qui a permis l’augmentation de la DSU et de la DSR de 20 %.

Et qu’on ne me dise pas que la réforme de la taxe professionnelle aggrave les inégalités entre les territoires alors qu’elle ne vise précisément qu’à préserver les plus fragiles contre les risques de perte d’activité.

Par ailleurs, la réforme n’affecte en rien le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Je le répète : la plus grande inégalité, ce n’est pas le pourcentage de bases plafonné, c’est la perte de base de taxe professionnelle. Il vaut mieux des bases plafonnées que des bases perdues.

J’ajoute que j’ai eu le souci de mettre en place un dispositif préservant la capacité d’anticipation des collectivités. Le fait de voter une réforme dans le projet de loi de finances pour 2006 qui se traduira concrètement lors du vote des taux de 2007 donne aux collectivités une grande visibilité et leur permet d’anticiper les choses. Depuis le début, j’ai toujours été à l’écoute des uns et des autres, des élus locaux que j’ai longuement reçus, comme de l’ensemble des parlementaires qui l’ont souhaité. Je continuerai bien évidemment à être très attentif à l’ensemble des préoccupations qui ont été exprimées.

Sur ce sujet, qui dépasse largement les sensibilités politiques traditionnelles,…

M. Didier Migaud. C’est sûr, puisque, même à droite, ils sont contre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …j’attends de ce débat, au-delà des procès d’intention qui peuvent échapper ici ou là dans l’enthousiasme de certains propos critiques, que les uns et les autres soient constructifs sur une réforme dont chacun sait qu’elle est essentielle pour la compétitivité de notre pays.

M. Didier Migaud. Mais non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De ce point de vue, monsieur le président de la commission des finances, j’examinerai très attentivement les amendements relatifs à l’année de référence utilisée pour l’application du plafonnement. C’est une demande forte des élus ; je l’ai entendue.

Dans l’hypothèse où la réforme proposée risquerait de produire certains effets pervers,…

M. René Dosière. Ah bon ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …comme vous l’avez craint, monsieur Bouvard, nous veillerons à améliorer encore le dispositif retenu. Car je ne prétends pas, et je m’empresse de le dire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, détenir la vérité révélée sur un sujet aussi difficile.

M. Jean-Pierre Brard. Cette humilité subite est suspecte !

M. Didier Migaud. Inhabituelle !

M. Gérard Bapt. Suspecte parce qu’inhabituelle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis content que vous reconnaissiez au moins mon humilité !

Je suis convaincu, comme beaucoup ici, que cette réforme est indispensable, qu’il faut assumer de la mettre en route, quitte à proposer des d’améliorations, soit ici, soit au Sénat.

Je pense en particulier aux quelques communes et EPCI pour lesquels le pourcentage de bases plafonnées serait très élevé. Certains de vos amendements posent ce délicat problème ; il faut y travailler. Je me propose, en accord avec le rapporteur général, d’examiner avec vous ce sujet pour déboucher, soit à l’Assemblée nationale, soit au Sénat, sur un mécanisme correcteur pour ces collectivités.

Mais il nous faut être prudents. Nous sortons d’un mécanisme de plafonnement pris en charge par l’État sur la base de taux gelés. En conséquence, toute diminution du ticket modérateur serait inévitablement prise en charge financièrement par l’État. Je vous sais soucieux, autant que moi, d’équilibre budgétaire.

En résumé, la réforme de la taxe professionnelle est juste et ne doit pas être une source d’inquiétude pour les élus locaux, mais une réponse que beaucoup attendent sur la capacité de valoriser l’attractivité économique de nos territoires.

Tout au long de ce débat, je serai très attentif à vos préoccupations. Je suis prêt, bien évidemment, à corriger les effets pervers dès lors que l’esprit de la réforme ne sera pas dénaturé.

Il est grand temps d’entrer maintenant dans le vif du débat et de faire en sorte que cette réforme permette de compléter utilement le grand volet fiscal que nous avons proposé tout au long de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le jour où M. Copé ne fera plus de politique, il pourra entrer à la Comédie française !

M. Jean-Pierre Soisson. Vous l’accompagnerez ?

M. Jean-Pierre Brard. Certainement, car j’aime les bons comédiens, surtout l’après-midi !

M. Philippe Auberger. Quel cabotin !

M. Jean-Pierre Brard. Il n’hésite pas à monter sur l’estrade lorsque cela lui sied et à faire des « abricadabri abracadabra » ! Il a égrené, comme on égrène un chapelet, des contrevérités les unes après les autres.

Or – et voici l’objet de mon rappel au règlement, monsieur le président – vos déclarations polluent complètement le déroulement du débat puisque vous avez essayé de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Je vais vous donner des exemples – vous êtes concerné aussi, monsieur le président – pour montrer à quel point vous ne dites pas la vérité, monsieur le ministre, quand vous vous défendez de vouloir aggraver les inégalités entre collectivités. Pour obtenir 100 de ressources supplémentaires au titre de la taxe professionnelle, la commune de Marly-le-Roi, où le MEDEF tient ses universités d’été,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Si, monsieur le président, car il faut que le débat soit sincère. Pour l’instant, comme on dit dans un texte, « il n’est ni libre, mais il est faussé ».

Je reviens à Marly-le-Roi. Du fait du plafonnement des bases, il faudra voter 109. À Louveciennes, autre ville prolétarienne, ce sera 106 ; à Rocquencourt, localité où les RMIstes foisonnent, comme vous le savez, 100,3 ; à Enghien, 107. En revanche, ma bonne ville de Montreuil, elle, devra voter 170. Or, je vous signale, monsieur le président de la commission des finances, vous qui vous présentez en défenseur des communes vertueuses, que je n’ai pas augmenté les impôts de ma ville pendant sept ans.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ils étaient déjà élevés !

M. Jean-Pierre Brard. Ils étaient substantiels pour financer une politique sociale dynamique, qui n’est l’apanage ni de Marly-le-Roi, ni de Louveciennes, ni de Rocquencourt, ni d’Enghien. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas augmenté les impôts locaux pendant sept ans. À ce titre, je suis d’après vos critères la vertu incarnée. Mais, à cause de la politique du Gouvernement, notamment de la suppression des emplois-jeunes, que nous n’avons pas voulu licencier et que nous avons décidé de prendre à notre charge, nous sommes pénalisés. Dans les zones pauvres, Denain-Saint-Amand, par exemple, pour obtenir 100 de recettes, il faudra voter, tenez-vous bien, 709 ! Vous voulez d’autres exemples : Martigues-Port-de-Bouc devra voter 884 ! Et M. le ministre vient de nous déclarer qu’il ne pénalisait pas les établissements publics de coopération intercommunale ! En vérité, vous plombez les collectivités aux politiques sociales dynamiques, lesquelles sont nécessaires à cause de votre politique de destruction du tissu social, comme les événements des trois dernières semaines l’ont démontré, ne vous en déplaise, cher collègue qui militez contre la culture.

M. le président. Comme chacun a pu le constater, il ne s’agissait pas d’un rappel au règlement. Je l’ai pourtant accepté comme tel, mais c’était la dernière fois. Nous avons quatre-vingt-quatorze amendements à examiner sur le seul article 67. Nous aurons donc tout le loisir de débattre et il est inutile de recourir à de prétendus rappels au règlement pour s’exprimer. J’invite donc chacun d’entre vous à respecter les règles.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons à trois amendements, nos 309, 369 et 527, visant à supprimer l’article 67.

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n° 309.

M. Charles de Courson. L’examen des amendements me donne l’occasion d’entrer dans le détail pour expliquer pourquoi le groupe UDF demande la suppression de l’article 67.

A priori, du point de vue des entreprises et pour ceux qui s’intéressent peu aux finances locales, la suppression sur trois ans de 3,2 milliards de taxe professionnelle payés par les entreprises peut susciter l’enthousiasme, et même l’envie de dire bravo. Encore faudra-t-il financer la réforme, laquelle ne l’est pas davantage que les 6 milliards au titre de l’impôt sur le revenu et de la prime pour l’emploi. En masse, la réduction représente 12 % de la taxe professionnelle et la mesure peut séduire. Mais il y a un malheur. À partir du moment où l’on plafonne toute hausse sur la partie plafonnée de l’assiette de la taxe professionnelle, qui va payer sinon les entreprises non plafonnées ? Or ce sont, pour beaucoup d’entre elles, des petites et moyennes entreprises. D’ailleurs, la CGPME commence à s’inquiéter d’un système qui privilégie les entreprises capitalistiques, comme le pétrole, la chimie ou la sidérurgie, puisque ce sont elles qui bénéficieront des réductions. Mais les entreprises de service, sauf cas particulier, ne sont pas concernées par le plafonnement, de sorte que les hausses qui les frapperont devront être sensiblement plus fortes pour obtenir le même produit fiscal.

Deuxième remarque, toujours vu du côté des entreprises, à long terme, on s’achemine clairement vers la nationalisation de la taxe professionnelle. L’article 67, s’il est voté, introduira à la fois un plafonnement absolu à 3,5 % de la valeur ajoutée au taux de l’année et une cotisation minimale à 1,5 %. Celle-ci devra être progressivement augmentée pour financer l’abaissement du 3,5 %. C’est d’ailleurs ce dont rêvent depuis quinze ans les technocrates du ministère des finances qui pensent qu’il ne peut plus y avoir d’impôt local sur l’entreprise. Mais il faut le dire clairement ! Et, dans ce cas, il faut aller jusqu’au bout de la logique car, même avec le système proposé par le Gouvernement, trouverez-vous beaucoup de collectivités – qui ont des taux de plafonnement de leurs bases élevés et qui ont été modérées – prêtes à investir pour accueillir de nouvelles entreprises ? Votre réforme porte en germe la suppression du lien qui existe aujourd’hui entre les collectivités territoriales et les entreprises. Et cela, le pays le paiera très cher !

Du point de vue des collectivités territoriales maintenant, la réforme va-t-elle dans la bonne direction ? Assurément non ! Monsieur le ministre, vous récompensez les mauvais gestionnaires et sanctionnez les bons. Pourquoi ? Parce que vous mettez à la charge de l’État toute hausse des taux de taxe professionnelle entre 1995 et 2004 ayant frappé les entreprises plafonnées. Ceux qui étaient là en 1995 se souviennent qu’un amendement de votre humble serviteur a permis le plafonnement au taux de 1995 stabilisé. Les recettes augmentaient tous les ans de 1, 1,5, voire 2 milliards supplémentaires et j’avais compris que certaines collectivités augmentaient sans cesse leur taux de taxe professionnelle pour faire payer non pas leurs entreprises, mais l’État. Mais, en prenant le taux pour 2004 comme référence, monsieur le ministre, vous sanctionnez tous les bons gestionnaires qui ont peu ou pas augmenté les taux entre 1995 et 2004.

La preuve éclatante, je la trouve – et vous me le pardonnerez – dans le département dont j’ai l’honneur d’être le premier vice-président du conseil général : la Marne. Que n’a-t-on entendu sur ce département, qui a baissé constamment le taux de sa taxe professionnelle jusqu’en 2003 où nous étions à 3,75 % ! Nous avons géré avec rigueur, mais, les deux dernières années – en 2004 et 2005 –, il a fallu augmenter de 9 et 15 %, non pas parce que nous nous étions engagés dans de coûteuses politiques nouvelles, mais pour financer la hausse de l’allocation personnalisée d’autonomie. Et l’APA, ce n’est le gouvernement actuel,...

M. Michel Bouvard. Eh oui ! C’est la gauche !

M. Charles de Courson. C’est le gouvernement de Lionel Jospin !

M. Augustin Bonrepaux. Et le RMI ? Et les transferts de charges non compensés ?

M. Charles de Courson. La gauche qui a voté l’APA a même annoncé qu’elle n’en financerait pas plus de la moitié.

M. Michel Bouvard. Chez moi, la compensation porte sur 27 % du total de la dépense !

M. Charles de Courson. À l’heure actuelle, le taux moyen de compensation de l’APA par l’État est à 42 %.

Un coup à gauche, un coup à droite. J’en viens maintenant au gouvernement actuel. Le transfert du RMI et la prestation compensatrice du handicap – dont nous attendons toujours les décrets d’application – vont se traduire par des millions d’euros de dépenses supplémentaires nettes pour les conseils généraux.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez donc pas dire aux conseillers généraux de la Marne, dirigée depuis des dizaines d’années par des UDF et des UMP, qu’ils ont été laxistes et qu’ils vont être sanctionnés, comme le montrent les simulations qui nous ont été remises en commission des finances, à hauteur de 2,8 millions d’euros, soit 6 % du montant de la taxe professionnelle ! Vous allez me rétorquer que l’amendement de la commission des finances va atténuer le coup. Certes, la pénalité atteindra 1,9 million ou 2 millions ! Est-ce une politique de droite, monsieur le ministre, que de décourager ceux qui ont bien géré ? J’ai pris l’exemple du département de la Marne, mais j’aurais aussi bien pu m’en tenir à la commune de Couvrot, dans ma circonscription, dont les bases de taxe professionnelle sont plafonnées à 98 % parce qu’elle possède une énorme usine de ciment, Italcementi. Elle est dirigée par un de nos amis politiques, qui est un chef d’entreprise d’une extrême rigueur, mais elle n’aura pas d’autre solution que de faire exploser le taux de sa taxe d’habitation et de sa taxe sur le foncier bâti à cause de votre dispositif. Au cours d’une discussion avec lui, cet ami m’a avoué avoir été idiot de gérer avec autant de rigueur. S’il avait, comme beaucoup de nos collègues de gauche, alourdi substantiellement la fiscalité, il serait aujourd’hui récompensé. De même, si le conseil général de la Marne avait fait preuve de laxisme et augmenté constamment les taux pour éviter une hausse importante en 2004 et 2005, il n’en serait pas là ! Certains départements ont ainsi des taux de taxe professionnelle de 14,4 % alors que nous n’en sommes qu’à 4,6 % après deux années de hausse et que nous ne déciderons plus aucune augmentation dans les deux ans qui viennent.

Le dispositif que vous avez créé, monsieur le ministre, est fou, scandaleux et contraire au principe d’équité. Vous qui prétendez vous en prendre aux mauvais gestionnaires, vous sanctionnez tout le monde sans discernement ! Vous ne pouvez pas nier, les faits sont là. Je pourrais multiplier les exemples de communes très modérées.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Charles de Courson. Ainsi, vous l’ignorez peut-être, monsieur le ministre, c’est dans ma commune que les taux d’imposition sont les plus bas de la Marne. Eh bien, comme j’abrite une entreprise, en l’occurrence, Champagne Céréales, qui est plafonnée au niveau de l’entreprise, vous allez me faire payer parce qu’elle a des silos – quarante ou cinquante – qui sont installés dans des communes moins vertueuses, avec des taux de 25 % quand le mien est de 0,5 % ! Vous allez oser me sanctionner pour ma bonne gestion depuis vingt ans, alors que ni mes adjoints ni moi-même n’avons touché un sou d’indemnité ! C’est proprement scandaleux ! Votre réforme est fondamentalement injuste et je sais que beaucoup de nos collègues de l’UMP partagent mon point de vue car il repose sur des faits incontestables. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous commencez à vous rendre compte des effets profondément pervers du dispositif que vous nous avez proposé et vous suggérez d’y apporter des amendements. Mais le budget doit être voté demain en début d’après-midi. Il est trop tard ! Vous vous rabattez sur l’examen au Sénat, mais, après, ce sera fini.

M. le président. Il faut conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Pas du tout, je veux aborder deux autres questions car, jusqu’à présent, je n’ai pas abusé.

M. le président. C’est juste.

M. Charles de Courson. Je suis capable de m’exprimer sur tous les amendements !

Vous avez osé dire, monsieur le ministre, que la réforme va dans le sens de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. C’est évidemment le contraire puisque, à partir du moment où la taxe professionnelle est plafonnée, vous n’avez plus aucune marge de manœuvre sur les sommes plafonnées. Que peut-on faire quand les bases plafonnées représentent 80 %, comme dans la Manche, ou 70 % comme dans les Ardennes ? Vous nous rétorquez que ce sont des collectivités riches. Absolument pas ! Il n’existe aucun lien entre la richesse et la part de l’assiette plafonnée. Pour preuve, le département des Hauts-de-Seine est plafonné à 28 % seulement, tout simplement parce qu’il a des services, et aucune industrie – ou très peu. Dans le même temps, des départements pauvres comme les Ardennes sont plafonnés à près de 70 % !

M. Pascal Terrasse. Et l’Ardèche !

M. Augustin Bonrepaux. Et l’Ariège, plafonnée à 72 % !

M. Charles de Courson. Bref, il n’y a aucune justice dans votre système !

Enfin, à travers une disposition technique, vous êtes en train de détruire les progrès de l’intercommunalité !

M. Didier Migaud. Exactement ! Et c’est une grave erreur !

M. Charles de Courson. Lorsque nous avons transféré des compétences dans notre communauté de communes – j’en suis fier ! –, nous avons abaissé les taux des communes à due concurrence du taux de la communauté de communes : il n’y a pas eu un euro de plus. Nous ne sommes pas nombreux, je le sais, à l’avoir fait ! J’en connais un second, pour avoir été son conseiller lorsqu’il a créé sa communauté de communes.

M. Jean-Claude Lenoir. Je confirme !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un Normand ! Il a des circonstances atténuantes.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, comment, à l’avenir, seront traités ceux qui voudront créer ou densifier des intercommunalités ? Je peux vous le dire : fort simplement ! Dès qu’ils augmenteront les taux, ils se verront sanctionner en cas de plafonnement de la base à 60 % ou 70 %. Vous rendez impossible tout renforcement de l’intercommunalité.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il parle depuis douze minutes déjà !

M. Charles de Courson. Si c’est la dissolution des intercommunalités que vous voulez, dites-le !

M. Augustin Bonrepaux, M. Didier Migaud et M. Pascal Terrasse. C’est ce que veut le ministre, en effet !

M. Charles de Courson. Dans ces conditions, allez jusqu’au bout !

Contrairement à d’autres, nous avons fait des propositions car nous pensons qu’il faut récompenser les gestionnaires vertueux et sanctionner ceux qui commettent des excès. Dois-je rappeler que l’autonomie fiscale locale n’existe que grâce à la volonté du Parlement, puisque, en droit constitutionnel français, seule l’Assemblée nationale a le droit de lever l’impôt ? C’est pourquoi les dispositifs que nous proposons et sur lesquels je reviendrai visent à geler les taux excessifs. Mais qu’on arrête de sanctionner les bons gestionnaires !

Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que l’UDF, qui, historiquement, s’est toujours battue pour les libertés locales et la responsabilité contre des dépenses publiques excessives, ne puisse pas vous suivre sur cette pente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 369.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pour cinq minutes !

