Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 23 février 2006

150e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

égalité salariale
entre les femmes et les hommes

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 24 janvier 2006

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2807).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Édouard Courtial, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes s’est réunie le mardi 24 janvier 2006 à l’Assemblée nationale. Alors que le Sénat a déjà procédé, le 9 février dernier, à la lecture des conclusions de la CMP, permettez-moi de vous exposer les principaux apports de cette réunion.

Je ne reviendrai pas, à ce stade du débat, sur l’ensemble des dispositions du texte, bien connues de tous, sinon peut-être pour me féliciter, comme je l’avais fait en CMP, du nombre de points d’accord trouvés entre les deux assemblées au fil de leurs lectures respectives, et ce avant même la réunion de la CMP, sur des sujets aussi divers que les discriminations fondées sur la grossesse, l’égalité professionnelle dans les petites entreprises, l’entretien préalable avec l’employeur avant le congé parental d’éducation, l’extension du champ d’application du crédit d’impôt famille aux dépenses de formation en faveur des salariés de retour d’un congé parental d’éducation, l’ouverture du droit individuel à la formation, ou encore la formation professionnelle et l’apprentissage.

En outre, la réunion de la commission mixte paritaire a permis la consécration définitive de nouvelles mesures.

Pour ce qui concerne tout d’abord la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et en particulier la prise en compte de l’incidence du congé de maternité ou d’adoption sur la rémunération du salarié à la suite de son congé, la CMP a adopté un amendement rétablissant le texte voté par l’Assemblée nationale. Est donc réintroduite dans le texte la mention du caractère « au moins aussi favorable » des dispositions des accords collectifs déterminant les garanties d’évolution de la rémunération des salariées au retour d’un congé de maternité ou d’adoption par rapport au dispositif prévu à l’article 1er du projet.

Cette garantie était importante à mes yeux et je tiens à saluer cet ajout de la CMP. Si l’on élabore et vote des dispositifs, c’est pour en assurer l’effectivité. Or il apparaissait clairement que la rédaction initiale de cet article, rétablie par le Sénat, revenait à neutraliser cette règle nouvelle dès lors qu’était signé un accord collectif quelconque sur cette question.

La commission mixte paritaire a aussi adopté les deux articles relatifs aux négociations de branche et d’entreprise sur la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d’ici à 2010. Elle a retenu la rédaction du Sénat, qui était très voisine de celle adoptée par l’Assemblée en deuxième lecture.

Pour ce qui est de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, la CMP a approuvé le principe de la création d’un nouveau cas de recours au travail temporaire, afin d’ouvrir aux personnes travaillant à temps partiel la possibilité d’un complément d’activité leur permettant d’accroître leurs revenus.

Elle a également adopté le dispositif d’indemnisation du congé de maternité prolongé en cas de naissance prématurée et rétabli l’exigence, sur laquelle était revenu le Sénat, d’un rapport du Gouvernement sur le fractionnement du droit au congé parental.

Cette dernière mesure mérite d’être soulignée : un tel rapport est aujourd’hui indispensable pour ouvrir le débat, ainsi que l’avait affirmé l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait ! Merci de le rappeler, monsieur le rapporteur.

M. Édouard Courtial, rapporteur. S’agissant enfin de l’accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles, il faut saluer le compromis trouvé lors de la réunion de la CMP, qui permet de réunir les deux impératifs qui prévalaient à l’Assemblée nationale et au Sénat quant à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration des sociétés anonymes, à savoir, d’une part, l’application de cette règle aux conseils de surveillance et, d’autre part, l’établissement d’un objectif chiffré en termes de pourcentage ainsi que la présence d’au moins un représentant de chaque sexe lorsque le nombre total des membres des conseils d’administration et de surveillance est inférieur à cinq.

Sur ce même sujet, le Gouvernement soumet aujourd’hui à l’Assemblée nationale, comme il l’avait fait au Sénat, un amendement tendant à compléter le texte de l’article 13 bis par une disposition donnant aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance un délai de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi pour se mettre en conformité avec la nouvelle règle.

Il semble en effet indispensable d’introduire des dispositions transitoires afin de permettre aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance qui ne remplissaient pas les conditions imposées par la loi de mettre en œuvre cette règle : compte tenu de la complexité des opérations et des mandats en cours, le délai de cinq ans ainsi proposé paraît nécessaire et réaliste pour que les entreprises s’adaptent aux nouvelles exigences de la loi.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a adopté dans la rédaction du Sénat les articles 13 ter et 13 quater relatifs à la parité dans les collèges électoraux pour l’élection des délégués des comités d’entreprise et pour l’élection des délégués du personnel. Cette rédaction prévoit la possibilité pour le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle d’autoriser, à la demande motivée d’une organisation syndicale représentative, des dérogations à la règle – par ailleurs consacrée par le texte – selon laquelle les listes doivent respecter à l’unité près, dans un délai de cinq ans, la proportion d’hommes et de femmes dans chaque collège électoral.

Relevons enfin l’adoption par la CMP d’une disposition corrigeant une erreur matérielle, afin de permettre la majoration de la pension des fonctionnaires handicapés.

Au total, c’est un projet équilibré qui vous est soumis aujourd’hui, au terme d’un travail de dialogue et d’enrichissement progressif accompli au fil des derniers mois sur ces sujets centraux pour notre vie sociale, économique et politique. Je vous demande donc d’adopter le texte ainsi élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi relatif à l’égalité salariale, soumis aujourd’hui à votre approbation définitive, marque une avancée en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Un an s’est écoulé depuis que le Président de la République a demandé que des dispositions soient prises pour établir une véritable égalité salariale. Vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur, après une année de concertations nombreuses, de discussions parlementaires fructueuses, le texte auquel nous sommes parvenus répond à l’objectif assigné et va même au-delà, ce dont je me réjouis. Je voudrais vous en remercier, ainsi que la délégation aux droits des femmes et vous tous qui vous êtes engagés dans ce débat et l’avez enrichi.

Il fallait incontestablement aller plus loin que les textes mis en œuvre jusqu’à maintenant, dont nous avons pu mesurer les limites. Nous avons souhaité fixer un objectif plus ambitieux et définir une méthode nouvelle. L’objectif est de supprimer des discriminations injustifiées. Il s’agit d’un objectif de résultat, chiffré, assorti d’un délai de mise en œuvre impératif de cinq ans et de l’obligation d’en mesurer l’exécution. La méthode est bien nouvelle : comme je l’ai dit à plusieurs reprises devant chacune des assemblées, nous sommes dans une situation de dernier avis avant sanction. Nous avons travaillé avec le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Les indicateurs qui vont maintenant être rapidement définis nous permettront d’évaluer les résultats à partir desquels nous adopterons une approche plus pragmatique. Par pragmatisme aussi, nous avons privilégié le dialogue entre les partenaires sociaux, leur laissant le soin de parvenir à l’égalité, tout en instaurant des incitations très fortes à négocier. Après un premier bilan, nous instituerons une contribution financière assise sur la masse salariale pour les entreprises qui n’auraient pas ouvert de négociations.

Au-delà de la discrimination pure et simple, le texte comporte des mesures nouvelles pour lutter contre les causes structurelles des inégalités salariales : enclavement de l’emploi féminin, difficultés à articuler vie professionnelle et vie parentale, temps partiel subi, poids des habitudes qui bloquent l’accession des femmes aux responsabilités. Le projet de loi s’efforce d’apporter une réponse à chacun de ces problèmes.

Ainsi, pour désenclaver le travail féminin, il est demandé aux régions de favoriser un accès équilibré des hommes et des femmes aux différentes filières de formation. L’égalité commence en effet avec la possibilité pour les femmes d’aller vers des formations à des métiers qu’elles n’exerçaient pas traditionnellement. De mon côté, je vais mettre en œuvre, avec les organisations patronales et les syndicats de salariés, des démarches d’insertion des femmes dans les branches professionnelles où elles sont encore peu nombreuses. Nous avons déjà commencé avec le bâtiment. J’entends également encourager la création d’entreprises au féminin, car les femmes n’ont jamais représenté plus de 28 % des créateurs d’entreprise. J’y travaillais hier encore avec France Initiative Réseau.

Nous apportons aussi des réponses concrètes pour remédier aux inégalités de salaire résultant de la parentalité, avec notamment la compensation de l’effet de la maternité sur les rémunérations et l’allongement du congé de maternité pour les mamans de prématurés.

Nous nous attaquons également à un autre facteur déterminant d’inégalité entre les femmes et les hommes : le temps partiel subi. Vous avez à plusieurs reprises fait part de votre préoccupation à ce sujet. J’ai pris des engagements devant vous, je les tiendrai. Ce texte fait ainsi entrer le temps partiel dans le champ des négociations obligatoires de branche et d’entreprise sur l’égalité professionnelle. C’est une étape. J’ai engagé, avec Gérard Larcher, une dynamique de négociation avec les fédérations professionnelles.

Enfin, nous faisons un geste fort pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités : les conseils d’administration de nos entreprises publiques comprendront désormais au moins 20 % de femmes. Je sais que nous devrons aller plus loin, mais c’est déjà un grand pas. Le Parlement a étendu cette mesure aux sociétés anonymes. Nous vous proposerons de fixer un délai de mise en œuvre de cette nouvelle disposition, afin que les entreprises privées puissent l’appliquer dans les meilleures conditions, à mesure du renouvellement de leurs conseils d’administration. On peut toujours dire que cinq ans c’est trop long ou trop tard, mais au moins, une fois votée, cette obligation figurera dans nos textes. Il fallait, je crois, commencer par là.

