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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 13 décembre 2005

99e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Conseil européen des 15 et 16 Décembre

Déclaration du Gouvernement et
débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de me retrouver devant vous à deux jours du Conseil européen.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un plaisir partagé.

M. le Premier ministre. Au lendemain du vote du 29 mai, j’avais tenu à ce qu’un débat soit organisé afin que chaque groupe puisse s’exprimer sur les leçons à tirer du référendum. Je me réjouis donc de voir que ce rendez-vous est devenu l’un des moments forts des relations entre le Gouvernement et le Parlement, et j’en remercie tout particulièrement votre président, Jean-Louis Debré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le Président de la République m’avait demandé de lui présenter des propositions pour que le Parlement soit mieux associé au processus de décision européen. Lors du dernier comité interministériel sur l’Europe, nous avons pris un certain nombre de décisions allant dans ce sens.

Le champ des propositions d’actes européens sur lesquels vous pourrez faire part de votre avis en application de l’article 88-4 de la Constitution a été élargi.

Les ministres devront rendre compte devant les commissions parlementaires compétentes des enjeux et des résultats des conseils des ministres de l’Union européenne auxquels ils participent.

Enfin, j’ai décidé qu’un débat aurait lieu désormais avant chaque Conseil européen,…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. le Premier ministre. …comme l’ont demandé le président de la commission des affaires étrangères, Édouard Balladur, le président de la Délégation pour l’Union européenne, Pierre Lequiller, ainsi que Michel Herbillon.

Ce débat est d’autant plus important qu’il intervient à la veille d’un Conseil européen décisif pour l’Union européenne.

Il y a à peine six mois, une majorité de Français a rejeté le projet de Constitution. Comme vous l’aviez souligné vous-mêmes lors de notre débat, ils n’ont pas dit non à l’Union européenne, mais à l’évolution du projet européen.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L'Europe continue à fonctionner, comme en témoigne le nombre de textes qui sont adoptés par Bruxelles et qui vous sont ensuite soumis pour être transposés dans le droit français. Mais l'Europe semble en retrait de notre horizon collectif. Malgré des réussites importantes telles Galileo, et que je veux saluer parce qu’elles sont la marque du talent français, elle ne semble plus en mesure d'incarner un destin commun pour l'ensemble des nations européennes.

Voilà l'enjeu qui doit nous réunir aujourd'hui, quelle que soit la place que vous occupiez sur les bancs de l’Assemblée nationale : offrir une nouvelle perspective à l'Europe, une perspective ambitieuse, conforme aux attentes des citoyens ; donner à l'Europe les meilleures armes pour affronter la mondialisation et protéger ses citoyens.

Pour cela, la France est déterminée à jouer tout son rôle. Nous allons poursuivre le dialogue et le travail avec nos partenaires. À nous de leur proposer une Europe dynamique, qui renoue avec la croissance et l'emploi ; à nous de leur proposer une Europe capable de défendre son modèle social fondé sur la solidarité et sur l'esprit de justice ; à nous de leur proposer une Europe à la pointe de l'innovation et de la recherche.

Pour répondre à ces attentes, la France entend promouvoir une grande Europe des projets, une Europe qui avance sur la base de décisions et de résultats concrets. Prouvons aux Français ainsi qu'à l'ensemble des Européens que l'Europe les protège et qu'elle garantit leur avenir.

M. Jean-Pierre Brard. Avec Bolkestein !

M. le Premier ministre. Pour avancer, l'Europe a besoin de perspectives financières claires. C’est la question essentielle sur laquelle portera le Conseil des 15 et 16 décembre.

Nous devons décider quels moyens nous entendons donner à l'Union pour assurer le fonctionnement des politiques communautaires entre 2007 et 2013. La France aborde ce rendez-vous dans un esprit de responsabilité.

C’est le premier budget pluriannuel de l'Union depuis l'élargissement de 2004 : il est dans l'intérêt de chaque pays, en particulier des nouveaux États membres, de connaître le plus vite possible le montant des fonds structurels qui lui seront alloués. Nous pourrons ainsi plus facilement programmer les projets qui devront être mis en œuvre dès 2007.

Après l'échec du Conseil européen de juin dernier, il est d'autant plus important que nous trouvions un accord dès cette semaine.

Comme cela avait été le cas lors du Conseil européen du 17 juin, la France est prête à négocier, ce qui ne signifie pas pour autant que nous sommes prêts à accepter n'importe quel accord. Notre conviction, celle que nous défendrons cette semaine à Bruxelles, c'est que le budget de l'Union doit respecter trois principes.

Premier principe : la solidarité.

Elle est au cœur de l'idée européenne et doit être plus que jamais au cœur du budget, afin de permettre l'intégration économique et sociale des nouveaux États membres de l’Europe. La présidence britannique a proposé une réduction de 8 % des fonds structurels à destination de ces membres : ce n'est pas conforme à l'esprit européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. Très juste !

M. le Premier ministre. Deuxième principe : l'équité.

La France a démontré en juin dernier qu'elle était prête à augmenter sa part afin de participer pleinement au financement de l'Union élargie. Nous avions accepté une augmentation de 11 milliards d'euros de notre contribution au budget communautaire sur la période 2007-2013, ainsi qu’une réduction substantielle de nos retours sur les fonds européens, car nous sommes convaincus que la solidarité à l'égard des nouveaux pays membres est à la fois notre devoir et notre intérêt : rappelons que la France, outre ses liens historiques et culturels avec ces pays, en particulier la Pologne, y occupe maintenant une place économique déterminante.

Il est normal que l'ensemble des pays riches de l'Union participe de la même façon à cet effort. De ce point de vue, la proposition britannique n'est pas non plus acceptable. Elle prévoit, par rapport à la proposition faite en juin dernier par la présidence luxembourgeoise, une réduction du budget global de l'Union de 1,06 % à 1,03 % du produit intérieur brut, en particulier à destination des nouveaux membres, alors que nous devons faire un effort particulier à leur égard.

Elle prévoit en outre l’augmentation du montant du chèque britannique. Or le Royaume-Uni n'est plus aujourd'hui dans la situation économique et sociale difficile à laquelle il était confronté il y a vingt ans. Le chèque britannique est devenu une anomalie historique : il n'y a donc aucune raison pour que le Royaume-Uni ne participe pas comme chacun d’entre nous à l'élargissement de l'Union !

Sur ce sujet, je compte sur votre soutien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Vous êtes appelés à voter chaque année dans le cadre de la loi de finances le montant de notre contribution au budget de l'Union européenne.

M. Jacques Myard. C’est trop ! Rendez-nous notre pognon !

M. le Premier ministre. Par ailleurs, toute modification des modalités de financement de l'Union européenne nécessitera votre accord : la décision « ressources propres » doit en effet être ratifiée par les États membres. Plus nous serons unis pour défendre nos positions, plus nous pourrons convaincre nos partenaires.

M. Jean-Pierre Brard. Jeanne d’Arc vous remercie !

M. le Premier ministre. Troisième principe que nous défendrons à Bruxelles : la cohésion de notre action.

Nous avons un double impératif : la fidélité à la parole donnée d'abord ; l’exigence d’un accord juste et équilibré ensuite, en particulier sur la question de la politique agricole commune, à laquelle je sais que vous êtes tous, les uns et les autres, attachés.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le Premier ministre. Le financement de la PAC a fait l'objet d'un accord à l'unanimité en 2002. Cet accord vaut jusqu'en 2013 et engage tous les États qui y ont souscrit, y compris le Royaume-Uni.

Aujourd'hui, pourtant, cet accord est doublement menacé. La proposition britannique prévoit une réduction complémentaire des dépenses de marché de la PAC de 2 milliards d'euros par rapport à la proposition luxembourgeoise que nous avions acceptée en juin dernier. Par ailleurs, nous le voyons bien, certains sont tentés de faire de l'agriculture la variable d'ajustement des négociations du cycle de l'OMC qui se déroulent cette semaine à Hong Kong. Je l'ai dit au commissaire Mandelson ainsi qu’au président Barroso : nous nous opposerons à tout accord partiel sur l'agriculture. Nous souhaitons un accord global et équilibré, qui prenne en compte les intérêts de l'Europe dans l'industrie et les services et qui soit bénéfique aux pays en voie de développement.

La position défendue par la France sera la même à Bruxelles et à Hong Kong : nous n'accepterons pas d'accord qui obligerait l'Europe à engager une nouvelle réforme de la PAC, alors même que celle de 2003 commence tout juste à être mise en œuvre.

Les agriculteurs français ont consenti des efforts importants, qu'il faut reconnaître. Aucune réforme nouvelle ne peut être envisagée avant 2013. Le budget de l'Union pour la période 2007-2013 devra par conséquent préserver la PAC. Il devra garantir le maintien du montant des aides directes versées à nos agriculteurs jusqu'en 2013.

Une clause de rendez-vous pourra être envisagée, à condition qu'elle concerne la préparation du budget après 2013 et qu'elle ne se limite pas aux dépenses agricoles, mais couvre l'ensemble des dépenses et des ressources de l'union européenne.

Au-delà du budget, le Conseil européen doit prendre des mesures sur trois autres sujets importants.

Le statut de l'ancienne république yougoslave de Macédoine, d'abord. La Commission européenne a recommandé le 9 novembre dernier que l'ancienne république yougoslave de Macédoine reçoive le statut de candidat à l'Union.

La France abordera cette question avec une double exigence.

La première est la stabilité des Balkans.

L'Europe a envers cette région une mission historique. Cette mission est née avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale à Sarajevo, elle s'est réaffirmée lors du conflit qui a embrasé l'ex-Yougoslavie il y a tout juste quinze ans.

La clé de la stabilité pour les Balkans, c'est la perspective européenne. Cette perspective comporte trois étapes.

D'abord, la signature d'accords de stabilisation et d'association. Tous les pays de la région en ont signé ou ont entamé les négociations pour y parvenir.

Ensuite, l'octroi du statut de candidat, que demande aujourd'hui l'ancienne République yougoslave de Macédoine.

Enfin, l'ouverture de négociations d'adhésion, comme cela a été décidé le 3 octobre dernier pour la Croatie.

À travers ces différentes étapes, l'Union européenne dispose de formidables instruments pour ancrer la paix dans cette région et y garantir le respect des droits de l'homme et des minorités.

Notre seconde exigence, c’est de préserver le soutien des citoyens européens à l'Union.

Nous savons que les derniers élargissements n'ont pas toujours été compris : les Français ont trop souvent le sentiment d'être entrés dans un processus irréversible d'élargissement continu. Nous devons entendre cette inquiétude. (« Très juste ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour l’ancienne République yougoslave de Macédoine, comme pour l’ensemble des pays candidats à l’entrée dans l’Union, nous disposons de plusieurs garanties.

La Commission a rappelé que l’octroi du statut de candidat à ce pays ne signifie en rien l’ouverture de négociations. Elle ne constitue pas l’amorce d’un nouvel élargissement.

Par ailleurs, les critères d’adhésion ont été complétés : la capacité d’absorption par l’Union sera désormais un critère essentiel pour l’ouverture et la conduite des négociations d’adhésion.

Les Français auront le dernier mot sur toutes les questions relatives aux frontières de l’Europe : c’est l’exigence que le président de la République a voulu inscrire dans notre constitution.

En définitive, la France fait le choix de la responsabilité et de la clarté : l’Union européenne n’a aujourd’hui ni les institutions adaptées à un nombre accru d’États membres, ni les règles de fonctionnement nécessaires pour avancer rapidement sur les sujets les plus importants. Dans ces conditions, la priorité doit aller à la définition de ces règles et de ces institutions et non à l’ouverture à de nouveaux pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une candidature de l’ancienne République yougoslave de Macédoine n’est donc envisageable que dans le cadre d’un processus maîtrisé et conditionné.

Le Conseil européen doit également prendre des mesures sur la question de la TVA à taux réduit. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Je n’ignore pas combien cette question est sensible aux yeux de nos concitoyens.

Comme vous le savez, conformément aux conclusions du 6 décembre du conseil des ministres chargés de l’économie et des finances, le Conseil européen examinera la question de la TVA à taux réduit. La France est déterminée à obtenir un résultat concret. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous voulons pérenniser la TVA à taux réduit qui s’applique aujourd’hui aux services d’aide à la personne et aux travaux à domicile dans le secteur du bâtiment.

M. Jean-Pierre Brard. C’est bien !

M. le Premier ministre. Dans ces secteurs, la TVA à 5,5 % a créé plus de 40 000 emplois et a permis de faire reculer le travail illégal. Nous voulons assurer aux professionnels de ces secteurs la visibilité dont ils ont besoin au-delà du 1er janvier 2006 pour établir leurs devis et assurer leurs commandes. Nous voulons également étendre la TVA à taux réduit à la restauration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Un engagement politique a été pris : nous ferons tout pour qu’il soit tenu, car c’est un choix pour l’emploi, lequel, vous savez, est la priorité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) C’est également un choix pour la croissance : la restauration est un secteur économique essentiel dans notre pays. Il mérite d’être défendu et ses efforts appuyés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce sujet doit naturellement être traité indépendamment des autres thèmes à l’ordre du jour du Conseil et ne doit pas interférer avec le reste de la négociation.

M. Jean-Pierre Brard. Canossa n’est pas loin !

M. le Premier ministre. Je remercie Bernard Accoyer et les parlementaires qui nous soutiennent dans cette négociation et je salue l’initiative de Michel Bouvard qui défendra demain un projet de résolution en ce sens devant votre assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, le Conseil européen pourrait évoquer également la révision de la directive « Temps de travail ».

Le conseil des ministres de l’Union européenne en charge de l’emploi du 8 décembre dernier n’est pas parvenu à trouver un accord sur la révision de cette directive de 1993. Nous souhaitons la disparition progressive de la clause d’exemption de la directive de 1993, qui permet aux États membres de s’exonérer de la durée du travail hebdomadaire maximale autorisée dans l’Union.

Bien entendu, cette norme européenne ne pourra pas être appliquée uniformément dans tous les secteurs ou dans tous les États. C’est pourquoi nous avons besoin d’une approche flexible et progressive.

Je rappelle que, en tout état de cause, la directive n’empêche pas les États qui le souhaitent d’appliquer une législation plus protectrice pour les salariés : la législation française n’est ni menacée ni modifiée par le contenu de la directive.

Nous souhaitons enfin sécuriser notre système de décompte forfaitaire du temps de garde, notamment dans les hôpitaux et le secteur médico-social.

Il est essentiel que, sur une question qui préoccupe particulièrement nos compatriotes, nous puissions parvenir à un accord.

Pour finir, je souhaite évoquer brièvement deux autres sujets inscrits à l’ordre du jour du Conseil européen.

Il s’agit tout d’abord de la lutte contre l’immigration clandestine, qui est l’un des grands défis qu’il nous faut relever. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Le Garrec. Arrêtez avec ça !

M. le Premier ministre. Il concerne l’ensemble des pays membres de l’Union. Chacun a en mémoire les événements dramatiques survenus à Ceuta et Melilla il y a quelques mois. À l’initiative de la France et de l’Espagne, l’Union européenne se mobilise. La Commission européenne proposera les premières lignes d’un partenariat européen, qui comporte trois volets.

Le premier visera à assurer un meilleur contrôle des frontières de l’Europe : c’est la vocation de l’Agence européenne qui se constitue à Varsovie. Notre objectif est de parvenir à une police européenne des frontières.

Le deuxième volet tendra à améliorer la mise en œuvre des accords de réadmission avec les pays tiers.

Le troisième volet aura pour objet la mise en œuvre d’une politique de co-développement plus ambitieuse pour tarir les sources de l’immigration.

M. Frédéric Dutoit. Il y a encore du boulot !

M. le Premier ministre. À ce titre, la France rappellera l’importance d’une relance du processus euroméditerranéen et de l’intensification des relations entre l’Europe et l’Afrique.

Enfin, le Conseil européen doit adopter une « Stratégie de l’Union européenne à l’égard de l’Afrique ».

Cette stratégie préfigure le sommet Europe-Afrique qui aura lieu en 2006. Elle constitue une nouvelle étape dans les relations avec l’Afrique après les engagements pris par le Conseil européen de juin dernier d’augmenter collectivement l’aide publique au développement à hauteur de 0,7 % du revenu national brut d’ici à 2015. La moitié de cette augmentation sera réservée à l’Afrique, soit l’équivalent de 23 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici à 2015.

Mesdames et messieurs, Il y a six mois, la présidence britannique s’engageait à redonner un nouveau souffle au projet européen.

M. Christian Paul. C’est raté !

M. le Premier ministre. Chacun ici se le rappelle. Elle s’engageait également à répondre aux attentes concrètes des citoyens européens et à jeter les bases d’une Europe de l’innovation et de la croissance. À l’époque, elle l’a dit et répété.

M. Jean Glavany. Chirac n’a pas fait mieux !

M. le Premier ministre. Elle a désormais une responsabilité historique : donner à l’Europe les moyens de fonctionner grâce à l’adoption d’un budget équilibré et ouvrir des perspectives nouvelles au service des Européens.

L’Europe porte un espoir de croissance, de protection et d’innovation. Elle affirme une ambition de justice et de paix. La France continuera sans relâche à défendre cet idéal, en prenant en compte les exigences légitimes des nouveaux États membres, qui ont besoin de notre solidarité pour saisir à leur tour la chance que l’Union a donnée à chacun d’entre nous.

La France avance, elle se modernise.

M. Maxime Gremetz. Pour les riches, c’est vrai !

M. le Premier ministre. Elle veut renouer avec une croissance dynamique qui récompense les efforts de tous nos concitoyens.

M. Jean Glavany. Ce n’est pas fait !

M. le Premier ministre. Elle est en train, chacun le sait, de marquer des points : le chômage baisse (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), l’investissement repart (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), la consommation se maintient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « C’est faux ! » et protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous pouvons retrouver confiance en nous-mêmes et apporter nos forces à l’Europe. C’est mon engagement personnel et c’est la volonté de tout le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes pas le Père Noël !

M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, je vous parlerai d’une autre France et d’une autre Europe, que manifestement vous n’avez ni vues ni senties. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ne nous méprenons pas sur l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Le blocage des négociations sur les perspectives financières pour 2007-2013 fait suite au rejet populaire du traité constitutionnel, véritable revers que le peuple souverain a infligé aux tenants d’une Europe libérale. Dès lors, c’est la question de l’avenir de l’Europe et du sens profond de ce processus historique, que nous soutenons, qui se trouve posée.

M. Maxime Gremetz. Vive le peuple !

M. Pierre Goldberg. Le présent débat offre l’occasion aux membres du groupe des député-e-s communistes et républicains d’affirmer leur attachement à un principe directeur qui règle leur conduite : toute décision européenne, notamment d’ordre financier, doit être prise en fonction des exigences d’une Europe favorable aux peuples.

Or, disons-le d’emblée, une telle conception est aux antipodes de la configuration actuelle de l’Europe, une Europe libérale dessinée à grands coups de traité de Maastricht et de pacte de stabilité.

Les négociations des perspectives financières pour 2007-2013 offrent l’occasion historique de rompre avec l’Europe des marchands et des financiers et de construire une Europe des citoyens et du progrès social et humain,...

M. Richard Cazenave. Blablabla !

M. Pierre Goldberg. …seule réponse à apporter au signal démocratique que le peuple français a envoyé aux gouvernants et aux technocrates dépourvus de tout mandat populaire.

Par leur vote du 29 mai, les Français se sont insurgés contre le projet de constitution qui visait à pérenniser le carcan libéral de l’Union européenne. Ils ont refusé un texte qui sacralisait le projet d’une société où règne la loi des marchés financiers. Tel est le sens profond de leur vote : il ne s’agissait pas seulement, comme on l’a entendu dire ici ou là, de sanctionner le Gouvernement.

Tout en faisant preuve d’un grand sens de la responsabilité, ils ont ainsi manifesté leur refus d’une Europe livrée aux règles du capitalisme,…

M. Jean-Claude Abrioux. Vous préférez le rideau de fer ?

M. Pierre Goldberg. …à la régression sociale et à la mise en concurrence des salariés et des peuples, c’est-à-dire d’une Europe dans laquelle le chômage perdure, la précarité explose et la pauvreté touche – vous ne l’avez pas rappelé, monsieur le Premier ministre – 55 millions de personnes parmi les quinze anciens pays membres – je n’évoque pas les dix nouveaux.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Pierre Goldberg. II convient désormais d’entendre le souhait exprimé par le peuple souverain. Par leur vote, nos compatriotes exigent d’être étroitement associés à la construction de l’Union européenne et de peser sur sa nature, sur ses orientations et sur ses politiques. Voilà ce qu’imposerait une attitude réellement démocratique et respectueuse du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Cela suffit !

M. Pierre Goldberg. L’Union européenne devrait s’affirmer comme un acteur de premier rang au sein de la mondialisation. Or, au lieu de proposer une politique progressiste et des choix différents de ceux que préconise la pensée dominante, l’Union préfère se poser en porte-parole des dogmes de la libéralisation et de la globalisation et se ranger aux côtés des États-Unis et de l’Organisation mondiale du commerce, qui est tout acquise aux attentes des grands patronats et des riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Jean Auclair. Le MEDEF !

M. Pierre Goldberg. C’est pourquoi, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je tiens à saluer tous ceux qui, aujourd’hui à Hong-Kong, manifestent pour une autre mondialisation.

Cette situation, déjà ancienne, donne l’image d’une Europe engluée dans le carcan d’un ultralibéralisme désormais outrancier, dont le nom – je le répète – est simplement le capitalisme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Abrioux. Parlez-nous du Goulag !

M. Pierre Goldberg. La dimension sociale de l’Europe a été sacrifiée sur l’autel du marché commun. L’Union économique et monétaire, mise en place par le traité de Maastricht, a refondu les structures sociales européennes en vue de les déshumaniser par le biais de la déréglementation, de la flexibilité, de la précarité et de la pauvreté. Elle a renforcé les effets les plus nocifs de la concurrence, qui sont ceux du dumping social, comme l’a notamment illustré la terrible directive Bolkestein – je n’hésite pas à la qualifier ainsi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le fossé qui existe entre les décideurs européens et les citoyens doit être comblé. C'est ce qui ressort, encore une fois, si clairement, si fortement du vote du 29 mai dernier. La construction européenne doit être réorientée dans le sens d'une Europe plus sociale, plus politique, plus proche des peuples

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Blablabla !

M. Pierre Goldberg. Une Europe sociale passe d’abord par le refus de la pression patronale et financière (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en proposant une élévation du niveau des droits pour tous. Nous voulons une Europe de l'égalité des droits, de l'accès à la citoyenneté, de la mise hors du marché concurrentiel des secteurs vitaux de la santé, de l'énergie, de l'eau, de l'éducation, de l'alimentation et de la culture.

M. Bernard Deflesselles. De tout, en somme !

M. Pierre Goldberg. Nous voulons une Europe de la sécurité de l'emploi et de la formation, une Europe qui choisit de mettre fin au chômage…

M. Jean-Claude Abrioux. Et aux grèves !

M. Pierre Goldberg. …et à la précarité, qui protège et enrichit le droit au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Les bras armés du MEDEF sont là !

M. Pierre Goldberg. Voilà, encore une fois, que bat le cœur du peuple français à travers le « non » majoritaire du 29 mai dernier.

Vous avez parlé du rôle de la Grande-Bretagne et, bien sûr, vous avez émis un certain nombre de contestations, mais le fond de ce que je viens d’expliquer reste malheureusement vrai, profondément vrai.

M. Jean-Marc Roubaud et M. Bernard Deflesselles. Faux !

M. Pierre Goldberg. L’esprit de solidarité a déserté l’Union européenne au seul profit de la haute finance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On réduit le montant des aides apportées aux régions pauvres, principalement situées dans les nouveaux pays adhérents. Or, il y aurait tant à faire dans ces pays.

Cette attitude a pour pendant la volonté de ne pas toucher à la Banque centrale européenne,…

M. Maxime Gremetz. Ah, non ! Elle est sacrée !

M. Pierre Goldberg. …à son orientation, et de poursuivre une politique en complète contradiction avec l’appel des peuples.

Tout cela a un nom, je n’hésite pas à le dire : c’est le profond mépris des peuples qui constituent l’Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Vous parlez de Staline !

M. Pierre Goldberg. Ne comptez pas sur nous, acteurs déterminés du « non » à l'Europe libérale, pour couvrir, monsieur le Premier ministre, l'attitude de votre gouvernement. Déterminés, constructifs, rassembleurs, comme nous l’avons été le 29 mai, nous continuerons à être les porte-parole du peuple français pour une autre Europe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charrette, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé de Charette. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, l'Europe vit aujourd'hui la crise la plus grave de son histoire. Plusieurs raisons en sont la cause.

D’abord, l'élargissement de l'Union européenne aux dix nouveaux États membres sans que ce choix ait été expliqué aux opinions publiques de l'Europe de l'Ouest.

Ensuite, le sentiment de plus en plus largement répandu, à tort ou à raison, que les décisions européennes sont prises dans des cénacles restreints et confidentiels…

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

M. Hervé de Charette. …où la bureaucratie de la Commission et l'arrogance des commissaires…

M. André Chassaigne. Et combien tirent les ficelles derrière ?

M. Hervé de Charette. …l'emportent sur les règles démocratiques normales.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Hervé de Charette. Enfin, l'absence quasi-totale de projet, de perspective et d'ambitions européennes offertes aux peuples d'Europe par leurs dirigeants, de sorte que l'Europe est ressentie depuis dix ans – en réalité depuis Maastricht –…

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. Hervé de Charette. …au mieux comme une donnée inévitable, au pire comme une contrainte pénible, rarement comme un espoir ou comme une solution aux problèmes de notre temps.

Notre pays a été le facteur déclenchant de cette crise. Le vote négatif d'une majorité des électeurs français au référendum du 29 mai dernier n'a pu, à lui seul, créer la crise.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. Hervé de Charette. Mais il en a révélé brutalement l'ampleur.

Chacun y a sûrement sa part de responsabilité. Mais il sera difficile d'oublier que le parti socialiste, seul dans ce cas en Europe, aura été incapable de parler d'une seule voix, brouillant ses messages et jetant le trouble parmi ses électeurs, laissant du même coup à l'UMP le privilège qu'elle ne réclamait pas : celui d'être le seul grand parti de France à mener une campagne positive, forte et claire ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Et l’UDF !

M. Hervé de Charette. J’ai dit : le seul grand parti de France.

M. Maurice Leroy. Monseigneur est trop bon !

M. Henri Emmanuelli. Vous avez été battus, monsieur de Charette !

M. Hervé de Charette. C'est la France qui a servi de révélateur à la crise. C'est à la France qu'il reviendra d'ouvrir la voie et de faire les premiers pas pour en sortir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous souhaitons, monsieur le Premier ministre, que l’année 2006 soit dédiée à la préparation de cette échéance dont l’heure sonnera, espérons-le, au printemps 2007.

En tout cas, les députés du groupe UMP se félicitent que la décision ait été prise qu'un tel débat ait lieu désormais avant chaque Conseil européen. L'habitude s'en était perdue. Il est bon de la reprendre, même si ce n'est sans doute qu'un tout premier pas sur la voie d'une vraie démocratisation des processus européens de décision. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Au rendez-vous du Conseil européen, ce sont les perspectives financières de l'Union pour 2007-2013 qui font l'actualité. Le groupe UMP apporte son soutien à l'action conduite par le gouvernement et par le Président de la République dans cette difficile négociation.

L'enjeu est de taille : un échec enfoncerait encore plus l'Europe dans la crise. Il est donc important de parvenir à un accord. Mais cet accord ne saurait être payé d'une remise en cause de l'un des trois principes majeurs qui doivent guider la diplomatie française dans cette négociation. Faute de quoi, mieux vaudrait renoncer à ce qui serait un mauvais accord et faire confiance à la future présidence autrichienne.