M. Didier Migaud. Une fois n’est pas coutume, mais j’ai trouvé Charles de Courson d’autant plus émouvant qu'il était sincère et qu’il a visé juste !

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Didier Migaud. Son argumentation correspond en grande partie à la réalité.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Didier Migaud. Hélas, oui !

Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure fait preuve d’humilité sur la réforme : vous le pouviez ! Car elle est d’une ampleur bien moins considérable que celle qui, votée sous la précédente législature, a permis de réduire la taxe professionnelle de 25 à 40 %, selon la taille des entreprises. La baisse que vous nous proposez est beaucoup plus modeste – de l’ordre de 12 %, cela a été rappelé –, mais, et c’est toute la différence, les conséquences en seront beaucoup plus redoutables pour les collectivités locales. La baisse survenue dans le cadre de la précédente réforme était en effet compensée par l’État. Certes, on pouvait toujours juger insuffisante la compensation : elle n’en avait pas moins le mérite d’exister ! Le bénéfice était net pour les entreprises sans qu’aucune charge supplémentaire ne vienne peser sur les collectivités locales.

M. Jean-Pierre Gorges. Votre réforme n’a servi à rien !

M. Didier Migaud. Il en va tout autrement de la réforme que vous nous proposez : elle aura de graves conséquences pour les collectivités locales puisqu’elle remettra en cause leur autonomie financière, autonomie, dois-je vous le rappeler, sur laquelle vous aviez insisté il y a deux ans.

Monsieur le ministre, quel argument nous opposez-vous lorsque nous évoquons le risque d’un transfert de la fiscalité des grandes entreprises aux petites et moyennes entreprises ? Aucun ! Sans apporter le moindre élément de réponse, vous vous contentez de nous rétorquer que notre raisonnement est faux ! Pourtant, à partir du moment où la taxe professionnelle de certaines entreprises est plafonnée à 3,5 %, il est nécessaire que les cotisations des entreprises qui ne sont pas encore plafonnées augmentent.

M. Jean-Pierre Gorges. Si les taux augmentent !

M. Didier Migaud. Si les taux augmentent, évidemment !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est fondamental !

M. Didier Migaud. Oui, c’est fondamental, mais, vous ne l’ignorez pas, nous sommes, malheureusement, souvent contraints d’augmenter la fiscalité afin de tenir compte des charges qui sont transférées aux collectivités locales ! Si nous reprenions le débat sur le sujet, nous pourrions citer suffisamment d’exemples montrant que les collectivités locales qui augmentent leur fiscalité ne le font ni par plaisir ni par je ne sais quel sadisme à l’égard de leurs contribuables, mais tout simplement parce qu’elles y sont contraintes !

M. Philippe Auberger. C’est le principe de précaution qui s’applique !

M. Didier Migaud. Nous nous inscrivons en faux contre l’idée que les élus locaux augmentent les impôts par plaisir ou de façon irresponsable, comme le laisse parfois entendre M. le président de la commission des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Du reste, le risque d’un transfert de la fiscalité des grandes entreprises vers les petites et moyennes entreprises n’est pas le seul : il existe aussi – chacun le reconnaît – celui d’un transfert de la fiscalité des entreprises sur la fiscalité des ménages. Les intercommunalités, notamment, seront de plus en plus amenées à mettre en place une fiscalité mixte, c'est-à-dire à faire peser sur les ménages une charge fiscale supplémentaire.

Votre réforme aura donc des conséquences très négatives pour l’intercommunalité. S’il fallait la caractériser, trois mots suffiraient, que, du reste, je ne suis pas le premier à prononcer : impréparation, incohérence et injustice.

Monsieur le ministre, vous aimez beaucoup les sondages et vous avez eu l’occasion, la semaine dernière, d’en citer un. En l’occurrence, vous avez encore beaucoup de travail à faire puisque, s’il faut croire une enquête récente, 53 % des maires estiment que la réforme est mauvaise !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous croyez maintenant aux sondages, vous devez également citer celui qui révèle que les Français sont majoritairement favorables à la réforme de l’impôt !

M. Didier Migaud. Je ne crois pas aux sondages, monsieur le ministre : j’entre dans votre raisonnement ! Un tel pourcentage me paraît d’ailleurs bien faible ! Sans doute les maires ne se sont-ils pas encore rendu compte des conséquences de votre réforme pour les collectivités locales !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En quelque sorte, vous êtes un sondage à vous tout seul !

M. Didier Migaud. Le pourcentage des mécontents augmentera au fur et à mesure qu’ils découvriront les effets pervers de la réforme.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si l’on vous suit, vous représentez 100 % des maires à vous tout seul !

M. Didier Migaud. Ne caricaturez pas nos positions. Vous savez parfaitement que l’opinion que nous exprimons est, malheureusement pour vous, partagée bien au-delà de nos bancs. Il suffit d’entendre les déclarations de certains députés du groupe UMP ou les réactions de responsables d’associations d’élus.

M. Gérard Bapt. Oui.

M. Didier Migaud. Ils ne cessent d’exprimer leurs inquiétudes devant ce qu’ils nomment eux-mêmes l’asphyxie des collectivités locales.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.

M. Didier Migaud. Non seulement cette réforme nous semble contraire aux principes fondamentaux de notre constitution, mais certaines de ses dispositions révèlent un gouvernement bien mesquin et animé, sans doute, de cet esprit de revanche qui a déjà été évoqué.

Prendre 2004 pour année de référence, c’est en effet donner un caractère rétroactif à la loi et pénaliser des collectivités locales qui n’avaient pas connaissance de la réforme au moment où elles ont arrêté leur fiscalité pour 2005. Je le répète : c’est absolument contraire à nos principes constitutionnels et il s’agit bien là de l’esprit de revanche ! En quelque sorte, vous punissez les collectivités locales, plus particulièrement les régions qui ont été contraintes d’augmenter leurs impôts au-delà de la correction proposée par le rapporteur général. Monsieur le ministre, il est de très mauvaise méthode d’attenter aux principes républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 527.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, alors qu'un récent sondage CSA pour l'Association des maires de France – celui que Didier Migaud a évoqué à l’instant – révèle que 91 % des maires et 95 % des présidents d'établissement public de coopération intercommunale…

M. Jean-Pierre Gorges. De gauche !

M. Jean-Pierre Brard. De gauche comme de droite ! La logique de la gestion communale, c’est la même que celle du fil à plomb : un sou est un sou, et quand le Gouvernement vous le soutire, il vous le soutire ! C’est pourquoi ce chiffre de 91 % inclut des maires de droite : on peut penser à Charles de Courson,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il n’est pas de droite !

M. Jean-Pierre Brard. …qu’on ne saurait soupçonner de déviation gauchiste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ah si ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce sondage, dis-je, révèle que 91 % des maires et 95 % des présidents d’établissements publics de coopération intercommunale ne considèrent pas comme légitime le fait que les collectivités locales supportent les conséquences financières liées au plafonnement des impôts. L'inquiétude grandit parmi les élus locaux sur les effets du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, d'autant plus que, faute de simulation, le flou a été entretenu durant des semaines sur les conséquences de cette mesure et les mécanismes qu’elles emprunteront, car ils sont encore loin d’être appréhendés de façon satisfaisante. Telle est la raison pour laquelle, sans doute, nous n’avons obtenu les documents que ce matin !

Nous savons néanmoins que la réforme devrait se traduire pour les quatre régions les plus touchées par un manque à gagner supérieur à 20 millions d'euros : 30 millions pour la région Île-de-France, 25 millions pour les régions PACA et Languedoc-Roussillon et 21 millions pour la région Nord-Pas-de-Calais.

Les 3,2 milliards d'euros d'allégements de la taxe professionnelle résultant de la volonté présidentielle représenteront à eux seuls 13 % du produit total de la taxe professionnelle.

De fait, le plafonnement portera atteinte aux principes constitutionnels d'autonomie financière des collectivités locales. Mais le constat plus général est que l'impôt local, au travers de cette réforme, est une fois de plus considéré comme une variable d'ajustement de la politique financière et fiscale de l'État, sans que soit engagée une réflexion d'ensemble sur une véritable réforme de la fiscalité locale.

Celle-ci est pourtant indispensable au moment où les collectivités, dans le contexte d'un État largement défaillant, sont confrontées à d'importants transferts de charges, aux conséquences de la décentralisation et à la nécessité d'intensifier leur politique sociale et éducative en vue d’améliorer la situation des populations les plus modestes, notamment dans les quartiers défavorisés.

Monsieur le ministre, écoutez bien la citation suivante ! Pour l’organisation patronale, « c’est une nouvelle victoire que le MEDEF obtient, une nouvelle étape vers la suppression de la taxe professionnelle que nous réclamons depuis des années. Nous ne pouvons que nous en féliciter. » Mais quand, monsieur le ministre, avez-vous vu que ce qui est bon pour les privilégiés et le MEDEF est bon pour les Français et le pays dans son ensemble ? Mais vous êtes les obligés du MEDEF ! Vous êtes leur porte-hallebarde ! Vous ne savez rien leur refuser !

Monsieur le président, le ministre nous a tenu des propos qui n’étaient pas exacts, lorsqu’il a prétendu ne pas vouloir aggraver les inégalités. En réalité, monsieur le ministre, vous supprimez l’autonomie des collectivités locales. Vous souhaitez établir un système à l’anglaise, alors que, déjà, votre système, que vous voulez encore aggraver, provoque le désespoir dans nos banlieues, entraîne les ruptures sociales et déclenche l’exclusion dans les quartiers tout en développant l’amertume et l’humiliation. C’est votre propre autisme qui conduit à la révolte.

Comment, après, réparez-vous les dégâts ? En décidant de rétablir dans la précipitation, comme vous venez de le faire après les événements qui ont secoué nos quartiers, les subventions, que vous aviez supprimées, aux associations qui créent du lien social. Mais pensez-vous qu’on puisse ainsi rétablir d’un coup de baguette magique ce que, patiemment, vous avez démoli durant trois années ? Pensez-vous que les associations qui, du fait de votre politique, ont été obligées de licencier leurs animateurs, les uns après les autres, et de détruire de ce fait les liens qu’elles avaient tissés, pourront de nouveau les rétablir ?

Je demande à un huissier de bien vouloir transmettre ce document à M. le ministre.

(M. Brard fait remettre un document à M. le ministre.)

Mme Maryse Joissains-Masini. Assez !

M. Jean-Pierre Gorges. Il tombe en vrille ! Arrêtez-le !

M. Jean-Pierre Brard. Attendez, je vous prie, mes chers collègues.

Il s’agit d’un chèque, qui correspond à la somme que M. le ministre va soutirer à Montreuil au titre de la loi de finances 2006 : 853 700 euros !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà un chèque que je n’oublierai pas, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le Gouvernement rétablit la rétroactivité des lois !

M. Didier Migaud. C’est vrai !

M. Yves Censi. Guignolesque !

M. Jean-Pierre Brard. Il le fait afin de nous punir pour les décisions que nous avons prises il y a deux ans. Or, qui est responsable de nos difficultés, notamment de l'augmentation de 16 % du nombre des chômeurs à Montreuil ? C’est votre politique !

Cette somme que vous soutirez à la ville de Montreuil, monsieur le ministre, représente 3 % d’augmentation de la taxe d’habitation. Et la bouche en cœur, vous vous exclamerez : « Les impôts augmentent ! Comment cela se fait-il puisque le Gouvernement les baisse ? » C’est vrai, vous les baissez ! À tel point que vous avez vidé les caisses publiques pour remplir les coffres-forts. Alors, comme vous n’avez plus de sous, vous prenez sur nos recettes pour compenser les méfaits de votre politique.

M. Alain Bocquet. Absolument !

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Cela, nous allons l’expliquer aux Français, qui vous ont déjà botté les fesses à plusieurs reprises.

M. Jean-Pierre Soisson. Trop c’est trop !

M. Jean-Pierre Brard. Mais il faut croire que leur énergie n’était pas suffisante, puisque vous poursuivez les mêmes obsessions, ou plutôt, vous continuez d’exprimer votre servilité à l’égard du MEDEF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. le président. J’informe l’Assemblée que, sur le vote des amendements nos 309, 369 et 527 tendant à supprimer l’article 67, je suis saisi par le groupe socialiste et le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Voilà quatre heures que nous écoutons cette discussion, nos collègues de la majorité, M. le rapporteur général et moi-même.

Je souhaite en quelques mots – et ce sont les seuls que je prononcerai ce soir – expliquer pourquoi je soutiens cette réforme, même si je reconnais, monsieur le ministre, qu’elle nécessite quelques adaptations (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) – vous en avez parlé tout à l’heure en ce qui concerne les départements en particulier.

Je suis président d’une communauté d’agglomération, comme beaucoup de nos collègues ici présents, et je vais subir le plafonnement, puisque je suis à 54 % ; je l’accepte car je le crois nécessaire.

M. Jean-Pierre Brard et M. David Habib. C’est un acte de contrition !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je l’accepte pour protéger la compétitivité et l’emploi de nos entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la procession à genoux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Monsieur Brard, je vous ai écouté !

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai, je le reconnais.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je prends l’exemple d’une entreprise automobile du Grand Ouest comptant 9 623 salariés. Sa taxe professionnelle représente l’équivalent de quatre mois et demi de salaires et la seule augmentation de cette année l’équivalent d’une semaine de travail.

Lorsque nos entreprises arrivent à des niveaux de taxe professionnelle de plus de 8 % de la valeur ajoutée, nous jouons contre l’emploi ! C’est la première raison qui me pousse à soutenir cette réforme.

La deuxième est que l’État ne peut plus continuer à prendre en charge une partie des impôts locaux, ce qui lui a coûté, entre 1991 et 2002, pour la taxe d’habitation et la taxe professionnelle, 10 milliards d’euros supplémentaires. Peut-on continuer à ce régime alors qu’on ne cesse de reprocher à l’État de ne pas limiter son déficit et son endettement ? Soyons donc logiques et cohérents avec nous-mêmes.

Enfin, troisième raison, je crois nécessaire un nouvel arbitrage entre les dépenses collectives et le pouvoir d’achat des salariés. On met en cause l’entreprise, mais, lorsqu’elle est soumise à des taxes élevées, ce sont l’emploi et les salaires qui en pâtissent. Il n’y a pas de miracle en économie, surtout dans une économie ouverte. Or, le niveau des charges en France est sans équivalent en Europe.

Par ailleurs, nous devons réexaminer le cas de la multiplication des interventions de chacune des collectivités afin de supprimer les doublons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Un redéploiement se révèle nécessaire et cette réforme nous y conduira.

Certains investissements ont été financés par sept structures différentes, avec des taux d’équipement et d’investissement qui atteignent 80 %. Comment pouvons-nous dès lors prétendre à une gestion sérieuse de ce pays ?

Voilà donc les raisons pour lesquelles j’approuve la réforme, même si, j’insiste, certaines adaptations sont nécessaires.

M. Alain Bocquet. Lesquelles ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Si rien n’est fait aujourd’hui, les dépenses vont continuer d’augmenter au rythme inacceptable de 4 % en volume par an. Pourquoi ? Tout simplement – et M. Dosière l’a remarquablement analysé – parce que les dépenses restent électoralement payantes : quand vous dépensez 100 euros, vous ne demandez que 10 euros à 50 % de vos contribuables, l’essentiel étant financé par la taxe professionnelle, l’État, les dégrèvements.

J’ai conscience, en tant que président d’une communauté d’agglomération, qu’il est agréable d’investir, d’accroître les services, encore faut-il savoir à quel rythme on doit le faire par rapport aux exigences de nos compatriotes en matière de pouvoir d’achat.

Comme l’a dit M. Dosière il y a quelques années…

M. Jean-Pierre Soisson. Il a vieilli !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …dans un article remarquable, si l’État n’avait pas pris en charge une partie de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle, il y aurait eu une révolte contre les impôts locaux, contre les collectivités locales.

Savez-vous, mes chers collègues, que, dans nombre de villes, seulement 25 % des contribuables payent la totalité de la taxe d’habitation, 50 % étant dégrevés partiellement et 25 % exonérés totalement ?

M. Alain Bocquet. Ils sont au chômage !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et je ne parle pas de la taxe professionnelle que j’ai évoquée précédemment.

En conclusion, peut-on continuer à demander toujours plus à l’État, alors qu’il va mettre cette année 3 milliards d’euros supplémentaires dans la balance.

M. Augustin Bonrepaux. Quel en est le résultat sur l’emploi ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le chômage baisse !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Si l’État ne mobilisait pas ces 3 milliards d’euros pour l’emploi en dégrèvement et par le biais du plafonnement de la taxe professionnelle, il pourrait augmenter de 8,5 % la dotation globale de fonctionnement de l’ensemble les collectivités locales !

Je vais écrire à toutes les collectivités pour leur exposer la situation que vous voyez illustrée sur le tableau que voici. (M. Méhaignerie présente un graphique à l’Assemblée.) Il est vrai, mais c’est une demi-vérité, que l’État transfère des responsabilités aux collectivités locales, sans leur donner les moyens correspondants.

M. Augustin Bonrepaux. Et que faites-vous pour cela ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Laissez-moi poursuivre mon raisonnement, monsieur Bonrepaux.

L’autre vérité, celle que personne ne dit, vous la voyez sur ce tableau : voilà où en serait aujourd’hui le niveau de la taxe d’habitation si l’État n’avait pas pris en charge plus de 4 milliards d’euros. Il en va de même, vous le constatez, pour ce qui concerne la taxe professionnelle.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas une raison pour priver les collectivités locales de leurs moyens !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il est temps de prendre nos responsabilités, c’est-à-dire de plafonner les impôts locaux. C’est la condition du retour de l’emploi dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Après quatre heures de discussion générale, je souhaite à mon tour vous expliquer pourquoi la majorité de la commission des finances souscrit à l’architecture générale de cette réforme.

Laissez-moi d’abord vous rappeler que, dès le lendemain de sa création en 1975,…

M. Augustin Bonrepaux. Par qui ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …la taxe professionnelle a fait l’objet de réformes.

L’État, c’est-à-dire le contribuable national, s’est substitué au contribuable local tout simplement parce que les entreprises étaient, pour une partie d’entre elles, dans l’incapacité d’acquitter une taxe professionnelle excessive et parce que les collectivités locales ne pouvaient pas se passer de cette ressource compte tenu des dépenses qu’elles devaient financer.

Depuis trente ans, les réformes se divisent en deux grandes catégories.

