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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 14 mars 2006

169e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

Contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. On veut Ségolène !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, votre intervention télévisée, dimanche soir, devait calmer les esprits : elle a déclenché la colère. Vos aménagements sont apparus comme des atermoiements, vos timides compléments comme de simples ajustements. En réalité, ils ne changent en rien la nature même du CPE (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : celui-ci demeure un contrat auquel il peut être mis fin à tout moment et sans motif pendant un délai deux ans.

Seul le MEDEF a répondu favorablement à la proposition de discussion que vous avez adressée aux partenaires sociaux. Les syndicats ont considéré que, faute d’avoir été consultés sur le projet de loi, ils ne pouvaient pas s’associer à l’application du texte dès lors qu’ils refusent la mesure en elle-même.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Elle a été votée !

M. François Hollande. Vos modestes ouvertures – car il ne s’agissait que de cela – ont révélé en définitive, monsieur le Premier ministre, votre extrême fermeture. Aujourd’hui, par votre obstination, vous prenez le risque d’ouvrir un conflit grave et durable…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. On en a vu d’autres !

M. François Hollande. …dont nul ici ne peut prévoir l’issue.

M. Francis Delattre. Vous attendez la révolution ?

M. François Hollande. Un tel conflit n’est bon, ni pour notre économie, ni pour l’éducation, ni pour l’ordre public. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certains membres de votre gouvernement appellent à une politique de rupture. Eh ! bien, mesdames et messieurs, elle est là, la rupture, entre le pouvoir et une majorité de la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, des voix s’élèvent, jusque dans votre majorité, pour demander une nouvelle discussion de ce dispositif (Vivres protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), quand elles ne formulent pas l’espoir de son annulation, totale ou partielle, par le Conseil constitutionnel. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Un seul !

M. François Hollande. J’en connais, dans vos rangs, qui doivent prier pour que le CPE soit annulé, afin que cesse cette cause de conflit ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question !

M. François Hollande. Il en est même, dans votre majorité, qui appellent de leurs vœux un nouveau projet de loi sur ce sujet.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Un seul député !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, avant que de nouvelles manifestations n’aient lieu, je vous demande, dans un esprit de responsabilité et d’apaisement, de retirer le CPE et d’ouvrir des négociations. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Car l’autorité dont vous parlez commence par la sagesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, je veux d’abord, en réponse à vos critiques, vous faire part de ma détermination à lutter contre le chômage des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et ce dans le respect de la loi qui a été votée – faut-il le rappeler au parlementaire que vous êtes ? (« 49-3 ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Faut-il vous rappeler qu’elle n’a pas été votée ?

M. Albert Facon. Faut-il vous rappeler que vous l’avez imposée à l’Assemblée ?

M. le Premier ministre. Je veux vous assurer de ma volonté d’avancer, dans un esprit d’ouverture et de dialogue avec chacun, en particulier avec les partenaires sociaux. (« 49-3 ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je veux aussi vous faire part de trois convictions qui sont miennes. Premièrement, face au chômage, nous ne pouvons pas fermer les yeux, nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous avons tous ici un devoir à l’égard des jeunes en difficulté.

M. Patrick Roy. 49-3 !

M. le Premier ministre. C’est d’abord un devoir de vérité. Nous ne pouvons pas laisser croire aux jeunes que nous pourrons leur assurer un emploi sans rien changer dans notre pays, car cela est faux, et vous le savez bien, monsieur Hollande.

C’est aussi un devoir d’action.

Plusieurs députés du groupe socialiste. De réaction !

M. le Premier ministre. En effet, c’est en créant de nouveaux instruments à l’intention jeunes, comme le contrat d’accompagnement vers l’emploi, comme le dispositif « défense-deuxième chance » ou comme le « contrat première embauche », que nous ferons baisser le chômage. (« Précarité ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous ne cherchons pas une « solution miracle » qui n’existe pas : nous inventons, de manière pragmatique, des réponses à chacune des difficultés que rencontrent les jeunes.

Mme Martine David. Baratin !

M. le Premier ministre. Deuxièmement, si nous, le Gouvernement et la majorité tout entière, nous engageons sur le « contrat première embauche », c’est parce qu’il est un contrat utile, qui va créer des emplois pour les jeunes en difficulté. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Mensonges !

M. le Premier ministre. Nous avons l’exemple du « contrat nouvelles embauches ». Ce sont 360 000 contrats de ce type qui ont été signés en quelques mois.

M. Albert Facon. Combien de licenciements ?

M. le Premier ministre. Un tiers de ces contrats correspond à des emplois nouveaux.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où ça ?

M. le Premier ministre. Le « contrat première embauche » marchera lui aussi.

Mme Martine David. Vous êtes droit dans vos bottes, comme l’autre !

M. le Premier ministre. Nous savons que des milliers de contrats attendent d’être signés. C’est la création de milliers d’emplois pour les jeunes de notre pays qui est en jeu.

Troisièmement, et c’est pour moi l’essentiel, le « contrat première embauche »…

Plusieurs députés du groupe socialiste. est retiré !

M. le Premier ministre.… est juste et équilibré.

M. Jean Glavany. Pour Mme Parisot ?

M. le Premier ministre. Il offre de vraies garanties aux jeunes (« Lesquelles ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : une garantie d’accès au logement…

Mme Martine David. Faux !

M. le Premier ministre. …, une garantie d’accès à la formation…

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Faux !

M. le Premier ministre. …, une garantie d’accès au crédit.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Faux !

M. le Premier ministre. Il prévoit aussi un filet de sécurité en cas de rupture, qu’aucun autre contrat ne comporte : c’est une nouvelle protection destinée aux jeunes. Ainsi, un jeune salarié – car, monsieur Hollande, il faut bien un jour quitter le ciel des généralités et descendre dans la vie réelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) –

M. Henri Emmanuelli. Ça vous va bien de dire ça !

M. le Premier ministre. …un jeune salarié qui perdrait son emploi au bout de six mois dans l’entreprise aurait droit à un préavis d’un mois, à une indemnité dont le montant serait de la moitié de son salaire mensuel, à quoi s’ajouteraient sept mois d’allocation chômage…

M. Jean Glavany. C’est bien une logique de licenciement !

M. le Premier ministre. …et à un accompagnement personnalisé par l’ANPE chaque mois, sous la forme d’un rendez-vous mensuel avec un conseiller référent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.).

J’ai proposé qu’en accord avec les partenaires sociaux, ce filet de sécurité soit encore élargi : en cas de rupture du contrat au bout de quelques mois, les jeunes pourraient bénéficier d’un droit à la formation de trois mois accompagné d’un complément de rémunération.

Parce que nous sommes soucieux de tirer les leçons de l’expérience, je vous rappelle que ce dispositif sera évalué tous les six mois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), afin qu’on puisse mesurer, avec les partenaires sociaux, ses effets sur l’embauche.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et le CNE, quand sera-t-il évalué ?

M. Patrick Lemasle. Le CNE n’a jamais été évalué !

M. le Premier ministre. Si cette évaluation révèle la nécessité d’opérer quelques ajustements ou quelques ajouts, nous le ferons, avec pragmatisme.

M. Jean Glavany. C’est le Premier ministre qu’il faut ajuster !

M. le Premier ministre. En attendant, monsieur Hollande, essayons d’avancer, plutôt que de rester les bras croisés face aux attentes des Français.

Vous me permettrez enfin, monsieur Hollande, d’en appeler à l’esprit de responsabilité, et au respect de la loi républicaine (« 49-3 ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany. Quand on parle de République, on commence par respecter le Parlement !

M. le Premier ministre. …pour éviter toute surenchère et tout débordement. L’enjeu, c’est l’emploi des jeunes en difficulté, et au-delà la défense de notre modèle social.

Monsieur Hollande, maintenir, jour après jour, cet esprit de responsabilité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et la volonté d’agir, voilà ce que nos compatriotes attendent de nous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, le groupe Union pour la démocratie française a alerté le Gouvernement sur les tensions et le rejet qu’allait entraîner le CPE dès que l’amendement introduisant le dispositif a été connu. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous l’avons dénoncé dès le début, tant sur la méthode qui a présidé à son adoption que sur le fond.

La méthode, c’était cet amendement apparu par surprise, sans avoir été précédé par la moindre concertation avec les partenaires sociaux (« Eh ! oui » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) ; la déclaration d’urgence, qui limite le débat parlementaire ; le passage en force que constitue l’utilisation du 49-3, et ceci en violation de votre engagement de tirer le bilan de la première année d’application du CNE avant d’en étendre le principe.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons aussi dénoncé le fond, notamment les deux ans de précarité absolue imposée à nos jeunes, et l’autorisation de licencier sans motif que même les entrepreneurs ne demandaient pas.

M. Maxime Gremetz. Quel scandale !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous dites aujourd’hui que cela donnera des emplois aux jeunes des banlieues. Permettez, monsieur le Premier ministre, à l’élu de banlieue que je suis de vous dire que si ces jeunes ne trouvent pas de travail, ce n’est pas parce qu’on ne peut pas les licencier : c’est parce qu’on ne leur a pas donné la formation qui leur permettrait d’être utiles dans une entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF a voté contre votre projet.

M. Maxime Gremetz. Il a bien fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Puisque vous parlez de responsabilité, monsieur le Premier ministre, nous pensons qu’on ne peut pas laisser notre pays s’enfoncer dans la crise et se déchirer comme il le fait aujourd’hui : des dizaines d’universités sont bloquées ; les lycéens se mobilisent ; les affrontements entre jeunes et forces de l’ordre se multiplient, et plus aucun syndicat, même parmi les plus réformistes, n’accepte de discuter avec le Gouvernement.

Nous constatons avec regret, monsieur le Premier ministre, l’évidence que votre intervention de dimanche soir n’a pas apaisé la France. Nous pensons qu’il est nécessaire aujourd’hui de rouvrir un vrai dialogue portant sur l’ensemble du CPE. Vous pouvez, et à nos yeux vous devez demander au Président de la République de saisir à nouveau, au titre de l’article 10 de la Constitution, le Parlement du projet de loi relatif au CPE. C’est pour la France la seule voie qui permettrait au Gouvernement de prendre le temps de la discussion et de la négociation avec les représentants des salariés, des entreprises et de la jeunesse.

Monsieur le Premier ministre, il vaut mieux négocier que s’entre-déchirer. Demandez au chef de l’État qu’il autorise une nouvelle délibération, pour disposer des moyens d’ouvrir un vrai dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui est-ce ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous avez, avant de poser votre question, évoqué la méthode qui a présidé à l’adoption du texte relatif à l’égalité des chances. Vous le savez bien, puisque vous étiez vous-même en séance : ce texte a été débattu pendant 135 heures ; le CPE lui-même a été voté par l’Assemblée nationale (« C’est faux ! 49-3 ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avant d’être discuté et voté par le Sénat. Le texte a donc bien été discuté et voté. Voilà pour la méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. Vous mentez !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Lagarde, en tant que député de Seine-Saint-Denis, vous êtes au cœur de ces départements où l’emploi rencontre plus qu’ailleurs des difficultés, en particulier l’emploi des jeunes. Vous mesurez d’ailleurs tellement ces difficultés que vous êtes de ceux qui ont réclamé pour leur ville le bénéfice d’une zone franche urbaine, que vous avez obtenu la semaine dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Et alors ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Cette remarque est scandaleuse !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Si vous l’avez demandé, c’est que vous êtes bien conscient qu’il faut utiliser tous les outils susceptibles de favoriser l’emploi.

M. Albert Facon. Parce qu’il faudrait laisser à vos amis le bénéfice d’exemptions fiscales dont le coût est supporté par tous les citoyens ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Au nombre de ces outils, et à côté des mesures territoriales d’accompagnement, il y a aussi des dispositifs innovants en matière de contrats de travail, tels que le CPE.

Nous devons savoir ce que nous voulons : se contenter de polémiquer pendant des heures dans cet hémicycle sans régler le problème, comme on le fait depuis vingt ans (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ou avoir le courage minimal de proposer des démarches novatrices, propres à apporter des réponses aux questions que se posent les Français. Le Président de la République a choisi, et il vient de réaffirmer son choix en apportant son soutien au CPE comme à tout ce qui favorisera l’emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Voilà un bon petit soldat !

contrat première embauche

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le Premier ministre, vous n’aviez pas convaincu, voici un mois, lors de la présentation du CPE. Vous n’avez pas convaincu davantage lors de votre sortie télévisée de dimanche soir. Vous voulez maintenant faire croire que ce contrat ne s’appliquerait qu’aux jeunes en difficulté sans qualification. C’est faux : votre contrat s’applique à tous les jeunes de moins de vingt-six ans sans exception, diplômés ou non. C’est votre loi, relisez-la !

Vous voulez faire croire que le droit du travail sera appliqué. C’est encore faux : votre contrat ne prévoit aucune justification en cas de licenciement – lequel peut avoir lieu du jour au lendemain –, ce qui est une dérogation au code du travail. Tous les abus seront permis, sans aucune protection.

Enfin, vous voulez faire croire, pour rassurer, que l’employeur n’a aucun intérêt à embaucher un salarié avec l’objectif de le licencier au bout de deux ans. Mais si c’était le cas, pourquoi fixer une période d’essai aussi longue, pendant laquelle le licenciement est libre et sans motif ?

Monsieur le Premier ministre, n’oubliez jamais que nos concitoyens sont intelligents ! Ce ne sont pas les maigres propositions que vous avez faites après les manifestations de la semaine dernière pour tenter d’enrober le CPE et de le faire paraître meilleur qui tromperont les jeunes et leurs familles. Ce contrat institue la précarité du travail des jeunes. Vous le savez. Tout le monde le sait.

Votre rigidité et votre manière de détourner la réalité appellent à amplifier le mouvement contre le CPE. Les jeunes le rejettent toujours, comme c’est le cas à l’université de Paris X-Nanterre. Les organisations syndicales n’ouvriront pas les négociations tant qu’il ne sera pas retiré. Des présidents d’université le contestent également. La raison gagne même certains dans vos rangs, qui en demandent le retrait.

Monsieur le Premier ministre, abandonnez votre attitude autoritaire et écoutez la voix de nos concitoyens, qui vous demandent de retirer le CPE. Allez-vous, oui ou non, les entendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le CPE ne crée pas la précarité. Celle-ci – ou, plus précisément, l’accès à l’emploi –, notamment pour les premières embauches, est un problème qui se pose à l’échelle européenne autant que française, et face auquel nous ne disposions pas des règles qui convenaient. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Regardons la question comme elle est. L’apprentissage, c’est-à-dire l’aller-retour entre l’appréhension théorique et l’expérience dans l’entreprise, fonctionne, tout comme les contrats de professionnalisation mis en place avec les partenaires sociaux, qui permettent d’emmagasiner de l’expérience. Les jeunes qui ont suivi des formations très qualifiantes, comme les IUT, trouvent facilement une activité. Pour certains métiers cependant, il est nécessaire d’emmagasiner de l’expérience dans le monde du travail. Le CPE est un des nombreux contrats du droit du travail, qui représentera peut-être 5 % ou 10 % des contrats, est adapté à ces cas.

Ce matin, le journal Le Parisien publiait l’interview de trois jeunes qui déclaraient que, bien que diplômés et pourvus d’une qualification, il leur manquait une première expérience professionnelle, à cause de leur quartier d’origine ou par suite de discrimination, et qu’ils souhaiteraient avoir la chance de bénéficier d’un CPE. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà ce dont il est fondamentalement question : ce n’est pas le sujet polémique vers lequel vous souhaitez nous entraîner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche
et les nouvelles garanties

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le Premier ministre, des démagogues qui, en vérité, se moquent bien des jeunes, se servent d’eux – de l’angoisse des uns, de l’ingénuité des autres et du militantisme d’un petit nombre – pour se refaire une santé politique. (Approbations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) À l’évidence, ce n’est pas l’avenir des jeunes qui les motive, ni celui de notre pays. Leur véritable objectif est moins avouable : il est de gagner les élections…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous allez les perdre !

M. Jean-Claude Guibal. …et, pour cela, de faire échouer les réformes initiées par le Gouvernement, car si ces réformes réussissaient, la preuve serait donnée que la politique de notre majorité peut sortir la France du marasme dans lequel elle s’est enfoncée depuis vingt-cinq ans.

Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes adressé dimanche soir aux Français et avez confirmé que vous ne reviendriez pas sur le CPE voté par le Parlement. Vous avez bien fait de ne pas renoncer, car les peuples ne respectent pas les faibles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. Dictateur !

M. Jean-Claude Guibal. Vous avez aussi proposé aux partenaires sociaux de négocier des garanties supplémentaires qui se rajouteraient à celles, déjà nombreuses, que prévoit le CPE. Vous avez, comme l’a souligné Brice Hortefeux, tendu la main aux syndicats. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous verrons bien ceux qui sont sincères lorsqu’ils réclament davantage de dialogue.

Le CPE ne mérite ni un excès d’honneur, ni cet excès d’indignité dont l’accablent certains – d’ailleurs minoritaires parmi les étudiants comme dans le pays. Il nécessite, en revanche, encore plus d’explications et de pédagogie, car il est au cœur des problématiques les plus graves pour notre pays.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous redire en quoi le CPE est une arme contre la précarité, quelles sont les garanties dont il est assorti et quelles sont celles qui pourraient lui être ajoutées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député Guibal, vous avez raison de dire que nous sommes au cœur d’une des problématiques les plus difficiles pour la France, comme elle l’est d’ailleurs pour l’ensemble des pays européens.

La mondialisation et les échanges internationaux nous placent dans une situation de compétition. Certains pays concurrents obéissent à des modèles d’une extrême flexibilité – le mot est faible ! –, qu’il s’agisse de la République populaire de Chine, de l’Inde ou de certains pays émergents.

L’Europe doit s’adapter et tous les gouvernements européens s’efforcent d’introduire de la souplesse et de la flexibilité, en même temps que de la sécurité pour les salariés. Les socialistes britanniques l’ont fait, et le taux de chômage est meilleur en Grande-Bretagne qu’en France. Les Italiens l’ont fait aussi, et leur taux de chômage est de 7,7 %. Chez nos amis allemands, la coalition de la CDU et des socialistes a inscrit dans son programme la nécessité de le faire, avec une période d’essai de deux ans.

Il s’agit ici de permettre une certaine flexibilité pour l’un des premiers contrats de première embauche. Si compréhensible que soit l’inquiétude que cela suscite, je rappelle qu’il s’agit aussi d’apporter le plus possible de garanties en matière de logement, d’indemnités et de deuxième formation éventuelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cet équilibre est certes très difficile, mais c’est l’équilibre de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

mesures en faveur des jeunes
des quartiers difficiles

M. le président. La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe UMP.

M. Georges Mothron. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, nombre de nos quartiers sont le creuset et le reflet, depuis des dizaines d’années, des maux de notre société : violence, habitat déqualifié, disparition des commerces de proximité, absence de lieux de vie et d’échange. Jeudi dernier, le Premier ministre a réuni le Comité interministériel des villes et du développement social urbain, auquel vous avez participé. Dans la continuité des actions menées par le Gouvernement, l’objectif de ce comité a été de refonder les bases de la politique de la ville pour les années à venir. En effet, les violences urbaines qu’ont connues nos quartiers difficiles voici quelques mois, au-delà des agissements de certains agitateurs délinquants, étaient un cri d’alerte face à une situation souvent ressentie comme sans issue par les jeunes de ces quartiers.

Aussi le Gouvernement s’attache-t-il à offrir à tous ces jeunes une vision d’avenir et les moyens de réussir leur intégration dans notre société et leur insertion sur le marché du travail. Pour gagner cette bataille, le CPE, le développement de la formation en alternance et de l’apprentissage, la création de lieux d’écoute pour les jeunes ou la lutte contre les discriminations sont des mesures qui participent toutes d’une même dynamique : redonner confiance et des chances réelles à notre jeunesse.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler toute la mobilisation du Gouvernement pour une véritable politique globale vers la réussite de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous rappelez à juste titre, monsieur Mothron, que le Premier ministre a souhaité présider lui-même, jeudi dernier, la réunion du Comité interministériel à la ville. Plusieurs décisions importantes ont été prises.

La première est un engagement fort du Gouvernement de contractualiser à nouveau entre l’État et les villes, pour accompagner ces dernières dans les domaines du quotidien.

Le premier de ces domaines est évidemment celui de l’emploi. Outre les mesures prises par le Gouvernement – contact systématique, chaque mois, de tous les jeunes avec l’ANPE afin de définir avec eux une démarche professionnelle, apprentissage et CPE –, la mise en place de l’accompagnement du service civil volontaire et du service « défense deuxième chance » offrira à de nombreux jeunes une autre solution pour démarrer un parcours professionnel.

Nous allons également soutenir les dispositifs « école de la deuxième chance », qui, eux aussi, apportent une solution à des jeunes très éloignés du monde scolaire et du milieu de l’emploi.

Le deuxième volet est celui de l’éducation. La formation et l’accompagnement à l’école sont le moyen d’inscrire les jeunes dans des parcours personnels de réussite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut donc renforcer les équipes de réussite éducative : c’est là le premier dispositif dédié au jeune lui-même, qui prévoit un accompagnement visant à répondre à ses besoins et à ceux de sa famille.

Nous lançons, avec Gilles de Robien, les collèges « ambition réussite » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui donneront aux jeunes, dans des quartiers ciblés, les moyens de se former.

Le troisième grand domaine est celui de la citoyenneté et de la médiation sociale. Nous allons doubler le nombre de postes des adultes-relais, ces acteurs du quotidien à la disposition des associations, qui permettent de créer ce lien social dont on a tant besoin dans les quartiers. Sur la base de contrats de ville renouvelés et avec des moyens sans précédent pour la politique de la ville, nous avons tous les outils pour répondre aux attentes des jeunes de nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

blocage des universités

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe UMP.

M. Céleste Lett. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, hier, les étudiants de l’université de Rennes II, qui étaient appelés à se prononcer sur la fin du blocus de l’université, n’ont pu le faire, plusieurs individus masqués ayant mis fin à l’assemblée générale par une intervention musclée avant le vote. Celui-ci aurait pu, en effet, déboucher sur la fin du blocus illégal de l’université, qui durait depuis plusieurs jours. Le président de l’université vient, du reste, d’être mis en demeure par le tribunal administratif de fournir des locaux aux étudiants qui souhaitent suivre les cours – car il y en a. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Déjà, dans la nuit de samedi à dimanche, la Sorbonne a dû être évacuée après avoir été occupée par plusieurs centaines de personnes qui avaient jeté sur les forces de l’ordre tout ce qui leur passait sous la main – échelles d’incendie, chaises, et même des livres de la bibliothèque de l’École des Chartes.

Le bilan est désormais connu : outre la perte de plusieurs ouvrages anciens dont la valeur est difficilement estimable, plusieurs centaines de milliers d’euros de travaux et, surtout, une semaine de fermeture avant que les milliers d’étudiants de la Sorbonne puissent à nouveau suivre leurs cours et préparer leurs examens de fin d’année. On pourrait, malheureusement, multiplier les exemples de ce type.

Ma question est simple : est-il normal que des poignées d’individus puissent ainsi interdire à notre jeunesse d’étudier sereinement ? Est-il normal qu’une minorité perturbe à ce point les établissements scolaires et universitaires ? La loi étant votée, n’est-ce pas là un refus flagrant de la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Lett, je profite de votre question pour faire le point sur l’état de l’université.

Aujourd’hui, il y a trente-neuf universités qui fonctionnent tout à fait normalement.

