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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 février 2006

145e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

Profits des grandes entreprises,
AGGRAVATION DES INégalités

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, deux séries de statistiques viennent d’être publiées.

La première est afférente aux profits boursiers, qui s’envolent. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les groupes du CAC 40 annoncent des résultats mirobolants (« Tant mieux ! » sur les mêmes bancs), supérieurs à 80 milliards d’euros – ce qui représente un triplement en trois ans – et de fortes hausses des dividendes…

M. Lucien Degauchy. Parfait : c’est que l’économie va bien !

M. Jacques Brunhes. …acquises grâce à une gestion exclusivement tournée vers la rentabilité financière.

Alors que le pétrolier Total, avec 12 milliards de bénéfices en 2005, bat tous les records de profits, l’essence a augmenté de 7 % et le groupe, outre qu’il emploie des salariés étrangers sous-payés, arrête ses investissements au Havre. De son côté, le PDG de France Télécom, dont le bénéfice a augmenté de 90 % en 2005, annonce cyniquement 17 000 suppressions de postes.

Bénéfices et dividendes records, donc, alors que les salaires réels régressent, que les suppressions d’emplois se multiplient, que la précarité, avec les contrats tels que le CPE, devient la règle et que la croissance reste désespérément atone.

Au même moment, une deuxième série de statistiques, publiées par l’INSEE début février, annonce une forte hausse – 6,3 % – de la pauvreté. Nous assistons ainsi à un spectaculaire retournement de tendance, jamais vu depuis trente ans, si on exclut 1990, année de récession. En un an, 260 000 Français ont basculé dans la pauvreté, soit, comme le relève M. Hirsch, président d’Emmaüs France, 1 000 pauvres de plus par jour ouvrable ! Sans compter l’accroissement du nombre de bénéficiaires du RMI et la fréquentation toujours plus importante des Restos du cœur.

M. Roland Chassain. La question !

M. Jacques Brunhes. Les Français, monsieur le Premier ministre, ont parfaitement conscience de l’écart choquant révélé par ces deux séries de statistiques. L’aggravation des inégalités est le résultat dramatique de votre politique. L’abîme social, c’est vous ! Le rapprochement entre ces chiffres vous laissera-t-il indifférent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ainsi énoncés, monsieur le député, de tels chiffres provoquent évidemment une émotion bien compréhensible. Mais il convient de les remettre en perspective. Dans la quasi-totalité des cas, en effet, les entreprises que vous citez sont fortement exportatrices. Ainsi, la société Total – dont la situation, il est vrai, a défrayé la chronique –, réalise 95 % de ses bénéfices hors du territoire national, …

M. Jacques Desallangre. Et alors ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …ce qui signifie que la plus grande partie des richesses qu’elle apporte, sous forme d’impôt, au patrimoine national provient de l’extérieur de nos frontières. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous avons perçu, au second semestre, un retour durable de la croissance. Nous savions donc que les entreprises réaliseraient d’importants bénéfices. Anticipant sur la situation, Dominique de Villepin nous a demandé de réunir les acteurs économiques pour leur demander de contribuer au-delà de l’impôt qu’ils versent à la collectivité en investissant davantage en France. Ils ont ainsi pris l’engagement d’investir, au cours des cinq ans à venir, 3,5 milliards d’euros qui n’étaient pas initialement destinés au territoire national et 600 millions d’euros pour la recherche-développement.

Vous avez raison de vouloir que cette richesse profite à tous ; c’est pourquoi nous avons anticipé sur ces résultats.

M. Jacques Desallangre. Et les licenciements ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais le Gouvernement se concentre sur la lutte contre le chômage, car la plus grande précarité est celle du non-emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons mobilisé l’ensemble des ressources disponibles, y compris celles qui proviennent de l’extérieur, pour prendre des mesures qui se traduisent, jour après jour, par une réduction du chômage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Comme c’est creux !

caractère antisémite
du meurtre d’Ilan Halimi

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Tron. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le 13 février, à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne, le jeune Ilan Halimi était retrouvé nu, ligoté, bâillonné, portant des traces de brûlures et de tortures sur tout le corps. Il devait décéder quelques heures après.

Ce crime particulièrement odieux a plongé notre pays dans l’effroi. Vous-même, monsieur le ministre, avez qualifié à juste titre de « barbares » les auteurs de cette affreuse agression. Le pire est sans doute qu’ils revendiquent eux-mêmes le mot « barbares » puisqu’ils ont ainsi dénommé leur gang.

Les juges en charge du dossier ont décidé de retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme à l’encontre de celles et ceux qui ont perpétré ce crime affreux. L’un d’entre eux a en effet déclaré qu’Ilan Halimi avait été kidnappé, torturé et tué parce qu’il était juif, avant d’ajouter : « Les juifs sont une communauté solidaire et ce sont des gens riches. » Un autre a également indiqué que c’est parce qu’il était juif qu’Ilan Halimi avait été brûlé sur le front avec une cigarette.

M. le président du Conseil représentatif des institutions juives de France a demandé hier au Premier ministre que toute la vérité soit faite sur cette affaire. Monsieur le ministre, en fonction des informations dont vous disposez, pouvez-vous nous dire si, oui ou non, le jeune Ilan Halimi a été tué parce qu’il était juif ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, nous avons un devoir de vérité envers la mémoire d’Ilan Halimi et à l’égard de sa famille, de ses parents, de ses amis et, au-delà, de tous les juifs de France.

La vérité, c’est d’abord que ces individus qui se sont comportés comme des barbares sont des voyous chevronnés, puisque le chef de la bande est connu des services de police pour treize affaires et l’un de ses complices pour une vingtaine. À cette occasion, je veux redire devant la représentation nationale que la multirécidive est un problème devant lequel l’État républicain est encore par trop désarmé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur certains bancs du groupe Union pour la démocratie française.– Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La vérité, c’est encore que sur les six personnes qui ont été « approchées » pour faire l’objet d’une tentative d’enlèvement, quatre étaient de confession juive.

La vérité, c’est que ces voyous ont d’abord agi pour des motifs crapuleux et sordides, pour l’argent, mais en ayant la conviction que « les juifs ont de l’argent », et que si la personne qu’ils enlevaient n’en avait pas, sa famille ou sa communauté seraient solidaires. Il n’est donc pas besoin d’ergoter davantage : cela s’appelle de l’antisémitisme par amalgame.

La vérité, c’est que les perquisitions ont permis de découvrir des documents de soutien aux comités de bienfaisance et de secours aux Palestiniens ainsi que des prescriptions de caractère salafiste. Chacun doit en être informé. On ne peut pas, d’un côté, avoir l’exigence de la vérité et, de l’autre, ne pas divulguer ces informations, quelle que soit par ailleurs la procédure engagée par le juge d’instruction. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Existe-t-il encore une indépendance de la justice ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La vérité est donc celle-ci, celle qui est disponible à ma connaissance et que je me devais, sous le contrôle du Premier ministre, de donner à la représentation nationale.

Cette vérité, me semble-t-il, ne doit susciter ni amalgame, ni haine, ni crainte. Ceux qui ont fait cela sont des voyous. La plupart d’entre eux sont aujourd’hui sous les verrous, et tout sera mis en œuvre pour que les autres soient retrouvés. Mais nous devons à la mémoire de ce jeune homme d’éviter tout amalgame, car ce serait particulièrement odieux. Cette affaire doit nous inviter tous à un sursaut de volonté de paix, de tolérance et de dialogue. Il ne manquerait plus, en effet, qu’à la barbarie s’ajoutent l’incompréhension, l’intolérance et le racisme. C’est le message que le Gouvernement voulait donner à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

porte-avions ClEmenceau

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste.

Mme Patricia Adam. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les multiples ronds dans l’eau du Clemenceau et les incompétences gouvernementales qu’ils ont révélées (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ont ridiculisé la France.

Le navire revient maintenant à Brest, port qui l’a fait naître il y a cinquante ans. Les élus de Brest auraient d’ailleurs apprécié d’être informés par vous-même, monsieur le Premier ministre, plutôt que par les médias. Il est vrai que votre autoritarisme et votre refus du dialogue ne nous étonnent même plus.

Alors que le Conseil d’État a qualifié notre ancien fleuron de la marine de « déchet dangereux », nous apprenons que vous auriez été informé depuis de long mois de l’impossibilité de transférer le Clemenceau en Inde. Qu’en est-il de votre responsabilité personnelle ?

M. Jean-Marc Nudant. Et de la vôtre ?

Mme Patricia Adam. Cette affaire a été gérée lamentablement.

M. Yves Bur. C’est vous qui en êtes responsables !

Mme Patricia Adam. Mais elle a aussi mis en lumière les questions complexes de dépollution, de démolition et de recyclage des navires en fin de vie, qu’ils soient civils ou militaires. Nous le savons, seule l’action des États et des organisations internationales permettra l’adoption de règles et d’instruments efficaces. Nous devons notamment faire cesser les abus contre les hommes et l’environnement commis sous pavillon de complaisance.

La France doit être force de proposition. Agissez, monsieur le Premier ministre, il est temps ! Le groupe socialiste propose une mission d’information sur le sujet.

Mais la France doit aussi assumer ses responsabilités concernant ses propres navires. L’État aide aujourd’hui une filière de démantèlement des avions à Tarbes. Dans le même esprit, entendez-vous développer la filière propre de démantèlement des navires militaires et civils qui fait actuellement défaut en France et en Europe ? L’État entend-il en payer le prix ?

Dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres, votre gouvernement a été à l’image du Clemenceau déclassé : un vaisseau fantôme. Quel gâchis pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Envoyez-lui une torpille !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Si votre question, madame la députée, était venue il y a six mois, elle aurait pu, peut-être, éclairer le débat. Je regrette qu’elle vienne un peu tard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Dès lors, je vous invite à la sérénité, mais surtout à la justice. Soyons juste : sur un sujet aussi difficile, il n’y a pas de solution simple, et personne ne peut donner de leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Surtout pas vous !

M. le Premier ministre. Tous les pays du monde qui disposent d’une flotte sont concernés.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il fallait réfléchir avant d’envoyer le Clemenceau en Inde !

M. le Premier ministre. La plupart des pays coulent leurs bateaux en fin de vie.

Mme Martine David. C’est vous qui coulez !

M. le Premier ministre. C’est l’honneur de la France de rechercher d’autres solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La question du démantèlement de l’ex-Clemenceau – et je n’insisterai pas sur ce point, car je n’ai pas le moindre goût pour aucune forme de cruauté – s’est posée dès 1997. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or le navire est resté en rade de Toulon jusqu’en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Qui était le chef des armées ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Chirac !

M. le Premier ministre. À partir de cette date, le Gouvernement a recherché des solutions équilibrées et innovantes. (« Chirac ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons multiplié les efforts (« Chirac ! » Chirac ! »)…

M. le président. Je vous en prie !

M. le Premier ministre. …pour mettre au point un partenariat avec un chantier indien, et vous me permettrez de le dire devant vous : à aucun moment, nous n’avons dégagé notre responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Oh si !

M. le Premier ministre. Nous avons prévu des transferts de technologies et un accompagnement social, en vue de créer une filière économiquement viable et respectueuse du développement durable dans ce pays.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Charabia !

M. le Premier ministre. À la suite de la décision du Conseil d’État, le Président de la République a décidé le retour en France de l’ex-Clemenceau…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avait-il d’autres choix ?

M. le Premier ministre. …à Brest. C’est par lui que vous l’avez appris et non par la presse !

M. Jean Glavany. C’est par le Conseil d’État !

M. le Premier ministre. Le Gouvernement entend tirer toutes les leçons de cette affaire. C’est pourquoi j’ai pris, avec Michèle Alliot-Marie, trois initiatives. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) D’abord, nous allons mettre en conformité les procédures d’exportation des matériels de guerre en fin de vie avec nos obligations internationales en matière d’environnement et de santé. Ensuite, nous allons procéder à un diagnostic complet de l’amiante et des matières dangereuses restant à bord. Enfin, nous allons promouvoir une filière européenne des navires hors d’usage, conforme aux exigences de sécurité et de protection de l’environnement.

Vous le voyez, face à cette situation difficile, le Gouvernement assume ses responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il recherche des solutions adaptées avec un souci de transparence. Il est facile, sur ce sujet comme sur tous les autres, d’arriver, tels les carabiniers, après la bataille et le verbe haut !

M. André Gerin. Lamentable !

M. le Premier ministre. La vérité, c’est que, tout au long de ces années, nous ne vous avons jamais entendus, sur ce sujet-là comme sur tous les autres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.– Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

déficit public

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

La Commission européenne, d'après la presse, reste dubitative quant aux chances qu’a la France de réduire, en 2006, son déficit en deçà du seuil de 3 % du produit intérieur brut fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Visiblement, le Gouvernement n'a pas réussi à convaincre la Commission européenne de la crédibilité du budget français pour 2006.

M. Michel Delebarre. C’est surprenant !

M. Charles de Courson. L'UDF avait d'ailleurs refusé de le voter, en raison de l'ampleur des artifices comptables et de la surestimation du taux de croissance tant en 2005 (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – ce qui a été confirmé par l'INSEE – qu'en 2006.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Charles de Courson. Ainsi, la présentation par le Gouvernement d'une réduction du déficit du budget de l’État justifiée par une plus-value de cession de 950 millions d'euros liée à la privatisation de trois sociétés d'autoroute alimente l'incrédulité de la Commission. En effet, après avoir examiné le programme de stabilité transmis fin janvier par le Gouvernement, la Commission européenne va recommander demain au Conseil des ministres des finances d’«inviter la France à assurer sans délai l'ajustement structurel nécessaire pour ramener le déficit en dessous de 3 % du produit intérieur brut d'une façon crédible et durable ».

D’où ma question. Monsieur le ministre, quels éléments nouveaux allez-vous fournir à la Commission européenne pour crédibiliser durablement l'objectif gouvernemental de maintenir, en 2006, le déficit des finances publiques en dessous des 3 % du produit intérieur brut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Plusieurs députés du groupe socialiste. À l’euro près !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de Thierry Breton, qui a dû partir au Sénat où il défend un texte sur les OPA.

Monsieur de Courson, après vous avoir très attentivement écouté, comme je le fais à chaque fois, je suis tout de même obligé de vous répondre que vous nous parlez de quelque chose qui, pour l’instant, ne relève que de bruits. Je n’ai pas lu, en effet, l’avis officiel de la Commission et je pense que vous non plus. Mais je regrette que, même pour les bruits, vous ayez l’oreille sélective.

M. Albert Facon. Quel mépris !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En effet, il en est un que j’ai entendu et que j’aurais aimé que vous entendiez aussi : il semblerait que la Commission donne quitus à la France d’avoir tenu son objectif de 3 % pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Toujours dans la catégorie des bruits, il semblerait qu’il y ait une divergence sur l’interprétation des perspectives de croissance. Mais, là encore, c’est évolutif, puisque la Commission aurait indiqué, cet après-midi, qu’elle remontait sa prévision de 1,8 à 1,9 % : c’est cependant encore un bruit !

Quoi qu’il en soit, vous le savez, monsieur de Courson, nous conduisons une politique déterminée pour réduire nos déficits dans de très fortes proportions. Rien que pour cela, j’aurais aimé que vous votiez un texte sur lequel nous nous rejoignons beaucoup plus que vous ne le prétendez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous demandez une commission d’enquête. Je préférerais de loin que, sur tous ces sujets, nous travaillions la main dans la main (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) puisque notre objectif est le même : réduire les déficits, maîtriser les dépenses et retrouver ensemble le chemin de la croissance pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Propos de M. Georges Frêche
à l’encontre des Harkis

M. le président. La parole est à M. Christian Jeanjean, pour le groupe UMP.

M. Christian Jeanjean. Monsieur le président, les députés du Languedoc-Roussillon appartenant à la majorité s’associent à ma question et il en va de même, je pense, pour l’ensemble des députés de la majorité.

Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, c’est avec indignation que nous avons pris connaissance des propos tenus par M. Georges Frêche (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), président socialiste de la région Languedoc-Roussillon et président de l’agglomération de Montpellier, en présence de M. Jack Lang (« Oh ! » sur les mêmes bancs), de Mme Mandroux-Colas, maire de Montpellier, et de bien d’autres conseillers et hiérarques socialistes de cette ville, au cours d’une cérémonie de souvenir dédiée à Jacques Roseau, le samedi 11 février. Adressés au président d’une association de harkis, ces propos sont d’une telle indignité, d’une telle violence et ont été tellement médiatisés que nous n’aurions jamais dû avoir à les rapporter ici. Certains des termes employés, comme celui de « sous-hommes » (« Honteux ! Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ont une connotation que nul ne peut éluder. Je pensais ne jamais les entendre dans la bouche d’un homme politique tant ils rappellent l’idéologie nazie !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démission !