M. Édouard Courtial, rapporteur. Bien sûr !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mesdames, messieurs les députés, avec l’ensemble de ces mesures et grâce à votre soutien, je suis convaincue que nous allons franchir cette étape nouvelle dans la consolidation de notre modèle républicain. C’est la raison pour laquelle je vous remercie de bien vouloir adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains et pour dix minutes maximum.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, je serai plus rapide que ce matin…

M. le président. Merveilleux ! Enfin une promesse qui sera peut-être tenue ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …et, compte tenu du sujet, beaucoup moins virulent.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est un sujet au moins aussi important que la pomme de terre mona lisa ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Je vois, madame la ministre, que vous avez suivi le débat de ce matin.

Le texte soumis à notre appréciation aujourd'hui fait suite à de nombreuses initiatives parlementaires prises depuis maintenant plus de trente ans. Nombre d'études, de reportages et de témoignages s'accordent désormais pour reconnaître toutes les discriminations et l'absence d'efficacité des nombreuses lois sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Nous aurions donc pu nous attendre à un texte ambitieux, riche de ces expertises et des évaluations des politiques publiques en la matière. Or il n'en est rien. Ce texte aurait pu, d’une part, opérer une véritable rupture avec les précédents et, d’autre part, permettre de répondre à l'urgence de la situation dont les femmes sont victimes dans le monde du travail. Cela n’est pas le cas, bien au contraire !

Avec le présent texte, madame la ministre, vous faites confiance à la négociation.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce n’est pas vous qui allez me le reprocher !

M. André Chassaigne. Je veux y croire aussi, mais il aurait mieux valu commencer par rendre plus contraignante la législation existante : 72 % des entreprises refusent d'appliquer la loi et de procéder à des négociations sur le sujet. Or ce qui a occupé une bonne part des débats, c'est la précarité, en particulier celle qu'entraîne le temps partiel imposé. Nous ne pouvions certainement pas régler tous les problèmes, mais l’adoption d’amendements proposant des mesures concrètes aurait permis d'améliorer le sort des femmes fragilisées par leur manque de qualification ou leur situation familiale, les plus touchées par le temps partiel subi et la précarité. La seule mesure concrète et immédiate que les femmes auront obtenue dans ce texte concerne le congé des mères d'enfants prématurés. En vous attaquant trop timidement au fléau du temps partiel, dont la réforme éventuelle est renvoyée à plus tard, alors même que les emplois de proximité ne feront qu'aggraver la prolifération de ce sous-emploi, en refusant de contraindre les entreprises à appliquer la loi, vous avez sacrifié, bâclé ce projet attendu par des millions de femmes salariées.

Mais cela n'est pas tout. Vous poussez le cynisme – et le mot n’est pas trop fort (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) –…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Un peu tout de même !

M. Pierre-Christophe Baguet. Vous êtes resté sur votre élan de la matinée, mon cher collègue !

M. André Chassaigne. Je dirai donc que vous poussez une forme de cynisme (Sourires) jusqu'à prendre comme support ce texte – je devrais dire ce prétexte – pour poursuivre votre destruction du droit du travail et aggraver l'insécurité du salariat par une nouvelle mesure favorisant la précarité. Vous appliquez vous aussi, madame la ministre, une technique à laquelle s’accroche sans défaillir le Gouvernement : distiller l’idéologie de la précarité au goutte-à-goutte, en contrebande.

Ainsi, le cumul d’une activité salariée et d’un emploi d’intérim sera désormais autorisé. Cette mesure prétend s’adresser aux femmes qui n'ont pas la possibilité de travailler davantage dans leur entreprise et cherchent un complément de revenu. Vous institutionnalisez de la sorte le multisalariat et infligez aux femmes la double précarité, le travail morcelé, les temps interminables de transport…

M. Jacques Le Guen. Les cadences infernales et le travail de nuit !

M. André Chassaigne. …et toujours plus de difficultés pour concilier vie familiale et vie professionnelle.

À n'en pas douter, ce texte d'affichage social satisfera Mme Parisot, chantre de la précarité (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. Jacques Le Guen. Le baron Seillière n’est plus là !

M. André Chassaigne. Votre réaction me rappelle cet excellent mot de Gustave Flaubert : « Il y a des sifflets qui sont plus doux pour l’orgueil que des bravos ». (Exclamations admiratives sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce texte, disais-je, satisfera Mme Parisot, chantre de la précarité, car il s’inscrit dans la logique de toujours plus de flexibilité, de précarité, de CDD, de temps partiel, et désormais d'intérim, de bas salaires, de grilles professionnelles débutant en dessous du SMIC, et j’en passe.

M. Gérard Voisin. Du Zola, encore du Zola !

M. André Chassaigne. Dans ce contexte et au final, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce texte,…

M. Maurice Giro. Dommage !

M. André Chassaigne. …car, une fois encore, sur un projet de loi, l’approche aura été bien plus belle que l’arrivée.

Mme Catherine Génisson. Très bonne intervention !

M. Édouard Courtial, rapporteur. Vous votez contre les femmes !

M. Jean-Marc Roubaud. Quel gâchis !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Marie Rolland. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je dois d’abord vous demander d’excuser l’absence de Françoise de Panafieu en ce jour où nous nous réunissons pour adopter définitivement le projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Nous savons l’intérêt qu’elle porte à ce texte.

Mme Catherine Génisson. Elle a d’autres priorités !

M. Jean-Marie Rolland. Nous voici devant un texte pragmatique et incitatif, qui apporte des réponses concrètes pour remédier aux inégalités salariales dont sont victimes les femmes. L'objectif, clairement exprimé, est de supprimer les discriminations injustifiées d'ici à cinq ans.

La balle est dans le camp des partenaires sociaux, qui sont fortement incités à négocier. Un accord a, en effet, plus de chance d'être appliqué qu'un oukase gouvernemental asséné sans concertation.

Nous instaurons des incitations très fortes pour que ces négociations démarrent. Dans trois ans, une conférence nationale en tirera un premier bilan. Les entreprises n'ayant pas ouvert de négociation se verront alors infliger une contribution financière assise sur leur masse salariale.

Ce texte fait la part belle à l'intelligence des uns et des autres. C'est un texte de confiance, qui n'empêche pas la vigilance.

Certains regrettent son manque de coercition. Pour ma part, je pense que, dans les relations du travail, les mesures rigides et imposées ont peu d'effet, et qu’elles peuvent même se retourner contre les salariés.

Mme Catherine Génisson. C’est vrai !

M. André Chassaigne. C’est un peu facile !

M. Jean-Marie Rolland. Nous faisons le pari du dialogue, que nous suscitons, mais nous fixons un délai raisonnable pour que les choses « avancent ».

Au-delà de la réduction des écarts de salaire proprement dite, ce projet de loi propose des instruments pour lutter contre les causes structurelles des inégalités salariales, les causes de fond : la formation, la maternité, l'organisation du temps de travail, la difficile promotion des femmes à des postes de responsabilité.

Très en amont, la formation scolaire, universitaire et professionnelle doit sortir les femmes des filières qui leur sont trop souvent réservées. L'éducation nationale et les régions sont sollicitées pour favoriser un accès plus équilibré des hommes et des femmes aux différentes formations et aux différents métiers. Les jeunes doivent être informés correctement des filières existantes, des métiers pour lesquels elles forment et des débouchés offerts. Les jeunes filles ne doivent pas hésiter à s'orienter vers les métiers d'ingénieurs, vers ceux du bâtiment ou des transports, vers l'apprentissage, trop souvent « réservés » aux garçons. Certaines de ces branches – comme c’est le cas actuellement du bâtiment – rencontrent des difficultés pour recruter, et cela permettrait d’améliorer leur situation.

Autre cause structurelle des inégalités salariales entre les hommes et les femmes : la maternité et l'exercice de la parentalité, c’est-à-dire la difficile conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Plusieurs dispositions du texte ont pour objectif de faciliter celle-ci comme la compensation, pour la salariée en congé de maternité, des augmentations de salaire intervenues dans l'entreprise durant son absence, l’aide financière consentie aux petites entreprises remplaçant une salariée en congé de maternité, l'extension du crédit d'impôt famille pour les entreprises embauchant un salarié licencié ou ayant démissionné pendant son congé parental et suivant une formation, et l'allongement du congé de maternité des mères d'enfants nés prématurément.

Nous savons aussi que le travail à temps partiel subi est responsable de la pauvreté des mères de famille isolées. Je me réjouis, madame le ministre, que vous ayez fait adopter un amendement permettant aux personnes travaillant à temps partiel d'exercer simultanément une mission de travail temporaire dans le but d’accroître leurs revenus.

Mme Catherine Génisson. Parlons-en !

M. Jean-Marie Rolland. Vous avez également décidé, avec le ministre du travail, Gérard Larcher, de vous attaquer aux excès du temps partiel subi. Il n'est pas normal que des salariés ne puissent aujourd'hui vivre décemment de leurs revenus. Les récents rapports sur les familles pauvres et sur la pauvreté ont mis en lumière l’existence de « travailleurs pauvres », c’est-à-dire de salariés dont les revenus ne permettent pas de se loger, de se nourrir, de s'habiller, quand ils ne sont pas carrément SDF !

Enfin, avec ce texte, un geste fort est fait pour favoriser l'accession des femmes à des postes de responsabilité. Dans ce domaine, notre pays est en effet la lanterne rouge de l'Europe. Les conseils d'administration des entreprises publiques devront être composés de façon équilibrée et, en tout état de cause, la proportion de représentants de chaque sexe ne peut être supérieure à 80 %. On peut espérer que les entreprises du secteur privé suivront le mouvement. Sinon, il faudra en tirer les conséquences et peut-être en arriver à la solution norvégienne : imposer un pourcentage de femmes dans les instances dirigeantes !

