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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 19 janvier 2006

118e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Engagement national pour le logement

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement (nos 2709 rectifié, 2771).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, mes chers collègues, chacun d’entre nous connaît la situation difficile de nos concitoyens en matière de logement. Quelle que soit leur condition personnelle, les Français ont du mal à se loger, les plus touchés étant ceux dont les revenus sont les plus modestes. Aucune région, rurale ou urbaine, quelle que soit sa situation démographique et sociologique, n’est à l’abri de ce problème. On considère aujourd’hui qu’environ 3 millions de nos concitoyens sont mal logés et qu’un peu plus de 5,5 millions d’entre eux se trouvent en position de fragilité. Les chiffres en matière d’évolution des loyers et d’accession à la propriété ne sont guère rassurants, puisque l’on a assisté l’année dernière à une augmentation de 4,5 % du montant des loyers et de 15,5 % du montant moyen des transactions.

Alors que la question du logement a acquis une importance prioritaire dans la vie quotidienne de nos compatriotes, je tiens à saluer la détermination et le volontarisme du Gouvernement dans ce domaine. Monsieur le ministre, vous avez depuis trois ans déployé un effort sans précédent en matière d’aide au logement. Je veux évoquer en particulier l’action que vous menez dans les quartiers les plus sensibles : 239 quartiers bénéficient aujourd’hui des crédits de la nouvelle Agence nationale de rénovation urbaine, ce qui concerne directement plus de 1,5 million de nos concitoyens parmi les plus fragiles.

Je voudrais également saluer les annonces faites par le Gouvernement en matière d’accélération des crédits consacrés à la destruction des barres vétustes datant des années 50 et 60. La configuration des logements urbains doit être modifiée, et les moyens supplémentaires annoncés à l’automne vont dans le bon sens.

Enfin, il convient de rappeler que la loi de cohésion sociale dont vous avez été l’initiateur – avec l’appui de notre ami Marc-Philippe Daubresse, à l’époque ministre délégué au logement, auquel je tiens à rendre hommage – a fixé des objectifs très ambitieux : 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, signature de 200 000 conventionnements d’habitation à loyer maîtrisé et remise sur le marché de 100 000 logements vacants.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui au nom du Gouvernement s’inscrit dans la continuité de l’action que vous menez depuis trois ans et va indéniablement amplifier cette action sur un problème qui touche nos concitoyens au quotidien. Il va l’amplifier tout d’abord en permettant de libérer le foncier disponible pour la création de logements, en encourageant les communes et les maires à construire davantage, en renforçant l’accès au logement pour tous et en modernisant l’ensemble des opérateurs du secteur.

Je voudrais attirer votre attention sur deux questions qui me paraissent essentielles à la vision qu’a notre famille politique de cette question du logement.

La première est celle de l’accession à la propriété pour les ménages les plus modestes. Pendant trop longtemps, nous avons considéré que l’accession à une HLM était une fin en soi et qu’il fallait obligatoirement, dès lors que l’on correspondait à une certaine catégorie sociologique ou de revenus, se cantonner à ce type d’habitat. Cette conception a eu pour conséquence de ghettoïser certains de nos quartiers. Nous considérons que la population constituée des locataires d’habitations à loyer modéré doit avoir pour objectif l’accession à la propriété. Devenir propriétaire de son logement peut être l’objectif d’une vie, mais constitue également une assurance retraite idéale. Notre famille politique sera donc très sensible aux dispositions concernant l’accession à la propriété des logements sociaux pour les ménages les plus modestes.

La deuxième question est celle de l’accès au crédit immobilier. On sait que nos concitoyens titulaires de contrats de travail à durée déterminée ou de contrats d’intérim ont beaucoup de difficultés à accéder au crédit immobilier, donc à devenir eux-mêmes propriétaires de leur logement. Certes, plusieurs initiatives ont été annoncées récemment. Je pense à l’orientation fixée par la Fédération bancaire, qui donne pour instruction à ses adhérents d’assouplir les dispositifs d’accès au crédit pour les titulaires de ce type de contrat, ou encore aux mesures annoncées par le Premier ministre concernant l’extension du dispositif Locapass. Ces mesures me paraissent toutefois insuffisantes et je crois que si nous voulons adresser un message fort, notamment aux jeunes de 25 à 35 ans, souvent titulaires de contrats de cette nature, nous devons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à créer un fonds de garantie permettant de cautionner les crédits immobiliers destinés aux titulaires de contrats à durée déterminée ou de contrats d’intérim. Le mécanisme de ce dispositif s’inspire d’ailleurs de ce qui se fait dans le domaine économique : je pense notamment à l’établissement BDPME - Sofaris qui, grâce à l’intervention d’un fonds de garantie mutualisé, permet de diminuer le coût du crédit, donc d’inciter les établissements bancaires à consentir des prêts à des personnes qui ne peuvent y prétendre aujourd’hui. C’est un levier important en matière économique, mais aussi un message politique fort à l’intention de cette catégorie de population.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, le message que je tenais à vous adresser au début de cette discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.

M. Axel Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré la longueur du débat, je tiens moi aussi à prendre date sur ce sujet très important.

L’objet de mon intervention porte sur la nécessité, face à l’insuffisance de logements sociaux, non pas de modifier la loi SRU, mais de la compléter, afin que davantage de communes participent à l’effort de construction de logements. Je suis personnellement favorable à la loi SRU dans ses grands principes, car elle œuvre en faveur de la solidarité nationale et de la mixité sociale du logement. Je pense que le seuil de 20 % qu’elle définit est convenable, conciliant à la fois la nécessaire solidarité nationale et la capacité d’absorption de nos communes en matière de logement social.

Je considère en revanche que les villes qui dépassent largement ce seuil, avec des taux de 40 %, 50 % ou même plus, sont dans l’erreur, car il est évident qu’avec des taux aussi élevés, ces communes constituent une mine de difficultés et de tensions qui peuvent dégénérer, comme on l’a vu récemment dans certains quartiers où l’intégration devient si difficile.

Les dispositions de la loi SRU, si elles sont satisfaisantes, demandent à être complétées, principalement pour deux raisons. D’abord, parce qu’elles génèrent dans certaines communes cette concentration de difficultés sur des espaces relativement restreints. On assiste même parfois à des difficultés d’intégration à l’envers comportant un effet pervers : le risque de voir les populations les plus aisées quitter ces communes. Ensuite, comme vous le savez, nous manquons globalement en France d’un million de logements, et même probablement un peu plus, puisque nous payons aujourd’hui le retard pris ces dernières années dans les programmes de construction de logements locatifs, nettement insuffisants.

Cette situation pénalise de nombreuses catégories de la population, car ces logements, nous le savons tous, ne sont pas seulement destinés à une population assistée, qu’elle soit française ou étrangère. Étant donné la flambée des prix dans l’immobilier, en province comme à Paris, acheter un logement ou tout simplement en louer un, devient pour nombre de nos compatriotes un problème crucial, un véritable parcours du combattant, souvent perdu d’avance. La population concernée par le logement social est aujourd’hui beaucoup plus nombreuse qu’elle ne l’était il y a quelques années et inclut ceux dont les revenus sont tout simplement insuffisants pour accéder à un logement dans des conditions classiques.

Je pense notamment aux jeunes qui se lancent dans la vie. La jeune génération doit aujourd’hui surmonter de nombreuses difficultés, dont la recherche d’un travail et celle d’un logement ne sont pas les moindres. Je pense aussi aux veuves, qui ne perçoivent qu’une demi-pension, ou aux foyers dont le parcours professionnel ou familial a été heurté ou meurtri. Autant de compatriotes qu’on ne peut évidemment laisser au bord de la route car, sans logement décent, on sait bien que la pente est raide et peut rapidement entraîner vers d’autres problèmes, souvent bien plus graves.

Ma proposition consiste à demander à toutes les communes de plus de 1 500 habitants non concernées par la réglementation existante au taux de 20 %, de réaliser 5 % de logements sociaux.

Pourquoi les villes de plus de 1 500 habitants hors agglomération ? Parce que, par essence même, elles sont situées dans des zones à population moins dense, et disposent de plus d’espace libre. Par conséquent, le prix du foncier y est moins élevé, donc les programmes de construction y sont moins onéreux. Il y a en effet un certain paradoxe à ne vouloir construire que dans des zones déjà très urbanisées, quand on sait que la moitié de la population française vit dans des villes de moins de 10 000 habitants et que le rythme de croissance des populations de ces villes a doublé depuis 1999.

Pourquoi un taux de 5 % ? Parce que dans ces communes, ce taux concilie convenablement les différents impératifs : participer à l’effort de construction de logements sociaux sans générer de problèmes d’intégration ni surcharger financièrement ces villes. Demander à ces communes d’atteindre un taux supérieur serait à mon sens malvenu, car elles ne disposent pas toujours des équipements collectifs publics suffisants pour absorber un flux trop important de nouveaux habitants.

Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que bon nombre de petites communes ont déjà réalisé de tels programmes alors qu’elles n’en ont pas l’obligation. Il se trouve dans ma circonscription des communes de 500 à 600 habitants qui l’ont fait et qui s’en portent bien.

En cela, ma proposition ne relève ni d’une idéologie de gauche…

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas étonnant !

M. Axel Poniatowski. …ni d’une idéologie de droite, mais simplement de l’idéologie du bon sens : il s’agit de pouvoir loger plus de nos compatriotes dans des conditions de vie décentes, en faisant appel à la solidarité de tous.

M. Michel Piron. C’est une idée très intéressante !

M. Axel Poniatowski. C’est dans cet esprit que l’amendement que je dépose doit être compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, comme la plupart de mes collègues, je voudrais tout d'abord saluer ce projet de loi qui vient au moment où trouver un logement ou en changer est devenu l’une des principales préoccupations de nos concitoyens. Qui n'a pas dans sa famille, dans son entourage, une personne qui cherche un logement ? Quel élu local ne reçoit pas chaque semaine des demandeurs de logement ? Quel maire n'a pas dans sa commune une longue liste d'attente en la matière ? Quel chef d’entreprise ne se tourne pas vers les élus locaux pour loger un ou plusieurs salariés de qualité ?

Merci donc pour les nombreuses mesures de ce texte qui visent, entre autres, à favoriser l'accession sociale à la propriété, à faciliter la mobilisation du foncier, facteur clé de la construction de nouveaux logements, à soutenir l'hébergement d'urgence, ou encore à donner plus de pouvoir et plus de leviers aux élus locaux, communaux et intercommunaux, notamment en ce qui concerne le surloyer. Ces mesures viennent compléter les nombreuses actions engagées par le Gouvernement et vous-même dans ce domaine depuis 2002.

Je compléterai cette intervention en abordant quelques problèmes de fond qui sont délicats, car sensibles sur le plan humain, puis en évoquant la situation des territoires de montagne, touristiques et frontaliers.

M. François Brottes. Très bien !

M. Martial Saddier. Le logement social est indispensable. Et je précise que ma commune en compte près de 30 %. Mais la rotation des habitants dans les logements sociaux l'est tout autant. Une réflexion mérite d'être engagée sur ce thème afin d'adapter, autant que faire se peut, la taille du logement à l'évolution de la famille.

Le texte prévoit des mesures pour libérer le foncier. Il faut rappeler les nombreux recours administratifs dont les opérateurs font l'objet. La notion de projet préalable, notamment, est un lourd handicap qui pèse sur les opérations de logement social ; c'est sur ce motif que les tribunaux administratifs ont annulé certaines d'entre elles. Plus le foncier est cher, plus se multiplient les procédures juridiques, qui deviennent quasi systématiques dans certaines régions.

En ma qualité de secrétaire général de l'Association nationale des élus de la montagne, et devant le président de l’association, François Brottes, et son ancien président, Patrick Ollier, je voudrais aussi appeler votre attention sur les zones de montagne, souvent très touristiques et qui ont parfois l’avantage et l’inconvénient d’être frontalières. Ainsi, les accords bilatéraux entre l’Union européenne et la Confédération helvétique permettent aux résidents suisses d’avoir leur résidence principale en France. Cela participe à l’explosion du coût du foncier et de l’habitat, d’autant qu’en montagne, les terrains ne sont pas très propices à la construction pour des raisons évidentes de topographie et de risques naturels. La conjonction de ces éléments rend très difficile la construction de logements, notamment sociaux, et fait grimper les prix du marché foncier comme du bâti.

Les joyaux touristiques de la France, qui reste l’une des principales destinations au monde, sont majoritairement utilisés comme résidences secondaires. On compte ainsi dans le prestigieux Pays du Mont-blanc, que j’ai l’honneur de représenter dans cet hémicycle, 70 % de résidences secondaires fermées dix mois sur douze, tuant de la sorte la vie de nos villages. Plus précisément, le pourcentage est de 72 % à Chamonix, de 78 % à Combloux et de 90 % aux Contamines-Montjoie. De ce fait, les habitants locaux ne peuvent plus acheter, car tout logement devient trop cher pour eux. Quant aux saisonniers, ils ne peuvent plus se loger à proximité de leur lieu de travail, les loyers étant trop élevés. Monsieur le ministre, à Chamonix, le mètre carré bâti approche les 12 000 euros et pour le foncier constructible la fourchette se situe entre 1 500 et 2 000 euros.

S’agissant des saisonniers, d’autres avant moi ont engagé ce combat, et notamment Patrick Ollier. Le dispositif expérimental mis en place fonctionne.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous l’avons fait ensemble !

M. Martial Saddier. Il a fait ses preuves à la mer comme à la montagne et il fait aujourd’hui l’unanimité des acteurs locaux.

M. François Brottes. C’est vrai !

M. Martial Saddier. Tous le soutiennent. Pourquoi ne pas utiliser le présent projet pour figer définitivement ce dispositif dans la loi ?

Avec l’Association nationale des élus de la montagne et mes collègues parlementaires haut-savoyards, nous avons beaucoup travaillé en amont de ce texte. J’ai personnellement rendu un rapport au Premier ministre sur la situation particulière des zones touristiques frontalières et des zones de montagne. J'ai déposé un certain nombre d'amendements qui visent ces territoires de montagne ruraux. Eux aussi ont besoin de mixité sociale, d'accession sociale à la propriété ainsi que d'opérations de démolition-reconstruction, et nous sommes là pour les favoriser. Je crois que ce projet de loi, avec votre concours et celui de la représentation nationale, permettra d'améliorer significativement la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le hasard de l’organisation de nos travaux fait s’exprimer le président de l’Association nationale des élus de la montagne après son secrétaire général… Mais, par mon propos, monsieur le ministre, vous noterez que cette association est plurielle.

Nos querelles sur la question du logement sont indécentes. Au même titre que l’école est obligatoire, le logement doit être un droit, y compris pour les 3 millions de mal logés. Le droit d’avoir un toit, de se chauffer, de permettre aux enfants d’avoir une chambre pour faire leurs devoirs, bref le droit de chacun à la dignité doit être une obligation de la nation.

J’énonce là une évidence et, pourtant, ceux qui couchent dehors, et qui en meurent, sont encore nombreux, même dans notre pays, ceux qui dorment dans leur voiture, ceux qui squattent, ceux qui sont en colocation malgré eux, ceux qui paient leur loyer pour des logements insalubres, tous ceux-là sont trop nombreux et même de plus en plus nombreux. En effet, le traitement fiscal du logement, qui accorde des niches fiscales sans contrepartie sociale – le dispositif Robien, par exemple – est une machine infernale à fabriquer de l’exclusion pour trois raisons simples. Tout d’abord, le dispositif ne profite qu’à ceux qui ont des moyens et à leur famille. Ensuite, il contribue à favoriser la spéculation, en particulier sur le foncier. Enfin, il encourage les uns à choisir leurs voisins, et les autres à sélectionner leurs administrés.

Malheureusement, monsieur le ministre, votre texte ne propose pas de sortir de cette spirale infernale. C’est votre choix politique et c’est d’ailleurs votre droit. Il suffit que vous le reconnaissiez publiquement.

Il vous faut assumer le fait que, dans la construction neuve, l’écart avec les autres types de logements se creuse au détriment du logement social ; que l’écart entre la demande et l’offre de logement social se creuse lui aussi – on compte 1,5 million de demandeurs – et c’est plutôt sur ces écarts-là qu’il faut faire des comparaisons.

Il vous faut assumer la précarisation généralisée des contrats de travail, qui interdit désormais à beaucoup l’accès au logement, pour manque de garanties de ressources pérennes.

Il vous faut assumer l’absence de volontarisme en matière de développement des énergies renouvelables dans l’habitat, qui met en péril la solvabilité des ménages modestes, compte tenu du prix de l’énergie, surtout depuis la privatisation des entreprises publiques.

Il vous faut assumer votre renoncement à en finir avec les ghettos, même après la crise récente, car votre majorité va essayer de renoncer à la mixité sociale en proposant d’élargir le périmètre des logements éligibles aux fameux 20 %, en y introduisant notamment l’accession sociale, ou en envisageant, comme l’a fait la commission des finances, d’alléger la contrainte et de la renvoyer au niveau intercommunal.

Il vous faut assumer votre réticence à donner plus de poids aux déclarations d’utilité publique favorables à la mise en place volontariste de la mixité sociale. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Il vous faut assumer – en l’occurrence, vous n’êtes pas le seul responsable – la perpétuation d’un système qui continue à rapporter plus d’argent aux communes qui ne construisent pas de logements sociaux qu’à celles qui le font.

En réalité, il s’agit d’un texte d’affichage où la technicité des mesures est là pour camoufler avec subtilité l’absence de moyens pour réhabiliter, pour reconstruire, pour redistribuer, pour favoriser l’accueil des plus modestes.

En cinq minutes, on est bien obligé d’aller à l’essentiel.

M. Michel Piron. Sans caricature !

M. François Brottes. Je veux donc tout de même vous encourager, à mon tour, à faire preuve de plus d’audace, ce qui signifie que vous en avez eu un peu, je le reconnais, sur la question de la maîtrise du foncier, sur celle de l’enrichissement sans cause, sur celle de la machine à spéculer et à exclure.

Permettez-moi, en conclusion, de vous rappeler deux vérités qui sont loin d’être des évidences. « Quand le bâtiment va, tout va ! », dit-on. Pourtant, alors que le bâtiment ne va pas trop mal – les entreprises du secteur ont tant de travail que certains appels d’offres restent sans réponse –, la situation ne s’améliore pas pour les plus modestes.

