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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 1er mars 2006

154e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par le groupe Union pour la démocratie française.

concurrence agricole
dans l’union européenNe

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Il y a quelques jours, les agriculteurs ont manifesté en grand nombre et dans la dignité dans les grandes villes du Languedoc-Roussillon. Leur demande était simple : vivre de leur production. Nos agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs vivent en effet une crise sans précédent. Il n’est pas de mots assez forts pour décrire leur désarroi. Une exploitation viticole disparaît chaque jour en Languedoc-Roussillon.

Le Gouvernement doit agir. Nous attendons les mesures que M. le Premier ministre a promises lors de sa rencontre avec les parlementaires de la région. Pour l’UDF toutefois, la réponse doit aussi venir de l’Europe, car la concurrence avec les autres pays producteurs n’a aujourd'hui rien d’équitable.

Ainsi, une heure travaillée dans notre pays coûte douze euros, dont quatre de charges, alors qu’en Espagne elle revient à six euros, dont un euro de charges. Certains produits phytosanitaires sont autorisés en Espagne et interdits en France. Quant à ceux qui sont autorisés dans les deux pays, l’écart de prix atteint 40 %. Un kilo de désherbant coûte 750 euros en France et 400 en Espagne.

Monsieur le ministre, que compte faire la France pour établir plus d’égalité entre les agriculteurs de l’Union européenne ? Il faudrait à tout le moins appliquer au niveau européen le principe de précaution en matière de produits phytosanitaires, et viser à l’harmonisation des charges sociales. Nos agriculteurs attendent une évolution avec une grande impatience. Nous ne devons pas les décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. La réponse à votre question n’a rien de simple, monsieur le député. En tant qu’élu du Languedoc-Roussillon, vous connaissez mieux que quiconque les difficultés que traverse la région.

Les distorsions de charges sociales constituent un problème général. Si l’on interrogeait le ministre des transports, Dominique Perben, sur les routiers, il répondrait que le problème se pose de la même façon. Je puis toutefois vous indiquer dès à présent que les excellentes propositions de votre collègue Jacques Le Guen ont été reprises dans la loi d’orientation agricole : c’est ainsi que nous avons introduit le contrat emploi-formation, la possibilité d’employer pendant un mois par an des jeunes de moins de vingt-six ans à des conditions favorables, l’allongement de la période d’exonération pour l’emploi des travailleurs occasionnels, l’aide à la transformation des contrats à durée déterminée. Toutes ces mesures techniques vont dans le sens de l’allègement des charges. Elles représentent, pour la filière viticole ou la filière arboricole, une baisse d’environ 10 millions d’euros de charges.

Cela dit, vous avez raison de souhaiter que nous approfondissions notre travail en ce domaine où les régions frontalières éprouvent plus de difficultés que les autres.

S’agissant des produits phytosanitaires, la question est également complexe. Nous devons trouver un équilibre entre la protection du consommateur et les besoins des agriculteurs. Il existe dans le Sud-Ouest un vrai problème de concurrence avec l’Espagne, et les éleveurs rencontrent les mêmes difficultés pour les produits vétérinaires. L’Observatoire des distorsions, créé par la loi d’orientation, va nous permettre de bien évaluer ces situations. En outre, je vais proposer à M. le Premier ministre de nommer sur ce sujet un parlementaire en mission afin de recenser toutes les distorsions. Cela nous permettra de mettre en place des solutions au plus vite.

La question est certes difficile, monsieur le député, mais nous pouvons et devons trouver les solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

directive bolkestein

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, quelques semaines avant le verdict du 29 mai, par lequel une large majorité a rejeté le projet libéral de Constitution européenne, et avec lui la directive Bolkestein, le Président de la République assurait que ladite directive n’existait plus. Pourtant, le Parlement européen vient de l’examiner et les chefs d’État et de gouvernement vont à leur tour se prononcer sur une version réécrite par la Commission.

Malgré le médiocre compromis passé entre la droite et le parti socialiste européen contre l’avis de toute la gauche française, le texte sur la « libre prestation de services » conserve sa logique première : faire de la mise en concurrence la règle et de la sauvegarde des acquis sociaux une exception à justifier au cas par cas, selon l’appréciation des juges européens. L’ambiguïté demeure quant à l’application du principe du pays d’origine et le flou entretenu sur la définition des services publics ouvre la porte à toutes les régressions.

Quand la socialiste allemande Evelyn Gebhardt affirme avoir obtenu que le principe du pays de destination devienne la règle, tout en concédant que rien de tel ne figure dans le texte, son interlocuteur conservateur Malcolm Harbour assure au contraire qu’« au vu de la jurisprudence européenne, c’est le principe du pays d’origine qui s’appliquera ». Le patronat européen promet pour sa part de détourner les législations du travail en recourant à de faux travailleurs indépendants.

Nos concitoyens en ont assez d’être trompés. Ils continuent d’exiger le retrait de cette directive. Monsieur le Premier ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour faire entendre la voix de la France, qui, sur un tel sujet, est plus celle de notre peuple que celle de sa représentation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. C’est bien volontiers que je vous confirme ce que je disais il y a une semaine, monsieur le député : le Parlement européen a réécrit de fond en comble la proposition de directive sur les services, ainsi que nous le souhaitions. Le texte adopté n’a donc plus rien à voir avec la proposition initiale,… (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Il fallait retirer la directive purement et simplement !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …ce qui crée une situation nouvelle et appelle deux observations.

Tout d’abord, le Gouvernement sera vigilant quant au maintien de l’équilibre de ce texte : il est de notre intérêt de favoriser les échanges, car les services sont créateurs d’emplois, mais il est aussi de notre intérêt d’assurer le respect de la dimension sociale de l’Union européenne. Le droit du travail français s’appliquera en France.

M. André Chassaigne. Qu’est-ce qui le garantit ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le principe du pays d’origine est supprimé et les services publics sont préservés. Lorsqu’elle élaborera son nouveau texte, la Commission européenne devra tenir le plus grand compte du vote très net du Parlement européen. Nous veillerons, je le répète, au respect de l’équilibre de ce texte dans la suite des négociations.

J’observe en second lieu que la démocratie européenne a bien fonctionné. Après la remise à plat demandée par le Conseil européen, le Parlement européen a pleinement joué son rôle en retravaillant le texte et en corrigeant ce qu’il fallait corriger dans la proposition initiale de la Commission. Ajoutons que les bons résultats auxquels nous sommes parvenus ont été acquis sur la base de l’accord trouvé entre les deux principales formations au Parlement européen, et ce à une très large majorité : environ 400 voix contre 200. Je note cependant, monsieur le député, que la plupart de vos amis à Strasbourg ont voté contre ce bon résultat et contre la majorité de la gauche européenne.

M. Henri Emmanuelli. Les socialistes français ont voté contre également !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce faisant, ils ont voté avec les députés européens les plus libéraux. Tels sont les faits que je me devais de rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

pacte pour la recherche

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche que s’adresse ma question.

Le projet de loi de programme pour la recherche, dit aussi pacte pour la recherche, est entré en discussion hier à l’Assemblée. Dans la discussion générale, mes collègues ont tous salué ce moment historique et tant attendu et ont souligné l’urgence qu’il y avait à agir. Nous le savons tous : la recherche, c’est l’avenir de nos enfants, de nos emplois et de notre pays.

Il faut pourtant se rendre à l’évidence : la France est une puissance moyenne face aux grandes puissances scientifiques établies ou en devenir. Que cela plaise ou non, l’Europe est notre seule voie pour lutter à armes égales.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Jean-Luc Reitzer. Ce constat est établi depuis longtemps. Les plans et les stratégies de la connaissance se multiplient à Bruxelles, mais malheureusement rien ne change.

D’où mes questions, monsieur le ministre : ce pacte pour la recherche, qui trace notre futur pour quelques années, s’inscrit-il bien dans la construction de l’Europe de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

M. Patrick Lemasle. Bien sûr que non !

M. Jean-Luc Reitzer. L’Institut européen de la technologie, dont la création a été proposée par Bruxelles la semaine dernière, risque-t-il de se réduire à un nouveau vœu pieux ? La France compte-t-elle participer à ce projet, et de quelle manière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Et les brevets ? Seront-ils encore rédigés en français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour nous, monsieur Reitzer, l’Europe est un horizon permanent. Il faut avoir la masse critique suffisante pour exister : c’est le constat de tous les pays européens. Il nous faut donc rassembler nos énergies, en nous assurant qu’elles sont compatibles et s’inscrivent bien dans une perspective européenne. Le pacte pour la recherche donne justement aux chercheurs et aux universitaires les outils pour se rassembler dans une telle perspective.

Aussi suis-je convaincu que nous sommes totalement en phase avec les projets de la Commission européenne, et notamment le projet d’Institut européen de technologie que le commissaire Figel a présenté la semaine dernière au Conseil des ministres de l’éducation. Cette initiative, dont le principe est excellent, entre tout à fait dans le cadre de l’Europe des projets chère au Premier ministre. Il s’agit en effet de créer des synergies entre toutes les excellences qui existent en Europe. C’est ainsi que, dans le contexte de mondialisation que nous connaissons, nous pourrons être les meilleurs sur des points d’excellence. La démarche n’est en rien différente lorsque nous proposons de créer des pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES – et des réseaux thématiques de recherche avancée.

Je le répète, l’Europe reste notre horizon. Le calendrier est le bon. Notre recherche se réorganise précisément au moment où l’Europe de la recherche et de la technologie se renforce au service de l’emploi : saisissons donc notre chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

europe de la recherche

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste.

M. Alain Claeys. Monsieur le Premier ministre, à l’heure où se négocie le septième programme cadre de recherche et de développement technologique des Communautés européennes et où nous débattons ici même de l’avenir de la recherche française, nous devons malheureusement constater l’absence d’ambition de votre gouvernement pour la recherche et l’enseignement supérieur. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) De grands noms de la recherche française ont dénoncé hier encore le manque d’ambition navrant de votre projet.

Pourtant, nous savons tous que les emplois futurs en France et en Europe dépendent d’abord de la priorité financière que nous accorderons à la recherche et à la formation. Votre politique ne nous permettra pas d’atteindre les objectifs de Lisbonne, à savoir 3 % du PIB consacrés à la recherche en 2010.

Dans le rapport de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne,  Recherche française, recherche européenne : la convergence nécessaire, un éminent député de votre majorité plaide pour une recherche européenne plus ambitieuse et réclame une augmentation conséquente des moyens budgétaires. Comment pouvez-vous concilier cet objectif avec la position du Président de la République, qui impose à l’Union européenne un carcan budgétaire interdisant de fait toute augmentation significative de son budget pour la recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Que de contrevérités, monsieur le député !

M. François Loncle. De votre part !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Comment pouvez-vous dire que le pacte pour la recherche, que nous présentons actuellement devant l’Assemblée nationale avec Gilles de Robien, manque d’ambition ? Jamais autant de moyens n’ont été consacrés à la recherche ! (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il ne s’agit pas simplement d’engagements ou de promesses, mais de réalités !

M. Patrick Lemasle. Baratin !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les 3 000 emplois promis sont dans le budget 2006 et ils sont créés.

Mme Martine David. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les milliards supplémentaires – un en 2005, deux en 2006 – sont là ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Jamais vous n’avez consenti les mêmes efforts pour la recherche ! M. Allègre ne déclarait-il pas ici même qu’il ne fallait pas créer d’emplois publics dans la recherche ? Heureusement, nous avons changé de cap !

M. Pierre Cohen. Vous avez attendu quatre ans !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Sur le plan européen, nous militons pour l’augmentation des budgets consacrés à la recherche. Nous avons obtenu la création d’une agence européenne pour la recherche fondamentale. C’est une innovation qui existe aujourd’hui grâce à la France ! Nous réclamons une augmentation sensible du programme-cadre de recherche et développement parce que nous savons – et sur ce point au moins nous pouvons être d’accord – que la recherche est essentielle pour l’emploi de demain. C’est pourquoi le Président de la République a proposé d’utiliser des fonds de la Banque européenne d’investissement pour accroître sensiblement les ressources consacrées à la recherche. La cohérence entre la politique nationale et la politique européenne est donc totale. C’est à rebours de ce que vous avez fait : manifestement, c’est cela qui vous dérange ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

policier référent dans les collèges

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le 3 février dernier, à Courbevoie, vous présentiez, monsieur le ministre, de nouvelles mesures de prévention de la violence en milieu scolaire. À cette occasion, vous déclariez : « Il ne faut pas opposer la pédagogie à la sécurité. On ne doit pas avoir peur à l’école. Je parle autant pour les enfants, qui doivent être évidemment protégés, que pour les enseignants, qui ont un métier difficile mais qui n’ont pas plus à se transformer en victimes qu’en justiciers ».

Fort de ce constat et conscient des menaces qui pèsent dans l’enceinte même des collèges, vous venez de signer, dans le département que vous présidez, un protocole expérimental permettant de désigner, dans chaque circonscription de sécurité publique, un policier référent mis à la disposition des collèges. Celui-ci participera à la mise en place d’actions de prévention des violences et renforcera, par sa présence et sa disponibilité, la sécurité au sein même des collèges.

Qu’attendez-vous de cette expérimentation ? Dans quel délai l’étendrez-vous à tout le territoire national si elle répond à vos espérances ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, sous le contrôle du ministre de l’éducation nationale,…

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas se soumet !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …je ferai un premier constat : la violence à l’école n’a cessé d’augmenter. Nul ici ne peut se satisfaire que les enseignants soient laissés seuls face à des adolescents de plus en plus violents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dire que l’on respecte les enseignants de la République et les laisser seuls face à la violence est irresponsable. (Mêmes mouvements.) On ne devient pas enseignant pour faire le coup de poing avec des individus qui ne respectent rien ni personne, quel que soit leur âge. Les enseignants doivent être aidés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Face à ce constat, il n’y a pas une réponse, mais une palette de réponses : de la prévention au suivi comportemental,…

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. Jacques Myard. Vous êtes passé au travers, monsieur Gremetz !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …il faut essayer toutes les mesures susceptibles d’apporter une solution. Et il faut regarder ce qui se fait ailleurs. J’ai entendu d’éminentes personnalités du parti socialiste, notamment Mme Royal, dire que ce qu’a fait Tony Blair est formidable.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Qu’a fait Tony Blair ? Il a généralisé le policier référent dans les écoles anglaises. Ce que les socialistes anglais ont fait, les socialistes français peuvent peut-être comprendre que nous souhaitions l’expérimenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De quoi s’agit-il ? De mettre un policier référent à la disposition des collèges qui le souhaitent, sur la base du volontariat et de l’expérimentation. Aucun collège n’y sera obligé. Ce policier sera à la disposition des familles, des enfants, des enseignants. Il viendra, à leur demande, passer une demi-journée dans l’établissement, dans un but de prévention, pour aider les enseignants à faire régner un minimum de sécurité dans des établissements qui doivent être sanctuarisés contre la violence.

Nous avons le devoir d’agir. Le ministre de l’éducation nationale l’a déclaré voilà déjà trois mois : si cette expérimentation du policier référent fonctionne, elle sera généralisée à tous les établissements qui le demanderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

extradition de youssouf fofana

M. le président. La parole est à M. Loïc Bouvard, pour le groupe UMP.

M. Loïc Bouvard. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Vergnier. Il y en a un ?

M. Loïc Bouvard. Jusqu’à présent, dix-sept personnes ont été mises en examen suite à la découverte du corps d’Ilan Halimi. Ce crime odieux, dont l’horreur a été relevée dans les médias, a légitimement bouleversé nos concitoyens. Ilan Halimi, vingt-trois ans, enlevé et séquestré, est décédé des suites de nombreux actes de torture, en raison, semble-t-il, de son appartenance à la religion juive.

Youssouf Fofana, le chef présumé du gang, s’est enfui au lendemain de la découverte du corps. Il est actuellement détenu en Côte d’Ivoire, et je rends hommage aux policiers, dont l’efficacité a permis de retrouver sa trace aussi rapidement. Ce Français d’origine ivoirienne est désormais sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour son rôle présumé dans l’enlèvement et la mort du jeune Ilan. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part des contacts que le Gouvernement a établis avec les autorités ivoiriennes et nous préciser où en est la procédure d’extradition de Youssouf Fofana, afin qu’il réponde de ses actes devant la justice française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, M. Fofana a été arrêté le 22 février à Abidjan, grâce à une coopération très étroite entre les services de police français et ivoiriens. Des officiers de la police judiciaire française ont participé aux interrogatoires sur commission rogatoire des deux juges d’instruction parisiens saisis de ce dossier. Un mandat d’arrêt international a été délivré dès le 24 février et transmis sans délai aux autorités ivoiriennes. Les juges d’instruction français ont décidé d’adresser aux autorités ivoiriennes une demande d’extradition.

La procédure est en cours actuellement en Côte d’Ivoire. M. Fofana a été présenté hier devant le juge d’instruction et le procureur de la République du tribunal de première instance d’Abidjan. Il appartient maintenant à la chambre d’accusation d’Abidjan de statuer sur notre demande d’extradition. Il est possible que nous ayons une réponse demain. Le Gouvernement souhaite que cette réponse soit très claire et très rapide. Nous le devons à la mémoire d’Ilan, au respect de sa famille, de ses proches, de la communauté juive et des nombreux Français qui ont été horrifiés par cette atrocité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fusion entre suez et gaz de france

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Ducout. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. En présentant le bien mal nommé projet de loi relatif au service public de l’électricité et du gaz, le 15 juin 2004, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de l’époque, Nicolas Sarkozy, déclarait dans cet hémicycle : « Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. » (« Mensonge ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le Président de la République lui-même l’avait rappelé solennellement. (« Quelle erreur de les avoir crus ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Malheureusement, une rumeur d’OPA a suffi pour balayer cet engagement et faire annoncer une fusion-disparition de GDF. Inutile de nous mentir une deuxième fois ! L’échange d’actions entre Suez et GDF aboutira bien à la disparition de l’opérateur historique, avec une dilution de la part de blocage de l’État dans le capital.

Ainsi, au nom du patriotisme économique, vous décidez la disparition d’une entreprise publique, GDF, pour en fragiliser une autre, EDF. Ce jeu de dominos tient lieu pour vous de politique industrielle, au risque de remettre en cause la pérennité du service public de l’énergie et notre indépendance énergétique. Votre vision européenne se borne à choisir une entreprise à capitaux majoritairement belges, au détriment d’une entreprise italienne, pour fusionner avec GDF.

Quant à l’évolution du prix du gaz, rompant avec le silence du Gouvernement, Gérard Mestrallet, PDG de Suez, a déclaré hier qu’il aurait été aux côtés des actionnaires de GDF autres que l’État pour exiger une hausse plus importante lors des précédentes négociations. Cela n’augure rien de bon pour les consommateurs, ni pour les salariés de ces deux entreprises.

L’énergie n’est pas une affaire courante et mérite mieux que cette précipitation et l’utilisation politicienne du patriotisme économique pour justifier la destruction de « la muraille de Chine » prétendument élevée par Nicolas Sarkozy pour garantir le statut public de GDF. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que, demain, vous ne privatiserez pas EDF au moindre bruissement de la Corbeille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, quel aplomb, et que d’inexactitudes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un sujet d’une telle importance pour la nation devrait pourtant nous réunir. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Dans la situation actuelle, la décision du Gouvernement était sans doute la moins mauvaise possible. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Écoutez la réponse avant de crier !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est raisonnable de constituer un deuxième pôle énergétique français, pour conserver un centre de décision en France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous avons besoin d’un grand opérateur gazier national. Le fait d’avoir deux champions, non pas nationaux mais mondiaux comme EDF et Gaz de France-Suez-Electrabel, est important. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La gauche doit assumer l’intérêt national. Le patriotisme économique est juste quand il est suivi d’effets. (Mêmes mouvements.)

Savez-vous qui a dit cela ce matin ? M. Chevènement, que vous connaissez bien, mesdames, messieurs de la gauche, et qui a été un grand ministre de l’industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Oui, je crois, mesdames, messieurs les députés, que nous pouvons nous réunir quand l’intérêt national est en jeu. (Mêmes mouvements.)

Certains d’entre vous parlent d’improvisation, de précipitation et de privatisation.

À improvisation, je réponds : anticipation. La France porte en effet depuis un an le débat sur l’énergie. Depuis des mois, les deux groupes ont bâti un projet que, depuis quelques jours, nous avons décidé de soutenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Où est la précipitation alors que nous allons entrer, à la demande du Premier ministre, dans une grande période de concertation avec les organisations syndicales pour bâtir un projet social ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour ce qui est enfin de la privatisation dont on nous accuse, nous répondons : choix de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Car, oui, les représentants du peuple que vous êtes auront à se prononcer. Le projet sera présenté à la nation. C’est vous qui en déciderez ! Compte tenu de ce qu’a dit M. Chevènement, j’ai bon espoir qu’il vous convainque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

fusion de suez et gaz de France

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel, pour le groupe UMP.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, je veux à mon tour vous interroger sur le rapprochement des deux entreprises Suez et Gaz de France (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui – certains sur ces bancs ont tendance à l’oublier – va permettre la naissance du premier groupe gazier mondial et du deuxième fournisseur européen d’énergie. (« Mensonges ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cet accord s’inscrit dans la continuité des discussions entamées depuis de nombreux mois par les deux entreprises et qui ont déjà permis la prise d’initiatives communes, comme la réalisation de centrales à gaz dans le sud de la France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Contrairement à ce qu’on entend, cette fusion a été largement anticipée. Elle est donc tout sauf précipitée. C’est une bonne décision, soutenue par le Gouvernement et par la majorité car elle s’inscrit dans une stratégie énergétique de long terme qui consiste à garantir l’indépendance énergétique de la France en termes de capacités d’investissement, de production et d’approvisionnement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Au cours du débat parlementaire de 2004, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait indiqué que le secteur de l’énergie devait être considéré comme stratégique pour notre pays et justifiait à ce titre une action spécifique des pouvoirs publics. C’est ce même principe qui guide aujourd’hui le gouvernement de Dominique de Villepin lorsqu’il permet à Gaz de France de fusionner avec Suez pour constituer l’un des grands champions énergétiques mondiaux. Ce regroupement est porteur d’espoir pour la pérennité de l’emploi industriel dans notre pays.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment cette fusion va s’intégrer dans la stratégie énergétique et industrielle française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mes chers collègues, je vous en prie : la question a été posée à M. Breton, c’est à lui qu’il revient de répondre !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Quelle différence, monsieur le député, entre un discours responsable et la polémique entretenue par la gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est effectivement une discussion raisonnable que nous devons avoir sur un sujet aussi stratégique pour l’avenir.

