Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 20 décembre 2005

106e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

sommet européen de Londres

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la France sort incontestablement affaiblie du dernier sommet européen de Londres. Les observateurs politiques ont, à juste titre, noté que le chef de l’État était comme absent des négociations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si nous avons particulièrement pu constater l’influence d’Angela Merkel (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), le Président de la République s’est trouvé relégué, lui, au simple rôle de spectateur. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’a pas su porter la volonté et le souffle politique dont l’Europe a aujourd’hui besoin. La voix de la France dans l’Union européenne est à présent inaudible. Monsieur le Premier ministre, la conséquence de la faiblesse française durant les négociations est grave. Le budget au rabais dont s’est dotée l’Union européenne ne fait que refléter les intérêts particuliers de chaque État membre. Les concessions octroyées à chacun, au coup par coup, ne constituent en rien une réponse commune durable à la hauteur des défis européens. C’est donc un sommet pour rien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’accord final, qui ne comprend qu’une remise en cause très limitée du « chèque britannique », se traduira par un recul des engagements de l’Europe en faveur du développement économique, de la recherche ou de l’innovation. Ce budget ne permettra pas non plus de soutenir la croissance et l’emploi. Que penser, de plus, de la question du financement pérenne de l’élargissement ?

Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, la question de l’application du taux de TVA à 5,5 % pour la restauration, dont votre gouvernement a fait grand bruit, ne figure même pas dans les termes de l’accord trouvé la semaine dernière. Elle est simplement renvoyée au conseil des ministres de l’économie et des finances de janvier prochain.

Face à ce constat d’échec, ma question sera donc double. Où est le respect des engagements de votre gouvernement, alors que l’Assemblée nationale s’est résignée à émettre une simple résolution au profit de la restauration et de sa TVA pour marquer son soutien aux négociations avec nos partenaires européens ? Et que comptez-vous faire pour que la France redevienne porteuse d’une ambition réelle et volontaire pour l’Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, le dernier conseil européen s’est conclu par un bon accord pour l’Europe et pour la France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cet accord est bon pour l’Europe parce qu’il repose sur deux principes : la solidarité, ce budget européen permettant de financer l’élargissement aux nouveaux États membres et une convergence économique et sociale entre les nouveaux et les anciens États membres, seule condition pour éviter les délocalisations vers les nouveaux États membres et le dumping social ; mais aussi l’équité, car, comme vous l’avez souligné, pour la première fois depuis 1984, le mécanisme du « chèque britannique » a pu être modifié, de sorte que tous les pays membres, y compris le Royaume-Uni, participeront au financement de l’élargissement.

Enfin, cet accord est bon pour la France, parce qu’il est au rendez-vous de la stabilité des politiques communes et, en particulier, celle de la politique agricole commune jusqu’en 2013.

M. André Chassaigne. Et après ?

M. Jean-Marc Ayrault. Et la TVA ?

M. le ministre des affaires étrangères. Enfin, chacun a pu constater que le pilier franco-allemand a tenu et qu’il a justement permis à l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la Belgique et le Luxembourg de rejoindre notre position. Quand le pilier franco-allemand marche et qu’il s’ouvre aux autres, nous nous imposons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

S’agissant de la TVA, nous avons un rendez-vous le 24 janvier lors du conseil des ministres de l’économie et des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Breton défendra, comme il l’a fait et comme le souhaite le Gouvernement, le principe de la TVA basse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour le bâtiment, parce que l’emploi est en cause, et pour la restauration.

Quant au budget, monsieur le député, j’ai lu que le parti socialiste voulait un budget plus important…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !

M. le ministre des affaires étrangères. … de 1,2 %. Cela ne m’étonne pas que, sur la période 2007-2013, les socialistes proposent 140 milliards d’euros supplémentaires ! Les contribuables jugeront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe UDF.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Monsieur le ministre, la loi du 11 février dernier a institué la nouvelle prestation de compensation du handicap beaucoup plus ambitieuse que l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, qui, elle, reposait sur le seul handicap. Cette loi prévoit que la prestation de compensation du handicap sera individualisée notamment en fonction du projet de vie de la personne en ce qui concerne tant l’aide humaine que matérielle. Cette loi prévoit également la mise en place d’une maison du handicap dans chaque département.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui paiera ?

M. Michel Hunault. Il s’agit là, monsieur le ministre, d’un grand chantier en faveur de la solidarité qui a suscité de la part des handicapés et de leur entourage beaucoup d’espoir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Qui paie ?

M. Michel Hunault. Ma question sera simple. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser quels moyens seront consacrés à cette prestation et nous indiquer la teneur des décrets d’application de cette loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député Michel Hunault, votre question arrive à point nommé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce matin, le Journal officiel a, en effet, publié plusieurs décrets, dont un extrêmement important définissant le contenu exact de la prestation de compensation du handicap.

Dès ma prise de fonction, il y a six mois, j’ai commencé par réunir les représentants des associations de personnes handicapées qui siègent au Conseil national des personnes handicapées…

M. Jean Glavany. Ah bravo ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …avec deux impératifs : l’urgence et la concertation.

M. Paul Giacobbi. Et le financement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Aujourd’hui, ces deux impératifs ont été respectés. Nous avons fixé un ordre de priorité : l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés,…

M. Augustin Bonrepaux. Qui paie ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …aujourd’hui égale à 80 % du SMIC pour les personnes handicapées en incapacité de travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui gère le produit de la journée de solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), la rentrée scolaire avec le principe de l’inscription de chaque enfant handicapé dans l’école de son village ou de son quartier et, enfin, les différents décrets d’application de cette grande loi sur l’égalité des droits et des chances en faveur des personnes handicapées, voulue pour le Président de la République. Ces décrets concernent la prestation de compensation du handicap (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), l’accessibilité pour les personnes handicapées à tous les bâtiments et aux guichets – pour les personnes sourdes ou malvoyantes, par exemple – et, enfin, l’emploi des personnes handicapées.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je le disais à l’instant : le Journal officiel a publié, ce matin, le décret relatif à la prestation de compensation du handicap. À la fin de l’année, toutes les conventions passées entre l’État, les départements et les caisses de sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux. Payées par qui ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …pour mettre en place les maisons départementales du handicap auront été signées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le président. Mes chers collègues !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. … à l’exception d’une seule – mais je suis persuadé que ce département rattrapera rapidement son retard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, vous m’avez posé la question du financement de cette prestation de compensation du handicap. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je suis heureux de pouvoir vous répondre qu’à la différence de ce qui a été fait dans un passé récent (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avec la création de l’allocation personnalisée d’autonomie pour les personnes âgées, nous avons réuni les crédits avant de créer la prestation ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous n’avons pas créé la prestation sans avoir les crédits (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Paul Giacobbi. C’est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Menteur !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …car, dès 2002, nous avons dû financer l’allocation personnalisée d’autonomie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, les décrets sur l’accessibilité passent aujourd’hui devant le Conseil national des personnes handicapées et tous les décrets relatifs à l’emploi sont présentés aujourd’hui devant le Conseil d’État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Paul. Ce n’est pas vrai !

drame du lycée d’étampes

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le ministre, l’agression inadmissible dont a été victime une enseignante, vendredi, à Étampes dans l’Essonne, a suscité une profonde et légitime émotion. Fort heureusement, ses jours ne sont pas en danger, mais ce grave incident soulève, une fois encore, le problème des moyens d’encadrement dont disposent les établissements scolaires. Vous proposez, monsieur le ministre, d’ouvrir des permanences de la justice et de la police dans ces établissements scolaires, mais, comme vient de l’exprimer l’unanimité de la communauté éducative, cette proposition est loin de répondre aux enjeux. Cette violence, inacceptable à l’école comme ailleurs, n’est que l’expression d’un délitement d’une société fondée sur les inégalités, l’insolence de la richesse de quelques-uns vis-à-vis du plus grand nombre, la remise en cause des valeurs de la République, de l’égalité, ainsi que la soumission des services publics au dogme de la marchandisation et de l’ultralibéralisme. C’est moins d’une réponse sécuritaire accompagnant cette dérive ultralibérale que les établissements, les enseignants et les jeunes ont besoin que d’un encadrement d’adultes dont le métier est d’éduquer et de former. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. François Liberti. La réponse appropriée est le recrutement de personnels d’encadrement et de santé dont le nombre a décru : 30 000 postes ont disparu ces dernières années. C’était tout le sens de notre intervention lors du vote du budget pour 2006. Au lycée d’Étampes où s’est déroulé le drame, l’équipe éducative réclame depuis longtemps une infirmière à temps plein, un proviseur adjoint, ainsi qu’une psychologue. Allez-vous les entendre, monsieur le ministre ? Allez-vous procéder aux recrutements nécessaires ? Allez-vous, comme le demandent les parlementaires communistes et républicains, prendre l’engagement de mettre en place un collectif budgétaire afin de donner à l’éducation nationale les moyens nécessaires pour renforcer l’encadrement éducatif et pédagogique dans tous les établissements scolaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je ne voudrais pas qu’on parte d’un acte particulièrement odieux pour poser un problème général, mais je vais vous dire quels sont les moyens dont dispose le lycée Louis-Blériot car je vous dois cette réponse.

Pour 370 élèves, il y a 22 personnels non enseignants, dont une infirmière et une assistante sociale à temps partiel, trois assistants d’éducation, quatre aides éducateurs et deux emplois vie scolaire. Quant aux enseignants, il y a trente-trois équivalents temps plein, quarante-sept enseignants à temps plein ou à temps partiel. Il y a entre douze et vingt-quatre élèves par classe, et le taux d’encadrement est d’un adulte pour six élèves, ce qui est tout à fait satisfaisant. Il serait malhonnête de dire qu’une telle agression n’aurait pas été commise si ce taux avait été meilleur, vous ne l’avez d’ailleurs pas dit.

L’éducation nationale est très clairement une priorité de la nation. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » se montent à 58,5 milliards d’euros, c’est-à-dire bien plus que l’ensemble de l’impôt sur le revenu. Ils sont en hausse de 3,65 % en 2006 par rapport à 2005, et vous ne les avez pas votés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’éducation nationale ne peut pas ignorer les évolutions démographiques. Il y a 411 000 élèves de moins qu’il y a dix ans. Au cours de la même période, on a créé 19 000 emplois d’enseignants et, pour 2006, nous créons mille emplois de professeur et 300 emplois d’infirmière.

Au-delà des chiffres, monsieur Liberti, la plus grande richesse de l’éducation nationale, c’est le dévouement des hommes et des femmes qui, sans compter, se donnent à leur mission d’enseignement, personne ne peut le nier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

lutte contre les réseaux d’immigration

M. le président. La parole est à M. Marc Francina, pour le groupe UMP.

M. Marc Francina. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Mercredi dernier, l’opération baptisée Pachtou a abouti à l’interpellation simultanée de quatre-vingt-dix personnes en France, en Italie, en Grèce, en Turquie et en Grande-Bretagne, démantelant ainsi la plus importante filière d’immigration irrégulière.

Mis en place il y a cinq ans, ce réseau très structuré a permis à des milliers de clandestins de se rendre en Grande-Bretagne via la région de Calais en échange d’importantes sommes d’argent.

Selon les enquêteurs, parmi les sept personnes interpellées en Grande-Bretagne, figurent l’organisateur et le financier présumés du réseau, et trois des suspects sont visés par un mandat d’arrêt européen lancé par la justice française.

En France, plusieurs personnes interpellées au cours de ce spectaculaire coup de filet ont été mises en examen, poursuivies pour aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’un étranger commise en bande organisée, tandis que dix autres ont été remises en liberté sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elles.

Cette action coordonnée, qui est une première, traduit l’efficacité d’une collaboration des policiers et des magistrats européens, dont l’enquête avait débuté en octobre 2004.

Monsieur le ministre d’État, quel bilan tirez-vous de cette opération concertée avec nos partenaires européens en matière de lutte contre l’immigration ? Pouvez-vous nous indiquer de quelle manière vous entendez lutter contre ces réseaux organisés qui profitent de la misère humaine d’immigrés en quête de l’eldorado européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, cette opération est exemplaire.

C’est une opération exemplaire parce que le Parlement a fait de l’esclavagisme un crime contre l’humanité et que les esclavagistes des temps modernes, ce sont les trafiquants qui utilisent la misère humaine pour faire venir dans nos pays des gens qui n’ont ni logement, ni emploi. Il n’y aucune faiblesse à avoir à leur endroit.

C’est une opération exemplaire parce qu’elle a mis en réseau les polices de cinq pays, la Grèce, la Turquie, la Grande-Bretagne, l’Italie et la France. Nous sommes confrontés aux mêmes problèmes, nous devons nous défendre tous ensemble contre les trafiquants.

C’est une opération exemplaire parce qu’on estime que ce réseau a fait venir jusqu’à 4 000 immigrants irréguliers, dont une grande partie se retrouvait dans le Calaisis par l’intermédiaire de Kurdes, d’Irakiens et d’Afghans.

C’est une opération exemplaire parce que vingt-deux personnes ont été interpellées dans notre pays, et que nous allons recommencer des opérations de cette nature. Les trafiquants n’ont aucune faiblesse à attendre de nous.

M. Jean Le Garrec. Lamentable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La seule réponse, c’est une fermeté déterminée car ils n’ont aucune excuse. Rien ne doit permettre à ces réseaux de prospérer sur le sol de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

sommet européen de bruxelles

M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour le groupe UMP.

M. Christian Philip. Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.

L’Union européenne n’avait aucun intérêt à une nouvelle crise. Aussi, l’accord enregistré sur les orientations budgétaires 2007-2013 est une vraie bonne chose pour elle, un peu trop malmenée en 2005.

Le compromis trouvé est équilibré. Le Président de la République a su rester ferme sur les engagements pris par nos partenaires en 2003 concernant la PAC. Comment peut-on dire qu’il n’était qu’un simple spectateur ? Il est important que le Royaume Uni ait enfin accepté de faire un geste sur son chèque. La situation de ce pays, heureusement, n’est plus celle de 1984, et je me félicite qu’on ait trouvé les moyens, et que la France y ait pris sa part, pour que la solidarité vis-à-vis des nouveaux États membres puisse s’exprimer.

Je regrette cependant qu’un accord sur les orientations budgétaires n’ait pu s’accompagner d’un compromis sur la baisse de la TVA pour la restauration. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Il faut tenir les promesses électorales !

M. Christian Philip. C’est un peu subitement, mesdames, messieurs de la gauche, que vous faites vôtre cette idée qui est celle que nous portons depuis trois ans !

Je pense que le Gouvernement saura rester ferme, conformément à la résolution votée par notre assemblée la semaine dernière.

Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous disiez quels lendemains on peut attendre après le compromis budgétaire trouvé à Bruxelles. J’aimerais aussi me féliciter de l’initiative prise par le Président de la République sur le plan institutionnel. L’Europe ne peut en effet rester sur l’échec du projet de constitution. Comment la France entend-elle consulter pour rendre publiques ses propositions institutionnelles ?

Dernier point, le Conseil européen s’est justement ému des attentats qui se poursuivent au Liban. Quelle initiative faudrait-il prendre pour éviter que, pendant la prolongation du mandat de la commission d’enquête créée par les Nations unies, la situation dans ce pays ami ne se dégrade encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Comme je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le député, c’est un bon accord pour la France.

Il a d’abord permis de stabiliser les politiques communes : la PAC, jusqu’au 31 décembre 2013, comme l’a demandé le Président, les fonds régionaux, 9 milliards d’euros, et la politique de développement durable, 6 milliards d’euros.

Concernant le chèque britannique, la solution qui a été obtenue est d’autant plus importante que la France en paie à elle seule 30 %.

Concernant le budget européen, nous avons décidé que la Commission ferait un rapport au Conseil dès 2008 sur une remise à plat du budget. Nous devons prendre des initiatives pour dire quelle politique commune nous voulons à partir de 2014, quelles recettes, quelles dépenses, quelle fiscalité.

Sur le plan institutionnel, il est d’autant plus important de faire des propositions que le Conseil a décidé la semaine dernière, ce qui est passé plus ou moins inaperçu, qu’il n’y aurait plus de nouvelles négociations avec quelque État que ce soit, y compris les Balkans, tant que les règles du jeu n’auraient pas été parfaitement définies, tant qu’on n’aurait pas approfondi la vie commune à vingt-cinq ou à vingt-sept.

M. Maurice Leroy. Et la Turquie ?

M. le ministre des affaires étrangères. Quant au Liban, je condamne bien sûr l’assassinat du député Tuéni. C’est scandaleux de voir ainsi bafouer les droits de l’homme dans ce pays. Comme l’a dit le Président de la République au nom de la France, la commission d’enquête de M. Mehlis, qui sera remplacé prochainement par un autre juge international, doit faire toute la lumière, toute la transparence. Les assassins du Premier ministre Rafic Hariri, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, doivent être punis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

violence à l’École

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Briot, pour le groupe UMP.

Mme Maryvonne Briot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, j’y associe mon collègue Franck Marlin, député-maire d’Étampes.

Monsieur le ministre, Mme Karen Montet-Toutain, enseignante d’arts plastiques au lycée Louis-Blériot d’Étampes, a été violemment agressée vendredi dernier par un élève de dix-huit ans en plein cours devant l’ensemble des autres élèves. Ce drame nous montre une nouvelle fois combien les maux et les violences de la société pénètrent à l’intérieur des établissements scolaires : 80 000 incidents en milieu scolaire ont été dénombrés l’an dernier.

Si l’école a toujours été et doit rester un sanctuaire à l’abri des influences de l’extérieur, qu’elles soient religieuses, politiques ou sociales, il convient de se garder de tout angélisme et de considérer avec justesse la vie des établissements scolaires. Aujourd’hui, on constate que se développent au sein de l’école tout à la fois les agressions physiques, le racket, les différentes formes de vandalisme et l’ensemble des incivilités que sont par exemple les paroles blessantes, les grossièretés diverses, les bousculades et les humiliations de toutes sortes.

On ne peut pas laisser les enseignants gérer seuls cette montée de la violence à l’école. Pouvez-vous donc dire à la représentation nationale comment vous comptez prévenir ce fléau avant que de tels drames ne se reproduisent ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, l’état de Mme Montet-Toutain s’améliore. Nous formons tous, j’en suis sûr, des vœux pour qu’elle se rétablisse rapidement et nous lui exprimons notre solidarité dans l’épreuve qu’elle traverse avec sa famille.

Nous ne pouvons pas accepter que des enseignants essaient d’enseigner la peur au ventre. Nous ne pouvons pas accepter que des jeunes essaient d’apprendre dans un climat qui ne serait pas totalement serein. Tout ne peut pas rester en l’état après le drame qui s’est passé. C’est pour ça que je dis très clairement aux enseignants qu’ils doivent porter plainte systématiquement et confier leur appréhension ou leurs difficultés avant que les drames ne surviennent.

Mme Martine David. C’est ce que cette enseignante avait fait, mais en vain !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est pour cela qu’un correspondant de la police ou de la gendarmerie doit pouvoir se rendre dans les établissements pour y tenir une permanence.

Nous devons également resserrer les liens entre les inspecteurs d’académie et les parquets pour donner suite plus rapidement et plus efficacement aux plaintes des enseignants. Le garde des sceaux y est tout à fait favorable. Les enseignants peuvent aussi s’adresser aux maisons de justice à proximité des établissements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour faire face à des situations nouvelles, nous devons aussi mieux former les professeurs.

Plusieurs députés du groupe socialiste. N’importe quoi !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai beaucoup discuté avec eux, ils me disent tous qu’ils n’ont pas été formés pour faire face à une telle tension comme les classes.

M. Maxime Gremetz. Il faudrait les envoyer à l’armée !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je travaille à la définition d’un cahier des charges des IUFM, de façon que les enseignants apprennent aussi à avoir une autorité naturelle dans la classe.