Quels sont ces principes ?

D’abord, l'Europe doit avoir les moyens de ses ambitions. Notre exigence de rigueur financière doit être associée à la possibilité de réaliser les projets européens. De ce point de vue, le document élaboré à Luxembourg était équilibré, alors que la nouvelle proposition britannique est étriquée et insuffisante. Elle rend en effet impossible le financement de l'élargissement et vise expressément à mettre en contradiction les trois politiques majeures de l'Union pour l'avenir : la politique agricole commune, les fonds structurels pour les régions et la politique de recherche. Et elle vise aussi, bien entendu, à opposer la France et l'Allemagne aux pays d'Europe centrale et orientale.

Nous nous félicitons de constater, monsieur le Premier ministre, que cette manœuvre grossière est en train d'être déjouée.

Le deuxième principe du débat budgétaire européen concerne les perspectives financières 2007-2013 : celles-ci doivent respecter l'engagement pris par le Conseil européen il y a deux ans pour le financement de la politique agricole commune. Il est inutile d'épiloguer sur ce qui constitue, aux yeux du groupe UMP, un élément incontournable de tout accord budgétaire. Je voudrais rappeler que la France n'est pas seule à bénéficier des crédits européens de la politique agricole commune. Il s'agit bien d'une politique commune à laquelle participe l’ensemble des États et qui sert l'intérêt général de l'Europe.

Dernier principe : chaque État membre doit accepter sa juste part de l'effort de financement du budget européen. Cela suppose la remise en cause du chèque britannique.

M. Jean-Marc Roubaud et M. Francis Delattre. Très bien !

M. Hervé de Charette. Sur cette ligne politique, monsieur le Premier ministre, celle d’une Europe qui se dotera d’un budget répondant à son ambition politique, vous pouvez compter sur le soutien déterminé de l’UMP.

Au menu du Conseil européen, il y aura aussi et toujours la question de l'élargissement. Cette fois-ci, nous sommes confrontés à la demande de la Macédoine. S’agissant d’un tout petit pays, l'affaire peut paraître anodine. Je tiens néanmoins à rappeler la nécessité pour la France d'aller à Bruxelles avec une vision globale de ce que doivent être l'attitude et les choix de l'Union européenne quant à l’élargissement.

Quatre impératifs me paraissent s'imposer.

Il convient d'abord de respecter nos engagements vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie dont l’adhésion ne doit pas être différée.

Ensuite, et au point où nous en sommes, après une succession d'élargissements qui ont pratiquement configuré l'Union aux dimensions du continent européen, il est temps de parler des frontières de l’Europe.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Hervé de Charette. Il est désormais impossible, selon moi, de traiter au cas par cas des demandes d'adhésion sans les inscrire dans une perspective globale.

Troisièmement, il faut un règlement spécifique unique de l'Union européenne pour les Balkans. Nous nous préparons à la dernière phase de l’émiettement balkanique avec l’indépendance prévisible du Kosovo et du Monténégro. Accueillir ces poussières d'État, qui sont, chacun, plus petits que la plus petite de nos régions et dont l'impréparation est notoire, ne résoudrait pas aujourd’hui les problèmes des Balkans, mais achèverait de saper le bon fonctionnement des institutions européennes.

M. Pierre Lellouche. Alors, que faut-il faire ?

M. Hervé de Charette. Il faut donc se laisser le temps nécessaire, d'abord pour que les peuples balkaniques réapprennent à vivre ensemble et, ensuite, pour examiner avec eux selon quelles modalités ils pourront, le moment venu, participer ensemble à la vie de l'Union européenne.

Enfin, dernier impératif, la France, qui a longtemps réclamé l'approfondissement de l'Union avant son élargissement – sans grand succès, il faut bien l’admettre –, serait bien inspirée de proposer, au minimum, que toute nouvelle adhésion soit différée, le temps pour l'Union de sortir de la crise où elle est plongée et de mener à bien l'intégration des nouveaux États membres qu’elle a accueillis il y a maintenant un an.

Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, l'affaire macédonienne, d'apparence bénigne, soulève des questions de grande ampleur sur lesquelles vous avez bien voulu donner votre point de vue et sur lesquelles je vous apporte celui de l’UMP.

L'année 2005 restera, dans l'histoire contemporaine, comme une année noire pour l'Europe. Sous nos yeux, le projet français d'une Europe politique recule au profit de la vision britannique d'une vaste zone de libre-échange.

Mais il n'y a pas de fatalité ! Il dépend de nous d'enrayer les dérives auxquelles nous assistons.

M. André Chassaigne. N’importe quoi !

M. Hervé de Charette. Nous souhaitons ardemment que le prochain Conseil européen adresse aux peuples d’Europe les premiers signes du redressement, et que la France, avec d'autres partenaires, à commencer par l'Allemagne,…

M. Maxime Gremetz. Ils sont au fond du trou !

M. Hervé de Charette. …en soit le premier artisan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l'Europe va mal. C'est une évidence. Elle va mal parce que l'esprit européen ne souffle plus, parce que chacun se replie sur ses intérêts égoïstes à court terme, parce qu'il n'y a plus de vision forte pour un avenir partagé.

Dans l'immédiat, la question que doit traiter le Conseil européen des 15 et 16 décembre est celle du budget européen. Comme souvent lorsqu'il s'agit d'Europe, le sujet peut paraître à nos concitoyens lointain et peu compréhensible. Pourtant, il s'agit bien de notre avenir commun : quels moyens allons-nous donner à l'Union pour les sept années à venir ?

Le débat dure depuis des mois et des mois, dans les pires conditions qui soient. Si accord il y a, chacun voit que ce sera un petit accord pour une petite Europe, un accord rabougri,…

M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. Jean-Louis Bianco. …un accord pour en faire le moins possible.

Beaucoup de gouvernements, dont celui de la France, monsieur le Premier ministre, portent une lourde responsabilité dans la situation à laquelle nous sommes parvenus.

M. Michel Delebarre. C’est vrai !

M. Jean-Louis Bianco. Comment faire partager aux autres une vision de l’Europe quand on n'en a pas soi-même une ! Comment « progresser » quand les rencontres franco-allemandes se limitent aux rites d'un vieux couple fatigué ! (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Comment avancer, enfin, quand la France, avec cinq autres pays, déclare en décembre 2003 qu'il faut dépenser moins, en limitant le budget à 1 % du revenu des États membres !

M. Michel Delebarre. Très juste !

M. Jacques Myard. C’est trop !

M. Jean-Louis Bianco. Vous voulez rogner sur le dos de l'Europe, en espérant sans doute réduire – réduire un tout petit peu – la gigantesque dette que votre mauvaise gestion est en train de creuser au détriment des générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit de plus de 1 000 mille milliards d'euros, mes chers collègues, un chiffre tellement énorme qu'il paraît presque inconcevable.

Avec 1 % du revenu, comment l’Europe pourrait-elle soutenir le développement des nouveaux États membres, pourtant indispensable pour faire jouer la solidarité et pour accélérer la convergence des économies ? Avec 1 % du revenu, comment l’Europe pourrait-elle continuer à soutenir nos régions en difficulté – quartiers des villes, zones rurales, outre-mer ? Avec 1 % du revenu, comment l’Europe pourrait-elle relancer l’effort de recherche et de grands travaux sans lequel nous n’aurons pas une croissance soutenue et durable ?

M. Jacques Myard. C'est aux États d'engager ces politiques, pas à l'Europe !

M. Jean-Louis Bianco. Même la pêche voit ses crédits diminuer : quelle provocation quand on sait que, cette année encore, on ose demander aux pêcheurs de faire un nouvel effort inacceptable !

M. Michel Delebarre. Très juste !

M. Charles Cova. Voilà que vous versez dans l’électoralisme, monsieur Bianco !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est un démago !

M. Jean-Louis Bianco. La présidence britannique avait pourtant débuté de manière tonitruante. C’est Tony Blair qui annonçait au Parlement européen : « Pour l’Europe, l’heure a sonné. »

M. Jacques Myard. Ce n’est pas l’heure qui a sonné, mais l’Europe qui est sonnée !

M. Jean-Louis Bianco. Il poursuivait ainsi : « Les Européens veulent que nous leur montrions la route. Il est temps que nous le fassions. »

Qu’avons-nous vu ? Un Conseil européen d’octobre transformé en un sommet informel de palabres, réduit à une petite journée ne débouchant sur rien. Une directive Bolkestein qui poursuit inexorablement son chemin. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’en mars dernier notre assemblée s’était prononcée pour l’exclusion claire de tous les services d’intérêt général – et pas seulement des services d’intérêt général non marchands –, pour l’abandon du principe du pays d’origine, pour la reprise du processus d’harmonisation du droit applicable aux services et, enfin, pour la présentation par la Commission européenne d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Francis Delattre. Pourquoi ne vous en êtes-vous pas occupés lorsque vous étiez aux affaires ?

M. Jean-Louis Bianco. Où en sommes-nous ? Seule une partie des services d’intérêt général a été exclue du champ d’application. Nous avons toujours le principe de pays d’origine, il n’y a rien sur l’harmonisation et il n’y a pas de directive-cadre sur les services d’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Francis Delattre. Et vous, pourquoi n’avez-vous pas agi avant ? Quelle amnésie incroyable !

M. Jean-Louis Bianco. Comment alors l’UMP peut-elle justifier son double langage : non à Bolkestein à Paris, oui à un Bolkestein à peine amélioré à Strasbourg ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Quelle est la crédibilité de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, qui manifestement, sur ce sujet comme sur d’autres, navigue à vue ?

M. Jean-Marc Roubaud. Démago !

M. Jean-Louis Bianco. Que faut-il faire ? D’abord, refuser clairement, fermement, un budget de repli et de recul. Non à toute proposition en dessous de ce qu’avait avancé la Commission, c’est-à-dire 1,24 % du revenu national brut des vingt-cinq États membres ! Que le rabais britannique n’ait plus de raison d’être, qu’il soit, comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, une anomalie historique, c’est une évidence.

M. Francis Delattre. C’est la gauche qui l’a accordé !

M. Jean-Louis Bianco. Reste que ce n’est pas sa suppression qui réglera le problème.

Avec 1,24 %, nous dégagerions près de 200 milliards d’euros de plus. Quel levier formidable pour consolider la solidarité et relancer la croissance ! Nous n’avons pas le droit de nous en priver. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En même temps qu’ils débattront du budget, les chefs d’État et de gouvernement vont tenter de se mettre d’accord sur un taux réduit de TVA à 5,5 % pour le bâtiment et pour la restauration.

S’agissant du bâtiment, c’est le gouvernement de Lionel Jospin qui l’avait obtenu en 1999. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Chacun sait ici les effets positifs que cette mesure a eus sur l’emploi, en particulier dans nos petites entreprises.

M. Francis Delattre. Est-il grossier de rappeler que c’est M. Strauss-Kahn qui l’a négociée ?

M. Jean-Louis Bianco. Il est inconcevable que, semaine après semaine, mois après mois, vous laissiez toute une profession dans l’incertitude faute d’avoir su, ne serait-ce que sur ce point, obtenir gain de cause.

Pour la restauration, le Président de la République l’avait promis, vous l’avez re-promis, vous l’avez re-re-promis, en faisant l’impasse sur les difficultés qui pourtant étaient évidentes et que vous connaissiez.

M. François Hollande. Cela n’empêche pas le Président de la République de continuer à le promettre !

M. Francis Delattre. Et vous, qu’avez-vous fait ?

M. Michel Voisin. Ils n’ont rien fait !

M. Jean-Louis Bianco. La force de la diplomatie française, ce devrait être de se montrer capable d’obtenir un accord au moins sur ces deux points.

M. Jacques Myard. Pour cela, il faudrait que la France soit indépendante !

M. Jean-Louis Bianco. Quant au budget, monsieur le Premier ministre, la France s’est placée elle-même dans la pire des situations. Il n’est toutefois pas trop tard pour refuser et dire que l’on préfère, à tout prendre, un budget provisoire annuel à un carcan qui ligoterait l’Union européenne pour sept ans.

À vrai dire, si nous voulions être cohérents avec nos grands discours européens, il faudrait porter le budget à 2 % du revenu des pays européens.

M. Michel Delebarre. C’est vrai !

M. Jean-Marc Roubaud. Et pourquoi pas 4 ou 6 % ?

M. Jean-Louis Bianco. Et cela, je vous le dis, devra arriver un jour, sinon l’Europe mourra de mort lente.

M. Jacques Myard. Elle est déjà morte !

M. Jean-Louis Bianco. Il arrivera aussi un jour où l’Union européenne disposera de ressources propres, adoptées selon des procédures parlementaires démocratiques, à la place de ces obscures tractations intergouvernementales.

M. Bernard Deflesselles. Commencez par vous mettre d’accord entre socialistes !

M. Jean-Louis Bianco. Aujourd’hui, l’Europe est en danger. Il faut refuser un budget croupion, un budget d’enlisement.

M. Francis Delattre. Il s’agit tout de même de plusieurs milliards d’euros !

M. Jean-Louis Bianco. Cependant, au-delà du budget, ce que la France et les pays de l’Union attendent, c’est une véritable relance de l’Europe.

Cette relance passe d’abord par un grand débat…

M. Richard Mallié. Surtout au sein du parti socialiste !

M. Jean-Louis Bianco. …dans chacun de nos pays : quel but, quelle vocation donnons-nous à l’Europe aujourd’hui ? Quels sont les intérêts qui nous rassemblent au-delà d’un grand marché ? Comment l’Europe peut-elle aider à diminuer le chômage et à combattre les effets négatifs de la mondialisation ?

M. Richard Mallié. Demandez à M. Emmanuelli !

M. Jean-Louis Bianco. Quelles sont les frontières de l’Europe ? Comment faire avancer la connaissance mutuelle et les échanges entre nos populations ?

Les questions sont nombreuses, elles sont difficiles. Raison de plus pour engager le débat dès maintenant.

Notre devoir, mes chers collègues, est de créer un espace public européen, de faire naître ou renaître l’intérêt pour l’Europe à partir d’initiatives concrètes associant les citoyens.

M. Jean-Marc Roubaud. Blablabla !

M. Jean-Louis Bianco. Notre devoir est d’élaborer un nouvel agenda pour l’Europe sociale, comme le demande la Confédération européenne des syndicats, afin de répondre à l’angoisse et à la détresse de beaucoup de travailleurs.

M. Lucien Degauchy. Si vous croyez ce que vous dites, c’est grave !

M. Jean-Louis Bianco. L’espoir n’est pas perdu. Quiconque voyage hors d’Europe prend vite conscience de la mesquinerie des querelles de l’Union. Vue de loin, la force du projet européen est saisissante.

Là encore, cependant, il faut dire la vérité : les chefs d’État et de gouvernement se félicitent beaucoup, promettent énormément, agissent trop peu.

M. Michel Delebarre. Oui !

M. Jean-Louis Bianco. Parler de faire de l’Europe « la zone la plus compétitive du monde » quand on voit notre retard en termes de croissance et d’innovation, cela frise le ridicule ! (« Et les 35 heures ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il fallait voter pour le traité constitutionnel ! C’est la faute de Fabius et d’Emmanuelli !

M. Jean-Louis Bianco. La priorité des priorités, soyez-en convaincus, est de reconquérir le cœur de nos concitoyens.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La priorité, c’est le travail !

M. Jean-Louis Bianco. Il en va de l’avenir de l’Europe, de notre capacité, comme le disait François Mitterrand (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), « à ne pas laisser le monde se transformer en un marché global, sans autre loi que celle du plus fort, sans autre objectif que la réalisation du maximum de profit en un minimum de temps ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe Union pour la démocratie française.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans deux jours, au sommet de Bruxelles, l’Europe jouera gros : son budget pour les sept ans à venir devrait y être arrêté.

Nous avons cependant des raisons de douter de son issue. Ce sommet n’est en effet pas le premier depuis le 29 mai. Or, à chaque fois, aucun résultat concret, aucune avancée, aucune perspective ne sont sortis de ces rencontres, si ce n’est la litanie de promesses sur les efforts à entreprendre en matière de recherche et développement, d’énergie et de sécurité.

Il faut bien entendu mettre en œuvre ces politiques, mais, pour le faire, on bute toujours sur la même question : l’Europe a-t-elle une volonté politique, des institutions efficaces et démocratiques et, surtout, un budget commun ?

Sur ces trois points fondamentaux, la présidence britannique n’a rien entrepris, si ce n’est d’ouvrir les négociations avec la Turquie comme si l’élargissement était sa seule priorité !

M. Richard Mallié. Très juste !

Mme Anne-Marie Comparini. Elle n’a rien tenté non plus pour remettre l’Union en marche et envoyer ainsi aux citoyens européens le signe qu’il était possible de sortir de cette mauvaise passe.

Désormais, à quelques jours de la fin de sa présidence, le sommet de décembre sera pour le Premier ministre britannique celui de la dernière chance. L’Europe jouera gros aussi parce qu’il n’est pas question d’accepter n’importe quel budget et n’importe quelles propositions.

Or M. Blair ne revient pas sur le rabais britannique, qui s’expliquait il y a vingt ans, lorsque le Royaume-Uni traversait une crise profonde, mais qui ne s’explique plus aujourd’hui, ce pays connaissant un taux de croissance qui est devenu pour nous tous un exemple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Pis, M. Blair réduit le budget proposé par M. Junker et, fait aggravant, baisse les fonds structurels promis aux dix nouveaux États membres, dont on connaît les besoins aigus. Ainsi, pour emporter l’accord des Vingt-cinq, la présidence britannique est prête à abandonner le principe fondateur de la construction européenne : la solidarité.

Nous sommes loin d’une Europe forte et solidaire avec cette proposition d’accord de la dernière chance, de signature arrachée au bord du gouffre – car c’est bien là la stratégie britannique !

Vous l’aurez compris, l’UDF pense que le prétendu New Deal pour l’Europe de M. Blair n’est pas acceptable et qu’il est injuste.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Comparini. Rappelons-nous : en 1988, après l’adhésion des pays méditerranéens, les fonds structurels avaient été doublés sans que nul ne s’en émeuve, et c’était bien normal. Aujourd’hui, alors que l’écart entre anciens et nouveaux membres est encore plus important, que nous propose M. Blair ? Une « cure d’amaigrissement », comme dit la presse d’outre-Manche, légère pour les anciens membres, plus rude pour les dix nouveaux. Il aurait été plus juste que M. Blair l’applique à son pays en renonçant à un rabais vieux de vingt ans !

Le prétendu « nouveau souffle » qu’il prône est en outre contraire aux valeurs et à l’histoire européennes. L’exceptionnelle aventure européenne doit sa réussite aux grands mécanismes de solidarité entre chacun des membres. Ces mécanismes ont joué un rôle important dans cette sorte de compagnonnage dont nous pouvons être fiers. Or les propositions britanniques mettent en danger tous les progrès obtenus en remettant en cause leurs fondements, qui sont à l’origine de cette chaleur démocratique.

Puisque le sommet de décembre est lourd de conséquences pour l’Europe, une autre voix doit se faire entendre : celle de ses fondateurs, au premier rang desquels la France. Celle-ci a toujours affirmé, à travers ses bâtisseurs européens, que l’Union était un investissement pour un modèle de société et de civilisation – même si, en 2005, c’est malheureusement le Président de la République française qui a demandé un budget ne dépassant pas 1 % du revenu national brut de l’Union.

Nous attendons donc du Président de la République, qui siégera à la table des négociations et qui parlera au nom de tous les Français, qu’il réaffirme la vision de l’« Europe-cohésion » que la France a toujours défendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. Le problème est qu’il n’a rien à dire !

Mme Anne-Marie Comparini. Loin de moi l’idée de faire renaître l’ancienne querelle entre l’Europe européenne et l’Europe atlantiste. Cependant, puisque M. Blair affiche sa clairement sa conception, conforme aux intérêts de son pays, le Président de la République doit lui aussi rappeler ce qui a toujours été l’idée française de l’Europe.

Oui, la France doit reprendre la main et refaire la course en tête ! Elle le peut, d’autant que des opportunités apparaissent.

Ainsi l’Allemagne a-t-elle, par la voix de Mme Merkel, a réaffirmé l’importance du couple franco-allemand. Utilisons cet atout pour retrouver le goût des initiatives communes audacieuses, mais ne soyons pas exclusifs : jouons aussi la carte latine. L’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce savent comme la France que la politique agricole commune et l’apport des fonds structurels ont permis la reconversion de leurs régions et de leurs secteurs économiques. Ces pays sont en outre concernés de la même manière que nous par la sécurité en Méditerranée et par le mouvement puissant d’immigration qui s’accentue aux portes de l’Europe. La France peut donc trouver écho auprès de ses partenaires latins pour exprimer cette vision solidaire.

Mes chers collègues, l’UDF ne veut pas d’une Europe au rabais, d’une Europe qui ne soit que marchande et marchandée.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. L’Europe n’a pas été créée pour coaliser des États, mais pour unir des hommes dans un esprit de dynamisme et de solidarité. L’UDF forme donc le vœu que cette vision retrouve sa place au cœur des débats bruxellois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise que traverse l'Union européenne nous impose de prendre sans tarder les mesures propres à la sortir de l'impasse financière et politique dans laquelle elle s'est engagée. Au-delà, c'est tout son avenir qu'il nous faut sans doute repenser.

Depuis l'échec des référendums en France et aux Pays-Bas,…

M. Jean-Pierre Kucheida. Pas l’échec, le résultat !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. …l’Europe navigue à vue, sans budget et sans avoir pris, à ce jour, d'autre décision que de mettre en œuvre un élargissement supplémentaire.

Dans l'immédiat, nous devons montrer notre capacité à réagir. Tout d'abord, nous devons régler l'avenir financier de l'Union. Je n'entrerai pas dans le détail des propositions et des contre-propositions, sinon pour dire que les nouveaux États membres ont besoin de la solidarité de tous. La France y a consenti, nous attendons que la Grande-Bretagne y consente elle aussi. Pour y parvenir, je souhaite que le Conseil européen aboutisse sur la proposition luxembourgeoise de juin dernier.

Deuxième effort à court terme : malgré l'échec de la Constitution européenne, nous devons reprendre la marche en avant et nous accorder rapidement pour décider de la création d'une présidence stable du Conseil européen, avec un mandat de deux ans et demi renouvelable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cette mesure symbolique témoignerait de notre volonté de ne pas rester sur un échec. Il est temps que la France prenne l'initiative sur ce point.

Troisième effort à court terme : nous devons ratifier les élargissements déjà décidés – je dis bien déjà décidés. La France a signé un traité pour l'entrée dans l'Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie. Dès lors que ces deux pays rempliront les conditions nécessaires, ou pourront les remplir grâce à des mesures de transition, je souhaite que la France ratifie leur adhésion.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il s'agit de respecter la parole donnée et de ne pas prêter le flanc au soupçon qu’une décision négative pourrait éveiller chez nos partenaires, qui ne manqueraient pas de l'interpréter comme motivée par des motifs de politique intérieure. Il s'agit aussi pour moi de bien marquer qu’autant je suis défavorable à des élargissements supplémentaires, autant je souhaite que notre pays respecte les engagements qu'il a déjà pris. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Pour ce qui est des problèmes d'avenir à plus long terme, il n'est pas souhaitable – et on l’a dit avant moi – que la Commission européenne s'engage dans un processus d'élargissement sans fin. L'Union n'y est prête ni sur le plan financier ni sur le plan institutionnel. Nous l'avons indiqué sans équivoque à M. Olli Rehn, commissaire européen, lors de son audition par notre commission. L'Europe a besoin d'une longue pause afin d'assimiler l'adhésion des douze nouveaux membres, qui représentent 110 millions d'habitants.

En attendant, pour les discussions ouvertes en vue de l'adhésion de la Croatie et de la Turquie, il nous faut faire preuve de vigilance. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères a créé, avec la délégation pour l’Union européenne, un groupe de travail afin de suivre, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, ces négociations.

Autre tâche d'avenir : la réforme des institutions européennes, sans laquelle nous ne pourrons fonctionner ni à vingt-cinq ni à vingt-sept, encore moins à trente. Il ne faut pas craindre de poser les vraies questions : en fonction du poids des populations, quel doit être, par pays, le nombre de commissaires et la représentation au Conseil européen et au Parlement ?

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Quels doivent être les rapports du Conseil et de la Commission, qui, l'un et l'autre, prétendent à un rôle quasi-gouvernemental ? Ne faut-il pas mettre fin à cette concurrence en plaçant clairement la Commission sous l'autorité du Conseil ?

M. Jacques Myard, M. Marc Le Fur, M. Jean-Marc Roubaud et M. Charles Cova. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Troisième objectif à long terme : organiser nos relations avec nos voisins sur la base de partenariats privilégiés.

Quatrième objectif : développer les coopérations spécialisées entre les États membres dans certains domaines d’avenir, afin de conduire à un progrès de l’Europe fondé sur la diversité et l’émulation.

Rien de tout cela ne sera possible si l'Europe poursuit sa construction dans le secret des cabinets.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il faut ouvrir l'Union à la démocratie, au sein des institutions européennes comme dans chacun des États membres. Le débat organisé ici aujourd'hui constitue un progrès, mais il faut aller plus loin. En effet, les questions abordées au sein de l'Union européenne ne relèvent pas uniquement de la politique étrangère, ce sont aussi souvent des débats de politique intérieure, qui touchent à l'ensemble des activités de notre société. Il est donc légitime que notre Parlement fasse connaître son point de vue.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’était pas comme cela du temps du gouvernement Balladur !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Au-delà, il est temps pour la France de faire aussi entendre le sien sur la réforme de l'Europe et sur son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.

M. Pierre Lequiller, président de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me félicite qu’un tel débat puisse désormais se tenir, comme s'y est engagé le Gouvernement, avant chaque Conseil européen. Je salue, et l’ensemble des membres de la délégation avec moi, les initiatives, tant du Gouvernement que du président Jean-Louis Debré, pour associer encore mieux le Parlement au processus de décision européen.

S’agissant des taux réduits de TVA, ma position est claire : je soutiens pleinement la proposition de résolution présentée par Michel Bouvard, qui reprend d'ailleurs les préoccupations du rapport de Daniel Garrigue au nom de la Délégation, visant à soutenir le Président de la République et le Gouvernement dans cette négociation. Nos partenaires doivent savoir que le Parlement y attache le plus grand prix. Les secteurs actuellement éligibles doivent être pérennisés et la restauration doit enfin pouvoir bénéficier, comme les professionnels le souhaitent, du taux réduit.

Sur le sujet central des perspectives financières, il est frappant de constater combien l'esprit européen est en déclin. Au mois de juin dernier, Jean-Claude Juncker avait fait une ultime proposition, équilibrée et véritablement européenne, établissant un budget communautaire à hauteur de 1,06 % du revenu national brut. Contrairement à ce qu’a dit M. Bianco, la France avait alors consenti un effort financier considérable en acceptant d’apporter 11 milliards d'euros de plus.

Les récentes propositions de la présidence britannique, tardives et provocatrices, ont suscité une vague de déception en Europe. À l'occasion de mes déplacements récents à Prague et à Vienne et de mes rencontres avec les présidents Pavel Svoboda et Andréas Khol, mais aussi avec le ministre allemand des affaires européennes, Günter Gloser, j'ai mesuré l'amertume et l'inquiétude de plusieurs États membres face à ce qu'ils perçoivent comme du chantage. Tous mes collègues missi dominici de la Délégation, qui ont défendu la position française dans les capitales européennes, ont eu la même impression.

