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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 24 janvier 2006

121e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

achÈvement de la mission
temporaire d’un deputé

Mme la présidente. M. le Premier ministre m’a informée de l’achèvement de la mission temporaire confiée à M. Alain Madelin, député d’Ille-et-Vilaine.

biocarburants

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Charles de Courson et plusieurs de ses collèges visant à étudier les blocages à la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants (nos 2460, 2805).

La parole est à M. Stéphane Demilly, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Stéphane Demilly, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, nous voulons presque tous développer les biocarburants dans notre pays. Le Président de la République vient de rappeler dans ses vœux aux Français qu’il entendait faire de la préparation de l’après-pétrole l’une des deux priorités de notre politique industrielle. Le Premier ministre a aussi exprimé une volonté claire en soulignant, le 13 septembre 2005 à Rennes, que « les biocarburants sont un enjeu fondamental ». À de très nombreuses reprises, la représentation nationale a manifesté la même volonté, en particulier dans la loi d’orientation sur les énergies, puis dans la loi d’orientation agricole.

Bref, tous les discours politiques convergent. Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement, quand on connaît les nombreux avantages de cette filière, avantages que j’ai rappelés lors de mon intervention devant mes collègues de la commission des affaires économiques ?

Avantage environnemental : nous savons tous que le premier secteur responsable des émissions de gaz à effet de serre est le secteur des transports. Or l’éthanol permet de diminuer de 75 % les émissions de CO2 par rapport aux carburants fossiles.

Avantage sanitaire : pour oxygéner les carburants fossiles, il est probablement plus sain d’y ajouter du biocarburant que du benzène, substance dont les effets cancérigènes sont connus. N’oublions pas le cri d’alarme lancé par le professeur Belpomme sur l’évolution dramatique dans notre pays du nombre de cancers, de maladies respiratoires, allergiques et neurotoxiques, évolution liée selon lui, dans nos pays industrialisés, à la dégradation de l’environnement.

Avantage géopolitique : face à une demande galopante, les biocarburants permettent de diminuer notre besoin de pétrole, source d’énergie qui se raréfie et dont la disponibilité est dépendante d’un nombre réduit de pays dont la stabilité politique et la qualité des relations avec les pays occidentaux sont pour le moins incertaines. Rappelez-vous les déclarations du ministre de l’économie iranien, M. Davoud Danesh-Jafari qui, la semaine dernière, brandissait la menace d’une augmentation du prix du pétrole. L’Iran, comme vous le savez, est le quatrième exportateur mondial de pétrole.

Avantage économique : les biocarburants permettent de créer des richesses et surtout des emplois, en particulier dans le monde rural, et évitent que l’on n’importe des produits pétroliers de l’étranger – qui parfois n’arrivent pas à bon port, générant ainsi des catastrophes écologiques et économiques inacceptables.

Malgré ces avantages – environnemental, sanitaire, géopolitique, économique –, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Mes chers collègues, en 2004, le taux d’incorporation des biocarburants a été de 0,83 % en moyenne – et seulement de 0,58 % dans les essences – alors que notre objectif était de 2 % au 31 décembre 2005 et de 5,75 % dès 2008. Pendant ce temps, nos concurrents avancent.

La France, longtemps premier producteur européen de biocarburants, produit désormais moins d’éthanol que l’Espagne ou la Pologne et moins de biodiesel que l’Allemagne. Le Brésil, quant à lui, produit cent fois plus d’éthanol que la France, pourtant deuxième puissance agricole mondiale.

Bref, nous accumulons un retard tout à fait inacceptable. Pourquoi ?

En ma qualité de président du groupe d’études sur les biocarburants, j’ai identifié plusieurs blocages. Certains d’entre eux sont inadmissibles car ils sont le signe manifeste d’une volonté délibérée de certains acteurs. À cet égard, je reprendrai les deux exemples que j’ai évoqués en commission.

Premièrement, vous savez que les biocarburants ont, à volume identique, un pouvoir énergétique moindre que les carburants fossiles. Les objectifs d’incorporation que nous avons fixés et dont le non-respect est sanctionné par une taxe spéciale, la TGAP, sont établis sur la base du pouvoir énergétique. Or il existe le fameux ETBE, bizarrement assimilé à un biocarburant, mais qui est en fait un mélange de 53 % d’isobutène et de 47 % d’éthanol. En teneur énergétique, la part d’éthanol dans ce produit est donc en réalité inférieure – d’environ 20 % – à sa part en volume, puisque l’isobutène a un pouvoir énergétique plus élevé que l’éthanol.

Or l’administration des douanes vient de publier une circulaire qui dispose que 47 % de la teneur énergétique de l’ETBE doivent être considérés comme provenant de biocarburants. La conséquence de cette décision en apparence très technique est que les distributeurs de carburants peuvent désormais satisfaire leurs obligations d’incorporation avec 20 % de biocarburant en moins.

Ainsi, une décision administrative vient de rendre caduque le renforcement des objectifs d’incorporation annoncés par le Premier ministre à Rennes, objectifs que nous avons adoptés dans le cadre de la loi d’orientation agricole. Pour 2010, par exemple, nous avons en effet porté l’objectif de 5,75 % à 7 % mais, compte tenu de la circulaire, ces 7 % peuvent désormais être atteints avec 20 % de biocarburants en moins. Ils correspondent donc seulement à un taux d’incorporation réelle de 5,6 % seulement.

Bref, alors que nous renforçons nos objectifs, l’administration fiscale, de manière détournée, les affaiblit en pratique. Peut-on, mes chers collègues, accepter que l’administration fiscale s’arroge le droit de remettre ainsi en cause nos décisions ?

Second exemple, sur lequel je reviendrai dans ma conclusion : la normalisation de la volatilité des essences commercialisées. Pour incorporer de l’éthanol dans des essences distribuées, il faut que le mélange entre une base d’essence et l’éthanol ne dépasse pas une volatilité maximale fixée à un niveau plus rigoureux en été. Cela est possible en ajoutant de l’éthanol dans des bases d’essence adaptées – les bases « éthanolables ». Ces bases existent en Europe. Des expériences d’incorporation ont d’ailleurs été réalisées en France, dans des stations-service de la grande distribution. Mais il a fallu pour ce faire importer les bases d’essence adaptées ! Curieusement, les raffineurs français refusent en effet de les commercialiser. Pourquoi ? Les raffineries françaises sont-elles incapables d’en produire ? Cela me paraît difficile à imaginer.

Les comportements de l’administration fiscale dans le premier exemple et ceux des raffineurs français dans le second entravent donc manifestement la mise en œuvre de la politique ambitieuse de développement des biocarburants que nous avons souhaitée dans cet hémicycle.

Face à cette situation, deux voies nous sont offertes.

La première consiste à continuer de proclamer, passivement, notre attachement aux biocarburants ; la seconde, à identifier les blocages qui entravent leur développement et, surtout, à distinguer entre ceux qui pourraient correspondre à des réalités techniques ou économiques et ceux qui traduisent, en réalité, une mauvaise volonté des principaux intéressés.

C’est pour cela qu’avec certains de mes collègues de l’UDF et de l’UMP, je propose de créer une commission d’enquête.

En ma qualité de rapporteur, je me dois de vous informer que la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à cette proposition de résolution.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est vrai !

M. Stéphane Demilly, rapporteur. Certains collègues ont fondé leur désaccord sur les appels d’offres nouveaux qui ont été lancés, pour 1 800 000 tonnes. Ce chiffre est effectivement important en apparence et il a le mérite de frapper les esprits. Pourtant, il masque la réalité car il ne faut pas confondre agréments et production effective.

Nous consommons en France environ 43 millions de tonnes de carburants. Ce chiffre s’élèvera probablement à 45 millions en 2008. Or nous avons décidé d’incorporer 5,75 % de biocarburants en 2008. Pour atteindre ce pourcentage – qui est, je le rappelle, fixé en teneur énergétique et qui suppose, de ce fait, une incorporation en volume plus élevée –, il nous faudra environ 4 millions de tonnes de biocarburants.

Pour incorporer directement de l’éthanol et échapper ainsi au diktat de l’ETBE, il faut des bases d’essences compatibles, bases que les raffineurs français refusent de commercialiser.

Le résultat est qu’en 2004, la production effective d’éthanol a été de 704 tonnes pour des capacités agréées totales de 12 000 tonnes. Or, 704 tonnes, c’est moins de 6 % des capacités agréées. Vous le voyez bien, il ne faut pas confondre agrément et production !

D’autres collègues m’ont dit : « La table ronde de novembre a réglé ce problème ! » Je n’y crois pas, monsieur le ministre. Le communiqué de presse publié à la suite de cette réunion évoque l’engagement de l’industrie pétrolière à « mettre au point d’ici à mi-2006 une définition technique partagée par la profession pour les bases d’essence à éthanoler. » Voilà un engagement fort ! Le seul élément tangible qu’il contient, c’est la date ! Nous pouvons déjà être sûrs que rien ne se passera pendant encore au moins six mois, avant que ne soit mise au point une définition technique. À aucun moment l’engagement n’est pris de fournir, à une échéance précise, des bases d’essence.

Mes chers collègues, on se moque du monde ou, plus exactement, de la représentation nationale ! Il faut réagir et se doter de moyens d’investigation forts, comme une commission d’enquête.

Face à des contre-pouvoirs puissants, il faut que la représentation nationale se dote de pouvoirs puissants.

M. François Bayrou. C’est le rôle du Parlement !

M. Stéphane Demilly, rapporteur. Permettez-moi de conclure en demandant à mes collègues qui hésiteraient quant à leur vote de méditer deux phrases célèbres.

La première est de Montaigne : « C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble. » La seconde est de Victor Hugo : « Préférer la consigne à la conscience, non merci ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, après cet ardent plaidoyer en faveur de la création d’une commission d’enquête sur les biocarburants, je tiens à rendre hommage à l’action de M. Demilly, président du groupe d’études sur les biocarburants : nous connaissons la passion avec laquelle il contribue à la mise en œuvre d’une politique concrète et réaliste en ce domaine.

Cette passion l’a conduit avec ses collègues du groupe UDF à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

Permettez-moi d’expliquer pourquoi la commission des affaires économiques a rejeté cette proposition, tout en donnant raison à ses signataires sur le fond : nous partageons en effet – en tout cas, pour la majorité – les mêmes objectifs. Oui, nous souhaitons qu’une vraie politique en faveur des biocarburants soit mise en œuvre. Faut-il pour ce faire créer une commission d’enquête ? Là est la question. La commission des affaires économiques a répondu par la négative. Pourquoi ?

Tout d’abord en vertu d’un principe qui n’a rien à voir avec le fond : nous avons considéré que la création d’une commission d’enquête était disproportionnée par rapport à l’objectif fixé, ou plutôt que la vocation d’une telle commission ne correspondait pas exactement à celui-ci.

Je vois en face de moi M. de Courson, qui fut rapporteur d’une commission d’enquête que je présidais. Imagine-t-il que l’on puisse engager les mêmes actions dans le cadre d’une politique en faveur des biocarburants ? Je ne le pense pas.

M. Charles de Courson. Eh bien si, monsieur le président de la commission !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Une commission d’enquête a en effet vocation, afin d’établir la vérité, à entendre les réponses à des accusations et de trouver des coupables.

En l’occurrence, monsieur de Courson, le Gouvernement a déjà répondu aux questions que vous posez.

M. Hervé Morin. Pas du tout !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En septembre 2004, M. Raffarin a en effet lancé la première étape du plan en faveur des biocarburants. Le contour de celui-ci été affiné en mai 2005 et vous avez déposé votre proposition de résolution en août 2005, il y a déjà plus de six mois.