Cela dit, chacun le sait, l’essentiel, c’est la mission éducative. Ce n’est pas seulement le fait de l’éducation nationale, c’est aussi celui des parents, et c’est pour cela qu’il faut davantage les associer. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.) Je travaille actuellement sur un statut des parents dans les 250 collèges « ambition réussite ». Des salles de rencontre seront prévues pour y créer des écoles de parents de façon que les enseignants et les parents puissent travailler ensemble, que l’autorité soit commune et que les parents aident la communauté éducative dans son ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. À quand une école pour les ministres ?

VIOLENCE à l’école

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, je voudrais à mon tour, au nom du groupe socialiste, dire que nos pensées vont vers Mme Karen Montet-Toutain, professeure au lycée Louis-Blériot à Étampes, blessée par un de ses élèves vendredi dernier. Au-delà de cette enseignante, c’est à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale que nous tenons à témoigner de notre solidarité.

Il est en effet intolérable que des vies soient brisées au sein même d’un établissement scolaire, qui doit être le lieu privilégié de l’apprentissage du vivre ensemble par le savoir et la recherche de l’émancipation de chacun. Dans cette affaire, toute la lumière doit être faite sur les responsabilités de tous et la justice doit passer.

Mais quand la violence entre à l’école, c’est d’abord un échec du système scolaire tout entier. C’est donc à nous tous d’y apporter des remèdes de fond. Or je crains, monsieur le ministre, que ceux que vous avez préconisés hier et rappelés à l’instant, ne soient pas à la hauteur des problèmes graves que trop de jeunes affrontent et qu’ils traduisent hélas trop souvent en actes de violence.

L’autosatisfaction, dont vous venez de faire preuve en répondant à M. Liberti, n’est aucunement partagée par les enseignants, ni par les parents. Ce dont ont besoin les élèves en échec scolaire, ce ne sont pas des portiques de protection ou des caméras de vidéosurveillance. Ce sont des classes moins chargées (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), des équipes éducatives stables et formées qui leur redonnent confiance dans leurs possibilités de réussite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce dont les familles, souvent déstructurées par les difficultés de la vie, ont besoin, ce n’est pas de la suppression des allocations familiales que vous envisagez (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) mais de l’écoute de psychologues scolaires et d’assistantes sociales dont vous supprimez les postes dans vos budgets depuis trois ans.

M. Philippe Briand. Démago !

M. le président. Posez votre question, monsieur Durand !

M. Yves Durand. Les établissements scolaires ont certes besoin de sérénité et de sécurité, mais ce dont ont besoin les enseignants ce n’est pas de l’aide de policiers, de magistrats, mais de temps pour se concerter, pour écouter, pour travailler avec l’ensemble de l’équipe éducative. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous en prie ! Monsieur Durand, concluez !

M. Yves Durand. Monsieur le président, je parlerai lorsqu’il y aura un peu de respect. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Durand, vous faites la même chose quand les autres parlent !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai !

M. le président. Posez votre question, sinon je vous interromps !

M. Yves Durand. Vous avez déstabilisé ces équipes éducatives en supprimant massivement les surveillants, les emplois-jeunes et les postes d’enseignants par milliers !

Monsieur le ministre, même si vous semblez vouloir vous obstiner dans les mauvaises réponses, quand allez-vous enfin apporter les moyens d’une véritable réponse éducative au problème de l’école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Oui, monsieur Durand, toute la lumière sera faite. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai demandé à l’inspection générale un rapport. Il sera rendu au mois de janvier et vous pourrez en avoir connaissance.

Mais il est facile de faire des effets de tribune quand un drame s’est produit. Pensez d’abord à la victime (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Surtout, chaque fois que nous avons voulu rapprocher des services de l’État pour essayer d’obtenir plus d’efficacité dans la prévention, à chaque fois, de votre côté de l’hémicycle il y a eu des oppositions ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vais vous en donner trois exemples. Lorsque, avec le ministre de l’intérieur, nous avons voulu que des forces de police et de gendarmerie soient disposées à proximité des établissements scolaires, vous avez été contre ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quand nous avons voulu régler, par une circulaire sur la discipline scolaire, le problème des groupes d’élèves qui perturbaient les classes, vous avez protesté et même fait un recours ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean Glavany. Menteur !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Quand mon prédécesseur a proposé que l’on donne une note de vie scolaire aux élèves de troisième pour tenir compte de l’assiduité et du comportement, ce fut le même concert de protestations ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – « Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Politicien menteur !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela ne signifie pas pour autant, monsieur Durand, que la mission de l’école, qui doit avant tout privilégier l’éducation à la citoyenneté, au respect d’autrui et la réussite des élèves, doit être laissée de côté. Mais, nous en convenons tous, cette mission éducative ne peut être menée que dans la sérénité. Vous avez refusé de prendre des mesures pour l’assurer. Nous les prenons, ne vous en plaignez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. — Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Dette publique

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe UMP.

M. Philippe Auberger. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Monsieur le ministre, la commission chargée d’étudier la dette publique, présidée par M. Michel Pébereau, vient de remettre son rapport. Elle constate que la dette publique a été multipliée par cinq en vingt ans. Celle-ci atteint désormais 1 100 milliards d’euros à la fin 2005.

M. Jean Glavany. Et vous baissez les impôts !

M. Philippe Auberger. Les charges que cette dette crée chaque année sont à peine inférieures au produit de l’impôt sur le revenu. Elles deviennent de plus en plus insupportables.

La cause de cette situation est claire.

M. Maxime Gremetz. Le professeur Auberger va nous l’expliquer !

M. Philippe Auberger. Même lors des belles années de croissance, les dépenses des administrations publiques ont été supérieures de plus de 20 % aux recettes et elles ont dû être financées par l’emprunt.

Mais le rapport ne se contente pas de constater. Il propose notamment de revenir à l’équilibre du budget de l’État en cinq ans en stabilisant les dépenses en euros courants ; de ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l’équilibre ; d’affecter les recettes exceptionnelles, ventes d’actifs notamment, au désendettement de l’État et au fonds de réserve des retraites ; d’assurer le retour à l’équilibre des régimes sociaux pendant cette période ; de veiller à ce que les collectivités locales gardent une réelle maîtrise de leurs recettes mais aussi de leurs dépenses.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas le cas !

M. Philippe Auberger. C’est à l’honneur du gouvernement actuel d’avoir eu le courage d’engager ce débat sur le niveau de la dette publique.

Le Gouvernement a-t-il l’intention de retenir les orientations du rapport de M. Pébereau ? Lesquelles ? Comment compte-t-il les mettre en œuvre ? Et surtout, compte-t-il associer les collectivités locales et les partenaires sociaux à la maîtrise de l’endettement public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, nous avons souhaité, de façon non partisane (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), créer une commission au sein de laquelle siègent tous les partis représentés sur tous les bancs de cette assemblée. Ce que je vais vous dire a été accepté à l’unanimité des membres de cette commission.

Effectivement, monsieur le député, depuis vingt-cinq ans, on dépense plus qu’on ne le devrait. C’est un constat de la commission.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Desallangre. Et les salaires des patrons augmentent !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai aussi qu’il y a eu des périodes pendant lesquelles on a plus dépensé qu’à d’autres. Mais ce que je veux en retenir aujourd’hui en ce qui concerne l’action du Gouvernement, c’est d’abord qu’il est indispensable de recréer les conditions de la croissance. C’est ce qu’a fait ce gouvernement. Je vous rappelle qu’au troisième trimestre – et cela continue, je tiens à le dire – la croissance de la France est la plus élevée des grands pays européens.

M. Jacques Desallangre. Distribuez moins de dividendes !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il faut aussi mobiliser toutes les ressources pour l’emploi, car un inactif qui revient au travail c’est de la croissance en plus.

Mme Martine David. Quelle découverte !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et c’est aujourd’hui la volonté du Gouvernement.

Mais il y a eu aussi des périodes – c’est un constat de la commission – pendant lesquelles on a peut-être commis des erreurs économiques, comme les nationalisations à contresens de la mondialisation (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), la retraite à soixante ans sans mesure d’accompagnement, les trente-cinq heures non négociées. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Desallangre. Vous oubliez les salaires des grands patrons !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout cela se retrouve dans la dette – c’est ce qu’a constaté la commission.

Alors oui, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a d’abord remis la France à l’endroit. Il a fallu trois ans pour faire en sorte que les réformes aboutissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le Gouvernement de Dominique de Villepin peut maintenant, sans laisser personne sur le bord de la route, aller plus rapidement vers le désendettement.

M. Jacques Desallangre. Surtout si vous dites à vos amis d’investir !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est ce que le Premier ministre a demandé en convoquant pour le mois de janvier une conférence des finances publiques à laquelle il a invité tous les acteurs publics de façon que nous parlions ensemble de ce sujet important pour la France.

M. Jacques Desallangre. Qu’ils investissent au lieu de spéculer !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Premier ministre a aussi pris l’engagement qu’au mois de juin, devant cette assemblée, nous prendrions un engagement de désendettement pour les cinq ans qui viennent : il est possible, grâce à la politique que nous menons, de revenir en dessous des 60 % du PIB. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

opÉration nationale de parrainage

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Mathis. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

L’insertion professionnelle des jeunes est l’un des défis auxquels notre société est confrontée, mais celle des jeunes placés sous mandat judiciaire s’avère très souvent plus difficile encore. Pourtant, elle constitue l’un des moyens les plus efficaces pour leur permettre de trouver ou de retrouver leur place dans notre société.

Vous avez récemment lancé une opération nationale de parrainage par des chefs d’entreprise et des cadres pour accompagner ces jeunes dans leur insertion professionnelle. Dans votre dispositif, ces parrains s’engageraient à recevoir un jeune plusieurs fois dans l’année, afin de lui faire découvrir concrètement le monde du travail, de lui prodiguer des conseils et de l’orienter vers un stage ou un emploi.

En agissant ainsi de manière concrète, sur le terrain, vous offrez une chance supplémentaire à des jeunes qui ont mal engagé leur vie professionnelle.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités, les objectifs et le calendrier de la mise en œuvre de cette opération de parrainage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, cette opération de parrainage, que je souhaite lancer avec vous tous, correspond à un chiffre très parlant : en 2004, 80 000 mineurs ont été présentés à un juge.

Je demande à tous les Français qui le souhaitent – plusieurs milliers je l’espère – de consacrer en 2006 six heures de leur temps à ces personnes.

Pourquoi ? Ces jeunes ne connaissent que leur famille, souvent en grande difficulté. Ils n’ont parfois rencontré que des éducateurs ou des surveillants de l’administration pénitentiaire et personne d’autre.

Être reçu par quelqu’un, comme on dit chez moi, « d’aplomb », qui les écoute, les aide à présenter, voire à créer avec eux un projet professionnel ou éducatif et qui leur ouvre, en fin de parcours, son carnet d’adresses et essaie concrètement de les aider, peut changer la physionomie de leur avenir. Que la société inspire, par une attitude d’ouverture, la confiance, et non plus la méfiance, est une condition pour résoudre ce grave problème qui se pose à la France.

Voilà ce qu’il en est de cette opération de parrainage. Ce n’est pas très compliqué, comme vous pourrez le constater si vous avez l’occasion de voir l’animation que le ministère de la justice propose sur sa façade place Vendôme. On y voit en particulier une main qui se tend vers une autre : cette image symbolise le vœu que je forme pour l’année 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

privatisations

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le Premier ministre, la première décision prise par la direction d’EDF depuis la privatisation est la suppression de 6 000 emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Delebarre. Et allez donc !

M. Jean-Paul Bacquet. Les nouveaux actionnaires, quelque peu déçus par les premières cotations boursières d’EDF, ne peuvent que se réjouir de cette décision, qui s’est traduite immédiatement par une hausse du cours des actions.

On peut s’étonner, en revanche, qu’on ne s’interroge pas sur l’incidence d’une diminution drastique du nombre des emplois à EDF sur la qualité du service d’une entreprise qui assurait jusqu’ici une excellente couverture du territoire, la péréquation tarifaire et l’indépendance énergétique de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, vous venez, en privatisant les autoroutes, de brader le patrimoine de l’État pour 14,8 milliards d’euros, prix très inférieur aux 22 à 23 milliards d’euros annoncés dans cet hémicycle par M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) « Quelle erreur ce serait de se priver d’une ressource aussi sûre, stable et récurrente pour financer les infrastructures publiques, alors que le budget de l’État en est pour longtemps incapable » : c’est ce que disait il y a huit jours dans la presse Albin Chalandon, ancien ministre de l’équipement du général de Gaulle. Il ajoutait même qu’« une commodité immédiate du budget de l’État ne doit pas occulter une nuisance future pour le bien-être de la nation ».

Quand cesserez-vous, monsieur le Premier ministre, de privatiser le service public pour satisfaire les actionnaires, au détriment de la qualité du service et au prix d’une suppression massive des emplois ?

Monsieur le Premier ministre, la politique de la France se ferait-elle désormais à la corbeille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous vous êtes déguisé en un Père Noël dont la hotte est pleine de mensonges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ceci étant dit, je vous remercie me donner l’occasion de réaffirmer la cohérence de la politique gouvernementale.

Un député du groupe socialiste. L’incohérence, vous voulez dire !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Que nenni, monsieur le député : je parle bien de cohérence. Je vous rappelle que c’est M. Fabius qui avait décidé de mettre les autoroutes sur le marché, ce qui était une bonne décision – ses décisions n’ont pas toutes été mauvaises – car les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont des entreprises normales. Lorsque l’État a décidé de céder les titres qu’il détenait dans ces sociétés, nous en attendions une dizaine de milliards d’euros. La recette de ces privatisations s’élèvera finalement à près de quinze milliards d’euros.

À l’issue d’un processus assurant la plus grande transparence, et dans le respect des règles de la concurrence garanti par une autorité indépendante, à savoir la Commission des participations et des transferts, nous avons retenu trois entreprises. Ces trois entreprises assureront, sous le contrôle de l’État, en particulier du ministre des transports, Dominique Perben, un service de meilleure qualité et plus compétitif. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Paul Bacquet. Menteur !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin – et ce dernier point est loin d’être négligeable, mesdames et messieurs les députés – quatre milliards d’euros seront investis dans les infrastructures, notamment en ce qui concerne l’A 6 et l’A 8, et dix milliards d’euros seront consacrés au désendettement. Sans compter les économies de charges, cela représente, par exemple, la rémunération de 10 000 fonctionnaires des zones d’éducation prioritaire.

Voilà pourquoi j’affirme que la politique du Gouvernement est parfaitement cohérente, et je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

projet de loi relatif au droit d’auteur

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart, pour le groupe UMP.

M. Laurent Hénart. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, vous allez, dans quelques heures, défendre devant notre assemblée le projet de loi relatif au droit d’auteur. Ce projet de loi doit assurer, quoique tardivement, la transcription dans notre droit d’une directive européenne de 2001.

Ce projet vise surtout à répondre aux défis posés par les nouvelles technologies en matière de respect du droit d’auteur. Ce droit, juridiquement consacré, permet une rémunération de l’artiste au titre de l’œuvre qu’il a créée, en en autorisant la copie privée aux particuliers, à condition que cette reproduction de l’œuvre soit réservée à un usage strictement personnel.

Or la faculté ouverte par l’Internet de copier à l’infini en préservant la qualité de l’œuvre originale met en péril le droit de l’auteur, et donc à terme la création. C’est pourquoi le projet de loi vise à encadrer légalement cette pratique.

Mais ce projet de cadre légal suscite quelques inquiétudes, dont la presse s’est fait l’écho, auprès des associations, de certaines entreprises et des internautes. Ils craignent en effet que les mesures techniques de protection, qui visent à limiter la copie par l’Internet, restreignent la liberté de cet espace numérique.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous expliquiez concrètement l’impact du projet de loi, afin de rassurer ceux qui souhaitent que la Toile reste un espace de liberté, dans le respect du droit de l’auteur.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, le gouvernement de Dominique de Villepin, tout comme la majorité présidentielle, est résolu à faire profiter chacun de nos concitoyens des nouvelles technologies. Je le dis haut et fort : l’Internet est de ce point de vue une chance, parce que c’est un espace de liberté et de découverte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Notre objectif est de rendre accessible le maximum de musique, de cinéma, de découvertes artistiques en tous genres : cela signifie qu’une nouvelle offre légale soit diffusée sur l’Internet.

Notre principe est simple : si nous voulons que cette offre progresse, nous devons instaurer un dispositif de sécurité juridique qui assure à l’auteur une libre diffusion des œuvres par l’Internet en garantissant sa juste rémunération. Cette question du moyen d’assurer une juste rémunération des artistes et des techniciens est encore en débat à l’heure où je m’exprime. Pour ma part, je m’étonne que les mêmes qui militent pour la gratuité de l’accès à l’œuvre, qui est un leurre, affirment souhaiter que les artistes soient rémunérés. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons déjà pris des mesures en matière de diffusion de musique sur l’Internet. Je peux vous annoncer d’ores et déjà qu’un accord a été signé il y a quelques heures – c’est dire la fraîcheur de la nouvelle ! – entre les fournisseurs d’accès à l’Internet, le secteur du cinéma, de la télévision et de la diffusion. Il s’agit d’une avancée considérable, qui permettra une diffusion responsable des œuvres cinématographiques, comme c’est déjà le cas pour la musique.

La passion que je mets dans ma réponse s’explique par la volonté du gouvernement de Dominique de Villepin de sortir des impasses, des caricatures et des problèmes jamais réglés. À ceux qui répandent le bruit que si le projet de loi est voté, la copie privé ne sera plus possible, je réponds que cela est faux. À ceux qui répandent le bruit que notre réponse aux jeunes, aux internautes sera la prison, je réponds que cela est faux.

Vous aurez, messieurs les députés, sous les yeux du monde entier, la magnifique responsabilité d’innover en la matière en définissant une réponse graduée au piratage sur l’Internet, supposant l’information, la prévention et l’éducation vis-à-vis des internautes.

Je veux combattre une troisième idée fausse…

M. le président. Il nous reste un orateur à entendre, monsieur le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Certains affirment que ce texte portera atteinte aux logiciels libres. Ce projet de loi évitera au contraire la domination mondiale de certains groupes en introduisant la concurrence dans ce secteur : c’est ainsi que l’on fera de la diversité culturelle une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

protection de l’enfance

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. En cette période de Noël, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, ma question concerne l’enfance.

C’est avec une grande émotion que j’ai lu dans la presse d’hier le témoignage d’une famille d’accueil, qui confiait qu’elle n’oublierait jamais l’arrivée en son sein des deux enfants placés par les services de l’aide sociale à l’enfance. Ils ne pouvaient alors ni parler, ni manger, ni dormir, tant leurs souffrances étaient grandes.

Un tel témoignage ne peut nous laisser indifférents, surtout pas en cette période de Noël où les enfants sont à l’honneur, et où, plus que jamais, la famille, la solidarité et le partage prennent toute leur valeur.

Mais dans notre pays l’enfance est diverse, et les questions qui y sont liées multiples. Si les actes de maltraitance augmentent, nous avons une meilleure connaissance des violences physiques et morales, et d’une façon générale des difficultés qui entravent l’épanouissement des enfants.

On doit également évoquer, mes chers collègues, les situations de pauvreté, les problèmes de santé ou d’échec scolaire, voire la délinquance des adolescents. Ce sont ces préoccupations qu’exprime le rapport de Claire Brisset, défenseure des enfants. Nous ne pouvons pas accepter en particulier que plus d’une centaine d’enfants meurent chaque année par suite de maltraitance.

Chacun d’entre nous, sur ces bancs, a le souci de tout mettre en œuvre, pour que chaque enfant, chaque adolescent prenne sa place dans notre société, parce que ce sont les citoyens de demain.