Celles de la première catégorie, consistant à supprimer une partie de la taxe professionnelle et à la remplacer par des dotations, sont très défavorables aux collectivités locales. En 1987, par exemple, la suppression de 16 % de l’assiette a été compensée parce qu’on a appelé la dotation de compensation de la taxe professionnelle. De plus de 2 milliards d’euros au départ, elle n’est plus aujourd’hui que de 1 milliard d’euros.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 1999, on a supprimé la part salaires. À cause de cette réforme, dans des communes dirigées par des maires aussi dynamiques que celui de Montreuil ou celui de Noisy-le-Grand, qui se trouvent en face de moi, chaque fois que de nouvelles entreprises s’y sont installées, les rentrées fiscales au titre de la taxe professionnelle, puisque l’assiette ne comportait plus la part salaires, ont été divisées par deux. C’est dire à quel point les réformes qui tendent à remplacer la fiscalité par des dotations sont néfastes aux intérêts des collectivités locales.

M. Augustin Bonrepaux. Par quoi compensez-vous ?

M. David Habib. Ce que vous proposez est pire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Laissez-moi continuer, mes chers collègues.

Le deuxième type de réformes de la taxe professionnelle passe par le plafonnement à la valeur ajoutée, avec la prise en charge sous forme de dégrèvement de ce qui excède ce plafond.

Le plafonnement à la valeur ajoutée a été introduit dès 1979, soit quatre ans à peine après la création de la taxe professionnelle. Il a fonctionné à plein régime à partir de la fin des années quatre-vingt. Or, et Charles de Courson s’en souvient très bien, en 1995, on a constaté une véritable hémorragie pour le budget de l’État. Face à l’envolée du coût de substitution, à l’époque, nous avions, M. de Courson et moi-même, proposé de mettre le dégrèvement supplémentaire à la charge non seulement du contribuable mais également de la collectivité locale.

Il est vrai qu’aujourd’hui le Gouvernement nous propose d’aller plus loin et de plafonner vraiment la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée à toutes les entreprises. En effet, certaines paient en réalité davantage que 3,5 % de leur valeur ajoutée : 8 %, voire 10 %.

M. Léonce Deprez. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quelles sont ces entreprises ? Avant tout celles dont l’assiette de taxe professionnelle comportait beaucoup d’investissements et peu de salaires, c’est-à-dire les entreprises industrielles, celles qui sont les plus vulnérables aux délocalisations.

Nous ne pouvons continuer ainsi !

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes obligés de réformer la taxe professionnelle.

Le Gouvernement a donc mis en place une commission de réflexion. La commission Fouquet, qui a travaillé pendant un an et a proposé une réforme très simple, consistant en un remplacement de l’assiette des équipements et biens mobiliers par l’assiette valeur ajoutée.

M. Bernard Accoyer. C’est ce que les socialistes proposent dans leur programme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Toutefois, cette proposition ne peut être retenue, pour trois raisons.

D’abord, le remplacement de l’assiette des équipements et biens mobiliers par l’assiette valeur ajoutée reviendrait à réintroduire de façon massive les salaires, et ce au moment où la politique du Gouvernement donne la priorité à l’emploi.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ensuite, on ne peut jamais réussir une réforme fiscale en déshabillant Pierre pour habiller Paul. Or, la commission Fouquet proposait de faire payer davantage les services pour alléger la charge de l’industrie, réforme dont chacun sait qu’elle était vouée à l’échec.

Enfin, et je m’adresse notamment à nos collègues de province…

Mme Martine David. Qui n’en sont pas moins des élus de la République !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …pour insister sur un inconvénient majeur que présentaient les propositions de la commission Fouquet. En effet, à partir du moment où l’on allège la taxe professionnelle de l’industrie, on augmente la part des services. Ainsi, les collectivités territoriales dont les services entrent pour beaucoup dans l’activité économique sont celles qui auraient le plus profité de la réforme. On aurait donc assisté, grosso modo, à un transfert territorial au détriment de la province et au bénéfice, en particulier, de l’Île-de-France.

Aussi le Gouvernement propose-t-il d’appliquer à toutes les entreprises, j’insiste, un plafond unique de 3,5 % de la valeur ajoutée.

De la sorte, personne n’y perdrait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette réforme se concentre en effet sur les entreprises dont la charge de taxe professionnelle reste la plus insupportable, à savoir plus de 3,5 % de valeur ajoutée.

À nos collègues qui s’inquiètent de ce que la réforme avantagerait les très grandes entreprises, je réponds que cela n’est pas exact. En effet, 88 % des entreprises bénéficiaires de cette réforme font moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. En outre, la moitié du coût général de la réforme est consacré à des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros.

Deuxièmement, nous gardons l’assiette actuelle, établie établissement par établissement. Si l’on s’était fondé sur la valeur ajoutée, qui est appréciée, elle, au niveau de l’entreprise, on aurait pu parler, comme Charles de Courson, d’une véritable nationalisation de la taxe professionnelle. Mais les bases ne sont nullement modifiées.

La réforme ne peut poser d’éventuels problèmes que si l’on procède à une augmentation importante du taux.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or, lorsque je demande à mes collègues, de gauche comme de droite, s’ils ont l’intention d’augmenter leur taux de taxe professionnelle, ils me répondent à l’unisson que leur objectif est la maîtrise de ce taux.

M. Augustin Bonrepaux. Qui avez-vous interrogé ? Qui vous a répondu ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous-même, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas laisser dire n’importe quoi, monsieur le président !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès lors que les taux seront maîtrisés, la réforme n’aura aucun effet néfaste.

Il est toutefois un autre aspect que vous n’avez pas évoqué, monsieur le ministre, c’est l’incidence de la réforme sur les départements. Comme l’a noté M. Michel Bouvard, ceux-ci vont rencontrer des difficultés en raison de leur spécificité par rapport à d’autres collectivités : du fait de la décentralisation, ils doivent supporter des dépenses, notamment sociales, très dynamiques. Ceux dont le pourcentage plafond est très important risquent de se voir privés de marges de manœuvre suffisantes, tout comme les intercommunalités à taxe professionnelle unique, ainsi que l’a souligné M. Dosière.

Le fait est que nous ne pourrons résoudre ces différentes questions que si nous mettons véritablement en œuvre le deuxième principe de la réforme constitutionnelle que nous avons votée il y a deux ans. Celle-ci a en effet posé, après le principe de l’autonomie financière des collectivités locales, celui de la péréquation. S’agissant des départements ou des EPCI à taxe professionnelle unique, il faudra nous montrer beaucoup plus ambitieux en matière de péréquation des dotations de l’État. Nous devrons mieux répartir ces 60 milliards d’euros entre les différentes collectivités et cesser de nous fonder sur le seul critère des droits acquis. Ce sera le deuxième temps de la réforme.

M. Augustin Bonrepaux. Quand ? En 2008 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En conclusion, il apparaît clairement que cette réforme est indispensable. Consacrée à la défense et au développement de l’emploi, elle renforcera la compétitivité de nos entreprises et permettra d’éviter leur délocalisation, sans pour autant pénaliser les collectivités locales dès lors que celles-ci n’augmentent pas leur taux de taxe professionnelle. Il convient donc de rejeter ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Vraiment, ce n’est pas glorieux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’invite également l’Assemblée nationale à les rejeter et je souhaite donner à mon tour quelques éléments de réponse aux trois intervenants qui les ont défendus.

Au-delà du ton polémique que je crois percevoir ici ou là depuis ce matin,…

M. Didier Migaud et Mme Marylise Lebranchu. Allons donc !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …il m’a semblé, comme je l’ai déjà dit, que cette réforme pouvait nous conduire à dépasser les différences qui généralement nous opposent et à nous mettre d’accord au moins sur son objectif. Mais la vivacité de votre ton, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, m’a incité à m’intéresser à ce que vous aviez pu dire en d’autres temps.

Il n’y a pas si longtemps, monsieur Bonrepaux, vous déposiez une proposition de loi…

M. Augustin Bonrepaux. C’est exact : vous n’aviez qu’à la reprendre et à l’appliquer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …que vous présentiez ainsi : « Le risque d’augmentation des taux de taxe professionnelle doit être pris en compte dans le cadre des réflexions sur la lutte contre la désindustrialisation et les délocalisations. » (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Voilà déjà de quoi apaiser le débat !

Quant à vous, monsieur Migaud, vous venez de faire l’éloge ému de la réforme, exceptionnelle à vous entendre, de la taxe professionnelle par M. Strauss-Kahn, votre nouvel ami de synthèse.

M. Didier Migaud. Ne mélangeons pas tout ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pourtant, c’était tout sauf une réforme ! Avec une totale absence de courage politique, vous n’avez fait que supprimer la part « salaires » des recettes des collectivités locales pour la remplacer par un dégrèvement, c’est-à-dire une subvention de l’État. C’est vraiment tout l’opposé d’une réforme de structure. Rappelez-vous d’ailleurs ce que disait l’un des grands sages de votre parti, M. Mauroy, dans un rapport célèbre sur la décentralisation : selon lui, la réforme de M. Strauss-Kahn « s’est faite au détriment de l’autonomie financière des collectivités locales, celles-ci voyant leur part « salaires » compensée sur la base d’une assiette et d’un taux gelés ». (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud et M. David Habib. Ce que vous proposez est bien pire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur ces sujets si difficiles, monsieur Migaud, je constate donc que, selon que l’on se trouve sur les bancs de l’opposition ou sur ceux de la majorité, on oublie parfois ce qui relève, non pas de la joute politicienne, mais d’un constat sur lequel nous devrions pourtant pouvoir nous retrouver entre républicains.

M. Didier Migaud. Nous y reviendrons, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. de Courson a pour sa part exprimé, avec la vivacité qui semble lui être devenue coutumière chaque fois que je parais au banc du Gouvernement, des inquiétudes que je voudrais essayer de dissiper. S’agissant des bases plafonnées pour les départements, monsieur le député, vous avez cité le cas de la Marne. Je vous ai fourni les simulations en toute transparence et forme de nouveau le vœu que l’utilisation qui en sera faite sera conforme à l’usage républicain. Ce département a 53 % de bases plafonnées, et aura, avec la réforme, un ticket modérateur s’élevant à 3,1 % de l’ensemble de ses recettes fiscales. C’est loin d’être négligeable, lorsque l’on sait que dans la période 2004-2005 son taux de taxe professionnelle a augmenté de 15 %.

M. Charles de Courson. Non : de 9, puis de 15 %.

M. Jean-Pierre Brard. Oh ! Vous avez fait cela, mon cher collègue ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci d’apporter de l’eau à mon moulin, monsieur de Courson ! Si un département est amené à relever son taux dans de telles proportions, il est bien normal que le Gouvernement s’interroge sur la manière de modérer ces augmentations. Sinon, il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer lorsque les entreprises se seront délocalisées. On ne parlera plus alors de bases plafonnées, mais de bases supprimées !

L’amendement sur lequel nous avons travaillé avec M. Carrez devrait vous rassurer : il vise à prendre en charge le passage de 2004 à 2005 à hauteur de 4,5 % et à atténuer d’autant les effets liés à l’augmentation des taux. Nous remettons ainsi une bonne part des compteurs à zéro, nous purgeons le passé, pour ainsi dire, et, ce faisant, nous lançons un avertissement pour inciter à la modération fiscale à l’avenir.

La même logique d’atténuation s’appliquera aux communes : leur ticket modérateur, qui s’élève à 20 millions d’euros si l’on applique le texte actuel, tombera à 3 millions d’euros si l’on adopte l’amendement. On préserve donc largement l’exercice de maîtrise des taux. À la faveur de la navette, nous allons proposer un double mécanisme correcteur : d’une part, une prise en compte à hauteur de 4,5 % pour l’année 2004, ce qui atténuera d’autant les augmentations pour 2005 ; d’autre part, un mécanisme global d’atténuation qui prendra en compte le pourcentage de bases plafonnées pour toute collectivité – commune, EPCI, département ou région – qui aura maîtrisé ses taux.

Enfin, monsieur Brard, vous m’avez fait remettre un chèque de 853 700 euros, libellé à mon nom et à tirer sur votre compte. (Sourires.) Cette somme, si j’ai bien compris, correspond au montant du ticket modérateur que la ville de Montreuil devra verser à l’État, lequel le reversera immédiatement aux entreprises afin qu’elles investissent et embauchent. Mais c’est aussi l’exact reflet de l’augmentation des taux de fiscalité que vous avez pratiquée entre 2004 et 2005. Dans une ville aussi dynamique et aussi remarquablement gérée que la vôtre, vous avez donc relevé le taux de la taxe professionnelle de 8,3 % ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans de telles conditions, 853 700 euros, ce n’est pas cher payé…

Or c’est justement en cela que le Gouvernement se montre pragmatique et attentif à toutes les voix qui s’expriment dans cette assemblée : avec l’amendement qui sera, je l’espère, adopté, il faudra déduire de votre chèque l’équivalent des 4,5 % de compensation. Toutes les collectivités de France pourront d’ailleurs le faire, sauf la vôtre, monsieur Brard. Comme d’habitude – vous n’êtes pas apparenté communiste pour rien –, votre chèque est en bois : il a beau être au nom de Jean-Pierre Brard, il est signé Jacquou le Croquant ! Voilà qui démontre l’humour des communistes autant que leur incapacité à remplir correctement les chèques : raison de plus pour veiller à ce qu’ils ne gouvernent jamais la France tout seuls ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Plusieurs députés du groupe socialiste demandent la parole.)

M. le président. Même dans mon infinie bonté, je ne peux donner la parole à trois orateurs du groupe socialiste ! (M. Bonrepaux proteste.)

Il est inutile de mettre en cause la présidence, monsieur Bonrepaux. Je n’accepterai aucun chantage car j’ai toujours, de manière très républicaine, donné la parole à votre groupe et accordé les suspensions de séances qu’il demandait.

M. Bernard Accoyer. Un peu trop, même !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je regrette la brièveté imposée à cette discussion : si nous avions disposé de plus de temps, il eût été intéressant de poursuivre le débat sur l’imposition des entreprises, la compétitivité et les délocalisations. En effet, les nombreux rapports remis sur le sujet, y compris le rapport Fouquet, ont de quoi laisser beaucoup plus perplexe que vous ne l’êtes, monsieur le ministre.

Je ne prends qu’un exemple extrait d’un ouvrage réalisé non pas par un dangereux gauchiste, mais par le responsable du département fiscal de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, par ailleurs maître de conférence à HEC. Cet auteur, dont on peut dire – ce n’est pas péjoratif – qu’il est proche du MEDEF, explique que la taxe professionnelle n’est pas la préoccupation première des entreprises et qu’elle ne joue pas un rôle déterminant dans leurs décisions d’implantation.

Quant au rapport Fouquet, il montre, s’agissant de la compétitivité des entreprises, que les secteurs de l’industrie, de l’énergie et des transports supportent 66 % de la TP alors qu’ils produisent 33 % de la valeur ajoutée, tandis que le secteur financier paye 3 % de la TP quand il dégage 8 % de la valeur ajoutée. Il faudrait donc nuancer bien davantage les propos, mais nous n’en avons pas le temps.

Deuxième observation, monsieur le ministre : pourquoi – M. de Courson vous en faisait d’ailleurs le reproche –instituer dès à présent un ticket modérateur ? La remise à zéro des compteurs ne se fait pas en 2005, comme ce devrait être le cas, mais en 2004, et vous ajoutez 4,5 %. Pourquoi pas 3, 6 ou 7 %, d’ailleurs ? Il ne devrait pas y avoir de rétroactivité. Alors, dites-nous clairement pourquoi la remise à niveau n’est pas fixée à 2005 ? N’est-ce pas parce que vous n’acceptez pas que toutes les régions sauf deux aient été gagnées par la gauche l’année dernière et qu’elles aient mené une politique fiscale qui vous dérange ? Avouez que c’est pure revanche ! C’est mesquin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Troisième observation : il faudrait cesser de stigmatiser les collectivités locales, comme l’a fait M. Mariton dans le rapport, en forme de tract UMP, qu’il a remis au nom de la mission d’information sur la fiscalité locale ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Méhaignerie m’a cité, à plusieurs reprises, en disant que j’étais hostile à la suppression d’une partie de la fiscalité locale et à son remplacement par des compensations ou des dégrèvements. Mais ce n’est pas d’aujourd’hui ! Voilà vingt ans que je tiens le même discours, mais je ne l’ai pas toujours entendu sur tous les bancs. Surtout, pourquoi ai-je condamné ce procédé ? Parce que j’aurais préféré une vraie réforme des finances locales. Et je rappelle au président de la commission des finances qu’en 1990, quand le groupe socialiste a proposé une véritable réforme de la part départementale de la taxe d’habitation, il n’a pas eu beaucoup de soutien de la part de la droite !

Mises à part les tentatives des socialistes en 1990-1992, le courage a toujours fait défaut pour réaliser une vraie réforme des finances locales et c’est pourquoi l’État a, sous des gouvernements de droite comme de gauche d’ailleurs, pris en charge de plus en plus la fiscalité locale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais les collectivités locales n’en sont pas responsables.

Ces collectivités locales, qui réalisent les deux tiers des investissements publics de notre pays, quand elles s’endettent, c’est pour financer des équipements, ce n’est pas pour payer, comme l’État, des dépenses de fonctionnement ! Par ailleurs, leur endettement ne cesse de diminuer, contrairement à celui de l’État. Par conséquent, que le Gouvernement cesse de leur donner des leçons car elles sont bien mieux gérées que l’État !

Je voudrais vous poser une dernière question, monsieur le ministre. Je prends le cas d’une commune qui m’est chère, celle où je suis né et où réside encore une partie de ma famille, Origny-sainte-Benoîte, dans l’Aisne. Disposant d’une sucrerie-distillerie, elle perçoit une taxe professionnelle, qui est plafonnée à 93 %. Pouvez-vous m’expliquer comment cette commune ouvrière, dont la population n’est pas riche, pourrait dégager des marges financières, alors que sa taxe professionnelle est plafonnée et que son taux de TP, qui n’a d’ailleurs pas augmenté en 2005, est de 5,88 % quand la moyenne nationale tourne autour de 12 % ?

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bonrepaux a la parole, et lui seul ! Vos protestations, mes chers collègues, ne font que retarder le débat !

M. Augustin Bonrepaux. Je fais observer que j’aurais pu faire un rappel au règlement mais je préfère répondre à M. le ministre sur le fond, comme il le souhaite d’ailleurs. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole pour le faire. Et je remercie aussi M. Copé d’avoir cité en exemple la proposition de loi que j’ai déposée. Le problème, c’est que la majorité a refusé de la voter ! Elle prouve pourtant que nous sommes, nous aussi, préoccupés par l’augmentation de la taxe professionnelle pour les entreprises industrielles et c’est pourquoi nous avions proposé, bien avant que le Président de la République ne s’en soucie, de la plafonner, c’est vrai, mais aussi d’augmenter la cotisation minimale, afin d’harmoniser la taxe professionnelle et d’éviter que les collectivités locales ne subissent la moindre perte de ressources.