M. Christian Jeanjean. Et que dire de « cocus », « égorgés comme des porcs », « fermez vos gueules, vous êtes sans honneur » ? Il s’agit d’un appel à la haine à l’encontre d’un groupe en raison de ses origines. (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’honneur le plus élémentaire aurait voulu que cet homme fût exclu du parti socialiste dans l’instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) L’honneur de la région Languedoc-Roussillon voudrait que cet homme n’en soit plus le président ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Monsieur le ministre, devant l’immense indignation soulevée par le comportement de M. Georges Frêche, quel sentiment vous inspirent ces insultes proférées à l’encontre de nos concitoyens harkis, veuves de harkis et enfants de harkis qui ont tant donné pour défendre la France et ses valeurs républicaines ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ces propos, qui rappellent le fascisme, soient solennellement condamnés dans cette assemblée puis sanctionnés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Car dans une démocratie, nul n’est au-dessus des lois ! (Les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

De nombreux députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démission ! Démission !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants. En effet, monsieur le député, les propos injurieux de M. Georges Frêche, le 11 février, ont scandalisé tous les citoyens dignes de ce nom. Le gouvernement de Dominique de Villepin a partagé l’émotion des fils et des familles de harkis. De tels propos nous rappellent, en effet, une période sombre et sont d’autant plus graves qu’ils viennent d’un élu de la République, d’un président de région. Comment a-t-il pu qualifier de « sous-hommes » des hommes et des femmes, qui sont nos concitoyens et ont peut-être voté pour lui ? Comment a-t-il pu traiter ainsi une composante de notre communauté nationale qui a pourtant tout donné pour mériter le respect ? Ces mots s’adressaient, en effet, à des anciens combattants de l’armée française, qui sont en droit d’attendre le respect de leurs élus plutôt que l’invective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Les limites de l’insupportable ont été dépassées et je tiens à souligner l’extrême sang-froid, le calme et la dignité de ceux à qui on a infligé de telles injures.

En adoptant la loi du 23 février 2005, notamment son article 5, le législateur a été bien inspiré de vouloir protéger cette composante de la communauté nationale qui, bien souvent, est agressée et insultée.

M. Pierre Hellier. Mais jamais à ce point !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. En application des dispositions de ce même article, le garde des sceaux a été saisi et a transmis le dossier à M. le procureur général de la cour d’appel de Montpellier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il faut attendre désormais la qualification de ces tristes faits et les suites qu’il reviendra à la justice de leur donner. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe UMP.

M. Michel Voisin. Ma question s’adresse à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. S’y associent l’autre député de la Dombes, Lucien Guichon, et mes collègues du département de l’Ain.

La découverte, la semaine dernière, du premier cas avéré de grippe aviaire en France a suscité l’émotion dans le pays de la Dombes, mais aussi l’agacement devant une présentation caricaturale qui fait du beau pays aux mille étangs, façonné par le travail des hommes, une zone de marais insalubres.

Monsieur le ministre, après la tempête médiatique, le calme est revenu au pays des mille étangs. Je voudrais saluer le professionnalisme des services de l’État – préfecture, gendarmes, notamment les réservistes, pompiers, techniciens de l’office de la chasse – et des services départementaux, et surtout l’engagement total des exploitants mais aussi de ceux qui sont tellement décriés, les chasseurs, qui, sans compter, quadrillent le terrain, observent, récupèrent les oiseaux morts et suspects. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans ce territoire de pisciculture et d’aviculture, profondément touché par les prédateurs que sont les grands cormorans, les cygnes et autres, pour lesquels aucune solution n’a été trouvée, c’est la filière avicole qui est aujourd’hui en grande difficulté. Je ne doute pas que toutes les mesures économiques sont prévues pour lui venir en aide. Les oiseaux tiennent une place importante dans notre société, mais notre engagement politique est tourné avant tout vers l’homme, au centre de cette société.

Pouvez-vous faire le point sur la situation et sur les moyens sanitaires que vous mettez en place ? Comment comptez-vous tenir les Français informés de l’évolution de cette crise ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Le calme est en effet revenu. C’est effectivement avec calme, monsieur le député, mais aussi avec une totale mobilisation que nous devons aborder le dossier de la grippe aviaire.

Il y a deux choses bien différentes. Il y a d’abord la grippe aviaire qui touche les oiseaux, en l’occurrence un oiseau sauvage et en aucun cas un élevage sur notre territoire. Il est vrai que tous les acteurs de terrain se sont mobilisés exactement comme il le fallait. Une zone de protection a été mise en place dans un rayon de trois kilomètres et une zone de surveillance dans un rayon de dix kilomètres, conformément au plan que nous avons préparé depuis des mois.

Ensuite, quand on parle de grippe aviaire, il faut faire attention à ne pas créer d’amalgame. Il risque effectivement de se développer une grippe aviaire qui toucherait les humains. Une telle contamination de l’homme à l’homme n’a été constatée nulle part sur la planète mais, à partir du moment où le risque existe, notre responsabilité publique, notre responsabilité politique, c’est de l’anticiper et de nous préparer.

Le Président de la République a rappelé qu’il n’y aurait aucun obstacle économique ou financier pour nous préparer le mieux possible. Le Premier ministre a souhaité que notre plan ne soit jamais définitif et qu’on l’améliore à chaque fois que ce sera possible, pour avoir des masques de protection en cas de pandémie, des médicaments antiviraux mais également des vaccins.

Nous agissons dans une totale transparence. À chaque fois qu’il y a de nouvelles connaissances scientifiques, à chaque fois notamment que nous mettons en place des exercices de simulation pour nous permettre d’améliorer encore notre efficacité, comme ce sera le cas à Lyon avec le Premier ministre, nous informons nos concitoyens. Ils veulent de notre part action et anticipation, ils veulent aussi la transparence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

situation économique

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, je voudrais prolonger la question antérieure sur le thème de la mauvaise gestion.

Contrairement à vos déclarations, les résultats obtenus par notre pays sur le plan économique, le plan budgétaire, le plan social, ne sont pas bons. Vos affirmations contrastent fortement avec la réalité subie par une très grande majorité des Français, avec le niveau de croissance moyen dans le monde et avec vos propres chiffres officiels.

Nous accumulons les mauvais records.

M. Yves Fromion. Les 35 heures !

M. Didier Migaud. L’INSEE vient d’en confirmer une série : 1,4 % de croissance, contre 2,5 % attendus,…

M. Jean-Marc Roubaud. Personne ne travaille !

M. Didier Migaud. …contre plus de 4 % dans le reste du monde. Le commerce extérieur connaît l’un des plus mauvais résultats de notre histoire. La consommation est peu soutenue, le déficit et l’endettement ne sont pas maîtrisés. Les créations d’emplois sont peu nombreuses et le contraste est fort avec l’année 2000, par exemple, où 400 000 emplois avaient été créés.

M. Jean-Paul Anciaux. C’est faux !

M. Didier Migaud. Et nous sommes sceptiques sur la réalité de la baisse du chômage.

Tout cela a pour conséquences l’affaiblissement de la France et l’aggravation des difficultés de nos concitoyens. Les inégalités s’accentuent. Le nombre des RMIstes explose, de même que la précarité : 200 000 RMIstes supplémentaires par rapport à 2002, 20 % de plus.

À chaque fois, pour justifier vos mauvais résultats, vous parlez de l’héritage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Eh oui !

M. Didier Migaud. Vous venez encore de le faire, monsieur le Premier ministre, à propos de l’affaire du Clemenceau, en disant qu’il ne s’était rien passé en 1997, oubliant, ou faisant mine d’oublier que, déjà, à l’époque, le chef des armées était l’actuel Président de la République, Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’héritage ! Permettez-moi de vous dire qu’après quatre années de gouvernement, l’excuse est peu convenable,…

M. Georges Tron. C’est une explication, pas une excuse !

M. Didier Migaud. …voire relève d’une certaine lâcheté (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) car les résultats sont plutôt les conséquences de mauvais choix.

Ma question est très simple : acceptez-vous enfin qu’un audit contradictoire sur la réalité de la situation ait lieu cette fois-ci avant la fin de cette législature ? La réponse peut être aussi simple que la question. C’est oui ou c’est non. Si c’est non, de quoi avez-vous peur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Migaud, je constatais en vous écoutant une grande différence entre vous et moi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Moi, voyez-vous, lorsque les résultats sont bons, je les engrange avec le sourire et, lorsqu’ils sont moins bons, je les interprète avec prudence. Vous, quand ils sont bons, vous expliquez qu’on a trafiqué les chiffres et, quand ils sont moins bons, vous en êtes presque au sourire jubilatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je le regrette car cela vous entraîne, un peu comme M. de Courson, à une lecture sélective.

Moi, je constate qu’au troisième trimestre 2005, la croissance a été de 0,7 %. Quant au quatrième trimestre, les résultats sont provisoires.

Mme Martine David. Ils sont mauvais !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a un choc sectoriel dans le secteur automobile, confirmé par l’INSEE, mais il y a par ailleurs des résultats très encourageants sur l’année pour l’investissement, la consommation et les exportations.

M. Augustin Bonrepaux. Tout va bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je me permets d’ajouter ces éléments car vous les avez copieusement oubliés dans votre exposé.

Enfin, sur le chômage, il y a encore une différence entre nous. J’ai constaté que le nombre de chômeurs avait baissé de 180 000 en huit mois et que plus de 300 000 contrats nouvelles embauches avaient été signés. Cela veut dire qu’il se passe quelque chose de positif en France, cela méritait aussi d’être souligné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Lemasle. Et la réponse sur l’audit ?

épidemie de chikungunya à la réunion

M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax, pour le groupe UMP.

M. Bertho Audifax. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le confort, le sentiment de sécurité que procure depuis plus de quarante ans un système sanitaire sain, dans une zone pourtant à risque, n’ont pas préparé la population réunionnaise à affronter le chikungunya. Les Réunionnais sont terrifiés par les symptômes invalidants de cette maladie, les douleurs qu’elle occasionne, les rechutes chez de nombreux malades et, plus généralement, le manque de connaissances générant une incertitude totale quant à une issue favorable proche et définitive.

S’ajoutent à cela les éléments contradictoires apportés par les uns et les autres, la cacophonie médiatique orientée principalement sur les polémiques, les cas les plus graves et les décès, l’insuffisance de nos connaissances sur les produits utilisés dans la lutte antivectorielle. Le tout laisse nos concitoyens collectivement désemparés, comme ils ne l’ont jamais été.

Sous votre autorité, monsieur le Premier ministre, le ministre de la santé et le ministre de l’outre-mer se sont mobilisés, et l’État apporte chaque jour davantage de moyens. Cependant, en raison même de toutes nos incertitudes sur la maladie, de sa recrudescence à la fin de 2005 et au début de 2006 et de l’importance de l’épidémie, la communication a été très difficile et reste délicate.

Ne pensez-vous pas qu’à la lumière de cette expérience réunionnaise, il serait bon de constituer une cellule de communication spécialisée en gestion d’épidémie, avec des experts de la santé publique et de la communication exploitant au quotidien les nouvelles données pour informer et rassurer de manière claire et cohérente la population ?

Quelle aide psychologique peut-on apporter aux patients déprimés par les rechutes à répétition et aux familles en deuil ?

Parallèlement, pouvez-vous faire en sorte que l’organisation et la coordination sur place soient gérées par une cellule unique, véritable poste de commandement, seule autorité dirigeant tous les moyens humains et matériels, mais en relation directe avec les opérateurs de terrain que sont les municipalités, et davantage à leur écoute ?

Enfin, compte tenu de l’exposition de la Réunion, entourée de pays voisins en voie de développement ou émergents qui ne disposent pas d’un système sanitaire sécurisé comparable à celui de la nation française, pouvez-vous relancer le fonctionnement d’un véritable service de prophylaxie, renforcer la veille sanitaire et créer un institut de recherches européen sur les maladies tropicales à la Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Monsieur le député, je tiens d’abord à vous assurer, au nom du Gouvernement, de la pleine et entière solidarité de la communauté nationale à l’égard de nos compatriotes réunionnais qui souffrent et qui sont dans l’inquiétude.

Le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, a mis en œuvre un plan global, qui traite de tous les aspects de cette crise importante : aspects sanitaires, conséquences économiques, organisation de la coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Notre politique en la matière repose sur deux principes simples : une absolue transparence et une mobilisation sans failles, en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances, le temps qu’il faudra, pour vaincre le chikungunya.

Le chikungunya est d’abord un problème de santé publique. Xavier Bertrand, ministre de la santé publique, a mis en place une cellule qui coordonne l’action interministérielle. Des personnels médicaux et sanitaires ont été envoyés pour renforcer les équipes sur place, ainsi que du matériel destiné en particulier aux mères et aux jeunes enfants.

Les ministres de l’intérieur et de la défense ont mobilisé des moyens supplémentaires : 300 militaires sont venus renforcer les 500 militaires présents sur place, 77 représentants des forces de la sécurité civile ont été envoyés la semaine dernière et 300 militaires supplémentaires viendront, le 28 février, renforcer un dispositif qui comportera plus de 3 000 personnes en charge de la démoustication.

Le ministre de la recherche a mobilisé nos meilleures équipes de recherche spécialisées dans les maladies tropicales pour travailler sur les éléments qui permettront de mieux connaître cette maladie contre laquelle, je le rappelle, il n’y a ni vaccin ni traitement, et pour accélérer la mise en place d’un dispositif de traitement.

La ministre de l’environnement, en liaison avec les collectivités locales, comme vous l’avez souhaité, a également débloqué des moyens pour lutter contre les décharges sauvages.

Enfin, le ministre du tourisme revient de la Réunion ce matin. Je m’y rends ce soir pour m’assurer de la coordination du plan annoncé par le Premier ministre. Le tout est décliné à l’échelon local par une cellule présidée par le préfet. Un numéro vert a été mis en place, le 0800 100 000, pour permettre un accompagnement psychologique, sous l’autorité des services sanitaires. Les gens chargés de répondre aux personnes qui s’interrogent sur cette maladie bénéficient également d’un accompagnement psychologique.

Nous gagnerons, monsieur Audifax, la bataille contre le chikungunya.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas une guerre, c’est un problème de santé publique !

M. le ministre de l’outre-mer. Nous la gagnerons ensemble, l’État, les collectivités locales et l’ensemble des Réunionnais, car c’est une action collective qui nous permettra d’éradiquer le moustique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

HAUSSE DE LA fiscaliTé régionale

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe UMP.

M. Bernard Deflesselles. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget.

M. Migaud, député socialiste, vient de nous parler de « bonne gestion ». Eh bien, parlons-en ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur ferait-elle figure de précurseur en la matière ? Ouvrirait-elle la voie aux autres régions de gauche ? On peut le penser car son président, Michel Vauzelle, vient de lui infliger une hausse des impôts de 24 % en moyenne (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) mais 30 % sur la taxe professionnelle ! (« C’est un scandale ! » sur les mêmes bancs.) Par ces décisions, les socialistes jouent contre les entreprises, contre l’investissement et contre l’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Les transferts de charges ne sont pas compensés !

M. Bernard Deflesselles. Avec 22 % sur les cartes grises, la région PACA se place en tête des régions de France pour la fiscalité automobile.

La potion semble amère, surtout quand les 24 % s’ajoutent aux 30 % de 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que depuis 1998 l’augmentation totale est de 110 %. (Vives exclamations sur les mêmes bancs.)

Ces augmentations seraient dues à la décentralisation et à l’État qui étranglerait financièrement les régions.

M. Jean Glavany. Ainsi, vous le reconnaissez !

M. Bernard Deflesselles. De qui se moque-t-on ? Ce sont les socialistes qui ont porté un coup à l’autonomie financière des régions : en 1998 quand M. Strauss-Kahn leur a supprimé les droits de mutation ; en 2000 quand M. Fabius les a privées de la part salariale sur la taxe professionnelle ; en 2001 quand M. Jospin lui-même les amputait, sans concertation, de la part régionale de la taxe d’habitation.

Il est pourtant une région socialiste qui n’augmentera pas ses impôts cette année.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Laquelle ?

M. Bernard Deflesselles. C’est la région Poitou-Charentes, présidée par Mme Ségolène Royal ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Deux choses l’une : ou cette région n’est pas étranglée par l’État et ne subit pas les affres de la décentralisation ou sa présidente poursuit d’autres desseins ! (Rires sur les mêmes bancs.)

Monsieur le ministre, pourriez-vous user de votre influence, qui est grande, je le sais, pour que les vingt présidents des autres régions socialistes nourrissent les mêmes ambitions ? La très grande majorité des contribuables régionaux serait ainsi épargnée ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Et les Hauts-de-Seine, ils sont présidés par qui ?

M. Bernard Deflesselles. Enfin, pourriez-vous nous éclairer sur les responsabilités respectives de l’État et des régions dans ces hausses inconsidérées de la fiscalité régionale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, votre question me cause à la fois de la peine et un peu de joie.

De la peine, car je suis consterné de devoir à nouveau constater l’explosion des impôts locaux dans votre région PACA comme dans la région Île-de-France. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui l’avez provoquée !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De la joie, car dès lors que le président de la région PACA augmente de 30 % la taxe professionnelle, …

M. Albert Facon. C’est pour payer les dettes de la majorité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …c’est, si je comprends bien, qu’il n’est pas candidat à l’élection présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il n’en reste pas moins, au-delà du sourire qu’il faut bien afficher, que tout cela est consternant. Nous nous efforçons, par tous les moyens, d’inviter à la maîtrise de la dépense publique, de diminuer les impôts de l’État et de compenser systématiquement les transferts de compétences (M. Augustin Bonrepaux proteste vivement), qui d’ailleurs ne concernent pas les régions puisqu’elles n’ont pas eu de transfert de compétences à financer autrement que par les dotations d’État. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et malgré cela il y a encore des régions comme la vôtre dans lesquelles on fait exploser la taxe professionnelle pour s’étonner ensuite tristement de voir les entreprises se délocaliser. Voilà ce qui ne va plus dans notre pays ! Nous en appellerons à la responsabilité de chacun à travers la conférence des finances publiques.