M. Richard Mallié. À gauche, ils ne sont pas raisonnables !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous sommes entrés désormais dans la deuxième phase : après l’anticipation, la concertation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

À la demande du Premier ministre, j’ai reçu, avec les présidents des deux entreprises, l’ensemble des organisations syndicales plusieurs heures durant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai ! Elles ne sont pas d’accord !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Après le projet industriel, nous avons décidé de bâtir ensemble le projet social. Jusqu’à présent, nous avons recueilli trente-quatre questions dans une ambiance, je tiens à le souligner, très digne, j’irais même jusqu’à dire républicaine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),

M. Jean Glavany. Oh ! Dans votre bouche, ce mot sonne faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …chacun ayant sa place et étant bien conscient des enjeux.

Nous nous attendons à avoir d’autres questions, car les organisations syndicales nous ont indiqué qu’elles nous en enverraient par écrit.

Nous nous réunirons à nouveau la semaine prochaine et nous décortiquerons toutes ces questions une à une pour leur apporter des réponses une à une. Car, voyez-vous, nous, nous préparons l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le groupe UMP.

M. Étienne Mourrut. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, le risque d’une pandémie mondiale de grippe aviaire a conduit de nombreux États, au premier rang desquels la France et l’ensemble des pays européens, à appliquer le principe de précaution. Depuis de nombreux mois, vous suivez avec beaucoup de vigilance cet important problème de santé publique. Selon les experts, aucune mutation du virus n’aurait à ce jour été constatée, ce qui exclut toute transmission interhumaine. Cependant, face à la propagation particulièrement rapide de l’épizootie, il convient de rester très vigilants.

Dans ce contexte, vous avez assisté vendredi dernier, à Lyon, à un exercice de simulation visant à tester l’application du plan gouvernemental face au risque de propagation de la grippe aviaire. Pouvez-vous nous dire quels enseignements vous tirez de cet exercice visant à protéger la population en cas de pandémie de grippe aviaire, et si vous comptez renouveler ce type de simulation afin de parfaire les dispositifs mis en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, quand on parle de grippe aviaire – vous avez eu raison de la souligner –, il faut distinguer trois niveaux : le premier est celui de l’épizootie, qui concerne les oiseaux et, notamment les volailles ; le deuxième est celui de la transmission de l’oiseau à l’homme, qui n’a été constatée qu’en Turquie et en Asie du Sud-Est,…

M. Jean-Pierre Brard. En France, nous sommes protégés !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et le troisième, enfin, est celui de ce que l’on appelle la pandémie, c’est-à-dire la transmission de l’homme à l’homme. Nous nous préparons aussi à ces deux derniers risques.

Il y a plusieurs façons de le faire.

Nous nous dotons tout d’abord de moyens de protection. Nous avons déjà des masques et nous en commandons encore pour augmenter notre stock. Nous disposons aujourd’hui de 14 millions de médicaments antiviraux et nous voulons en avoir 33 millions dès l’année 2007.

M. Jean-Pierre Brard. Et pour les autres ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons aussi réservé des vaccins.

Mais il y a plus important encore que les moyens de protection : il faut aussi savoir précisément qui ferait quoi en cas de pandémie. C’est l’objet de la mobilisation actuelle, notamment du système de santé. Nous nous attachons également à améliorer en permanence le plan de préparation et, pour ce faire, il n’y a rien de tel que d’organiser des exercices afin de confronter les divers intervenants à une situation quasi réelle et voir si chacun est à sa place. C’est ce que le Premier ministre a souhaité. Dominique Perben et moi l’avons accompagné à Lyon la semaine dernière pour vérifier que, dans le cas du retour par avion à l’aéroport Lyon Saint-Exupéry de personnes ayant contracté la grippe aviaire en Asie du Sud-Est, les personnels de l’avion, de l’aéroport et du système hospitalier savaient précisément ce qu’ils avaient à faire.

L’intérêt de ce genre d’exercice est d’aller dans le concret et le détail et de pouvoir ensuite transposer les résultats à l’ensemble des établissements de santé et du corps médical.

Nous continuerons dans cette voie. Les 15 et 16 mars prochains, un autre exercice d’ampleur nationale sera organisé à Paris, auquel le Premier ministre participera également. Cela nous permettra de perfectionner encore notre plan.

Face au risque de pandémie, nous avons en effet l’obligation d’être dans l’anticipation. Notre plan ne sera jamais définitif à nos yeux. Tant que nous pourrons l’améliorer, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat premiÈre embauche

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le Premier ministre, dans votre conférence de presse de ce matin, vous avez qualifié les derniers chiffres du chômage de décevants. Il ne faut pas vous en prendre au thermomètre, qui ne fait que mesurer : c'est votre politique pour l'emploi qui est mauvaise et c’est elle qu’il faut changer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Du CNE, pris par ordonnance sans débat, au CPE adopté par le biais du 49-3 à l'Assemblée, vous avez cherché à avancer masqué : les Français ne devaient pas savoir. Mais, après le mardi gras, les masques tombent.

Aujourd'hui, le pays se dresse contre votre politique. Les jeunes et l’opinion publique refusent le CPE. Le patronat lui-même est réticent. Les lycées et les facultés sont en émoi. Tous se mobilisent pour la manifestation du 7 mars.

Grâce au travail des parlementaires – puisque vous aviez écarté les organisations syndicales de toute concertation préalable –, le contenu scandaleux de la loi sur l’égalité des chances est désormais public :…

M. Guy Teissier. Ce qui est scandaleux, c’est que vous teniez de pareils propos !

M. Jean-Pierre Dufau. …recours à l'apprentissage à quatorze ans, travail de nuit pour les jeunes dès quinze ans, précarité pour les jeunes qui, pendant les deux premières années du CPE, pourront être licenciés sans explication, sans motif, sans entretien préalable.

M. Guy Teissier. C’est faux !

M. Jean-Pierre Dufau. Quel mépris du code du travail, quel mépris de la dignité des jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez appelé au rassemblement et à la bataille pour l'emploi. Vous les aurez, mais pas forcément dans le sens que vous aviez prévu. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez annoncé ce matin une nouvelle exonération des charges sociales pendant trois ans pour les entreprises qui embauchent en CDI. Les jeunes sont concernés, ce qui traduit vos propres doutes et constitue une évidente contradiction.

Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin et rapidement retirer ce CPE…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Jean-Pierre Dufau. …dont les jeunes et le pays ne veulent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous remercie, monsieur Dufau, de me donner l’occasion d’informer l’Assemblée nationale que, cette nuit, à la suite d’un long débat serein et de grande qualité, l’article concernant le contrat première embauche a été adopté par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce vote est intervenu à la suite d’un débat de dix-sept heures et à la lumière de 81 amendements. Le texte, que vous aviez également adopté, mesdames, messieurs les députés, à la suite d’un débat long et approfondi, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. Il a été écourté par l’usage du 49-3 !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...a été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous remercie de poser cette question, monsieur Dufau, car l’avantage du débat parlementaire est de permettre de s’éloigner des caricatures. Il nous a ainsi permis d’expliquer sereinement aux sénateurs, qui l’ont compris, que, loin de retourner à l’apprentissage à quatorze ans, nous organisons, sous la responsabilité des équipes pédagogiques, une découverte des métiers suivie d’un contrat junior ; de confirmer que les droits à l’indemnisation chômage du CPE sont supérieurs à ceux de tout autre contrat français ; de rappeler que les droits à la formation sont acquis dès le premier mois ;…

M. Guy Teissier. Excellente mesure !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. … bref de montrer que ce contrat apporte de la souplesse et une amélioration des droits des jeunes.

Monsieur Dufau, je suis surpris de votre question. Je ne doute pas un instant que vous étiez là lors des débats parlementaires.

M. Jean-Pierre Dufau. Tout à fait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous deviez donc déjà savoir ce qu’a confirmé ce matin le Premier ministre, puisque cela figure dans le texte de loi sur l’égalité des chances. Oui, le chef du Gouvernement a souhaité que, pour l’embauche sur CDI de tout adulte de moins de vingt-six ans, au chômage depuis plus de six mois au 16 janvier 2006, les entreprises puissent bénéficier d’une exonération totale de charges…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et voilà !

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle discrimination !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …pour dégonfler une situation inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Propos de Georges FrÊche

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UMP.

M. Christian Kert. Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, je ne reviendrai pas sur le sentiment qu’ont laissé, sur l’ensemble, il est vrai, des bancs de la représentation nationale, les propos récemment tenus par le président de la région Languedoc-Roussillon au sujet de la communauté harkie. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est effectivement une honte !

M. Christian Kert. Je n’y reviendrai pas, sauf pour dire que nous aurions peut-être pu espérer meilleure sanction que celle prise par le parti socialiste à l’encontre de Georges Frêche, …

M. Jean Glavany. Et les sanctions contre Vanneste ?

M. Christian Kert. … lequel s’est empressé de déclarer qu’il n’avait rien à redouter de la commission des conflits devant laquelle on voulait le traduire, puisqu’il y était abonné et qu’il n’avait jamais été condamné.

Après avoir bafoué une communauté, l’élu languedocien bafoue son propre parti.

M. Émile Zuccarelli. Rendez-leur Jacques Blanc !

M. Christian Kert. Peut-être cela donnera-t-il à ce parti l’idée de réagir avec plus de fermeté. C’est pour vous, messieurs, un problème de conscience.

M. Jean Glavany. Vous pouvez parlez ! Votre conscience est à géométrie variable !

M. Christian Kert. Monsieur le ministre, mon propos sera plus large. Ce que l’attitude d’un Georges Frêche révèle, ce n’est pas seulement le malaise occasionné par le dérapage d’un élu, c’est surtout le fait que, à nouveau, la communauté harkie, oubliée de l’histoire, …

Plusieurs députés du groupe socialiste. Par qui ?

M. Christian Kert. … ne parvient pas à s’assurer la considération de notre communauté nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le président, c’est d’autant plus regrettable que, jadis, à votre place, a siégé, au titre de vice-président de l’Assemblée nationale, un harki : le Bachaga Boualem.

M. Émile Zuccarelli. C’est vous qui l’avez oublié !

M. Christian Kert. Alors que nous venons de voter une loi qui leur était largement destinée et dont, pour la première fois, les aspects matériels étaient susceptibles de leur apporter quelque apaisement, voilà que Georges Frêche, par ses propos, nous fait réaliser que, sur le plan moral, les consciences de certains ne se sont toujours pas habituées à respecter l’histoire d’un drame, à reconnaître la dignité de ces hommes et de ces femmes, rangés sous la bannière française, symbole pour eux de respect de la parole donnée, d’appartenance à une communauté de destin.

Que pensez-vous, monsieur le ministre, qu’il soit humainement possible de faire, après la honte que nous avons éprouvée le 11 février, pour reprendre le chemin sur lequel notre majorité, et notre majorité seule (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), s’est engagée pour rendre à la communauté des harkis de France hommage, justice et dignité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur Kert, beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce sujet, tant il a bousculé ce que l’on avait l’habitude de voir dans ce pays.

M. Jean Glavany. C’est tout ce qu’ils ont à dire ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. La question est finalement de savoir s’il est grave de traiter de « sous-hommes » des hommes qui sont des être humains, comme nous tous.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très grave !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Si l’on pense que c’est grave, très grave, on ne reste pas, bien évidemment, silencieux et inactif.

Le Gouvernement, pour sa part, a pris ses responsabilités, car il considère que c’est à la justice de dire le droit, et il fera en sorte que cela soit fait.

En revanche, si l’on pense qu’il n’est finalement pas grave d’utiliser des mots qui rappellent pourtant les pires époques du xx siècle, on procédera différemment, en tergiversant par exemple. C’est ce que nous voyons actuellement.

Hier soir encore, M. Frêche, en réponse à des questions posées par des médias, faisait preuve de désinvolture et manifestait pour la deuxième fois un non-respect de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mesdames, messieurs les députés, je peux et je veux témoigner devant vous de la profondeur de la blessure des harkis, de leurs familles et de leurs proches. D’ailleurs, comme vous le savez, cette émotion a traversé l’ensemble de la collectivité nationale.

Aujourd’hui encore, l’agression des harkis n’est pas ce que nous avons l’habitude de voir, car elle touche à l’homme lui-même, en dehors et au-delà du harki. Je le redis avec force : ces hommes et ces femmes d’honneur méritent notre respect et notre reconnaissance.

J’ajoute enfin que c’est dans cet esprit que le gouvernement de Dominique de Villepin applique actuellement …

M. Henri Emmanuelli. Il fallait y penser en 1962 !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. … la loi du 23 février 2005, que vous avez votée, mesdames, messieurs les députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mise en place des pôles de compétitivité
en Alsace

M. le président. La parole est à M. Michel Sordi, pour le groupe UMP.

M. Michel Sordi. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, la politique économique du Gouvernement commence à porter ses fruits. Mais l’Alsace et en particulier le département du Haut-Rhin restent confrontés à des difficultés industrielles persistantes.

Les secteurs du textile et de la sous-traitance automobile subissent une récession forte, obligeant les entreprises à la mise en œuvre de restructurations accompagnées de plans sociaux douloureux pour les salariés.

Pourtant, la région Alsace a des atouts : sa situation géographique au cœur de l’Europe, sa main-d’œuvre qualifiée et ses infrastructures de qualité.

Le Gouvernement, en lançant les pôles de compétitivité, a voulu croire dans la capacité d’innovation et de réussite industrielle de la France au travers de ses régions.

Les acteurs économiques des régions Alsace et Franche-Comté se sont mobilisés pour créer ensemble le pôle de compétitivité Véhicule du futur. Objectif affiché : gagner la course à l’innovation dans le secteur automobile, en développant trois projets de coopération : le véhicule propre, le véhicule et le réseau intelligents, l’excellence de la filière.

Cette coopération renforcée doit permettre à chaque membre du réseau de développer sa valeur ajoutée en se concentrant sur son métier et ses savoir-faire spécifiques. Conçus comme des leviers du développement économique et de l’emploi, appuyés sur la recherche et l’innovation, les pôles de compétitivité se mettent progressivement en place. Serait-il possible au ministre délégué à l’aménagement du territoire de faire le point sur l’état d’avancement des pôles de compétitivité et, en particulier, sur la mise en œuvre du pôle Véhicule du futur, et sur les retombées qui peuvent en être escomptées pour les équipementiers automobiles et leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je sais, monsieur Sordi, combien vous êtes mobilisé par la situation économique, plus particulièrement en Alsace, mais aussi par la situation du secteur automobile.

Je voudrais vous indiquer combien le Gouvernement y est attentif. À la demande de M. le Premier ministre, un certain nombre de mesures prioritaires ont été inscrites à l’ordre du jour du prochain comité interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, qui se tiendra lundi prochain.

Premièrement, nous voulons, en matière de fonds européens, flécher plus précisément les allocations en ce qui concerne les fonds structurels, mais aussi en matière d’aides à finalité régionale, sachant que la France a obtenu, dans la négociation, des résultats qui allaient au-delà des espérances d’un certain nombre d’entre nous. Nous avons obtenu un résultat exceptionnel pour la période 2007-2013, qui profitera à nos territoires régionaux, mais aussi à notre industrie en général.

Deuxièmement, nous aurons l’occasion de faire un état des lieux sur le secteur automobile en général. Nous voulons nous positionner en matière de mutations économiques. Nous avons créé pour cela, le 1er janvier dernier, la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité du territoire, qui est l’émanation de la fusion entre la DATAR et la mission aux mutations économiques.

Troisièmement, nous avons la volonté d’anticiper. Nous avons engagé, à travers notre politique, une véritable anticipation des pôles de compétitivité. Nous en faisons la démonstration notamment dans le secteur automobile, avec Véhicule du futur en Alsace et en Franche-Comté. Nous ferons d’autres propositions complémentaires pour le secteur automobile dans le cadre du CIADT de lundi prochain.

Nous proposerons des mesures de simplification avec un guichet unique de dépôt des dossiers, un fonds de financement unique pour l’ensemble des crédits de l’État et une simplification des gouvernances, n’en déplaise aux Cassandre ! Le Gouvernement a engagé, vous le voyez, une grande politique en faveur de l’industrie. Nous sommes totalement mobilisés, à travers ces pôles de compétitivité, en faveur d’une grande politique de l’emploi, d’innovation industrielle, mais aussi, comme vous le rappeliez, monsieur le député, de l’attractivité de nos territoires régionaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

recherche

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de programme pour la recherche (nos 2784 rectifié, 2888).

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour trente minutes.

M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, mes chers collègues, la France a besoin d’une recherche forte et dynamique, car ce secteur a des implications dans toute la société. Cette activité est indispensable aux innovations, au développement économique de notre pays ainsi qu’à son rayonnement culturel.

Aujourd’hui, ce secteur traverse une crise sans précédent. La recherche française a rétrogradé du quatrième au dixième rang mondial en termes de dépense nationale de recherche et développement, DNRD.

Les politiques de recherche sont toujours plus dépendantes d’intérêts purement financiers. Les citoyens sont exclus des grands choix.

Les jeunes se détournent des études scientifiques ; ils sont de moins en moins nombreux à s’inscrire en thèse.

Les chercheurs consacrent plus de temps à la recherche de crédits ; leur liberté d’initiative s’amenuise. L’indépendance de la recherche et de l’expertise publiques est menacée.

Toutes ces difficultés s’inscrivent dans un contexte de marchandisation accrue de la science : la connaissance joue un rôle toujours plus grand dans la production et le développement de la valeur ajoutée économique et la mise en concurrence mondiale des systèmes de recherche nationaux conduit à exiger des chercheurs une compétitivité de plus en plus grande.

Depuis plus de deux ans, à l’issue d’un grand débat national et des états généraux de Grenoble, la communauté scientifique a fait des propositions cohérentes et consensuelles pour réformer le système français de recherche et faire face à ces pressions.

Après leur participation aux états généraux, les organisations syndicales ont rendu public en juin 2005 un mémorandum faisant état des principales revendications des syndicats signataires. Ce texte aurait dû inspirer le présent projet de loi. Pourtant, le Gouvernement n’a pas tenu compte de cette formidable mobilisation constructive et citoyenne.

Pire : il s’est appliqué à instituer, en dehors du cadre législatif qui nous occupe aujourd’hui, une grande partie des leviers essentiels de sa réforme autoritaire et libérale de la recherche, en créant l’Agence nationale de la recherche, les campus de recherche, l’agence de l’innovation industrielle et les pôles de compétitivité.

Avant de m’attarder sur ces structures, je souhaiterais évoquer la question des moyens financiers. Nos ambitions en matière de financement s’inscrivent dans une vision à long terme, dans le droit-fil des décisions des Conseils européens de Lisbonne – 2000 – et Barcelone – 2002 – de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010. Les crédits annoncés pour 2006 et 2007 restent très insuffisants pour atteindre cet objectif.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Ce taux regroupe recherche publique et privée.

M. Frédéric Dutoit. Ce projet de loi semble oublier que la plupart des universités ne disposent pas de la taille critique permettant de développer une activité de recherche de qualité dans l’ensemble des disciplines.

Mais le Gouvernement ne souhaite pas affronter cette question difficile, ce qui supposerait un véritable courage politique et des moyens importants. Il choisit donc de concentrer l’ensemble de l’effort sur quelques pôles regroupant des laboratoires et des morceaux d’universités, lesquels obtiendront le statut de « campus thématique d’excellence » et bénéficieront de ce fait de l’essentiel des nouveaux crédits.

Cette concentration sélective n’est pas nouvelle. En effet, la collectivité dépense 6 700 euros par an et par étudiant à l’université, et le double – 13 760 euros – par élève de classe préparatoire aux grandes écoles. Dans les petites classes, la dépense est même inférieure à 5 000 euros.

La France s’est dotée d’un système d’enseignement supérieur à deux vitesses. D’un côté, une université faiblement dotée qui, officiellement, ne pratique pas de sélection et, de l’autre, une filière sélective préparant aux grandes écoles et disposant de larges moyens. Ces dernières sont composées essentiellement d’enfants issus de catégories sociales aisées. L’élitisme républicain à la française aboutit à offrir à tous une université sans moyens et à investir fortement en faveur d’une minorité privilégiée !

Inéluctablement, ce projet de loi engendrera une nouvelle fracture. En effet, les autres universités, les plus en difficulté, devront continuer à se contenter de miettes : elles seront incitées à s’organiser en PRES – pôles de recherche et d’enseignement supérieur – sans qu’aucun budget soit prévu pour ce nouveau dispositif.

Ces mesures ne régleront en rien les problèmes graves auxquels sont confrontées les universités françaises. Bien au contraire, ces nouvelles structures, ajoutées aux pôles de compétitivité récemment créés, ne feront qu’accroître le manque de lisibilité du système et augmenteront les disparités entre les différents centres universitaires.

Une partie déterminante du dynamisme de la recherche se jouera pourtant dans les universités : il serait indispensable de renforcer le lien enseignement-recherche, de prendre en compte le dramatique taux d’échec en premier cycle, de mettre en œuvre une évaluation des politiques scientifiques.