C’est la première fois que l’on réalise une réforme – la vôtre, monsieur le ministre – sans prévoir de compensation. On peut reprocher à celle de Dominique Strauss-Kahn d’avoir diminué la part salariale dans la TP, mais cela a été compensé par une dotation qui évolue comme la DGF.

En outre, monsieur le ministre, quand vous avancez des arguments, mieux vaudrait qu’ils soient justes !

Vous nous dites que la taxation des investissements s’imputent immédiatement sur la taxe professionnelle. Or c’est faux, et pour deux raisons : d’abord, parce que ce n’est que la deuxième année que la taxe professionnelle intervient, et ensuite, parce que, dans beaucoup de collectivités, a été voté un allégement de taxe professionnelle pour les cinq premières années, comme nous l’avons fait dans l’Ariège, tant pour les créations que pour les extensions d’entreprises.

Par conséquent, on ne peut prétendre que les entreprises sont taxées au premier jour, pas plus qu’on ne peut affirmer que les élus locaux se désintéressent des conséquences de cette taxe.

Vous avez dit aussi que votre réforme était juste. C’est faux ! Les collectivités les plus riches, Levallois-Perret, Puteaux, Neuilly, seront plafonnées à 30 %, alors que d’autres le seront à 66 %, comme la communauté de Liévin dans le Pas-de-Calais, ou celle du Grand Rodez. Allez-vous prétendre que le président de cette dernière n’est pas un bon gestionnaire, qu’il n’est pas vertueux et que l’élu de Levallois-Perret l’est davantage ? Cessons ces discours qui laissent penser que certains élus seraient plus vertueux que d’autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il y a des élus qui administrent des collectivités qui ont des moyens, parfois disproportionnés, et d’autres qui rencontrent plus de difficultés et sont obligés d’augmenter davantage les impôts.

Vous nous affirmez qu’il s’agit d’accroître l’attractivité du territoire. Mais celle-ci ne dépend pas que de la fiscalité, mais aussi des travaux que réalisent les collectivités pour que l’on puisse mieux y travailler. Que me demandent les entreprises de mon département ? Des routes en bon état, un déneigement efficace, la couverture du territoire par le très haut débit et la téléphonie mobile !

M. Jean-Pierre Soisson. Eh bien, continuez donc d’augmenter les impôts !

M. Augustin Bonrepaux. Comme cela ne se fait pas automatiquement, surtout dans les zones excentrées, ce sont les collectivités locales qui se chargent de ces investissements. Avec quoi le feront-elles si elles n’en ont pas les moyens ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Enfin, qu’en est-il de la péréquation ? On a changé le thermomètre mais on n’a rien changé aux charges ! Nous ne demandons pas qu’elles soient imputées à l’État. Il suffirait d’augmenter la cotisation minimale sur la valeur ajoutée pour réaliser une péréquation entre les entreprises.

Monsieur le ministre, vous n’osez pas faire une réforme qui répartirait harmonieusement la taxe professionnelle entre les différentes entreprises. Vous avez choisi la solution la plus simple : la faire payer par les collectivités. En réalité, ce sera par les ménages. Allez-vous prétendre, après cela, que vous faites baisser les impôts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. À certaines des objections que j’ai soulevées, je n’ai toujours pas de réponse.

Monsieur le rapporteur général, nous formulons la même critique : que l’État, sous les gouvernements de gauche comme de droite, ait pris en charge une part croissante des impôts locaux. Le tableau que nous a montré Pierre Méhaignerie est faux pour ce qui concerne la taxe professionnelle car il faudrait y ajouter la mesure Strauss-Kahn, qui n’y est pas. On serait alors à plus de la moitié qui serait prise en charge.

M. René Dosière. À 61 % !

M. Charles de Courson. Mais puisque nous partageons le même diagnostic, pourquoi persévérer dans l’erreur ? On nous assure que ce ne sera plus le cas, mais je n’y crois pas.

Deuxièmement, pourquoi traite-t-on de la même façon ceux qui ont bien et ceux qui ont mal géré ? Aucune réponse ne m’a été fournie non plus sur ce point.

Troisième sujet, le gel de l’intercommunalité. Si l’on veut, demain, augmenter le champ des compétences de son intercommunalité, on sera sanctionné. Par conséquent, on ne le fera plus, ce qui freinera considérablement le développement des intercommunalités.

Quatrièmement, on protège les entreprises capitalistiques ; mais quid des entreprises non capitalistiques ? Ce sont elles, qui représentent un peu moins de la moitié de l’assiette en moyenne – mais selon les communes, les départements ou les régions, cela peut être 10 % ou 95 % –, qui porteront le poids. Et c’est la raison pour laquelle la CGPME dénonce ce système car elle voit bien que, à moyen terme, ce sont ces entreprises qui en supporteront les conséquences.

Monsieur le ministre, vous avez cité la Marne. Moi qui suis conseiller général depuis vingt ans dans ce département, je puis vous assurer que nous y avons « serré les boulons ». Nous avons les dépenses de fonctionnement les plus faibles de France ; nous avons diminué la vignette puis le taux de taxe professionnelle. Et si nous avons procédé à des augmentations d’impôts, par deux fois, en 2004 de 9 % et en 2005 de 15 %, je vous assure que c’est après des réunions sanglantes au sein de la majorité ! Et nous l’avons fait pour prendre en charge l’énorme différentiel qui résultait de trois mesures : l’APA, le SDIS et les conséquences sur nos budgets de l’application des 35 heures dans les établissements médico-sociaux. Et les hausses n’ont même pas couvert le surcroît de charges. Or le Gouvernement poursuit dans la même voie, avec la prestation compensatrice !

Vous ne pouvez pas dire que c’est la mauvaise gestion des départements qui explique la hausse des impôts. Pour beaucoup d’entre eux, la raison en est les transferts commencés sous le gouvernement Jospin, et poursuivis sous l’actuel gouvernement. Telle est la réalité objective.

J’en viens à ma conclusion.

Dans le vote que nous allons émettre maintenant, nous aurons à choisir entre Margaret Thatcher et Alexis de Tocqueville !

M. Jean-Pierre Brard. Élève infidèle !

M. Charles de Courson. Pour ma part, je suis du côté du second, c’est-à-dire du côté de ceux qui pensent qu’il faut responsabiliser les élus, qu’il faut réduire la prise en charge et non pas, comme on veut nous le faire faire, l’augmenter encore, et qu’il faut réformer.

En effet, pourquoi en sommes-nous arrivés là, mes chers collègues ? Parce que nous sommes tous des conservateurs et que nous avons refusé de moderniser les bases des impôts locaux. Je le répète depuis des années : le seul impôt qui puisse financer durablement tant les conseils généraux que les conseils régionaux, c’est la CSG. Il faut donc baisser la CSG au niveau national, affecter le différentiel aux collectivités et leur supprimer les parts de TIPP, de TCA, etc. Alors, 80 % de nos concitoyens paieront, ce qui ne peut que favoriser la responsabilisation.

Ne persévérons pas dans la politique Strauss-Kahn, c’est-à-dire une politique thatchérienne – je le lui avais dit lorsque, ministre des finances, il nous avait présenté sa réforme. En tout cas, c’est du côté d’Alexis de Tocqueville que l’UDF, elle, se range résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je proposerais volontiers à notre collègue de Courson une relecture collective et commentée d’Alexis de Tocqueville pour lui éviter les contresens !

Monsieur le ministre, les entreprises vont-elles mal, comme vous voudriez nous le faire accroire ? En réalité, jamais les actionnaires n’ont fait autant de gras ! Les entreprises ont-elles besoin de subventions, d’allégements de charges ? Bien sûr que non ! Elles ont besoin que les salariés aient du pouvoir d’achat. Car, lorsque les consommateurs ont les moyens, les entreprises tournent : elles n’ont pas besoin d’allégements de charges, mais de clients pour leurs produits.

Et qui profite de ces impôts, que vous vouez aux gémonies ? Dans une commune, ils servent, par exemple, à financer les écoles, les équipements sportifs, la restauration scolaire – quand la politique menée tient compte des revenus des familles –, l’accueil de la petite enfance, les centres de santé.

M. Jean Leonetti. Les maisons du peuple !

M. Jean-Pierre Brard. Ils servent aussi à financer les équipements culturels, le théâtre, le conservatoire, la bibliothèque, le cinéma. Ainsi, dans ma ville – cela va faire sauter certains d’entre vous au plafond –, les enfants des écoles peuvent aller au cinéma pour 1,50 euro. Nos entreprises n’ont-elles pas besoin de jeunes bien formés et cultivés, ce qui préserve la solidité du contrat social ?

M. Jean-Pierre Soisson. Assez ! Cela fait six heures qu’on discute et pas un vote !

M. Jean-Pierre Brard. Quand ma ville finance le voyage en Chine de jeunes allant y apprendre le chinois, il n’est écrit nulle part qu’il faille le faire !

M. Jean-Pierre Soisson. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. L’apprentissage du chinois devrait-il être réservé aux fils de bourgeois dans les 8e et 16e arrondissements ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous finançons, hélas, les conséquences de votre politique, monsieur le ministre.

Je prendrai l’exemple d’un couple de salariés gagnant chacun 1 100 euros et dont les deux enfants bénéficient de la restauration scolaire et des centres de vacances. Quand votre politique a pour conséquence de réduire l’un des deux parents au chômage, le jeu du quotient familial, compte tenu du fait que vous augmentez le nombre de chômeurs, coûte à la collectivité, pour les deux enfants, 600 euros par an, les parents ayant fait recalculer le quotient familial.

Mais, monsieur le ministre, bien que vous soyez maire de Meaux, vous ne pensez, et votre majorité plus encore, car elle compte nombre d’extrémistes, qu’à ceux qui sont nés avec une cuiller d’or dans la bouche ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec votre politique, les salariés, les chômeurs, les retraités et les jeunes sont les baudets qui portent les privilégiés, les gros actionnaires, les tricheurs qui vont dans les paradis fiscaux et contre lesquels vous ne faites rien, les détenteurs de stock-options. Comme on disait encore il y a un certain temps, vous menez une politique de classe qui détruit l’espérance et la confiance dans le contrat républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements de suppression nos 309, 369 et 527.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas voulu intervenir auparavant car le déroulement de la séance semblait suffisamment perturbé par le comportement de nos collègues socialistes.

Le président de la commission des finances a cité tout à l’heure l’analyse de René Dosière sur la situation des finances locales, il y a quelques années, qui concluait que le contribuable risquait de se révolter. Il y a quelques mois, j’ai intitulé ainsi le rapport de notre commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale de la manière suivante : « Le contribuable se rebiffe ».

Mme Martine David. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Hervé Mariton. Il me semble, cher collègue, qu’il y a là une certaine cohérence avec l’analyse qui était la vôtre en son temps.

M. Augustin Bonrepaux. C’est le contenu de votre rapport qui est incohérent !

M. Hervé Mariton. La vraie différence tient à ce que l’analyse, que nous avons conduite avec rigueur, après de nombreuses auditions, vous gêne beaucoup, compte tenu de votre responsabilité dans les choix fiscaux effectués dans nombre de collectivités par des exécutifs socialistes, notamment en 2005.

M. Patrick Lemasle. C’est faux !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Hervé Mariton. Votre crainte, monsieur Dosière, se trouve donc confirmée. Cette démonstration vous fâche probablement, mais les faits sont là et ils sont têtus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 271, 370, 386, 460, 478 et 501.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 271.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, qui a été approuvé par la commission des finances, vise à maintenir le plafond de 1 % de la valeur ajoutée pour les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers. Cela étant, j’ai expliqué en commission qu’il valait mieux retenir le taux de 1,5 % et nous sommes convenus qu’en séance publique, nous adopterions ce taux qui fait l’objet d’un amendement ultérieur, n° 672.

Nous l’avons choisi parce qu’il existe depuis quelques années une cotisation minimale de la taxe professionnelle qui s’applique à partir de 1,5 %. Dès lors qu’on réforme cette taxe, cela ferait désordre que de conserver un taux de 1 % pour certaines entreprises. Dans un souci d’harmonisation, je souhaite que l’on ne vote pas cet amendement et que l’on adopte l’amendement n° 672.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. J’ai déposé cet amendement en commission des finances, parce qu’il me semblait naturel que les entreprises – notamment dans le milieu agricole, où elles sont nombreuses – qui étaient déjà soumises au taux de 1 % continuent à en bénéficier.

Mais après en avoir discuté en commission et avec le rapporteur général, je suis prêt à le retirer au profit de l’amendement n° 672.

M. Didier Migaud. Les entreprises concernées apprécieront !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je retire l’amendement n° 271.

M. le président. L’amendement n° 271 est retiré.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 370.

M. François Brottes. Cet amendement vise à maintenir une disposition votée à l’unanimité, sur ma proposition, dans la loi d’orientation forestière en 2001. Il s’agissait de tenir compte du fait que de petites entreprises travaillent dans l’agriculture et en forêt avec peu de main-d’œuvre et beaucoup de matériel. Inclure celui-ci dans l’assiette de la taxe professionnelle incitait ces entreprises à travailler au noir ou à imposer des conditions difficiles à leurs salariés.

L’approche strictement technocratique du rapporteur général, qui ne m’écoute pas, montre bien à quel point il se désintéresse des petites et moyennes entreprises des territoires ruraux et forestiers.

M. Patrick Lemasle. C’est pourtant une question importante !

M. François Brottes. C’est pour leur permettre d’être vertueuses et pour pérenniser leur activité que nous avions plafonné le taux à 1 %, dans leur cas et dans celui des entreprises de travaux agricoles.

Ce qu’on nous propose est totalement indécent : une augmentation de 50 % de la taxe professionnelle des petites entreprises qui exercent dans les secteurs agricole et forestier.

M. Didier Migaud. Il faut remercier le gouvernement de Villepin !

M. François Brottes. À l’évidence, la volonté du Gouvernement est de baisser l’impôt des très grosses entreprises et d’augmenter celui des petites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La démonstration est évidente : cette mesure va mettre en péril leur existence et l’emploi dans les secteurs agricole et forestier. Votre approche technocratique, monsieur le rapporteur général, vous fait dire que cela fait « désordre » par rapport à des chiffres inscrits sur un tableau. Mais au regard de l’activité de ces entreprises, c’est un drame qui se profile dans les secteurs agricole et forestier : le travail se fera au noir dans des conditions extrêmement précaires, car il s’agit de métiers dangereux.

Nous jouons aux apprentis sorciers en supprimant la mesure de plafonnement.

La différence entre nous, c’est que, si nous prenons une disposition fiscale ne s’appliquant qu’à certains, c’est pour maintenir de l’emploi dans un secteur déshérité ou en danger, dans un esprit de discrimination positive. Au contraire, vous proposez la même mesure pour tout le monde, ce qui favorisera les grandes entreprises.

Il faut que l’Assemblée se ressaisisse et maintienne le plafonnement à 1 %, comme l’a d’abord proposé le rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour la clarté du débat, je considère que les amendements nos 386, 460, 478 et 501 sont également retirés, comme l’amendement n° 271 de la commission.

M. Didier Migaud. Dommage !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 370 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons que j’ai déjà évoquées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je m’étonne de la position du rapporteur, qui avait considéré en commission que c’était un bon amendement. Et tout à coup, sans doute après des discussions en haut lieu, il se ravise.

M. Alain Néri. Il a subi des pressions ! C’est inacceptable !

M. Jean Gaubert. Les entreprises de travaux agricoles ont beaucoup de matériel qui coûte très cher et qu’elles utilisent peu. Une moissonneuse-batteuse travaille deux mois dans l’année, une ensileuse un mois et demi, une machine à vendanger un mois. Et il en est ainsi pour l’essentiel du matériel agricole.

Quand, en 2001, on a évoqué le plafonnement, il y avait une autre solution : on envisageait de modifier la base en tenant compte, au prorata, de l’utilisation de ces matériels. Mais c’était un calcul assez compliqué auquel on a préféré le plafonnement. Cela étant, il est impensable de traiter une entreprise de travaux agricoles ou forestiers comme une entreprise de transports qui, elle, utilise ses camions toute l’année.

Si vous faites cela, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous assassinez les entreprises de travaux agricoles et forestiers…

M. Alain Néri. Vous êtes irresponsables !

M. Jean Gaubert. …car elles ne pourront pas résister aux CUMA qui ne supportent pas ce type de charges. Nous les soutenons, mais il faut aussi, vous qui défendez l’entreprise privée et indépendante, la laisser vivre. Soyez capables d’aller au bout de votre logique et, au moins, ne l’assassinez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je souhaite répondre au ministre dont le silence est assourdissant depuis l’exposé du rapporteur général.

Comment justifiez-vous les 50 % d’augmentation ?

M. Patrick Lemasle. C’est inacceptable !

M. Didier Migaud. Vous nous avez expliqué qu’une augmentation supérieure à 4,5 % en 2004 était scandaleuse et qu’il fallait faire rembourser l’excédent aux collectivités locales en 2005. Or vous pénalisez ce secteur en le condamnant à 50 % d’augmentation ! De qui se moque-t-on ? Quelle injustice ! Quelle incohérence ! Comment pouvez-vous justifier cette mesure applicable à des entreprises qui ont une si grande importance en milieu rural ?

Monsieur le rapporteur général, vous qui ne cessez de dire qu’il faut plafonner les augmentations – on l’a entendu à propos du bouclier fiscal et du « plafonnement du plafonnement » pour l’impôt de solidarité sur la fortune –, revenez à votre première proposition ! Ou y a-t-il, selon vous, plusieurs catégories de Français, plusieurs catégories d’entreprises ? Cette augmentation de 50 % de la taxe professionnelle est proprement scandaleuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis très étonné par les interventions de M. Gaubert et de M. Migaud. À croire qu’ils n’ont pas écouté mes propos ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je viens de le dire à l’instant : l’amendement n° 672, que nous allons examiner, propose de porter le plafond à 1,5 %.

M. Patrick Lemasle. C’est bien cela : de 1 à 1,5 % !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or les amendements que vous défendez proposent 2 %, voire 2,5 %. (« Non ! 1 % » ! sur les bancs du groupe socialiste.) Je les ai sous les yeux : l’amendement n° 373 fixe le taux de plafonnement à 2,5 % et l’amendement n° 372 à 2 %.

M. François Brottes. C’est malhonnête !

M. Patrick Lemasle. Inacceptable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, l’amendement n° 371 le fixe à 1,5 %, soit exactement ce que nous vous proposons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le rapporteur général, j’ai défendu l’amendement n° 370, qui vise à conserver le taux de 1 % actuellement en vigueur. Les autres amendements sont de repli, et le taux qu’ils proposent est toujours inférieur à celui que veut imposer le texte du projet de loi, soit 3,5 %. Quoi qu’il en soit, ce que nous proposons de voter, la base de la discussion et de notre engagement, c’est le maintien à 1 %. Vous souhaitez pour votre part un taux de 1,5 %, ce qui fait bien 50 % d’augmentation.