Deux chiffres résument à eux seuls le sens de la proposition britannique : d’un côté, un « cadeau » de 8 milliards d’euros au niveau de sa contribution, qui permet au passage au Royaume-Uni d’économiser environ le même montant par rapport à la proposition luxembourgeoise ; de l’autre, une réduction de 14 milliards des crédits pour le développement des nouveaux États membres. L'effet «miroir » entre ces chiffres est déplorable. Traditionnellement, la présidence – malheureusement tournante – de l'Europe tente de montrer l'exemple de la solidarité afin d'obtenir un accord. Le Royaume-Uni, en s'exonérant de cette solidarité et en pénalisant les autres, en particulier les pays entrants, met l'accord en péril. Cet État est maintenant dans le peloton de tête des puissances européennes, et non plus, comme en 1984, l'un des moins riches. Le « chèque britannique » est donc dépassé. Le Royaume-Uni doit participer pleinement, équitablement et durablement au coût de l'élargissement, comme à celui des futures adhésions. Il faut donc trouver une solution pérenne de plafonnement du chèque.

Je me félicite que la France ne défende pas, dans cette affaire, ses seuls intérêts, mais bien ceux de l’Europe tout entière. Je me réjouis qu’elle exige, avec l’Allemagne, la pleine application du principe de solidarité.

Le futur budget doit être la traduction d'un projet : celui de l’Europe à l’horizon 2015, celui d’une Europe en mouvement, apte à innover grâce à des moyens accrus pour la recherche, conformément à la stratégie de Lisbonne, et désireuse de jouer le rôle qui lui revient sur la scène internationale, notamment pour la politique de voisinage.

Tony Blair a repris, sur tous ces points, les propositions du « compromis Juncker ». Il a adopté une position moins extrême et agressive qu'auparavant sur le sujet de la politique agricole commune. Il a proposé des assouplissements aux règles d'utilisation des fonds structurels pour les nouveaux entrants. Sa position a évolué : elle peut et doit encore évoluer.

Il faut néanmoins nous montrer vigilants. D'abord, sur l'étendue des aménagements apportés aux accords de Bruxelles sur la PAC. Ensuite, il serait indécent que les règles d'utilisation des fonds structurels pour les nouveaux entrants deviennent une monnaie d'échange pour faire accepter une baisse considérable des crédits correspondants.

La négociation va être très dure jusqu’au bout. Nous apportons au Président de la République un soutien sans faille pour, certes, défendre les intérêts de la France, mais aussi et surtout, redonner un souffle à l’Europe, malheureusement en crise.

L’Europe politique a subi, avec les « non » français et hollandais aux référendums, un coup d'arrêt.

M. Jean-Pierre Brard. Au contraire, c’était une planche d’appel !

M. Pierre Lequiller, président de la Délégation pour l’Union européenne. Oui, monsieur Goldberg, le « non » a coûté cher à l’Europe politique. Il a renforcé M. Blair…

M. Jean-Pierre Brard. Que vous-même avez appelé « Tony Truand » !

M. Pierre Lequiller, président de la Délégation pour l’Union européenne. …et la conception britannique de l’Europe, que vous qualifiez de libérale et libre-échangiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

N'ajoutons pas une crise à la crise et préparons la relance de l'Europe politique. L’esprit d’Europe ne consiste pas, pour chacun, à arracher coûte que coûte des subsides à l'Union, au risque de l'affaiblir et de la paralyser, mais, pour tous, à contribuer au renforcement de l'Europe et à en tirer parti ensemble. Je fais confiance au Président de la République, à vous, monsieur le Premier ministre, et au Gouvernement pour défendre cet esprit d’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Brard. Auriez-vous écrit son discours, que vous partez avant de l’entendre, monsieur le Premier ministre ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous n’avez pas à intervenir, monsieur Brard !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme le Premier ministre l’a indiqué dans son intervention, et comme cela ressort très clairement des diverses interventions, le prochain Conseil européen doit apporter la preuve de la capacité de l’Union européenne à relever les défis urgents auxquels elle est confrontée. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Premier défi : le financement de l’Europe élargie, lequel doit être équitable. C’est la question-clé de ce Conseil européen.

Le second défi porte sur l’Europe politique et sur le sens que nous voulons donner à la poursuite de cette aventure. C’est tout le débat entre élargissement et approfondissement.

S’agissant des perspectives financières, il faut que les vingt-cinq États membres parviennent vendredi à un accord…

M. Jacques Myard. Il n’y en aura pas.

M. le ministre des affaires étrangères. …pour permettre la bonne mise en œuvre des politiques communes sur la période de 2007 à 2013. C’est important pour la France, ses régions, ses centres de recherche, ses banlieues,…

M. Jean-Pierre Brard. Les banlieues sont loin de Bruxelles !

M. le ministre des affaires étrangères. …ses agriculteurs, bref pour toutes celles et tous ceux qui bénéficient d’un soutien financier de l’Union. C’est important aussi pour les nouveaux États membres, comme l’a dit Mme Comparini. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Brard. Des fleurs à l’UDF ! C’est un appel du pied insistant ! (Sourires.)

M. le ministre des affaires étrangères. La priorité de ces derniers est de parvenir au rattrapage économique et social grâce au soutien de la politique régionale. Ce rattrapage aura de nombreux effets positifs sur l’économie française et réduira, au sein de l’Union, les possibilités de dumping social qui inquiètent nos concitoyens.

Cependant, le Gouvernement n’est pas prêt à accepter n’importe quel accord. Pour être acceptable, cet accord doit s’appuyer sur trois principes : la solidarité, l’équité et la nécessaire stabilité de la programmation budgétaire européenne, et donc la préservation des politiques communes, en particulier de la PAC.

S’agissant de la solidarité, comme l’ont rappelé M. de Charrette et M. Lequiller et comme il l’a montré en juin, sous la présidence luxembourgeoise, le Gouvernement est prêt à demander au Parlement de fournir un effort budgétaire significatif, pour autant qu’il reste soutenable pour nos finances publiques, profite en priorité aux nouveaux États membres et accélère la réduction des écarts de développement au sein de l’Union élargie.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Mais, monsieur Bianco, ni la France ni les autres contributeurs nets n’ont les moyens de financer sur leurs budgets nationaux une augmentation indéfinie de la dépense.

M. Hervé de Charette. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. S’agissant ensuite de l’équité, chacun doit apporter sa juste contribution au financement de l’élargissement. Un accord n’aura lieu que s’il comporte un réaménagement très substantiel, structurel et permanent, du rabais britannique. Cette demande est formulée chaque année par la représentation parlementaire. Elle est plus que jamais légitime au moment où nous décidons du financement du budget de l’Europe élargie. La question du rabais britannique est, pour tous les États membres, au cœur de la discussion. N’oublions pas que la France en paie près de 30 %.

Le maintien en l’état du rabais britannique signifierait une exemption du Royaume Uni de sa contribution financière au coût de l’élargissement, avec un transfert de charges principalement vers la France, l’Italie et l’Espagne. Ce serait totalement inacceptable, comme vient de le rappeler Pierre Lequiller.

Enfin, il faut la stabilité de la programmation budgétaire. Le Gouvernement est disposé à discuter, dès avant 2013, d’une large réforme du budget de l’Union, qui devra porter sur toutes les dépenses et toutes les ressources. Il s’agit de prolonger et d’amplifier pour l’après 2013 la modernisation du budget de l’Union, notamment pour les politiques de recherche, qui augmenteront de près de 30 % dès 2007 si l’on s’en tient aux propositions luxembourgeoises de juin 2005. Mais la réforme du budget de 2014 devra être préparée avec minutie. Elle ne saurait remettre en cause la stabilité dont ont besoin les régions, les ménages, les entreprises, les chercheurs, les agriculteurs européens. Elle ne devrait donc produire ses effets qu’après 2013.

Le Gouvernement n’acceptera donc, monsieur de Charrette, aucune remise en cause de la PAC avant le terme, déjà fixé, de 2013. Elle a déjà subi de profondes réformes et la dernière, celle de 2003, ne produira totalement ses effets qu’en 2008. Les financements pour les aides directes aux agriculteurs issues des accords de Bruxelles d’octobre 2002 seront donc préservés.

C’est sur ces bases, mesdames et messieurs les députés, que la France participera au Conseil européen. Nous sommes confiants dans l’écho qu’a trouvé partout dans l’Union notre détermination à favoriser un accord solidaire et équitable pour l’avenir du budget de l’Europe.

M. Jean-Pierre Brard. Cela tient de la foi, et même de l’aveuglement !

M. le ministre des affaires étrangères. Mais un certain nombre de préoccupations exprimées par les orateurs relèvent d’un débat plus large, puisqu’elles portent sur le sens que nous entendons donner à la poursuite de la construction européenne,…

M. Hervé de Charette. C’est vrai !

M. le ministre des affaires étrangères. …notamment à l’élargissement.

Il est en effet devenu urgent, monsieur Balladur, de mener une vraie réflexion sur l’articulation entre les processus d’élargissement et d’approfondissement.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Nous devons réfléchir à la manière de concilier l’élargissement et les exigences d’une Europe plus unie et plus forte. Cette problématique doit être clairement posée et approfondie par nos partenaires.

M. Richard Mallié. Il faut poser aussi la question des frontières de l’Europe !

M. le ministre des affaires étrangères. Nous aurons l’occasion de le faire très prochainement puisque, au premier semestre 2006, sous la présidence autrichienne, un rendez-vous est prévu pour faire le point sur l’avenir de l’Union.

La Roumanie et la Bulgarie, monsieur Balladur, font partie du groupe des pays d’Europe centrale rendus à l’Europe après la chute du rideau de fer. Ils ont progressé plus lentement que les dix autres et adhéreront le 1er janvier 2007 ou, si la Commission européenne le recommandait dans son prochain rapport d’évaluation, le 1er janvier 2008 au plus tard.

Dans son rapport de suivi d’octobre dernier, la Commission a constaté la persistance, dans ces deux pays, de retards dans plusieurs domaines, notamment la sécurité alimentaire, la justice et les affaires intérieures. Elle présentera un nouveau rapport en avril ou en mai 2006 et décidera de recommander ou non au Conseil l’activation de la clause de report d’une année.

Quant à la Croatie, elle aurait pu adhérer en même temps que la Slovénie, sans les tragiques événements des années 90. Les négociations sont engagées et l’arrestation d’Ante Gotovina la semaine dernière a levé l’un des principaux obstacles sur le chemin de la Croatie vers l’Union européenne.

Vous avez posé le problème essentiel des Balkans occidentaux. L’Union leur a accordé une perspective européenne en reconnaissant qu’ils étaient des candidats potentiels à l’adhésion, ce qui constitue une réelle motivation pour les faire avancer vers la stabilité.

La Commission vient de présenter son avis sur la candidature de l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Elle propose de dissocier dans le temps la reconnaissance du statut de candidat, d’une part, et l’ouverture des négociations, d’autre part.

Nous avons examiné cette recommandation avec deux préoccupations à l’esprit. Premièrement, la perspective européenne est indispensable pour garantir la stabilisation de cette région. Deuxièmement, il est essentiel, comme viennent de le dire M. de Charrette et M. Balladur, de régler en priorité les problèmes internes à l’Union. Nous devons, en effet, éviter de donner le sentiment d’une fuite en avant sur la question de l’élargissement,…

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. le ministre des affaires étrangères. …alors même que l’intégration politique marque le pas.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. le ministre des affaires étrangères. C’est pourquoi il est urgent de réfléchir à l’articulation de ce processus d’élargissement avec les exigences de l’approfondissement de la construction européenne, et, dans ce cadre, les propositions du président de la commission des affaires étrangères vont tout à fait dans le sens des réflexions du Gouvernement.

M. Richard Mallié. Enfin !

M. le ministre des affaires étrangères. À Bruxelles, hier, beaucoup de nos partenaires ont partagé nos interrogations sur la poursuite du processus d’élargissement, même si un consensus n’a pu être trouvé sur la question de la Macédoine. Les chefs d’État et de gouvernement y reviendront lors du Conseil européen.

Pour terminer, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je répondrai brièvement à plusieurs questions relayant les préoccupations exprimées par nos concitoyens.

En ce qui concerne les réductions de la TVA, je réaffirme, monsieur Bianco, la détermination du Gouvernement à obtenir sa prorogation pour les services à forte intensité de main-d’œuvre,…

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. …notamment les travaux dans l’immobilier privé et les services d’aide à la personne, et à obtenir sa mise en œuvre pour la restauration et pour le disque. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Herbillon. Très bien. C’est indispensable !

M. le ministre des affaires étrangères. En ce qui concerne la directive sur les services, le Gouvernement continue à veiller avec la plus extrême attention à ce que soit menée à bien la remise à plat du projet initial de la Commission, comme les vingt-cinq États membres l’ont demandé unanimement lors du Conseil européen de mars 2005. Le Parlement européen a commencé à montrer la voie, même s’il ne se prononcera définitivement qu’au début de 2006. Les travaux préliminaires du Parlement européen en Commission ont pris en compte une partie de nos attentes.

M. Gérard Bapt. Une partie seulement !

M. le ministre des affaires étrangères. C’est le cas pour la pleine et seule application du droit social français, pour l’exclusion du champ de cette directive de certains secteurs sensibles : l’audiovisuel – cinéma et télévision –, la santé – hôpitaux publics et cliniques privées –, et les services publics non marchands, et c’est en bonne partie le cas pour l’application du droit non pas du pays d’origine mais du pays le plus protecteur notamment pour les consommateurs.

Mais il reste, monsieur Goldberg, des progrès importants à faire, notamment pour s’assurer pleinement de l’application des droits les plus protecteurs aux consommateurs.

La Commission européenne devra réviser sa proposition début 2006 et le Conseil en tirer les conclusions qui s’imposent.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les réponses que je voulais faire aux différents orateurs. À la suite du Premier ministre, je formule avec Catherine Colonna le vœu que le Conseil européen de cette semaine nous donne les moyens de notre ambition. Le Président de la République, qui conduira les négociations pour la France, est déterminé à tout faire pour que ce Conseil européen soit un succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

aCCORD France-RUSSIE SUR DES QUESTIONS IMMOBILIÈRES

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières (nos 2626, 2711).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

aCCORD sur l’office Franco-AllemaND
POUR LA JEUNESSE

Vote sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sur l’Office franco-allemand pour la jeunesse (nos 2630, 2712).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée dans les conditions prévues à l’article 106 du règlement.

La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le quarantième anniversaire du Traité de l'Élysée en janvier 2003 a été pour la France et l'Allemagne l'occasion de dresser le bilan de leur coopération bilatérale et d'en renouveler les actions. Le bilan de la coopération engagée au début des années 60 est exemplaire, en particulier pour l'Office franco-allemand pour la Jeunesse – OFAJ –, puisqu'il a permis à plus de 7 millions de jeunes de se rencontrer dans le cadre de 230 000 programmes.

Aujourd'hui comme hier, l'OFAJ reste au centre des actions que nous voulons mener pour développer les relations entre nos deux pays car, aujourd'hui plus encore qu'hier, c'est la jeunesse qui est au centre de nos actions de coopération.

À l'évidence, le contexte de cette coopération a changé : nous ne sommes plus dans la phase de réconciliation qui inspirait encore notre action au début des années 60. Des horizons nouveaux s'offrent aux jeunes de tous pays : ils sont tentés de regarder au-delà du pays voisin.

Aussi, quels que soient les succès enregistrés jusqu'ici, les instruments, leurs méthodes, leurs actions doivent évoluer pour prendre en compte cette nouvelle donne, ces nouvelles attentes.

Vous avez souhaité, mesdames, messieurs les députés, qu'il en soit ainsi puisque, avec vos collègues du Bundestag, vous avez décidé le jour même du quarantième anniversaire du Traité de l'Élysée la création d'une mission parlementaire commune sur l’OFAJ afin de lui redonner « un dynamisme qu'il n'a peut-être plus », selon les termes du président Yves Bur. Permettez-moi de saluer la qualité du travail que vous avez effectué.

Le projet de loi qui vous est présenté et les actions que nous avons engagées s'inspirent largement des changements préconisés par votre mission parlementaire.

Vous insistez sur le recentrage de l’action de l'OFAJ sur l'apprentissage de la langue du partenaire. Nous mesurons, en effet, en France comme en Allemagne, l'importance fondamentale de l'apprentissage de la langue du partenaire pour susciter l'intérêt à l'égard de l'autre pays. À cette fin, nous avons adopté, lors du conseil des ministres d'octobre 2004, le plan stratégique sur la langue du partenaire, que nous mettons en œuvre actuellement, afin de réduire la dernière barrière entre la France et l'Allemagne, celle de la langue.

Nous avons aussi décidé toute une série de mesures lors du conseil des ministres franco-allemand du printemps 2005, qui doivent favoriser la mobilité des jeunes, notamment dans le cadre de la formation professionnelle. Dans ce domaine, l'OFAJ a également un rôle central à jouer, en particulier en ouvrant ses actions à des publics qui, jusqu'ici, n'en étaient pas les premiers bénéficiaires et en contribuant ainsi à élargir leurs perspectives professionnelles.

Vous avez, mesdames et messieurs les députés, également souhaité moderniser la gouvernance de l'Office, afin qu'il soit davantage en prise directe avec la société contemporaine, en modifiant la composition de son conseil d'administration et en l'assistant d'un conseil d'orientation. Ces propositions ont été prises en compte et figurent dans le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

L'Office franco-allemand pour la jeunesse joue un rôle-clé dans l'architecture de la coopération franco-allemande. Les modifications apportées à son organisation et à son fonctionnement doivent lui permettre de remplir pleinement son rôle et de renforcer les relations entre les jeunesses allemande et française au sein d’une Europe élargie.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle l'accord sur l'Office franco-allemand signé à Paris le 26 avril 2005 et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Office franco-allemand pour la jeunesse a été créé il y a plus de quarante ans par le traité de l'Élysée, signé le 22 janvier 1963 sur la coopération franco-allemande.

En 2003, l'Office a fait l'objet d'une double évaluation. Deux missions ont été conduites : l'une ministérielle ; l'autre parlementaire qui, pour la première fois, réunissait douze parlementaires français et allemands.

À l'issue de ces évaluations gouvernementale et parlementaire, un groupe de travail a remis ses propositions qui visent à moderniser et rendre plus efficaces l'organisation, le fonctionnement et les missions de l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

L'accord sur la réforme de l'Office a été signé lors du conseil franco-allemand du 26 avril 2005, vous le rappeliez, madame la ministre, et le présent projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre Assemblée vise à autoriser l’approbation de cet accord.

Prévu par le traité de l'Élysée et créé en juillet 1963 par un traité bilatéral, l'Office est une organisation internationale à laquelle s'appliquent les prescriptions de la Convention de 1947 sur les immunités et privilèges des institutions spécialisées.

L'Office franco-allemand pour la jeunesse a pour objet de « resserrer les liens qui unissent les jeunes des deux pays », de « renforcer leur compréhension mutuelle » et, à cet effet, « de provoquer, d’encourager et de réaliser des rencontres et des échanges de jeunes ».

La réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse entend adapter et équilibrer ses missions ainsi qu'à réformer ses structures d'administration et son équipe de direction, vous en avez fait état, madame la ministre.

Je rappellerai que, depuis 1963, ce sont plus de sept millions de jeunes Allemands et Français qui ont bénéficié des services et des programmes de l'Office. En 2005, l'Office touche davantage de jeunes dans l'enseignement secondaire, on en compte environ 160 000 par an. En outre, quelque 7 000 programmes de l’Office concernent le primaire, le supérieur et les jeunes professionnels, apprentis et demandeurs d'emploi. Des formations pour enseignants et animateurs de jeunesse sont également organisées.

Le nouvel accord confie aujourd'hui à l'Office la mission d'approfondir les liens qui unissent les enfants, les jeunes, les jeunes adultes et les responsables de jeunesse des deux pays.

Favoriser l'apprentissage linguistique tant du français que de l'allemand est une composante importante des missions élargies de l'Office.

M. Jacques Remiller. Très bien !

M. François Rochebloine, rapporteur. L'accord prévoit également la réforme du conseil d'administration, qui est l'instance de décision investie des pouvoirs nécessaires à l'accomplissement des missions de l'Office. Sa composition doit être resserrée. Le nombre de ses membres – trente aujourd’hui – a été jugé trop élevé par rapport à l'effectif total du personnel de l'Office, qui comprend soixante-dix personnes. Le conseil d'administration devrait, à l’avenir, compter quatorze membres au total.

Par ailleurs, des risques de conflits d'intérêts sont apparus dans la composition du conseil d'administration dans la mesure où les bénéficiaires des subventions pouvaient participer aux décisions d'attribution.

De ce fait, la mission d'information parlementaire avait proposé la création, au côté du conseil d'administration, d'un conseil d'orientation. Cette idée a été retenue : le conseil d'orientation sera une instance de concertation, qui, composée de vingt-quatre membres, permettra d’assurer la représentation des partenaires de l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

Ouvert à la société civile comme aux secteurs de l'éducation et de l'université, la culture ou encore l'économie, le conseil d'orientation élaborera des avis et des recommandations relatifs aux objectifs, aux mesures et aux programmes de l'Office.

Outre la réforme du secrétariat général et l'adoption future d'un statut du personnel par les deux gouvernements, tels sont les principaux points de la réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

En définitive, la réforme de l'Office devrait permettre d'améliorer et de développer davantage encore les relations entre jeunes Français et Allemands et de soutenir plus efficacement l'apprentissage du français et de l'allemand, qui, il faut bien le reconnaître, régresse aussi bien en Allemagne pour le français qu’en France pour l’allemand.

En autorisant l'approbation de cet accord, notre assemblée réaffirmera l'importance du lien franco-allemand et l'amitié qu'elle porte à son partenaire européen. Voilà pourquoi, madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a, le 29 novembre dernier, adopté à l’unanimité le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe UDF.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nombreux sont les jeunes qui ont pu bénéficier des activités organisées par l'Office franco-allemand pour la jeunesse, que ce soit dans le cadre d'associations de jeunesse, d’associations culturelles, de clubs sportifs, de centres linguistiques, de centres de formation, d'organisations professionnelles et syndicales, d'établissements scolaires et universitaires ou encore de comités de jumelage. Le nombre de ces jeunes est ainsi estimé à 160 000 par an, vous le rappeliez, madame la ministre, soit plus de 7 millions de jeunes Allemands et de jeunes Français depuis la création de l'OFAJ. À l’école, dans une association, pendant les vacances, à l'université, mais aussi dans l'entreprise ou dans sa propre ville, les Français, petits ou grands, peuvent découvrir et pratiquer la langue allemande, mais aussi faire l'expérience concrète de l'amitié franco-allemande.

L'OFAJ a donc fait la preuve de son efficacité et de son utilité. Aujourd'hui, quelques réformes s'imposent, qui nous sont proposées par ce projet de loi. Elles nous paraissent aller dans le bon sens, qu'il s'agisse de l'adaptation et de l'équilibre des missions confiées à l'Office, dont l'apprentissage linguistique devrait constituer une composante importante, ou du choix d'instances plus resserrées au niveau de la décision et plus ouvertes au niveau de la concertation avec la société civile.

Nous approuvons en particulier le positionnement de la relation bilatérale franco-allemande dans le contexte d'une Europe élargie, tel qu'il figure dans le chapitre Ier. Le rôle du couple franco-allemand est encore plus indispensable aujourd'hui, au moment où l'Europe connaît une grave crise. Pour que ces deux grandes nations, qui ont compté dans l'histoire, ne soient pas marginalisées par la montée en puissance d'autres grandes nations, il convient de maintenir leur influence dans le monde soit directement, soit au travers de la construction européenne. Et comment ne pas parler du bonheur ou de la confrontation des cultures et des sensibilités en matière d'art, de littérature ou de philosophie ?

M. Jean-Pierre Brard. Pas en cuisine, heureusement ! (Sourires .)

M. Yvan Lachaud. Depuis 1945, les relations franco-allemandes n'ont jamais été un long fleuve tranquille. Je dis bien 1945, car lorsqu'on parle du traité de l'Élysée, on a tendance à oublier ce qui s'est passé avant. C’est l'occasion pour nous de rendre hommage à tous ceux, hommes et femmes, qui, des deux côtés du Rhin, avant, pendant et juste après la guerre, ont donné un témoignage d'espérance et de compréhension, parfois au prix de leur vie. Ils n'ont jamais désespéré devant le fascisme et l'hostilité séculaire entre la France et l'Allemagne. Et ils ont permis la réconciliation franco-allemande.

Il faut peu de chose pour que les rencontres franco-allemandes se résument à une messe sans la foi, en l'occurrence dans la construction européenne. Reste que la manifestation de positions communes est hautement souhaitable, que ce soit sur l'union économique et monétaire, les affaires intérieures et de la justice, la politique étrangère et sur les institutions.

À l'UDF, nous attendons de ce projet de loi modernisant l'OFAJ, qu'il permette à la fois l'approfondissement des liens entre les jeunes Français et Allemands, le soutien à l'apprentissage du français et de l'allemand – qui est en recul, mon collègue François Rochebloine l’a rappelé. En outre, il doit réaffirmer la particularité de nos liens avec le peuple allemand et l'amitié que notre nation porte à son partenaire européen.

Parce que cet Office est gage d'espoir, parce qu'il donne à nos jeunesses voisines et amies les moyens de se connaître, de s'apprécier et de vivre ensemble, le groupe UDF votera, sans hésiter, ce projet de loi.

M. François Rochebloine, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer de la République fédérale d'Allemagne ont signé une déclaration commune marquant la réconciliation du peuple allemand et du peuple français et mettant définitivement fin à une rivalité ancienne. Souvenons-nous cependant de belles figures qui ont toujours agi dans le bon sens, comme Romain Rolland pendant le conflit de 1914-1918 ou comme, plus proche de nous, l’ambassadeur de France, Stéphane Hessel, qui s’inscrit dans cette filiation et cette tradition.

Cette déclaration commune et le traité de l'Élysée de 1963 sur la coopération franco-allemande, signé le même jour, constituent un événement historique dont la portée ne fut pas toujours immédiatement mesurée par toutes les parties de l’opinion publique ou même dans cet hémicycle, mais qui transforma profondément les relations entre nos deux peuples. Ils marquèrent également notre volonté d'étroite coopération tant du point de vue de notre sécurité que du point de vue de notre développement économique et culturel.

Constatant, en particulier, que la jeunesse des deux pays avait pris conscience de cette solidarité, le traité paraphé par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer allait donner à cette jeunesse un rôle déterminant dans la consolidation de l'amitié franco-allemande.

Quarante ans après que les deux chefs d'État ont signé le traité de l'Élysée et ont posé la première pierre de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse – le 5 juillet 1963 –, il était effectivement temps d'évaluer le travail accompli par l'Office et d'interroger les missions qui lui avaient été dévolues et qui méritaient peut-être d'être réorientées ou redéfinies.

Ce principe d'évaluation a été retenu à l'occasion de la commémoration du quarantième anniversaire de la création de l’Office et a donné naissance à la première mission parlementaire mixte franco-allemande, décidée par Jean-Louis Debré et Wolfgang Thierse et à laquelle j'ai eu le plaisir et l'honneur de participer en tant que vice-président, au côté de notre éminent collègue Yves Bur qui la présidait comme il préside aujourd’hui notre séance.

Dans le compte rendu des séances de travail du quatrième colloque parlementaire Paris - Berlin du 8 avril 2005, il est écrit, page 39, que je suis « un fervent partisan du couple franco-allemand » et que, à ce titre, j'estime que « dans l'Europe élargie, il doit être une pierre angulaire ouverte aux autres ». Non seulement je confirme ces dires, mais j'ajoute que le couple franco-allemand dispose, avec l'OFAJ, d'un outil formidable pour le renforcement de l'axe franco-allemand et qu'il aurait été dommage de s'en priver, comme certains le souhaitaient. Il contribuera à ce que l'Europe, trop hâtivement élargie, ne soit pas seulement un espace de concurrence libre et non faussée, une Europe sans principe, sans référence à notre contrat social.