Bien au contraire, lors de ses vœux à la presse le 12 janvier, Nicolas Sarkozy a proposé au Gouvernement d’expérimenter l’autonomie des universités dans trois établissements. Des amendements de la majorité entérinent ce souhait. Or cette proposition remet gravement en cause l’égalité entre les étudiants en faisant du cas par cas la règle.

Le principe de l’expérimentation, outre son caractère incohérent, témoigne d’une vision restrictive et idéologique de l’autonomie des universités, et remet en cause l’égalité, la gratuité et la continuité du service public de l’enseignement supérieur en faisant des cadeaux aux partisans de la dérégulation.

L’autonomie de recrutement d’une partie des enseignants fera ainsi peser de graves dangers sur le statut de fonctionnaire des personnels des universités et permettra également de concentrer les meilleurs enseignants dans certaines universités et certaines filières, encourageant de ce fait un enseignement supérieur à deux vitesses.

Si les universités disposent d’ores et déjà de possibilités de recherches de financements supplémentaires – taxe d’apprentissage, collectivités territoriales, dons –, l’autonomie dans la recherche de financements innovants proposée par Nicolas Sarkozy risque de les généraliser, ouvrant la voie au désengagement financier de l’État et à la concurrence entre les établissements.

À l’heure où les universités sont contraintes de se mettre dans l’illégalité en augmentant les frais complémentaires, cette disposition ouvre également la voie à une augmentation massive des droits d’inscription que nous ne saurions accepter. Ce n’est en effet pas dans la poche des étudiants que l’on doit aller chercher l’argent que l’État refuse d’investir.

Depuis la loi Savary de 1984 qui donnait aux universités les moyens de réussir la massification de l’enseignement supérieur, les universités ont évolué. Il est important que la loi change également, mais dans le cadre d’un service public consolidé, garant de l’égalité entre les étudiants.

Pour contrecarrer cette offensive sans précédent, nous considérons que l’augmentation de l’effort budgétaire doit donc porter principalement sur la mission recherche et enseignement supérieur de la LOLF – la MIRES – afin de garantir la pérennité du financement de la recherche publique.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est ce que nous faisons !

M. Frédéric Dutoit. Il est en outre proposé de plafonner les avantages fiscaux au niveau de ceux de 2006 et d’en réduire l’importance d’ici à 2010. L’efficacité d’un dispositif de financement comme celui du crédit impôt recherche reste en effet encore largement à prouver.

De plus, faire reposer la programmation des moyens pour près d’un tiers sur le bon vouloir des entreprises relève au mieux d’une déclaration d’intention, au pire d’une supercherie.

Il est donc inconcevable que le crédit d’impôt ouvert pour les dépenses de recherche puisse être comptabilisé au titre de l’effort de programmation : cela témoigne d’une vision extrêmement optimiste de la bonne volonté des entreprises pour contribuer à l’effort de recherche.

En outre, l’inscription de telles recettes au titre d’une programmation pluriannuelle relève bien de la tricherie. Il s’agit en fait de crédits échappant aux impôts, donc au budget de l’État, et à ce titre,non susceptibles de financer une quelconque dépense de recherche. Leur affichage comme financement de la recherche n’a pas lieu d’être.

De surcroît, les allégements fiscaux, tel le crédit d’impôt recherche, destinés à promouvoir la recherche des entreprises doivent concerner exclusivement les PME-PMI et s’accompagner d’une contrepartie. Ils doivent notamment être assujettis à la création d’emplois qualifiés permanents sur le sol français.

Aussi, dans le cadre de la programmation budgétaire prévue d’ici à 2010 – 19,4 milliards supplémentaires cumulés par rapport à 2004 –, il convient de répartir les crédits supplémentaires afin de créer des emplois statutaires dans les universités et les organismes de recherche, 5 000 par an ; d’accroître les montants des allocations de recherche et de les indexer sur le point indiciaire de la fonction publique ; d’accroître le nombre d’allocataires de recherche afin de financer l’ensemble des doctorants, 20 % d’augmentation par an pendant cinq ans – ; d’améliorer les carrières et leur attractivité et de permettre la rénovation et la mise aux normes du patrimoine immobilier universitaire.

Afin de garantir la pérennité du financement de la recherche publique et les crédits de base des laboratoires via les organismes et les universités, et dans le but de préserver les activités de recherche non financées sur projets, notamment en sciences humaines et sociales, l’ANR ne doit pas devenir à terme l’acteur central du financement de la recherche.

C’est pourquoi nous proposons de limiter l’augmentation du budget de l’ANR, afin que les financements sur projets restent marginaux, à hauteur de 700 millions en 2010.

Corrélativement, ce projet de loi consacre une augmentation sans précédent de l’emploi précaire. En effet, les silences en matière de recrutement révèlent un refus net d’un plan pluriannuel pour l’emploi, qui correspond pourtant à une demande très forte de la communauté scientifique.

Ce refus est parfaitement cohérent avec l’arrêt immédiat, en 2002, du plan pluriannuel qui venait d’être mis en place par Roger-Gérard Schwartzenberg.

En revanche, le financement de l’ANR, lui, est bien programmé jusqu’en 2010, où ses moyens devraient atteindre 1 300 millions d’euros, ce qui permettra de financer plusieurs milliers de CDD qui viendraient s’ajouter aux autres dispositifs d’emplois temporaires, chercheurs associés, ATER.

Le choix d’augmenter fortement l’emploi précaire au détriment de l’emploi statutaire, s’il n’est pas explicite dans le projet de loi, est néanmoins d’une évidence indiscutable.

Dans le contexte prévisible de mise en concurrence entre les laboratoires pour l’obtention de crédits qu’encourage le pacte pour la recherche et d’asphyxie progressive des laboratoires hors PRES, campus ou projet financé par l’ANR, il faut des engagements clairs et des garanties pour que le financement et les emplois de certains organismes, notamment dans la recherche fondamentale, ne soient pas fragilisés. Tout est utile dans la recherche fondamentale, et dans toutes les disciplines. Subordonner la recherche fondamentale aux besoins de l’industrie est aberrant. Si l’on avait imposé aux grandes figures de la science du début du XXe siècle de travailler pour les industries de l’époque sans leur permettre de spéculer sur des notions abstraites et de produire des connaissances dont l’application immédiate est incertaine, il est probable que les technologies modernes, telles que nous les connaissons actuellement, relèveraient encore de la science-fiction.

Rappelons en outre que la recherche militaire et les programmes technologiques nucléaire, aéronautique et spatial absorbent déjà à eux seuls plus de 40 % de la dépense publique de recherche.

De plus, la France accuse un déficit considérable de recherche dans la plupart des domaines liés au développement durable et à la santé publique : santé environnementale et toxicologie, écologie, énergies renouvelables, agriculture biologique et durable, chimie et ingénierie vertes ne doivent pas rester les orphelins de la recherche dans notre pays.

La politique gouvernementale entraînera un effondrement irrémédiable de toute recherche appliquée. Déjà, des centres de recherche privée comme Aventis et Pfizer ferment, préférant exercer leur activité là où le lien entre recherche fondamentale et appliquée est soutenu, c’est-à-dire aux États-unis. Car il faut le redire : l’industrie privée américaine est massivement dépendante du secteur public.

Le pilotage gouvernemental est une autre dimension de ce projet de loi qui a été rejetée par la communauté scientifique.

Il conviendrait que le Haut conseil soit indépendant du pouvoir politique. Il devrait être représentatif de la communauté scientifique, tout en incluant une représentation de la société civile qui ne se réduise pas aux grandes entreprises. Il devrait par ailleurs pouvoir s’autosaisir et donner une publicité systématique à ses avis.

Or, tel qu’il est défini dans ce projet de loi, le Haut conseil ne répond à aucun de ces critères. Le Gouvernement ne souhaite pas que la société civile puisse se faire entendre dans les grands choix scientifiques. Il est donc hors de question qu’elle soit représentée au Haut conseil.

La politique du Gouvernement résulte des interventions du Medef, mais aussi d’un ensemble d’associations sans aucune représentativité, qui prétendent « penser moderne », en lieu et place de la société et des scientifiques, qui ont pourtant formulé des propositions détaillées : la Fondation pour l’innovation politique de l’UMP, l’Association de la recherche technique, FutuRis qui en découle, ainsi que le Conseil stratégique de l’innovation de Poulety, sans oublier une série de revues, qui consacrent leur temps à faire du lobbying auprès des politiques et des médias. Les thèmes de l’ANR ont été déterminés sans avis d’une quelconque instance scientifique. Les laboratoires ont été tenus à l’écart du choix des pôles de compétitivité.

Le Gouvernement prétend que les chercheurs doivent s’approprier une véritable « culture de projets », ce qui prouve l’incroyable ignorance des pseudo-experts qui l’ont inspiré sur le fonctionnement réel de la recherche : projet de thèse, projet de recherche post-doctoral, projet de recherche pour les candidatures dans les organismes et universités, projet d’équipes au sein des unités, projet quadriennal des unités, toute la recherche est déjà organisée autour de projets inscrits dans une vision à long terme.

La « culture de projets » telle que l’entend le Gouvernement repose en fait sur des contrats à court terme, mode de fonctionnement qui est en train de s’imposer dans tous les secteurs d’activité, écrasant tout ce qui ne peut se développer que sur le long terme. Dans un tel système, plusieurs de nos actuels prix Nobel n’auraient pas eu leur chance.

Lorsque l’on développe des outils conceptuels qui peuvent ensuite aider d’autres chercheurs à penser et à chercher, on ne saurait entrer dans le cadre d’un contrat à court terme assorti d’un objectif bien déterminé. Les chercheurs savent l’importance de ce type de recherche, les adeptes de la culture du court terme l’ignorent.

Autre point de discorde : l’évaluation des chercheurs. Il n’existe pas à l’étranger d’exemple de recherche scientifique exclusivement animée et pilotée par un ministère ; c’est pourtant ce que vous imposez.

Même s’il existe un souci d’harmonisation des pratiques, même s’il y a une réelle volonté de coordination entre les différents niveaux – individus, laboratoires, établissements, universités, pôles et structures diverses, thèmes de recherche –, la concentration de l’évaluation de toute la recherche en une seule et même instance, l’Agence d’évaluation de la recherche, risque d’entraîner des difficultés de fonctionnement.

De nombreuses questions restent en suspens : quelle attitude adopter dans cette chasse aux moyens ? La présence d’experts étrangers permettra-t-elle une certaine objectivité ? Mettre en place des critères transparents et les rendre publics suffira-t-il à résoudre ce problème de sélection ? Quels seront la composition, le mode de désignation des membres et les règles de fonctionnement de cet ensemble d’instances ? Avec quelles instances internationales le Conseil supérieur de l’évaluation sera-t-il amené à traiter, sur un pied d’égalité, s’agissant de l’évaluation des établissements ?

Les EPST ont une longue tradition d’évaluation des équipes et laboratoires avec lesquelles ils ont des relations contractuelles. Les chercheurs appartenant à ces structures sont habitués à être évalués par le Comité national ou ses équivalents, mais pas ceux de l’université. Vouloir à tout prix évaluer en appliquant la même procédure à ceux dont la mission première est de faire de la recherche et à ceux qui doivent se consacrer à la transmission des connaissances tient de la quadrature du cercle. L’évaluation doit être adaptée, pour être reconnue et acceptée.

Dans cet esprit, je citerai cette définition, relayée par une organisation syndicale : « L’évaluation scientifique est l’une des choses les plus difficiles qui soit. Elle ne peut être déconnectée de la notion d’éthique des évaluateurs : devoir de confidentialité, nécessité d’être explicite, limitation des effets de réseaux d’influence. Le caractère non prévisible de la recherche invite à proposer des procédures d’évaluation suffisamment souples, fondées sur la confiance, aptes à repérer l’inattendu, à favoriser son émergence, à préserver toutes les possibilités de sortir des sentiers battus, à échapper aux coteries comme aux attitudes timorées ou de convenance. » Mais avec votre politique, monsieur le ministre, nous serons bien loin de cette définition.

Le dédoublement des structures verticales et horizontales de la recherche va conduire à une complexification forte du système et à la multiplication par deux ou trois du temps perdu par les laboratoires dans l’élaboration des dossiers. Mais cela n’est que la conséquence d’une politique dont le but est d’affaiblir l’élaboration des connaissances au profit d’une recherche purement utilitariste. Cet utilitarisme sera d’abord guidé par les seuls besoins des firmes, au gré du marché, et non par ceux de la société.

Pourtant, les pays qui ne maintiendront pas un outil de recherche d’excellence seront incapables de suivre l’accélération de l’évolution économique associée à la production des connaissances. Plus grave encore, ils deviendront rapidement incapables de former les jeunes générations de manière compétitive. Ils entreront donc dans une dépendance économique difficilement réversible. Voilà l’avenir qui nous attend, et vous en porterez la responsabilité.

Responsable et passionnée, la communauté scientifique française a voulu une loi d’orientation et de programmation de la recherche pour laquelle elle a fait un ensemble de propositions rassemblées dans le rapport des états généraux de la recherche en octobre 2004.

Le Gouvernement a d’abord fait traîner toute une année ce projet de loi, avant de décider une discussion en urgence en décembre 2005 au Sénat, puis de le reporter pour une nouvelle urgence, passage en force du contrat première embauche oblige. Nous ne sommes donc plus à un report près.

Il convient donc, monsieur le ministre, de se remettre au travail et, à la lumière des propositions émanant des chercheurs eux-mêmes, nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Monsieur Dutoit, la commission a consacré beaucoup de temps à ce projet de loi, sans compter le travail que nous avons fait par anticipation, lors des rencontres avec les ministres de la recherche successifs et les chercheurs, avant même que la décision de déposer ce texte ait été prise par le Gouvernement.

Pour rédiger ce rapport, la commission a procédé à soixante auditions. Nous avons rencontré les responsables de toutes les organisations syndicales de chercheurs, des responsables d’universités ou de grandes écoles, d’organismes de recherche privée, de cercles de réflexion oeuvrant pour un lien entre la recherche et l’entreprise, et même trois prix Nobel. Nous avons ensuite établi une synthèse. Puis, nous avons mené une mission à Lyon, notamment avec Mme Comparini et Mme Nathalie Gautier, suivie d’une autre aux États-Unis, à Tucson et Phoenix, en Arizona, et à San Francisco, dont les conclusions figurent dans le rapport. Enfin, nous nous sommes réunis deux fois au titre de l’article 86, deux autres au titre de l’article 88, et, ce soir, nous nous réunirons encore une fois au titre de l’article 91 de notre règlement, car nous avons quelques amendements à examiner.

Au total, nous avons examiné trois cents amendements, ce qui nous a demandé sept heures de débats. Des débats fort intéressants car nous avons eu la chance de bénéficier de l’apport de personnalités venues de la commission des finances, comme M. Claeys, ou de la commission des affaires économiques, comme M. Cohen, ou encore de membres de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Monsieur Dutoit, vous êtes un homme charmant et je ne veux pas être désagréable avec vous : je ne vous dirai donc pas ce que je pense, même si vous le savez très bien. Mais, sur le fond, je tiens à souligner deux choses très importantes.

Premièrement, ce texte va dans le sens d’un rapprochement des organismes de recherche publique et des universités, et même de l’intégration de la recherche publique à l’université, dans le cadre des PRES, dont nous avons longuement parlé. Vous émettez des doutes sur la possibilité d’effectuer une évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Il est vrai qu’elle est difficile, mais elle sera menée à bien dans le cadre de la nouvelle agence, car elle est indispensable pour l’université, où le CNE n’évalue les structures que de façon globale, et pour la recherche, où certains organismes ont des mécanismes propres qui justifient une évaluation spécifique.

Deuxièmement, on ne peut dissocier le progrès des connaissances de l’utilisation qui en est faite, j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Recherche fondamentale et recherche appliquée vont dans le même sens. Je pourrai citer des milliers exemples à ce propos : Pasteur et sa collaboration avec la firme Carlsberg pour la levure de bière, le CNRS et son implication dans les nouveaux carburants, l’alimentation et la défense dans la période particulière de l’après-guerre. N’oublions pas non plus que l’Institut Pasteur ou l’Institut national d’hygiène, à l’origine de l’INSERM, ont été créés dans le but d’une recherche finalisée.

Nous souhaitons donc que la recherche s’intègre dans l’université et que recherche publique et recherche privée s’interpénètrent mieux, sans que la recherche fondamentale devienne dépendante de ses applications. Chose au demeurant impossible, car la recherche privée se nourrit des applications des découvertes de la recherche fondamentale. Les unes sont forcément antérieures aux autres.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Dutoit, j’ai relevé quelques contradictions dans vos propos. Vous nous dites que ce texte a une approche à la fois autoritaire et libérale. Je sais que vous êtes un adepte de la dialectique, mais reconnaissez qu’il y a antinomie dans les termes !

Vous dites aussi que nous faisons dépendre la recherche fondamentale d’intérêts économiques ou industriels. Mais quelles mesures adoptées par le Gouvernement vous permettent d’affirmer cela ? La moitié des projets soutenus par l’Agence nationale de la recherche concernent la recherche fondamentale, et nous répétons que nous devons avoir une recherche fondamentale forte et non conditionnée par la recherche finalisée et les attentes des entreprises.

En réalité, ce genre de faux procès n’a aucun intérêt. Vous niez l’utilité du crédit impôt recherche. Mais comment peut-on souhaiter que la dépense intérieure de recherche et développement atteigne 3 % du budget de la recherche nationale tout en refusant les incitations fiscales permettant aux entreprises de consacrer une part plus importante de leur budget à la recherche ? Il y a, là aussi, une contradiction évidente.

Le crédit impôt recherche financerait, dites-vous, des emplois hors du sol français. C’est faux !

Bref, il y a beaucoup de critiques mal fondées et de procès d’intention dans vos propos. Je conçois que vous ne soyez pas d’accord avec tout ce que nous proposons, mais reconnaissez au moins que ce texte va dans le sens de l’intérêt de la recherche et que nous avons l’objectif commun de développer la recherche. Ne parlez pas au nom de la communauté scientifique et ayez l’honnêteté de dire que telle ou telle déclaration émane de telle organisation ou de tel syndicat.

M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes. Monsieur Dutoit, je considère, comme M. le ministre, que vos propos sont excessifs. Vous critiquez point par point ce texte qui n’est certes pas parfait mais qui est bien accueilli par l’ensemble de la communauté scientifique, à quelques exceptions près.

Vous proposez de limiter l’augmentation du budget de l’ANR. Mais elle en consacre 30 % à la recherche fondamentale, qu’il ne faut surtout pas sacrifier.

Vous proposez également d’augmenter encore le nombre d’emplois statutaires. Or je vous rappelle qu’aucun gouvernement n’en a créé autant.

M. François Brottes et M. Jean-Yves Le Déaut. C’est faux !

M. Pierre Lasbordes. De grâce, ne recommençons pas le débat sur le plan pluriannuel de 2001 ! Relisez les déclarations de M. Schwartzenberg ! Cela vous permettra de vous rafraîchir la mémoire.

Comme l’a souligné Jean-Michel Dubernard, vous opposez sans cesse recherche appliquée et recherche fondamentale. Heureusement, certains ont su transformer la recherche fondamentale en recherche appliquée. J’en veux pour preuve que la plupart des malades atteints d’un cancer sont soignés avec un produit issu de la recherche fondamentale de Pierre Potier, à Gif-sur-Yvette.

Vous dites que l’on ne consacre pas de crédits au développement durable et à l’environnement. C’est faux ! Il suffit de regarder les crédits de l’ANR.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est une priorité !

M. Pierre Lasbordes. Tout à fait !

Vous prétendez que ce projet de loi aurait été inspiré par le MEDEF, Poulety et FutuRIS, où siègent tous les présidents d’organismes de recherche. Or ils n’ont pas tous été nommés par des gouvernements de droite.

Vous dites aussi que les laboratoires ont été tenus à l’écart des pôles de compétitivité. Or il se trouve que les laboratoires de mon département ont été associés aux pôles. Du reste, les gens ont été surpris de voir une effervescence autour de ces pôles.

Vous mettez en doute la compétence des experts étrangers dans l’évaluation. Voilà qui est excessif, car chacun sait qu’il est important d’avoir un regard extérieur pour pouvoir apprécier la compétence, généralement reconnue, de nos chercheurs.

Vous contestez l’homogénéité de l’évaluation. Il est bien évident que les critères employés ne seront pas les mêmes pour un chercheur fondamental en sciences humaines et sociales et un chercheur fondamental en sciences de la vie.

Monsieur Dutoit, vous avez essayé de faire un procès d’intention, mais je ne suis pas sûr que vous croyiez tout ce que vous avez dit.

En tout état de cause, le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Voilà deux ans que nous attendions ce texte, deux ans que le cri de colère des chercheurs du collectif « Sauvons la recherche », soutenu par les populations, a fait prendre conscience à la classe politique que la recherche devait devenir une priorité.

L’année 2004 a été assez productive puisqu’elle a vu, après un débat qui a d’ailleurs dépassé largement la communauté scientifique, les états généraux de Grenoble, en novembre, qui ont permis d’établir un socle de propositions commun à l’ensemble de ceux qui avaient participé à cette réflexion.

Or, depuis novembre 2004, nous attendons. Des brouillons de loi sont apparus et il y a eu des pseudo-dialogues, les personnes rassemblées autour de la table ayant l’impression de ne pas être entendues.

Nous souhaitons le renvoi de ce texte en commission, d’abord en raison d’un décalage entre ce que propose le Gouvernement et ce qui a été amorcé en commission. Nous avons le sentiment que le Gouvernement n’a pas bien travaillé sur ce projet de loi et que les parlementaires pourraient l’affiner et l’améliorer, comme l’a fait le Sénat en introduisant dans le texte un véritable plan de financement jusqu’en 2010.

Nous émettons des inquiétudes sur la recherche pilotée. Loin de nous l’idée d’affirmer que la recherche sera nécessairement finalisée parce qu’elle est pilotée, mais il est clair que la recherche fondamentale sera cantonnée dans des domaines définis par l’Agence, donc par le Gouvernement.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais non ! Et les programmes blancs ?