On peut très bien comprendre que vous ayez souhaité, en août, la création d’une telle commission d’enquête, mais depuis, les choses ont changé, monsieur Demilly, au point que la commission des affaires économiques n’a pas considéré qu’une commission d’enquête se justifiait en l’état actuel de la politique conduite à cet égard.

M. Hervé Morin. Tu parles ! Belle raison en vérité !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En effet, le Premier ministre, Dominique de Villepin, le 13 septembre 2005 – après le mois d’août ! –, a lancé un programme très ambitieux de développement des biocarburants, en avançant à 2008, au lieu de 2010, date prévue initialement prévue, l’objectif d’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants fossiles, pour atteindre 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

La commission des affaires économiques est allée plus loin, mais vous ne le savez peut-être pas, monsieur Demilly, puisque vous ne participez pas à tous ses travaux. Je rends hommage au rapporteur de la loi sur l’énergie, M. Poignant, présent dans l’hémicycle aujourd’hui, à M. Herth, rapporteur de la loi d’orientation agricole, et surtout à M. Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche, car nous avons réussi à introduire dans la loi les objectifs qu’avait simplement énoncés M. de Villepin. Ces objectifs sont maintenant d’ordre législatif.

Comment, dès lors, prétendre qu’il y ait à enquêter sur la réelle volonté du Gouvernement et de la majorité de faire progresser une telle politique ?

À la suite de la transcription législative de ces objectifs, vous l’avez dit, un appel d’offre a été lancé au niveau européen, en novembre 2005 – là encore, après le mois d’août –, portant sur l’agrément de 1 800 000 tonnes supplémentaires destinées à la consommation française. Je rappelle, par ailleurs, que six usines nouvelles seront construites d’ici à 2008, trois dédiées à l’éthanol et trois au diester.

Toutes ces décisions – récentes – sont de nature à démontrer, si nécessaire, qu’une commission d’enquête n’est pas utile pour savoir ce que le Gouvernement a l’intention de faire dans le but d’accélérer considérablement la production de biocarburants.

Cela dit, vous avez raison : il y a des blocages. Mais le Gouvernement a fait ce qu’il fallait pour lever les obstacles. Le 21 novembre 2005, au cours d’une conférence de presse concluant une réunion de travail avec l’ensemble des acteurs du monde agricole, du secteur pétrolier, des constructeurs automobiles et des professionnels du machinisme agricole, que vous présidiez, monsieur le ministre, avec M. Loos, le processus a été engagé. En effet, à l’issue de cette table ronde, quinze engagements concrets ont été pris, qui sont de nature à favoriser la mise en œuvre d’une vraie politique de développement des biocarburants et donc, monsieur Demilly, à répondre à toutes vos attentes.

L’opération industrielle d’incorporation directe de 5 % d’éthanol, portant sur 300 000 tonnes d’essence, à compter de février 2006 est réelle. Elle est engagée.

Quant aux industriels, ils se sont engagés à mettre au point, d’ici à mi-2006 – dans quelques mois seulement ! –, une définition technique partagée par la profession pour les bases essences éthanolables. Il fallait prendre cette décision, sans laquelle les discours seraient restés sans grande portée, dès lors qu’ils ne se seraient pas appuyés sur des éléments techniques incontestables.

Enfin, le Gouvernement s’est clairement engagé à soutenir le développement de l’E85, l’essence à 85 % d’éthanol, destinée aux véhicules dits flex fuel.

L’ensemble des pétroliers et des acteurs de la filière ont compris la détermination du Gouvernement. Je suis convaincu que les engagements pris seront tenus.

Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sachant l’intérêt que vous portez à cette politique, vous ne pourrez qu’apprécier que, en tant que président de la commission des affaires économiques – qui en a décidé à la suite de votre plaidoyer, monsieur Demilly –, je confie, en vertu de l’article 86, alinéa 8, du règlement, à M. Poignant, rapporteur de la loi « énergie » et à M. Herth, rapporteur de la loi d’orientation agricole, une mission de contrôle destinée à vérifier que tous les décrets nécessaires à l’application de ces lois sont pris et leurs dispositions mises en œuvre. Je leur donne rendez-vous dans trois mois pour faire rapport à l’Assemblée nationale. Car la commission des affaires économiques s’inscrit dans ce rôle de contrôle qui est dévolu à l’Assemblée. Personne ne peut nier sa volonté permanente de le jouer pleinement, dans l’intérêt du sujet abordé, en l’occurrence la politique en faveur des biocarburants.

Enfin, une troisième raison s’oppose à la création d’une commission d’enquête, c’est que le président de l’Assemblée a décidé la création d’une mission d’information sur l’effet de serre, sujet sur lequel nous avons déjà eu des missions d’information et des rapports – M. Poignant en sait quelque chose, de même que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques. Or cette mission vient à peine de commencer son travail et nous savons qu’une part importante sera consacrée à la politique de développement des biocarburants. Pourquoi refaire ce qui est déjà réalisé ailleurs ?

Il est donc inutile de lancer une commission d’enquête, même si, monsieur Demilly, nous sommes fondamentalement d’accord avec vous sur les objectifs à atteindre.

La commission des affaires économiques vous demande, en conséquence, mes chers collègues, de rejeter la présente proposition de résolution.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les interventions et les argumentations du rapporteur et du président de la commission des affaires économiques, que j’ai écoutées avec une très grande attention, ont bien montré l’intérêt que porte l’Assemblée nationale aux biocarburants. Et vous savez que, lors des récentes séances de vœux, le Président de la République a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de développer les alternatives aux énergies fossiles et encouragé les transports publics à utiliser des essences incorporant les biocarburants. C’est également une priorité du Gouvernement : ce fut d’abord une priorité de celui de Jean-Pierre Raffarin, qui a lancé un premier plan, puis de celui de Dominique de Villepin, qui l’a amplifié. C’est enfin un enjeu pour le ministère de l’agriculture et de la pêche qui voit là des débouchés nouveaux et des perspectives d’avenir pour les exploitants.

L’aspect psychologique est, par ailleurs, important pour le monde agricole, et M. Guillaume le sait bien. Les agriculteurs produisent ce qui permet aux Français de se nourrir, ils exportent – l’industrie agro-alimentaire est la première industrie en France, avant même l’industrie automobile – et, à présent, outre notre autosuffisance, notre « pouvoir vert », ils participeront à la fabrication de carburants. C’est très important pour eux et l’on voit bien, d’ailleurs, l’intérêt qu’ils y portent tous. En témoignent les nombreux projets, sur tout le territoire, d’utilisation des biocarburants et de création d’entreprises. M. Bayrou connaît bien l’importance pour le Sud-Ouest du projet de Pau, soutenu par l’ensemble des élus de la région Aquitaine et du département des Pyrénées-Atlantiques, en particulier. C’est le cas aussi de M. Habib, qui a souvent évoqué le sujet devant moi.

Nous avons donc, en effet, fait le point, avec François Loos, car il faut bien reconnaître que l’industrie pétrolière a avancé prudemment en la matière.

M. Charles de Courson. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Lors de la table ronde organisée le 21 novembre 2005, nous nous sommes aperçus que l’on pouvait aller plus vite en associant mieux les acteurs de l’agriculture et du secteur pétrolier, les constructeurs automobiles, les professionnels du machinisme agricole, ainsi que la grande distribution qui, ayant une part essentielle dans la distribution du carburant dans notre pays, pouvait avoir un rôle d’entraînement dans ce domaine, notamment les grands groupes qui ont déjà réalisé des avancées.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Les premières étapes du plan « biocarburants » sont déjà lancées et nous avons prévu un dispositif fiscal.

S’agissant du programme de développement des biocarburants, les objectifs ont été rappelés : dès 2008, soit avec deux ans d’avance sur le plan initial, le taux d’incorporation dans les carburants doit atteindre 5,75 %, puis 7 % en 2010 et 10 % en 2015. Comme l’a rappelé M. Ollier, ces objectifs figurent, à la suite d’un amendement de M. Demilly, dans la loi d’orientation agricole et ont donc maintenant valeur législative.

Cette nouvelle impulsion s’est traduite par le lancement, à l’automne, d’un appel d’offre portant sur 1 800 000 tonnes d’agréments. Il complète celui de mars 2005 dont le volume d’agréments correspondait à 915 400 tonnes de biocarburants. Comme l’a rappelé le président de la commission, trois nouvelles usines d’éthanol et trois d’ester de près de 200 000 tonnes chacune seront ainsi construites d’ici à 2008.

Au total, sur la période, les quantités de biocarburants défiscalisables seront multipliées par cinq. Je signale au passage que, pour ces 1 800 000 tonnes, nous avons déjà quasiment le triple de demandes d’agréments. C’est dire que la demande existe et que les projets industriels sont nombreux. Au mois de février, nous devrons prendre les décisions nécessaires.

Sur le dispositif fiscal, M. de Courson, parmi d’autres, est souvent intervenu dans cet hémicycle. La défiscalisation pour cette filière augmente fortement. Elle passe de 12 000 tonnes, en 2004, à 667 000 tonnes en 2008 à la suite des deux appels d’offres de 2005.

Les agréments assurent, à ce jour, un bénéfice fiscal sur cinq années consécutives, souvent reconduit pour une nouvelle durée de cinq ans. Par ailleurs, des assurances ont été données sur le niveau de la défiscalisation dans le cadre de la loi d’orientation agricole.

L’objectif est d’assurer le maintien dans la durée d’une défiscalisation incitative et d’une TGAP dissuasive. L’environnement fiscal national en faveur des biocarburants sera donc très incitatif.

Il tiendra naturellement compte des évolutions du marché car la situation n’est pas la même quand le baril de pétrole est à 70 dollars, comme hier, et au-dessous de 60 dollars. D’ailleurs, la loi d’orientation agricole a fixé les règles de calcul de la défiscalisation. Un principe important doit être respecté : l’outil fiscal doit permettre d’assurer la compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans surcompensation de l’écart de prix de revient entre ces produits. Vous connaissez les mesures prises à cet égard dans la loi de finances pour 2006.

Si la table ronde du 21 novembre nous a permis de mobiliser les différents partenaires de la filière des biocarburants, elle nous a également permis de concrétiser certaines initiatives, notamment pour développer l’incorporation directe d’éthanol dans l’essence en 2006.

La grande distribution s’est, en effet, engagée à lancer, dans la région de Rouen, une nouvelle opération d’incorporation en direct d’éthanol portant sur 300 000 tonnes d’essences, à compter de février 2006. C’est l’équivalent de l’approvisionnement d’une centaine de stations-service dans la région.

Les industries pétrolières ont annoncé la mise au point, d’ici à mi-2006, d’une spécification technique partagée des bases essences éthanolables, et nous avons constitué un groupe de travail afin d’accompagner les expériences d’utilisation de l’E85, essence composée à 85 % d’éthanol, dans les flottes captives, comme celles de La Poste ou d’autres grands services publics.

Certes, nous accusions un certain retard dans ce dossier des biocarburants mais, grâce à ces deux plans, grâce à la volonté des assemblées et à leurs amendements – Nicolas Sarkozy et moi-même avions accepté, dans la loi de finances de l’an passé, un amendement du groupe UDF – nous avons bien progressé, et la France se situe désormais dans le peloton de tête. J’ai reçu mon homologue autrichien, qui préside le Conseil des ministres de l’agriculture – vous savez que l’Autriche s’est fait une spécialité de la biomasse et qu’elle a fortement développé les énergies renouvelables ; il a admis que la France avait consenti de gros efforts.