Je fais partie de ceux qui pensent en effet que les missions de l'OFAJ devaient être recentrées, en particulier autour des langues, afin que l'outil ne puisse pas être considéré par certains de ses détracteurs comme une simple agence de voyages et de séjours pour jeunes Français et Allemands qui seraient voués à parler anglais entre eux, comme à l’occasion de l’une des grandes réunions organisées par l’Office à la Lorelei, le français et l'allemand n'étant plus que des idiomes locaux. Il fallait corriger les inflexions inquiétantes que la secrétaire générale, Mme Babette Nieder, a données à l’office, s’éloignant de la proverbiale rigueur germanique.

L'excellent travail mené sous la présidence de M. Bur, pour la partie française, et M. Schockenhoff, pour la partie allemande, a permis de rappeler l'attachement des parlementaires français et allemands aux missions premières de l'OFAJ : favoriser une meilleure compréhension mutuelle et resserrer les liens qui unissent les jeunes de nos deux pays. Pour cela, l'apprentissage de la langue de l'autre et la connaissance de la culture, de l'histoire de l'autre sont les clefs de voûte de ce travail de pédagogie qui mène à la construction d'une histoire commune, je dirai aussi à une lecture lucide de notre passé commun.

La dynamique propre des relations franco-allemandes, dont la substance même s'est transformée au cours de ces quarante dernières années, au point que la notion de réconciliation ne veut plus dire grand-chose pour les générations actuelles, les attentes perpétuellement mouvantes de la jeunesse, mais aussi la globalisation économique et culturelle et la construction d'une Europe des peuples constituent un contexte de travail bien différent de celui du traité de 1963.

Quarante années après le traité de l'Élysée, le temps d'une refondation de l'Office est venu. Le projet qui nous est soumis ce jour permet de prendre largement en compte les propositions issues de la mission d'information parlementaire binationale, qui ont été saluées par les ministres compétents de nos deux pays. Et je pense, madame la ministre, que ces louanges étaient entièrement méritées, si l’on en juge par l’intensité du travail accompli. Et ce n’est pas notre président qui me démentira. D’ailleurs, si nous ne le disons pas nous-même, nous risquons d’être oubliés.

Comme vous le savez, ma bonne ville de Montreuil, dans laquelle vous êtes la bienvenue, madame la ministre – au moins pour cela –, aura le privilège d'accueillir le siège de l'Office franco-allemand de la jeunesse en son cœur. Nous sommes fiers de cette perspective qui permettra à Montreuil, aux communes environnantes, aux départements proches, de faire vivre le principe de coopération et de compréhension auquel nous sommes attachés et que nous voulons faire partager à la jeunesse de notre pays et plus généralement aux jeunes Européens. Et j’y insiste, cela passe par le pluralisme linguistique. Notre avenir ne saurait se limiter à l’anglais, qu’il nous faut bien maîtriser, mais qui ne permet pas une ouverture sur le monde tout entier.

Enfin, la réorganisation du conseil d'administration de l’OFAJ permettra à la structure de mieux répondre aux exigences d'une administration efficace et moderne. Sa nouvelle composition, avec quatorze membres au lieu de trente, donnera à des membres de l'Assemblée nationale et du Bundestag la possibilité de faire leur entrée au sein du conseil d'administration, ce qui permettra d'assurer un suivi et un contrôle de la mise en œuvre de cet accord. Nous voterons donc des deux mains ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe de l’UMP.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2003, les parlementaires français et allemands se sont retrouvés à Versailles pour commémorer le quarantième anniversaire du traité de l'Élysée sur la coopération franco-allemande, signé le 22 janvier 1963. Symbolisant l'amitié retrouvée entre nos deux pays, ce traité prévoyait la création d'une instance chargée de développer les relations et les liens entre nos deux jeunesses : l'Office franco-allemand pour la jeunesse. Il lui assignait quatre axes principaux d'action : les échanges de jeunes, la dimension interculturelle, la promotion de la langue du partenaire et la promotion de l'idée de réconciliation dans les pays tiers à partir de l’exemple franco-allemand.

Tout le monde connaît les résultats obtenus par cet office et l’action de celui-ci. Depuis sa création, tous les gouvernements français et allemands se sont successivement engagés pour la poursuite et le renforcement de cette action. Ce formidable outil de coopération bilatérale dans le domaine de la jeunesse a fait preuve d’une certaine efficacité : premier opérateur franco-allemand en matière d'échange de jeunes, il a pu faire bénéficier environ 160 000 jeunes de l'enseignement secondaire de ses programmes, dont 7 000 concernent le primaire, le supérieur, les jeunes professionnels, apprentis et demandeurs d'emplois. Depuis 1963, plus de 7 millions de jeunes Allemands et Français ont ainsi bénéficié de ses services.

L'OFAJ est un instrument qui fonctionne et qui fonctionne bien. C'est pour cela que le présent accord, qui s'inscrit dans la dynamique de la célébration de son quarantième anniversaire, est d'une importance capitale pour l’action et pour le fonctionnement de l’Office.

Cet accord fait suite à une double évaluation de son activité menée par les ministères français et allemand de la jeunesse et par une mission parlementaire franco-allemande qui, il faut le souligner, est la première mission parlementaire mixte franco-allemande. Nous devons encourager et développer ce genre d'initiative qui consolide davantage encore la relation que notre pays entretient avec l'Allemagne.

La réforme prévue par cet accord entend adapter et équilibrer les missions confiées à l'Office, réformer ses structures d'administration et son équipe de direction.

Les missions sont ainsi clarifiées, avec notamment pour ambition de favoriser l'apprentissage tant du français que de l'allemand, et Dieu sait qu’il en est besoin. Je me félicite particulièrement de cette orientation. Il est en effet indispensable de promouvoir l'apprentissage des langues étrangères dans notre pays, notamment de la langue allemande, si nous souhaitons que l'anglais ne devienne pas de fait la seule langue étrangère apprise en France. De même, la promotion de la langue française et au-delà de la culture francophone est une spécificité qui doit être présente dans toutes les politiques publiques internationales que nous menons. Ayons à l'esprit que dès qu'il s'agit de la France, il est indispensable de valoriser notre langue.

Cet accord prévoit également le remplacement de l'actuel conseil d'administration par des instances plus resserrées au niveau de la décision avec un nouveau conseil d'administration, toujours paritaire, mais dont le nombre de membres est ramené à quatorze. De plus, est créé un conseil d'orientation, ouvert à la société civile, qui sera une instance de concertation chargée d’élaborer des avis et recommandations concernant les orientations, les objectifs, les mesures et les programmes de l'Office.

Une organisation simplifiée, des missions mieux définies et adaptées aux réalités de notre temps avec l’objectif réaffirmé de poursuivre les échanges culturels et linguistiques entre la France et l'Allemagne, tels sont les principaux apports de cet accord que le projet de loi que nous discutons actuellement se propose d'approuver. Le groupe UMP votera bien évidemment en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour le groupe socialiste.

Mme Danielle Bousquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste a souhaité un examen public de ce projet de loi proposant un nouveau statut pour l’Office franco-allemand de la jeunesse, l’OFAJ, comme disent tous ceux qui ont appris à l’aimer : les jeunes, bien sûr, qui sont plus de 7 millions, à avoir, à un titre ou à un autre, participé à des opérations concrètes de rapprochement entre les deux pays, mais aussi leurs parents, les membres du mouvement associatif et, bien évidemment, les personnels.

L’OFAJ constitue l’une des pierres angulaires du traité de l’Élysée et des retrouvailles entre la France et l’Allemagne voulues par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer.

L’adoption d’un nouveau cadre d’intervention pour cet organisme franco-allemand clef ne pouvait se faire sans débat, comme cela avait initialement prévu, car l’OFAJ concerne les jeunes et le mouvements associatif et a pour responsabilité fondamentale la formation à l’amitié mutuelle des générations futures de deux pays voisins ayant traversé autant de circonstances historiques adverses. Comment aurait-on pu accepter dans ces conditions que cet accord ne fasse l’objet ni de débats ni d’échanges, dans le cadre d’une procédure simplifiée ?

Le groupe socialiste entend que l’accord soit expliqué clairement. Madame la ministre, n’ayez pas peur de dire et d’affirmer le projet qui est le vôtre pour l’OFAJ car nous ne le connaissons pas complètement à l’heure actuelle ? Il mérite d’être connu bien au-delà de cet hémicycle, tant par les jeunes de France que par ceux d’Allemagne, par leurs parents, par les organisations associatives, qui ont, depuis quarante ans, joué un rôle fondamental au sein de l’Office, dans le nécessaire rapprochement de nos deux peuples, dans l’usage et dans la promotion de nos langues.

Nous savons la crise qu’a traversée l’OFAJ pendant trois ans. Mais elle ne justifiait pas, à notre avis, les changements que vous nous proposez. Elle supposait au contraire une application stricte et pointilleuse des statuts existants. Cela n’a pas été le cas, et nous le regrettons.

Aujourd’hui, le conseil d’administration n’est pas en état de remplir ses fonctions de contrôle, faute de membres français. La partie allemande s’en est étonnée, comme nous-mêmes, au groupe socialiste, nous sommes surpris de l’exploitation faite, du côté français, d’une crise qui, à notre avis, relève de la sanction administrative. Est-ce à dire que cette mauvaise passe a été saisie comme une aubaine, afin de modifier le mode de fonctionnement de l’Office ?

Après la mise en minorité du mouvement associatif dans le fonctionnement du Haut conseil de la coopération internationale, qu’avait déjà regrettée notre groupe, une nouvelle dérive est donc à déplorer. Pourquoi avoir placé dans les mains de la seule administration le contrôle des activités de l’OFAJ ? Pourquoi avoir constitué à l’intention des exclus du conseil d’administration un organisme, sans fonctions précises ni pouvoirs définis, qui n’a même pas la maîtrise de son ordre du jour, je veux parler du conseil d’orientation ? Et que dire des quatre lignes réservées à ce qui constitue l’instrument de la réflexion et de l’action, autrement dit le personnel ? Certes, un statut des personnels est annoncé à l’article 15, mais qu’en est-il exactement ? Quelle est votre intention dans ce domaine, madame la ministre ? Les représentants syndicaux ont-ils été consultés ? Ou bien tente-t-on, par ce biais, comme cela a été fait avec le mouvement associatif, de gommer la consultation, l’échange, le compromis négocié, qui sont le fondement même de notre système politique, la démocratie ? Va-t-on respecter les normes sociales qui sont les nôtres, en France et en Allemagne ?

Nous aurions souhaité, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que les travaux de la mission ministérielle d’enquête, en particulier ses conclusions, soient portés à notre connaissance.

M. François Rochebloine, rapporteur. Il est bien dommage que vous n’ayez pas assisté aux travaux de la commission !

Mme Danielle Bousquet. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi.

Vous aviez exigé du rapporteur qu’il présente ses conclusions le jour de sa désignation. Elles ont été logiquement suivies par une exécution en séance publique, en quelques minutes, de l’OFAJ, tel qu’il existe aujourd’hui, démocratique et ouvert au dialogue. Jamais peut-être le divorce n’aura été aussi profond entre un discours d’appel de la société civile et la politique aujourd’hui menée.

Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de citer le malheureux lapsus figurant en page 5 de l'exposé des motifs du projet de loi, car il est bel et bien révélateur de votre état d'esprit : « L 'Office est dirigé par une équipe mixte franco-allemande composée de deux généraux ».

M. Jean-Pierre Brard. Dont un Feldmarschall !

Mme Danielle Bousquet. Tout autre commentaire serait superflu.

Madame la ministre, nous regrettons le sinistre en cours, dont vous portez la responsabilité, nous semble-t-il. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la députée, la réforme du conseil d’administration doit permettre d’éviter les conflits d’intérêt potentiels entre les associations qui y siégeaient tout en bénéficiant des concours financiers de l’OFAJ.

Quant au conseil d’orientation, qui garantit une représentation de la société civile dans les instances de l’Office, il doit émettre des avis et des recommandations sur l’orientation et les programmes de l’OFAJ, mais il n’intervient pas directement dans sa gestion.

Je précise que ces deux mesures découlent directement des recommandations formulées par la mission parlementaire franco-allemande.

M. Jean-Pierre Brard. C’est mieux qu’une mission ministérielle !

Article unique

M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur l’article unique du projet de loi.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Sécurité et développement
des transports

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports (nos 2604, 2723).

La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que vous allez examiner est relatif à la sécurité et au développement des transports, et a été adopté par le Sénat en première lecture. Il couvre l'ensemble des domaines du transport et permet la mise en conformité du droit national avec certains engagements communautaires et internationaux souscrits par la France dans ces domaines. Il comporte également des dispositions relatives aux transports et à leur développement.

Parmi les mesures proposées, plusieurs d'entre elles ont une portée particulièrement significative.

Dans le domaine de la sécurité des transports, il s'agit de la création de l'Établissement public de sécurité ferroviaire, de l'introduction dans notre droit des contrôles SAFA, Safety assessment of foreign aircraft, et de l'introduction de sanctions adaptées pour mettre un terme au phénomène du débridage des deux-roues, notamment des scooters, et des quadricycles à moteur. Enfin, des dispositions sont relatives à la sécurité maritime.

Dans le domaine du développement des transports, le présent projet concerne l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du marché du fret ferroviaire par transposition des dispositions dites du « deuxième paquet ferroviaire », ainsi que le recours au partenariat public-privé pour la réalisation des infrastructures ferroviaires et fluviales, évolution qui s'inscrit dans l'orientation voulue par le Gouvernement vers une politique dynamique et modernisée des investissements au service de l'emploi et de la croissance. Ce texte comporte également des dispositions favorables au secteur du transport routier de marchandises, secteur qui est confronté à un contexte économique extrêmement difficile, notamment à la suite de la très forte hausse des prix du carburant. Des mesures, en tout point comparables, sont aussi proposées pour le transport fluvial.

Dans le domaine social, le projet de loi propose différentes mesures applicables au transport routier et au transport maritime.

J’aborderai successivement les huit mesures principales.

La première mesure du projet de loi a trait à la création d’un établissement public de sécurité ferroviaire. Celui-ci constituera l'autorité nationale de sécurité ferroviaire, dont l'institution est prévue par l'article 16 de la directive directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires.

Comme vous le savez, la directive dispose que l'autorité doit être indépendante des entreprises ferroviaires, des gestionnaires d'infrastructure et des demandeurs de certification. Ses tâches sont essentiellement techniques ; elles ne peuvent être ni transférées, ni confiées contractuellement aux gestionnaires ou aux entreprises ferroviaires.

Si nous avons fait le choix, parmi les solutions d’organisation envisageables, de l’établissement public, c’est parce que nous ne souhaitions pas créer une autorité administrative indépendante, l'État devant conserver, de mon point de vue, une tutelle sur les questions de sécurité. La solution d'un service à compétence nationale aurait pu être retenue sur le plan juridique ; mais la question se serait posée de sa capacité à attirer des collaborateurs compétents.

Le choix de l’établissement public, que je vous propose, est celui d’une solution pragmatique, où l'État garde la responsabilité de la sécurité des transports ferroviaires en édictant la réglementation et en en confiant l'application technique, selon des modalités qu'il lui fixe, à un établissement public, dont il exerce la tutelle et nomme le directeur général.

Cet établissement public sera chargé des tâches d'instruction des dossiers et de contrôle de la réglementation technique et de sécurité des transports ferroviaires, la réglementation elle-même restant édictée par l'État.

La sécurité aérienne est l'objet des articles 6 et 7. La prévention des risques constitue, en droit international comme en droit interne, le principe phare de la sécurité et de la sûreté de l'aviation civile. Une importante série de textes communautaires est intervenue depuis 2002 pour le renforcement de la sécurité aérienne et de la sûreté de l'aviation civile. Ces textes organisent pour tout ou partie, dans chacun des domaines réglementés, un principe de certification des organismes ou des personnes concernées, sur la base de règles communes.

Par ailleurs, vous le savez, la France a adressé un mémorandum sur la sécurité aérienne à la Commission européenne, que j'ai eu l'occasion de présenter à la réunion des ministres des transports le 5 décembre dernier. Ce texte y a été extrêmement bien accueilli.

La directive 2004/36/CE concernant la sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires, qui consacre le programme Safety Assessment of Foreign Aircraft, ou SAFA, prescrit aux autorités nationales de prévoir les mesures utiles pour la mise en œuvre des règles et procédures d'inspection au sol des aéronefs des pays tiers atterrissant sur les aéroports communautaires. Ces différents règlements et directives renvoient, sauf exceptions, à l'autorité nationale compétente, nommée ou désignée par l'État membre. pour la délivrance et le contrôle des autorisations.

En France, comme vous le savez, l'autorité chargée du contrôle technique est le ministre en charge de l'aviation civile, assisté d'organismes techniques ou de personnes extérieures. Si le ministre détient déjà certains pouvoirs pour l'exercice du contrôle technique qui lui incombe sur les différents matériels et personnes concernés, il est en revanche nécessaire de compléter le dispositif législatif et réglementaire, pour que le contrôle technique puisse s'exercer dans des conditions techniquement et juridiquement indiscutables à l’égard de toutes les personnes et de tous les biens visés par les règles de sécurité aérienne. C’est là tout l'objet de l'article 6, qui introduit dans le code de l'aviation civile un chapitre nouveau, intitulé « Police de la circulation des aéronefs ».

L'article 7 du projet de loi transpose la directive 2003/42/CE concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile. Ce texte, très important sur le plan pratique, fixe comme objectif aux États membres la mise en place d’une base de données recensant, à partir de comptes rendus obligatoires, tous les événements susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité aérienne.

Toutes les personnes, publiques ou privées, qui exercent leurs fonctions dans les domaines de l'aviation civile seront désormais obligées de rendre compte de tout accident ou incident au Bureau d'enquêtes et d'analyse, le BEA, d’une part, au ministre chargé de l'aviation civile ou à son employeur, s’il s’agit d’une entreprise privée, d’autre part. Ces personnes seront protégées contre des sanctions éventuelles et la confidentialité des informations sera assurée. C’est le sens du dispositif qui vous est proposé. Je tiens à en souligner l’importance : l’état actuel du droit ne nous permet pas de disposer du compte rendu de chaque accident aérien.

En ce qui concerne la sécurité routière, vous vous souvenez sans doute que le Gouvernement a décidé, lors des comités interministériels de sécurité routière des 24 janvier et 1er juillet 2005, l'adoption de nouvelles mesures de lutte contre l'insécurité routière nécessitant des modifications du code de la route.

La première mesure importante aggrave les sanctions relatives au débridage des véhicules à deux roues à moteur et des quadricycles à moteur – dont les fameux « quads ». Le dispositif qui vous est proposé étend aux motocyclettes les dispositions introduites par la loi du 12 juin 2003 qui sanctionnent la commercialisation de pièces permettant de débrider des cyclomoteurs, ainsi que le débridage de ces véhicules par les professionnels. Il élève au niveau du délit la commercialisation de motocyclettes et cyclomoteurs débridés, infraction qui n'est aujourd'hui réprimée que d'une contravention de quatrième classe. Dans un souci de cohérence, ces deux mesures sont étendues aux quadricycles à moteur – « quads » et « voiturettes » – dont les caractéristiques de performance sont également limitées par le code de la route.

L'article suivant vise l'immobilisation et la mise en fourrière des véhicules. L'article L. 325-1 du code de la route permet actuellement d'immobiliser un véhicule en cas de constatation d'un délit prévu par le présent code ou le code pénal pour lequel la peine de confiscation du véhicule est encourue. Autrement dit, l'immobilisation d'un véhicule n'est pas possible lorsque son conducteur a commis un excès de vitesse de cinquante kilomètres à l’heure et plus, car cette infraction n'est punie que d'une contravention de cinquième classe.

L'extension du champ de cet article aux contraventions de cinquième classe, qui vous est proposée, permettra notamment de mettre fin à certains comportements manifestement incompatibles avec la sécurité routière.

S’agissant de la sécurité maritime, l'article 11 permettra, au travers de la création d'un groupement d'intérêt public, de disposer de structures juridiques adaptées aux missions internationales de service public destinées à promouvoir et développer les actions en matière de sécurité maritime.

Un premier GIP sera créé pour consolider le système d'information EQUASIS, instrument unique, voulu et développé par la France, de transparence de la sécurité du transport maritime.

L'ouverture du fret ferroviaire est l'objet de l'article 12, qui transpose en droit français les dispositions de la directive 2004/51/CE, élément central de ce qu’on appelle le « deuxième paquet ferroviaire ». Cette directive, dont la transposition doit intervenir avant le 31 décembre 2005, a fixé au 1er janvier 2006 au plus tard la date d'ouverture des réseaux des États membres aux entreprises effectuant des services de transport international de fret, et d’autre part dispose que les entreprises auront accès au réseau pour les services intérieurs de fret dès le 1er janvier 2007.

La France s'est engagée à avancer cette date au 31 mars 2006 dans le cadre des négociations communautaires qui ont précédé l'approbation du plan de restructuration de l'activité fret de la SNCF Dans ce contexte, le nouvel article 18 de la LOTI réaffirme le monopole de la SNCF sur les services intérieurs de voyageurs, exploités selon les principes du service public, et supprime, dans la droite ligne de ce qui précède, son monopole sur les transports de fret. Autre point important, il permet également à la SNCF d'exercer ses activités à l'international dans la limite des possibilités offertes par la réglementation européenne et le degré d'ouverture de chaque État.

J'en viens au recours au partenariat public-privé pour les investissements ferroviaires et fluviaux. L'article 13 vise à ouvrir les modalités d'exercice de la maîtrise d'ouvrage par Réseau ferré de France, RFF, et à permettre le recours aux montages de type partenariat public-privé pour la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires : contrat de partenariat prévu par l'ordonnance du 17 juin 2004 ou convention de délégation de service public prévue par la loi du 29 janvier 1993 modifiée.

Il s'agit de favoriser le développement du réseau ferré national dans le respect des principes qui le régissent, en élargissant la palette des outils d’investissement disponibles. Il est nécessaire en effet de favoriser la constitution de nouvelles formes de partenariats susceptibles de mobiliser des ressources nouvelles au profit du secteur ferroviaire, sans pour autant modifier les conditions d'exploitation du réseau existant. Les dispositions proposées permettront à RFF d'être autorité concédante ou autorité cocontractante, dans le cadre d'un contrat de partenariat.

Une attention particulière a été portée aux impératifs de sécurité et de continuité du service public, dans le respect des principes et objectifs actuels de gestion du réseau ferré national, et pour assurer la cohérence et l'intégrité de ce réseau. Ainsi est affirmé le principe selon lequel les opérations ou les lignes concernées par ces montages contractuels sont incorporées au réseau ferré national, quel que soit leur gestionnaire.

La rédaction proposée veille en outre à ne pas affecter la compétence de la SNCF en matière, d'une part, de gestion du trafic et des circulations et, d'autre part, de fonctionnement et d'entretien des installations de sécurité sur le réseau ferré national : seuls sont donc susceptibles d'être confiés à des tiers, le cas échéant, le fonctionnement et l'entretien des installations techniques autres que de sécurité.

Par ailleurs, le projet accorde la possibilité à l'État, s'il le souhaite, d'être aussi autorité concédante ou de recourir à la formule du contrat de partenariat. Il ne s’agit aucunement de retirer une compétence à RFF, mais là encore d'élargir le champ des possibles et de partager le savoir au bénéfice d'une plus grande efficacité globale dans la réalisation des projets : si l'État a déjà fait usage de ces possibilités en ce qui concerne la liaison internationale Perpignan-Figueras, c’était dans le cadre d'un traité international et avant la création de RFF ; l’état actuel du droit rend une telle solution impossible.

En ce qui concerne le transport routier, il vous est essentiellement proposé une mesure visant à répercuter la très forte hausse du prix du gazole sur les prix des opérations de transport.

Cette disposition fait partie d’un ensemble de mesures qui ont fait, durant l’été, l’objet d’une concertation avec l’ensemble des professions concernées, et sur lesquels nous continuons de travailler ; certaines sont déjà effectives, notamment celles qui concernent le cabotage ou la location transfrontalière, réglementée par la loi PME que vous avez adoptée en juillet. Nous avons par ailleurs revalorisé le dégrèvement de la taxe professionnelle, mesure que vous avez votée il y a quelques jours, et nous réfléchissons actuellement au problème des charges sociales.

L'importance du poste carburant dans le prix de revient des transporteurs – 20 à 25 % – conjuguée à la faiblesse des marges, qui sont de l’ordre de 1 % dans cette profession, ainsi qu'à un déséquilibre de la relation contractuelle au détriment des transporteurs, impose de leur donner une arme leur permettant de répercuter les hausses du gazole. Concrètement, le dispositif de répercussion prévoit que le transporteur mentionne explicitement, dans les contrats de transport, les charges de carburant retenues et fait apparaître dans les factures les charges de carburant réellement supportées.

Ce dispositif permet alors de prévoir que le prix du transport est révisé de plein droit pour prendre en compte la variation des charges liée à la variation du coût du carburant. Des mesures analogues, basées sur le prix du fioul domestique, ont été introduites par le Sénat, avec le plein accord du Gouvernement.

Ce texte comporte enfin différentes dispositions à caractère social, en faveur notamment des gens de mer. Conformément à nos engagements internationaux, il s'agit essentiellement de mettre en œuvre les conventions maritimes de l'Organisation internationale du travail, l’OIT, qui ont été ratifiées l’an dernier par la France. Ces dispositions visent à satisfaire une attente forte des organisations professionnelles et syndicales. La promotion des normes internationales du travail maritime participe entièrement de la lutte contre les « navigations sans normes ».

Ce texte conforte ainsi l'inspection du travail maritime dans ses missions et étend ses compétences. Le rôle de l'inspection du travail maritime au service des marins et des professionnels de la mer est essentiel pour la bonne compréhension de la mise en œuvre de ce droit du travail, souvent complexe et que le présent projet contribuera à éclairer.

Tel est, mesdames, messieurs les députés, l’essentiel de ce texte, qui vise, non seulement à renforcer la sécurité des transports, mais également à les développer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi très riche, qui concerne l’ensemble des modes de transports, s’organise autour de trois volets, au cœur de certaines des préoccupations importantes de nos concitoyens : la sécurité des transports, leur développement économique et les règles sociales qui s’appliquent aux acteurs des transports.

Le ministre vient d’indiquer les principales mesures prévues par le projet de loi, J’insisterai pour ma part sur les orientations retenues par la commission des affaires économiques.

En ce qui concerne le ferroviaire, la commission a d’abord approuvé les modalités choisies par le Gouvernement pour la création d’une autorité de sécurité ferroviaire, exigée par la directive sur la sécurité ferroviaire du 29 avril 2004.

Un établissement public de l’État nous semble une formule propre à garantir l’indépendance et la souplesse de fonctionnement nécessaires, tout en assurant le maintien d’un fort contrôle de l’État, qui nomme l’essentiel des membres du conseil d’administration, détermine les ressources de l’établissement public et continue à édicter la réglementation. Aucun désengagement de l’État n’est donc à craindre en la matière. Peut-être le ministre pourrait-il nous donner aujourd’hui quelques indications sur les décrets en préparation, notamment sur les réseaux ferrés concernés – et, par exemple, sur le sort de certains RER.

La commission a adopté un amendement permettant une perception plus équitable des redevances qui doivent contribuer au financement de cet établissement.

Elle a également adopté un amendement permettant l’autosaisine du bureau enquête-accident dans les cas d’accidents ferroviaires, alors qu’actuellement seul le ministre peut saisir cet organisme Ce faisant, elle vous invite à compléter la transposition de la directive 2004/49/CE en offrant de nouvelles garanties de sécurité,

En ce qui concerne le développement économique du transport ferroviaire, la commission a d’abord approuvé l’ouverture à la concurrence du transport intérieur de marchandises, prévue par l’article 12 conformément à la directive 2004/51 relative au développement des chemins de fer communautaires. Cette ouverture est avancée au 31 mars 2006, en vertu des engagements pris par le gouvernement français dans le cadre de la négociation qui a précédé l’approbation par la Commission européenne du plan de restructuration du fret. En contrepartie de l’ouverture de notre réseau national, la SNCF est autorisée – c’est important – à exploiter des services ferroviaires dans d’autres pays de l’Union européenne.