M. Pierre Cohen. Si ! Il y a un lien direct entre le Gouvernement et l’Agence, contrairement à ce qui existe dans le monde universitaire par exemple, où toutes les structures sont démocratiques.

Il est donc important de fixer une limite en ce qui concerne le financement de l’Agence, tant pour la recherche fondamentale finalisée que pour l’augmentation du savoir. C’est un vrai débat et nous essaierons d’aller jusqu’au bout.

En ce qui concerne l’évaluation des équipes, la commission souhaite, contrairement à ce que prévoit le texte, la maintenir dans les organismes.

Quant aux PRES, les dispositions qui les concernent montrent bien que vous avez en tête ces fameux campus de pôles d’excellence.

Que dire des doctorants, de l’Europe ? Ce que la délégation aux affaires européennes a demandé ne se retrouve ni dans la loi ni dans l’action du Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, nous estimons qu’il faut renvoyer ce texte en commission.

Mme la présidente. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Les motions de procédure ont une fonction très claire, quelque peu détournée de leur objectif initial : permettre à la minorité d’exprimer ses critiques, et c’est son droit le plus absolu, à l’endroit d’un texte que je considère personnellement comme insuffisant.

Voilà dix-huit mois que nous attendions ce projet de loi, et le Président de la République en a fait une priorité nationale. Les choses se sont déroulées à un rythme sans doute plus lent que ce que nous avions souhaité.

Monsieur Dutoit, on peut toujours souhaiter que le renvoi en commission soit l’occasion d’approfondir, d’améliorer, d’éclairer plus encore un texte en préparation. Mais le but ultime reste tout de même la séance plénière. Vous aurez donc tout loisir de défendre autant d’amendements que vous souhaitez.

Je crois surtout que la recherche transcende complètement les notions de droite et de gauche. La recherche requiert un effort de la nation tout entière et de tous ses acteurs, qu’ils soient publics ou privés. Il est donc légitime que le Parlement se saisisse du sujet et fixe à la communauté scientifique un cadre de référence, sans attenter pour autant à la liberté et à l’indépendance des chercheurs. Mais il nous appartient de fixer des priorités. C’est précisément sur ce point que je considère que le projet gouvernemental est faible.

Hier, j’ai entendu dire que son principal mérite était de mettre en place un dispositif nouveau. « À défi nouveau, structures nouvelles», a affirmé le ministre. Je ne suis pourtant pas pleinement convaincu que le problème de la recherche soit d’abord une question de structures. Je préférerais pour ma part une logique de projets. C’est souvent un signe de défaite de la pensée de raisonner en termes de structures, comme nous le faisons régulièrement avec la politique de la table rase qui consiste à défaire ce qui a été patiemment construit par les prédécesseurs. Personne ne sait l’usage qui sera fait des structures que nous créons. Laissons ces structures évoluer. Dans quelques années, nous pourrons alors porter un jugement.

Enfin, j’ai beaucoup de respect pour le collectif « Sauvons la recherche », qui a eu l’immense mérite de mettre l’accent sur les retards que la France a accumulés, et pas seulement depuis 2002. Mais la recherche, ce n’est pas l’addition des revendications de la totalité des syndicats de chercheurs. Là encore, il y a une hiérarchie dans les priorités entre les grands objectifs que la représentation nationale doit se fixer, l’application et la mise en œuvre qui résultent de l’action gouvernementale et l’indépendance que les chercheurs doivent avoir dans l’exécution de leurs travaux, qu’ils soient personnels ou collectifs.

Voilà pourquoi je ne crois pas que le renvoi de ce texte en commission permettrait de l’améliorer substantiellement. D’ailleurs, le croyez-vous vous-même, monsieur Dutoit ? Il est temps d’en venir à la discussion des articles.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l’amendement n° 195.

M. Pierre Albertini. Je souhaite ajouter, avant l’article 1er du projet de loi, un article d’intention ainsi rédigé : « La recherche est d’intérêt public. La République française contribue à son développement sous toutes ses formes, fondamentale, sociétale et économique. Elle affirme le lien essentiel entre la recherche et la formation. »

Nous l’avons déjà dit hier, le progrès des connaissances ne se partage pas et il est bon de préciser que la recherche mérite d’être valorisée sous toutes ses formes, car elle est la clé de l’adaptation des sociétés aux défis de leur temps.

M. Birraux nous a dit qu’il fallait reconnaître le primat de la recherche fondamentale. Même si je ne suis pas sûr que le terme convienne tout à fait, personne ne discute le fond. Mais la recherche économique et sociétale est tout aussi importante.

La recherche en sciences sociales est probablement l’un des points faibles de la recherche française aujourd’hui. On a souligné à juste titre l’importance des sciences du vivant – du travail sur les maladies émergentes, les technologies de l’information, sur les nanotechnologies –, mais il faut aussi faire des recherches sur le fonctionnement même de la société. Faut-il investir à ce point dans le cerveau humain tout en ignorant la façon dont la société fonctionne ? La recherche en sciences humaines et sociales est aussi de grande valeur et elle a besoin d’être encouragée. Tel est l’objet de mon amendement. Quant au lien entre la recherche et la formation, il n’est plus à prouver.

Vous allez m’objecter, je le sais, que l’article que je propose a un caractère déclaratif puisqu’il affirme un principe. L’argument vaudrait, monsieur le président et rapporteur de notre commission, si d’autres dispositions du projet de loi n’encouraient pas le même reproche.

Ainsi, les dispositions adoptées par le Sénat prévoient que « le Haut conseil de la science et de la technologie est chargé d’éclairer le Président de la République et le Gouvernement sur toutes les questions relatives aux grandes orientations de la nation en matière de politique de recherche et d’innovation ». Je ne sache pas que le texte apporte grand-chose à l’ordonnancement juridique, pas plus en tout cas qu’un article qui précise que les recherches fondamentale, économique et sociétale sont aussi importantes les unes que les autres.

Je me limiterai, pour ne pas vous accabler, à un second exemple des défauts dont vous me faites honte...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Pas pour l’instant !

M. Pierre Albertini. La lecture du rapport m’a suffi, à moins que vous n’ayez changé d’opinion depuis, ce qui me surprendrait de votre part, monsieur le président !

L’article 2B précise que la politique de développement « tend notamment à créer dans les pays en voie de développement des centres d’excellence visant à renforcer leurs communautés scientifiques et à contribuer à leur développement durable. » Je me demande encore de quoi il retourne, s’agissant de la coopération scientifique entre la France et les pays en voie de développement.

L’article additionnel que je vous propose, avec mes collègues, a au moins le mérite d’affirmer que la recherche sous toutes ses formes est d’intérêt public. Ce serait normal qu’une telle déclaration de principe figure dans un texte qui consacre de moyens supplémentaires, bien qu’encore insuffisants à mes yeux, à la recherche. Ce serait un signe en direction de la communauté scientifique et de la nation tout entière.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 195.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, monsieur Albertini. Je n’ai pas changé d’opinion, pour une raison simple. Nous sommes tous d’accord que votre amendement a du sens, mais il est purement déclaratif. Il ne comporte en effet aucun élément normatif, à la différence des citations que vous avez faites et qui définissent, dans le premier cas, une mission et, dans le second, ce qui pourrait être une ébauche de mission.

Enfin, vous connaissez comme moi l’attachement du président de l’Assemblée nationale et de l’ensemble des députés à voter des textes qui soient les plus simples possible. Ne surchargeons pas la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 195.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je partage l’opinion du président Dubernard. Bien sûr, personne n’est hostile à votre amendement, monsieur Albertini, mais nous sommes désormais plus attentifs au caractère réellement normatif des dispositions que nous proposons à l’Assemblée d’adopter.

Dans le code de la recherche, qui reprend des textes plus anciens, il existe des déclarations du même ordre avec lesquelles nous sommes d’accord. Mais, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des déclarations émanant de certaines autorités de l’État, il nous semble préférable de nous en tenir à des dispositions normatives. C’est la raison pour laquelle je suis, hélas ! défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je soutiens cet amendement, contrairement à la commission et au Gouvernement. L’article L. 111-1 définit les grandes missions de la recherche : « La politique de la recherche et du développement technologique vise à l’accroissement des connaissances, à la valorisation des résultats de la recherche, à la diffusion de l’information scientifique et technique et à la promotion du français comme langue scientifique. », objectif qu’on a d’ailleurs tendance à oublier. Un amendement qui déclare que « la recherche est d’intérêt public » est important car cette affirmation a servi de base à nos débats depuis hier.

En effet, si l’on veut assurer le continuum entre recherche, enseignement supérieur et développement économique, il faut une recherche fondamentale forte. Alors, rappeler dans une loi de programme pour la recherche qu’elle « est d’intérêt public », que « la République contribue à son développement sous toutes ses formes » et affirmer « le lien essentiel entre la recherche et la formation », c’est une bonne chose, d’autant que rien de tel n’est prévu actuellement dans le code de la recherche.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. En présentant son amendement, M. Albertini s’excusait presque...

M. Pierre Albertini. Mais non.

M. Alain Claeys. Il n’aurait pas dû, parce que son amendement, quelle que soit son issue, a le mérite de poser trois problèmes importants.

Premièrement, Jean-Yves Le Déaut vient de le rappeler, il réaffirme le lien essentiel entre la recherche et la formation. Or, hier, une de nos critiques portait notamment sur ce point. C’est si vrai que le Sénat a éprouvé le besoin d’adopter un amendement pour compléter l’énoncé du chapitre, intitulé désormais « L’évaluation des activités de recherche et d’enseignement supérieur ». Beaucoup de nos remarques tendaient à insister sur le fait que la recherche et l’enseignement supérieur étaient indissociables. L’affirmer au début du texte nous paraît donc extrêmement important.

Deuxièmement, M. Albertini a eu tout à fait raison de souligner que, devant toute une série de problèmes scientifiques, la tentation est forte, et pas seulement en France, monsieur le ministre, de les traiter verticalement, les uns à côté des autres. Ont ainsi été créées plusieurs structures du type Institut national du cancer. Or la démarche scientifique nécessite au contraire de plus en plus de transversalité. Il ne faudrait pas que la transversalité soit remise en cause par des appels d’offres trop précis de la part de l’ANR.

Troisièmement, la recherche sociétale est essentielle, alors que les universitaires craignent que, demain, elle ne soit négligée. Arrêtons une bonne fois pour toutes d’opposer recherche fondamentale et recherche appliquée, puisque nous sommes d’accord.

Un dernier mot à votre intention, monsieur Albertini. Vous n’aimez pas parler des structures, moi non plus. Mais, bien souvent, elles dissimulent une politique. Et plus les premières sont claires, plus les secondes sont lisibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Il s’agit pourtant, monsieur le président de la commission, d’un amendement sur lequel nous aurions pu tous nous retrouver. J’entends bien votre argument sur son caractère déclaratif, mais, pour une fois, nous aurions pu faire une déclaration de principe sur le rôle de la recherche. Compte tenu des arguments que j’ai exposés dans ma motion de renvoi en commission, vous comprendrez que je sois très sensible à l’intention de M. Albertini de préciser que la recherche est d’intérêt public. Tous les aspects de la recherche méritent d’être développés car il faut faire progresser la connaissance, y compris dans les sciences humaines et sociales. Des exemples récents nous prouvent à quel point la connaissance de l’évolution de la société est indispensable pour mieux avancer tous ensemble, je pense en particulier à la loi sur l’état d’urgence que vous avez votée et qui n’avait aucune raison d’être.

L’amendement est certes déclaratif, mais le Parlement s’honorerait de prendre des positions de principe et de se prononcer sur des valeurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Si j’avais trouvé dans le code de la recherche l’affirmation des principes dont nous venons de parler, je n’aurais pas déposé cet amendement. C’est bien parce que je voulais affirmer un principe plus large, plus fort et plus important que j’ai proposé l’amendement n° 195.

Quant au lien entre enseignement, formation et recherche, c’est le fondement même de l’enseignement supérieur. Qu’est-ce qui, dans notre pays, distingue l’enseignement supérieur, sinon que les enseignants sont tous des chercheurs ? D’ailleurs je le suis encore, même si ma disponibilité est aujourd’hui beaucoup plus réduite. Il me semble nécessaire de réaffirmer la force du lien entre la formation et la recherche.

En outre, mon amendement, en reconnaissant la recherche d’intérêt public, justifie les interventions des collectivités territoriales dans ce domaine. Vous savez que le fondement juridique de l’action des départements, des communes, des structures intercommunales et des régions est fragile. Au moins cet amendement reconnaît-il qu’elle est légitime.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques, nos 322 à 328.

L’amendement n° 322 est défendu.

La parole est à M. Alain Gouriou, pour soutenir l’amendement n° 323.

M. Alain Gouriou. Ces amendements, tous proposés par le groupe socialiste, visent, avant l’article premier, à insérer l’article suivant : « Le taux d’évolution du budget de l’agence nationale de la recherche ne peut être supérieur à celui de la mission interministérielle “recherche et enseignement supérieur”. »

Dans son tableau prospectif annexé, le projet de loi fait état d’une évolution gravement déséquilibrée entre les budgets alloués à la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » et l’agence de financement sur projets.

Cette disjonction frappante marque une volonté du Gouvernement de privilégier un financement de la recherche sur projets, au détriment des structures et de la recherche de longue haleine.

Une telle dérive risque de conduire à l’abandon de pans entiers de la recherche, ce qui pose notamment le problème du renouvellement des chercheurs dans ces domaines. On sait par exemple que la France commence à souffrir d’un manque d’expertise sur les pays étrangers. Dans quelle mesure cette expertise pourrait-elle être renouvelée et approfondie si les projets dans ce domaine ne trouvaient pas de financement auprès de l’agence nationale de la recherche ?

Dès lors – et tel est l’objet de cet amendement –, il apparaît essentiel de sauvegarder un équilibre dans le financement de la recherche.

Car, je le répète, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, aujourd’hui, en France, des pans entiers de la recherche ne sont plus suffisamment soutenus, notamment les nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui souffrent, depuis plusieurs années, d’un désengagement des pouvoirs publics. Pendant très longtemps, nous avons eu des centres nationaux de recherche sur les communications et les télécommunications : ils ont aujourd’hui disparu et l’essentiel de l’effort de recherche en la matière est désormais assuré par l’établissement France Télécom Recherche et Développement. Certes, l’effort mené dans ce cadre est loin d’être négligeable, il est même important, mais force est de constater qu’en matière de recherche publique, le seul organisme restant, le RNRT – Réseau national de recherche en télécommunications – dispose de moyens dérisoires par rapport aux besoins.

Aussi ne faut-il pas s’étonner que nous ne soyons plus en mesure d’affronter la concurrence des industries étrangères. Il en est ainsi du matériel informatique ou de télécommunications, domaine dans lequel nous brillons, malheureusement, par notre absence, en dépit de quelques glorieuses exceptions.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, nous nous félicitons de l’idée de synergie entre secteurs de recherche publics et privés, entre petites et grandes entreprises et État. Mais force est de reconnaître encore que les crédits consacrés à l’effort de recherche par le ministère et les organismes de recherche confondus s’élèvent, si ma mémoire est bonne, à 1,2 milliard d’euros. Cette somme n’est pas négligeable mais, divisée par le nombre de pôles de compétitivité, et même si l’on tient compte du fait qu’ils n’ont pas tous la même importance, elle se révélera insuffisante pour satisfaire leurs besoins. Vous les connaissez, monsieur le ministre, puisque vous nous avez fait l’honneur de venir inaugurer l’un de ces pôles en Bretagne. Vous avez pu constater la motivation et la qualité des chercheurs qui travaillent dans des domaines extrêmement pointus en matière de laser, de fibres optiques ou d’amplificateurs. Les crédits leur feront cruellement défaut.

Par ailleurs, dois-je vous rappeler, monsieur le rapporteur, que l’ambassadeur de Chine en France, il y a quelques mois, regrettait ouvertement, devant une délégation du groupe d’amitié France-Chine, que les échanges universitaires entre nos deux pays ne soient en rien comparables à ceux qui ont lieu entre la Chine et deux de nos deux voisins, l’Allemagne et le Royaume-Uni ? Là aussi, l’effort consenti n’est pas le même.

La discussion des amendements nous permettra enfin de revenir sur l’absence de définition précise de passerelles entre les différentes universités de l’Union européenne. Il nous paraît aujourd’hui indispensable d’insister sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l’amendement n° 324.

M. Pierre Cohen. Ces amendements concernent une question capitale que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer au cours de la discussion générale : elle a trait au rôle de l’agence nationale de la recherche.

Aux états généraux de la recherche, la création d’une agence qui permette de conforter la politique, entreprise par Claude Allègre, tendant à améliorer la visibilité de l’utilisation des fonds, nous a paru aller dans le bon sens. C’est pourquoi, il n’est pas question pour nous de remettre en cause l’existence de l’Agence. Mais le tableau de prévision budgétaire, qui va jusqu’en 2010, ne laisse pas de nous inquiéter. Cette question se situant au cœur du débat, nous espérons que M. le ministre y répondra.

Il est en effet prévu que le budget de l’Agence s’élèvera en 2010 à 1,5 milliard d’euros.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Pas tout à fait.

M. Pierre Cohen. Je ne fais que citer les chiffres du tableau.

Or le budget du CNRS et celui de tous les organismes des universités, hors salaires…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Pourquoi regarder hors salaires ?

M. Pierre Cohen. La question, monsieur le ministre, n’est pas de savoir ce que pèsera l’Agence par rapport aux organismes de recherche, mais de savoir ce que deviendra leur capacité à financer des projets. Notre crainte est que le budget de l’université et des organismes de recherche, en 2010, ne soit essentiellement consacré à payer les salaires et le fonctionnement des locaux et des laboratoires et qu’il ne reste, pour assurer le pilotage de la recherche, que l’Agence. Une réponse devra être apportée à cette question au cours du débat parlementaire.

L’équilibre nous semble avoir été atteint cette année mais cela ne saurait nous rassurer quant à l’avenir puisque le tableau pour les cinq prochaines années favorise de façon disproportionnée l’Agence, et ce avant même qu’il soit tenu compte des risques de dérive. Il nous faut donc des garanties et le débat devra nous permettre de réfléchir aux moyens d’éviter que l’Agence ne finance bientôt plus que des projets, relevant certes de la recherche fondamentale, mais appartenant uniquement à des domaines définis par le Gouvernement comme autant de « systèmes émergents ». Il convient de laisser la possibilité aux organismes de recherche d’augmenter nos connaissances dans tous les domaines.

Ces amendements visent à pérenniser jusqu’en 2010 l’équilibre actuel, qui nous semble satisfaisant. C’est pourquoi il prévoit que le taux d’évolution du budget de l’agence nationale de la recherche ne peut être supérieur à celui de l’ensemble des organismes et des universités. Cette mesure nous semble déterminante pour l’avenir de la recherche.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Claeys, pour soutenir l’amendement n° 325.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, si nous voulons éviter des discussions sans fin, et ce que vous appelez à tort des procès d’intention,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous aimerions !

M. Alain Claeys. …il vous faudrait éclairer la représentation nationale sur l’évolution respective des crédits alloués à l’Agence et à la mission interministérielle.

C’est un sujet central. Telle est d’ailleurs la question que nous ont posée à plusieurs reprises les chercheurs que nous avons, les uns et les autres, rencontrés hier. En effet, quelles que soient les structures existantes ou les déclarations d’intention, vous le savez très bien, ce sont les flux financiers qui détermineront demain l’organisation de notre recherche.

Ces amendements visent donc à vous demander de façon précise si vous prenez l’engagement que les crédits attribués aux organismes de recherche évolueront dans les mêmes proportions que les crédits attribués à l’agence nationale de la recherche.

Si, en début d’examen du texte, nous ne recevons pas de réponse à une question aussi cruciale, alors nos débats souffriront jusqu’à leur terme de la plus totale ambiguïté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 326.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’article L. 111-6 du code de la recherche prescrit actuellement que « les choix en matière de programmation et d’orientation des actions de recherche sont arrêtés après une concertation étroite avec la communauté scientifique ».

Or, je tiens à vous rappeler la lettre que vous avez reçue, monsieur le ministre, et qui est signée de Mme Jacqueline Heinen, présidente de la conférence permanente du conseil national des universités, de M. Yves Langevin, président de la conférence des présidents du comité national du CNRS, de M. Yannick Vallée, premier vice-président de la conférence des présidents d’université et de MM. Henri Audier, Alain Trautmann, Francis-André Wollman et Georges Debrégeas, qui sont membres de « Sauvons la recherche » : « Il faut libérer les énergies et les initiatives dans les laboratoires : ceux-ci doivent disposer d’une vision à moyen terme (quadriennal) de leur budget. Dans ce cadre, il est important que la croissance des moyens des organismes de recherche et des universités d’une part et de l’ANR d’autre part soit équilibrée, ce qui n’est pas le cas dans le projet actuel. »

En effet, lorsqu’on regarde le tableau annexé, on constate que les moyens des laboratoires suivront l’inflation, ce qui sera insuffisant compte tenu des créations de postes envisagées – certains de nos collègues de la majorité s’en sont déjà félicités –, et que la seule augmentation véritable des crédits concerne l’ANR et les divers avantages fiscaux. Comment voulez-vous, dans ces conditions, développer la recherche fondamentale ? C’est la raison pour laquelle Alain Claeys, Pierre Cohen, Alain Gouriou et moi-même avons déposé ces amendements et que nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point. En l’absence de toute augmentation réelle des moyens basiques, comment développer nos universités, voire simplement soigner leur misère, libérer du temps pour permettre aux jeunes maîtres de conférence de commencer leur enseignement dans de bonnes conditions ou traiter les problèmes spécifiques concernant les jeunes chercheurs ? Telle est la question que nous vous posons : de la réponse que vous y apporterez dépendra évidemment notre vote sur le projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir les amendements nos 327 et 328.