Par ailleurs, la crise du logement n’est pas l’apanage des villes et des agglomérations. Le secteur rural, et notamment les zones de montagne, est lui aussi concerné par l’absence de logements locatifs, en particulier pour les jeunes, et par le surenchérissement d’un foncier constructible rare dans des zones protégées, ce qui favorise la maîtrise du foncier par des gens très fortunés qui mettent progressivement dehors les populations locales. C’est l’une des raisons pour laquelle il faut élargir à tout le pays l’application de la règle des 20 %, sans la détourner de cet objectif que nous partageons tous. Nous ferons des propositions à cet effet au cours du débat.

Monsieur le ministre, un engagement national pour le logement social ne peut être efficace sans un engagement local réel dans chacune des communes, que ce soit à Neuilly ou à la campagne. La dignité c’est l’affaire de tous. S’il est vrai que la gauche n’a pas le monopole du cœur, les communes de droite ne doivent pas avoir le monopole des zones résidentielles. La mixité sociale, pourtant, est de nature constitutionnelle : c’est la bonne application du principe républicain « liberté, égalité, fraternité ».

Avec le vote de la loi SRU sous la précédente législature, et son obligation de 20 %, nous avons lancé la dynamique. Elle commence aujourd’hui à porter ses fruits, et vous n’hésitez d’ailleurs pas à prendre acte qu’elle était utile. Que chacun apporte sa pierre à l’édifice ! J’espère que ce texte nous donnera l’occasion d’accomplir une réelle avancée en faveur du logement social. Pour l’heure, et compte tenu des menaces qui pèsent sur la mixité sociale, nous sommes extrêmement préoccupés et nous attendrons la fin de l’examen de ce texte pour nous prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je commencerai par répondre au président du Conseil national de l’habitat, Michel Piron. C’est un lieu de concertation majeure, qui réunit l’ensemble des acteurs. S’il y a bien une institution qui connaît la réalité du problème du logement sur notre territoire, c’est bien celle-ci. Merci, monsieur le député, de la présider comme vous le faites.

Évidemment, nos analyses de la situation convergent. Je note cependant qu’assez peu d’orateurs de gauche ont véritablement évoqué le contenu de ce projet portant, je le rappelle, engagement national pour le logement.

Nous sommes d’accord, monsieur Piron, sur l’idée de la territorialisation, même si sa mise en œuvre est délicate. Les acteurs et les procédures sont toujours modifiés et cette phase est souvent difficile. Il n’en reste pas moins que la réalité est profondément territoriale dès lors qu’elle est contractualisée. Vous avez raison également de réclamer de la stabilité et de la programmation sur le long terme pour mener des actions d’envergure.

M. Abelin a appelé notre attention, tout comme M. Piron et M. Thomas, sur le seuil des 24 euros pour le versement de l’APL. Nous sommes prêts à en débattre, tout comme nous avons rétabli de fait une forme d’automaticité entre les indices et l’APL. Quant à la discussion entre la famille HLM et le Gouvernement sur la cession sociale d’une partie du parc, nous en dirons quelques mots au moment de l’examen des amendements.

Mme Lepetit prétend qu’il n’y a pas de contrepartie sociale aux avantages fiscaux. Ne doutant pas de ses capacités intellectuelles, je pense qu’elle n’a pas lu le projet de loi.

M. Pierre Ducout. Elle parlait du dispositif de Robien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous parlons, nous, de ce projet de loi, qui prévoit justement des contreparties sociales sous la forme de loyers inférieurs de 30 % aux loyers moyens du bassin. Par ailleurs, je vous rappelle que le dispositif Robien, qu’il est de bon ton de critiquer à gauche, …

M. Pierre Ducout. À droite aussi !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.… a permis de relancer la chaîne du logement.

M. Jean-Louis Dumont. Il fallait le limiter dans le temps !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Messieurs de l’opposition, vous avez manifestement un problème avec le concept fiscal et avec la propriété populaire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vous qui avez un problème !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans l’« accession sociale », on sent bien que c’est le mot « accession » qui vous gratte, qui vous dérange !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous aurons l’occasion de le vérifier lorsque nous examinerons l’article 55 de ce texte.

Les inquiétudes de Mme Lepetit en ce qui concerne la délégation du contingent préfectoral n’ont objectivement pas lieu d’être : le texte est précis sur ce point.

Mme Jacquaint s’est inquiétée des ambitions du Gouvernement pour le logement. Mais parle-t-on d’ambitions ou de faits ? Notre ambition, c’est la loi de programmation, qui comprend des dispositions financières qui nous engagent. Quant aux faits, reconnaissons qu’ils plaident pour nous plus que pour ceux qui étaient aux affaires à la fin de la décennie précédente. Le plan de cohésion sociale étant une loi de programmation, les financements sont confirmés année après année. Les inquiétudes de Mme Jacquaint ne sont donc pas fondées. Je lui rappelle que les logements pour les plus démunis et les logements très sociaux sont en constante augmentation depuis quatre ans.

Mme Boutin attire à juste titre notre attention sur le logement d’urgence. Le texte prévoit la construction de deux fois 5 000 logements d’urgence : dans le secteur traditionnel de l’urgence et dans le domaine des résidences sociales et hôtelières, ainsi que la mise en place de la commission de médiation pour le logement des personnes défavorisées.

Rodolphe Thomas a raison de s’inquiéter du prix du foncier. C’est l’origine des difficultés de notre pays dont, je vous le rappelle, la densité de population est l’une des plus faibles d’Europe. Quelle contradiction ! Mais la mobilisation des uns et des autres et la rationalisation de la mise en constructibilité d’un certain nombre de terrains grâce à ce texte permettront d’aller dans le bon sens. Je remercie par ailleurs M. Thomas d’avoir souligné les efforts que nous avons faits pour le prêt à taux zéro et la TVA à 5,5 % dans le cadre de l’accession sociale à la propriété. Il a également attiré notre attention sur la difficulté que représente le seuil de 24 euros.

Jacques Le Guen a évoqué la spécificité des nuisances des aérodromes militaires, qui diffèrent, selon lui, de celles des aéroports civils. Je comprends que ceux qui subissent ces nuisances ne voient pas les choses de la même manière. Nous allons examiner sérieusement cette question et nous tâcherons d’y répondre, Dominique Perben et moi-même, avant la fin de la session.

M. Dumont a rappelé l’importance du domaine foncier disponible appartenant à l’État ou à des organismes sous tutelle de l’État et la difficulté de mettre ces terrains à la disposition des opérateurs du logement. C’est pour cette raison que nous avons prévu, outre la délégation interministérielle, des dispositifs qui permettront de vendre en dessous des appréciations des Domaines. J’ai noté sa proposition concernant une coopération directe avec les collectivités territoriales, notamment dans les territoires de l’Est de la France. Je lui confirme mon accord total pour une expérimentation directe.

Mme Lebranchu – chacun plaide pour son territoire et je réponds bien volontiers – voudrait que le programme de rénovation urbaine soit étendu à plusieurs villes moyennes de Bretagne. Je lui rappelle que le programme de rénovation urbaine n’est pas un programme permanent de droit commun destiné à financer les PALULOS. Il est exceptionnel et provisoire. C’est un « coup de rein » majeur de tous les acteurs de la République, d’une durée déterminée, pour transformer en profondeur des quartiers mis à l’écart. Cet effort porte sur tous les aspects : l’aménagement intérieur, l’environnement, l’habitat, l’urbanisme, les équipements publics, en un mot l’urbanité. Transformer un quartier en difficulté en beau quartier nécessite des sommes très importantes. Je ne vous citerai qu’un chiffre : le plan de rénovation urbaine concerne 200 quartiers pour un coût moyen d’intervention situé entre 200 et 300 millions d’euros. Pour chacune de ces villes, c’est l’équivalent de deux ou trois siècles d’autofinancement !

Effort majeur mais effort nécessaire de la République, le programme de rénovation urbaine est victime de sa réussite. Tous les élus, de gauche comme de droite, souhaitent y participer, même ceux qui ne sont pas concernés par ces difficultés. Pourtant, il faut bien comprendre, j’y insiste, qu’il ne s’agit pas de distribution de PALULOS mais d’un programme spécifique destiné à la transformation de certains quartiers, qui doit donc avoir ses limites. Le débat a eu lieu avec les collectivités territoriales, et je suis d’ailleurs extrêmement choqué de constater qu’un certain nombre de départements et de régions considèrent que la rénovation urbaine n’est pas leur affaire, que ce qui se passe dans leurs quartiers n’est pas leur problème, alors que l’État, notamment par le biais du 1 %, s’engage massivement.

M. Pierre Ducout. Ce n’est pas de leurs compétence !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les collectivités n’ont pas les moyens !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Le Bouillonnec, sans la compétence et la prise de conscience d’un certain nombre de collectivités territoriales, rien n’aurait été fait ! 90 % d’entre elles participent à ce programme. Je m’adresse aux 10 % qui estiment que cela ne les concerne pas !

M. Marie-Jeanne a appelé notre attention sur les problèmes spécifiques des DOM, en particulier la Martinique, s’inquiétant de l’avenir de la ligne budgétaire unique. Or, contrairement à ce qu’il a indiqué, la LBU poursuit sa progression, même si le processus de financement des logements sociaux est différent en Martinique, à la Réunion, en Guadeloupe et en Guyane, du fait même de l’existence de cette ligne budgétaire unique. Si un département rencontre des difficultés particulières, nous vérifierons que les redéploiements ont bien été effectués. Les moyens qui ont été accordés au financement du logement social l’ont été de façon globale, et nous disposons aujourd’hui de plus de financements que de demandes.

M. Pemezec a rappelé que, contrairement à une idée reçue, la densité de population est très faible dans les ZUP.

M. Pierre Ducout. C’est vrai !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’urbanisation à taille humaine et à visage humain y est donc possible, en dépassant l’idéologie de la charte d’Athènes dont notre pays portera longtemps les cicatrices dramatiques.

M. Périssol a posé la question du logement dans les termes qui conviennent en refusant la segmentation du débat : il s’agit d’offrir à chacun la possibilité de se loger, que ce soit par l’accession à la propriété ou par la location. Cela modifie notre regard sur les cessions dans les parcs sociaux, même s’il convient de rester prudent en matière de dégradation des copropriétés. Il nous faut poser le problème non en termes de lobby ou d’idéologie, mais de souhaits. Pourquoi serait-il quasiment interdit au locataire d’un parc social de devenir accédant à la propriété ? Cette forme d’interdiction n’est pas raisonnable, et c’est la raison pour laquelle M. Périssol soutient à la fois la mobilité dans le parc HLM, le prêt à taux zéro, que lui-même a initié en son temps, et les logements d’urgence. Il connaît les difficultés de ce secteur, car lorsqu’il exerçait la responsabilité qui est aujourd’hui la mienne, il a créé près de 20 000 logements de ce type dans des délais très brefs.

Mme Robin-Rodrigo souhaite que l’on relance le logement social et très social… J’ai été fasciné d’entendre cela ! Elle n’était certainement pas là lorsque j’ai cité les chiffres de nos réalisations depuis cinq ans dans le secteur social et très social. Elle ne doit pas savoir que le nombre de prêts locatifs aidés d’insertion s’est effondré sous le gouvernement de M. Jospin et à nouveau au cours des deux dernières années, pendant que le nombre de prêts locatifs sociaux doublait. Je lui indique que nous poursuivons le plan de cohésion sociale et son volet logement. Nous, nous avons multiplié par deux les crédits destinés aux logements sociaux, et ils sont effectivement utilisés.

Je remercie M. Nicolin d’avoir souligné que le secteur du logement représente 22 % de notre PIB et que c’est un secteur dynamique. Nous lui promettons d’étudier la question du développement des VEFA, qui fera l’objet d’une étude de mon ministère, en concertation avec Dominique Perben.

M. Bernard Debré a rappelé la nécessaire relance du prêt locatif intermédiaire. C’est ce que nous faisons : l’objectif de 2 000 PLI a été fixé pour l’année 2006, et le Gouvernement a d’ores et déjà donné son accord quant à la décote de 30 % pour les cessions.

M. Pierre Cohen s’est livré à une véritable charge contre un gouvernement qui tente de répondre à cette question cruciale : comment la majorité précédente en est-elle arrivée là ? Diviser par deux la production de logement social, quel exploit ! Il nous est difficile aujourd’hui de relancer la machine. Si nous y parvenons, c’est grâce aux efforts de tous. Ce n’est pas l’action du seul Gouvernement mais celle de tous les partenaires, c’est une prise de conscience généralisée. Cela ne justifie pas les propos excessifs qui ont été tenus.

M. Grand, élu de l’Hérault, département qui accueille chaque mois de nouveaux habitants, a confirmé la volonté d’un certain nombre de maires d’atteindre l’objectif de 20 % de logements sociaux. Il souhaite que soit organisé un débat sur l’accession sociale à la propriété. Ce débat aura lieu.

Je remercie M. Raoult d’avoir qualifié notre politique de pragmatique et de volontariste, et d’avoir souligné les premiers résultats du plan de cohésion sociale, et notamment de l’Agence nationale de la rénovation urbaine.

Quant à Mme Lignières-Cassou, elle a posé une véritable question, qui l’a été sous une autre forme par Axel Poniatowski : il s’agit de la contribution des collectivités plus modestes que sont les communes de moins de 3 500 habitants à l’engagement national en faveur du logement social. Mme Lignières-Cassou souligne qu’un effort national doit être partagé par tous, sur tout le territoire. Les villes centres  ont besoin de la contribution des communes avoisinantes pour construire des logements sociaux, d’autant plus que ces communes n’auraient pas de difficulté pour le faire.

C’est là un vrai sujet. J’ai noté que la commission ne l’avait pas retenu. Néanmoins, nous avons adressé une circulaire aux préfets pour qu’ils prévoient des financements spécifiques dans les toutes petites communes. C’est une nécessité à la fois pour elles-mêmes et pour les agglomérations voisines. Ce débat reste ouvert.

S’appuyant sur l’exemple des 60 ou 65 hectares de Satory, M. Étienne Pinte a posé la question des terrains appartenant à l’État ou à des entreprises publiques. Il est clair que si ce sujet a peu avancé depuis vingt ans, ce n’est pas parce que les gouvernements qui se sont succédé l’ont trouvé sans intérêt. Le nombre des rapports produits et l’inventaire des suggestions faites témoignent de la volonté des uns et des autres d’agir. Il y avait simplement une difficulté : un certain nombre de ces terrains étant sous la responsabilité de ministères opérationnels ou d’entreprises publiques ayant un objet social – transporter des voyageurs, assurer la défense du pays, prévoir des emprises pour une urbanisation à terme…– la question n’était pas prioritaire. De surcroît, il y avait débat sur le montant des cessions compte tenu de la valorisation rapide du foncier. On trouvait donc toujours une bonne raison pour éviter de trancher. C’est pourquoi il fallait une décision politique : désormais, le Premier ministre sera l’arbitre. Il fallait également un outil interministériel capable de mener à bien ces opérations et d’imposer des décotes importantes : c’est la DIDOL, confiée à M. Beysson.

Je rassure donc M. Pinte. Je me rendrai à Satory pour lui rendre visite, ainsi que sur cinq autres sites d’Île-de-France, avant la fin du mois de février, et j’espère que le transfert de propriété de Satory se fera dans l’année qui vient au profit du très beau programme destiné à ce site.

Claude Goasguen a rappelé des chiffres d’évidence. J’ai noté son souhait de développer les permis de construire valant division. Ils existent déjà. À nous de mieux les faire connaître, car si les acteurs de terrain ne se les approprient pas, ils n’auront aucune efficacité.

J’ai bien noté aussi sa remarque sur Paris Nord-Est. Il y a trois opérations d’intérêt national en Île-de-France. S’agissant de l’emprise foncière majeure de Paris Nord-Est, Dominique Perben et moi-même allons examiner les choses de près et, sans prendre d’engagement à la tribune, j’espère pouvoir répondre à M. Goasguen avant la fin de ce débat.

Je comprends les interrogations de Pierre Ducout, mais expliquer qu’il a fallu la crise des banlieues pour que soient demandés les constats de carence prévus par la loi est tout simplement inexact. Les préfets ont été réunis en juin ; la circulaire de demande de constat date du 21 août. Compte tenu de la gravité du sujet, monsieur Ducout, nous ne devrions pas entendre de fausses informations. En tout cas, je suis à votre disposition pour vous faire part de l’action du Gouvernement sur ce problème qui vous préoccupe tant.

Patrick Beaudouin a expliqué de manière très factuelle les difficultés de réalisation des programmes et les tensions sur le foncier observées dans certaines collectivités, notamment les deux villes de sa circonscription. Nous en avons pris bonne note.

Gilbert Meyer a évoqué le problème des encombrants collectifs dans certains sites et la difficulté de répercuter les charges. Le droit commun, sur la base de l’article 1382 du code civil, permet d’y répondre, mais le plus difficile est surtout d’identifier les responsables.

Augustin Bonrepaux a exposé, avec le talent qui est le sien, les difficultés du logement social et les tensions urbaines en Ariège. Il a mis en exergue la nécessité pour l’Agence nationale de rénovation urbaine de mener une action massive dans son département. Je suis tout à fait convaincu de la nécessité d’un bon équilibre du territoire et d’une relance du logement conventionné rural. C’est ce que nous avons fait en 2005 et continuerons à faire en 2006. Mais je confirme à M. Bonrepaux que les départements ont aussi, notamment lorsqu’ils disposent d’un office, un rôle à jouer en ce domaine, et je suis au regret de lui dire qu’en matière de PALULOS, il a tort. Dans la convention du mouvement HLM de décembre 2004 – c’est écrit noir sur blanc –, il y avait une demande de 44 000 PALULOS. Nous en avons mis 57 000 à disposition. Il n’y a aucun dossier qui n’ait pu être financé pour des raisons budgétaires durant l’exercice 2005. Mais il suffit de clamer haut et fort une contrevérité pour qu’elle finisse par passer pour vérité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela s’appelle une baisse par rapport à il y a trois ans !

M. François Brottes. C’est trois fois moins qu’avant !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Le Bouillonnec, vous voulez prendre une leçon de budget ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne vous donne pas de leçon : à chaque fois, je corrige vos chiffres !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Eh bien, je vais vous citer des chiffres terribles ! Savez-vous combien vous avez mis pour les quartiers en grande difficulté au titre de la restructuration urbaine pendant cinq ans ? 38 millions d’euros ! Combien mettons-nous dans les programmes ? 6 milliards d’euros par an !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vos chiffres sont truqués ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Le Bouillonnec, vous êtes formidables : vous mettiez plus d’argent pour faire deux fois moins que nous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y avait 120 000 réhabilitations voilà trois ans !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous êtes des héros de la République !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas cette prétention !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Chatel, vous avez raison de parler des CDD car c’est un véritable obstacle pour l’accession à la location, à la consommation et à la propriété populaire. Sur les deux premiers points, les partenaires sociaux et le Gouvernement ont fini par se mettre d’accord, et sur la garantie des risques locatifs en particulier, nous avons réalisé une avancée significative. Bien entendu, nous sommes prêts à étudier avec vous un point complémentaire concernant l’accession à la propriété.