À l’heure, monsieur le ministre, où vous venez d’annoncer une réforme de la protection de l’enfance, pouvez-vous nous indiquer les actions que vous comptez mettre en œuvre, avec l’ensemble des acteurs concernés, services spécialisés, conseils généraux, assistantes familiales, médecins, éducation nationale, pour améliorer la détection des situations dramatiques, adapter les modes de prise en charge des enfants à leurs véritables besoins, mais aussi donner à la prévention toute sa place et soutenir les parents qui éprouvent des difficultés à exercer la fonction parentale ?

En cette période de vœux, monsieur le ministre, chers collègues, souhaitons que la sagesse nous renvoie à l’enfance, comme l’écrivait Blaise Pascal, et qu’un grand débat national s’ouvre sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, vous avez posé, avec beaucoup de sensibilité, une question grave, celle de la protection de l’enfance dans notre pays.

Assurer aux enfants les conditions d’un développement harmonieux est de notre devoir le plus sacré. Un certain nombre de tragédies viennent nous rappeler que beaucoup d’enfants sont dans notre pays exposés à la maltraitance : je pense à l’affaire d’Outreau, à celle d’Angers, à celle de Drancy, et à beaucoup d’autres où des enfants ont été maltraités, molestés, violés. Je ne parle même pas des simples négligences dans la prise en charge des enfants ou des défaillances dans l’exercice de la fonction parentale, qui sont malheureusement de plus en plus fréquentes. Un certain nombre d’indicateurs démontrent une aggravation de la maltraitance des enfants dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous avons engagé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une réforme de la protection de l’enfance.

Son objectif est triple. Nous souhaitons tout d’abord renforcer la prévention. Beaucoup de rendez-vous obligatoires avec les institutions sanitaires et sociales doivent être mis à profit pour mieux détecter les défaillances parentales et prévenir les risques de maltraitance : je pense à l’examen prévu au quatrième mois de grossesse ou au séjour à la maternité, par exemple. Les contacts établis avec les parents dans le cadre de la protection maternelle et infantile, pour les premières années, ou de l’école maternelle doivent également être mis à profit pour favoriser cette prévention.

Le signalement et le partage de l’information sont le deuxième axe de la réforme. En effet, il est fréquent que des situations dangereuses pour l’enfant ne fassent pas l’objet d’un signalement, alors même que certains signalements sont quelque peu abusifs, l’aide sociale à l’enfance étant tout à fait à même de remédier aux difficultés de la famille. Il est donc nécessaire d’établir des règles du jeu. Il ne s’agit pas de remettre en cause le secret professionnel, qui est nécessaire si on veut intervenir efficacement auprès des familles, mais de faciliter le partage de l’information en cas de risque pour l’enfant.

Il faut enfin assouplir nos modes d’intervention, en développant des formules intermédiaires entre le maintien dans la famille et le placement en établissement.

Sur cette question de la protection de l’enfance, les conclusions de la mission parlementaire d’information sur la famille et les droits de l’enfant nous seront très précieuses pour préparer ce projet de loi, qui fait actuellement l’objet d’une vaste concertation dans tout le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

loi de finances pour 2006

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

Paris, le 15 décembre 2005

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Pour la clarté des débats et pour la bonne information des collectivités locales qui auront à voter le budget, pourriez-vous, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, nous préciser quelle est la fiabilité des simulations qui nous ont été communiquées ? En effet, celle qui a été adressée à l’Association des départements de France diffère de celle que nous a fournie le rapporteur général, et nous souhaiterions savoir quelle est la bonne.

Monsieur le ministre, compte tenu du fait que la réforme s’applique depuis l’année dernière – et non pas, comme le dit souvent le rapporteur général, à partir de 2008, car cette date ne concerne que la compensation –, les services fiscaux informeront-ils chaque commune, chaque groupement de commune, chaque département et chaque région du niveau des bases plafonnées, pour leur permettre de fixer en connaissance de cause les taux qu’ils appliqueront ? À défaut de recevoir ces informations avec l’état qui leur sera transmis, les collectivités risquent en effet de délibérer sans disposer de l’information nécessaire.

M. le président. Nous n’en sommes plus aux questions au Gouvernement… M. le ministre vous répondra tout à l’heure, dans le cadre de son intervention.

Pour ma part, je n’ai pas éprouvé autant de craintes que vous lors du vote du budget de ma commune, hier soir.

M. Didier Migaud. Vous avez tort !

M. Augustin Bonrepaux. C’est une erreur !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je vous répondrai tout à l’heure, monsieur Bonrepaux.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, monsieur le ministre du budget, mes chers collègues, à l’issue de la première lecture du projet de loi de finances pour 2006, l’Assemblée nationale et le Sénat se sont rejoints pour adopter quatre-vingt-trois articles dans les mêmes termes et en supprimer quatre. Restaient donc cent un articles en discussion en commission mixte paritaire, dont quarante-trois ajoutés par nos collègues sénateurs.

Le projet de loi de finances pour 2006 comporte, je le rappelle, des réformes fiscales de structure, des réformes de long terme,…

M. Didier Migaud. Elles ne sont pas financées !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …indispensables pour la compétitivité de notre économie, pour l’emploi et pour le pouvoir d’achat des Français, et notamment des plus modestes.

C’est le cas de la réforme de l’impôt sur le revenu et de la réforme de la taxe professionnelle pour les entreprises.

Du point de vue de la politique budgétaire, ce projet de loi de finances s’inscrit dans la démarche d’assainissement à long terme que notre majorité a engagée depuis 2002.

M. Didier Migaud. Nous n’avons pas vu la même chose !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Les recettes sont évaluées de façon réaliste et la stabilisation des dépenses est poursuivie pour la quatrième année consécutive, ce qui ne s’était jamais produit auparavant.

M. Didier Migaud.  À cela près que ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Cependant, notre déficit demeure trop important.

M. Michel Bouvard. Ça oui ! Sans parler des intérêts !

M. Gilles Carrez, rapporteur. La dette, dont il a beaucoup été question ces derniers jours, va ainsi grossir mécaniquement de près de 50 milliards d’euros.

L’année prochaine, comme le Premier ministre l’a annoncé, une maîtrise encore plus accentuée des dépenses sera nécessaire, et elle sera d’autant plus légitime et d’autant plus acceptée que chacun y prendra sa part.

La commission mixte paritaire a trouvé un accord sur tous les articles en discussion. C’est ce texte que le Gouvernement nous demande d’approuver, moyennant quelques amendements.

Je précise, pour éclairer nos débats, qu’une part importante de la discussion qui a eu lieu en commission mixte paritaire a porté sur la réforme de la taxe professionnelle, réforme majeure qui comporte plusieurs aspects complémentaires.

Le premier de ces aspects est une réforme destinée à protéger les entreprises d’un excès de taxe professionnelle, cette dernière étant limitée, dans tous les cas, à 3,5 % de la valeur ajoutée.

Pour prendre en compte l’ensemble de nos entreprises qui ont dépassé, ces dernières années, les 3,5 % de valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle, il faut que l’État prenne en charge la différence. Cette prise en charge n’est pas négligeable puisqu’elle représente un effort demandé au contribuable national de plus d’un milliard d’euros. À cela s'ajoute une excellente mesure, au nom de la relance de l’investissement : la pérennisation du dégrèvement consenti sur les investissements nouveaux pendant une durée de deux ans, désormais portée à trois, de sorte qu'au total, il faut vraiment que nous en soyons conscients, plus de 3 milliards d’euros vont être affectés par l’État à la réforme de la taxe professionnelle.

Le dernier aspect de cette réforme de la taxe professionnelle, qui a alimenté beaucoup de discussions, c’est que les collectivités locales vont devoir dorénavant, aux côtés de l’État, contribuer à la compétitivité de nos entreprises. La question est de savoir à partir de quand elles devront le faire. Quelle sera la date de référence ? 2004, 2005, ou un peu des deux ? Nous allons avoir l’occasion, avec un amendement que va présenter le Gouvernement, de revenir sur cette question.

Pour terminer cette brève intervention, je voudrais, monsieur le ministre, vous remercier personnellement, ainsi que vos collaborateurs, parce que nous allons adopter un projet de loi de finances avec un déficit légèrement inférieur à 47 milliards d’euros – 46,7 milliards ou 46,8 milliards. Par rapport à ce qui nous était proposé dans le projet de loi de finances initiale, il y a un écart de quelques centaines milliers d’euros seulement. Pourtant, si faible soit-il, cet écart recouvre des mouvements extrêmement importants. Beaucoup des amendements qui ont été proposés par les députés, dans le cadre de la mise en place de la loi organique, dont 2006 sera l’année du premier budget, ont été acceptés par le Gouvernement. Et je tiens à le souligner. Vous avez accepté de très nombreux amendements visant à améliorer les dispositions fiscales. Je salue l’esprit constructif, l’esprit d’ouverture dont vous avez fait preuve.

Outre l’ensemble des collaborateurs de l’Assemblée, je voudrais aussi vous remercier, mes chers collègues, parce que nous avons eu vraiment des débats extrêmement intéressants qui ont apporté une véritable amélioration au texte initial, lequel était pourtant, je le souligne, déjà de très bonne qualité. Chacun d’entre vous, pour cette première année, décisive, de mise en oeuvre de la loi organique, a bien pris en compte toutes les potentialités et toutes les exigences de la LOLF. Chers collègues, je vous en remercie très sincèrement.

Bien entendu, au terme des travaux de la commission mixte paritaire, la commission des finances vous demande d’adopter cette loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2006, et je tiens à dire combien j’ai été heureux de ce que nous avons accompli ensemble depuis qu’a été donné le top départ, à la mi-octobre. Comme le rappelait Gilles Carrez à l’instant, nous avons fait beaucoup de chemin depuis lors.

Cette lecture des conclusions de la CMP est aussi l’occasion pour moi de rappeler que nous achevons l’examen d’un texte dans des conditions relativement inédites, d’abord parce que c’est le premier rendez-vous avec la LOLF, ensuite parce que ce texte comprend une réforme fiscale de grande ampleur – chacun a pu le constater –, enfin parce que vous avez su apporter des modifications d’une ampleur inédite au projet initial.

La commission mixte paritaire s’est réunie à la fin de la semaine dernière, et elle a élaboré un texte dont le Gouvernement se félicite. Je vous proposerai tout à l’heure plusieurs amendements, qui pour l’essentiel, à l’exception de deux d’entre eux, sont de pure coordination. Mais ces deux amendements ont un impact plus important et je vous en dirai un mot.

Le premier des amendements de coordination concerne l’équilibre du PLF. Il vise à tirer, comme il est de tradition, les conséquences du projet de loi de finances et fixe le solde négatif à 46,9 milliards d’euros pour l’année 2006. Nous sommes donc, comme vous l’avez dit, Gilles Carrez, très proches du solde initial que je vous avais proposé il y a trois mois, mais il y a eu des mouvements d’ampleur importante : nous avons financé, par redéploiements, les 320 millions d’euros de moyens supplémentaires pour les banlieues ; nous avons gagé les conséquences de la suppression demandée par votre commission de la réforme du régime d’exonérations des charges sociales outre-mer et de la majoration de la taxe d’apprentissage, pour 400 millions d’euros ; nous avons aussi mis en place un concours pour l’insertion des RMIstes, en faveur des départements, à hauteur de 100 millions d’euros ; enfin, nous avons financé la réforme de la TACA, la mise en place d’un dégrèvement de taxe professionnelle substantiel en faveur des transporteurs routiers, et plusieurs ressources supplémentaires ont pu être dégagées. Au total, ce sont près de 2 milliards d’euros qui ont été déplacés en recettes et en dépenses lors de ces trois mois de débat.

L’un des objectifs de la LOLF est de restaurer le rôle budgétaire du Parlement. Cet objectif est atteint et je suis, de ce point de vue, un ministre du budget heureux parce que c’est vrai qu’avec l'aide notamment de votre commission des finances, nous avons travaillé à l’amélioration de ce projet de loi. Ma satisfaction est d'autant plus grande que les nouvelles venues du front de la conjoncture confortent la sincérité de nos prévisions – Dieu sait si ce débat a fait couler beaucoup d’encre – avec une croissance de 0,7 % au troisième trimestre 2005 et une croissance d'au moins 2 % en 2006 selon les dernières prévisions de l'INSEE. Voilà qui est en cohérence avec nos propres prévisions.

Au-delà des modifications qui ont directement impacté l'équilibre du PLF, la discussion parlementaire a été passionnante. Je pense en particulier à celle qui a concerné le barème de l'impôt sur le revenu ou à celle sur le plafonnement des avantages fiscaux, notamment l’adaptation du dispositif Malraux dont nous avons beaucoup parlé.

M. Michel Bouvard. Oh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Autant de sujets qui ont donné à notre débat parlementaire un caractère très particulier par rapport à ce qui était fait ces dernières années. Il a ouvert des perspectives pour les choix futurs.

Vous avez été nombreux, qu'il s'agisse du président de la commission, Pierre Méhaignerie, ou du rapporteur général, M. Carrez, ou encore de plusieurs orateurs de la majorité, à demander au Gouvernement d'accentuer encore l'effort de maîtrise de la dépense et de faire mieux que le zéro volume. Vous comprenez que, sur ce chemin, vous me trouverez aisément, et que nous allons travailler activement ensemble, tout au long de l’année 2006, à accroître les gains de productivité nécessaires pour s’acheminer vers le zéro en valeur, c’est-à-dire vers une progression de la dépense en deçà de l’inflation. Vous voyez que c’est une petite révolution qui est en train de se préparer en matière de dépenses publiques. Mais il y a quelque cohérence à cela : nous avons pris la mesure de l’ampleur de la dette, et celle-ci est la conséquence des excédents de déficits.

M. Michel Bouvard. Voilà !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Parce que quand il y a des déficits, il faut forcément les financer en empruntant, ce qui fait donc plus de dette, sachant que les déficits signifient qu’on dépense plus que ce qu’on gagne. L’objectif est donc évidemment de réduire la dépense, et nous allons y travailler.

Le Gouvernement s’attelle dès maintenant à la construction du projet de loi de finances pour 2007. Je veux vous dire que, durant les prochains mois, je porterai les messages que j'ai entendus ici et que je partage très largement, d’où le vaste processus d'audits que j’ai lancé à la demande du Premier ministre, avec derrière la tête l’idée de dépenser mieux, de faire en sorte que l’on puisse proposer un service public meilleur au meilleur coût possible.

Un mot, enfin, sur deux amendements que j’ai évoqués tout à l'heure.

Le premier porte sur les crédits de la défense et prolonge le débat qui a eu lieu sur les crédits de cette mission. Michèle Alliot-Marie est à mes côtés, elle évoquera dans le détail cet amendement de répartition de crédits. Il vise à mieux assurer la cohérence de notre projet de loi de finances avec la loi de programmation militaire, dont le respect fidèle est l'un des grands acquis de notre politique budgétaire. Je veux dire ici, en conscience, l’importance que j’attache à ce que cet amendement soit adopté.

Le second porte sur l’importante réforme de la taxe professionnelle. C’est un sujet dont nous avons beaucoup débattu et sur lequel, hier encore, j’ai eu quelques échanges avec M. Méhaignerie et M. Carrez. Je veux dire ici que l’un des acquis majeurs de cette réforme si difficile, c’est que désormais il n’y aura plus aucune entreprise qui payera plus que 3,5 % de sa valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle. En un moment où nous avons tant besoin de travailler à l’attractivité de notre territoire et de mener une politique qui enraye les délocalisations, c’est évidemment un élément majeur, surtout quand on a à l’esprit que cette taxe pouvait représenter jusqu’à 10 % de la valeur ajoutée pour près de 200 000 entreprises en France, notamment des entreprises industrielles. La réforme que je vous ai soumise se fera sans transfert de charges aux entreprises, ce qui est évidemment un point très important.

Cette disposition a été améliorée au Sénat – je crois que je peux le dire ici –, et l’amendement que je vous présenterai vise à ce que le taux de référence pour le démarrage de la réforme soit celui de l’année 2004, majoré d’un coefficient propre à chaque catégorie de collectivités locales, ou celui de l’année 2005 s’il est plus bas. Ainsi la réforme sera neutre pour toutes les collectivités qui ont, en 2004, majoré, dans des proportions qui ne sont pas exorbitantes, leur taux de taxe professionnelle. C’est un des éléments importants sur lequel beaucoup d’entre vous avez insisté tout au long de ce débat.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rappelle que le coefficient de majoration retenu est fondé sur la moyenne des évolutions entre 2001 et 2004 – il prend donc en compte des évolutions erratiques –, majorée de quatre points. Compte tenu de toutes les améliorations apportées durant le débat, nous sommes vraiment en mesure de dire que nous avons là pleinement atteint notre objectif : alléger durablement la charge de nos entreprises tout en responsabilisant nos collectivités sur leurs hausses de taux futures, suscitant ainsi une logique de responsabilité partagée entre l’État et les collectivités locales.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais dire alors que nous allons aborder la dernière étape de ce marathon budgétaire. Vous comprendrez qu’à ce moment je vous adresse un message plus personnel : j’ai été très heureux de vivre avec vous la discussion de ce budget ; c’étaient des moments passionnants, parfois difficiles – c’est légitime en cette période du mandat –, mais on n’oublie pas de tels moments parce qu’il y a eu des réflexions majeures sur l’avenir de notre pays, sur la dépense publique, sur l’impôt, sur le rapport à nos concitoyens et aux contribuables. On se dit alors que ce que l’on fait ensemble, c’est bien sûr pour le présent, mais aussi pour l’avenir. De ce point de vue, les réflexions que nous avons eues dans cet hémicycle, grâce à vous, seront autant d’occasions, tout au long de l’année 2006, de faire vivre un débat public qui en a grandement besoin. La dépense publique ne peut pas être simplement vécue dans le toujours plus, on le sait tous. Mais l’annonce de réductions de dépenses publiques ne doit pas être perçue par les Français de manière anxiogène. Il y a derrière ce constat une idée : on ne diminue pas une dépense pour la diminuer, on la diminue, bien sûr en pensant à l’avenir de nos enfants, mais aussi dès lors qu’elle n’est pas efficace.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La vraie question, c’est de travailler ensemble à rendre la dépense publique efficace : comment faire le meilleur service public au meilleur coût. Seule cette réflexion doit nous animer ; seule cette démarche doit nous permettre de conduire nos concitoyens à partager ce diagnostic, celui d’un service public le meilleur possible pour aujourd’hui et pour demain, au service de l’intérêt général.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de la contribution qui a été la vôtre, et comprenez qu’à ce moment j’ai une pensée particulière pour Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, qui ont l’un et l’autre été à mes côtés tout au long de cette discussion. Je crois que nous avons ensemble bien travaillé, y compris naturellement avec leurs collaborateurs, pour que ce projet soit le meilleur possible dans le monde complexe, et parfois cruel, qui est le nôtre. Je n'aurai garde d'oublier les autres membres de la commission des finances, qui ont, dans la majorité comme dans l’opposition, apporté des contributions tout à fait majeures.

M. Augustin Bonrepaux. Heureusement qu’on était là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est vrai que cela donne parfois des moments très intéressants, très sympathiques même du fait de leur convivialité, car, au-delà de nos différences, il peut se trouver que l’on se rejoigne sur l’essentiel. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour vous satisfaire, monsieur Bonrepaux, lorsque vous me demandiez sans cesse des simulations, et je vous promets qu’en tout état de cause les élus locaux, pour faire leur budget, auront de la part de mes services les simulations dont ils ont besoin – avec les bases, avec les parts plafonnées des bases. Tout sera connu et transparent. Je n’ai pas de secret pour vous, monsieur Bonrepaux. Vous pouvez donc imaginer que je n’en n’ai pour aucun maire, pour aucun président de conseil général ou de conseil régional.

Je veux enfin vous dire, mesdames et messieurs les députés, que sur tous ces sujets, nous aurons encore grandement besoin de vous.