M. François Brottes. Jean-Yves Le Déaut vient de le rappeler : l’absence de toute augmentation des moyens de base conduira à un étouffement et ce sera, à plus ou moins long terme, l’extinction de la recherche.

Je recourrai à une image peut-être maladroite, mais qui a l’avantage d’aller au cœur de la question. Si, demain, on décide de ne financer que les manuels scolaires et qu’on ne consacre plus de crédits à l’enseignement de la lecture, pourquoi continuer à écrire des livres – qui sont autant de projets – puisque plus personne ne pourra les lire ? Si notre pays n’accepte plus de dégager des moyens significatifs et performants pour l’acquisition permanente de la connaissance dans l’ensemble des disciplines, notamment en leur accordant un taux de progression supérieur à celui de l’inflation – sinon, je le répète, c’est l’étouffement qui guette –, alors, tout projet de qualité deviendra impossible.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C’est hors sujet !

M. François Brottes. Il ne faut pas se méprendre : cette différence majeure entre l’augmentation des moyens consacrés à la MIRES et celle des moyens accordés aux agences de financement sur projets peut être extrêmement dangereuse. Il ne s’agit pas de nous opposer au financement des projets : c’est un élément indispensable favorisant l’interdisciplinarité, la transversalité, et permettant des bonds de la connaissance dans différents domaines. Toutefois, si, à la base, les organismes de recherche qui travaillent discipline par discipline, champ d’investigation par champ d’investigation, manquent de moyens et sont en permanence obligés d’aller faire la quête aux projets, aux contrats, dans le but d’essayer simplement de fonctionner, de payer l’électricité et les loyers,…

M. Frédéric Dutoit. Eh oui !

M. François Brottes. …comment voulez-vous qu’on parvienne à obtenir des projets dont la qualité soit à la hauteur ?

Or le tableau présenté en annexe du projet de loi laisse craindre une dérive, les efforts consentis pour chacune des deux approches – pourtant complémentaires – n’ayant rien de comparable. Selon nous, il faut éviter une telle divergence.

Au moment où le débat s’engage, il nous paraît donc important, monsieur le ministre, que vous nous assuriez de votre volonté de maintenir les moyens de l’ensemble de la recherche française, afin qu’elle soit capable de répondre à vos appels à projets dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je souhaite revenir au thème de la discussion dans la mesure où il me semble que l’on s’en est un peu éloigné à certains moments (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe socialiste), sauf peut-être lorsque M. Claeys a parlé de procès d’intention.

M. Alain Claeys. C’était justement pour éviter les procès d’intention !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Certes, mais comment pourrions-nous vous donner des projections dans l’avenir plus précises alors que les échéances électorales qui se tiendront dans un an et demi peuvent changer bien des choses ?

M. Alain Claeys. La fameuse « France d’après » ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ce sera, de toute façon, « après »…

Je souhaite vous rappeler deux chiffres. Actuellement, et pour faire référence à votre amendement, monsieur Claeys, le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » se situe à 12 milliards d’euros. Or, cette année, 800 millions d’euros seulement, si j’ose dire, seront destinés à l’Agence. On peut dire ce que l’on veut, la différence entre les deux chiffres me paraît significative.

Ensuite, il faut savoir que 30 % des crédits de l’Agence ont été affectés au CNRS et ont ainsi contribué à donner un nouveau souffle aux organismes de recherche. Sans oublier le système du « préciput » qui, si vous votez l’amendement qui l’institue – je crois d’ailleurs qu’il a été adopté à l’unanimité en commission –, permettra aux organismes de se voir reverser une petite partie des financements acquis sur les projets.

Enfin, il faut admettre qu’il reste difficile de comparer les budgets de structures établies depuis de nombreuses années avec celui d’une structure naissante, en train de prendre sa place dans le milieu de la recherche – avec un succès impressionnant si l’on se réfère au nombre de projets soumis à l’Agence et, parmi eux, de projets passionnants dans toutes les disciplines.

La commission a donc repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est indispensable, au début de l’examen des articles et des amendements, de bien situer les données chiffrées.

Comme le président Dubernard l’a rappelé, les crédits de la MIRES consacrés à la recherche, à savoir l’ancien BCRD, ajoutés aux crédits de la recherche universitaire, nous donnent pour l’année 2006, en chiffres ronds, la somme de 12 milliards d’euros, dont 8,5 milliards de charges de personnel. Ces données montrent bien quel est le budget à la disposition des organismes de recherche, budget qui augmente de quelque 3 % pour chacun.

Rapportés à ces 12 milliards d’euros ou, plus exactement, aux 3,5 milliards d’euros de dépenses hors personnel, les crédits d’engagement de l’Agence nationale de la recherche, qui atteignaient 700 millions d’euros en 2005, s’élèveront à 800 millions d’euros en 2006 et à 1,3 milliard à la fin de la période de programmation.

Ces montants restent donc très faibles par rapport au budget d’ensemble de la recherche en France. Et c’est bien là notre projet, fondé sur un souci d’équilibre. Il s’agit de disposer d’organismes financés normalement, dont les dotations progressent et, en supplément, avec les appels à projets, de ressources nouvelles intéressant des équipes occupées de recherche fondamentale autant que de recherche finalisée, et qui concernent à hauteur de 30 % des programmes en blanc, dont l’initiative est laissée aux équipes.

Pour aller plus loin, partant de l’idée qu’il n’y a pas d’équipe « en l’air », c’est-à-dire d’équipe qui ne soit pas soutenue par un organisme et qui n’ait pas besoin de la générosité de cet organisme, j’ai personnellement demandé, l’année dernière, reprenant d’ailleurs une idée du président Dubernard, qu’une part de chaque financement de projet, que nous appelons « préciput », soit attribuée au budget général de l’organisme auquel l’équipe attributaire du projet appartient. Voilà qui répond à notre souci d’équilibre, à notre souci d’équité entre les équipes qui remportent des succès dans les appels à projets, et celles qui en sont privées mais qui profiteront du succès des autres au sein du même organisme.

On peut certes épiloguer à l’infini sur le sujet, mais nous pensons avoir conjugué la sérénité et la pérennité nécessaires à la recherche. En outre, cette stimulation par les appels à projets – qui existe dans tous les grands pays de recherche –, est reconnue, qu’on le veuille ou non, par la communauté scientifique. Qu’un dirigeant d’organisme préfère avoir son propre budget, ne pas recourir à des appels à projets, on peut le comprendre, c’est humain, mais il est nécessaire de pouvoir disposer de cette stimulation qui, je le répète, existe partout. Et quand on évoque la dimension européenne, on ne doit pas oublier que l’Europe fonctionne largement par appels à projets. Pourquoi donc ne pas habituer nos équipes de recherche à y répondre ? Du reste, elles y sont accoutumées quand elles sollicitent des financements européens.

Voilà ce dont nous parlons et voilà la réalité des données financières de ce projet. J’espère, mesdames et messieurs les députés, vous avoir convaincus que cette façon d’agir est équilibrée, ouverte, et qu’elle permet à la fois la continuité et l’émulation des équipes.

J’ajoute qu’à notre étonnement, certains d’entre vous, sur les bancs de gauche, se sont référés à ce que je n’appellerai pas le modèle américain.

M. Pierre Cohen. Mais non !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Sachez que certains pays, en matière de remise en cause des financements permanents, se montrent infiniment plus sévères que la France et font dépendre l’existence même des équipes de recherche de leur réussite aux appels à projets. Ce n’est pas notre cas : nous avons une autre vision de la recherche, une vision – j’y insiste – vraiment équilibrée, si bien que vos critiques ne me paraissent guère pertinentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, ou bien nous menons une discussion de bonne foi et essayons de traiter ensemble de nos divergences et convergences pour amorcer un débat constructif, ou bien nous commençons par des attaques du même genre que celle que vous venez de porter. Je sais à quoi vous faites allusion puisque, hier, François Hollande a pris pour référence les États-Unis – d’autres pays aussi d’ailleurs - à propos de la part de la recherche dans le budget national. Mais jamais il n’a cité le modèle américain en exemple !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Pierre Cohen. Si, monsieur le ministre ! Vous parlez de « référence » en donnant l’impression que François Hollande a érigé les États-Unis en modèle à suivre. Il s’agit simplement de dire que si nous arrivions à nous hisser au même niveau que les Américains, les Indiens et les Chinois en termes de progression annuelle du budget de la recherche, nous n’en serions pas réduits à débattre de la répartition des crédits.

M. Alain Gouriou. Très bien !

M. Pierre Cohen. Il est important que nous soyons d’accord sur les chiffres, sans quoi nous allons avoir des dialogues de sourds, sans même l’aide de la langue des signes ! Vous avez parlé de 12 milliards d’euros pour l’ensemble de la recherche dans le cadre de la MIRES.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous en sommes à plus de 20 milliards d’euros pour l’ensemble de la recherche plus la recherche universitaire !

M. Pierre Cohen. Je reprends ce que vous avez dit, à savoir que la part recherche des organismes et de l’enseignement supérieur s’élève à 12 milliards d’euros, dont 8,5 milliards pour les salaires. Il reste donc 3,5 milliards. Or il faut savoir que, sur ces 3,5 milliards (M. Dubernard soupire), les organismes, les laboratoires, doivent financer les coûts de fonctionnement – chauffage, loyers – qui représentent au moins un quart du total. On se retrouve donc avec environ 2,5 milliards d’euros pour la recherche proprement dite ; encore ne suis-je pas sûr du chiffre, mais on peut, « à la louche », avancer ce montant.

Aujourd’hui, en 2006, l’équilibre nous semble bon entre les 630 millions d’euros de l’Agence et les quelque 2,5 milliards d’euros destinés aux laboratoires de recherche. Aussi nos amendements ne remettent-ils pas en cause la réalité présente mais votre plan de financement pour les cinq années à venir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C’est nul !

M. Pierre Cohen. En effet, si l’on compare l’évolution des budgets qui devraient être alloués à la MIRES et à l’Agence, sans compter les avantages fiscaux dont cette dernière devrait bénéficier, on constate un déséquilibre complet.

M. Dubernard affirme être pour la liberté de la recherche. Mais si, en 2010, les crédits de la MIRES ne couvrent que les charges courantes des laboratoires et des universités et les charges de personnel, tandis que l’argent frais pour piloter la recherche ne profite qu’à l’Agence, alors, d’une part, c’en sera fini de la liberté de la recherche et, d’autre part, on sera confronté à un déséquilibre ruineux.

Je ne donnerai qu’un chiffre : savez-vous à combien s’élève le budget du CNRS ? Selon le site de cet organisme, il est d’environ 2 milliards d’euros hors taxes, à raison de 1,5 milliard consacrés aux salaires et à peine 500 millions aux contrats. Ainsi, l’Agence dispose déjà de largement plus de fonds que le CNRS pour les financements contractuels !

Mme la présidente. Monsieur Cohen, veuillez conclure.

M. Pierre Cohen. On constate donc un déséquilibre extrêmement dangereux pour l’avenir et nous souhaitons des réponses précises plutôt que des attaques mesquines.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour une brève intervention.

M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la présidente, nous ne souhaitons pas prolonger inutilement le débat et nous ne nous sommes d’ailleurs pas inscrits sur les articles. Toutefois, des points importants restent à éclaircir.

D’abord, l’observation du tableau figurant en annexe du projet de loi nous conduit à souhaiter une évolution équilibrée entre les crédits alloués à la MIRES et ceux accordés à l’Agence. Ainsi, une fois l’Agence créée et ses crédits stabilisés, ces derniers ne doivent pas augmenter plus vite que ceux de la MIRES à moins de prendre le risque de voir mourir les laboratoires et fermer certaines universités. Et vous en aurez le pouvoir puisqu’il vous suffira de baisser ou de faire stagner pendant dix ans les crédits de la MIRES tout en augmentant ceux de l’Agence.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est un procès d’intention !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ensuite, je note que vous venez d’avouer ce que vous aviez tu pendant la discussion budgétaire. M. le rapporteur et M. le ministre viennent de dire en effet que les crédits de la recherche, y compris ceux de la recherche universitaire, sont de 12 milliards d’euros, chiffre qui était difficile à trouver dans la présentation LOLF. Or, si l’on rapporte ces 12 milliards d’euros aux 1 700 milliards du PIB, nous obtenons hélas le même chiffre que « Sauvons la recherche » : 0,7 % seulement du PIB est consacré à la recherche publique.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais ce n’est pas tout le financement de la recherche !

M. Jean-Yves Le Déaut. Où est le reste ? On est loin du 1,1 % indiqué dans le rapport ! Les autres crédits sont des crédits de l’enseignement supérieur et des universités.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Vous nous faites un procès d’intention ! Et vous donnez une belle image de l’Assemblée !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’en sommes, en réalité, qu’à 0,7 % d’effort public en matière de recherche et développement, vous venez de le reconnaître en citant ces chiffres. Ce n’est pas assez ! Nous ne sommes pas contre la recherche privée ; elle doit se développer. Mais pour qu’une recherche privée se développe, il faut qu’un effort substantiel soit consenti pour la recherche publique fondamentale, cela a été souligné par d’autres groupes que le nôtre : le groupe communiste et l’UDF.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 322 à 328.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 1er et annexe

Mme la présidente. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Christian Blanc.

M. Christian Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier article du projet de loi sur la recherche qui est soumis à notre assemblée est consacré à l’augmentation des moyens. Voilà une bien étrange méthode ! Chacun trouverait curieux de payer les factures d’une entreprise du bâtiment avant d’avoir vu les plans de l’architecte. Pourquoi en irait-il différemment pour l’organisation de la recherche ?

En réalité, la primauté accordée par le projet de loi à la question des moyens masque une insuffisance : la réflexion sur l’architecture du système académique n’est pas seulement repoussée après le débat sur les moyens, elle est largement oubliée. Le projet de loi empile les structures nouvelles pour ne pas avoir à réformer les structures existantes. Il en résulte une complexité qui rend le plan d’ensemble laborieux, voire illisible, et donc difficilement applicable.

Ce projet aurait éventuellement été acceptable il y a une quinzaine d’années pour améliorer progressivement un système que l’on jugeait, alors, globalement efficace. Mais il ne l’est pas aujourd’hui, mes chers collègues ! Car nous sommes désormais dans un monde en pleine accélération. D’autres pays, qui étaient aussi immobiles que nous, comme le Japon, ont su, il y a cinq ou six ans, procéder à des modifications radicales, avec le succès que l’on sait.

Qui parmi nous avait entendu parler d’internet ou utilisait un téléphone portable il y a quinze ans ? Nous sommes à un moment où les choses se transforment à toute vitesse, et on ne saurait imaginer maintenant notre vie quotidienne sans portable ni minitel.

M. Pierre Albertini. Sans internet, surtout ! (Sourires.)

M. Christian Blanc. Oui, bien sûr ! Le minitel, hélas, c’est une autre histoire !

En 2006, ce projet de loi est inadapté à son époque.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est jouer « petit bras » !

M. François Brottes. C’est un projet de conseil général !

M. Christian Blanc. S’il permet de faire des petits pas, il ne tranche aucune question délicate.

Premièrement, la création de l’ANR introduit la notion d’agence de moyens. C’est bien, mais pourquoi créer une structure supplémentaire ? Pourquoi ne pas aller au bout de la logique et transformer les organismes comme le CNRS en agences de moyens ? Comment accepter, d’ailleurs, que la mission de ces organismes ne soit pas même évoquée dans le projet de loi ? Étrange silence ! En l’état, le risque est grand de les voir se transformer en de simples administrations de gestion de l’emploi, alors qu’il serait préférable que les emplois de chercheurs soient directement gérés par les universités.

Deuxièmement, si la création des PRES est également une bonne chose, car c’est une façon de reconnaître qu’une coopération, la plus étroite possible, entre universités et instituts de recherche est souhaitable, pourquoi ne pas réunifier les statuts de chercheur et d’enseignant- chercheur ? Pourquoi, dans le même élan, ne pas rendre les universités véritablement autonomes, en commençant par les laisser gérer leur masse salariale comme le font la plupart de leurs homologues étrangères ? Pourquoi ne pas les doter d’une gouvernance efficace, ne serait-ce qu’à titre expérimental dans un premier temps ?

Voilà des questions auxquelles il aurait fallu répondre avant d’aborder celle des moyens. Car augmenter les moyens consacrés à la recherche publique sans transformer profondément son organisation revient à arroser un terrain stérile.

On me rétorquera que les questions que j’aborde ici ne concernent pas la recherche mais l’université et qu’elles seront traitées lors d’une prochaine étape. C’est, selon moi, monsieur le ministre, une funeste erreur de stratégie ! L’enseignement supérieur et la recherche forment un tout, que l’on désigne partout dans le monde par l’expression de « Monde académique ». Les réformer séparément n’a pas de sens, et c’est consacrer l’organisation verticale et cloisonnée de notre système de recherche, à l’heure où la transversalité entre les disciplines est la clef de la créativité.

Il suffit, pour s’en persuader, de regarder de près ce qui s’est passé à Grenoble depuis une vingtaine d’années : aux franges de la légalité, des acteurs se sont organisés pour opérer une telle transversalité. Il serait temps qu’une loi permette sa mise en œuvre au grand jour !

M. François Brottes. Très juste !

M. Christian Blanc. Je rappelle que le LETI, cet institut qui a su se développer aux confins des universités et des entreprises, a obtenu plus de brevets que le MIT.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans un domaine bien particulier !

M. Christian Blanc. Cherchez une autre référence en France qui soit d’une aussi grande efficacité ! Et si vous aviez quelques doutes à ce sujet, monsieur le président de la commission, je me fais fort de vous apporter des preuves ! Je comprends néanmoins que vous puissiez sursauter, car il s’agit là d’une des rares réussites que nous puissions citer, et cela grâce à un modèle d’organisation que ne prévoit pas le présent projet de loi.

Je défendrai donc une douzaine d’amendements dont beaucoup concernent les universités, et ce pour trois raisons. C’est que, d’abord, après avoir pris deux ans de retard pour présenter ce projet de loi, le Gouvernement utilise la procédure d’urgence pour gagner deux mois dans la discussion parlementaire. Soit. Mais, puisqu’il est urgent de réformer la recherche, comment expliquer qu’il ne soit pas également urgent de réformer les universités qui hébergent les trois quarts des moyens de recherche publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

M. Christian Blanc. La deuxième raison est que, dans les autres pays, on voit le monde académique français au travers du prisme de nos universités, et que la faiblesse de ces dernières constitue un handicap pour nos chercheurs et pour nos étudiants dans la compétition internationale.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, veuillez vous acheminer vers votre conclusion.

M. Christian Blanc. Il me reste, je crois, deux minutes, madame la présidente !

Je refuse de m’y résigner.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. À quoi ? aux deux minutes ? (Sourires.)

M. Christian Blanc. Je fais allusion, bien sûr, à la faiblesse de nos universités, et non à votre injonction, madame la présidente, en dépit de mon caractère assez rebelle ! (Sourires.)

Beaucoup l’ont dit, seules quatre des cent premières universités mondiales sont françaises. Nous en avons autant que la Suède, qui est un grand pays, mais trente-sept des cinquante premières sont américaines. Les problèmes de gouvernance y sont sans doute pour quelque chose : comment voulez-vous que des conseils d’administration de soixante membres puissent raisonnablement définir des stratégies pour nos universités ?

La troisième raison, enfin, me permettra de conclure en dénonçant à nouveau l’erreur de perspective qui consiste à tout considérer sous l’angle des moyens. Contrairement à ce que laisse supposer cet article 1er, notre discussion ne doit pas porter seulement sur la meilleure façon de dépenser, mais aussi sur la meilleure façon de créer de la connaissance et des savoirs, afin de mieux comprendre notre monde et d’assurer notre développement économique. C’est de cela qu’il s’agit au XXIè siècle lorsqu’on parle de recherche et d’innovation. Dans une économie moderne, le travail en synergie des universitaires, des chercheurs et des entrepreneurs est la clef de la création de richesses. Le Gouvernement a accepté cette idée en lançant la politique des pôles de compétitivité. Je m’en réjouis, mais il faut désormais faire preuve de cohérence et donner aux chercheurs et aux universitaires l’environnement juridique – l’écosystème – qui leur permettra de fertiliser ces pôles, pour le plus grand bien de toute l’économie française.

Les amendements que je défendrai reprennent différents éléments d’une proposition de loi sur l’économie de l’innovation, que j’ai déposée en juillet dernier et que 171 de mes collègues, tant de l’UMP que de l’UDF, ont cosignée. J’espère donc qu’ils recevront un accueil favorable sur de nombreux bancs de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, puisque vous avez démontré, en répondant à ma motion de renvoi en commission, que nous n’avions pas du tout la même conception en matière de politique pour la recherche, je voudrais vous donner mon avis sur ce que devrait être une programmation budgétaire dans ce domaine.

La politique actuelle se démarque des précédentes. Les deux périodes fortes d’accroissement de la recherche en France ont été, incontestablement, les années 60 puis les années 80. Le maximum de l’effort, en pourcentage du PIB, a été atteint en 1993 mais, depuis 1997, il n’a pas vraiment repris. Nous connaissons même un coup d’arrêt, qui est d’autant plus grave qu’il ne se traduit pas seulement en termes de moyens mais aussi du point de vue structurel.

En effet, traditionnellement, les grands États s’appuient sur leur système universitaire pour développer les connaissances. Les recherches peuvent avoir aussi des retombées sociales. Par exemple, on peut expliquer aux gens la condition dans laquelle ils se trouvent. À présent, il est vrai, l’enjeu est essentiellement économique.

L’objectif de la programmation est que l’ensemble des moyens consacrés à la recherche publique et privée atteigne, en 2010, 3 % du PIB. Pour cela, il convient d’accroître leur part actuelle dans le PIB de 40 % ! En euros constants, ces moyens augmenteraient donc de 25 milliards d’euros cumulés entre 2005 et 2010, par rapport aux moyens de 2004.