C’est pourquoi, comme le président de la commission des affaires économiques, il ne me paraît pas possible d’accueillir favorablement la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire. Je suis confiant dans la mobilisation de tous nos partenaires et des professionnels. Le développement de cette filière est un atout pour notre pays. Peut-être l’idée de créer une commission d’enquête servira-t-elle d’aiguillon. En conséquence, restons-en là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon l’UDF, la création d’une commission d’enquête sur les blocages que rencontre la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants présente trois avantages. Je ne discuterai pas quant à moi des atouts des biocarburants, notre rapporteur les ayant largement évoqués.

Premier avantage : une commission d’enquête permettra de répondre à une question très simple – pourquoi le développement des biocarburants souhaité par la quasi-totalité de la représentation nationale est-il aussi lent en France ? En 2005, l’incorporation n’atteint que 0,58 % pour les essences et 0,93 % pour le gazole, alors que l’objectif de la loi était de 1,2 % dès 2005.

Quatre questions devront en l’occurrence être posées et nous aurons besoin des pouvoirs juridiques afférents à une commission d’enquête pour y répondre.

Tout d’abord, est-il exact que les pétroliers freinent le développement du bioéthanol en bloquant l’incorporation directe par des moyens réglementaires – modification des normes de volatilité –, en asséchant le marché des bases éthanolables…

M. Jean-Claude Sandrier. Ils n’oseraient pas !

M. Charles de Courson. …qui, si cela est prouvé, constitue une infraction, et en refusant de dévoiler le contenu des carburants en produits oxygénés, ce qui rend difficile, voire impossible l’application de l’amendement dit « de Courson » sur la TGAP concernant les biocarburants ? Car, si les pétroliers refusent de donner à leurs clients le pourcentage en oxygène des essences et du gazole qu’ils livrent, comment les distributeurs peuvent-ils, s’ils le souhaitent, oxygéner leurs produits ?

En outre, peut-on obtenir de l’Union européenne le maintien du droit de douane à 19 euros l’hectolitre sur le bioéthanol importé dans le cadre de négociations de l’OMC qui visent à réduire sensiblement les droits de douane ? C’est là une question extrêmement importante quant au positionnement du bioéthanol, notamment dans la nomenclature et s’agissant des tarifs extérieurs communs. Est-il possible d’obtenir rapidement, puisque telle est l’intention du Gouvernement, la révision des normes européennes de volatilité en matière d’essence pour la zone sud de l’Europe à laquelle la France appartient ?

De plus, est-il exact, comme l’a dit publiquement M. le Président de la République au mois de septembre à Bazancourt, lors de sa visite dans la Marne du futur site de l’une des plus grandes usines de bioéthanol françaises, que le ministère des finances et de l’industrie continue de freiner le développement des biocarburants, comme nous avons d’ailleurs pu le constater lors du vote du dernier projet de loi de finances : il a fallu que le Parlement intervienne pour empêcher la réduction de la TGAP ? Je rappelle que, l’année précédente – et, monsieur le ministre, vous l’avez évoqué –, c’est la représentation nationale qui, en liaison avec le ministre des finances, l’a imposé. Nous avons eu beaucoup de mal, avec Nicolas Sarkozy, à faire adopter cet amendement, contre la volonté de nombre de membres du Gouvernement.

Enfin, peut-on approvisionner, à partir de l’agriculture française, les usines de production destinées au marché européen, dans des conditions rémunératrices pour les producteurs ? Quelle place réservons-nous à l’importation ? L’huile de palme, par exemple, sera importée, comme l’a proposé le Gouvernement. La commission devra répondre à cette question importante, y compris sur les risques de détournement en matière internationale, dans le cadre de la réglementation communautaire.

Tel est le premier intérêt de la création d’une commission d’enquête. Et nous avons besoin des pouvoirs d’une telle commission pour mener des investigations dans ces domaines.

Deuxième avantage : examiner ce qui se passe dans d’autres pays, car nous ne sommes pas seuls au monde. Mes fonctions au ministère de l’industrie – j’y ai été directeur-adjoint – m’ont permis de constater combien notre haute fonction publique peut être soumise à un certain nombre de lobbies : en effet, comment de hauts fonctionnaires tiendraient-ils tête au lobby pétrolier lorsqu’une bonne partie d’entre eux part dans les entreprises pétrolières ? Ce problème renvoie à l’avenir de notre haute fonction publique, monsieur le ministre. Et si la représentation politique de la nation ne s’en préoccupe pas, la situation n’évoluera que très lentement.

La création d’une commission d’enquête permettrait aussi de comprendre la réussite des États-Unis en la matière : le Congrès a exercé une pression extrêmement forte en faveur du vote du Clean Air Act. C’est l’œuvre de la représentation nationale, car le lobby pétrolier aux États-Unis est très puissant, et l’on sait à quel point l’actuel Président des États-Unis y est sensible. Mais certaines pressions politiques ont pu y faire contrepoids.

Pourquoi les États-Unis, le Brésil, l’Allemagne et l’Espagne ont-ils progressé bien plus vite que la France ? S’agissant de l’Allemagne, c’est grâce à la pression politique. Le président allemand de la commission des finances qui, à l’époque, était social-démocrate, nous l’a expliqué lors d’une visite. Alors que leurs alliés sociaux-démocrates n’y étaient pas très favorables, les Verts allemands – qui ont des positions diamétralement opposées à celles des Verts français – leur ont imposé cette démarche.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Là encore, ce ne sont pas les acteurs économiques, mais les politiques qui ont agi.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le Gouvernement en est conscient.

M. Charles de Courson. Troisième avantage : la commission d’enquête permettra de maintenir la pression sur l’ensemble des acteurs de la filière afin de favoriser le développement des biocarburants, qui passe par un soutien politique constant de la représentation nationale. Le Gouvernement, certes, a fait des efforts importants, et M. Bussereau l’a rappelé, mais les ministres sont soumis aux multiples pressions des lobbies et c’est donc à la représentation nationale qu’il appartient d’agir.

M. Ollier a évoqué la commission d’enquête sur Air Lib.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Dont le rapporteur était excellent ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Nous avons alors utilisé des méthodes inhabituelles dans cette assemblée et dignes de celles d’un juge d’instruction.

M. Patrick Ollier, président de la commission. En effet !

M. Charles de Courson. Nous avons convoqué le président de Total en lui disant que nous avions les preuves démontrant qu’il avait évacué du marché français les bases éthanolables et nous lui avons dit qu’il était éventuellement passible d’une action judiciaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous l’avons auditionné en commission des finances. Vous auriez dû venir, monsieur de Courson !

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Charles de Courson. Vous savez bien qu’une audition en commission d’enquête diffère d’une audition en commission des finances, car on y prête serment.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, votre temps est largement dépassé !

M. Charles de Courson. Devant une commission ordinaire, on peut dire ce que l’on veut sans que cela ait de conséquences politiques. Vous le savez, monsieur le président Ollier, puisque nous avons travaillé ensemble dans le cadre de cette fameuse commission d’enquête qui a eu des conséquences pénales. Voilà pourquoi ce que vous avez dit tout à l’heure est inexact.

Mes chers collègues, votez en conscience dans cette affaire, qui ne va pas changer la face du monde.

M. François Bayrou. Si, un peu !

M. Charles de Courson. Utilisez librement votre droit de vote ! Cette commission d’enquête permettra de faire avancer les choses. Si vous votez contre, on dira que vous refusez de vous attaquer à un certain nombre de puissances. Montrons que nous sommes des gens libres et un Parlement libre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, voilà des décennies que notre modèle de développement repose notamment sur l’utilisation des hydrocarbures. Le pétrole, en particulier, disposait de toutes les vertus : il était peu cher et facilement transportable. Son bilan énergétique est exceptionnel. Seulement, voilà, les ressources en hydrocarbures s’épuisent et leur impact dévastateur sur l’environnement ne peut plus être ignoré.

Face à cette réalité, nous avons évidemment la responsabilité de faire émerger des énergies de substitution, si possible propres et renouvelables. C’est bien dans ce cadre que se situe notre débat.

Les biocarburants, et plus généralement les agrocomposants, offrent à ce titre de réelles perspectives. Leur développement doit permettre de remplacer les matériaux plastiques par des matériaux biodégradables, l’essence par des carburants peu polluants et renouvelables. L’organisation de nos sociétés urbaines autour de la voiture, la liberté offerte par le faible coût des moyens de transport ne seraient pas appelées à disparaître en même temps que le pétrole.

Le grand intérêt du développement des biocarburants est aussi économique : ils pourraient constituer un débouché nouveau pour notre agriculture, développer l’emploi dans de petites unités de transformation et renforcer l’attractivité de nos territoires ruraux, durement frappés par la mise à mort de l’exploitation familiale, les fermetures d’usines et de services publics.

D’où la question, sans doute un peu facile, posée par ce projet de résolution : comment peut-on expliquer, au vu des remarquables perspectives apparemment offertes par ces agrocomposants, les blocages réels existant en France à leur développement ?

Personne ne peut évidemment contester la réalité de ces blocages. Ainsi, de manière générale, les réticences de Bercy sont connues, et elles viennent d’être rappelées. La puissance de Total aussi : le développement des biocarburants en Allemagne ne s’explique-t-il pas a contrario par l’absence de grandes entreprises allemandes évoluant dans le secteur du pétrole ? Il semble en effet incontestable que Total bloque non pas l’émergence des biocarburants, mais plutôt l’émergence de biocarburants qu’elle ne contrôlerait pas ou dont le profit immédiat est dérisoire.

Mais les biocarburants posent, encore aujourd’hui, plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Et ce sont ces interrogations qu’il conviendrait d’examiner plus attentivement, comme le fait d’ailleurs en ce moment la mission d’information sur l’effet de serre. C’est d’ailleurs une raison qui rend cette résolution sur la création d’une commission d’enquête sur les biocarburants largement redondante avec la mission d’information de notre assemblée.

Identifier clairement tous ces blocages exigerait surtout, au préalable, de bien distinguer les différents biocarburants existants, leurs avantages et leurs inconvénients respectifs. Ce rôle doit être rempli par la mission d’information sur l’effet de serre.

Ainsi, la question du bilan écologique réel de l’usage de ces biocarburants est posée. Leur utilisation réduit certes dans des proportions importantes les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais leur production, du fait de l’utilisation d’engrais agricoles et d’intrants extrêmement polluants, n’est pas toujours un modèle d’activité écologique. La production d’huiles végétales brutes exige de faibles transformations, de forme plus artisanale qu’industrielle, c’est-à-dire avec un investissement relativement faible : leur bilan écologique est bon. Mais il n’en est pas forcément de même pour les biocarburants de type éthanol : l’industrie en amont de la production de ces biocarburants est excessivement polluante et la culture des plantes utilisées nécessite une forte mécanisation et un important usage d’engrais.

Le bilan énergétique des différents types de biocarburants est aussi sujet à caution. Là encore, il est relativement bon pour les huiles végétales. Il est correct pour les carburants éthanol ou diester, même si l’amont de la filière des biocarburants consomme de grandes quantités d’énergie. D’autres biocarburants, ceux qui utilisent notamment l’ensemble des plantes, consomment aujourd’hui plus d’énergie à être produits qu’ils n’en créent : ce sont de véritables puits énergétiques.