Je formule le vœu qu’après la réunion de cette commission mixte paritaire, nous obtenions un très beau budget, qui permette une fantastique année 2006. Cela tombe bien : c’est ce que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le groupe de l’UMP votera ce projet de loi de finances. Au-delà de la logique majoritaire de ce vote, nous approuvons, monsieur le ministre, la cohérence du budget que vous nous présentez.

Cette cohérence, comme vous venez de le souligner, est d’abord garantie par la crédibilité du contexte. Que n’a-t-on entendu, au début de la discussion budgétaire, sur la prévision de croissance pour l’année 2006 ? Ce fut là un premier élément de critique pour l’opposition

M. Didier Migaud. Ça le reste !

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement a justifié cette hypothèse de croissance et aujourd’hui, les prévisions confirment amplement qu’elle était fondée.

M. Didier Migaud. Non, hélas !

M. Hervé Mariton. Second argument attestant la cohérence de ce projet : le respect de nos engagements. Ce fut le cas avec la baisse de l’impôt sur le revenu et la réforme de la taxe professionnelle, réforme ajustée au fil de la discussion budgétaire et que nous évoquerons encore avec l’amendement du Gouvernement.

Cohérent, ce budget prépare aussi l’avenir, d’abord par les dépenses prévues. Comme nous l’avons rappelé tout au long de la discussion budgétaire, les priorités sont bien marquées : l’emploi, la recherche et les infrastructures.

C’est aussi par la réforme fiscale qu’il engage que ce budget concerne l’avenir, même si cette réforme est proposée pour l’année 2007. Elle favorise l’attractivité du territoire, la compétitivité des entreprises et la structuration de l’actionnariat. Elle inclut aussi la réforme de la taxe professionnelle.

La baisse de l’impôt sur le revenu et le plafonnement de l’impôt sont d’autres éléments de réforme fiscale pour l’avenir. Lorsque l’on évoque la conjoncture et les mesures permettant de libérer les énergies des entreprises ou des citoyens, on rappelle toujours la nécessité de mieux éclairer l’avenir budgétaire et fiscal de notre pays. Ces réformes – taxe professionnelle, impôt sur le revenu, plafonnement fiscal – permettent d’améliorer la sécurité du contribuable et par conséquent la liberté de ses choix économiques, dès lors plus propices à la croissance et à l’emploi.

C’est aussi un budget d’avenir en ce qu’il prépare une réforme, encore partielle, de l’État. Avec le rapporteur général, vous avez évoqué, monsieur le ministre, la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Le rapporteur général a vu le verre aux trois quarts plein. Sans faire preuve d’un esprit exagérément critique, on peut aussi constater que le débat parlementaire n’est peut-être pas encore à la mesure de la liberté qu’offre la LOLF. C’est surtout à nous, parlementaires, de prendre la pleine mesure de cette liberté en 2007. Nous devons le faire avec notre responsabilité de groupe majoritaire, en concertation et en bonne intelligence avec le Gouvernement.

Ce dernier, ainsi que son administration, auront en tout cas à démontrer dans l’exécution budgétaire pour 2006 la force des indicateurs de performance. Avec ce budget, vous avez pris devant notre assemblée, monsieur le ministre, un certain nombre d’engagements de performance. Nous serons attentifs à la manière dont vous les mettrez en œuvre tout au long de l’année dans l’exécution budgétaire.

Chacun a conscience qu’en matière de réforme de l’État, des premiers pas auront été faits en 2006. Dans l’exécution budgétaire et la préparation du budget pour 2007, il faudra faire mieux encore.

Au moment de voter ce budget, il nous faut déjà voir plus loin. Comme cela a été rappelé ces derniers jours, il est indispensable que l’État retrouve une pleine liberté d’action budgétaire. Pour ce faire, comme je le déclarais lors des explications de vote il y a quelques semaines, il est nécessaire de diminuer la dette, le déficit et les dépenses. Avec le ministre des finances et de l’industrie, vous avez rappelé, monsieur le ministre, le diagnostic établi sur les finances publiques de notre pays et notamment la dette par le rapport Pébereau. Ce sont là des éléments objectifs, qui exigent de notre part et de l’ensemble du Gouvernement une pédagogie continue, une action méthodique et rigoureuse. Vous avez rappelé à propos de la préparation du budget pour 2007 l’objectif de 0 % de croissance des dépenses en valeur.

La diagnostic et l’action doivent s’accompagner d’un effort de conviction, qui donne du sens à la discipline budgétaire. Nous pensons que celle-ci, même lorsqu’elle vise à diminuer les dépenses, le déficit et la dette, n’est pas incompatible avec la baisse de l’impôt. Lorsque l’on vise la baisse du déficit et de la dette, celle de l’impôt peut être un moyen de partager avec nos concitoyens cet objectif de discipline des finances publiques. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) La baisse de l’impôt donne du sens à la vertu budgétaire et à la maîtrise de la dépense publique.

Maîtriser la dépense publique ne suppose pas qu’un Gouvernement – ou une majorité – s’érige en Père Fouettard ! C’est rechercher l’efficacité optimale de la dépense et le meilleur ajustement de la recette prélevée sur le citoyen. La maîtrise de la dépense et celle du déficit sont donc compatibles avec la baisse de l’impôt. Je crois même cette dernière nécessaire à la conviction politique qui accompagne ces objectifs.

M. Didier Migaud. C’est loin d’être convaincant !

M. Hervé Mariton. La baisse de l’impôt, monsieur le ministre, est inscrite pour 2007. Au-delà des éléments de réforme que nous allons voter, notre pays a besoin d’une loi d’orientation fiscale, d’une maîtrise de la dépense – dans tous les domaines de l’action publique –, qui s’inscrivent dans une démarche pluriannuelle.

Ce budget est le meilleur possible et, du point de vue des recettes comme des dépenses pour 2007, il s’inscrit dans une perspective tout à fait positive. C’est pourquoi le groupe de l’UMP le votera très volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, monsieur le ministre du budget, chers collègues, si nous n’avons pas déposé de motion de procédure en seconde lecture, ce n’est pas faute de motifs. Afin de faire bon usage du temps qui reste pour l’examen de ce budget, nous avons choisi d’évoquer les problèmes qu’il pose dans le cadre de la discussion générale.

La loi de finances pour 2006 est la première présentée et examinée par le Parlement selon les modalités définies par la loi organique relative aux lois de finances.

Cette loi organique, comme cela a été rappelé, répond à plusieurs objectifs majeurs : l’amélioration de la gestion publique par la responsabilisation des gestionnaires, l’extension du pouvoir de contrôle et d’initiative budgétaire du Parlement et, en définitive, une meilleure lisibilité des enjeux, des choix et des débats budgétaires.

Par conséquent, il appartient au législateur de respecter les règles posées par la loi organique et de ne pas les détourner.

Force est de constater que plusieurs dispositions contenues dans la loi finances pour 2006 ne respectent pas les règles issues de la loi organique, non seulement en ce qui concerne la structure de la loi de finances, mais aussi pour de nombreuses dispositions fiscales. Ces points feront l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Nous nous efforcerons aussi de mettre en évidence certaines atteintes à quelques principes constitutionnels de notre République.

D’une manière générale, la qualité des documents budgétaires qui nous ont été transmis n’est pas satisfaisante, ou mérite d’être améliorée. Les multiples indicateurs non renseignés ne sont pas acceptables dès lors que la responsabilisation des gestionnaires publics va intimement de pair avec la nécessité pour eux de rendre des comptes sur la qualité de leur gestion.

En l’absence d’objectifs et d’indicateurs chiffrés, il est impossible pour le Parlement de se prononcer, tant sur la volonté du Gouvernement en loi de finances initiale, que sur le respect de l’autorisation parlementaire en loi de règlement.

À l’inverse, je regrette que la LOLF ait été mise « à toutes les sauces » par certains ministres pour justifier, par exemple, certaines dépenses de crédits, ou des décisions qu’ils ne se sentent pas à même d’assumer seuls. C’est ainsi le cas de la mission « Enseignement scolaire » pour les postes mis à disposition par le ministère de l’éducation nationale : 800 de ces postes d’enseignants mis à disposition dans les associations participant au système éducatif ont été supprimés par le Gouvernement, qui a prévu, pour les associations concernées, le versement d’une subvention présentée comme équivalente. Contrairement à ce qu’a prétendu le ministre de l’éducation, rien, dans la LOLF, n’obligeait à procéder ainsi. Au contraire, le souci constant d’identifier au sein de chaque mission la totalité des emplois publics qui y concourent s’accommodait parfaitement du choix d’inscrire les mises à disposition au sein d’une mission à laquelle ces personnels participent directement.

C’est aussi le cas du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui ne comporte qu’un programme, en contradiction totale avec l’article 7 de la loi organique qui prévoit qu’une mission est composée d’un ensemble de programmes. Cette mission « mono-programme » porte atteinte aux droits du Parlement de se prononcer sur la répartition des crédits au sein de cette mission ainsi qu’à la lisibilité de l’action publique en la matière.

Il est évident que, s’agissant de crédit évaluatifs, la création de programmes distincts doit avoir pour effet d’indiquer au Gouvernement, en gestion, la proportion relative de crédits qui devront aller aux différents programmes, et non le montant précis devant leur être alloué en exécution. Mais cette proportion doit être fixée par le Parlement et non de façon discrétionnaire par l’exécutif. C’est particulièrement préjudiciable en l’espèce, puisqu’il s’agit de décider de l’utilisation de recettes exceptionnelles de l’État, notamment de recettes de privatisations, dans un contexte où, depuis trois ans, le Gouvernement a dilapidé de telles recettes, en ne dotant pas suffisamment, par exemple, le fonds de réserve pour les retraites.

La réforme fiscale du Gouvernement se traduit également, selon nous, par plusieurs articles qui tous contiennent des atteintes à la Constitution.

C'est d'abord le cas de l'exonération au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont bénéficieraient désormais, à hauteur de 75 %, à la fois les anciens dirigeants et les actionnaires faisant partie d'un engagement collectif de conservation. On s'approche ainsi, sans aucune justification relative à la situation personnelle, d'une exonération totale d'impôt de solidarité sur la fortune, qui n'est ouverte normalement qu'au bénéfice des biens professionnels et en contrepartie du risque économique encouru par le dirigeant.

Ce taux de 75 % avait d'ailleurs été proposé par des parlementaires lors de la création du pacte d'actionnaires dans la loi pour l'initiative économique et avait été, à l’époque, repoussé par le Gouvernement après une explication remarquablement convaincante du ministre Dutreil, que je me dois de rappeler à la représentation nationale : « À l'époque, disait-il, le Gouvernement avait déjà envisagé un abattement de 75 %, mais une analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous avait conduits à abandonner cette idée. [...] La situation du bénéficiaire d'un pacte d'actionnaires est très différente de celle du dirigeant de l'entreprise : un actionnaire minoritaire ne gère pas le risque économique ! Proposer des avantages fiscaux comparables pouvait donc comporter un risque. Or, à l'époque, notre souci était que ce dispositif franchisse toutes les étapes, y compris l'examen par le Conseil constitutionnel, et c'est pourquoi nous avons retenu le taux de 50 %. » Ce sont les propos que M. Dutreil a tenus lors de la troisième séance du mercredi 6 juillet 2005. Cette exonération, dans ses proportions et ses nouvelles modalités, est manifestement contraire au principe d'égalité devant l'impôt.

Tel est également le cas du dispositif de plafonnement des impôts directs, aussi appelé « bouclier fiscal ». Ce dispositif, dont tous les fiscalistes ont dit qu'il n'avait pas d'autre objet que de limiter la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune des contribuables les plus aisés,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’importe quoi !

M. Didier Migaud. …pose le principe selon lequel certains contribuables, essentiellement les plus aisés, sont dispensés de devoir contribuer aux charges publiques à la mesure de leurs capacités contributives. Ce dispositif, qui méconnaît l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est donc profondément injuste en accordant ainsi un privilège fiscal sans justification d'intérêt général.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais non !

M. Didier Migaud. Le Conseil constitutionnel nous départagera, monsieur le ministre !

Le plafonnement de certaines « niches » fiscales au titre de l'impôt sur le revenu porte également atteinte à nos principes constitutionnels. Cet article dispose que le total des avantages fiscaux soumis au plafonnement ne peut procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 8 000 euros, somme majorée dans certains cas. Ce dispositif ne respecte pas le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques car il traite de façon différenciée des contribuables se trouvant dans des situations objectivement identiques, sans lien avec un motif d'intérêt général ou avec l'objet de la loi. En témoigne la préoccupation constante du ministre qui a repoussé un certain nombre d’amendements tendant à exclure certains cas du dispositif du plafonnement, ce qui montrait bien que lui aussi craignait le risque d’inconstitutionnalité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne parlez pas pour moi !

M. Didier Migaud. Il vous arrive de penser si fort, monsieur le ministre, que nous n’avons même pas eu besoin de lire dans vos pensées pour vous comprendre ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le critère de soumission au plafond a d’ailleurs été résumé par le rapporteur général du Sénat. Il s'agirait de soumettre au plafonnement uniquement les « avantages fiscaux qui sont la conséquence d'une situation choisie par le contribuable ». Pourtant, des dispositifs fiscaux dérogatoires qui correspondent très directement à des « situations choisies par le contribuable » ont été exclus du mécanisme de plafonnement. C'est le cas pour les cotisations ou primes versées par un contribuable au titre de la retraite par capitalisation. Les plans d'épargne retraite populaire sont des instruments d'épargne privée qui n'ont aucun caractère obligatoire pour le contribuable. À moins, bien sûr, que le Gouvernement n'admette que les contribuables n'ont plus d'autre choix que de recourir à l'assurance privée pour compenser la dégradation du taux de remplacement servi par le régime de retraite par répartition, que la réforme Fillon a institué !

Enfin, le choix, opéré à l'Assemblée nationale, de retirer du plafonnement les avantages fiscaux accordés aux investissements outre-mer ôte tout crédit au pseudo-critère permettant de déterminer si un avantage est plafonné ou non. La rupture d'égalité est donc manifeste.

La fiscalisation des plans d'épargne logement constitue une autre mesure fiscale susceptible d'être sanctionnée – du moins, nous l’espérons – par le Conseil constitutionnel, après, d’ailleurs, que cette mesure a fait l’objet d’un marchandage assez indigne entre le Sénat et l’Assemblée nationale, avec une autre disposition choquante, celle relative à la fiscalisation des indemnités journalières. En effet, en décidant de fiscaliser les intérêts perçus par les titulaires de « vieux » PEL, à compter du 1er janvier 2006, la majorité UMP s'apprête à modifier l'économie générale des contrats conclus antérieurement, et donc à porter atteinte à la liberté contractuelle.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avec l’accord des socialistes du Sénat !

M. Didier Migaud. Dans un moment d’égarement, je le répète !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est énorme ! Nous transmettrons !

M. Bernard Accoyer. Ils se sont souvent égarés !

M. Didier Migaud. Une telle atteinte est juridiquement possible en matière fiscale, même si elle est politiquement injuste, si et seulement si elle est justifiée par un motif d'intérêt général, que l'on cherche encore, tant les justifications avancées – cette exonération serait une « anomalie » qu'il serait « souhaitable » de supprimer – par les promoteurs de cette mesure sont hasardeuses.

Et Mme Nicole Bricq, que vous évoquiez indirectement, est intervenue en commission mixte paritaire pour expliquer qu’elle allait voter contre cette disposition…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Après avoir voté pour, c’est un gag ! Laissez donc Mme Bricq tranquille !

M. Michel Bouvard. Elle a dit aussi qu’elle assumait son choix !

M. Didier Migaud. …compte tenu d’un contexte bien particulier, à savoir que le Gouvernement ne cesse d’en rajouter en matière de mesures favorables aux plus aisés de nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), alors même qu’il n’hésite pas à remettre en cause d’autres dispositifs fiscaux qui concernent les plus modestes.

M. Jean Leonetti. Mme Bricq a subi un lavage de cerveau !

M. Didier Migaud. Enfin, il me faut évoquer la réforme de la taxe professionnelle. Sans revenir sur l'économie de ce dispositif, laissant à Augustin Bonrepaux, le soin de s'y attarder, je voudrais insister sur les deux atteintes à la Constitution contenues dans cette réforme qui vise à tenir une promesse du chef de l'État – lequel ne manquera pas de profiter de la période propice aux vœux dans laquelle nous entrons pour en faire de nouvelles ! Cette réforme n’est pas satisfaisante, entre autres parce qu’elle ignore la réalité de l’intercommunalité et de la décentralisation. Elle n’est malheureusement mise en œuvre que pour permettre à la majorité de prendre, d’une certaine façon, sa revanche sur le suffrage universel qui l’a sanctionnée lors des élections cantonales et régionales. En définitive, elle va provoquer l'asphyxie financière des collectivités locales et des augmentations d'impôts au détriment, hélas, des ménages modestes.

Sur le plan constitutionnel, cette réforme va porter atteinte au principe de la libre-administration des collectivités. Les modalités de compensation votées pénalisent, en effet, sans justification, celles qui, en vertu de ce principe, ont augmenté leurs taux en 2005. Les modalités de plafonnement retenues vont, en outre, priver les collectivités locales du produit de l'augmentation des taux, dans des proportions très importantes, souvent proches de 70 % !

L'atteinte au principe d'autonomie financière est également très forte. Le plafonnement de taxe professionnelle proposé institue, en effet, un dispositif implacable qui conduira progressivement à réduire le ratio de ressources propres en dessous du niveau constaté en 2003, ce qui est en contradiction avec la volonté affichée de protéger les collectivités locales et méconnaît le principe d'autonomie financière, pourtant strictement encadré par la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel.

Toutes ces critiques s'ajoutent à celles que nous avons formulées sur l'insincérité des prévisions de croissance et de déficit, ainsi que sur le caractère dangereux et injuste de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement.

Je voudrais dire un mot de la dette, que vient d’évoquer M. Mariton. Je regrette qu’à ce sujet, on fasse dire au rapport de la commission Pébereau ce qu’il ne contient pas…

M. Jean Leonetti. M. Mariton ne ment pas !

M. Didier Migaud. …et que le ministre fasse du contenu de ce rapport une lecture très partisane. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier. Qui fait l’ange fait la bête !

M. le président. Seul M. Migaud a la parole, mes chers collègues !

M. Didier Migaud. Contrairement à un certain nombre d’entre vous, chez collègues de la majorité, je siégeais à ladite commission et je sais ce qui s’y est dit ! Je sais aussi le constat qui en a été fait et je connais les propositions qui ont été formulées. Aussi, j’affirme qu’on ne peut pas, comme l’a fait le ministre de l’économie et des finances, souhaiter une commission pluraliste et non partisane et, dans le même temps, prêter à celle-ci des propos très partisans, alors même qu’ils n’ont pas été tenus.

À cet égard, je rappellerai deux chiffres, qui devraient conduire le ministre de l’économie et des finances à un peu plus d’humilité et de modestie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le poids de la dette dans le produit intérieur brut était de 58,5 % en 1997. Il a baissé pour atteindre 56,2 % à la fin de 2001. Sous la législature précédente, le poids de la dette avait donc diminué.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. En valeur absolue !

M. Didier Migaud. Vous savez très bien, monsieur Accoyer, même si la matière budgétaire vous est lointaine, qu’on ne peut pas raisonner en valeur absolue, mais par rapport à la richesse d’un pays.

M. Jean Leonetti. Vous triturez les chiffres, c’est vous qui avez creusé le déficit budgétaire !

M. Didier Migaud. Raisonner en valeur absolue n’a aucun sens : le chiffre n’a pas la même valeur selon que l’on se trouve en Chine, en France ou au Luxembourg !

La dette, qui avait baissé lors de la législature précédente, a explosé depuis 2002. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est rigoureusement exact ! Elle a atteint 65,8 % en 2005.

Mme Claude Greff. Ce n’est même pas vrai !