L’article 13 permet tout d’abord à RFF de confier des mandats de maîtrise d’ouvrage à des tiers, par exemple à des collectivités locales, et maintient la faculté de confier de tels mandats à la SNCF dans des conditions exorbitantes du droit commun, en particulier afin de faciliter les opérations d’entretien et de renouvellement. À cette fin, notre commission vous propose d’étendre le champ des opérations pouvant être concernées par cette dérogation,

Cet article rend également possible, en matière ferroviaire, le recours aux délégations de service public et aux contrats de partenariat. Grâce à ces outils, d’ambitieux projets vont pouvoir être lancés rapidement, comme la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, le contournement Nîmes-Montpellier ou la ligne à grande vitesse Aquitaine.

En tout état de cause, le projet de loi garantit de manière explicite et sans équivoque les prérogatives de la SNCF en matière de sécurité.

La commission vous propose en outre de maintenir la disposition introduite par le Sénat prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’évolution des relations entre RFF et le gestionnaire d’infrastructure délégué, dans sa rédaction actuelle, qui paraît à la fois succincte et équilibrée.

Enfin, un article additionnel de validation des délibérations du conseil d’administration de RFF permettra de garantir la sécurité juridique des activités de l’établissement public depuis le 16 mai 2001.

J’en viens maintenant à la sécurité aérienne. Le projet de loi prévoit l’introduction dans notre droit de la faculté pour l’autorité administrative de mener les contrôles de sécurité SAFA dans des conditions techniquement et juridiquement indiscutables. Cet élément est d’autant plus important que ces contrôles portent sur les avions de pays tiers. Il précise également les modalités des comptes rendus d’accidents, d’incidents et d’événements survenus dans l’aviation civile.

Le Sénat a adopté un article 7 bis portant mesures transitoires en cas de révision d’un plan d’exposition au bruit et d’inadaptation au plan de gêne sonore. Considérant que cet article soulevait quelques problèmes, la commission a adopté un amendement atténuant sa portée : s’il convient en effet de permettre l’adoption de ces dispositions là où elles peuvent être utiles, il ne faut pas les imposer là où elles seraient nuisibles au territoire.

Pour ce qui concerne les transporte terrestres et la sécurité routière, la commission a approuvé la désignation d’un agent de sécurité chargé, pour chaque tunnel de plus de cinq cents mètres, de coordonner les mesures de sauvegarde.

La commission a également approuvé la volonté du Gouvernement de mettre un terme au débridage des deux-roues et quadricycles à moteur, qui met en danger la vie de leurs jeunes conducteurs et celle des autres usagers de la route – sans compter les autres nuisances que ces manipulations entraînent, Elle vous invite également à adopter les mesures prévues pour faciliter l’immobilisation des véhicules et la mise en fourrière prévues par le code de la route, ainsi que le renforcement de la coopération entre les autorités de l’Union dans la lutte contre la violence routière.

La commission vous propose également d’adopter un article additionnel sécurisant le dispositif du permis à un euro par jour.

La commission a également adopté un amendement de suppression de l’article 14.

L’article 15 crée un dispositif de répercussion des prix du carburant dans le domaine du transport routier, qui avait été annoncé par le ministre des transports dans le cadre du plan de soutien au transport routier de marchandises. Elle vous propose également le maintien de l’encadrement des délais de paiement dans ce secteur, introduit par le Sénat.

L’article 15 bis, introduit par le Sénat, vise à soumettre aux dispositions de la loi d’orientation sur les transports intérieurs les deux-roues motorisés effectuant du transport léger de marchandises pour compte d’autrui. La commission vous propose de supprimer cet article qui risque d’induire un surcroît de formalités bureaucratiques dommageables au développement de l’emploi dans ce secteur, mais d’étendre le contrôle de l’inspection du travail des transports à ces véhicules, afin de garantir que leur activité s’exerce dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

M. Pierre-Christophe Baguet. Il faut aller plus loin encore !

M. Dominique Le Mèner, rapporteur. Les articles 16 et 17 aménagent des dérogations aux obligations relatives à l’encadrement du travail de nuit et aux temps de pause en faveur du secteur ambulancier dans le premier cas et, dans le second cas, de ce même secteur et de celui des entreprises de transport routier de voyageurs assurant un service sur des lignes de moins de cinquante kilomètres

La commission des affaires économiques vous propose d’étendre la possibilité de déroger aux obligations de pause aux entreprises de transport de fonds. L’état du droit en la matière ne paraît, en effet, pas de nature à garantir de manière satisfaisante la sécurité des convoyeurs de fonds.

L’article 17 bis, introduit par le Sénat, précise quant à lui que le temps de travail du personnel roulant des entreprises de transport routier ne peut être défini par une convention de forfait en jour, et l’article 17 ter renforce les obligations de formation des conducteurs dans le domaine du transport routier de marchandises ou de voyageurs. Votre commission vous en propose le maintien, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, et vous propose également de supprimer l’obligation de consacrer la moitié de la taxe fiscale destinée à financer la formation dans le secteur des transports aux jeunes de moins de vingt-six ans, cette obligation ne paraissant plus pertinente compte tenu de l’évolution des publics concernés,

L’article 25, introduit par le Sénat, transpose la directive 2004/52 concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage dans la Communauté. Votre commission vous propose, sous réserve de modifications rédactionnelles, le maintien de cet article, le télépéage étant de nature à améliorer la fluidité du trafic et le confort des usagers.

Enfin, le Sénat a adopté un nouvel article 26, qui prévoit certaines clauses obligatoires dans les contrats permettant l’organisation de services occasionnels publics de transport routier non urbain de personnes, afin d’en garantir la transparence, comme l’avait recommandé le Conseil national des transports. Nous vous proposons de maintenir l’esprit de cet article, tout en améliorant sa rédaction.

La commission vous propose d’inscrire dans la loi un important volet portant sur le domaine tant maritime que fluvial : une réforme réglementant la formation à la conduite des bateaux de plaisance à moteur en mer et en eaux intérieures. Il est temps que cette réforme très attendue par les professionnels et les plaisanciers, qui a fait l’objet d’une large concertation, entre progressivement en vigueur. Préconisée par le comité interministériel de la mer du 16 février 2004, elle fixe les conditions d’agrément des établissements d’enseignement de la conduite, définit la qualification exigée pour le formateur et assure ainsi une meilleure protection des candidats. Des sanctions pénales sont définies et des mesures transitoires prévues,

En matière de transport fluvial, le Sénat a adopté deux nouveaux articles, les 15 quater et 15 quinquies, qui comblent un vide juridique en permettant aux collectivités territoriales gestionnaires d’une partie du domaine public fluvial dans le cadre d’une expérimentation, de percevoir la redevance sur les prises d’eau et les péages de navigation.

Pour ce qui est du développement de ce domaine, le Sénat a également adopté un nouvel article 15 octies, qui prévoit le recours aux délégations de service public et aux contrats de partenariat en matière fluviale. Votre commission vous proposera une nouvelle rédaction de cet article, plus adaptée aux spécificités du réseau fluvial.

Deux nouveaux articles ont également été introduits afin d’encadrer le cabotage fluvial, et de prévoir un mécanisme de répercussion des variations des prix du carburant.

Enfin, un nouvel article 15 nonies permettra, par l’approbation du cinquième avenant à la convention de 1923 entre l’État et la ville de Strasbourg, relative à la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome, de faire évoluer le conseil d’administration de ce dernier.

En matière de transport maritime, le nouvel article 15 undecies précise le statut des ports ultramarins, tandis que l’article 15 decies, introduit par les sénateurs, prévoit la création de sociétés portuaires afin d’accompagner le développement des ports maritimes dont la propriété sera prochainement transférée aux collectivités locales,

L’article 18 prévoit l’application des normes sociales essentielles de l’État d’accueil aux personnels employés à bord des navires effectuant dans nos eaux territoriales ou intérieures des prestations de remorquage portuaire. Anticipant de probables évolutions communautaires qui mettraient fin au monopole des navires sous pavillon national sur ce type d’activités, cet article constitue une garantie sociale importante, que votre commission vous propose d’étendre au lamanage.

L’article 19 renforce la protection des femmes exerçant la profession de marin.

Les articles 20 à 24, introduits par le Sénat, mettent en œuvre des obligations découlant des conventions maritimes de l’Organisation internationale du travail en matière d’inspection du travail maritime, de service de santé au travail, d’organismes de placement des marins et de rapatriement.

Compte tenu des attentes fortes que ce texte suscite dans le secteur des transports, ainsi que des obligations qui nous incombent en matière de mise en conformité de notre droit avec les engagements internationaux que notre pays a souscrits, la commission a adopté ce projet de loi, dont elle a estimé qu’il satisfaisait pleinement aux ambitions qu’il affiche en matière de sécurité et de développement du secteur du transport. Je vous invite, en son nom, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce texte qui est pour l’essentiel excellent, la commission des finances a souhaité examiner plus particulièrement les articles 13 et 15 octies, qui encouragent la mise en œuvre de partenariats public-privé dans le domaine des transports ferroviaires et fluviaux.

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et la majorité ont encouragé les partenariats public-privé, qui sont un choix en faveur de la croissance et du développement des infrastructures et des équipements. L’ordonnance du 17 juin 2004, prise sur le fondement d’une loi d’habilitation, a permis le lancement d’une initiative nouvelle : les contrats de partenariat. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a souligné à quel point les partenariats public-privé étaient susceptibles de concourir à la croissance et à la politique d’infrastructures de notre pays. Cette orientation a été rappelée et concrétisée à l’occasion du comité interministériel d’aménagement et de compétitivité du territoire du 14 octobre 2005, lors duquel le Gouvernement a précisé de nombreux projets qui devaient être lancés dans le cadre de partenariats public-privé, et plus particulièrement de ces contrats de partenariat.

Ces projets sont notamment, dans le domaine ferroviaire, les équipements de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, le contournement de Nîmes et de Montpellier, la ligne à grande vitesse Sud-Est Atlantique, l’équipement GSM-R de radio sol-train, CDG Express et l’autoroute ferroviaire alpine.

Cependant, la loi de 1997 précisant les compétences de RFF était susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre des partenariats public-privé dans le domaine ferroviaire. En outre, lors du débat budgétaire consacré aux transports, au début du mois de novembre, un amendement proposé par la commission des finances et voté par notre assemblée visait à restreindre certains crédits de la loi de finances appelant au développement des contrats de partenariat.

Il convient maintenant de passer à l’action. Tel est, monsieur le ministre, l’objet du texte que vous nous proposez.

L’article 13, consacré au transport ferroviaire, et l’article 15, consacré au transport fluvial, conviennent à la commission des finances, qui a proposé quelques amendements s’inscrivant dans la logique ouverte et opérationnelle du texte initial du Gouvernement.

Je serai très clair : nous souhaitons que l’ensemble des projets actuellement à l’ordre du jour, validés par le comité interministériel d’aménagement et de compétitivité du territoire du 14 octobre 2005, puissent être mis en œuvre dans le cadre de partenariats public-privé.

Il s’agit parfois de projets d’infrastructures nouvelles, parfois de projets d’équipements liés à ces infrastructures. Il nous paraîtrait maladroit, et au total inefficace, de refermer le dispositif – la tentation apparaît à travers certains amendements – en spécifiant que seules les infrastructures nouvelles seraient éligibles au contrat de partenariat. Cela a amené la commission des finances a proposé un amendement soulignant qu’au-delà des seules infrastructures, les équipements devaient pouvoir être éligibles aux partenariats public-privé. C’est dans ces termes que le CIADT d’octobre 2005 pourrait effectivement et utilement être mis en œuvre.

L’acception traditionnelle du terme « infrastructure » telle qu’elle résulte en particulier du décret n° 97-445 de mise en œuvre de la loi de 1997 peut suffire et, dès lors qu’il y correspond, le texte initial du Gouvernement nous convient.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais dire au nom de la commission des finances. Je crois que nous avons, à l’occasion du texte que vous nous présentez, un rendez-vous important qui peut permettre de mettre en œuvre des partenariats public-privé, non par choix de système, non par choix d’idéologie,…

Mme Odile Saugues et M. Jacques Desallangre. Si !

M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis. …mais parce qu’ils sont aujourd’hui indispensables à l’amélioration des infrastructures de notre pays, à sa compétitivité et à sa croissance.

M. Jacques Desallangre. Mais non !

M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis. Encore faut-il pouvoir le faire dans des conditions ouvertes. C’est ce que proposent les amendements de la commission des finances aussi bien que votre texte initial. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Très bel acte de foi libéral !

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a voulu parer son texte d'un titre rassurant et prometteur, tant il est vrai que la sécurité comme le développement sont deux enjeux majeurs de la politique des transports.

D'une part, en effet, les accidents mortels survenus dans le tunnel du Mont-blanc et dans celui du Fréjus ont fait naître des inquiétudes au sein de l'opinion publique. Dans l'aérien également, plusieurs accidents sur une courte période ont suscité un émoi légitime. En Grande-Bretagne, les accidents ferroviaires survenus les années passées ont alerté l'opinion publique sur la sécurité nécessaire dans les déplacements quotidiens.

D'autre part, en ce qui concerne le développement des transports, les menaces de fermeture pesant sur plusieurs lignes de trains Corail de la SNCF, ainsi que l'audit de ses infrastructures, certes moins médiatisé, font émerger les réflexions autour du service ferroviaire, sur son financement, son développement, sa contribution à l'aménagement du territoire et à la qualité de l'environnement. Les accidents dans les tunnels routiers, dans lesquels des poids lourds étaient impliqués, ont posé la question des modes de transport à promouvoir pour que les déplacements de personnes et de marchandises soient les plus fiables, mais aussi les plus denses et les plus proches des usagers possible.

Rappelons aussi que le transport est la principale activité consommatrice de pétrole et productrice de pollution atmosphérique. Cela représentait 27 % des émissions de CO2 en France en 2003, contre 21 % en 1990. Si rien n'est fait, les transports compteront pour 80 % dans l'accroissement des émissions d'ici à 2050, annulant ainsi tous les efforts entrepris dans les autres secteurs. Même si nous ne serons peut-être plus là chers collègues, nous devons nous en soucier. La qualité de l'air respiré par les citoyens est aussi un élément de leur sécurité et de leur santé.

En outre, parce que nous vivons dans un monde globalisé, où les êtres humains et les marchandises circulent de plus en plus et de plus en plus loin, parce que les déplacements quotidiens entre lieu de résidence et lieu de travail vont également croissants, la question de la sécurité et du développement des transports est bien un enjeu qui concerne l'ensemble de nos citoyens.

Mais les transports cristallisent aussi des enjeux sociétaux de taille : enjeu écologique, éléments structurants incontournables pour notre société, ils sont à la fois facteur d'aménagement du territoire, de cohésion sociale et de qualité de vie.

Disons d'emblée que, pour toutes ces raisons, ce secteur ne saurait être considéré comme répondant aux seules logiques du marché ; il nécessite en conséquence un engagement et un soutien de la puissance publique, fort et cohérent, afin de financer les modes de transport alternatifs et d’entretenir le réseau ferré ainsi que l'inter-modalité. Mais nous reviendrons bien évidemment sur ces points.

Alors oui, votre texte s'inscrit bien dans des enjeux au cœur de la politique des transports. Cela dit, qu'en est-il de son contenu ?

Comme dans bien d'autres domaines, il est difficile de distinguer ici les objectifs que l'on se fixe des moyens prévus pour les atteindre. Ainsi, un des critères pour juger de la qualité de votre texte est la pertinence des moyens prévus pour le mettre en oeuvre. Rien n'y manque apparemment : sécurité ferroviaire, sécurité aérienne, sécurité routière, sécurité des tunnels routiers et sécurité maritime font l'objet de dispositions législatives. Vous avez perçu les inquiétudes relatives à la sécurité et au développement des transports, qui sont croissantes dans une partie de la population.

Pour autant, poussons un peu l’examen.

Flanquer le projet de loi que vous nous soumettez de titres comme « ouverture à la concurrence du fret ferroviaire » ou « désengagement progressif de l'État dans le financement des infrastructures de transport » n'eût évidemment pas été possible, en tout cas pas très judicieux ! Et pourtant, c'est bien ce que vous nous proposez.

Vous mêlez en effet quelques mesures incontestablement positives, mais d'importance que je qualifierai de secondaire – et je pèse mes mots –, à des transpositions de directives communautaires. Après les télécommunications, l'énergie et La Poste, les transports aériens, vous vous attaquez dans ce texte, sous la houlette bruxelloise, au fret ferroviaire. On finirait par s'en lasser, si votre obstination n'était à la hauteur des enjeux de la politique libérale européenne. La directive portuaire également, à laquelle votre majorité ne s'est pas opposée, risque de consacrer un round supplémentaire dans l’ouverture à la concurrence.

Ce texte est donc à replacer dans un contexte plus large.

Pour tous ces services que vous regroupez sous le vocable de « services de réseau », pour mieux justifier d'un traitement unique, c'est la même recette que vous appliquez : séparation de l'infrastructure et des services associés, comme figure imposée préalable à la mise en concurrence des services. Ce processus général, vous l'administrez aussi bien pour le gaz que pour l'électricité, pour les télécommunications que pour le transport ferroviaire. À l'ouverture à la concurrence suit bien souvent, on le sait, une privatisation partielle ou totale.

En dépit des mots rassurants de Louis Gallois, les cheminots ont donc de bonnes raisons de craindre une privatisation de la SNCF. Ne pouvait-on pas lire dans les journaux qu'une privatisation partielle de la Deutsche Bahn se prépare pour 2007-2008 ? Si les paquets ferroviaires prévoient une ouverture par étapes des activités ferroviaires à la concurrence – probablement pour ne pas effrayer le public –, c'est bien l'ensemble du trafic qui est concerné à terme. Ainsi, lundi dernier, les vingt-cinq États membres ont décidé en Conseil des ministres d'ouvrir à la concurrence le transport international pour les passagers, appliquant à la lettre les plans du troisième paquet ferroviaire sans faire cas de l'expérience d'ouverture à la concurrence qui a déjà eu lieu. Le texte débattu à l'Assemblée aujourd'hui, s'il ne concerne que le trafic fret, risque donc fort de faire des petits.

Dans le domaine du fret ferroviaire, l'enjeu est de taille : aujourd'hui, le fret n'achemine que 8 % du trafic en Europe, pour 21 % en 1970. Entre 1970 et 1998, le transport par route a été multiplié par 2,5 et a gagné 87 % de parts de marché en volume – 95 % en valeur – au détriment du rail, pourtant moins polluant et plus fiable.

Une des raisons fondamentales pour lesquelles nous appelons à voter l'exception d'irrecevabilité pour ce texte, c'est que l'ouverture à la concurrence dans le domaine du rail se fait sans la moindre analyse critique des résultats de ce processus mis pourtant en marche depuis plusieurs années.

Mme Odile Saugues. Il n’y a eu aucun bilan !

M. Jacques Desallangre. C'est une fuite en avant, dictée par un dogme contestable, celui qui prétend aux bienfaits du marché, avec comme corollaire la mise à mal du service public, sommé de s'adapter aux impératifs de rentabilité financière.

N'oublions pas tout d'abord qu'en segmentant ainsi les activités d'exploitation et de gestion d'infrastructures, pour mieux ouvrir à la concurrence l'exploitation des lignes, la Commission nie le résultat de dizaines d'années d'histoire technico-économique des voies ferrées !

Qu'en est-il en Grande-Bretagne, pays précurseur en ce domaine ? Force est de constater que cet exemple est loin de faire apparaître les bénéfices qualitatifs que les usagers du service ferroviaire devaient tirer de l'ouverture à la concurrence. Ainsi, en 1993, la gestion des infrastructures et celle de l'exploitation étaient séparées ; trois ans après, ce fut la privatisation et l'introduction en bourse. Quelles avaient été les justifications apportées à la privatisation de Railtrack, propriétaire des infrastructures ? Initialement, il s'agissait de réduire la contribution publique en dégageant des capacités de financement privées. Toutefois, l'État dut rapidement mettre la main à la poche. N'oublions pas non plus que l'ouverture du secteur aux entreprises privées n'a pas permis de relever les enjeux en termes de sécurité.

M. François Brottes. C’est vrai !

M. Daniel Paul. En témoignent les nombreux accidents qui jalonnent l'histoire récente !

Ajoutons que la Connex a perdu son autorisation d'exploitation, pour avoir été incapable de présenter un programme détaillé de mesures améliorant le fonctionnement de la ligne qu'elle devait assurer. Cette décision a été prise en raison d'une gestion laxiste, source de gaspillage de fonds publics. Provisoirement, la ligne est donc revenue dans le secteur public. Ce changement s'est soldé par une meilleure ponctualité des trains, une gestion plus saine des comptes et l'embauche de salariés. Pourquoi refusez-vous, monsieur le ministre, depuis toutes ces années, de tirer les conclusions qui s'imposent ?

M. Jacques Desallangre. Tout à fait !

M. Daniel Paul. Plus globalement, l'ouverture à la concurrence n'a guère résolu les maux dont souffrent les chemins de fer britanniques. Elles les a, au contraire, amplifiés : tarification élevée, dégradation de la régularité, suppressions massives d'emplois, chaîne de sécurité fragilisée sont les caractéristiques principales du rail en Grande-Bretagne – à ce sujet, il y a un excellent film de Ken Loach à aller voir.

M. Jacques Desallangre. Quelle preuve voulez-vous de plus ?

M. Charles Cova. Mais on est là pour parler des chemins de fer français, pas des chemins de fer britanniques !

M. Daniel Paul. Autrement dit, usagers et salariés ont été les grands perdants. Un comble pour une activité prétendument au service du public, et une contradiction complète avec les arguments avancés pour justifier la mise en concurrence.

Dans les autres pays, la situation ne permet pas non plus de conclure à un bilan positif de l'ouverture puisque nulle part l'ouverture à la concurrence n'a permis une augmentation de la part modale du fret, alors que la Commission souligne dans ses documents officiels l'importance d'enrayer le déclin du secteur du fret ferroviaire.

Or jusqu'alors, la voie prônée par l'Union européenne pour rééquilibrer les modes de transport a simplement occasionné un retrait de l'opérateur historique au profit de compagnies privées. En France, cette ouverture à la concurrence est, d'ores et déjà, une réalité concrète, avec notamment l'exploitation d'une ligne pour le transport de charbon en Lorraine, ainsi qu'avec l'ouverture d'une autre ligne entre Calais et la Belgique. Que font ces nouveaux entrants, hormis capter pour les capitaux privés quelques segments rentables du marché ? Qui peut croire que ces sociétés d'exploitation privées iront se positionner un jour sur les lignes peu rentables du réseau ?

L'expérience de ces entreprises à l'étranger n'engage pas non plus à croire qu'elles contribueront à développer le trafic de fret ferroviaire. Où sont donc les signes d'une croissance des lignes d'exploitation ? L'argument de la Commission selon lequel l'ouverture à la concurrence répondrait à la tendance à la baisse de l'activité fret sur le territoire européen ne tient pas. Mais pire, au lieu de générer de l'activité, l'ouverture à la concurrence risque même de rétrécir encore plus le réseau.

Le cas de la France montre d'ailleurs que ce processus est déjà en marche.

Premièrement, menacée de concurrence sur ses lignes les plus rentables, la SNCF est conduite à réduire ses coûts de production, aux frais des salariés et des usagers, car on sait très bien que les économies de personnels font, en ce domaine, rarement bon ménage avec le strict respect des normes de sécurité.

M. Jacques Desallangre. Tout à fait !

M. Daniel Paul. Deuxième élément : en menaçant la SNCF de perdre ses lignes les plus rentables, on l’amène aussi à fermer ses lignes les moins fréquentées, jugées trop coûteuses pour l'entreprise, et à concentrer ses efforts sur quelques grandes lignes dont le retour sur investissements est assuré. Là encore, difficile de parler de « développement des transports ».

Troisième point : plus que la perte de lignes à proprement parler, ce sont surtout des dynamiques régressives dangereuses pour le service public qui se mettent en place…

M. Jacques Desallangre. Et dangereuses pour l’aménagement du territoire !

M. Daniel Paul. …et qui viennent modifier le fonctionnement du réseau et sa contribution – en effet, cher collègue – à l'aménagement du territoire.

Quatrièmement : de fait, aujourd'hui, le plan fret prévoit un recentrement sur les 45 plus gros chargeurs. C'est un plan de repli du réseau : 22 000 sillons ont été abandonnés le 12 décembre 2004 ; 4 gares de triage, 16 gares de triage principales et plus de 100 gares ouvertes au fret vont ainsi être fermées. L'application du plan fret en 2005 s'est également traduite par la suppression de plus 2 500 postes.

C'est dans ce contexte que vous annoncez le prochain lancement de l'autoroute ferroviaire reliant Luxembourg à Perpignan, reconnaissant ainsi implicitement la pertinence de l'expérimentation initiée par Jean-Claude Gayssot, qui avait abouti à la liaison de ferroutage entre Aiton en France et Orbassano en Italie. Cette liaison a montré sa viabilité, ainsi que l'intérêt de la coopération entre opérateurs ferroviaires, au lieu du recours systématique à la concurrence. C'est en quelque sorte l'hommage du vice à la vertu, quand on se souvient des critiques que cette idée de coopération avait suscitée parmi les libéraux !

M. Jacques Desallangre. Très bon rappel !

M. Daniel Paul. Il reste maintenant à mettre en œuvre cette belle idée : nous y serons, croyez-moi, aussi attentifs que les cheminots, car une telle initiative peut aussi permettre le développement d'un projet industriel synonyme d'emplois en Alsace.

Pour l'aérien, c'est aussi la recette de la concurrence qui prévaut. En transposant la directive communautaire imposant des comptes-rendus d'incidents dans ce projet de loi, vous drapez votre texte d'une mesure qui ne pourra certes pas nuire au trafic aérien, au contraire. Mais se préoccuper de sécurité aérienne implique d'avoir une vision plus large du fonctionnement du secteur ! Qu'en est-il aujourd'hui ?

La déréglementation et la casse du monopole public prévalent et se traduisent par la mise en œuvre des règles du marché et des critères de rentabilité immédiate. Comment penser que ces règles de fonctionnement puissent améliorer en quoi que ce soit la sécurité des usagers ?

Il est bon de rappeler quelles sont, aujourd'hui, les réalités du secteur.

La raison d'être des entreprises privées est, en principe, la rentabilité de leurs activités. Il faut aujourd’hui ajouter une volonté de rentabilité importante et rapide, qui passe par la réduction des coûts en personnels et en maintenance, notamment par une utilisation accrue de la sous-traitance. Or qui dit sous-traitance dit souvent salariés moins formés, travaillant dans des conditions plus difficiles. Cela laisse la place au recours, pour des opérations d'entretien et de maintenance, à des personnels qui n'ont pas toujours les formations requises dans le domaine de l'aéronautique, et parfois même pas les qualifications nécessaires. En outre, des compagnies, contraintes par une recherche de rentabilité maximale, n'hésitent pas à changer les règles et à privilégier les réparations curatives par rapport à l'entretien préventif. Les passagers risquent fort d'en payer le prix au niveau de la sécurité.