M. Stéphane Demilly, rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Claude Sandrier. Enfin, l’utilisation de ces biocarburants pose des questions économiques absolument incontournables. Au vu de l’importance de nos besoins en produits de substitution du pétrole, le développement artisanal d’huile végétale brute ne pourra jamais se substituer aux hydrocarbures. Au mieux permettront-elles de donner aux agriculteurs et à certains territoires ruraux une réelle autosuffisance énergétique. Le faible prix de l’éthanol au Brésil est d’abord, il faut le rappeler, la conséquence de la destruction de la forêt amazonienne et de la surexploitation dont sont victimes les salariés du secteur. Il y a donc un contresens écologique évident à trop vanter en la matière, ainsi que vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, les mérites de ce pays.

Dans le cadre libéral du commerce international fixé par l’OMC, la France n’aurait d’ailleurs aucune chance de développer une véritable filière industrielle éthanol nationale : toute notre consommation serait en effet importée du Brésil. Car la libéralisation du commerce international constitue incontestablement une entrave au développement des biocarburants dans notre pays.

En outre, la question des biocarburants pose inévitablement celle de la maîtrise du foncier et de la coexistence entre les cultures à but énergétique et celles à but alimentaire. Le foncier disponible dans le monde ne suffirait jamais à produire autant d’énergie que nous consommons aujourd’hui de pétrole. Aujourd’hui, il n’y a, a priori, aucun problème de faisabilité agricole pour satisfaire à l’objectif de 7 % de carburants routiers d’ici à 2010. En revanche, nous n’avons aucune garantie que les richissimes compagnies pétrolières ne chercheront pas à l’avenir à racheter des terres afin d’en modifier la destination économique. À moyen terme, au vu de la puissance économique des multinationales pétrolières et de la solvabilité de la demande énergétique, le développement des biocarburants devrait donc prendre également en compte les conséquences d’un éventuel changement massif de la destination économique des terres existantes au détriment de la production de denrées alimentaires. Nous n’avons évidemment pas le droit d’éluder une question aussi fondamentale.

Je ne vois pourtant aucune trace de cette question alimentaire dans la proposition de résolution qui nous est soumise, probablement parce que leurs auteurs sont favorables à la soumission de l’agriculture mondiale aux logiques de marchandisation extrême portées par l’OMC.

Étant donné l’importance des questions soulevées par les biocarburants, qui ne trouvent aucune réponse, il paraît vraiment nécessaire de soutenir avec une grande vigueur les efforts de recherche réalisés en la matière : au vu de l’enjeu constitué par les agrocomposants, la faiblesse des dotations budgétaires du groupement d’intérêt scientifique AGRICE – Agriculture pour la chimie et l’énergie – constitue notamment un véritable scandale.

C’est seulement en soutenant la recherche publique que nous pourrons connaître avec précision les bilans écologique et énergétique de chacun des biocarburants existants, qu’il s’agisse des huiles végétales, de l’éthanol ou des biocarburants utilisant l’ensemble des plantes.

Nous le savons, le véritable enjeu pour les biocarburants est la production de carburants issus de la lignocellulose, dont le gisement, en France, est le plus important et le mieux réparti. Mais son utilisation repose sur un effort de recherche exceptionnel, et nous sommes loin du compte !

Les données essentielles concernant l’effet de serre sont en grande partie connue. On sait en particulier deux choses.

Premièrement, l’objectif d’une division par quatre à l’horizon 2050 de l’émission des gaz à effet de serre ne peut être atteint que par un effort massif d’économie d’énergie et de réduction de la consommation. Il n’y a malheureusement pas, d’ici à quarante ans, d’alternative miraculeuse à attendre des énergies renouvelables.

Deuxièmement – et c’est la conséquence logique de ce qui précède –, il faut consacrer un effort de recherche sans commune mesure avec ce qui a été consenti jusqu’à présent afin de rendre, le plus tôt possible, les énergies renouvelables efficaces.

Des investissements lourds doivent donc être entrepris. Par exemple, alors qu’il est urgent de développer le ferroutage en France, rien, ou presque, n’est fait dans ce domaine. Ces investissements à long terme doivent permettre de réaliser des économies d’énergie, mais aussi de donner une impulsion à la recherche.

II est clair que ce ne sont pas de grandes sociétés multinationales à la logique financière « court-termiste » qui pourront assurer cette mutation de l’humanité. La seule façon de garantir une avancée réelle est donc de placer la question sous la responsabilité publique et de développer les coopérations entre États, laboratoires et entreprises, plutôt que de laisser perdurer et s’amplifier une concurrence financière prédatrice dans laquelle les préoccupations environnementales ne semblent pas vraiment placées au premier rang.

Dans ces conditions, le champ d’étude de la commission d’enquête que nos collègues de l’UDF souhaiteraient créer nous paraît bien trop réducteur. Nous aurions pu soutenir l’idée d’une mission d’information spécifique, compétente pour étudier les agrocomposants de façon exhaustive, ou chargée de rechercher la meilleure façon de faire prévaloir, en matière d’environnement, l’intérêt général face aux intérêts particuliers des multinationales, pour lesquelles le rendement immédiat des actions semble prendre le pas sur toute autre considération humaine. Mais ce n’est pas le choix retenu, ce que nous regrettons.

C’est pourquoi les députés communistes et républicains s’abstiendront.

M. Stéphane Demilly, rapporteur. Voilà qui est courageux !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution déposée par notre collègue Charles de Courson le 8 juillet 2005 – date soulignée judicieusement par le président de la commission – concerne la création d’une commission d’enquête pour étudier les blocages à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants.

L’exposé des motifs souligne l’importance, sur le plan environnemental, économique et énergétique, de créer une filière française des biocarburants. Au nom de l’UMP, je reconnais pleinement cette importance, comme je l’ai déjà fait dans un rapport sur les énergies renouvelables en 2004, puis dans mon rapport sur la loi d’orientation sur l’énergie en 2005 – je pense notamment à l’intégration des 5,75 %.

Notre collègue Stéphane Demilly a rappelé la volonté du Président de la République et du Premier ministre, les mesures décidées dans la loi d’orientation de la politique énergétique française, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, et dans la loi d’orientation agricole rapportée par notre collègue Antoine Herth. J’y ajouterai bien évidemment les dispositions adoptées à l’occasion des lois de finances pour 2005 et 2006.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. Serge Poignant. Le rapporteur a ensuite souligné l’existence de facteurs de blocages au développement des biocarburants dans notre pays, et plus particulièrement à celui de la filière éthanol en incorporation directe dans l’essence : remise en cause potentielle de l’avantage fiscal attaché aux agréments ; problèmes d’application de la TGAP modifiée par la loi de finances pour 2005 et censée inciter les pétroliers à incorporer un niveau d’éthanol conforme à celui fixé dans la loi d’orientation sur les énergies ; déficit d’information de la part des groupes pétroliers sur les essences à basse volatilité permettant l’incorporation directe d’éthanol et refus de vendre ces essences aux distributeurs.

Après le président de la commission et M. le ministre, je souhaite apporter quelques réponses à ces interrogations.

Je rappelle à mon tour que le Gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux en la matière. En septembre 2004, Jean-Pierre Raffarin lançait la première étape du plan « biocarburants », dont les contours ont été précisés en mai 2005. Le Gouvernement a ainsi donné son agrément à ce qu’une production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants – 480 000 tonnes dans la filière diester et 320 000 tonnes dans la filière éthanol – bénéficie, d’ici à 2007, des agréments fiscaux appliqués aux biocarburants.

Plus récemment, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a annoncé le 13 septembre 2005 le lancement d’un programme ambitieux de développement des biocarburants, en avançant à 2008 – au lieu de 2010 comme le prévoyait la directive communautaire de 2003 – l’objectif d’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants fossiles, pour atteindre ensuite 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

Le Parlement a transcrit ce plan national à l’article 48 de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, modifiant ainsi la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Un nouvel appel d’offre européen a été lancé en novembre 2005 pour l’agrément d’unités de production de biocarburants, afin de produire 1 800 000 tonnes supplémentaires destinées à la consommation en France à compter de 2006-2008 et bénéficiant de l’exonération partielle de la taxe intérieure sur la consommation applicable dans notre pays.

Une mission interministérielle a été confiée le 24 mai 2005 au Conseil général des mines, à l’inspection générale des finances et au Conseil général du génie rural et des eaux et forêts. Elle doit formuler des propositions sur les moyens d’atteindre dans les meilleures conditions les objectifs du plan « biocarburants ». La lettre de mission précise qu’une attention particulière devra être portée à la faisabilité technique et administrative des solutions retenues, aux distorsions de concurrence potentielles, à l’égalité des assujettis devant l’impôt et à la maîtrise de la dépense fiscale.

Dans leur premier rapport d’étape, remis le 6 juillet 2005, les membres de la mission ont fourni un avis sur le projet de circulaire de la direction générale des douanes définissant le dispositif d’application de la TGAP en 2005, et publiée au Bulletin officiel des douanes le 11 juillet 2005. Ils ont ensuite établi une note d’orientation qui a été remise le 3 août 2005 aux ministres intéressés en vue de la préparation de la loi de finances pour 2006.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez organisé à Bercy, le 21 novembre 2005, en compagnie de votre collègue de l’industrie, M. François Loos, une table ronde réunissant les acteurs du monde agricole et du secteur pétrolier, les constructeurs et équipementiers automobiles et les professionnels du machinisme agricole afin d’engager une meilleure coopération entre eux. Elle a permis de prendre quinze engagements concrets pour le développement des biocarburants, parmi lesquels la nécessité de développer la voie de l’incorporation directe d’éthanol dans l’essence à côté de la filière existante de l’ETBE.

Des initiatives d’incorporation en direct d’éthanol vont donc être prises en 2006. Ainsi, une opération industrielle d’incorporation en direct de 5 % d’éthanol, portant sur 300 000 tonnes d’essences, sera menée à compter de février 2006 dans la région de Rouen. De même, les industries pétrolières se sont engagées à mettre au point, d’ici à la mi-2006, une définition technique partagée des bases essences éthanolables,…

M. Hervé Morin. Ce n’est pas beau, ça ?

M. Serge Poignant. …ce qui devrait permettre – et nous le souhaitons tous – l’émergence d’un marché de ces bases en France, condition essentielle au développement de la filière de l’éthanol en direct dans les essences.

En outre, la publication par le secteur éthanolier des niveaux de prix de l’éthanol carburant contribuera à ce qu’un marché s’établisse de manière transparente sur ce produit.

Enfin, un soutien sera apporté au développement de l’E85, essence contenant 85 % d’éthanol, destinée aux véhicules dits flex fuel, disposant d’un moteur adapté et utilisant indifféremment de l’essence normale ou de l’E85. Un groupe de travail sera mis en place afin d’accompagner les expériences d’utilisation de ce carburant, qui auront lieu dans un premier temps dans des flottes captives. Le Président de la République avait en effet demandé que les parcs automobiles des administrations et des entreprises publiques montrent l’exemple en consommant un tiers de biocarburants à l’horizon 2007.

Quant à la TGAP, la loi de finances pour 2005 a prévu qu’elle serait plus élevée pour les pétroliers qui ne respecteraient pas les pourcentages d’incorporation fixés par la loi. La proposition de résolution souligne les difficultés d’application de cette mesure, d’une part parce que les textes réglementaires nécessaires ne seraient toujours pas publiés, et d’autre part parce que les pétroliers n’en voudraient pas.