Il est vraiment temps pour notre pays de changer de culture. Alors que 80 % des femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans travaillent, qu'elles font en même temps des enfants – pas suffisamment pour renouveler nos générations, mais beaucoup plus que les autres européennes – et sont plus nombreuses que les hommes à suivre des études supérieures, il est inimaginable de continuer à les payer moins, à les faire progresser moins et à les nommer moins dans des postes de responsabilité.

Ce texte est consensuel, il n'est pas autoritaire, mais nous n’en veillerons pas moins à son application. Rendez-vous dans trois ans à la Conférence nationale qui dressera le bilan des négociations !

Madame la ministre, nous vous remercions pour ce texte, pour la dynamique qu’il ne manquera pas d’entraîner et pour le travail accompli sans relâche par vos services. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.

Mme Catherine Génisson. Permettez-moi, tout d’abord, de faire observer à M. Rolland que les femmes ne font pas des enfants. Ce sont les chiennes ou les chattes qui font des petits. Les femmes, elles, ont des enfants ! (Rires sur divers bancs.)

M. Jean-Marc Roubaud. M. Rolland est médecin !

Mme Catherine Génisson. Je le suis également.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est un terme technique !

Mme Catherine Génisson. La sémantique a son importance.

Je ne partage pas l’optimisme de notre rapporteur après la réunion de la commission mixte paritaire, même si je reconnais à celle-ci le mérite d’avoir rétabli des dispositions que le Sénat avait supprimées.

L’objet du texte de loi sur lequel nous allons nous prononcer aurait dû entraîner notre soutien. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste en effet un objectif à atteindre, et le contexte dans lequel nous vivons demeure encore très sexué.

Hier, dans le métro, j’ai été surprise en voyant une publicité pour une chaîne de télévision. Sur une première affiche, faisant la promotion de films, on voyait un visage féminin ému, avec la légende : Love Story. Sur une seconde affiche, faisant la promotion du sport, un visage masculin enthousiaste trônait à côté de la légende : Penalty. Dans tous les actes de la vie, nous avons encore beaucoup à faire en matière d’égalité homme-femme.

Après la loi du 9 mai 2001, l’accord interprofessionnel de mars 2004 soutenu par l’ensemble des partenaires sociaux et la mise en place du label égalité, un nouveau texte de loi se devait d’être particulièrement convaincant. Si le texte qui nous est soumis affiche des objectifs quantifiés, il n’est cependant pas assorti des moyens de les atteindre. Il se caractérise en effet par sa médiocrité, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire son caractère moyen. L’égalité professionnelle ne se définit pas qu’à l’aune de l’égalité salariale, même si celle-ci est obligatoire.

Si la volonté de promouvoir l’égalité des revenus entre les femmes et les hommes est bien là, le texte fait implicitement prévaloir le contrat de gré à gré sur la négociation collective. En outre, le Gouvernement a refusé la sécurisation du dispositif, pourtant rendue nécessaire depuis la loi Fillon, qui inverse la hiérarchie des normes de la négociation sociale.

Le texte porte, par ailleurs, les limites de son application : il renvoie à plus tard – après la rédaction d’un rapport –, la mise en place de mesures contraignantes, par le biais, éventuellement, d’un nouveau texte de loi. Le plus grave reste cependant le refus du Gouvernement, à chaque étape de l’examen du texte, de prendre en compte le problème fondamental de la précarisation de l’organisation du travail. Il a refusé de traiter des causes du temps partiel subi, alors que nous connaissons tous ses effets délétères sur plus de 3 millions de salariés, dont 80 % de femmes, et alors que un million et demi de travailleurs pauvres sont en dessous du seuil de pauvreté et que plus de 25 000 femmes qui travaillent sont sans domicile fixe – et avec elles, 16 000 enfants. Derrière les pourcentages et les chiffres, il y a des hommes, des femmes et des enfants dont les difficultés à satisfaire des besoins vitaux sont quotidiennes.

Ce constat, nous le connaissons tous. Il a été établi par les travaux remarquables de la délégation aux droits des femmes, par le rapport commandé par votre prédécesseur, madame la ministre, sur le sujet et par toutes les associations caritatives.

Aussi l’amendement gouvernemental présenté par le Gouvernement en deuxième lecture au Sénat apparaît-il comme une véritable provocation. Désormais, un salarié, une salariée en contrat à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée, en contrat nouvelle embauche et bientôt en contrat première embauche pourra cumuler son contrat de travail avec une ou plusieurs missions intérimaires pour avoir un complément d’activité, c’est-à-dire un complément de rémunérations pour boucler ses fins de mois. Cette mesure aggrave la situation des travailleurs pauvres dans notre pays, elle accentue encore leur précarité.

Nous avons fait des propositions concrètes, madame la ministre, pour améliorer les conditions d’organisation du temps partiel. Elles concernaient, entre autres, le délai de prévenance, les heures complémentaires, les heures supplémentaires, le nombre et la durée des temps de pause, l’accès prioritaire à des contrats à temps plein. Vous les avez toutes refusées. Ce refus va encore compliquer l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale et privée.

Les dispositions que vous nous proposez sont une nouvelle atteinte au contrat de travail, une nouvelle page arrachée au code du travail. C’est un cavalier dans tous les sens du terme, ce qui nous obligera à déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

J’aurais voulu conclure mon propos sur une embellie en indiquant que nous avions quand même un peu progressé en matière de reconnaissance de la place des femmes aux postes de responsabilité dans les conseils d’administration et dans les conseils de surveillance. Mais l’amendement que le Gouvernement a présenté au Sénat et qui a été voté m’en empêche.

Il est en effet contestable à la fois sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, tout d’abord : ce n’est pas respecter le travail des parlementaires, tant des sénateurs que des députés, que de leur présenter des amendements d’une telle importance en deuxième lecture au Sénat en ce qui concerne l’introduction du travail intérimaire, et après la réunion de la commission mixte paritaire, toujours au Sénat, en ce qui concerne l’application de cette disposition.

Sur le fond, ensuite : madame la ministre, vous nous expliquez que des mesures transitoires sont nécessaires pour que cette mesure soit efficace, mais cela revient, en fait, à reporter de cinq ans l’accès des femmes à des postes de responsabilité dans les conseils d’administration et dans les conseils de surveillance. Or ces conseils varient dans leur composition tout au long de leur existence et il aurait été intéressant de faire des études pour voir s’il n’était pas possible de bousculer un peu les choses afin de procéder à des remplacements par des femmes. Car on sait l’importance de la présence des femmes dans ces conseils pour faire avancer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Une fois de plus, le Gouvernement a abdiqué. Au-delà des mots, il n’a pas la réelle volonté de faire avancer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Non seulement ce texte n’apporte pas de réelles solutions au problème des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, mais, de plus, il est contre-productif, socialement injuste, et il aggrave l’insécurité professionnelle.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !

Mme Catherine Génisson. Vous comprendrez que, dans ces conditions, notre groupe politique y soit opposé et qu’il vote contre. Nous le faisons malgré nous, car l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est toujours un sujet intéressant à traiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1972, trois lois se sont attaquées à cette inacceptable inégalité femmes-hommes.

La dernière, en 2001, rendait obligatoires des négociations annuelles sur l'égalité. Elle est malheureusement restée très largement inappliquée.

Vous nous avez présenté, dans ce contexte, un projet de loi ayant pour but de supprimer, en cinq ans, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et de réduire les écarts les plus criants en relation notamment avec les congés annuels parental ou de maternité, qui représentent, en effet, autant de prétextes pour ralentir la progression salariale des femmes au travail.

Comme l'UDF l'a souligné lors de l'examen de ce texte, les chiffres témoignent de la nécessité de faire évoluer la situation. D’après l'INSEE, si l'activité féminine est en constante augmentation depuis les années 70, en 2003 1’emploi féminin concentrait toutefois 80 % des bas salaires, 82 % des temps partiels et 78 % des emplois non qualifiés, sans compter des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes évalués à 25 %.

Le groupe UDF, madame la ministre, a pleinement joué le jeu du débat, …

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Pierre-Christophe Baguet. … témoignant ainsi toute la considération que méritent votre travail et votre texte.

Ainsi, nous avons présenté, en première lecture, plusieurs amendements constructifs pour donner à ce texte plus d'effectivité sur des points importants. Je pense, par exemple, à la disposition concernant la prise en compte de l'objectif d'égalité professionnelle dans les petites entreprises, à celle relative à la prise en compte de la période des congés de maternité ou d’adoption dans le calcul des droits liés au droit individuel à la formation, ou encore au rôle donné aux maisons de l'emploi pour favoriser la réalisation des objectifs, notamment au moyen d'actions de sensibilisation et d'information.

Malgré ces améliorations, l'architecture générale du texte nous paraît ne pas prendre totalement en compte l'inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes, notamment l'inégal accès aux formes du travail.

Je vous rappelle notre déception de ne pas voir inscrites dans ce projet de loi des mesures visant à lutter contre le temps partiel subi. Sur 100 femmes ayant un emploi, trente environ travaillent à temps partiel. Environ quatre actifs occupés à temps partiel sur cinq sont des femmes et 29,9 % des actives occupées travaillent à mi-temps.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet. Pourriez-vous nous donner, madame la ministre, des éléments sur le chantier annoncé par votre collègue en charge des relations du travail sur le temps partiel subi, auquel vous avez fait allusion tout à l’heure.