En ce qui concerne l'assistance au sol, des opérations telles que le plein de kérosène, le chargement des soutes à bagages ou l’entretien de la cabine de pilotage sont autant d'activités qui ont un impact dans la chaîne de sécurité. Or le risque est de les considérer comme des activités annexes, pour lesquelles certains gouvernements, aussi bien que l'Union européenne, n'ont pas craint d'accorder une ouverture quasi-totale à la concurrence. En privilégiant les aspects financiers, ce sont bien la sécurité et les conditions de travail des salariés qui sont en cause. Ainsi, les réglementations nationale et communautaire ont permis le passage d'une logique de sécurité à une logique du risque calculé.

De plus, dans un contexte de baisse constante des crédits accordés à la DGAC, comment la sécurité peut-elle être assurée quand le transport doit prendre en compte la nécessité d’une rentabilité maximale de l'activité, afin de satisfaire les exigences des actionnaires ? Faut-il rappeler ici ce qui s'est passé au Venezuela avec la disparition de tant de compatriotes, situation dont le territoire communautaire n'est pas prémuni ?

Se préoccuper réellement de la sécurité des passagers supposerait, bien au-delà des comptes-rendus obligatoires d'incidents, de fixer au niveau communautaire le nombre de personnels nécessaires à bord des avions et au sol. Cela supposerait également de rendre obligatoire une formation aéronautique, avec des certifications communautaires voire internationales, ainsi qu’un renforcement des inspections approfondies et préventives de l'état général des appareils.

La directive communautaire transposée dans votre projet de loi déplace les enjeux de sécurité sur le terrain de la responsabilité individuelle, en faisant fi de toute approche systématique du secteur. Nous attendons de votre part une réelle concertation avec les syndicats lors de la rédaction du décret d'application, afin que soient apportées aux salariés de véritables garanties.

Enfin, par le biais d'un article 7 ter voté par le Sénat, vous introduisez, en application d'une ordonnance éditée sans la moindre concertation, la décentralisation vers les collectivités territoriales de la gestion de la sécurité des aérodromes. Étant donné les nombreuses dépenses supplémentaires auxquelles les collectivités doivent faire face suite à votre grande loi de désengagement de l'État et le niveau insuffisant des compensations financières que vous avez décidées, on peut craindre, là aussi, que la gestion de la sécurité sur les aérodromes pâtisse de votre décision.

Dans le domaine du transport routier, vous vous contentez d'appliquer une directive relative à la sécurité dans les tunnels. Il s'agit cependant avant tout d'un effet d'annonce. En effet, cette directive reste en deçà des normes nationales, qui s'appliquent aux tunnels de plus de 300 mètres, et non de 500 mètres comme le prévoit la directive. Mais le fond du problème, à savoir le rééquilibrage du transport de marchandises en faveur du rail, reste inchangé. Le centre d'études des tunnels souligne que les 22 incendies de tunnels qui ont eu lieu en vingt ans ont pour origine un camion. La question centrale posée par ces accidents est donc bien celle de la part à accorder au transport routier.

Or votre majorité s'illustre par ses choix incessants en faveur du secteur routier. N'oublions pas que le gouvernement Raffarin avait freiné le processus de liaison ferroviaire Lyon-Turin, dont l'échéance de mise en service était projetée pour 2012. N'oublions pas non plus les multiples cadeaux fiscaux au patronat routier et les suppressions de subventions au combiné rail-route en 2005.

Le patronat routier a également bénéficié, grâce au plan du Gouvernement du 12 septembre dernier, d'un nouveau dégrèvement de taxe professionnelle sur les camions de plus de 16 tonnes. Ce plan coûtera à l'État 400 millions d'euros. Toutes ces mesures s'ajoutent au dégrèvement de taxe professionnelle pour les camions de 7,5 tonnes déjà accordé dans la loi de finances pour 2005.

Vous ne vous êtes pas non plus illustrés par votre engagement en faveur du transport combiné, puisque si vous avez augmenté sa dotation suite aux pressions syndicales, vous attribuez l'utilisation des fonds aux « axes à pertinence économique avérée » ! En outre, sa part dans le budget – 32 millions d'euros – est loin des 96 millions d'euros annuels de la législature précédente.

Plaider pour une diminution du transport routier, c'est aussi avoir en tête que la sécurité des usagers des transports dépend également de la qualité de l'air qu'ils respirent. Cela implique de faire des choix politiques clairs, éventuellement contraires aux tendances lourdes qui font que le dumping social règne dans le transport routier. De telles conditions favorisent l’utilisation intensive de ce mode de transport, certaines interventions pesant fortement sur les décisions publiques, de l'aveu même de sénateurs de votre majorité. Aujourd'hui, dans notre pays, près de 80 % des marchandises circulent par la route.

Dans l'Europe des 25, entre 1990 et 2002, l'augmentation continue des trafics routiers a été supérieure à 20 % pour les voyageurs et à 30 % pour les marchandises, ce qui a provoqué un accroissement des émissions de gaz à effet de serre de plus de 20 % dans ces pays.

De plus, les études montrent qu'une même dépense d'énergie permet à un voyageur de parcourir en TGV une distance 4,5 fois plus grande qu'en voiture, et 9,5 fois plus grande qu'en avion.

Comment atteindre les objectifs de Kyoto sans renouveau du chemin de fer ? Donner la priorité au ferroviaire, tant pour le fret que pour le transport de passagers, nécessite une réelle politique volontariste de rééquilibrage des modes de transport. La concurrence entre la route et le rail joue en défaveur de ce dernier, qui suppose des investissements coûteux non financés par les pouvoirs publics, lesquels, depuis plusieurs décennies, ont largement donné la priorité au secteur routier, par le financement du réseau routier et les cadeaux fiscaux au patronat routier, comme le fioul détaxé.

Aujourd'hui, dans le domaine ferroviaire, les besoins de modernisation et d'entretien du réseau sont effectivement importants : les besoins de maintenance et de régénération ont été évalués à 5,5 milliards d'euros d'ici à 2015 par l'audit sur les infrastructures rendu public en septembre dernier. Pourtant, le sous-investissement chronique de l'État est avéré. Il aboutira, si rien ne change, à la suppression de 60 % des lignes d'ici à 2025. Votre projet de loi ne prend nullement acte de cet audit, pas plus que votre budget pour 2006, qui prévoit une baisse de 61 millions d'euros par rapport à 2005 pour la contribution de l'État aux charges d'infrastructures.

Les auteurs de ce rapport expliquent pourtant combien les retards pris sont lourds de conséquence. Désormais, par exemple, plus d'un millier de kilomètres de voie sont empruntés à vitesse réduite pour garantir la sécurité des voyageurs. Or, depuis 2003, la dotation de l'État pour les infrastructures régresse. Loin d'une politique de soutien au mode ferroviaire, vous vous appliquez à ouvrir le réseau à la concurrence. Face aux critiques, vous invoquerez sûrement les obligations communautaires pour justifier cette politique ! Mais pourquoi ne pas regarder aussi les politiques mises en œuvre par nos voisins européens pour concrétiser cette idée européenne ?

En Autriche, par exemple, le fret ferroviaire représente 35 % des parts de marché. En Suisse, la part du fret est même légèrement supérieure. L'Allemagne, de son côté, a introduit en 2003 une taxe de 12,4 centimes d'euros par kilomètre pour les poids lourds de plus de 12 tonnes. Ce montant augmentera progressivement.

Autre exemple à méditer : actuellement, 60 % des lettres et colis en Suisse sont transportés par le rail, contre 0,5 % en France. Il est vrai que la poste française sous-traite largement et a un discours essentiellement économique. Mais là aussi, les pouvoirs publics pourraient intervenir.

Vous voyez, nous serions volontiers favorables à l'usage européen d' « échanges de bonnes pratiques ». Pourquoi ne pas envisager de transposer à la situation française, non pas cette fois une directive, mais les politiques volontaristes engagées par nos voisins ? Ainsi, limiter le transport routier de nuit et le dimanche, ou attribuer des aides aux entreprises pour passer de la route au fer, comme la taxation à l'essieu, permettrait sans aucun doute à la France d'améliorer la part du transport par la voie ferrée. Nous avons déposé des amendements en ce sens. Il n'est donc pas incompatible de s'opposer à la Constitution européenne et d'avoir la volonté de concrétiser une construction européenne.

De votre côté, vous vous contentez d'appliquer le dogme communautaire d'ouverture à la concurrence des activités dites de réseau. Le processus de libéralisation du rail a débuté dans les années quatre-vingt. Depuis lors, l'Union européenne aurait largement eu le temps de réaliser un bilan complet de cette ouverture à la concurrence.

De plus, les accidents survenus en Grande-Bretagne ont posé de façon dramatique la question de la compatibilité de la recherche de rentabilité, inhérente au processus d'ouverture à la concurrence et de privatisation des chemins de fer, avec l'activité de service public et l'exigence de sécurité.

Si l'Union européenne déclare vouloir enrayer le déclin du transport ferroviaire amorcé depuis trente ans, ce que vous nous proposez avec les paquets ferroviaires et dans ce texte, c'est, encore une fois, le recours à la sacro-sainte « main invisible du marché ». La SNCF n'a pas besoin d'un plan d'ouverture à la concurrence, mais de réels investissements, tant en personnels qu'en matériels, pour les motrices, la construction et la rénovation des centres de tri wagons, l’électrification et la réouverture de lignes.

Le fer est en effet une activité coûteuse. Elle n'est pas à proprement parler rentable. Soumettre ce secteur à des règles de stricte rentabilité financière, c'est le condamner à stagner, voire à s'amenuiser.

M. Jacques Desallangre. Très juste !

M. Daniel Paul. Le recours à des investissements massifs supposerait, par exemple, l'annulation de la dette de RFF. Impossible ! nous réplique-t-on. Mais nos voisins allemands n'ont-ils pas déjà appliqué cette mesure ?

En outre, n'est-on pas en droit d'attendre d'un État bon gestionnaire que la vente d'une partie du patrimoine immobilier de RFF – lors du vote du budget 2006 – lui soit reversée au lieu qu’elle soit ponctionnée pour financer des infrastructures, il est vrai bien en peine à cause de la privatisation des autoroutes.

M. Jacques Desallangre. Scandaleux !

M. Daniel Paul. Il serait tout à fait injuste de vouloir expliquer la dette de RFF par une gestion dispendieuse des fonds par l'entreprise publique ! Les gouvernements successifs n'ont pour ainsi dire jamais cherché à équilibrer, par la fiscalité, les conditions concurrentielles entre le rail et la route. Il est vrai que les taxes sur les carburants ont toujours constitué une véritable rente pour l'État, qui, dans un contexte de restrictions budgétaires strictes, trouve là un moyen « commode » pour renflouer quelque peu ses caisses.

Et depuis 1974, le budget de l'État n'a plus été tenu de combler les déficits éventuels des entreprises publiques. Depuis lors, la SNCF a dû financer ses déficits par l'emprunt sur le marché financier, au taux du marché, donc, sans obtenir, l'éligibilité aux prêts bonifiés par l'État.

Les investissements lourds, tels que le TGV ou les équipements de fret, ont donc été payés par la seule entreprise publique, bien qu'ils bénéficient aujourd'hui à une grande partie de la population. Notons au passage que l'entreprise n'a pas rogné sur la qualité technique de ces opérations et qu’elle est reconnue aujourd'hui par l'ensemble de nos voisins étrangers.

Dans ces conditions, au lieu de se focaliser sur le montant de la dette de RFF, pour mieux répandre l'idée qu'entreprise publique rime nécessairement avec dépenses abusives, pourquoi ne pas reconnaître la plus-value de ces investissements et annuler une dette somme toute justifiée, pour mieux relancer les investissements nécessaires ?

Si vous acceptiez une telle orientation, – c’est une suggestion, monsieur le ministre – pourquoi, par exemple, ne pas prélever chaque année un pourcentage, même minime, sur les bénéfices des entreprises pétrolières ? Les bénéfices nets des entreprises du CAC 40, qui viennent régulièrement défrayer les chroniques médiatiques, pourraient aussi être mis à contribution pour développer les investissements ferroviaires. Cela reviendrait tout simplement à faire contribuer ces entreprises aux coûts externes des transports ! Puisque le principe pollueur-payeur est à la mode, pourquoi ne pas l'appliquer aussi dans ce domaine ?

Nos collègues britanniques, peu suspects d’antilibéralisme primaire, ont d'ailleurs opté pour ce choix fiscal pour renflouer leurs caisses. Le ministre des finances a même décidé un renforcement de cette recette, il y a quelques jours, en faisant passer la taxe supplémentaire sur les profits, en vigueur depuis 2002 de 10 à 20 % des bénéfices des entreprises.

M. Jacques Desallangre. Quelle horreur ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Cela devrait rapporter environ 3,3 milliards d'euros à l'État britannique. Si la situation n'est pas nécessairement transposable à la France, on peut imaginer des solutions voisines qui permettraient progressivement d'annuler la dette de RFF à moyen terme.

Aux États-Unis, peu suspects non plus d’antilibéralisme, nombre de parlementaires, que l'on pourrait difficilement qualifier de cryptocommunistes, (Sourires) ont également réclamé des mesures allant dans le sens d'une taxation des bénéfices pétroliers. Thierry Breton s'est, évidemment, – hélas ! – montré plus timide, alors que les prévisions pour les compagnies pétrolières font état de hausses des profits et atteignent, chaque année, de nouveaux records.

Enfin, dans le domaine du transport maritime, le bilan de vos mesures n'est guère plus réjouissant. En dépit des dispositions de l’article 11, relatives au fichier des navires, qui permettront de dépister certains risques, là encore, le système d'ouverture à la concurrence des services portuaires décidé par la Commission européenne, ouvre la porte au moins-disant social pour la prestation des services portuaires. La directive portuaire a d'ailleurs été remise sur le tapis institutionnel par la Commission européenne, au mépris le plus total de son rejet par le Parlement européen et de l'opposition de la plus grande partie de la profession. Il faudra bien qu’un jour, une directive, qui a été « retoquée » par le Parlement, ne puisse être représentée dans les mêmes conditions. Quant à votre majorité et à vos gouvernements, ils brillent par leur absence d'opposition à ce texte, pourtant lourd de menaces pour la qualité des services portuaires. Dans le domaine maritime également, la règle du moins-disant social conduit bien souvent à rogner sur les conditions de travail des salariés et sur les normes de sécurité.

Je n’aurai garde d’oublier le registre international français, que votre majorité a voté l'été dernier, par lequel pavillon de complaisance et manutention de complaisance seront bientôt érigés au mépris des qualifications professionnelles requises dans les navires et dans les ports et d'une tarification au juste coût du transport. Notons cependant que vous prenez en compte plusieurs critiques que nous vous avions faites lors de la discussion du texte sur le RIF, et que vous avez introduites dans le document dont nous parlons aujourd’hui ! Cela ne suffit pas pour rendre le RIF acceptable, mais montre que les protestations du monde maritime peuvent porter. En d’autres termes, la lutte paye !

Au moment où l'actualité maritime met en évidence les dérives de la déréglementation dans le trafic transmanche, l'heure est plus que jamais au respect des normes sociales les plus favorables et non à un laisser-faire qui risque de nous mener à des catastrophes : la liquidation par Irish Ferries de plus de 160 emplois de marins irlandais va faire passer le transmanche dans la jungle du dumping social !

Mme Odile Saugues. Tout à fait !

M. Daniel Paul. J’ajoute que cette opération vient quelques mois après la liquidation par P & O Ferries de 3 000 emplois, des deux côtés de la Manche, cette compagnie ayant décidé de mettre ses « billes » ailleurs.

Enfin, votre politique s'inscrit dans un contexte de désengagement de l'État, puisque sur le fluvial et le maritime, vous aviez, en 2004, réduit le budget de 70 millions d'euros, et que vous n'avez pas redressé la barre en 2005.

Comment, dès lors, croire que votre texte permettra d’augmenter la sécurité dans le transport maritime ?

Là encore, au risque de me répéter, je dis que les mesures mises en œuvre par la Commission européenne ne sont guère originales. La priorité donnée aux indicateurs de performance financière laisse planer de sérieux doutes sur la sécurité et la qualité de l'environnement.

Votre texte se construit donc sur un ensemble de mesures qui ne s'attaquent guère à l'organisation globale des transports, fondée sur la concurrence entre les modes et marquée par un désengagement de la puissance publique.

Au lieu des investissements nécessaires pour assurer des opérations indispensables à la sécurité des voyageurs, vous autorisez, à l'article 13 de votre projet de loi, le recours aux partenariats entre le public et le privé pour financer les investissements de RFF, aussi bien pour la création, que pour la régénération et pour la maintenance. Et ce au mépris des garanties qui avaient été apportées par l'État, selon lesquelles les PPP ne seraient utilisées que pour le financement de lignes nouvelles, la SNCF restant, par conséquent, chargée de l'ensemble de l'exploitation du réseau.

Notons d'ailleurs une dangereuse évolution législative : vous abrogez, dans le premier paragraphe de ce même article, la référence au schéma du réseau ferroviaire d'orientation pour l'aménagement du territoire.

Même façon de procéder dans le maritime, puisque l’article 15 octies permet à Voies navigables de France de recourir aux partenariats public-privé et aux délégations de service public, là encore aussi bien pour la construction, que pour l'entretien et l'exploitation des infrastructures. Cela paraît bien commode, quand on sait qu'en deux ans, VNF a dû réduire ses investissements de 40 millions d'euros.

Si les PPP sont présentés comme la forme moderne d'investissements, nous sommes, pour notre part, très réservés sur ce nouveau mode de financement des transports. Certes, il ne s'agit nullement de rejeter en bloc les financements privés, mais comment ne pas voir que ce recours aux PPP s'inscrit dans un contexte plus large de désengagement de l'État des investissements publics ? Qui dit investissements privés dit exigence de retours sur investissements. S'il est fort probable de voir les capitaux aller vers des opérations particulièrement rentables, comme la liaison Paris – Roissy-Charles-de-Gaulle, quelles solutions seront proposées pour toutes les autres infrastructures dont le retour sur investissement s'effectue, en moyenne, après trente ans ?

Ce matin, ce n’est pas L’Humanité mais le journal La Tribune qui évoque cette question dans les termes suivants : « Certains s'interrogent déjà sur la pertinence des PPP. Certes, ils vont permettre de mener de front plusieurs projets, mais qu'en sera-t-il du retour sur investissement ? Les opérateurs privés souhaiteront des garanties et voudront percevoir une partie des redevances liées à l'affectation des sillons, en coordination avec RFF. D'où le risque de voir les péages augmenter et ceci alors que seul l'exploitant sera appelé à prendre des risques. » Je partage cette analyse.

L'AFITF, qui devait être alimentée par les péages d'autoroutes, se voit ponctionnée de la majeure partie de ses ressources, en dépit de la dotation exceptionnelle que vous lui avez accordée cette année pour calmer l'opposition qui s'était fait entendre, y compris sur vos propres bancs. Gilles de Robien, votre prédécesseur, monsieur le ministre, escomptait plus de 30 milliards d'euros de bénéfices d'ici 2025. Il faudra que l'État s'en passe !

Vous renoncez donc à une maîtrise publique et planifiée des transports, seule capable d'investir en conciliant aménagement du territoire, respect de l'environnement et égalité de traitement des usagers. Il est vrai que vous venez de supprimer le Commissariat général au Plan, confirmant à ceux qui en doutaient encore l’abandon de toute idée de planification.

On observe également que votre texte ne comporte aucune disposition relative à la recherche, alors même que la sécurité et le développement des transports supposeraient des investissements réels en ce domaine.

Sur ce point encore, votre dernier budget était à la baisse, après une réduction de 12 %, en 2005. Vous l'avez, en outre, limité à la sécurité routière, au transport routier de marchandises et à la mobilité et l'accessibilité des personnes. Autant de champs, dont nous ne contestons bien sûr nullement la pertinence, mais vous occultez toute une partie des champs de recherche sur les transports moins polluants, optant là encore pour un choix entièrement axé sur le routier.

Pourtant, c’est notamment en concentrant des moyens sur la recherche que le Gouvernement pourrait insuffler un rééquilibrage multimodal dans les transports, repenser la nécessité et l'opportunité des différents déplacements de marchandises, afin de privilégier les modes ferroviaires et fluviaux et de n'avoir recours au mode de transport le plus flexible, la route, que pour les petites distances et les fins de parcours. S'il est incontestable que le transport de fret ferroviaire n'offre pas une aussi grande souplesse que le transport par voie routière, on devrait au moins inciter au transport des marchandises par voie ferrée sur des trajets supérieurs à 150 km.

On sait qu'aujourd'hui, le transport international ne représente qu'une faible part du flux routier. C'est en accumulant des trajets locaux que la route a pris le dessus. Ainsi, d'après la Fédération nationale des transports routiers, 78 % des opérations de transport se font dans un rayon de 150 kilomètres autour de leur point de départ.

En outre, le fluvial est sous-utilisé et ne représente que 4 % des transports, contre 42 % des parts de marché aux Pays-Bas, et 13,7 % en Allemagne. Si les activités fluviales françaises sont importantes près des zones frontalières, ailleurs, les fleuves sont sinon « vides », du moins sous-utilisés. Or, selon la fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement, il serait possible, sans aménagement particulier, de multiplier par trois ou quatre le trafic sur la Seine – et je salue les efforts faits en ce sens actuellement – et par sept sur le Rhône. Cette sous-utilisation est d'ailleurs reconnue autant par la Compagnie nationale du Rhône que par le Port autonome de Paris.

Alors, c'est vrai, le fluvial entraîne, du fait des ruptures de charge, des coûts de manutention élevés, qui lui font perdre, sur les courtes distances, son avantage énergétique. C'est pourquoi seules des aides au développement de la voie d'eau et la prise en compte des coûts réels de la route redonneront un certain avantage au fleuve. En effet, de nombreuses marchandises ne nécessitent pas un acheminement dans les vingt-quatre heures. Le principal souci d'une entreprise est rarement l'urgence, mais bien plus la sécurité et la ponctualité de la livraison. Le transport est perçu comme un critère de choix venant après toutes les décisions relatives aux choix productifs.

Si vous flanquez votre texte d'un chapitre de « dispositions sociales », là encore, l'absence de remise en cause du dogme libéral pèse lourdement sur l'ensemble des salariés des transports.

Nous approuvons, certes, les dispositions en faveur des femmes enceintes dans la marine, ainsi que celles qui modifient les règles de contrôle des équipages et de contrôle de l'application des conditions sociales des salariés à bord des navires battant pavillon étranger. Ces mesures, essentiellement redevables à la mobilisation des salariés durant le conflit de la SNCM, devront toutefois être accompagnées de moyens humains suffisants pour assurer l'effectivité desdits contrôles des normes sociales à bord des navires battant un des multiples pavillons de complaisance.

Nous approuvons également les mesures relatives au remorquage portuaire et nous avons déposé un amendement pour les élargir à d'autres professions. Toutefois, l'introduction dans le code du travail maritime de références aux conventions du Bureau international du travail n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les syndicats. Un dialogue avec ceux-ci aurait peut-être permis de trouver un accord sur la question de la date du repos hebdomadaire et sur celle du délai de rapatriement.

Enfin, et surtout, avec l'ouverture à la concurrence des services portuaires, c'est la concurrence à l'intérieur des ports qui revient à l'ordre du jour, l'objectif étant de renier les statuts et les garanties collectives, au prix d’une dégradation des conditions de travail et de la sécurité.

En outre, la mise en œuvre des dispositions relatives aux ports d'intérêt national de la loi de décentralisation soulève la question du financement et du statut social des personnels. Dans le secteur routier, où les salariés bénéficient de statuts moins avantageux, c'est, de l'aveu même du patronat, la concurrence entre les entreprises qui fait peser une pression constante sur les salaires et les conditions de travail.

Or vous accroissez encore les contraintes sur les salariés en transposant la directive relative à l'aménagement du temps de travail et en déclinant l’une de vos ordonnances estivales. Une fois de plus, vous vous attaquez au code du travail, en ouvrant la possibilité de déroger à la règle générale du temps de travail journalier par convention ou accord collectif. Qui plus est, vous étendez cette disposition aux nouveaux opérateurs ferroviaires, créant ainsi un nouvel outil de dumping social.

Songez toutefois que, même d'un point de vue strictement économique, cette option est mauvaise : plusieurs études montrent que cette pression permanente coûte plusieurs points de PIB à nos économies ! À défaut de considérer les conséquences de la mise en concurrence des activités sous l'angle de la justice sociale, considérez-les sous l'aspect économique !

Les cheminots sont, eux aussi, menacés : plusieurs milliers d'emplois ont déjà été supprimés ou non renouvelés, alors même qu'il faudrait développer ce service public. L'ouverture à la concurrence du fret amène la SNCF à envisager de façon avant tout comptable la question de l'emploi.

Ces décisions ont lieu dans un contexte de précarisation du salariat qui touche la société tout entière. Elles augmenteront encore la pauvreté et les inégalités dans notre pays qui n'est pourtant guère épargné par ces fléaux, comme le rappellent régulièrement les rapports et études que nous recevons.

Se prévalant de quelques mesures qui ne pourront pas nuire à la sécurité dans les transports, le texte que vous nous proposez s'inscrit dans un contexte de concurrence généralisée et de sous-traitance en cascade, qui seront néfastes à la sécurité des usagers et aux conditions de travail des salariés. Il entérine ainsi l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire et consacre un pilotage sectoriel des activités qui anéantit les possibilités de péréquation, mesures qui seront lourdes de conséquences pour la sécurité…

Il manque en outre à votre texte une réflexion sur les causes profondes et réelles du manque de sécurité qui menace plusieurs modes de transport. Une approche volontariste, nécessitant certes des deniers publics, permettrait de répondre plus efficacement aux enjeux de sécurité que la seule édiction de procédures et de normes.

Les mécanismes néolibéraux que votre gouvernement met en œuvre, en liaison étroite avec les autorités européennes, serviront l'objectif de libre concurrence : ils sont synonymes de pressions sur les normes sociales et nuiront tant à la sécurité des passagers qu’aux conditions de travail des salariés et à la qualité de notre environnement. En livrant à la concurrence une grande partie des transports nationaux et européens, vous conduisez les entreprises présentes sur le secteur à adopter une approche purement comptable de leur masse salariale, alors que la formation, le nombre de salariés et les conditions de travail sont autant de facteurs qui concourent à la sûreté des secteurs de transport.

Ce n’est pas de bonne logique. En ne prenant pas en compte les enjeux sociétaux des transports, en refusant de voir le problème autrement que par la lorgnette de la concurrence et du marché, vous porterez une lourde responsabilité devant les générations futures.

Nous plaidons pour notre part pour une politique volontariste. Celle-ci ne suppose pas une autorité de régulation de la concurrence, dont l'objectif principal sera de forcer la voie en faveur des nouveaux entrants, mais un grand service public des transports, avec la création d'une véritable direction des transports terrestres, au plus près des populations sur l'ensemble du territoire, et des mesures en faveur des modes les moins polluants, c’est-à-dire en premier lieu le fret ferroviaire. Des solutions existent, qu’il faut mettre en œuvre rapidement.

Nos propositions concrètes montrent que nous ne manquons pas d'ambition pour l'Europe, et nous ne rejetons en aucun cas l’adoption de mesures à l'échelle européenne. Mais la pensée unique tente, à coups de renforts médiatiques, d'assimiler dangereusement le refus du projet néolibéral des institutions communautaires à un rejet frileux du projet européen en lui-même.

Nous saluons donc la volonté d’adopter un texte relatif à la certification des conducteurs de trains…

M. Charles Cova. Les nantis de la SNCF !

M. Daniel Paul. …car il concourt à garantir aux voyageurs un bon niveau de sécurité. Nous voudrions pourtant que vous répétiez votre engagement de faire « entrer les dispositions en application rapidement, indépendamment du sort réservé aux autres textes du troisième paquet », selon les propos que vous avez adressés à l’époque à M. Lereste. Vous répondriez à une attente syndicale forte !