M. Julien Dray. Combien de lycées ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y en a vingt-huit qui connaissent des perturbations et dix-sept qui sont fermées ou bloquées,…

M. Julien Dray. Combien de lycées ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. sur, je le rappelle car c’est un chiffre qui est rarement donné, quatre-vingt-quatre universités, ce qui montre que l’immense majorité des étudiants veulent suivre les cours (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et ce quelle que soit d’ailleurs leur opinion sur le CPE.

Certes, les étudiants peuvent avoir des inquiétudes, mais aucun démocrate ne peut admettre qu’une minorité empêche des étudiants de suivre les cours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aucune minorité ne peut empêcher des étudiants de suivre leur parcours d’insertion professionnelle, pace que c’est justement par ce parcours que l’inquiétude peut diminuer.

M. Jean Glavany. Vous cultivez l’autisme !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je m’adresse à travers vous, monsieur le député, à l’ensemble des étudiants : je leur dis que, bien entendu, les manifestations sont autorisées quand elles restent dans le cadre de la loi. Les universités peuvent être d’ailleurs des lieux de débats, dans le cadre de la loi. Mais la limite, c’est le respect de la loi, le respect des autres, le respect de celles et de ceux qui veulent continuer à suivre leurs cours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous me permettrez de citer le vice-président de la conférence des présidents d’universités, Yannick Vallée, qui a dit : « Le droit au blocage n’existe pas. » J’appelle donc l’ensemble des étudiants et l’ensemble de la communauté universitaire à faire en sorte que, sur tout le territoire, les cours soient assurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Julien Dray. Alors, retirez le CPE !

conformité du cpe à la constitution

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe socialiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, les Français rejettent massivement le CPE (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui précarise les jeunes et les frappe d'une discrimination négative.

Vous avez voulu passer en force au Parlement, avec une sorte – la comparaison ne vous sera pas nécessairement désagréable – de bonapartisme législatif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est constitutionnel !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais, aujourd'hui, les députés socialistes et radicaux de gauche défèrent cette loi créant le CPE au Conseil constitutionnel en se fondant sur trois griefs principaux.

D'abord, établir une discrimination fondée sur l’âge transgresse le principe constitutionnel d'égalité des salariés. Un jeune de vingt-cinq ans, et un autre de vingt-six, occupant le même poste dans la même entreprise, seront traités différemment : le premier sera licencié sans motif…

M. Jean-Jacques Descamps. Et les emplois-jeunes, c’étaient quoi ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …et par simple lettre recommandée, le second sera convoqué à un entretien préalable et se verra indiquer le motif du licenciement envisagé.

Ensuite, même rebaptisée hâtivement « période de consolidation », la période d’essai du CPE durera deux ans, au lieu d'un à trois mois pour les autres CDI. Cette longueur excessive contrevient manifestement à la convention 158 de l’OIT sur le licenciement et à la Charte sociale européenne, qui, étant des engagements internationaux, ont une autorité supérieure à celle des lois.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Baratin !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Certes, ces deux textes autorisent un État à déroger à leurs dispositions pour les travailleurs en période d’essai, mais à la condition que la durée de celle-ci soit raisonnable. Sur cette base, la Cour de cassation a jugé abusive une période d’essai de trois mois pour un coursier. Maintenant, avec le CPE – si votre texte est promulgué –, un directeur de Mc Do aura deux ans – 730 jours – pour apprécier si un jeune livreur de hamburgers donne satisfaction dans son travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est ridicule de dire ça !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Enfin, la Constitution oblige le Gouvernement à consulter le Conseil d’État avant de soumettre un projet de loi au Parlement. Certes, vous avez pris son avis sur le projet relatif à l’égalité des chances, mais ce texte ne comportait pas alors l’article créant le CPE car celui-ci résulte d'un amendement gouvernemental déposé après coup, postérieurement à la consultation du Conseil d’État.

M. Maxime Gremetz. Très juste !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour créer le CPE, monsieur le Premier ministre, vous avez cru pouvoir vous exonérer de toutes les procédures démocratiques. (« La question ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez exclu le dialogue social, esquivé le Conseil d’État, escamoté le débat à l’Assemblée nationale. Mais il reste sur votre route le Conseil constitutionnel. Je souhaite qu’il retienne nos arguments et qu’il censure votre texte (Mêmes mouvements) en le tenant pour ce qu’il est, c’est-à-dire injuste, inefficace et inconstitutionnel.

M. le président. Monsieur Schwartzenberg, posez votre question.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je la pose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le problème n’est pas seulement juridique. Vous êtes face à une crise politique que vous avez vous-même créée. Notre pays est gagné par un malaise croissant. Dans l’intérêt national, êtes-vous donc prêt à retirer enfin ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Schwartzenberg, je ne doute pas un seul instant que vos qualités éminentes vous amèneront peut-être un jour au Conseil constitutionnel. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais, pour l’instant, vous l’avez saisi et c’est à lui de répondre. Je peux simplement vous indiquer l’opinion que le Gouvernement lui transmettra sur les deux points que vous soulevez.

Vous ne pouvez pas faire parler le Conseil constitutionnel. Il a dit, dans sa décision du 22 juillet 2005,…

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Non !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …à propos du principe d’égalité : « Aucun principe non plus qu’aucune règle constitutionnelle n’interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières. » Ce raisonnement s’applique au CPE.

M. Jérôme Lambert. Ce n’est pas vrai du tout !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant au droit d’amendement, vous savez que le Gouvernement a la capacité d’en déposer. Cette capacité est limitée en deuxième lecture, mais elle ne l’est pas en première lecture. L’amendement en question a été présenté en première lecture. En ce qui nous concerne, nous attendrons sereinement la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

évaluation du contrat nouvelles embauches

M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe UMP.

M. Claude Gaillard. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l’emploi et la lutte contre le chômage.

M. Jean-Louis Idiart. Retirez le CPE !

M. Claude Gaillard. Mais d’abord, je voudrais dire, m’adressant à l’opposition, qui, naturellement, a déjà gouverné et a vocation à gouverner de nouveau un jour (« Oui, mais quand ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), qu’il y a des limites dans la démagogie et la caricature et que les dépasser est quasiment criminel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il y a plus de six mois, le débat sur le contrat « nouvelles embauches » nous a déjà valu de graves procès d'intention. Le groupe UMP a alors demandé qu’il soit procédé à une évaluation au bout de deux ans. Étant donné ce qu'est la discussion aujourd'hui, je souhaiterais, pour départager l’Assemblée sur ce sujet,…

M. Maxime Gremetz. C’est les jeunes qui vont nous départager !

M. Claude Gaillard. …que vous puissiez nous donner les premières évaluations pour voir si ces nouveaux chemins empruntés par le Gouvernement pour lutter efficacement contre le chômage conduisent à apporter des réponses favorables et optimistes, qui nous aideront progressivement à sortir notre pays des difficultés dans lesquelles il est depuis de trop nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. (« Et Borloo ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. À Reims !

M. Henri Emmanuelli. Rendez-nous Vautrin !

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Claude Gaillard, pendant très longtemps, la politique de l’emploi a méconnu les très petites entreprises, alors qu’elles représentent plus de 95 % des entreprises de notre pays et plus de 40 % des emplois ; pendant très longtemps, ce sont des patrons et des syndicalistes de très grandes entreprises qui ont élaboré le droit du travail.

Nous avons été les premiers à nous interroger sur la capacité des très petites entreprises à créer de l’emploi dans notre pays, et nous en avons déduit la nécessité du contrat « nouvelles embauches ». Près de sept mois après sa mise en œuvre, 350 000 contrats ont été signés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Jamais une mesure nouvelle n’avait reçu pareil accueil aussi bien du côté des salariés que du côté des employeurs.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Nous savons, par les enquêtes que nous avons faites, que plus d’un tiers de ces emplois n’auraient jamais existé si nous n’avions pas créé le contrat « nouvelles embauches » ! Plus de 100 000 emplois ont été ainsi été créés, nombre d’entre eux profitant à des jeunes, qui ont signé avec enthousiasme ces contrats, parce que, entre le chômage et l’ANPE, et ces contrats portés par des très petites entreprises, ils n’ont pas hésité une seconde.

M. Alain Vidalies. Parlez-nous des 50 000 RMIstes en plus !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Claude Gaillard, nous voyons bien que, face au chômage, il faut être pragmatique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut essayer. Et il faut juger l’arbre à ses fruits. Mais nous voyons aujourd’hui ceux qui se résignent, qui ne font rien, qui critiquent, ceux qui, comme Mme Royal (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), punissent aujourd’hui les artisans et les commerçants de Poitou-Charentes ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je voudrais ici me faire l’écho de la très vive émotion de ces petites entreprises qui se battent chaque jour pour survivre et qui sont aujourd’hui punies par ceux qui ont été élus dans le cadre de la République. C’est scandaleux ! Quant à nous, nous nous battons pour créer des emplois, et nous sommes soutenus par ces entreprises, qui créent plus de 350 000 emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

bilan du chèque emploi TPE

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe UMP.

M. Martial Saddier. Ma question s’adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a fait de l’emploi sa priorité. Dans ce cadre, il a mis en place un plan d’urgence pour l’emploi, comportant des mesures fortes, pour s’attaquer notamment au problème du chômage en favorisant le développement de l’emploi dans les TPE. Les très petites entreprises représentent 95 % des 2,5 millions d’entreprises que compte notre pays et, à elles seules, totalisent près de 40 % des emplois dans le secteur marchand. Elles constituent donc non seulement un vivier de croissance économique mais aussi un vivier d’emplois.

Le chèque emploi très petites entreprises, mis en place le 1er septembre 2005, est une des mesures phares du plan d’urgence pour l’emploi. Il vise à simplifier les formalités d’embauche – déclaration préalable et contrat de travail – pour les entreprises de cinq salariés ou moins, quel que soit leur secteur d’activité, tout en constituant un bulletin de salaire et un moyen de payement.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dresser un premier bilan de ce dispositif, six mois après sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Mais il n’y connaît rien !

M. Henri Emmanuelli. Encore ! On préfère Catherine !

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Martial Saddier, comme dans votre circonscription, il y a partout en France beaucoup de très petites entreprises dynamiques. C’est le cas dans la vallée de l’Arve, où, j’ai pu le constater, plus de 350 PME sont aujourd’hui tournées vers l’international.

M. Maxime Gremetz. Et en Picardie, qu’est-ce que vous avez fait ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Ces entreprises demandent qu’on leur simplifie l’existence, en particulier l’acte le plus élémentaire de la croissance, qui est l’embauche. C’est la raison pour laquelle nous avons élaboré, en étroite concertation avec les experts comptables, les organisations syndicales et les URSSAF, le chèque emploi TPE.

Plus de six mois après sa mise en œuvre, c’est un succès : 20 000 entreprises ont adhéré au dispositif, ce qui montre que, quand on simplifie, on crée de l’emploi en facilitant la réalisation de l’envie d’embaucher qui existe dans les TPE.

Nous n’en restons pas là : avec Jean-François Copé, nous simplifions la fiscalité des très petites entreprises et des PME ; avec Philippe Bas, nous simplifions toutes les formalités sociales, et, très bientôt, le RSI – le régime social des indépendants – sera mis en œuvre.

Tout ce qui simplifie la vie des très petites entreprises crée de l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

opérations de fusion et de concentration
autour des services publics (GDF/SUEZ)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, des réactions aux OPA hostiles aux fusions bancaires, le Gouvernement est à la manœuvre.

Il y a quinze jours on annonçait, avec la fusion entre Suez et Gaz de France, la naissance d’un grand de l’énergie. En privatisant ainsi GDF, le Gouvernement a menti au Parlement, puisqu’il s’était engagé par la loi, en 2004, à ce que la part du capital de l’État dans cette entreprise ne descende jamais sous le seuil des 70 %.

La cession du fichier inestimable de GDF – onze millions de clients – à un groupe privé concurrent d’EDF fait de ce dernier l’autre victime de l’opération. L’affaiblissement mortel du service public de l’électricité le plus performant du monde : est-ce là votre conception du patriotisme économique, à un an de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Trahison !

M. Jean-Pierre Balligand. Cette semaine, la Caisse des dépôts et consignations a fait, à son tour, les frais d’une opération de grande envergure, à laquelle vous avez aussi donné votre aval : l’alliance, au mépris de tous les principes de gouvernance, entre la Banque populaire et la Caisse d’épargne.

Vous jouez ainsi au Meccano, sans aucune stratégie financière ni industrielle de long terme.

M. Jean Leonetti. La question !

M. le président. Monsieur Leonetti, laissez M. Balligand poursuivre.

M. Jean-Pierre Balligand. Ma question est simple : votre conception de l’État actionnaire est-elle de privilégier des affinités au détriment de l’intérêt général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. J’ai l’habitude, monsieur Balligand, de vous entendre sur les finances locales : vous êtes alors précis, ouvert, objectif et même parfois généreux. Mais en matière de politique industrielle, vous n’êtes plus le même : vous redevenez seulement socialiste, c’est-à-dire théorique, éloigné des contraintes et des enjeux de l’Europe d’aujourd’hui et de demain. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nul ! Zéro pointé !

M. Henri Emmanuelli. Vaniteux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Rappelez-vous, monsieur Balligand, la situation des entreprises publiques en 2002, lorsque la gauche a quitté les responsabilités : France Télécom était très endettée ; EDF, en raison de son statut, ne pouvait éviter de l’être lorsqu’elle se développait, comme ce fut le cas en Italie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il en allait de même pour toutes les grandes entreprises publiques, comme La Poste ou la SNCF. Pour chacune d’entre elles, nous avons pris, en faisant de la préservation du service public notre seul objectif, des décisions adaptées.

M. Philippe Martin. C’est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous évoquez, monsieur Balligand, la fusion entre Suez et Gaz de France. Ce projet est un bel exemple de modernisation industrielle, à l’échelle de l’Europe et du monde. En l’espèce, nous avons trouvé la formule qui permet à la fois de conférer à ce groupe une dimension mondiale, de préserver notre indépendance énergétique et de créer des emplois. Voilà, monsieur Balligand, qui devrait nous rassembler.

Enfin, que ce soit par ses statuts ou, bien sûr, par les services dispensés à ses abonnés, Gaz de France conservera la totalité de ses obligations de service public.

M. François Brottes. Pas du tout !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je conçois, monsieur Balligand, les différences qui nous opposent sur de tels sujets. Mais ce qui compte dans un contexte mondial où les évolutions sont rapides, ce n’est pas la théorie des manuels : ce sont les réponses pragmatiques que nous pouvons apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

aides aux entreprises affectées
par le chikungunya

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le ministre de l’outre-mer, lors de son passage à La Réunion, le Premier ministre que vous avez accompagné a annoncé des mesures d’aides aux entreprises touchées par le chikungunya. Ces aides ont recueilli l’assentiment unanime du monde économique et politique. Je remercie le Gouvernement pour les 60 millions d’euros qui ont ainsi été débloqués.

Le Premier ministre avait aussi déclaré que la gestion du fonds de secours serait déconcentrée, puisque placée sous l’autorité du préfet représentant l’État. Or, selon les échos que nous recevons, la circulaire interministérielle qui précise les critères et les modalités des aides au secteur économique semble remettre en cause ce principe.

En ce qui concerne les seuils fixés, la circulaire introduirait une complexité incompatible avec l’urgence et la gravité de la situation locale : beaucoup d’entreprises ont subi des pertes qui correspondent bien aux 80 % annoncés par le Premier ministre. Pourriez-vous, monsieur le ministre, confirmer le pourcentage retenu ?

Je vous serais également reconnaissant de bien vouloir m’assurer que cette gestion se fera de manière déconcentrée, afin que la situation de chaque entreprise locale concernée soit mieux prise en compte.

Devant l’urgence, vous comprendrez, monsieur le ministre, que les réponses doivent être rapides et efficaces et la circulaire interministérielle adaptée aux réalités du terrain. Je sais que nous pouvons compter sur vous et sur le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Comme vous le savez, monsieur Victoria, j’entamerai vendredi un déplacement de trois jours à l’île de La Réunion afin d’évaluer, selon les instructions du Premier ministre, le dispositif exceptionnel de solidarité nationale mis en place pour accompagner les Réunionnais dans cette crise exceptionnelle liée à l’épidémie de chikungunya.

La méthode retenue par le Premier ministre et le Gouvernement est celle de l’efficacité et, pour ce qui concerne le calendrier, de la rapidité.

Dès la fin du mois de mars, les entreprises seront accompagnées financièrement dans le recouvrement de leur déficit d’exploitation, lié notamment aux arrêts maladie de leurs collaborateurs. Le taux de 80 % est officiel : c’est celui qui figurera dans la circulaire interministérielle, selon les instructions données par M. de Villepin aux ministères du budget, des petites et moyennes entreprises et de l’outre-mer. Le préfet aura une grande latitude d’appréciation, en liaison avec un comité de pilotage rassemblant les élus locaux et les partenaires économiques.

Enfin, ce dispositif fera l’objet d’un suivi, avec une évaluation régulière et précise. S’il faut aller plus loin, que ce soit pour le montant de la contribution nationale ou pour les taux de couverture des pertes d’exploitation des entreprises, le Gouvernement le fera, comme M. de Villepin s’y est engagé à La Réunion il y a une quinzaine de jours.

L’épidémie se poursuit : la solidarité nationale ne faiblira pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique du logement

M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer, pour le groupe UMP.

M. Gilbert Meyer. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, avec 270 000 mises en chantier et moins de 50 000 logements sociaux par an pendant une dizaine d’années, il est évident que notre pays est entré dans une crise grave du logement.

Face à cet héritage de la précédente décennie, le Gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En 2005, on a ainsi enregistré 402 000 mises en chantier et 80 000 constructions de logements sociaux : il faut rapporter ces chiffres à ceux de la période que je viens d’évoquer.

Le Gouvernement s’est attaqué à tous les aspects des problèmes que, malheureusement, trop de Français rencontrent au quotidien. Parallèlement, il a pris des mesures afin de mobiliser les parcs public et privé, comme la modernisation de l’ANAH – Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat – et le dispositif opérationnel de lutte contre l’habitat indigne.

Le Gouvernement a aussi favorisé l’accession à la propriété des ménages modestes, notamment par la création de la maison à 100 000 euros et le prêt à taux zéro.

M. Albert Facon. Des cabanes !

M. Gilbert Meyer. Enfin, pour rattraper le retard en matière de logement locatif social, le programme national de rénovation urbaine a été entrepris et la loi portant engagement national pour le logement votée le 31 janvier dernier dans cet hémicycle.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire un point d’étape sur la situation actuelle du logement social en France et nous indiquer comment le Gouvernement entend poursuivre la mobilisation engagée depuis 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La réponse est assez simple, monsieur Meyer : lorsque l’actuelle majorité est arrivée au Gouvernement, la crise était aussi grave qu’il y a trente ans. Pendant presque une décennie, notre pays a en effet produit deux fois moins de logements sociaux qu’avant. Il a accumulé, dans certains quartiers, des retards considérables qui nécessitaient un grand plan de rénovation urbaine.

Les chiffres, comme la méthode, sont tout aussi simples : l’objectif de doublement des constructions de logements sociaux ayant été atteint dans les délais prévus, la deuxième étape consiste à les tripler, tout en développant, de façon parallèle, l’accession populaire à la propriété.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Les deux vont en effet ensemble.

Deux chiffres pour illustrer mon propos, monsieur Meyer : les prêts à taux zéro ont été multipliés par trois, ce qui signifie que trois fois plus de ménages ont pu accéder à la propriété.

La loi portant engagement national pour le logement prévoit par ailleurs que, pour l’accession populaire à la propriété, le taux de TVA passe à 5,5 %. Nous comptons ainsi construire 500 000 logements et, pour la libération du foncier, nous appuyer sur l’élargissement du champ d’une ancienne loi qui vous tient à cœur – et pour cause – : la loi Meyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

DROIT D’AUTEUR
dans la société de l’information

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (nos 1206, 2349).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Jeudi soir, l’Assemblée a commencé la discussion de cinq amendements après l’article 5, soumis à une discussion commune.

Après l’article 5 (suite)

M. le président. Ces cinq amendements – nos 185 rectifié, 183, 187, 94 rectifié et 184 – ont été présentés par leurs auteurs et débattus. Le Gouvernement et la commission ont donné leur avis sur chacun d’entre eux.

Il n’est donc pas nécessaire de rouvrir le débat.

Le premier de ces cinq amendements – n° 185 rectifié, de M. Suguenot – était assorti d’un sous-amendement n° 323 de M. Bloche, sur lequel le Gouvernement et la commission ont émis un avis défavorable.

Le vote sur ce sous-amendement a été reporté, en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement.

Nous en venons donc au vote sur le sous-amendement n° 323, sur lequel le groupe socialiste avait demandé un scrutin public.

Je fais de nouveau annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, vous avez rappelé où nous en étions restés jeudi dernier, et avez annoncé le scrutin public que nous avions demandé sur le vote du sous-amendement n° 323, vote reporté parce que M. Morin a demandé, au nom du groupe UDF, la vérification du quorum.

De fait, les amendements et le sous-amendement ont été présentés, débattus, et le Gouvernement et la commission ont donné leur avis. Avant de procéder au vote, je souhaite néanmoins appeler tout particulièrement l’attention de l’Assemblée et du Gouvernement sur l’amendement n° 94 rectifié, qui va être mis aux voix dans quelques instants.

Chaque innovation technologique – piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio, magnétoscope – perturbe, dans un premier temps, les modèles économiques des industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles.

Ces conflits se sont toujours conclus, dans le passé, par des compromis dynamiques : la reconnaissance de nouveaux « droits » pour les titulaires, mais tout autant pour les utilisateurs, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l’extension de la gestion collective, l’ouverture de nouveaux marchés, et l’émergence de nouveaux acteurs.

Ce fut, notamment le cas face au développement de la diffusion radiophonique et télévisuelle, comme lors de l’apparition des cassettes audio et du magnétoscope, qui furent perçus et dénoncés comme des menaces mortelles par les industries culturelles. On sait ce qu’il advint : ces vecteurs sont devenus une source essentielle de croissance et de financement de la production pour la musique et le cinéma, auxquels l’octroi d’une rémunération pour copie privée a apporté en outre une ressource additionnelle. L’adoption d’une redevance pour reprographie a également permis une meilleure maîtrise des pratiques de reproduction et les a assorties d’une ressource non négligeable pour les titulaires de droits.

Dans chacune de ces crises, le droit d’auteur a révélé ses capacités d’adaptation et les pouvoirs publics sont intervenus pour préserver l’équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public, ainsi que pour encourager un développement profitable des potentialités du progrès technique.

Dans le nouvel univers numérique, le développement rapide du téléchargement d’œuvres et l’essor des échanges entre particuliers bousculent le modèle économique des industries culturelles, qui reste fondé sur le primat de la distribution physique et la vente unitaire des œuvres.

Les difficultés d’une telle période de transition se manifestent aujourd’hui par la coexistence de deux phénomènes des plus préoccupants.

Tout d’abord, bien que le téléchargement individuel puisse être considéré comme de la copie privée et soit, notamment pour les plus jeunes internautes, un admirable vecteur d’accès à la culture dans toute sa diversité, sa non-légalisation fait peser une insécurité juridique sur des millions de personnes.

Dans le même temps, l’essor de nouveaux usages des œuvres ne s’accompagne, pour les titulaires, d’aucune rémunération pour les œuvres téléchargées ou échangées. Cette situation qui pénalise lourdement les créateurs est d’autant plus problématique que le public ne se voit proposer aucune solution lui permettant de les rémunérer.

Les réponses à ces deux problèmes ne sont pourtant pas incompatibles. Diverses modalités sont, à cet égard, en débat, qu’il s’agisse d’étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques – amovibles ou intégrés – ou, plutôt, de l’étendre à l’activité des fournisseurs d’accès qui est directement liée à l’essor des échanges numériques. C’est là, précisément, l’objet de notre amendement n° 94 rectifié.