Quant à Ségolène Royal, elle a déclaré il y a peu : « Il faut lutter contre les gaspillages car les Français ne comprennent l’impôt qu’à travers l’utilisation concrète des dépenses. » Finalement la sagesse est un peu partout dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Chikungunya

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. La sécurité sanitaire est devenue à juste titre une préoccupation majeure de nos concitoyens. À mon tour, monsieur le Premier ministre, je dois malheureusement signaler les négligences graves dont s’est rendu coupable le Gouvernement en matière de sécurité sanitaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Au début d’avril, une épidémie de chikungunya frappait la Réunion. Ce virus, mal connu, aurait dû donner lieu à une surveillance renforcée et non pas à une action négligée. Mais, en raison de votre inertie, l’épidémie a été sous-estimée. Aujourd’hui plus de 120 000 de nos compatriotes de la Réunion sont touchés par cette maladie. Chaque semaine, chers collègues qui éructez sur ces bancs de façon politicienne (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), la maladie frappe 25 000 nouveaux Réunionnais !

Vous avez non seulement sous-estimé la gravité de l’épidémie, mais aussi celle de la maladie. Il y a encore quelques semaines, un ministre nous parlait d’une mauvaise grippe alors qu’il s’agit d’une maladie douloureuse, invalidante, aux risques de transmission materno-fœtale inconnus pour le moment, et qui a malheureusement tué.

Vous avez joué l’inertie pendant des mois et des mois, avant que l’opinion publique réunionnaise ne fasse pression. Et nous n’en serions sans doute pas là, mes chers collègues, s’il s’était agi de l’un de vos départements de métropole ! (Très vives protestations puis claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Le Guen, voyez ce que vous avez déclenché ! Je vous en prie, posez votre question !

M. Jean-Marie Le Guen. Trouvez-vous normal que la Gouvernement ne réagisse pas lorsque 120 000 personnes sont atteintes et se contente de multiplier les opérations de démoustication… (Le tumulte grandissant sur les bancs des groupes UMP et UDF couvre la voix de l’orateur.)

M. le président. Arrêtez, nous ne sommes pas à la maternelle ! Et vous, monsieur le Guen, posez votre question, sinon je vous retire la parole !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vais poser ma question, monsieur le président, mais mes collègues sont visiblement gênés. Faites-les taire !

M. le président. Vous avez quinze secondes !

M. Jean-Marie Le Guen. Merci, monsieur le président. Je veux simplement demander au Gouvernement… (Le vacarme s’accroît sur les bancs des groupes UMP et UDF.)

M. le président. Posez votre question ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen. On ne peut pas s’exprimer avec cette majorité ! (Tumulte sur tous les bancs.)

M. le président. Puisque vous ne voulez pas poser votre question, la séance est suspendue !

Suspension et reprise de la séance

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Motion de censure

Discussion et vote

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Martine Billard et cent quarante et un membres de l’Assemblée nationale (1).

La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, la motion de censure que je présente au nom des socialistes, des radicaux de gauche et des Verts, est notre réponse à votre décision de recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter sans vote par l’Assemblée nationale le contrat première embauche.

M. Christian Paul. Scandaleux !

M. François Hollande. Mais je ne veux pas débattre de procédure ; ce que je veux, c’est que nous engagions, les uns et les autres, un vrai débat politique sur nos conceptions de l’avenir du modèle social français, qui nous opposent légitimement. Vous avez fait le pari d’une société de précarité, au nom de ce que vous croyez être l’efficacité, comme si l’incertitude et l’instabilité pouvaient être le gage d’une prospérité, même éphémère. Nous, la gauche, faisons le choix inverse : ce sont les sécurités professionnelles et sociales qui permettent les transitions et garantissent une croissance durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rien, monsieur le Premier ministre, ne le montre mieux que vos résultats depuis bientôt neuf mois que vous avez la responsabilité du Gouvernement. Vous vouliez insuffler à votre majorité, qui en avait bien besoin, le mouvement et l’audace. Vous vous étiez imprudemment donné cent jours pour convaincre l’opinion. Près de deux cents jours se sont écoulés depuis ce rendez-vous, et vous êtes dans la même situation que votre prédécesseur : vous avez perdu la confiance des Français.

Rien d’étonnant à cela, puisque vous poursuivez la même politique, avec les mêmes conséquences pour le pays. Le premier motif de censure de votre gouvernement, c’est donc l’état de la France.

La France va mal.

M. Jean-Marc Roubaud. La faute aux 35 heures !

M. François Hollande. Elle n’est pas en déclin – je suis d’accord avec vous –, elle est en de mauvaises mains.

Il y a plusieurs mois, vous veniez, ici même, proclamer devant nous que vous alliez relancer la croissance. Aujourd’hui elle languit, elle se traîne, elle expire, atteignant à peine 1,4 % en 2005, au lieu des 2,5 % annoncés, si je ne me trompe, par Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’économie et des finances.

M. Christian Paul. L’imprudent !

M. François Hollande. Vous prétendiez que vous alliez soutenir l’investissement : il a baissé de 4 % ces douze derniers mois.

Vous vantiez la compétitivité des entreprises : le déficit de la balance commerciale atteint le niveau record de 26,5 milliards d’euros en 2005, contre 8 milliards en 2004.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Du jamais vu !

M. François Hollande. Et 9 milliards seulement sont dus à l’alourdissement de la facture pétrolière.

Vous annonciez imprudemment la maîtrise de l’endettement public : la dette a atteint en 2005 le niveau historique de 68 % de la richesse nationale, contre 58 % en 2002.

Vous affichiez pour objectif, monsieur le Premier ministre, le redressement de la sécurité sociale : l’assurance maladie accuse un découvert de plus de 10 milliards d’euros, et les régimes de retraite sont de nouveau dans le rouge.

Vous proclamiez votre volonté de redresser le pouvoir d’achat : il s’est effondré sous le poids de l’aggravation de la pression fiscale et sociale que vous avez infligée aux Français.

Enfin, vous vous glorifiez de la diminution du chômage depuis huit mois.

M. Daniel Mach. Grâce à vous ?...

M. François Hollande. Nous voudrions sincèrement pouvoir nous en réjouir avec vous. Mais elle n’est due qu’à un nombre de départs en retraite plus élevé que celui des jeunes arrivant sur le marché du travail, qu’aux radiations administratives intervenues tout au long de l’année 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et elle n’est due enfin – c’est un constat que nous pouvons partager – qu’à la progression du nombre des contrats aidés, à laquelle vous vous êtes enfin résolu, après les avoir d’abord supprimés à partir de 2002. Mais cette baisse du chômage n’est due en aucun cas à la création d’emplois dans le secteur privé : à peine 60 000 en 2005 – mais peut-être devrais-je finalement vous en féliciter, après une année 2004 qui n’a vu aucune création d’emploi, et une année 2003 où l’on a constaté une destruction nette d’emplois. Ainsi, depuis 2002 à peine 20 000 emplois ont été créés, contre deux millions de 1997 à 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Là est la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. François Hollande. Voilà votre bilan, monsieur le Premier ministre ! Mais je veux être juste : il se confond avec celui de Jean-Pierre Raffarin et de tous les ministres qui vous entourent, y compris celui qui propose, non sans esprit de provocation, « la France d’après », alors qu’il est, plus qu’aucun autre, comptable de l’état de la France d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais plutôt que d’assumer la responsabilité de vos décisions depuis quatre ans, monsieur le Premier ministre, vous préférez mettre en accusation notre modèle social : ce ne serait pas votre politique, par ses errements, qui serait en échec, mais la France, par ses acquis sociaux, qui serait en panne. Tel est le tour de passe-passe qui vous disculpe : rien ne serait de votre faute, tout viendrait des Français eux-mêmes,…

M. Jean-Marc Roubaud. Non, des socialistes !

M. François Hollande. …trop protégés par trop de garanties, immobiles, enfermés qu’ils seraient derrière des verrous qu’il faudrait faire sauter à tout prix !

M. Daniel Mach. C’est vous qui les plombez !

M. François Hollande. Et le premier d’entre eux s’appelle tout simplement le code du travail : c’est là le deuxième motif de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

II ne vous a pas suffi en quatre ans, et avant vous à Jean-Pierre Raffarin et au gouvernement précédent, d’augmenter le contingent des heures supplémentaires, d’alléger leur coût, de supprimer un jour férié, de faciliter le recours à l’intérim, d’assouplir les règles du licenciement, de modifier les fondements de la négociation collective, de supprimer les emplois-jeunes.

M. Francis Delattre. Des emplois jeunes qui n’étaient pas financés !

M. François Hollande. Non ! Vous entendez désormais toucher au contrat de travail lui-même. Vous avez commencé avec le contrat nouvelles embauches, au prétexte de soutenir les petites et moyennes entreprises. Vous continuez avec le contrat première embauche, que vous justifiez par la nécessité de traiter le chômage des jeunes.

M. Jean-Jacques Descamps. Exactement !

M. François Hollande. La dernière étape est pour bientôt, puisque vous nous préparez un nouveau contrat pour tous les salariés, au nom, sans doute, du principe d’égalité de tous devant la précarité.

Aujourd’hui, ce sont les jeunes de moins de vingt-six ans qui risquent de faire les frais de votre obstination idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous reproche surtout, monsieur le Premier ministre, au-delà de l’instrument que vous destinez aux jeunes, et que je conteste en effet, de ne pas leur dire la vérité. Ici, dans cette enceinte, vous avez affirmé, pour faire passer le CPE, qu’il faudrait aujourd’hui de huit à onze ans à un jeune pour décrocher un contrat à durée indéterminée.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mensonge !

M. François Hollande. Or, selon toutes les statistiques officielles, un jeune sur trois – c’est encore trop peu – obtient un CDI dès sa première embauche, et deux jeunes sur trois en bénéficient au bout de trois ans de présence sur le marché du travail. La meilleure preuve est que le CDI concerne près de 60 % des actifs de dix-neuf à vingt-neuf ans.

M. Jacques Myard. Et combien sont chômeurs ?

M. François Hollande. Tirer prétexte de la précarité de quelques-uns – encore trop nombreux – pour la généraliser à tous, est insupportable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Laisser penser qu’il faudrait démanteler le CDI au prétexte que certains n’y accéderaient pas est inacceptable !

M. Jean-Marc Roubaud. Démago !

M. François Hollande. Vous noircissez la situation de la jeunesse pour mieux obscurcir son avenir.

Vous lui dissimulez aussi la réalité du CPE en déclarant à la télévision qu’« il n’y a jamais eu une proposition faite aux jeunes qui soit aussi avantageuse et protectrice ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est scandaleux !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. François Hollande. En dépit de toutes les précautions verbales dont vous pourrez l’entourer, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, le CPE se résume à cette formule simple et incontestable : un contrat qui permet à l’employeur de licencier le salarié du jour au lendemain sans motif, et ce pendant deux ans. Où est l’avancée dont vous parlez, quand le salarié n’a aucun droit et l’employeur aucun devoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Où est le progrès social, monsieur le Premier ministre ?

Le contrat première embauche n’est pas un contrat à durée indéterminée, un CDI – ou plutôt, c’est un CDI d’une autre manière : un « contrat dénonçable immédiatement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il est moins protecteur qu’un CDD, car ce dernier, même s’il n’est pas parfait, a au moins une durée minimale, alors que le CPE n’en a aucune.

En second lieu, le CPE comporte une période d’essai de deux ans. Or, dans aucun pays d’Europe cette durée n’est supérieure à un an. Faut-il donc que ce soit en France, dans le pays où le code du travail était jusqu’à présent le plus protecteur, que, du fait de votre gouvernement, la période d’essai soit la plus longue ? Voilà votre résultat. (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, le contrat première embauche méconnaît les principes fondamentaux de notre droit. Le salarié n’aura droit à aucun entretien préalable au licenciement et ne pourra même pas être accompagné par un délégué du personnel ou un salarié de l’entreprise : il sera licencié sans motif et sans procédure. L’employeur n’aura même pas à motiver sa décision. Il s’ensuivra, comme nous en avons déjà des exemples avec le CNE, une multiplication des contentieux devant les tribunaux. D’autant que le contrat première embauche ne respecte pas la charte sociale européenne, qui prescrit que le licenciement doit être motivé. D’autant que la France ne respecte même pas la convention de l’OIT, qui prévoit également que le licenciement est nul s’il n’est pas démontré que le salarié est inapte à l’emploi ou que l’entreprise connaît un problème de fonctionnement. Où est le progrès social dont vous parlez ? Vous avez inventé le licenciement par simple lettre avec accusé de réception !

Notre débat n’aura pourtant pas été inutile, et je remercie ceux qui y ont participé, hélas trop brièvement ! Nous savons maintenant, au terme de la discussion qui a eu lieu dans cette enceinte, que jusqu’à l’âge de vingt-six ans, un jeune pourra être recruté par plusieurs employeurs successifs, toujours en CPE et sans limitation du nombre des contrats, et qu’un employeur, après avoir licencié un jeune sans motif, pourra en recruter un autre sur le même poste de travail, et ainsi de suite.

Le CPE s’appliquera donc à tous les salariés jusqu’à leurs vingt-six ans. Ce n’est pas un contrat de plus pour les jeunes, mais un contrat qui se substituera à tous les autres. Jusqu’à vingt-six ans, le seul avenir, c’est le CPE ou le chômage. Ce n’est pas un outil de plus pour l’emploi, mais une arme de destruction du contrat à durée indéterminée. Ce n’est pas réservé à quelques-uns mais prévu pour tous. C’est la raison pour laquelle vous ne prévoyez pas de phase d’essai dans la période de consolidation qui doit durer jusqu’en 2007 : avec le CPE, c’est la fin programmée du contrat à durée indéterminée pour tous.

À votre conception, que je respecte, d’une société dans laquelle il faudrait être précaire pour être motivé et retrouver un travail, nous voulons opposer celle d’une société fondée sur les sécurités professionnelles. Nous avons, à cet égard, deux propositions à formuler.

D’abord, le « contrat sécurité formation » pour les jeunes sans aucune qualification ni aucun diplôme, qui ne trouvent aucun travail et n’en trouveront pas davantage avec le CPE. Tous les employeurs qui souscriraient à ce contrat bénéficieraient de l’aide liée à la formation apportée aux jeunes. Ainsi, tous les contrats à durée indéterminée comportant une part de formation pour les jeunes sans qualification seraient subventionnés par les pouvoirs publics. Voilà ce qui permettrait à 20 % des jeunes sur le marché du travail d’avoir enfin accès à la qualification, à l’emploi et à la durée d’un contrat professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?

M. François Hollande. Notre deuxième proposition est la modulation des cotisations sociales selon la durée des contrats, afin de faire du contrat à durée indéterminée la forme normale d’embauche. J’emploie cette expression à dessein, car le rapport qui vient de vous être présenté par M. Proglio affirme qu’il est souhaitable non de créer un nouveau dispositif, mais de faire en sorte que la modulation des cotisations sociales dans le cadre du contrat à durée indéterminée nous permette d’encourager les contrats de longue durée et de pénaliser les formes précaires.

Monsieur le Premier ministre, puisque vous ne voulez pas de ce rapport, nous le faisons nôtre. Oui, il est possible de moduler les cotisations sociales selon la durée du contrat, et de faire du CDI la forme normale d’embauche.

M. Jean-Marc Roubaud. Bla-bla !

M. François Hollande. Enfin, le comité d’orientation de l’emploi nous apprend qu’il y aurait aujourd’hui 2 500 aides à l’emploi et plus de 300 contrats destinés à encourager les jeunes, les seniors, les femmes ou les handicapés. Il faut une forme simple de contrat de travail.

M. Jean-Jacques Descamps. C’est le CNE !

M. François Hollande. Il faut ouvrir avec les partenaires sociaux la grande négociation que vous n’avez pas ouverte sur le contrat de travail, pour prévoir des garanties qui progresseront au fur et à mesure de la carrière et se renforceront en fonction de l’ancienneté.

De même, nous proposons, pour permettre les transitions professionnelles indispensables, un contrat de reclassement afin d’accompagner le salarié vers l’emploi dans un parcours de formation.

Voilà la différence entre vous et nous : vous proposez un démantèlement pour tous du droit du travail, tandis que nous proposons une adaptation des aides, une contrepartie des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes et pour les salariés qui en ont le plus besoin et qui demandent un parcours de formation.

Il y a là un choix de société. Je respecte le vôtre. Convenez que le nôtre a aussi du sens, de la cohérence et, je l’espère, de l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J’en viens au troisième motif de censure. Monsieur le Premier ministre, vous parlez beaucoup et communiquez souvent, vous multipliez les annonces, mais jamais – ou, du moins, rarement – les mots exprimés par un pouvoir n’ont été aussi démentis par les actes.

Que veut dire, en effet, l’égalité des chances quand le projet de loi qui porte ce nom, et qui fait précisément l’objet de votre recours à l’article 49-3, défait l’obligation scolaire jusqu’à seize ans, autorise l’apprentissage à quatorze ans, légalise le travail de nuit à quinze ans et supprime les allocations familiales pour les ménages en grande détresse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. François Hollande. Que veut dire la priorité éducative quand le Gouvernement dépose le bilan des zones d’éducation prioritaire et multiplie les filières d’exclusion ?