M. Patrick Lemasle. C’est un assassinat !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je suis très surpris par le ton que prend le débat sur un sujet qui, en commission des finances, avait fait l’objet d’un relatif consensus : tout le monde, en effet, s’accordait sur l’objectif,…

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons pas être d’accord avec une augmentation de 50 % !

M. Michel Bouvard. …tout en convenant que la spécialisation de certains matériels et le faible usage qui en est fait dans l’année nécessitent un traitement spécifique.

Personne ne remet en cause la nécessité d’un plafonnement : la seule question est de savoir où nous plaçons le curseur. Dans la mesure où certains amendements de repli proposent des taux supérieurs à 1,5 % – allant même jusqu’à 2,5 % –, la proposition du rapporteur me paraît honnête, même si on aurait pu s’en tenir à 1 %, et ne mérite sans doute pas une telle poussée de fièvre.

M. Patrick Lemasle. Vous proposez une augmentation de 50 % !

M. Michel Bouvard. Mais non ! Il faut prendre en compte la valeur absolue de la taxation.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce taux de 1 % est l’un des quatre niveaux de plafonnement différents – et non trois, comme le disait le ministre – appliqués à la taxe professionnelle. Le Gouvernement souhaite unifier les trois autres, respectivement de 3,5 %, 3,8 % et 4 %, pour n’appliquer qu’un plafonnement de 3,5 %, que l’État ne financera qu’aux taux de 2004. Mais comment comparer un plafonnement de 1 % au taux d’imposition de 1995 avec le plafonnement, proposé par le rapporteur général, de 1,5 % au taux de 2004 ? La conséquence de cette mesure, c’est que les collectivités qui ont augmenté de plus de 50 % leur taux de taxe professionnelle entre 1995 et 2004 seront les gagnantes de cette réforme. Les autres y perdront. C’est très ennuyeux car, dans la logique du Gouvernement, aucune entreprise ne devait être perdante.

De même, une partie des entreprises actuellement bénéficiaires d’un taux de plafonnement de 1 % vont être taxées. La solution ne serait-elle pas de comparer l’imposition au taux de plafonnement actuel et celle résultant du passage à 1,5 %, pour ne retenir que la moins élevée des deux ? Ainsi, personne ne serait perdant.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je souhaite répondre à M. le rapporteur général, qui nous accusait tout à l’heure de défendre des privilèges.

Le plafonnement de la taxe professionnelle à 1 % de la valeur ajoutée permet de maintenir les équilibres de concurrence avec les agriculteurs pluriactifs et les coopératives d’utilisation de matériel agricole. Il s’est imposé en 2001 pour compenser un nouvel avantage fiscal au profit de ces dernières qui est à ce jour maintenu et même accru dans l’actuel projet de loi d’orientation agricole.

Le maintien du plafonnement est indispensable dès lors que l’Assemblée nationale a voté, à l’article 2 du projet de loi de finances pour 2006, un amendement relevant de 30 000  à 50 000 euros le seuil de rattachement au bénéfice agricole des recettes accessoires commerciales et non commerciales réalisées par les agriculteurs en pluriactivité.

Pour ces petites entreprises employeurs de main-d’œuvre, aux charges d’investissement très élevées en matériel agricole et d’une rentabilité très limitée, il est d’une impérieuse nécessité de maintenir le plafonnement de la taxe professionnelle à un niveau soutenable et équitable, sous peine de faire peser une menace directe sur 55 000 emplois salariés en zone rurale.

Jugez-vous, monsieur le rapporteur général, que ce raisonnement tend à défendre des privilèges ?

M. Patrick Lemasle. Bien sûr que non !

Mme Marylise Lebranchu. Pour ma part, cette argumentation, rédigée par M. Lenoir – qui n’est pas précisément un gauchiste, puisqu’il est député de votre majorité – me paraît tout à fait pertinente.

M. Philippe Auberger. Elle l’est tellement qu’il n’est pas venu défendre son amendement !

Mme Marylise Lebranchu. Il me paraît nécessaire de conserver cet avantage, dont le caractère est tout à fait exceptionnel. Le débat, il convient de le rappeler, est récurrent depuis 1985. Ces entreprises permettent aux agriculteurs et aux forestiers d’utiliser des matériels sortant de l’ordinaire, des matériels de haute technologie, dont le coût est extrêmement élevé, et que l’on n’utilise pas souvent. Remettre en cause le plafonnement pourrait avoir des conséquences sur leur renouvellement, et donc sur la sécurité, ce qui pourra entraîner des accidents. Pour effectuer des travaux dont on sait qu’ils sont pénibles – ils commencent souvent à sept heures du matin et peuvent finir vers minuit –, il est nécessaire de disposer de matériels performants, renouvelés souvent et fiables du point de vue de la sécurité.

De nombreux arguments plaident donc en faveur de la conservation d’un taux plus favorable. Il n’est d’ailleurs pas une commune rurale qui ne soit concernée par ce dossier.

Le plus sage serait de maintenir le taux de 1 %. Je ne sais pas, en effet, quelle est la faisabilité technique de la proposition de M. de Courson. Nous avons également déposé des amendements de repli, mais j’espère qu’il ne sera pas nécessaire de les examiner.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 370, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je serai très bref, monsieur le président.

Je souhaite simplement citer l’exemple d’une entreprise de ma commune dont j’ai eu l’occasion de voir les comptes il y a deux ans : employant six salariés, elle paie aujourd’hui plus de 3 000 euros par salarié de taxe professionnelle, ce qui n’est déjà pas mal. Or, en tant qu’entreprise de travaux agricoles, elle bénéficie du plafonnement à 1 %. Je vous laisse effectuer le calcul de ce qu’elle devra payer si le plafond est relevé. Et vous prétendez baisser les charges ? Bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi, sur un tel sujet, vous vous faites tant de nœuds au cerveau…

M. Patrick Lemasle. Parce qu’il s’agit d’une hausse de 50 % ?

M. Philippe Auberger. C’est un sujet sensible dans le monde agricole !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais arrêtez ! Nous discutons de la taxe professionnelle depuis sept heures. N’est-il pas temps de laisser de côté les propos passionnés et excessifs et d’en venir au fond ?

M. Patrick Lemasle. Le fond, c’est une augmentation de 50 % !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faut vraiment être socialiste pour conclure, à partir d’un taux fixe de plafonnement, à une hausse d’impôt de 50 %. Le relèvement d’un plafond ne se traduit pas nécessairement par une hausse d’impôt !

M. Alain Néri. Vous teniez le même raisonnement à propos du budget des régions !

M. Patrick Lemasle. Cela se traduira automatiquement par une hausse d’impôt !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Soyons clairs : le projet initial du Gouvernement était d’instaurer un taux de plafonnement unique de 3,5 %. Fort opportunément, M. le rapporteur général a proposé un amendement visant à tenir compte de la situation spécifique des entreprises de travaux agricoles et forestiers. Mais celles-ci sont aujourd’hui les seules à bénéficier d’un plafonnement à 1 %. L’idée est donc de rendre le taux équivalent à celui de la cotisation minimale, soit 1,5 %. C’est, je m’empresse de le dire, une opération totalement neutre, parce que ce taux de 1 % se calcule sur les taux d’imposition gelés en 1995, tandis que celui de 1,5 % le sera sur les taux 2004.

Je crois donc qu’il n’y a pas lieu, sur ce sujet, de s’émouvoir à ce point.

M. Jean Gaubert. Nous dirons cela aux personnes concernées !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Faites-le, monsieur le député. Elles vous répondront qu’elles sont tout à fait d’accord. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons en effet consulté les représentants de la profession, qui n’ont pas vu d’inconvénient majeur à la réforme.

Je rappelle en outre qu’il s’agit d’un plafonnement. Son relèvement ne signifie pas que l’imposition augmentera.

Enfin, nous alignons ce taux de plafonnement sur la cotisation minimale. Or M. Bonrepaux s’est fait une spécialité de vouloir augmenter cette cotisation minimale. Puisqu’il semble avoir changé d’avis, il serait bon qu’il en tire les conséquences et retire une cohorte d’amendements dont le contenu n’est pas en cohérence avec la position qui est désormais la sienne. Cela nous permettra d’avancer plus rapidement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 370.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi de trois amendements, nos 373, 372 et 371…

M. François Brottes. Ils sont retirés, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 373, 372 et 371 sont retirés.

Je suis saisi d’un amendement n° 672.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement fixe donc à 1,5 % le taux de plafonnement pour les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 672.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 670.

La parole est à M. Philippe Rouault, pour le soutenir.

M. Philippe Rouault. Je propose d’exclure les entreprises produisant de l’énergie du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle calculé en fonction de la valeur ajoutée. En effet, un tel plafonnement ne se justifie pas pour ces entreprises, en raison de la spécificité de leur activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, qui concerne essentiellement EDF. La cotisation de taxe professionnelle payée par l’entreprise est plafonnée à 3,5 %, mais le dégrèvement est lui-même plafonné, en valeur absolue, à 76 millions d’euros, alors qu’il devrait être bien supérieur. Nous ne pouvons pas, en plus, lui refuser le bénéfice du plafonnement de la TP.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je partage naturellement l’avis du rapporteur général et je vous demande, monsieur Rouault, de bien vouloir accepter de retirer votre amendement. En effet, vous proposez d’exclure du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée les entreprises qui produisent de l’énergie. En l’occurrence, j’appelle votre attention sur le fait que nous vivons à l’heure de la concurrence mondiale…

M. Philippe Auberger. Celles des éoliennes ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …– pas uniquement, monsieur Auberger ! – et que la performance d’une entreprise telle qu’EDF se mesure désormais à l’aune de celle de ses concurrentes.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est du vent ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Donc, nous ne pouvons pas tenir ce raisonnement sur la réforme de la taxe professionnelle sans prendre en compte l’incidence de la pression fiscale sur la compétitivité de nos entreprises.

Par ailleurs, au plan juridique, il n’y a aujourd’hui aucune raison d’exclure une catégorie d’entreprises du mécanisme de plafonnement effectif, au risque de créer une rupture d’égalité flagrante. Donc, la seule solution serait de faire prendre en charge par l’État le surcoût du dégrèvement, mais vous comprendrez que je n’y sois pas favorable. En effet, comment, alors, le refuser à d’autres secteurs ? Ce ne serait pas cohérent.

M. Carrez expliquait tout à l’heure qu’il existe, pour cinq grandes entreprises, une règle du plafonnement du dégrèvement, lequel, au titre de la valeur ajoutée, ne peut dépasser 76 millions d’euros. EDF fait partie des entreprises concernées par ce mécanisme que nous n’allons pas modifier. En conséquence, pour ces cinq entreprises, la prise en charge par l’État du dégrèvement sera limitée à ce montant.

Sous le bénéfice de ces explications, monsieur Rouault, je vous invite – et j’insiste – à retirer votre amendement peu cohérent avec la philosophie générale de notre dispositif et de notre politique économique et industrielle, tant du point de vue juridique que du point de vue budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il est vrai que la situation des établissements producteurs d’énergie est particulière. Je reçois parfaitement l’argumentation du ministre sur le risque de rupture d’égalité que cela pourrait entraîner d’un point de vue juridique. J’ai bien noté que le plafonnement à 76 millions d’euros pour les cinq entreprises concernées, pour la plupart des entreprises énergétiques, était maintenu.

Cela étant, monsieur le ministre, je souhaite poser un problème. Nous avons compris tout à l’heure que les fonds départementaux de taxe professionnelle ne devraient pas être affectés par les mesures votées aujourd’hui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet !

M. Michel Bouvard. Si je parle des FDTP, c’est parce qu’ils sont en grande partie alimentés par les ouvrages de production d’énergie, EDF étant l’un des principaux pourvoyeurs. Je rappelle que ces fonds départementaux de taxe professionnelle sont de puissants outils de péréquation des ressources entre collectivités territoriales.

Parallèlement au débat sur l’incidence du plafonnement de la taxe professionnelle, notamment sur les établissements producteurs d’énergie, se tient, en coulisse, un autre débat et j’aimerais que le Gouvernement puisse prendre quelques engagements sur ce point.

Vous avez parlé d’ouverture à la concurrence du marché énergétique, monsieur le ministre, avec l’élargissement de l’assiette des clients éligibles. S’agissant des entreprises productrices d’énergie, cela n’est pas sans conséquence sur nos capacités à affecter l’énergie réservée. Dans les ouvrages producteurs d’énergie, il y a des centrales nucléaires, des centrales thermiques et des ouvrages hydrauliques. Au titre des ouvrages hydrauliques, la loi « montagne » de 1985 permet aux départements de montagne de bénéficier de contingents d’énergie réservée. Il se trouve aujourd’hui que, sur ces contingents d’énergie réservée, l’ouverture à la concurrence donne moins de facultés que précédemment en matière d’attribution. Des débats ont eu lieu avec la Compagnie nationale du Rhône notamment pour ce qui concerne les centrales au fil de l’eau, pour savoir si cette énergie réservée devait être maintenue. Un projet de loi sur l’eau sera examiné par le Parlement dans quelques mois. Je souhaiterais donc, puisque vous nous indiquez, monsieur le ministre, que l’on ne peut rien faire pour les établissements producteurs d’énergie au niveau de la taxe professionnelle et de son plafonnement qui doit s’appliquer dans les mêmes conditions, que le Gouvernement fasse preuve d’ouverture sur le problème de l’énergie réservée affectée aux collectivités départementales dans le cadre des ouvrages producteurs d’énergie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. La fiscalité de l’énergie nécessite d’être repensée et dépasse effectivement largement le champ de cet amendement, que, compte tenu des explications du ministre, je retire.

M. le président. L’amendement n° 670 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 495 rectifié.

Cet amendement fait l’objet de six sous-amendements, nos 674, 675, 676, 677, 678 et 679.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 495 rectifié.

M. Michel Bouvard. J’ai eu tout à l’heure l’occasion d’évoquer longuement la question, qui est au cœur de nos débats. Je m’efforcerai donc d’être synthétique.

Le rapporteur général l’a indiqué, s’agissant des départements, le ministre en charge des collectivités territoriales l’a évoqué vendredi, lors de la discussion du budget de la mission dont il a la charge, il se pose un problème avec les collectivités qui ont le plus de bases plafonnées, car cela crée une rigidité à la productivité de la fiscalité et une limite dans l’élasticité de la ressource. Ce problème, monsieur le ministre, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure dans votre réponse aux orateurs, vaut pour les communes et les EPCI, mais il touche aussi, bien que vous ne les ayez pas évoqués, les départements, lesquels, dans le cadre de la décentralisation, se sont vu transférer le plus de compétences, avec des compensations plus ou moins correctes – je ne porte ici aucun jugement sur l’action de tel ou tel gouvernement. Ces collectivités doivent supporter des charges croissantes, dont elles ne maîtrisent pas totalement l’évolution, notamment en matière d’action sociale.

Une fois posé le décor, il faut évidemment se soucier des collectivités qui ont le plus de bases plafonnées. J’observe que, parmi les cent départements français, une quinzaine se retrouvent au-delà des deux tiers de bases plafonnées – c’est d’ailleurs pour cela que, dans mon amendement rectifié, le taux de référence passe de 60 à 66 % – sur une ressource qui dépasse souvent la moitié du produit de la fiscalité directe. Certains de ces départements, éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, disposent d’un potentiel fiscal inférieur aux autres.

Je ne dis pas que la solution peut être apportée aujourd’hui, car le tort de cet amendement est de concerner tous les niveaux de collectivités, alors que la situation diffère d’une collectivité à l’autre. Il a été déposé pour afficher la problématique posée par les départements. Je souhaiterais que le Gouvernement nous indique ses intentions au sujet de la collectivité départementale afin qu’elle ne se retrouve pas progressivement étranglée, dès lors que l’on n’a pas choisi de la supprimer.

J’ai employé, voici déjà quelque temps, la notion de « kreisisation » des départements. Le Kreis, c’est la collectivité intermédiaire en Allemagne. Elle est dépourvue d’autonomie, n’a aucune capacité d’action, car située entre la commune et le Land. C’est ce qui risque d’arriver à nos départements si, demain, les conseillers généraux ne se réunissent que pour constater les recettes et les dépenses sans aucune marge de manœuvre ni d’action. Cette collectivité départementale sera alors effectivement considérée comme étant de trop, ce qui donnera satisfaction à ceux qui le pensent depuis des années. Je suis, pour ma part, convaincu de son utilité. Le grand tort a d’ailleurs été de ne pas lui confier la totalité des compétences en matière d’action sociale,…

M. Alain Néri. Très bien !

M. Michel Bouvard. …car des décentralisations n’ont été que partielles. Il y aurait, en effet, plus de lisibilité et plus d’efficacité en matière de gestion. Toujours est-il que, dès lors que l’on transfère des compétences nouvelles aux départements, et que celles-ci ne seront couvertes qu’imparfaitement – et je ne fais pas ici de procès d’intention à l’actuel gouvernement, puisqu’on peut adresser le même reproche à tous ceux qui l’ont précédé –, il faut tout de même tenir compte de la rigidité que font naître les taux de plafonnements très élevés pour certains départements, d’autant que cela tient à la répartition des activités tertiaires et industrielles. Rien ne justifie que les départements à forte activité tertiaire conservent leurs marges de manœuvre, cependant que les collectivités à tradition industrielle ou possédant des ouvrages énergétiques se retrouvent avec une fiscalité totalement rigidifiée.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir le sous-amendement n° 674.

M. Augustin Bonrepaux. L’intervention de notre collègue Michel Bouvard montre que ses préoccupations et ses arguments, fort légitimes, sont largement partagés sur tous les bancs de l’assemblée.

En effet, il a raison de soulever le problème des départements, que de nombreuses communes ou communautés de communes rencontreront aussi. Je pense, par exemple, à la communauté de communes du Grand Rodez – dont le président dirige aussi l’Association des communautés de communes –, plafonnée à 68 %. Comment peut-on gérer une collectivité à partir de la seule ressource de TP, lorsqu’on ne peut faire varier que 32 % ?