Ces propositions confirmeraient que le téléchargement individuel, non commercial, et dénué d’intention frauduleuse ne saurait être assimilé à de la contrefaçon et qu’il relève des pratiques de copie privée. Elles rejoignent les recommandations du Conseil économique et social, lequel proposait « de qualifier de copie privée les téléchargements d’œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage », ainsi que l’opinion de nombreux professeurs de droit et la décision de la première Cour d’appel, saisie de cette question. En effet, elles traduisent de manière positive la perspective tracée par le considérant 39 de la directive, recommandant que « lorsqu’il s’agit d’appliquer l’exception ou la limitation pour copie privée, les États membres doivent dûment tenir compte de l’évolution technologique et économique, en particulier pour ce qui concerne la copie privée ».

Il serait souhaitable que le législateur encourage les acteurs déjà représentés au sein de la commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée à sortir de l’impasse actuelle, en leur permettant d’étendre cette rémunération aux fournisseurs d’accès, formule susceptible de rencontrer plus aisément un consensus. Les simulations disponibles attestent en effet qu’un tel prélèvement conduirait à un apport économique très significatif pour les titulaires de droits. Outre une répartition individuelle au bénéfice des auteurs et artistes qui devrait refléter la diversité des utilisations en ligne, cette rémunération permettrait de financer des actions de soutien pour accompagner les industries culturelles, en particulier les éditeurs et producteurs indépendants, qui doivent opérer leur transition vers l’économie numérique des biens culturels.

La formule proposée par l’amendement n° 94 rectifié n’est pas de nature à compromettre le succès d’offres commerciales en ligne. En votant cet amendement, mes chers collègues de la majorité comme de l’opposition, vous assurerez aux filières de création l’apport immédiat d’une ressource décisive. Vous permettrez enfin qu’Internet finance la culture, comme la télévision finance le cinéma. Je vous en prie, mes chers collègues, ne ratez pas l’occasion qui vous est offerte par l’amendement n° 94 rectifié de faire participer, par le biais d’une taxe, les fournisseurs d’accès à Internet à la rémunération pour copie privée !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Nous débattons à nouveau de la licence globale et l’avis du Gouvernement sur ces amendements et ce sous-amendement ne peut être que défavorable. Cela étant, je serai amené à m’exprimer à nouveau sur le sujet de la copie privée lors de l’examen des articles la concernant et sur la question, essentielle, du financement de la création.

M. Christian Paul. Pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. La nouvelle version du projet de loi elle-même, notamment après l’adoption de l’amendement de notre collègue Dutoit qui prévoit la création de plateformes de téléchargement publiques, exigerait que les fournisseurs d’accès à Internet – dont nous n’avons pas beaucoup parlé au cours de ce débat – soient associés au financement de la culture. Refuser aujourd’hui cette nouvelle recette revient à mettre en péril la rémunération pour copie privée,…

M. Frédéric Dutoit. C’est un très bon argument !

M. Alain Suguenot. …à moins que celle-ci ne doive être tout simplement supprimée si le droit à copie privée est bafoué – j’ai d’ailleurs déposé un sous-amendement sur ce point, que nous examinerons plus tard. Car à l’évidence, vous ne voulez pas entendre que, par définition, le droit à copie privée est lié au téléchargement. Certains de nos voisins européens l’ont pourtant reconnu, notamment les Pays-Bas.

L’économie numérique a été créée à l’initiative européenne, notamment après le programme Eurêka. Il convient de trouver de nouvelles recettes et les fournisseurs d’accès doivent y contribuer, car le marché, d’ores et déjà exponentiel, va générer des recettes considérables.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, certains d’entre nous ont mis à profit les quelques jours qui nous séparent de la fin de notre débat de la semaine dernière pour relire les débats parlementaires sur la loi de 1984, dernière grande loi relative aux droits d’auteur. Cette relecture fait apparaître que vous aviez aujourd’hui le choix, monsieur le ministre, entre deux attitudes : ou bien adapter ces droits à la nouvelle donne issue de l’économie de l’Internet, ou bien procéder à leur « glaciation », au risque de dommages collatéraux considérables, qui ont été rappelés tant par Patrick Bloche que par Alain Suguenot. Ayant choisi la deuxième option, vous vous privez d’une rémunération substantielle – plusieurs centaines de millions d’euros dès la première année – et vous mettez en péril la rémunération pour copie privée.

Vous feriez bien, monsieur le ministre, de vous inspirer de cette grande loi qui a très largement rassemblé à l’époque les différents groupes politiques. Vous nous avez opposé, la semaine dernière, une très forte résistance – que nous saluons – sur d’autres points du texte, mais, s’agissant du financement de l’Internet par les fournisseurs d’accès, vous pourriez faire preuve d’ouverture.

Voilà pourquoi nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à soutenir cet amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 323.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 185 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 187.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Je tiens à cet instant à dire combien nous sommes favorables à ce que les fournisseurs d’accès contribuent au financement de la culture sur Internet. Nous y reviendrons d’ailleurs lors de l’examen de notre amendement n° 176. Mais, à l’évidence, la redevance actuelle sur les supports numériques n’a plus aucune légitimité, ni même aucun sens. En disant cela, je n’entends évidemment pas me prononcer en faveur de la réduction de cette source de financement sans proposer de solution alternative, au risque de menacer le spectacle vivant en France. Mais force est de constater que les supports numériques vierges, tels que les CD ou DVD, n’ont plus vocation, sinon de manière marginale, à permettre la copie de contenus culturels. Ils sont devenus des supports ordinaires de gravure des données numériques. En d’autres termes, la taxe qui les frappe est obsolète.

En revanche, nombre de Français s’abonnent à Internet pour avoir accès à des contenus culturels. C’est là une source considérable de profits pour les fournisseurs d’accès. Je ne crois donc pas inutile de réfléchir dans ce contexte à de nouveaux modes de financement de la culture. Nous défendons l’opportunité d’une taxation des fournisseurs d’accès, mais d’autres pistes existent. Le groupe UDF propose de réfléchir à la taxation sur les plateformes payantes auxquelles on pourrait ajouter les sonneries des téléphones portables, comme le suggérait Mme Billard la semaine dernière, car cette activité génère aujourd’hui d’importants revenus pour la musique.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera donc l’amendement n° 184.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 94 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 184.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 96 rectifié.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Comme M. Bocquet au nom du groupe communiste et Alain Suguenot, député de la majorité, je le dis avec force, nous ne comprenons pas, monsieur le ministre, qu’à ce moment du débat, vous ne donniez pas le feu vert pour faire contribuer les fournisseurs d’accès à Internet afin de financer la culture. Si, comme vous le dites, vous aimez les artistes et les créateurs, si vous êtes attaché à la liberté de création et à la diversité culturelle, si la convention, que vous avez fait signer à l’UNESCO et dont vous nous rappelez régulièrement l’existence, a un sens, vous devez le traduire par des actes ! Nous ne pouvons accepter votre refus systématique de recettes supplémentaires pour la culture.

Les amendements que nous avons déposés après l’article 5, que ce soient ceux de M. Suguenot ou ceux du groupe socialiste, sur lesquels Christian Paul et moi-même nous sommes exprimés, visent simplement, au-delà des débats que nous avons eus et de nos divergences, au-delà de tout modèle, à préciser que les fournisseurs d’accès à Internet participent au financement de la culture. Ils ont largement profité de la culture pour remplir leurs tuyaux et pour assurer leur développement économique. Compte tenu de ces éléments, nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez ces recettes supplémentaires.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Patrick Bloche. Comme nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, la télévision a été mise à contribution pour assurer le financement du cinéma, et elle constitue encore aujourd’hui un élément majeur de son financement et de sa diversité. C’est au nom même de la diversité culturelle et du droit – légitime – à rémunération pour les auteurs et les artistes que nous demandons à l’Assemblée de mettre à contribution les fournisseurs d’accès.

C’est dans le même esprit que nous avons déposé l’amendement n° 96 rectifié. Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa se l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle se limite à prévoir que la rémunération pour copie privée est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement. Compte tenu des capacités inégales requises par les différents genres d’œuvres susceptibles d’être enregistrées sur un même type de support, il est nécessaire de permettre à la commission chargée de fixer les rémunérations de prendre également en compte la capacité d’enregistrement et non la seule durée.

D’une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, la commission chargée de déterminer les rémunérations doit être invitée par le législateur à prendre en compte, dans un souci de rémunération équitable, les évolutions constatées tant du recours global à la copie privée que de son partage entre les diverses formes et supports d’enregistrement.

À ce titre, le considérant 47 et l’article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques. » Le projet de loi n’a pas transcrit cette disposition, alors qu’elle constitue un facteur essentiel d’équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu’un élément d’arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.

Nous proposons donc, par notre amendement, que l’incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 96 rectifié.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’amendement souligne une évidence : Internet et le numérique ont révolutionné l’économie de la culture en lui donnant une dimension plus personnelle et moins collective. Cela justifie pleinement notre opposition à la licence globale et à l’identification du téléchargement et de la copie privée.

La directive européenne exige en effet que l’on adapte les rémunérations pour copie privée à l’évolution du nombre de copies, elle-même liée à la modification des modes d’accès à la culture. Mais nous avons déjà tenu compte de cette modification en adoptant l’amendement n° 23 rectifié qui dispose que le montant de la rémunération « tient compte des éventuelles incidences sur les usages des consommateurs de l’utilisation effective des mesures techniques mentionnées à l’article L. 331-5 ».

M. Jean Dionis du Séjour. Exact !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Vos préoccupations sont donc déjà satisfaites.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable, pour les raisons que vient d’indiquer le rapporteur.

Je partage l’objectif de Patrick Bloche et Christian Paul : il est nécessaire de trouver de nouvelles sources de financement pour la création cinématographique audiovisuelle et musicale.

Mme Christine Boutin. C’est en effet indispensable.

M. le ministre de la culture et de la communication. La législation doit donc être adaptée afin que les fournisseurs d’accès à Internet puissent jouer ce rôle majeur en faveur de la création.

M. Jérôme Lambert. Il faut que les actes suivent les paroles !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il existe des modalités adaptées de contribution qui ne sont pas contraires aux intérêts des fournisseurs d’accès. Ainsi les services de vidéo à la demande sont-ils déjà soumis à une taxe pour financer le COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels. Avec 2 % de leur chiffre d’affaires, ils apportent la même contribution que la vidéo physique.

M. Christian Paul. Quel est le produit annuel de cette taxe ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il faut cependant aller plus loin. C’est pourquoi des représentants de la création cinématographique, des fournisseurs d’accès à Internet et des opérateurs de télévision et de communication électronique ont signé, le 20 décembre, un accord afin de prévoir de manière précise les modalités d’une contribution financière nouvelle versée par les opérateurs de vidéo à la demande en faveur de la création d’œuvres européennes et françaises.

Cet accord, qui entrera en vigueur dès l’adoption du projet de loi, aura des conséquences importantes. Grâce à lui, un financement nouveau sera apporté par les FAI.

M. Christian Paul. Pour quel montant ?

M. le ministre de la culture et de la communication. De la même manière, la proposition de révision de la directive « télévision sans frontière », actuellement en débat à Bruxelles, prévoit une contribution des services « non linéaires » – selon l’expression employée par la Commission – à la création d’œuvres européennes.

Je ne m’oppose donc pas à ce que les nouvelles technologies et les fournisseurs d’accès à Internet contribuent au financement de la création cinématographique – c’est l’esprit même de l’accord interprofessionnel conclu en décembre – ; nos avis ne divergent que sur les modalités de cette contribution.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’ai rendu hommage à votre entêtement, monsieur le ministre. J’aimerais pouvoir faire de même quant à votre vision de l’avenir. Et sur la question du financement de la culture – et notamment de la musique, car c’est surtout de cela que nous discutons –, nous aimerions vous entendre dire qu’une redevance sur les fournisseurs d’accès, même si elle n’est pas possible immédiatement, sera mise en place d’ici quelques mois, au plus dans un an. Or, vous ne dites rien de tel. Ce silence est préjudiciable pour la suite du débat.

L’amendement n° 96 rectifié répond à une exigence d’équité. Il faut trouver un équilibre entre les ayants droit – notamment les artistes – et le public. C’est pourquoi le taux de la redevance pour copie privée doit tenir compte des mesures techniques de protection. C’est ce que semble admettre le rapporteur, puisque, pour la première fois depuis le mois de décembre, il prophétise une baisse de la rémunération pour copie privée. Avec Didier Mathus et Patrick Bloche, nous avions déjà annoncé qu’une telle évolution serait l’issue naturelle de ce débat mal engagé.

Or, en refusant d’envisager des rémunérations nouvelles, vous exposez l’ensemble des créateurs à une perte substantielle de financement, et placez la culture dans un cercle vicieux.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit effectivement d’un débat très important, mais, pour le moment, ce que l’on constate, c’est que la rémunération de la copie privée ne se porte pas si mal, puisque son produit n’a pas cessé d’augmenter.

M. Christian Paul. Jusqu’à présent !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela signifie que ceux qui en ont la responsabilité ont pris les bonnes décisions, notamment en ce qui concerne l’élargissement des bases par la prise en compte des baladeurs ou des appareils de téléphonie.

Nous entrons aujourd’hui dans une période de transition, et un délai est nécessaire pour mesurer l’impact des DRM sur la copie privée. Or tel est précisément l’objet de l’amendement n° 23 rectifié, que nous avons adopté jeudi soir avant de lever la séance. Donc, attendons !

Je ne suis pas du tout sûr que le produit de la redevance va diminuer. Actuellement, c’est le contraire qui se passe. Alors, pourquoi se faire peur ? Dans l’hypothèse d’une baisse des rémunérations, plusieurs choix s’offriraient, dont celui d’élargir l’assiette. Mais pourquoi taxer les FAI plutôt que les disques durs des PC ou les plateformes payantes ?

M. Christian Paul. Ou les trois !

M. Jean Dionis du Séjour. En matière de taxe, l’imagination est en effet sans limite ! Quoi qu’il en soit, cela mérite une sérieuse réflexion.

Il conviendrait, en toute rigueur, de séparer, dans la rémunération pour copie privée, la part consacrée à l’aide à la création – fixée par la loi Lang à 25 % du produit – de celle qui bénéficie aux ayants droit. L’aide à la création constitue en effet un enjeu très important, et l’UDF soutient une position offensive en ce domaine. Nous proposerons donc de porter le taux de 25 à 30 %.

Ne diabolisons pas les FAI ! De toute façon, si vous les taxez, ils répercuteront le coût supplémentaire sur l’abonnement payé par les consommateurs !

M. Richard Cazenave. Bien sûr !

M. Jean Dionis du Séjour. Voulons-nous gagner la bataille de la diffusion sur Internet ? Si c’est le cas, nous devons définir des objectifs politiques clairs et précis, notamment en ce qui concerne l’élargissement de l’assiette de la rémunération pour copie privée, en supposant qu’une telle mesure soit nécessaire. Pour le moment, je le répète, son produit ne cesse d’augmenter. Dès lors, la proposition du rapporteur est la plus sage : il convient de surveiller l’évolution de la rémunération face à l’arrivée des DRM avant de prendre les décisions qui s’imposent. En attendant, le groupe UDF s’opposera à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. La question est de prendre en compte l’application des DRM et des MTP pour l’élaboration des barèmes de la rémunération pour copie privée. Nous avions compris dès la semaine dernière que ce projet ne répondait qu’aux seuls besoins de l’industrie musicale, …

M. Richard Cazenave. Changez de discours !

M. Didier Mathus. …sans tenir compte des intérêts des artistes et créateurs, ni, bien entendu, de ceux des internautes. Telle est la réalité.

M. Jérôme Lambert. Cela a été démontré !

M. Didier Mathus. En outre, un tel modèle tend à légitimer la surveillance policière des échanges sur le Net (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et le traçage des internautes par les DRM au bénéfice de quelques industriels du contenu.

M. Richard Cazenave. Vous ne pouvez pas affirmer cela ! C’est exactement le contraire !

M. Didier Mathus. Par la voix du ministre, l’État nous propose d’une part de maintenir une taxe sur la copie privée, payée par les consommateurs, et d’autre part d’infliger des amendes à ces mêmes consommateurs s’ils exercent ce droit. On estime que 80 % des copies privées sont issues d’Internet. Cela signifie que la copie privée sera limitée quatre fois sur cinq, alors que ce droit avait été reconnu à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1985. Quant à l’État, il récolte des deux côtés, grâce à la taxe et aux contraventions.

C’est la ressource même constituée par la redevance pour copie privée qui est aujourd’hui menacée par la politique du Gouvernement. À quand son extinction, avec les conséquences que cela pourra avoir sur l’existence de plusieurs dizaines de festivals, sur la création française et sur le spectacle vivant ?

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Agiter des peurs et recourir systématiquement à la caricature n’est pas digne d’un tel débat, …

M. Christian Paul. Vous êtes orfèvre en la matière !

M. Richard Cazenave. …dont la complexité exigerait l’intelligence et non les slogans.

M. Jérôme Lambert. Répondez à nos questions !

M. Richard Cazenave. Comme l’a rappelé Jean Dionis du Séjour, l’amendement que nous avons adopté la semaine dernière laisse une porte ouverte : il permet d’observer l’évolution de la redevance pour copie privée, évolution que personne ne peut connaître à l’avance. Va-t-elle augmenter ou diminuer ?

M. Christian Paul. Gouverner, c’est prévoir !

M. Richard Cazenave. Nous avons l’humilité d’admettre que nous ne le savons pas.

M. Jérôme Lambert. Vous avancez dans le brouillard !

M. Richard Cazenave. En revanche, nous nous donnons les moyens d’observer et de réagir en temps voulu, après avoir étudié toutes les possibilités de redevances complémentaires.

M. Christian Paul. Les dégâts collatéraux seront immenses !

M. Richard Cazenave. Je constate que nos collègues socialistes ont du mal à écouter !

M. Jérôme Lambert. Si nous réagissons, c’est bien parce que nous vous écoutons !

M. Christian Paul. Mais vos propos manquent de contenu !

M. Richard Cazenave. Rien d’étonnant que le débat ait des difficultés à avancer si l’opposition passe son temps à nous contredire avant même que nous ayons fini nos phrases !

M. Christian Paul. Craignez notre indifférence !

M. Richard Cazenave. Une évaluation nous permettra de savoir si une nouvelle redevance est nécessaire, quel serait son impact et quels devraient être les supports éligibles.

Une contribution aux fournisseurs d’accès à Internet aurait une répercussion sur le coût des abonnements, …

M. Jean Dionis du Séjour. Évidemment !

M. Richard Cazenave…ce qui ne manquerait pas d’entraver le développement de l’accès au haut débit, un domaine dans lequel tous les problèmes ne sont pas réglés. Nous ne devons pas aggraver la fracture numérique.

Par ailleurs, à lire les motifs des amendements présentés, on s’aperçoit que le droit à copie privée s’y identifie au simple droit de télécharger. C’est la négation même de ce projet visant à transposer la directive de Bruxelles.

Je suis de ceux qui auraient certes préféré que l’on puisse faire plaisir à tout le monde et qu’il ne soit pas nécessaire de prévoir des mesures techniques de protection. Je proposerai d’ailleurs à nouveau des amendements pour que ces mesures ne constituent pas un obstacle à l’interopérabilité et aux logiciels libres. Il convient cependant de faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle : on ne peut faire entrer la licence globale par la fenêtre, alors qu’on vient de la faire sortir par la porte ! Ne caricaturons donc pas le débat, mais clarifions-le ! Il n’y a pas, d’un côté, les gentils qui veulent développer le modernisme, la gratuité ou la facilité de l’accès de tous à la culture et, de l’autre, les ringards qui s’y opposent ! C’est un peu plus complexe que cela ! C’est pourquoi nous nous opposerons à cette série d’amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’intervention de M. Cazenave traduit bien la contradiction dans laquelle sont enfermés le Gouvernement et sa majorité.

M. Richard Cazenave. Non !

M. Patrick Bloche. Vous nous avez expliqué, des heures durant, que la rémunération forfaitaire acquittée par chaque internaute dans le cadre de la licence globale – sept ou huit euros – était insuffisante. M. Cazenave, dans sa récente intervention, nous a demandé de mesurer les conséquences de la proposition, considérant que les fournisseurs d’accès à Internet répercuteraient cette taxe sur leurs offres commerciales, donc sur l’abonnement payé par chaque internaute.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est obligatoire !

M. Patrick Bloche. Reconnaissez cette contradiction. Vous nous avez longuement reproché de vouloir créer une rémunération forfaitaire payée par l’internaute et vous venez maintenant nous dire que les pauvres internautes verraient cette taxe répercutée sur le montant de leur abonnement !

Ce que nous proposons s’inscrit pleinement dans l’esprit de la directive européenne et de sa transposition qui est de maintenir, nous le rappelons avec force, un équilibre entre les mesures de protection technique, donc le contrôle des usages des œuvres, et la préservation de la copie privée. Je suis désolé de contredire quelques collègues, notamment M. Dionis du Séjour, mais, dans le cadre actuel, la redevance pour copie privée est inévitablement conduite à baisser, puisqu’elle est fondée en grande partie sur la taxation des supports vierges et que nous sommes entrés dans une logique de dématérialisation. On peut faire le choix d’étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques, amovibles ou intégrés, mais on peut aussi, comme nous le proposons avec insistance puisque nous nous inscrivons dans une perspective à long terme, mettre à contribution les fournisseurs d’accès à Internet qui ont pleinement profité des contenus culturels pour assurer leur essor économique.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 96 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Nous sommes toujours « pollués » par cette histoire de licence globale. La licence globale était en débat à l’article 1er et à l’article additionnel après l’article 1er. Arrêtons cette espèce de procès en sorcellerie ! Il s’agit purement et simplement de savoir si la copie privée existe encore et si, dans ces conditions, la rémunération pour copie privée n’est pas menacée par la limitation du droit à copie privée, ce qui sera automatique, ne serait-ce que par la mise en place des DRM. Que l’on se donne un délai de six mois, d’un an ou plus ne changera pas le résultat. Le consommateur continuera-t-il à accepter de payer pour une chose à laquelle il n’aura pas droit ? Cela me paraît déjà, sur le plan des principes, assez singulier. Par ailleurs, le peer-to-peer existe-t-il encore ou est-il interdit ?

Richard Cazenave – avec qui je suis plutôt en accord, y compris concernant l’interopérabilité – considère que ce ne serait pas conforme à la directive. Or comment les autres pays d’Europe l’ont-ils transposée ? Les Pays-Bas considèrent que, par définition, le téléchargement est essentiel du fait de l’évolution des techniques et du lien direct entre le téléchargement et la copie privée. Les Anglais sont, quant à eux, assez intelligents et malins, et ont laissé à la jurisprudence le soin de préciser dans quels cas il s’agit d’une copie privée, selon l’usage qui en est fait. La directive parle d’usage privé. S’il s’agit d’un usage privé, qui n’a donc pas de finalité commerciale, il n’y a aucune raison de sanctionner le téléchargement. Chez nous, en revanche, on considère que texte fait foi et l’on admet que le fournisseur d’accès ne pourra pas contribuer tout en sachant parfaitement que c’est la solution. Louis Bertignac, qui s’est exprimé sur ce sujet dans les médias, pense qu’il existe d’autres solutions que la licence globale, comme l’offre de téléchargement limité, moyennant un forfait de base proposé à la clientèle qui serait libre de l’accepter ou non. Ne fermons pas aujourd’hui la porte, par un texte régalien bien en deçà de la directive, aux nombreuses solutions qui pourraient s’offrir, parce que l’on a tout simplement peur de la licence globale. Tel n’est plus aujourd’hui le débat. La plupart de nos amendements – et c’est bien là le problème – ont été rédigés au mois de décembre. Il est bien évident qu’à l’époque, ils sous-tendaient l’idée de la licence globale. Il est vrai que, lorsqu’on lit l’exposé des motifs, on peut se tromper de combat. Ajouter à la liste les fournisseurs d’accès, comme le proposent plusieurs amendements, dont le n° 183, n’est, à mon avis, que justice. Ainsi, ceux qui profitent aujourd’hui de ce système, et qui ont pendant des années vendu du haut débit en prétendant que cela permettrait le téléchargement, peuvent également apporter leur contribution financière.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 96 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 97.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Nous sommes régulièrement amenés à faire appel à des études et évaluations techniques ou économiques qui peuvent être remises en question selon le point de vue défendu et qui ont souvent l’inconvénient d’être fournies par des parties prenantes au débat. Ces études font donc souvent l’objet de critiques, car émanant de tel ou tel représentant de tel ou tel intérêt particulier, aussi légitime soit-il. Les parlementaires que nous sommes sont particulièrement abreuvés à l’heure actuelle d’études totalement contradictoires. Or il existe un moyen pour le législateur de travailler sur une base objective. La commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée doit pouvoir elle-même fournir ses propres études avec toute l’objectivité que garantit sa composition.