Enfin, monsieur Saddier, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur les zones de montagne, les zones frontalières… et, pire encore, les zones de montagne frontalières. (Sourires.) Il y a aussi les zones littorales, bref toutes celles qui connaissent en particulier le phénomène de la saisonnalité. Oui, grâce au dispositif inspiré par Patrick Ollier et porté de manière très forte par vous-même ainsi que par la fédération plurielle à laquelle faisait allusion M. Brottes, le bilan est bon.

M. Martial Saddier. Excellent !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est une vraie révolution locale. Il ne me paraît pas utile de légiférer aujourd’hui. En revanche, il convient de poursuivre le programme triennal tel qu’il a été prévu : plus de 1 100 logements ont été réalisés, continuons d’avancer.

Dernière intervention, celle de M. Brottes : merci, monsieur le député, d’avoir salué la pluralité de l’institution que vous animez avec M. Saddier. Pour le reste, je crois avoir largement répondu à vos interrogations.

Ce qui me frappe dans notre débat, c’est que les sujets traités par ce projet de loi – pourtant réclamé par tous et, au fond, totalement consensuel – ne sont pas évoqués dans les interventions de l’opposition.

Pas un mot sur le fait que, pour aider les maires bâtisseurs, les exonérations de TFPB sont compensées par l’État pendant quinze ans !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est incroyable !

M. Pierre Ducout. C’est nous qui l’avions demandé !

M. Jean-Pierre Abelin. Mais vous ne l’avez jamais fait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous parle du débat d’ici et maintenant ! De ce que j’entends !

Rien sur le fait que, lorsqu’il y aura une plus-value, une petite partie en reviendra directement à la collectivité territoriale !

M. Pierre Ducout. Un pourcentage ridicule !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est pourtant la première fois dans l’histoire de la fiscalité française !

M. Michel Piron. Eh oui !

M. Martial Saddier. Vous, messieurs, vous n’aviez rien fait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Rien sur la libération du foncier ! Ce silence est pour le moins stupéfiant !

M. Michel Piron. Il est incroyable !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Cela faisait pourtant 25 ou 30 ans que de telles mesures étaient demandées.

M. Martial Saddier. Oui, mais c’est nous qui les prenons !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le rapport Braye-Repentin, mis à des sauces surprenantes, préconisait lui-même ces mesures, mais en avouant : voilà ce dont on rêve, nous n’osons même pas le demander, il faudra du temps pour s’habituer à des demandes aussi fortes !

Eh bien, messieurs les socialistes, ces mesures figurent dans le projet de loi, et tout ce que vous trouvez à nous dire, c’est que vous n’aimez pas l’accession sociale à la propriété (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.), que vous n’aimez pas le PLS…

M. Pierre Ducout. Qui a dit ça ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça vous arrangerait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …et que vous allez nous donner des leçons, vous qui avez mis ce pays dans une crise du logement inconnue depuis la guerre ! L’année noire du logement en France est l’année 2000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’année dernière, quand vous aviez besoin de notre vote, vous ne disiez pas cela !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après la réponse très complète de Jean-Louis Borloo, je voudrais vous donner quelques indications complémentaires concernant les questions foncières et de réglementation de l’urbanisme évoquées par plusieurs d’entre vous.

Depuis quatre ans, dans le cadre de l’effort de redressement engagé, nous avons constaté l’existence de plusieurs éléments de blocage.

D’abord, le caractère trop restrictif de documents d’urbanisme qu’il est nécessaire d’assouplir pour faire sauter certaines contraintes.

Ensuite, la nécessité de faire en sorte que les constructeurs eux-mêmes soient moins craintifs grâce à un droit des sols plus stabilisé et permettant de mieux protéger ceux qui investissent, qui vont de l’avant, face à des contestations souvent inutiles.

Enfin, la pénurie de foncier avec l’effet amplificateur de l’augmentation des prix qui en résulte.

Jean-Louis Borloo et moi-même avons rappelé que diverses mesures d’urgence ont été prises. Le foncier public est mobilisé pour construire 20 000 logements, et je crois même pouvoir dire que nous dépasserons très probablement ce chiffre. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de vous en rendre compte au fur et à mesure de la réalisation de cet objectif.

Je voudrais à mon tour répondre à M. Pinte, dans le prolongement de ce qu’a déjà dit Jean-Louis Borloo. Au-delà de l’affirmation de cette volonté, au-delà du rôle indispensable que joue la délégation interministérielle au développement de l’offre de logements, il nous faut étudier au cas par cas, concrètement, sur le terrain, la manière de surmonter les difficultés. Pour des raisons parfois très complexes, notamment de coûts extrêmement élevés, on rencontre des difficultés à mettre sur le marché certains terrains qui seraient susceptibles d’accueillir d’importantes opérations de logement. La mobilisation des administrations et des partenaires devrait en effet permettre de régler ces cas particuliers.

Monsieur Piron, vous avez évoqué assez longuement la problématique foncière et avez souhaité, à juste titre, que le maire soit placé au centre du dispositif. Or le projet de loi permet d’augmenter les ressources fiscales des communes en les autorisant à densifier certains secteurs ouverts à l’urbanisation pour la réalisation de logements, avec un pourcentage de logements sociaux. Vous l’avez justement remarqué : c’est par cet engagement que nous pourrons répondre aux besoins.

M. Abelin a approuvé les orientations du projet de loi et les dispositifs qu’il propose. Je partage son diagnostic sur les risques engendrés par la pénurie foncière. Tout cela, c’est du concret. Comme Mme Boutin l’a souhaité avec beaucoup d’enthousiasme, notre ambition commune doit être tournée vers l’action. Dans ces conditions, les mauvaises querelles sur des chiffres qui sont pourtant des réalités établies…

M. Pierre Ducout. Quels chiffres ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. …me paraissent particulièrement malvenues.

M. Marie-Jeanne a évoqué les difficultés particulières liées aux caractéristiques de l’outre-mer en matière foncière. Il est vrai que, de ce point de vue, l’outre-mer connaît de très fortes contraintes naturelles. Le Gouvernement est prêt à aider les collectivités à lever cet obstacle foncier particulier.

Monsieur Pemezec, le projet de loi doit en effet aider à dépasser les politiques malthusiennes. À ce titre, il associe les maires au dispositif, les remet, selon votre expression, au cœur de l’action, leur permettant d’accepter une densification volontaire maîtrisée.

M. Dumont a évoqué le cas particulier des régions de l’Est − Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne −, proposant un programme particulier en matière foncière. Je suis prêt à examiner cette orientation de manière concrète avec les élus des trois régions.

Monsieur le ministre Périssol, avec votre expérience, vous avez mis l’accent sur l’adéquation réelle de l’offre aux besoins en matière foncière. Il faut bien sûr libérer du foncier, construire là où les besoins se font sentir. Cette politique de libération volontariste du foncier est nécessaire : nous savons tous qu’il y a des emprises foncières publiques au cœur des grandes villes, et c’est pourquoi le Premier ministre nous a demandé une relance de la construction de logements, y compris au cœur des grandes villes. M. Goasguen a évoqué le secteur des Batignolles. Il nous faut en effet redresser la situation de la construction dans Paris : on voit bien, à travers cet exemple concret, quelles sont les orientations à suivre.

Nous réfléchissons également à d’éventuelles simplifications de procédures. Jean-Louis Borloo l’a rappelé, nous travaillons sur plusieurs grandes opérations d’intérêt national en région parisienne, car l’achèvement des villes nouvelles et la raréfaction des ZAC sont en grande partie responsables du ralentissement de la construction de logements au cours des dernières années.

Enfin, je voudrais dire à mon tour à M. Saddier combien j’ai été sensible à l’évocation des problèmes propres aux zones touristiques de montagne. Je me rendrai prochainement dans les Alpes pour faire le point, en particulier sur la problématique du logement des saisonniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée de l’intervention.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les critiques et les propositions entendues dans la discussion générale justifient pleinement − et je vais essayer de vous en convaincre − le renvoi en commission du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Annoncé en novembre 2003 à l’occasion du débat budgétaire, ce projet de loi porte les stigmates de sa longue et laborieuse genèse. Au fil des ans et des gouvernements, il a été modifié de fond en comble à plusieurs reprises. Baptisé « Propriété pour tous » par M. Gilles de Robien, il s’est transformé en « Habitat pour tous » avec M. Marc-Philippe Daubresse, avant d’accomplir une nouvelle métamorphose en « Engagement national pour le logement » sous l’inspiration de M. Jean-Louis Borloo.

Ses diverses appellations témoignent bien des mutations considérables de son contenu. Imaginé à l’origine pour contraindre les organismes HLM à vendre leur patrimoine, le projet de loi a été totalement réécrit au point de ne plus comporter − à l’heure où je vous parle − aucune mesure en ce sens. Cette transformation radicale du contenu du texte trahit de façon spectaculaire l’improvisation des différents ministères et leur impuissance à définir un cap précis en matière de logement.

Depuis novembre 2003, les gouvernements successifs ont d’ailleurs profité du mystère entourant les objectifs et les dispositions du texte pour promettre tout et son contraire. Lors de divers colloques comme lors de différents débats législatifs, les ministres chargés du dossier ont systématiquement renvoyé au projet en cours de rédaction les réponses aux attentes pressantes des acteurs du logement et de l’opinion publique. Devenu un véritable serpent de mer et une très célèbre Arlésienne, le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui a fini par cristalliser de multiples aspirations. De son contenu, personne ne savait rien, mais chacun espérait beaucoup.

La consternation a donc été générale lorsque, en octobre dernier, après deux ans de gestation, le projet de loi a enfin été rendu public et soumis au conseil des ministres. Le texte présenté depuis des mois comme une panacée, le texte censé être l’expression d’un « engagement national pour le logement », ce texte, mes chers collègues, ne comportait finalement que onze articles, d’ordre technique pour la plupart. Le décalage entre les mesures soumises au conseil des ministres et l’ampleur de la crise à résoudre était spectaculaire.

Nul ne conteste plus que la crise du logement ait atteint désormais les proportions d’une véritable crise de société. Si le « non-logement » ne concerne qu’une faible partie de la population − environ 86 000 personnes −, le «mal-logement», c’est-à-dire l’occupation d’un logement inconfortable, insalubre, surpeuplé ou précaire, touche plus de 3 millions de nos concitoyens. En outre, le poids des dépenses liées au logement n’ayant cessé d’augmenter dans le budget des ménages, c’est aujourd’hui l’ensemble de la classe moyenne qui subit à son tour les effets de cette crise.

Chaque année, de multiples rapports rappellent aux pouvoirs publics cette triste réalité. En 2005, hélas, les signaux d’alerte du milieu associatif ont été tragiquement relayés par l’actualité. L’été dernier, les incendies meurtriers dans plusieurs immeubles parisiens ont brutalement révélé l’étendue des problèmes liés à la suroccupation. À l’automne, ce sont les scènes de violence dans les quartiers sensibles qui ont souligné combien il était urgent de briser les ghettos urbains et de construire davantage de logements sociaux au cœur de toutes les communes.

Face à une telle situation, tout retard dans l’action de l’autorité publique est coupable.

M. Michel Piron. Vous avez des remords ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et il ne suffit pas pour agir, monsieur le ministre, de répéter à satiété que le nombre de mises en chantier en 2005 a dépassé des niveaux jamais atteints depuis vingt-cinq ans.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ça vous gêne !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si 400 000 mises en chantier ont bien été entamées au cours des douze derniers mois…

M. Michel Piron. Ce n’est pas rien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …− contre 300 000 les années précédentes −, encore faut-il se poser cette question simple : certes, on construit plus, mais pour qui ?

Or, mes chers collègues, l’augmentation du nombre de constructions ne profite pas aux ménages modestes, ceux-là mêmes qui souffrent le plus de la crise du logement : 20 % seulement des mises en chantier supplémentaires permettront en effet de réaliser des logements sociaux.

M. Michel Piron. C’est deux fois plus que ce que vous avez fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Encore faut-il s’interroger sur le caractère vraiment social de ces nouveaux logements. En attendant de disposer des chiffres pour 2005 − on nous a communiqué quelques éléments ce matin −, permettez-moi d’illustrer cette interrogation en revenant aux derniers chiffres connus, ceux de l’année 2004.

En février dernier, le ministre alors chargé du logement − ce n’était pas vous, monsieur Borloo − s’était réjoui que 75 000 logements sociaux aient été financés en 2004, alors que 40 000 seulement l’avaient été en 2000. Or la réalité était beaucoup moins flatteuse. Sur les 75 000 agréments accordés, seuls 57 000 ont servi à la création de logements neufs ; 18 000 agréments ont en effet été affectés à l’acquisition de logements déjà existants, ce qui, vous en conviendrez, ne crée aucun logement supplémentaire. Plus grave, sur les 57 000 logements nouveaux, seuls 38 000 auront vraiment un caractère social ; 20 000 agréments serviront en effet à réaliser des PLS dont les loyers sont de 50 % supérieurs à ceux des HLM classiques.

M. Michel Piron. Quel calcul incroyable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans ces conditions, les PLS restent inaccessibles à une large part de demandeurs. Au final, la construction neuve de logements vraiment sociaux − à savoir celle des PLUS et surtout des PLAI − est donc restée en 2004 dans les étiages de l’année 2001.

M. Pierre Ducout. Tout à fait ! La majorité ne l’accepte pas, mais c’est bien la vérité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une telle stagnation est inacceptable, car le nombre de demandeurs de logements sociaux n’a cessé de croître pour atteindre plus de 1,3 million de personnes.

M. Pierre Ducout. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout laisse craindre que les chiffres de l’année 2005 ne soient du même acabit. Le plan de programmation de la loi de cohésion sociale − que le Gouvernement a présenté si souvent comme un signe fort de son volontarisme − grave dans le marbre l’augmentation constante du pourcentage de PLS.

Si les engagements du plan sont tenus, le nombre de PLS atteindra en effet 32 % en 2005, 37 % en 2006 et 40 % en 2007. Cette progression spectaculaire est malheureusement en complet décalage avec les besoins.

M. Michel Piron. Et c’est vous qui dites ça !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors que les constructions des logements les plus sociaux − je parle ici des PLAI − ne représentent que 5 % des constructions annuelles, 50 % des demandeurs de logements sociaux rentrent pourtant dans leurs critères. Le plan de programmation de la loi de cohésion sociale est donc vicié par une erreur stratégique majeure qu’il faut absolument corriger à l’occasion de l’examen du texte portant engagement national pour le logement, sous peine de le voir échouer.

Or, en dépit des nombreux amendements adoptés au Sénat − plus de cinquante articles ont été ajoutés aux onze articles initiaux, soit autant de témoignages de l’extrême pauvreté du texte présenté en conseil des ministres −, ce projet de loi demeure encore largement en deçà des besoins et n’offre pas de solutions efficaces à la crise du logement.

En l’état actuel, le rendez-vous auquel nous convie le Gouvernement a tout d’un rendez-vous manqué. Non seulement les mesures les plus intéressantes du projet restent d’une portée très insuffisante, mais le texte fait l’impasse sur des problèmes essentiels.

Parmi les dispositions proposées, plusieurs présentent un intérêt réel pour mobiliser le foncier ou développer l’offre de logements. Malheureusement, si leur inspiration est bonne, leur portée est beaucoup trop limitée.

Il en est d’abord ainsi des mesures relatives à la cession des terrains appartenant à l’État. Chacun s’accorde à juger nécessaire que l’État montre l’exemple en mobilisant ses ressources foncières et en vendant ses terrains à un prix privilégié aux bailleurs sociaux. Annoncé à l’automne 2004 lors du débat sur la loi de cohésion sociale, le principe d’une décote tarde déjà trop à être mis en œuvre. Devant les sénateurs, le Gouvernement a évoqué la possibilité de fixer cette décote à un niveau maximum de 35 %. Quand on songe à l’envolée des cours de l’immobilier au cours des dernières années, ce niveau paraît déjà trop modeste. Il reviendrait en fait à céder les terrains appartenant à l'État au prix du foncier établi en 2003. Si la spéculation immobilière a permis à des particuliers d'enregistrer des plus-values notoires, il est moins acceptable que l'État en tire également profit lorsqu'il vend ses biens à un bailleur social.

Surtout, il est impératif que le niveau de la décote soit fixé par la loi et non par un décret. Les propos de certains membres du Gouvernement font en effet craindre que la bonne volonté, que je lui concède, de M. le ministre du logement, ne soit pas partagée par tous ses collègues. Lorsque le ministre du budget annonce comme en octobre dernier dans un communiqué, qu'il faut valoriser le patrimoine de l'État en commercialisant ses biens selon les standards du marché, il est permis de douter que la générosité du ministère de la cohésion sociale l'emporte sur les calculs financiers du ministère de l'économie. Pour être effectif, le principe de la décote doit donc s’appuyer sur une obligation légale.

Les dispositions tendant à soutenir les maires bâtisseurs restent, en l’état, elles aussi très insuffisantes. Les sénateurs ont eu l'heureuse initiative de voter un amendement permettant de partager entre la commune et le propriétaire les plus-values réalisées par celui-ci lors de la vente d'un terrain reclassé en zone constructible. Lorsqu'une commune décide un tel reclassement, elle démultiplie en effet la valeur du terrain. Il n'est donc pas illégitime qu'elle profite également de la création de richesses qu'elle a provoquée. Nous regrettons cependant que le taux du prélèvement effectué par la commune soit limité à 10 % des deux tiers du prix de cession.

Au registre des mesures en faveur des maires bâtisseurs, les sénateurs ont également adopté un amendement du groupe socialiste prévoyant la compensation intégrale par l'État des pertes de recettes enregistrées par les communes du fait de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bailleurs sociaux. Dans le souci légitime d'appuyer la construction de logements sociaux, la loi prévoit que les propriétés bâties sont exonérées de la taxe pendant vingt-cinq ans lorsqu'il s'agit de logements sociaux. Or, si l'État compense intégralement les pertes de recettes subies par les collectivités locales durant les dix dernières années de cette exonération, il compense mal celles subies durant les quinze premières. Le code général des collectivités territoriales prévoit en effet que ces pertes ne sont compensées que si elles sont supérieures à 10 % du produit communal de la taxe. Dans ces conditions, les communes qui construisent des logements sociaux sont donc budgétairement désavantagées par rapport à celles qui n'en font pas. Pire, les communes qui participent au programme national de rénovation urbaine sont victimes d'un effet de ciseau : les immeubles anciens grâce auxquels elles touchent de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont détruits tandis que les immeubles nouvellement construits ne leur permettent pas de la percevoir.

