Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 7 février 2006

138e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Égalité des chances

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

M. Alain Vidalies. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 2, du règlement de l’Assemblée et porte sur l’organisation de nos travaux, notamment sur la tenue d’une séance demain matin.

On nous a en effet indiqué qu’une séance se tiendrait demain matin pour continuer à débattre du projet de loi. Cela n’est pas conforme aux traditions de notre assemblée et, en outre, pose un véritable problème puisque des réunions de commissions, auxquelles nous devons assister, auront lieu en même temps.

Je participe moi-même à l’examen d’un texte sur les successions au sein de la commission des lois, où il est difficile de se faire remplacer. De plus, M. le ministre de la culture doit être auditionné par une autre commission. Tout cela paraît largement incompatible avec la tenue d’une séance publique demain matin. Je crains donc des difficultés.

M. le président. Monsieur Vidalies, permettez-moi simplement de vous faire remarquer que c’est la Conférence des présidents qui en a décidé ainsi et qu’il n’est pas en mon pouvoir de modifier ses décisions. En conséquence, il y aura bien une séance mercredi matin.

M. Maxime Gremetz. À quelle heure, monsieur le président ?

M. le président. Nous verrons cela tout à l’heure, monsieur Gremetz. Reste que la Conférence des présidents a délibéré puis statué ; il en est donc ainsi décidé.

M. Bernard Schreiner. C’est la démocratie !

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi et a commencé d’examiner les amendements portant articles additionnels après l’article 3.

Après l’article 3 (suite)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié portant article additionnel après l’article 3 a été présenté. Une large discussion a été organisée, au cours de laquelle chacun a pu s’exprimer.

Cet amendement fait l’objet d’une série de sous-amendements, dont les deux premiers, nos 53 et 114, sont identiques.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre le sous-amendement n° 53.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j’espère que, grâce à votre haute autorité, nous allons enfin pouvoir obtenir des réponses aux questions précises qui ont été posées au Gouvernement.

Ce sous-amendement confirme ce que nous avons déjà eu l’occasion de dire sur la nature du contrat première embauche et sur les motifs pour lesquels il est à rejeter en bloc. Il est important de revenir sur le dispositif envisagé et de démasquer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à le proposer.

En effet, ces raisons ne se réduisent pas au problème du chômage des jeunes – on le saurait – ni à la précarité de l’emploi puisque, cette précarité, vous l’aggravez à la puissance mille. Il y a autre chose : c’est le rêve du MEDEF, affiché et sans cesse répété, rêve que vous souhaitez accompagner et qui consiste à modifier en profondeur la structure du salariat.

Tous les rapports officiels le montrent : la pyramide des âges va être favorable à l’emploi dans les dix ans à venir. Le « souci » n’est donc plus uniquement de créer de l’emploi : selon les estimations, 600 000 emplois seront libérés en raison des départs à la retraite, tous les ans pendant cinq ans, pour un total de 7,5 millions d’ici à 2015. C’est un fait, ce n’est pas moi qui ai réalisé ces études de prospective, mais bien vos ministères et tous les instituts d’études compétents.

La question est donc est de savoir quelle sera la nature de ces emplois, pour le moment majoritairement des CDI. Je rappelle qu’à l’heure actuelle, sur 22 millions de salariés, plus de 18 millions – tout de même ! – se trouvent en CDI. Les autres sont en CDD ou en contrat précaire – et je précise que ces chiffres non plus ne sont pas de moi. Ce sont par conséquent des emplois stables et durables qui vont se libérer. C’est cela que vous voulez transformer avec le contrat première embauche pour les jeunes, après vos essais avec le contrat nouvelle embauche.

Voilà votre objectif inavoué – le même que celui du MEDEF – qui guide votre action. Quel bonheur cela serait pour Mme Parisot et vous-mêmes de modifier le CDI en contrat de deux ans maximum, révocable à tout moment, tous les jours ! Contrat de ce point de vue moins protecteur qu’un CDD, car, si la durée d’un contrat première embauche peut paraître plus longue, ce n’est qu’en théorie puisque la rupture sans justification peut intervenir à tout instant, ce qui n’est pas possible avec un CDD, dont la durée est fixée au moment de la signature. De même, la rupture d’un CDD avant terme ainsi que les conditions de son renouvellement sont plus contraignantes que pour le CPE.

Non, véritablement, votre objectif est de dynamiter le contrat à durée indéterminée pour que, contrairement à aujourd’hui, il ne s’impose plus comme la norme du contrat de travail.

Des ballons d’essai existent déjà avec la multiplication des CDD, des emplois aidés et des emplois précaires proposés, notamment, aux entrants sur le marché du travail. Aujourd’hui, en effet, trois offres sur quatre sont précaires.

M. André Schneider. C’est comme pour vos collaborateurs !

M. Maxime Gremetz. Que constate-t-on ? Ces contrats touchent une même frange de population, malheureusement trop importante : celle des jeunes peu ou pas qualifiés qui entrent sur le marché du travail, ou alors des salariés qui ne parviennent jamais à sortir de la succession de ce genre de contrats.

Vous avez déjà gagné cette triste bataille. Maintenant, il vous faut aller plus loin encore, en vous attaquant aux 18 millions de salariés en CDI qui seront remplacés. Ce fut le sens du contrat nouvelle embauche, limité aux entreprises de moins de vingt salariés, mais qui, à la demande du MEDEF, sera étendu à toutes les entreprises.

Or une étude vient de montrer que, contrairement à ce que vous indiquez, le CNE n’a pas créé 280 000 emplois puisque l’essentiel – les trois quarts – étaient dus à un effet d’aubaine, ces emplois devant de toute façon être créés.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. On observe déjà la perversion de ce contrat. Selon une étude, 35 % des CNE signés l’ont été pour des salariés qui travaillaient déjà dans l’entreprise.

M. le président. Merci, monsieur Gremetz…

M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président, pour rappeler que, parmi les entreprises qui vous sont acquises, 71 % de celles qui ont signé des contrats nouvelle embauche auraient embauché de toute façon, et 40 % en CDI. Vous avez donc donné à ces entreprises l’occasion d’avoir des salariés précaires en plus.

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. J’ajoute un dernier mot, monsieur le président.

Lors de sa conférence de presse, M. le Premier Ministre a reconnu bien malgré lui cet effet d’aubaine. Il a admis que le tiers des CNE étaient des créations d’emplois, ce qui signifie a contrario que les deux tiers restants sont dus à un effet d’aubaine. C’est une réalité incontournable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre le sous-amendement n° 114.

Mme Martine Billard. Ce sous-amendement vise à supprimer les trois premiers alinéas de l’amendement du Gouvernement, c’est-à-dire, en fait, à refuser la création du CPE.

Prenons l’explication donnée sur le site du ministère de l’emploi, qui met en avant le taux de chômage des jeunes. Comme on peut le lire aussi dans l’exposé des motifs de l’amendement, le taux de chômage des jeunes actifs atteint 23 % contre 9,6 % pour l’ensemble de la population. Sauf qu’on compare les jeunes dont une bonne partie est encore scolarisée avec l’ensemble de la population pour laquelle le taux d’activité est bien plus important.

Si rien de ce que vous dites en l’occurrence n’est faux, votre manière de présenter les chiffres vous permet de faire très peur, d’affirmer que le taux de chômage des jeunes est très fort. Il est vrai que ce taux est important et qu’il faut lutter pour le diminuer, mais vous aggravez artificiellement la situation par votre présentation de la réalité, pour mieux justifier ensuite la création d’emplois précaires.

Sur le même site, on nous explique que les jeunes sont confrontés à la précarité et rencontrent des difficultés pour se loger, voire pour se soigner, sources d’angoisse et de frustrations. Or on nous fait croire qu’avec le CPE, terminées les frustrations, terminées les angoisses ! Évidemment, si le CPE signifiait qu’on était employé pour deux ans assurés, on pourrait soutenir qu’il est plus intéressant qu’un CDD de six mois. Mais qu’en serait-il dans l’hypothèse d’un CPE réduit à un mois ? Rien n’empêcherait en effet un employeur de rompre le contrat de travail au bout d’un mois.

Aussi, quand vous nous dites, messieurs les ministres, que le CPE est plus intéressant que tout ce qui existe aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas vrai. Certes, le CDD ne représente pas une bonne solution puisqu’on ne sait pas ce qui se passe après. L’intérim et les stages ne constituent pas non plus la bonne solution. Reste qu’avec un CDD on sait au moins que, pendant telle période, on ne risque pas d’être licencié. Pour qu’un employeur rompe un CDD, il faut quand même que le salarié ait commis une faute grave – le salarié n’a, d’ailleurs, pas non plus le droit de rompre le contrat.

L’être humain est ainsi fait qu’il a besoin de pouvoir se projeter sur une période donnée. S’il a un CDD de six mois, par exemple, il sait qu’il disposera de six mois et qu’il lui faudra ensuite chercher un autre emploi si son contrat n’est pas renouvelé. Avec le CPE, il ne saura rien.