M. Jean Leonetti. Vous avez ruiné ce pays ! Personne ne vous croit plus, même pas vos propres partisans !

M. Didier Migaud. Vous parlez aussi de maîtrise de la dépense publique. Or je constate qu’elle a diminué sous la législature précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. N’importe quoi !

M. Didier Migaud. C’est la vérité ! De quel droit, ma chère collègue, osez-vous dire que c’est n’importe quoi ? Je vous renvoie aux chiffres : 53,8 % en 1997 et 51,7 % en 2001 ; 53,5 % en 2004. Je ne les invente pas ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Est-ce que vous savez comment ça se fait un PIB ?

M. Didier Migaud. C’est la réalité !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Migaud conclure son intervention !

M. Didier Migaud. Je trouve incongru que des députés puissent contester des chiffres tout à fait objectifs, qui ont même l’estampille du ministre de l’économie et des finances, puisqu’on peut les trouver dans le rapport économique et financier de l’année 2005.

M. Gérard Bapt. Ils ne savent pas lire !

M. Didier Migaud. Voilà les observations que je souhaitais faire. Je fais observer, au surplus, que le rapport Pébereau préconise, lui aussi, de ne pas baisser les prélèvements obligatoires. Or le projet de budget pour 2006 va totalement à l’encontre de nombre des recommandations de cette commission. Du coup, le rapporteur général l’a rappelé, la situation des comptes publics ne peut que s’aggraver et l’endettement de la France ne peut, malheureusement, qu’augmenter l’année prochaine.

M. Gérard Bapt. Hélas, c’est la vérité !

M. Jean Leonetti. Intervention trop longue !

M. Didier Migaud. Nous vous avons épargné trois motions de procédure, mon cher collègue ! Montrez, par conséquent, un peu de patience ! Je ne doute pas que vous soyez impatients de voter, car le groupe UMP fait montre incontestablement d’une culture de soumission et de démission ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Alors, moins les débats sont longs, plus vous êtes satisfaits !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Provocateur !

M. Didier Migaud. C’est bien pourtant votre conception du parlementarisme ! Ce n’est pas la nôtre, car nous souhaitons pouvoir exposer, dans la tranquillité, nos positions.

Pour vous, monsieur le ministre, c’est souvent « faites ce que je dis mais pas ce que je fais » !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oh !

M. Didier Migaud. Le projet de budget pour 2006 en est encore une illustration, malheureusement : il est insincère, très injuste, et ne répond ni aux besoins de la France ni aux problèmes des Français. C’est pour ces raisons que nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, le groupe UDF n’avait pas voté le budget pour cinq raisons.

M. Jean Leonetti. Donc il est passé dans l’opposition !

M. Charles de Courson. D’abord, ce budget n’est pas sincère, ni, hélas, dans ses hypothèses économiques – et les dernières notes de conjoncture le confirment, qu’il s’agisse des statistiques sur la consommation ou sur les perspectives de la production industrielle –, ni, surtout, et c’est probablement beaucoup plus important, dans sa présentation. Je ne reviendrai pas sur le long exposé que j’avais fait pour montrer que les dépenses n’augmentaient pas de 1,8 %, comme le prétend le Gouvernement, mais de 4,8 %. Je ne suis pas le seul à le dire puisque même le rapporteur général l’a souligné dans son rapport.

Deuxième critique, ce projet est porteur de menaces pour l’avenir de nos finances publiques et il ne permet pas de tenir nos engagements européens. En effet, il ne prévoit nullement une réduction du déficit du budget de l’État, qui demeure aux alentours de 47 milliards, il poursuit la hausse des prélèvements obligatoires, alors qu’ils ont déjà augmenté, en quatre ans, de 0,9 point de PIB, ainsi que la hausse de l’endettement public en pourcentage du produit intérieur brut. Il n’y aura pas, hélas, en 2006, de réduction du poids de la dette par rapport à la richesse nationale.

M. Gérard Bapt. C’est un fait !

M. Charles de Courson. Troisième critique, il comporte des dispositions fiscales injustes. Le groupe UDF ne partage pas certaines des critiques de la gauche sur la nécessité d’une évolution de notre système fiscal.

Il dit simplement qu’il faut rechercher le juste équilibre entre les plus modestes de nos concitoyens et les plus aisés.

M. Gérard Bapt. C’est aussi ce que nous disons.

M. Charles de Courson. Cet objectif est-il atteint dans l’état actuel de la France, alors que 0,4 % seulement des contribuables, soit 117 000 personnes, bénéficieront de 23 % des 5 milliards d’euros de réduction d’impôt sur le revenu et d’ISF ?

M. Guy Teissier. Cela évitera qu’ils ne partent en Suisse !

M. Charles de Courson. Quatrième reproche : votre budget n’est pas économiquement efficace, car la priorité doit être donnée à la réduction des déficits publics, de l’État, mais aussi de la protection sociale.

Enfin, cinquième critique : il porte atteinte une nouvelle fois à l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et à la nécessaire responsabilisation des élus locaux devant leurs électeurs. Votre réforme, inadaptée, de la taxe professionnelle en est la meilleure illustration.

Telle était notre position à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

La discussion au Sénat, puis en commission mixte paritaire, a-t-elle modifié ce diagnostic ? Hélas, non, sur aucun point significatif. Le rapport Pébereau confirme d’ailleurs le diagnostic porté par l’UDF sur la situation désastreuse de nos finances publiques.

Chose étrange, au bout de quatre ans de mandature, le Gouvernement a annoncé qu’il réunira au printemps une conférence nationale sur les finances publiques et qu’il entend revenir à l’équilibre budgétaire entre 2009 et 2012 et ramener la dette publique de 66 % en 2006 à 60 % en 2010. L’UDF se réjouit de cette conversion à une politique rigoureuse de réduction des déficits publics. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas mise en œuvre dès 2006 ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Sur les vingt recommandations du rapport Pébereau, cinq concernent le budget de l’État. Le Gouvernement fait l’inverse.

Le rapport préconise le maintien des dépenses en euros courants. Or le projet de budget ne parvient même pas à maintenir les dépenses en euros constants. Le Gouvernement affirme que les dépenses augmentent de 1,8 % alors qu’elles augmentent en réalité de plus de 4,8 %, ainsi que je l’ai démontré lors de la première partie de la loi de finances.

Le rapport préconise l’arrêt des baisses d’impôt. Or dans le budget de 2006, figurent 3,8 milliards d’allégements fiscaux et dans le budget de 2007 – pour la première fois, nous engageons dans des proportions considérables les finances publiques de 2007 – ce sera 6,2 milliards d’euros, soit 10 milliards au total, ce qui représente le cinquième du déficit budgétaire.

Le rapport Pébereau préconise d’utiliser au maximum dès aujourd’hui l’opportunité des départs à la retraite des fonctionnaires pour diminuer les effectifs et augmenter la productivité. Or le projet de loi de finances ne prévoit la suppression en 2006 que de 5 318 emplois pour 83 918 départs, selon les évaluations figurant dans les documents budgétaires.

Le rapport Pébereau préconise d’assurer aux collectivités locales une plus grande maîtrise de leurs ressources et de leurs dépenses. Or la réforme de la taxe professionnelle remet en cause l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et ce n’est pas la gauche qui critiquera l’actuel gouvernement puisqu’elle l’a très largement fait pendant cinq ans sous le gouvernement Jospin. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Oui, vous avez dégradé l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. D’ailleurs, Adrien Zeller, seul président UMP de région en France continentale, dans une lettre adressée au ministre délégué au budget le 6 décembre 2005, a exprimé combien la mesure de plafonnement de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée était «injuste pour les régions ». Celles qui ont une faible fiscalité et un taux de plafonnement élevé – qu’elles n’ont pas choisi – sont sanctionnées, alors que celles qui ont une imposition élevée et un plafonnement faible, comme la région Île-de-France, sont favorisées. Étrange conception de la justice !

Enfin, le rapport Pébereau préconise d’affecter intégralement les recettes exceptionnelles au désendettement. Or, dans le budget de 2006, un tiers des recettes liées aux privatisations, notamment d’autoroutes, sera affecté à des dépenses reconductibles.

Ce projet de budget n’est pas à la hauteur de la situation catastrophique de nos finances publiques. Il reflète un manque de courage et de vision à moyen terme de l’avenir de notre pays. C’est pourquoi le groupe UDF ne le votera pas.

M. Jean Leonetti. Honte à l’UDF !

M. Philippe Auberger. Ils récidivent !

M. Pierre-Louis Fagniez. Et ça, c’est grave.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas, dans le cadre de cette intervention, sur l’ensemble des mesures inscrites au présent projet de loi. À quoi bon en effet commenter à nouveau un train de mesures qui est la caricature d’une politique fiscale uniquement guidée, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, par des considérations idéologiques ?

Les réformes annoncées et qui vont à présent être mises en œuvre vont porter un rude coup à la progressivité, aux finances locales et à notre modèle social.

Votre credo est semblable à celui des pires représentants du populisme antifiscal. Vous faites en effet de la fiscalité l’unique bouc émissaire des difficultés économiques de notre pays, comme si elle présentait en France un caractère manifestement confiscatoire et que la baisse des impôts devait constituer l’unique vecteur de l’attractivité de notre territoire.

Mais pis encore, vous faites valoir ces baisses d’impôts et autre exonérations au seul bénéfice des catégories de contribuables les plus aisés. Vous prétendez que ces catégories sont la force vive de notre pays, alors que la poignée de bénéficiaires de vos mesures sont avant tout des rentiers.

Vous vous drapez dans l’argument de l’attractivité de la France, mais vous savez pourtant, comme nous, qu’une politique sociale ambitieuse, la promotion de services publics de qualité, une politique des salaires dynamique sont, au même titre que l’impôt, des facteurs d’attractivité essentiels.

Que signifient dans ce contexte les mesures fiscales préconisées par le Gouvernement ? Elles signent l’étroitesse de vos grilles d’analyse des réalités socio-économiques. Elles sont en ce sens également condamnées à l’échec dans la mesure où les pertes de recettes fiscales induites par des mesures d’exonération qui se sont démultipliées ces dernières années affectent durablement les autres éléments spécifiques de l’attractivité de la France, services publics et protection sociale en premier lieu, outre qu’elles contribuent à l’aggravation alarmante des inégalités. Et c’est bien là que réside l’autre principal grief que nous puissions leur faire. Je prendrai pour exemple quelques-unes des mesures les plus emblématiques de votre projet de loi, qui témoignent le mieux de votre sens de l’injustice.

Prenons tout d’abord la réforme fiscale des plans d’épargne logement de plus de douze ans, que vous avez décidé de soumettre désormais à l’impôt sur le revenu. Que signifie pareille mesure ? Elle est tout simplement l’exact pendant de la mesure d’exonération des plus-values réalisées sur les actions, décidée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Votre majorité s’est en effet appliquée, depuis quatre ans, à défendre une politique systématique de réorientation de l’épargne vers les placements en action, vers ce que vous appelez « l’épargne à risque », mais qui fait porter ce risque avant tout sur l’emploi et la vie de nos concitoyens.

Car quel est le principal motif des restructurations, la principale justification des plans sociaux qui ne cessent d’aggraver la situation de l’emploi dans notre pays, sinon précisément la création de valeur pour les actionnaires ? Les fonds de placement opèrent une pression destructrice sur l’emploi, les salaires et les investissements productifs.

Or, en favorisant fiscalement l’épargne à risque, non seulement vous vous adressez à un public restreint parmi les plus favorisés au détriment de l’épargne populaire, mais vous alimentez en outre une logique ruineuse pour notre économie.

La réforme souterraine de la fiscalité de l’épargne que vous avez engagée est l’autre versant des réformes de l’impôt sur le revenu et sur l’ISF, mais poursuit le même objectif : accorder des faveurs aux plus favorisés, au détriment de la majorité de nos concitoyens, au nom d’une pseudo-efficacité économique.

Second exemple : la réforme du mode de calcul du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 %. Malgré les retouches et les dispositifs visant à atténuer quelque peu l’impact de cette mesure sur les finances des collectivités locales, nous sommes là encore devant une mesure profondément injuste et dangereuse. Elle est injuste, car il n’est pas légitime de porter atteinte au principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités locales. En outre, l’impôt local est, une fois encore, à travers une telle réforme, envisagé comme une variable d’ajustement à la politique fiscale de l’État, sans que soit engagée une réflexion d’ensemble sur une véritable réforme de la fiscalité locale. Elle est dangereuse, car il est proprement surréaliste de vouloir priver les collectivités des moyens réels de faire face à leurs missions, alors qu’elles sont aux premières loges dans le domaine de la lutte contre la précarité, l’insertion ou l’éducation dans le contexte désastreux où l’État n’a d’autre priorité que de se défausser sur elles de ses responsabilités.

Enfin, pour vous opposer à la fameuse taxe Emmaüs, introduite par les députés contre l’avis du Gouvernement, vous êtes allé jusqu’à utiliser la procédure du vote bloqué au Sénat. Cette taxe ne visait pourtant qu’à préserver l’emploi de la filière du recyclage textile, un secteur qui constitue pour les salariés concernés un levier d’insertion professionnelle, la promesse d’une dignité recouvrée.

Voilà donc la philosophie qui vous guide. Nul n’est besoin de multiplier les exemples pour révéler cette évidence : outre qu’elle s’est avérée un échec économique complet, votre politique budgétaire a pour unique objectif de garantir les revenus du capital, au détriment de la lutte contre les inégalités et de l’intérêt général.

Nous ne pouvons souscrire à cette logique d’aggravation permanente de l’injustice fiscale. Nous confirmons bien évidemment notre vote contre ce projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Cette loi de finances aggrave les inégalités et paralyse l’action des collectivités locales. En outre, elle présente une particularité : au moment où l’on publie le rapport que le ministre des finances a demandé à M. Michel Pébereau pour définir les mesures nécessaires au redressement de nos finances publiques, c’est mal parti ! vous faites exactement le contraire !

M. Bernard Accoyer. Du calme, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Je ne citerai que deux exemples.

La deuxième recommandation du rapport préconise de ne pas réduire le niveau global des prélèvements obligatoires. Or vous procédez à 3 milliards de baisses d’impôt pour l’année prochaine. Vous aggravez donc délibérément le déficit de l’année prochaine, et, si l’on écoute M. Mariton, il ne faut pas en rester là. À quoi sert ce rapport puisque vous avez décidé de laisser à vos successeurs en 2009 le soin de résorber la dette que vous avez tellement aggravée depuis 2002 ?

M. Arnaud Lepercq. Vous parlez en connaisseur !

M. Augustin Bonrepaux. C’est de l’hypocrisie !

Le rapport Pébereau recommande d’assurer aux collectivités locales une plus grande maîtrise de leurs dépenses et de leurs ressources. Là aussi, vous faites exactement l’inverse !

M. Hervé Mariton. Vous arrive-t-il de penser par vous-même ? Vous ne faites que citer le rapport Pébereau !

M. Augustin Bonrepaux. Votre unique préoccupation est de réduire les dotations – vous allez d’ailleurs poursuivre dans cette voie avec la conférence sur les finances publiques –, de plafonner les recettes, c’est-à-dire d’interdire toute ressource nouvelle, et d’accroître les charges non compensées. Vous enserrez les collectivités locales dans cet étau.

Vous avez entamé la baisse des dotations dès 2003, avec la diminution de moitié du FNDAE et la réduction des crédits de l’ADEME. Cette année, au moment même où vous transférez les routes nationales, avec des crédits d’investissement dont tout le monde reconnaît qu’ils sont insuffisants, vous réduisez de 130 millions la dotation globale d’équipement versée aux départements.

L’article 27 prévoit la compensation financière des différents transferts de compétence pour 2005, mais aussi pour 2006 – en particulier s’agissant des personnels contractuels des collèges et des lycées. Je n’ai pas pu faire le bilan de ces compensations dans tous les départements, mais j’ai pu le faire pour le mien : en 2005, l’Ariège a perçu 807 790 euros, mais, pour 2006, la compensation ne sera que de 797 388 euros. Vous me direz que la suppression de la vignette est compensée, que le fonds académique de rémunération des personnels de l’internat est déduit. Il n’en reste pas moins qu’il nous manque 150 000 euros. Nous n’aurons même pas de quoi payer les contrats aidés ! Ils entrent pourtant dans notre champ de compétences à partir du 1er janvier, mais aucune notification des crédits qui y sont associés n’a été délivrée. La compensation ne se fait pas à l’euro près, et il faut donc la revoir pour en corriger les imperfections.

Ne soyez pas étonné, monsieur le ministre, si, dès le 1er ou le 2 janvier, des problèmes se posent dans les départements parce que les personnels ne seront pas en place. Sans les crédits de compensation, en effet, je ne vois pas comment nous pourrons verser les salaires. Je ne voudrais pas que se reproduise la situation que nous avions connue lors du transfert de RMI, que l’on nous avait demandé de verser début janvier alors que la compensation n’est venue qu’à la fin du mois. (« Et l’APA ? Et les 35 heures ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si les compensations doivent être faites à l’euro près, il faut prévoir les crédits correspondants. Pour le moment, tel n’est pas le cas.

Par ailleurs, vous savez que le transfert du RMI laisse un déficit de 1 milliard, que ne saurait compenser une recette de 100 millions.

Enfin, et le rapport Pébereau le signale également, il ne faut pas voter des lois entraînant des conséquences fiscales. Or nous en avons adopté au moins trois, concernant les sapeurs pompiers, les assistants maternels et le handicap.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous n’en sommes plus à la discussion générale !

M. Augustin Bonrepaux. Toutes aboutissent à transférer des charges nouvelles, non compensées dans leur totalité. Et je ne parle pas du plus important, la TIPP…

M. Arnaud Lepercq. Et l’APA ?

M. Philippe Rouault. Et les 35 heures ?

M. Augustin Bonrepaux. Nous discutons du projet de loi de finances pour 2006. Les 35 heures, c’était en 2000 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En outre, les finances des départements n’ont été mises en difficulté qu’en 2003. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – M. Bernard Accoyer fait signe que le temps de parole de l’orateur est écoulé.)

Monsieur le président du groupe UMP, nous n’avons pas déposé de motions de procédure afin de ne pas retarder les débats. Alors, permettez-moi de parler de l’essentiel, …

M. Patrick Ollier. C’est du chantage !

M. le président. Laissez M. Bonrepaux conclure.

M. Augustin Bonrepaux. …c’est-à-dire de la taxe professionnelle. Je vous suggère, mes chers collègues, de mettre à profit une suspension de séance pour lire le texte de l’article 67 du projet de loi. J’aimerais savoir combien d’entre vous parviendront à le comprendre. Il s’agit d’une tuyauterie indescriptible, certainement destinée à perdre les élus, voire à égarer un peu le Conseil constitutionnel.

M. Arnaud Lepercq. Pas d’injure !

M. Augustin Bonrepaux. Même le président de l’Assemblée ne s’est pas rendu compte qu’il devra peut-être rembourser en 2008 une partie du produit des impôts qu’il aura dû, par nécessité, augmenter cette année.

M. le rapporteur affirme que ces dispositions ne s’appliquent qu’à partir de 2008. Mais en fait, elles s’appliquent dès 2005, et c’est d’ailleurs la première fois que nous voyons cela : une loi rétroactive ! Les départements qui auront trop augmenté leurs impôts, comme la Marne ou le Loir-et-Cher,…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ou l’Ariège !

M. Augustin Bonrepaux. Non, l’Ariège ne les a augmentés que de 5 %. Nous ne serons donc pas pénalisés. Mais le Loir-et-Cher, qui les a augmentés de 15 %, devra rembourser 10 % de la taxe professionnelle. Ça, c’est de la rétroactivité ! Cela ne s’était jamais vu ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Je termine, monsieur le président.

Ces dispositions vont avoir pour grave conséquence de transférer la charge des entreprises sur les ménages.