Cet amendement n° 97, dont je ne vois pas comment il pourrait faire l’objet d’un refus du rapporteur ou du Gouvernement, vise à donc à affecter une part limitée à 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée au financement d’études et d’évaluations indépendantes. Il est tout à fait indispensable, lorsque nous discuterons, et ce très prochainement, d’un texte sur ce point, de connaître l’impact des mesures techniques sur la copie privée. M. Suguenot vient d’évoquer cette préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La question des moyens de fonctionnement de la commission pour copie privée mérite en effet d’être examinée avec intérêt. Elle est notamment posée par les associations de consommateurs qui se plaignent surtout que leur participation aux réunions de cette commission à Paris ne donne pas lieu à indemnisation.

Mme Christine Boutin. Ce n’est pas le problème !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Le Gouvernement devrait sans doute pouvoir résoudre ce problème, si l’on veut que la commission continue à fonctionner convenablement et joue son rôle normal. Mais la solution proposée ici est manifestement sans proportion avec la réalité du problème. Un prélèvement de 1 % de la rémunération pour copie privée représenterait 1,5 million d’euros pour financer quelques études et un rapport annuel qui pourrait être mis en ligne sur le site Internet du ministère de la culture. La commission étant présidée par un représentant de l’État et établissant un barème de nature administrative, son fonctionnement doit être financé par l’État et par le budget de la culture, comme c’est aujourd’hui le cas, et non par un prélèvement sur des revenus représentant des droits d’auteur. L’amendement est du reste satisfait par l’amendement n° 24 de la commission des lois qui pose le principe d’un rapport annuel de la commission pour copie privée et d’un rapport annuel du collège des médiateurs. Respectez, s’il vous plaît, les droits des auteurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L’affectation d’une part de la rémunération à des frais de gestion priverait les ayants droit de légitimes ressources et réduirait les actions d’aide à la création et au spectacle vivant. Le fonctionnement actuel de la commission de la rémunération pour copie privée lui permet d’ores et déjà de s’appuyer sur des études et de mener ses travaux de manière satisfaisante.

Je fais écho à vos récents propos sur le soutien légitime au spectacle vivant. Comme vous le savez, les supports sur lesquels se fonde le calcul de la rémunération pour copie privée ont évolué, mais, même si nous observons très précisément, année après année, l’évolution de la recette, on ne peut pas d’emblée considérer que le périmètre se restreindra puisque les nouveaux supports font l’objet d’une taxation.

Enfin, je ne puis vous laisser dire, monsieur Mathus – même si l’État et les collectivités territoriales sont perfectibles en la matière –, que j’aurais pour objectif la disparition des festivals en France !

M. Christian Paul. Vous n’en garderez qu’une petite dizaine !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je ne peux pas répondre, comme je le souhaiterais, à toutes les sollicitations. Il reste qu’entre 2001 et 2006, le budget de l’État consacré au spectacle vivant a augmenté de 17 % et que les sommes qui viennent d’être déléguées aux directions régionales des affaires culturelles pour le spectacle vivant n’ont fait l’objet d’aucune mise en réserve.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, vous ne lisez visiblement pas les rapports parlementaires. En effet, et cela a été précisé au moins trois fois la semaine dernière, le rapport de M. Dassault, député de la majorité, fait apparaître, pour la période de 2005 à 2006, une diminution de 8,5 % des subventions allouées au spectacle vivant. Et ce qui intéresse les artistes et organisateurs de festivals, c’est ce qui se passera en 2006, monsieur le ministre, et non en 2001 alors que la dotation était correcte. C’est sur cette évolution que vous devez rendre des comptes au Parlement, et non sur ce qui s’est passé depuis cinq ans ! J’insiste donc, monsieur le ministre, le rapport de M. Dassault, parlementaire UMP, laisse apparaître une chute vertigineuse des subventions pour le spectacle vivant de 8,5 % !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est faux !

M. Christian Paul. Dans ce cas, dites à M. Dassault qu’il a commis une erreur dans son rapport !

Monsieur le ministre, si vous aviez disposé de bonnes études émanant notamment de la commission pour copie privée, cela aurait éclairé le débat que nous poursuivons maintenant depuis plusieurs semaines dans des conditions tout à fait déplorables ! Nous souhaitons, en conséquence, que cette commission puisse contribuer à sa manière à éclairer les choix publics.

Selon M. le rapporteur, 1 % serait trop. Mais cette rémunération va évoluer à la baisse. Ce sera, alors, 1 % sur une assiette qui décroît.

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est vous qui le dites !

M. Christian Paul. Non, c’est le texte que vous êtes en train de faire voter au Parlement qui la provoquera inexorablement. La jurisprudence de la Cour de cassation a d’ailleurs sonné le glas de la rémunération pour copie privée, on l’a déjà abondamment souligné.

Vous avez visiblement beaucoup de difficultés à entendre que les fournisseurs d’accès doivent contribuer au financement de la musique et de la culture, monsieur le ministre. Je vais donc vous donner des raisons de changer d’opinion.

Pour les fournisseurs d’accès à Internet, le téléchargement est un produit d’appel depuis des années, sans aucune contrepartie pour la culture, et cela continuera si vous ne prenez aucune disposition à l’occasion de l’examen de ce texte.

Par ailleurs, il y a un précédent avec la redevance sur les supports vierges.

Vous nous dites depuis le mois de décembre que, grâce à l’accord que vous avez obtenu à la veille du débat législatif, les fournisseurs d’accès vont participer à la création cinématographique et audiovisuelle et que cela représentera 2 % des services de vente en ligne dans ce domaine. Sur quel montant comptez-vous en 2006 et en 2007 ? S’agit-il d’une évolution réelle, tangible, ayant un effet d’entraînement sur la création audiovisuelle, ou bien s’agit-il de ce qu’on appelle au ministère des finances une recette de poche, qui ne représenterait qu’un peu d’argent de poche pour le cinéma ? De quel montant parlez-vous quand vous parlez de 2 % sur la VOD ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je suis heureux d’avoir l’occasion de revenir sur un accord très important qui est une étape essentielle pour le financement de l’industrie cinématographique.

Vous confondez deux choses, la taxe de 2 % sur le chiffre d’affaires pour financer le COSIP, et ce qui est prévu dans l’accord sur la VOD, où il y aura une montée en puissance progressive de 5 à 10 % du chiffre d’affaires pour financer l’industrie cinématographique.

M. Christian Paul. Combien en 2006 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Grâce à cet accord, il y aura des ressources supplémentaires pour le soutien à l’industrie cinématographique. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, il n’entrera en vigueur qu’à partir du moment où le Parlement aura délibéré sur le droit d’auteur et les droits voisins.

M. Christian Paul. Si vous ne donnez pas de chiffres, vous n’êtes pas sérieux !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est donc une montée en puissance progressive, un financement complémentaire supplémentaire.

M. Christian Paul. Combien ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 188.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le défendre.

M. Patrick Bloche. Cet amendement s’inscrit dans la logique de ce que nous venons de dire avec une certaine insistance, et nous regrettons vraiment d’être si peu entendus.

Tôt ou tard, ce que nous proposons aujourd’hui aura force de loi, et nous nous inscrivons dans la perspective de la perception d’une rémunération pour copie privée auprès des fournisseurs d’accès à Internet. À partir de là, il est logique que les fournisseurs d’accès soient représentés au sein de la commission chargée de déterminer les conditions de cette rémunération, ce qu’on appelle la commission pour copie privée.

Le Gouvernement, malheureusement, comme sa majorité, à de rares exceptions, ne nous entend pas, et nous sommes face à un mur. Ce projet de loi est un projet de très court terme, dont l’échec sera bientôt sanctionné, et il aurait été utile de s’inscrire dans une perspective longue.

Je vois bien qu’on va mettre quelques sparadraps sur la redevance pour copie privée. Il y a eu la rumeur, peut-être fondée, qu’on augmenterait la taxation sur les supports vierges pour essayer de compenser les pertes de la rémunération pour copie privée. Le SIMAVELEC s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué pour dire qu’il était hors de question d’augmenter cette taxe qui, pour les fabricants, est déjà élevée.

Votons donc cet amendement, assurons d’ores et déjà la présence des fournisseurs d’accès à Internet au sein de la commission pour la copie privée. Lorsque le Gouvernement aura entendu raison et accepté ce financement de la culture par la taxation des fournisseurs d’accès à Internet, le dispositif sera en place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il faut tout de même reconnaître le mérite de la cohérence esthétique aux différentes interventions de la gauche. Effectivement, c’est expressionniste. Nous sommes pratiquement dans un film d’horreur. On nous promet toutes sortes de catastrophes et on termine par les sparadraps.

Nous avons effectivement deux logiques qui s’affrontent, celle du passé et celle de l’avenir.

M. Christian Paul. L’avenir, c’est nous !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Celle de l’avenir, c’est la nôtre, celle qui consiste à dire que la copie privée et le téléchargement, ce n’est pas la même chose. Nous ne souhaitons pas la licence globale,…

Mme Christine Boutin. Vous l’avez jetée, la licence globale ! Arrêtez avec ça !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …et nous rejetons toute taxation de plus. S’il y a vraiment une horreur, c’est ce que vous nous promettez en ajoutant encore une taxation, mais c’est vrai que, chez vous, c’est une sorte de seconde nature.

Pas plus que nous ne souhaitons une taxation, nous ne souhaitons que les fournisseurs d’accès soient présents dans la commission pour lacopie privée, car leur présence signifierait taxation, et donc logique de la licence globale.

Ce sont deux logiques. Elles peuvent se respecter, mais elles sont manifestement différentes.

M. Christian Paul. Elles peuvent aussi se combattre !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est un amendement qui s’inscrit dans le droit fil de la question de la licence globale,…

Mme Christine Boutin. C’est une obsession !

M. le ministre de la culture et de la communication. …et j’y suis donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Qui fixe la redevance, monsieur le rapporteur ? C’est la commission pour la copie privée, et elle peut très bien décider – ce qu’elle fait d’ailleurs régulièrement – de l’étendre à tel ou tel support. C’est une taxation de fait sur des supports existants, et la commission s’est d’ailleurs posé la question des flux Internet. Quelle horreur, des députés voudraient ajouter une taxation ! En fait, le Gouvernement en transfère la responsabilité à la commission. Nous, nous avons le courage de l’assumer, et je soutiens la proposition faite par nos collègues socialistes.

Il serait normal que les fournisseurs d’accès, qui sont ceux qui retirent les plus gros bénéfices de l’extension de l’Internet et notamment de la circulation d’un certain nombre d’œuvres, dont les œuvres musicales, ainsi d’ailleurs que les opérateurs de téléphonie mobile, participent à l’aide à la création culturelle. Cela n’a rien de choquant, et autant que ce soit prévu dans la loi plutôt que d’être décidé dans une commission qui, de toute façon, finira par prendre une telle décision.

Si vous continuez à restreindre l’exception de copie privée, s’il n’y a plus d’exception de copie privée, les consommateurs seront à juste titre autorisés à attaquer en justice pour dire que cette redevance est abusive et en demander la suppression. Qui, dans ce cas-là, en subira les conséquences ? La création culturelle, et les auteurs, indirectement.

Il faut donc que vous choisissiez. Ou l’on maintient l’exception de copie privée, et c’est le Parlement qui encadre les modalités de la redevance, ou vous la supprimez, et ne venez pas ensuite vous étonner si les consommateurs, à terme, refusent de payer cette redevance. Là, vous n’ajouterez pas de taxe, c’est le moins que l’on puisse dire, mais vous assécherez le financement de la création culturelle en France.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je soutiens les amendements de mes amis du groupe socialiste et je suis d’accord avec ce que vient de dire Mme Billard.

Comme l’expliquait tout à l’heure M. Bloche, nous aurions pu trouver très sereinement des pistes de réflexion pour des solutions garantissant le respect des droits d’auteur à la française dans le cadre de la société de l’information avec Internet et la numérisation. Des pistes de réflexion ont déjà été ouvertes dans cet hémicycle, le groupe socialiste en fait quelques-unes aujourd’hui. Concernant l’exception de copie privée, il me paraît tout à fait logique de mettre à contribution les fournisseurs d’accès à Internet et de les faire participer à la commission.

De toute façon, monsieur le ministre, votre texte est déjà obsolète et dépassé. S’il est adopté, les consommateurs qui paient une taxe pour copie privée sur les supports vont se rebeller, à juste titre. Ils ne pourront plus financer les œuvres et donc les auteurs.

Il faut que l’on invente des systèmes permettant de garantir les droits des auteurs.

M. Christian Paul. L’imagination n’est pas au pouvoir !

M. Frédéric Dutoit. Votre objectif, finalement, est moins de garantir les droits d’auteur que la présence des DRM pour le contrôle d’un marché potentiel énorme.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. J’ai été très surpris de votre intervention, monsieur le rapporteur. Vous caricaturez la position des députés socialistes en nous traitant en quelque sorte de ringards, d’hommes et de femmes du passé. Vous qui êtes l’auteur d’un sous-amendement célèbre, vous êtes bien mal placé pour nous donner des leçons !

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est de la polémique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. La vérité blesse !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas de la polémique !

Monsieur le ministre, nous sommes face à une révolution technologique permanente, et je crains que vous ne la preniez pas à bras-le-corps et que la loi telle que vous voulez la faire voter ne bloque les choses et ne soit très rapidement dépassée par la réalité.

Le débat sur la copie privée a déjà eu lieu à plusieurs reprises et a été tranché avec la mise en place d’une taxation sur les cassettes et les CD enregistrables, les supports vierges. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation à propos d’Internet.

Au passage, je vous reproche d’avoir caricaturé la position des socialistes dans une déclaration que vous avez faite il y a quelques instants, avant la reprise des travaux. Lors de mon point de presse hebdomadaire, j’ai expliqué que la question de la licence globale était derrière nous dans la mesure où nous étions passés à la discussion d’autres articles. Ce débat est effectivement derrière nous, ce n’est qu’un constat chronologique. Celui qui est devant nous, et vous ne pouvez pas vous en sortir par une pirouette, c’est celui du financement de la création culturelle. Nous proposons que les fournisseurs d’accès y contribuent, vous vous y opposez.

C’est un débat extrêmement complexe, il faut bien le dire, qui est parfois une affaire de spécialistes, mais on a raconté beaucoup d’histoires et de bobards. Notre objectif, c’est le financement équitable de la création culturelle. Nous voulons défendre les artistes en même temps que le droit à l’exception pour copie privée, c’est-à-dire l’accès à la culture, l’accès à la création culturelle.

Je crains qu’avec les dispositions que vous vous apprêtez à faire voter, les artistes et les créateurs ne soient les grands perdants de votre projet de loi, contrairement à tout ce qui a été dit et écrit. Heureusement, le débat qui a eu lieu et qui dure a permis de faire évoluer les points de vue. Dans Le Monde de cet après-midi, dans un article intitulé « La farce du téléchargement », on explique extrêmement bien que les artistes seront les grands perdants de la nouvelle législation, si elle est adoptée en l’état, et qu’il serait logique que les fournisseurs d’accès à la toile, les FAI, soient mis à contribution.

Pourquoi êtes-vous opposé à cette rétribution liée à l’évolution technologique ? Pourquoi refusez-vous cette opportunité de faire participer les fournisseurs d’accès au financement de la création culturelle et à la rémunération des auteurs ? J’aimerais le savoir !

M. Richard Cazenave. Le ministre a répondu tout à l’heure, mais vous n’étiez pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’ai pas envie de polémiquer, cela ne sert à rien. Ce que je souhaite, c’est tout simplement qu’on puisse y voir clair. Dites-nous pourquoi vous êtes contre, nous serons éclairés et chacun prendra ses responsabilités. Mais ne nous faites pas de procès d’intention, monsieur Vanneste ! Nous ne regardons pas le passé, mais au contraire le présent. Nous sommes aussi dans l’anticipation : cette révolution technologique qu’est Internet n’en est qu’à son début. Comment fera-t-on demain ? Les lignes Maginot que vous essayez de mettre en place seront vite contournées, et je n’en ai pas envie ! Ne faisons pas n’importe quoi ! Ne nous mettons pas la tête dans le sable, sinon la réalité risque très vite de vous dépasser.

Je répète ma question : pourquoi ce refus, pourquoi cette obstination à dire non à une rémunération à partir des fournisseurs d’accès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à l’heure Mme Billard a posé une vraie question car le code de la propriété intellectuelle dispose bien qu’il revient à la commission pour la copie privée de fixer les taux et les types de supports éligibles. C’est un vrai problème. L’UDF n’aime pas trop ces transferts de compétence à une autre instance. C’est un pouvoir d’État. Le problème va se poser à nouveau s’agissant du collège des médiateurs, mais, pour l’instant, telle est la loi. Néanmoins, je retiens comme parfaitement légitime le débat ouvert par Mme Billard.

Pour autant, soyons honnêtes : les recettes pour copie privée ne cessent d’augmenter ! Faites confiance aux membres de la commission de la copie privée pour élargir régulièrement les taux et les types de supports éligibles. Les recettes augmentent, donc il n’y a pas le feu ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Peut-être, mais qu’en sera-t-il lorsqu’il ne sera plus permis de copier ?

M. Jean Dionis du Séjour. La réalité, c’est que cela augmente !

M. Jérôme Lambert. Seulement parce qu’il est encore permis de faire des copies !

M. Jean Dionis du Séjour. Il est vrai qu’avec l’arrivée des DRM, nous entrons dans une période de transition. Nous avons voté un amendement de sagesse, qui permet de mesurer si les recettes continuent d’augmenter – comme c’est le cas aujourd’hui – ou si elles baissent. Attendons de voir. Mais si les recettes baissaient, il serait toujours possible aux commissaires de choisir les types de supports éligibles et d’augmenter les taux. Et puis pourquoi vous focaliser sur les FAI ? Il existe d’autres pistes qui sont tout aussi valables. Pourquoi ne pas mettre aussi à contribution les fabricants d’ordinateurs…

M. Frédéric Dutoit. Pourquoi pas Microsoft, par exemple ?

M. Jean Dionis du Séjour. …ou encore les opérateurs de téléphonie mobile, qui profitent aussi de l’arrivée d’Internet ?

M. Frédéric Dutoit. C’est une très bonne idée !

Mme Martine Billard. Une idée à creuser !

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà un bon débat ! Vous vous focalisez sur les FAI.

M. Patrick Bloche. Zéro pour les artistes !

M. Christian Paul. Zéro pour la culture !

M. Jean Dionis du Séjour. Depuis que la licence globale a été abandonnée – M. Cazenave avait raison –, vous essayez de la faire revenir par la petite porte.

M. Jérôme Lambert. Il faut bien proposer quelque chose !

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut surtout une doctrine !

M. Christian Paul. Dites-le au ministre !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF va essayer d’en proposer une : plus la taxe se rapprochera de l’acte de consommation, plus elle sera légitime.

M. Patrick Bloche. Ne vous gênez pas pour déposer des amendements en ce sens !

M. Jean Dionis du Séjour. Pourquoi ne pas aussi réinstituer la taxe sur les portes et fenêtres !

M. Christian Paul. L’imagination est au pouvoir !

M. Jean Dionis du Séjour. Encore une fois, nous maintiendrons notre refus d’une mise à contribution des seuls FAI.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Monsieur Dionis du Séjour, je m’étonne que vous proposiez au législateur de s’en remettre pour définir les taxes aux membres de la commission pour la copie privée. Le législateur est tout à fait dans son rôle en prenant ce type de responsabilité.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est ce que j’ai dit !

Mme Christine Boutin. Je ne vois pas pour quelle raison cela ne ressortirait pas au domaine de la loi.

En vous opposant à la mise à contribution des FAI pour le financement de la culture, vous démissionnez de votre responsabilité de législateur.

M. Christian Paul. Démission ! Voilà la solution !

Mme Christine Boutin. À la reprise de nos travaux, il m’apparaît très clairement qu’une réflexion supplémentaire aurait été nécessaire.

M. Patrick Bloche. Tout à fait !

Mme Christine Boutin. Je persiste et je signe : si nous nous étions donné un peu de temps, quelques semaines simplement, nous serions sans doute parvenus à trouver ensemble une réponse consensuelle, adaptée à la réalité technologique de demain.

M. Frédéric Dutoit et M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Christian Paul. Voilà du courage !

Mme Christine Boutin. Enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, après une longue discussion, la licence globale a été écartée par la voie démocratique. Alors, cessez de nous en parler ! Essayez de croire que ceux qui défendaient la licence globale peuvent aussi avoir le sens de l’intérêt général, même lorsque leurs idées, qui étaient bonnes, ont été battues.

M. Frédéric Dutoit. Provisoirement !

Mme Christine Boutin. C’est vrai.

M. le président. Monsieur Dutoit, provisoirement, vous n’avez pas la parole !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les députés, l’examen de l’article 8 nous donnera l’occasion de réaffirmer, je l’espère tous ensemble, le droit à l’exception pour copie privée.

M. Patrick Bloche. Nous serons là !

Mme Martine Billard. Il n’y a rien derrière !

M. le ministre de la culture et de la communication. Cette réaffirmation, que la démarche de transposition de la directive ne nous obligeait pas à faire, est très attendue. Vous savez que des réflexions, tendant à interdire ce système de copies privées, sont actuellement en cours à la Commission européenne. Le Gouvernement souhaite que le Parlement réaffirme ce droit.

Monsieur Ayrault, je vous remercie pour la tournure que prend notre débat.

M. Christian Paul. Quand on nous respecte…

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons une divergence – et c’est normal dans un débat démocratique – sur le financement de la copie privée. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la commission pour la copie privée – et ce n’est pas un abandon des responsabilités du législateur – fixe régulièrement l’assiette sur laquelle sont calculées les rémunérations pour copie privée en fonction des évolutions de la technologie. Au reste, la commission a su les faire progresser, dans une approche non fixiste, en intégrant progressivement de nouveaux supports dans le calcul des recettes pour copies privées.

Le système que vous proposez, monsieur Ayrault, tend à instituer une taxe nouvelle.

M. Patrick Bloche. Sur les supports vierges, il y a une taxe !

Mme Martine Billard. Et la redevance !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est la raison pour laquelle je m’y suis opposé.

Vous nous accusez de ne pas nous préoccuper des recettes nouvelles pour la création culturelle. Mais quand vous parlez d’industrie musicale, citez donc toutes les mesures que nous sommes en train d’échafauder,…

M. Christian Paul. L’échafaudage est fragile !

M. le ministre de la culture et de la communication. …notamment le crédit d’impôt pour l’industrie phonographique et un certain nombre de mesures très importantes en faveur des labels indépendants. Bref, nous avons le souci des recettes supplémentaires, le souci de la diversité culturelle.