Depuis, le Bulletin officiel des douanes du 11 juillet 2005 a permis d’en préciser les modalités d’application pour 2005, 2006 et les années suivantes, et de nouvelles instructions des douanes devraient être publiées prochainement. J’ai toutefois entendu les arguments de Stéphane Demilly au sujet de cette circulaire, et j’admets que nous devrons rester attentifs à ses effets.

Pour ce qui est de la défiscalisation et de la pérennité de l’avantage fiscal attaché aux agréments, la proposition de loi soulève le risque d’une remise en cause de l’avantage fiscal accordé par les agréments. Or ces derniers assurent à ce jour un bénéfice fiscal sur cinq années consécutives, ce qui permet d’amortir la construction des usines. Une fois arrivés à échéance, ils sont bien souvent reconduits pour une nouvelle durée de cinq ans.

Par ailleurs, lors de la table ronde du 21 novembre 2005, les ministres de l’agriculture et de l’industrie ont donné des assurances sur le maintien d’une défiscalisation incitative et d’une TGAP dissuasive, en veillant toutefois à ce qu’elle ne pèse pas excessivement sur le consommateur.

L’article 49 de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 inscrit dans le code des douanes le principe du calcul du niveau de la défiscalisation. L’article 19 de la loi de finances pour 2006 prévoit les niveaux de défiscalisation suivants : 33 euros par hectolitre pour l’ETBE et l’éthanol, 25 euros par hectolitre pour les EMHV, les esters méthyliques d’huile animale et le biogazole de synthèse. En outre, la quantité totale d’éthanol en incorporation directe pouvant bénéficier d’une défiscalisation a très fortement progressé suite aux appels d’offres de 2005 : 667 000 en 2008, contre 12 000 en 2004.

Permettez-moi, enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’affirmer la volonté française de développer de nouveaux biocarburants. Afin d’atteindre les objectifs d’incorporation, de développer la concurrence sur le marché et d’assurer de nouveaux débouchés pour l’éthanol, le Gouvernement et les différents acteurs de la filière souhaitent que de nouveaux biocarburants soient encouragés : l’ester éthylique d’huile végétale – EEHV –, qui offre un débouché pour l’éthanol dans le gazole ; l’ester méthylique d’huiles animales – EMHA – dans le gazole ; les biodiesels de synthèse. Enfin, l’article 49 de la loi d’orientation agricole autorise l’utilisation, en autoconsommation dans un premier temps, des huiles végétales pures comme carburant agricole et prévoit leur commercialisation à compter du 1er janvier 2007, comme carburant agricole et pour les bateaux de pêche.

Le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, avec l’assentiment de ladite commission, a proposé qu’Antoine Herth et moi contrôlions l’application de la loi et élaborions un rapport sous trois mois. Il coïncidera avec l’important rapport de la mission sur l’effet de serre demandé par le président de l’Assemblée nationale qui paraîtra fin avril. Cette mission est présidée par notre collègue Jean-Yves Le Déaut, notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet en est la rapporteure, et j’y participe personnellement et activement en tant que vice-président.

M. le ministre Dominique Bussereau vient de nous rappeler la volonté du Gouvernement et les décisions prises récemment.

Considérant que la commission d’enquête est une réponse inadaptée à la question posée, dont je reconnais bien évidemment l’intérêt, je me rallierai à la position du président Ollier. Je vous invite, donc, au nom du groupe UMP, à rejeter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste adoptera la proposition de résolution déposée par nos collègues UDF. Henri Nayrou, Christian Bataille, et François Dosé, après moi, justifieront ce vote.

Alors que l’utilisation des biocarburants constitue, pour reprendre l’exposé des motifs de cette demande de commission d’enquête, « un enjeu majeur de la politique environnementale, économique, agricole et énergétique de la France», il nous faut, monsieur le ministre, constater amèrement le retard de notre pays en la matière. La France, en 2004, a produit deux fois moins d’éthanol que l’Espagne. Le Brésil, les États-Unis, mais aussi l’Allemagne, la Chine et l’Australie se sont lancés dans de vastes projets industriels. Parallèlement, le recours à une incorporation massive, à des mélanges à taux élevés, se généralise grâce à l’utilisation de technologie mixte qu’admettent de plus en plus nos partenaires étrangers. En 2004, ce chiffre a été rappelé par plusieurs orateurs, notre pays n’atteignait que 0,83 % d’incorporation. On peut, dès lors, douter de notre capacité à atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement : 5,75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015. Ce constat peut être partagé par l’ensemble des parlementaires. Précisons également que, si notre pays enregistre en la matière des résultats limités, insuffisants, il n’en a pas été toujours ainsi. Notre collègue, Alain Marleix, reconnaissait dans son rapport de 2004 : « La France a mis en place un dispositif d’incitation au développement des biocarburants depuis le début des années quatre-vingt-dix. » Il ajoutait : « La France faisait alors figure de précurseur dans ce domaine. » Depuis, vous et nous nous sommes endormis et n’avons pas saisi cette opportunité énergétique. Pourtant, tous, ici, sont prêts à détailler les vertus de ces carburants.

Pour ne pas alourdir nos débats, je me contenterai de rappeler ou de confirmer que les biocarburants sont d’une utilisation aisée, qu’ils sont respectueux de notre environnement, qu’ils participent à la réduction de notre indépendance énergétique et à l’amélioration de notre balance commerciale et qu’ils sont créateurs d’emplois.

En dépit de ces avantages, les biocarburants se heurtent à de multiples obstacles, que notre collègue Demilly a énumérés dans son rapport. Il est évident que la directive européenne 98/70, comme il l’a démontré, constitue dans son application une difficulté majeure. De même, la politique d’agréments par séquence a pour inconvénient de ne pas offrir suffisamment de lisibilité aux opérateurs industriels qui bénéficient de ces tonnages.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la situation particulière du Sud-Ouest. Permettez-moi de prendre l’exemple de l’implantation de l’usine de bioéthanol annoncée dans ma circonscription à Lacq, et non dans celle de François Bayrou.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Dans le département ! Cela intéresse tout le Sud-Ouest !

M. David Habib. Il s’agit, en effet, du département des Pyrénées-Atlantiques, où vous êtes d’ailleurs vous-même chez vous !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. David Habib. Vous savez à quoi je fais allusion !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. David Habib. L’État lui a accordé 40 000 tonnes à la faveur des appels d’offres de 2005, ce qui a été vécu comme une bonne nouvelle, ce dont je vous ai remercié,…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il y en aura d’autres !

M. David Habib. …mais ce qui ne permet bien évidemment pas d’assurer la viabilité économique d’une unité industrielle, dont le coût s’établit à plus de 150 millions d’euros.

L’industriel est donc tenu d’attendre le second appel d’offres, voire le troisième, pour dimensionner et lancer son projet. Contrairement à Stéphane Demilly, je ne pense pas que la difficulté réside dans le partage d’agréments entre plusieurs opérateurs, mais plutôt dans l’annonce par séquence des agréments accordés. L’application de la TGAP pose effectivement problème en autorisant les distributeurs d’ETBE à s’affranchir plus facilement de leurs obligations d’incorporation.

J’ai en ma possession le communiqué de presse diffusé à l’issue de la table ronde du 21 novembre 2005. Il est clair que l’évolution des normes sur la qualité des carburants sur le développement de l’incorporation directe ou la question du pouvoir calorifique inférieur – PCI – de l’ETBE, que je viens d’évoquer, sont au cœur des discussions avec les pétroliers. Il nous faut réaliser des progrès pour imposer les objectifs d’incorporation de biocarburants annoncés par l’État. Donc, il est, en la matière, nécessaire pour nous de vérifier la bonne résolution des acteurs économiques dans ce domaine.

Je viens d’énumérer les facteurs de blocages. Ils apparaissent techniques. Pourtant, les vraies questions relèvent du domaine politique. Nous considérons, nous, socialistes, que les biocarburants ne connaissent pas le succès qu’ils méritent, pour trois raisons : la France et l’Union européenne n’ont pas de vraie politique énergétique à long terme ; nous avons trop concédé aux pétroliers et, par là même, trop favorisé la filière diester ou la filière de l’ETBE ; enfin, nous n’avons pas engagé une politique suffisamment affirmée en matière de recherche.

Premièrement, nous n’avons pas de politique énergétique, ou elle n’est pas suffisamment affirmée. Le renchérissement du prix du pétrole a donné lieu à de multiples déclarations gouvernementales. Un débat a été organisé dans cette enceinte. Une loi d’orientation a été votée. Pourtant, force est de constater que la majorité n’avait, à l’époque, que deux objectifs : adopter le principe de l’EPR et ouvrir le capital d’EDF.

Pour le reste, nous sommes restés dans l’affirmation de belles orientations en matière de solaire, d’éolien, de valorisation des agroressources, sans imposer un véritable cadre budgétaire, un véritable dispositif d’incitation pour nos industries et un régime fiscal permettant d’engager le pays dans une diversification de ses énergies.

Je ne doute, monsieur le ministre, ni de votre sincérité ni de votre attachement au développement des biocarburants. Mais au moment même où vous participez à ce débat, le ministre de l’économie, Thierry Breton, présente au Conseil de l’Union européenne un mémorandum sur la question énergétique. Il apparaît que le nucléaire, contre lequel je n’ai rien, est l’élément central de l’argumentation du ministre. Les digressions sur les autres sources énergétiques n’apparaissent que comme un moyen d’enrober l’ambition nucléaire de la France. Je demeure favorable à l’EPR. Mais l’acceptation du nucléaire, vous le savez, passe impérativement par la diversification de nos énergies et le recours plus systématique à des énergies renouvelables.

Deuxièmement, l’influence des pétroliers et notamment du groupe Total. Les pétroliers nous ont progressivement imposé un modèle, celui du diesel, et en matière de biocarburant, celui du diester. Or des besoins existeront demain dans la filière diester, mais aussi dans la filière éthanol. Il est faux de penser que ce marché est saturé et ne dispose d’aucune perspective. Les pétroliers ont installé l’idée que l’État devait encourager la filière diester ou l’ETBE, produit qui mélange l’éthanol et un dérivé du pétrole, l’isobutène. Il nous appartient de desserrer cet étau et de mettre en perspective les réels besoins en éthanol.

Troisièmement, nous ne sommes pas suffisamment engagés dans un effort de recherche. Tous les observateurs reconnaissent qu’avec un peu d’effort, la France et l’Union européenne pourraient être leaders en matière de biocarburants en améliorant leurs propriétés. Les équipes de recherche sont malheureusement trop souvent liées aux groupes pétroliers. Mais elles existent et pourraient notamment travailler sur un abaissement significatif du coût de l’éthanol. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dans le cadre de la préparation des négociations sur l’application du protocole de Kyoto, notait une possibilité de réduction du coût de l’éthanol de près de 44 % entre 1990 et 2050. Nous avons, en la matière, un effort significatif à réaliser.

Voilà, mes chers collègues les trois raisons principales qui font qu’aujourd’hui les biocarburants ne connaissent pas les résultats qu’ils méritent.

Le groupe UDF propose une commission d’enquête. Nous y sommes favorables et nous voterons cette proposition de résolution parce que la question des biocarburants relève d’un enjeu central : celui de la maîtrise de nos énergies. Il est, enfin, de notre responsabilité d’examiner les blocages. Henri Nayrou et François Dosé reviendront plus longuement ces questions. Nous aurions certes préféré que cette commission se saisisse de tous les moyens susceptibles d’assurer une valorisation des matières agricoles, végétales et céréalières et travaille sur l’ensemble des agroressources, nous avons déposé un amendement en ce sens.