M. Hervé Mariton. Mais non !

M. Augustin Bonrepaux. C’est contraire à l’engagement du précédent Premier ministre, qui avait promis que la réforme de la taxe professionnelle ne se ferait pas au détriment des ménages. Or ce transfert est inévitable, et vous le savez.

M. Hervé Mariton. Non ! Il suffit de ne pas augmenter les impôts.

M. Augustin Bonrepaux. Vous n’êtes d’ailleurs pas fiers de devoir voter cela.

Je terminerai par une question importante.

Vous n’avez cessé, monsieur le ministre, de reconnaître, au cours de ce débat, que les départements étaient dans une situation pratiquement ingérable.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Délicate !

M. Augustin Bonrepaux. Malheureusement, la loi de finances pour 2006 aggrave encore leur situation.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, il parle depuis plus dix minutes !

M. Augustin Bonrepaux. Comment les élus de la Manche, par exemple, feront-ils lorsqu’ils seront plafonnés à 70 % ? Vous le leur expliquerez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous prendrons moins de temps pour nous exprimer sur les amendements, monsieur le président.

Monsieur le ministre, allez-vous réellement compenser à l’euro près, avec des recettes évolutives, les charges que vous transférez, en particulier s’agissant des collèges et des lycées ?

Le bilan de votre politique n’est pas si remarquable qu’il puisse être donné en exemple aux collectivités locales. Laissez-les donc assumer leur propre gestion, comme vous le recommande d’ailleurs le rapport Pébereau, et tout ira certainement mieux. Occupez-vous dès à présent de réduire la dette plutôt que d’en transférer la charge sur vos successeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Avant de mettre aux voix le texte de la commission mixte paritaire, je vais appeler l’Assemblée, conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Nous devons examiner une vingtaine d’amendements du Gouvernement.

M. Didier Migaud. Sur une CMP, c’est du jamais vu !

M. Augustin Bonrepaux. Or nous n’avons pas eu l’occasion de les examiner en commission des finances, en particulier les sept ou huit amendements qui concernent l’article 67 du projet de loi. Certains connaissent peut-être parfaitement le sujet. En ce qui me concerne, une suspension de séance d’un quart d’heure – ce qui n’a rien d’excessif – m’est nécessaire pour prendre connaissance des amendements. Je conseille d’ailleurs à M. le président de la commission des finances d’en profiter pour réunir rapidement la commission afin que le rapporteur général nous en explique la teneur.

M. Patrick Ollier. Sur un texte de CMP ? Vous plaisantez !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, nous ne cherchons pas à retarder la discussion : nous voulons simplement comprendre ce sur quoi l’Assemblée nationale va se prononcer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne peut pas, d’un côté, renoncer aux motions de procédure pour des raisons de commodité en prétendant rendre service, et, de l’autre, demander une suspension de séance en feignant de découvrir une liste d’amendements.

M. Augustin Bonrepaux. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme chaque année, il s’agit, dans 99 % des cas, d’amendements de coordination ou, pour ce qui concerne l’article 67, que vous prétendez ne pas comprendre – alors qu’il ne pose aucune difficulté –, d’amendements visant à reprendre, pour une bonne part, les propositions du Sénat, que vous connaissez d’ailleurs parfaitement.

J’aimerais, monsieur Bonrepaux, que nous puissions achever la discussion de manière apaisée. Que vous ne soyez pas d’accord avec ce budget, malgré l’énergie foudroyante que j’ai déployée pour vous convaincre, cela me désespère, mais je vais essayer de m’en remettre. La quinzaine d’amendements restants – dont la plupart sont de coordination – valent-ils la peine de faire un incident ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Nous avons étudié et réétudié l’article, qui nous revient du Sénat. Il est inutile de suspendre la séance ou de réunir la commission des finances pour cela.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il n’y a pas que des amendements de coordination. Si c’était le cas, monsieur le ministre, votre collègue, Mme Alliot-Marie, ne serait pas présente à vos côtés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. C’est pour le plaisir de vous voir !

M. Didier Migaud. De même, on ne verrait pas siéger autant de membres de la commission de la défense.

M. Bernard Accoyer. Alors que les députés socialistes ne sont que quatre !

Mme Claude Greff. Ils sont déjà en vacances !

M. Didier Migaud. Il y a donc d’autres amendements, et nous demandons une suspension de séance pour pouvoir les étudier.

Nous pensons également qu’il serait légitime de réunir la commission des finances. Vous faites un choix différent ; c’est votre responsabilité. Mais ce n’est pas dans les traditions de notre commission. J’ai une certaine expérience en ce domaine, et j’ai rarement vu autant d’amendements déposés par le Gouvernement sur un texte de CMP.

Nous n’avons pas utilisé tout notre temps de parole cet après-midi.

M. Bernard Accoyer. Seulement quatre socialistes sont présents, dont trois se sont exprimés !

M. Didier Migaud. Nous n’exagérons pas, mais il convient de respecter certaines formes !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’essentiel des amendements est de coordination ou, s’agissant de la réforme de la taxe professionnelle, vise au rétablissement de la version sénatoriale. Vous ne pouvez pas dire que je vous ai pris en défaut – je n’ai aucun secret pour vous –, puisque j’ai expliqué en introduction à ce débat que deux amendements nécessiteraient une explication – ici, pas dehors. L’un concerne des crédits spécifiques du ministère de la défense. Il n’est donc pas anormal que Mme Alliot-Marie soit présente lors de son examen, et vous devriez au contraire vous en réjouir. Quant à l’autre, des explications sont nécessaires pour éclairer notre choix de revenir à la version du Sénat concernant la taxe professionnelle. Nous pouvons le faire de façon sérieuse et détendue, plutôt que de se lancer des invectives alors qu’il reste pas mal de choses à faire.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, nous avons le choix : nous pouvons accéder à votre demande de suspension – elle est de droit –…

M. Didier Migaud. Précisément : vous n’avez pas le choix !

M. le président. …mais la raison voudrait que les explications et les débats aient lieu ici.

Mme Claude Greff. Soyez raisonnables !

M. le président. La démarche proposée par le ministre me paraît être la meilleure : c’est ici qu’il convient de débattre des amendements qui vous posent problème…

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je n’ai pas eu, par exemple, l’occasion d’évoquer le problème posé par l’article 27, sur lequel j’aurais souhaité interroger le rapporteur général et le président de la commission des finances. Je leur ai d’ailleurs adressé ce matin une lettre sur le sujet, mais je comprends qu’ils n’aient pas eu le temps de la lire. Quoi qu’il en soit, il faut que je consulte le président de mon groupe. Je maintiens donc ma demande.

M. le président. Dans ce cas, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Notre collègue Didier Migaud a demandé, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance pour faire le point sur la suite de nos travaux.

Nous pouvons parfaitement comprendre que des amendements de coordination soient présentés en séance par le Gouvernement sur le texte d’une CMP, mais nous allons devoir examiner vingt-trois amendements d’inégale importance, dont certains ne sont pas secondaires. L’un d’entre eux est même particulièrement choquant puisque, au moment où l’on parle de l’augmentation de la dette de la France, il va accroître de 150 millions le déficit budgétaire. Comprenez notre indignation, notre colère même, devant ces conditions de travail, d’autant que le ministre de l’économie et des finances, M. Breton, prétend nous donner des leçons, comme il vient encore de le faire cet après-midi !

Monsieur le président, je pourrais vous demander de vérifier le quorum lors du vote sur le premier amendement. Je ne le ferai pas parce que je ne souhaite pas dégrader encore les conditions de travail que nous impose le Gouvernement. Toutefois, j’émets la protestation la plus vive et, surtout, je tiens à redire notre inquiétude quant à ce projet de budget pour 2006, qui n’est ni fait ni à faire. J’annonce dores et déjà que le groupe socialiste saisira le Conseil constitutionnel après le vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Il se passe actuellement, au sein même de l’Assemblée nationale, des faits inqualifiables et scandaleux. À proximité immédiate de l’hémicycle, dans la salle des conférences,…

M. Didier Migaud. Dans le périmètre sacré !

M. Patrick Bloche. En effet ! Dans cette salle, des salariés d’un groupe privé, Virgin, équipés d’ordinateurs portables, proposent aux députés présents des offres de téléchargement légales sur Internet pour y acheter de la musique en ligne.

M. Michel Bouvard. Quel est le rapport ?

M. Patrick Bloche. Virgin assure ainsi sa promotion au cœur même de l’Assemblée, allant jusqu’à proposer aux députés – tenez-vous bien ! – une carte représentant un crédit de 9,99 euros pour télécharger de la musique en ligne. Tout cela se passe à proximité de l’hémicycle alors qu’est inscrit à l’ordre du jour de notre séance de ce soir le projet de loi relatif au droit d’auteur.

Mais il y a plus grave : d’après ce qu’elles ont dit à notre collègue questeur Didier Migaud qui les interrogeait, il semble que ce soit le ministre de la culture qui ait autorisé ces personnes à entrer jusqu’ici. Elles ont d’ailleurs des badges portant la mention : « cabinet du ministre ».

M. Christian Paul. C’est scandaleux !

M. Patrick Bloche. Nous ne pouvons légiférer ainsi sous influence. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes libres et ne saurions avoir de mandat impératif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. J’en appelle à un peu de sagesse !

Monsieur Bloche, celui qui vient de faire de la publicité à une société commerciale, c’est vous ! (« Exactement ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Bloche. Qu’en pense le président Debré ?

M. Bernard Accoyer. Il n’y a rien à gagner à se livrer à de telles manipulations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. On veut nous manipuler ! Voilà la vérité !

M. Bernard Accoyer. Alors que nous débattons du budget de la France,…

M. Augustin Bonrepaux. Et dans quelles conditions !

M. Christian Paul. On vous sent gêné, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. …sujet important et grave s’il en est, mêler le vote qui va intervenir avec les polémiques inévitables que suscite le texte qui viendra en discussion ce soir constitue une forme de tromperie, de manipulation, que je condamne, car elle porte atteinte à la dignité, à l’honneur des parlementaires et à la qualité de leur travail.

M. Christian Paul. Dites-le au ministre de la culture !

M. Bernard Accoyer. Je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir le faire savoir à ceux qui ne s’en tiennent pas à l’objet de nos débats afin que ceux-ci gardent la hauteur qui leur est due. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bloche, je tiens à répondre à votre interrogation.

L’initiative dont vous parlez a été prise par le ministre de la culture. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Ah ! On approche de la vérité !

M. le président. Il a demandé par écrit au président de l’Assemblée nationale qu’à l’occasion du débat qui suivra celui-ci puissent être installés à proximité de l’hémicycle des ordinateurs portables, afin de permettre aux parlementaires de visualiser les techniques de téléchargement en ligne.

M. Christian Paul. Avec des avantages gratuits !

M. le président. Je rapporterai votre protestation à M. le président de l’Assemblée nationale, qui a autorisé cette démonstration.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous remercie, monsieur le président, de vous être renseigné sur le processus qui a conduit à cette démonstration. Que le ministre de la culture demande qu’une société privée organise une démonstration au moment même où va s’ouvrir la discussion parlementaire sur la question du droit d’auteur est profondément choquant. De plus, cela n’apportera absolument rien aux débats qui vont suivre. S’il est normal que les députés soient informés de toutes les évolutions technologiques – les travaux en commission sont pour cela parfaitement adaptés –, jamais encore je n’ai vu pareille initiative.

Je demande donc, monsieur le président, qu’il soit mis fin dès maintenant à cette démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en informons le président de l’Assemblée nationale.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous abordons l’examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire.

Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, j’aimerais présenter, en même temps que l’amendement n° 2, l’amendement n° 3 rectifié.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre, pour soutenir les amendements nos 2 et 3 rectifié.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ces amendements apportent tous deux des corrections purement techniques et ne me semblent pas poser de problème particulier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président…

M. le président. Monsieur Bonrepaux, souhaitez-vous répondre au Gouvernement ?

M. Augustin Bonrepaux. Non, monsieur le président, mais je voudrais expliquer notre vote.

Nous sommes défavorables aux amendements nos 2 et 3 rectifié qui proposent une réduction des bases de taxe foncière. Laisser l’initiative aux collectivités locales, ce n’est pas réduire leur base. Voilà pourquoi nous voterons contre ces amendements.

M. le président. L’Assemblée en prend acte.

Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La mise en place de la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes nécessite, dans les préfectures qui devront la percevoir, une adaptation des chaînes informatiques. L’amendement n° 4 propose donc d’en différer l’entrée en vigueur au 1er juillet 2006.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement supprime le gage résultant de la décision de la commission mixte paritaire d’augmenter le montant de la défiscalisation applicable aux esters éthyliques d’huile végétale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je présenterai, en même temps que l’amendement no 7, les amendements nos 8 et 9.

M. le président. Soit, monsieur le ministre.

Vous avez la parole pour soutenir les amendements nos 7, 8 et 9.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les amendements nos 7, 8 et 9 ont pour objet de corriger, aux articles 26 et 27, l’imputation du droit à compensation pour la part « collèges » entre la collectivité territoriale de Corse et les deux départements corses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements en discussion ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Tout d’abord, monsieur le ministre, j’aimerais savoir si, à partir de ces transferts, la commission consultative d’évaluation des charges pourra évaluer de manière exacte la réalité des transferts et des compensations pour les régions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Bonrepaux, permettez-moi de vous donner un conseil : ne cherchez pas le diable dans ces amendements, car vous ne l’y trouverez pas. Il s’agit pour l’essentiel d’amendements visant à prendre acte de demandes qui ont été faites, notamment par la commission consultative d’évaluation des charges. Il n’y a, en la matière, aucune surprise particulière, ni bonne ni mauvaise. Tous ces amendements sont conformes à la ligne que j’ai indiquée au début de la discussion. D’ailleurs, ce qui est vrai pour les trois amendements nos 7, 8 et 9 l’est aussi pour ceux qui ont déjà été examinés et pour ceux qui vont être ultérieurement appelés.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. C’est en fait l’article 27 qui pose problème, malgré la correction qu’introduisent les amendements nos 8 et 9. Je veux donc développer l’explication que j’ai déjà donnée à son sujet.

Après calcul, je réalise que les compensations effectuées au titre de l’année 2006 sont inférieures à celles de 2005. Mon département est ainsi passé de 807 000 euros pour 2005 à 797 000 pour 2006. Une telle différence est pour le moins paradoxale, dans la mesure où la compensation devrait couvrir, pour cette année, le personnel des collèges non titulaire, c’est-à-dire les contractuels, notamment au titre des contrats aidés.

Si la situation de l’Ariège est anormale, je crains que celle des Hautes-Alpes, dont la compensation est encore moins importante, ou encore celle du Cantal, de l’Aveyron ou de la plupart des départements qui reçoivent une compensation équivalente, ne soient identiques.

Il faut donc revoir ces compensations, qui ne me paraissent pas s’effectuer à l’euro près. J’insiste sur ce point à l’occasion du débat sur ces amendements, puisque je n’ai pas eu le temps de le développer tout à l’heure à la tribune.

Je remercie le Gouvernement de vérifier le chiffre de la compensation et de le corriger si nécessaire. À mon sens, en effet, celui-ci doit être revu par la commission consultative d’évaluation des charges.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement n° 1, concernant l’article d’équilibre, est important, bien qu’il relève de la pure constatation.

Il ne fait que traduire l’incidence sur l’équilibre pour 2006 des dispositions du collectif de fin d’année, conformément à la tradition. Les trois principales coordinations portent sur le dégrèvement de la TP en faveur des transporteurs routiers, sur la réforme de la TACA, adoptée à l’initiative de l’Assemblée, notamment d’Hervé Novelli, et sur l’ouverture de crédits nécessaires sur la charge de la dette, compte tenu de la reprise de dette au titre du FFIPSA.

Au total, le déficit budgétaire s’établit à 46,947 milliards d’euros. Il s’est donc à peine dégradé par rapport au projet initial du Gouvernement, alors que les redéploiements opérés en dépenses et en recettes ont atteint près de 2 milliards d’euros, ce qui est tout de même une performance.

C’est dire, je le répète, l’importance du travail accompli au Parlement, que je remercie à nouveau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11 rectifié.

La parole est à Mme la ministre de la défense, pour soutenir cet amendement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. L’amendement n° 11 rectifié reprend un amendement gouvernemental adopté par le Sénat, qui porte sur la contribution de la défense à l’effort demandé à l’ensemble des ministères à la suite des événements survenus dans les banlieues.

Le ministère de la défense s’est toujours investi dans les actions de solidarité nationale, sous des formes diverses. À ce titre, il aurait presque pu demander à être exonéré d’un apport financier supplémentaire. Depuis longtemps, en effet, mais d’une manière qui tend à s’accélérer, il contribue à trouver des solutions pour les jeunes en difficulté dans les banlieues. Chaque année, il engage directement au sein des armées 7 000 jeunes en échec total.

Mme Claude Greff. C’est juste !

Mme la ministre de la défense. Nous les formons, nous leur donnons un métier et nous les réinsérons professionnellement. De plus, nous avons mis sur pied, comme nous l’avions annoncé dans cet hémicycle, une opération « Défense-deuxième chance », qui s’adresse chaque année à 20 000 jeunes les plus en difficulté.

J’entends dire parfois que les crédits qui vont servir à cette initiative proviendraient essentiellement du ministère de la cohésion sociale. Je précise qu’il n’en est rien.

Tout d’abord, nous avons accompli, pour la mettre en place, un énorme travail de sélection des jeunes, à l’occasion de la JAPD, ainsi qu’un travail d’information, intégralement pris en charge par la défense.

Deuxièmement, nous assurons le recrutement des encadrants, qui viennent du ministère de la défense puisqu’il s’agit d’anciens militaires.

Ensuite, nous avons mis à disposition, pour démarrer cette opération, des personnels du ministère.

Enfin et surtout, nous mettons à la disposition de l’établissement public qui gère l’opération « Défense-deuxième chance » des terrains et des immeubles, support matériel sans lequel il serait impossible de la mener sur tout le territoire national. La valeur de ces terrains et de ces immeubles, qui devaient primitivement être vendus pour abonder intégralement le budget du ministère, représente environ 60 millions d’euros. Leur mise à disposition représente donc un apport très direct de la part du ministère.

Néanmoins, si je n’ai pas souhaité que celui-ci soit exonéré de l’effort collectif, c’est que la défense est depuis toujours au cœur de la République, notamment de ces deux principes fondamentaux que sont la solidarité et la promotion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que 75 millions d’euros de la défense soient affectés à cette opération générale du Gouvernement, à la seule condition qu’ils soient prélevés sur l’augmentation du financement initial des OPEX, que nous avions organisée cette année. Ainsi, nous conserverons l’augmentation de leur financement initial, que je demande depuis mon arrivée à ce ministère, mais amputée des 75 millions d’euros que nous apporterons à l’effort gouvernemental en faveur des banlieues et qui pèseront sur notre trésorerie, en attendant la loi de finances rectificative.

Pourquoi ai-je demandé que ces 75 millions soient pris entièrement sur les OPEX, ce qui peut faire débat ? Parce que je ne pouvais pas les prendre ailleurs.

En premier lieu, je ne pouvais pas les prendre sur les crédits correspondant à la loi de programmation militaire, et ce pour une raison très simple : cette loi, vous l’avez votée pour doter nos armées, aujourd’hui et demain, des moyens qui leur sont nécessaires pour accomplir leurs missions. Il est inutile de vous rappeler l’état dans lequel, il y a trois ans et demi, nous avons trouvé les armées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Si plus de la moitié des matériels étaient inutilisables, c’est précisément parce que certains, qui se trouvent aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, n’avaient pas respecté la loi de programmation militaire. Mais nous, nous avons toujours dit que c’était une priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C’est une priorité non seulement pour les militaires, mais aussi pour les entreprises de vos régions, mesdames, messieurs les députés, et même pour l’emploi.

Mme Claude Greff. C’est certain !