Dès le débat relatif au projet de loi de finances pour 2006 à l'automne dernier, nous avions, monsieur Perben, souhaité appeler l’attention de M. le ministre du logement, qui a quitté son banc,...

Mme Annick Lepetit. Il est coutumier du fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...sur cet inacceptable paradoxe en déposant un amendement, prenant le soin pour ma part, en tant qu’auteur de ce dernier, de lui écrire personnellement pour lui faire part de notre préoccupation à ce sujet.

Nos collègues de la Haute assemblée, tous bancs confondus, ont donc adopté un dispositif permettant une compensation intégrale de l'exonération de la taxe foncière. Patatras ! À peine avaient-ils eu le temps de se réjouir de cette avancée, que le ministre demandait une seconde délibération de l’amendement afin d'en diminuer considérablement la portée ! Non seulement il a exclu les PLS du bénéfice de cette compensation intégrale, mais il l'a limitée, en outre, aux seules opérations relevant du plan de programmation de la loi de cohésion sociale. De la sorte, on accorde une prime à toutes les communes qui n'ont rien fait les années passées au détriment de celles qui construisent depuis toujours du logement social.

Un tel dispositif est donc doublement inacceptable : sur le plan de l'efficacité, il réduit trop l'application de la compensation intégrale ; sur le plan de l'équité, il est contraire aux principes les plus élémentaires.

Largement médiatisée lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres, la « maison à 100 000 euros » est l’une des mesures qui se veulent les plus symboliques de l'engagement national pour le logement.

Nous partageons tous – j’espère que M. Borloo prendra connaissance de mes propos – ...

M. Michel Piron. Nous les lui transmettrons.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...l’objectif d'accession sociale à la propriété lorsque l'équilibre financier des ménages et la qualité de l'habitat sont garantis. Le parcours résidentiel est une priorité et mon groupe politique n'a donc aucune réticence à voir un locataire devenir propriétaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) II s'étonne cependant que la majorité cherche à établir les ménages dans un lieu d'habitat alors qu'elle contraint par ailleurs les salariés à toujours davantage de flexibilité professionnelle et de mobilité géographique. Il y a là une contradiction qu’il faudra bien un jour élucider. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

L'exemple passé des « chalandonnettes » et les engagements contenus dans la charte signée en décembre 2005 semblent pouvoir assurer la bonne qualité des maisons à 100 000 euros. Mais les moyens juridiques et financiers dégagés pour ramener le coût de ces logements à 100 000 euros paraissent, en revanche, très largement insuffisants. En effet, très rares sont les maires en mesure d'offrir des terrains gratuitement ou à faible prix. Dans les zones immobilières tendues, celles justement où la demande et le besoin de logements sont les plus forts, la réduction du taux de TVA à 5,5 % permettra juste de couvrir l'acquisition du seul bâtiment tant le coût du terrain y est élevé.

La maison à 100 000 euros relève ainsi du dangereux mirage, car elle expose les ménages au risque du surendettement. Après avoir remboursé, durant vingt ans, l'achat de la construction, ils devront encore, pour la plupart, rembourser durant vingt autres années le paiement du foncier. Si l’on veut faire de la maison à 100 000 euros autre chose qu'un simple effet d'annonce, il faudra donc lui consacrer des moyens largement supérieurs à ceux qui figurent dans le projet de loi.

À l’instar de la maison à 100 000 euros, le dispositif fiscal dit « Borloo populaire » entretient l'illusion trompeuse que le Gouvernement dégage des moyens en faveur des ménages modestes. Les loyers attendus des logements construits grâce à ce dispositif restent en effet beaucoup trop élevés, ainsi que l’ont souligné plusieurs de mes collègues. Le Sénat estime qu’ils dépasseraient de 17 % ceux des PLI tandis que, selon les propres estimations de M. le ministre du logement, le « Borloo populaire » permettrait d'obtenir des loyers 30 % inférieurs au prix du marché. Le hic – Jean-Marc Ayrault le rappelait hier – c'est que le ministre prend pour référence les prix du marché parisien où les prix sont justement supérieurs de 30 % à ceux de la province. L'effet du « Borloo populaire » y sera donc nul. Quant à la région parisienne, le marché immobilier est trop tendu pour espérer que les investisseurs renoncent au dispositif de Robien.

Le plafond de ressources exigé pour profiter de ce nouveau dispositif révèle, lui aussi, que le « Borloo populaire » n'a de populaire que son nom : identique à celui du PLI, il permet à 91 % de la population française d'y prétendre. Il n'est donc pas destiné à loger les ménages modestes mais bien ceux de la tranche supérieure de la classe moyenne. On retrouve ainsi dans le parc privé la même logique qui conduit à privilégier les PLS par rapport aux PLAI dans le parc social. Malheureusement, ce sont pourtant bien les ménages modestes qui subissent le plus durement les effets de la crise du logement.

Dans la continuité de ses précédentes décisions – de la création du dispositif de Robien à l'extension du PTZ aux ménages gagnant 7 000 euros par mois – le « Borloo populaire » conduit donc à accorder de nouveaux cadeaux fiscaux sans bien en mesurer les effets sociaux. C’est d'autant plus préoccupant que les aides fiscales ont augmenté de 9,3 % dans le budget du logement pour 2006 et dépassent désormais les subventions directes versées par l'État.

Inquiets de cette dérive, les acteurs du logement réunis lors du dernier congrès de l'USH ont solennellement appelé le Gouvernement à mieux garantir la transparence et à mieux évaluer l'impact des moyens consacrés au logement par l'État. Nous souscrivons pleinement à cette revendication.

Le projet de loi ne souffre pas seulement de la faiblesse de ses dispositions les plus intéressantes ou les plus médiatiques. Il pâtit surtout de ses lacunes, qui sont autant d'impasses sur des problèmes essentiels posés par la crise du logement. C'est à l'aune de ces lacunes que l'on mesure le mieux le décalage entre les besoins et 1es solutions présentées par le texte, et que l’on peut constater à quel point le Gouvernement peut rester sourd aux avertissements les plus sévères de l'actualité.

Ainsi, en dépit de la gravité de la crise traversée par notre pays à l'automne dernier, le projet de loi ne comporte, en premier lieu, aucune mesure susceptible de contraindre certains maires à construire davantage de logements sociaux. Alors que l'opinion publique était encore sous le coup de l'émotion provoquée par les scènes de violence dans les quartiers sensibles, le Président de la République déclarait solennellement, le 14 novembre dernier : « J'appelle [...] tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d'avoir 20 % au moins de logements sociaux. Oh, j'ai conscience des difficultés. Mais on ne sortira pas de la situation actuelle, si l’on ne met pas en cohérence les discours et les actes. »

M. Pierre Ducout. C’est bien cela qu’il a dit !

M. Jean-Pierre Brard. C’est prêcher dans le désert !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mettre en cohérence les discours et les actes :...

M. Michel Piron. Vous parlez d’or !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...voilà un objectif que tout élu soucieux de respecter le mandat des électeurs place au premier rang de ses priorités et que tout gouvernement devrait scrupuleusement tenir lorsqu'il est fixé par le chef de l'État en personne !

Eh bien, mes chers collègues, voilà pourtant bien un objectif qui n'a nullement inspiré les rédacteurs du projet de loi. Si les mots de « mixité sociale » reviennent jusqu'à saturation dans les discours du Gouvernement, il ne leur est jamais donné de traduction législative.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. Pierre Ducout. Voilà la réalité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour casser les ghettos urbains, il est pourtant essentiel que toutes les communes se mobilisent et assument leur part de la solidarité territoriale. Or, depuis trois ans, la majorité parlementaire y rechigne quand elle ne tente pas de s'y soustraire.

M. Jean-Pierre Brard. Un âne qui recule !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En septembre dernier, une tentative a même été publiquement faite pour organiser la résistance et le lobbying de tous les maires qui sacrifient l'application de la loi à l'égoïsme municipal. Aujourd'hui encore, certains voudraient réduire la portée de l'article 55 de la loi SRU en intégrant dans les 20 % de logements sociaux les logements achetés en accession sociale à la propriété – nous en débattrons. D'autres, comme en commission des finances, évoquent le taux de 20 % à l’échelle du territoire de l'agglomération, ce qui est, vous l'admettrez, la pire des forfaitures.

Pour faire front à ces démarches, il ne suffit pas de demander aux préfets de dresser un état des lieux et d'infliger aux maires de faibles et inefficaces majorations d'amendes. Il faut prendre des initiatives fortes qui marquent et imposent à tous la volonté de l'État de faire triompher l'intérêt général sur les intérêts particuliers.

Saisissons l'opportunité de ce projet de loi pour exiger des préfets qu'ils se substituent aux maires défaillants et engagent à leur place la construction de logement sociaux, pour lier le montant de la DGF à la réalisation d'HLM, pour imposer un pourcentage de logement social dans tout projet immobilier sous peine de suspendre la délivrance du permis de construire, ou encore pour affecter des coefficients différents à chaque catégorie de logement social. Il n'est pas normal, en effet, que certaines communes se défaussent de leur obligation de solidarité en construisant uniquement des PLS.

Mes chers collègues, les idées et les solutions ne manquent pas pour briser les ghettos urbains et mettre en cohérence les discours et les actes. Ce qui fait, en revanche, cruellement défaut dans le projet de loi dont nous discutons, c'est le courage et la volonté politique.

M. Michel Piron. Eh ben !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'engagement national auquel convie le Gouvernement ne se donne pas les moyens de surmonter l'égoïsme municipal. Il s'agit là d'une tare extrêmement grave qui suffit par elle-même à condamner l'ensemble du projet.

Dans un contexte marqué par l'envolée des loyers, l'absence totale de mesures en faveur de la solvabilisation des locataires est une seconde tare toute aussi grave du projet de loi.

Selon les estimations moyennes les plus répandues, les locataires, en dehors du parc social, consacrent désormais près de 30 % de leurs ressources au paiement de leurs loyers et des charges. Budget après budget, la majorité a pourtant porté une série de mauvais coups contre les aides personnelles au logement versées à plus de six millions de locataires : après avoir revalorisé les APL une seule fois en deux ans et limité leur progression à 1,8 % en septembre dernier, la majorité a voté dans la dernière loi de finances une diminution de 1,38 % des crédits qui leur sont consacrés. Aussi avons-nous plutôt mal apprécié avant-hier que M. Borloo ait prétendu avoir réhabilité les APL ! Selon les estimations faites par des économistes reconnus, le pouvoir solvabilisateur des aides personnelles au logement a ainsi diminué de 8 % en l’espace de trois ans !

À cette intolérable diminution de la masse globale des APL, s'ajoutent des mesures d'économie plus ciblées et plus mesquines. En 2004, le Gouvernement a exclu 200 000 personnes du bénéfice de ces aides par le simple relèvement du seuil de non-versement de 15 à 24 euros. Devant l'émoi suscité par une telle décision – émoi dont s'est fait l'écho le médiateur de la République en personne – le Gouvernement a annoncé qu'il redescendrait le seuil à quinze euros. Cet engagement est resté, pour l'instant, purement verbal.

En revanche, le Gouvernement a déjà fait part de son intention d'augmenter de 3 euros le montant du ticket modérateur dû par les locataires, soit une économie de 180 millions d'euros. Il lui sera alors toujours loisible de ramener le seuil à quinze euros : cette décision ne devrait en effet lui coûter que 50 millions d'euros ! C’est vraiment être « à la ramasse » ! Et M. Borloo ose encore prétendre qu’il a rétabli les APL ?

Cette politique de gribouille est d'autant plus inacceptable qu'elle frappe les ménages modestes. Avec le RMI, les APL sont les aides sociales les plus redistributives. Selon les chiffres fournis par le Gouvernement lui-même lors du débat budgétaire, les trois quarts des APL sont versés à des ménages dont les revenus sont inférieurs au SMIC. Toujours selon les mêmes sources, le taux d'effort consenti pour se loger par les bénéficiaires de minima sociaux est passé de 15 % en 2003 à 20 % en 2005, soit une augmentation de près de 5 points en deux ans ! Alors que le Gouvernement allège toujours davantage la charge fiscale des ménages les plus aisés, il n'hésite pas à rétablir son équilibre budgétaire en exigeant des économies de la part de nos concitoyens les plus défavorisés.

M. Pierre Ducout. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans son rapport présenté le 3 novembre dernier, le Secours catholique a alerté les pouvoirs publics sur cette dérive et sur l'augmentation dramatique des loyers pour les locataires modestes du parc privé. L'explosion spectaculaire du nombre de contentieux locatifs révèle en effet que l'on a dépassé le seuil critique.

Dans ces conditions, la passivité du Gouvernement laisse pantois. Pour justifier l’absence complète de mesure significative en faveur des APL, il cherche d'abord à accréditer la thèse selon laquelle ces aides auraient un effet inflationniste sur le montant des loyers. Pourtant, il n'est nul besoin de commander des rapports pour constater que cette thèse n'est pas défendable. Entre 1993 et 1995, le blocage des aides à la personne par le gouvernement Balladur n'avait aucunement empêché l'augmentation des loyers. Plus récemment encore, en 2004, les loyers ont enregistré leur plus forte progression en vingt ans alors même que, cette année-là, les APL n'ont pas été revalorisées.

Afin d'excuser son inertie, le Gouvernement espère également pouvoir s'appuyer sur la mise en place d'un nouvel indice pour calculer l'augmentation annuelle des loyers. Avancée au 1er mars 2006 par l'article 17 du présent projet de loi, cette mise en place risque malheureusement d'avoir des effets funestes pour les locataires. Non seulement le nouvel indice n'est pas purement et simplement aligné sur le taux de l'inflation, mais il pourra provoquer des augmentations de loyers supérieures à l'ancien dispositif. Au troisième trimestre 2005, cet ancien dispositif enregistrait une hausse de 0,47 %, quand le nouvel indice progresserait, lui, de 2,33 % ! Cherchez l’erreur !

L'urgence d'améliorer la solvabilité de millions de locataires exige donc, de toute évidence, d'autres mesures que ces médiocres expédients. Outre une revalorisation sensible du montant unitaire des APL, le projet de loi portant engagement national pour le logement devrait prévoir par exemple une indexation minimale de ces aides sur le niveau de l'inflation ou sur celui de l'indice de référence des loyers.

II devrait également prévoir une meilleure prise en compte du montant des charges car la part de celles-ci ne cesse de croître dans le budget des locataires.

Il devrait enfin supprimer le mois de carence et le seuil de non-versement qui génèrent pour l'État des économies mesquines mais qui grèvent lourdement l'équilibre financier des ménages modestes.

À défaut de procéder à ces modifications, le projet de loi n'apportera aucun secours aux millions de locataires qui sont pourtant parmi les principales victimes de la crise.

Par-delà ces profondes modifications auxquelles nous vous invitons, je souhaiterais conclure mon propos en vous faisant part, monsieur Perben, de nos propres solutions à la crise du logement.

Au commencement de la discussion générale, le président Jean-Marc Ayrault a eu l'occasion d’exposer les réflexions du groupe socialiste sur le taux d'effort. La qualité de sa démonstration rend inutile une nouvelle présentation de ces réflexions dans le détail ; mais leur pertinence rend nécessaire, j'en suis convaincu, d’en rappeler le principe.

Depuis plusieurs années, l'envolée des cours de l'immobilier, à l'achat comme à la location, a entraîné une augmentation très sensible des dépenses consacrées par les ménages à leur logement. Plusieurs analyses estiment que les Français versent, en moyenne, près de 30 % de leurs ressources budgétaires pour se loger, plaçant ainsi le logement au premier poste de leurs dépenses.

Pourtant, alors même que ce taux d'effort a atteint des proportions considérables pour les ménages, il reste actuellement une variable d'ajustement des mesures prises par les pouvoirs publics. Au lieu d'être le socle à partir duquel serait déterminée toute la politique du logement, le taux d'effort n'est aujourd'hui que la conséquence des différentes aides versées. Il est donc temps d'inverser les perspectives et de transformer la conséquence en cause afin de fixer à la politique du logement un objectif stratégique.

Ramener le taux d'effort moyen à 25 % pourrait être cet objectif stratégique autour duquel s'ordonneraient toutes les décisions des pouvoirs publics. Le montant des aides versées – de toutes les aides : à la personne comme à la pierre – serait ainsi déterminé bassin d'habitat par bassin d'habitat, de manière à abaisser, pour chaque ménage, le taux d'effort à 25 %.

Monsieur le ministre, voilà une ambition forte et lisible qui obligerait à mieux évaluer l'impact social des avantages fiscaux que votre majorité accorde si généreusement aux investisseurs. Voilà une ambition forte et lisible qui impliquerait qu'aucune aide publique ne soit versée sans contreparties sociales. Voilà une ambition, en somme, qui donnerait enfin sens et vigueur à votre politique !

Avant de conclure, je souhaiterais vous faire part d'une seconde proposition relative au droit au logement, droit reconnu par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 décembre 1994 comme un « objectif à valeur constitutionnelle ». Cette seconde proposition, je la présente ici en mon nom, bien qu'elle soit partagée par plusieurs collègues et par de très nombreux acteurs associatifs. À l'instar des réflexions sur le taux d'effort, elle nous invite tous à réaliser une nouvelle révolution dans notre façon de concevoir la politique du logement.

Portée à l'origine par le milieu associatif, l'opposabilité du droit au logement est une revendication qui reçoit depuis quelques années une écoute toujours plus attentive de la part des autorités publiques et des responsables politiques. Alors que le Conseil économique et social a fait sienne cette revendication, dans un avis voté le 14 janvier 2004, votre prédécesseur, monsieur le ministre, a manifesté publiquement l'attention qu'il portait à cette question. Pourtant, lors du débat sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, la majorité a refusé d'adopter nos amendements relatifs à l'opposabilité du droit au logement, au motif que l'on ne pourrait atteindre l’objectif fixé que dans plusieurs années. Considérée ainsi, l'opposabilité du droit au logement serait la conséquence heureuse et lointaine d'une augmentation massive de la construction de logements et notamment de logements sociaux.

Avec tous ceux qui ont activement réfléchi à ce problème, je vous suggère à nouveau, mes chers collègues, d'inverser les perspectives : l'opposabilité du droit au logement ne doit plus être conçue comme la conséquence d'une augmentation du nombre des constructions, mais comme la cause même de cette augmentation. En fixant par la loi, à l'horizon des cinq prochaines années, le principe de l'opposabilité du droit au logement, le législateur conduirait en effet tous les acteurs à se mobiliser pour atteindre cet objectif. Pourquoi ne pas exposer ultérieurement à des poursuites les collectivités publiques qui n’auraient pas répondu à cette attente ?