Messieurs les ministres, ce gouvernement pourrait obtenir le prix de l’invention en matière de vocabulaire. En effet, parler d’une période d’essai de plus de six mois nous mettrait en difficulté avec la Cour de cassation et avec les Cours européennes ; aussi avez-vous créé une nouvelle notion, appelée « période de consolidation ».

Il va donc falloir créer toute une jurisprudence sur cette période de consolidation. À tel point d’ailleurs, monsieur le ministre de l’emploi, que, sur le site de votre ministère…

M. François Brottes. Ils ne vous écoutent pas, les ministres !

Mme Martine Billard. Et pourtant, ils devraient car il va bien falloir qu’ils prennent position !

Le site du ministère, disais-je, présente comme fausse l’idée selon laquelle la situation des femmes enceintes se trouverait directement menacée par le CPE, leur employeur pouvant les licencier sans motif durant la période d’essai. Mais votre texte est si clair que la commission a jugé utile d’adopter un amendement pour préciser que les femmes enceintes ne pourraient pas être licenciées pendant la période de consolidation.

En effet, au regard du droit actuel, une femme enceinte ne peut pas être licenciée en période d’essai. Mais, puisque vous nous expliquez qu’il ne s’agit pas d’une période d’essai, l’employeur peut licencier une femme enceinte à moins de réviser toute la jurisprudence en vigueur ! Ce qui prouve bien que vous ne vous trouvez pas dans une situation aussi claire que cela.

M. Jean-Pierre Nicolas. Débranchez-la !

Mme Martine Billard. Plusieurs de nos collègues l’ont déjà dit : il va dès lors falloir créer une jurisprudence sur cette nouvelle catégorie de contrat de travail, inconnue jusqu’à présent, afin de savoir si l’on a affaire à une période d’essai ou si l’on se trouve dans une situation invraisemblable où le droit actuel ne peut s’appliquer.

Voilà pourquoi je refuse la création du CPE.

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l’avis de la commission sur les deux sous-amendements identiques.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Dans les premiers alinéas de l’amendement, il y a une injustice flagrante, y compris dans la logique de la majorité.

Le deuxième alinéa indique en effet que votre contrat pour les jeunes n’est pas autorisé dans les entreprises de moins de vingt salariés. Or qu’est-ce qui justifierait que des petites entreprises ne puissent pas employer de la main-d’œuvre jeune ? Y aurait-il une raison pour laquelle vous ne voulez-vous pas que les jeunes aient accès à ces entreprises, pourtant très nombreuses sur notre territoire ?

Je pose cette question, mais vous savez pertinemment que j’ai la réponse : il vaut mieux répondre à votre place car, généralement, soit vous n’écoutez pas, soit vous ne répondez pas !

M. le président. Alors, répondez tout de suite, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Oui, monsieur le président et je sais que vous écoutez vous-même avec attention !

M. le président. Je vous écoute toujours avec attention…

M. François Brottes. Je vous en remercie, monsieur le président !

M. le président. …et pas avec impatience !

M. Yves Nicolin. Et pourtant !

M. François Brottes. La réponse, monsieur le ministre, que vous m’apporteriez est que les entreprises de moins de vingt salariés peuvent recourir au CNE. Or ce CNE n’est pas réservé aux jeunes, mais à l’ensemble des salariés. C’est la démonstration que, si vous instaurez un contrat pour l’emploi des jeunes uniquement pour les entreprises de plus de vingt salariés, c’est parce que, pour les entreprises de moins de vingt salariés, il existe déjà un contrat, adopté dans les conditions que l’on sait – par ordonnance – assorti, lui aussi, d’une période d’essai de deux ans et instaurant une précarité généralisée, mais pour toutes les classes d’âge. Les jeunes sont donc déjà compris dans le CNE. Voilà la raison pour laquelle vous n’avez pas éprouvé le besoin dans votre projet de cibler les petites entreprises pour qu’elles bénéficient du contrat réservé aux moins de vingt-six ans.

De cette façon, je réponds à votre place et à une question posée tout à l’heure, notamment par Laurent Fabius. Votre intention est de généraliser la période d’essai de deux ans puisqu’elle existe déjà pour les entreprises de moins de vingt salariés. Votre projet de CPE est un aveu : vous réservez aux entreprises de plus de vingt salariés le contrat première embauche parce, dans les entreprises de moins de vingt, il existe déjà un dispositif qui fragilise les salariés et qui n’est pas réservé seulement aux jeunes, mais qui est ouvert à tous : je veux parler du contrat nouvelle embauche !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 53 et 114.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous n’avons pas eu le temps de discuter les sous-amendements !

M. le président. Je vous en prie ! Essayons de donner une bonne image du Parlement : parlons lorsque cela vaut la peine et avançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis saisi d'un sous-amendement n° 98.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Je suis un peu surpris de ce démarrage de discussion car, tout à l’heure, nous n’avions pas fini la discussion générale sur l’amendement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Gaëtan Gorce. Nous avons interrogé le Gouvernement sur la procédure qu’il entendait suivre et souhaitions que la discussion puisse avoir lieu d’une manière suffisamment fractionnée pour que chacune des questions de fond que pose cet amendement puisse être examinée. Nous avons centré nos observations uniquement sur ce point, sans discuter au fond. Je souhaiterais donc que, sur les sous-amendements, nous puissions avoir le temps d’exposer nos arguments, ce que nous n’avons pas pu faire dans la discussion initiale, laquelle n’a porté, je le répète, que sur des questions de procédure, qui n’étaient pas minces.

J’en viens au fond : la création du CPE. Encore faut-il que le CPE soit un contrat justifié par lui-même, et nos collègues communistes et Verts ont expliqué, à travers leur amendement de suppression, que cette proposition ne leur paraissait pas forcément fondée.

Si l’on met en place un nouveau contrat, c’est parce que l’on considère que les précédents n’ont pas forcément atteint leur objectif, ou que l’on pense que celui-ci va être plus efficace. Et c’est là que le débat est particulièrement intéressant. Les précédents contrats ont-ils été efficaces et ont-ils atteint leur objectif ? Justifient-ils une nouvelle mesure ? De ce point de vue, on peut s’interroger, monsieur le ministre. Si l’on fait le bilan de votre politique depuis 2002 sur ce sujet – et il conviendrait de commencer par une évaluation de ce qui a été fait –, on ne peut exprimer que des interrogations. Vous nous avez répété – comme le Premier ministre lorsqu’il est là, c’est-à-dire lorsqu’il n’a pas de contradicteur – que la situation ne pouvait pas justifier l’immobilisme. Pardonnez-moi, monsieur le président, le Premier ministre n’est pas là, mais je peux tout de même faire allusion à sa personnalité ; j’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénient.

M. le président. Je suis très tolérant !

M. Gaëtan Gorce. Je vous en remercie !

M. le président. J’ai été dans l’opposition, dans la majorité. Ça va, ça vient ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. J’ai apprécié à l’époque votre énergie dans l’opposition, monsieur le président, et j’essaie de m’en inspirer !

Pour répondre à la question posée – la situation d’aujourd’hui justifie-t-elle de nouvelles mesures ? –, faisons le bilan de l’emploi depuis 2002 et regardons les chiffres.

M. Guy Geoffroy. Ça baisse !

M. Gaëtan Gorce. Depuis 2002, plus de 30 000 jeunes sont venus grossir les chiffres du chômage des seize-vingt-cinq ans ; c’est le bilan de votre politique. Regardons maintenant plus précisément les mesures que vous avez prises. Je constate, et je souhaiterais une réponse précise sur ce point, que votre gouvernement a supprimé plus de 160 000 emplois dont les jeunes auraient pu bénéficier directement. Nous devons avoir une explication sur ce point car on ne peut pas empiler les mesures sans faire le bilan de celles qui existent ! Je suis prêt à reprendre avec vous, mesure par mesure, celles qui pouvaient exister et créer des emplois en 2002, et celles qui existaient en décembre 2005, et les emplois correspondants. Il en ressort un déficit de 160 000 emplois. Certains de mes collègues n’approuvent naturellement pas, je le vois ! Moi, je souhaiterais que le Gouvernement nous donne précisément ses chiffres ! Si je mets bout à bout l’ensemble des dispositifs – contrats en alternance, contrats d’apprentissage, emplois-jeunes et contrats-jeunes –, j’arrive à un déficit de 160 000 emplois, ce qui est incontestable !

J’aimerais donc, d’abord, que le Gouvernement le constate avec nous et qu’il nous donne une réponse sur ce point.

J’ajoute que, si nous voulons pouvoir travailler efficacement, il faut aussi que nous puissions partir de données qui soient justes. J’évoquais celles sur les suppressions d’emplois qui auraient pu bénéficier aux jeunes. J’ai été frappé tout à l’heure par une remarque de M. Borloo qui, prenant la parole avec une énergie visant plus à contrer l’opposition qu’à justifier son texte, nous a indiqué que 80 % des jeunes de seize à vingt-cinq ans étaient au chômage ou en situation précaire. J’aimerais que le ministre nous donne la source de ce chiffre. Pour ma part, je ne dispose que de quelques malheureuses données, notamment de l’INSEE, sur les seize–vingt-neuf ans et je n’arrive pas du tout à ce résultat. En faisant le total pour les seize-vingt-neuf ans, entre le chômage et l’emploi précaire, j’arrive à 40 %, ce qui est encore beaucoup, mais moitié moins !