Pour les départements, la situation est plus grave encore. Les charges s’accumulent sans qu’elles en soient responsables, personne ne peut le contester. Le déficit national atteindra, en 2005, 1 milliard et 2 millions pour mon département, soit quatre points d’impôts. Vous ne pouvez donc pas prétendre que les impôts augmentent parce que les collectivités ou les élus le veulent ! Ils augmentent parce qu’on leur transfère des charges qu’elles doivent assumer ! À cela s’ajoutent les contrats d’avenir. Il s’en est conclu dans mon département, l’Ariège, plus que dans beaucoup d’autres. Une mission de M. Borloo pourrait s’y rendre pour en comprendre les raisons ! Nous pouvons, nous aussi, donner quelques exemples de bonne gestion. Or le coût du contrat d’avenir excède de 20 % celui du RMI.

Enfin, dernière trouvaille, nous allons maintenant devoir financer la prime de retour à l’emploi.

Que ceux qui, ici, prônent cette réforme sans aucune amélioration nous disent comment faire !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il faut apprendre à bien gérer !

M. Augustin Bonrepaux. En effet, il y a aussi la loi sur le handicap qui a la particularité de prévoir que ce ne sont pas ceux qui paient qui décident ce que l’on va donner. Vous avez voté cette loi et il faut bien l’assumer !

Dans ce contexte, neuf départements présentent un taux de plafonnement supérieur à 70 %, et ce ne sont pas les plus riches de notre pays. Je pense, par exemple, à celui du Nord, qui ne pourra faire évoluer que 30 % de ses bases, alors que l’on sait que son taux de RMIstes dépasse 5 ou 6 %, alors que celui de la moyenne nationale se situe au-dessous de 3 % – dans mon département, il excède également 5 %.

Ces départements ne sont pas forcément les plus favorisés et ils seront totalement privés de moyens d’évolution. La seule possibilité qu’ils auront, ce sera d’augmenter les impôts des ménages. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, 4 % d’impôt pour compenser le RMI, cela va se traduire dans mon département par une augmentation des impôts pesant sur les ménages de 7 %. Comment peut-on faire alors ? Le Gouvernement n’est-il pas responsable de cette situation ?

L’argumentation de Michel Bouvard est particulièrement justifiée. Je voudrais tout de même qu’il y ait un peu de justice. Pour quelle raison le département des Hauts-de-Seine conserverait-il une capacité d’évolution de 70 %…

M. Nicolas Perruchot. Parce qu’il est riche !

M. Augustin Bonrepaux. …alors que d’autres seraient réduits à 30 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Les plus riches peuvent !

M. Augustin Bonrepaux. Je propose donc un taux de 30 % pour la mise en œuvre du mécanisme correctif proposé dans l’amendement, et c’est l’objet de mon sous-amendement.

Vous parlez de justice, mais qu’on traite tous les départements, toutes les régions de la même façon. Pourquoi le Nord serait-il plafonné à 70 % et l’Île-de-France à 38 % ? Vous aggravez les inégalités avec cette réforme et je crois, monsieur le ministre, qu’il faut travailler à une amélioration. Sinon, ce sera l’asphyxie des collectivités locales et une accumulation de la fiscalité sur les ménages.

Quelqu’un parlait tout à l’heure de la révolte des contribuables. Elle risque effectivement de se produire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous avez déposé toute une série de sous-amendements dont vous venez d’exposer la philosophie et la logique.

Je rappelle qu’il y a quatre-vingt-quatorze amendements sur l’article 67, certes important.

Puis-je considérer que vous avez également défendu vos cinq autres sous-amendements ?

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne défendrons pas tous nos amendements et sous-amendements mais, là, certains de mes collègues souhaitent s’exprimer, non pas pour faire durer le débat mais pour apporter quelques arguments supplémentaires. Il faut qu’on puisse exposer tous les arguments – c’est, je crois, ce que M. le ministre souhaite. Mais nous ne retarderons pas le débat.

M. le président. Je préfère que les choses soient claires, on gagnera le temps après. Le président du groupe socialiste, M. Ayrault, s’est entretenu avec le président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, et ils ont discuté de l’organisation de nos débats.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les règles du centralisme démocratique qui s’appliquent ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, vous savez bien que je ne connais personnellement rien au centralisme démocratique. (Rires.) Vous m’apprendrez…

M. Michel Bouvard. Il organise des cours de rattrapage ! (Sourires.)

M. le président. Pour le moment, je me contente modestement d’organiser nos travaux. Je souhaite savoir qui veut s’exprimer. Ainsi, les choses seront organisées. Et je propose qu’il en soit ainsi dans la suite de nos échanges.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour défendre le sous-amendement n° 675.

Mme Marylise Lebranchu. Moi, je voulais insister sur le fait qu’en touchant non pas au produit attendu mais aux bases, c’est-à-dire à la structuration d’un tissu économique, on allait forcément avoir des effets pervers, extrêmement visibles, en particulier pour les départements.

On se souvient tous de la construction de l’université des Hauts-de-Seine. Or on voit bien la démarche dans laquelle on est reparti. Seuls quelques territoires pourront rester dans la compétition parce que le plafonnement a des effets extrêmement inégaux. En plus, on sait très bien que les conseils généraux, qui s’occupent de tout le social, de l’aide et de la solidarité, que tout le monde souhaite, sont d’autant plus appelés à la dépense que leur population a de faibles revenus – je pense en particulier aux personnes âgées, l’APA étant liée, en partie en tout cas, aux revenus. En conséquence, le département des Hauts-de-Seine, nous le savons tous, aura proportionnellement au nombre de ses habitants moins à verser que le Finistère ou l’Ariège.

On sait que le Nord est un département où le nombre de RMIstes est parmi les plus élevés, sinon le plus élevé de France et que sa contribution sera très forte. Tant mieux pour les gens qui en bénéficient, mais cela devient ingérable.

Pierre Méhaignerie a expliqué tout à l’heure qu’il y aurait des créations d’emplois. D’abord, je ne crois pas que ce soit automatique : on connaît bien le rapport qui a été cité. Ce qui mettra le plus en difficulté les départements, comme les régions et les autres collectivités, c’est que, face à des dépenses sociales pré-engagées, puisqu’il y a une obligation, ils auront une recette impossible à anticiper. En effet, la ressource sera incertaine puisque la valeur ajoutée repose en partie sur des flux. L’ajustement sera donc difficile.

En plus, vous aurez une surfiscalisation des entreprises non plafonnées, comme nous l’avons tous dit. Parmi les entreprises non plafonnées figurent en grande majorité les entreprises de services. Pour obtenir le niveau de ressources nécessaire à l’équilibre du budget, on les taxera un peu plus. Or nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut un certain nombre de PME de ce style pour relancer et renouveler le tissu économique. Les conseils généraux perdront donc deux fois.

Il y a aussi un risque de concurrence entre les collectivités pour s’emparer de la marge de manœuvre disponible sur les entreprises non plafonnées. Quel type de débat aurons-nous entre une communauté urbaine, qui a besoin de financer les dépenses sociales de sa population et le conseil général, qui est appelé, lui, à soutenir la ville, la majorité des villes étant aujourd’hui en voie de paupérisation ? Qui va essayer de récupérer la part non plafonnée ? Les élus locaux, tous sérieux, rigoureux et raisonnables, auront de telles discussions pour essayer de voir comment gérer ce qui me semble difficile à gérer.

Enfin, il y aura forcément un alourdissement des taxes sur les ménages compte tenu des règles de lien entre les taux. C’est complexe, mais, les ménages étant déjà fortement imposés, comme on considère pour les ressources les revenus nets après impôts quand on veut être solidaire, ce sera d’autant plus difficile pour les conseils généraux, y compris pour la participation des familles aux dépenses sociales.

Vous le voyez, nous sommes dans une spirale et nous risquons d’aller extrêmement loin. Nous en avons tous discuté avec de nombreux chefs d’entreprise : les PME sont inquiètes parce qu’il va bien falloir répartir. N’étant pas plafonnées, elles risquent d’être obligées de payer plus. L’économie résidentielle étant un facteur imposé d’équilibre économique aujourd’hui, ce sont ces mêmes entreprises qui auront les ennuis des deux côtés.

Puisque nous avons perdu sur la suppression de l’article, il faut au moins plafonner. En plus, cela permettrait au ministre délégué au budget et à l’ensemble du Gouvernement de faire une étude d’impact avant qu’on n’ait cassé toute la vaisselle.

Je ne faisais pas encore de politique, mais je me souviens bien de l’instauration de la taxe professionnelle. Au bout de deux ans, on savait déjà que la réforme était mauvaise. Il n’y avait pas eu d’étude d’impact, on n’avait pas réussi à faire une modélisation. Là, on aurait le temps de faire une étude d’impact, et peut-être de revoir la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les différents sous-amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté l’amendement de M. Bouvard et les différents sous-amendements.

Je vous ai écouté très attentivement, madame Lebranchu. Tout votre raisonnement part d’une idée présupposée, c’est que le taux de taxe professionnelle a vocation à augmenter.

Il peut y avoir problème, c’est vrai, quand deux conditions sont réunies : le taux de taxe professionnelle doit augmenter et le pourcentage de bases plafonnées est très élevé. Il y a aujourd’hui, compte tenu des transferts de compétences, une dynamique de dépenses sociales assez forte dans les départements. Pour ceux qui, même avec une gestion très rigoureuse, seront obligés de faire appel à la fiscalité, la partie taxe professionnelle ne jouera qu’à la marge, et ce d’autant plus que le pourcentage de bases plafonnées sera important.

Cela dit, si le problème se pose, ce sera pour des montants qui ne sont pas très élevés. Michel Bouvard a donné tout à l’heure l’ordre de grandeur : quelques millions, peut-être quelques dizaines de millions d’euros. À côté de cela, nous avons créé, au sein de la dotation globale de fonctionnement, une dotation de péréquation qui représente plusieurs milliards d’euros. Lorsqu’on rencontrera des difficultés de ce type, il faudra remettre à plat la dotation de péréquation parce que cette dotation, et pour cause, ne prend pas en compte les pourcentages de bases plafonnées puisque la réforme ne sera en vigueur qu’en 2007.

Vous avez été nombreux à citer l’exemple des Hauts-de-Seine. Dans ce département, le pourcentage de bases plafonnées n’est que de 28 %. Ce département va donc conserver une marge de manœuvre que les autres départements n’auront pas…

M. Augustin Bonrepaux. C’est la justice fiscale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et c’est assez logique du point de vue de la réforme.

M. Alain Néri. C’est logique pour vous, pas pour nous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On a cherché à diminuer la taxe professionnelle de l’industrie et, de ce fait, on favorise les secteurs où il y a un grand nombre d’entreprises de services. Mais n’oublions pas que l’État, au même moment, verse plusieurs milliards d’euros de dotation de péréquation. Je ne sais pas quelle est celle qui est versée aux Hauts-de-Seine, mais elle est probablement de plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. Nous pourrons donc parfaitement, le moment venu, faire les ajustements nécessaires au titre de cette dotation.

Il y a aussi un problème qui se pose pour les intercommunalités à taxe professionnelle unique…

M. Alain Néri. Ça ne va pas être triste ! Elles seront étranglées !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …qui ont un montant important de bases plafonnées. Ces intercommunalités ne souhaitent pas faire appel à la fiscalité des ménages et elles ne disposent donc que de la taxe professionnelle. Là encore, si certaines d’entre elles sont obligées d’augmenter leur taux de taxe professionnelle, nous pourrons faire les ajustements nécessaires à travers la dotation globale de fonctionnement. La plupart du temps, si elles se sont constituées en mettant en commun leur taxe professionnelle, ça a été précisément pour maîtriser les taux de taxe professionnelle. Dans la réforme, on ne l’a pas assez souligné mais cet élément devrait répondre à vos interrogations, toute la partie de l’augmentation de la taxe professionnelle liée à l’harmonisation progressive des taux n’est pas remise en cause, et le dégrèvement qui augmentera parce que le taux d’une commune augmentera à cause de l’intégration fiscale progressive sera en totalité pris en charge par l’État : il ne sera pas facturé à l’intercommunalité.

Cette réforme est donc équilibrée dans 90 % des cas et la dotation globale de fonctionnement permettra de corriger les effets excessifs qui, je le reconnais bien volontiers, se produiront dans les 10 % restants. Ne soyons donc pas excessivement inquiets.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les sous-amendements déposés par le groupe socialiste visent tous à limiter les effets les plus pervers de cette réforme.

Je souhaite vous apporter une série de réponses, alors que le débat commence à s’apaiser…

M. Jean-Pierre Brard. C’est parce qu’il y a beaucoup moins de députés UMP !

M. Didier Migaud. Tout cela n’est pas de nature à nous apaiser !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’essayais de dire un mot gentil ! Vous êtes décourageants ! (Sourires.) Jean-Pierre Brard, c’est la routine, mais Didier Migaud ! Je retire donc, à regret, la dernière partie de ma phrase. J’avais le sentiment que vous valiez mieux que cela !

M. Jean-Pierre Brard. Moi aussi, j’ai de la peine de vous faire de la peine !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voudrais apporter des éléments de réponse montrant que le Gouvernement est attentif à mettre en place des mécanismes correcteurs sur les effets les plus excessifs de ce projet et apporter une réponse spécifique à la situation des départements, monsieur Bouvard.

Si j’apporte maintenant ces éléments de réponse, c’est une manière d’inviter le groupe socialiste à revoir, si j’ose dire, à la baisse la défense de certains amendements.

J’ai entendu les inquiétudes qui se sont exprimées, sur tous les bancs, quant aux effets qui pourraient faire de certaines collectivités des victimes involontaires. Celles-ci, plutôt responsables en matière d’augmentation de taux, se trouvent dans des situations où les bases plafonnées sont très importantes.

M. Philippe Auberger. Des passagers clandestins ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En effet, monsieur Auberger. Mon idée est donc de proposer un mécanisme correctif qui reposerait sur trois principes.

D’abord, il doit porter sur les collectivités dont les bases plafonnées représentent une part très élevée des bases totales – je rejoins là l’esprit de l’amendement de M. Bouvard.

Ensuite, il doit tenir compte du niveau des taux.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. Charles de Courson. Enfin !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, je vous ai dit au début de ce débat que j’essayerai de répondre à vos inquiétudes. Il faut se lancer des défis dans la vie, et apaiser Charles de Courson est un combat !

M. Jean-Pierre Brard. Non, c’est une chimère !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Afin de conserver l’esprit et la cohérence de la réforme, il faut concilier bases et taux, sans quoi les collectivités qui « flashent » sur les taux seront avantagées et cette réforme n’aura aucune vertu pédagogique.

M. Michel Bouvard. Tout à fait.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, troisième élément, qu’il faut combiner avec les deux premiers : il convient de permettre que le montant de la refacturation ne dépasse pas une certaine part des recettes fiscales directes de la collectivité. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en péril les finances de la collectivité.

Nous allons donc travailler à un mécanisme correcteur qui intègre ces trois conditions. Ni une, ni deux, mais les trois ! Toutefois, ce sujet exige de travailler plus avant, d’abord parce que je m’en suis emparé un peu tardivement, ensuite parce que je souhaiterais mettre à profit la discussion au Sénat pour avancer sur ces questions. Il est bon d’entendre la Haute Assemblée qui, sur ces sujets, est particulièrement experte. Comme beaucoup a été fait à l’Assemblée nationale, il me paraît bon d’avoir ce débat au Sénat. Voilà pour le mécanisme global.

D’autre part, monsieur Bouvard, vous comprendrez que je ne puisse pas être favorable à votre amendement car il n’inclut que la question des bases, soit le premier des trois points. C’est déjà très bien, mais il faut les trois, sinon nous perdrons en efficacité. Cela dit, je souhaite aussi dire un mot des départements, parce que c’est un sujet qui, tout comme vous, me préoccupe.

En matière de décentralisation, il n’y a pas de véritables problèmes pour les communes, ni pour les régions, qui se portent très bien. Elles se paient un petit surplus avec des augmentations fiscales, mais c’est un autre sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Bacquet. On n’a rien transféré aux régions !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En revanche, pour les départements, un certain nombre de charges se sont accumulées ces dernières années, que ce soit l’APA ou le RMI…

M. Alain Néri. Et les SDIS !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ou les SDIS…

M. Charles de Courson. Et les 35 heures !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le problème des 35 heures n’est pas spécifique aux départements.

Toutes ces charges n’ont pu être compensées autant qu’on pourrait le souhaiter.

M. Alain Néri. Ce n’était donc pas à l’euro près ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous suivez le débat, cela fait plaisir ! (Sourires.) Mais laissez-moi terminer ma démonstration, c’est important.

S’agissant du RMI, nous avons pris l’engagement de faire un adossement précis, à l’euro près, correspondant à la dépense de l’État à la date du transfert. C’est la loi et c’est ce que j’ai toujours dit – c’est même devenu une marque de fabrique dont vous vous amusez suffisamment – tant dans les fonctions que j’occupe au ministère du budget que dans celles que j’occupais précédemment au ministère de l’intérieur.

Mais en ne mettant en œuvre que la loi et toute la loi, des insatisfactions sont nées, qui ne sont pas du fait de la loi, ni d’engagements que je ne tiendrais pas.

M. Alain Néri. Parce que le nombre de RMIstes augmente !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En réalité, sur la question de l’insertion, nous sommes allés trop loin – ou pas assez. C’est un problème que ni la gauche, ni nous-mêmes n’avions soulevé auparavant – sachons faire preuve de modestie. D’ailleurs, d’une manière générale, la question de la décentralisation est si compliquée qu’elle dépasse très souvent les habituels clivages entre la gauche et la droite.

La question de l’insertion doit être posée jusqu’au bout. C’est dans cet esprit que le Premier ministre a demandé aux sénateurs Henri de Raincourt et Michel Mercier, par ailleurs présidents de conseil généraux, d’aborder la question de l’insertion dans sa globalité et d’examiner la façon dont le département peut devenir la seule collectivité entièrement gestionnaire de la question de l’insertion et pas seulement du RMI.

En effet, quel est le problème auquel nous sommes tous confrontés en tant que gestionnaires publics locaux ? Il n’est pas possible de continuer à vivre dans une société où ceux qui perçoivent le RMI perdent de l’argent lorsqu’ils reprennent un travail. Le RMI est à 450 euros, le SMIC à 1 000 euros. Mais les allocataires du RMI touchent en plus la CMU et la CMUC, sont exempts de poursuites pour dettes fiscales, ne paient ni la redevance, ni les impôts locaux et, s’ils habitent une commune bien gérée, comme c’est le cas à Meaux, la cantine, les transports scolaires et la garde d’enfants sont gratuits. Si l’on fait le compte, ils perçoivent beaucoup plus que 450 euros. Cela signifie, et c’est toute l’ambiguïté de la situation, que le jour où ils reprennent un travail, notamment à temps partiel, ils perdent tous ces avantages, et donc de l’argent.