Vous oubliez que la rémunération pour copies privées procède d’une logique de compensation, tout à fait normale et nécessaire, et qui sera d’autant plus confortée que nous allons réaffirmer solennellement le droit à l’exception pour copie privée. Sur les modalités, des divergences peuvent apparaître entre nous, même si, comme je l’ai rappelé tout à l’heure pour la VOD, les fournisseurs d’accès à Internet sont mis à contribution au profit de l’industrie cinématographique. De la même manière, le financement par les télévisions de l’industrie cinématographique est devenu très important.

M. Patrick Bloche. Alors, acceptez notre proposition !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mais c’est par voie contractuelle.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Ce moment du débat est l’occasion de préciser le modèle nous avons à l’esprit. Certains imaginent – à mon avis, naïvement – qu’ils pourront verrouiller toute copie privée par l’extension d’un système de mesures de protection qui seront si techniques que nul ne pourra les tourner et que l’on pourra repérer et surveiller tout échange considéré comme illicite.

Pour nous, quand bien même on l’accepterait, cela ne correspond à rien de réalisable.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait d’accord !

M. François Bayrou. Et puis il y a ceux qui, de façon tout aussi irréaliste, demandent, qu’une fois versé un forfait d’accès, tous les échanges deviennent licites sans rémunération directe.

Ces deux thèses, à mon sens, sont aussi entachées d’erreur l’une que l’autre.

Le système vers lequel inéluctablement nous irons est un système d’offre légale d’accès facile, rapide, pas cher – elle l’est beaucoup trop aujourd’hui –, très conviviale – elle ne l’est pas assez –,…

M. le ministre de la culture et de la communication. Diversifiée !

M. François Bayrou. …diversifiée,…

M. Jérôme Lambert. Et qui rémunère vraiment les artistes !

M. François Bayrou. …permettant de rémunérer directement les artistes,…

M. Christian Paul. Elle ne le fait pas assez !

M. François Bayrou. …cependant que l’exercice d’un droit à la copie privée donnerait lieu au versement d’une compensation équitable. Tel est le modèle que, pour ma part, je défends.

Je m’empresse d’ouvrir une parenthèse. J’admire, monsieur le ministre, les prouesses sémantiques qui sont les vôtres. Pour trancher le débat entre ceux qui parlent de « l’exception pour copie privée » et ceux qui défendent « le droit à copie privée », vous inventez le « droit à l’exception pour copie privée ». (Sourires.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous préciserons les choses à l’article 8 !

M. François Bayrou. C’est votre contribution sémantique à l’évolution du débat !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est important !

M. François Bayrou. Réaliser une copie privée sur le support de son choix, et éventuellement l’échanger dans le cadre de son cercle privé, est un droit légitime, élémentaire, ce n’est pas une exception, et il serait absolument inconvenant de le verrouiller. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à la commission d’experts que vous voulez nommer pour en juger. C’est un droit et cela doit rester du ressort du législateur. Telle est ma conviction.

Il est légitime que ce droit à la copie privée s’accompagne d’une compensation, à la forme de laquelle il faut réfléchir. Je ne suis pas éloigné de penser, comme Mme Boutin – ce qui n’arrive pas fréquemment –, que des chemins existaient que nous n’avons pas explorés du fait de la déclaration d’urgence faite par le Gouvernement. Le Parlement s’est vu interdire le droit de conduire à son terme sa réflexion et ses échanges avec le Sénat.

Monsieur le ministre, vous privez ainsi le Parlement des moyens de trouver des chemins nouveaux.

Notre modèle de référence est simple : d’un côté, une offre légale, garantie et interopérable ; de l’autre côté, un droit à copie privée assorti d’une compensation équitable, qui peut prendre la forme d’un forfait prélevé via les fournisseurs d’accès. Tel est notre modèle viable et équilibré de développement de la culture sur Internet.

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je suis frappé de voir que nous sommes passés du roman noir – parfois grotesque sur le plan législatif – la semaine dernière, à un épisode de Bambi où tout le monde serait heureux. Pourtant, les positions restent radicalement opposées.

L’idée sur laquelle repose votre projet est simple : verrouiller l’ensemble des échanges sur le Net et empêcher l’exercice du droit à la copie privée. On imagine bien ce que feront les fabricants de DRM et les industriels du disque si vous leur laissez la faculté d’apprécier ce droit. Je n’ai aucun reproche à faire au PDG de la FNAC, qui fait son métier de marchand de disques en nous sollicitant, mais nous sommes dans un débat d’une autre nature. La question est en effet la suivante : la société a-t-elle, oui ou non, le droit de bénéficier du progrès technologique ? Il est troublant que le Gouvernement propose d’utiliser les capacités technologiques pour les retourner contre la société, notamment au travers des MTP.

Le débat sur la copie privée est essentiel, car ce droit qui, avec l’évolution des modes de vie et des comportements, apparaît comme légitime à des millions de personnes, est aujourd’hui remis en cause. Dès la loi de finances de 2004, j’avais proposé d’examiner cette question, car j’estimais que le fondement juridique de la redevance pour copie privée était remis en cause par l’existence d’un certain nombre de MTP. En effet, depuis 2002, certaines maisons de disques ont apposé des systèmes dits Copy control, qui empêchent non seulement de copier leurs disques, ce qui constitue une entrave au droit à la copie privée, mais aussi tout simplement de les écouter dans des conditions ordinaires, sur un autoradio par exemple. Le Gouvernement, là-dessus, n’a jamais levé le petit doigt, considérant que ces multinationales pouvaient bafouer la loi en toute impunité. En revanche, il se déchaîne aujourd’hui pour imposer des mesures et un système contraventionnel contre les internautes. En vérité, monsieur le ministre, votre projet n’est rien d’autre que la licence globale, mais au bénéfice du budget de l’État, puisque les contraventions l’alimenteront sans servir à la création !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Comme le disait Mme Boutin, ce débat est la démonstration concrète que nous aurions pu tous ensemble trouver un consensus si ce projet de loi avait été débattu au fond. Je partage tout à fait la position de M. Bayrou, d’autant que j’ai émis une proposition visant à mettre en place une plate-forme publique pour le téléchargement des œuvres par Internet, avec rémunération des auteurs – une bibliothèque numérique grandeur nature en quelque sorte –, proposition toujours d’actualité.

Je remercie d’ailleurs l’ensemble de mes collègues qui ont voté mon sous-amendement concernant la mise en place d’une plateforme publique pour le téléchargement des œuvres des jeunes créateurs ne bénéficiant pas d’une diffusion traditionnelle via les maisons de disques ou via les plateformes privées du style FNAC ou Virgin. L’Assemblée nationale adopté ce sous-amendement avec l’accord du Gouvernement, et je m’en félicite. Il me semble que nous pouvons, tous ensemble, aller dans cette direction. Monsieur Bayrou, il faut mettre à contribution les fournisseurs d’accès à Internet – je pense à l’e-commerce qui est en train de se développer sur la Toile. Quant à Microsoft, Apple ou Sony, monsieur Dionis du Séjour, ils doivent également être mis à contribution pour financer la création. Cela me paraît d’autant plus logique que Microsoft est la première fortune du monde.

Je veux insister sur la question de la copie privée. Les consommateurs n’accepteront jamais – les dépêches de l’AFP en font foi – de payer la taxe à la fois sur les supports et dans le cadre du téléchargement. Il nous faut donc avancer vers une solution proche de la licence globale. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quand bien même vous feriez passer cette loi de force, vous n’échapperez pas à une réflexion sérieuse sur la rémunération de tous les auteurs. Vous ne voulez pas vous adapter au XXIe siècle, mais le XXIe siècle vous rattrapera !

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Nous nous égarons ! M. le ministre a très clairement dit que tous les débats auraient lieu. Donc ne discutons pas de l’article 8 maintenant. Sinon, nous contribuerons à une certaine confusion ! M. Ayrault a demandé à M. le ministre pourquoi il refusait une taxation générale des FAI, mais nous ne sommes pas là pour nous raconter des histoires : les FAI répercuteraient forcément une telle taxation sur les abonnés internautes ! Vous avez une façon subreptice de tenter de faire entrer par la fenêtre ce que nous avons fait sortir par la porte !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 188.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 98 rectifié.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Monsieur Richard, vous ne pouvez craindre que les fournisseurs d’accès à Internet ne répercutent la taxe sur les abonnés, alors que vous nous reprochiez, lors du débat sur la licence globale, de mettre en place cette rémunération forfaitaire. Dépassez vos contradictions !

Nous constatons, amendement après amendement, que le Gouvernement et une grande partie des membres de sa majorité s’entêtent à refuser une rémunération complémentaire pour la culture, alors que cette loi aura des conséquences sur l’exercice du droit à copie privée ou sur l’exception pour copie privée ! La rémunération pour copie privée baissera et les acteurs culturels, les auteurs et les artistes, en seront les premières victimes. Nous prenons acte une fois encore de votre entêtement et de votre refus à envisager toutes les conséquences de ce texte !

J’en viens à l’amendement n° 98 rectifié. Par cohérence avec la proposition qui veut que l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle dispose désormais que l’incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée, il convient que l’article L. 311-5 confie à la commission chargée de fixer les rémunérations la responsabilité de déterminer les modalités de prise en compte d’un tel facteur.

De manière plus générale et compte tenu de l’importance des décisions prises par cette commission, de la complexité des critères d’évaluation sur lesquels elle doit se fonder et des enjeux économiques en cause pour les titulaires de droits comme pour les usagers, il est par ailleurs proposé qu’outre le pouvoir déjà reconnu en ce sens à son président, les deux ministres concernés puissent demander une seconde délibération de ses délibérations.

Enfin, pour des raisons de transparence, il est proposé que les travaux, débats et décisions de la commission donnent matière à un rapport annuel public dans des conditions comparables à celles prévues pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel par l’article 18 de la loi sur la liberté de communication.

Ce rapport devrait être notamment adressé au collège des médiateurs, créé à l’article 9, dans la mesure où il est proposé que celui-ci établisse lui-même un rapport public présentant notamment une évaluation d’ensemble de l’ampleur et des caractéristiques des mesures techniques mises en œuvre et en particulier de la limitation du nombre de copies qu’elles peuvent impliquer.

Cet amendement, de transparence, reprend notre souci de voir la commission de la copie privée assurer elle-même la production d’études indépendantes sur la question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable, pour trois raisons qui concernent le I, le III et le IV de l’amendement, le II n’ayant pas une grande importance.

Le I est satisfait par l’amendement n° 23 rectifié de la commission, portant article additionnel après l’article 5. C’est un point que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer. Il est évident que la mise en œuvre des mesures de protection aura des incidences sur la rémunération de la copie privée, qui doit être gérée et régulée par la commission créée à cet effet.

Le IV est satisfait par l’amendement n° 24 de la commission des lois, qui sera appelé bientôt et qui tend également à demander un rapport.

En revanche, le III aurait pour effet de modifier l’équilibre de la commission pour la copie privée en donnant plus de poids à l’État, alors celle-ci vise avant tout à permettre à la société civile de trouver des solutions à ses propres problèmes. En l’occurrence, il s’agit d’une négociation de nature privée entre ceux qui paient, consommateurs ou industriels, et ceux qui reçoivent une contrepartie à la perte de droits résultant de la copie privée, auteurs et titulaires de droits voisins.

Même si les députés de l’opposition n’écoutent guère le rapporteur, vous avez remarqué, monsieur Bloche, que cette proposition est redondante. Actuellement, le président de la commission pour la copie privée, qui représente l’État, a déjà le pouvoir que l’amendement propose de lui accorder.

Il y a beaucoup d’État en France. Ce n’est pas la peine d’en rajouter inutilement.

M. Patrick Bloche. L’argument est grotesque !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour les raisons qui viennent d’être évoquées par le rapporteur, j’émets un avis défavorable.

M. Patrick Bloche. C’est un peu court, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je profite du fait que M. Dionis du Séjour soit encore dans l’hémicycle pour lui apporter, ainsi qu’au rapporteur, quelques éléments d’information sur l’évolution des montants de la rémunération pour copie privée, dont chacun semble penser que, par la magie des nouvelles technologies, elle est sur une pente ascendante. Elle l’est peut-être pour le financement de certaines manifestations locales, mais non dans son ensemble. Entre 2004 et 2005, elle a même baissé de 4,5 % pour l’audiovisuel et de 5,2 % pour le son. On voit qu’il n’y a pas de magie. Les décisions que nous allons prendre risquent même de mettre en danger cette ressource fragile.

À ce sujet, j’aimerais citer une question posée par un de nos concitoyens à propos de la remise en cause de l’exception pour copie privée. Pendant notre débat, véritable exercice de démocratie en direct, nous recevons en temps réel des centaines de courriers électroniques, tout comme le Gouvernement, j’imagine. Nous ne les citons pas systématiquement dans l’hémicycle, mais il est important de nous faire de temps à autre l’écho des préoccupations de nos concitoyens.

Je veux donc évoquer une situation concrète, car un internaute qui suit notre débat souhaiterait vous poser deux questions, monsieur le ministre.

D’abord, que devient dans les faits le droit à la copie privée ? Supposons que l’on télécharge une chanson écrite par un artiste de vingt ans.

Mme Martine Billard. Qui est en CPE ?

M. Christian Paul. Pourquoi pas, madame Billard ! La protection de cette œuvre durera cent trente ans : l’auteur n’a que vingt ans, son espérance de vie est de quatre-vingts ans et ses descendants toucheront encore des droits soixante-dix ans après sa mort. Comment imaginer que cinq copies – pour reprendre le chiffre du collège des médiateurs – suffiront pour faire migrer cette œuvre légalement acquise d’un support à l’autre pendant cent trente ans, durée pendant laquelle le format des lecteurs ne peut que changer un grand nombre de fois ?

Le même internaute pose une autre question. Supposons qu’il achète l’enregistrement d’un opéra de Puccini interprété par Maria Callas en 1958, œuvre qui tombera dans le domaine public dans seulement deux ans. Protégée par le droit voisin des interprètes, l’œuvre sera cadenassée bien au-delà de la période des droits légaux.

Je conviens que la copie privée est en danger, mais, en agissant de la sorte, le Gouvernement pousse la France tout entière vers le peer-to-peer et je le regrette, non dans le second cas, mais dans le premier.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le débat s’éclaircit progressivement. Selon vous, monsieur le ministre, la contribution pour copie privée est une compensation aux pertes de droits qu’elle engendre. Le rapporteur nous dit à son tour que nous l’aurions déjà adoptée en votant l’amendement n° 23 rectifié.

Mais, monsieur le ministre, j’aimerais vous entendre dire clairement ce que vous pensez. S’il n’y a plus de droit à la copie privée des DVD,…

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n’y en a pas actuellement.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Un tel droit n’existe pas !

Mme Martine Billard. …quelles recommandations allez-vous donner à la commission pour la copie privée en ce qui concerne la redevance pour copie privée sur un DVD vierge ? Pourquoi le consommateur paierait-il une redevance sur un support qui sera interdit de copie ?

Vous pensez pouvoir tout contrôler – le nombre de copies, leur fréquence d’utilisation et leur durée d’usage – grâce aux DRM. Mais pourquoi maintenir le principe d’une rémunération pour copie privée sur des supports vierges sans tenir compte de l’utilisation qui en sera faite ? En d’autres termes, pourquoi les acheteurs de supports vierges qui ne font jamais de copie de musique ou de cinéma paieraient-ils une redevance pour copie privée ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Parce qu’ils achètent le support ! Personne ne les oblige à réaliser des copies !

Mme Martine Billard. Sachez, monsieur le ministre, qu’un support peut servir à sauvegarder des données ou des photos de famille et non pas uniquement à copier des œuvres soumises au droit d’auteur.

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est la liberté de chacun !

Mme Martine Billard. Quand les consommateurs achètent aujourd’hui un support vendu dans des conditions telles qu’ils peuvent faire une copie privée d’une œuvre et l’écouter ou la diffuser dans un cercle privé, c’est à juste titre qu’ils acquittent une contribution destinée à compenser la perte de revenus des auteurs. Mais s’ils ne peuvent plus copier des œuvres soumises au droit d’auteur, pourquoi paieraient-ils une contribution sur les supports vierges ?

M. Frédéric Dutoit. Il n’y a aucune raison, en effet.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous répondiez clairement à ce sujet, et non en arguant qu’un amendement réaffirme le droit à la copie privée, argument classique mais spécieux, puisque ce droit ne sera bientôt plus qu’une coquille vide.

Le Gouvernement en use de même avec le code du travail. Quand il maintient le principe des 35 heures, il le vide en réalité de tout contenu. Depuis quatre ans, il multiplie ainsi les lois qui, sous de belles apparences, ne contiennent plus rien. Il peut toujours proposer un amendement maintenant l’exception pour copie privée, mais à quoi cela sert-il s’il supprime cette même exception pour tous les supports, notamment par l’intermédiaire des DRM, en se gardant bien d’inscrire dans la loi le droit à ne serait-ce qu’une copie privée ?

M. Patrick Bloche. En effet !

Mme Martine Billard. Ou alors, monsieur le ministre, acceptez qu’un amendement inscrive noir sur blanc dans la loi l’exception pour copie privée sur l’ensemble des supports, y compris pour le download.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 95 rectifié et 186, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 95 rectifié.

M. Patrick Bloche. Cet amendement traduit notre souci de nous inscrire en perspective, c’est-à-dire d’inclure tôt ou tard – mieux vaudrait tôt que tard – les fournisseurs d’accès à Internet parmi les personnes soumises au paiement de la rémunération pour copie privée. C’est ainsi qu’il vise à prévoir leur représentation dans la commission chargée de fixer le montant des rémunérations pour copie privée et de définir les types d’accès concernés. En somme, il s’agit d’un amendement de rappel.

M. Frédéric Dutoit. On pourrait même parler d’un amendement de cohérence.

M. Patrick Bloche. Mes chers collègues, votez au moins cet amendement qui permettra aux fournisseurs d’accès de siéger à la commission pour la copie privée. Si vous refusez d’adopter pour l’heure la solution que nous vous proposons et de mettre à contribution les fournisseurs d’accès à Internet, au moins pourrez-vous y venir plus tard. Les chiffres cités par Christian Paul et la démonstration ô combien pertinente de Martine Billard l’ont rappelé : si vous voulez maintenir un bon niveau de rémunération pour copie privée, vous serez inévitablement amenés à mettre à contribution les fournisseurs d’accès à Internet.

Monsieur le ministre, vous avez employé le mot « taxe » parce qu’il est connoté de manière péjorative. Il s’agit en fait, comme pour les supports vierges, d’une rémunération qui vise à compenser l’exception pour copie privée.

M. Christian Paul. Dans les limites du raisonnable !

M. Patrick Bloche. Pour les supports vierges, la rémunération d’exception pour copie privée, s’il est impossible d’exercer un tel droit, amènera les consommateurs à se poser de bonnes questions, auxquelles, d’ailleurs, le Gouvernement pourrait utilement répondre.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour soutenir l’amendement n° 186.

M. Alain Suguenot. On ne peut tenir un double discours en condamnant à la fois la gratuité et la piraterie. Le terme est d’ailleurs discutable : le petit internaute qui télécharge, en pensant qu’il peut profiter des offres nouvelles, n’est pas un pirate. Et que les majors arrêtent de nous dire que, lorsqu’un jeune télécharge 10 000 morceaux de musique sur son iPod, il inflige une perte de 9 999 euros à l’industrie musicale ! Je ne connais pas un jeune qui ait les moyens de débourser une telle somme.

M. Christian Paul. Bien sûr !

M. Alain Suguenot. Sortons donc des tautologies ou des contrevérités qui circulent partout. Si l’on veut lutter contre la piraterie, c’est-à-dire contre ceux qui font commerce des copies, il faut bien que quelqu’un paie. Arrêtons de nous voiler la face !

Nous sommes, je l’ai dit, à la veille d’un essor considérable du téléchargement, notamment sur les portables. Pourquoi ne pas aborder le problème, au lieu de renvoyer la discussion sur l’exception pour copie privée à l’examen de l’article 8 ? L’article 1er l’a déjà taillée en brèche. À ce stade de la discussion, le moment n’est-il pas venu, non seulement de définir ceux qui contribueront demain à la rémunération de la copie privée, mais aussi d’imaginer les moyens qui permettront un équilibre équitable entre le droit d’auteur, celui des producteurs et celui des internautes ? Ne fermons pas la porte !

Je le répète : si, par dogmatisme, nous refusons dès à présent de prévoir la contribution des fournisseurs d’accès à Internet, nous ne le ferons pas davantage à l’article 8, qui ne pourra plus intégrer cette possibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements nos 95 rectifié et 186 ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable. Puisque ces amendements sont de cohérence, la même cohérence commande le rejet.

Je le répète sans esprit de polémique : deux logiques s’affrontent et se déploient, qui doivent se respecter. Notre débat est difficile.

M. Christian Paul. Et encore, ce n’est que le début !

M. Christian Vanneste, rapporteur. La difficulté se situe au-delà de ce qui peut nous opposer politiquement : il faut tenter d’adapter le droit à l’évolution de la technologie.

M. Christian Paul. C’est le fond du problème !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ne nous cachons donc pas qu’il s’agit d’un vrai et beau débat. Mme Billard a défendu le droit à la copie privée, que j’ai tenu à affirmer dans le texte.

M. Christian Paul. De façon purement platonique !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Mais l’argument qu’elle a développé à propos des DVD est inexact, puisqu’il n’existe pas pour eux de droit à la copie privée, pour des raisons technologiques. Je vous renvoie à la jurisprudence Mulholland Drive de la Cour de cassation, qui date de 2005.

Mme Martine Billard. Elle est bien récente !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Nous proposerons que le collège des médiateurs fixe les modalités, notamment le nombre des copies privées.

M. Patrick Bloche. Vous dessaisissez le Parlement pour donner tous les pouvoirs aux médiateurs !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Laissez-moi finir, mon cher collègue !

S’il y a un droit à la copie privée, il ne peut pas être infini. D’ailleurs, si nous ne limitons pas le nombre de copie, nous ne respectons pas une clé de voûte de la directive européenne : le test en trois étapes. Nous devons nous en tenir à une exploitation normale de l’œuvre et protéger les intérêts légitimes des auteurs.

M. Christian Paul. C’est une affaire d’interprétation.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Encore une fois, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! Nous devons trouver un équilibre entre la revendication à la copie privée, qui nous est commune, et sa mise en œuvre, dans le respect des droits et des intérêts légitimes des auteurs. Voilà le véritable problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Comme vient de le dire le rapporteur, ces deux amendements découlent logiquement d’options initiales que l’Assemblée nationale a récusées.

Cependant, je souhaite répondre aux deux questions qui viennent d’être posées, car ce débat doit également être l’occasion de clarifier certains points pour celles et ceux qui nous écoutent.

Mme Billard s’est interrogée sur le maintien de la redevance pour copie privée qui s’applique aux DVD vierges, mais celle-ci est justifiée par la possibilité d’y enregistrer des œuvres audiovisuelles et cinématographiques diffusées à la télévision. Une personne qui achète un DVD vierge est libre de faire ce qu’elle veut mais, dès lors qu’elle peut l’utiliser pour enregistrer de telles œuvres, elle doit s’acquitter de cette redevance.

Quant à la commission pour la copie privée, je précise, pour que les choses soient bien claires, que sa composition est paritaire. Elle est présidée par un représentant de l’État et comprend douze membres représentant les ayants droit – c’est-à-dire les bénéficiaires du droit à rémunération – et douze membres représentant les redevables : six représentants des industriels fabricants et importateurs de supports et six représentants des consommateurs. Cette instance respecte donc la pluralité et permet ainsi la confrontation légitime des points de vue et des intérêts, sans dessaisir le Parlement.