L’attribution budgétaire de 25 milliards d’euros de moyens supplémentaires programmés pour les années 2005 à 2010 serait destinée à la création de 5 000 emplois statutaires par an dans les universités et dans les organismes de recherche, sous forme d’un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique, à la revalorisation des allocations de recherche, qui devraient être indexées sur l’indice de la fonction publique, et à l’accroissement progressif du nombre des allocataires de recherche, pour que disparaissent, à terme, les doctorants sans rémunération ni garanties sociales. Cette enveloppe servirait également à l’amélioration des carrières, plus particulièrement à leur début, et à la mise aux normes internationales des crédits de paiement des universités, des établissements publics de science et technologie et des recherches de base des établissements publics industriels et commerciaux. Il s’agirait aussi de rénover et de mettre aux normes le patrimoine immobilier universitaire, ainsi que de renforcer et d’élargir la participation de l’État aux grands programmes industriels et technologiques adossés aux organismes et entreprises publics ou parapublics.

Les avantages fiscaux seraient plafonnés au niveau de ceux de l’année 2006.

Afin de garantir la pérennité du financement de la recherche publique, le financement aléatoire, issu des privatisations, serait plafonné à 650 millions d’euros. Au-delà de l’année 2006, le montant des budgets de l’Agence nationale de la recherche et de l’OSEO-ANVAR s’ajouterait au budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Avec ces propositions, nous nous inscrivons dans une vision à long terme, et dans le droit fil des décisions des Conseils européens de Lisbonne en 2000 et Barcelone en 2002, visant à porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010. Les crédits annoncés pour 2006 et 2007 sont loin d’être suffisants pour atteindre cet objectif, contrairement à ce que vous affirmez. Ce qui rendrait crédible la perspective d’atteindre les 3 %, ce serait cette augmentation de 25 milliards d’euros pendant les années 2005 à 2010. Cet effort devrait, bien entendu, s’accompagner de créations de postes, et tenir compte de l’inflation. C’est bien pourquoi, d’ailleurs, il convient de s’exprimer en euros constants.

Pour la France et pour l’Europe, disposer d’une recherche publique forte représente un enjeu à la fois culturel, social et économique. Mais nous en sommes encore loin !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Si M. Christian Blanc arrive à nous prouver que le LETI a déposé autant ou plus de brevets que le MIT, en dehors du secteur de la microélectronique, alors, nous serons vraiment impressionnés et nous nous précipiterons tous à Grenoble !

M. François Brottes. Vous y serez les bienvenus !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Vous affirmez, monsieur le député, que ce texte est inadapté à son époque. Mais c’est vous qui vous situez hors de la réalité ! Il est préférable de progresser à petits pas rapides et sûrs, car de grandes enjambées risqueraient de nous faire déraper, voire chuter. C’est ce qui s’est passé à plusieurs reprises dans notre pays, et notamment en 1986, lorsqu’une réforme très solide est restée à l’état d’ébauche pour des raisons que j’ai déjà évoquées.

Mais si je voulais intervenir, c’était avant tout au sujet de la programmation. J’avais déposé un amendement, adopté à l’unanimité par la commission, afin de rétablir, dans le droit fil du Sénat, la notion d’euros constants dans le tableau annexé.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est en effet un moindre mal !

M. Alain Claeys. Mais que dit le Gouvernement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. On m’a objecté que l’amendement tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution. C’est tellement vrai qu’il n’est pas, aujourd’hui, examiné en séance, ce que nous regrettons vivement, moi et mes collègues.

Par ailleurs, je sais qu’une loi de programmation budgétaire tend à perdre de sa signification au-delà d’un an. Je sais aussi – nous nous sommes assez battus pour cela – que la LOLF ne permet d’engager des dépenses que pour l’année à venir : c’est un principe fondamental des finances publiques. Enfin, je sais que l’obligation juridique résultant d’une loi de programmation sera d’autant plus limitée qu’à partir de 2007, elle entrera en conflit avec un autre principe intangible, celui de la souveraineté des assemblées parlementaires élues.

Il reste, monsieur le ministre, qu’avec cet amendement les députés ont voulu marquer la nécessité d’un effort significatif en faveur de notre recherche. Nous le savons, cet effort est déjà de 1,4 % du PIB en direction de la recherche publique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), du moins si nous prenons en compte l’ensemble des dépenses.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est exact.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il faudra nous expliquer ce chiffre !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Pour la recherche privée, il est de 0,8 %, ce qui reste insuffisant. Mais le total atteint tout de même 2,2 % : 2,23 % pour être précis.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous ne sommes pas d’accord avec vos chiffres ! Ils sont bidon !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ce que nous souhaitons, monsieur le ministre, c’est une sorte de contrat moral…

M. Pierre Albertini. C’est du déclaratif !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. …passé entre vous et les chercheurs et universitaires. En ce qui concerne la période 2006-2007, un engagement existe : c’est l’objet de ce projet de loi. Mais dites-leur aussi que vous espérez voir appliquer les mêmes principes après cette date. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Le président de la commission semble attendre une intervention de votre part, monsieur le ministre…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. En effet, et pas seulement lui.

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous l’attendons tous !

M. Jean-Yves Le Déaut. Absolument !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce point très important appelle en effet quelques éclaircissements.

Nous avons proposé, et ce n’est pas si fréquent, une loi de programmation pour la recherche. D’autres lois de programmation ont été votées par le passé, que l’on s’est très vite empressé d’oublier, même sans que survienne un changement de majorité.

M. Pierre Albertini. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Au contraire, l’engagement politique que nous prenons aujourd’hui connaît déjà un début de concrétisation. En effet, le projet de loi a été présenté à l’automne 2005, et le budget pour 2006 tient compte des efforts financiers consentis. Il en sera bien sûr de même pour l’exercice 2007.

Il n’échappe à personne que des élections présidentielles et législatives auront lieu en 2007, et nul ne peut dire quelle en sera l’issue.

M. Alain Claeys. Ce n’est pas le problème !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Oh que si ! Car il eût été facile pour notre gouvernement – d’autres l’ont fait – de se donner des objectifs chimériques, de faire preuve d’une ambition excessive, voire inaccessible, pour les années 2008, 2009 et 2010.

M. François Brottes. Vous l’avez bien fait pour la police !

M. Alain Claeys. Rappelez-vous la loi de programmation pour la sécurité intérieure !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons non seulement voulu affirmer l’ambition – sur laquelle tout le monde peut tomber d’accord – de poursuivre un effort financier considérable pour la recherche, mais aussi fixer des montants qui, quelles que soient les circonstances économiques, impossibles à prévoir cinq ans à l’avance, puissent être réalisés.

Traditionnellement, et à une exception près, nos lois de programmation ne précisent pas si les montants sont en monnaie constante ou courante, car les données économiques des dernières années de programmation sont, par définition, inconnues. Certes, il y a eu une exception, mais la programmation se déroulait alors sur une législature et nous engageait totalement.

M. Pierre Cohen et M. Jean-Yves Le Déaut. Et la loi de programmation militaire ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Prenons une hypothèse d’école.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous noyez le poisson !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Imaginons qu’à la suite des élections de 2007,  des responsables s’engagent dans une politique budgétaire comparable à celle conduite par M. Fabius, alors ministre du budget, au début des années 1980. Nous aurions alors immédiatement une inflation bondissante : 5 ou 10 %.

M. François Brottes. C’est de la politique-fiction !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Revenez au sujet !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans un tel cas, il conviendrait de revoir les prévisions de fond en comble. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Veuillez laisser le ministre s’exprimer !

M. Jean-Yves Le Déaut. Cette fois, ce n’est pas nous qui retardons le débat !

M. Noël Mamère. Quelle est votre réponse, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans des hypothèses raisonnables, les montants que nous indiquons le sont également. Toutefois, si les circonstances le permettent, le futur gouvernement, appuyé par la future majorité, devra dépasser ces objectifs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ils sont pour l’instant très prudents, et nous en sommes conscients. Mais parce que nous sommes aussi très ambitieux, nous avons voulu les concrétiser pendant la période qui est directement de notre ressort.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le Parlement est bafoué, madame la présidente ! Messieurs de l’UMP, vous êtes des godillots si vous acceptez cette réponse !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Des objectifs à la fois ambitieux et accessibles : tel est donc l’esprit dans lequel nous avons préparé cette loi de programmation.

Le plus important est l’effort financier significatif consenti en faveur de la recherche. Comme l’a rappelé le président de la commission, la Constitution impose que chaque année, la loi de finances, c’est-à-dire la majorité, entérine les propositions du Gouvernement. Nous connaissons, hélas, trop d’exemples de lois de programmation jamais suivies d’effets. Or non seulement ce n’est pas le cas de celle-ci, mais nous espérons continuer à la mettre en œuvre à l’avenir.

M. Noël Mamère. Vous n’avez pas répondu !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je souhaite maintenant répondre très brièvement à M. Christian Blanc.

Vous nous reprochez, monsieur le député, de parler beaucoup de moyens sans évoquer l’architecture. Tournez-vous plutôt vers la gauche de l’hémicycle pour faire ce reproche : vos collègues se préoccupent en effet beaucoup des moyens financiers, mais bien peu de l’efficacité des politiques publiques auxquels ils sont consacrés. Ce n’est pas notre cas. Simplement, l’usage veut que les montants programmés figurent au début d’une loi de programmation.

Faites-nous la grâce de croire que nous savons dans quel monde nous vivons ; à quels défis est confronté notre pays, en particulier dans le domaine de la recherche ; quelles sont ses faiblesses – elles sont réelles, nous ne les masquons pas –, mais aussi ses forces. Ne l’oublions pas, les chercheurs français figurent au premier plan dans de nombreuses disciplines, et pas les plus marginales. Nous sommes les premiers en mathématiques, nous sommes au premier plan en physique. Ce n’est pas rien.

Votre façon de voir les choses est respectable, mais pour notre part, nous restons pragmatiques : il faut engager une réforme d’envergure sans bousculer les structures, car nous ne pourrions tirer aucun profit d’une remise en cause de ce qui fait l’originalité du modèle français. Ce dernier a certainement des inconvénients, mais il a aussi des avantages. Un bouleversement du paysage dans lequel nous opérons aurait pour effet de rendre le système moins efficace pendant de nombreux mois, pour ne pas dire des années, et de détourner, au profit de sa reconstruction, des énergies qui doivent être consacrées avant tout à la recherche ou à l’enseignement supérieur.

Le cadre actuel est évolutif ; les organismes peuvent se transformer de l’intérieur, notamment grâce aux outils que nous mettons à leur disposition. Nous pensons donc pouvoir améliorer de manière significative l’efficacité de la recherche française. Il n’y a pas d’empilement de structures dans le projet qui est proposé : toutes les structures nouvelles ont une finalité précise. Il n’existait ainsi aucune agence d’appel à projets. Le CNRS, l’INSERM sont, d’une certaine manière, des agences de moyens, mais pas d’appel à projets. Quant à l’Agence de l’évaluation, elle ne se surajoute pas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais correspond à une volonté de généraliser l’évaluation, de la rendre plus homogène à l’échelle du système de recherche français.

Il n’y a donc pas empilement, mais spécialisation des organismes. Les seules véritables structures nouvelles que nous créons – et j’ai cru comprendre que vous en approuviez le principe – sont destinées à favoriser la nécessaire coopération. Vous avez cité le LETI, le laboratoire d’électronique et de technologies de l’information : il s’agit d’une forme de coopération tout à fait originale, associant de grands organismes, mais pas l’université. Une grande partie de son financement vient de la DGA – ce qui signifie au passage, monsieur Le Déaut, que certains financements de la recherche ne figurent pas dans la MIRES. Par ailleurs, vous avez oublié de prendre en compte dans vos calculs la moitié du salaire des enseignants-chercheurs, qui relève du budget de l’enseignement supérieur.

Le LETI peut en effet constituer un modèle de coopération, et les outils forgés par la loi de programmation permettront aux acteurs de la recherche de s’en inspirer. Certes, tout n’est pas gagné d’avance, mais en faisant confiance au monde de la recherche, en donnant une impulsion nouvelle aux organismes existants, en forgeant de nouveaux outils, en mettant en place des moyens adaptés, nous pensons accroître de manière significative l’efficacité de la recherche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, vous êtes en pleine contradiction et c’est extrêmement grave. Depuis le début de la discussion, vous affirmez que ce projet de loi répond à une ambition nationale et devrait recueillir un large consensus. Mais vous ne pouvez arguer du fait que l’Assemblée nationale aurait pour habitude de ne jamais établir une programmation au-delà d’une législature.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je n’ai jamais dit cela !

M. Pierre Cohen. Si ! Vous avez dit que les gouvernements ne faisaient jamais de lois dépassant la période où ils étaient au pouvoir. Or de nombreux exemples récents prouvent le contraire : c’est le cas de la loi de programmation militaire ou de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

M. Dubernard, au nom de tous les parlementaires, vous a posé une question très claire. Nous considérons déjà que le tableau annexé ne répond pas à l’objectif de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB à la recherche en 2010. Et voilà qu’en plus vous laissez planer l’idée que l’inflation pourrait grignoter chaque année 2 % des crédits, ce qui représente 10 % en cinq ans, soit un total de 2 milliards ! C’est très grave. Vous devez maintenant répondre à notre question : l’unité de compte du tableau annexé est-elle, oui ou non, l’euro constant ? Nous demandons une suspension de séance afin que vous puissiez préparer votre réponse.

Mme la présidente. La suspension est de droit. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Alain Claeys. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. Sur quel article ?

M. Alain Claeys. Sur l’article 58, madame la présidente.

Le sujet dont nous débattons est important. Un peu d’histoire : ce projet de loi, présenté en première lecture au Sénat, ne comportait aucun tableau de programmation chiffré.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Claeys. Les sénateurs ont apporté un certain nombre d’éclaircissements. Or vous voulez nous faire adopter dans la précipitation un texte totalement flou.

Je remercie le rapporteur qui, dans sa sagesse, a fait une proposition adoptée à l’unanimité par la commission des affaires culturelles. Ma question est simple, monsieur le ministre. S’agit-il d’euros constants ou d’euros courants ? Le calcul est aisé : vous évoquez 20 milliards d’euros en 2005 et 24 milliards en 2010 mais, dans l’hypothèse d’une progression de 2 % de la production intérieure brute et d’une inflation comparable, la progression sera quasi nulle s’il s’agit d’euros courants. En toute logique, la commission des finances a repoussé l’amendement du président Dubernard, en vertu de l’article 40.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Vous en êtes membre…

M. Alain Claeys. Certes !

Monsieur le ministre, vous ne nous avez donné aucun argument juridique justifiant votre opposition à la proposition du rapporteur. Votre justification selon laquelle les lois de programmation ne dépasseraient pas la durée d’une législature ne tient absolument pas. En effet, les lois de programmation et les contrats de plan peuvent déborder les législatures et « chevaucher » des majorités différentes. Si, malgré les lacunes de ce projet de loi, nous voulons, aujourd’hui, intéresser des jeunes aux filières scientifiques et redonner espoir aux chercheurs, nous devons faire un geste financier fort. Certes, et je rejoins ce qui a été dit, cela ne réglera pas tous les autres problèmes, tels que celui de l’organisation des structures d’enseignement supérieur. Mais le fait que vous vous « bloquiez » dès l’examen de l’article 1er et que vous rejetiez cette proposition signifie-t-il que le ministère de la recherche a perdu son arbitrage au profit de Bercy ?

Nous ne vous demandons ni de bonnes intentions ni un programme électoral, mais nous vous posons à nouveau cette question. Le ministre de la République que vous êtes accepte-t-il de déposer un amendement tendant à reprendre la proposition de M. Dubernard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Souhaitez-vous répondre, monsieur le ministre ? (M. le ministre fait un signe de refus.)

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Puisque M. le ministre ne veut pas nous répondre, nous demandons une nouvelle suspension de séance qui lui permettra de continuer à réfléchir et de nous expliquer clairement sa position. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas du travail !

M. Pierre Cohen. La question est précise, la réponse doit l’être également !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà assez longuement expliqué. Comment voulez-vous que je me prononce sur un amendement jugé irrecevable par la commission des finances et qui ne viendra donc pas en discussion ? La réponse est évidente ! En revanche – et ce seront mes derniers mots à ce sujet – notre engagement pour les années 2006 et 2007 ne fait pas l’ombre d’un doute puisqu’il est devenu réalité s’agissant de 2006. Pour les années 2008, 2009 et 2010, nous prévoyons que les crédits de la recherche progresseront significativement plus vite que le budget de l’État et que l’inflation. Au-delà, ils seront soumis aux circonstances économiques.

M. Pierre Cohen. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cet engagement de nature politique dépendra naturellement de la majorité qui sortira des urnes en 2007 et du vote annuel de cette même majorité, comme il se doit, en loi de finances. Tel est notre engagement politique et la forme juridique que nous lui donnons.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas de la programmation !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Un détail : je n’ai évidemment jamais affirmé qu’une loi de programme ne pouvait dépasser une législature. Il en existe de multiples exemples. Je considère simplement qu’un gouvernement qui fait adopter une loi de programme s’engage évidemment davantage sur sa propre législature. Cette évidence politique ne devrait échapper à personne !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, le flou de vos propos ne fait que masquer le renoncement de votre gouvernement à mener une véritable politique de la recherche. Alors que, pendant trois ans, vos prédécesseurs se sont attachés à réduire les crédits, vous voulez nous faire croire, en déclarant l’urgence sur ce projet de loi, que ce gouvernement a tout compris et qu’il répondra favorablement à la demande des chercheurs qui exigent que soit conduite une véritable politique de la recherche dans ce pays !

Avec l’un de vos proches – le président de la commission –, c’est la troisième fois que nous vous demandons de prendre une décision qui n’appartient qu’à vous. Vous saviez que le règlement de l’Assemblée contraindrait la commission des finances à s’opposer à cet amendement. Mais vous pouvez le reprendre au nom du Gouvernement.

M. Alain Claeys. Bien sûr !

M. François Brottes. Du courage !

M. Noël Mamère. En confirmant que cette loi de programmation est en euros constants, vous enverriez un signe politique au pays tout entier et en particulier aux chercheurs. Je suis consterné que vous soyez encore une fois, sur un sujet aussi important, le délaissé de ce gouvernement,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avec 6 milliards de plus !

M. Noël Mamère. …que vous soyez à la remorque d’un ministre de l’intérieur qui, lui, obtient tout ce qu’il veut pour mener une politique sécuritaire, avec des lois de programmation dont on se préoccupe peu de savoir si la majorité suivante les maintiendra ou les abrogera.

Vous faites vraiment preuve de frilosité en prétendant ne pas pouvoir vous engager sur une loi de programmation parce qu’il y aura des élections dans dix-huit mois et que la majorité peut changer. Vous devez être bien peu sûr de votre fait pour « indexer » sur une nouvelle majorité votre loi de programmation et expliquer qu’à ce titre vous ne pouvez pas vous engager à ce qu’elle s’applique en euros constants.

Mes collègues socialistes ont donc raison de demander une nouvelle suspension de séance afin que vous réfléchissiez et que vous veniez nous dire si, oui ou non, cette loi de programmation est en euros constants. Si ce n’est pas le cas, vous avez joué les Ponce Pilate et vous avez baladé les chercheurs pour leur apporter des réponses qui ne correspondent à rien.

M. Jean Launay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Remettons les choses à leur juste place. J’ai considéré, monsieur le ministre, qu’il était de mon devoir d’aborder ce sujet même si l’amendement que nous avions tous voté est tombé sous le coup de l’article 40. Il y a aussi le principe de l’annualité budgétaire auquel je faisais allusion tout à l’heure,…

M. Noël Mamère. Ce n’est pas vrai !

M. François Brottes. Il y a de nombreuses exceptions !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. …et le fait que l’Assemblée qui siégera à partir de 2007 devra prendre ses responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je dis ce que je pense !

J’ai entendu une réponse qui me satisfait, à savoir que, pour le budget de 2006 et celui de 2007,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et au-delà !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. …et au-delà mais les engagements au-delà valent ce qu’ils valent, le principe des euros constants est retenu, et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est un sujet très important. Nous avons souhaité en commission que, comme le propose un amendement de l’UDF, notre effort de recherche parvienne à 3 % du produit intérieur brut en 2010, et nous avons calculé que, pour y parvenir, en euros courants, il fallait 10 milliards qui n’ont pas été prévus dans cette programmation. M. Dubernard et M. Birraux, les rapporteurs des deux commissions chargées d’examiner le texte, ont proposé que, pour « rattraper » 2 des 10 milliards nécessaires, la programmation des moyens s’entende en euros constants. Cet amendement a été voté à l’unanimité par les deux commissions. Mais il a été examiné par la commission des finances et il est tombé sous le coup de l’article 40. Et vous nous dites aujourd’hui, avec tout de même un peu d’hypocrisie, monsieur le ministre, que vous n’y pouvez rien si l’amendement ne vient pas en discussion. À quoi cela sert-il de représenter ici la nation si l’on ne peut jamais changer le moindre chiffre d’une loi de programmation ? La recherche est sacrifiée en France et l’on ne peut rien faire dans cet hémicycle !

La réponse du ministre n’est même pas satisfaisante jusqu’à 2007, mes chers collègues, puisque l’inflation n’a pas été prise en compte.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. On met 6 milliards en trois ans !

M. Jean-Yves Le Déaut. Sur les 2 milliards, on était d’accord entre nous. C’était un moindre mal. Si la recherche est vraiment une priorité, il faut que le Gouvernement reprenne notre amendement à son compte.

C’est très grave. Le président du groupe UMP assiste à cette séance. Pierre Cohen a demandé une suspension de séance. Nous allons nous réunir, et je pense que l’UMP doit faire de même. La recherche est une priorité pour la France, mais elle n’a malheureusement jamais été considérée comme telle, sauf dans les années 60 par le général de Gaulle et dans les années 80 par François Mitterrand.