Madame la ministre, nous souscrivons aussi pleinement à l'objectif de conciliation entre parentalité et vie professionnelle, qui sous-tend votre texte. À cet égard, nous avions proposé un amendement visant à ce que les salariés puissent utiliser le congé parental d'éducation d'une durée maximale de trois ans jusqu'aux seize ans de l'enfant, période souvent délicate – l'adolescence est en effet un moment où la présence des parents est fortement ressentie. Cet amendement, adopté en première lecture a été rejeté en CMP, et nous le déplorons.

Nous devrons nous contenter, grâce au soutien de notre rapporteur Edouard Courtial, d’un rapport que nous attendons avec impatience.

Une loi de plus changera-t-elle la donne ? Nous nous posons légitimement cette question, car nous constatons que si de nombreuses lois et textes juridiques ont posé, ces dernières années, le principe de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans l'entreprise, celui-ci n’est pas réellement appliqué.

Une loi supplémentaire, dépourvue de mesures coercitives, permettra difficilement de changer les mentalités et les attitudes, qui sont le principal obstacle à l'égalité, non pas seulement formelle mais réelle entre les deux sexes.

Dans un contexte économique contraint, avec des mentalités tout particulièrement figées dans ce domaine, l’absence d’objectifs chiffrés et surtout de sanctions – même fixées à échéance, comme nous l’avions proposé – risque fort d’empêcher l’obtention des résultats réels que de très nombreuses et nombreux Français attendent.

Ce n’est pas vraiment votre texte, madame la ministre, que le groupe UDF va approuver,…

M. André Chassaigne. Oh !

M. Pierre-Christophe Baguet. … mais la bonne intention qui a, au départ, motivé sa rédaction et surtout votre engagement à dépasser les simples mesures qu’il contient.

M. André Chassaigne. Les conclusions sont contraires à la démonstration !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement, n° 1 du Gouvernement, dont je suis saisi.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir cet amendement.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Sans doute vous souvenez-vous, mesdames, messieurs les députés, de l’article 13 bis, qui avait pour objectif de traiter de la parité au sein des conseils d’administration, des conseils de surveillance des entreprises. Votre assemblée avait voté un amendement prévoyant un pourcentage minimum de 20 %. Le Sénat avait refusé cette mesure.

La commission mixte paritaire a rétabli cette disposition. Le Gouvernement vous propose simplement, conformément à l’esprit de ce texte, de laisser aux entreprises le temps de s’adapter aux nouvelles exigences de la loi.

Il faut être clair. Le fait important, c’est d’avoir acté la parité au sein des conseils d’administration, des conseils de surveillance des entreprises, avec la présence d’un pourcentage minimal de 20 % de personnes de sexe opposé. C’était l’élément novateur voté par votre assemblée. Cela dit, les entreprises jouant un rôle majeur dans notre société par le biais de la création d’emplois, il nous paraissait raisonnable qu’elles disposent d’un délai pour appliquer la mesure.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose, par cet amendement, un délai de cinq ans, à compter de la publication de la loi, pour mettre en place de façon définitive cette disposition. J’ai eu l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, qui m’a rappelé qu’elle avait elle-même proposé un tel délai.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Édouard Courtial, rapporteur. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, je suis favorable à cet amendement.

Il paraît, en effet, indispensable d’introduire des dispositions transitoires, afin de permettre aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance qui ne remplissaient pas jusqu’à présent les conditions imposées par la loi de mettre en œuvre cette nouvelle règle relative à la parité, adoptée par la commission mixte paritaire.

Compte tenu de la complexité des opérations et des mandats en cours, le délai de cinq ans proposé paraît nécessaire et réaliste pour permettre aux entreprises de s’adapter aux nouvelles exigences de la loi. Il est d’ailleurs conforme à l’esprit des dispositions proposées aux articles 13 ter et 13 quater.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est exact !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement, en accordant un délai de cinq ans aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance pour s’adapter aux nouvelles exigences de la loi, va annuler la portée de cette dernière.

Madame la ministre, il nous semblerait intéressant de disposer d’un rapport nous indiquant les modifications auxquelles auront procédé les conseils d’administration et les conseils de surveillance durant la période au cours de laquelle ils auront été en place. Je suis persuadée que la composition de nombreux conseils d’administration et de conseils de surveillance varie très largement à hauteur de 20 % durant leur cinq ou six ans d’existence. Il aurait été plus intéressant que le Gouvernement fasse preuve de volontarisme sur ce point, car, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la place des femmes dans les postes à responsabilité est un sujet fondamental. Nous l’avons prouvé en votant la loi sur la parité politique.

C’était également une manière de montrer que les femmes ont la volonté d’occuper des postes à responsabilité dans le monde de l’entreprise, alors qu’elles y sont trop peu présentes. Il suffit pour s’en convaincre de regarder le nombre de femmes chefs d’entreprise ou cadres dans les grandes sociétés.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Chaque fois que j’entends parler de période provisoire, je me crispe un peu. (Sourires.)

Je voudrais rappeler que l’accord signé le 26 juin 2003 pour les intermittents du spectacle prévoyait une période provisoire. Ensuite, elle s’est transformée en période transitoire, tout cela sans date butoir. Aujourd’hui, le problème des intermittents du spectacle n’est toujours pas réglé.

Par conséquent, dès que j’entends prononcer le mot « provisoire », je me contracte, je m’interroge et je me demande ce que cela cache.

Je comprends, madame la ministre, ce qui a motivé le dépôt de cet amendement. Je sais qu’il est difficile, d’imposer du jour au lendemain une nouvelle composition des conseils d’administration et des conseils de surveillance. Il faut s’adapter à la réalité économique. Néanmoins, il ne faut pas que ce délai de cinq ans soit utilisé par les conseils d’administration et les conseils de surveillance pour ne pas appliquer la mesure qui les concerne.

Nous sommes en 2006. Nous votons la loi. Nous savons que le renouvellement des conseils d’administration commencera en 2010. À partir du moment où un délai de cinq ans est fixé, nous allons perdre quatre ans. Je suis partagé entre le souci de prendre en compte la réalité économique et le risque de voir les effets porteurs du texte de loi – que l’UDF approuve avec les réserves que j’ai mentionnées – annulés par l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Baguet, Il ne s’agit pas d’un accord provisoire ou transitoire, pour reprendre votre formulation. C’est un ultimatum !

M. Maurice Giro. C’est un minimum !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il s’agit d’un délai maximum de cinq ans.

Personne n’interdit aux entreprises de commencer à appliquer la disposition en question dès la promulgation de la loi. Et actuellement, rien n’interdit la présence des femmes dans les conseils d’administration.

Le fait important, c’est que, pour la première fois, l’on rend obligatoire ce pourcentage de 20 % de personnes de sexe opposé dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance.

Nous savons, madame Génisson, que certains mandats au sein des conseils d’administration durent longtemps, comme nous savons qu’il peut y avoir des renouvellements en cours d’année. En tout cas, il ne s’agit pas d’un verre à moitié vide ou à moitié plein. La disposition existe et elle s’appliquera au plus tard dans cinq ans. Ce n’est pas du transitoire. Si l’Assemblée vote ce texte, ce sera du définitif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°1.

(L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement n° 1.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

retour à l’emploi

Transmission et discussion
du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre, la lettre suivante :

Paris, le 7 février 2006

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération.

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2843).

La parole est à M. Georges Colombier, suppléant M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Georges Colombier, suppléant M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission paritaire. Monsieur le président madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Laurent Wauquiez, retenu par un rendez-vous très important.

Le projet de loi relatif au retour à l'emploi revient donc devant l'Assemblée nationale après la commission mixte paritaire du 7 février 2006. Il n'est plus utile, à ce stade, de revenir sur l'esprit de ce projet de loi. Rappelons seulement qu'à partir d'un dispositif simple et lisible, il est destiné à accompagner financièrement le retour à l'emploi. L'idée est claire : permettre enfin au bénéficiaire de minima sociaux de prévoir lui-même ce qu'il va gagner par le retour à l'emploi. Le progrès par rapport au maquis hérité de la loi du 29 juillet 1998 est considérable.

Le débat à l'Assemblée a permis d'enrichir de façon importante le texte qui nous était soumis. Le travail commun a été, madame la ministre, d'une grande qualité et nous a permis d'avancer ensemble sur de nombreux points, ce dont je vous remercie.

Avec l'aide des services de l'Assemblée nationale, qui ont assuré avec l'efficacité qu'on leur connaît un travail exceptionnel, et votre cabinet, nous avons pu nous entendre sur de nombreux apports. Le texte a été ainsi enrichi devant l'Assemblée de douze articles. Nos collègues Jean-Marie Rolland, Dominique Tian, Maurice Giro et Bruno Gilles ont participé très activement à ce travail. M Vercamer du groupe UDF a souligné également les apports de ce texte. Sur les bancs de l'opposition, plusieurs députés ont suivi nos travaux avec attention, notamment Mme Mignon, Mme Billard, Mme Carrillon-Couvreur, Mme Jacquaint et M. Liebgott. Notre débat a été d'une très bonne tenue, dans un climat serein et d'écoute mutuelle, même si, évidemment, nos points de vue divergent.

Les trois principales modifications que nous avons adoptées sont les suivantes.

Nous avons tout d'abord apporté de nombreuses améliorations au fonctionnement des contrats aidés : possibilité de conclure des CI-RMA à durée indéterminée, suppression du délai de latence de six mois, suppression de l'agrément préalable par l'ANPE, simplification du recours aux contrats d'avenir dans le cadre d'ateliers ou de chantiers d'insertion. Ce sont des avancées de bon sens, très attendues par les acteurs de terrain.