Pour notre part, nous ne pourrions que nous réjouir de cette initiative, qui permettrait de ne pas prendre au piège les syndicats en englobant ce texte plutôt positif dans la transposition du reste du troisième paquet ferroviaire, auquel nous sommes aussi fermement opposés qu’eux. Monsieur le ministre, tenez la promesse que vous avez faite aux syndicats le 21 novembre dernier et ne participez pas à une opération qui pourrait être mal vécue !

Il faut sortir d'une conception purement comptable de la sécurité : elle est avant tout un investissement, plus qu’un coût. C'est pourquoi elle ne saurait faire l'objet d'économies.

Le vote du 29 mai a marqué une condamnation sans appel des politiques néolibérales lancées par l'Union européenne et appliquées à la lettre dans notre pays par votre majorité. Mais vous persistez à refuser d’établir un bilan précis des politiques de déréglementation menées à travers toute l'Europe depuis plus de vingt ans.

Ces deux points rendent votre texte inacceptable et motivent à nos yeux cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Oui, monsieur Paul, il y a aujourd’hui une volonté politique de développer les infrastructures de transport dans notre pays, et notamment les alternatives à la route. Et vous le savez, car l’Assemblée a voté le budget des transports il y a quelques jours !

Les investissements de l’AFITF concernant les contrats de plan et les grands projets adoptés en décembre 2003 par le CIADT passeront de 1,1 milliard à 2 milliards d’euros entre 2005 et 2006. Ces chiffres montrent clairement la volonté politique de doter les acteurs concernés des moyens nécessaires et nous profiterons de l’abondement exceptionnel de 4 milliards d’euros versés à l’AFITF pour développer des partenariats public-privé, qui permettent de démultiplier les dotations disponibles.

Il y a quelques mois, j’ai fait, en tant que ministre de la justice, l’expérience du partenariat public-privé : si nous n’avions pas lancé ce dispositif, les établissements pénitentiaires dont la construction était programmée n’auraient jamais vu le jour. D’ici à 2009, nous aurons créé 10 000 à 11 000 places supplémentaires, apportant ainsi une réponse à l’indignité de la situation des établissements pénitentiaires.

J’ai souhaité que les PPP ne soient pas réservés au secteur routier, mais qu’ils puissent aussi s’appliquer en matière ferroviaire et fluviale. Il ne s’agit pas de passer brutalement d’un système à l’autre puisqu’ils sont complémentaires. Il faut du temps pour élaborer et évaluer un dossier. Aussi, les projets qui sont prêts aujourd’hui feront l’objet d’un financement classique. Ceux-là seuls dont la réalisation ne peut être aussi immédiate pourront s’inscrire dans des PPP.

Par ailleurs, vous avez reproché à la politique que je mène depuis cinq mois en direction du secteur routier de faire des « cadeaux » au patronat dans le secteur routier. Je veux au contraire sauver les emplois, et je revendique cette action politique !

M. Alain Ferry. Très bien !

M. Jacques Desallangre. Vous allez les remplacer par des chauffeurs étrangers !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. N’oubliez pas que ce secteur n’embauche plus depuis 2000, alors qu’il créait des emplois depuis vingt ans !

Nous devons faire en sorte que ce secteur puisse affronter la concurrence européenne. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, dans un texte qui vous a été présenté par Jean-François Copé, une détaxation supplémentaire de taxe professionnelle et que je vous propose aujourd’hui les modalités d’une répercussion des hausses du gazole sur les contrats de transport. Ces mesures sont indispensables car, dans chacun de nos départements, il y a une multitude de petites entreprises de transport que nous devons sauver : il y va de l’emploi et de l’aménagement du territoire. Je regrette donc que vous ayez critiqué cette orientation. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Après vous avoir écouté attentivement, je vous réponds avec précision. C’est le jeu démocratique !

S’agissant des transports ferroviaires, je souhaite que nous passions enfin des incantations à des mesures concrètes. C’est pourquoi j’ai réuni hier autour d’une même table l’ensemble des opérateurs qui doivent réaliser l’autoroute ferroviaire entre Perpignan et Luxembourg. On est enfin dans le concret !

Je reconnais volontiers à mon prédécesseur, M. Gayssot, le mérite d’avoir lancé l’initiative de l’autoroute ferroviaire Aiton-Orbassano. Je suis d’ailleurs allé sur place pour discuter avec les acteurs de ce dispositif. En fonction de ce que j’ai entendu, nous avons travaillé sur le projet d’autoroute Perpignan-Luxembourg. Faire cette expérience, qui doit être réalisée d’ici à dix-huit mois, sera extrêmement intéressant. Nous verrons enfin concrètement, sur une longue distance, ce qu’il en est, avec bien entendu une coopération entre entreprises routières et ferroviaires – société d’autoroute, SNCF, RFF et transporteurs routiers.

M. Daniel Paul. Une coopération, pas une concurrence !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur Paul, les crédits consacrés aux infrastructures ferroviaires ne baissent pas. J’ignore quels chiffres vous avez en tête ! Cette année, l’État va consacrer 2 milliards d’euros aux infrastructures ferroviaires, dont 900 millions pour la seule régénération et j’ai demandé de porter ce montant à 970 millions dans l’attente du rapport des présidents de RFF et de la SNCF.

Pour conclure, je dirai que vous n’utilisez l’exemple allemand que lorsque cela vous arrange !

M. Daniel Paul. C’est normal ! (Sourires.)

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Même si ce n’est pas mon modèle, je vous rappelle que l’ensemble du réseau ferroviaire est libéralisé en Allemagne.

M. Jacques Remiller. Le RER allemand ne connaît pas la grève !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. S’agissant, enfin, de mes engagements vis-à-vis des syndicats, je les ai intégralement tenus lors du Conseil du 5 décembre. Nous avons notamment adopté la directive « conducteurs » – ce qui est une bonne nouvelle pour ces derniers – et, dès qu’elle nous aura été notifiée, je demanderai sa transposition en droit français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Robert Lamy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Robert Lamy. En réponse aux arguments développés par M. Daniel Paul dans son exception d’irrecevabilité, je rappellerai quelques éléments.

Sur le plan communautaire, l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire résulte d’une directive adoptée en 1991, alors qu’un gouvernement de gauche était aux responsabilités dans notre pays. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Nous le regrettons !

M. Robert Lamy. Les trois directives du premier paquet ferroviaire, qui prévoyaient l’ouverture à la concurrence du réseau transeuropéen de fret, ont été transposées par décret en 2001, alors que M. Gayssot était ministre des transports. Quant au deuxième paquet, ferroviaire que nous achevons de transposer aujourd’hui, il n’est que la suite d’une démarche de modernisation des chemins de fer engagée par la gauche elle-même.

Il faut voir dans la libéralisation du fret une opportunité de développement pour la SNCF, qui pourra conquérir des marchés dans d’autres pays de l’Union européenne.

M. Jacques Desallangre. On verra !

M. Robert Lamy. Nous devons adopter ce projet, car nous avons l’obligation de transposer rapidement un certain nombre de textes afin de mettre notre droit en conformité avec nos engagements communautaires et internationaux en matière de transport. Ainsi, l’autorité de sécurité ferroviaire exigée par la directive du 29 avril 2004 sur la sécurité des chemins de fer communautaires doit être créée à compter du 1er janvier 2006 et la date retenue pour l’ouverture du transport ferroviaire de marchandises est fixée au 31 mars 2006.

Par ailleurs, ce texte apporte à nos concitoyens des garanties supplémentaires de sécurité qui concernent l’ensemble des modes de transport qu’ils utilisent : agence de sécurité ferroviaire, renforcement de la sécurité des tunnels routiers, sanctions contre le débridage des deux-roues et des quads, immobilisation d’un véhicule en cas de dépassement de 50 km/h de la limitation de vitesse et surtout, après les catastrophes aériennes qui ont endeuillé l’été dernier, renforcement des contrôles techniques dans l’aviation civile et des mesures permettant d’assurer la sécurité des vols.

Mme Odile Saugues. Il était temps !

M. Robert Lamy. Ces mesures, qui sont attendues, seront encore améliorées par la création prochaine d’une liste noire des compagnies aériennes commune à tous les pays de l’Union.

Enfin, ce projet de loi répond à des attentes fortes dans le secteur des transports. Je pense en particulier à ses dispositions sociales, qui constituent, notamment dans le secteur des transports maritimes, des avancées importantes, et aux mesures qui permettent le développement économique du transport : contrats de partenariat pour la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires ou fluviales, mécanisme de répercussion des variations des coûts du gasoil sur le prix du transport facturé au chargeur – disposition essentielle, compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontés les transporteurs routiers.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous vous êtes fait l’avocat – et c’est normal – du partenariat public-privé. Permettez-nous cependant d’être extrêmement dubitatifs. En effet, votre premier acte dans ce ministère ne fut-il pas la privatisation des concessions d’autoroutes, qui non seulement ne permet pas d’envisager des infrastructures supplémentaires, mais prive l’AFIFT de recettes durables pour financer les investissements nécessaires ?

Au fond, ce texte répond à une question assez simple : comment déréguler et chambouler les règles dans l’aérien, le fer, la route, la mer, le fluvial – sans oublier les quads et les mobylettes –, tout en rassurant en apparence les clients ? Ce texte un peu fourre-tout, sorte de voiture-balai des dispositifs actuellement en vigueur, court après les évolutions. Il est donc difficile d’en distinguer la cohérence ainsi que les véritables objectifs et il donne le sentiment de subir les changements sans les anticiper.

En outre, quoi qu’en dise mon collègue de l’UMP, il accélère la dérégulation puisque, en matière de fret ferroviaire, vous vous précipitez et modifiez les calendriers, alors qu’il faudrait respecter les délais initialement prévus pour que les choses puissent se passer le moins mal possible. J’ajoute que, ainsi que l’a montré le débat qui a eu lieu en commission, ce texte aggrave l’insécurité sociale puisque vous n’hésitez pas – et cela nous inquiète – à revenir sur des dispositions du registre international français. Enfin, ce projet de loi engage de façon assez large la sous-traitance des missions régaliennes de l’État en matière de sécurité, que ce soit dans l’aérien ou dans le ferroviaire.

Nous voterons l’exception d’irrecevabilité, car ce projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports pourrait être rebaptisé par le Conseil constitutionnel : « Insécurité et dérégulation dans les transports. »

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF.

M. Pierre-Christophe Baguet. Malgré quelques réserves légitimes soulevées par M. Paul, le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Outre les points positifs contenus dans ce texte et les améliorations proposées par l’UDF – que j’aurai l’occasion de préciser tout à l’heure –, je rappelle qu’il repose pour partie sur la transposition d’une directive européenne et qu’il permet de mettre notre législation en conformité avec les règles européennes. C’est pourquoi l’examen de ce texte, certes hétérogène, ne peut être reporté à plus tard.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

demande de rectification
du procès-verbal

M. le président. Avant d’ouvrir la discussion générale, je donne la parole à Mme Hélène Tanguy.

Mme Hélène Tanguy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est à titre un peu exceptionnel que je prends la parole devant vous pour vous informer que j’ai engagé auprès du président Debré une procédure de demande de rectification du Journal officiel ce qui, je crois, arrive assez rarement.

Je suis en effet en désaccord sur un point bien précis avec la manière dont le Journal officiel retrace nos débats de la séance du lundi 5 décembre dernier, au cours de laquelle nous examinions le projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme, projet de loi dont j’ai l’honneur d’être la rapporteure au nom de la commission des affaires économiques. Il s’agit du sort des amendements n° 5 rectifié, modifiant l’article 6 bis, et n° 23, portant article additionnel après l’article 6 bis.

Le compte rendu analytique décrit fidèlement ce qui s’est passé selon moi. Le premier amendement, de nature rédactionnelle, que je présentais en tant que rapporteure au nom de la commission des affaires économiques, a été adopté sur avis favorable du Gouvernement, et j’ai retiré le second amendement relatif au régime des chambres d’hôtes après que le ministre délégué au tourisme eut expliqué que ce régime relevait du pouvoir réglementaire.

Je ne doute pas du bien-fondé des arguments juridiques qui ont conduit, à partir d’une erreur matérielle, à inverser le sort des deux amendements. Cependant, je tiens à signaler le décalage entre la retranscription qui figure au Journal officiel et la situation telle qu’elle a été vécue sans aucune ambiguïté par ses acteurs. En effet, je suis sûre que M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, l’ensemble de mes collègues députés présents et moi-même étions tous en phase sur les mêmes amendements au moment des discussions et des votes. J’observe d’ailleurs que, sur le fond, le scénario présenté par la version du Journal officiel est étrange, car il montre un rapporteur retirant spontanément et immédiatement un amendement de la commission de portée purement rédactionnelle, sans qu’aucune opposition d’aucune sorte ne se soit exprimée.

C’est pourquoi j’ai saisi la possibilité offerte par l’article 59, alinéa 3 de notre règlement pour transmettre à M. le président Jean-Louis Debré une demande de rectification du Journal officiel sur laquelle le bureau de l’Assemblée pourra statuer dès sa prochaine réunion.

M. le président. Mes chers collègues, Mme Tanguy intervient en vertu de l’article 59, alinéa 3 de notre règlement. Cette intervention est de droit.

Madame Tanguy, la présidence prend acte de votre demande de rectification du compte rendu intégral de la séance du 5 décembre. En application de l’article 59, alinéa 3, elle sera soumise au bureau de l’Assemblée nationale, qui se réunira précisément demain matin.

sécurité et développement
des transports

Reprise de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, votre projet de loi est un nouvel aveu du caractère subalterne du rôle du parlement français face à Bruxelles. Vous déclarez ainsi, dans l’exposé des motifs, que ce projet permet « la mise en conformité du droit national avec certains engagements communautaires et internationaux ». Le droit français est donc pour vous, et pour d’autres, un droit dérivé, subordonné au droit communautaire. Quant aux institutions européennes, elles restent imperméables aux différents scrutins et poursuivent la mise en œuvre de la marchandisation de l'ensemble des activités de service public, notamment ferroviaire. Et ne me renvoyez pas aux choix qui ont été faits auparavant : si d’autres que vous ont montré la voie, je n’en ai jamais été et je reste donc libre de ma parole. Je tiens à rappeler que, depuis de nombreuses années, nous demandons un moratoire sur les effets économiques et sociaux de la libéralisation des services publics, notamment dans les domaines ferroviaire, aérien et maritime. Or cette demande légitime n'a jamais reçu de réponse.

Construit sur d’aussi mauvaises bases, votre projet ne peut mener qu'à l'application servile des dogmes bruxellois, qui visent à privatiser toujours plus. L'examen des articles ne décevra d’ailleurs pas les plus libéraux d’entre vous. M. Paul vient de montrer, parfois avec quelque cruauté, combien vous étiez plus libéral que les libéraux britanniques et américains qui, eux, ne sacrifient pas leur intérêt national à leur acte de foi libérale.

Les premiers articles prétendent renforcer la sécurité. Quel noble souci ! Mais cela signifierait-il que la sécurité ferrée est défaillante en France ? Nullement : la SNCF ne déplore que quelques rares incidents, et aucune catastrophe majeure. En tant que maire d’une importante cité cheminote, où le trafic est important, je peux d’ailleurs vous dire que les contrôles sont méticuleux. La recherche de la sécurité maximale est aujourd'hui au cœur de toutes les décisions de la SNCF. Si la sécurité ne présente aucune faille majeure, pourquoi la renforcer et créer une autorité spécifique ? Pourquoi créer un établissement public alors que l'article 16 de la directive impose seulement que l'autorité chargée de la sécurité soit indépendante des entreprises ferroviaires et du gestionnaire de l'infrastructure, ce qui est le cas de l’État ?

La directive admet ainsi que l'État conserve directement ses prérogatives et assure la sécurité de ses concitoyens. Le ministre des transports est tout à fait compétent pour assurer cette mission. Pourquoi être plus royaliste que le roi et plus libéral que la Commission européenne ? Pourquoi confier à d'autres ce que les acteurs actuels – État, SNCF, RFF – font bien ? La raison en est évidente : vous allez, par pure idéologie, appliquer au transport ferré votre dogme libéral et privatiser le rail.

M. Daniel Paul. Exactement !

M. Jacques Desallangre. Mais comme votre aveuglement n'est pas total, vous avez remarqué que, dans les États où le rail est privatisé, la sécurité n'est plus aussi bien assurée. Vous savez que la gestion par le marché produit de l'insécurité : insécurité sociale, avec la précarisation des emplois, mais aussi physique, car le nombre d'incidents et d'accidents risque d'augmenter. En créant cet outil, vous souhaitez juguler la hausse de l'insécurité générée par la libéralisation du rail. Vous reconnaissez ainsi implicitement que, pour les usagers, le premier effet de cette privatisation est l'augmentation de l'insécurité. Quel aveu !

Le lien de causalité est évident. La libéralisation entraîne la réduction des missions de service public et se traduit par la concentration de l'activité sur les secteurs rentables et par la recherche d'une rentabilité immédiate qui s'obtient en réduisant tout ce qui s'apparente à un coût. Or la sécurité représente un coût important. Toutes les entreprises soumises à la concurrence tendent à réduire leurs coûts de maintenance et de personnel – suppression des statuts, augmentation de la charge de travail, sous-traitance – pour augmenter leurs charges. D'une notion de sécurité maximale, on passe alors à une logique de risques acceptables. C'est déjà le cas dans le secteur aérien, où les accidents répétés sont imputables au mauvais entretien des machines et au surmenage des équipages, mais aussi dans le secteur routier, où les cadences sont infernales. Si, comme vous l’avez dit tout à l’heure, vous souhaitez aider le transport routier, commencez par vérifier que des chauffeurs de nationalité étrangère ne remplacent les chauffeurs français que l’on licencie.

Par ailleurs, le mode de financement assis sur les péages d'utilisation du réseau va mécaniquement accroître la charge pesant sur les opérateurs et tendra à augmenter les tarifs. Cette mission de sécurité qui était auparavant dévolue à l'État et prise en charge sur le budget de la nation, comme la sécurité routière, sera maintenant payée par l'usager.

Il s'en suivra une augmentation du coût des billets de train et le risque que le transport des marchandises et des passagers se fasse encore plus par la route. La concurrence entre les modes de transport étant particulièrement vive, le renchérissement du rail provoquera des pertes de parts de marché et une détérioration de l’environnement. Mon collègue, Daniel Paul, a cité des chiffres accablants stigmatisant la baisse continue du trafic ferroviaire au bénéfice de la route. Chaque année, 90 % du transport supplémentaire est capté par la route. C’est donc le transport par le rail qu’il faut avant tout aider !

Ne nous leurrons pas, monsieur le ministre, les articles 1er à 6 sur la sécurité ne sont que la partie émergée de l'iceberg de votre plan de libéralisation du fret, puis du transport de voyageurs. En effet, vous et vos amis avez pour objectif la privatisation de tous les services publics. Après France Télécom, GDF, EDF et La Poste, c'est, aujourd’hui, le tour du rail et de la SNCF. Pour vous, développement rime systématiquement avec privatisation. Développement du secteur routier rime avec privatisation des sociétés d'autoroutes, développement du secteur aérien avec privatisation d'Aéroports de Paris, après Air France, développement du secteur maritime avec privatisation de la SNCM et enfin, développement du secteur ferré avec libéralisation progressive du rail.

Vous avez avancé à 2006 l’échéance de l’ouverture à la concurrence et le rapporteur de la commission des affaires économiques s’en est félicité, il y a quelques instants. Les commissions, relayant les propositions du Sénat, renforcent l’inspiration libérale de votre texte. C’est presque à qui sera le plus libéral ! Vous inscrivez en urgence la libéralisation du fret ferroviaire, alors que Bruxelles ne l'imposait pas si tôt. Vous vous faites le serviteur zélé de M. Barroso qui demandait l'ouverture pour 2007. Le temps qui nous est imparti aurait dû nous permettre de présenter une réelle étude d'impact, car nous allons, une fois de plus, changer la loi et révolutionner un secteur sans connaître précisément les conséquences de vos actes. N'est-ce pas irresponsable ? Sans être devins en ce domaine, nous pouvons prédire l'avenir. Le marché et les opérateurs vont recentrer leurs activités sur les seuls secteurs rentables, c'est-à-dire sur les lignes à grande vitesse dégageant de larges bénéfices. Ce sera la fin de la péréquation. Le reste du réseau sera délaissé, car analysé économiquement comme une charge : le nombre de trains sera diminué, des gares rurales seront fermées – c’est déjà trop souvent le cas – et les territoires abandonnés, entraînant la dégradation du service public et de l’aménagement du territoire, cela a déjà été souligné. Les régions riches auront seules la possibilité d'éviter cette désertification en contractualisant avec un opérateur comme la SNCF, ou un concurrent, la desserte d'une partie du territoire en contrepartie d'un financement reposant sur de nouveaux impôts, accroissant ainsi les inégalités territoriales. Le plan fret de la SNCF a déjà provoqué une diminution de la capacité du réseau et un recul des volumes transportés, c’est incontestable. La libéralisation tendra à accentuer ce phénomène en développant la concurrence sur les accès rentables au détriment des lignes déficitaires ou neutres. Ce mouvement s'inscrit déjà progressivement dans les faits avec l'abandon de nombreux sillons, la fermeture de plus de 100 gares à venir et la suppression de plus de 2500 postes. La SNCF anticipe la concurrence à venir et tend vers une rentabilité accrue en abandonnant progressivement les sujétions de service public coûteuses.

Pourtant, tous les audits, dont le dernier en date du 7 septembre, s'accordent sur le manque criant d'investissements en matière d'infrastructure ferrée. Mais vous refusez de vous engager pour le rail comme vous le faites pour la route. Les chiffres que vous avez cités tout à l’heure ne répondent pas à l’importance de la tâche.

L'article 13 du projet ouvre des partenariats entre public et privé – chers à M. Mariton, chantre du libéralisme – pour la construction, l’entretien ou l’exploitation. Le secteur privé ne sera bien évidemment intéressé que dans le cadre d'opérations dégageant de fortes marges de rentabilité. Les investissements étant particulièrement importants, les entreprises privées ne participeront que si elles ont la certitude d'obtenir un retour rapide sur investissement avec le resserrement d'une part significative des péages de la ligne ou l'attribution de droits spécifiques, voire l'exclusivité dans un cas comme la liaison Paris-Roissy. En revanche, il ne faudra pas compter sur les fonds privés pour investir dans le fret ferroviaire. À ce jour, dans les États où elle est adoptée, la libéralisation n'a pas enlevé un seul camion des routes, mais introduit, en revanche, un partage des parts de marché entre opérateurs fret, car tel est là le véritable but. Il n’y a eu, par exemple en Allemagne, aucun transfert de la route vers le rail ; la part du fret par la voie ferrée est même en régression : moins 4 % en dix ans.

C’en est fini de la péréquation, car vous ouvrez à la concurrence tous les secteurs économiques rentables, dont la gestion d'infrastructures. Cette question est aujourd'hui confiée à la SNCF par RFF, mais rien n'empêchera demain RFF de choisir un autre délégataire et d'amputer ainsi la SNCF de 2 531 millions d'euros de chiffre d'affaires. Si la SNCF perd cette mission, combien devra-t-elle licencier de cheminots ? Où sont les vertus de la concurrence ?

Dans le secteur du transport routier, il est certain que, grâce à vous, monsieur le ministre il n'y aura plus de dumping social, car vous aurez aligné le droit français sur le moins-disant social. En effet, par les articles 16 et suivants, la durée quotidienne du travail sera fixée par un simple mécanisme conventionnel, et non plus par le code du travail. Certes, ce nouveau dispositif ne s'applique pour l'instant qu'au transport sanitaire et aux personnes des services réguliers de courte distance. Mais c'est un premier pas vers la déréglementation qui pourra ensuite irradier l'ensemble du secteur. Pourquoi demain ne pas étendre ce régime à l'ensemble du transport routier au nom de la compétitivité ? Les patrons du secteur routier ne manqueront pas de s'engouffrer dans cette brèche. Vous osez parler de sécurité, alors que vous allez augmenter la durée de travail des chauffeurs ! Toutes les études démontrent la corrélation entre l'augmentation de la durée de conduite et l’accroissement du nombre des accidents. Est-ce raisonnable ? Vous faites de même en matière de transport maritime. Pour vous, la loi qui protège le salarié est toujours l'ennemi de l'emploi. Cette vision statique à courte vue, celle du libéralisme, privilégie le profit sur l’homme. Nous ne partageons pas ce souci. Nous voterons donc avec détermination contre votre projet de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christian Philip.

M. Christian Philip. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aborderai tout d’abord le volet ferroviaire du projet de loi. Il comprend trois aspects qui me paraissent particulièrement importants : la création d'un établissement public de sécurité ferroviaire, l'ouverture à la concurrence, le 31 mars prochain, de l'ensemble du marché du fret ferroviaire, c'est-à-dire, dans le jargon communautaire, la mise en place du deuxième « paquet ferroviaire » et la modification du dispositif législatif en vigueur concernant la réalisation des infrastructures ferroviaires pour recourir notamment aux partenaires privés.

J’évoquerai également d’un mot le mécanisme proposé par le Gouvernement pour faire face à la hausse du pétrole en matière de transport routier, les diverses mesures en faveur de la sécurité routière et, domaine tout à fait différent, la possibilité d'inspection des avions sur les aéroports communautaires.

Enfin, ce texte, enrichi par le Sénat d'un volet consacré au transport fluvial, me paraît très positif.

Concernant la transposition en droit français des dispositions de directives communautaires, n’en déplaise à l’orateur précédent, en tant que rapporteur de la délégation de l’Assemblée nationale pour l'Union européenne sur la transposition des directives, je ne peux que me réjouir de ce projet de loi.

M. Jacques Desallangre. Je n’en doute pas !

M. Christian Philip. La France a longtemps été la dernière de la classe. Ce n’est aujourd’hui plus le cas…

M. Jacques Desallangre. Hélas !

M. Christian Philip. …grâce à la volonté exprimée depuis 2002 et aux mesures prises à cet effet. Par ce texte, nous respectons encore mieux nos engagements européens, ce dont je me félicite également. Ce n’est pas là, en effet, mon cher collègue, un comportement servile, mais la volonté de mettre œuvre des décisions en faveur desquelles le ministre compétent s’est prononcé. Sous la législature précédente, un ministre qui vous est proche avait, en toute responsabilité, approuvé l’engagement de cette procédure.

M. Jacques Desallangre. Je ne l’avais pas voté !

M. Christian Philip. Il est normal que notre pays honore ses engagements européens et internationaux. Il serait particulièrement irresponsable, vous me permettrez de le dire, de penser que les engagements internationaux sont une chose et que leur transposition en droit interne en est une autre.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur. Très bien !

M. Jacques Desallangre. Cela ne m’engage pas !

M. Christian Philip. La création de l'établissement public de sécurité ferroviaire est également positive, même si l’on peut se demander s’il est toujours de bonne gouvernance de multiplier des agences créées au sein de l’Union européenne ou à sa demande dans les États membres. Vous avez répondu sur ce point, monsieur le ministre, dans votre propos introductif : vous avez fait le choix d’un établissement public plutôt que d’une autorité administrative indépendante, afin que l’État conserve une véritable tutelle, ce dont je me réjouis, puisque c’est essentiel en matière de sécurité. La délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne remettra, dans le premier semestre de l’année 2006, un rapport sur le sujet des agences tant européennes que nationales créées à la demande de textes européens.

Venons-en maintenant à l’ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire à laquelle nous sommes également favorables. Elle est une condition nécessaire pour relancer le fret ferroviaire en France.