Monsieur le ministre, n’imaginant pas que vous puissiez présenter à l’Assemblée des chiffres non confirmés, je serais heureux de vous entendre préciser vos sources. Mais avant tout, répondez-nous sur les emplois que vous avez supprimés sur l’ensemble des emplois aidés et qui expliquent, pour une part, le chômage des jeunes : 160 000 emplois de moins depuis 2002, financés sur les budgets de la majorité que nous étions alors !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je souhaiterais répondre à la commission, monsieur le président.

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement n’a pas répondu à M. Gorce !

M. Alain Vidalies. Nous avons engagé ce débat sur la base d’informations partagées dans l’opinion publique et de chiffres que nous commentons les uns et les autres sur le taux de chômage des jeunes, chiffres très largement utilisés et montrant que le chômage des jeunes, sur la base de ce que vient de dire Gaëtan Gorce, a évolué et est passé de 19 à 22 %. Et on commente cette évolution. Mais mon observation ne portera pas sur ce point, car ces chiffres sont faux, tout le monde le sait, et les comparaisons utilisées ne correspondent pas à la réalité.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Quel est le problème ?

En France, parmi les populations entre quinze ans et vingt-six ans, beaucoup plus de jeunes continuent leurs études et sont donc exclus de la masse sur laquelle on calcule le pourcentage des jeunes au chômage.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Il suffit de se rapprocher de l’étude publiée par l’OFCE, et notamment des articles de M. Cornilleau, que je vais citer car je pense que cela fait partie du débat et pourra faire avancer les choses.

M. Cornilleau relève un malentendu : « Quand on entend ce chiffre de 22,8 % des jeunes au chômage, on peut imaginer que près du quart des jeunes recherche un travail. » C’est souvent ce que pensent nos concitoyens. « Ce qui est faux. Ici, le taux de chômage ne signifie pas grand-chose car le taux d’activité des quinze–vingt-quatre ans est faible. » Le taux de chômage se calcule par rapport à la population active, personnes en emploi et au chômage. Or le taux d’activité des quinze-vingt-quatre ans en France n’atteint que 37,5 % contre 67,4 % au Royaume-Uni. Cette faible activité peut être due au découragement. Il paraît plus important de comparer les taux de chômage par rapport à l’ensemble des quinze-vingt-quatre ans. Ce chiffre, précise M. Cornilleau, « atteint 7,9 % en France, ce qui est proche de la moyenne européenne, à 7,5 %, et du Royaume-Uni, à 7,3 %. Le problème du chômage des jeunes en France est concentré sur un petit nombre d’entre eux sans qualification ou peu qualifiés. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. N’importe quoi ! Et le chômage des jeunes diplômés ?

M. Alain Vidalies. Nous allons utiliser ces arguments-là au fur et à mesure du débat !

Suivent ensuite les chiffres du chômage et les comparaisons qui sont normales sur la base de ce calcul admis par tout le monde, et qui montrent bien que nous n’avons pas un problème majeur par rapport à l’ensemble des autres pays : nous avons un problème spécifique, à savoir qu’une partie des jeunes dans notre pays, ceux qui sortent sans aucune qualification du système scolaire, met très longtemps pour entrer dans la vie active.

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. Alain Vidalies. Ce qui explique l’autre contradiction qui est aussi très largement utilisée par le Gouvernement – mais tous ces débats sont engagés sur des chiffres qui sont faux – : les fameux onze ans relevés par la DARES. En fait, ce n’est pas onze ans pour tous ces jeunes puisqu’ils sont déjà dans la vie active, mais c’est le moment où l’on constate qu’une génération a retrouvé le même niveau de chômage que la génération précédente. Il y a deux explications. La première : toute une génération évolue en même temps, et la remarque du Gouvernement citant les onze ans a un sens. Par contre, l’autre explication qui ressort de toutes les études, de celle de l’OFCE, mais aussi de celle du CEREQ, votre propre instrument de mesure, est de dire : non, il y a un décalage, un décrochage très fort entre une fraction d’une génération et le reste. Tout le reste arrive à s’intégrer sur deux ou trois ans, et les onze ans s’expliquent, en fait, parce qu’une partie reste très longtemps en dehors. C’est à cette problématique qu’il fallait répondre, et pas par une mesure générale comme celle que vous nous proposez.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis heureux d’entendre M. Vidalies car, depuis un petit moment, nous nous inquiétions de la situation des jeunes, du chômage et de la précarité des jeunes.

M. Jean-Pierre Blazy. Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Or il vient de nous expliquer qu’on se trompait, qu’il n’y a que 7 % de chômeurs chez les jeunes français ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Catherine Génisson. Il faut avoir un débat serein !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Grâce à vous, monsieur Vidalies, je vais passer une très bonne soirée.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est de l’esquive !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. On ne peut comparer le taux d’activité, qui est juste, et le taux de chômage, qui, je vous l’accorde, est intellectuellement pertinent.

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas correct !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce n’est pas correct ? Ce n’est pas moi qui ai dicté son intervention à M. Vidalies. Vous ne pouvez pas passer la journée à nous répéter que nous créons un contrat précaire, alors que nous luttons simplement contre l’intérim, les CDD et les stages, et, à vingt-deux heures quinze, nous expliquer que tout va bien, qu’il n’y a, en France, que 7,5 % de chômeurs de moins de vingt-six ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans quel monde vivez-vous ? Où le parti socialiste a-t-il vu cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n’y aurait donc que 7,5 % de chômeurs chez les jeunes ? C’est de la folie !

Monsieur Vidalies, ressaisissez-vous. Vous avez raison, le taux d’activité n’est pas le taux de chômage, et je vous en donne acte. Mais le taux de chômage et de précarité des jeunes, excusez-moi de vous le dire, n’est pas de 7,5 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Et excusez-moi de vous dire qu’on attend autre chose d’un ministre ! Ce n’est pas un prétoire, ici ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Si nous avions eu à examiner un projet de loi − et non un simple amendement − sur le CPE, nous aurions pu avoir ce débat préalable en commission et délimiter ainsi le champ de notre réflexion. Il faut toujours recourir aux mêmes paramètres et ne pas en changer…

M. Henri Emmanuelli. Quand ça vous arrange !

M. Alain Vidalies. …au gré des circonstances. Soit on se réfère au taux de chômage des jeunes, soit on se réfère à la proportion de jeunes au chômage par rapport à l’ensemble des jeunes actifs.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est du baratin !

M. Alain Vidalies. Non, ce sont les textes de l’OFCE. Il vaut mieux préciser ce dont on parle. Quand on étudie la situation des autres pays, on voit que la problématique est souvent la même. Mais il peut y avoir des nuances : ainsi, en Allemagne, il y a moins de jeunes au chômage qu’en France parce que, chacun le sait, les jeunes en formation en alternance y sont beaucoup plus nombreux.

M. Yves Nicolin. Cinq millions de jeunes allemands au chômage ! Merci Schröder !

M. Alain Vidalies. Ce constat, qui aurait pu être partagé, débouche sur une solution ciblée en alternance pour ces jeunes-là, et non pas sur une solution généralisée.

M. Henri Emmanuelli. Qui précarise tous les jeunes !

M. Alain Vidalies. C’est là ce qui, dans ce débat, nous sépare. Je n’accepte pas, monsieur le ministre, que vous caricaturiez notre raisonnement.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je ne caricature pas !

M. Alain Vidalies. Nous essayons d’apporter une solution à un problème spécifique. Vous utilisez les chiffres tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre : c’est que, en réalité, ils vous servent de prétexte pour créer d’abord le CNE, ensuite le CPE et bientôt − puisque vous n’avez pas nié que telle est bien votre intention − vous diriger vers la généralisation de ce contrat unique que le Premier ministre appelle de ses vœux.

Assumez politiquement le choix de la précarité, mais ne venez pas me reprendre sur ce ton et avec de tels arguments : c’est vous qui n’êtes pas à la hauteur du débat que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 98.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 99.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur Vidalies a mis le doigt sur un sujet essentiel. Il est indéniable que vous cherchez à imposer une mesure générale en invoquant divers prétextes et en ignorant les situations particulières. Je suis frappé qu’il n’y ait, dans le rapport, pratiquement aucun élément concernant la situation des jeunes. Il est vrai que le rapporteur a eu peu de temps pour examiner l’amendement et que nous n’en avons pas discuté en commission : il est donc normal que nous le fassions maintenant.