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. François Hollande. Que veut dire l’« engagement national pour le logement » quand la seule réponse de votre majorité à l’envolée des loyers est de briser l’obligation faite aux communes de construire des logements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tel est le sens, en effet, des amendements déposés pour contrarier les obligations qui s’appliquent en la matière.

Que veut dire un plan pour les banlieues quand on apprend aujourd’hui que les crédits promis à la suite des graves événements du mois de novembre n’ont pas encore été attribués aux maires des communes concernées et que le plan d’indemnisation des victimes n’a même pas été mis en place ?

Que veut dire enfin la « croissance sociale » – ce sont vos propres mots – quand il n’y a ni croissance économique, ni progrès social ?

C’est ce grand écart entre les principes que vous proclamez et les réalités vécues par les Français qui crée aujourd’hui la défiance du pays envers votre politique, et il vous appartient, comme à nous, d’éviter que cette défiance envers votre politique ne devienne une colère ou un fatalisme dans le pays. Nous en sommes tous comptables.

Nous avons intérêt à une démocratie vivante.

M. Francis Delattre. Essayez déjà d’être présents au second tour !

M. François Hollande. Or, monsieur le Premier ministre, vous paraissez craindre la démocratie. Votre méthode de gouvernement apparaît personnelle et singulière.

Qu’elle soit personnelle, c’est votre droit. Il semble d’ailleurs que vous ayez décidé seul le CPE, contre l’avis de vos ministres, mais cette décision est de votre ressort.

Comment admettre, en revanche, sur un sujet majeur comme le droit du travail, que les partenaires sociaux – syndicats, mais aussi organisations patronales – n’aient pas été consultés ? Vous avez ainsi contrevenu à une règle que votre majorité avait elle-même votée dans la loi du 4 mai 2004, et qui oblige à la négociation avant toute législation en matière de droit du travail. Où a eu lieu la négociation, alors que vous démantelez le droit du travail ? Quand ont été consultés les syndicats ? Quand ont été associées les forces vives ? Quand ont été impliquées les organisations de jeunesse ? (« Jamais ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Jamais !

Comment comprendre le passage en force sur le CPE alors même que vous vous étiez engagé à procéder, avant toute extension du contrat nouvelles embauches, à une évaluation de l’ensemble du dispositif ? Aujourd’hui, on ne connaît toujours pas le nombre de contrats nouvelles embauches, et pas davantage le nombre d’emplois créés par ce dispositif, mais on connaît en revanche le nombre de contentieux créés par ce contrat et portés devant les tribunaux et les prud’hommes.

M. Guy Geoffroy. Pure invention !

M. François Hollande. Le CNE est lui-même une forme d’instabilité et d’insécurité, y compris pour la partie patronale.

Enfin, comment justifier votre attitude à l’égard du Parlement ? Vous y disposez d’une majorité large et plutôt docile (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Pierre Lellouche. Il y a des exceptions !

M. François Hollande. « Docile » n’est pas une injure ! Je pourrais même dire : « disciplinée ».

Toujours est-il que vous paraissez vous défier de la représentation nationale. Il a fallu que vous ayez recours aux ordonnances pour le CNE, puis à un amendement pour faire passer le CPE, en déclarant l’urgence pour aller plus vite et profiter des vacances scolaires. Pour couronner le tout, vous recourez à l’article 49-3 de la Constitution pour éviter un véritable débat sur le démantèlement du droit du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Vous avez joué le pourrissement du débat !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous nous parler si souvent d’urgence, de rapidité et de nécessité d’agir alors que vous êtes au pouvoir depuis quatre ans, que vous avez fait voter au moins cinq lois sur l’emploi et le travail, et que vous êtes comptable de quatre lois de finances, chaque fois mal exécutées ? Si vous pensez que du temps a été perdu depuis quatre ans, c’est grave pour votre prédécesseur mais, de grâce, ne précipitez pas la marche ! Ne rendez pas vos choix irréversibles avant 2007 ! Ce serait grave pour vos successeurs – que nous comptons bien être, si les Français en décident ainsi. Ne démantelez donc pas le droit du travail avant notre retour aux responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.

M. Guy Geoffroy. Ségolène, au secours !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avez ignoré le dialogue social, contourné le Parlement, pris de court la jeunesse. Je vous le dis : le passage en force est le signe des pouvoirs faibles. La démocratie dans une société comme la nôtre n’est pas une contrainte, un frein, un handicap, mais une chance.

M. Jean-Jacques Descamps. Alors, pourquoi avez-vous bloqué le débat ?

M. François Hollande. C’est une chance d’associer les partenaires sociaux aux réformes et les citoyens aux actions qui les concernent, d’avoir un Parlement qui vit et qui débat. Cette chance, vous ne l’avez pas saisie, car en définitive vous n’êtes pas sûr de vos réformes. Vous craignez à tel point la rue et la jeunesse que vous avez fait débattre et arrêter le débat pendant la période des vacances scolaires, de crainte que les mouvements ne renaissent.

Je vous le dis : vous avez arrêté le débat, mais vous n’échapperez pas aux protestations de la jeunesse, parce que c’est inéluctable. Quand on froisse les droits du Parlement, quand on méprise le dialogue social et qu’on oublie la jeunesse, elle se rappelle toujours à vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous engagerions, quant à nous, une grande réforme de la démocratie sociale (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : nous renforcerions la représentativité des syndicats, nous leur accorderions des financements publics, nous rendrions possibles les accords majoritaires, nous permettrions à des salariés élus de siéger dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises, nous ferions confiance au dialogue social et à la démocratie.

De même, nous ferions confiance au Parlement : je peux en parler d’autant plus aisément que, pendant les cinq ans où nous avons été aux responsabilités, jamais nous n’avons utilisé l’article 49-3. (« Et Rocard ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Même quand vous avez fait de l’obstruction parlementaire et essayé, des jours et des nuits durant, d’empêcher le vote des 35 heures ou du PACS, jamais nous n’avons utilisé de procédure contraignante à l’égard du Parlement, et nous en sommes fiers. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Micaux. Rocard l’a fait quinze fois !

M. François Hollande. En conclusion, monsieur le Premier ministre, ce qui nous oppose, et il est légitime de le dire dans une grande démocratie comme la nôtre, c’est une vision du modèle social, une stratégie économique, un refus – pour les uns, de la précarité, pour les autres, des immobilismes –, mais aussi une méthode politique, un rapport à la démocratie, une conception du pouvoir.

M. Jean-Jacques Descamps. Archaïque !

M. François Hollande. Cette confrontation légitime aura lieu bientôt, en 2007. Si elle ne peut pas se dérouler ici, au Parlement, parce que le 49-3 est intervenu sur ce texte, nous n’avons aucune crainte : nous savons bien qu’à un moment les Français seront juges. Et si cette majorité ne prononce pas la censure, les Français le feront à sa place en 2007 ! (Les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe UDF.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, lorsque vous avez proposé le CPE, au début, il y a eu une grande incertitude parmi les Français, beaucoup d’interrogations. Dans tous les milieux. Même dans les courants de pensée supposés être contre, on entendait : « Après tout, c’est mieux que rien ! Les jeunes, de toute façon, subissent la précarité. » Et dans les courants de pensée supposés être pour, on s’interrogeait : « Tout de même, est-ce qu’on ne va pas trop loin ? Est-ce que le contrat de travail n’est pas mis en cause de manière trop risquée ? » Puis, peu à peu, les Français sont sortis de cette incertitude, ils se sont mis à bouger. Et aujourd’hui, dans ce contrat dit « de première embauche », ils jugent majoritairement que quelque chose ne va pas. Ce mouvement des Français, ce « quelque chose ne va pas », vous devriez l’entendre au lieu de rechercher le passage en force. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Une grande agence de presse définissait hier le CPE par quatre éléments : « Un contrat à durée indéterminée, réservé aux moins de vingt-six ans, dans les entreprises de plus de vingt salariés, qui débute par une période de deux ans au cours de laquelle l’employeur peut licencier le salarié sans justification. »

Sur ces quatre éléments, il y en a trois qui ne vont pas.

Le premier élément de ce « quelque chose qui ne va pas », c’est votre choix de lier la précarité à l’âge, en la focalisant sur les moins de vingt-six ans. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bruno Le Roux. Vous préféreriez l’élargir ?…

M. François Bayrou. C’est vrai que beaucoup de gens pensent que mondialisation égale flexibilité, et que flexibilité égale précarité. Et certains esprits, y compris dans cet hémicycle, considèrent que la faculté de débaucher commande la faculté d’embaucher.

M. Henri Emmanuelli. Il y en a beaucoup à l’UMP !

M. François Bayrou. Il y en a aussi qui prétendent, dans un autre domaine, celui du logement, qu’on trouverait beaucoup plus de logements à louer si on supprimait les baux à durée fixée et si le bail devenait révocable à tout moment.

Nous ne partageons pas ce sentiment. Nous pensons exactement le contraire, c’est-à-dire que la solidarité entre salariés et entreprise, la loyauté entre entreprise et salariés, le sentiment que l’on est engagés ensemble et que l’avancée de l’un fait l’avancée de l’autre, nous pensons que ce lien donc, est un atout dans la compétition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ce qui est frappant dans le CNE comme dans le CPE, c’est qu’on n’a pas osé poser la question de la flexibilité pour tous les contrats de travail. On est allé au plus facile,…

M. Henri Emmanuelli. Au plus vulnérable !

M. François Bayrou. …en décidant de concentrer toute la flexibilité et donc toute la précarité sur les plus fragiles : les plus jeunes et les plus petites entreprises.

Ainsi, dans une France dont, vous le savez bien, chacun constate partout qu’elle se déchire, sur la couleur de peau, sur la religion, sur les conditions sociales, dans cette France des fractures, on invente encore une fracture supplémentaire. Une nouvelle fois, il y a deux France : d’un côté, la France des plus protégés – la fonction publique, les grandes entreprises, les travailleurs à statut – ; de l’autre, les « sans statut », ceux qui ne se défendront pas et qui vont devenir inévitablement, inéluctablement, la variable d’ajustement des mouvements d’emploi. Car si vraiment le besoin de flexibilité est aussi fort qu’on le dit, cela va faire tache d’huile. Aujourd’hui, plus de la moitié des jeunes, trois ans après leur entrée sur le marché du travail, ont un CDI. Demain, croyez-vous que les employeurs hésiteront longtemps quand ils auront le choix entre un contrat qui les engage et un contrat qui ne les engage pas ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Oh non !

M. François Bayrou. En économie, on dit que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Ce sera vrai aussi pour le contrat de travail.

Deuxième raison qui fait que « quelque chose ne va pas » : le CPE est un contrat qui, pendant deux ans, n’a pas besoin de justification pour se terminer par un licenciement.

Monsieur le Premier ministre, pas un pays en Europe, pas un seul, même pas l’Angleterre de Mme Thatcher, n’a choisi un contrat qui permette pendant deux années de licencier sans justification.

M. Julien Dray. Votez la censure !

M. François Bayrou. Aucun pays ne l’a fait, disais-je, parce que c’est directement contraire à nos engagements internationaux. La convention n° 158 de l’OIT, que nous avons ratifiée,…

M. François Loncle. Il s’en fout de l’OIT !

M. François Bayrou. …oblige à établir les motifs d’un licenciement, sauf dans deux cas : le premier est celui d’un contrat à durée déterminée ; le second, celui de la période d’essai « à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ». Or deux ans, ce n’est pas une période d’essai et ce ne peut pas être raisonnable. Ce n’est ni loyal ni juste. Les juges le diront, créant ainsi une incertitude juridique supplémentaire qui pèsera sur ces contrats et sur ceux qui les signeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

De plus, faire de ce contrat un contrat renouvelable, ce qui permettra à des jeunes d’aller de CPE en CPE, à une entreprise de remplacer un CPE par un autre CPE, c’est encore moins loyal, encore moins juste et encore moins raisonnable. Considérer qu’on puisse licencier sans justification, cela ne correspond pas à l’idée que la nation se fait de la société française.

Il y a quelques mois à peine, monsieur le Premier ministre, à cette même tribune, vous vous présentiez comme le défenseur du modèle social français.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. François Bayrou. Or le modèle social français, c’est d’abord le contrat de travail, dont les grandes règles doivent être fixées par la loi, et la première de ces règles est que le contrat de travail est un contrat, c’est-à-dire qu’il vaut engagement réciproque, engagement d’un côté comme de l’autre. Cette question de la justification du licenciement est donc centrale. Imaginez la jeune fille ou le jeune homme qui travaille depuis un an et demi, voire depuis vingt-deux ou vingt-trois mois, et qui apprend que son contrat de travail est rompu sans que personne ait l’obligation de lui dire pourquoi ! Imaginez le sentiment d’injustice ! Et s’il existe une vraie raison à ce désaveu, comment ce jeune homme, cette jeune fille, pourraient-ils s’améliorer s’ils n’en sont pas informés ? Et quel regard l’employeur suivant portera-t-il sur le parcours de ces jeunes ? Sans doute un regard en coin, en se demandant pour quelle raison obscure ils ont été renvoyés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Le besoin de sécurité, ce n’est pas un luxe ; le besoin de sécurité, c’est pour tout le monde ! Connaissez-vous un cadre de haut niveau, un patron de grande entreprise, un responsable de multinationale, y compris et surtout dans les pays les plus libéraux, les plus dérégulés, qui accepte d’être embauché sans sécurité, sans faire inscrire dans son contrat un « parachute doré » comme on dit, dont le montant atteint des millions, parfois des dizaines de millions d’euros ou de dollars ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Hors sujet !

M. François Bayrou. Comment accepter une société où la sécurité absolue est pour les uns, et l’insécurité absolue pour les autres ? Cela ne ressemble pas au modèle que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Tels sont les fondements de notre opposition au CPE, et voilà ce que vous auriez entendu, sans nul doute, de la part de la France si vous aviez respecté l’engagement, pris et répété par Jacques Chirac, de faire vivre la démocratie sociale, d’aider, comme on disait, à la « refondation sociale », de faire vivre la démocratie politique en respectant, tout simplement, le Parlement, et si vous aviez ne serait-ce qu’appliqué la loi que cette majorité a votée le 4 mai 2004, la loi Fillon,…

M. Henri Emmanuelli. Il n’y a pas longtemps !

M. François Bayrou. …qui imposait la consultation des partenaires sociaux avant toute décision. Si vous aviez respecté ce texte, votre projet de loi aurait été d’abord examiné par le Conseil d’État, puis discuté par les partenaires sociaux, ensuite soumis au Conseil économique et social, enfin débattu au Parlement…

M. Maxime Gremetz. Par une loi, pas par un amendement !

M. François Bayrou. …et amendé, en respectant les allers-retours constitutionnels. Puisqu’il y avait controverse, ce contrat aurait pu être, selon une idée autrefois chère à Pierre Méhaignerie, expérimenté, ensuite évalué dans plusieurs régions. On aurait ainsi évité bien des erreurs, comme on commence à le découvrir avec le CNE, puisqu’il apparaît désormais que 95 % des contrats signés ont simplement pris la place d’un autre contrat. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Henri Emmanuelli. Et vous le savez, monsieur le Premier ministre !

M. François Bayrou. Cette démarche s’appelle « la démocratie sociale et parlementaire ». Vous croyez que vous y auriez perdu ? Au contraire, vous y auriez gagné. La France aussi. Et les jeunes aussi. Les Français n’auraient pas découvert ce contrat en quelques jours. Ils n’auraient pas eu le sentiment qu’on leur forçait la main. Ils auraient eu d’autres recours que la manifestation. Par exemple, ils auraient pu saisir leur député.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. François Bayrou. Nous aurions eu un vrai débat, sans doute porteur de progrès.

Voilà pourquoi nous défendons une autre approche.

Tout d’abord, une autre approche institutionnelle : nous sommes pour la suppression du 49-3, qui force la main du Parlement au profit d’un exécutif déjà tout puissant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Démago !

M. François Bayrou. Et nous sommes favorables à ce que le règlement de l’Assemblée, dans le même temps, limite raisonnablement le recours à l’obstruction. Car l’un, bien sûr, va avec l’autre : le 49-3 s’appuie sur l’obstruction, et l’obstruction se justifie du passage en force. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous défendons aussi une autre approche sociale, fondée avant tout sur l’égalité et la simplicité. Arrêtons avec ces contrats multiples et variés. Certains disent qu’il y en a vingt-trois, d’autres, trente-huit, d’autres encore, plus d’une centaine.

M. Jean-Christophe Lagarde. Personne n’en sait plus rien !

M. François Bayrou. Il n’y a en tout cas pas un expert qui soit capable de les citer tous. Ce paysage contractuel illisible crée une immense insécurité pour ceux qui ont à les négocier et à les signer. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Christine Boutin. Arrêtez !

M. François Bayrou. Le contrat de travail doit être un contrat-cadre, qui pose des obligations d’ordre public, d’engagement réciproque.

M. Alain Néri. Alors il faut voter la censure !

M. François Bayrou. Ces obligations doivent s’imposer à tous les contrats de travail. Les adaptations nécessaires doivent être réalisées à l’intérieur des branches, par l’accord des partenaires sociaux. Dans ce contrat-cadre, les droits doivent se renforcer en fonction de l’ancienneté, comme c’est en réalité le cas aujourd’hui pour le CDI – mais on le cache sous un maquis de règles incompréhensibles.