En aucun cas, naturellement, il ne s'agirait pour l'État de se défaire de ses responsabilités sur les collectivités locales. Celles-ci ne pourraient être responsables de la mise en œuvre du droit au logement qu'à la condition qu'elles aient au préalable reçu de l'État toutes les ressources financières nécessaires. En outre, l’opposabilité du droit au logement devrait être rigoureusement encadrée pour éviter tout recours abusif devant les juridictions. Mais l'exemple de l'Écosse, qui construit progressivement, depuis plusieurs années, un droit au logement opposable, prouve que toutes ces difficultés techniques peuvent être surmontées dès lors que les pouvoirs publics en ont la volonté.

Depuis la fin du XIXe siècle, la République française a garanti successivement à tous ses citoyens l'accès à l'école et l'accès aux soins. Il ne paraît ni illégitime, ni fantaisiste d'affirmer qu'il est temps, au XXIe siècle, qu'elle garantisse à tous l'accès au logement.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant engagement national pour le logement porte un beau titre. Pour que ce titre ne reste pas une vaine promesse, il est de toute évidence impératif de renvoyer ce texte en commission, afin d'en accroître la portée et d'en corriger les inacceptables lacunes, ce que la commission ferait dans sa grande sagesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Ghislain Bray. On peut rêver !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et de l’aménagement du territoire.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur Le Bouillonnec, ai-je besoin de vous dire que vous ne m’avez pas convaincu ? Ni sur le fond, bien sûr, ni sur la forme. Votre discours relevait plus de la discussion générale, aucun argument n’étant apporté pour démontrer qu’il serait nécessaire de renvoyer ce texte en commission.

M. Ghislain Bray. Eh oui !

M. Gérard Hamel, rapporteur. L’urgence n’a pas été déclarée, et deux lectures sont prévues. Nous travaillons sur ce texte depuis le mois de décembre et nous avons porté au 13 janvier la date limite de dépôt des amendements, lesquels ont été examinés lors de trois séances.

M. Pierre Ducout. Dans quelles conditions ! Dire qu’ils ont été examinés est excessif. Disons plutôt qu’ils ont été listés.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Listés et examinés. Au total, la commission a consacré plus de dix heures à l’examen de ce texte, au cours desquelles elle a pu passer en revue les 650 amendements qui ont été déposés.

Pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas la motion de renvoi en commission.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Ce débat, monsieur Perben, est fort intéressant. Malgré les efforts du Gouvernement pour maintenir une certaine opacité, nous commençons à y voir un peu plus clair et notre rôle, c’est bien d’éclairer l’opinion publique.

Hier, M. Borloo, tel un Harry Potter du Valenciennois, est venu faire un tour de magie, avant de disparaître.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai.

M. Yves Simon. Et vous, vous jouez à Guignol !

M. Michel Piron. On est vraiment au cœur du sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Avec Harry Potter ? Certainement, même si M. Borloo n’a pas encore une notoriété aussi grande, ni des droits d’auteur aussi importants, j’en conviens volontiers.

Mme Annick Lepetit. Encore qu’avec le « Borloo populaire »… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, madame Lepetit. Avec le « Borloo populaire », un talent commence à s’affirmer, au moins concernant la sémantique.

Hier donc, avec des trémolos dans la voix, M. Borloo m’a accusé de dire des choses inexactes à propos de ce qu’il nomme, faisant appel à mon sens de la paternité, « son bébé ». Ce doit être son premier enfant car il semble manquer de pratique et il le laisse un peu trop batifoler tout seul. (Sourires.) Mais c’est M. Borloo qui dit des choses inexactes. Il prétend que 2000 avait été l’année noire du logement. Or, pour M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, c’est l’année 2003 – vous étiez aux affaires – qui restera la plus mauvaise année pour la construction de logements sociaux depuis 1953.

M. Michel Piron. C’est totalement inexact !

M. Yves Simon. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. S’agissant de l’ANRU, le « bébé » de M. Borloo, M. Doutreligne déclare à propos du comité d’évaluation et de suivi : « Le problème est que nous ne nous réunissons pas souvent. Le comité ne joue pas son rôle de force collective de réflexion. Nous n’avons pas de réflexion commune, pas d’échanges, pas de partage avec les autres membres du comité. Il n’existe pas vraiment de lien entre le comité d’évaluation et de suivi et l’ANRU elle-même. La façon dont nous procédons actuellement ne produit qu’une vision très superficielle de la situation. » Homme de bonté, M. Doutreligne reconnaît néanmoins : « La volonté du ministre de créer une instance d’évaluation avec en son sein des associations qui ont une totale liberté de parole nous a paru un exercice de démocratie intéressant, mais il faut alimenter ce comité, lui donner du grain à moudre. »

Vous le voyez, M. Doutreligne dit au fond la même chose que moi : nous sommes dans le spectacle et non dans la définition d’une vraie politique.

M. Le Bouillonnec parlait des maires bâtisseurs. Face à eux, il y a les maires fossoyeurs, ceux qui enterrent notre modèle social, lequel est par essence, depuis la Révolution française, anticommunitariste. Vous, vous êtes en train de développer une politique de ghettos.

M. Le Bouillonnec a dit également que vous n’aviez pas de volonté politique et pas de courage. Il a raison sur un point : vous n’avez pas de courage. Mais je ne suis pas d’accord avec lui quant à votre manque de volonté politique, parce que vous poursuivez votre objectif avec obstination, avec entêtement.

M. Charles Cova. Avec constance !

M. Jean-Pierre Brard. M. Cova sait de quoi il parle, car je donnerai tout à l’heure l’exemple de maires délinquants de son département qui n’appliquent pas la loi SRU.

Donc, vous avez une forte volonté politique mais, dans le pays de Jacquou le Croquant, vous ne pouvez pas l’afficher.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez en effet que la punition infligée ensuite par notre peuple serait sévère. Obligés d’avancer masqués, vous voulez nous imposer le silence en changeant les critères qui permettent de définir les logements sociaux qui entrent dans la composition des 20 %.

M. Pierre Ducout. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez casser le thermomètre !

M. le président. Il faut conclure maintenant !

M. Jean-Pierre Brard. Au vu de ce que le Gouvernement annonce et de ce que les députés UMP veulent faire, on voit bien qu’il faut tout remettre sur la table. Le renvoi en commission est donc indispensable. Cela nous laissera le temps de lever le voile sur vos dissimulations et d’alerter l’opinion publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Comme d’habitude, Jean-Yves Le Bouillonnec a fait une intervention très précise, de grande qualité, échappant à toute polémique. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je le dis sans sourire. Il a mis à plat le faux débat sur les chiffres. Chacun a bien compris que le dispositif de Robien favorisait la spéculation foncière, que l’État consacrait beaucoup plus d’argent à ce dispositif qu’au logement social.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

M. François Brottes. Les crédits alloués à la rénovation et à la réhabilitation urbaines ont été considérablement réduits…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c’est vrai aussi !

M. François Brottes. …– je pense aux crédits de l’ANAH et des PALULOS. Enfin, l’ANRU aide sans doute certains territoires, mais elle en oblige d’autres à cotiser. Le président du conseil général de l’Ariège a en effet bien montré que les territoires ruraux cotisaient, mais n’avaient aucun retour dans ce domaine.

Ce qui importe, c’est de mesurer l’écart entre la demande sociale d’aujourd’hui et celle d’hier. Ce n’est pas le nombre de logements en valeur absolue qu’il faut considérer, même s’il a évolué, grâce d’ailleurs à l’impulsion qu’a donnée la loi SRU. En imposant 20 % de logements sociaux, nous avons en effet enclenché une mécanique qui commence à porter ses fruits, mais il existe aujourd’hui 1,3 million de demandeurs de logements sociaux, ce qui est considérable. Ce que l’on nous propose n’est donc absolument pas à la hauteur. Il était important d’apporter ces précisions dans la sérénité et en toute objectivité, comme l’a fait Jean-Yves Le Bouillonnec.

S’agissant de la question du renvoi en commission, M. le rapporteur a certes indiqué que les 650 amendements déposés avaient été examinés. Je ne dirai pas combien de temps a été consacré à chacun d’eux car c’est la loi du genre. Il est vrai que l’urgence n’a pas été déclarée sur ce texte, et nous nous en félicitons. Dont acte. Toutefois, notre travail sur ce texte a été interrompu par les congés parlementaires, et nous n’avons pas pu examiner sérieusement l’ensemble des amendements qui viennent d’être déposés. J’ai cru comprendre, monsieur le rapporteur, que vous aviez dû travailler fort tard et dans l’urgence avec les administrateurs de l’Assemblée, que je salue, et nous avons même cru un temps que l’ensemble des amendements de l’opposition avaient été rejetés faute d’être examinés, la majorité en ayant déposé de son côté une quantité astronomique, ce qui est au demeurant parfaitement son droit. Cette précipitation, liée d’ailleurs à notre calendrier, justifie le renvoi en commission pour que nous prenions le temps de revoir tous les amendements récemment déposés.

Sur le fond, M. Raoult, qui ne manque pas de culot, parce qu’il a manqué de respect à certains élus locaux,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. A M. Dilain notamment !

M. François Brottes.… a eu l’audace de citer Roger Quilliot, un homme qui a fait beaucoup pour le logement social : « Un logement social réussi, c’est un logement invisible. » Il y a sans doute une confusion dans l’esprit de M. Raoult : un logement invisible n’est pas forcément un logement social réussi !

Compte tenu de la précipitation des travaux en commission, je vous demande de voter cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Jean-Pierre Brard. Qui va nous citer Dostoïevsky !

M. Michel Piron. Aliocha n’a pas dit que des choses inintéressantes, monsieur Brard !

Quel dommage que votre lyrisme, monsieur Le Bouillonnec, serve si mal la vérité des chiffres et des faits ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas gentil !

M. Michel Piron. Votre mémoire est particulièrement sélective, car si vous vous souvenez des « chalandonnettes », à juste titre d’ailleurs, vous oubliez votre récente impéritie, de 1998 à 2002. En effet, à qui doit-on la gravité de la crise actuelle, sinon à vous ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes coupables de tout !

M. Michel Piron. Toutes catégories confondues, PLAI, PLUS et PLS compris, nous avons construit 80 000 logements sociaux en 2005, soit deux fois plus que ce que vous avez fait en 2000 ! Voilà le résultat de la politique hypervolontariste du logement que nous soutenons depuis trois ans, et qui doit s’accentuer dans les années qui viennent.

Vous oubliez aussi les zones de rénovation urbaine, énorme chantier mené par l’ANRU et les collectivités territoriales. Cela mérite d’être souligné. Pour la qualité du débat à venir, il vaudrait mieux reconnaître ces quelques faits !

Enfin, il me faut également éclairer votre lanterne, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’était Hanouka il n’y a pas longtemps !

M. Michel Piron. Vous avez cité M. Doutreligne, qui appartient à une association tout à fait respectable, et vous avez fait référence à 2003, « année noire » selon vous. Eh bien, j’ai le regret de vous dire qu’en 2003 la somme des PLAI et des PLUS représentait beaucoup plus qu’en 2000, et encore plus si on y ajoute les PLS (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : 58 090 logements contre 42 262 ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un littéraire, pas un physicien !

M. Michel Piron. Même si l’évidence n’est pas toujours évidente, comme le disait Jankélévitch, il va de soi que nous vous demandons de ne pas adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.

M. Jean-Pierre Abelin. A voir la véhémence de M. Le Bouillonnec, on se demande si elle ne cache pas un remords : celui d’avoir battu le record du plus faible taux de production de logements sociaux pendant les cinq années où ses amis étaient au pouvoir ! Pendant cinq ans, j’ai entendu des ministres du logement socialistes annoncer, à chaque discussion budgétaire, avec sincérité et générosité du reste, des chiffres mirobolants de production de logements sociaux, vite démentis pas des taux de réalisation très décevants – de 50 % ou 60 % –, à tel point qu’au bout de quatre ans un « plan de relance » dut être imaginé ! Comment expliquer cette déconvenue, cette déception ? C’est que le logement social ne se décrète pas : il nécessite des bailleurs sociaux fortement impliqués, des élus mobilisés, des investisseurs confiants et une administration soucieuse d’efficacité. Voilà le problème du logement social dans notre pays.

Et lorsque j’entends M. Ayrault et M. Le Bouillonnec annoncer 120 000 logements sociaux de plus par an à partir de 2007, je me dis que soit ils ont tout oublié, soit ils n’ont rien retenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Pour éviter des débats ou des suspensions de séance désagréables, je voudrais expliquer pourquoi la commission des finances a déclaré soixante-quinze amendements irrecevables au titre de l’article 40.

J’ai dû m’opposer à tout amendement demandant à l’État de réhabiliter plus de logements sociaux ou mettant en place une nouvelle programmation budgétaire. La création de charge est tout autant caractérisée quand on accorde à une commune un nouveau droit de préemption ou quand on crée une nouvelle structure, établissement public foncier ou autre. Il n’est pas possible non plus, au regard de l’article 40, d’augmenter le champ d’intervention de l’ANRU, par exemple pour la construction de logements pour l’accession sociale à la propriété, ou de l’ANAH, ou de la caisse de garantie du logement social, qui sont des établissements publics administratifs.

Les aides au logement, et notamment l’APL, à laquelle la majorité est très sensible,…

M. Jean-Pierre Abelin. En effet, nous y tenons beaucoup !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.… ont fait l’objet d’amendements très importants adoptés par la commission des affaires économiques, mais cependant indiscutablement coûteux pour le budget de l’État. Je pense au versement trimestriel de l’APL pour en faire bénéficier 120 000 personnes supplémentaires ou à la suppression du délai de carence. Tout cela va au-delà de l’enveloppe budgétaire existante, pourtant déjà considérable, y compris lorsqu’on la compare à celle des pays européens voisins.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a des choix à faire !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. II importe, bien sûr, que le Gouvernement prenne lui-même l’initiative de faire plus financièrement.

M. Jean-Pierre Abelin. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Enfin, s’agissant de l’article 55 de la loi SRU, je n’ai pas opposé l’article 40 aux amendements concernant la sanction financière due par les communes n’atteignant pas l’objectif de 20 % de logements sociaux. Il s’agit d’une sanction et, à ce titre, il est possible de l’augmenter ou de la diminuer comme les amendes pénales. En revanche, il n’est pas possible, au regard de l’article 40 de la Constitution, de demander aux communes de faire plus de logements sociaux, car cela entraîne nécessairement des charges publiques supplémentaires.

M. Jean-Pierre Brard. Cela commence à sentir le séminaire !

Mme Janine Jambu. Que faisons-nous là ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cher Jean-Pierre Brard, membre éminent de la commission des finances, vous avez été dans des gouvernements successifs.

M. Jean-Pierre Brard. Je les ai soutenus, cela suffit à mon bonheur !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Or je constate qu’il y a eu de très nombreuses réformes constitutionnelles, mais qu’aucun gouvernement d’aujourd’hui, d’hier ou d’avant-hier n’a jamais souhaité remettre en cause l’article 40. En tant que président de la commissions des finances, je ne fais donc qu’appliquer cet article, avec la plus grande latitude possible. J’ai d’ailleurs ouvert une nouvelle grande marge en ce qui concerne la capacité d’expérimenter pour donner au Parlement la possibilité d’opérer de nouvelles modifications.

Afin qu’un véritable débat puisse cependant avoir lieu sur cette importante question des 20 %, j’ai cependant accepté les amendements facilitant l’atteinte de cet objectif, par exemple en donnant la possibilité aux communes de créer de nouvelles servitudes d’urbanisme ou de faire plus de logements très sociaux que de logements sociaux. Il y a donc suffisamment d’amendements recevables pour que le débat puisse avoir lieu.

Pour conclure, je rappelle à tous les auteurs d’amendements qu’ils doivent gager, et bien gager, toute réduction d’impôt ou exonération de cotisations sociales, mais qu’une création de charge ne peut pas être gagée. Il ne sert donc à rien de gager des créations de charge. En effet, de nouvelles dépenses publiques ne peuvent pas être gagées, alors qu’une diminution de recettes, elle, peut l’être. Je le rappelle, car cette différence n’est pas toujours comprise.

Voilà, monsieur le président, ce que je tenais à dire afin d’éviter des suspensions de séance ou des mises en cause de l’application très large que le président de la commission des finances fait de l’article 40.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je remercie le président de la commission des finances pour cette explication de texte. La plupart des amendements politiques déposés par l’opposition ont en effet été déclarés irrecevables, qu’ils touchent au pouvoir solvabilisateur des aides à la personne, au renforcement de la SRU – on pourrait ainsi diminuer le nombre de logements sociaux, mais non l’augmenter ou les requalifier –, à la modification des compétences des offices HLM, au transfert du FSL aux départements ou à l’amélioration du droit de préemption. Bref, de toutes ces initiatives importantes, nous ne pourrons pas débattre !

Je ferai deux observations.

Tout d’abord, ce texte n’est pas vierge d’amendements, puisqu’il arrive du Sénat où il se trouve que l’on a le droit de débattre tranquillement de ces sujets.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet !

M. Jean-Louis Dumont. Le droit de parole y est respecté.

M. François Brottes. La générosité du président de la commission des finances l’autorise en effet à donner la possibilité de débattre non seulement à l’opposition mais à l’ensemble des parlementaires. Une jurisprudence constante établit donc que la censure sévit à l’Assemblée avant la séance plus rudement qu’au Sénat, alors même que nous discutons du même texte. Dont acte.

Ensuite, si nous voulons débattre dans la sérénité et aller au fond des choses, il serait judicieux, étant donné la situation, que le Gouvernement, qui en a le droit, reprenne nos amendements, quitte à préciser qu’il y est défavorable.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. François Brottes. Il les mettrait au moins en débat, ce qui est en son pouvoir, et nous prendrions acte que le Gouvernement et la majorité ont la volonté de discuter de toutes les questions que nous avons évoquées. J’en formule la demande, car ces débats sont essentiels et nous devons pouvoir les ouvrir. Si nous ne pouvons discuter– passez-moi l’expression – que du sexe des anges, je ne vois pas l’intérêt de venir en séance alors que nous voulons essayer d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Le Sénat a une pratique différente parce que son règlement est différent.