En commission, certains ont parlé de « bombe atomique ». Il faut savoir raison garder. Nous voulons simplement évaluer les décisions et accompagner la réflexion par un certain nombre de dispositifs prévus par la Constitution et par notre règlement. On nous parle de la mission sur l’effet de serre et on nous demande d’admettre le principe de charger deux députés de vérifier la bonne application des lois votées par le Parlement. La mission conduite par notre collègue Marleix a laissé apparaître que se posait rapidement une difficulté en matière de coût et qu’il nous fallait aujourd’hui disposer de moyens d’investigation. J’ai entendu avec quelque plaisir en commission, certains de mes collègues parlementaires redouter la mise en cause du groupe Total. Vous êtes bien placé, monsieur le ministre, pour savoir que l’usine de bioéthanol construite dans les Pyrénées-Atlantiques sera justement située au sein même de l’enceinte de la prestigieuse et historique usine de Lacq qui appartient au groupe Total. Madame la présidente, je me permets de vous remettre ma carte de vœux…

Mme la présidente. Vous me l’avez déjà adressée !

M. Hervé Morin. Pas à nous !

M. David Habib. Vous la demanderez à M. Bayrou monsieur Morin, qui m’a aidé à la rédiger, monsieur Morin !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne l’ai pas reçue non plus !

M. David Habib. Nous avons voulu sur cette carte, par cette association de la chimie et du maïs, faire naître l’idée que l’on pouvait concevoir un développement permettant à l’agriculture et à l’industrie de se rencontrer. Nous sommes convaincus qu’il existe là des perspectives. Il nous faut aujourd’hui, après les effets d’annonce, obtenir des résultats.

Le Président de la République, lors du salon de l’agriculture de 2005, constatait le retard pris par la France pour développer les biocarburants : « Il y a de bonnes perspectives dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les biocarburants. Pour tout dire, je le pense depuis longtemps, et j’ai encouragé les expériences autant que je l’ai pu. Je dois reconnaître que, jusqu’ici, cela n’a pas été suffisamment suivi d’effet. Les forces de réactions l’ont trop souvent emporté sur le mouvement. »

Je vous invite à méditer les propos du Président de la République. En la matière, il convient que les forces du mouvement puissent s’exprimer. Nous allons donc adopter cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est vrai que la carte de vœux de M. Habib est formidable, et elle permet de grands espoirs, mais, si nous sommes ici pour discuter de la création d’une commission d’enquête, c’est que nous voyons bien qu’en dépit de la volonté politique du Gouvernement et de l’ensemble des parlementaires, que personne ne conteste, il y a de nombreuses pesanteurs et de nombreux obstacles.

Tout le monde reconnaît les avantages environnementaux, énergétiques, économiques et stratégiques du développement des biocarburants, mais nous sommes ici parce que les choses ne bougent pas assez vite, et, comme l’a démontré Charles de Courson, il y a toute une série de questions auxquelles il nous faut répondre.

On a longuement parlé du rôle des pétroliers, des pesanteurs et des obstacles que, de toute évidence, ils mettent au développement des biocarburants.

Il y a par ailleurs le droit européen. Lors de la discussion du budget, Jean-François Copé nous a expliqué qu’il était impossible d’inscrire dans la loi une obligation d’incorporation. Or les Britanniques, eux, viennent d’imposer une telle obligation.

Il y a aussi l’attitude du ministère de l’économie et des finances. Nous avions adopté un amendement de M. de Courson introduisant la TGAP. La circulaire d’application du ministère de l’économie et des finances a dénaturé le texte puisque la référence n’est plus le pouvoir énergétique ou calorifique mais le volume.

Enfin, il y a toute la problématique de l’organisation de la filière.

Entre les mots et les actes, il y a donc beaucoup. Puis-je vous rappeler un certain nombre de déclarations égrenées depuis plusieurs années ? En 2002, le Président de la République nous expliquait que les biocarburants devaient devenir d’un usage banal. L’ancien Premier ministre, un de vos amis, parlait de grande ambition nationale et, l’année suivante, d’un enjeu fondamental. Mais nous restons dans le domaine du vœu pieux.

Pendant près d’une quinzaine d’années, la France s’est posée en précurseur en matière de biocarburants. C’est elle qui a lancé la production de diester et d’éthanol en Europe, mais elle s’est laissée rattraper et elle est aujourd’hui distancée par l’Allemagne, premier pays producteur européen de biodiesel, et par l’Espagne, premier producteur d’éthanol. Le potentiel des nouveaux pays de l’Est laisse également envisager une forte concurrence à venir, sans parler des États-Unis ou du Brésil, qui ont déjà décidé d’en faire des filières majeures pour l’agriculture de leur pays.

La France, qui était un précurseur il y a quinze ans, est devenue un mauvais élève. Par rapport à la Suède ou à l’Allemagne, notre taux d’incorporation est largement inférieur.

Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas eu certaines évolutions, certaines avancées, et je pense notamment à la fixation d’objectifs ambitieux d’incorporation des biocarburants ou à la mise en place de la TGAP, mais la première avancée n’est que la conséquence d’une obligation imposée par une directive européenne et la seconde est le fruit d’une proposition émanant du groupe UDF et votée par la majorité de l’époque.

Où est donc la concrétisation du volontarisme affiché par le Gouvernement et par tous les membres de cette assemblée ? Où sont les avancées réelles et sérieuses ?

En Allemagne, on peut trouver dans de nombreuses pompes à essence des carburants ayant un taux d’incorporation élevé, en Suède également, mais il ne faut pas se limiter à la question fiscale ou à la réglementation. La Suède, par exemple, qui est largement en avance sur le sujet, ne s’est pas limitée aux incitations fiscales, d’ailleurs nettement plus élevées que les nôtres, elle incite également à l’achat de véhicules propres, par des subventions à l’achat, la gratuité de parcs résidentiels, l’exemption du péage à l’entrée des villes. On voit donc très bien qu’une commission d’enquête permettrait aux parlementaires de trouver de nouvelles voies pour réellement développer cette filière majeure.

Personne ne doute ici de la volonté politique de développer les biocarburants. Cependant, il y a trop d’obstacles, trop de pesanteurs et trop de freins qui empêchent le développement d’une filière agricole majeure pour notre pays.

L’objectif de cette commission d’enquête est extrêmement simple : il s’agit de pointer les difficultés et les responsabilités, de les mettre en évidence et de faire une série de propositions qui nous permettent d’avancer dans les années à venir puisqu’il y a un vrai consensus politique. Bref, nous voulons faire en sorte que notre pays redevienne le premier pays en la matière et que l’on puisse dire dans dix ans que la France a su développer une filière capitale, notamment pour l’agriculture française, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin de nouveau pour évoquer le dossier des biocarburants. Ce sujet n’est pas anodin pour notre société, notre environnement, notre agriculture. Ce n’est pas anodin pour notre indépendance énergétique, notre balance commerciale, l’emploi développé sur notre propre sol, l’environnement, en particulier l’effet de serre, ni, bien évidemment, pour l’agriculture.

Nous sommes nombreux depuis plus de vingt ans à avoir milité pour le développement de ces filières car il en va de l’intérêt général de notre pays.

Durant vingt ans, tous ceux qui ont voulu, en précurseurs, mettre en place cette filière se sont heurtés à de nombreux obstacles et à de nombreuses réticences. Les lobbyings les plus puissants et les plus structurés, tant à Paris qu’à Bruxelles, ont beaucoup freiné l’inéluctable évolution du dossier des biocarburants dans notre pays. Souvenez-vous des articles de presse dans le début des années quatre-vingt-dix, alimentés par les groupes pétroliers et motoristes, très organisés, dont les arguments étaient perçus jusqu’à Bercy et au ministère de l’industrie.

Pourtant, c’est vrai, monsieur Morin, notre pays avait à cette époque une bonne longueur d’avance en termes de recherche, tant pour la filière diester que pour celle de l’éthanol. Bercy, sensible à certaines influences, n’a pas pris en compte la volonté des développeurs qui avaient des projets à faire valoir. Ces projets n’ont pu se réaliser faute de décisions fiscales adaptées au contexte. Je me souviens d’un projet dans l’Aube. Le terrain était acheté et aménagé, le permis de construire était obtenu. J’aurais bien voulu à cette époque que, face à certains groupes de pression, à l’autisme de Bercy et à une presse bien alimentée, une commission puisse enquêter sur les blocages à la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants. Elle aurait certainement relevé, monsieur de Courson, que certaines oppositions régionales ont bel et bien freiné la dynamique des initiatives émergentes.

La France a perdu dix ans et s’est fait doubler en Europe sur un terrain où l’on avait tous les atouts pour réussir en précurseurs. Les pays nordiques mais aussi nos voisins Espagnols et Allemands ont été plus réactifs que nous et nous montrent maintenant la voie à suivre.

Mais, depuis quelques mois, les choses ont bien changé. Les gouvernements Raffarin et Villepin ont donné les impulsions nécessaires, Bruxelles a cadré cette évolution et la représentation nationale a inscrit de nombreux objectifs dans la loi d’orientation agricole. Actuellement, tout est en ordre de marche afin que, d’un bon pas, on puisse rattraper notre retard.

Dans les prochaines semaines, de nouveaux agréments concernant l’éthanol seront délivrés, permettant ainsi d’installer de nouveaux sites. Les unités en cours de construction permettront de produire au-delà des seuls agréments, 1,8 million de tonnes. Pour la filière diester, ce ne sont pas moins de 300 000 tonnes qui seront nécessaires. La balle est à présent chez les investisseurs qui, après une longue attente, et au regard des dossiers engagés, sont prêts.

Chacun d’entre nous peut être amer et regretter les dix ou vingt années perdues dans la mise en place à grande échelle de cette filière de développement durable, mais force est de reconnaître que le contexte a bien évolué et que nous nous engageons dans une phase active de développement.

C’est pourquoi je pense que la démarche qui nous est proposée, qui pouvait encore se justifier au début de l’année 2005, est devenue anachronique au regard du travail de toutes les composantes concernées par le dossier, du Gouvernement aux opérateurs en passant par le Parlement et les acteurs de la filière intéressée.

Oui il y a eu un blocage, bien sûr que l’on connaît ceux qui en sont à l’origine, mais ce n’est pas lorsque la situation évolue favorablement qu’il faut mettre le doigt sur les errements du passé. Nous devons désormais suivre l’évolution du dossier avec une attention particulière, en mettant en place un suivi. Une telle démarche me paraît plus appropriée que celle qui nous est proposée aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe UDF est pertinente au sens politique du terme. D’une part, elle a été déposée dans un contexte particulier dû au prix du baril du pétrole ainsi qu’à la soudaine découverte des vertus des solutions alternatives en matière de carburants. D’autre part, elle a le mérite de donner un sens au travail du Parlement, ce qui en fera d’ailleurs probablement sa force de demain si l’on s’en réfère au travail de nos collègues sur l’affaire d’Outreau. Sa logique, c’est de dire au Gouvernement et à l’UMP qu’il y a un problème, qu’on entrevoit des solutions, mais que des freins subsistent et que l’on pourrait les examiner ensemble, en commençant par une commission d’enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants. Tout est dit dans l’intitulé de la proposition de résolution : biocarburants, blocages, ambition.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous faites l’impasse sur les décisions du Gouvernement !

M. Henri Nayrou. Le choix a été fait de passer par la case plutôt apaisante de la commission d’enquête, qui respecte les jeux de rôle en vigueur sur le versant ronronnant de nos institutions. Ce sont des mots et des perspectives qui ne versent donc ni dans l’acte révolutionnaire, comme le disait Charles de Courson, ni dans la tendance partisane, voire paralysante. Un tel choix est également éloigné des enjeux politiques du moment, tout simplement parce que c’est au nom du bon sens que l’on doit se projeter derechef dans les trente prochaines années.