Sur les amendements nos 95 rectifié et 186, j’émets donc un avis défavorable, pour les raisons que je viens d’indiquer.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Pour ne pas prolonger nos débats sur ce point, je précise que je partage entièrement les propos de Mme Billard, M. Bloche et M. Suguenot. Permettez-moi néanmoins, monsieur le ministre, de vous faire, une fois de plus, une proposition consensuelle.

Si l’on va jusqu’au bout de votre logique, il faut exonérer tous les internautes de la redevance pour copie privée. En effet, pour quelles raisons la paieraient-ils s’ils n’ont pas le droit de télécharger ? Je vous propose donc de travailler ensemble sur cette question, afin que les consommateurs que sont les internautes ne soient pas pénalisés deux fois.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, la taxe sur les supports vierges se justifie par le fait que chacun peut en faire ce qu’il veut, notamment y enregistrer un film diffusé à la télévision. Mais tout DVD vierge n’a-t-il pas vocation à être gravé ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Bien sûr que si !

Mme Christine Boutin. Personne n’achèterait des disques vierges pour les accumuler dans un tiroir sans les utiliser. Votre explication me paraît donc un peu courte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 24 et 174 deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Au cours des travaux préparatoires sur ce texte qui, comme vous le savez, ont duré deux ans (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul. Ce ne sont pas les travaux de la commission qui ont duré deux ans !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Permettez-moi de rappeler de temps en temps mon chemin de croix !

Au cours des travaux préparatoires, disais-je, un certain nombre de pistes ont été tracées dans le but d’établir un équilibre entre les trois groupes d’intérêt en présence, c’est-à-dire les ayants droit, ceux qui risquent leurs investissements dans l’industrie culturelle et les consommateurs. S’agissant de ces derniers, notre principal souci a été celui d’assurer la transparence. Tel est l’objet de cet amendement.

En 1985, la loi a confié à la commission pour la copie privée le pouvoir de prendre des décisions qui ont force exécutoire et qui fixent des prélèvements forfaitaires sur le prix des supports vierges, dont le total, je le rappelle, s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros. Le non-paiement de cette redevance est d’ailleurs pénalement sanctionné. Le souci d’assurer la transparence de l’utilisation de la délégation de décision ainsi accordée par le Parlement rend particulièrement souhaitable la publication du compte rendu des travaux de la commission, afin que tous ceux qui le souhaitent puissent prendre connaissance de la teneur des discussions, des positions exprimées par ses différents membres et de la justification des décisions qui seront prises.

À cette fin, l’amendement propose deux mesures : premièrement, la publication d’un compte rendu synthétique des réunions de la commission – un procès-verbal représentant une charge bien trop lourde – et, deuxièmement, la publication d’un rapport annuel transmis au Parlement, rapport qui pourrait notamment inclure des éléments sur les pratiques réelles de copie privée qui justifient le montant de la rémunération perçue sur les consommateurs et les industriels en contrepartie équitable des pertes de droits.

La commission avait repoussé l’amendement n° 174 de M. Dionis du Séjour dans sa rédaction originelle. Or il se trouve que notre excellent collègue a rectifié son amendement, de sorte que celui-ci est identique à celui de la commission. Je ne peux donc qu’émettre un avis favorable aux deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 174 deuxième rectification.

M. Jean Dionis du Séjour. L’amendement n° 174 deuxième rectification est en effet identique à celui de la commission.

En confiant la gestion de la copie privée – types de support, taux de rémunération, modalités de versement – à une commission, le Parlement s’est dessaisi de son rôle de régulation. C’est un point important sur lequel le groupe UDF souhaite insister. Dès lors, la moindre des choses est que cette commission soit transparente, que les comptes rendus de ses réunions soient publics et que, une fois par an, elle publie un rapport qui soit transmis au Parlement.

Je m’associe à l’amendement n° 24 de la commission et je retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 174 deuxième rectification est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 24 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable. Tout ce qui contribue à l’information de la représentation nationale et de nos concitoyens sur ces questions largement débattues dans chaque famille française est très important.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’amendement n° 24 ne nous pose pas de problème, mais nous regrettons que le rapporteur, qui travaille sur ce sujet depuis deux ans et demi, ne soit pas allé plus loin, comme nous le proposions dans notre amendement n° 98 rectifié qui, il y a quelques instants, a été balayé d’un revers de main tant par la commission que par le Gouvernement.

Cet amendement disposait, je le rappelle, que « le président établit chaque année un rapport public qui rend compte de l’activité de la commission, des délibérations adoptées et de leurs motivations, ainsi que de leur mise en œuvre. » De telles précisions auraient contribué à assurer une transparence bien plus grande que le simple compte rendu des réunions de la commission.

Nous souhaitions également que ce rapport soit adressé non seulement au Parlement, mais aussi au Président de la République et au Gouvernement et, surtout, à la Commission européenne ainsi qu’au président de l’instance prévue à l’article L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire le collège des médiateurs. En effet, les dispositions qui nous sont soumises n’établissent aucun lien entre celui-ci et la commission pour la copie privée. Or nous allons voir, aux articles 8 et 9, que ces deux institutions risquent de se marcher sur les pieds.

Il est donc regrettable que le rapporteur et le Gouvernement n’aient pas fait preuve d’un plus grand esprit d’ouverture, que notre amendement n° 98 rectifié n’ait pas été retenu et que nous devions nous contenter d’un amendement a minima, qui est mieux que rien.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Au-delà du problème des rapports entre la commission pour la copie privée et le collège des médiateurs, je m’étonne que l’Assemblée nationale puisse se contenter d’une information s’agissant d’un prélèvement. Il me semble que le rapporteur et le ministre sous-estiment le fait que le dispositif mis en place en 1985 perde son fondement juridique à mesure que l’on entrave le droit à la copie privée.

Nous ne proposons pas de créer une taxe, mais de transformer ce prélèvement en une « imposition de toute nature » décidée par le Parlement, sans remettre en cause en quoi que ce soit l’affectation de ce prélèvement. Le rapporteur vient de rappeler que son produit s’élevait à plusieurs centaines de millions d’euros. Comment une commission totalement illégitime pour recouvrer un prélèvement auprès d’une très grande partie de nos concitoyens…

M. le ministre de la culture et de la communication. Elle a été créée par la loi !

M. Richard Cazenave. Une loi de 1985 !

M. Didier Migaud. Certes, mais elle l’a été en contrepartie d’un préjudice, à un moment où les supports qui permettaient la copie privée étaient bien identifiés et en nombre limité, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, puisque j’ai même entendu M. Dionis du Séjour envisager de taxer les ordinateurs. Dès lors que cette possibilité existe, on ne peut pas raisonnablement laisser à une commission le soin de décider de ce prélèvement.

Que la représentation nationale puisse se contenter d’un rapport d’information, les bras m’en tombent ! Sur ce point, j’irai plus loin que M. Bloche : cet amendement n’est pas un pis-aller, c’est un scandale ! Et il est inadmissible que le ministère cautionne une telle pratique, qui plus est à un moment où cette redevance va être fragilisée.

Cela montre une fois de plus, monsieur le ministre, que ce texte est mal préparé, que l’on délibère dans la précipitation et que l’urgence est totalement inadaptée, car un sujet aussi essentiel que celui-ci – en tout cas pour la représentation nationale – n’est pas traité.

Informer le Parlement, c’est bien, mais celui-ci devrait pouvoir exercer son rôle.

Alors que la Révolution s’est faite pour des raisons budgétaires et fiscales,…

M. Christian Paul. M. Vanneste le regrette !

M. Didier Migaud. …nous sommes sur le point d’abandonner une fois de plus le pouvoir à une commission constituée de représentants de la profession et d’ayants droit. Je ne comprends pas que l’on puisse accepter ce nouveau dessaisissement de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Je regrette que certains de nos collègues, qui ne sont présents que par intermittence dans cet hémicycle, se sentent obligés de reprendre l’ensemble de la discussion à chacune de leurs apparitions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je voudrais rappeler que la création de la commission pour la copie privée date d’une loi de 1985, votée par la majorité socialiste de l’époque. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un député du groupe socialiste. Votée à l’unanimité !

M. Didier Migaud. Il y a vingt ans !

M. Richard Cazenave. Nous avons pris conscience de la situation et nous avons voté la semaine dernière un amendement permettant de répondre aux problèmes précis qui se poseront dans l’avenir afin, le cas échéant, d’ajuster le montant et de préciser les modalités des prélèvements pour copie privée. Nos collègues de gauche devraient faire preuve d’un peu d’humilité (« Cela vaut aussi pour vous ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous ne pouvons pas régler d’un coup l’ensemble des problèmes alors que nous ne savons pas comment va évoluer la redevance pour copie privée ni – et cela mériterait d’ailleurs un débat – sur quels supports il conviendrait de faire porter une éventuelle redevance.

M. Patrick Bloche. Raison de plus !

M. Richard Cazenave. Le projet prévoit une clause de rendez-vous…

M. Patrick Bloche. Non, un rapport !

M. Richard Cazenave. …qui nous donnera l’occasion d’examiner tranquillement toutes ces questions le moment venu, au lieu de légiférer tout de suite, à l’aveuglette. Cela nous épargnera peut-être certaines interventions purement politiciennes, notamment l’affirmation selon laquelle il serait scandaleux de se dessaisir au profit d’une commission. C’est oublier, en effet, que cette disposition a été prise par le Parlement, plus exactement par la majorité de gauche en 1985.

M. Didier Migaud. Il y a vingt ans ! La situation a évolué !

M. Richard Cazenave. Certes, mais pas en ce qui concerne la gestion de la commission. Il n’y a pas eu de décisions nouvelles dans ce domaine.

Mme Martine Billard. On est en train de supprimer la copie privée !

M. Richard Cazenave. Il faut éviter de dire n’importe quoi. Puisque nous avons voté la semaine dernière des amendements qui nous donnent la possibilité de revenir ultérieurement sur ces questions lorsque nous disposerons de tous les éléments pour y répondre, ayons la sagesse et l’intelligence de remettre ce débat à plus tard.

Par ailleurs, sachez faire montre d’un peu d’humilité, mes chers collègues, et cessez donc de donner des leçons à la faveur de chacune de vos incursions dans l’hémicycle, comme si nous n’avions pas déjà débattu de ces questions et fixé le principe de rendez-vous ultérieurs qui nous permettront d’y revenir plus tard.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 99 rectifié.

La parole est à M. Didier Mathus, pour le soutenir.

M. Didier Mathus. L’amendement n° 99 rectifié est extrêmement important, puisqu’il vise à ce que la répartition entre les ayants droit prenne en compte l’utilisation ou non des mesures techniques, ainsi que la limitation du nombre de copies prévue au deuxième alinéa de l’article L. 331-6.

La directive permet une telle disposition mais, en écartant son application, le Gouvernement a, une fois de plus, opté pour une transposition parmi les plus répressives, qui nous aligne au niveau de ce qui est pratiqué en Grèce ou en Mongolie.

Chacun a bien compris qu’aujourd’hui l’existence même de la copie privée est directement mise en cause. M. le rapporteur, dans une déclaration qui est en passe de devenir aussi célèbre que celle sur le rôle positif de la colonisation française, a déclaré que le droit à la copie privée pouvait être le droit à zéro copie. Si je comprends bien, une redevance serait perçue sur un droit que l’on ne pourrait plus exercer, donc sans aucune contrepartie ? Il faut faire en sorte que les consommateurs ne soient pas spoliés sur tous les plans !

Il y a deux ans, l’Australie a adopté une législation pratiquement calquée sur le Digital Millenium Copyright Act américain, donc extrêmement favorable aux industriels de la musique. Or un rapport du Parlement australien propose aujourd’hui de revenir sur cette législation, ses rédacteurs, Kim Weatherall et Michael Geist, estimant qu’« il devient nécessaire de protéger le public, les utilisateurs et le marché des “protections techniques” ; qu’il faut retrouver un équilibre menacé par l’extrémisme des “frénétiques de l’appropriation”. »

M. Christian Paul. C’est de M. Vanneste qu’il s’agit !

M. Didier Mathus. Ce rapport, qui constate en fait la faillite de la transposition du Digital Millenium Copyright Act en Australie, devrait nous donner à réfléchir. La généralisation des DRM remet non seulement en cause les libertés publiques et individuelles, mais également la circulation économique des œuvres et de toutes les productions de l’esprit sur le Net, y compris, si l’on en croit ce rapport, la circulation d’informations entre des institutions officielles.

Alors que M. le ministre ne cesse de nous répéter que la France a l’obligation de transposer la directive, pourquoi choisit-il la transposition la plus répressive de tous les pays européens, et pourquoi écarte-t-il la possibilité qui nous est offerte d’étalonner la perception de la redevance en fonction des mesures de protection appliquées aux malheureux consommateurs ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La polémique n’implique pas nécessairement l’absence d’honnêteté intellectuelle, qui exige de citer exactement les textes sans utiliser des mots qui ne s’y trouvent pas.

M. Christian Paul. Quid de votre démonstration ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. J’y viens, cher collègue.

Vous avez posé un vrai problème, celui de la conséquence de la mise en œuvre des mesures de protection sur la répartition des droits. De prime abord, on pourrait en effet penser qu’une telle mesure serait équitable et qu’elle aurait donc un rôle positif, si j’ose dire. (Sourires.)

M. Christian Paul. Récidiviste !

M. Christian Vanneste, rapporteur. En réalité, la mise en œuvre des mesures de protection sur la répartition des droits pose deux questions essentielles. Premièrement, on ne peut pas adopter les mêmes mesures de protection et la même limitation en matière de copie pour un artiste renommé et pour un artiste débutant, d’où la nécessité d’un traitement individualisé. Deuxièmement, je veux souligner la contradiction de votre discours : d’un côté, vous proposez une rémunération forfaitaire globale, de l’autre, vous dites souhaiter une rémunération très individualisée…

M. Pierre-Christophe Baguet. Ce n’est pas faux !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …qui n’est pas autre chose que ce que nous proposons. Vous venez en quelque sorte de dire adieu à la licence globale et je vous en remercie !

Pour conclure, j’en reviendrai à la question du droit à zéro copie.

M. Christian Paul. C’est le degré zéro de l’intelligence !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Comme nous allons le voir en poursuivant l’examen de ce texte, celui-ci affirme le droit à la copie privée. Sur le plan juridique, nous sommes d’accord : c’est un droit. Un problème technologique se pose toutefois à propos des DVD. Le collège des médiateurs n’admettra pas plus que les tribunaux la copie d’un DVD, tout simplement parce que la première copie donnera la possibilité d’en effectuer une infinité d’autres : pour tuer le cinéma, on ne pourrait imaginer pire ! Le directeur de la SACD,…

M. Christian Paul. Votre mentor !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …lors de la rencontre organisée par le président Debré avec les cinéastes, a affirmé que, demain, le progrès technologique permettra peut-être ce qui n’est pas encore possible aujourd’hui. C’est à cela que je faisais référence lorsque j’ai dit que, pour les DVD, cela poserait un problème.

Soyez honnête, monsieur Mathus, et ne faites pas une généralité d’une phrase qui se rapportait uniquement à ce problème technique. Le droit à zéro copie, c’est malheureusement la situation actuelle en ce qui concerne les DVD, résultant de la jurisprudence Mulholland Drive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, puisque les principes de répartition sont déjà prévus par les articles L. 311-6 et L. 311-7 du code de la propriété intellectuelle.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 99 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je crois que l’on ne mesurera jamais assez le rôle positif de notre rapporteur dans ce débat. (Sourires.)

En ce qui concerne la licence globale, j’insiste sur le fait que le principe du forfait ne s’applique qu’à la perception. Quant à la répartition, nous avons toujours soutenu, depuis le début de la discussion, que celle-ci devait être individualisée le plus possible. Quand vous combattez la licence globale en critiquant le principe d’une rémunération forfaitaire, monsieur le rapporteur, votre argumentation n’est pas recevable : la licence globale n’a jamais signifié une rémunération forfaitaire, mais au contraire une répartition individualisée de la façon la plus fine, ce que permettent les technologies actuelles.

L’amendement n° 99 rectifié que nous défendons plaide en faveur d’une rémunération équitable. Il vise à trouver un équilibre, dès lors que les mesures techniques de protection vont être déployées très largement et sanctuarisées par la loi, entre les droits du public et les justes prétentions des ayants droit. Notre amendement va donc dans le sens d’un Internet équitable – celui que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre – alors que le projet de loi favorisera le développement d’un Internet prédateur.

Certes, monsieur Cazenave, il faut faire preuve de modestie dans ce débat car il n’y a pas de gourou de l’Internet dans cet hémicycle. Mais modestie ne signifie pas aveuglement.

À cet égard, notre amendement prend en compte que les mesures techniques de protection, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement, diminueront la copie privée. Nos collègues de la majorité, et notamment M. Carayon et M. Cazenave, ont présenté, quant à eux, un amendement qui tend à donner une définition très brutale des DRM. Ils expliquent en effet dans leur exposé sommaire qu’il s’agit de mesures techniques permettant le contrôle à distance direct ou indirect d’une ou plusieurs fonctionnalités de l’ordinateur, ou l’accès à des données personnelles, et que ces mesures doivent donc être soumises à une déclaration préalable auprès des services de l’État. Contrôle à distance et accès à des mesures personnelles : voilà ce dont on veut consteller la culture !

M. Richard Cazenave. C’est précisément de cela qu’on ne veut pas !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. La limitation du droit à la copie privée et l’instauration de DRM auront bien évidemment des conséquences sur la répartition entre les ayants droit. Monsieur le ministre, vous m’avez répondu qu’on pouvait graver un DVD à partir d’un film diffusé sur le réseau hertzien. Certes. Mais, dans ce cas-là, les auteurs dont les œuvres passent sur ces chaînes de télévision pourraient être habilités à réclamer une différenciation sur la redevance perçue sur les DVD. Les auteurs dont les œuvres n’ont pas été copiées ne devraient pas entrer dans le droit à la répartition. Cet exemple montre comme que tout cela est très compliqué.

Et si vous instaurez des DRM de contrôle sur l’usage, faudra-t-il modifier la répartition des droits entre les auteurs selon qu’ils auront autorisé la diffusion du film avec ou sans possibilité de téléchargement ? Dès lors que vous vantez les mérites de ce système individuel, il serait logique, monsieur le ministre, que vous individualisiez aussi beaucoup plus la répartition des droits.

Il est normal qu’une commission travaille sur la redevance et fasse des propositions sur cette taxation. Mais si on en arrive à une différenciation de plus en plus grande, et que se pose la question de la perception et de la répartition, appartiendra-t-il à la commission de trancher ? Ce point mérite d’être soulevé alors qu’il y a déjà conflit sur les répartitions et mise en cause de sociétés d’auteurs – justifiée ou pas. Devons-nous faire comme si ces problèmes n’existaient pas ? Devons-nous continuer à fonctionner avec un système ancien qui ne correspond plus à l’évolution des technologies et encore moins à ce que vous nous proposez avec le présent texte, quitte à légiférer de nouveau dans deux ou trois ans ?

En fait, vous souhaitez qu’on s’en tienne aujourd’hui au statu quo, en espérant qu’il n’y aura pas trop de protestations. Et il nous faudra modifier la législation dans quelques années, en fonction des rapports de force entre les différents types de plateformes payantes – à l’œuvre ou à la location, au téléchargement ou pas –, l’évolution sur la répartition entre le numérique et les supports physiques.

Pourtant, nous avions aujourd’hui les moyens d’aller beaucoup plus loin. Certes, cela supposait un travail de préparation plus sérieux et plus approfondi, avec l’ensemble des acteurs. Mais nous n’avons pas fait ce travail. Nous légiférons donc dans l’urgence et nous serons obligés de recommencer dans peu de temps.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le rapporteur a anticipé le débat sur l’article 8 en abordant la question du nombre de copies privées autorisées pour le CD et pour le DVD. Nous serons amenés à redire avec force que nous ne voulons pas que le Parlement soit dessaisi de cette question. Contrairement au Gouvernement, nous ne souhaitons pas céder à la facilité de botter en touche en laissant au collège des médiateurs le soin de fixer les modes d’exercice de l’exception pour copie privée.

Notre amendement n° 99 rectifié est extrêmement important. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. J’en rappelle les termes :

« L’article L. 311-6 du code la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La répartition entre les ayants droit prend en compte l’utilisation ou non des mesures techniques prévues à l’article L. 331-5 ainsi que de la limitation du nombre de copies prévues au deuxième alinéa de l’article L. 331-6. »

C’est le minimum syndical, monsieur le ministre. D’ailleurs, le considérant 47 et l’article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques ».

M. Christian Paul. Et voilà !

M. Patrick Bloche. Dès lors que vous avez fait le choix de l’utilisation, excessive de notre point de vue, de mesures techniques de protection pour contrôler l’usage des œuvres, menaçant de ce fait le droit à copie privée de nos concitoyens, vous vous devez pour le moins de rééquilibrer le dispositif en faveur de la copie privée, respectant en cela l’esprit même de la directive.

Or le projet de loi n’a pas transcrit cette disposition alors qu’elle constitue un facteur essentiel d’équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu’un élément d’arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.

Par cet amendement, nous proposons que le degré d’utilisation de telles mesures, en particulier les limitations qu’elles peuvent impliquer sur le nombre de copies, soit pris en compte dans la répartition de la rémunération pour copie privée entre titulaires de droits.

Monsieur le ministre, vous avez le sens de la formule. Vous aviez essayé de vendre la riposte – ou la réponse – graduée au mois de décembre, puis l’Internet équitable la semaine dernière. Nous vous proposons avec cet amendement un droit d’auteur durable.

M. Jean Leonetti. Voire un droit d’auteur citoyen !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà plus d’une heure maintenant que nous débattons de la rémunération pour copie privée. J’ai cherché à savoir, quant à moi, comment son montant avait évolué. Voici les chiffres, Copie France et Sorecop confondues : 95,31 millions d’euros en 2001 ; 125,48 en 2002, soit une augmentation de 31,7 % ; 145,97 en 2003, soit une augmentation de 16,3 % ; 164,84 en 2004, soit une augmentation de 12,9 %. Qu’on ne nous dise pas que cela n’augmente pas ! La hausse est même brutale. Il n’y a vraiment pas de quoi pleurer !

Mme Christine Boutin. Chacun ses chiffres !

M. Jean Dionis du Séjour. Ces chiffres sont difficilement contestables, madame Boutin !

Reprenant la directive, nous avons prévu dans un amendement que les titulaires de droit recevront une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques. Il n’y a rien à ajouter à cette disposition.

Et si les chiffres diminuent dans le futur, les personnes concernées par la copie privée voudront-elles la même rémunération ? Pas sûr. Projetons-nous dans l’avenir et regardons les revenus attendus des téléchargements de musique à partir des sites légaux : 0 million d’euros en 2001 ; 0,1 en 2002 ; 0,2 en 2003 ; 2,5 en 2004 ; 10,1 en 2005 ; 22,6 en 2006 ; 41,9 en 2007 et 67,7 en 2008.

Bref, certains tentent de nous faire pleurer sur une rémunération pour copie privée qui augmente, bon an mal an, de 15 % chaque année et avec une source de revenus légale pour la musique qui sera, en fait, très prometteuse. Je crois donc que nous avons choisi la voie de la sagesse : dans un premier temps, nous regarderons ce qui se passe, puis nous ferons évoluer les assiettes et les taux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements, nos 176 et 177, pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l’amendement n° 176, j’informe d’ores et déjà l’Assemblée que je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains, d’une demande de scrutin public.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 176.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, hormis quelques exceptions, comme les entreprises de communication audiovisuelle, toutes les personnes physiques et morales doivent payer une taxe pour copie privée, à chaque achat d’un support numérique vierge. Les sommes ainsi prélevées, de l’ordre de 160 millions d’euros par an, sont ensuite redistribuées entre les différents acteurs de la création, et notamment ceux du spectacle vivant.