Les données fournies par vos propres services, le CEREQ, la DARES et l’INSEE, reconnaissent que la situation de précarité est extrêmement grave pour une partie de la jeunesse. Pour une part, vous en portez la responsabilité et il est paradoxal que vous en fassiez drapeau aujourd’hui − mais c’est la stratégie que, au bout de quatre ans, vous avez choisie. Toujours est-il que, si la situation est grave pour beaucoup de jeunes, elle n’est pas aussi noire pour nombre d’autres jeunes. Il faut d’ailleurs s’en féliciter, car, sans cela, ces jeunes et, de manière générale, tous les salariés auraient réagi de toute autre façon.

Dans son étude sur la « Génération 2001 », le CEREQ a suivi l’évolution des jeunes pendant trois ans : 270 000 d’entre eux bénéficient d’un CDI dès leur premier emploi, ce qui veut dire que la majorité n’en a pas. Avec le CPE, ces 270 000 jeunes qui, jusqu’à présent, entraient dans l’emploi avec un CDI y entreront avec un CPE. Autrement dit, au lieu d’avoir les garanties qu’offre le CDI, ils auront la précarité que leur assure le CPE. Est-ce ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ? En quoi cela aura-t-il fait évoluer la situation des 160 000 jeunes les plus en difficulté, ceux qui, chaque année, sortent du système scolaire sans qualification ?

Vous voulez nous faire croire que ces jeunes, qui ne maîtrisent pas toutes les connaissances, et parfois même pas les connaissances fondamentales, vont pouvoir entrer directement dans l’entreprise par le biais du CPE ? Vous avez déjà tenu ce raisonnement avec le contrat-jeunes et, comme cela n’a pas marché, vous avez été forcé de le modifier à deux reprises : en 2002, vous avez fait voter un contrat réservé aux jeunes de moins de vingt-deux ans de niveau 5 bis et 6, c’est-à-dire les moins qualifiés, mais vous avez dû remonter la limite jusqu’à vingt-cinq ans. Vous avez reconnu que ces emplois étaient plutôt occupés par des jeunes qualifiés, ceux-là mêmes que vous allez envoyer sur le CPE, sans apporter pour autant de solutions à ceux qui ne sont pas qualifiés.

Dans le meilleur des cas, vous commettez une erreur de diagnostic qui, à son tour, vous conduit à commettre une faute à l’égard du droit du travail et à l’égard des jeunes. Avec le CPE, vous allez précariser tous ceux qui ne le sont pas − vous noircissez le tableau à dessein − sans apporter aucune solution à ceux qui sont le plus en difficulté et pour lesquels il faudrait au contraire des dispositifs spécifiques, combinant une protection, une rémunération, un accompagnement et une formation.

Pour finir, je voudrais reprendre les chiffres de l’INSEE. Nous discutons en nous fondant sur des préjugés et il vaudrait mieux s’appuyer sur des données. Il se trouve que vos services nous permettent de travailler sur de bonnes bases. L’INSEE vient de publier son rapport de janvier 2006 sur la situation des jeunes : 58 % des jeunes actifs en 2003 ont occupé un CDI quatre trimestres d’affilée. C’est beaucoup moins que la moyenne des salariés, et vous avez raison de le dire, même si vous en portez la responsabilité, mais ces 58 % sont condamnés, demain, au CPE. Quant aux 42 % qui restent, ils ne bénéficieront pas d’une insertion professionnelle que le CPE n’est pas en mesure de leur apporter.

Ce que nous voulons, c’est avoir avec vous ce débat, et non une polémique pour déterminer qui est archaïque et qui est moderne. Permettez-moi de vous dire que, en faisant reculer le droit du travail, vous n’êtes certainement pas du côté des plus modernes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. M. Gorce s’inquiète du trop petit nombre de chiffres figurant dans mon rapport. La commission a bien sûr pris connaissance des études qu’il a citées ou qu’évoquait M. Vidalies. Je propose de retenir trois chiffres.

Celui de 8 % que vous avez calculé, monsieur Vidalies, pourrait convenir à tout le monde. D’autres États européens sont seulement à 4. On retrouve ici la distorsion décrite dans l’étude de l’OFCE, que vous avez également citée. L’écart avec les pays qui ont les meilleurs résultats en matière d’emploi des jeunes reste le même.

Le deuxième chiffre que vous avez cité est beaucoup plus important. Le taux d’activité des seize à vingt-cinq ans englobe non seulement ceux qui travaillent, mais aussi ceux qui suivent une formation en alternance ou ceux qui, pendant leurs études, travaillent à temps partiel ou pendant les vacances. C’est, d’une certaine manière, la capacité que nous avons à préparer la jeunesse à la vie active. Le décrochage français est notoire, puisqu’il oscille entre 27 et 35 % selon les années, alors que la plupart des pays européens sont entre 60 et 70 %. Mais ceux-ci ont développé, beaucoup plus qu’en France, la formation initiale en alternance, et ont misé, comme nous sommes en train de le faire, sur l’apprentissage et sur toutes les formations qui alternent le théorique et le pratique.

Un troisième chiffre, que vous n’avez pas cité et qui nous est fourni par la DARES, illustre la précarité des jeunes dans l’emploi : 90 % des jeunes de seize à vingt-cinq ans sortent de l’emploi moins de six mois après avoir été embauchés. Cela s’explique bien sûr par l’accumulation des stages, des CDD et de l’intérim. Mais les mêmes enquêtes montrent que 66 % des jeunes sortent de leur CDI − que vous estimez tellement protecteur − dans les trois premiers mois, la période d’essai, trop courte, ne permettant souvent pas aux jeunes de transformer l’essai. Vous devez aussi vous attacher à cet indice qualitatif qui mesure non pas les chances qu’a le jeune de trouver un emploi, mais celles qu’il a de rester durablement dans cet emploi. C’est ce chiffre, exposé longuement lors de la présentation du rapport, mardi dernier, qui me paraît déterminant et qui justifie le contrat première embauche. La période d’essai doit être suffisamment longue pour permettre la consolidation.

Quant au sous-amendement n° 99, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, la majorité parle peu et essaie, suivant votre recommandation, de le faire chaque fois qu’elle a quelque chose d’intéressant à dire.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est la chambre à coucher !

M. Alain Joyandet. Elle s’en tiendra à cette ligne de conduite pendant tous nos travaux, j’en suis sûr.

Le débat de fond qui s’engage est sérieux. J’écoute avec le plus vif intérêt les arguments qui sont avancés, car nous abordons les fondements mêmes des mesures proposées par le Gouvernement.

Certes, monsieur Gorce, on peut toujours douter de l’efficacité de telle ou telle mesure et redouter les effets d’aubaine. Certes, on peut imaginer que, sur 280 000 personnes ayant signé un CNE, 180 000 ou 190 000 seraient tout de même entrées dans un emploi directement en CDI. Je comprends bien cet argument, mais face à une situation complexe, il n’y a pas de solution simple. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement propose des solutions et l’on constate que, d’après la DARES − puisque c’est une de vos références −, entre décembre 2004 et décembre 2005, le taux de chômage officiel est passé de 10 % à 9,5 %. On peut toujours se dire que, si l’on n’avait rien fait, le chômage aurait peut-être baissé naturellement. Force est de constater que les contrats divers et variés qui ont été signés ont conduit globalement à cette baisse du chômage.

Mme Martine Billard. Mais le nombre de RMIstes a augmenté !

M. Alain Joyandet. Pour lutter contre le chômage, on combine le traitement social − je n’ai pas peur d’en parler − et le traitement économique. Au total, le chômage a baissé.

Il me paraît normal que, lorsque les chiffres ne sont pas bons et que le chômage augmente, vous nous le reprochiez : vous ne faites là que votre devoir d’opposant. Encore faudrait-il, quand les chiffres s’améliorent, que vous le reconnaissiez.

M. Jean-Pierre Blazy. Pour quelle raison s’améliorent-ils ?

M. Alain Joyandet. Depuis huit à neuf mois, vous avez voté systématiquement contre toutes les mesures que nous avons proposées pour essayer d’atteindre telle ou telle cible particulière. On ne peut pas tout vouloir et son contraire. Vous pouvez critiquer certaines mesures, mais on ne vous entend guère expliquer comment il faudrait faire autrement. Toujours est-il que, mesure après mesure, depuis un an, le chômage baisse, ce qui est mieux que quand il augmente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Et ça ennuie l’opposition !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Yves Bur. Lui aussi, ça l’ennuie !

M. Maxime Gremetz. Je ne veux pas m’empêtrer dans les chiffres, mais je vais en donner quelques-uns, puisque M. Joyandet m’en offre l’occasion.

Si toutes les études qui sont faites ne valent rien, il faut le dire aux Français. Les chiffres du ministère de l’emploi, nous dit-on, ça ne vaut rien. Mais ça ne vaut rien quand ça ne vous arrange pas !