Ce qui est d’ailleurs frappant quand on lit les réactions provoquées par ces débats autour du contrat de travail, c’est qu’au fond tout le monde est prêt à une évolution. C’est ce qu’a dit le rapport de la commission Camdessus, c’est ce que dit le Centre des jeunes dirigeants, c’est ce que dit le MEDEF,…

Mme Christine Boutin. Eh bien alors ?

M. François Bayrou. …mais la CGT aussi. Je cite M. Le Duigou :…

M. Maxime Gremetz. Il faut le citer dans le contexte !

M. François Bayrou. …« La question du contrat unique doit être discutée. À la CGT, nous avons engagé depuis plusieurs années une réflexion sur les limites du droit social actuel. […] Le CDI n’est pas en soi une protection absolue. » À un moment ou à un autre, ces derniers mois, toutes les grandes centrales syndicales, y compris la CFDT, la CFTC, ont évoqué cette idée. C’est aussi ce que M. Proglio vient de dire si clairement, dans un rapport dont la publicité n’a pas été assurée par le Gouvernement. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Depuis dix ans, M. Boissonnat est parti de cette idée pour proposer un « contrat d’activité » réaménageant le droit du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et définissant un « statut du travailleur ».

Nous souhaitons un contrat de travail de nouvelle génération, unifiant et simplifiant le maquis actuel, un CDI à droits progressifs comportant quatre éléments constitutifs : une période d’essai raisonnable et clairement limitée, par exemple à six mois ;…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François Bayrou. …l’obligation de motivation en cas de rupture du contrat, ainsi susceptible de recours – les conditions économiques étant reconnues comme une cause réelle et sérieuse par la chambre sociale de la Cour de cassation ;…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François Bayrou. …un droit à indemnité se renforçant au fil du temps ; la prise en compte du droit à formation.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François Bayrou. Nous croyons aussi que l’élaboration de cette nouvelle génération de contrats doit se faire avec les partenaires sociaux, et même qu’un contrat de travail défini sans eux n’a pas de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Quant à l’entrée des jeunes dans l’emploi, qui pose problème dans tous les pays, il faut une politique simple, qui ne renforce pas la précarité mais encourage la formation.

D’abord la formation au métier. Il est juste que celle-ci ne soit pas à la charge de l’entreprise, en particulier pour les jeunes sans qualification. J’ai compté une dizaine de pays européens qui ont adopté un tel modèle. En Autriche, par exemple, on prend en charge jusqu’à une année de salaire du jeune embauché. Voilà le modèle du contrat de travail et de la nécessaire formation professionnelle que nous proposons.

Comme on vient de le voir, c’est une idée autour de laquelle tout le monde tourne, avec le contrat de qualification, le contrat de professionnalisation, celui que François Hollande vient d’évoquer à cette tribune ou notre propre contrat de travail et de formation. Il suffit d’unifier ces dispositions et de les adopter.

Mme Christine Boutin. La gauche, la droite : tout est mélangé ! Vous faites des ronds dans l’eau !

M. François Bayrou. Je suis par ailleurs persuadé qu’il faudra une politique incitative de la puissance publique, qui permette aux jeunes de mettre le pied à l’étrier en leur offrant une première expérience.

Pour le reste, nous proposons d’aider l’entreprise, de la libérer plutôt que de la lier, de la contrôler et de la taxer encore plus, de lui promettre encore plus de punitions et de répression.

Mme Christine Boutin. Démagogue !

M. François Bayrou. C’est même notre opposition de fond avec le parti socialiste, qui fait que nous ne soutenons évidemment pas sa motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. À la soupe !

M. François Bayrou. Le projet du parti socialiste, qui a commencé d’être exposé dans la « synthèse » issue du congrès du Mans, n’est pas le nôtre : il est même contraire à notre projet et il constitue un immense retour en arrière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Des escapades : voilà ce que sont vos arguments !

M. François Bayrou. Le parti socialiste, j’imagine, ne va pas s’offusquer de voir citée la synthèse du congrès du Mans !

Mme Christine Boutin. La majorité ou l’opposition : soyez cohérent, choisissez !

M. François Bayrou. Quelques exemples clairs : au Mans, chers collègues socialistes, vous avez annoncé, je cite : « nous retirerons purement et simplement – j’insiste sur ces termes – la loi Fillon sur les retraites ». Lequel d’entre vous, en sortant de cet hémicycle, est capable de soutenir devant ses concitoyens ou ses proches que l’on peut revenir en arrière sur les retraites ? Nous savons tous que non seulement on ne reviendra pas en arrière, mais qu’il faudra aller plus loin, parce que le déséquilibre entre le nombre des retraités et le nombre des actifs ne laissera pas le choix à la majorité future, quelle qu’elle soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Dans la même synthèse, vous préconisez de sortir du pacte de stabilité et d’en extraire certaines dépenses, comme si le problème venait des injonctions de Bruxelles et non de l’incapacité de notre pays à rembourser les annuités de sa dette, dont le poids l’écrase ! En même temps, vous affirmez vouloir un renforcement et un pilotage économique de la zone euro.

Quelle logique y a-t-il à demander à la fois un gouvernement économique européen et une sortie du pacte de stabilité ? Même si elle est encore insuffisante, cette forme de gouvernance économique est pourtant aujourd’hui la seule dont dispose la zone euro ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Enfin, j’ai compté dans votre synthèse cinq taxes et contrôles supplémentaires sur les entreprises, et sans doute en ai-je oublié !

M. Julien Dray. Il faut lire le rapport de la commission des résolutions !

M. François Bayrou. Je l’ai lu attentivement, monsieur Dray ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Premièrement, une taxe supplémentaire sur les entreprises qui ne financent pas à un niveau minimal, fixé par l’État, la recherche et l’innovation – vous en parlerez aux entreprises de main d’œuvre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; deuxièmement, une augmentation de l’impôt sur les sociétés réalisant des bénéfices ; troisièmement, une augmentation des cotisations pour les entreprises qui ont trop de CDD et pas assez de CDI – le tout encore fixé par l’État – (Mêmes mouvements) ; quatrièmement, une taxation nouvelle sur les heures supplémentaires, et leur limitation, sous peine d’amende, sans compter l’alignement obligatoire des sous-traitants sur la convention collective des donneurs d’ordres. (Mêmes mouvements.)

Partout, vous voulez que l’État intervienne et réglemente davantage encore, organise, sanctionne, impose et taxe les entreprises de notre pays.

Cela est exactement contraire à ce qui, à nos yeux, est nécessaire,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est « François réac’» !

M. François Bayrou. …à ce que proposent les démocrates américains, les travaillistes britanniques, les sociaux-démocrates allemands, les socialistes espagnols et le centre-gauche italien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Bayrou. Dans notre pays, des millions d’hommes et de femmes ne se reconnaissent pas ou ne se reconnaissent plus dans la politique du Gouvernement, sans pour autant vouloir de ce retour en arrière vers le dirigisme, vers le monde d’hier où l’État impuissant prétendait s’occuper de tout, cet État que vous érigez en contrôleur, régisseur et gouverneur !

Mme Christine Boutin. Ils attendent François !

M. François Bayrou. Nous avons un tout autre projet.

M. François Lamy. Lequel ?

M. François Bayrou. Selon nous, pour que l’entreprise soit plus forte, il ne faut pas que le salarié soit plus fragile, à la merci d’un renvoi sans justification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Et pour que le salarié soit plus fort, il ne faut pas que l’entreprise soit plus faible, soumise à la toute-puissance de l’État.

Nous croyons qu’en ces temps d’inquiétude, notre mission commune n’est pas de répandre la précarité, ni pour le salarié, ni pour l’entreprise.

M. François Lamy. Votez donc pour la motion de censure !

M. François Bayrou. Nous croyons que les Français et la France ont à l’esprit et au cœur un tout autre modèle, où les rapports entre le salarié et l’entreprise sont équilibrés, où l’entreprise est libre et respectée, où on l’aide au lieu de la brider…

M. Henri Emmanuelli. C’est un nouveau royaume !

M. François Bayrou. …en tout cas, un modèle où on la laisse vivre.

Ce modèle, nous croyons fermement que le jour viendra où les Français et la France l’imposeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, voilà quatre ans que les gouvernements de l’actuelle majorité sont censurés à chaque consultation électorale, que leurs mesures provoquent la colère de l’opinion et qu’ils gouvernent contre le peuple.

Monsieur le Premier ministre, dès votre arrivée à la tête du Gouvernement, il y a neuf mois, vous avez donné le ton en décidant de gouverner par ordonnances. Aujourd’hui, vous légiférez contre la représentation nationale en imposant l’article 49-3 de la Constitution. Force est de constater que la démocratie parlementaire n’est pas votre truc !

M. Francis Delattre. C’est le vôtre, c’est bien connu !

M. Alain Bocquet. Votre politique provoque de grandes souffrances dans notre pays. Vous voulez soumettre les hommes et les femmes à la mondialisation capitaliste. En vous attaquant à la jeunesse, vous frappez là où il y a le plus d’espoir vivant. Les jeunes, les salariés, ne l’acceptent pas : 400 000 personnes l’ont exprimé dans la rue le 7 février dernier.

Depuis, l’opposition à la précarité et à la galère institutionnalisée grandit. Les Français ne veulent pas de votre « contrat précarité de l’emploi » qui impose aux jeunes deux ans de mise à l’essai : deux années d’incertitude et de pression au quotidien.

Votre mesure place au-dessus de leur tête l’épée de Damoclès du licenciement sans justification, et les livre au bon vouloir du grand patronat et de ses seuls intérêts.

Vous voulez des salariés serviles et une jeunesse qui courbe l’échine.

M. André Chassaigne. Eh oui !

M. Alain Bocquet. Les mesures que vous proposez fragiliseront l’existence : pas de prêt, pas de logement, pas de projets d’avenir.

Depuis quatre ans, vous avez offert 70 milliards d’euros de cadeaux au patronat, en pure perte. Il y a des réalités que vous ne ferez pas disparaître : moins de 65 000 emplois créés en 2005, comme on l’a rappelé tout à l’heure ; 70 % des offres d’emplois sont instables ; 2,5 millions de chômeurs sont recensés et 3,5 millions de précaires et de temps partiels. Quant à la croissance, elle est en berne : 1,4 % au lieu des 2,5 % que vous annonciez.

Non content de ce bilan calamiteux, vous voulez encore alourdir la note ! Le CNE et le CPE ne créeront pas d’emplois. Ils déstabiliseront davantage le salariat. Les deux tiers des 280 000 CNE comptabilisés se substituent en fait à des contrats de travail à durée indéterminée ; 10 % ont déjà été résiliés tandis que les plaintes se multiplient devant les tribunaux, parce que vous avez autorisé le licenciement sans motif.

Mais peu vous importe, du moment que le MEDEF y trouve son compte tout en réclamant une généralisation de ces dispositifs. Mme Parisot est très contente, elle a les yeux de Chimène pour votre politique !

La formation des jeunes et l’école sont aussi dans votre ligne de mire. Vous supprimez des moyens dans deux tiers des zones d’éducation prioritaires, vous autorisez le travail des enfants à partir de quatorze ans et vous ouvrez la porte au travail de nuit dès l’âge de quinze ans ! Vous rompez avec les missions de l’école républicaine en refusant de réduire les inégalités et de créer les fondements d’un vrai « vivre ensemble ».

Hormis pendant les périodes de guerre ou de catastrophe, chaque génération a toujours mieux vécu que la précédente. Ce n’est plus vrai pour la jeunesse d’aujourd’hui. Où va, monsieur le Premier ministre, une société qui abandonne et précarise sa jeunesse ?

Retirez donc le CPE, abrogez le CNE, renoncez à vos projets de destruction du code du travail et de décennies de droits sociaux. Soixante-dix ans après les conquêtes du Front populaire, vous proposez un bien triste anniversaire au monde du travail et de la création !

Vous amplifiez l’exploitation des chômeurs, alors que le grand patronat, l’œil rivé sur la Bourse, multiplie les plans de licenciements, en remettant en cause les 35 heures et en ne remplaçant pas les départs à la retraite. La DARES estime à 600 000 chaque année le nombre de départs entre 2006 et 2015. Laisserez-vous les directions d’entreprise profiter de ce mouvement démographique pour réduire les effectifs – souvent plus d’un emploi sur dix – comme c’est le cas à France Télécom ou à EDF, deux groupes dont les bénéfices sont pourtant au beau fixe ?

Qu’attendez-vous pour instaurer une négociation collective obligatoire entre partenaires sociaux sur le remplacement des emplois libérés, qui permette l’embauche de dizaines de milliers de jeunes ? Ce serait un début de réponse à la demande grandissante d’une sécurité d’emploi et de formation que nous n’avons cessé de proposer.

Mais, bien évidemment, on ne changera pas la donne sans s’attaquer à la prédation qu’opèrent les puissances financières sur notre société. Le groupe Total annonce des profits records, de 12 milliards d’euros, alors que les prix à la pompe ont explosé. Son PDG propose une hausse du dividende de 20 %. Même tableau à la BNP, où les profits augmentent de 21 % et le bénéfice de 25 %.

Battant des records, les entreprises du CAC 40 ont augmenté leurs profits de 25 % en 2005. Où sont les retombées positives sur les salaires, sur l’emploi, sur l’effort de formation, sur la recherche et sur le développement industriel ? En réalité, seul l’actionnariat prospère.

La France des dividendes est, certes, en pleine forme, et les entreprises françaises redistribuent le tiers de leurs profits aux actionnaires. Le montant des coupons a augmenté de 33 % l’an dernier.

En revanche, mon collègue Jacques Brunhes le révélait tout à l’heure dans sa question d’actualité, selon l’INSEE, en 2005, notre pays a compté mille pauvres de plus par jour ouvrable, soit 260 000 : on est passé de 5,9 % en 2004 à 6,3 % en 2005.

Il est temps de mettre un terme à votre politique de paupérisation croissante de notre peuple ! Qu’attendez-vous pour augmenter les revenus des familles, pour relancer la consommation, et donc le développement économique ?

Qu’attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour donner le signal d’un Grenelle des salaires ?

Notre groupe a proposé, ces derniers mois, plusieurs commissions d’enquête, afin que la représentation nationale se saisisse des dérives de ce modèle économique. Il s’agirait, par exemple, d’examiner le cas du groupe Total, le devenir de la filière acier, le scandale de la liquidation de Metaleurop, avec ses 830 salariés jetés à la rue, alors que nous venons d’apprendre que le groupe Glencore revenait en Bourse, avec une augmentation de 666 %. Il conviendrait de se pencher aussi sur les conditions de mise en Bourse d’EDF. Mais, à chacune de ces demandes, la majorité UMP oppose une fin de non-recevoir !

En réalité, vous vous effacez devant les forces de l’argent !

Par ailleurs, vous laissez l’entreprise SEB fermer des sites et Alstom se défaire des Chantiers de l’Atlantique. Vous restez de marbre quand Altadis, qui réalise un bénéfice net de 220 millions d’euros, prévoit à nouveau la suppression de 472 emplois.

Vous laissez Arcelor être ballotté au gré des opérations boursières, et vous vous payez de mots. Votre politique industrielle est inexistante. Vos pôles de compétitivité sont inefficaces. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Comment accepter cela ?

Conciliant pour les affairistes, vous n’avez en revanche de cesse de vous en prendre au monde du travail et de la création, et de bafouer l’intérêt général.

Vous avez démantelé de nombreux services publics. Les autoroutes, le rail, l’énergie, les services téléphoniques et postaux : tout y passe ! Vous réduisez par milliers le nombre d’agents de l’État, tout en cadenassant le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Et que dire du véritable scandale que constitue le statut des intermittents, lesquels vous rendent responsables du plus grand plan de licenciements qui ait jamais existé, avec plus de 20 000 femmes et hommes restés sur le carreau.

Enfin, que faites-vous pour lutter contre l’exclusion croissante ? Avez-vous pris des mesures contre les coupures d’eau et d’électricité en plein hiver ? Non, au contraire, j’ai pu le vérifier chez moi : vous avez demandé à vos préfets de contester les arrêtés municipaux allant dans ce sens !

Avez-vous agi pour donner un toit à ceux qui n’en ont pas ? Non, vous détruisez des logements, et vos amis vendent les logements sociaux. Avez-vous relevé les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté ? Non, vous faites la chasse à ceux qui n’ont plus que ce filet pour vivre. Face à la crise sociale qui mine les quartiers populaires, vos seules réponses auront été sécuritaires.

Vous avez refusé de rectifier le budget 2006 pour engager un plan d’action doté de 6,2 milliards d’euros sur deux ans comme nous l’avions proposé dès novembre dernier. Vous préférez museler la dépense publique au mépris de la santé, de la recherche, de la culture abandonnée aux marchands, du sport introduit en Bourse.

Je pourrais parler du triste vaudeville du Clemenceau. Je pourrais parler des collectivités territoriales sans ressources face aux charges de la décentralisation que vous leur imposez. Je pourrais parler des lois sécuritaires qui ne règlent pas les problèmes de sécurité, ni ne remédient au manque criant de moyens de la justice, que met en lumière le fiasco d’Outreau.