Mme la ministre de la défense. La loi de programmation militaire, c’est d’abord de l’activité pour 40 000 entreprises, grandes et petites, qui se trouvent sur tout le territoire national. Grâce à elle, 2,5 millions de personnes travaillent directement ou indirectement pour la défense. De sorte que, dès qu’on fait une entaille à la loi de programmation militaire, on retire de la visibilité aux entreprises et on supprime des emplois. Cela, nous n’en voulons pas, surtout aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

On me dira que ces 75 millions, j’aurais pu, tout en respectant la loi de programmation militaire, les prendre ailleurs, en sacrifiant par exemple les crédits de personnel. Mais je rappelle que le président de la commission de la défense, présent dans cet hémicycle, a demandé avec raison une mission sur les personnels du ministère. Le rapport a été publié la semaine dernière et la plupart d’entre vous en ont lu le compte rendu dans les journaux. Il souligne l’existence d’une forte tension, du fait des nombreuses opérations qui visent tant à protéger le territoire national qu’à intervenir à l’extérieur. Certains militaires restent jusqu’à huit mois en opération extérieure, ce qui est évidemment trop pour qu’ils puissent s’entraîner ou se reposer.

M. Lionnel Luca. Et ils ne travaillent pas comme à la SNCF !

M. Jacques Myard. Ni comme à l’éducation nationale !

Mme la ministre de la défense. Il n’est donc pas possible aujourd’hui de faire des économies sur les personnels militaires. Quant aux personnels civils, ils ont fait, depuis quatre ans, l’objet d’un effort considérable, sans doute inégalé par les autres ministères.

Restent les crédits de fonctionnement, sur lesquels il peut sembler simple de réaliser des économies. Mais une part essentielle est destinée aux carburants, laquelle ne peut être réduite, puisque leur prix est soumis aux incertitudes que vous savez. La situation à cet égard est déjà extrêmement sensible.

M. Lionnel Luca. Eh oui !

Mme la ministre de la défense. Voilà pourquoi j’ai proposé de prélever les 75 millions de notre contribution sur le financement initial des OPEX. Et je l’ai fait d’autant plus volontiers que, à mon sens, nous allons réaliser des économies sur celles-ci, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, depuis trois ans, nos efforts de gestion ont permis de réaliser des économies d’environ 40 millions d’euros sur les OPEX. Ensuite, au cours de l’année 2005, nous avons consacré, sur 521 millions d’euros, plus de 9 millions à l’opération Beryx, déclenchée après le drame du tsunami et au cours de laquelle, ne l’oublions pas, nos militaires ont joué un rôle essentiel pour aider les Français qui étaient sur place à retrouver et à identifier leurs morts et participer au relèvement du pays. En outre, nous nous sommes retrouvés en première ligne au sein de la Force de réaction rapide de l’OTAN, qui a été amenée à intervenir à la fois en Floride, après l’ouragan, et au Pakistan, à la suite du tremblement de terre. Étant alors placés en alerte, nous ne pouvions refuser ces missions, qui nous ont coûté très cher.

Si je propose que le prélèvement porte sur le financement initial des OPEX, c’est donc bien parce que cela correspond à une réalité.

Mme Claude Greff. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le fait que nos militaires sont toujours prêts à de nombreux sacrifices pour faire preuve de leur totale solidarité envers ceux qui souffrent ou sont en difficulté, mais qu’ils sont également très attentifs aux signaux symboliques que nous leur adressons. Le week-end dernier, j’étais au Tadjikistan et en Afghanistan, où j’ai rencontré nos militaires, aussi bien dans le sud du pays qu’à Kaboul. Ils sont confrontés à une mission très difficile parce que pleine de risques. Cette mission, que nous leur avons confiée et qui consiste à lutter contre le terrorisme, ils l’assument, je l’ai constaté, avec détermination, courage et un sens du dévouement inégalé, pour nous protéger.

En effet, le terrorisme peut frapper en France à tout moment et les crises dans lesquelles nos militaires sont impliqués peuvent avoir des conséquences directes dans notre pays. Si les Balkans ne retrouvent pas la stabilité, les trafics d’armes et de drogue perdureront et continueront de perturber nos banlieues et nos campagnes.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

Mme la ministre de la défense. Si l’Afrique sombre dans une crise généralisée – et nous pouvons le craindre en Côte-d’Ivoire, au Tchad, au Soudan et dans bien d’autres pays –, nous risquons de voir immigrer de manière massive ceux qui chercheront à gagner les premiers territoires en paix susceptibles de les accueillir dans des conditions à peu près satisfaisantes. Dès lors, ce ne seraient plus quelques dizaines de milliers de personnes, mais des millions qui immigreraient illégalement.

En cette veille de Noël, souvenons-nous que des milliers d’hommes et de femmes vont demeurer loin de leurs familles et de la chaleur de leurs foyers. N’oublions pas que, s’ils acceptent ces contraintes et courent parfois les plus grands risques, ce n’est pas pour eux, pour être payés, mais pour nous protéger. En Afghanistan, j’ai pensé à ce soldat mort il y a quelques semaines et à ces militaires que j’ai visités à l’hôpital Percy : deux d’entre eux, âgés de vingt-trois ans, risquent d’être amputés.

Nos militaires demandent peu : servir la France, servir leur idéal. Ils sont conscients des impératifs de la solidarité, mais ils savent aussi ce qu’on leur demande par ailleurs.

Ce budget, il ne faut pas seulement le voter en cherchant un équilibre intellectuellement satisfaisant, mais aussi en pensant à eux. C’est pourquoi je vous demande de suivre ce qui a été proposé au Sénat. Cela nous permettra en effet de participer à cette solidarité nécessaire – à laquelle nous montrons déjà notre volonté de contribuer largement –, sans pour autant prendre le risque de remettre en cause la sécurité et l’efficacité de nos forces à l’extérieur.

Mme Claude Greff. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Ce soir, je suis sûre que, sur tous les bancs de cette assemblée, nous aurons une très forte pensée pour nos soldats. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 11 rectifié ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir évoqué, en des termes si convaincants, l’action remarquable que conduit notre défense sur les terrains internationaux.

Mme Claude Greff. Ce rappel s’imposait, en effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Pour ma part, j’évoquerai, plus modestement, les questions budgétaires qui, après tout, nous réunissent, en vous rappelant le contexte dans lequel se pose la question des 75 millions d’euros dont nous débattons.

À la suite des violences urbaines que notre pays a connues, le Gouvernement a décidé de consacrer, en 2006, 325 millions d’euros de crédits supplémentaires à l’amélioration de la situation dans nos banlieues. Deux choix s’offraient au Premier ministre : soit il aggravait d’autant le déficit de 2006 – dont je rappelle qu’il s’élève à près de 47 milliards d’euros –, soit il procédait à un redéploiement de crédit des différents ministères. Dans sa grande sagesse, le Premier ministre a choisi la seconde solution et il a décidé que chaque ministère, quelles que soient les actions qu’il mène par ailleurs en faveur des banlieues – je pense à ceux de l’éducation nationale et de la cohésion sociale – devrait contribuer au financement de ce programme supplémentaire en proportion de ses crédits.

Dans ce cadre, la contribution du ministère de la défense s’élève à 75 millions d’euros, ce qui représente deux millièmes de son budget – 40 milliards d’euros –, soit une somme inférieure à celle que le ministère de la défense aurait dû verser en vertu de la stricte proportionnalité puisque, selon ce principe, elle aurait dû s’élever à 90 millions d’euros. Toutefois, et Mme la ministre l’a excellemment rappelé, le ministère de la défense consent, depuis de longues années, d’importants efforts en faveur de l’insertion des jeunes issus de nos banlieues difficiles. En tant qu’élu d’une zone franche urbaine, je puis d’ailleurs témoigner du caractère remarquable des formations qu’il dispense et j’ajoute que, en 2006, ces efforts seront accentués, avec la mise en œuvre du programme « Défense 2006 » et l’accueil de 10 000 jeunes en difficulté dans des locaux mis à disposition par le ministère.

Le 22 novembre dernier, en première lecture, l’Assemblée a, sur proposition du Gouvernement, réparti ces 75 millions d’euros entre les quatre programmes du ministère de la défense : « Emploi des forces », « Équipement », « Prospective » et « Soutien ». Toutefois, quelques jours plus tard, au Sénat, le Gouvernement a souhaité modifier cette répartition pour imputer la totalité de cette somme sur la dotation dite « OPEX ». Celle-ci est de 250 millions en 2006. Nous progressons ainsi vers une plus grande sincérité budgétaire, car je rappelle que, pendant bien des années, notamment sous la précédente législature, aucun crédit n’était inscrit à ce titre dans le projet de loi de finances. Néanmoins, nous savons tous que, même si des économies vont être réalisées, le coût moyen des OPEX est de 500 à 600 millions par an. L’économie de 75 millions imputée sur les 250 millions inscrits au budget est donc purement virtuelle.

Cette question peut vous paraître mineure : après tout, il ne s’agit que de 75 millions sur 40 milliards d’euros et l’on peut se demander s’il était vraiment nécessaire que le Gouvernement dépose à ce sujet un amendement au texte issu de la commission mixte paritaire. Mais nous devons assainir nos finances publiques et il s’agit là de travaux pratiques.

Un rapport, paru il y a quelques jours et que nous avons tous commenté, souligne en effet que la dette devient préoccupante, puisque nous affectons la quasi-totalité du produit de l’impôt sur le revenu aux seuls frais financiers qu’elle génère. Nous devons donc prendre le problème à bras-le-corps et réaliser, budget après budget, les économies nécessaires à l’indispensable assainissement de nos finances publiques.

Tel est le débat qui a eu lieu en commission mixte paritaire, et il est tout à fait noble. À l’unanimité, nous avons souhaité, avec nos collègues sénateurs, dans un souci de transparence et de sincérité budgétaires, en cette première année d’application de la loi organique relative aux lois de finances, revenir à la disposition votée par l’Assemblée nationale le 22 novembre dernier. J’ajoute – et cela ne vous aura pas échappé – que, en votant l’article 57 du projet de loi de finances pour 2006, nous avons tout fait pour faciliter la tâche du ministère de la défense en lui permettant d’obtenir tous les reports de crédits nécessaires, compte tenu de la particularité de ses programmes d’investissement, qui se déroulent sur plusieurs années.

Par dérogation à la loi organique, tous les reports de l’année 2005 sur l’année 2006 ont donc été rendus possibles.

La CMP est revenue aux dispositions votées par l’Assemblée nationale par souci de sincérité et de transparence budgétaires, mais également parce que nous voulons donner un signal fort en faveur de l’assainissement de nos dépenses publiques. Je vous demande, mes chers collègues, d’en faire de même.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. M. le rapporteur fonde sa démonstration sur le risque d’augmentation de la dette, mais nous devrions nous interroger sur ce dogmatisme. Je lui pose donc la question suivante : quel est le montant de l’épargne actuelle des Français ?

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Notre débat est difficile parce qu’il n’est pas simplement budgétaire : il touche aux fondamentaux de l’action publique et de la République.

Je veux tout d’abord remercier Michèle Alliot-Marie d’avoir à nouveau souligné l’importance de l’action de nos armées à l’extérieur, sans laquelle la France ne serait pas la France. Ni l’action des militaires, ni la solidarité de la nation à leur endroit, ni les actions exemplaires menées en faveur de l’insertion par le ministère de la défense ne sont en cause : il s’agit d’un problème de technique budgétaire.

Nous avons autorisé, par l’article 57 du projet de loi de finances, une dérogation à l’article 15 de la loi organique du 1er août 2001, que nous avons adoptée à l’unanimité du Parlement. Mes chers collègues, nous sommes tous dépositaires de la loi organique, qui doit nous permettre de gérer la dépense publique de manière plus efficace et dans un souci de transparence budgétaire.

Selon la loi organique, les crédits de report sont limités à 3 %. Ce calcul, pour le ministère de la défense, aurait abouti à des reports de crédits pour l’exercice suivant à hauteur de 400 millions d’euros. Or, ceux-ci se situeront dans une fourchette comprise entre 1,5 et 3 milliards d’euros, cette augmentation étant du reste justifiée par la mise en œuvre de la loi de programmation militaire.

Pourquoi 97,5 % des dépenses en capital du budget de la défense s’affranchiront-ils de la règle des 3 % ? La réponse à cette question est connue : c’est en raison de ce mal chronique – il dure depuis des années – qu’est la sous-budgétisation des OPEX.

M. Charles de Courson. C’est la même chose tous les ans !

M. Michel Bouvard. À ce propos, je remercie Michèle Alliot-Marie d’avoir entrepris la budgétisation progressive des OPEX, avec le soutien du Premier ministre et du ministre des finances.

M. Guy Teissier. Et du Parlement !

M. Michel Bouvard. L’amendement du Gouvernement mentionne une dotation de 20 millions d’euros en 2004 ; le chiffre exact était en réalité de 24 millions d’euros, pour atteindre 100 millions d’euros en 2005. Pour 2006, il avait été prévu un seuil de 250 millions d’euros. En fait, il sera moindre, et je salue les vrais efforts d’économie engagés par le ministère de la défense sur les OPEX.

Mais force est de constater que nous avons des lois de règlement. En 2003, la dotation des OPEX s’élevait à 643 millions d’euros, dont 514 millions d’euros au titre III. En 2004, elle était de 633 millions d’euros – il y avait, me semble-t-il, 2 000 soldats de moins en opérations extérieures –, dont 565 millions d’euros au titre III, ce qui allait très au-delà de l’inscription budgétaire.

La commission des finances considère que l’inscription de 250 millions d’euros au titre de l’année 2006 n’est pas réaliste. En effet, les besoins pour l’exercice 2005 en cours se situent aux environs de 520 millions d’euros pour le titre III, et il est vain de miser sur une diminution de moitié de ces besoins, même au prix de gros efforts d’économies.

Nous savons aujourd’hui, comme l’a expliqué le rapporteur général, que l’imputation de l’effort demandé au ministère de la défense sur les OPEX n’est pas une véritable économie, car nous retrouverons cette somme dans le collectif de fin d’année. Par ailleurs, cette sous-évaluation des OPEX, qui demeure, soulèvera encore l’an prochain le problème des reports de crédits du ministère de la défense, et provoquera à nouveau un débat sur la nécessité de maintenir ces reports de crédits. Ceux-ci constituent une entorse aux règles de bonne gestion, mais sont nécessaires pour permettre l’exécution de la loi de programmation militaire, pour ne pas générer de surcoûts en cas de retard des programmes d’armement et pour maintenir un certain nombre de plans de charge en matière d’activités industrielles et de recherche.

Au-delà du problème technique que pose cet amendement, nous devons répondre à deux questions.

Premièrement, avons-nous collectivement la volonté d’assurer la transparence sur les dotations des OPEX dès le début de l’exercice budgétaire, ce qui est hautement souhaitable et suppose que le Gouvernement rende ses arbitrages entre les ministères ainsi qu’entre les différents programmes du ministère de la défense ? Ceci relève de la compétence de l’exécutif. Nous souhaitons que les OPEX fassent l’objet d’une inscription. Ce souhait étant, me semble-t-il, partagé par la commission de la défense, il conviendrait que les commissions de la défense et des finances de l’Assemblée et du Sénat puissent travailler avec le Gouvernement sur ce point.

Deuxièmement, les économies proposées par soustraction de telle ou telle dépense afin d’en financer une autre sont-elles de vraies économies ? En l’occurrence, ce n’est malheureusement pas le cas, comme l’a montré l’exemple des années précédentes : nous retrouverons, au plus tard lors du collectif budgétaire, la somme censément économisée, ce qui est tout de même problématique alors que nous sommes dans la première année d’application de la LOLF.

Encore une fois, madame la ministre, il ne s’agit pas de mettre en cause le fonctionnement des armées. Vous avez tout à l’heure rappelé le sacrifice de nos soldats, qui ont souffert dans leur chair et même souvent payé de leur vie leur engagement sur les théâtres d’opérations extérieures. Dans mon département, le 13e BCA a perdu l’un de ses hommes, et il a été déstabilisé par un certain nombre d’événements récents. Je suis le premier à dire combien la solidarité avec notre armée s’impose.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bouvard.

M. Michel Bouvard. Toutefois, je partage l’avis du rapporteur général : nous avons aussi un devoir en matière de transparence budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier. Nous venons d’entendre un long exposé très technique. Pour ma part, je voudrais rappeler, mes chers collègues, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause la solidarité naturelle qui s’exprime entre nous au travers du « plan banlieue » pour un coût de 75 millions d’euros, mais de s’interroger sur la répartition budgétaire, en l’occurrence inacceptable, même si elle ne porte pas sur les dépenses de personnel du titre II. La réduction de tous les programmes de la mission « Défense » me paraît extrêmement préjudiciable, d’autant que cette réduction sera complètement arbitraire, puisque effectuée de façon proportionnelle. En réduisant les moyens consacrés au programme « Préparation et emploi des forces », nous allons affecter l’entraînement de nos forces.

Comme l’a souligné Mme la ministre, une part importante des crédits de fonctionnement est destinée à l’achat de carburants, dont les prix sont actuellement en hausse. Les militaires pâtiront également de la réduction des crédits affectés à l’amélioration de leur condition, alors qu’un rapport récent rédigé par nos collègues Bernadette Païx et Damien Meslot vient de mettre en évidence les difficultés dans lesquelles un grand nombre de militaires se trouve aujourd’hui. Mais il est vrai que les militaires, eux, sont silencieux, qu’ils ne manifestent pas ni ne pétitionnent.

M. Charles Cova. C’est vrai !

M. Guy Teissier. Il est dommage, mes chers collègues, que l’on ne prenne pas la peine de les entendre beaucoup plus que d’autres.

En outre, ces réductions seraient contraires à la volonté du Président de la République qui est, rappelons-le, le chef des armées.

Enfin, le renouvellement de notre flotte aérienne doit également être assuré.

La seule possibilité qui s’offre réellement à nous est celle – excellemment présentée par Mme la ministre – de l’imputation sur les crédits des OPEX, afin de ne pas rompre l’équilibre de la construction du budget de 2006. Un refinancement sera possible à l’automne 2006, suivant une procédure identique à celle de cette année, qui n’aggrave pas le report mais permet au contraire d’utiliser une partie supplémentaire des reports des crédits des années antérieures. C’est donc une répartition de l’effort à l’intérieur du ministère de la défense à l’automne 2006 qui permettra ce financement.

Il vaut mieux laisser à d’autres le soin de porter des coups bas à la défense, et abandonner à M. Hollande sa vision étriquée du rayonnement de la France ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ne désespérez pas les hommes et les femmes de la défense, qui ne le méritent pas ! Ils nous représentent sur tous les terrains d’opérations, ils assurent notre sécurité en silence et se dévouent avec grandeur à la cause de la France !

Pour toutes ces raisons, je vous demande donc, mes chers collègues – et je m’adresse à l’ensemble des parlementaires présents – de soutenir l’amendement défendu par Mme la ministre de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Alors que nous arrivons au terme de ce débat budgétaire, je me tourne vers M. le ministre délégué au budget, car nous devrons bientôt préparer le budget de 2007. Le Premier ministre s’est engagé à ce que celui-ci soit, en valeur, égal à celui de 2006. Or nous avons déjà entendu tous les ministres se plaindre d’une insuffisance de crédits. Il est très difficile, madame la ministre, de s’exprimer après vous, car, si je partage vos préoccupations, je déplore que la culture de la dépense publique reste dans notre pays extraordinairement forte, y compris au sein du Gouvernement et du Parlement.

Tous les autres gouvernements d’Europe ont entrepris un effort de productivité et de réforme de l’État.

M. Philippe Folliot. Pas sur les missions régaliennes !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Mais les missions régaliennes représentent 80 % du budget de l’État !