Notre amendement ne vise pas à remettre en cause la légitimité des montants versés ni même le principe de la mutualisation qui gouverne la mise en œuvre de ce dispositif. Il serait cependant utile de se pencher sur le mode de répartition retenu, qui soulève quelques questions.

Notre amendement tend à mettre le doigt sur le caractère parfaitement obsolète du dispositif. La justification initiale de cette taxe sur les supports numériques est que ces derniers permettent d’effectuer des copies d’œuvres musicales ou cinématographiques. Or telle n’est plus la vocation première de ces supports. Les supports numériques servent avant tout aujourd’hui, pour les professionnels comme pour les particuliers, à graver des données numériques sans aucun objet culturel, par exemple des données professionnelles ou des photos de vacances.

Du fait des progrès technologiques de ces dernières années, les acteurs de la santé utilisent presque exclusivement les supports numériques pour le stockage de leurs données. Il est donc illégitime, et de surcroît totalement dépassé, d’exiger aujourd’hui qu’ils acquittent cette taxe sur les supports. À l’évidence, il nous faut remettre à plat l’ensemble du dispositif et trouver d’autres sources de financement de la création. Cela vous avait d’ailleurs été proposé dans le dispositif de la licence globale. Ne peut-on envisager tout simplement la création d’une taxe sur les profits exponentiels de l’e-commerce ?

Nous demandons à nos collègues de voter cet amendement qui souligne une lacune grave de notre législation et appelle une refonte globale du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir l’amendement n° 177.

M. Richard Cazenave. L’amendement n° 177 est assez voisin de celui présenté par M. Sandrier, dont je ne partage pourtant pas tous les propos.

L’imagerie médicale utilise de plus en plus le transfert de données, ce qui facilite la télémédecine, secteur en pleine expansion et très prometteur. Dans la ville dont je suis l’élu, proche de la montagne, la multiplication des traumatismes liés aux sports d’hiver oblige les services d’urgence hospitalière à s’organiser et à développer des systèmes de transfert de données et d’imagerie performants. Dans ces conditions, il serait astucieux de trouver le moyen d’exonérer l’exercice médical.

L’amendement de Guy Geoffroy concerne les utilisateurs de « supports d’enregistrement à des fins d’imagerie médicale ». C’est un progrès qui peut paraître insuffisant à nos collègues de l’opposition, qui préfèrent parler de « supports d’enregistrement à des fins médicales ou paramédicales ». Si le ministre ou le rapporteur trouvent l’adjectif « paramédicales » trop extensif, ne peut-on envisager de modifier l’amendement de Guy Geoffroy pour ne parler que « d’imagerie médicale » ? Quoi qu’il en soit, je souhaite que nous puissions voter l’amendement de Guy Geoffroy et de Bernard Depierre pour qu’au moins les supports d’enregistrement à des fins d’imagerie médicale soient exonérés de la rémunération.

Je souhaite qu’une réflexion complémentaire soit engagée sur ce sujet, car je ne suis pas certain que parler de « supports à des fins d’imagerie médicale » couvre l’ensemble des besoins de ce secteur. Je voudrais connaître le sentiment du ministre et du rapporteur et leur demander d’engager une réflexion sur cette question.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Le droit en vigueur prévoit déjà le remboursement de la rémunération pour copie privée sur les supports achetés à des fins professionnelles, notamment dans le domaine de l’audiovisuel, et dans le cadre de l’aide aux personnes handicapées.

L’amendement n° 177 vise à étendre ce remboursement à l’imagerie médicale. Cela paraît tout à fait légitime mais n’a pas une portée très étendue, dans la mesure où la rémunération sur un DVD vierge ne représente que 1,29 euro. Cette disposition a cependant un revers : à chaque fois que l’on élargit le bénéfice du remboursement pour usage professionnel, le mécanisme de calcul de la rémunération pour copie privée – qui tient compte d’un abattement pour les usages professionnels, considérés comme ne constituant pas de la copie privée – conduit à relever le barème fixé pour les autres usagers. Il se produit en quelque sorte un phénomène de vases communicants. Or, ce n’est pas nécessairement l’objectif visé ! En ce sens, l’amendement de M. Dutoit va trop loin, car il amplifie trop lourdement un mécanisme défavorable aux autres usagers.

La commission a repoussé ces deux amendements mais, à titre personnel, j’y serais favorable si M. Dutoit acceptait d’abandonner les termes « ou paramédicales » et de s’en tenir à l’amendement de M. Geoffroy. Je souhaite qu’il accepte une telle synthèse, qui serait symbolique de la qualité du travail que nous effectuons ensemble, même s’il nous arrive parfois de nous opposer.

M. le président. Monsieur Dutoit, que pensez-vous de la suggestion du rapporteur ?

M. Frédéric Dutoit. Que des deux côtés de l’hémicycle on ait soulevé cette question prouve que le projet de loi n’est pas au point. Le sujet mérite pourtant une vraie réflexion.

J’entends bien l’objection du rapporteur et son allusion aux vases communicants, mais j’attire son attention sur le fait que l’amendement de M. Geoffroy et M. Depierre est très restrictif, car la question dépasse de très loin l’imagerie médicale. Toutes les branches de la médecine et le secteur paramédical travaillent aujourd’hui avec des supports vierges. Je rappelle que nous venons de voter un projet de loi relatif à la recherche, domaine dans lequel on utilise beaucoup les supports numériques.

L’amendement n° 177, même si je veux bien me rallier à la proposition du rapporteur, me paraît trop limité et je souhaiterais avoir une idée très précise de ce qu’il recouvre. Je pense que l’exonération doit porter sur toute utilisation médicale.

Je serai d’accord sur une rectification qui rendrait les deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Si nous trouvons un accord sur cette fin de phrase : « …qui utilisent les supports d’enregistrement à des fins médicales », nous aurons trouvé la solution et fait un bon travail de synthèse.

M. Frédéric Dutoit. Je suis d’accord !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voudrais, toujours dans un esprit de synthèse, vous rappeler que deux grands services publics s’appauvrissent aujourd’hui dans notre pays, du fait de choix politiques récents : l’hôpital et le secteur de la santé – visés par ces amendements – mais également l’école et l’éducation, sujet auquel vous êtes sensible, monsieur Geoffroy. Le groupe socialiste se rallierait volontiers à l’amendement n° 177 s’il était sous-amendé pour que soient également concernés les supports à des fins éducatives, de façon à répondre aux problèmes de l’école comme à ceux de la santé.

Je veux bien que l’on améliore la situation de nos hôpitaux, mais l’amendement tel qu’il est rédigé pourrait concerner les laboratoires médicaux, par exemple, si le ministre de la santé en décidait ainsi. Pour ma part, je ne souhaite pas voir exonérer de ce prélèvement les laboratoires médicaux ! Cet amendement devrait concerner à la fois les hôpitaux et les écoles. Ainsi sous-amendé, il pourrait être voté par l’ensemble de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Au nom des députés Verts, j’irai dans le même sens que Christian Paul. Cet amendement révèle ce que j’ai déjà dénoncé, à savoir un certain manque de cohérence : soit on veut maintenir la contribution sur la copie privée, soit on commence à la démanteler ! Le problème, c’est que nous n’avons pas étudié la question de façon globale. Je suis sensible aux difficultés du secteur de la santé, mais je trouve un peu gênant de le financer par le biais d’une exonération de la rémunération sur la copie privée !

M. Jean Dionis du Séjour. Mme Billard a raison !

Mme Martine Billard. Je suis tellement ennuyée que je m’abstiendrai sur cet amendement, d’autant que, la semaine dernière, on nous a refusé une exonération en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Quand on voit l’état de nos universités, on est en droit de se demander pourquoi on leur refuserait l’exonération de redevance !

Si l’amendement inclut les laboratoires pharmaceutiques, il faut le modifier pour limiter l’exonération au secteur public et inclure la recherche et l’enseignement, qui sont aussi en grande difficulté. Comment peut-on faire de la recherche en France si l’on n’a pas le droit d’utiliser dans les supports de cours des extraits de l’œuvre d’origine, quelle qu’elle soit ? Quand on connaît le contenu des fameux accords, dont malheureusement nous avons trop peu discuté dans la mesure où ils ont été connus après le vote du fameux amendement, on comprend à quel point il est important que nous revenions sur ce point.

J’insiste pour que vous réfléchissiez à la portée de la mesure. Soit on ne touche à rien parce qu’on n’a pas travaillé assez, et l’on ne remet pas en cause la contribution sur la copie privée – ce qui signifie malheureusement qu’on renvoie le texte à la commission, sans que le Parlement se soit prononcé – soit on y touche, mais en prenant en compte l’ensemble des secteurs publics en difficulté, et l’on ajoute aux secteurs qui utilisent des supports d’enregistrement l’enseignement et la recherche.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je n’oublie pas les discussions que nous avons eues la semaine dernière. Comme Mme Billard, j’ai voté les exceptions en faveur de la recherche et de l’enseignement. Naturellement, si le ministre et le rapporteur l’acceptent, je suis également très favorable à un amendement visant « les supports d’enregistrement à des fins médicales et éducatives » – ou « pédagogiques », dans la mesure où il est nécessaire d’aider l’école à réaliser des économies.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je suis très sceptique. Rappelons-nous ce qui nous a amenés à l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle : les professionnels du secteur – entreprises de communication audiovisuelle, producteurs de phonogrammes – nous ont interpellés pour ne pas payer la rémunération pour copie privée. Ensuite, nous avons exonéré les éditeurs, puis les handicapés. Maintenant, on veut exonérer les activités médicales et paramédicales !

Pourquoi faire une exception des professions médicales ? Dans une société de l’information, un très grand nombre de secteurs utilisent des supports d’enregistrement : c’est le cas des experts-comptables ou des prestataires financiers. Le fondement de l’exception pour le secteur médical est extrêmement ténu et l’argument ne tient pas. Je voterai donc contre les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je trouve le rapporteur et le Gouvernement bien généreux, alors qu’ils l’ont été si peu la semaine dernière. Je rappelle que, sur les vingt exceptions ouvertes par Bruxelles à la transposition dans le droit interne de chacun des membres, la France partage avec la Grèce le triste privilège d’en accepter moins que les autres !

De la même façon, nous avons essayé d’alimenter la rémunération pour copie privée tout au long de cet après-midi en proposant une taxation sur les fournisseurs d’accès, mais nous nous sommes fait renvoyer dans les cordes à plusieurs reprises.

Le ministre est resté, comme depuis le début de l’examen de ce projet de loi, droit dans ses bottes,…

M. Jérôme Lambert. Stoïque !

M. Patrick Bloche. …la ligne fixée sur le maintien du dispositif de son projet de loi, dispositif si favorable aux mesures techniques de protection. Puis tout d’un coup, en fin d’après-midi – c’est l’heure du dîner et on se lâche un peu ! –, on entend « santé » ! Là, au moins, nous avons bien compris quel intérêt particulier M. Geoffroy et M. Depierre défendaient : les cabinets de radiologie – les pauvres, les malheureux ! Il fallait à tout prix les épargner et les sortir de l’assiette ! « Il convient d’affiner [l’] assiette », comme l’indique l’exposé sommaire de leur amendement.

Si nous nous centrons sur les préoccupations de santé, pourquoi pas évoquer aussi l’éducation, comme notre collègue Christian Paul l’a demandé avec raison ? Je vous l’avoue, chers collègues, je souhaiterais un peu de cohérence dans l’attitude du rapporteur et du ministre !

M. Jean Dionis du Séjour. M. Bloche n’a pas tort !

M. Patrick Bloche. On ne peut pas nous renvoyer régulièrement dans nos cordes quand nous essayons simplement de préserver la copie privée, voire d’augmenter la rémunération en taxant les fournisseurs d’accès à Internet, et, en fin de journée, jouer contre les auteurs, les artistes, les ayants droit, en disant que, oui, on exonère pour des raisons de santé, et peut-être pour des raisons éducatives si notre proposition est reprise… Non !

On peut continuer comme ça, de la même manière dont ce projet de loi est examiné depuis le mois de décembre !

M. Jérôme Lambert. Bricolage !

M. Patrick Bloche. On peut continuer ce bricolage, cette improvisation continuelle –pour ce qui est de l’improvisation, c’est vraiment parfait ! Mais les auteurs et les artistes apprécieront la légèreté du rapporteur et du Gouvernement dans la défense de leurs intérêts !

M. le président. Mes chers collègues, je pense que nous sommes maintenant suffisamment éclairés.

L’amendement n° 176 est-il maintenu, monsieur Dutoit ?

M. Frédéric Dutoit. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 176 et 177 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le droit d’amendement existe (Rires) ; c’est bien qu’il soit utilisé et il est normal de le reconnaître !

Mme Christine Boutin. Ah ! Bravo !

M. le ministre de la culture et de la communication. J’avais espéré une synthèse entre les amendements nos 177 et 176. Elle ne se produit pas. Je pense que M. Geoffroy et M. Depierre ont raison de braquer les projecteurs sur la question de l’imagerie médicale. Avis favorable, donc, du Gouvernement à l’amendement n° 177 et avis défavorable à l’amendement n° 176.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 176.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 401, visant, dans le dernier alinéa de l’amendement n° 177, à substituer aux mots : « d’imagerie médicale », les mots : « médicales et éducatives ».

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure en distinguant les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 401.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement est adopté.)

M. Patrick Bloche. Les radiologues vous remercient !

M. Christian Paul. Mais pas les enseignants !

M. le président. L’article 6 a été adopté.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Mon rappel au règlement portera sur l’organisation de nos travaux.

Nous débattons sur le fond depuis maintenant trois heures avec un réel souci mutuel de travailler amendement par amendement, article par article. Malheureusement, après avoir terminé l’examen des amendements après l’article 5, nous n’avons pas obtenu, malgré ce travail au fond, que l’Internet finance enfin la culture puisque tout ce que nous avons été amenés à proposer a été refusé par le Gouvernement et une grande partie de sa majorité.

Selon nous, l’occasion n’a pas été saisie de pouvoir assurer aux auteurs, aux artistes, aux ayants droit de ce pays, pour la création, une rémunération supplémentaire. Compte tenu de cet élément nouveau, je demande au nom de mon groupe une suspension de séance d’une demi-heure (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), car nous devons nous réunir afin de tirer toutes les conséquences, pour la suite du débat, de ce refus du financement de la culture par Internet.

M. le président. Cette suspension de séance est de droit, M. Bloche disposant d’une délégation.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant poursuivre la discussion de l’article 7.

Article 7 (suite)

M. le président. Sur l’article 7, je suis saisi d’un amendement n° 137.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. L’article 7 est central, puisqu’il introduit les mesures techniques de protection dans la législation française.

Nous l’avons dit, et le ministre l’a fortement souligné devant la commission des affaires économiques, ces mesures sont légitimes – elles sont en tout cas expressément prévues par l’article 6 de la directive.

Cependant, le législateur français a un objectif pratique évident : il doit garantir à une personne qui achète légalement de la musique qu’elle pourra l’écouter sur tout lecteur qu’elle possède personnellement. C’est ce que l’on désigne d’un mot barbare : l’interopérabilité. Lors de nos séances homériques des 20 et 21 décembre, certains orateurs, dont Christian Paul, avaient justement remarqué qu’il était parfois impossible de lire sur certains baladeurs des morceaux de musique achetés le plus légalement du monde. C’est un véritable objectif politique que de résoudre ce problème pratique et de garantir l’interopérabilité.

L’UDF a déposé toute une série d’amendements sur ce thème. L’amendement n° 137 vise à compléter le texte proposé pour l’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par les deux phrases suivantes : « Il est accordé aux fabricants et exploitants l’ensemble des fournitures nécessaires à l’accomplissement de l’interopérabilité. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de l’alinéa précédent. »

Il nous semble en effet que c’est aux éditeurs de DRM de fournir aux fabricants et aux exploitants les données nécessaires à l’interopérabilité. Il s’agit d’un domaine très technique : dès qu’on parle de DRM, il faut compter plusieurs niveaux de logiciels. Ce décret offre une excellente occasion de rapprocher les acteurs socio-économiques, c’est-à-dire, d’un côté, les éditeurs de DRM et, de l’autre, les fabricants de systèmes techniques et les exploitants de logiciels de lecture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable. Sur le fond, cet amendement est satisfait par l’amendement n° 253 qui a déjà été adopté. Quant à la forme, il comporte une erreur de rédaction, puisqu’il prévoit qu’« un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de l’alinéa précédent », alors qu’il s’agit du même alinéa.

Pour ces deux raisons, cet amendement est inutile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. L’article 7 est en effet très important. Nous avons tous longuement discuté de ce sujet au mois de décembre et le travail s’est poursuivi dans les différentes commissions, avec tous les parlementaires intéressés par cette question fondamentale.

M. Patrick Bloche. Avec les parlementaires invités, monsieur le ministre !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons là l’une des principales avancées du texte et nous serons l’un des premiers pays au monde à nous engager aussi nettement en faveur de l’interopérabilité. Il s’agit simplement de permettre de lire sur tout support une œuvre légalement acquise, tout en préservant le droit d’auteur. Je dis bien que l’œuvre doit être légalement acquise, puisqu’un amendement du groupe UMP a très clairement précisé que l’auteur était au cœur du dispositif et déterminait le régime de diffusion de son œuvre.

Je ne voudrais pas que, dans leur complexité, nos débats puissent paraître mettre en cause, aux yeux des observateurs extérieurs, le droit à l’exception pour copie privée, qui est au contraire au cœur même des avancées que nous proposons. De même, je ne souhaite pas qu’on puisse penser que, face à la complexité du problème, nous renonçons à cette avancée fondamentale qu’est l’interopérabilité, qui va au-delà de la transposition de la directive européenne.

Ces questions, je le sais bien, sont évolutives, et c’est d’ailleurs pourquoi le Premier ministre a annoncé, il y a quelques semaines, qu’une mission sur l’interopérabilité serait confiée à un parlementaire. Si, dans certains domaines, nous devançons la technologie, nous savons parfaitement qu’elle nous rattrapera. Nous serions des autistes si nous l’ignorions, mais l’immobilisme serait très préjudiciable : on ne peut laisser la situation des auteurs et des créateurs se déliter, pas plus qu’on ne peut priver les internautes d’une offre légale supplémentaire.

Pour en revenir à l’amendement présenté par M. Dionis du Séjour et par M. Baguet, l’amendement n° 253 de Bernard Carayon adopté en décembre donne ce pouvoir, ainsi que l’a rappelé votre rapporteur, au Conseil de la concurrence.

Votre amendement, monsieur Dionis du Séjour, est donc satisfait, et mon avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Ainsi que vient de le souligner M. le ministre, nous abordons avec l’article 7 la question fondamentale des DRM.

Notre rapporteur, M. Vanneste, souligne à l'envi que les DRM constituent un « progrès pour l'humanité ». Nous ne partageons évidemment pas ce point de vue. Mais je crois utile que les Français qui nous écoutent sachent exactement ce qu'il en est.

La gestion des droits numériques peut s'effectuer de bien des façons. Les mesures techniques de protection peuvent ainsi permettre de contrôler simplement le premier accès à une œuvre, puis laisser l'utilisateur libre de l'utiliser comme il l'entend : dans ce cas, elles sont parfaitement acceptables. De même, nous pouvons accepter l'idée que des DRM puissent avoir une valeur informative, à savoir prévenir l'utilisateur de ce qu'il a le droit de faire ou non d'une œuvre. En pratique, cependant, la totalité des DRM apparus au cours de ces dix dernières années vise de tous autres objectifs.

Leur seule vocation est en effet de contrôler étroitement l'usage privé des œuvres numériques au moyen de restrictions apportées aux modalités de lecture et de copie, déterminées de façon unilatérale par les ayants droit. Certains vont même jusqu'à envisager des DRM fondés sur la méfiance, qui intégreraient dans l'œuvre le numéro de carte de crédit de l'utilisateur de façon à diffuser publiquement des informations bancaires le concernant en cas de copie : c'est inacceptable ! Dans ce contexte, je voudrais bien comprendre, monsieur le rapporteur, en quoi les DRM constituent un « progrès pour l'humanité » !

Je reviendrai par ailleurs un instant sur l'arrêt rendu par la Cour de cassation voilà deux semaines, et connu sous le nom de Mulholland Drive. La première chambre civile vient en effet de casser un arrêt de la cour d'appel de Paris qui s'était prononcé en faveur du plaignant, estimant qu'un système anticopie de DVD était incompatible avec l'exercice de la copie privée, fustigeant le manque d'information sur le système anticopie, et demandant le retrait des dispositifs de verrouillage sur les DVD de Mulholland Drive : distributeurs et éditeurs avaient alors été condamnés à des dommages et intérêts.

Au nom d’usages potentiellement frauduleux, la Cour de cassation a pris la grave décision d’autoriser désormais les ayants droit de prévoir toute mesure de protection qu'ils jugent utile, y compris celles qui empêchent l'utilisateur d'effectuer une copie privée.

Votre loi va dans le même sens alors que des principes essentiels sont ici en jeu : avons-nous le droit de légiférer en nous plaçant sous le signe du soupçon permanent, en partant de l'a priori que tous les consommateurs sont des fraudeurs potentiels ? Dans notre droit prévaut au contraire le principe de la bonne foi et non celui de la méfiance.

Ce n’est pas là verser dans l'angélisme mais défendre une idée républicaine qui est à la base de notre conception des libertés publiques et de la bonne foi.

Voilà un motif essentiel pour refuser la légalisation de ces fameuses mesures techniques de protection.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. À cette heure tardive de l’après-midi, nous entrons à pas comptés dans l’examen de l’article 7 de ce texte, qui nous apparaît, à Patrick Bloche, à mes collègues socialistes et à moi-même, comme un véritable champ de mines pour l’Internet français et européen,...

M. Patrick Bloche. Des mines à retardement !

M. Christian Paul. ...puisque l’inspiration de la directive n’est pas éloignée de l’objectif que vous poursuivez.

Oui, monsieur le ministre, nous sommes profondément hostiles à la généralisation des DRM que vous souhaitez introduire dans notre droit, et cela pour quatre raisons que nous développerons longuement au cours du long débat qui s’annonce sur cet article. Selon nous, la généralisation des mesures techniques de protection et leur sanctuarisation par la loi s’opposent, en effet, à quatre catégories d’intérêt.

Aux droits des usagers, d’abord, qui doivent pouvoir jouir dans des conditions normales des œuvres qu’ils acquièrent ou partagent.

Aux libertés publiques et privées, ensuite, remises en cause – et pas seulement par les seuls socialistes, mais également par MM. Carayon et Cazenave – par le contrôle à distance, direct ou indirect, d’une ou plusieurs fonctionnalités des ordinateurs personnels, que ces mesures permettent ou non l’accès à des données personnelles.

M. Bernard Carayon. Vous anticipez !

M. Christian Paul. Troisième catégorie d’intérêts remis en cause : le développement des logiciels libres – nous montrerons quels obstacles vous dressez à leur encontre.

Dernière catégorie : les intérêts stratégiques de notre pays et de l’Europe, sujet auquel vous devriez, comme nous, être sensibles.

Telles sont les quatre raisons pour lesquelles cet article 7, même modestement amendé par vos soins, ne nous paraît pas satisfaisant.