Je vais donner les chiffres d’une étude concernant le CNE et qui date du 11 janvier 2006 : « 29 % des entrepreneurs interrogés déclarent qu’ils n’auraient pas embauché sans l’existence du CNE, alors que 71 % auraient de toutes les façons recruté, dont 40 % en CDI et 28 % en CDD. La rupture du CNE intervient dans 44 % des cas à l’initiative du chef d’entreprise. Pour les dirigeants ayant recours au CNE, ce contrat est d’abord vu comme une possibilité d’embaucher sans prendre de risque si l’activité ralentit. »

Mais prenons d’autres chiffres dont on parle peu. Comme pour les contrats nouvelles embauches, on va encore, pour soutenir le CPE, contrat précarisé au maximum,...

M. Jean-Marc Lefranc. Maxime !

M. Maxime Gremetz. ...prévoir de nouvelles exonérations de cotisations patronales. Alors que le CNE profite aux petites et moyennes entreprises, le CPE va ainsi profiter cette fois aux entreprises de plus de vingt salariés.

M. Éric Diard. Encore le MEDEF !

M. Maxime Gremetz. Cela signifie que les multinationales du CAC 40 vont avoir droit au CPE !

M. Yves Bur. C’est Gremetz l’archéo qui parle !

M. Maxime Gremetz. Alors que, déjà, elles délocalisent et restructurent à tout va, les exonérations de cotisations patronales qui accompagnent le CPE, et qui vont leur permettre de licencier, vont leur donner encore plus de possibilités ! (« Allez ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Regardez donc les chiffres !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 99.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 100.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.

M. Alain Vidalies. Le débat sur le fond commence à avoir lieu, et je remercie M. le rapporteur d’avoir, malgré la difficulté de sa position, plus que nuancé les propos enflammés du ministre.

M. Jean-Pierre Blazy. Qui n’est plus là !

M. Henri Emmanuelli. Cela vaut mieux !

M. Alain Vidalies. Alors que ce dernier est tout de même en charge de ce domaine, il a déclaré – le procès-verbal en fera foi – en réponse aux chiffres que j’avançais, qu’il y aurait dans le pays 80 % de jeunes en difficulté. C’est probablement le seul chiffre qui lui ait paru susceptible de justifier l’horreur qu’est le CPE (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ce qui montre combien il a lui-même de difficultés à le défendre ! Tout cela n’est pas très sérieux, et ce que dit M. le rapporteur est beaucoup plus juste.

Nous nous situons, avec ce pourcentage, dans la moyenne européenne. Mais on raisonne là de façon globale. En effet, cette population est, dans notre pays, beaucoup plus en difficulté qu’ailleurs. Vous évoquez, pour résoudre ce problème, l’alternance ciblée. Nous sommes d’accord. C’était à cela qu’il aurait fallu réfléchir. Le problème, c’est que vous faites exactement le contraire !

Certains documents dont nous disposons permettent de bien éclairer nos débats. Ainsi, le CEREQ, organisme commun aux ministères du travail et de l’éducation, a procédé à une étude extrêmement intéressante qui consistait à déterminer ce qu’une génération, soit plus de 700 000 jeunes, devenait sur le plan professionnel trois ans après l’obtention des diplômes. Les chiffres qui portent sur deux générations, celle de 1998 et celle de 2001, ne font que confirmer la nécessité d’une approche nuancée des difficultés auxquelles ce projet est censé répondre : « Dans 36 % des cas, le premier emploi occupé par les jeunes de la génération 2001 est à durée indéterminée, contre 32 % pour la génération 1998. »

Ce pourcentage de 36 % peut sembler une bonne moyenne. Mais, à l’examiner dans le détail, il reflète une situation d’une tout autre nature puisque 76 % des jeunes sortis d’une école d’ingénieurs sont en CDI, ainsi que 50 % des diplômés bac+2. Et, évidemment, plus la qualification baisse, moins il y a de CDI pour les formations de niveau 5 ou pour les non diplômés.

Cette étude, publiée par vos propres services en 2004, ne fait que confirmer, comme bien d’autres études dont nous disposons également, que les situations sont spécifiques et que les problèmes doivent être traités de façon ciblée. Je pense que vous le savez, mais l’utilisation de chiffres globalisés est pour vous un bon prétexte pour essayer de faire passer une réforme en profondeur du code du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 100.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 101.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le défendre.

M. Gaëtan Gorce. Le silence du Gouvernement est éloquent :…

M. Yves Bur. À quoi serviraient des redites ?

M. Gaëtan Gorce. ...le ministre des affaires sociales fonde sa politique sur des erreurs de jugement et des approximations.

Il nous parle de 80 % d’une classe d’âge en situation précaire ou au chômage. C’est faux ! Les chiffres du CEREQ et de l’INSEE le démontrent. Trop de jeunes sont en situation précaire, mais pas 80 %. Il s’agit simplement de justifier une mesure pour précariser, comme vient de le démontrer Alain Vidalies, ceux qui sont pour le moment en contrat à durée indéterminée, soit à la sortie de la formation initiale, soit dans les quelques mois qui suivent. Les données sont disponibles et vous ne pouvez pas les contester.

Ce qui vous met dans l’embarras, c’est que, pour redresser la situation, il faudrait évidemment mener une politique globale. Mais vous ne vous en donnez pas les moyens parce que votre objectif est autre : la précarisation de tous les salariés avec, demain, la même chose que le CPE dans toutes les entreprises.

Pourquoi les jeunes connaissent-ils la précarisation ?

D’abord, parce que leur niveau de qualification est le plus souvent insuffisant. Ils sont en effet trop nombreux à sortir encore du système scolaire sans qualification. La réponse est pourtant simple : priorité à l’école et à l’enseignement professionnel ! C’est la proposition que nous défendons, au contraire de ce que vous faites.

Ensuite, parce que trop de jeunes ne restent pas de manière stable dans des emplois à durée indéterminée. La réponse se trouve pourtant dans les formations en alternance, qui permettent à la fois d’améliorer la qualification des jeunes et de les installer dans la durée, de manière plus solide, dans un emploi. Or, à examiner les divers contrats d’insertion en alternance, que constate-t-on ? On comptait 224 400 contrats de qualification, d’adaptation et d’orientation en décembre 2001. Même en y ajoutant les contrats de professionnalisation, nous sommes aujourd’hui à 138 442 – je me réfère en cela, monsieur Joyandet, aux chiffres de décembre 2005 qui laissent supposer une légère amélioration. Le déficit s’établit donc à plus de 85 000 emplois, chiffre dont vous portez directement la responsabilité. Que répondez-vous à cela ?

M. François Hollande. C’est effectivement accablant !

M. Gaëtan Gorce. Les contrats d’apprentissage, qui représentent sans doute une solution pour nombre de nos jeunes, se montaient, eux, à 386 000 environ en 2001. On en dénombrait autour de 380 000 en 2005, soit un manque de 5 500 à peu près.

La comparaison entre les emplois-jeunes et les contrats-jeunes est encore plus accablante pour vous. L’échec des contrats jeunes, que vous devriez d’ailleurs expliquer puisque vous devez maintenant chercher de nouvelles solutions, est patent : il en manque 70 000. Au total, ce sont plus de 160 000 de ces emplois que vous avez supprimés, et dont les jeunes auraient pu bénéficier sans ce nouveau contrat que vous n’arrivez pas à mettre en place.

M. Jean-Pierre Gorges. Le chômage baisse !

M. Henri Emmanuelli. La précarité et le RMI montent !

M. Gaëtan Gorce. Toutes ces mesures constituaient des solutions concrètes pour faire reculer le chômage des jeunes, sans recourir à une formule dérogatoire au droit du travail, qui va précariser les autres salariés. Vous devez vous expliquer sur ces chiffres comme sur ceux qu’Alain Vidalies a exposés.

M. Joyandet dit maintenant être pour le traitement social. La belle affaire ! Il a fallu quatre ans et demi pour que cette majorité s’aperçoive qu’elle avait, depuis 2002, commis une autre faute en supprimant systématiquement les crédits consacrés au traitement social du chômage. Précipitamment, avec trois plans d’urgence successifs, elle commence à se rendre compte que cette erreur, qui a coûté près de 100 000 emplois aidés et donc autant de chômeurs, est dramatique et qu’il faut la corriger. Certes, le budget correspondant a commencé, mais à peine, à augmenter depuis le milieu de cette année. Cependant, le déficit en emplois, lui, est bien là ! De cela, vous êtes comptables devant les jeunes de ce pays.

Avant de nous donner des leçons sur l’immobilisme ou la modernité, regardez plutôt la réalité de votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Faute de négociations en la matière et, aujourd’hui, de débat, certains éléments ont, me semble-t-il, échappé à tout le monde.

On a beaucoup parlé des non qualifiés, et je n’y reviens pas. Concernant les qualifiés, je prendrai l’exemple d’entreprises moyennes qui marchent bien depuis quelques années en offrant certaines prestations aux autres entreprises : prototypage, métrologie, installation de sites, changement de logiciel, adaptation à un marché, entrée d’un produit, etc. Ces nombreuses sociétés de prestations de services technologiques embauchent des jeunes qualifiés et leur offrent des CDI de bonne qualité. Or, aujourd’hui, un risque majeur apparaît, que ces entreprises elles-mêmes nous ont fait toucher du doigt.