Mme la présidente. La suspension de séance est de droit. Je vous accorde dix minutes et j’espère que nous pourrons ensuite reprendre nos débats dans la sérénité.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le débat qui vient de se dérouler n’était pas exempt d’arrière-pensées. Et l’opposition, qui ne s’est pas signalée par une politique bien ambitieuse en matière de recherche lorsqu’elle était au pouvoir (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Bernard Accoyer. Ils n’ont rien fait !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …ne devrait pas faire la fine bouche devant une augmentation de 6 milliards d’euros en trois ans ! Ces 6 milliards d’euros de ressources complémentaires représentent un effort comme jamais il n’en avait été consenti en faveur de la recherche. Quant aux emplois, ce sont de vraies créations et non pas des promesses, comme nous en avions eu par le passé.

Pour l’avenir, bien entendu, les montants inscrits dans toute loi de programmation doivent être confirmés dans les lois de finances annuelles. Mais pour que vous soyez totalement rassurés sur nos intentions, à supposer, ce que nous souhaitons, que nous soyons à nouveau investis de la responsabilité de conduire la politique de la recherche après 2007,…

M. Pierre Cohen. Nous, nous ne l’espérons pas !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …je peux vous dire, afin de dissiper tout malentendu, que pour 2008, 2009 et 2010 les montants qui figurent dans ce projet de loi de programmation s’entendent en euros constants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Enfin !

M. Pierre Cohen. Bravo !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ainsi cette inutile polémique devrait retomber comme elle est née.

L’important reste que nous ayons une vraie loi de programmation, que nous commencions à la mettre en œuvre et qu’au-delà des moyens supplémentaires pour l’ANR, que désormais vous acceptez, nous augmentions les dotations courantes des organismes de recherche. Telle est notre politique. Le reste, ce sont des mots. Mais, messieurs de l’opposition, ces mots-là vous engagent pour l’avenir, et l’avenir dure longtemps. Il est important que chacun s’engage à ce que la recherche soit durablement une priorité pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Nous n’avions aucune arrière-pensée, mais seulement un souhait, celui d’améliorer et de garantir l’avenir de la recherche dans notre pays.

Si nous avons engagé cette discussion, à la suite de l’amendement du président-rapporteur adopté à l’unanimité de la commission, c’est que nous pensions que cette demande était juste. Vous venez de le reconnaître. Nous en prenons acte car nous avons décidé d’être constructifs, dans l’intérêt de la recherche. Mais n’essayez pas de nous donner des leçons. Vous avez perdu trop de temps, monsieur le ministre ! Comme l’a rappelé Roger-Gérard Schwartzenberg hier, vous avez attendu deux ans entre l’engagement du Président de la République et la discussion de ce projet, et vous avez réduit, année après année, depuis 2002, les crédits de la recherche.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Non !

M. Bernard Accoyer. C’est faux !

M. Pierre Cohen. C’est vrai ! Vous avez gelé les crédits !

M. Alain Claeys. Je ne veux pas polémiquer, monsieur le ministre, mais c’est la décision de Mme Haigneré de transformer 500 postes de titulaires en postes précaires qui est à l’origine du mouvement des chercheurs en janvier 2004. C’est à ce moment-là qu’est né ce débat dans notre pays. Vous êtes responsables de ce mouvement !

Mme la présidente. Monsieur Claeys, veuillez conclure.

M. Alain Claeys. Nous prenons acte qu’il a fallu une heure et demie pour que le ministre arrive aux conclusions du rapporteur. Nous nous en félicitons.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ce débat est extrêmement intéressant et je salue l’esprit de compréhension de M. le ministre.

L’amendement n’est pas en discussion…

M. Bernard Accoyer. À cause de l’article 40 !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. …mais j’ai voulu en parler tout de même parce que c’est un sujet important et qu’en tant que président de la commission, je représente tous ses membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Vous avez bien fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. En commission, nous étions très satisfaits de ce que vous avez annoncé pour les années 2006-2007 : 6 milliards d’euros supplémentaires, c’est une somme considérable. Et nous le sommes plus encore de savoir que, si cette majorité se maintient, les crédits ultérieurs seront en euros constants. C’est ce que nous souhaitons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. C’est une bonne nouvelle pour la France !

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant sur l’article 1er et l’annexe.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l’amendement n° 196.

M. Pierre Albertini. Il s’agit d’affirmer un objectif qui dépasse les élections présidentielles : le travail législatif ne dépend pas d’échéances dont nul ici ne connaît d’ailleurs l’issue, et heureusement qu’il n’en dépend pas, car il n’y aurait aucune continuité dans la législation.

Cet amendement, dont la portée symbolique est forte, a pour objet de rappeler l’engagement qui a été pris à Lisbonne de consacrer 3 % du produit intérieur brut à notre effort de recherche – qu’il soit public ou privé – en 2010. Nous sommes aujourd’hui à 2,2 %, assez loin du cap des 3 %. Seuls deux pays à ma connaissance ont atteint cet objectif : la Finlande et la Suède. Pourquoi ce que ces pays peuvent faire en matière de recherche nous serait-il interdit ? D’autant que la défaillance vient de la recherche privée et que la stratégie de Lisbonne recommande d’augmenter singulièrement sa part dans les pays où elle est trop faible, ce qui est le cas de la France.

Il est important de fixer un cap. Certes, 2010 se situe au-delà des échéances de 2007. Et la loi de programmation elle-même, malgré les engagements qui viennent d’être pris et dont nous sommes satisfaits, n’engage que ses auteurs puisque, chaque année, le Parlement sera amené à fixer, dans le cadre de la loi de finances annuelle, le montant de l’effort public en matière de recherche. C’est d’ailleurs probablement une des raisons pour lesquelles la culture de la LOLF aura du mal à s’implanter dans notre pays. Si la LOLF ne sert qu’à mesurer l’action de l’administration sans que l’on puisse remettre en cause les moyens affectés aux politiques publiques, nous n’aurons atteint qu’une toute petite partie de l’objectif : permettre au Parlement de poser la question des priorités et des moyens affectés aux politiques publiques. Si la culture de la discipline parlementaire continue de s’emparer de l’hémicycle, je parie, mes chers collègues, que la loi organique relative aux lois de finances n’aura, hélas, qu’une portée limitée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. D’une part l’objectif de Lisbonne constitue déjà un engagement précis de la France auprès de ses partenaires européens ; d’autre part, il a été précisé à Barcelone en 2002 que les 3 % correspondaient à 2 % pour la recherche privée et 1 % pour la recherche publique.

Nous sommes loin de l’objectif pour la recherche privée, mais nous avons bon espoir qu’avec l’Agence pour l’innovation industrielle et les pôles de compétitivité, les choses avanceront plus vite qu’on ne l’imagine.

Pour la recherche publique, la France a déjà atteint le 1 % – nous en sommes à 1,4 % – et votre amendement, monsieur Albertini, pourrait faire courir le risque de figer la situation à un niveau plus bas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour une raison évidente, et elle ne vous aura pas échappé, monsieur Albertini, vous qui êtes plus fin juriste que n’importe lequel d’entre nous : nous ne sommes pas là dans le domaine de la loi. Nous savons en effet qu’une telle ambition dépend très largement des entreprises, et nous ne saurions disposer pour elles. Vous comprenez donc, monsieur le député, que nous ne pouvons être que défavorables à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous partageons, monsieur le président Dubernard, votre souci, souvent évoqué durant les travaux en commission, que ce projet de loi soit eurocompatible. C’est pourquoi nous pensons qu’il vaut mieux inscrire explicitement les objectifs de Lisbonne dans le texte, même si ce n’est qu’à titre indicatif.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L’engagement a déjà été pris !

M. Pierre Cohen. Quand nous étions au pouvoir, nous avions déjà toutes les difficultés du monde à faire comprendre que l’effort de recherche devait être très nettement supérieur à l’inflation, alors qu’en règle générale on se contente d’une très légère augmentation par rapport au budget de l’année précédente, quand ce n’est pas au prix d’une modification des périmètres. Si nous sommes tous convaincus aujourd’hui de la nécessité d’un effort sans précédent, c’est parce qu’un objectif a été fixé. C’est pourquoi il est nécessaire d’inscrire cet objectif de 3 % du PIB dans la loi.

Deuxièmement, monsieur le ministre, nos calculs diffèrent des vôtres. Le meilleur moyen de nous convaincre serait de nous faire connaître d’ici à demain les chiffres qui vous permettent d’aboutir à ce résultat de 1,4 %. On parlait jusqu’à présent de 1,2 % et beaucoup s’en tiennent à 1 %. Selon nos calculs, si on déduit l’effort consacré à des programmes de défense qui ne relèvent pas réellement de la recherche, on tombe à 0,7%. Il serait donc extrêmement intéressant que chacun puisse disposer de vos chiffres.

Enfin, on ne doit pas, dans notre pays, opposer privé et public en matière de recherche, d’autant moins qu’une grande partie de l’effort de recherche était jusqu’à présent assumée par les entreprises publiques, à côté des organismes de recherche. Les entreprises privées ne pourront pas prendre leur part de cette mission sans l’effet de levier du financement public. Le budget de la recherche devra donc dépasser 1 % du PIB, non seulement pour approcher l’objectif des 3 %, mais encore pour permettre aux entreprises privées de suivre le mouvement. Celles-ci ont plutôt tendance aujourd’hui à aller à contre-courant.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je rappelle que l’objectif de Lisbonne n’a pas de caractère contraignant pour les États membres, comme vous l’avez très justement souligné, monsieur le ministre. Cet objectif de 3 % du PIB a simplement permis à l’ensemble des pays européens, par sa forte médiatisation, de prendre conscience de la nécessité d’accroître l’effort en matière de recherche. Il est d’autant moins contraignant qu’en dépit des recommandations émises à Barcelone, un processus de révision de la stratégie de Lisbonne a été engagé à mi-parcours. Le groupe d’experts présidé par M. Wim Kok a reconnu dans son rapport que ces objectifs, s’ils devaient certes constituer une ardente obligation pour l’ensemble des pays européens, n’étaient pas réalisables d’ici à 2010, en raison notamment du retard pris dans les années 2000-2002. Avec mes collègues de la majorité, nous commençons à être fatigués, messieurs, de recevoir des leçons de votre part. Le problème de la recherche se posait déjà entre 1997 et 2002, quand vous étiez aux affaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. C’est vous qui avez asphyxié la recherche !

Mme la présidente. S’il vous plaît !

M. Daniel Garrigue. La loi sur l’innovation et la recherche que vous avez votée en juillet 1999 ne comportait pas un seul élément de programmation.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Exactement !

M. Daniel Garrigue. C’était pourtant bien l’occasion, à un moment où la France connaissait une période de croissance, et alors que la stratégie de Lisbonne était déjà engagée, de lancer une programmation.

Il y a bien longtemps que notre pays n’a pas affiché une volonté aussi remarquable que celle qui s’affirme aujourd’hui, et plutôt que de faire la fine bouche, vous feriez mieux de vous y rallier sans réserve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. La volonté n’est pas venue toute seule ! Il a fallu beaucoup vous pousser.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut pour une dernière intervention avant que nous passions au vote.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne s’agit pas de vous donner des leçons, monsieur Garrigue, puisque l’objectif fixé par l’amendement de nos collègues de l’UDF est celui du Président de la République.

Cet objectif ne sera atteint que si la recherche privée prend sa part de l’effort. Or, sans un accroissement de l’effort de recherche publique supérieur à celui que vous nous proposez, la recherche privée ne se développera pas, quelles que soient les politiques qu’on pourra mettre en œuvre, notamment celle des pôles de compétitivité.

Je précise au passage que la loi de 1999 portait sur l’innovation : ce n’était pas une loi de programmation.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est bien ce qu’on vous reproche !

M. Jean-Yves Le Déaut. Quant à la stratégie de Lisbonne, elle n’était pas encore arrêtée.

M. Daniel Garrigue. Vous étiez associés à sa préparation !

M. Jean-Yves Le Déaut. Puisque vous avez choisi de traiter de façon polémique un sujet qui aurait pu faire consensus (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vous qui faites de la polémique !

M. Jean-Yves Le Déaut. …n’ayez pas la mémoire courte : souvenez-vous de 1986, de 1993, de toutes ces périodes où vous avez retrouvé le pouvoir.

Mais j’en termine. Puisque, à la demande de la commission unanime, vous avez rétabli une évolution en euros constants, ce dont chacun se félicite, nous vous demandons simplement, monsieur le ministre, d’inscrire votre engagement dans le texte avant son examen par la commission mixte paritaire, puisque vous avez demandé l’urgence : si les mots s’envolent, les écrits restent. Ce premier effort représente 2 milliards d’euros, qu’il faut comparer aux 10 milliards d’euros de plus qui seraient nécessaires à la recherche publique pour atteindre les objectifs de Lisbonne.

Je voudrais enfin m’associer à la demande de mon ami Pierre Cohen, car on ne comprend rien à votre chiffre de 1,4 %. Je vous demande donc de nous faire parvenir demain un tableau détaillant la structure du financement global de la recherche française, au-delà des crédits consacrés à la MIRES. Nous contestons que les crédits de la recherche publique s’élèvent aujourd’hui à 1,4 % et nous disons qu’ils n’atteindront même pas ce niveau en 2010.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Si vous voulez nous convaincre du contraire, vous apporterez demain le tableau que nous vous demandons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 196.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 109.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

Je profite de l’occasion pour dire à M. Claeys et à ses collègues que les statistiques européennes en matière de dépenses de recherche-développement sont tout à fait accessibles : ces chiffres, qui répondent à des normes définies, sont parfaitement clairs et incontestables. Arrêtons donc, je vous prie, ce faux débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Je vois qu’il est question de l’annexe dans cet amendement de précision. Or j’avais proposé, au nom de mon groupe, un autre amendement à cette annexe, qui a été refusé au titre de l’article 40. Même si je comprends ce refus, je voudrais revenir un instant à nos propositions. En effet, le groupe UDF voulait faire passer quelques idées fortes à travers cette annexe.

Nous souhaitions d’abord, tout comme M. Dubernard dont l’amendement vise l’ensemble des crédits de la MIRES, qu’on ne dissocie pas recherche et enseignement supérieur. En effet, comme l’a rappelé M. Albertini, la formation, à nos yeux, va de pair avec la recherche. Nous proposions donc une augmentation annuelle minimale de 3 % des crédits inscrits à cette ligne. Notre pays est l’un des rares à dépenser plus pour un lycéen que pour un étudiant. C’est pourquoi nous devons augmenter sur le long terme le budget de l’enseignement supérieur.

Il ne s’agit pas de dépenser pour le plaisir de dépenser : nous savons tous qu’il faudra financer la rénovation et la mise aux normes du patrimoine immobilier, le respect des critères internationaux, l’accroissement progressif du nombre des allocataires de recherche et l’amélioration des carrières des chercheurs.

La discussion de ces premiers articles est aussi le moyen, comme l’ont souligné mes collègues, d’envoyer des messages symboliques forts à l’adresse de tous les acteurs du monde de la recherche. Or tous ont connaissance de cette annexe qui décrit l’évolution jusqu’en 2010 des moyens consacrés à l’ANR, ainsi que celle des avantages fiscaux concourant au financement de la recherche. Elle décrit également l’évolution des moyens consacrés aux opérateurs de recherche, qui, comme on l’a déjà dit, ont droit, eux aussi, à une augmentation minimale de leurs crédits.

On m’a opposé l’article 40. Je pose la question, mes chers collègues : l’interprétation de l’article 40 serait-elle plus souple au Sénat ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. Pierre Cohen. Les sénateurs ont de la chance !

M. Daniel Garrigue. Connaissent-ils la Constitution ? (Sourires.)

Mme Anne-Marie Comparini. Permettez-moi également de rappeler, en toute sérénité, que le message que sous-tendait notre amendement était le suivant : la somme des projets financés par l’ANR ne saurait constituer la stratégie française de recherche. Les universités, tout comme les organismes de recherche, doivent disposer de moyens suffisants. Si les universités ne progressent pas, la recherche ne progressera pas non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Il est vrai, madame la députée, que le Sénat n’obéit pas aux mêmes règles que l’Assemblée nationale pour ce qui concerne l’article 40.

M. Frédéric Dutoit. Alors il faut supprimer l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 110.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er, afin d’en réintroduire les dispositions, sous une forme plus étoffée, à la fin du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. J’aimerais que vous nous précisiez, monsieur le président Dubernard, l’endroit exact où vous voulez reporter ces dispositions, et la forme qu’elles prendront. Cette précision nous semble d’autant plus importante que l’alinéa 4 ne prévoit un rapport au Parlement que jusqu’en 2008, alors que des amendements proposaient d’aller jusqu’à 2010, c’est-à-dire au terme de la programmation. Nous aimerions savoir ce que nous allons voter tout à l’heure pour être sûrs de ne pas devoir voter contre cette suppression maintenant.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Vous mettez en cause ma bonne foi, monsieur Cohen !…

M. Pierre Cohen. Pas du tout !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il s’agit simplement de l’amendement n° 177, dont je vous lis le texte, que vous trouverez à la page 264 du rapport : « Un rapport sur la mise en œuvre de la présente loi sera présenté par le Gouvernement au Parlement à l’occasion de l’examen des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 2006 à 2010. Il dressera notamment un bilan de l’emploi des chercheurs dans le secteur public et dans le secteur privé. » Vous l’avez voté en commission, si mes souvenirs sont exacts.

M. Alain Claeys. C’est vrai !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 110.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 269, 54 et 55 tombent.

M. Alfred Marie-Jeanne. L’amendement n° 107 vise à compléter l’article 1er par l’alinéa suivant :

« Le Gouvernement déposera également, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, un rapport visant à déterminer les conditions du développement de la recherche en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, à en définir les objectifs et, le cas échéant, à proposer de nouvelles dispositions tenant compte de leurs situations particulières. »

Cet amendement vise à prendre en compte la position des chercheurs qui exercent leurs activités dans les régions que je viens de citer. Leurs revendications se fondent notamment sur une menace de réduction de l’offre de formation universitaire ; sur l’aspiration des cerveaux vers – sinon par – les pôles de compétitivité, qui menace l’articulation entre la formation des élites de ces régions et la recherche scientifique sur place ; sur le risque de voir les étudiants se détourner de l’université des Antilles et de la Guyane compte tenu de l’amenuisement de l’offre en perspective ; sur une réflexion relative aux conditions adaptées d’instauration d’un pôle de compétitivité, notamment en considération de la structure du tissu économique et industriel de ces régions – car il n’y a chez nous, je le rappelle, ni grandes entreprises, ni mécénat, ni fondations – ; enfin, sur le fonctionnement particulier de l’université des Antilles et de la Guyane, dont l’éclatement entre les trois régions m’a fait proposer, dans mon intervention, que l’on puisse voir cette université jouer un rôle de fédérateur.

Devant l’importance de ces revendications, il convient qu’un rapport puisse établir les conditions du développement de la recherche dans ces régions, en redéfinir les objectifs et déterminer, le cas échéant, de nouvelles dispositions particulières. Tels sont l’objet et le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L’amendement n° 107 a beaucoup intéressé la commission, qui a émis un avis favorable.

Je formulerai toutefois deux remarques. Tout d’abord, je tiens à souligner que ce qui m’a convaincu de voter votre amendement est que j’ai eu l’occasion d’observer à la Réunion, au début du mois de janvier, les relations établies entre l’université et des organismes de recherche de grande qualité, tels que l’INRA et l’ORSTOM : on a trop tendance, en métropole, à oublier ce qui se passe à la Réunion, à la Guadeloupe, en Guyane et en Martinique. Toutefois, monsieur Marie-Jeanne, j’observe que la Réunion n’est pas mentionnée dans votre amendement et je suggère qu’elle le soit.

Il conviendrait, ensuite, de supprimer de l’alinéa que vous proposez le mot « également », qui n’a pas grand sens.

Sous réserve donc de cette double rectification, l’avis de la commission est favorable.

Mme la présidente. Monsieur Marie-Jeanne, acceptez-vous la double rectification proposée par le rapporteur ?

M. Alfred Marie-Jeanne. Je l’accepte bien volontiers, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement n° 107 rectifié ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Si je souscris pleinement à l’objectif que poursuit M. Marie-Jeanne, je ne sais, en revanche, si cela doit figurer dans la loi. Mais, après l’avis favorable de la commission, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 107 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. L’amendement n° 26 a pour objet un suivi de l’application du plan pluriannuel des postes d’enseignants-chercheurs et de chercheurs, afin de faire face aux prochains départs massifs à la retraite. Il propose donc de compléter l’article 1er par l’alinéa suivant :

« Chaque année ces moyens actualisés sont accompagnés d’une gestion prévisionnelle de l’emploi et du plan pluriannuel des postes d’enseignants-chercheurs, de chercheurs et des personnels ingénieurs, techniciens et administratifs et ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service. »

Il ne me semble pas qu’un tel amendement doive soulever de difficulté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car cet amendement est satisfait par l’amendement n° 114, qui sera examiné après l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Sur l’annexe, je suis saisie d’un amendement de précision, n° 111.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il s’agit en effet, madame la présidente, d’un amendement de précision rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 111.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 113.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Autre amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. La modification de terminologie que propose l’amendement est grave, quel que puisse être par ailleurs notre désaccord avec les dispositions concernées. En effet, dans l’annexe, où apparaît, sur une progression de 1 milliard d’euros du budget de la recherche entre 2005 et 2006, une augmentation de 360 millions d’euros des « avantages fiscaux », ce dernier terme est bien celui qui convient pour désigner l’aide apportée aux entreprises en vue d’encourager leur effort de recherche. Employer le terme « dépenses fiscales » accréditerait l’idée qu’il s’agit d’une dépense budgétaire, alors que ce n’est pas le cas.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 113.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er et l’annexe, modifiés par les amendements adoptés.