Je ne vous parlerai donc pas ici de technique, je ne comparerai pas les performances de tel ou tel biocarburant, je n’évoquerai pas de savantes alchimies, encore moins les dispositifs fiscaux incitatifs. Le rapporteur l’a très bien écrit et expliqué, comme l’avait déjà dit en juin 2004 en des mots savants notre collègue député UMP du Cantal, Alain Marleix, dans son rapport d’information sur les biocarburants : « C’est un moyen efficace mais encore onéreux de respecter nos engagements écologiques internationaux. »

Avec un tel titre, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait empêcher M. Marleix et ses collègues UMP de voter en faveur de la proposition de loi du groupe UDF, d’autant que, depuis la publication de son excellent rapport, s’est produit le énième séisme pétrolier de l’été 2005 : on a vu le baril de pétrole passer de 30 dollars en juin 2004 à 66 dollars le 11 août 2005, pour culminer à plus de 70 dollars, record historique.

La solution biocarburants conservait donc tous ses atouts environnementaux et agricoles et son côté gratifiant pour le genre humain, mais, en plus, le handicap lié au prix, jugé dissuasif en temps de paix pétrolière, vient de s’estomper, laissant désormais la voie libre à une véritable stratégie nationale en matière de biocarburants.

Mais on en est loin ! Le plan « biocarburants » pour 2004 évoquait, pour la France, 400 000 tonnes de bioéthanol en 2007 et 650 000 en 2008, tandis que le Brésil affichait déjà 10 millions de tonnes et les États-Unis 8 millions de tonnes.

Il faut savoir ce que l’on veut ! Le discours sur les économies d’énergie est absolument nécessaire, mais il relève encore de l’incantation – c’est un constat, non un commentaire –, et notre pays n’a pas le droit de rater le train des biocarburants.

Celui qui a résumé le mieux cette problématique est M. Bernard Layre, président des jeunes agriculteurs, dans un article paru le 25 août dernier dans Le Monde. Et les quatre avantages induits par les biocarburants ont été repris dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Intérêt environnemental : les biocarburants permettent de réduire les émissions de polluants et contribuent à limiter l’effet de serre. Intérêt économique, avec la création de 6 000 emplois par an si l’on s’en tient au plan « biocarburants » du printemps 2005, c’est-à-dire à portée minimale. Intérêt agricole, en suggérant de nouveaux débouchés à nos agriculteurs. Intérêt géostratégique enfin, en limitant notre facture pétrolière et notre état de dépendance.

Pour remonter en tête du peloton des pays ayant opté pour les carburants verts, il faut une vraie et forte volonté politique, qui se distingue de l’affichage gentillet du Gouvernement, qui se heurte d’ailleurs lui-même à des obstacles naturels, à des blocages industriels, à des décrets non publiés, et dont le slogan pourrait être : « Armons-nous et partez ! »…

Notre assemblée a déjà marqué des essais dans la loi d’orientation agricole et dans la loi de finances ; il faut qu’elle les transforme avec cette commission d’enquête.

Chers collègues de l’UMP, il ne suffit pas de réclamer des pouvoirs accrus pour le Parlement, il faut les prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Roumegoux.

M. Michel Roumegoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie M. de Courson de sa « proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants ».

Mon objectif n’est pas de désigner des coupables : je préfère pour ma part exercer des pressions, si possible amicales, mais surtout fortes. Mais ne soyons pas naïfs : des blocages, il y en a, et cela ne me choque pas. Qu’un industriel cherche à défendre son entreprise est plutôt bien. À nous de défendre l’intérêt général face à des quasi-monopoles où la concurrence ne joue pas totalement.

Je ne reviens pas sur les avantages des biocarburants évoqués si souvent ce matin et qui font l’unanimité ou presque : intérêt sanitaire de l’oxygénation des carburants, préférable à l’augmentation des additifs benzéniques, dont on connaît les propriétés ; intérêt économique de la valorisation des produits de l’agriculture, et donc de l’emploi local, face au pétrole importé ; nouveaux débouchés offerts à l’agriculture dont les débouchés alimentaires sont limités par la nouvelle PAC, sans parler des intérêts géopolitiques.

Que constatons-nous en France ? Moins d’éthanol qu’en Espagne, moins de biodiesel qu’en Allemagne. Pourquoi ? Il existe évidemment des blocages administratifs, fiscaux ou encore techniques favorisant un produit plutôt qu’un autre. Je n’y insiste pas. Il existe également, sans nul doute, des blocages commerciaux et nous sommes dans notre rôle lorsque nous cherchons à les lever.

L’État est attaché à la TIPP et c’est parfaitement normal. Elle n’est pas détournée par l’État, comme on l’entend souvent sur le terrain. Elle sert évidemment à assumer les dépenses nécessaires qui profitent aux citoyens. À l’État et à nous-mêmes de trouver de nouvelles recettes avec les biocarburants.

Pour l’éthanol, la demande en France est évidemment plus faible qu’au Brésil. Mais pourquoi n’incorpore-t-on pas plus d’éthanol dans l’essence ? Ce n’est qu’une question technique. Je sais que le Gouvernement y incite, mais encore faut-il le faire.

Quant au biodiesel et aux huiles végétales, ils représentent un intérêt majeur pour notre agriculture. Alors, pourquoi ne pas aller le plus loin possible et mobiliser les jachères ? Nous savons bien que si nous le faisons, au maximum de nos possibilités, nous n’atteindrons pas les quantités que nous nous sommes fixées. Il s’agit d’une production intérieure non importée, favorisant, je le répète, l’emploi agricole, la qualité environnementale, une moindre dépendance politique face à l’augmentation de la demande – forte maintenant avec la Chine et l’Inde – et à une offre contrainte.

Quant aux huiles végétales, exploitées au maximum, elles permettaient aux agriculteurs de diminuer leurs coûts de production et on ne risquerait rien à les généraliser en les faisant utiliser par toute l’agriculture, voire dans les flottes des collectivités locales.

Je salue votre attitude, monsieur le ministre : en renonçant à légiférer par ordonnance, vous avez permis d’engager le débat. Vous nous avez convaincus que, dans les années à venir, l’utilisation des huiles végétales serait généralisée. Nous savons que ces évolutions, qui seront lancées très rapidement, seront très favorables. Néanmoins, convaincu qu’il reste des blocages, je voterai en faveur de la création de la commission d’enquête…

M. Stéphane Demilly, rapporteur. C’est courageux.

M. Michel Roumegoux. …afin d’augmenter une nouvelle fois la pression sur les industriels sur qui repose aujourd’hui la production actuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. À l’occasion de ses vœux, M. le président de l’Assemblée nationale a signifié avec clarté et, de mon point de vue, avec clairvoyance la nécessité d’une redéfinition du travail parlementaire.

Ainsi a-t-il souhaité, comme d’autres avant lui – je pense en particulier à Raymond Forni – tempérer la frénésie des textes législatifs, mieux discerner la contribution législative de la déclinaison réglementaire, multiplier les débats sociétaux, observer les évolutions profondes de notre société, ses nouvelles donnes sur la matrice légitime du travail parlementaire dans un pays démocratique, enfin valider, contrôler la mise en œuvre des projets ou propositions de loi retenues, en renforçant les investigations parlementaires. Il a déclaré notamment : « Le Parlement doit pouvoir réfléchir à l’abri de la pression des médias ou de celle de l’opinion sur tous les sujets. Il se doit de les aborder en dehors des réflexes partisans. […] La vérité des uns ne peut systématiquement écarter la vérité des autres. Les certitudes d’un groupe, fût-il majoritaire, ne l’emportent pas automatiquement sur les certitudes des groupes minoritaires. »

Toutes tendances confondues, dans la diversité de nos responsabilités, ministérielles ici, parlementaires ailleurs, nous pouvons donc adhérer à ce défi d’une nouvelle écriture de notre contribution, dans le respect de nos différences d’opinions, de nos divergences politiques.

À cet égard, le texte déposé par nos collègues UDF…

M. Stéphane Demilly, rapporteur. Et UMP !

M. François Dosé. …nous invite à cet approfondissement du travail parlementaire. En effet, cette proposition de résolution tendant à étudier « les blocages à la mise en place d’une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants » nous incite à observer les dysfonctionnements et les freins, retardant au quotidien et en proximité, non plus les expérimentations, mais le développement artisanal ou industriel de cette filière que nous appelons de nos vœux.

Permettez-moi deux remarques préalables : la sémantique n’est pas toujours d’une extrême efficacité : la notion d’enquête ou d’enquêteurs nous renvoie souvent à un préalable désobligeant : l’accusé existe, il faut le débusquer, l’identifier, et, assurément responsable, il est probablement coupable – préjugé oblige.

Peut-être la demande exprimée par nos collègues n’écarte-t-elle d’ailleurs pas cette hypothèse. Mais notre soutien n’est pas dans cette connivence-là !

Deuxième remarque : la question des uns, les réponses des autres – pour un oui ou pour un non – souffriraient-elles du syndrome du cheval de Troie ? La question et les réponses seraient-elles instrumentalisées ? Cette proposition, soutenue par nos collègues UDF et signée, par exemple, par M. Guillaume, ex-ministre de l’agriculture et Lorrain, est-elle un enjeu de savoir ou un enjeu de pouvoir ? La question serait-elle une manière de titiller le groupe UMP et son Gouvernement, et la réponse serait-elle une manière de renvoyer dans les cordes un allié turbulent, parfois même franchement désobligeant ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est très politique, tout cela.

M. François Dosé. Peut-être la demande des uns, le refus des autres ne sont-ils pas dépourvus de cette ambiguïté-là. Mais notre soutien n’est pas de cette connivence-ci !

Non, monsieur le ministre, non, mes chers collègues, nous soutenons cette demande, non pas parce c’est vous, non pas parce que c’est eux, mais pour mieux comprendre les blocages, qui sont difficilement contestables, et le cas échéant, préciser, ajuster, exiger des moyens, des méthodes, des sanctions au service d’un objectif clairement identifié – le développement des biocarburants – dans le respect du bilan énergétique global, de la production à la consommation.

Oui, la détermination politique est affichée – ici le Premier ministre et vous, monsieur Bussereau, là les parlementaires, sans oublier la contribution spécifique des collègues UDF lors de la loi de finances. Oui, la pertinence économique et environnementale est à améliorer. La vigilance est de mise, mais nous ne devons pas ignorer les malentendus, les réticences, les appréhensions du producteur agricole à l’automobiliste, sans oublier le transformateur industriel ou artisanal.

Ce chantier-là ne se referme pas sur une injonction déclarée, sur une réglementation édictée, sur un financement accordé. Non, ce défi-là nécessite une sensibilisation collective et une lisibilité pluriannuelle.

Or la création d’une telle mission, pour l’opinion publique et pour les partenaires concernés dans la filière, écarterait l’hypothèse d’un effet d’annonce, serait le gage de notre suivi, de notre contrôle, signifierait clairement que la représentation nationale ne peut admettre que des entraves, organisées pour répondre à des intérêts privés, freinent la mise en œuvre d’objectifs posés par la loi.