Ensuite, nous avons ouvert la question de l'accès aux crèches pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux, afin de soulager ce qui est trop souvent un obstacle pour les familles.

Enfin, nous avons harmonisé et rendu plus adapté le dispositif de sanctions applicables en cas de fraude, qui était à la fois inéquitable, inutilement répressif, trop lourd et peu efficace.

Devant le Sénat, neuf articles ont été ajoutés. Je vais les examiner rapidement.

Ainsi que vous vous en souvenez, le dispositif proposé par Mme la ministre prévoyait, au bout de quatre mois, le versement d'une prime de 1 000 euros, afin de faire face à ce qu'il faut bien appeler les coûts du retour au travail. Le Sénat a voté le principe du versement de cette prime au bout d'un mois, point que nous avions abordé lors de nos débats. Même si l'on peut craindre des effets pervers, il s'agit d'une avancée utile que la CMP a donc validée.

S'agissant de l'accès aux crèches, le Sénat a travaillé de façon constructive sur nos propositions qu'il a fait siennes. Il a seulement remplacé le mécanisme de places réservées par une obligation de résultat en termes de nombre d'enfants. L'objectif est plus souple, certains diront trop, mais il faut faire confiance aux acteurs de terrain pour choisir les moyens les plus adaptés.

Le Sénat a procédé à une nouvelle extension des employeurs autorisés à gérer des chantiers d'insertion. Mais, plutôt que d'étendre la liste par la loi, avec les lourdeurs et l'absence de souplesse que cela implique, il a, en bon législateur, renvoyé au décret le travail fastidieux d'énumération des organismes habilités.

L'amendement sénatorial relatif au régime transitoire des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés a également été maintenu par la CMP.

Enfin, la commission mixte paritaire a validé la possibilité d'expérimenter un contrat de transition professionnelle destiné à ouvrir la voie à la sécurisation des parcours professionnels. Elle a toutefois amélioré le dispositif, notamment sur le plan juridique.

De la même manière, les travaux de la CMP ont permis d'améliorer l'articulation juridique entre les sanctions administratives et pénales, afin d'assurer le respect du principe non bis in idem.

En revanche, la CMP est revenue sur une modification apportée par le Sénat, à l'initiative de M. Michel Mercier. Cet amendement adopté à l'article 13 prévoyait que l'aide du département ne serait plus forfaitaire mais égale à l'allocation effectivement versée auparavant. Il était en fait justifié par la crainte de voir augmenter le poids financier supporté par les conseils généraux.

Si cette crainte peut se comprendre, le dispositif proposé était toutefois totalement déraisonnable et ne permettait qu’une économie ridicule pour les conseils généraux, de l'ordre de 50 000 euros par an pour un département de taille moyenne. En outre, le prix à payer pour les bénéficiaires de minima était inacceptable. D’une part, on aurait abouti à une aide publique à l'employeur différente pour chaque bénéficiaire, ce qui est aussi absurde et complexe qu'injuste. D’autre part, le revenu du bénéficiaire aurait été réduit de près de 200 euros pour certains titulaires : on serait ainsi retombé dans l'écueil des trappes à inactivité. Enfin, on aurait perdu tout le bénéfice de l'effort entamé pour rendre simple et lisible le dispositif. Une fois de plus le retour à l'emploi aurait ressemblé à un parcours incertain, hasardeux et semé d'embûches.

Cela dit, l'amendement a eu le mérite de poser la question du poids financier supporté par les conseils généraux, qui ont depuis obtenu une rallonge de l'ordre de 500 millions d’euros sur deux ans. Mais il n'aurait pas été raisonnable de persister dans cette voie. La CMP a donc repoussé cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Dommage !

M. Georges Colombier, rapporteur suppléant. Enfin, la CMP est revenue au titre que nous avions adopté : « retour à l'emploi, droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ». Est ainsi résumé cet équilibre que nous recherchons : les bénéficiaires de minima sociaux ont droit à ce que tout soit mis en œuvre pour leur offrir la chance d'un vrai retour à l'emploi, leur permettre de faire face aux coûts qu’il implique et de prévoir les gains financiers qu’ils peuvent en escompter ; mais, en contrepartie, il est légitime que la société puisse faire preuve d'un minimum d'exigence et refuser d'endosser les yeux fermés les éventuelles fraudes. C'est aussi une exigence en termes d'équité. C'est cet équilibre qui doit fonder notre contrat social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l’emploi et la lutte contre l’exclusion figurent parmi les priorités absolues du Gouvernement, et ce projet de loi apporte une contribution forte à la mobilisation générale en faveur du travail et de l’insertion de l’ensemble de nos concitoyens.

Pendant trop longtemps, notre pays s’est contenté d’assister sans pour autant insérer. Le fameux « I » de RMI n’a malheureusement pas trouvé l’application que l’on pouvait espérer.

Des mesures d’intéressement à la reprise d’un emploi ont vu le jour mais leur timidité et leur complexité les ont rendues très largement inopérantes. L’objectif de ce projet de loi est de réformer ces dispositifs.

Le mode d’intéressement que nous allons mettre en œuvre rend le revenu du travail plus rémunérateur que celui de l’assistance. Car lorsque l’on reprend un emploi, il est logique que les revenus qui en découlent soient plus importants que ceux dont on bénéficiait en tant qu’allocataire de minima sociaux. Ce projet de loi va favoriser le retour à l’emploi des allocataires du RMI, de l’API, de l’ASS et leur permettra de rompre avec la précarité.

Le texte initial a été enrichi par vos deux assemblées, et je voudrais remercier ici votre commission et votre rapporteur, Laurent Wauquiez, que Georges Colombier a eu la gentillesse de suppléer cet après-midi, pour cet excellent travail d’analyse et ses propositions. Je voudrais aussi remercier l’ensemble des parlementaires qui se sont engagés dans ce débat.

Vous avez amélioré le régime des sanctions applicables aux cas de fraude, afin que, à côté des droits attachés aux minima sociaux, soient rappelés les devoirs qui s’imposent à tous ceux qui en bénéficient. Les sanctions étaient injustes parce qu’elles étaient différentes pour chacune des allocations. Certaines d’entre elles étaient difficilement applicables, d’autres trop sévères au regard de la situation de l’intéressé. Par souci d’équité, vous avez souhaité les harmoniser et les atténuer. Vous avez fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d’amendes administratives, plus adaptées que des poursuites pénales.

Enfin, la commission locale d’insertion sera obligatoirement consultée avant toute sanction administrative. Cette nouvelle disposition garantira à l’allocataire un examen attentif de son cas et confortera les difficiles décisions que le président du conseil général est amené à prendre.

Le Parlement a également amélioré le dispositif d’intéressement. Vous avez souhaité que le versement de la prime de 1 000 euros intervienne dès la fin du premier mois, afin de mieux accompagner financièrement la reprise d’activité. Chacun sait en effet quels frais elle génère en matière de transports, de garde d’enfant ou d’achats vestimentaires.

Je voudrais souligner le travail fait par votre assemblée pour la garde d'enfant. Les sénateurs, pour leur part, ont trouvé un consensus, votant à l'unanimité une solution efficace pour les bénéficiaires et plus facile à mettre en œuvre pour les collectivités.

Nous avons débattu d’autres dispositions qui s’inscrivent dans le cadre du renforcement de la lutte contre le chômage. C’est le cas des assouplissements apportés au régime des contrats aidés, ainsi qu’au dispositif d’insertion par l’activité économique. Vous avez supprimé le délai de latence de six mois pour l’accès aux contrats d’avenir et rendu possible la conclusion de CI-RMA sous forme de contrats à durée indéterminée.

Vous avez renforcé les chantiers d’insertion. Chacun sait le rôle majeur qu’ils remplissent en permettant de ramener à l’emploi ceux que le manque de qualifications, les difficultés sociales, les accidents de la vie ont malheureusement exclus pour beaucoup trop longtemps du marché du travail. Le conventionnement ateliers-chantiers d’insertion a été étendu à d’autres employeurs, en particulier les EPCI des départements. Les conditions dans lesquelles ces chantiers peuvent utiliser le contrat d’avenir ont été assouplies. Les associations demandaient de passer de vingt-six heures à vingt heures : avec ce texte, ce sera chose faite.

Autre innovation, le contrat de transition professionnelle sera mis en œuvre à titre expérimental pour deux ans, dans six bassins d’emploi. Il offrira une meilleure sécurité de la vie professionnelle puisqu’il permettra aux salariés licenciés de conserver une rémunération convenable tout en bénéficiant pendant douze mois d’un accompagnement personnalisé intensif alternant des périodes de recherche d’emploi, des périodes de formation et des périodes de travail en entreprise.

S’agissant de l’amendement relatif au poids financier supporté par les départements, je souligne que le Premier ministre lui-même a reçu il y a quelques jours le président de l’association des départements de France devant lequel il a pris plusieurs engagements : d’abord un engagement financier de 500 millions d’euros, que vous n’avez pas manqué de rappeler, monsieur le rapporteur suppléant ; ensuite, la mise en place d’un groupe de travail sur le RMI, qui étudiera notamment les évolutions en matière d’entrée, de suivi et de sortie du dispositif. Tout cela trouvera une traduction concrète dans les prochaines semaines.