Le problème qui se pose n’est pas un problème philosophique. Mettons-nous à la place de la maman qui élève seule ses trois enfants et qui touche le RMI : son véritable problème est de ne pas perdre d’argent ; elle n’est pas hostile au fait de retrouver un travail pour peu que la société et l’économie le lui permettent. C’est ce que l’on appelle, en économie, la « trappe à pauvreté » : les allocataires du RMI sont monétairement dissuadés de reprendre un travail. Là est notre difficulté.

Allons jusqu’au bout de la logique parce qu’à gauche comme à droite on a à traiter ce problème…

Mme Paulette Guinchard. Et cela ne concerne pas seulement les allocataires du RMI !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Justement ! Quand on évoque le RMI, on oublie de dire que l’allocation de parent isolé, qui est au même tarif, est gérée par l’État, tout comme l’ASS, versée aux chômeurs en fin de droits. Là aussi, les personnes concernées sont contraintes de faire un arbitrage : comment passer de l’API au RMI ? La question n’est pas l’arbitrage entre allocations et travail, mais de savoir comment gérer le moins mal possible le train de vie. On s’étonne que les conditions de retour au travail n’existent pas et de devoir en rester à l’assistance. Voilà notre problème !

M. Alain Bocquet. Augmentez les salaires !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il existe deux pistes pour sortir de cette situation. Il s’agit d’abord de faire en sorte que le revenu du travail soit plus élevé, que le « travail paie », pour reprendre une formule souvent utilisée.

Lorsque le Gouvernement double la prime pour l’emploi pour un SMIC à temps partiel, ou l’augmente de 50 % pour un SMIC à temps plein, il apporte un début de réponse. Les chiffres montrent en effet une légère amélioration. Je ne dis pas que c’est mirifique, mais c’est un premier message. Il faudra aussi réfléchir à l’allégement des charges sociales sur les bas salaires. Il y a beaucoup à faire du côté salarial, et pas seulement du côté patronal.

M. Jean-Pierre Brard. Nous en voyons les brillants résultats !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La deuxième piste, qui n’est pas exclusive de la première, consisterait à examiner quelle pourrait être la responsabilité des conseils généraux ayant la pleine et entière gestion de l’insertion. Voilà un chantier distinct de celui de la taxe professionnelle, mais essentiel.

Pour aller au bout de cette logique, nous pourrions aussi imaginer un dispositif incluant une allocation globale et un parcours de retour progressif à l’emploi – avec l’obligation d’honorer des rendez-vous à l’ANPE comme c’est le cas actuellement pour les demandeurs d’emplois – comportant des avantages financiers, de sorte qu’il y ait un intérêt monétaire à reprendre un travail. La gestion de ce dispositif serait confiée, en partenariat, sous des formes qui restent à étudier, aux départements, qui sont plus proches que le lointain État de leurs administrés. Certaines dotations de l’État, comme les fameux 450 millions de rattrapage, pourraient être pérennisées. Ainsi, on parlerait différemment de la relation entre l’État et les départements. On pourrait même imaginer qu’ils sortent par le haut de cette relation conflictuelle, très douloureuse. Voilà un chantier fantastique, susceptible d’apporter une réponse majeure aux problèmes de notre société – problèmes que l’on rencontre surtout en France – et qui ne remet pas en cause, bien au contraire, notre modèle social, mais qui le modernise tout en conservant les fondamentaux de la solidarité nationale et, à mon sens, qui le sauve. Ainsi, tous les abus seront par définition gommés.

C’est pourquoi je vous invite à cette réflexion, qui peut déboucher demain sur une véritable révolution de l’organisation des rapports entre l’État et les départements dans ce domaine si essentiel de l’insertion.

Vous aurez remarqué que j’ai pris soin de dissocier complètement ce premier volet de la question du handicap, qui est tout autre. Elle devra également être repensée, à l’image, quoique dans une optique bien entendu tout à fait différente, des propositions que je vous ferai le moment venu en ce qui concerne l’insertion, et sur lesquelles deux sénateurs travaillent aujourd’hui.

Telles sont les précisions que je voulais vous apporter en ce qui concerne les départements, pour compléter la réponse que je vous ai faite à propos des collectivités dans leur ensemble. Même s’il s’agit de deux sujets différents, c’est toujours de la relation financière entre l’État et les collectivités et de la juste répartition des compétences entre l’un et les autres qu’il est question.

Mais la décentralisation c’est aussi la société de confiance, c’est-à-dire la capacité d’accepter que la gestion publique se diversifie d’un département à l’autre, d’une commune à l’autre, pour que partout fleurissent les talents et les énergies, et s’épanouisse la volonté d’agir ensemble. C’est aussi dans ce but que nous avons fait la décentralisation, dans un esprit d’ailleurs très proche de ce qui avait été fait au début des années quatre-vingt, comme je l’ai souvent souligné.

Il est donc vain de prêter sur ces sujets des arrière-pensées au Gouvernement, alors qu’à l’inverse ce que nous voulons, c’est mener ensemble une démarche globale.

Pour conclure mon propos sur la taxe professionnelle, je voudrais inviter votre assemblée, tenant compte des éléments de réponse que je viens de vous apporter, à réduire quelque peu le nombre des amendements qu’elle souhaite défendre, et à me permettre d’approfondir la réflexion avec le Sénat – vous comprendrez en effet que le Sénat puisse lui aussi participer au débat. Je prends devant vous l’engagement solennel de veiller à ce que cette réforme intègre l’ensemble des correctifs que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, après vous avoir écouté très attentivement, ainsi que vous, monsieur le rapporteur général – je n’oublie pas que vous êtes aussi le président du Comité des finances locales –, je suis prêt à débattre de vos propositions de mécanismes, qui, au travers de la dotation de péréquation, pallieraient les difficultés des départements dont les marges fiscales seraient prises en tenaille entre le plafond de la taxe professionnelle et le poids des charges qui leur sont transférées.

Au-delà des perspectives d’avenir que vous avez esquissées pour les départements, et que nous pouvons, je pense, partager sur tous ces bancs, j’ai bien noté les trois propositions d’aménagement de l’article dont vous envisagez de débattre avec le Sénat. Il s’agirait, si j’ai bien compris, de prévoir une réfaction du ticket modérateur au bénéfice des collectivités dont les bases fiscales seront le plus plafonnées, afin qu’elles maintiennent des taux de fiscalité raisonnables. Il faudra bien entendu prévoir un mécanisme limitant la part de la réfaction, afin d’éviter de déséquilibrer leurs ressources. Cette proposition me paraît constituer un cadre de réforme intéressant.

Je déplore cependant que notre assemblée ne puisse pas en discuter directement. Bien que nous soyons à la fin de la discussion budgétaire, il serait bon que vous gardiez le contact avec la commission des finances de l’Assemblée nationale. Ainsi, le Sénat ne serait pas la seule assemblée autorisée à participer à la rédaction de cette proposition, même si en tout état de cause nous aurons à statuer in fine sur cet article en CMP.

Puisque vous avez su, monsieur le ministre, écouter nos observations et identifier les effets pervers d’une réforme que j’approuve par ailleurs, et que vous êtes disposé à y remédier, je retire mon amendement. Mais je souhaite que, parallèlement à la lecture du texte par le Sénat, vous nous exposiez les modifications que vous soumettrez à l’examen de celui-ci.

M. le président. L’amendement n° 495 rectifié est retiré.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je souhaite reprendre l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 495 rectifié est repris par M. de Courson.

Poursuivez, cher collègue.

M. Charles de Courson. En effet, même si l’amendement de notre collègue Michel Bouvard ne résout pas le problème, il a le mérite de poser l’une des cinq ou six questions que j’ai soulevées lors de la discussion générale et depuis l’examen des amendements.

L’amendement Bouvard ne retient que le critère du taux de plafonnement. Or ce taux n’est pas le fruit d’un choix politique, nous le subissons. Il est de 28 % dans les Hauts-de-Seine, et de 80 % dans la Manche : c’est comme ça.

Mais deux autres critères entrent en jeu, parmi lesquels vous n’avez évoqué que le niveau du taux. Je vous ai démontré que vous ne pouviez pas traiter le département qui a depuis vingt ans la gestion la plus rigoureuse comme celui qui a un taux de 14,4 % ! Je ne citerai pas de nom : à chacun d’assumer ses choix.

Il y a une troisième variable : le montant de la taxe professionnelle par habitant. On ne doit pas traiter de la même façon les départements qui jouissent d’un potentiel fiscal très élevé et ceux qui ont un faible potentiel fiscal. On peut comprendre que vous vouliez sanctionner un département riche dont les bases fiscales sont peu plafonnées et le taux de taxe professionnelle élevé ; il est en revanche tout à fait scandaleux de sanctionner le pauvre dont les bases fiscales sont très plafonnées et dont le taux d’imposition est bas.

Si j’ai repris cet amendement, que je vais maintenant retirer, c’était pour vous dire que c’est beaucoup plus compliqué que vous ne le croyez. Ce que vous allez nous proposer – du moins au Sénat, puisque pour l’instant vous n’avez rien à nous soumettre –, c’est une usine à gaz dans l’usine à gaz, puisque vous allez devoir résoudre une équation à trois variables. Vous aurez alors la démonstration par l’absurde que c’est votre choix initial qui n’était pas défendable. C’est une tout autre approche qui aurait permis de réguler les collectivités locales qui ont des taux excessifs.

M. le président. L’amendement n° 495 rectifié est retiré.

M. Augustin Bonrepaux. Je le reprends !

M. le président. Je veux bien que vous repreniez cet amendement, monsieur Bonrepaux, mais alors ne le retirez pas ensuite !

M. Augustin Bonrepaux. Je commencerai par le reprendre, et je verrai ensuite avec mes collègues si nous devons le retirer.

M. le président. L’amendement n° 495 rectifié est repris par M. Bonrepaux.

Poursuivez, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne sommes pas sourds à vos engagements, monsieur le ministre, d’autant qu’ils confirment ce que nous n’avons pas cessé de dire : votre réforme n’a pas été suffisamment pensée.

Vous voulez maintenant l’améliorer, non pas à travers un débat avec les représentants du peuple, ce qui serait apparemment indécent, mais avec le Sénat, supposé plus cool. Étant de ceux qui font quand même confiance au Sénat, j’espère qu’il saura tenir compte de nos observations.

Il est indéniable, monsieur le ministre, que vous faites preuve d’un esprit d’ouverture, qui permettra d’alléger notre discussion. Vous me permettrez néanmoins de continuer à exposer les problèmes de toutes les collectivités dans leur ensemble, pour qu’aucun ne soit négligé dans le débat que vous réservez au Sénat.

J’entends bien que vous tiendrez compte des problèmes liés au plafonnement des bases d’imposition, mais je vous mets en garde en ce qui concerne les taux d’imposition. En effet, plus le potentiel fiscal est élevé, plus il est aisé de fixer des taux faibles, ou du moins raisonnables. À l’inverse, plus les ressources dont on dispose sont faibles, plus on est contraint de recourir à l’impôt.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, votre réflexion doit tenir compte des collectivités, qui, comme celle que je préside, ont pris la décision d’alléger la taxe professionnelle versée par les entreprises durant les cinq premières années de leur installation. Consentir un effort aussi important prouve notre volonté de faciliter l’installation des entreprises.

Un tel effort est encore plus méritoire quand les bases diminuent. En effet, si notre débat a un intérêt, c’est de vous alerter sur les problèmes qui se poseront lorsque les bases n’augmenteront pas ou diminueront sans être compensées. Il faut que nous laissions aux collectivités la souplesse suffisante pour remédier aux difficultés qu’elles connaîtront alors.

Je reconnais que vous avez pris conscience du problème. Mais cette avancée ne nous dispense pas de continuer le débat, sans le faire traîner, certes, mais de façon à faire le tour des arguments, dans l’espoir que les sénateurs et vous-même en tiendrez compte.

Cela étant dit, je laisse à l’appréciation de l’Assemblée nationale, des représentants du peuple, de la majorité, le fait qu’on les relègue au second rang, en choisissant de laisser au Sénat le soin d’examiner cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Je vous ai écouté avec attention, monsieur Copé, et je reconnais que votre proposition manifeste un esprit d’ouverture. Mais c’est parce que notre débat vous a convaincu que ce que vous nous proposez n’est pas convenable.

Si vous reconnaissez qu’il y a un problème, vous en repoussez la résolution à demain ou après-demain. Mais c’est dès le mois de janvier que les départements – puisque c’est d’eux qu’il s’agit – vont être confrontés à ce problème, voire plus tôt, leurs budgets étant généralement votés en décembre. Je voudrais bien, pour ma part, savoir ce que je vote !

En ce qui concerne le transfert de compétences, je suis d’accord avec vous, monsieur Bouvard : on ne refuse pas des compétences. Il serait même intéressant que les départements soient compétents dans tout ce qui relève du social et du médico-social : une telle répartition des compétences aurait l’avantage de la clarté. Encore faut-il que les ressources correspondantes leur soient également transférées !

Le problème, aujourd’hui, c’est que ce sont les bases d’imposition des départements les plus pauvres, sur lesquels pèsent en conséquence les plus lourdes dépenses sociales et médico-sociales, qui vont se trouver plafonnées.

Dans ces conditions il ne reste aux départements que la solution que j’ai proposée au président du conseil général du Puy-de-Dôme : inscrire au budget du département uniquement le montant des ressources transférées par l’État ; et cesser toute activité une fois que ces ressources seront consommées.

M. Patrick Lemasle. Eh oui !

M. Alain Néri. Mais nous savons bien qu’une telle attitude est impossible face à la détresse de certains de nos concitoyens. On ne peut répondre à ceux qui viennent nous demander de l’aide dans nos permanences ou dans les centres médico-sociaux qu’ils n’ont qu’à frapper à la porte de M. le préfet, sous prétexte que les ressources transférées sont insuffisantes. Nous sommes bien obligés de mettre la main à la poche !

Mais certains départements ont atteint les limites de ce qu’ils pouvaient faire, notamment depuis l’explosion du nombre des RMIstes. Chacun peut avoir son explication de cette situation, mais il y en a une qui s’impose : un grand nombre de chômeurs se retrouvent au RMI depuis que vous les avez radiés des listes des demandeurs d’emploi, transférant ainsi une charge supplémentaire aux conseils généraux.

Mon département n’est pas particulièrement riche, monsieur le ministre, puisqu’il compte deux pôles de conversion, dans les Combrailles et à Thiers : cela vous montre que la situation de l’emploi y est mauvaise. Le nombre des chômeurs y est donc en augmentation, et par voie de conséquence celui des RMIstes, étant donné votre politique de radiations systématiques. Je vous le dis clairement, monsieur le ministre : en plafonnant les bases de la taxe professionnelle, vous m’obligerez à augmenter l’imposition des ménages, qui sont déjà très modestes. Une fois de plus, vous ponctionnez les plus pauvres, et cela est inadmissible.

Mercredi dernier, à l’occasion des questions d’actualité, votre collègue Nicolas Sarkozy s’est permis de nous faire une leçon de morale, en nous disant que, pour lui, l’égalité, c’était de donner plus à ceux qui ont moins. Pour une fois, je suis d’accord avec lui, ou plutôt avec Platon, dont La République énonce ce principe. Mais qu’on l’applique d’abord au département de M. Sarkozy, dont les bases d’imposition ne seront plafonnées qu’à hauteur de 28 %, alors qu’elles seront plafonnées à hauteur de 61 % dans le département du Puy-de-Dôme. Il est grand temps de mettre en conformité les paroles et les actes, monsieur le ministre !

Je pense comme vous, monsieur le ministre, qu’il faut prendre le temps de réfléchir aux modifications que vous proposez. Cette tâche ne doit pas être réservée au Sénat : à l’Assemblée nationale, cette affaire ne nous est quand même pas tout à fait étrangère !

En attendant que nous ayons trouvé une solution, monsieur le ministre, l’esprit de responsabilité vous impose de retirer votre projet de plafonnement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Dans un souci de simplification, nous retirons les sous-amendements nos 674 à 679.

Je maintiens l’amendement n° 495 rectifié, sans toutefois demander de scrutin public, compte tenu de l’avancée proposée par le ministre. Cet amendement est néanmoins symbolique, car M. Bouvard, qui est un homme responsable, a choisi un cas limite : un plafonnement de 66 % ne laisse plus beaucoup de marge.

Monsieur le ministre, ce n’est pas par plaisir que les élus augmentent les impôts ! Il faut tenir compte de certains cas limites, auxquels il ne faut pas apporter trop de restrictions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je tiens à rappeler à la majorité que mon opposition à cet amendement n’est motivée que par les engagements que je prends devant vous d’en améliorer considérablement le dispositif, qui est aujourd’hui incomplet. J’appelle donc l’Assemblée à le rejeter même s’il a été longuement défendu, notamment par M. Bonrepaux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 673.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 673, qui a été adopté par la commission des finances, vise à fixer pour taux de référence, pour le calcul de la partie de dégrèvement qui sera à la charge des collectivités locales, non pas celui de l’année 2004, mais soit ce taux majoré de 4,5 %, soit le taux de l’année 2005 s’il est inférieur à ce nouveau taux – car certaines collectivités peuvent ne pas avoir augmenté leur taux de taxe professionnelle en 2005 par rapport à 2004.

En 2005, les départements ont augmenté en moyenne de 4,5 % par rapport à 2004 leur taux de taxe professionnelle, et la commission des finances a jugé bon de prendre en compte cette augmentation.

Ce taux majoré de 4,5 % est sensiblement inférieur à l’augmentation moyenne du taux de taxe professionnelle des régions en 2005, qui a été de 25 % par rapport à 2004. Si l’on adoptait les taux de 2005 au lieu de celui de 2004, au motif que les collectivités locales – communes, EPCI, départements et régions – n’avaient pas connaissance des conditions de la réforme de la taxe professionnelle en fixant le taux de 2005 en début d’année, cette réforme aurait un aspect rétroactif.

M. Didier Migaud. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce raisonnement serait en soi acceptable. Cependant, les régions ont anticipé la réforme, car le rapport de la commission Fouquet évoquait explicitement la suppression de la part régionale de la taxe professionnelle. D’ailleurs, les régions avaient déjà l’habitude de cette mécanique : fin mars 2000, à notre grande surprise, deux ou trois d’entre elles avaient différé le vote de leur budget pour augmenter fortement leur taux de taxe d’habitation, puis, comme par hasard, à l’occasion d’un changement de ministre des finances, en avril 2000, la part régionale de la taxe d’habitation était supprimée, avec effet dès 2000. J’étais, à l’époque, intervenu ici même pour dénoncer une sorte de délit d’initié.

M. Michel Piron. De la préméditation !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, ces régions, après avoir fortement augmenté leur taux de taxe d’habitation en 2000, ont bénéficié d’une forte compensation, financée par le contribuable national, sur la base des taux de 2000. Instruites par cette expérience, vingt des vingt-deux régions ont fortement augmenté leur taux de taxe professionnelle.