M. Jean-Louis Dumont. Changeons le nôtre !

M. le président. Le règlement du Sénat ne prévoit pas d’examen préalable des amendements au titre de l’article 40 de la Constitution, à moins que le Gouvernement ne soulève ce moyen. En 1959, le Conseil constitutionnel a reconnu dans ces termes le règlement du Sénat, qui explique la différence de pratique des deux assemblées.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Étant donné que j’ai posé une question au Gouvernement et qu’il faut lui laisser le temps de réfléchir, je demande une suspension de séance au nom de mon groupe.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je profite de la présence du président de la commission pour l’interroger sur la question de la non-recevabilité des amendements, qui trouble même les députés de la majorité.

Pourquoi les amendements de certains de nos collègues, qui tendent à élargir le périmètre des 20 % de logements sociaux requis en proposant notamment d’y intégrer ceux qui font l’objet d’une accession sociale, ce qui engage des dépenses nouvelles, seraient-ils recevables, à la différence des amendements tendant à modifier l’application de la loi SRU sur d’autres communes ? Et pourquoi un amendement qui tend à interdire le transfert du FSL sur les départements, alors même qu’une compensation de l’État est prévue à l’euro près, est-il refusé au motif qu’il instaurerait une dépense nouvelle ? Les questions que je pose sont extrêmement précises. Nous devons tous faire preuve de bonne foi dans ce débat, sans quoi nous ne pourrons pas le poursuivre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J’ai laissé une certaine souplesse dans le moyen d’atteindre le chiffre de 20 %, mais j’ai considéré que, dès lors que l’on touche à ce chiffre, on tombe sous le coup de l’article 40.

Je rappelle par ailleurs qu’il reste tout de même 625 amendements recevables sur les 700 qui ont été déposés. Ces amendements peuvent être discutés très largement. Et le débat politique qu’elle réclame, l’opposition pourra l’ouvrir à l’occasion de la discussion des articles.

En outre, comme l’a signalé le président de séance, c’est l’Assemblée nationale qui a toujours le dernier mot. Si le Conseil constitutionnel surveille l’application de l’article 40 et nous reproche même parfois de ne pas l’appliquer de façon assez stricte, le Sénat n’a jamais autant de poids que l’Assemblée nationale dans les décisions finales. C’est là une différence importante entre les deux assemblées.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je comprends la volonté du président de la commission des finances de faire appliquer l’article 40, ce qui est conforme à son rôle. Mais le fameux article 55 de la loi SRU nourrit un débat important, notamment sur le périmètre des logements sociaux.

J’ai déposé un amendement tendant à modifier celui-ci et il a été refusé, à mon grand étonnement. Pouvons-nous mener un débat dans ces conditions ? On reproche souvent à l’opposition de ne rien proposer mais, quand elle essaie de construire de manière cohérente une politique du logement, elle est contrainte par une lecture très restrictive de l’article 40. Je suis encore une jeune députée, non par l’âge, mais au sens où j’exerce encore mon premier mandat, et, en quatre ans, j’ai vu évoluer l’application de cet article dans un sens de plus en plus strict.

Je regrette que le débat sur le logement se heurte à une telle difficulté. Je fais cependant confiance à nos présidents de séance pour que la discussion sur les amendements proposant une réduction de l’application de l’article 55 de la loi SRU soit suffisamment ouverte. J’espère en particulier que les députés qui ont déposé des amendements jugés non recevables pourront s’exprimer et défendre leurs idées, faute de quoi le débat n’irait que dans un sens.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. L’application de l’article 55 de la loi SRU est devenue le centre d’une polémique. Je ne souhaite pas intervenir dans le débat mais, monsieur le ministre, permettez-moi une réflexion : si l’on veut vraiment parler du logement dans notre pays, il faut savoir comment le définir.

Dans ma ville de 20 000 habitants, je fais du logement social. Mais il y a plusieurs manières d’en faire. Outre le logement social sous forme de HLM, il existe aussi le PSLA, l’accession sociale à la propriété, le logement social privé et la rénovation de l’ANAH. Pour aller un peu au-delà de mes fonctions, j’estime que l’honneur du Parlement pourrait être de récrire à terme l’article 55, en évitant les polémiques permanentes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur Le Bouillonnec, je fais une politique très sociale dans ma ville.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne vous mets pas en cause !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. J’estime toutefois que cette ankylose liée à l’application de l’article 55 nuit à la qualité du débat et à notre ambition de mener une vraie politique du logement. Tel est du moins mon sentiment personnel.

Article 1er A

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, inscrite sur l’article 1er A.

Mme Huguette Bello. Après la loi de programme de rénovation urbaine d'août 2003 et le volet logement du plan de cohésion sociale de décembre 2004, c'est la troisième fois en trois ans que le Parlement examine un projet de loi relatif au logement. Il est vrai que la crise actuelle est d'une ampleur rarement atteinte, que ses causes sont multiples et que ses conséquences, parfois dramatiques, sont toujours déstructurantes.

Toutes les régions ne sont pas également touchées, mais aucune n'est épargnée et certaines souffrent durement. C’est notamment le cas de l'outre-mer, où la crise actuelle vient s’ajouter à une pénurie de logements déjà ancienne. Je ne reviendrai ni sur les besoins actuels et futurs – le compte en a déjà été fait avec précision et maintes fois répété – ni sur les facteurs de blocage, généraux et spécifiques, qui sont parfaitement identifiés. Je constate cependant que, en un an, le nombre des ménages qui ont déposé une demande de logement social a encore augmenté, pour s’établir aux alentours de 27 000, et que l’habitat insalubre, loin de se résorber, s’accroît en raison des constructions spontanées, également appelées « informelles ». Or le nombre de logements sociaux construits a diminué de manière continue au cours des dernières années.

En dépit de cette situation critique, monsieur le ministre – qui avez été ministre de l’outre-mer –, …

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Et j’en suis fier !

Mme Huguette Bello. … la programmation pluriannuelle des crédits prévue par le plan de cohésion sociale ne s'applique toujours pas à l'outre-mer. Pourtant, il est admis que cet engagement budgétaire sur cinq ans est un élément déterminant de la réponse au défi du logement social.

En s'attaquant cette fois aux obstacles qui freinent la construction de logements, le projet de loi vise à favoriser une augmentation importante et régulière de l'offre de logements dans les années à venir. Toutefois, la Réunion doit faire face à des difficultés particulières.

Se pose tout d’abord, bien entendu, le problème du foncier, qui est double. D'une part, la surface disponible est faible. Concentrée sur le littoral, elle ne représente qu'un tiers de la superficie de l'île et se trouve soumise à des arbitrages constants entre les nécessités de l'urbanisation et les besoins du monde agricole. En démultipliant la demande de terrains constructibles, la défiscalisation a totalement déséquilibré ce marché et a provoqué une véritable envolée des prix. En dix ans, le prix du mètre carré a ainsi augmenté en moyenne de 125 %. La plus grande victime de cette spéculation foncière est évidemment le logement social. Sans doute faudrait-il envisager dès à présent d'instaurer dans les programmes d'investissement immobilier bénéficiant de la défiscalisation un quota de logements sociaux, ce qui favoriserait en outre la mixité sociale.

D’autre part, étant donné l'ampleur des besoins et leurs ressources fiscales, les collectivités ne peuvent financer seules l'aménagement des terrains, d'autant qu'elles doivent respecter de nouvelles obligations européennes. Il y a unanimité pour que de nouvelles dispositions soient prises permettant de sortir du blocage que représente actuellement le financement du foncier aménagé.

Outre celui du foncier, les coûts de la construction se sont accrus, au point que les appels d'offres sont pour la plupart infructueux. Là encore, il y a unanimité pour demander la révision des paramètres de financement des logements sociaux, notamment pour ce qui concerne les prix plafond. Actuellement, toutes les opérations de logement évolutif social – LES – sont déficitaires. Ce type de logement, qui permet depuis près de vingt ans aux plus modestes d'accéder à la propriété, est en grand danger.

Développer l'accession à la propriété, comme le préconise ce projet, c'est aussi se pencher sur le prêt à taux zéro. Or, à la Réunion, la suppression du PTZ 40, où 40 % de l'investissement font l'objet du prêt à taux zéro, a limité le nombre de bénéficiaires. Si l’on veut aider les ménages aux revenus intermédiaires à accéder à la propriété, le PTZ 40 doit donc être rétabli. On contribuerait ainsi à atténuer les difficultés que les classes moyennes rencontrent de plus en plus souvent pour devenir propriétaires de leur logement.

Un des effets les plus notables de la crise actuelle du logement est l’augmentation des loyers, à laquelle le logement social n'échappe pas. Cette évolution rend encore plus urgente la revalorisation de l’allocation de logement, dont il n'est plus admissible que le forfait « charges » soit à ce point déconnecté de la réalité des charges locatives et s'établisse à un niveau aussi faible.

On peut sans doute envisager d'apporter des solutions à ces difficultés en amendant le projet de loi. Toutefois, si le Gouvernement souhaite apporter une réponse globale, cohérente et durable à la question de l'aménagement et du logement outre-mer, un texte spécifique visant à développer de façon concertée une offre diversifiée de logements serait le bienvenu, et c'est bien volontiers que je participerais alors à la discussion d'un quatrième projet de loi relatif au logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je profite de la présence du président de la commission des finances pour lui faire part de nos interrogations sur l’application de l’article 40 de la Constitution, tout particulièrement en ce qui concerne le FSL, dont le transfert a fait, nous dit-on, l’objet d’une compensation par l’État à l’euro près. Son retour dans le périmètre de l’État ne devrait pas poser de problème, même s’il implique l’inscription au budget d’une nouvelle dépense et d’une nouvelle recette. Quoi qu’il en soit, ce sujet mérite manifestement que l’on en débatte. Il conviendrait donc que la présidence s’assure, lorsque la disposition concernée viendra en discussion, que nous puissions avoir un échange avec le Gouvernement, afin que celui-ci réponde aux interpellations de l’opposition.

Par ailleurs, il serait bon que, lorsque l’on discute des moyens de répondre à la crise du logement, on précise à quoi correspondent les chiffres que l’on cite, en rappelant par exemple les intentions politiques du Gouvernement dans l’élaboration du budget, les sommes qui ont été réellement utilisées, les constructions réalisées ou les logements mis en location. Sinon, on peut continuer à s’envoyer des chiffres à la figure pendant des années, on ne progressera pas.

Ce qui est certain, c’est que, en dépit des difficultés, il faut construire davantage encore pour répondre aux besoins définis par l’ensemble des intervenants. Nos collègues sénateurs – qu’il s’agisse du rapporteur du texte, M. Braye, de M. Repentin ou de Mme Létard – ont fait un excellent travail législatif, mais ils ont également introduit dans le texte quelques articles qui avaient manifestement pour objectif d’interpeller le Gouvernement. Ainsi, l’article 1er A nouveau a trait à la question récurrente du zonage, lequel, même si quelques rectifications sont intervenues, ne correspond plus à la réalité. Je note d’ailleurs que cet article précède les dispositions relatives à la mise à disposition du foncier destiné à la construction de logements locatifs et à son prix, qui ne cesse d’augmenter. Après de nombreuses interpellations, M. Daubresse avait, me semble-t-il, pris conscience du handicap que pouvait représenter, dans les secteurs suburbains, le zonage actuel dont dépendent les aides à la pierre. Même si celles-ci sont réduites à la portion congrue, elles correspondent à des subventions de l’État mais aussi des collectivités locales, et leur cumul permet de mener à bien la construction de logements locatifs dont les loyers sont compatibles avec les ressources des ménages concernés.

Certes, monsieur le ministre, la définition du zonage relève du domaine réglementaire, et sans doute cet article sera-t-il supprimé. Mais, au moins, que le Gouvernement réponde à cette question. J’engage d’ailleurs le rapporteur spécial de la commission des finances, ici présent, à suivre cette question de près : le zonage doit être analysé et revu. Nous attendons la réponse du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 34, tendant à supprimer l’article 1er A.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a en effet adopté un amendement tendant à supprimer l’article 1er A. Le zonage pose, certes, un vrai problème, mais sa modification serait lourde de conséquences. Le texte privilégie, pour l’instant, une action sur le prix des logements et des terrains. En outre, la révision du zonage relève, comme vous venez de le rappeler, monsieur Dumont, de l’arrêté. C’est pourquoi, si je suis bien entendu très favorable à une telle révision, je souhaite qu’elle se fasse dans un cadre réglementaire et non législatif.

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je souhaite tout d’abord répondre à Mme Bello, qui m’a interrogé sur la spécificité du logement outre-mer. Je rappelle qu’il existe une première réponse, la ligne budgétaire unique – la LBU –, qui, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, n’est pas en diminution. Par ailleurs, je confirme le versement de crédits spécifiques au cours de ce premier trimestre, afin de venir en aide à un certain nombre d’organismes HLM qui rencontrent des difficultés de trésorerie.

En ce qui concerne le zonage, qui est en effet une question importante, monsieur Dumont, je vous confirme ce qui a été dit au Sénat lors de l’introduction de cet article, que votre commission propose de supprimer. Le système actuel, qui consiste à définir le zonage par arrêté, présente l’avantage d’une certaine souplesse. Le Gouvernement et le ministre du logement sont déterminés à faire évoluer les choses en fonction de la réalité sur le terrain. Au reste, un certain nombre de décisions ont été prises récemment en Haute-Savoie et en Île-De-France où, pour ne citer que l’exemple de cette dernière, le zonage de 328 communes a été modifié en décembre dernier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 301.

La parole est à M. Gérard Hamel, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 301.

(L'amendement est adopté.)

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi de deux amendements, nos 302 et 29 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 302.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 1er a pour objectif de mobiliser les terrains publics en faveur du logement. Nous partageons cet objectif, mais nous considérons que, pour l’instant, le dispositif législatif est d’autant plus insuffisant qu’il ne permet pas de placer l’État face à ses contradictions. Je rappelle en effet que le ministre du budget a évoqué la possibilité pour les ministères de réaliser la vente potentialisée de leurs patrimoines et qu’il a été, par ailleurs, décidé de créer une agence spécialisée dans la cession du patrimoine de l’État.

L’amendement n° 302 vise à parfaire le dispositif en substituant aux mots : « terrains bâtis ou » les mots : « immeubles et des terrains ».

Cela afin de ne pas empêcher les solutions que pourraient trouver des maires et des collectivités locales qui ne seraient pas en mesure d’utiliser ce dispositif pour la simple raison qu’il s’agirait d’un immeuble bâti. Nous proposons donc d’élargir le champ d’application de l’article.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte pour soutenir l’amendement n° 29 rectifié.

M. Étienne Pinte. La question abordée par cet amendement est importante. En effet, il y a quelques mois, l’ancien ministre délégué au logement, M. Daubresse, nous avait promis – il avait obtenu l’accord du Gouvernement – que les terrains vendus par l’État seraient estimés à la valeur fixée par les Domaines moins 25 %.

J’avais fait observer à M. Daubresse et à M. Borloo que les terrains, à nos yeux, ne constituaient pas uniquement les propriétés que l’État pouvaient céder à des collectivités territoriales pour y construire des logements et, bien entendu, des logements sociaux. Aussi M. Borloo m’avait-il répondu qu’au moment de la discussion du projet de loi, seraient inclus non seulement les terrains, mais également les immeubles susceptibles d’être vendus par l’État.

Je propose donc de remplacer le mot « terrains » par le mot « immeubles », considérant – M. le ministre nous le précisera – que l’on doit pouvoir ainsi englober non seulement les terrains, à savoir le foncier non-bâti, mais également le foncier bâti, c’est-à-dire les immeubles. Je préfère donc le terme d’« immeubles », plus large.

Au Gouvernement de nous éclairer et de rappeler, le moment venu, que ce seront bien et les terrains et les immeubles cédés par l’État qui pourront bénéficier d’une réduction du prix de vente sur la base de l’évaluation des Domaines.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 29 rectifié de M. Pinte parce que le terme « immeubles » peut en effet recouvrir, dans le même temps, les deux notions de terrains et d’immeubles.

M. Jacques Myard. Bien sûr ! Un lac est un immeuble, et quand on pêche on immobilise les poissons !

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission est donc favorable à l’amendement de M. Pinte et, uniquement pour des questions rédactionnelles, défavorable à l’amendement n° 302 de M. Le Bouillonnec.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je vais répondre très directement à la question posée par M. Pinte. Le mot « immeuble », en droit civil, recouvre en effet l’ensemble des terrains bâtis et non bâtis.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il est vrai que l’usage veut, quand nous parlons entre nous, que le mot « immeuble » évoque plutôt une construction ; mais, en droit civil, il est très clair que la notion d’« immeuble » comprend le bâti et le non-bâti.

M. Jacques Myard. Pierre Mazeaud nous le rappellerait !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement a donc la même position que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Pinte termine son explication en disant qu’on doit bien comprendre qu’il s’agit à la fois du bâti et du non-bâti. C’est exactement le sens de notre observation.

Juridiquement, il est vrai que le terme « immeuble » recouvre la propriété immobilière.

M. Jacques Myard. C’est très clair !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais nous sommes confrontés à l’usage,...

M. Jacques Myard. Nous sommes des législateurs, nous ne sommes pas au café du commerce !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …lequel suscite de superbes procès – et tant mieux pour ceux qui font les procès –, dans lesquels on discute justement de cette question.

Toutefois, l’intention de M. Pinte rejoint la nôtre ; il reprend d’ailleurs les termes de notre amendement. Il n’y a donc plus lieu que nous le maintenions. De plus, M. le ministre a bien expliqué, allant dans le sens de notre texte, qu’il est question de l’ensemble de la patrimonialité – terrains et immeubles que l’État possède –, conformément à ce que prévoit le dispositif de l’article 1er.

Je retire donc l’amendement n° 302.

M. le président. L'amendement n° 302 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement est adopté à l’unanimité.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35 de la commission et des amendements identiques n° 30 rectifié de M. Pinte, n° 303 de M. Le Bouillonnec et n° 306 de M. Abelin, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 35 est défendu.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte pour soutenir l’amendement n° 30 rectifié.

M. Étienne Pinte. Je propose de compléter le premier alinéa de l’article 1er par les mots : « et des objectifs fixés par l’article L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation et par le PLH lorsqu’il existe sur le territoire concerné ».

Les objectifs de la loi de programmation pour la cohésion sociale, votée le 18 janvier 2005, sont limités dans le temps. Il convient donc d’assurer la pérennité des opérations d’intérêt national visées par l’article 1er du présent projet de loi par une référence complémentaire aux objectifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000 et du programme local de l’habitat.

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir l’amendement n° 303.

Mme Annick Lepetit. Notre amendement est similaire à celui défendu par M. Pinte, auquel nous sommes bien évidemment favorables.