La réforme de l’intéressement à laquelle vos travaux ont abouti est une réforme équitable. Elle instaure des droits et des devoirs identiques pour tous les allocataires. C’est une réforme efficace, qui permettra à ceux qui sont involontairement éloignés de l’emploi de reprendre un travail et de se réinsérer dans notre société. Beaucoup d’entre eux apprécieront à n’en point douter de recevoir cette prime de 1 000 euros, alors même qu’ils reprennent un emploi. Voilà une approche guidée par la justice sociale, qui ne peut que renforcer la cohésion de notre société. C’est pourquoi, je vous demande de bien vouloir adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste.

M. Michel Liebgott. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, si j’ai bien compris, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons guère évolué depuis la première lecture : nous continuons de constater le délitement du code du travail, toujours plus favorable aux entreprises. À force d’ajouts législatifs successifs, c’est une véritable usine à gaz que vous construisez. La Cour des comptes a ainsi montré dans son rapport déposé hier que la prime pour l’emploi était un dispositif inefficace, incompréhensible, mal ciblé, du fait des modifications voulues par l’actuel Premier ministre. En outre, hier, un conseil de prud’hommes a condamné une entreprise pour avoir abusé du contrat nouvelles embauches, ce qui ne nous surprend en rien car il est bien certain que son caractère aléatoire va multiplier les contentieux.

Vous prétendez que le texte a été amélioré, nous considérons au contraire que ses aspects négatifs ont été aggravés. Après l’échec patent du RMA, vous avez cru devoir rebondir, en imposant un nouveau dispositif qui permettra à certains allocataires de rentrer dans l’entreprise, par le biais de CNE ou de CPE. Mais en instaurant une période d’essai de deux ans, qui pourra être interrompue n’importe quand sans motif, vous créez une situation particulière pour le RMIste : il travaillera dans une entreprise, sans limitation de temps, tout en restant RMIste pendant une durée indéterminée. Vous mettez ainsi en place une poche d’exclusion pour les personnes allocataires du RMI, qui ont pourtant vocation à sortir le plus rapidement possible de ce statut. Nous savons d’ailleurs qu’au-delà de six mois de présence dans un dispositif de solidarité, il est de plus en plus difficile de trouver un emploi.

Nous sommes également en total désaccord avec les contrats de transition professionnelle. On aurait pu espérer que ce dispositif soit pertinent pour ceux qui n’ont pas acquis de droits suffisants pour être indemnisés par l’assurance-chômage. Mais vous n’avez pas engagé de concertation avec l’UNEDIC, pas plus sur ce point que sur l’ensemble du projet de loi et sur vos autres projets relatifs au travail. Or, avec un déficit cumulé de 13,45 milliards d’euros, il est très vraisemblable qu’elle refuse votre diktat.

Au-delà des ajouts apportés au texte, j’aimerais revenir à la situation générale de notre pays. Une France précarisée avec 1, 24 million d’allocataires du RMI, en augmentation de 6,2 % en un an, 470 000 allocataires de l’ASS et 175 000 de l’API, ce qui entraîne autant de charges pour les collectivités départementales, du fait des transferts, et pour les caisses d’allocations familiales, dont vous essayez à tout prix de réduire les moyens. Dans le même temps, vous accordez 240 millions d’euros d’économies aux 14 000 personnes redevables de l’impôt sur les grandes fortunes. C’est la même somme que vous entendez consacrer aux bénéficiaires du dispositif envisagé, mais eux ne sont pas 14 000 mais 7 millions !

Quant à la concertation, il n’y en a pas eu, alors que la loi Fillon prévoit la consultation des partenaires sociaux. Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui les tiennent. Ce projet de loi instaure des charges nouvelles, en particulier s’agissant du RMI, sans prévoir d’étude d’impact. Vous n’avez même pas pris la peine d’étudier les dispositifs existant depuis la loi de 1998 sur la lutte contre les exclusions, ce qui aurait pourtant été la moindre des choses. Vous n’avez pas attendu non plus les conclusions du rapport de Mme la sénatrice Létard. C’est à se demander à quoi servent les rapports.

Ce texte, traité dans la précipitation, confirme le besoin du Gouvernement d’afficher et de communiquer. Je le rappelle, huit textes sur l’emploi ont été examinés en un an, et je ne parle pas des décrets dont certains ne paraîtront sans doute jamais ! Je comprends que vous soyez obligés d’aller vite – nous avons nous-mêmes un CNE qui se termine dans un an environ –, mais cette multiplication des textes législatifs ne résout pas les problèmes de ceux qui se trouvent confrontés à de graves difficultés.

Ce projet de loi démontre une fois de plus les hésitations de ce gouvernement. Déposé sous le titre « projet de loi relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi », il est devenu, après débat dans cet hémicycle, un « projet de loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux », titre qui correspond un peu mieux à ce qu’il est. Pour leur part, les sénateurs ont décidé de revenir à l’intitulé initial du projet, conscients du caractère peut-être plus inquisiteur du second, mais les membres de la CMP lui ont finalement préféré la version retenue par l’Assemblée nationale. Que d’hésitations, d’atermoiements et d’approximations ! Sait-on vraiment où l’on va ? Pour pouvoir vivre aujourd’hui, il faut cumuler un petit boulot et un minimal social quel qu’il soit.

Le volet afférent aux sanctions ne doit pas être détaché de ce que je viens de dire, puisque vous prévoyez de sanctionner des personnes qui ne sont plus vraiment insérées dans la société et qui tentent d’y revenir. Bien sûr, d’un côté, on les aide en leur versant 1 000 euros, mais, de l’autre, pendra toujours cette épée de Damoclès de la sanction – qui a pu être appliquée dans d’autres circonstances par le passé, même si le cadre était différent. Fallait-il accroître à ce point les contrôles des minima sociaux ? Mais, c’est vrai, vous êtes cohérents avec la politique que vous développez depuis plusieurs mois, puisque le même contrôle est effectué pour les demandeurs d’emplois, ce qui contribue à diminuer le nombre de chômeurs, même très faiblement. J’y reviendrai dans un instant.

Certains pourront à peine survivre, même en cumulant un minima social avec un revenu du travail, souvent à temps partiel, car, comme vous le savez, le pouvoir d’achat tend plutôt à baisser. Voilà pourquoi nous pensons, et François Hollande l’a dit ici même cette semaine en défendant une motion de censure, qu’il faut donner de vrais emplois dans la durée aux salariés en difficulté. Pour ce faire, nous avons proposé un contrat à durée indéterminée pour les moins de vingt-six ans, le « contrat sécurité formation ».

Nous savons bien que les entreprises ne sont pas des œuvres de bienfaisance. Il faut donc les inciter en modulant les cotisations sociales, ce qui leur permettra d’embaucher des salariés en contrats à moyen et à long termes. Il y va à la fois de l’intérêt de l’entreprise puisque des salariés formés sont efficaces, de celui des salariés, qui pourront s’installer et vivre tranquillement dans la société, mais aussi de celui de la société puisque des revenus réguliers permettent de consommer, de faire des projets immobiliers, de créer un cercle vertueux de croissance, bref de faire vivre tout le monde. Nous sommes actuellement, au contraire, dans un cycle de précarisation puisque vous revenez sur des dispositions efficaces qui étaient acceptées par la population parce qu’elles s’inscrivaient dans la durée. J’en veux pour preuve que nombre d’emplois-jeunes se sont transformés, au bout de cinq ans, en contrats à durée indéterminée.

Nous préconisons donc une croissance durable et non la multiplication de textes sur l’emploi ou sur les minima sociaux. Après quatre ans de pouvoir, vous faites le constat que l’emploi ne redémarre que faiblement. C’est tout simplement parce que, même si le nombre de départs à la retraite est plus élevé que celui des personnes qui arrivent sur le marché du travail, l’écart n’est pas encore tel qu’il vous permette de claironner que le chômage baisse massivement. S’il baisse légèrement, c’est aussi parce que vous avez eu la lucidité de relancer les contrats aidés que vous aviez scandaleusement supprimés depuis quatre ans. En tout cas, je ne suis pas sûr que ceux qui ont perdu un emploi soient satisfaits de devoir s’engager aujourd’hui dans un CAE sans en connaître la durée. On pense qu’il s’agira au minimum de douze mois, voire dix-huit pour des raisons que je ne détaillerai pas ici.

Dans le secteur privé, et c’est sans doute le plus inquiétant, le nombre de création d’emplois a stagné en 2004, pour progresser légèrement en 2005 de 20 000 emplois. Je vous rappelle, en toute modestie, qu’entre 1997 et 2002, sous la précédente législature, deux millions d’emplois avaient été créés. Manifestement, on ne joue pas dans la même catégorie.

Certes, les déclarations se sont succédé. D’abord M. Raffarin nous a assuré que les choses iraient mieux. Puis ce fut le tour de M. de Villepin. Récemment, le futur Premier ministre – en tout cas, celui qui aspire à être le Premier ministre bis – nous a annoncé « La France d’après », c'est-à-dire la France d’après ce gouvernement auquel il appartient. Y aurait-il une France d’après que vous n’ayez pas encore découverte en quatre ans avec le ministre avec lequel vous travaillez en permanence ? Pour ma part, je crains plutôt le jour d’après, c’est-à-dire la catastrophe, car le seul programme qu’il propose c’est d’aller encore plus loin dans la libération des énergies, mais également dans l’oppression des plus défavorisés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En réalité, selon une politique bien convenue que nous connaissons par cœur, le credo est celui du libéralisme : les plus aisés seront de plus en plus riches, créeront des richesses qu’ils partageront bien entendu, on peut toujours le rêver, mais cela ne s’est jamais produit –, tandis que les plus défavorisés le seront encore plus.