L’utilisation des taux de 2005 reviendrait donc à demander un effort supplémentaire au contribuable national. Or, l’État n’est pas une entité distincte : c’est le contribuable national, qui n’est autre que le contribuable local. C’est toujours dans la même poche qu’on prélève l’impôt ! En se référant au taux de 2005 – ce qui aurait, je l’ai déjà dit, ma préférence pour éviter d’entacher d’un aspect rétroactif, si minime soit-il, une si belle réforme –,…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …le coût supplémentaire pour le contribuable national serait de 470 millions d’euros, dont la moitié serait accaparée par les régions parce qu’elles ont augmenté leurs taux de 25 % en moyenne. Cela ne me semble pas juste. Que 180 millions d’euros reviennent aux départements, 50 millions aux intercommunalités à taxe professionnelle unique et 20 millions à l’ensemble des communes sans TPU, c’est légitime, mais la situation ne serait pas normale pour les régions.

Cette question a été longuement débattue au sein de la commission des finances, où certains souhaitaient exclure toute rétroactivité, tandis que d’autres souhaitaient tenir compte de l’attitude irresponsable des régions. La commission a aligné sa proposition sur le taux moyen des départements. Nous vous proposons donc d’appliquer soit le taux de 2004 majoré de 4,5 %, soit, s’il est inférieur, le taux de 2005.

J’espère, monsieur le ministre, que vous accepterez cet amendement, dont je suis bien conscient qu’il représente un effort supplémentaire de l’ordre de 250 millions d’euros, qui devra être financé sur le budget de l’État. Ce point d’équilibre devrait répondre à une bonne partie des objections de nos collègues de l’opposition.

M. Didier Migaud. Le ministre a déjà dit qu’il l’acceptait : il y a peu de suspense !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au rythme où vont les choses, l’ensemble de la gauche va voter ce texte avec la droite.

M. Didier Migaud. Je ne le pense pas, monsieur le ministre. (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai souhaité depuis le début, et je crois que vous l’avez bien compris, que cette réforme poursuive deux objectifs.

Le premier est celui du développement économique et de l’attractivité économique de nos territoires. Le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée est un message clair à l’ensemble des décideurs publics de l’État et des collectivités locales, pour une modération fiscale qui permette de préserver les entreprises sur le territoire. Il s’agit d’ailleurs là d’une réponse à une question posée par tous les partis politiques depuis des années, comme je l’ai rappelé en citant tout à l’heure, monsieur Ayrault, des déclarations très précises de collègues de votre groupe.

Le deuxième objectif est d’être juste, c’est-à-dire de s’assurer que les collectivités locales qui ont une politique de maîtrise de leurs taux ne soient pas pénalisées. De ce point de vue, la proposition de votre rapporteur général m’a paru sage. Il ne m’aurait pas paru juste, en effet, que l’État, c’est-à-dire le contribuable national, prenne à sa charge les augmentations de taux considérables intervenues entre 2004 et 2005 – je pense, par exemple, à des régions comme le Languedoc-Roussillon, où l’augmentation des taux a été de 70 %.

M. Michel Piron. Du jamais vu !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est tout à fait inédit ! Avec une moyenne de 20 % sur l’ensemble des régions, cet écart avec les autres catégories de collectivités n’avait jamais été observé jusqu’alors dans l’histoire des finances locales. Il m’a néanmoins semblé qu’il n’y avait pas de raison de pénaliser, en prenant pour référence la seule année 2004, des collectivités qui avaient augmenté leurs taux, mais dans de moindres proportions. La proposition d’un taux de 4,5 % formulée par le rapporteur général me paraît donc tout à fait fondée.

Pour toutes les collectivités dont l’augmentation est inférieure à 4,5 %, le taux de référence sera celui de 2005. Pour les autres, ce sera celui de 2004, majoré de 4,5 %, ce dernier chiffre étant la moyenne de l’augmentation des taux des départements entre 2004 et 2005. Cette proposition est donc juste et équilibrée.

À titre d’illustration, le ticket modérateur, qui s’élève à un montant de 469 millions d’euros dans le système actuel, descend à 262 millions d’euros avec l’adoption de cet amendement, ce qui représente une réduction de 207 millions d’euros. De même, le nombre de collectivités concernées passe de 5 990 à 3 459 – de 4 899 à 2 908 pour les communes et de 71 à 49 pour les départements, avec des tickets modérateurs très faibles pour la plupart, comme le montrent les simulations exhaustives que je vous ai obligeamment remises.

Mme Marylise Lebranchu. C’est normal !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je saurai rappeler ce qu’est la normalité, madame Lebranchu,…

M. Didier Migaud. Quand vous serez dans l’opposition !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …si par hasard – dans un avenir que je souhaite le plus lointain possible – je me retrouve en situation de vous poser la même question.

Dans ce contexte, le montant du ticket modérateur des communes, qui passe de 19 à 3 millions d’euros, sera pratiquement réduit à zéro. Il sera très réduit pour les départements et la charge portera sur les régions – mais il faut bien qu’elles assument la responsabilité des augmentations de taux.

Je suis donc très favorable à cet amendement, que j’invite votre assemblée à adopter et qui viendra s’ajouter à l’autre mécanisme compensateur que j’ai évoqué tout à l’heure. En outre, je lève le gage.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 684.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Notre rapporteur général voit bien qu’il n’était pas tenable de se caler sur la situation de 2004. À la lecture de la page 290 de son rapport, on voit que les régions ont augmenté leurs taux en 2005 de 21,8 % par rapport à 2004, les départements de 4,59 %, les EPCI de 0,35 % et les communes de 0,58 %. Le rapporteur général ne va donc pas au terme de sa réflexion.

Dans la logique du Gouvernement, il faudrait recourir au taux de 1995, qui était celui du plafonnement tel qu’il existe aujourd’hui, indexé par catégories de l’évolution du taux moyen dans chacune de ces trois catégories. Ce serait là le début d’une réponse à l’objection de principe que je vous oppose : vous traitez ceux qui ont bien géré et appliquent des taux bas comme ceux qui appliquent des taux élevés. Plus encore, vous récompensez ces derniers, car ils ont des marges de manœuvre dont ne disposent pas ceux qui ont « serré les boulons » et appliquent des taux bas.

Monsieur le ministre, en engageant cette discussion au Sénat, comme vous l’avez annoncé, vous commenceriez à répondre aux objections de principe que le groupe UDF a opposées à cette réforme. Si on se contente des taux de 2004 majorés de 4,5 %, taux moyen des départements, ce taux n’est adapté ni aux communes, ni aux régions qui ont augmenté leurs taux de 21,8 %.

Tel est donc l’objet du sous-amendement n° 684.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 684.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. S’agissant de l’amendement n° 673, on voit bien la difficulté dans laquelle vous êtes, monsieur le rapporteur général, puisque vous admettez que la rétroactivité peut choquer et qu’elle heurte certains principes constitutionnels, d’autant que vous avez dit vous-même que les collectivités locales ont augmenté leur taux sans connaître, bien évidemment, le contenu de la réforme que vous proposez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sauf les régions !

M. Didier Migaud. Non : y compris les régions ! Ce que vous dites revient à les suspecter a priori, et je trouve cela profondément désagréable. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons parlé d’esprit de revanche, de sanction, de punition à leur égard. Vous êtes tellement furieux d’avoir été battus par le suffrage universel ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est la réalité.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Didier Migaud. Si j’ai bien compris, le ministre pense qu’il peut être battu la prochaine fois par le suffrage universel et prendre notre place dans l’opposition.

M. Guy Geoffroy. Le plus tard possible !

M. Philippe Auberger. Arrêtez de rêver ! Vos rêves sont des cauchemars !

M. Didier Migaud. Dès lors, si nous faisons ce type de réforme, nous nous engageons à vous fournir des simulations.

Monsieur le rapporteur général, en 1999, le problème des simulations ne se posait pas parce que, sur l’année donnée, aucune collectivité locale n’y perdait puisque c’était strictement compensé. J’ai relu d’ailleurs les débats et je n’ai pas remarqué que vous ayez demandé des simulations, encore et encore. Vous et Pierre Méhaignerie approuviez d’ailleurs plutôt la réforme, compte tenu de ses effets pour les entreprises.

Mais nous sommes ici sur une question de principe, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre. Nous ne pouvons pas considérer que 2004 soit une année de référence acceptable pour l’ensemble des collectivités locales. Certes, vous apportez un effet correcteur - 4,5 % -, mais ça ne retire rien au caractère rétroactif de la mesure. C’est pourquoi nous estimons que l’amendement ne répond pas à la demande que nous formulons. Il faut que l’on prenne l’année 2005 comme année de référence.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je reste persuadée que la rétroactivité n’est jamais une bonne chose. On l’a bien vu dans les simulations : quelques EPCI vont même être obligés de rembourser davantage que ce qu’ils perçoivent, en particulier ceux qui viennent de mettre en place la taxe professionnelle de zone – ce qui n’est pas lié du tout aux élections de 2004 –, passant donc de taux de 1 ou 2 % à des taux de 13 ou 14 % parce qu’ils ont choisi de se substituer totalement aux collectivités territoriales. Pour une collectivité locale, la perspective d’avoir à payer davantage que ce qu’elle va toucher, …

M. Didier Migaud. C’est sans précédent !

Mme Marylise Lebranchu. …voilà qui n’avait encore jamais existé.

Mais je veux aussi parler des régions parce que j’ai entendu un orateur de la majorité dire qu’il en avait assez qu’on les présente comme des collectivités totalement irresponsables.

Que s’est-il passé dans la mienne ? Je suis vice-présidente du conseil régional de Bretagne. Dans cette collectivité, dont le budget n’est que de 750 millions d’euros, soit moins que celui de la communauté d’agglomération de Rennes, pendant extrêmement longtemps, nos prédécesseurs n’ont pas voulu emprunter. Il y a quatre ans, ils se sont trouvés en bout de course – tout le monde sait ce que ne pas avoir emprunté pendant vingt ans veut dire quand vient le moment où il faut trouver les moyens d’assumer ses compétences. Pendant quatre ans, ils ont donc emprunté énormément jusqu’à arriver au taux moyen d’endettement. Mais cette dette n’a que quatre ans, ce qui signifie que, pendant au moins dix ans, aucun emprunt important n’arrivera à échéance. Chacun sait ce que c’est que le renouvellement de la dette, mais pour nous, ce sera impossible de la renouveler pendant dix ans, même pendant quatorze ans parce que les emprunts ont été souscrits majoritairement sur vingt ans. Or l'autofinancement est limité, en raison d'abord de l'impact des TOS. Même si l’on prend en compte une évaluation minimale, en espérant, par exemple, que le régime indemnitaire du conseil régional de Bretagne ne s’appliquera pas à eux – on n’a pas la réponse à cette question, mais je pense qu’il s’appliquera –, nous allons passer de 700 employés à 4 500, ce qui est tout de même quelque peu difficile à gérer, et l’impact sera de moins 0,7% en 2006, puis en 2007 de 3,38 % ; en 2008 de 7,25% et en 2009 de 9,27 %. Si vous ajoutez à cela les formations sociales, les formations sanitaires – on vient de découvrir que des formateurs non titulaires ne sont pas pris en compte –, ou encore le petit inventaire du patrimoine, l’impact minimal sur l’autofinancement en 2006 sera de 5,05 % et atteindra 15,59 % en 2009. Nous avons malheureusement un autre scénario, qui prévoit un impact supérieur à 30 %, mais on espère que, grâce aux négociations avec l’État, nous n’atteindrons pas un tel chiffre.

Il ne faut donc pas dire que les régions se sont amusées à anticiper une loi ou à dépenser pour faire du fonctionnement – les recrutements que nous venons de faire servent à gérer les payes des TOS. Il y a un moment où la critique systématique devient difficile à supporter, et il vaut mieux jouer cartes sur table : certes, une anticipation de la loi a pu effectivement avoir lieu dans certains cas mais, compte tenu du transfert de charges – puisque nous allons perdre 7 millions de recettes sur 750 millions d’euros de budget –, je ne sais pas comment nous allons faire sans augmenter les impôts.

J’ai apprécié la discussion sur les conseils généraux : elle était de qualité. Pour une fois, le ministre ne m’a pas du tout agacée (Sourires)

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. …et je trouve que c’est un vrai débat de fond. En allant beaucoup trop vite dans l’évolution de la décentralisation, en 2004, on n'a pas tenu pleinement compte de l'impact des dépenses d'insertion pour les départements, de la formation et de la recherche pour les régions. Du coup, nous nous sommes retrouvés avec des compétences non identifiées. Si vous ouvrez le débat sur les conseils généraux et l’action sociale, allez jusqu’au bout et abordez les trois points faibles : l’insertion, l’ensemble du système de formation – avec la recherche – et le développement économique, qui sera le plus facile à gérer.

M. Bernard Accoyer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58.

Nos débats sont particulièrement intéressants. Ils sont nécessairement, compte tenu de leur densité, longs, et les prises de parole sont multiples, détaillées et argumentées.

Concernant la réforme de la taxe professionnelle, on voit bien qu’il y a un consensus sur la nécessité de s’attaquer à cette taxation qui, finalement, pénalise l’emploi. Comme nous partageons tous, bien entendu, le souci d’améliorer la situation de l’emploi dans notre pays, il convient que nos travaux puissent continuer sereinement, notamment au cours de la séance de nuit.

Dans ces conditions, afin que nous ne perdions pas de temps, il me semble opportun de mettre à profit l’interruption entre la séance de l’après-midi et la séance de nuit pour utiliser cette disposition de notre règlement qui permet, à l’occasion d’un vote, de vérifier le quorum. Cela nous permettra de travailler dans nos groupes respectifs pour aller plus loin dans le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis persuadé que nos collègues du groupe socialiste mettront comme nous cette période à profit pour aller plus loin dans leur réflexion.

M. Didier Migaud. Provocation !

M. Bernard Accoyer. Aussi, monsieur le président, je vous demande, sur cet amendement particulièrement important parce qu’il va plus loin dans l’avantage concédé par le Gouvernement aux collectivités territoriales, et auquel le ministre vient de donner un avis favorable, un scrutin public au nom du groupe UMP ainsi qu’une vérification du quorum.

M. Didier Migaud. C’est vraiment nul ! C’est lamentable !

Mme Marylise Lebranchu. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Pourquoi fait-il ça ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’avais pas du tout prévu d’intervenir pour réagir à l’intervention du président du groupe UMP. C’est d’abord sur le fond que je voudrais m’exprimer.

J’ai bien entendu le rapporteur général et le ministre dire qu’il faut maîtriser les augmentations de fiscalité et la dépense publique. Sur le principe, on pourrait être d’accord,…

M. Michel Piron. C’est rassurant !

M. Jean-Marc Ayrault. …mais, monsieur le ministre, je vais prendre un exemple très précis et très concret, celui de la ville de Nantes, que je connais bien.

Vous savez que les villes de plus de 200 000 habitants ont été exclues du bénéfice de la DSU, bien que le ministre de l’emploi et du logement nous dise en réponse à chaque question que nous posons à ce sujet que la DSU augmente, etc. Or les villes de plus de 200 000 habitants ont, elles aussi, des quartiers en difficulté et doivent faire face aux exigences de la politique de la ville. M. Bockel, maire de Mulhouse, pourrait vous en parler.

Je vais vous donner un chiffre précis : en vertu de la loi de finances pour 2005, les dotations de l’État pour la ville de Nantes ont baissé de 1,1%. Alors, monsieur le ministre, comment fait-on ? Sommes-nous pour autant laxistes ? Vous savez bien que, dans une grande ville, la masse salariale pèse à peu près pour 50 % des dépenses, et nous ne l’augmentons que de 2,6 %, compte tenu du GVT notamment, ce qui demande une gestion extrêmement rigoureuse. Mais, même en gérant bien, comment procéder dans de telles conditions ? Comment font beaucoup de maires et comment allez-vous les contraindre encore davantage ?

Le Président de la République rappelle aux maires qu’il faut construire des logements sociaux. C’est bien, et nous en construisons. Mais j’ai constaté deux choses, monsieur le rapporteur général. La première, c’est que les avantages fiscaux liés au dispositif de Robien coûtent plus cher au budget de l’État que l’aide de l’État à la construction et à la réhabilitation des logements. Il faut éclairer les Français sur la réalité de votre politique. La seconde, et je l’ai vérifié à Nantes, c’est que l’aide des collectivités locales pour la construction des logements et la réhabilitation des logements sociaux hors ANRU, c’est-à-dire la majorité des logements sociaux qui restent encore à réhabiliter dans le cadre des aides PALULOS, est désormais plus importante que celle de l’État.

Alors qu’il faudra répondre à une demande sociale forte et justifiée, vous allez, je le crains, contribuer à augmenter les impôts pesant sur les ménages. C’est profondément choquant. Vous prétendez lutter contre les inégalités fiscales. Or vous allez les creuser.

M. Hervé Mariton. Ce que vous dites est absurde !

M. Jean-Marc Ayrault. Je suis particulièrement choqué, monsieur Accoyer, par votre intervention. Comme tous les députés, vous connaissez très bien le règlement de l’Assemblée. Mais notre groupe est arrivé aujourd’hui en séance avec un esprit aussi constructif que la semaine dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. C’est un comble !

M. Jean-Marc Ayrault. Le président Debré m’a demandé dans quelles conditions nous souhaitions travailler ce soir. Après avoir consulté mes collègues, je me suis engagé auprès de lui, au nom du groupe socialiste, à ce que nous travaillions normalement, pour que la séance se termine vers une heure ou une heure et demie du matin.

Notre débat ayant été serein, sérieux et empreint d’une écoute réciproque, je ne comprends pas cette provocation inutile du groupe de l’UMP.

M. Jean-Paul Anciaux. Et les députés communistes, où sont-ils ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez pris la responsabilité, monsieur Accoyer, de dégrader la qualité des travaux de l’Assemblée nationale ce soir. Vous en assumerez les conséquences ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Ne vous méprenez pas, monsieur Ayrault. J’ai bien pris acte du bon déroulement des travaux. Mais constatez avec nous l’absence de nos collègues communistes ! Eux aussi appartiennent à l’opposition, même si d’autres groupes se trouvent dans une situation plus floue.

Il ne s’agit pas, monsieur Ayrault, d’une attaque contre votre groupe qui, lui, participe aux débats.

Demande de vérification du quorum

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l’amendement n° 673.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Conformément à l’alinéa 3 de l’article 61 du règlement, le vote sur l’amendement n° 673 est reporté au début de la prochaine séance, qui aura lieu à vingt-deux heures.

Ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés (suite),

Articles de récapitulation,

Éventuellement, seconde délibération.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)