(L’article 1er et l’annexe, ainsi modifiés, sont adoptés.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. Après l’article 1er, je suis saisie de deux amendements, nos 266 rectifié et 114, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Claeys, pour soutenir l’amendement n° 266 rectifié.

M. Alain Claeys. L’amendement n° 266 rectifié se justifie par le fait essentiel, déjà abordé dans la discussion générale, qu'il ne peut y avoir de gestion prévisionnelle des emplois sans un plan pluriannuel.

Puisque vous avez évoqué, monsieur le ministre, les périodes précédentes, vous ne sauriez contester que la première mesure prise par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2002 fut de supprimer le plan pluriannuel mis en place en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin. C’est une faute, et cela pour deux raisons essentielles.

D’abord, alors que nous assistons à une crise des vocations scientifiques, la représentation nationale et le Gouvernement doivent assurer la lisibilité des perspectives d’emploi pour les jeunes qui choisissent la carrière scientifique, que ce soit dans les organismes de recherche ou à l’université.

D’autre part, l’évolution démographique nous confrontera bientôt à un mouvement massif de départs à la retraite, qui doit être anticipé et qui justifie d’autant plus une programmation pluriannuelle des emplois.

Vous objecterez sans doute que la question se situe au niveau des moyens, mais comment voulez-vous que votre loi soit pleinement crédible devant la communauté scientifique si le Gouvernement et la nation ne s’engagent pas dans la durée, indépendamment des alternances possibles, sur un plan pluriannuel d’embauches de chercheurs, d’enseignants-chercheurs, de personnels administratifs – en un mot, de tout le personnel nécessaire pour que notre système de recherche et d’enseignement supérieur soit le plus performant possible ? Dans un laboratoire, le départ d’un chercheur à la retraite doit être anticipé de quelques années pour que l’équipe puisse fonctionner.

Quelle est, monsieur le ministre, votre position sur cette question importante, longuement évoquée hier et qui justifie notre amendement n° 266 rectifié ? Nous souhaiterions que vous reveniez sur la suppression du plan pluriannuel par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2002.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Voire !

M. Alain Claeys. Ne levez pas les bras au ciel, monsieur le ministre ! Ne nous faites pas non plus de procès d’intention sur ce que nous aurions fait après 2002 si nous étions restés aux affaires : nous n’aurions pas mis fin à ce plan pluriannuel, nous l’aurions poursuivi.

Nous espérons donc, monsieur le ministre, que vous adopterez la disposition prévue par notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 266 rectifié et soutenir l’amendement n° 114.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Que ce soit dans les interventions liminaires des deux rapporteurs pour avis, dans la mienne, ou encore dans la discussion générale – et en particulier dans les propos de M. Pascal Ménage –, le sujet de l’emploi a été abordé en détail et la notion d’une gestion prévisionnelle a été validée sur tous les bancs. La question est de savoir si nous voulons une gestion souple, qui permette d’anticiper, ou si nous préférons un ancrage dans des principes rigides qui risquent de nous entraver et d’aller à l’encontre de notre volonté initiale d’adaptation aux évolutions des structures de recherche.

La commission a donc rejeté l’amendement n° 266 rectifié.

Si vous le permettez, madame la présidente, je m’exprimerai également, au-delà de l’amendement n° 114, sur l’amendement n° 57, qu’il me semble justifié d’examiner avec les deux précédents.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La rédaction de l’amendement n° 114, adopté par la commission, me semble préférable. Cet amendement, qui vise à donner une réelle visibilité à l’action du Gouvernement dans le domaine de l’emploi des chercheurs, prévoit la présentation annuelle par le Gouvernement d’un état prévisionnel et indicatif sur cinq ans des recrutements de personnel statutaire et non statutaire dans la recherche publique. Il rejoint ainsi la préoccupation exprimée en commission par Mme Comparini de permettre une évolution « glissante » qui corresponde à une réalité.

Sur l’amendement n° 57, l’avis de la commission est défavorable, car cet amendement est satisfait par l’amendement n° 114.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. La question est en effet très importante, puisqu’il s’agit d’éclairer les perspectives d’emploi dans la recherche publique.

Il est d’abord assez délicat de savoir quels seront, à un horizon de cinq ans, les emplois créés par les différents organismes – par exemple en distinguant, comme le fait l’amendement n° 114, entre le personnel statutaire et non statutaire. À l’heure actuelle, un responsable d’organisme de recherche n’est généralement pas en mesure d’apporter une réponse fiable à cette question. On peut souhaiter, bien entendu, que la gestion de ressources humaines fasse des progrès dans les organismes de recherche, mais il faut, pour l’heure, reconnaître une situation de fait.

D’autre part, je tiens à rappeler à l’attention de M. le président de la commission que le Parlement a récemment adopté une loi organique sur les lois de finances, la LOLF. Pour avoir eu jadis l’honneur de participer aux travaux de la commission spéciale présidée par M. Fabius, je suis particulièrement conscient de la manière très largement consensuelle dont nous avons, à l’Assemblée et au Sénat, mis en place ce texte qu’on a pu qualifier de nouvelle constitution financière de la France.

En matière d’emploi, la LOLF donne aux gestionnaires une latitude que vous connaissez : c’est la fameuse fongibilité asymétrique qu’a voulue le législateur et qui permet au gestionnaire, lorsque des emplois budgétaires sont créés, de convertir les crédits prévus en crédits de fonctionnement, sachant que c’est impossible dans l’autre sens en vertu du principe de l’asymétrie.

Cinq ans sont vraiment un horizon lointain en matière de gestion des ressources humaines. Je crains que les tableaux que nous ferions figurer dans un document de nature législative ne soient très sujets à caution, d’autant plus que les gestionnaires ont une latitude par rapport au vote du législateur.

C’est donc pour des raisons essentiellement pratiques que je ne peux être favorable à l’amendement n° 266 rectifié de M. Claeys, à l’amendement n° 114 de M. Dubernard et à l’amendement n° 57 de M. Birraux. Étant entendu que je partage avec vous exactement le même objectif, et que nous devons faire tous les efforts pour y parvenir : amener les organismes de recherche, discipline par discipline, type d’emploi par type d’emploi, à faire paraître des prévisions aussi fiables que possible pour éclairer les futurs chercheurs, pour donner à ces jeunes des perspectives, pour leur indiquer, autant que faire se peut, s’ils auront de bonnes probabilités de trouver un emploi dans la spécialité qu’ils auront choisie. Mais j’appelle votre attention sur le caractère peu fiable de ces prévisions, qui peut être trompeur pour un certain nombre de candidats à ces postes. Le Gouvernement ne peut pas, pour des raisons de gestion mais également d’ordre juridique – ces dernières me paraissent fortes –, assurer la fiabilité des tableaux en question.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, dans un débat politique, il n’est pas utile de répondre systématiquement sur le plan technique, d’autant plus que vous nous avez prouvé tout à l’heure qu’il était difficile de savoir si l’on parlait en euros constants ou en euros courants. Mais j’ai l’impression que les deux suspensions de séance vous ont permis de suffisamment réfléchir pour nous donner satisfaction sur ce point. Cela étant, sur le plan de la programmation financière, vous n’avez apporté des précisions que sur 2 milliards par rapport aux 10 milliards nécessaires.

S’agissant de la gestion prévisionnelle des emplois scientifiques, il faut faire un peu d’histoire pour éviter qu’il n’y ait une réécriture de ce qui s’est passé de 1997 à 2002. Entre 1997 et 1999, M. Le Déaut et moi-même avons critiqué le manque de souffle de la politique de recherche. En 1999, nous avons présenté un rapport où nous pointions du doigt le problème numéro un, reconnu par l’ensemble de la communauté scientifique, à savoir la nécessité expresse d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique. Parce qu’il y a un écueil extraordinaire : de 2008 à 2012, la plupart des personnels des organismes de recherche et des universités vont partir à la retraite. Il est donc nécessaire d’intervenir, d’autant que nous avons déjà essuyé les plâtres avec le numerus clausus des médecins. Nous savons ainsi qu’une mauvaise gestion prévisionnelle des emplois conduit à ne pas avoir de réponse en matière de compétences professionnelles.

Autre point essentiel : si je comprends bien qu’un plan établi à l’horizon de cinq ans ne puisse être intangible et doive être adapté chaque année en fonction de l’évolution des sciences, avec la possibilité de mettre plus d’emplois scientifiques dans un organisme consacré à la science de l’information que dans un organisme dédié aux sciences du vivant, ou l’inverse, il n’en demeure pas moins certain qu’aujourd’hui les jeunes, qui déjà se détournent des études scientifiques, ne s’engagent plus dans les métiers de la recherche. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que pour obtenir un emploi, il faut des post-docs à l’infini, aller à l’étranger, faire des CDD, parfois être payé clandestinement. Tout cela, vous le savez. Il y a une sorte de désespoir chez ces jeunes. Il faut une passion, être presque tombé dedans quand on était petit, pour avoir vraiment envie d’aller faire les métiers de la recherche. Donc, si vous n’apportez pas, pour les cinq ans qui viennent, de perspectives de postes qui leur permettent de lutter contre la précarisation, maintenant presque omniprésente dans les organismes de recherche et dans les universités, vous aggraverez encore le désengagement de la jeunesse vis-à-vis de la recherche.

Dernier point sur lequel je veux insister : la gestion prévisionnelle, c’est aussi la façon dont les postes sont déclinés, parce qu’on s’est aperçu, il y a une bonne quinzaine d’années, que l’on recrutait essentiellement sur des postes de chercheurs ou de maîtres de conférence, alors que, dans les laboratoires, il manquait des techniciens, des administratifs et des ingénieurs. Au jour d’aujourd’hui, il faut donc montrer que la recherche, ce n’est pas que des chercheurs et des enseignants-chercheurs, et programmer les recrutements en conséquence.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est ce que nous faisons !

M. Pierre Cohen. Il ne faut pas le faire sur une année seulement, mais sur cinq. Vous ne pouvez pas vous contenter de vous glorifier de votre budget comme vous l’avez déjà fait pendant toute la discussion budgétaire, parce qu’aujourd’hui, nous débattons d’une loi de programmation – qui n’en est pas une d’ailleurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. J’interviens à la fois sur l’amendement no 114 de M. Dubernard et sur l’amendement n° 57 de M. Birraux. Je comprends bien le ministre lorsqu’il nous explique, légitimement, qu’un état prévisionnel et indicatif sur cinq ans pose des problèmes par rapport à nos règles de comptabilité publique. Néanmoins, M. Birraux justifie fort bien, dans son exposé sommaire, ce qui nous a poussé à voter en commission des affaires sociales l’amendement du président Dubernard. M. Birraux explique très clairement qu’un état prévisionnel, ce n’est pas pour s’occuper des moyens financiers mais pour avoir une politique cohérente de l’emploi scientifique et pour essayer de susciter une gestion des ressources humaines un peu moderne, ce qui permettrait aux jeunes qui souhaitent entrer dans ces filières de connaître un peu à l’avance les possibilités qui s’ouvriront à eux.

Si la rédaction fait problème, je propose que, dans l’amendement de M. Dubernard, les mots « Le Gouvernement » soient remplacés par les mots : « La mission interministérielle “Recherche et enseignement supérieur” » comme dans l’amendement de M. Birraux. En tout cas, on voit bien qu’avec ces deux amendements nous sommes au cœur du problème que nous indiquent et les profs, et les patrons d’instituts et de laboratoires, et les jeunes. Il y a un besoin de visibilité pour ceux qui vont entrer dans les emplois scientifiques. Je voterai donc l’amendement n° 114.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 266 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 114.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 57 tombe.

Je suis saisie d’un amendement n° 267 rectifié.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. Une programmation de l’emploi scientifique est indispensable, même si vous ne nous avez pas écoutés, monsieur le ministre. Dans le rapport que nous avions rendu au Premier ministre en 1999, nous montrions déjà que, de 2006 à 2010 ou à 2012, il y aurait des départs à la retraite massifs dans l’enseignement supérieur et la recherche, et que si jamais ils n’étaient pas anticipés par une loi de programmation, nous serions confrontés à un manque d’enseignants du supérieur et de chercheurs. Et le paradoxe est qu’aujourd’hui, du fait des signaux négatifs qui ont été donnés, notamment aux jeunes, ceux-ci se détournent des carrières scientifiques alors que demain nous en aurons besoin.

L’amendement n° 267 rectifié propose donc que le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2006, un rapport sur la mise en place d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique. Nous sommes ainsi en retrait par rapport à une mesure de programmation, mais nous vous demandons d’expliquer comment vous allez gérer les départs massifs à la retraite dans l’université française et dans les organismes de recherche alors que les jeunes, malheureusement, ne se sont pas encore engagés dans ces disciplines. C’est un amendement, hélas de repli, qui ne coûterait pas d’argent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement parce qu’elle préfère un état annuel « glissant » – je me permets de reprendre la terminologie « comparinienne » (Sourires) – à un rapport ponctuel avant le 31 décembre 2006.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis que la commission. Il est clair que l’adoption, il y a quelques instants, de l’amendement no 114 satisfait, et même au-delà, l’aspiration des auteurs de l’amendement no 267 rectifié.

En ce qui concerne les départs en retraite, j’ai déjà dit au cours de ce débat, monsieur Le Déaut, que nous aurons des années de fort recrutement dans l’emploi scientifique.

M. Jean-Yves Le Déaut. On n’aura personne pour occuper les postes !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les emplois existent, ils sont créés : un départ en retraite entraîne ipso facto un recrutement. Mais nous parlons actuellement, et c’est heureux, d’emplois supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut absolument éclairer les candidats potentiels parce que nous aurons en effet, à cause des départs en retraite, des recrutements massifs dans le monde de la recherche. Mais entre ce constat d’ensemble et la précision qui est nécessaire pour apporter à un jeune en cours d’études l’information lui permettant de savoir, selon la discipline qu’il a choisie, s’il a une probabilité forte de trouver un emploi, il y a un écart. Cette précision est difficile à atteindre. C’est ce que je me suis borné à dire tout à l’heure. Mais réjouissons-nous d’être dans une période de création d’emplois et d’embauches fortes.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur Dubernard, je n’ai pas réussi à comprendre la notion d’état annuel « glissant » : normalement, on établit un plan de cinq ans, et on peut le rediscuter chaque année pour voir s’il faut l’infléchir, le faire évoluer. Mais présenter chaque année un nouveau plan de cinq ans, je ne comprends absolument pas ce que cela signifie.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est la notion même de loi de programme !

M. Pierre Cohen. Si le plan de cinq ans est remplacé l’année suivante par un autre plan, cela suppose qu’il ne vous engage pas au-delà d’un an.

M. Maurice Giro. Mais ça se suit d’une année à l’autre !

M. Pierre Cohen. Il suffisait de proposer un plan de cinq ans qui ferait l’objet d’une discussion annuelle. Je considère donc, compte tenu de ce que je sais d’un plan, de son évolution et de la gestion prévisionnelle, que l’amendement n° 114 est aberrant.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 267 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 338.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous proposons que le Gouvernement remette annuellement un rapport sur l’évaluation des niches fiscales dédiées à la recherche. En effet, le crédit d’impôt recherche est important. Le Parlement a d’ailleurs modifié son attribution.

Certains collègues devraient méditer sur le constat suivant : notre pays forme environ 10 000 docteurs par an. Parmi eux, 1 500 à 2000 étrangers – selon les années – repartent dans leur pays une fois le diplôme obtenu : il reste donc 8 000 docteurs. Dans les meilleures années, seulement 1 500 sont employés dans le secteur privé. Les 3 000 postes que vous créez en 2006 permettent seulement de rattraper le retard et, lors de l’examen de l’article 3, je vous donnerai un exemple qui illustre la galère des jeunes docteurs dans l’enseignement supérieur. En tout cas, un certain nombre d’entre eux ne trouvent pas d’emploi en rapport avec leur qualification.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Nous parlons de l’amendement n° 338 !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne l’ai pas oublié.

La question importante de l’emploi scientifique ne peut se passer d’une évaluation des déductions fiscales et notamment du crédit d’impôt recherche, instruments fiscaux en lien avec l’emploi de jeunes docteurs dans le secteur privé et auxquels, dans certains cas, François Hollande s’est déclaré favorable hier. Où est la vérité ? Nous souhaitons d’autant plus le savoir que, dans la programmation annoncée, on mélange des crédits de la MIRES avec ceux du ministère, les crédits de l’ANR avec les déductions fiscales : c’est le mariage de la carpe et du lapin !

Cet amendement vise donc, monsieur le ministre, à faire la lumière sur l’utilisation des deniers publics : quel est le montant des déductions ? À qui bénéficient-elles ? Ont-elles une conséquence sur l’emploi scientifique et celui des jeunes ? Où va l’argent ? Ce sont là des questions majeures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car après l’article 16 bis, elle a adopté – et je suis sûr que vous étiez présent, monsieur Le Déaut – un amendement, n° 173, visant à demander un rapport sur le crédit d’impôt-recherche.

Par ailleurs, comme M. le ministre l’a rappelé, une telle évaluation est déjà réalisée dans le cadre de la LOLF.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Bien sûr !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Aussi vous demanderais-je volontiers de retirer cet amendement, mais sans doute ne le ferez-vous pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 338.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 198.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. Vous l’avez compris : les dispositions figurant dans et après l’article 1er sont pour le groupe UDF des occasions de poser les fondements de l’action pour la recherche. Après l’amendement n° 195 de M. Albertini, relatif au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et à son inscription dans notre République, notre groupe, reprenant une idée évoquée sur tous les bancs lors de la discussion générale, souhaite mettre en évidence que « l’État concourt avec les collectivités territoriales au développement de la recherche ». C’est l’objet de l’amendement n° 198.

Je sais, monsieur le président Dubernard, qu’un article relatif à la définition des PRES évoque ce rôle des collectivités territoriales, mais nous proposons que leur contribution aille bien au-delà : les collectivités sont en effet concernées par la recherche dans le cadre des contrats de plan État-région et des programmes d’amélioration de laboratoires ou de structures universitaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Mme Comparini a rappelé pourquoi la commission avait rejeté cet amendement : les collectivités territoriales, dont nous connaissons l’importance pour la recherche – notamment, chère collègue, dans notre région d’origine – ont déjà la possibilité de contribuer au développement de la recherche dans les PRES, et même dans les réseaux thématiques de recherche avancée. La bulle TGEN est ainsi née de la volonté d’un État américain, l’Arizona : il ne s’agit certes pas d’une région française, mais c’est le même esprit.

La commission est donc défavorable à cet amendement parce qu’il est satisfait par les dispositions du projet de loi.

Mme Anne-Marie Comparini. Pas tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

J’ajoute que rien ne s’oppose aujourd’hui à l’intervention des collectivités territoriales dans le domaine de la recherche : elle est soumise aux règles générales des collectivités, à savoir l’intérêt à agir ; il suffit donc qu’un projet intéresse une région, un département ou même une agglomération.

Par ailleurs, cet amendement, tel qu’il est rédigé, c’est – passez-moi la métaphore – le pâté de cheval et d’alouette ! Rappelons les ordres de grandeur : le financement de la recherche par les collectivités s’élève, bon an, mal an, à 450 millions d’euros. Cette contribution est très utile et je me félicite que de nombreux élus aient l’ambition d’aller plus loin. Mais ce chiffre est tout de même limité si on le compare aux quelque 20 milliards d’euros que l’État, toutes sommes confondues, consacre à la recherche. Or la rédaction de votre amendement laisse entendre que c’est l’État qui viendrait renforcer accessoirement l’action des collectivités locales !

Mme Anne-Marie Comparini. Pas du tout, c’est le contraire !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cela ne me paraît pas conforme à leurs rôles respectifs.

Enfin, il est nécessaire de rappeler clairement que la politique de recherche est du ressort de l’État. Il n’est pas question que nous ayons vingt-deux politiques de recherche atomisées dans notre pays !

Mme Anne-Marie Comparini. Ce n’est pas le sens de cet amendement !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cela n’empêche nullement les collectivités de soutenir la recherche dans leur territoire, et pas seulement par des contributions financières.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. J’irai dans le même sens que M. le ministre. Vous voyez, madame Comparini, qu’au bout de trois heures de débats, nous avons des désaccords.

Cet amendement est ambigu, car il existe des contrats de plan État-région sur cinq ou six ans dans les domaines de transferts de technologie, d’innovation et de recherche.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. En effet !

Mme Anne-Marie Comparini. Je ne le nie pas !

M. Pierre Cohen. Même si la montée en puissance des régions est très bénéfique pour les dynamiques d’aménagement du territoire, il ne faudrait pas laisser à penser aux chercheurs et aux personnels que la compétence a glissé de l’État vers les collectivités territoriales ou que la recherche, comme la culture, serait coproduite. Ce serait tomber dans une erreur très grave : l’État a la responsabilité et la compétence pour la politique de recherche et, malgré nos débats sur ce point, promeut le savoir au sens universel du terme.

Il faut absolument distinguer entre la compétence de l’Europe, celle de l’État et celle des collectivités territoriales. Or cet amendement, même si ce n’est pas votre intention – l’ancienne présidente de région que vous êtes connaît très bien les limites de l’action locale en la matière – laisse courir une fâcheuse ambiguïté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Je ne vais rien « laisser courir » et je vous demande, monsieur le ministre, cher collègue, de lire cet amendement : vous verrez qu’il ne propose nullement que les régions se substituent à l’État, mais au contraire que celui-ci, premier visé, « concourt avec » les collectivités au développement de la recherche.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’État ne « concourt » pas à la politique de recherche, il l’assume !

Mme Anne-Marie Comparini. Décidément, des clones du référendum de 1969 sévissent encore dans cette assemblée !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 198.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, n° 2784 rectifié :

Rapport, n° 2888, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2879, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2837, de M. Jean- Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)