Aujourd’hui, il est question des salariés de moins de vingt-six ans. Demain, vous vous attaquerez peut-être aux seniors. Peut-être nous proposerez-vous bientôt un contrat unique pour tous les salariés qui remplacera tous les autres, contrat qui pourra être rompu du jour au lendemain par l’employeur, s’il le juge utile pour son entreprise, sans se préoccuper un seul instant des moyens que la société devra mettre en place. Or le patriotisme économique, c’est de travailler aussi pour l’ensemble des Français et pas seulement pour l’entreprise dont on a la charge. Il est vrai que certains pays montrent l’exemple, y compris ceux dont nous n’approuvons pas toujours les mesures. En Angleterre, il existe un « contrat famille » où, nouvelle conception de la parité, une femme peut travailler à la place de son mari en cas d’empêchement de celui-ci, et réciproquement. Ce n’est pas la société dont nous rêvons car nous nous inscrivons dans une tradition républicaine qui veut que la liberté soit la base de notre démocratie, mais elle n’a de sens que si elle rime avec l’égalité et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Madame la ministre, mes chers collègues, au mois de novembre dernier, en première lecture, le groupe UDF avait appelé votre attention sur les différentes lacunes de ce projet de loi : la précipitation dans laquelle il a été étudié, son inachèvement et son caractère inéquitable.

La version adoptée récemment par la commission mixte paritaire traduit, malheureusement, l'absence de réforme globale sur les minima sociaux, et nous le déplorerons. Les minima sociaux renvoient à un sujet très complexe. Leur réforme complète et claire nécessite de prendre son temps car ils touchent à des situations bien réelles vécues par des milliers d'hommes et de femmes de notre pays. Bien sûr, le Gouvernement justifie sa précipitation sur ce texte par l'urgence de la bataille pour l'emploi. Mais gagner cette bataille suppose de mettre en œuvre des mesures efficaces, en l’occurrence un dispositif global de réforme des minima sociaux pour favoriser durablement le retour à l'emploi.

Par manque d'ambition, le projet du Gouvernement ne nous semble pas en mesure de régler aussi largement que nous le souhaitons le problème du retour à l’emploi. Pourtant, l'enjeu est de taille puisqu’à l'heure actuelle plus de six millions de personnes vivent, avec leur famille, de l'un des minima sociaux.

II ne s'agit pas pour le groupe UDF de rejeter le recours à l’intéressement pour inciter au retour à l'emploi. L'incitation financière est en effet un moyen parmi d'autres d’encourager les demandeurs d'emploi à retrouver une activité professionnelle. Mais si elle permet réellement de faire face aux premières dépenses liées à un changement de situation, elle n'est justement qu'un moyen qui n’a de chances de produire ses pleins effets que s'il est associé à d'autres mesures. Les amendements proposés par le groupe UDF, qui ont malheureusement été rejetés, auraient permis de répondre à un développement du retour à l’emploi plus ambitieux.

Tel était notamment l'objectif de l'amendement qui instaurait un projet personnalisé d'accès à l'emploi pour les allocataires de l'ASS et un parcours d'insertion personnalisé pour les allocataires de l'API. De même, l’amendement relatif à l'adoption d'un CV anonyme aurait assuré, dans les entreprises de plus de 250 salariés, l'anonymat des informations transmises par le candidat.

Pourquoi, alors que le Premier ministre s'était déclaré favorable à une telle disposition, le Gouvernement a-t-il émis un avis défavorable ? Pourquoi, alors qu’elle avait été adoptée par la commission des affaires sociales à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la cohésion sociale, a-t-elle été rejetée en séance à la demande du Gouvernement ?

Enfin et surtout, l’amendement de notre collègue Michel Mercier, président du groupe UC-UDF au Sénat, adopté en deuxième lecture par la Haute assemblée contre l'avis du Gouvernement et visant à favoriser la conclusion de contrats d'avenir tout en diminuant leur coût pour les collectivités a été finalement supprimé. Ce dispositif répondait pourtant au souci des présidents de conseils généraux : les contrats d'avenir reviennent aujourd'hui plus cher aux départements que le maintien des allocataires dans le RMI. Cet amendement aurait permis aux départements d'économiser deux millions d'euros en moyenne. Alors que l’on demande toujours plus aux conseils généraux, ceux-ci devront supporter une nouvelle charge non compensée. Ces nouvelles dépenses se feront au détriment d’autres besoins. C’est dommage, madame la ministre.

Aussi, face au rejet de ses propositions, le groupe UDF a décidé de s'abstenir sur ce texte.

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, encore une fois, en raison d’une déclaration d’urgence, l’Assemblée nationale doit voter un texte sans pouvoir débattre des profondes modifications apportées par le Sénat, et surtout par le Gouvernement avec l’introduction du contrat de transition professionnelle.

Cette stratégie limite nos débats de façon fort regrettable. Faute de disposer du droit d’amendement compte tenu de la procédure d’examen du texte, nous ne pouvons en effet revenir sur les modifications apportées, à commencer par l'intitulé du projet de loi qui a été rétabli par le Gouvernement après avoir été modifié par notre Assemblée. Il redevient donc projet de « loi de retour à l'emploi et de développement de l'emploi ». Pourquoi un tel titre alors que le contenu ne vise aucun de ces deux objectifs ? Et alors même qu'il y aurait retour à l'emploi, dans quelles conditions se ferait-il ? CNE ou CPE ? Comme le dit l’adage, la peste ou le choléra ! Dans les deux cas, ce sera la précarité !

Ce texte prévoit des incitations financières pour encourager les titulaires de minima sociaux à reprendre une activité professionnelle, considérant qu'ils se complaisent dans l'assistance et qu'il faudrait leur tendre une « carotte » pour les inciter à travailler. Comme s’ils ne voulaient pas travailler ! Pourtant, dans nos permanences, chers collègues, notre vécu est le même. Vous commettez là une énorme erreur d'analyse, mais c’est plus confortable pour vous que de chercher à examiner les causes des « trappes à inactivité ».

Le deuxième objectif du projet de loi est le « développement l'emploi ». Quelle disposition du texte peut y contribuer ? Aucune ! Et c’est facile à démontrer. Comment inciter efficacement les plus éloignés de l’emploi à reprendre une activité professionnelle sans se préoccuper de la nature de l'emploi qu’ils occuperont, voire de son existence ? Quelle perspective d'avenir se voient offrir les candidats avec un CDD ou un temps partiel ?

En réalité, il n’est question ici que de pure idéologie. Partant du principe que le retour à l'emploi n'est pas assez attractif au regard du « confort » que procurerait le bénéfice de la solidarité nationale, le Gouvernement veut mettre en place des mesures financières attractives. Or un tel postulat ignore complètement la nature du marché de l'emploi depuis plusieurs années : multiplication des contrats précaires, mais aussi gel des salaires et augmentations sporadiques du SMIC pérennisent la logique de bas salaires qui ne permettent pas de faire face aux dépenses courantes. Le problème vient non pas de la volonté d’une majorité des titulaires de minima sociaux de rester dans l'assistance, mais des conditions de travail, de la précarité et des petits salaires qui sont imposés et qui ne permettent pas de vivre dignement.

La précarité explose et elle n'est plus seulement due au chômage. Multiplication des contrats à durée déterminée de quelques mois, contrats en intérim de quelques jours, contrats nouvelles embauches et contrats première embauche avec licenciement sans raison motivée, licenciements économiques anticipés, sans recours possible : tel est le monde du travail que vous êtes en train de léguer.

Sous une politique sociale de façade, les mesures d'affichage contenues dans ce texte, comme la prime de 1 000 euros ou la prime d'intéressement forfaitaire, réduisent en réalité les droits des personnes les plus défavorisées tout en augmentant la complexité des modes de calcul comme des critères d'attribution. Le tout est accompagné d’une chasse obsessionnelle aux fraudeurs, comme d'autres poursuivent les fantômes. Il s'agit non pas d’ignorer la fraude, mais d'en relativiser la prétendue explosion ! Selon les chiffres de la CNAF, les fraudes représentent environ 0,004 % des cas traités !

Malgré tout, par une abusive généralisation, vous renforcez les sanctions pénales contre les plus pauvres, alors que ces populations connaissent déjà de grandes difficultés. Vous aggravez leur situation par des sanctions administratives. Ce n'est pas acceptable, une politique sociale ne peut se résumer à la sanction, sans traiter les causes, à tous les échelons.

Avec le texte précédent concernant l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, vous avez apporté la preuve, madame la ministre, que vous êtes moins prompte à sanctionner les entreprises. Il s’agit une fois de plus de sanctions à géométrie variable.

Au-delà du contenu, ce texte a servi au Gouvernement de support pour introduire à la sauvette une mesure phare : le contrat de transition professionnelle, ou CTP. Il traduit un double mépris à l’égard de l’Assemblée nationale. D’abord, en introduisant cette mesure au Sénat au cours de l’examen d’un texte pour lequel l’urgence a été déclarée, le Gouvernement a privé la représentation nationale de toute expression sur le fond puisqu’elle n’a pas le droit d’amendement. Mais le déni de démocratie ne s’arrête pas là : la proposition sera instituée par ordonnance, comme le CNE. C’est inacceptable ! La façon que le Gouvernement a de fuir le débat contradictoire sur des sujets aussi importants devient une fâcheuse habitude : urgence sur chaque texte social, introduction par amendement d’un contrat de travail spécifique pour les jeunes, quand ce n’est pas l’ordonnance qui est utilisée pour le CNE ou, maintenant, le CTP.