Ayons donc un minimum de cohérence : que ceux qui parlent d’une meilleure maîtrise de la dépense publique, d’une réduction des prélèvements obligatoires, d’un rééquilibrage entre le secteur privé et le secteur public, nous aident à faire en sorte que chaque ministère accomplisse un effort pour 2007. À défaut, vous pouvez être certains que nous finirons ce quinquennat avec un déficit qui portera gravement préjudice à l’avenir de l’emploi.

Mme Christine Boutin. C’est du dogmatisme !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Pas du tout : il est établi qu’il existe une relation directe entre le niveau de la dépense publique et celui de l’emploi. Je suis prêt à vous écouter si vous pensez pouvoir me démontrer le contraire.

Mme Christine Boutin. Et les États-Unis, que font-ils ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Si nous ne nous engageons pas dans une meilleure maîtrise de la dépense publique, dans un effort de productivité et de réforme de l’État, nous ne parviendrons pas à répondre à l’aspiration des Français à plus d’emplois et à plus de pouvoir d’achat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Communication de M. le président
de l’Assemblée nationale

M. le président. Mes chers collègues, le président de l’Assemblée nationale a été informé des rappels au règlement provoqués par la présentation effectuée dans la salle des conférences à l’occasion de la discussion du projet de loi sur le droit d’auteur.

Il a décidé d’interrompre immédiatement cette présentation, dont il apparaît qu’elle ne se déroule pas dans les conditions qui avaient été prévues et sur lesquelles il avait donné son accord. Le président considère donc qu’il n’y a plus lieu de revenir sur cet incident. (« Très bien ! » et applaudissements sur divers bancs.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans la loi de finances rectificative pour 2005, un amendement tendant à reprendre 2,5 milliards de dette a été adopté. Or voici qu’il nous est demandé de majorer les intérêts de la dette de 55 millions. Si l’on divise cette somme par 2,5 milliards, cela donne, en gros, 2,2 % de taux d’intérêt. Or cette hypothèse me paraît extrêmement optimiste. Doit-on comprendre que tout va être financé par une dette flottante sans augmentation des taux d’intérêt à court terme ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter quelques précisions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce sont les taux qui prévalent pour les bons de court terme. Nous avons donc repris ce qui nous avait été recommandé.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 13.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 15 rectifié.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit d’un autre amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 16 à 21, qui portent tous sur la réforme de la taxe professionnelle.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre, pour défendre les amendements nos 16 à 21.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. S’agissant de la taxe professionnelle, nous avons eu au cours de ces dernières semaines des débats approfondis sur la réforme. Comme je l’ai dit dans mon discours liminaire, c’est un signal majeur que nous envoyons à toutes nos entreprises. Chacun l’aura compris, la réforme ne s’arrête pas ce soir. Elle commence au contraire à partir d’aujourd’hui, et il va maintenant falloir la faire vivre.

Parmi les éléments les plus importants de cette réforme figurait l’année de référence. C’est évidemment une question importante, même si je voudrais vous rappeler qu’elle ne change évidemment rien pour les entreprises : il s’agit uniquement d’une question mettant en jeu les relations entre l’État et les collectivités locales pour la prise en charge du coût du dégrèvement.

Sur ce sujet, la commission mixte paritaire a apporté une ultime correction au texte qui avait été adopté par le Sénat. Je rappelle que le texte initial proposé par le Gouvernement prenait 2004 comme année de référence ; l’Assemblée nationale a souhaité modifier cette référence en lui substituant le plus faible des deux taux suivants : celui de l’année 2005 ou celui de l’année 2004 majoré de 4,5 %.

Puis le Sénat a proposé d’améliorer ce dispositif sur deux points : d’abord en retenant un coefficient distinct de majoration du taux de l’année 2004 pour chaque catégorie de collectivité, ensuite en raisonnant sur une moyenne sur trois années plutôt que sur une seule pour déterminer ce coefficient, de façon à rendre mieux compte de la politique fiscale conduite dans les collectivités.

Il me semble que, grâce à ce travail, nous étions parvenus à un dispositif équilibré, c’est-à-dire permettant à la fois de « remettre les compteurs à zéro » sans pour autant avaliser les comportements parfois excessifs constatés en 2005 en matière de taux dans certaines collectivités, notamment régionales.

Certes, je conviens qu’il y avait sans doute matière à améliorer encore le dispositif. Mais, à chaque fois que nous le faisons, nous devons bien être conscients que nous prenons aussi le risque de nous écarter de l’esprit initial de la réforme et de perdre en lisibilité.

C’est la raison pour laquelle, après mûre réflexion et concertation, je vous propose de nous en tenir à la version adoptée par le Sénat, qui, je crois, avait atteint un certain équilibre.

Il s’agit donc de retenir 2005 comme année de référence dans la limite du taux de 2004 majoré de 5,5 % pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, de 7,3 % pour les départements et de 5,1 % pour les régions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Il s’agit là de l’une des principales réformes de la loi de finances pour 2006. Il faut faire en sorte que, dès 2007, plus une seule entreprise en France ne puisse acquitter plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée sous forme de taxe professionnelle. Cela représente évidemment un coût très important pour l’État puisque, entre ce dispositif et le dégrèvement pour investissement nouveau, l’effort supplémentaire est estimé à 3 milliards d’euros pour la loi de finances pour 2007.

Nous avons eu de très longs débats sur le taux de référence. À partir de quand les collectivités locales devront-elles se placer, aux côtés de l’État, pour assurer une meilleure compétitivité de nos entreprises ? Deux choix s’ouvraient à nous.

Le premier consistait à prendre pour référence l’année 2005 au motif que, lorsque les collectivités locales ont voté leur taux de taxe professionnelle au printemps 2005, elles ne connaissaient pas les conditions dans lesquelles serait opérée la réforme de la taxe professionnelle. Cette référence permettait de lancer la réforme sur des bases parfaitement connues lorsque sera abordé l’examen du budget pour 2006 dans les communes, les départements et les régions.

Prendre 2005 pour référence présentait cependant l’énorme inconvénient de donner une prime très importante aux régions, dont vingt sur vingt-deux ont fortement augmenté leur taux de taxe professionnelle, de 25 % en moyenne.

La seconde option consistait à ne pas s’en tenir au taux de 2004 et à prévoir un coefficient de majoration. C’est la voie que nos avons choisie en retenant un coefficient de majoration de 4,5 %.

Nos collègues du Sénat ont conforté cette démarche en estimant cependant que les conditions de progression des taux de taxe professionnelle n’étaient pas les mêmes selon les catégories de collectivité. Ils ont notamment considéré qu’en 2005 les départements avaient été conduits à majorer assez sensiblement leurs taux compte tenu de la dynamique des dépenses transférées. Ils ont donc prévu une augmentation forfaitaire sur la base 2004, mais qui tienne compte des comportements d’évolution de la fiscalité moyenne au cours des dernières années de chacune des catégories. Cela donne donc trois références : une pour les communes et l’intercommnunalité, une pour les départements, et une pour les régions.

Partant de là, nous nous sommes interrogés en commission mixte paritaire s’agissant surtout de la catégorie des communes et des intercommunalités. Il apparaît en effet, au vu des votes intervenus en 2005, que ce sont les communes et les intercommunalités qui ont été les plus raisonnables en matière de fiscalité. Dans un souci d’équité, nous avons donc tenté de leur conférer une sorte de droit pour l’avenir – et pas seulement en 2005 – d’utiliser les possibilités de ce bonus porté de 4,5 % à 5,5 % au Sénat.

Le Gouvernement nous demande d’en revenir au vote du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale consistant à prévoir un bonus par rapport à 2004 uniquement utilisable en 2005.

Je suis conscient de l’enjeu budgétaire de cette disposition et de la nécessité de faire partir la réforme de la taxe professionnelle sur les bases les plus solides. En en revenant à la formulation du Sénat, meilleure en termes de taux de référence que celle de l’Assemblée, nous ferons en sorte que cette réforme soit acceptée par l’ensemble des collectivités. Je suis donc prêt, monsieur le ministre, à me rallier à votre proposition, au nom de la commission des finances. Si les régions n’avaient pas eu un comportement totalement irresponsable, nous aurions pu nous en tenir à la base 2005. C’eût été la meilleure des solutions. Mais nous avons à prendre en compte les effets d’une véritable irresponsabilité fiscale.

M. René Dosière. Mais non ! C’est votre esprit de vengeance qui est irresponsable !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Au cours de la première lecture à l’Assemblée nationale, l’UDF avait soulevé un problème très simple : la mesure de plafonnement était-elle juste ? J’avais démontré que, telle qu’elle était conçue, elle allait aboutir à pénaliser ceux qui avaient géré avec rigueur, et à récompenser ceux qui avaient fait l’inverse. À l’issue du débat, le ministre s’était engagé à déposer au Sénat des amendements tenant compte d’abord du niveau des taux. Il s’agissait, et c’était le bon sens, de ne pas traiter de la même manière ceux qui ont des taux très bas et ceux qui ont des taux très élevés. Il importait également de ne pas traiter de la même façon ceux qui ont un taux de plafonnement élevé et les autres, puisque nul ici n’a fait ce choix, qui dépend du hasard des implantations des entreprises.

En tout état de cause, je constate que l’amélioration est extrêmement faible à l’issue de la discussion au Sénat. On se borne en effet à indexer le taux sur la moyenne des trois dernières années pour chacune des trois catégories. Mais si l’on avait poussé cette logique jusqu’au bout, il fallait prendre la base 1995 puisque l’État prend en charge l’évolution des taux entre 1995 et 2004. Ceux qui n’ont procédé à aucune augmentation entre 1995 et 2003 ou 2004 sont en effet désavantagés par rapport à ceux qui n’ont fait qu’augmenter les impôts entre 1995 et 2000, et qui ne seront pas concernés par la mesure d’écrêtement.

On voit bien là le caractère extraordinairement injuste de cette disposition. Au regard du principe d’égalité entre les différentes collectivités territoriales, le Gouvernement prend donc un risque considérable devant le Conseil constitutionnel.

M. Didier Migaud. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Je voulais déposer un sous-amendement, qui, après la réunion de la commission mixte paritaire, ne pouvait être accepté qu’après accord du Gouvernement et qui tendait à prévoir qu’il fallait prendre en compte le taux, non pas de 2004 indexé, mais de 1995 indexé. Que l’augmentation soit intervenue en 2002, 2003, 2004 ou en 1996, 1997 et 1998, on aurait ainsi traité tout le monde de la même façon. Mais on a choisi là encore d’accentuer les inégalités. Ce système a été mal conçu et vous verrez, monsieur le ministre, qu’il ne tiendra pas sur la durée.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Tous les rafistolages auxquels le Sénat et le Gouvernement se livrent sur l’article 67 ne suppriment pas son caractère injuste. Nous sommes favorables au plafonnement de la taxe professionnelle pour les entreprises et nous avons déposé une proposition de loi en ce sens. Mais il ne faut pas que cela soit appliqué sans compensation des charges pour les collectivités locales.

Nous sommes naturellement opposés à l’article 67 et les solutions consistant à apporter un peu d’oxygène à celles qui sont les plus étranglées ne sont pas satisfaisantes. En réalité, on ne va pas étrangler les collectivités locales, mais on va les laisser mourir à petit feu !

M. Hervé Mariton. Oh !

M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, le rapport Pébereau préconise de les laisser libres en matière de ressources et de dépenses. Mais, comme le rapporteur général et le ministre l’ont admis, l’objectif est de sanctionner les régions par une mesure rétroactive !

M. Didier Migaud. Ciblée !

M. Augustin Bonrepaux. Vous enrobez la chose de façon que le Conseil constitutionnel ne comprenne pas : vous prétendez vous baser sur l’année 2005, mais en réalité le taux de référence est celui de l’année 2004. Je gage que les membres du Conseil comprendront que vous cherchez, pour la première fois, à introduire une mesure rétroactive dans notre dispositif fiscal !

Les collectivités peuvent-elles voter un budget sans savoir si elles auront l’année prochaine les recettes nécessaires, sachant qu’il leur faudra les rembourser en 2008 ? Le rapporteur général nous dit que la réforme ne s’appliquera qu’en 2008, mais prenez garde ! Chaque augmentation de taux vous donnera l’illusion de disposer de recettes, mais sur les bases plafonnées, et ces recettes ne vous appartiendront plus : il faudra les rendre !

M. Hervé Mariton. La solution, c’est de ne pas augmenter les taux !

M. Augustin Bonrepaux. Cela correspond aux tendances actuelles de l’UMP et fait plaisir à ceux qui proposent de baisser les impôts, alors que le rapport Pébereau recommande d’arrêter de baisser les prélèvements obligatoires. Le remboursement de la dette est renvoyé en 2009, ce que souhaitent les ultra-excessifs des députés de l’UMP. J’alerte les élus responsables, et il y en a sur tous les bancs. Je pourrais vous citer des départements dirigés par la droite qui ont augmenté les impôts en 2004 de 13 à 15 %. Ils rembourseront en 2008, et souvent plus que les régions, dont les prélèvements sont beaucoup moins importants que ceux des départements. En réalité, vous voulez vous venger des régions !

Par ailleurs, le caractère rétroactif de la mesure est inadmissible. Combien de fois avons-nous entendu M. Sarkozy, quand il était ministre du budget, dire qu’une loi ne devait pas être rétroactive ?

M. Didier Migaud. En effet, c’est très grave !

M. Augustin Bonrepaux. Et voilà que vous donnez le mauvais exemple. C’est la première fois qu’une telle mesure nous est proposée et cela va à l’encontre de ce que souhaite Michel Bouvard. Je suis sûr, mes chers collègues, que, si le Gouvernement vous l’ordonne, vous allez la voter !

Finalement, le seul objet de cet article 67, c’est de rendre le dispositif un peu plus conforme à la Constitution, mais il n’échappera pas à la sanction du Conseil.

M. Didier Migaud. Non, c’est trop grave !

M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes donc défavorables à l’ensemble de ces amendements, qui n’ont pour objet que de jeter de la poudre aux yeux. J’ajoute que, si quelqu’un a réussi à lire l’article 67 jusqu’au bout, qu’il le dise. En ce qui me concerne, je n’ai pas réussi !

M. Charles de Courson. Moi, je l’ai lu !

M. Augustin Bonrepaux. Il y en a au moins un ! J’avoue que je n’ai pu le lire en entier et que j’ai dû demander conseil pour comprendre les références. Je recommande à tous les élus de se méfier de ce texte. Ceux qui prétendent que l’article 67 ne pose aucun problème ne l’ont ni lu ni pressenti toutes ses conséquences.

Je m’oppose donc à l’ensemble de ces amendements, qui servent à faire passer en douceur des mesures inacceptables.

(M. René Dosière remplace M. Yves Bur au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je suis de ceux qui ont émis de vives réserves sur les conséquences du plafonnement pour les collectivités territoriales, notamment celles qui ont – Augustin Bonrepaux a eu raison de le souligner –, en raison de notre histoire industrielle, des bases très plafonnées. Si la réforme des plafonnements est légitime pour les entreprises, cela pose un certain nombre de problèmes pour les collectivités locales, dans un système qui ne tenait pas compte des différences existant entre les collectivités, ce qu’a reconnu ici même, monsieur le ministre, votre collègue en charge des collectivités territoriales.

Étant plus pragmatique qu’Augustin Bonrepaux, je constate qu’à l’issue des travaux du Sénat et de la CMP, ces amendements rendent la réforme acceptable pour les collectivités.

Mais nous n’échapperons pas à un autre débat sur la déliaison des taux et la compensation pour les départements. La logique voudrait que l’on apporte un peu d’oxygène au système pour les collectivités qui ont une forte base de taxe professionnelle très plafonnée.

Cette réforme représente une avancée et vous avez, monsieur le ministre, respecté l’engagement que vous avez pris ici même de tenir compte des différences entre les collectivités, mais nous n’échapperons pas à un débat sur la déliaison des taux, car il n’est pas exclu que les collectivités, du fait du plafonnement de la taxe professionnelle, souhaitent une évolution plus souple des différents taux d’imposition.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, je vous trouve un peu sévère. Les correctifs apportés par le Sénat sont une réponse pour les collectivités ayant des bases très plafonnées et pour celles qui ont un faible produit fiscal par habitant, donc des taux bas.

En ce qui concerne la constitutionnalité de ces amendements, on fait beaucoup parler le Conseil constitutionnel dans cet hémicycle. Je vous suggère de le laisser se prononcer dans son infinie sagesse.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, nous avons de bons arguments, puisque le Sénat a veillé, dans un souci d’équité, à ce qu’il y ait un taux différent pour chaque collectivité. De plus, retenir une moyenne sur trois ans évitera des fluctuations erratiques.

Il me semble que toutes ces dispositions, attendues depuis plusieurs années, témoignent d’une grande sagesse.

Enfin, monsieur Bonrepaux, vous qui dites toujours la vérité, il me semble que, pour une fois, vous nous mentez. Vous dites que celui qui a lu l’article 67 ne peut pas être en bon état ? Pour en parler aussi savamment, il est clair que vous l’avez lu en entier, et je vous trouve en très bon état ! (Sourires.)

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les amendements nos 16 à 21.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le soutenir.

M. Serge Poignant. Cet amendement, qui porte sur la taxe pour frais des chambres des métiers, tend à revenir au texte adopté par le Sénat.

Nous avions établi un droit fixe à 98 euros pour la chambre des métiers et de l’artisanat en métropole et à 8 euros pour les chambres régionales, soit au total 106 euros. La commission mixte paritaire fixe ce montant à 104 euros, ce qui pose un problème aux chambres d’outre-mer, dont la spécificité est d’exercer des missions dévolues en métropole à la fois aux chambres départementales et aux chambres régionales. Cet amendement vise à revenir à un droit fixe de 106 euros.

L’augmentation de 1 euro au profit de l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat se justifie car celle-ci gère un fonds de péréquation destiné à compléter les ressources des chambres les plus fragiles, généralement situées en zone rurale ou dans les DOM-TOM. Cette augmentation évitera d’avoir recours à des subventions budgétaires pour soutenir les chambres en difficulté en responsabilisant l’ensemble du réseau et en redressant la situation financière de l’APCM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

M. le président. Le fait même que cet amendement soit présenté nous indique que le Gouvernement y est favorable…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En effet !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(L’amendement est adopté.)

Demande de seconde délibération

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je regrette que pour le vote, en dernière lecture, de l’ensemble du budget de notre pays, nous soyons moins nombreux que nous ne l’étions tout à l’heure pour le vote d’un seul amendement. C’est pourquoi je souhaite, en application de l’article 101 de notre règlement, que notre assemblée puisse décider qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’amendement n° 11 rectifié du Gouvernement.

M. le président. L’article 101 dispose en effet que « la seconde délibération est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, ou si celle-ci l’accepte. »

M. Gilles Carrez, rapporteur. Ce n’est pas le cas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un effet de tribune ! Ne nous affolons pas !

M. Michel Bouvard. M. Migaud peut demander une seconde délibération, mais nous ne sommes pas obligés de l’accepter !

M. le président. La commission a répondu négativement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je vous demande d’appliquer l’article 101, qui dispose que « l’Assemblée peut décider, sur la demande du Gouvernement ou d’un député, qu’il sera procédé à une seconde délibération ». Si vous me retirez ce droit, il faut que ce soit l’Assemblée qui en décide !

M. le président. Je vais donc consulter l’Assemblée sur la demande de M. Migaud de faire procéder à une seconde délibération sur l’amendement n° 11 rectifié du Gouvernement.

M. Didier Migaud. J’y tiens, car des députés ont exprimé successivement deux avis contraires !

M. le président. Je consulte l’Assemblée sur la demande de seconde délibération.

(L’Assemblée, consultée, décide de ne pas procéder à une seconde délibération.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. J’indique à l’Assemblée que le bureau de la commission des finances doit se réunir immédiatement pour choisir les thèmes qui seront abordés par la mission d’évaluation et de contrôle.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de loi de finances pour 2006, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(L’ensemble du projet de loi de finances pour 2006 est adopté.)

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)