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas pour soutenir l’amendement n° 306.

M. Rodolphe Thomas. Même chose.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Ils seront satisfaits si celui de la commission est adopté. La commission est donc défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je note, à propos de ces trois amendements identiques, un petit problème de rédaction. Il faut veiller, en effet, à ne pas laisser entendre que des programmes de logements ne pourraient être engagés que dans les communes n’ayant pas atteint l’objectif de 20 % de logements sociaux.

Je suggère donc aux rédacteurs de ces amendements de remplacer le mot « et » par le mot « ou », pour qu’aucun doute ne subsiste quant à leur intention.

M. le président. Si l’amendement n° 35 est adopté, les trois amendements identiques tomberont.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 35 dans la mesure où, justement, il comporte le mot « ou ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements identiques n°s 30 rectifié, 303 et 306 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 246.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement propose de profiter de la vente de terrains publics pour garantir le maintien d’un secteur locatif.

J’ai entendu beaucoup d’expressions à propos des logements sociaux, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’un débat idéologique.

M. Jacques Myard. Oh si !

Mme Martine Billard. Il est tout d’abord urgent de maintenir un secteur locatif social accessible à tous. Tous nos concitoyens ne vont en effet pas devenir propriétaires.

Ensuite, il ne suffit pas de maintenir un secteur locatif, il faut maintenir un secteur locatif social. En effet, aujourd’hui, la spéculation règne sur pratiquement l’ensemble du territoire : dans les agglomérations où les prix flambent, comme en zone rurale du fait de l’installation de résidents secondaires.

Ceux qui pouvaient auparavant accéder au secteur locatif privé s’en trouvent désormais exclus du fait de la faiblesse de leurs revenus. Ainsi, pour les différents types de logements locatifs, le plafond est, pour un couple sans enfants, de 4 972 euros pour accéder à un PLI ou de 3 963 euros pour accéder à un PLS. C’est plus que si les deux membres du couple gagnent le salaire médian. Et le plafond est inférieur de plus de la moitié pour le PLAI.

On se rend compte aujourd’hui que ce sont les logements très sociaux qui manquent. Il ne faut pas oublier que la proportion des ménages à bas revenus est passée de 11,8 % en 1988 à 21,3 % en 2002.

M. Jacques Myard. À qui la faute ?

Mme Martine Billard. Or la programmation des PLAI stagne, les constructions de logements PLS augmentant pour leur part, alors même que la demande de PLAI s’accroît compte tenu de la baisse des revenus d’une fraction importante de notre population. Ainsi ne s’agit-il pas d’un débat idéologique, mais de la nécessité de répondre à la demande.

Cet amendement propose donc que, lorsque sont vendus des terrains ou des immeubles publics, les zones déficitaires en logements sociaux prennent l’engagement d’en construire. Ne serait pas concernée, évidemment, une commune qui disposerait déjà de 70 % de logements sociaux ; on ne saurait lui imposer la construction de logements PLAI. Cependant, partout où l’on note un déficit de logements sociaux, on doit exiger que soit prévu, lorsque la vente de terrains publics est destinée à la construction, un certain taux de logements PLAI ou PLUS afin de répondre à la très forte demande actuelle.

D’ailleurs, toutes les associations de lutte contre l’exclusion soulignent cette carence de logements très sociaux. Il ne s’agit donc pas, je le répète, d’une question idéologique, mais de la volonté de répondre à une situation concrète.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement tourné, semble-t-il, contre les PLS. Or ces logements ont leur utilité. Ils favorisent notamment l’indispensable mixité sociale. Par ailleurs, la loi de cohésion sociale a programmé des objectifs de construction par type de logements. Je considère donc cet amendement inutile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je ne peux pas laisser passer ce que vient de dire Mme Billard. La réalisation de PLAI a été de 7 674 en 2005 contre 6 032 en 2004. Et si l’on remonte à 2000, on en était à 5 009. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

M. François Brottes. Ce n’est pas le sujet !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement de Mme Billard est pertinent. En effet, il faut sortir de la rhétorique : je défends les PLI, donc je suis contre les PLS. C’est ce qu’on a entendu tout à l’heure.

M. Jean-Pierre Abelin. On n’a jamais dit ça !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La mixité sociale telle que vous la concevez signifie que vous ne voulez pas de l’accession sociale à la propriété. Votre projet va dans ce sens.

Or que dit Mme Billard ? Si l’objectif du législateur est de faire en sorte que le patrimoine de l’État serve à favoriser la création de logements en en rendant les conditions d’accès plus faciles, on doit veiller à ce qu’on ne le détourne pas de ses intentions.

Nous ne voulons pas jeter le soupçon sur le législateur et sur le Gouvernement : nous voulons seulement empêcher que l’intention soit détournée dans les faits. L’amendement se contente donc de rappeler que ce dispositif a vocation à assurer l’accueil de l’intégralité des modes locatifs, y compris le logement social. Tel est son seul intérêt. Il n’y a pas lieu de contester l’intention du Gouvernement dans l’élaboration de cet article, mais il convient de rappeler que l’objectif est que ce dispositif serve à l’accueil de tous les types de logement, dont ceux à vocation sociale.

En cela, l’amendement est pertinent et nous le soutenons.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cessons ces calculs de boutiquier, monsieur Piron ! Si vous faites mieux que le gouvernement précédent, l’opinion vous en saura gré. Finissons-en avec l’éternel débat sur le thème : « vous n’avez pas fait, vous n’aviez qu’à faire » ! Heureusement, les gouvernements se succèdent et ne font pas tous les mêmes erreurs…

Ce ne sont pas les statistiques qui sont ici en cause. Si les demandes de logement étaient largement couvertes par la construction de PLAI aujourd'hui, j’appellerais alors à la construction de PLUS et de PLS. Mais nous sommes confrontés à un manque criant de PLAI, du fait de la faiblesse des revenus. Il nous faut répondre aux besoins de nos concitoyens !

Prenons l’exemple de Paris, où nous avons très peu de disponibilités foncières : si nous ne profitons pas de celles qui sont offertes pas les ventes de l’État pour répondre à ce besoin, ce sera encore une occasion de manquée !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

Mme Martine Billard. Nous ne pouvons construire que peu de PLAI parce qu’il y a peu de terrains, et Paris devient de plus en plus une ville pour riches. Je préférerais pour ma part que la capitale et les autres grandes agglomérations abritent une vraie mixité sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut mettre les textes en accord avec vos déclarations, monsieur le ministre. Nous vous avons accusé de dissimuler votre volonté d’éviter une véritable mixité. Mme Billard vous donne là l’occasion de démontrer que nous vous faisons un procès d’intention. Et nous serions prêts à vous en donner acte !

Quant à M. Piron, le fait qu’il soit un de nos collègues les plus lettrés ne l’oblige pas à faire de l’archéologie sur chaque amendement !

M. Michel Piron. J’ai fait une radiographie. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a là matière à séminaire, mon cher collègue… (Sourires.)

Hier, le président Ayrault a dit que l’on n’avait peut-être pas fait autant qu’il aurait fallu sous le précédent gouvernement. C’est ce qu’on appelle une note autocritique. Il est donc inutile d’en remettre trois louches à chaque fois !

Pour nous, ce n’est pas fromage ou dessert…

M. Michel Piron. Voilà que nous quittons le littéraire pour passer au culinaire !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut construire des logements de tel type et des logements de tel autre type. Or il semble bien que c’est ce que vous ne voulez pas !

Ou bien vous soutenez l’amendement de Mme Billard, ou bien vous confirmez que vous voulez vider de son contenu la règle des 20 % et pousser à la constitution de ghettos.

M. Yves Simon. Assez de bêtises ! Cela n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Permettez-moi d’intervenir, puisque les intentions du Gouvernement ont été mises en cause. Ou bien votre amendement est inutile, madame la députée, puisque l’article mentionne clairement les objectifs de la loi de programmation, ou bien il est restrictif, ce qui serait plus gênant encore : on pourrait comprendre que vous n’envisagez que les deux catégories de logements que vous mentionnez. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans les deux cas, j’y suis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je rappelle que nous sommes dans le cadre d’une gestion administrée, normée, du logement. Or cette discussion montre qu’on agit moins en fonction du pouvoir d’achat des populations qu’en fonction de l’idée que l’on se fait de la cité. Dans ma région, je vois bien que la distribution des autorisations de programme n’est pas complètement neutre, au regard de la qualité des logements proposés et des objectifs à atteindre. Il existe une forte demande de PLS dans toutes les communes et force est de constater qu’il n’y en a pas assez !

À l’évidence, le problème réside plus dans la manière d’administrer le logement toujours de la même façon que dans la répartition. Dans les agglomérations, les élus déterminent leurs besoins en prenant en compte le niveau de ressource des ménages.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 31, troisième rectification, 304 et 308, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 31, troisième rectification.

M. Étienne Pinte. Cet amendement, cosigné par M. Brard, a pour objectif de tenir compte de la situation particulière de la région Île-de-France. En effet, les décrets d’application envisagés dans le projet ignorent cette spécificité. Nous pensons que, dans notre région, ils doivent tenir compte du schéma directeur de la région Île-de-France – lequel, au demeurant, est actuellement en cours de révision.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 304.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement, qui revêt une importance particulière pour les acteurs du logement dans la région Île-de-France, nous renvoie au débat sur la décentralisation et au problème de la délégation de l’aide à la pierre. Nos amendements visaient alors à consacrer dans la loi la spécificité de la région Île-de-France comme bassin économique, bassin d’habitat et bassin d’infrastructures tout à la fois. M. Pinte à Versailles, M. Brard à Montreuil, Mme Billard à Paris, moi-même dans ma circonscription, connaissons bien cette réalité. Or, si l’existence d’un bassin d’habitat a bien été reconnue, nous n’avons en revanche pas obtenu que la loi délègue l’aide à la pierre à la région, qui aurait organisé le débat avec les collectivités au niveau de l’Île-de-France, et cela pour des raisons politiques, ou plus exactement vulgairement politiciennes, les débats parisiens ayant atteint un degré de complexité qui nuit à l’intérêt des Franciliens.

Nous nous trouvons ainsi dans une situation inextricable. Certains départements ont l’aide à la pierre, d’autres ne l’ont pas ; des communautés d’agglomération ne l’ont pas prise. Quant au logement étudiant, la région Île-de-France est exclue du dispositif de décentralisation, pour des raisons qui lui sont propres et que je ne conteste pas, d’ailleurs. La dernière illustration de cette situation est le refus du département des Hauts-de-Seine d’entrer dans le dispositif de l’agence foncière, qui serait pourtant le meilleur instrument pour régler ces problèmes.

De surcroît, la référence aux SCOT en insuffisante pour l’Île-de-France : seules quelques communautés d’agglomération commencent à ouvrir ce chantier, sans être vraiment persuadées, parfois, de la pertinence d’une telle démarche. Il faut donc se référer au seul instrument couvrant l’intégralité du territoire francilien et l’ensemble des objectifs : le SDRIF. À défaut, le dispositif prévu à l’article 1er se révélera inefficace pour l’Île-de-France.

M. Jacques Myard. Cet ajout est superfétatoire ! Il ne fait qu’alourdir le texte !

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir l’amendement n° 308.

M. Rodolphe Thomas. Cet amendement a le même objet. Les arguments soulevés par les orateurs précédents sont pleinement justifiés. Il faut savoir ce que l’on veut en matière d’aménagement du territoire. Le SDRIF est le seul outil pour mener une politique beaucoup plus volontariste face aux problèmes d’habitat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Avis favorable à l’amendement de M. Pinte.

M. Jean-Pierre Brard. Et de M. Brard !

M. le président. Avis favorable à l’amendement n° 31, troisième rectification, donc, et défavorable aux amendements nos 304 et 308.

M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est bien cela.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement est très réservé sur ces amendements, qui tendent à substituer à la demande de compatibilité avec les plans d’aménagement définis par les collectivités territoriales de base, à savoir les communes, une obligation de cohérence avec le schéma régional en Île-de-France. Cela revient, en quelque sorte, à passer outre aux projets d’aménagement définis au niveau communal.

M. Jacques Myard. C’est très dangereux, en effet !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. On élargit ainsi la vocation du SDRIF d’une manière qui ne me paraît pas assez réfléchie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est inexact : le SDRIF est applicable aux PLU de plein droit !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je suis donc hostile à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas d’accord avec M. le ministre. Les PLU doivent de toute façon être cohérents avec le SDRIF.

M. Jacques Myard. Non : « compatibles » !

M. Jean-Pierre Brard. On doit cependant reconnaître que l’on fait parfois un peu n’importe quoi.

J’ai cru entendre M. Scellier dire qu’Étienne Pinte et moi-même étions pacsés… (Sourires.) Ce n’est certes pas la première fois que nous agissons ensemble : nous l’avons fait en particulier, avec d’autres, pour obtenir de l’INSEE une meilleure qualité de recensement. Il n’y a pas de mal à ce que des députés qui ne siègent pas sur les mêmes bancs constatent, à partir d’une analyse commune des situations auxquelles ils sont confrontés dans leur vie de maire, notamment, la nécessité de trouver des solutions plus rationnelles.

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais condamné cela !

M. Jean-Pierre Brard. Chacun a pu d’ailleurs apprécier l’esprit indocile, libre et rigoureux de M. Pinte dans sa critique intraitable de la politique gouvernementale en matière de transferts de charges, lors de la discussion de la loi de finances. Je m’honore de pouvoir signer des amendements communs dès lors qu’ils répondent à l’intérêt général. C’est cela, avoir l’esprit républicain !

Le seul fait que des amendements de même nature soient soutenus sur différents bancs devrait vous amener, monsieur le ministre, à retirer vos remarques, qui sont selon moi mal ajustées. Ce serait respecter la volonté du Parlement sur l’orientation qui doit être prise. La commission est favorable : nous devons nous déterminer non pas de façon partisane, mais par rapport à l’intérêt général. Je crois voir, d’ailleurs, que Jacques Myard, autre républicain même si je ne partage pas souvent ses points de vue, m’approuve.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Myard.

M. Jacques Myard. Camarade Brard, pour une fois, je serai en désaccord avec vous ! Je ne suis pas certain que, juridiquement, l’ajout proposé soit utile : le SDRIF valant normalement le SCOT, il doit être compatible.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non !

M. Jacques Myard. C’est ce qu’on nous avait dit jusqu’à présent.

Par ailleurs, il y a un problème d’échelle. Les documents du SDRIF sont extrêmement larges alors que des documents précis sont nécessaires pour établir les zones et préparer les décrets. Se référer au SDRIF exposerait à mon avis à des tracasseries gênantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nos propositions se fondent sur nos compétences d’acteurs parisiens en matière d’urbanisme.

M. Jean-Pierre Brard. Franciliens ! Refusons l’impérialisme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous avez raison, monsieur Brard.

Le territoire francilien est compliqué, mais il n’a pas été traité différemment des autres. Aujourd’hui, les situations sont multiples. Les PLU que la plupart des communes ont engagés doivent être compatibles avec le SDRIF, lui-même en cours d’élaboration.

M. Jacques Myard. De révision !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne peut pas y avoir de contradiction entre la réglementation d’un PLU élaboré par une collectivité locale et le SDRIF. Tout aménagement, toute infrastructure doit se concevoir en cohérence de part et d’autre d’une frontière communale, voire départementale. Le seul débat commun actuellement à l’ensemble du territoire, c’est celui du SDRIF, engagé non pas par les élus régionaux, mais dans chacun des départements. Les Yvelines, les Hauts-de-Seine, la Seine-et-Marne, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et Paris s’emploient à y régler le problème de la territorialité départementale. Il s’agit donc du seul espace partagé qui soit pertinent.

Certaines communautés d’agglomérations ont créé des SCOT. C’est une incongruité, j’en suis d’accord, mais cela existe. Dès lors, si l’on ne fait pas référence au SDRIF dans la loi, comment va-t-on assurer la cohérence entre les PLU, les SCOT et le SDRIF ? Loin de poser un problème de compatibilité, une telle mention favorise l’emboîtement des dispositifs, dont je regrette qu’il n’ait pas été anticipé lors du débat sur la décentralisation.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. C’est un texte difficile qui prête à des interprétations diverses. Il est faux de dire que le SDRIF équivaut au SCOT. Ils n’ont rien à voir, tant sur le plan de leur conception que de leur périmètre. Il ne faut donc pas les mélanger.

Si, par la référence au SDRIF, l’État ne tient plus compte de l’avis de nos communes, alors que celles du reste de la France ont leur mot à dire sur chaque SCOT, nous sommes heureux pour nos collègues de province, mais cela pose un problème. Si cet amendement risque de retirer aux communes d’Île-de-France le moyen de se défendre vis-à-vis de l’État et de certaines décisions du SDRIF,…

M. Jacques Myard. Il y a longtemps que c’est plié ! Vous êtes naïf !

M. Étienne Pinte. …j’hésite. Mieux vaut analyser ensemble les tenants et les aboutissants. Profitons de la navette pour approfondir la question avec tous les maires de la région Île-de-France qui, dans le cadre de l’Association des maires des grandes villes de France, avaient suggéré cet amendement. Je souhaite donc retirer l’amendement n° 31.

M. le président. Qu’en pense le cosignataire, M. Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Si M. Pinte souhaite retirer cet amendement, je voterai les amendements proposés par nos collègues.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 308.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 200 rectifié, rédactionnel, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 201, également rédactionnel, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 202 ; même cas de figure.

Je mets aux voix l’amendement n° 202 .

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 203 ; idem.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 305.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle déception pour notre amendement précédent !

M. le président. Le règlement ne prévoit pas de temps de parole pour la déception. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Faut-il demander une suspension de séance pour pouvoir la manifester ?

Au Sénat, le Gouvernement s’est engagé à opérer par décret une décote de 25 %, pouvant atteindre 35 % dans les zones tendues, sur le prix des terrains cédés par l’État pour la réalisation de logements locatifs sociaux. Nous préférerions fixer cette décote dans la loi pour garantir les positions ultérieures du Gouvernement en matière d’accompagnement du logement social. Le PLS n’est pas subventionné par l’État, qui a, dès lors, tout intérêt à en faire beaucoup. Le PLAI, en revanche, est le plus subventionné mais celui qui est le moins utilisé – 5 % du budget – alors que 50 % de la population en a besoin. Le Gouvernement utilise l’ensemble de ces financements – c’est vrai aussi de l’APL – comme des instruments de régulation budgétaire. Cette pratique ne nous paraît pas légitime alors que notre objectif doit être de répondre à la crise du logement. C’est pourquoi il faut introduire dans la loi les pourcentages de décote pour la vente du patrimoine de l’État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, qui relève strictement du domaine réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Même avis. Comme le Gouvernement s’y est engagé au Sénat, la décote atteindra 35 % en zone A et le décret prévoyant ce dispositif sera bientôt transmis au Conseil d’État. L’engagement étant tenu, je suggère le retrait de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Pour vous être agréable, monsieur le ministre, nous le maintenons. (Sourires.) Nous avons le sentiment que nous devons absolument soutenir votre ministère face à celui des finances, qui pourrait bien avoir une autre approche de la question. Sans faire de procès d’intention, je rappelle que c’est celui qui va estimer le prix des terrains qui va aussi mettre en œuvre la décote. Qui sait si des pressions ne pourraient pas s’exercer pour intégrer la décote future dans l’évaluation initiale ? Vous avez donc tout intérêt à nous aider à vous aider en inscrivant tout cela dans la loi.