Je pourrais poursuivre, avec la même colère, cette liste mais je m’arrêterai sur le cas exemplaire de la directive Bolkestein (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui revient, en tenue de camouflage, et que vous vous apprêtez à accepter après avoir crié au loup. Vous soutenez qu’on en a changé le sens en supprimant les mots trop voyants, mais cela ne trompe personne. Alors, respectez le verdict populaire du 29 mai ! Adopter cette directive traduirait un total mépris de la volonté populaire. Les députés communistes et républicains vous demandent solennellement d’agir pour que l’Europe y renonce.

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas d’autre choix que de censurer votre politique car il faut rompre avec votre logique libérale. La victoire du « non » au référendum sur la Constitution européenne montre que les Français ne veulent pas de cette société d’injustices et d’inégalités criantes que vous tentez de leur imposer.

Pour notre part, nous combattons les coups portés à notre peuple et nous proposons des solutions alternatives. Je l’ai déjà dit, l’argent coule à flot dans notre pays et il doit être utilisé autrement.

La priorité, c’est de créer de véritables emplois et de développer la production, la recherche et les services. Pour cela, il faut encourager les investissements utiles à l’emploi, la formation, les salaires, avec une nouvelle politique du crédit, favorable notamment aux PME et à l’artisanat, une nouvelle fiscalité sélective, pénalisant la spéculation boursière. Il faut résorber l’emploi précaire injustifié et requalifier les stages abusifs en contrats de travail. Il faut ouvrir des droits nouveaux aux salariés, en particulier un droit d’ingérence dans la gestion, leur permettant de faire valoir des propositions alternatives en cas de délocalisation ou de licenciements collectifs.

Aujourd’hui, dans tout le pays, des hommes et des femmes agissent. Les Français seront nombreux dans la rue, le 7 mars prochain, et ils resteront mobilisés d’ici là. Il est encore temps d’entendre l’exigence populaire et de retirer le CPE !

Au nom de la jeunesse que vous voulez mettre au pas, au nom des salariés, des chômeurs et des retraités, au nom des chercheurs et des artistes, au nom de celles et ceux qui luttent dans les écoles, les cités et les entreprises, de celles et ceux qui souffrent et veulent que cela change, les députés communistes et républicains voteront la censure de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. En bloquant délibérément le débat parlementaire sur l’égalité des chances, vous avez choisi, monsieur le Premier secrétaire du parti socialiste, de jeter le masque…

M. Jean-Pierre Brard. Le carnaval, c’est vous !

M. Bernard Accoyer. …d’une opposition politique qui se prétendait moderne, réaliste et honnête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Parce que le 49-3, c’est moderne, sans doute !

M. Bernard Accoyer. Pourtant, la cause de l’égalité des chances aurait dû, sinon nous rassembler, du moins nous mobiliser tous. Vous ne l’avez pas voulu !

Faute de contribution socialiste et d’alternative crédible, vous avez opposé une manœuvre politicienne, une manœuvre à retardement, calquée sur votre plan média.

M. Patrick Roy. Et le 49-3, ce n’est pas une manœuvre ?

M. Bernard Accoyer. Ainsi, même quand il s’agit de notre pacte républicain et social,…

M. Jean-Pierre Brard. Avec vous, ce serait plutôt le pacte de Méphisto !

M. Bernard Accoyer. …quand il s’agit de lutter contre les situations d’inégalité et de discrimination, en particulier pour les jeunes des quartiers difficiles, aucune réponse ne trouve grâce à vos yeux.

Pourtant, qui peut nier qu’en ce domaine la situation exige l’action, et une action urgente.

Quarante-trois heures de débats, émaillés par quelque 150 incidents de séance, ont été nécessaires pour que soit voté, ici, par une écrasante majorité, alors que le groupe socialiste avait déserté l’hémicycle, le contrat première embauche.

Quelle indifférence à l’égard des jeunes confrontés au chômage, en attente d’une insertion durable dans le monde du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est un coup des vieux grognards !

M. Bernard Accoyer. Face à ce blocage total et intransigeant, le gouvernement de Dominique de Villepin, pour apporter des réponses concrètes et innovantes, a pris ses responsabilités, avec courage et détermination : il a appliqué la Constitution, et il a eu raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Encore un qui cherche de la promotion !

M. Bernard Accoyer. Quant à vous, monsieur Hollande, qui prétendez que la gauche n’aurait jamais recouru au 49-3,…

M. Jérôme Lambert. Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Il a parlé du gouvernement Jospin !

M. Bernard Accoyer. …je vais devoir vous rafraîchir la mémoire.

Entre 1988 et 1993, les gouvernements socialistes, Rocard, Cresson et Bérégovoy, l’ont utilisé – excusez du peu ! – à trente-neuf reprises ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et entre 1981 et 1986, alors que vous disposiez d’une majorité absolue particulièrement large, MM. Mauroy et Fabius l’ont utilisé onze fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Par conséquent, les donneurs de leçons qui ont inventé la technique du mur d’amendements feraient mieux de se taire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pourtant, vous avez refusé le débat sur le projet de loi pour l’égalité des chances que le Gouvernement et la majorité étaient prêts à poursuivre.

Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, en lançant des appels à la rue, vous avez tenté de faire pression sur les travaux parlementaires.

M. Philippe Vitel. Irresponsables, manipulateurs !

M. Bernard Accoyer. C’est un véritable déni de démocratie, puisque vous avez même contesté la légitimité parlementaire de la majorité.

La faible mobilisation, l’échec des manifestations, en dépit de tous vos mensonges et amalgames pour attiser peurs et angoisses dans la jeunesse, montrent que l’on ne vous croit plus ! La vérité, c’est que cette « opposition frontale » est vitale pour le parti socialiste. Elle veut donner l’illusion d’une unité de façade au sein d’un parti divisé par les ambitions personnelles, égaré dans la confusion idéologique et le vide de ses idées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le parti socialiste, englué dans sa guerre des chefs,…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas comme à l’UMP !

M. Jean-Claude Lefort. Au fait, où est donc Sarkozy ?

M. Bernard Accoyer. …ne s’occupe pas de l’avenir de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Là où nos compatriotes attendent des propositions concrètes concernant leur vie quotidienne et l’avenir de leurs enfants, vous répondez par des postures idéologiques. Tétanisé par l’extrême gauche, le parti socialiste s’est mis à sa remorque en copiant ses idées et ses méthodes.

M. Jean-Pierre Brard. N’exagérons rien !

M. Bernard Accoyer. Pourtant, monsieur Hollande, vous aviez déclaré : « On ne peut courir après l’extrême gauche, car on ne la rattrape jamais ! ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Mes chers collègues, l’opposition improvise dans l’urgence un projet intitulé « nouvelle sécurité » ou « nouvelle formation ». Son nom n’est pas encore fixé et M. Hollande ne peut en masquer le flou et l’inconsistance.

M. Jean-Pierre Brard. Ça vole haut, monsieur Accoyer ! Le crash va faire mal !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier secrétaire du parti socialiste, je tiens à rétablir la vérité sur le projet de loi pour l’égalité des chances que vous avez caricaturé sans vergogne.

Vos fameux emplois-jeunes étaient des contrats à durée déterminée…

M. Jean-Louis Idiart et M. Pierre Cohen. Cinq ans !

M. Bernard Accoyer. …qui, s’agissant des aides éducatives, n’ouvraient aucun droit à la formation ni même au chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, alors que vous prétendez l’avoir inventé, le « contrat sécurité formation » n’est rien d’autre que le contrat jeune en entreprise : 300 000 ont déjà été signés depuis trois ans, et le texte proposé par le Gouvernement, qui vient d’être adopté…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Bernard Accoyer. …étend ces contrats à tous les jeunes au chômage depuis plus de six mois. Voilà une véritable avancée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant à votre prétendu rapport sur les contrats à durée déterminée, il conclut qu’il faut faciliter l’accès des jeunes aux contrats à durée indéterminée. C’est exactement ce qu’apporte le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Lefort. C’est hallucinant !

M. Bernard Accoyer. Quelle caricature !

En outre, vous prétendez que ce texte instaure l’abrogation de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. En réalité, il ne s’agit que de permettre aux enfants qui se sont exclus eux-mêmes du système scolaire une issue par la formation professionnelle dès quatorze ans, en gardant un contact avec le milieu scolaire. Mais, du fait de votre dogmatisme, vous le leur refusez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pourtant, derrière ces nouveaux slogans, il y a la réalité des faits : la gauche plurielle a battu tous les records en matière d’insécurité.

Insécurité des personnes et des biens d’abord : là où la gauche a péché par naïveté, en favorisant l’explosion de la délinquance, comme l’a reconnu Lionel Jospin lui-même, les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin l’ont fait reculer de près de 10 %, grâce notamment à l’action déterminée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Lefort. À propos, où est-il ?

M. Bernard Accoyer. Insécurité pour notre pacte social ensuite, car la gauche plurielle, empêtrée dans ses contradictions, n’a jamais eu le courage, alors qu’elle était au pouvoir en période de forte croissance, de conduire les réformes indispensables pour préserver nos systèmes de retraite, sauver l’assurance maladie et financer l’effort de solidarité en faveur de la dépendance et du handicap. C’est la droite qui a dû s’en charger !

Insécurité encore pour l’avenir des jeunes, à qui la gauche n’a proposé que des emplois publics, sans formation ni débouchés, un statut précaire sans perspectives, s’agissant notamment des emplois d’aide éducateur que j’évoquais tout à l’heure, pour lesquels rien n’était prévu.

M. Maxime Gremetz. Que propose M. Sarkozy ?

M. Bernard Accoyer. Insécurité pour l’hôpital, désorganisé par les 35 heures, comme l’a dit récemment Lionel Jospin.

Insécurité pour nos entreprises, avec les 35 heures toujours, les rigidités imposées par la loi Guigou et une fiscalité dissuasive pour les transmissions, donc destructrice d’emplois.

Insécurité pour les contribuables, avec la création de dix-neuf impôts nouveaux en cinq ans, et aujourd’hui une hausse sans précédent de la fiscalité régionale, à laquelle il faut ajouter le matraquage sans précédent des automobilistes franciliens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Décidément, pour la gauche, il n’y a qu’une seule réponse : toujours plus d’impôts ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Insécurité pour nos finances publiques, plombées durablement par les bombes à retardement laissées par la gauche en 2002 : le financement des 35 heures – 15 milliards d’euros par an –, les recrutements massifs dans la fonction publique ou encore le financement de l’APA, de la CMU ou de l’AME.

Insécurité pour l’avenir de notre filière énergétique, avec le démantèlement sacrificiel de Super Phénix sur l’autel de la gauche plurielle !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est un scandale !

M. Bernard Accoyer. Insécurité pour les emplois car, contrairement à ce que la gauche martèle, les créations de postes qu’elle s’attribue ont été en grande majorité des emplois aidés, subventionnés et administratifs.

Insécurité dans la lutte contre les flux migratoires clandestins, encouragés par le laxisme, l’aveuglement et les régularisations massives.

S’agissant de votre slogan « nouvelle sécurité », quel crédit les Français peuvent-ils accorder au parti socialiste, si habitué au double langage ? (« Aucun ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Monsieur Hollande, vous avez pourtant déclaré récemment : « Il faut savoir dire la vérité et ne pas tenir un discours quand on est dans l’opposition et un autre, diamétralement opposé, quand on est au pouvoir. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Je persiste.

M. Bernard Accoyer. Quand les Français doivent-ils croire en la parole socialiste ? Hier, quand, au nom des 35 heures, la gauche gelait le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes en atomisant le SMIC, ou aujourd’hui, quand vous promettez son augmentation massive ? Hier, quand le gouvernement Jospin était le champion des privatisations et de la baisse de la fiscalité sur les stock-options, ou aujourd’hui, quand vous réclamez une taxation exceptionnelle des bénéfices des entreprises ? Hier, quand M. Fabius et M. Strauss-Kahn réclamaient l’ouverture du capital d’EDF et de GDF, ou aujourd’hui, quand ils demandent leur renationalisation ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Hier, quand le gouvernement de la gauche plurielle vendait ses dernières actions d’Arcelor, ou aujourd’hui, quand M. Hollande pose ses exigences sur ce dossier, oubliant un peu vite l’affligeant renoncement de Lionel Jospin sur Vilvorde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, le parti socialiste est bien celui du double langage et de l’hypocrisie ! Qui doit-on croire ? M. Frêche, qui insulte une partie de la communauté nationale (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ou M. Ayrault, seul responsable socialiste à avoir dénoncé ces propos, alors que les présidentiables du parti se cantonnaient dans un silence assourdissant ? (Mêmes mouvements.) Comment tolérer qu’un élu de la République s’exprime ainsi sans être immédiatement exclu des rangs d’un parti qui siège sur nos bancs ? Après de telles déclarations, M. Frêche aurait dû démissionner de sa présidence de région. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qu’en pensez-vous, monsieur Hollande, vous qui êtes toujours si prompt à demander des comptes et à donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lefort. Voilà qui s’appelle rester dans le sujet !

M. Bernard Accoyer. Au double langage du parti socialiste s’ajoute le dogmatisme. Vous refusez de voir le monde tel qu’il est, préférant plaquer sur la réalité de vieux schémas usés, des idéologies d’un autre âge. Dans un monde en pleine mutation, vous restez plus que jamais recroquevillés sur vous-mêmes par archaïsme, par arrogance, selon les propres termes de Bernard Kouchner et de Ségolène Royal. Vous vous êtes coupés des autres partis sociaux-démocrates européens et vous l’avez encore montré lors des débats au Parlement européen relatifs au projet de directive sur les services. Après vos errements, lourds de conséquences pendant la campagne référendaire, vos députés ont préféré associer leurs voix à celles des partis extrêmes et populistes plutôt que de les unir à ceux du PSE, le parti des socialistes européens.

La vérité, c’est que la gauche française reste imprégnée par des préjugés collectivistes (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) d’une autre époque, hérités d’un marxisme archaïque qui se méfie des entreprises et des entrepreneurs. Qui peut nier votre responsabilité dans l’image qu’offre la France sur la place du travail dans notre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Qui peut nier que vos décisions aient handicapé durablement le développement de l’emploi marchand ? Pourtant, le monde d’aujourd’hui appelle plus d’innovation, de régulation et de flexibilité en matière économique, sociale et industrielle.

Dans la bataille pour l’emploi, Dominique de Villepin a choisi avec réalisme, courage et détermination de sortir des idées reçues pour mettre en œuvre des mesures pragmatiques afin de lever les freins à l’emploi. Et les résultats sont là : 180 000 demandeurs d’emploi de moins en neuf mois, un recul du chômage qui profite à toutes les tranches d’âge, 300 000 contrats nouvelles embauches signés en six mois – un tiers de ces embauches n’auraient pas été possibles sans ce dispositif. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Si, les études le montrent ! Ne racontez pas d’histoires !

M. Bernard Accoyer. C’est un succès incontestable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Quel culot !

M. Bernard Accoyer. Avec le même volontarisme, monsieur le Premier ministre, vous avez entrepris de lutter contre le chômage des jeunes, n’hésitant pas à regarder ce qui marche ailleurs en Europe, notamment en Grande-Bretagne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Royal nous y a d’ailleurs invités, en affirmant, dans un vibrant hommage, que M. Blair avait, « face au chômage des jeunes, obtenu de vrais succès en recourant à plus de flexibilité et plus de sécurité. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Plus de flexibilité et plus de sécurité, c’est exactement ce qu’apporte le contrat première embauche : un vrai contrat de travail à durée indéterminée, auquel le code du travail s’applique pleinement, avec un vrai salaire, des droits et des garanties qu’aucun autre dispositif n’avait jusqu’alors offerts aux jeunes.

M. Alain Néri. Et la précarité en prime !

M. Bernard Accoyer. La précarité, c’est ce que les jeunes vivent aujourd’hui, les stages, les missions d’intérim et les CDD de quelques semaines.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

M. Alain Néri. Et bientôt le CPE de quelques jours !

M. Bernard Accoyer. La précarité, ce sont les solutions improvisées par le parti socialiste. Pour la gauche, un bon emploi ne peut être qu’un emploi aidé, un emploi sans réel débouché, financé à coups de subventions,…

M. Jean Glavany. Ce n’est pas caricatural, ça ?

M. Bernard Accoyer. …donc de déficits, c’est-à-dire de dettes que les jeunes devront payer eux-mêmes dans l’avenir.

M. François Lamy. Quelle nuance ! quelle finesse !

M. Bernard Accoyer. S’il ne faut pas tout attendre de l’État, avec le Premier ministre, Dominique de Villepin, nous sommes convaincus, nous les députés UMP, que la politique peut faire beaucoup pour mobiliser, inciter, donner à nos entreprises les moyens de se battre à armes égales avec leurs concurrents. C’est une question de volontarisme politique.

C’est le Gouvernement qui, sous l’impulsion du chef de l’État, a créé les pôles de compétitivité, installé l’Agence pour l’innovation industrielle et bientôt les pôles d’excellence rurale.

C’est l’action du Gouvernement et de notre majorité qui a permis de relancer la création d’entreprises, à un rythme qui bat aujourd’hui tous les records.

C’est le Gouvernement qui a adopté des mesures pour encourager la constitution et la pérennité d’un actionnariat plus stable, essentiel pour le maintien de l’emploi en France.

C’est le Gouvernement qui va mettre en place les outils indispensables pour réguler les excès liés à certaines formes d’OPA hostiles, à finalité purement spéculative, au détriment du projet industriel et social des entreprises.