Aussi, sans méconnaître les limites et les équivoques de cette proposition de résolution, nous la soutenons car elle participera à la sensibilisation nécessaire de nos concitoyens au débat sur l’effet de serre et les changements climatiques ; elle dressera l’inventaire des obstacles, non pour régler des comptes mais pour donner vie aux autorisations ; elle nous préparera aux blocages, aux contraintes, mais aussi aux exigences d’initiatives obligées pour réduire drastiquement les rejets de CO², chez nous aussi et en urgence. Enfin, elle est un témoignage et un exercice de bonne démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Demilly, rapporteur. Mes chers collègues, ce débat montre la convergence de vues entre tous les groupes de notre assemblée quant à la nécessité de développer les biocarburants. Pourtant, je le répète, cette politique n’atteint pas ses résultats. Nous n’avons utilisé en 2004 que 704 tonnes d’éthanol aux fins d’incorporation directe, sur les 12 000 tonnes d’agrément, soit 6 %. Pourquoi ? Voilà la vraie question ! Sans doute parce que certains acteurs bloquent. Comme l’a très bien rappelé Charles de Courson, ces comportements, s’ils relèvent du refus de vente, sont délictueux. Je pense donc qu’une commission d’enquête est nécessaire pour rétablir la vérité et faire évoluer les comportements.

Certains de nos collègues ne partagent pas cette analyse et nous ont rappelé la litanie des mesures gouvernementales. Dispensées à dose homéopathique, ces mesures sont insuffisantes. En la matière, comme on dit chez moi, en Picardie, nous sommes des « grands diseux, mais des tiots faiseux ».

Je le redis simplement et avec force : pour que le Gouvernement ait une chance de réaliser ses objectifs de 2008, 5,75 %, et a fortiori de 2010, 7 %, un déverrouillage du marché est indispensable et un travail approfondi d’enquête est nécessaire. Faute de quoi, nous, citoyens de France, deuxième puissance agricole mondiale, nous roulerons avec de l’éthanol brésilien !

J’en appelle donc votre confiance et à votre bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’ensemble des arguments qui viennent d’être avancés à l’appui de la création de cette commission d’enquête, mais ils ne m’ont pas convaincu. C’est pourquoi j’ai beaucoup apprécié, chers collègues du groupe de l’UMP, que vous ayez rappelé, notamment vous, monsieur Poignant, tout ce qui militait contre cette proposition de résolution.

Car enfin les perspectives, que vous avez vous-même évoquées, monsieur le rapporteur, sont claires : le Gouvernement, non seulement a une politique en faveur des biocarburants, mais encore s’en est donné les moyens. Vous n’avez pas rappelé, monsieur le député, que le Gouvernement a lancé la construction de trois usines de diester et trois d’éthanol d’ici 2008. Ces décisions, qui devraient permettre à la France de produire en 2008 près de 670 000 tonnes d’éthanol, sont tout à fait à la hauteur de l’objectif que nous nous sommes fixé.

En revanche la création d’une commission d’enquête n’est pas susceptible de nous permettre d’atteindre cet objectif. Si cette initiative avait encore un sens avant le mois de septembre, toutes les décisions prises depuis – je ne veux pas revenir sur ce qui a été détaillé par nos deux collègues M. Poignant et M. Menuel – enlèvent tout fondement à votre proposition de résolution, monsieur le rapporteur, et devraient vous conduire à la retirer.

Si je comprends que vous la mainteniez pour la forme, je demande à mes collègues du groupe de l’UMP de voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

Le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je reconnais qu’en nous proposant ce débat, le groupe UDF nous a permis de faire le point, de manière intelligente et en dehors de toute passion politique, sur le sujet très important des biocarburants. Ce débat a fait apparaître, sur tous les bancs de cet hémicycle, la volonté unanime de la représentation nationale de voir notre pays développer la production de ces carburants.

Ceci étant dit, monsieur Demilly, monsieur de Courson, monsieur le président Morin, c’est en 2002 qu’une telle proposition eût été pertinente, puisque la majorité précédente n’avait fait, en cinq ans, aucun progrès en la matière : le gouvernement précédent n’avait pas traduit les discours de Mme Voynet en faveur du développement durable dans une politique en faveur des biocarburants.

Nous avons décidé de changer de braquet avec le plan Biocarburants qui a été lancé par Jean-Pierre Raffarin : la production doit connaître un doublement grâce au plan de Jean-Pierre Raffarin, qui permettra dans une première étape un doublement de la production, puis un triplement grâce aux mesures mises en œuvre sous l’autorité de Dominique de Villepin. Je tiens à le dire à l’ensemble de la représentation parlementaire : cette politique nous permettra de rattraper notre retard, puisque la France, qui était en 2002 le mauvais élève de l’Europe, sera en 2008 au premier rang européen, avec un taux d’incorporation des biocarburants de 5,75 %. Cette politique nous permettra en outre de favoriser l’emploi, à travers la création sur tout le territoire d’usines de production de bioester et d’éthanol.

Enfin, comme le savent tous ceux ici qui s’intéressent plus particulièrement au développement de notre agriculture, nous donnons ainsi à nos agriculteurs une nouvelle raison d’espérer : non seulement cette politique suppose l’exploitation d’importantes surfaces agricoles, mais en outre elle rénovera l’image de l’agriculture française, puisqu’elle deviendra le secteur d’activité qui fournit au pays une partie de plus en plus importante de l’énergie dont il a besoin.

Je tiens encore une fois à remercier le groupe UDF de son initiative de ce matin, qui a permis de poser les termes d’un débat dont le Gouvernement reconnaît la nécessité. Cependant toutes les raisons que je viens de rappeler rendent inutile la création d’une telle commission d’enquête : il serait même à craindre, si on en croit un avis assez répandu dans les milieux agricoles, que sa mise en œuvre ne crée un climat de suspicion susceptible de retarder encore le processus.

En un mot, tout en remerciant la représentation nationale pour l’intérêt du débat de ce matin, je lui demande de ne pas donner suite à cette proposition, en dépit de la qualité de ses auteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur les conclusions
de rejet de la commission

Mme la présidente. La commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ayant conclu au rejet de l’article unique de la proposition de résolution, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 2, du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

Sur le vote des conclusions de rejet de la commission, je suis saisie par le groupe UDF d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote sur ces conclusions de rejet, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, il ne faut pas manquer cette occasion unique de montrer à nos concitoyens qu’une politique en faveur des biocarburants fait consensus au sein de la représentation nationale, toutes tendances confondues. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Marc Nudant. Provocation !

M. Charles de Courson. Notre débat d’aujourd’hui porte sur l’utilité d’une commission d’enquête pour accélérer le développement des biocarburants. Nous avons pu remarquer, mes chers collègues, combien les propos de M. le ministre de l’agriculture étaient mesurés.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Comme toujours !

M. Charles de Courson. En la matière, monsieur le ministre, vous avez su vous montrer équilibré en vous gardant de tout argument excessif. Mais ce que vous avez dit n’est pas tout à fait exact : les milieux agricoles ne sont pas du tout hostiles à cette proposition.

M. Jérôme Bignon. La CGB, ce n’est pas « les milieux agricoles ». C’est l’expression du lobbying !

M. Charles de Courson. Ils sont au contraire favorables à cette commission d’enquête, comme le montre une lettre de la Confédération générale des planteurs de betteraves, la CGB, que j’ai reçue récemment, comme de nombreux collègues.

En effet, comme je le répète depuis plusieurs mois, le Gouvernement ne pourra atteindre les objectifs que nous poursuivons qu’avec l’aide d’une commission d’enquête, exerçant une pression politique vigoureuse sur les différents acteurs, en particulier les groupes pétroliers. Depuis vingt ans que je suis cette question, y compris l’heureux temps où j’appartenais à des cabinets ministériels, leur attitude n’a jamais varié : ils ont constamment cherché à freiner le développement des biocarburants.

Quelle image allons-nous donner de nous-même si nous votons contre cette proposition de création d’une commission d’enquête tout en reconnaissant d’une façon unanime la nécessité de développer la production de biocarburants ? Cela signifierait qu’une fois encore les actes ne suivent pas les discours.

L’intérêt de cette proposition est qu’une commission d’enquête dispose de moyens d’investigation, qui nous permettront de résoudre de nombreuses questions, notamment celles que j’ai soulevées dans mon intervention : est-il vrai par exemple que les groupes pétrolier ont privé le marché des bases essences éthanolables en les exportant aux États-Unis, comme nous l’ont raconté les représentants de certains distributeurs que nous avons auditionnés, et qui ont été obligés d’acheter des bases essences adaptées en Autriche ?

Seule une commission d’enquête a les moyens de répondre à ce genre de questions. Quand vous nous dites, monsieur le président Ollier, que vous êtes favorable à de telles investigations, mais non à la création d’une commission d’enquête, je vous réponds que sans commission d’enquête nous ne disposerons pas des moyens de ces investigations.

C’est pourquoi les députés du groupe UDF, ainsi que ceux du groupe de l’UMP qui ont cosigné cette proposition de résolution, jugent que la voter sera faire œuvre utile en matière de développement des biocarburants dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste.

M. David Habib. J’ai du mal à comprendre votre position, monsieur le ministre. Vous avez admis l’importance de ce débat, comme de nombreux orateurs de l’UMP, qui ont reconnu les blocages évoqués dans cette résolution. À cela s’ajoutent les vœux du président de l’Assemblée nationale, rappelés par M. Dosé, et il n’y pas un député dans cet hémicycle qui ne souhaite pas la revalorisation du Parlement.

Comment, dans ces conditions, – et je suis tout prêt à reconnaître votre volonté sincère de faire des biocarburants des ressources importantes de notre paysage énergétique – s’opposer à une demande de création d’une commission d’enquête qui nous permettrait d’atteindre des objectifs partagés et d’accompagner les politiques décidées par le Gouvernement ? Je crains que si nous laissions passer une telle opportunité, nous ne soyons jamais à la hauteur de ces enjeux.

C’est pourquoi, madame la présidente, le groupe socialiste votera cette proposition de résolution. Nous souhaitons, sur un sujet qui fait consensus, que les différents groupes de cet hémicycle trouvent un accord, et la proposition du président Ollier ne nous semble pas garante d’efficacité ni de nature à nous permettre d’atteindre les objectifs affichés en matière de ressources énergétiques renouvelables. En revanche, une commission d’enquête nous donnera les moyens de valoriser durablement les biocarburants dans notre pays et d’affirmer l’identité à la fois de notre agriculture et de notre tissu industriel, à un moment où l’enjeu énergétique est plus que jamais d’actualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

M. Serge Poignant. Je serai extrêmement bref, tout ayant été dit. Je vous rappellerai simplement, monsieur le rapporteur, que nous avons été tous d’accord pour demander au Gouvernement d’inscrire dans la loi d’orientation sur l’énergie l’objectif d’un taux d’incorporation des biocarburants de 5,75 %.

Un député du groupe Union pour la démocratie française. Il faut contrôler le respect de cet objectif !

M. Serge Poignant. Beaucoup d’avancées ont eu lieu depuis, qu’on ne saurait réduire à une litanie d’annonces.

Le groupe de l’UMP votera contre la création d’une commission d’enquête, qui ne constitue pas, à ses yeux, une réponse adaptée, et pour les conclusions de la commission des affaires économiques.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

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Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les conclusions de rejet :

L’Assemblée ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de résolution est rejetée.

Ordre du jour de l’assemblée

Mme la présidente. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au jeudi 2 mars inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous nous retrouverons cet après-midi, à quinze heures, pour recevoir M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qui s’adressera aux députés et répondra aux questions des orateurs des groupes parlementaires.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à dix-sept heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2709 rectifié, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 2771, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2765, de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente.)