Quand un de leurs actuels clients aura un logiciel à changer, il fera toujours appel à elles pour régler ce type de problème peu grave. Mais quand il s’agira de créer un site, ce même client ne fera plus appel à elles et à leurs employés en CDI, mais embauchera en CPE un jeune qui sort de l’école, qu’elle remerciera lorsque le site fonctionnera bien, puisque le CPE le permet.

M. Yves Bur. Quelle vision du monde de l’entreprise !

Mme Marylise Lebranchu. Et il en ira de même lorsqu’il s’agira d’un prototypage, d’une adaptation de poste ou même d’une PAO.

M. Yves Bur. Quel mépris pour les entreprises !

Mme Marylise Lebranchu. Toutes les prestations technologiques de ce type se verront organisées de la sorte.

M. Yves Bur. Ce sont des histoires !

Mme Marylise Lebranchu. Pour avoir travaillé dans des entreprises qui faisaient ainsi appel à des intervenants extérieurs, j’estime que le CPE est une mauvaise réponse : il est n’est pas acceptable qu’un jeune qui peut fournir une technologie à une entreprise ne puisse plus bénéficier d’un CDI.

M. Yves Bur. Les entreprises auront tout intérêt à garder ces salariés !

Mme Marylise Lebranchu. Vous devriez considérer de plus près tout ce secteur, qui embauche des jeunes entre bac+2 et bac+4 : ces derniers sont heureux de bénéficier de contrats à durée indéterminée.

La propre rédaction informatique des systèmes de l’Assemblée nationale a été entièrement faite par deux entreprises de ce type : lorsque leurs salariés en CDI auront fini, ils iront ailleurs sur d’autres sites.

Vous n’avez pas réalisé que le CPE va détruire cette filière d’emploi de jeunes bien formés.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 101.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 416.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Si le rapporteur avait disposé d’un texte présenté dans des conditions normales, approuvé en conseil des ministres et accompagné de tous les documents habituels, nous ne serions pas dans une telle confusion.

En l’occurrence, nous avons déjà cité les récentes études du CEREQ à plusieurs reprises, mais il en est une autre, qui ne figure pas, me semble-t-il dans le rapport, et qui aurait dû manifestement retenir votre attention – nombre d’autres institutions de la République s’intéressent en effet à ces questions : je veux notamment parler d’un rapport très récent, puisqu’il date de la fin 2005, du Conseil économique et social, qui porte sur l’insertion professionnelle des jeunes et, plus particulièrement, de ceux issus de l’enseignement supérieur. Ce rapport est extrêmement intéressant, car il confirme toutes les données dont nous disposons par ailleurs.

À propos des jeunes sans diplômes, ce rapport indique que les jeunes actifs sortis en 2001 du système éducatif sans avoir obtenu ni diplôme ni qualification accusent, trois ans après leur sortie, un taux de chômage de 40 % – contre 29 % pour ceux sortis en 1998. À l’inverse, les titulaires d’un bac+2, de type BTS ou DUT, apparaissent globalement mieux insérés, avec un taux de chômage de 7 %, suivis des diplômés d’un deuxième et troisième cycle universitaire.

Quelles que soient les études vers lesquelles on se tourne – je précise que ce rapport du Conseil économique et social, dont le rapporteur était M. Jean-Louis Walter, a été approuvé par l’ensemble des groupes, notamment ceux représentant les employeurs et les professions indépendantes –, c’est ce type de chiffres que l’on trouve.

Pourtant, le Gouvernement fonde, lui, sa démonstration sur des chiffres inverses, globalisés, généralisés, qui ne résistent à aucun examen et qui sont d’ailleurs critiqués dans toutes les revues. Comment poursuivre le débat dans ces conditions ?

À propos des débouchés des jeunes de l’enseignement supérieur, le même rapport relève – ce n’est pas la peine d’essayer de trouver une appréciation négative – que, d’après les données de l’APEC, organisme dont les études méritent d’être prises en compte, la France se situe au-dessus de la moyenne des huit principaux pays européens pour l’embauche des jeunes diplômés niveau bac+4 avec moins d’un an d’expérience, avec un taux de 23 %, juste derrière l’Espagne, 28 %, mais devant l’Allemagne, 17 %, le Royaume-Uni, 12 %, et l’Italie, 8 %.

Tous les documents, qu’ils proviennent d’organisations d’expertises indépendantes, comme l’OFCE, du Conseil économique et social ou de l’APEC, montrent clairement la nature du problème. Le rapporteur lui-même a dû convenir qu’il y avait là une spécificité et qu’il fallait dorénavant parler de ce problème particulier plutôt que de continuer à parler du chômage des jeunes en général, en se demandant si la réponse, en termes politiques, qui consiste à imposer la précarité à tous, même à ceux qui sont aujourd’hui insérés, était vraiment la mieux adaptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Il aurait fallu lui confier le rapport.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je voudrais dire deux choses.

D’abord, je connais ce rapport puisqu’il avait été commandé par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

M. Alain Vidalies. Mais il faut que j’en parle pour qu’il soit évoqué dans cet hémicycle !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Il est surtout intéressant sous l’angle des méthodes de formation initiale.

M. Alain Vidalies. Tout à fait !

M. Laurent Hénart, rapporteur. En effet, comme vous l’indiquez, il remarque que des diplômes généraux sont en train d’avoir des performances à l’emploi égales, voire inférieures, à des diplômes professionnalisants de niveau inférieur. Ainsi, certains BTS ou DUT, diplômes professionnalisants souvent passés en alternance, placent mieux qu’une licence ou un master général. La même remarque peut d’ailleurs être faite pour certains bacs généraux par rapport aux CAP ou aux BEP.

M. Alain Vidalies. Tout à fait !

M. Laurent Hénart, rapporteur. C’est dire l’importance de développer une vraie filière d’alternance sur l’ensemble de la formation initiale, comme le prévoit le plan de cohésion sociale, ou aujourd’hui à travers l’apprentissage junior.

Le rapport du Conseil économique et social est copieux, j’en conviens, mais il faut le lire en entier, même si cela prend un peu de temps.

M. Alain Vidalies. Je l’ai lu en entier.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Il souligne une dégradation générale de l’emploi des diplômés depuis 2000 et constate, chiffres à l’appui, la situation dont a témoigné Génération-précaire. Il insiste ainsi sur la situation de plus en plus préoccupante des jeunes diplômés depuis 2000, ce que montrent également les enquêtes Génération 2001.

M. Henri Emmanuelli. Et une dégradation des salaires !

M. Laurent Hénart, rapporteur. En effet, monsieur Emmanuelli.

Mais il est un chiffre que vous ne voulez pas citer et qui me paraît essentiel : 90 % des jeunes sortent de l’emploi à moins de six mois, et 66 % des jeunes en CDI en sortent à trois mois. C’est cela la précarité de l’emploi. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et c’est bien cette constatation qui fonde notre réflexion sur le contrat à durée indéterminée et sur un nouveau contrat de travail adapté à cette réalité à l’emploi des seize-vingt-cinq ans.

M. Louis Giscard d'Estaing. Bien sûr !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Nous sommes là au cœur du sujet de l’amendement, c'est-à-dire du contrat première embauche.

Le sous-amendement n° 416 a été repoussé par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vois se succéder une série d’études. Je voudrais simplement vous rappeler que l’étude de Pierre Cahuc, de Paris-I, et de Francis Kramarz, de l’École Polytechnique, qui, à l’époque, avait recueilli l’unanimité, montrait que le taux en stock de CDI était pour les plus de vingt-six ans de 90 % et qu’il fallait attendre l’âge de trente-trois ans pour que le stock de CDI chez les jeunes atteigne le même taux.

On peut prendre les chiffres dans un sens ou dans un autre, la réalité, c’est que la précarité est malheureusement le chemin d’entrée dans l’emploi de trop de jeunes.

Mme Martine Billard. Ce n’est pas une raison pour la globaliser.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est cette réalité que nous voulons combattre.

Monsieur le président, m’autorisez-vous à régler une dette envers Mme Lebranchu ? Je m’étais engagé à lui apporter, en liaison avec Gilles de Robien, une réponse particulière.

M. le président. Je croyais que les privilèges avaient été abolis. (Sourires.)

M. François Brottes. C’est de la courtoisie, monsieur le président.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cela concerne la responsabilité envers les apprentis juniors durant les stages effectués en milieu professionnel. Les stages se font obligatoirement en application de l’article L. 211-1 du code du travail et dans le cadre d’une convention de stage qui règle notamment le partage des responsabilités durant cette période de stage. Ces conventions peuvent prévoir deux types de stage : les stages d’observation, où le jeune reste entièrement sous la responsabilité du chef d’établissement de formation, et les stages d’initiation ou d’application, où le jeune bénéficie du régime de protection des accidents du travail et est à ce titre couvert pour tous les trajets, y compris le trajet entre le domicile et le travail.