M. Jacques Desallangre. On verra !

M. Christian Philip. Ce n’est ni de l’idéologie ni de la privatisation. En procédant ainsi, nous nous donnons les moyens de sauver le fret ferroviaire. Le marché pertinent n’est en effet plus le marché national, mais le marché européen. Il faut en avoir conscience. Malgré tous les efforts de la SNCF, nous n’obtiendrons pas un report modal en restant en situation de monopole. La pratique l’a clairement montré. Demander le maintien du statu quo, c’est vouloir la perte, année après année, de parts du marché du fret. C’est contraire à l’intérêt général et à celui de la SNCF. Les résistances rencontrées relèvent, pour moi, du corporatisme et sont suicidaires.

M. Alain Ferry. Eh oui !

M. Christian Philip. Il faut avoir le courage de dire clairement que la concurrence permettra d’améliorer la qualité de service tout en réduisant les coûts pour les chargeurs. Toute la chaîne du transport sera alors plus compétitive. Cela représente, certes, un défi pour la SNCF, mais également une chance de développer son influence au niveau international. Monsieur Desallangre, vous déplorez que sa mise en œuvre ait été avancée au 31 mars prochain, mais auriez-vous préféré que la France renonce à l’aide apportée à notre entreprise nationale au titre du plan fret ?

M. Jacques Desallangre. Elle a réduit les crédits !

M. Christian Philip. S’agissant de la possibilité de recours aux partenariats publics-privés, je tiens, là aussi, à soutenir votre démarche, monsieur le ministre. Pour moi, il ne s’agit pas d’un mécanisme visant à remédier aux contraintes normales budgétaires de l’État, mais d’un formidable moyen d’engager les entreprises dans le développement des infrastructures ferroviaires et, partant, de jouer le jeu du développement du chemin de fer. Voilà pourquoi nous y sommes favorables.

La mise en place d’un mécanisme de répercussion automatique des variations du prix du pétrole sur le prix du transport facturé aux chargeurs doit prendre en compte l’importance économique des petites et moyennes entreprises dans le secteur des transports routiers et la crise vécue actuellement le place en exergue. Cette mesure proposée va donc dans le bon sens. Elle contribuera à la préservation de l’emploi et de l’activité nationale dans un secteur qui compte 400 000 actifs dans notre pays.

Notre rapporteur a tout à l’heure dit combien étaient positives les dispositions renforçant les exigences de sécurité pour les tunnels routiers longs de plus de 500 mètres, l’aggravation des sanctions relatives au débridage des véhicules à deux roues et des quads ou l’immobilisation et la mise en fourrière des véhicules en cas d’excès de vitesse supérieur à cinquante kilomètres à l’heure. Ces mesures, prises collectivement, montrent l’effort remarquable consenti pour développer la sécurité. Elles méritent d’être soulignées.

Je me félicite aussi de la possibilité de réaliser une inspection au sol des avions des pays tiers à l’Union européenne atterrissant sur des aéroports communautaires. C’est un élément indispensable à une meilleure sécurité du transport aérien.

Enfin, même si nous allons y revenir dans la discussion article par article de ce texte, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir mené à bien la réforme du contrôle du stationnement payant sur voirie. Ce n’était pas facile. C’est une évolution utile qui enrichira le texte, et je sais la part personnelle que vous avez prise pour recueillir les accords nécessaires.

C’est pourquoi vous pouvez être assuré de mon entier soutien et de celui du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre, si je devais en quelques mots définir la politique de votre gouvernement en matière de transport, je dirais plutôt qu’il n’a pas de politique structurée, comme l’a montré le débat concernant la taxe sur les billets d’avion. Si, à titre personnel, j’approuve bien évidemment la finalité de cette taxe, je m’étonne que l’on n’ait pas défini une politique globale de transport en France, avec une articulation avec les politiques européennes.

Je ferai le rapprochement entre le texte qui nous est présenté aujourd’hui et celui relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport dont j’ai été rapporteure, loi du 3 janvier 2002 qui a par ailleurs inspiré la directive européenne de 2004 que ce texte transpose à l’article 8. Au-delà de l’approche politique, on voit la différence de méthode, la vôtre faisant peu de cas de l’avis des partenaires sociaux, j’y reviendrai.

La loi de 2002 a permis d’harmoniser les procédures de contrôle de sécurité entre les différents modes de transport, de définir une méthode et un corps de règles qui permettent de vérifier aux étapes clefs de la vie des ouvrages et des infrastructures de transport présentant des risques particuliers que l’on a un niveau optimal de sécurité.

Pour nous, l’État doit jouer un rôle fondamental en matière de sécurité des personnes, mais bien davantage en matière de prévention des accidents. Notre texte affirme ainsi que « la sécurité est une question globale, qui fait partie des missions essentielles de l’État, celui-ci devant veiller à ce que la recherche de la sécurité soit garantie partout, pour tous les modes de transport et pour tous les usagers ».

C’est la première divergence avec votre texte, monsieur le ministre, ce dernier actant le désengagement de l’État dans ce domaine. L’État était en effet placé au cœur de notre dispositif. Or, dans le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, un certain nombre de missions régaliennes incombant à la puissance publique sont transférées au privé ou à des autorités autonomes, je veux bien sûr parler de la possibilité pour RFF et VNF de recourir au contrat de partenariat, du transfert de l’exploitation des ports non autonomes à des sociétés portuaires, sur le modèle des sociétés aéroportuaires, ou encore de la création d’un établissement public sur la sécurité ferroviaire.

Seconde divergence, votre texte n’a quasiment fait l’objet d’aucune concertation, d’aucun dialogue avec les partenaires sociaux et acteurs concernés par ce texte. Je citerai les organisations syndicales, le conseil supérieur du service public ferroviaire, le conseil national des transports, le conseil supérieur de la marine marchande et le conseil supérieur de l’aviation marchande. Vous le faites passer dans l’urgence et en force alors que, pour nous, le dialogue social est un échange constructif et naturel, que nous avions engagé pour le texte de 2002, mais que vous avez évité. C’est fort regrettable car votre texte aurait pu être enrichi de considérations et d’approches d’hommes de terrain.

Concernant le volet sécurité, il est aisé de constater que la portée de certains articles du texte est limitée par les moyens et dispositions que vous préconisez.

Ainsi, le désengagement de l’État en matière de construction, de régénération et de maintenance des infrastructures va à l’encontre de cette sécurité. Le rapport d’audit de RFF du 20 septembre dernier sur l’état des infrastructures du réseau ferré national conclut à la dégradation progressive du réseau, faute d’investissement de renouvellement depuis plusieurs années.

Le rapport retient comme scénario optimal, à l’horizon de vingt ans, 500 millions d’euros supplémentaires chaque année. Cependant, le projet de budget des transports pour 2006, que nous avons examiné quelques semaines après la remise de ce rapport, prévoit une enveloppe pour le renouvellement du réseau ferroviaire français identique à 2005, soit 900 millions d’euros. Compte tenu de l’inflation, ces crédits sont donc en baisse de 2 %. Comment faire ainsi croire à la représentation nationale que la sécurité des usagers et des personnels va être assurée ?

Au lieu d’engager dans le budget général de l’État les investissements nécessaires, vous prévoyez dans ce texte, à l’article 13, la possibilité pour RFF de recourir à des contrats de partenariat pour la construction, l’entretien et l’exploitation de tout ou partie de l’infrastructure. Ce recours au PPP n’est pas la solution et ne peut se substituer à l’action de l’État.

Je vous rappelle, et nous les avons déjà exposés dans un précédent texte, les risques qu’entraînent ces contrats de partenariat.

Le premier tient au fait que le partenariat public-privé permet de confier dans un même marché la conception, le financement, la construction mais aussi l’exploitation ou la maintenance. Loin d’être anodine, cette règle du jeu doit être fermement dénoncée et, d’ailleurs, la Cour des comptes s’en est fortement inquiétée après l’effondrement du terminal 2 E de Roissy, ADP cumulant les fonctions de propriétaire, concepteur et bâtisseur.

Le deuxième, c’est l’explosion fiscale à retardement des contrats de partenariat, puisque ce n’est que plus tard qu’apparaîtra clairement la charge totale supportée par les citoyens. Ce risque peut être amplifié pour les collectivités locales, qui se voient transférer par l’État un nombre croissant de compétences, sans marge financière, dans une décentralisation mal pensée.

Enfin, le troisième tient au principe même des PPP qui, appliqués aux transports, nous rappellent indéniablement le système britannique. Il s’agit tout simplement de dépecer la fonction publique en privatisant ce secteur, y compris dans des domaines relevant de la souveraineté nationale.

C’est pour éviter ces risques que nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 13.

C’est encore contre ce désengagement de la puissance publique que nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 1er, relatif à la création d’un établissement public de sécurité ferroviaire. Celle-ci résulte de la mise en œuvre de l’article 16 de la directive relative à la sécurité des chemins de fer communautaires, qui prévoit que chaque État membre établit une autorité de sécurité. Or la directive permet de choisir pour cette fonction le ministère chargé des transports. Votre choix de créer un établissement public est discutable puisque celui-ci dispose d’une certaine autonomie administrative et financière, à la différence des administrations centrales. L’État doit rester le garant de la sécurité ferroviaire, tout comme il est le garant de la sécurité du transport aérien par le biais de la direction générale de l’aviation civile ou encore de la sécurité environnementale avec les DRIRE.

Par ailleurs, et je vous demanderai, monsieur le ministre, de vous prononcer à ce sujet, il convient d’aller plus loin dans votre rédaction concernant cette autorité. En effet, quels moyens financiers et humains lui seront accordés ? La sécurité est assurée par des hommes et leur expertise. La loi doit donc le prévoir.

Cette même question se pose concernant l’article 8 sur la sécurité dans les tunnels routiers. La mise en place d’un agent dans les tunnels de plus 500 mètres va dans le bon sens mais, là encore, quels moyens humains et financiers nécessaires pour tenir vos engagements allez-vous mettre en place ?

Concernant la sécurité aérienne, je salue la transposition en droit français du programme européen SAFA. Je regrette toutefois qu’elle soit aussi tardive et, surtout, qu’elle se fasse sous la pression après les catastrophes aériennes de cet été. Par ailleurs, où sont les moyens techniques pour exercer un véritable contrôle régulier de la sécurité aérienne, et quelles seront les modalités d’application ?

La mission parlementaire sur la sécurité du transport aérien de voyageurs avait demandé, parmi ses quarante propositions, de faciliter le compte rendu aux autorités de l’aviation civile des États membres des événements ayant un impact sur la sécurité des vols, en introduisant une protection contre toute sanction administrative et disciplinaire du notifiant qui rend compte spontanément et sans délai d’un événement relatif à la sécurité dans le transport aérien, sauf en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité.

Je ne peux que souhaiter que cette volonté inscrite dans la loi, associée à des moyens technologiques particulièrement performants, comme le QAR, quick access recorder, ou le PRF, post flight report, qui permettent d’accéder immédiatement aux paramètres techniques caractéristiques d’un avion et aux paramètres significatifs des vols précédents, marque une évolution très nette dans la sécurité aérienne. Nous demandons un bilan sur la mise en œuvre effective de ces nouvelles obligations et cela me paraît particulièrement justifié.

Enfin, sur ce chapitre du transport aérien, je voudrais évoquer l’article 7 ter, introduit par le Sénat, ratifiant l’ordonnance du 28 juillet 2005 relative à la sûreté des vols et à la sécurité de l’exploitation des aérodromes, car celle-ci pose de nombreuses questions.

Cette ordonnance modifie la répartition des rôles respectifs de l’État et des gestionnaires d’aérodromes dans l’exercice de la mission sûreté. Elle prévoit, en effet, qu’il appartient désormais aux gestionnaires d’aérodromes de mettre en œuvre les mesures de sûreté, transférant ainsi à des tiers des fonctions de police, et notamment la surveillance des usagers du transport aérien. Ils se voient donc confier la responsabilité de tâches indissociables des missions de souveraineté de l’État, « un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique ». C’est donc contre cette ratification que nous déposons un amendement de suppression de l’article 7 ter.

S’agissant des ports maritimes, l’article 15 decies, introduit par amendement au Sénat, applique le système des sociétés aéroportuaires aux ports non autonomes. Vous transférez l’exploitation de ces ports, en cours de concession, à des sociétés de droit privé, spécialement créées, dont le capital sera détenu par des personnes publiques, dont les CCI. Le groupe socialiste ne peut que s’opposer à cette mesure, tout comme il l’avait fait pour les sociétés aéroportuaires. Elle n’est justifiée que par la recherche de rentabilité, ouvre la voie à la privatisation des ports et marque une fois de plus le désengagement de l’État en matière de transport.

Pour finir sur le volet sécurité, je veux évoquer les dispositions applicables au transport routier. Le texte accorde des dérogations, par accord ou convention collective, à la durée maximale de dix heures de travail de nuit du personnel roulant des entreprises de transport sanitaire, c’est-à-dire les ambulanciers. La justification, c’est qu’ils sont tenus d’effectuer des gardes de nuit de douze heures. L’article 17 déroge à l’obligation de pause pendant la journée pour les ambulanciers et pour les salariés du transport routier de voyageurs en zone interurbaine. Nous avons auditionné ces personnels. Ils jugent la mesure pertinente mais trouveraient tout de même judicieux que des compensations soient prévues. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Avant d’en venir à la principale disposition de ce texte, qui concerne le volet développement des transports, à savoir l’article 12 et la transposition dans la LOTI du deuxième paquet ferroviaire, il me faut revenir encore une fois sur votre politique actuelle de développement des transports.

Je ne saurai passer sous silence l’ouverture du capital des sociétés autoroutières et ses conséquences sur l’agence de financement des infrastructures de transport de France. Nous avons eu un débat à ce sujet dans cet hémicycle en octobre dernier et, sur tous les bancs, des voix se sont élevées contre cette ouverture, y compris sur vos propres bancs. Cette opération, à courte vue, grève l’avenir des transports en France. La manne financière des dividendes autoroutiers devait, via l’AFITF, financer le programme d’infrastructures acté au CIADT du 18 décembre 2003. La création de cette agence reposait donc sur le principe du choix de ressources pérennes venant du secteur du transport pour les affecter aux infrastructures multimodales de transport. Avec la privatisation totale des autoroutes, la stratégie de financement des infrastructures de transports est totalement remise en cause, et par là même leur développement.

J’en viens donc maintenant à la principale mesure du texte, le fret ferroviaire.

Les chiffres nous prouvent qu’il n’est pas question de développement. Le plan fret mis en œuvre le 16 mars 2003 avait pour objectif le retour à l’équilibre des comptes en 2006, après l’ouverture à la concurrence des réseaux des États membres pour les entreprises ferroviaires effectuant des services intérieurs de fret. Vous vous êtes engagés à réduire les sillons utilisés par la SNCF de 18 %, le volume transporté de 10 % et les effectifs de 10 %. À ce jour, 22 000 sillons ont été abandonnés, quatre gares de triage et seize gares de triage principales ont été fermées et plus de cent gares vont l’être dans les mois à venir. L’application de ce plan en 2005 a également entraîné la suppression de 2 666 postes.

Votre vision du développement du fret en France passe par la fermeture de gares et dessertes considérées comme peu rentables avec de graves conséquences en termes d’environnement et d’aménagement du territoire, des volumes importants étant transférés vers le réseau routier, déjà fortement engorgé. Qu’en est-il de l’incantation sans cesse renouvelée sur l’équilibre intermodal, quand on sait que la SNCF fait transporter ses traverses par le mode routier ?

C’est à la suite de la validation de ce plan par les autorités européennes et d’une aide de 800 millions d’euros que votre gouvernement a accepté d’avancer le calendrier d’ouverture à la concurrence du deuxième paquet ferroviaire. En effet, la directive européenne prévoyait une ouverture au 1er janvier 2007. En contrepartie de l’aide, la date a été avancée au 31 mars 2006. Nous ne pouvons que nous opposer à cette mesure et c’est en ce sens que nous déposons un amendement visant à revenir à la date initiale.

Par ailleurs, le groupe socialiste demande à nouveau, en proposant d’insérer un article additionnel, qu’aucune nouvelle ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire n’ait lieu avant que le Gouvernement n’ait remis au Parlement une étude sur l’impact de la première phase d’ouverture, intervenue en mars 2003, sur la qualité du service.

Cet amendement revêt une grande importance à nos yeux puisque les paquets ferroviaires se succèdent sans aucun retour d’impact.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

Mme Odile Saugues. Ainsi, vous nous demandez d’adopter la transposition du second paquet ferroviaire, alors que le Conseil européen des ministres des transports a déjà examiné le troisième paquet lundi 5 décembre.

Enfin, cette ouverture à la concurrence aura des conséquences sur la sécurité ferroviaire, et aucun investissement n’est prévu pour y remédier. Pourtant le réseau est déjà en souffrance. Vous reproduisez les mêmes erreurs que les Britanniques.

M. Michel Bouvard. Il ne faut pas exagérer !

Mme Odile Saugues. La catastrophe de Paddington en 1999 a pourtant été révélatrice, non seulement du fiasco de Railtrack – remplacé par Network Rail, société contrôlée par le gouvernement – qui a été incapable d’assurer la gestion et l’entretien des chemins de fer, mais d’une manière générale du système libéral. Pourtant, vous persistez et vous signez.

Je terminerai mon propos par les dispositions visant à développer les radios d’information routière, visées à l’article 14. Reconnaître une mission de service public aux radios d’information routière paraît louable. Or cet article réserve un droit de propriété aux personnes morales chargées d’une mission de service public de sécurité routière, ce qui implique que toute radio du secteur privé peut bénéficier du droit de préemption jusqu’alors réservé au seul service public radiophonique. Par ailleurs, et c’est la seconde raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression, cet article n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les acteurs radiophoniques concernés et encore moins avec l’autorité de régulation : le CSA, n’a pas été saisi pour avis, comme le prévoient pourtant les textes. Il a d’ailleurs saisi le Premier ministre et exprimé son inquiétude quant à l’usage qui pourrait être fait de ce nouveau droit à priorité. J’espère, monsieur le ministre, qu’en son nom, vous nous répondrez à ce sujet.

En conclusion, ce texte n’est rien d’autre qu’un vide-poche législatif traitant indifféremment des modes de transports, ne définissant pas de priorité de sécurité et n’évoquant, à aucun moment le problème de l’équilibre intermodal. Il importe pourtant de se doter de grandes orientations pour un report modal à la fois en matière de voyageurs et de marchandises. C’est une des clefs du développement du transport dans notre pays et, compte tenu des pollutions existantes, d’une protection de l’environnement bien comprise. Pour cela, le soutien apporté aux régions doit être fort, les déséquilibres entre modes de transport doivent s’estomper, les investissements être massifs et la régénération du réseau réalisée.

Votre texte ne fait qu’accentuer le désengagement de l’État en déléguant au privé les missions incombant à la puissance publique. Nous sommes persuadés que le privé, qui ne s’intéresse traditionnellement qu’aux marchés les plus rentables, n’assurera ni la péréquation en matière d’aménagement du territoire ni la sécurité dont l’État reste à nos yeux le seul garant.

Pour toutes ces raisons que le groupe socialiste s’opposera à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet des transports est à la fois éminemment stratégique et incroyablement délicat, comme nous n’avons pas manqué de le rappeler lors de l’examen de la mission « Transports » du budget.

Incroyablement délicat, puisque le Gouvernement a choisi, envers et contre tout, la privatisation des sociétés d’autoroute et que le contexte actuel est marqué tout à la fois par la hausse du prix du pétrole et les questions environnementales.

Éminemment stratégique, puisque le contexte est maintenant européen – ce texte, portant essentiellement transposition de directives européennes, en est la meilleure preuve – et puisqu’il est le gage d’un aménagement harmonieux du territoire. Philippe Folliot a eu d’ailleurs cette très belle image : « II en est des territoires comme du corps humain : si des muscles sont mal irrigués, ils s’atrophient ».

C’est un texte au contenu hétérogène. Les dispositions vont en effet de la sécurisation des tunnels routiers à la création d’un service public de l’information routière, en passant par des dispositions sociales relatives au transport maritime et à la libéralisation du marché du fret. Une plus grande cohérence l’aurait probablement rendu plus lisible.

Mme Odile Saugues. C’est sûr !

M. Pierre-Christophe Baguet. Mais il va quand même dans le bon sens, notamment en ce qui concerne la sécurité. Nous ne pouvons en effet pas oublier les drames survenus cet été, et notamment celui qui a frappé nos compatriotes de la Martinique. Nous nous félicitons donc de l’introduction dans notre droit de la faculté pour l’autorité administrative de mener des contrôles SAFA – Safety Assessment of Foreign Aircraft – permettant de contrôler toutes les personnes, tous les biens visés par les règles de sécurité aérienne figurant dans le bloc communautaire ainsi que tous les aéronefs des pays tiers. Nous saluons également la sécurisation des tunnels routiers de plus de 500 mètres avec la mise en place d’un agent de sécurité, chargé de coordonner toutes les mesures de prévention et de sauvegarde pour garantir la sécurité des usagers et du personnel d’exploitation, ainsi que la création d’un groupement d’intérêt public à la sécurité maritime qui prendra en charge la gestion du système d’information Equasis.

Pour ce qui est du développement et de l’ouverture à la concurrence du marché du fret, je tiens à rappeler que l’UDF a toujours été favorable au principe de la libéralisation du transport ferroviaire. Le développement de la concurrence dans le domaine du fret est positif pour la SNCF. On ne peut comprendre qu’elle gagne des parts de marché en Europe, ce qu’elle fait très bien grâce à ses compétences, en Allemagne ou en Grande-Bretagne par exemple à travers ses filiales Keolis et SNCF-International, sans que le marché national soit, de son côté, ouvert. Elle n’a aucune raison être craintive, compte tenu de son savoir-faire. Il serait donc paradoxal que nos concitoyens soient les seuls à ne pas profiter des trésors d’énergie que la SNCF est capable de déployer pour conquérir des marchés à l’étranger.

Nous nous félicitons vivement de la possibilité de recourir au partenariat public-privé pour le transport ferroviaire. Nos collègues sénateurs ont quant à eux proposé un amendement étendant cette possibilité à Voies navigables de France afin notamment de financer le développement de nouvelles infrastructures fluviales, comme le projet Seine-Nord. Nous nous réjouissons de l’adoption de cet amendement. François Sauvadet, lors de l’examen de ce texte en commission, a également rappelé la nécessité d’assurer la jonction entre le Rhône, la Saône et le Rhin. Initialement réservé au transport routier, ce système est donc maintenant étendu aux transports maritime et ferroviaire. Il permettra ainsi à la France de se doter d’infrastructures nouvelles nécessaires et performantes. Enfin, toutes les mesures prises afin d’amortir le choc de la hausse du pétrole seront les bienvenues.

Il y a donc dans ce texte de nombreuses avancées qui mériteraient que le groupe UDF le vote, sous réserves notamment de l’adoption de deux amendements que j’ai déposés, le premier qui supprime la création unilatérale d’un service public de l’information routière et permet l’octroi prioritaire de fréquences à une radio de sécurité routière et l’autre qui étend aux entreprises utilisant des deux roues l’octroi de la licence de transporteur routier.

En premier lieu, s’agissant de la question du service public d’information routière, avec l’article 14, nous sommes face à une spécificité bien française et néanmoins ahurissante, qui consiste à donner d’une main des pouvoirs et des missions à une autorité indépendante de régulation, en l’occurrence le CSA, pour les lui retirer de l’autre en lui imposant purement et simplement des décisions extérieures. Il est pourtant d’usage d’obtenir l’avis du CSA pour toute modification de la loi sur la communication audiovisuelle. L’absence de concertation sur cette disposition est dénoncée par tous. Et que dire des conséquences d’une telle mesure sur le travail engagé par le même CSA pour optimiser la planification de la bande FM et le développement de la couverture des services de radio ? Par ailleurs, le Parlement a toujours refusé d’octroyer ce genre de priorité à des radios privées, ce qui nous permet d’avoir un des paysages radiophoniques les plus diversifiés au monde. Contribuer à la sécurité sur les autoroutes est certes un objectif louable, mais nous ne pouvons pas accepter cet article, d’autant que sa formulation reste extrêmement floue et renvoie trop de dispositions au décret.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article et le report de son examen dans le cadre du projet modifiant la loi sur la liberté de la communication, qui devrait être présenté en 2006, ce qui laissera donc le temps à une véritable concertation.

Monsieur le ministre, je vous en conjure, toute modification de la loi de 1986 doit être faite avec la plus extrême prudence. Comme membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur du budget de la communication, et auteur d’un rapport sur la réorganisation de la bande FM, je peux vous assurer que – presse écrite, radio, télévision – tout le secteur se tient. Toucher à la radio aura des répercussions sur la presse quotidienne régionale.

Notre second amendement rétablit une disposition que le Sénat, dans sa grande sagesse, a apportée à ce texte et qui rend obligatoire l’inscription au registre des transporteurs pour les entreprises effectuant du transport léger de marchandises avec des deux roues motorisées. Cette disposition est d’autant plus positive qu’elle donne un vrai cadre juridique à cette profession, contribue à la protéger d’une concurrence déloyale dangereuse, tout en lui imposant des obligations en matière de capacité professionnelle et financière et d’honorabilité.

Pourtant, la commission des affaires économiques est revenue sur cette avancée et bien que le rapporteur –et je l’en remercie– ait repris une partie des dispositions relatives à l’inspection du travail, il ne va pas aussi loin que les sénateurs. Je le regrette vivement et je déposerai donc un amendement qui reprendra les dispositions laissées de côté et qui rendra obligatoire l’inscription au registre des transporteurs pour les entreprises effectuant du transport léger de marchandises avec des deux-roues motorisés. C’est en outre une excellente façon de lutter contre le travail au noir, ce qui est un objectif prioritaire du Gouvernement.

J’exprimerai également un regret sur l’absence de dispositions en faveur de l’environnement, alors même qu’elles devraient accompagner toutes les mesures concernant le transport, notamment les décisions touchant à son développement. Les transports sont considérés comme la première source de pollution et sont responsables de 60 % des émissions des gaz à effet de serre.

Certes, il est bien question du bruit, à l’article 7 bis, mais encore, n’est-ce qu’après un ajout voté par le Sénat. Et qu’en est-il des biocarburants, sujet ô combien cher à l’UDF ? Des dispositions sont prises pour amortir la hausse du prix du pétrole et des mesures telles que le soutien au développement des véhicules flexi-fuel, à la filière des esters éthyliques ou des huiles végétales pures ou encore l’extension de la possibilité d’incorporer les biocarburants à tous types de carburants, et pas seulement ceux des voitures, auraient donc été tout à fait bienvenues. Les avancées en la matière sont encore trop timorées, notamment par rapport à ce que proposent nos voisins européens à leurs concitoyens et à ce qu’autorise la réglementation européenne. Il serait temps que la France retrouve sa place parmi les premiers pays européens.

Enfin, même si les noms des repreneurs sont en passe d’être annoncés, et malgré les incertitudes pesant encore sur la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, je tiens à réaffirmer l’opposition du groupe UDF à la privatisation des sociétés d’autoroute. Comment justifier la vente de biens appartenant aux Français sans même recueillir leur assentiment ? Pourquoi sacrifier la construction d’infrastructures à long terme au profit de recettes à court terme ?

Enfin, l’UDF s’oppose à la décision récente du Gouvernement concernant le remboursement de la TVA sur les péages d’autoroute, contraire à une décision de la Cour européenne de justice et à un arrêt du Conseil d’État. Une telle décision, dénoncée par Charles de Courson, est un signal démoralisateur adressé au transport routier dont l’état financier est aujourd’hui très alarmant. Une décision inverse aurait en effet renforcé les bonnes mesures en faveur de l’amortissement de la hausse du prix du carburant inscrites dans ce texte. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous êtes en négociation avec les syndicats professionnels concernés.

En conclusion, nous formulons le vœu que les attentes du groupe UDF soient prises en compte.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, no 2604, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports :

Rapport, n2723, de M. Dominique Le Mèner, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n2733, de M. Hervé Mariton, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)