C’est le Gouvernement qui a relancé la construction de logements, avec un double record : 400 000 mises en chantier en 2005, dont 80 000 logements sociaux, deux fois plus qu’en l’an 2000.

Et là encore, monsieur Hollande, permettez-moi de dénoncer le mensonge que vous avez tout à l’heure asséné selon lequel nous aurions profondément modifié la loi Gayssot. C’est faux : il n’y a eu aucun changement, et en particulier la proportion de logements aidés et de logements libres reste totalement inchangée. Il faut arrêter de mentir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie.

M. Jean Glavany. Il dit n’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. C’est encore le Gouvernement qui va affecter de véritables moyens supplémentaires aux collèges des ZEP qui en ont le plus besoin.

M. Alain Néri. Quand ?

M. Bernard Accoyer. Sur tous ces sujets, l’opposition n’a rien à proposer aux Français.

M. Alain Néri. Paroles, paroles !

M. Bernard Accoyer. Ni idées nouvelles, ni projet pour l’avenir, rien d’autre qu’un replâtrage aussi artificiel que fragile de cette gauche plurielle qui a porté tant de mauvais coups à notre pays. Et pourtant, comme hier, la gauche n’est toujours d’accord sur rien.

M. Alain Néri. La gauche est toujours à gauche !

M. Bernard Accoyer. Ni sur l’économie de marché, ni sur la construction européenne, ni sur la place du travail dans notre société, ni sur les grands choix énergétiques.

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes une caricature !

M. Bernard Accoyer. Le ciment principal de son unité factice est la lutte pour les places, la perspective du partage du pouvoir et des postes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Ça vous va bien de dire ça !

M. Bernard Accoyer. Cette conception de la politique, faite de petits arrangements entre amis, de postures démagogiques et de reniements programmés, ce n’est pas la nôtre, ce ne sera jamais la nôtre.

M. Jean Glavany. C’est lamentable !

M. Bernard Accoyer. Oui, l’action, la volonté et le courage politique ont, pour nous, un sens et un objectif, l’avenir de la France, le bonheur des Français.

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas mieux ? Ramenez-nous Juppé !

M. Bernard Accoyer. Aussi, nous dénonçons vos renoncements, vos conservatismes et votre volonté constante de vouloir dresser les Français les uns contre les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Rendez-nous Juppé !

M. Bernard Accoyer. Nous, les députés du groupe UMP, nous voulons être des élus responsables au service d’une nation rassemblée, valorisant ses formidables atouts dans un monde en pleine mutation.

Sous l’impulsion du Président de la République, Jacques Chirac, unis derrière le Premier ministre, Dominique de Villepin, et son gouvernement, nous voulons continuer à moderniser la France dans l’intérêt de nos compatriotes et des générations à venir. C’est pourquoi le groupe UMP appelle au rejet de cette motion de censure. (Les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de l’occasion qui m’est donnée de défendre l’action du Gouvernement en ce moment décisif de notre histoire commune, dans la fidélité à la ligne tracée par le Président de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous aurez du mal !

M. le Premier ministre. Je voudrais remercier Bernard Accoyer…

M. Jean Glavany. Pour sa finesse, sans doute !

M. le Premier ministre. …et l’ensemble de la majorité pour le soutien sans faille qu’ils apportent jour après jour à cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et je voudrais dire à M. Bayrou (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) que je suis sensible à ses encouragements. (Rires sur les mêmes bancs.)

La France change. La France évolue. Elle attend de ses responsables politiques des réponses nouvelles à des problèmes nouveaux, pas des réponses anciennes à des problèmes anciens.

M. François Loncle. Lamentable !

M. le Premier ministre. Elle attend de la lucidité. Elle attend de la décision. Elle attend des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Ça fait quatre ans qu’elle attend !

M. le Premier ministre. Oui, la France s’impatiente.

M. Jean Glavany. Ça, c’est vrai !

M. le Premier ministre. Quand le chômage des jeunes persiste, quand la compétition économique se fait de plus en plus vive, quand la situation internationale se dégrade, les Français nous demandent : que faites-vous ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les mêmes bancs.)

À tous ceux qui veulent aujourd’hui censurer le Gouvernement, je demande : que faites-vous ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les mêmes bancs.)

M. Augustin Bonrepaux. Qu’avez-vous fait, vous ? Quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. le Premier ministre. Dans un monde de plus en plus complexe, où les repères se brouillent, où nos valeurs sont mises à l’épreuve, où les inégalités pèsent d’abord sur les plus fragiles d’entre nous,...

M. Jean-Paul Bacquet. À cause de vous !

M. le Premier ministre. …il serait irréaliste, monsieur Hollande, il serait irresponsable, monsieur Bocquet, de faire croire aux Français que nous pourrions résoudre nos difficultés en reprenant les slogans du passé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir !

M. le Premier ministre. Vous visez le Gouvernement, monsieur Hollande : c’est votre droit. Mais la politique – et ce sera mon premier message – ce n’est pas le dénigrement, c’est la proposition, c’est l’action.

M. Jean Glavany. C’est l’élection !

M. Alain Néri. Et la dissolution !

M. le Premier ministre. Alors, pour que notre débat soit serein, permettez-moi de rétablir d’abord certaines vérités.

Vous dites que la baisse du chômage est le produit des radiations de chômeurs. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La vérité, monsieur Hollande, c’est qu’il y a eu moins de radiations en 2005 qu’en 2004.

M. Jean Glavany. C’est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Et combien de RMIstes ?

M. le Premier ministre. Oui, le chômage baisse en France. Et même si nous ne sommes pas à l’abri d’un à-coup mensuel, la tendance est là.

Vous dites que nous décourageons la demande des ménages. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. C’est vrai !

M. le Premier ministre. La vérité, c’est que la consommation continue de progresser. La vérité, c’est que le SMIC horaire a augmenté de plus de 17 % depuis 2002. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous dites que nous déposons le bilan des ZEP.

M. Patrick Roy. C’est vrai !

M. le Premier ministre. La vérité, c’est qu’avec Gilles de Robien nous mettons fin au saupoudrage des moyens et que nous concentrons nos efforts sur les 250 établissements qui rencontrent le plus de difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. C’est un mensonge !

M. le Premier ministre. Vous dites que nous supprimons les allocations familiales pour les familles en grande détresse. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Rassurez-nous !

M. le Premier ministre. La vérité, c’est que nous voulons inciter les parents à prendre leurs responsabilités, quitte à suspendre temporairement leurs allocations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Ce n’est pas la bonne formule !

M. le Premier ministre. La solidarité, ce n’est pas distribuer l’argent public les yeux fermés, ce sont des droits et des devoirs, c’est une vraie solution aux difficultés de chacun, c’est une main tendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous ironisez sur notre engagement national pour le logement. La vérité, c’est que jamais nous n’avons construit autant de logements en France depuis vingt-cinq ans.

M. Henri Emmanuelli. Les logements « de Robien » sont vides ! Venez sur le terrain !

M. le Premier ministre. La vérité, c’est que nous finançons deux fois plus de logements sociaux que ne le faisait le gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Avec Jean-Louis Borloo, nous avons lancé un programme de rénovation urbaine qui transforme le visage de nos banlieues.

M. François Hollande. Allez les voir, les banlieues !

M. le Premier ministre. Je vous entends même vous féliciter de votre gestion des finances publiques entre 1997 et 2002.

M. Henri Emmanuelli. On peut comparer, en effet ! Chiche !

M. le Premier ministre. Mais vous n’avez pas pris les décisions de redressement nécessaires.

M. François Hollande. Et vous alors ?

M. le Premier ministre. Vous n’avez pas pris les décisions courageuses sur les retraites ou le système de santé. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ces décisions, c’est Jean-Pierre Raffarin qui les a prises avec l’appui de notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous le voyez, la liste de vos approximations est longue. Et pourtant celle de vos propositions est terriblement courte.

Rien de neuf pour l’emploi des jeunes, sinon des rafistolages et des ravaudages qui ne leur offrent pas la possibilité de démarrer dans la vie. Le contrat que vous proposez est intéressant, monsieur Hollande, mais vous ne faites que repeindre ce qui existe depuis deux ans : …

M. Henri Emmanuelli. Et vous, c’est le XIXe siècle !

M. le Premier ministre. …le contrat de professionnalisation et le contrat jeunes en entreprise, exonérés de toutes charges sociales pour les non qualifiés et incluant une formation.

M. François Hollande. Sans contrepartie !

M. le Premier ministre. Rien de neuf pour les exonérations de charges, sinon l’idée de revenir sur des engagements qui ont été pris, ce qui conduirait à remettre en cause 800 000 emplois.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le Premier ministre. Ce sont les nouvelles exonérations qu’il faudra conditionner, et c’est exactement ce que nous venons de décider.

M. Daniel Vaillant. Vous n’y connaissez rien !

M. le Premier ministre. Rien de neuf pour la recherche et l’innovation, qui sont les grands défis de notre économie. Rien de neuf pour l’orientation, pour la formation, pour l’éducation, qui sont pourtant des priorités absolues afin de donner une chance de réussir à chacun.

M. François Hollande. Demandez aux chercheurs !

M. le Premier ministre. Et tout cela alors que le monde bouge autour de nous. Tous nos grands partenaires européens imaginent et mettent en œuvre des mesures nouvelles pour l’emploi, pour la croissance et pour l’éducation.

Oui, ouvrons les yeux sur la réalité qui nous entoure, prenons conscience des changements du monde et des exigences nouvelles qu’il nous impose. Plus d’opportunités et davantage de protection, plus de liberté pour chacun et un projet collectif pour tous, voilà ce que nous devons construire pour les Français.

M. François Hollande. Des mots !

M. Henri Emmanuelli. Des slogans !

M. le Premier ministre. Alors, je fais un rêve (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

M. Jean-Jack Queyranne. C’est plutôt un cauchemar !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Jean Glavany. Réveillez-le, monsieur le président !

M. le Premier ministre. Alors, je fais un rêve : celui d’une opposition qui aurait enfin tourné le dos aux impasses de l’idéologie et qui aurait résolument choisi – comme tous les autres partis de gauche en Europe, comme M. Zapatero, comme M. Blair, comme les alliés de Mme Merkel – le parti de la modernité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Avec les Français, je veux construire un nouveau pacte social : plus moderne, plus équitable, plus juste.

M. Jean Glavany. La fracture !

M. le Premier ministre. Car je sais combien la situation est difficile pour beaucoup d’entre eux. Je mesure les inquiétudes. C’est bien pour cela qu’il nous faut agir.

Et ce sera mon deuxième message : si nous voulons sauver le modèle social français, il faut le refonder sur des bases solides et justes. Et le refonder d’abord sur des principes républicains qui auraient retrouvé tout leur sens et toute leur vitalité.

La liberté, d’abord : aujourd’hui, elle nous appelle à offrir de nouvelles chances et à aider chacun dans ses choix.

Qu’est-ce que la liberté pour un étudiant quand il ne connaît pas les filières dans lesquelles il peut s’engager, quand il n’est pas informé sur les débouchés professionnels de ses études ? Nous, nous voulons mettre en place un vrai service de l’orientation pour tous. Qu’est-ce que la liberté pour un jeune quand il ne trouve pas d’emploi stable avant huit à onze ans ?

M. François Hollande. C’est faux !

M. le Premier ministre. Quand il ne peut ni se loger, ni emprunter ni se former ? Nous, nous voulons donner la possibilité à chaque jeune d’entrer plus vite et plus facilement dans la vie active.

M. Jean-Claude Lefort. Et la liberté de Total, c’est quoi ?

M. le Premier ministre. Qu’est-ce que la liberté …

M. Jean-Claude Lefort. De Total !

M. le Premier ministre. …pour des enfants handicapés à qui on refuse l’accès aux collèges et aux lycées, à qui on ne propose pas un soutien adapté ? Nous, nous voulons apporter un véritable accompagnement scolaire à tous ces enfants.

M. Jean Glavany. Ça fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. le Premier ministre. Qu’est-ce que la liberté pour des hommes et des femmes à qui on interdit l’accès à un compte bancaire ou à une carte de crédit au motif qu’ils ne gagnent pas assez d’argent ? Nous, nous voulons mettre en place un vrai service bancaire universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, la liberté, ça se construit. Oui, la liberté, ce sont les décisions concrètes que nous prenons.

Deuxième principe : l’égalité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L’égalité n’est pas un acquis, elle se gagne tous les jours. Elle demande une attention particulière envers les plus faibles, les blessés de la vie, tous ceux qui n’ont pas eu les mêmes chances au départ.

Lorsque des élèves n’arrivent plus à suivre les cours, il est normal de les aider davantage. Dès le plus jeune âge, nous voulons donc prévoir un soutien en français pour les enfants dont les parents sont d’origine étrangère. Nous souhaitons une évaluation réelle de la maîtrise de la lecture et de l’écriture, un accompagnement personnalisé, un tutorat assuré par des étudiants.

M. Jacques Desallangre. Vous fermez des classes partout !

M. le Premier ministre. Lorsque des jeunes sont au chômage depuis plus de six mois, il est normal de leur donner un coup de pouce supplémentaire pour les aider à sortir de cette situation. C’est ce que nous faisons avec une exonération totale de charges sur trois ans.

M. Jean-Marc Ayrault. Cela fait quatre ans que vous êtes là !

M. le Premier ministre. Troisième principe : la fraternité. La fraternité, cela veut dire une place faite à chacun, quelles que soient son origine, sa situation. Soyons donc plus exigeants dans la lutte contre les discriminations qui empoisonnent la vie quotidienne de dizaines de milliers de nos compatriotes. Chaque discrimination est un coup porté à la République.

N’oublions pas non plus la promesse qui a été faite à tous les habitants des quartiers sensibles, à la suite des événements de l’automne dernier. Vous attribuez à ce gouvernement la responsabilité de la crise des banlieues.

M. Julien Dray. À Nicolas Sarkozy !

M. le Premier ministre. Les Français jugeront. Pour ma part, je préfère les solutions aux accusations, les réponses aux réquisitoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Toute l’ambition du projet de loi sur l’égalité des chances est là : donner de vraies opportunités aux quartiers, grâce à la création de nouvelles zones franches urbaines, renforcer les zones d’éducation prioritaires,…

M. Daniel Vaillant. Vous ne connaissez pas les quartiers !

M. le Premier ministre. …donner de nouveaux moyens aux associations qui font un travail exceptionnel sur le terrain, offrir plus de choix aux jeunes, coordonner les instruments, grâce à l’Agence de l’égalité des chances et aux préfets délégués. Voilà ce qu’avec Jean-Louis Borloo, Azouz Begag et Catherine Vautrin nous mettons en place. Voilà à quoi vous avez fait obstruction lors du débat parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il faut aussi refonder notre modèle social sur une politique de l’emploi maîtrisée et efficace, qui est la priorité absolue du Gouvernement. A commencer par l’emploi des jeunes, qui est au cœur de nos préoccupations. Face à la précarité actuelle, je veux construire pour tous les jeunes un vrai parcours d’embauche. Cela commence par l’orientation : il faut que tous les jeunes, dès le collège, et encore plus au niveau du lycée et de l’université, puissent choisir leur voie en connaissant les diplômes et les débouchés professionnels qu’elle offre. C’est l’objectif du service public de l’orientation que Gilles de Robien et François Goulard sont en train de créer.

M. André Chassaigne. Il faut des postes pour cela !

M. le Premier ministre. Cela suppose de développer l’alternance : nous voulons ouvrir plus de places en alternance dans les grandes entreprises. Il faut aussi multiplier les possibilités de formation, dès l’entrée dans la vie active : nous avons donc prévu que tous les apprentis juniors, dès la rentrée 2006, auraient droit à une année de formation lorsqu’ils en auront besoin pour changer de métier.

Mme Marylise Lebranchu. Financée avec quel argent ?

M. le Premier ministre. Ce sera le premier pas vers un droit universel à la formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les stages, qui permettent d’acquérir une première expérience en entreprise, seront obligatoirement rémunérés au-delà de trois mois et ils seront encadrés.

Enfin, nous devons permettre à tous les jeunes d’accéder rapidement à un contrat à durée indéterminée : c’est le but du contrat première embauche.

M. François Liberti. Quelle hypocrisie !

M. le Premier ministre. Face aux inquiétudes qui se manifestent, je veux dire à tous les Français ma conviction profonde : ce contrat ouvrira les portes de l’emploi à tous les jeunes qui aujourd’hui se heurtent au refus ou à l’indifférence. La période de deux ans ne sera pas une période d’essai, mais une période de consolidation de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui prendra en compte toutes les périodes d’activité dans l’entreprise. Le préavis en cas de rupture sera garanti, les indemnités seront garanties, le respect du droit du travail sera garanti. Et n’oublions pas les droits nouveaux : le droit individuel à la formation, l’indemnisation du chômage dès le quatrième mois.

M. François Hollande. Pendant deux mois !

M. le Premier ministre. J’en prends l’engagement : nous répondrons aux difficultés particulières que les jeunes pourraient rencontrer. Nous avons reçu les banques pour nous assurer qu’elles considéreraient le contrat première embauche comme un CDI classique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons discuté avec les bailleurs et les assureurs pour vérifier la mise en œuvre du dispositif LOCAPASS. Ce contrat marchera, comme le contrat nouvelles embauches a permis de débloquer des centaines de milliers d’emplois dans les très petites entreprises. Pensez-vous vraiment qu’un employeur qui a formé un jeune pendant des mois voudra se séparer de lui ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cela fait vingt ans que nous utilisons les mêmes recettes, que nous hésitons et que le chômage des jeunes est toujours aussi élevé.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai !

M. le Premier ministre. Alors ne croyez-vous pas qu’il est temps d’essayer autre chose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais, au-delà des jeunes, c’est toute la politique de l’emploi que nous devons adapter aux réalités quotidiennes. Je pense aux femmes, qui subissent le temps partiel et qui voudraient tout simplement gagner davantage pour mieux faire vivre leur famille. Si elles le souhaitent, nous voulons leur permettre de prendre un nouvel emploi en simplifiant les règles du cumul.

Je pense aux salariés qui approchent de la retraite et qui estiment à juste titre qu’ils pourraient encore faire partager leur expérience. Nous voulons leur donner la possibilité de sortir progressivement de l’entreprise, sans rupture. Nous voulons leur donner accès à des CDD seniors, élaborés par les partenaires sociaux et qui répondent à un vrai besoin de prolongation de leur vie professionnelle.

Je pense enfin à toutes ces formes d’activité que nous devons encourager pour offrir aux Français la possibilité de s’engager dans les domaines les plus variés, en fonction de leurs goûts et de leurs talents.

C’est vrai dans les métiers de service à la personne : le chèque emploi service universel mis en place par Jean-Louis Borloo leur donnera une vraie impulsion, en ouvrant des services qui ne sont pas satisfaits aujourd’hui.

C’est vrai dans le secteur associatif : le statut de volontaire associatif voulu par Jean-François Lamour permettra de s’engager dans les meilleures conditions.

C’est vrai enfin dans le secteur culturel : les dispositions fiscales que nous avons prises en faveur de la création artistique, les échanges avec d’autres pays européens, la construction de résidences d’artistes, autant de décisions qui aideront tous ceux dont l’imagination, le cœur et le talent illustrent et défendent le plus généreux de la France.

M. Henri Emmanuelli. Là, oui, vous rêvez !

M. le Premier ministre. Enfin, pour avoir un modèle social juste, nous devons améliorer les outils de notre solidarité. Car nous sommes dans une France plus mobile, plus diverse, dans laquelle apparaissent de nouveaux métiers, de nouveaux modes de vie, des modèles familiaux différents.

Le progrès social, ce n’est pas la photographie nostalgique du passé. Le progrès social, c’est reconnaître la mobilité et en faire une chance pour chacun d’entre nous, en particulier pour les plus faibles, pour tous ceux qui sont les plus exposés au risque du chômage et de la précarité. Le progrès social, c’est la mobilité plus la sécurité, ce sont de nouvelles chances plus de nouvelles protections. C’est aller vers une vraie sécurisation des parcours professionnels.

Le Gouvernement veut apporter une aide à tous ceux qui sont éloignés de l’emploi, dans une logique de droits et de devoirs. Les chômeurs d’abord : depuis le 1er janvier de cette année, ils ont droit à un accompagnement personnalisé d’un conseiller qu’ils connaissent, qui les rencontre tous les mois, qui peut donc mieux les guider dans leur recherche. En retour, ils ont le devoir de rechercher activement un emploi.

Les titulaires de l’allocation de solidarité spécifique et du RMI ensuite. Nous devons être plus exigeants quant à leur insertion dans le travail. En France, il doit être plus intéressant de gagner sa vie par un revenu du travail que par un revenu de l’assistance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons aussi accompagner tous ceux qui sont dans l’emploi mais qui craignent de le perdre ou qui voudraient prolonger leur activité. C’est le cas des salariés qui se trouvent dans des régions où les usines ferment, où les entreprises se délocalisent. À l’époque, vous disiez : on ne peut rien faire.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne faites rien !

M. le Premier ministre. Nous disons aujourd’hui : il faut aider chaque salarié à se reclasser grâce à des conventions personnalisées, comme nous l’avons fait à Romans pour l’usine Jourdan. Il faut expérimenter des dispositifs audacieux dans les bassins d’emploi en restructuration, comme le contrat de transition professionnelle.

N’attendons pas les difficultés pour agir, ne subissons pas le mouvement, accompagnons-le, permettons à chacun de prévoir et d’anticiper.

M. Augustin Bonrepaux. On n’a rien vu !

M. le Premier ministre. Apportons enfin une réponse à tous ceux qui souffrent de la pauvreté ou de l’exclusion, étrangement absents de votre discours, monsieur Hollande. Le plan de cohésion sociale représente une mobilisation sans précédent par l’ampleur des moyens dégagés.

M. Alain Néri. Lesquels ?

M. le Premier ministre. Dans quelques jours, je ferai des propositions d’expérimentation pour apporter chaque fois des solutions locales, concrètes et rapides. Dans ce domaine, il faut innover, valoriser et rassembler les efforts de chacun.

Le nouveau pacte social français a besoin d’énergie et de vitalité : il les trouvera dans son économie, dans sa capacité à produire des richesses et à les vendre à l’étranger. C’est mon troisième message : nous devons gagner la bataille de l’innovation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Quelle littérature !

M. le Premier ministre. Pour cela, nous avons des atouts exceptionnels. Notre main d’œuvre a l’une des meilleures productivités horaires. Nos salariés ne cessent de faire des efforts pour répondre aux exigences de la compétition mondiale, et ils y arrivent.

Nous avons des services publics remarquables, qui participent à la qualité de la vie dans notre pays : je pense à nos hôpitaux, à nos écoles, à nos infrastructures routières et ferroviaires.

Notre capacité d’innovation est intacte : le haut niveau de nos laboratoires et de nos centres de recherche est reconnu dans le monde entier. Et je ne parle pas de la puissance de nos champions industriels mondiaux, de la densité exceptionnelle de notre équipement en internet à haut débit ou de la performance de notre agriculture, qui structure nos paysages ruraux.

Les Français sont fiers de ces atouts. Prenez EDF : plus de cinq millions de Français ont acheté des actions, dont 70 % des salariés de l’entreprise. Alors, soyons au diapason des Français. Au lieu d’alimenter leurs peurs, donnons-leur confiance dans l’avenir.

Regroupons nos forces économiques. C’est le but des 66 pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale que nous avons mis en place dans toutes les régions de France. C’est le but des mesures que nous avons mises en œuvre avec Renaud Dutreil pour faciliter le financement des PME, leur transmission et leur croissance, car nous savons que nos PME doivent avoir une taille plus importante pour gagner des parts de marché dans les pays les plus dynamiques. Déjà, les choses s’améliorent : nos exportations vers l’Inde ont augmenté de 45 % l’année dernière et de 17 % vers la Chine.

M. François Hollande. Mais globalement ?

M. le Premier ministre. Être présents partout où la croissance est forte, c’est le défi majeur que nous avons à relever avec Christine Lagarde dans les années à venir. J’ai parlé de patriotisme économique : je crois dans cette idée. Il ne s’agit pas de dresser des barrières illusoires contre la mondialisation. Il s’agit de reconnaître que nos intérêts et les intérêts européens passent en premier et, surtout, de permettre à nos entreprises de se battre à armes égales avec celles d’Amérique ou d’Asie.

Ensuite, il est indispensable de soutenir l’innovation. Nous avons mis sur la table huit milliards d’euros de plus sur la période 2005-2007 pour relancer la recherche technologique. Nous soutenons l’investissement grâce à une réforme de la taxe professionnelle qui libère les capacités de notre industrie. Pour la première fois dans ce pays, les hautes technologies, la recherche, l’innovation, qui sont les outils décisifs pour gagner dans le monde de demain, sont mis au service d’une véritable vision économique. L’innovation doit se diffuser partout. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le dynamisme de notre économie et sa compétitivité en dépendent.

Enfin, l’État doit défendre les intérêts de notre économie et de nos salariés.

M. Jean Glavany. Il faut descendre sur terre !

M. le Premier ministre. Thierry Breton présentera un nouveau dispositif de protection contre les OPA hostiles, qui mettra en œuvre le principe de réciprocité.

M. Jean Glavany. Qui vous a raconté tout ça ?

M. le Premier ministre. Nous avons pris des dispositions pour encourager la détention d’actions longues et l’actionnariat salarié, car un capital fort et structuré, c’est la meilleure façon de défendre nos entreprises tout en valorisant les efforts des salariés. J’annoncerai de nouvelles mesures dans les prochains jours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’économie française a des ressources d’énergie et des talents immenses. Nous voulons avancer en préservant à la fois une agriculture moderne, une industrie compétitive et des services innovants. Nous voulons garder hors du champ de la concurrence certains services publics qui ne sont pas financièrement rentables, mais qui sont socialement nécessaires. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le Premier ministre. Cet équilibre nous protège des grands chocs extérieurs. Il faut le renforcer. Pour cela, je suis convaincu que l’Europe est une chance pour la France. Elle peut nous donner les moyens de construire de grands champions industriels, pourvu que nous ayons la volonté de faire passer nos intérêts économiques avant le droit de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Elle doit nous permettre de valoriser notre expérience en matière de services, pourvu que nous soyons vigilants sur nos services publics et sur les conditions du droit du travail. De ce point de vue, la nouvelle directive sur les services va dans le bon sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le parti socialiste français a voté contre au Parlement européen.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. le Premier ministre. Le parti communiste a voté contre. (« Oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je ne crois pas que vous ayez donné là une leçon de courage politique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Vous vous êtes couchés, à Bruxelles !

M. le Premier ministre. L’Europe doit être notre horizon en matière d’énergie et d’innovation. Notre pays aujourd’hui a toutes les qualités pour être le fer de lance du défi technologique et énergétique européen.

Enfin, et c’est ce qui fonde ma politique et mon engagement : je crois dans l’avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous pouvons compter sur les Français ; nous devons nous appuyer sur leur volonté de dépassement.

Oui, nous pouvons tous êtres fiers des efforts que font les Français. Oui, nous pouvons tous être fiers des capacités de notre pays. Ensemble, nous allons en finir avec le chômage de masse, en particulier le chômage des jeunes.

M. Daniel Vaillant. Personne ne vous croit !

M. le Premier ministre. Ensemble, nous allons entrer sereinement dans la modernité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et, pour cela, donnons sa juste place à l’État, garant de l’autorité publique. Car l’État est là pour faire respecter nos règles et nos valeurs, défendre l’intérêt général.

C’est vrai en particulier en matière de sécurité. Et vous savez que vous pouvez compter sur la détermination de Nicolas Sarkozy (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour continuer à lutter contre la délinquance et les violences aux personnes, qui insupportent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est vrai en matière de justice : une justice qui doit être rapide, efficace et humaine. Avec Pascal Clément (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), comme l’a demandé le Président de la République, nous tirerons toutes les conséquences de la commission d’enquête sur le drame d’Outreau. J’ai confiance dans la capacité de notre magistrature à s’engager dans cette voie avec son sens des responsabilités pour apporter de meilleures garanties aux justiciables.

C’est vrai aussi en matière d’immigration. Vous critiquez l’immigration choisie. Est-ce que vous préférez l’immigration subie ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. C’est scandaleux !

M. le Premier ministre. Est-ce que vous préférez les flux continus d’étrangers en situation irrégulière, les délais scandaleux qui étaient de mise en matière de demande d’asile avant notre réforme de l’OFPRA ? Avec le ministre d’État, nous croyons que refuser l’immigration irrégulière, les détournements de procédure, les mariages de complaisance, c’est notre devoir et la condition de la bonne intégration des étrangers en situation régulière qui viennent en France avec leurs projets et leurs espoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous croyons qu’orienter vers la France les étudiants les meilleurs et les plus motivés, …

M. Daniel Paul. C’est du pillage !

M. le Premier ministre. …qu’imposer un vrai contrat d’intégration reposant sur la maîtrise du français, c’est mettre tous les atouts de notre côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si l’État ne protège pas les plus faibles, qui le fera à sa place ? (« Pas vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Si l’État ne fait pas respecter la règle de droit, qui aura la légitimité pour le faire ? (« Pas vous ! » sur les mêmes bancs.) Si l’État ne prend pas en charge la protection de chacun contre les nouveaux risques sanitaires comme la grippe aviaire ou le chikungunya, qui pourra exercer cette compétence ? (Mêmes mouvements.)

Mais l’État doit retrouver des marges de manœuvre. Pour cela, nous voulons revenir à un taux maximum d’endettement de 60 % du produit intérieur brut avant 2010. Pour la première fois, avec Thierry Breton et Jean-François Copé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains ), nous avons fixé un objectif transparent de désendettement, de maîtrise de la dépense publique, de limitation des déficits. Cet objectif est défini collectivement et sera chiffré devant la représentation nationale lors du débat d’orientation budgétaire de juin. (« Et Douste ? » sur les mêmes bancs.)

Nous devons toujours mieux servir les Français et répondre à leur soif de changement.

Je pense au marché du travail : avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous ouvrirons dans les prochaines semaines la troisième étape de la bataille pour l’emploi. Ce sera une étape d’approfondissement, une étape de concertation et de dialogue qui abordera tous les sujets utiles. Nous n’avons pas d’a priori, monsieur Hollande. Nous sommes ouverts et constructifs. Nous attendons les propositions.

M. Henri Emmanuelli. Vous n’attendez pas grand-chose !

M. le Premier ministre. Je pense aussi à l’éducation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons déjà beaucoup avancé sur l’école, sur l’acquisition des savoirs fondamentaux, sur l’accompagnement des élèves. Avec Gilles de Robien et François Goulard (« Et Douste ? » sur les mêmes bancs), nous voulons avancer dans l’amélioration de notre système d’enseignement supérieur, avec à l’esprit deux préoccupations majeures.

Première préoccupation : comment aider les étudiants dans leur vie quotidienne, pour leur orientation, pour leur accès au diplôme, pour les bourses, pour le logement étudiant, pour l’apprentissage d’un métier ? Autant de sujets où nous attendons aussi vos propositions !

Seconde préoccupation : comment revaloriser le statut des enseignants, comment mieux reconnaître leur dévouement et leur compétence, comment leur permettre d’avoir accès à une deuxième carrière ?

A toutes ces questions, nous allons apporter des réponses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous le voyez, comme l’a souhaité le Président de la République, l’année 2006 sera une année utile pour la France. (« Vous avez oublié Douste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, à chaque âge de l’histoire de notre pays correspond un défi majeur : la République à enraciner pour nos grands-parents, l’homme à sauver de la barbarie et le pays à reconstruire pour nos parents, la France à faire progresser pour notre génération et celle de nos enfants. En cédant trop souvent à l’immobilisme et à la peur, en cédant trop souvent à la dérision ou à la moquerie, nous n’avons que trop tardé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quatre ans !

M. le Premier ministre. Aujourd’hui, nous sommes au rendez-vous de l’action contre la résignation, au rendez-vous du pragmatisme contre l’idéologie. Alors, qu’il y ait des doutes, des hésitations, quoi de plus normal quand il faut faire face sur tous les fronts à la fois ! Changer, oui, pour pouvoir rester nous-mêmes : fidèles à une exigence française à laquelle nous sommes tous attachés. Fidèles à notre identité, forts de notre diversité, de la métropole à l’outre-mer, forts d’une histoire qui doit nous rassembler et non nous diviser. Il y a des mémoires en France, mais il n’y a qu’une histoire de France, à connaître et à partager.

Entendons-nous sur ce que nous souhaitons défendre et promouvoir.

Le souffle de l’humain, d’abord, malgré les heurts et les soubresauts de la mondialisation, contre le règne de l’argent et de la marchandisation (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), contre le flot des violences, contre les inégalités, contre l’irrespect. Pour chacun une place, pour chacun l’égalité des chances.

L’aspiration à l’universel, ensuite, dans un esprit de respect, de tolérance, de dialogue entre les peuples et les cultures par delà les couleurs de la peau, les convictions ou les religions.

Le goût de l’avenir, enfin, parce que le progrès est possible pour chaque individu, comme pour la communauté nationale. Mais il suppose l’engagement, l’effort, la compassion envers l’autre, et non le repli sur soi ou l’indifférence.

Bien sûr, François Hollande, j’écoute attentivement ce que vous me dites à travers cette motion de censure. Je n’oublie pas l’exigence de tirer chaque jour les leçons de la veille pour faire mieux, pour faire plus au service des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais la politique aujourd’hui dans notre pays a besoin de sincérité, de lucidité pour répondre aux doutes et aux frustrations, aux colères et aux impatiences de nos compatriotes. Alors, laissons tomber les outrages et les vieux usages de la politique politicienne ! Il n’y a pas d’un côté l’ombre et de l’autre côté la lumière. Il y a ceux qui regardent devant et ceux qui refusent tout changement. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui croient dans la France et qui veulent le meilleur pour les Français. Je sais que notre majorité partage cette conviction. Je sais qu’elle s’engage sans répit pour remettre notre pays en marche. Je veux aujourd’hui la saluer. Je compte sur elle. (Les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Je vais mettre aux voix la motion de censure.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………......

M. le président. Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.

Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-neuf heures.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-neuf heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure………………………. 289

Pour l’adoption………… 178

La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2427 rectifié, portant réforme des successions et des libéralités :

Rapport, n° 2850, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

(1) MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mmes Martine Billard, Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mmes Ségolène Royal, Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Yves Cochet, Noël Mamère et Emile Zuccarelli.