Le dysfonctionnement démocratique s’aggrave puisqu’il s’étend même aux partenaires sociaux. Le contrat de transition professionnelle n’a fait l’objet d’aucune présentation auprès des parlementaires, et encore moins de négociations avec les partenaires sociaux. En outre, le Gouvernement ne prend nullement la peine d'attendre les avis préalables des bureaux de l'UNEDIC et de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA.

Ce contrat prendrait la suite des conventions de reclassement personnalisé, voulues par M. Larcher, et contre lesquelles nous nous étions déjà élevés. Ces conventions permettaient déjà en partie aux entreprises opérant des licenciements économiques de déroger à leur obligation de reclasser leurs employés en versant une contribution spécifique de six mois de salaires. L'expression « sauf en cas de difficultés financières » portait déjà gravement atteinte à l'obligation de responsabilité des employeurs vis-à-vis de leurs salariés, alors que les licenciements sont souvent les conséquences de la financiarisation de notre économie.

Avec le nouveau contrat de transition professionnelle, une étape supplémentaire est franchie : l'aspect conventionnel qui plaçait encore l'employeur face à ses responsabilités est supprimé puisque le contrat liera le salarié licencié et un organisme émanant de l'AFPA. À partir du moment où le contrat sera signé, le salarié s'engagera à répondre positivement à toutes les propositions de l’AFPA en termes d'emploi ou de formation. Une telle démarche fait écho à la nouvelle convention de l'UNEDIC. Le salarié sera obligé d'accepter tous les emplois qui lui seront proposés, sous peine d'être radié du dispositif, mais aussi du système d'assurance chômage. Ainsi, le contrat de transition professionnelle équivaudra à une démission volontaire, y compris de l'assurance chômage. Vous créez donc, avec le contrat de transition professionnelle, une nouvelle catégorie de travailleurs : ni chômeurs relevant de l'assurance, ni salariés. C'est encore un moyen de baisser artificiellement les chiffres du chômage, au prix de graves dégâts sociaux et économiques.

Le contrat de transition professionnelle aurait dû a priori s'inscrire dans les discussions plus larges relatives à la sécurisation des parcours professionnels. Selon nous, parler de sécurisation des parcours professionnels, c'est s’attaquer aux moyens à mettre en œuvre pour que les salariés connaissent le moins de ruptures possible dans leur vie professionnelle et que les différents emplois qu'ils sont susceptibles d’occuper au cours de leur vie soient tous de qualité et stables.

À l'inverse, dans l’esprit du Gouvernement et du MEDEF, la sécurisation des parcours professionnels correspond uniquement à la sécurité pour les employeurs de licencier le plus simplement possible leurs employés. Autrement dit, les patrons doivent connaître le moins de ruptures possible dans leur course au profit et pouvoir procéder à des licenciements économiques anticipés. Et vous maintenez toujours l'idée, que ce texte favorise le développement de l’emploi !

Avec ce projet de loi et le précédent relatif à l'égalité des chances, prolongement de l'action de cette majorité depuis quatre ans maintenant, vous stoppez net un processus historique. En effet, notre société a ancré sa dynamique de progrès social dans l’amélioration progressive et continue des conditions de vie et de travail de chaque citoyen. Or le Gouvernement s'attache à tailler en pièces ces garanties de niveau de vie et de stabilité familiale, sociale et économique, en menant une politique entièrement axée sur la logique du profit de quelques entrepreneurs et de grands groupes bancaires.

Personne n'est dupe : la politique du Gouvernement, qui se prétend sociale, ne fait qu'institutionnaliser la pauvreté et l'instabilité sociale, familiale et économique pour toutes les générations, et à vie ! Ce texte en est la parfaite illustration : il ne fait rien pour l'emploi, ni pour ceux qui en sont éloignés. Si seulement vous pouviez manifester autant d'attention à leur égard que vous en manifestez à l'égard du MEDEF !

M. Gérard Voisin. N’importe quoi !

M. André Chassaigne. Malheureusement, c'est loin d'être le cas, et vos mesures ne sont que de la poudre aux yeux, quand elles ne nuisent pas à l'emploi. Pour ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi issu de la CMP.

M. Michel Liebgott. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Marie Rolland. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, accompagner, soutenir tous ceux qui sont à la recherche d’un emploi, après plusieurs mois, voire plusieurs années de chômage, constitue pour le Gouvernement et la majorité une priorité, comme en témoignent les efforts que nous avons engagés en ce domaine. Et nous obtenons des résultats puisque nous constatons une baisse continue du chômage depuis neuf mois et 160 000 demandeurs d’emploi en moins.

M. André Chassaigne. Sans création d’emplois, ou presque !

M. Jean-Marie Rolland. Les faits sont têtus, monsieur Chassaigne !

Le texte que nous allons voter dans quelques instants apporte une nouvelle pierre à cet édifice. Il est à la croisée de deux démarches : la mobilisation générale pour l'emploi et la réforme des minima sociaux.

La simplification de notre système dans lequel coexiste une multitude d’allocations est une nécessité, et vous avez d'ores et déjà annoncé, madame la ministre, qu'un projet de loi était en cours de préparation.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est une première étape dans ce processus, mais elle est indispensable : il s'agit en effet de garantir l’attractivité financière du retour à l'emploi, c'est-à-dire de lutter contre ce que l’on appelle communément les « trappes à inactivité ». En dépit de plusieurs améliorations, notamment la mise en place de la PPE, le retour à l'emploi, surtout dans le cas d’un poste faiblement rémunéré ou à temps partiel, ne se traduit pas toujours par un gain financier pour le bénéficiaire de minima sociaux. Le différentiel entre le salaire et l’allocation plus les droits connexes est parfois très faible, et il est souvent absorbé par le coût de la reprise d'un emploi que l'on oublie trop souvent : garde d'enfant, frais de déplacement ou encore repas à l'extérieur. Cette situation est doublement préjudiciable : le retour à l'emploi semble un parcours incertain pour les bénéficiaires de minima sociaux, tandis que les salariés avec de petits revenus ont le sentiment que le travail ne paye pas.

Pourtant, des mécanismes d'intéressement permettant de cumuler, pendant une certaine période, revenu d'activité et allocation existent, mais ils concernent moins de 12 % des allocataires du RMI, et ce pourcentage est en baisse. Les raisons de ce recul sont connues : le dispositif est beaucoup trop complexe pour être compréhensible et le montant des avantages consentis est insuffisamment incitatif à la reprise d'emploi.

Le projet de loi apporte une réponse appropriée à cette double critique.

D'une part, il substitue à l'ancien dispositif un mécanisme simple et lisible, qui permettra au bénéficiaire de minima sociaux de prévoir lui-même ce qu'il gagnera en retrouvant un emploi. Le mécanisme sera désormais identique pour le RMI, l'ASS et l'API et se présentera sous la forme de primes forfaitaires, soit 150 euros pendant neuf mois pour une personne seule. Il sera également sécurisant puisque, pendant les trois premiers mois suivant la reprise d'emploi, le cumul entre salaire et allocation sera intégral.

D'autre part, le texte prend en compte pour la première fois le coût du retour à l’emploi en proposant aux titulaires de minima sociaux une prime de 1 000 euros, pour leur permettre de faire face aux dépenses immédiates telles que les transports ou l’achat de vêtements.

Le projet de loi traite parallèlement de la question de la garde des enfants, qui est centrale pour les bénéficiaires des minima sociaux. Un rapport du CERC sur les enfants pauvres révèle que huit enfants de familles bénéficiaires de minima sociaux sur dix ne sont confiés à aucun mode d’accueil et sont gardés par leurs parents. Dans ce contexte, chacun le sait, beaucoup de mères renoncent à chercher un emploi et préfèrent bénéficier du complément de libre choix d’activité.

Le Gouvernement a engagé un plan ambitieux de construction de places de crèche et d’encouragement à la création de crèches d’entreprise.

Outre la réforme des mécanismes d’intéressement, le projet de loi s’attache également à améliorer l’efficacité des contrats aidés, si utiles pour accompagner le retour à l’emploi. Ces dispositions, comme la suppression du délai de latence de six mois avant de pouvoir bénéficier d’un contrat d’avenir ou d’un RMA, la possibilité pour les chantiers d’insertion de conclure des contrats d’avenir d’une durée hebdomadaire comprise entre vingt et vingt-six heures et l’allégement des procédures sont évidemment très attendues sur le terrain par les acteurs de l’insertion.

Au Sénat, un article a par ailleurs été introduit, autorisant le Gouvernement à expérimenter, dans quelques bassins d’emploi, un contrat de transition professionnelle destiné aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de mille salariés. Durant douze mois, le salarié pourra bénéficier d’une allocation égale à 80 % de son salaire brut antérieur, ainsi que d’actions de formation et de reconversion spécifiques. Avec la convention de reclassement personnalisé, qui demeure pour les autres bassins d’emploi, c’est une nouvelle étape importante en matière de sécurisation du parcours professionnel.

Pour conclure, je tiens à vous remercier, madame la ministre, de la qualité de votre écoute. Je souhaite également saluer le travail effectué par notre rapporteur, Laurent Wauquiez, et par son supplément, Georges Colombier. J’ai le sentiment qu’en votant ce projet de loi ciblé et efficace, qui favorisera la reprise d’activité et la réinsertion sociale et professionnelle des 3 millions de bénéficiaires de minima sociaux, involontairement éloignés de l’emploi, les députés du groupe UMP feront œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

ordre dujour
des prochaines séances

M. le président. Mardi 28 février 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, n° 2784 rectifié, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de programme pour la recherche :

Rapport, n° 2888, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 2879, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 2837, de M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinquante.)