M. Michel Piron. C’est de la solidarité paradoxale !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 276.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à conditionner les aides publiques à l’investissement par le respect du label « haute qualité énergétique », afin de lutter contre l’effet de serre et les changements climatiques. Il s’agit de mettre en cohérence les discours que nous tenons – puisque notre assemblée conduit en ce moment une mission d’information sur l’effet de serre – et les lois que nous votons.

En 2003, le secteur du bâtiment représentait 18 % des émissions directes de gaz carbonique en France, et même 24 % si l’on inclut les émissions indirectes du chauffage urbain et de l’électricité consommée dans le bâtiment. Après celui des transports, ce secteur est le deuxième en termes d’émissions de gaz à effet de serre, lesquelles continuent malheureusement à augmenter. Si ces émissions sont aussi importantes que celles générées par les véhicules particuliers, dans le bâtiment, les économies d’énergie peuvent se financer par elles-mêmes. C’est un secteur gagnant-gagnant : non seulement on réduit la facture énergétique de la France et celle des ménages mais, en plus, on crée de l’emploi.

La réglementation, certes, progresse lentement. Elle prévoit une consommation maximale par mètre carré et une obligation en termes d’énergies renouvelables, mais elle est limitée aux bâtiments chauffés électriquement. Le séminaire gouvernemental du 23 mars 2005 sur le développement durable avait prévu la possibilité d’imposer cette condition énergétique à la défiscalisation du dispositif de Robien, pour finalement reculer devant le lobby des constructeurs.

La durée de vie moyenne d’un bâtiment est supérieure à un siècle. En 2050, un tiers seulement des bâtiments aura été construit après l’an 2000. Le coût de l’investissement se retrouve dans la réduction des charges et les sociétés d’HLM s’y adaptent très bien. Certaines régions commencent à imposer cette condition sans que cela ne pose de problème. Si la spéculation foncière est à l’origine de la hausse du prix des terrains, il n’y a pas de raison que les collectivités acceptent cette dépense supplémentaire sans chercher à lutter contre la spéculation et refusent en même temps de prendre leurs responsabilités lorsqu’il s’agit de lutter contre l’effet de serre.

Tous les membres de la mission d’information sont d’accord : le secteur du bâtiment est celui sur lequel il est le plus simple d’intervenir rapidement. Hier matin, nous avons procédé à l’audition de Nicolas Hulot, qui a fait le point sur la situation et nous a invités à ne plus nous contenter de discours et à agir. Ce projet de loi sur le logement nous en donne aujourd’hui l’occasion.

Arrêtons d’attendre que l’Europe et la communauté internationale se mettent en marche ! Nous pouvons agir en France, immédiatement et efficacement. J’appelle donc tous mes collègues et le Gouvernement à soutenir mon amendement. Sinon, on pourrait penser que nous faisons joujou dans les missions et que nous reculons au moment de prendre des décisions dans l’hémicycle. Tout le monde y gagnerait, nos concitoyens comme le secteur du bâtiment. J’espère vraiment que, cette fois, nous prendrons la bonne décision !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Sur le fond – les économies sur les charges et la protection de notre environnement –, nous sommes d’accord. Mais de tels travaux ont des incidences sur le coût de la construction. Le rapport actuellement en cours d’élaboration sur les conséquences de l’effet de serre sera publié au mois d’avril. La commission a jugé plus sage d’attendre ce rapport avant de prendre toute décision. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je ferai deux remarques.

Tout d’abord, on ne peut pas résumer des orientations ambitieuses en matière de respect de l’environnement et de diminution des émissions de gaz à effet de serre à un dispositif juridique, lequel pose d’ailleurs un problème puisqu’il est proposé par le biais d’un amendement à un texte de loi faisant référence à un décret, ce qui ne respecte pas la hiérarchie des normes.

Sur le fond, il est clair que l’habitat prendra une place de plus en plus significative dans la politique environnementale que nous devons développer dans ce pays. Il est en effet deux grands secteurs sur lesquels il nous faudra nous appuyer pour avancer dans le sens que vous évoquiez, madame Billard, en citant Nicolas Hulot : les transports, d’une part, et l’habitat, d’autre part. Sur le diagnostic et les orientations, nous sommes donc d’accord.

Cela étant, le dispositif que vous proposez ne me paraît pas convenir. Vous voulez conditionner l’ensemble des aides publiques au respect d’un label alors que ce dernier a été défini dans des conditions qui ne me paraissent pas suffisamment stables et que l’on sait qu’il sera amené à évoluer. Il n’est pas possible d’inscrire cela dans la loi.

Second élément : la réglementation thermique 2005, qui va s’imposer à l’ensemble des logements aidés, permettra de diminuer de 15 % l’ensemble des consommations d’énergie.

Je comprends très bien votre souci, mais le dispositif juridique et technique que vous proposez n’est pas raisonnable. Aujourd’hui, quelque 20 000 logements sociaux respectent le label HPE. Il faut certes élargir encore son application mais je pense qu’il faut laisser aux décideurs, élus locaux et responsables d’organismes de construction de logements, la liberté de mettre en œuvre cette orientation générale prise pour réaliser des économies d’énergie.

M. le président. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. La représentation nationale s’honorerait d’adopter cet amendement. Ce serait la première fois que le logement social afficherait ses enjeux environnementaux.

M. Jean-Louis Dumont. Ce qui représente de réelles ambitions !

Mme Claude Darciaux. Le problème de l’environnement est le défi majeur des prochaines années.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

Mme Claude Darciaux. Il est urgent de prendre en compte cette problématique.

M. Jacques Myard. Vive le nucléaire ! L’illogisme des écolos n’est plus à démontrer !

Mme Claude Darciaux. Le fait de demander d’attendre revient à reporter à nouveau le problème. D’ailleurs pourquoi attendre que la mission sur les émissions de gaz à effet de serre se prononce ? Nous savons que le problème existe. Profitons du dispositif proposé dans cet amendement et adoptons-le, d’autant qu’il permettra une diminution des charges des locataires,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Claude Darciaux. …c’est-à-dire, puisqu’il s’agit de logements sociaux, des personnes les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Adopter l’amendement de Mme Martine Billard peut être un signal fort. M. Hamel, reconnaît qu’il est justifié et s’est déclaré d’accord sur le fond, mais il descend tellement profond qu’il n’émerge plus. (Sourires.)

En adoptant l’amendement de notre collègue, nous donnerions un signal et montrerions l’importance de prendre en compte les préoccupations environnementales. De plus, le dispositif proposé entraînerait une diminution des charges, s’inscrivant ainsi dans une vision à long terme et pas seulement à court terme.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Il entraînerait des surcoûts de construction ?

M. Jean Bardet. Évidemment, il y a un surcoût.

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez, il y a un bon moyen de limiter les surcoûts quand vous construisez un pavillon, c’est de ne pas poser de fenêtres ! C’est très sain de vivre au grand air.

M. Jean-Louis Dumont. Évidemment, sans fenêtre, ça coûte moins cher !

M. Jean-Pierre Brard. Vraiment moins cher, mais vous chauffez les courants d’air.

M. Jean-Louis Dumont. Comme c’est le locataire qui paie…

M. Jean-Pierre Brard. La proposition de notre collègue, quant à elle, s’inscrit dans la durée. Il ne suffit pas de faire de grands discours à Johannesburg ni de changer la Constitution. Il faut prendre des mesures concrètes.

Monsieur le ministre, je ne comprends pas. Vous qui êtes connu pour avoir un esprit cohérent et même un peu cartésien, vous nous dîtes que l’on ne peut pas s’accrocher à un label qui est évolutif. Mais notre collègue ne propose pas de s’accrocher aux normes actuellement définies dans le cadre du label et donc sujettes à évoluer mais de s’en tenir au label lui-même. La belle affaire !

Vous nous dîtes aussi qu’on va réduire la consommation d’énergie de 15 %. Mais vous ne mesurez pas notre retard. Il est gigantesque par rapport à Fribourg-en-Brisgau où l’on a divisé la consommation d’énergie par quatre pour service équivalent.

M. Jean-Louis Dumont. Même qualité, moindre coût !

M. Jean-Pierre Brard. Non seulement le dispositif permettra de diminuer les charges des locataires, mais il permettra encore et surtout d’économiser les ressources, qui ne sont pas renouvelables.

M. Jacques Myard. Vive le nucléaire !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut arrêter de gaspiller.

Vous nous dîtes enfin, monsieur le ministre, qu’il faut laisser l’initiative aux décideurs. Mais il s’agit aussi de la santé publique, menacée par l’effet de serre, et des générations futures. En matière de vaccinations, laissez-vous la responsabilité aux décideurs ? Bien sûr que non ! Il y a une décision nationale et chacun, quels que soient ses états d’âme, est obligé de l’appliquer. Il doit en aller de même dans le cas qui nous occupe. Pensons aux générations futures. N’ayons pas de la politique nationale la vision à court terme d’un épicier qui fait ses comptes tous les soirs et ne fait jamais les traits sous les additions.

M. le président. Je demanderai à chaque orateur d’intervenir brièvement car vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Dans le cas contraire, je me verrais dans l’obligation de refuser la parole.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. François Scellier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Je n’interviens pas en ma qualité de rapporteur pour avis mais en tant que parlementaire.

Sur le fond, tout le monde ne peut être que d’accord. Le problème est de savoir quels objectifs nous donnons à la loi. Je considère pour ma part qu’elle ne doit pas décider de tout dans tous les domaines.

Je prendrai un exemple : les départements n’ont aucune obligation de respecter les normes de haute garantie pour la construction des collèges.

Mme Martine Billard. C’est une erreur !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Dans mon département, nous avons décidé de le faire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Bravo !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un pionnier éclairé !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Laissons, là aussi, la responsabilité aux décideurs de respecter le label en question. Cela peut avoir de telles conséquences sur le coût des opérations qu’il vaut mieux leur laisser le soin d’arbitrer.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il y a deux arguments que je trouve irrecevables.

Le premier est de dire qu’on peut encore attendre. Non ! Écoutez Nicolas Hulot ! Vous voyez, je ne prends même pas à témoin un membre du groupe des Verts. Nous ne pouvons plus attendre ! Les conséquences de l’effet de serre sur le climat se font déjà sentir,…

M. Jacques Myard. On n’en sait rien !

Mme Martine Billard. …et déjà se profilent ses conséquences sur les plans sanitaire et économique. On le voit avec les sécheresses ! Compte tenu de la moyenne d’âge dans cet hémicycle, nous pouvons, nous, attendre. Mais nos enfants et nos petits enfants ne le peuvent pas. Il y a là un problème d’intérêt général.

M. Michel Piron. Planétaire ! Il faut quand même le rappeler !

Mme Martine Billard. Absolument.

On nous demande de laisser la responsabilité aux élus. Je félicite ceux qui agissent ainsi mais, à un moment donné, il faut aller plus loin.

Le second argument que je trouve irrecevable, c’est celui du surcoût. Quand l’enjeu n’est rien moins que la planète, vous nous répondez en invoquant les surcoûts ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais oui, l’enjeu c’est la planète.

M. Jacques Myard. Ras-le-bol du romantisme écolo !

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, madame Billard !

Mme Martine Billard. Dès que mes collègues cesseront de m’interrompre, monsieur le président ! Pensez-vous qu’il soit possible de demander à Nicolas Hulot de venir donner des explications en séance publique ? Cela ferait du bien à certains de nos collègues !

M. Jacques Myard. Propos salonnards !

Mme Martine Billard. Je conclus, monsieur le président, sur l’argument des surcoûts. On en accepte dans bien d’autres domaines. Dans le dispositif proposé, où l’enjeu est si important, non seulement le surcoût est momentané, n’est pas si important que cela et sera compensé par la baisse de la consommation d’énergie, mais encore il permettra à la France d’importer moins de pétrole et de gaz. Donc, nous nous y retrouvons tous !

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Je suis tenté de m’associer à ces propos.

La haute qualité énergétique tout comme la haute qualité environnementale sont des sujets dont on parle depuis des années. Pendant cinquante ou soixante ans, on a construit trop de barres et de tours HLM. L’on n’a pas pris suffisamment de précautions et l’habitat est très dégradé. Cependant, il est vrai également que les normes dont on parle risquent d’augmenter les coûts de construction, qui seront répercutés sur le locataire. Le sujet fera encore l’objet de grands et longs débats mais on ne peut en faire fi. On le voit bien en ce qui concerne l’isolation phonique : les gens ne se supportent plus et ne parviennent plus à cohabiter parce qu’ils sont confrontés à des problèmes de bruit.

L’amendement de Mme Billard me plaît bien. Cela dit, proposer n’est pas imposer et, comme l’a dit M. le rapporteur, il faut aussi laisser le libre choix aux politiques d’appliquer un cahier des charges bien défini dans le cadre de la procédure des permis de construire.

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Nous sommes tous maîtres d’ouvrage, et nous nous sommes toujours souciés d’économies dans les cahiers des charges.

Nous avons aussi fait des erreurs. Dans des villages, j’ai construit des maisons avec chauffage au gaz et je n’ai pas l’air malin aujourd’hui face aux locataires qui subissent l’augmentation du prix du gaz.

M. Jean-Pierre Brard. Cela n’a rien à voir !

M. Yves Simon. Soyons donc prudents. Il faut être exigeants mais également répondre à la demande aujourd’hui et veiller à la qualité de l’isolation des fenêtres. Il faut savoir qu’il faut vingt ans pour que les économies sur le fuel remboursent le surcoût d’un double vitrage rajouté sur de l’existant.

Mme Martine Billard. Ce n’est pas vrai !

M. Jacques Myard. On en a assez des Ayatollah intégristes !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il faut surtout rappeler que l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. C’est une notion de base à laquelle nous pouvons tous nous rallier.

L’amendement de Mme Billard m’apparaît comme un amendement de cohérence. En effet, vous avez fait voter une loi d’orientation sur l’énergie qui, malheureusement, ne comporte aucune mesure coercitive en ce qui concerne l’habitat, ce que nous avons regretté car l’incitation ne suffit pas. Vous avez fait modifier la Constitution pour lui incorporer une charte sur l’environnement qui, elle, est un peu plus coercitive.

Nous avons quelques leviers pour changer les comportements.

Nous pouvons, tout d’abord, faire appel à la responsabilité de nos concitoyens. Mais cela ne suffit pas toujours. Il faut faire preuve de pédagogie.

Nous pouvons, ensuite, poser des conditions à l’octroi des aides publiques. C’est ce qui est proposé ici. Et ce n’est pas grave, monsieur le ministre, si la rédaction de l’amendement n’est pas totalement satisfaisante puisqu’il y a deux lectures. Nous pouvons donner un signal fort en première lecture et améliorer la rédaction pendant la navette. Nous faisons en ce domaine toute confiance à votre savoir-faire et à votre compétence. En première lecture, il ne faut pas trop s’attacher aux aspects formels. Là n’est pas le sujet. Ce qui est en jeu, c’est un problème de fond qui intéresse tout le monde et qui n’a rien de politicien. Utilisons les leviers dont nous disposons pour modifier les comportements, en particulier de ceux qui bâtissent.

M. le président. J’informe l’Assemblée que, sur le vote de l’amendement n° 276, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Cet amendement est hautement symbolique et ne peut – M. le rapporteur a raison – laisser aucun de nous indifférent.

Comme l’a dit M. le ministre, en voulant faire le bien, nous risquons de faire plus mal : dissuader des promoteurs en leur imposant de prendre en compte dès la promulgation de la loi ces normes environnementales risquerait d’aller à l’encontre de notre volonté commune d’améliorer la qualité de vie à l’intérieur des immeubles qui seront construits.

Je souhaite également que le Gouvernement mette à profit la navette pour trouver une solution qui permette à l’Assemblée nationale et au Sénat de voter à l’unanimité le principe inscrit dans l’amendement de Mme Billard.

Personne ne peut se désintéresser aujourd’hui de cet aspect des choses. Ce serait une attitude irresponsable.

Une étude d’impact sur les incidences de la disposition proposée par Mme Billard serait peut-être utile pour nous éclairer. En tout cas, je souhaite que le Gouvernement nous propose un texte en seconde lecture.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Les meilleures intentions du monde ne suffisent pas pour mener une bonne politique. En la circonstance, les contraintes supplémentaires infligées aux constructeurs risquent d’être totalement contre-productives.

Nous sommes aujourd’hui placés devant une crise de l’offre. Les normes qualitatives sont très nombreuses et il me semble que nous nous trouvons, typiquement, devant une proposition qui nous rappelle que le mieux peut être l’ennemi du bien.

C’est la raison pour laquelle je ne souscrirai pas à cet amendement, qui, de surcroît, n’a pu bénéficier d’une étude d’impact.

M. le président. La parole est M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Nous décidons aujourd’hui des charges supportées demain par les locataires.

Le prochain congrès de l'Union sociale des HLM devra discuter du problème de fond posé par cet amendement.

Mme Martine Billard. Et de la réhabilitation !

M. Jean-Louis Dumont. Le développement durable est pris en compte. Il s’agit d’une question d’investissement. Vous ne voulez plus d’aides à la pierre ; vous aurez donc de mauvais investissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Pinte, je suis tout à fait disposé – en accord, je pense, avec M. Borloo – à vous fournir, lors de la deuxième lecture, non une étude d’impact au sens strict du terme, mais des éléments permettant d’apprécier de façon significative ce que signifierait une référence à ce type de label.

Cela étant, je suis extrêmement réservé sur le fond de cet amendement, voire opposé. Je suis très surpris de la position prise par M. Dumont. Je le mets en garde, car l’adoption d’une référence législative à un label unique pourrait représenter un coup de frein considérable à la construction au cours des prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 276.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

………………………………………………………..........

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………......

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2709 rectifié, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 2771, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2765, de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)