Mme Marylise Lebranchu. Et s’il ne sait pas conduire ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il peut prendre les transports en commun, comme pour aller à l’école. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Monsieur le président, député depuis peu de temps, je ne suis pas un habitué des joutes oratoires parlementaires, mais je m’étonne de voir apparaître toute une série de sous-amendements tendant à exclure du champ d’application de l’amendement du Gouvernement les professions industrielles et commerciales, les professions agricoles, les professions libérales ou bien encore les employeurs d’employés de maison – j’en passe et des meilleurs.

Je comprends bien qu’il s’agit là d’une technique d’obstruction parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais, si j’ai entendu beaucoup de critiques sur le CNE et le CPE, je n’ai encore eu connaissance d’aucun véritable contre-projet. Dans ces conditions, il ne faut pas que l’opposition se plaigne de l’absence de débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour répondre au Gouvernement.

Mme Martine Billard. Je suis, comme notre collègue, une jeune parlementaire – en expérience, pas en âge –, mais j’ai bien compris que, sur un amendement, nous ne pouvions pas proposer de contre-projet, justement.

M. François Brottes. Voilà !

Mme Martine Billard. Nous ne pouvons déposer que des sous-amendements portant sur l’amendement. Et c’est bien cette technique utilisée par le Gouvernement – que nous critiquons depuis le début de cette discussion – qui fait que nous ne pouvons pas proposer de contre-projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Mme Billard, spécialiste pour parler du PS !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne vais pas reprendre toute l’argumentation que j’ai développée avant le dîner, mais je souhaite redire, en présence du président, M. Debré, garant des droits du Parlement, que nous aurions aimé que le Gouvernement ne déclare pas l’urgence sur ce texte.

Vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le président, à l’occasion des vœux au Président de la République : le recours à cette procédure est trop fréquent.

En outre, nous déplorons que le Gouvernement utilise la technique de l’amendement pour procéder à une réforme profonde du code du travail. Je tenais à faire une nouvelle fois cette remarque en votre présence, monsieur le président.

La déclaration d’urgence et la technique de l’amendement constituent, à nos yeux, une double atteinte aux droits du Parlement. Nous ne pouvons en effet, comme Mme Billard vient de le rappeler, que sous-amender l’amendement, c'est-à-dire que nous devons nous inscrire dans la cohérence du texte du Gouvernement et ne le modifier qu’à la marge. Nous aurions espéré pouvoir repartir sur de nouvelles bases lors d’une deuxième lecture, mais le Gouvernement ayant demandé l’urgence, le texte va partir au Sénat, et ce sera fini.

Bien sûr, monsieur le ministre, nous espérons que vous ne pourrez pas aller jusqu’au bout – …

M. Yves Nicolin. Mais si !

M. Jean-Marc Ayrault. …c’est pour cela que nous sommes là –, mais je crains que vous n’y parveniez puisque vous disposez d’une écrasante majorité de députés, de l’UMP.

M. Yves Nicolin. Donnée par le peuple !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Jean-Marc Ayrault. Donc, si vous voulez, vous pouvez le faire passer, mais vous passerez en force.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jean-Marc Ayrault. Avec ces artifices de procédure, vous aurez pris la responsabilité devant les citoyens français de réformer en profondeur le code du travail.

M. Guy Geoffroy. Vous faites de l’obstruction, c’est tout à fait différent.

M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, je rappelle que vous aviez fait adopter par l’Assemblée nationale une loi qui exigeait qu’une concertation et une négociation soient engagées avant toute modification du code du travail et le vote d’une loi.

La semaine dernière, j’avais demandé à plusieurs membres du Gouvernement de nous communiquer les documents d’expertise qu’ils avaient cités à maintes reprises, aussi bien M. Borloo que vous-même, monsieur Larcher.

M. François Hollande. Il les faut !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ils ont été remis !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons fini par les obtenir, après maintes suspensions de séances.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous les avez eus le jour même !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons obtenu des extraits seulement, pas les rapports complets, mais ils nous permettent quand même d’avoir avec vous, monsieur le ministre, une explication plus franche.

Quand vous parlez de la situation des jeunes, pouvez-vous vous référer à vos propres documents, ceux du CEREQ, qui indiquent que 270 000 jeunes, soit 36 %, sont employés en CDI dès leur première embauche, et que 502 500 jeunes, soit 67 %, accèdent à un CDI dans les trois premières années de leur vie professionnelle ?

Alors, vous pouvez présenter les choses comme vous voulez, il n’empêche que ce que vous êtes en train de faire passer en force, c'est-à-dire le contrat première embauche, marquera la fin de cette réalité. Certes, celle-ci n’est pas satisfaisante parce qu’il y a tous les autres, ceux qui ont reçu une formation insuffisante, ceux qui sortent sans qualification du système scolaire. Mais justement, ces publics sont notre priorité, et c’est sur eux que nous aimerions avoir un débat.

Vous préférez défaire le code du travail, en passant en force, en utilisant l’urgence et la technique de l’amendement gouvernemental, et ces CDI, qui sont encore en nombre insuffisant, finiront par disparaître puisque vous voulez généraliser le contrat de première embauche.

Monsieur le président, nous ne pouvons pas continuer nos travaux sans avoir obtenu…

M. François Hollande. Les informations.

M. Jean-Marc Ayrault. …certes, les informations, mais également de la part de M. le ministre du travail, dont je ne méconnais pas la pugnacité,…

M. François Hollande. Et la difficulté de la tâche.

M. Jean-Marc Ayrault. …qu’il accepte enfin – parce que, pour le moment, il se réfugie, lorsqu’on le pousse dans ses retranchements, dans un silence impressionnant –…

M. Michel Vergnier. Et même têtu !

M. Jean-Pierre Blazy. Et Borloo est parti !

M. Jean-Marc Ayrault. …de confronter ses chiffres avec ses propres documents d’expertise.

C’est pourquoi, monsieur le président, je demande une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de se ressaisir et de répondre aux députés du groupe socialiste.

M. le président. Monsieur Ayrault, la suspension est de droit. Je vais vous l’accorder.

Je vous rappelle toutefois que, pour avoir le temps de débattre, nous avons ouvert ce matin en Conférence des présidents des séances allant de demain matin à dimanche soir.

M. François Hollande. On sera là !

M. Maxime Gremetz. Absolument ! Bravo !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 416.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 417.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Je poursuivrai à travers ce sous-amendement le débat déjà initié avec M. le rapporteur, qui, contrairement au Gouvernement, a fait l’effort d’essayer de préciser les chiffres sur lesquels nous pouvons réfléchir – et je l’en remercie.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, à la fin de votre intervention, que 90 % des jeunes étaient en situation de rupture d’emploi six mois après leur entrée dans la vie active. Il me semble que ce chiffre est erroné, car il ne résiste pas à l’analyse. Si l’on prend en effet l’ensemble des jeunes ayant trouvé un emploi, c'est-à-dire en y incluant les 36 % qui obtiennent directement un CDI, on ne peut pas affirmer que 90 % de l’ensemble de cette classe d’âge se trouve en rupture de travail dans un délai de six mois.

Cela serait en contradiction avec les conclusions de l’étude du CEREQ que je vous livre et selon laquelle, plus souvent à durée indéterminée mais aussi plus souvent à temps complet et mieux rémunéré, le premier emploi apparaît, pour bon nombre de jeunes de la génération 2001, plutôt prometteur. Et le chiffre donné dans cette étude du CEREQ, remise fin 2004, contredit celui que vous avancez : plus du tiers des jeunes qui travaillent trois ans après être sortis du système éducatif occupent toujours le premier emploi auquel ils ont accédé.

C’est sur ces chiffres qu’il aurait fallu appuyer notre discussion, et non sur ceux fournis par M. Gérard Larcher, comme, par exemple, les onze ans prétendument nécessaires pour décrocher un emploi stable.

Je remercie donc M. le rapporteur d’avoir permis d’éclairer le débat. Nous savons parfaitement que nous avons un problème, et il ne s’agit pas de dire que la situation n’est pas grave. Il s’agit de dire que la situation n’est pas grise pour tous les jeunes, mais qu’elle est noire pour une partie des jeunes et que c’est à ceux-là en priorité qu’il fallait s’adresser.

Si ce que dit la presse est juste, l’initiative du Premier ministre ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme. Je n’ai pas vu, monsieur le ministre du travail, que vous ayez protesté contre ces assertions, et ce peu d’enthousiasme, comme l’irrationalité des références que vous utilisez, est peut-être la preuve par l’absurde que vos chiffres n’étaient pas vraiment compatibles avec un projet que l’on vous a imposé et demandé de défendre malgré tout devant cette assemblée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Rejet.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Sachant que vous êtes extrêmement attentif, monsieur le président, au déroulement de notre débat, j’aurai deux questions simples à adresser à M. le ministre sur ce premier alinéa, avant que vous ne me disiez qu’il n’est plus temps de les poser.

Le premier alinéa indique que les employeurs peuvent conclure pour toute nouvelle embauche d’un jeune un contrat de travail dénommé « contrat première embauche ». Faut-il comprendre que nouvelle embauche signifie nouveau poste créé dans l’entreprise et que cela ne désigne en aucun cas une embauche correspondant au remplacement d’un contrat premier embauche précédemment interrompu ? J’ose penser que c’est bien de cela qu’il s’agit, et c’est l’objet de ma première question.

Deuxième question : le jeune qui a bénéficié d’un contrat première embauche ayant été interrompu – à son initiative ou, plus sûrement, à l’initiative de l’employeur – ne pourra-t-il plus jamais prétendre à un contrat première embauche, et ce contrat ne vaut-il donc qu’une seule fois ?

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 417.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 418.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Les questions qui viennent d’être posées par M. Brottes ont été pour partie abordées lors de la séance de questions d’actualité de cet après-midi, mais on voudra bien objectivement convenir que, dans la réponse qu’il a faite, M. Borloo en a oublié l’objet.

Nous sommes face à un débat qui traverse l’opinion publique, au gré d’une succession d’interprétations différentes, ce qui est problématique. C’est ainsi que j’ai pu entendre ce matin, à quelques minutes d’intervalle, deux journalistes proposer du texte en discussion deux interprétations différentes. Cela aboutit à ce que, sur des points techniques, les gens ne sachent plus de quoi l’on débat, et il appartient au Gouvernement de clarifier les enjeux abordés par M. Brottes, comme par moi-même cet après-midi.

Un jeune de moins de vingt-six ans embauché dans le cadre d’un contrat première embauche et licencié sans motif peut-il être à nouveau embauché par un autre employeur sur un contrat première embauche, et ainsi de suite sans aucune limitation si ce n’est celle de l’âge ?

D’autre part, l’employeur qui licencie pour des raisons qu’il n’a pas à motiver un jeune en contrat première embauche peut-il le remplacer sur le même poste par un autre jeune de moins de vingt-six ans, toujours dans le cadre d’un contrat première embauche ?

Ce sont des questions très précises qui, à ce stade du débat, méritent une réponse du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais rappeler que le sous-amendement porte sur les assistants maternels et qu’il n’en a point été question. C’est dire que nous avons à faire à une manière de procéder un peu particulière.

Ne jouons pas sur les mots.

M. Michel Vergnier. Nous ne jouons pas !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le dispositif concerne bien, au sein de l’entreprise, toute embauche s’adressant aux moins de vingt-six ans et répondant aux critères rendant possible le contrat première embauche.

Quant à la répétition, le texte de l’amendement précise qu’un délai de trois mois s’applique à l’intérieur d’une même entreprise. Voilà pour éclairer les débats ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un éclairage à la bougie !

M. Henri Emmanuelli. Cela fait trois fois que nous posons la même question, et trois fois qu’on ne nous répond pas !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, le délai de trois mois auquel vous vous référez figure en effet dans votre projet d’amendement, lequel précise qu’en cas de rupture de contrat, à l’initiative de l’employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne se soit écoulé un délai de trois mois.

Mais ce n’était pas la question que nous vous avons posée !

Je vous demande si un employeur pourra engager un jeune en CPE s’il en a licencié un autre pas plus tard que la veille sur le même poste de travail.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La réponse est oui !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Enfin !

M. Alain Vidalies. C’est extrêmement important, car beaucoup de commentateurs expliquaient que, puisque vous l’aviez appelé « contrat première embauche », il ne pourrait intervenir qu’une fois au bénéfice d’un jeune sur le même poste. La vérité, c’est que cela sera non pas un contrat première embauche, mais un contrat à embauche précaire puisqu’il pourra servir plusieurs fois pour le même jeune et pour plusieurs jeunes sur le même poste. Je remercie M. le ministre de cette précision fort utile qui aurait pu nous être communiquée dès la séance de questions d’actualité !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le délai de trois mois est déjà une bien piètre garantie puisqu’il suffit à l’employeur d’attendre quelques semaines pour réembaucher le même jeune sous CPE. Mais vous êtes encore plus machiavélique, monsieur le ministre, car vous proposez aux jeunes le turn over précaire,…

M. Jean-Pierre Blazy. CPE : le contrat pour éjecter !

M. Maxime Gremetz. …ce qui n’était pas possible avec le CDD, que l’employeur ne pouvait reconduire au-delà de dix-huit mois ! Maintenant, des jeunes pourront être employés pendant des années sous contrat première embauche. C’est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez fait un aveu de taille, monsieur le ministre, en reconnaissant que c’est bien ce qui va se passer.

M. Franck Gilard. Mais cela ne s’applique pas aux assistants parlementaires !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Sur la forme, la majorité a bien compris que ces sous-amendements étaient des supports pour la discussion et elle l’accepte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela nous permet d’ailleurs d’avoir un débat intéressant…

M. Jean-Marc Ayrault. Merci de le reconnaître !

M. Alain Joyandet. …tant sur le constat que sur les interprétations qui peuvent en être faites. Monsieur le président du groupe socialiste, à mesure que l’on aborde le débat de fond, vous êtes de moins en moins à l’aise (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ce qui vous a conduit à demander une suspension de séance il y a quelques instants pour reprendre vos troupes parce que trop de choses se disaient. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais c’est de bonne guerre ! Plus le débat avance,…

M. Henri Emmanuelli. Moins vous êtes à l’aise !

M. Jean-Marc Ayrault. Plus le débat avance, et plus la majorité dit tout haut ce qu’elle pense tout bas !

M. Alain Joyandet. Pour en revenir à l’essentiel, les socialistes évoquent un possible effet d’aubaine du CPE et la précarité, c’est-à-dire la possibilité que les CPE remplacent pour partie les CDI. Sur le premier point, souvenons-nous des emplois-jeunes ! Quel est ici celui qui, dans sa collectivité locale, n’a pas remplacé un emploi-jeune par un autre emploi-jeune ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz et M. Alain Bocquet. C’est faux !

M. Alain Joyandet. Qui peut affirmer qu’aucune collectivité n’aurait eu recours au CDI si les emplois-jeunes n’avaient pas existé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, M. Gremetz, que j’ai écouté avec attention, a démontré l’efficacité de notre politique publique, puisque, selon les chiffres qu’il a cités, 280 000 CNE ont été créés.

M. Maxime Gremetz. Dont 81 % des titulaires auraient été embauchés en CDI si le CNE n’avait pas existé !

M. Alain Joyandet. Il vient de nous dire que, selon une étude très sérieuse, 29 % des chefs d’entreprise interrogés ont répondu qu’ils n’auraient pas embauché s’il n’y avait pas eu le CNE !

M. Maxime Gremetz. Et 81 % auraient embauché en CDI !

M. Alain Joyandet. Ce chiffre explique d’ailleurs pour partie la diminution du chômage depuis un an : 118 000 demandeurs d’emploi de moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Ils sont au RMI !

M. Alain Joyandet. M. Gremetz a donc fait la démonstration de l’efficacité du dispositif : 29 % des CNE sont bien des emplois supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Ayrault. Et les autres ?

M. le président. Je tiens à vous rappeler que, aux termes de l’article 54, alinéa 6, l’orateur ne doit pas s’écarter du sous-amendement, sinon le président le rappelle à l’ordre. Cela vaut pour tout le monde ; il y va de la sérénité de ce débat !

M. Maxime Gremetz. M. Joyandet a porté atteinte à mon honneur ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. J’ai écouté avec attention les explications de M. Larcher et je crois qu’il est sous-employé au ministère du travail. (Sourires.) Il devrait rejoindre celui de la recherche scientifique. En effet, avec la diminution du nombre de chômeurs et l’augmentation de celui des RMIstes, il a redécouvert le principe des vases communicants et il vient de mettre en évidence le principe du mouvement perpétuel appliqué à la précarité en nous expliquant très doctement que le contrat première embauche pourra être utilisé pour la deuxième, voire la troisième embauche du même jeune ! Nous ne pouvons accepter cela et vous nous auriez fait gagner du temps en acceptant de retirer l’amendement n° 3 rectifié. Surtout, vous auriez rendu un grand service aux jeunes !

Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Nous examinons un amendement qui est important. Si j’ai bien compris, on nous propose le CPE à perpétuité pour les entreprises et pour les personnes concernées qui commenceront jeunes et finiront seniors en CPE. Compte tenu de la gravité du sujet, il importe qu’il y ait un maximum de députés en séance et qu’ils prennent leurs responsabilités. J’ajoute que vous nous avez annoncé, monsieur le président, un menu de travail copieux d’ici à dimanche soir.

M. le président. Nous pouvons même aller jusqu’à lundi ou mardi si vous voulez !

M. Alain Bocquet. Pour la qualité et la sérénité des débats, je demande la vérification du quorum en application de l’article 61 du règlement.

M. le président. Soit, bien que vous soyez un quart d’heure en avance par rapport à votre habitude. (Sourires.)

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Le vote sur le sous-amendement n° 418 est, compte tenu de l’heure, reporté à la séance de demain matin.

ordre du jour deS prochaineS séanceS

M. le président. Mercredi 8 février 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)