Je voudrais néanmoins, monsieur le ministre, afin d’être sûr que nous parlons de la même chose, que vous nous donniez votre définition de l’interopérabilité, terme apparu dans nos débats depuis le mois de décembre. S’agit-il simplement, comme je le crains, d’une compatibilité temporaire entre des systèmes qui communiquent pendant un temps donné, ou bien d’un véritable lien durable et évolutif ? Je vous le demande d’emblée afin que nous puissions faire sauter l’un des verrous du texte de l’article 7.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, notre amendement est redondant parce que l’appel au Conseil de la concurrence est déjà prévu. Mais la question n’est pas là : il s’agit de faire en sorte que la loi française mette les éditeurs de DRM dans l’obligation active de fournir aux fabricants de supports les informations nécessaires à l’interopérabilité et non d’avoir, en aval, un juge de la concurrence capable d’apprécier.

Je maintiens donc cet amendement car, si, encore une fois, ce qui a été ajouté à l’article 7 représente une avancée – on commence enfin à avoir un texte qui ressemble à quelque chose – la précision manque dans sa rédaction actuelle issue de l’amendement n° 253 : entre le fait que « les mesures techniques ne doivent pas conduire à empêcher la mise en œuvre de l’interopérabilité », et l’explication de ce que l’on entend par « informations essentielles à l’interopérabilité », il convient en effet d’indiquer que les fournisseurs de DRM doivent fournir ces dernières aux fabricants de supports.

J’entends bien que notre amendement n° 137 sera refusé pour des raisons de forme. Aussi, je transmets au service de la séance un texte modifié faisant le lien entre le quatrième et le cinquième alinéas du texte proposé pour l’article L. 331-5, lien sans lequel la loi ne serait pas lisible.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Nous avions pu déjà prendre au cours du premier débat la mesure des enjeux qui se cachent derrière le terme un peu barbare d’ « interopérabilité » :...

M. Christian Paul. Surtout si l’on ne définit pas le terme !

M. Richard Cazenave. ...un enjeu de consommation, avec un libre usage par le consommateur du support de son choix pour lire les œuvres acquises de façon licite ; un enjeu industriel dans le domaine du logiciel libre, avec des développeurs dont les systèmes sont loin du Lego ; un enjeu, enfin, en termes de sécurité pour notre pays, thème cher à Bernard Carayon, avec des garanties auxquelles nous devons être sensibles.

Nous avions alors apporté déjà des précisions en précisant la nature des « informations essentielles à l’interopérabilité », à savoir « la documentation et les interfaces de programmation nécessaires pour obtenir dans un standard ouvert, au sens de l’article 4 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004, une copie d’une reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations électroniques jointes à cette reproduction ». Les mesures techniques de protection ne doivent donc pas conduire à un verrouillage technique qui soit un obstacle à la recherche industrielle sur les logiciels et à la lecture d’une œuvre sur n’importe quel support, empêchant par là même la mise en œuvre de l’interopérabilité.

Avec cet article, c’est un progrès que nous introduisons dans la loi puisque les mesures techniques de protection en vigueur interdisent de lire toutes les œuvres sur un baladeur MP3. Il nous faudra probablement approfondir la façon dont nous remédions à cette situation en examinant certains amendements dans la suite de la discussion, aujourd’hui ou après que le texte sera passé au Sénat puisque le ministre – je vois le rapporteur de la commission des lois souhaiter que l’on n’en rajoute pas ! –n’a pas exclu cette hypothèse l’autre jour. En tout cas, on doit pouvoir s’entendre sur le fait que notre pays puisse garantir aux consommateurs la lecture et le transfert de données sur le support de son choix, Windows ou Linux, sans se rendre coupable d’un délit pour avoir fait sauter les mesures techniques de protection.

Cette mesure s’ajoute à celles en matière de construction du logiciel libre et de sécurité informatique sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, ainsi que notre collègue Christian Paul, que je remercie, l’a souligné. Si nous mettons ainsi en avant certains risques, c’est pour mieux leur apporter la parade. Tel est bien l’objet des amendements que, avec Bernard Carayon, nous allons présenter dans la suite du débat.

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Nous voici au cœur du débat puisque l’objet de ce projet de loi est la transposition d’une directive qui a pour but de mettre en place les DRM. J’aimerais m’intéresser d’abord au vocabulaire pour expliquer à nos collègues, même si ce sont tous des spécialistes ici, ce que sont les DRM.

Les DRM, comment ça marche, comme dirait un journaliste célèbre ?

Les DRM ont besoin, pour fonctionner, de crypter les fichiers qu'ils protègent. Crypter un fichier consiste à brouiller son contenu à l'aide d'une clef. Une fois crypté, le fichier ne peut plus être lu sans un logiciel de décryptage compatible et, bien sûr, sans la clef. Lorsque vous achetez de la musique sur Internet, les DRM sont déjà systématiquement utilisés, Richard Cazenave vient de le dire à l’instant.

Dans le système de Microsoft, déjà adopté par la Fnac et Virgin, si vous achetez un morceau de musique chez un fournisseur et que vous vous apprêtez à le télécharger sur votre ordinateur, avant de vous l'envoyer, le serveur de votre fournisseur crypte le fichier avec une clef secrète. Peu de temps après, vous recevez votre morceau de musique, crypté mais sans la clef – pour le moment, le serveur la garde.

Vous devez maintenant utiliser un lecteur compatible, Windows Media Player dans l’exemple de Microsoft, pour lire votre musique. Le lecteur, qui va détecter que le fichier est crypté, qu'il est donc protégé par un DRM, recontacte alors le serveur pour lui demander la clef secrète nécessaire pour poursuivre la lecture. Avant de la lui envoyer, le serveur demande au lecteur le numéro de série de votre ordinateur. Le serveur met à jour votre « fichier client » pour y inscrire le numéro de série du morceau de musique concerné suivi de celui de l'ordinateur sur lequel vous désirez l’écouter.

Le serveur fabrique ensuite un fichier que l'on appelle la licence. Cette licence contient la clef secrète de décryptage, mais aussi une liste de règles décrivant ce que vous êtes autorisé à faire avec ce morceau de musique. Le serveur envoie cette licence à votre lecteur, qui la « cache » sur votre disque dur. Donc, on intervient déjà sur le disque dur.

Le lecteur dispose maintenant du morceau de musique et de sa licence. Il vérifie dans celle-ci que vous avez bien le droit de lire le morceau. Et, si tout est en règle, il peut utiliser la clef secrète pour décrypter le fichier. Vous pouvez enfin écouter votre musique. Vous voyez, ce n’est pas simple.

Comprenant mieux le fonctionnement des DRM, on imagine les règles qu'ils permettent d'imposer.

Si vous transférez le morceau sur une autre machine, le lecteur ne trouvant plus de licence va à nouveau contacter le serveur pour en obtenir une. Votre « fiche » sera mise à jour et le serveur « saura » que vous avez installé cette musique une deuxième fois. C’est bien la preuve que nous pouvions déjà avoir les moyens, y compris par rapport à la licence globale, de savoir ce que vous aviez fait.

Si vous dépassez le nombre maximum d'ordinateurs autorisés, cinq avec iTunes, le serveur refuse alors de vous donner une nouvelle licence. Vous devez lui demander de retirer une licence à un ordinateur pour la donner à un autre.

La licence peut imposer une limitation dans le temps, deux jours par exemple pour une vidéo. Passé ce délai, le fichier pourra être détruit par le lecteur. C’est « Mission impossible » ! Mais cela existe déjà, sur le plan technologique.

Enfin, il est important de noter que la gestion de ces DRM est assurée par un ensemble de logiciels généralement fournis par un seul et même éditeur – dans notre exemple à 90 % par Microsoft : les serveurs de DRM, qui fabriquent les fichiers cryptés et les licences – ; ils ont été choisis et achetés par votre fournisseur de contenu ; un format de fichier, musical ou vidéo, souvent spécifique à ce même éditeur ; un lecteur de contenu fourni par l'éditeur et généralement seul capable de comprendre le format du fichier et le type DRM utilisé par les serveurs.

Avant de parler d'interopérabilité, il faut comprendre toute cette mécanique. L’interopérabilité, dont nous devons nous porter garants aujourd’hui, est la capacité qu'ont deux systèmes informatiques différents à travailler ensemble. Ils peuvent être interopérables s'ils parlent le même langage, ou s'ils comprennent les mêmes formats de fichier.

Si on prend le document Word que j’ai pris comme exemple, personne, mis à part Microsoft, ne connaît réellement la structure interne des fichiers. Personne n'a d'ailleurs officiellement le droit de l'utiliser ! Ainsi, les autres traitements de texte peuvent ne pas le relire correctement, comme c'est le cas pour OpenOffice. Ce système ne permet donc pas l’interopérabilité avec d'autres systèmes. La conséquence est que Word vous est imposé, et que, si Word disparaît, vos fichiers sont, eux aussi, perdus. On dit que Word utilise un format propriétaire ou, encore, fermé.

Si vous ne donnez pas un fichier OpenDocument, un fichier ouvert, si vous n’avez que des formats propriétaires ou fermés, comme on dit, il ne peut y avoir, par définition, d’interopérabilité. C’est aussi simple que ça.

M. Christian Paul. C’est une bonne mise à niveau !

M. Frédéric Dutoit. C’est scandaleux !

M. Alain Suguenot. Cela veut dire que, si, dans le projet de loi qui nous est soumis, et dans les amendements qui ont déjà été votés par notre assemblée, on ne précise pas qu’il faut laisser la possibilité de choisir l’éditeur et le fournisseur de contenu, si on ne raisonne pas sur des formats ouverts, cela signifie, Richard Cazenave l’a bien compris mais nous y reviendrons tout à l’heure à l’occasion de l’examen d’un amendement subséquent, que le standard DRM sera imposé à tous.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. Alain Suguenot. Cela risque de remettre en cause, comme le disait Richard Cazenave, l’avenir d’un secteur économique français plutôt habile et dynamique, celui des logiciels libres. Ce secteur risque purement et simplement de voir se fermer toutes les portes qui lui sont ouvertes aujourd’hui. Plus simplement, il y a menace de monopole sur l’internaute. C’est le cœur du débat. Pour contrer cette menace, il nous a fallu, les uns et les autres, faire preuve d’imagination, y compris sur la licence globale.

M. Patrice Martin-Lalande. Excellente explication !

M. Frédéric Dutoit. C’est brillant !

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je remercie infiniment M. Suguenot pour la belle explication qu’il vient de nous donner sur les enjeux des DRM. Je voudrais pour ma part appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur le danger extrême que représenterait leur légalisation.

Les techniques de DRM consistent à surcharger un document numérique de données parasites permettant d’en restreindre la copie à l’identique, copie qui est pourtant le fondement de la révolution numérique.

Protéger les clefs par les seuls logiciels n’a jamais marché, nous le savons tous, et cela ne marchera jamais. C’est la raison pour laquelle une initiative de protection a été prise aux États-Unis, le Trusted Computing Group, qui consiste à cacher ses clefs ou secrets dans le matériel des machines, comme vient de nous le dire M. Suguenot. Ainsi, celui qui maîtrise ces clefs pourra contrôler totalement les machines. Aucun mécanisme de confiance n’existe, ni en France ni en Europe. L’Europe n’a aucune capacité à fabriquer les microprocesseurs.

La généralisation de ces techniques freinerait le développement des logiciels libres, qui représentent pourtant la principale opportunité française et européenne de contrer la volonté de dominer l’information.

Ce qui se joue là, mes chers collègues, ce n’est pas seulement l’avenir de l’industrie musicale et cinématographique, mais c’est également la capacité des Français et des Européens à utiliser librement le cybermonde dans l’avenir et à avoir une industrie innovante dans ce domaine.

Il s’agit d’une opération plus insidieuse que celle du brevet logiciel pour brider la capacité française et européenne de souveraineté dans le domaine du cybermonde.

D’autres solutions de rémunération des artistes étaient envisageables.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. S’il y a un article qui devrait faire l’objet d’un consensus sur tous les bancs de cet hémicycle, c’est bien celui-là.

M. Christian Paul. Pas dans cette version-là !

M. Patrick Bloche. Il faut l’amender !

M. Bernard Carayon. Surtout si nous adoptons l’amendement n° 273 deuxième rectification, portant article additionnel que je défendrai tout à l’heure.

M. Patrick Bloche. Pas seulement !

M. Christian Paul. Cela ne suffit pas !

M. Bernard Carayon. Cet article est le résultat d’un travail parlementaire et d’une concertation étroite avec le Gouvernement, sans lequel, encore une fois, nous ne discuterions pas de ce sujet ce soir.

M. Christian Paul. Cela ne nous rassure pas !

M. Bernard Carayon. Le fait que ce soit le fruit du travail parlementaire devrait vous rassurer, cher collègue.

M. Christian Paul. Si le projet de loi garantissait l’interopérabilité, cela ne serait pas grave. Mais ce n’est pas le cas. Ne soyez pas godillot, cela ne vous ressemble pas. M. Geoffroy, oui, vous, non !

M. Bernard Carayon. En outre, cet article prévoit trois choses.

D’abord, les logiciels libres pourront s’émanciper en quelque sorte de la gangue dans laquelle ils étaient enfermés initialement. Il y a un enjeu d’émancipation industrielle derrière, parce que l’industrie du logiciel libre est pour l’essentiel européenne et même française, à la différence des grandes marques qui dominent le marché mondial. D’ailleurs, ces technologies nouvelles produites en Europe offrent une telle sécurité qu’elles sont désormais utilisées par de grands services publics, en particulier par la gendarmerie, mais aussi par des collectivités territoriales, à l’instar de la mairie de Paris et de bien d’autres collectivités.

Ensuite, cet article apporte à l’usager, au consommateur, une liberté supplémentaire en lui offrant la possibilité de télécharger avec le logiciel qui lui est familier, qu’il aime – les choix peuvent être affectifs, et pas seulement techniques.

Enfin, l’article additionnel que je vous proposerai tout à l’heure avec l’amendement n° 273 deuxième rectification, permettra de régler un problème de sécurité sur lequel vous avez, par anticipation, cher collègue, appelé notre attention.

Avec cet article 7, nous répondons donc à ces trois enjeux : sécurité de l’État, compétitivité des entreprises et protection de l’intimité de la vie privée. C’est la raison pour laquelle, encore une fois, je crois que nous pouvons tous porter un regard très positif sur cet article et donc le voter à l’unanimité.

M. Christian Paul. Pas dans sa version initiale ! Il faut le réécrire !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’article 7 constitue le principal motif d’opposition des députés Verts au projet de loi car tout le reste en découle.

Il convient d’abord de préciser que les DRM ne sont pas définis par la directive européenne. Il y a un flou très important. Il convient donc d’être extrêmement attentif à la définition ou à la non-définition que nous allons en donner dans la loi ainsi qu’à leurs limites.

D’abord, notre collègue tout à l’heure l’a fort bien démontré, les DRM ne doivent pas porter atteinte à la sécurité informatique. C’est un point fondamental. Dans le monde en compétition dans lequel nous vivons, qu’on le veuille ou non, en matière économique, la sécurité informatique des différents systèmes doit être assurée, que ce soit au niveau des entreprises ou que ce soit au niveau de nos centres de recherche. Nous connaissons toute l’importance de l’espionnage industriel et de l’espionnage sur la recherche.

Ensuite, ils ne doivent pas porter atteinte à la vie privée ou à la confidentialité. De ce point de vue, les DRM tels qu’ils se profilent, au regard des recherches notamment de Microsoft sur les possibilités de contrôle absolu des machines de chaque utilisateur, y compris de leur utilisation à des fins commerciales, ne peuvent pas être acceptés. Comment accepter que, parce que nous nous sommes connectés innocemment sur une plateforme payante pour télécharger un morceau de musique, nous nous retrouvions avec un logiciel espion sur notre machine, capable de révéler toutes nos pratiques culturelles, mais pas seulement, et de nous inonder massivement, par la suite, de spams commerciaux ?

M. Bernard Carayon. Nous allons répondre à cette préoccupation !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avec l’amendement n° 273 deuxième rectification !

M. Christian Paul. Ce n’est le Sésame ! Cessez de croire au miracle !

Mme Martine Billard. Enfin, il faut garantir l’interopérabilité et permettre la lecture sur quelque appareil que ce soit. On nous explique que les DRM proposés par Windows dans les versions à venir permettront de vérifier l’appareil sur lequel on lit l’œuvre qui est soumis à DRM, par l’intermédiaire d’un support physique ou d’un téléchargement. Mais qu’en sera-t-il si on change de machine ? On nous explique qu’on peut limiter le nombre, mais un disque dur peut très bien se « scratcher », et dans ce cas, il peut être impossible de récupérer les morceaux téléchargés à partir d’une plateforme payante avec des DRM sur son disque dur. Il faut alors tout racheter. On en arrive à une situation qui « pousse au crime ». Quand vous avez acheté plusieurs fois des œuvres et que vous les perdez à cause d’erreurs de manipulation – cela arrive à tout le monde en informatique –, ou à cause d’un paramétrage de DRM, au bout d’un moment, vous vous lassez et vous vous décidez à télécharger illégalement. Il faut faire attention. Il faut que les auteurs qui nous écoutent comprennent qu’à trop vouloir tout verrouiller, à trop vouloir assurer ainsi la mise à disposition des œuvres, on risque, avec ce système de DRM, d’aboutir au résultat contraire. De ce point de vue, nous régressons.

Il y a quinze ans, il n’y avait justement aucune compatibilité entre les machines. C’était fantastique pour un certain secteur de l’informatique, qui employait des informaticiens spécialisés dans la conversion de données d’une machine à l’autre. Aujourd’hui, nous cherchons à développer la compatibilité. Lorsqu’on achète un produit, on veut pouvoir en profiter quel que soit l’appareil utilisé. De ce point de vue, Internet est un espace fantastique d’échanges, d’une manière générale, indépendamment des formats et des droits d’auteur. Pour l’utilisateur, le fait de recevoir des informations de l’autre bout de la planète sur une machine totalement différente n’avait aucune importance. Ces échanges fantastiques ont été rendus possible par le développement des techniques informatiques, des codages, de caractères, etc. Or voilà qu’on nous propose un système qui, au contraire, limite ces possibilités d’échange,…

M. Christian Paul. C’est tragique !

Mme Martine Billard. …un système qui conditionne l’interopérabilité à la bonne volonté de fournisseurs de logiciels bien connus qui sont en situation de monopole.

M. Bernard Carayon. Justement, on introduit de l’air !

M. Christian Paul. C’est David contre Goliath !

M. le président. Laissez Mme Billard conclure, mes chers collègues.

Mme Martine Billard. Le problème, c’est qu’il ne faut pas non plus laisser aux fournisseurs de logiciels le choix de respecter ou non cette interopérabilité. Il faut que le format ouvert soit obligatoire, sans quoi on se trouvera dans la même situation qu’aujourd’hui, où Microsoft refuse de respecter les obligations auxquelles Bruxelles lui demande de se soumettre.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nombre de collègues ont déjà illustré les enjeux du débat qui nous occupe sur l’interopérabilité. Comme le rappelait à l’instant Martine Billard, notre opposition au projet de loi s’est construite en grande partie sur le fait que la version que vous nous en proposez, monsieur le ministre, est une version qui, sauf à être amendée, n’assure pas l’interopérabilité et casse l’équilibre qu’assurait la directive entre le contrôle de l’usage des œuvres à travers les mesures de protection technique et la préservation de la copie privée.

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre les mesures de protection technique. Si notre rapporteur considère que les DRM sont un progrès pour l’humanité, nous considérons pour notre part que c’est faire œuvre de civilisation que d’en contrôler strictement l’application, laquelle constitue l’enjeu majeur du débat. Car la question de l’interopérabilité pose celle de la sécurité informatique, de la liberté individuelle et collective, de la protection de notre vie privée, de la confidentialité de nos usages et de nos pratiques – et pas uniquement en matière culturelle – et enfin la question de la protection du logiciel libre.

On verra au fil de la discussion où se situe dans cet hémicycle le patriotisme économique, car les enjeux en termes d’innovation et de recherche sont importants pour notre pays. Ils doivent être garantis, et nous seront amenés à y veiller à travers plusieurs amendements.

Nous sommes actuellement en train d’examiner l’article 7, dont nous avions commencé l’examen au mois de décembre. Nous avions déjà souligné à l’époque qu’il ne garantissait pas l’interopérabilité. M. le ministre va partout en disant : « J’assure l’interopérabilité ! J’assure l’interopérabilité ! » Mais qu’il éclaire la représentation nationale et qu’il nous explique comment ! Aucun amendement à l’article 7 ne la garantit. Nous avons, pour ce qui nous concerne, déposé après l’article 13 les amendements nos 340 et 431 qui visent à définir clairement l’interopérabilité. Pour l’heure, au-delà de la perspective que ne soient plus pénalisés les internautes qui cassent les DRM, je souhaiterais que le ministre dépasse ses déclarations d’intention et nous dise par le biais de quel amendement, à travers quelle disposition, il entend assurer l’interopérabilité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Par-delà la diversité de positions, démocratique et légitime, il y a un bloc de sujets qui doit nous rassembler et qui comporte deux aspects principaux.

Le premier concerne dans les domaines de la musique, du cinéma, de la littérature, le capital de talents que nous devons avoir à cœur de protéger et que cinquante ans de politique culturelle ont protégé – c’est ce qu’on nomme hors de nos frontières l’exception culturelle française.

Le second concerne le capital d’intelligence scientifique qui émane parfois de petites entreprises et dont il est essentiel qu’il soit sauvegardé et puisse, pour notre fierté, rayonner dans l’avenir.

M. Patrick Bloche. Comment ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il ne faut donc pas faire de procès d’intention. Ce capital nous est commun, et nous devons faire en sorte de le défendre concrètement. Au-delà des aspects les plus conflictuels de ce texte qui ont pu nous opposer, je partage cet objectif avec tous les orateurs.

Je voudrais d’autre part attirer votre attention sur le fait que les mesures techniques de protection ne sont pas qu’un dispositif de verrouillage sans aspect positif pour le consommateur. Elles rendent possible en effet une grande diversité de l’offre.

Je prendrai un exemple dans le domaine de la musique. Les mesures techniques de protection doivent permettre d’instaurer un système d’écoute en ligne, basé sur une sorte de forfait illimité à des prix très attractifs. Avec un tel système, les internautes, jeunes et moins jeunes, pourront avoir accès au plus grand nombre d’œuvres possible, sans qu’il soit question de l’acquisition définitive d’une œuvre. Ce procédé d’écoute en ligne peut valoir notamment pour les concerts. On voit donc que les mesures techniques de protection, au-delà du verrouillage au sens strict, peuvent permettre de diversifier l’accès aux œuvres pour le plus grand nombre. C’est l’objet même de mon ministère, chargé d’assurer le rayonnement de la culture, grâce à la diffusion la plus large des œuvres auprès du plus grand nombre.

Dans le projet que nous vous proposons et qui a été enrichi par le travail de parlementaires légitimement passionnés, nous prenons plusieurs dispositions visant à garantir au logiciel libre toute sa place. Vous m’avez posé la question de savoir ce que j’entendais par interopérabilité. Je l’ai déjà dit à de très nombreuses reprises...

M. Christian Paul. Mais vous avez tant changé sur tout cela, et si souvent !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je veux bien le redire haut et fort ce soir : c’est la liberté d’utiliser le support de son choix, de choisir un logiciel libre ou propriétaire, et de faire en sorte que la lecture d’une œuvre légalement acquise soit possible sur tous les supports.

M. Patrick Bloche. Cela ne va pas suffire !

M. le ministre de la culture et de la communication. Les créateurs de logiciels libres continuent à bénéficier de l’exception de décompilation qui est explicitement rappelée. Ils peuvent d’autre part s’appuyer sur les mesures garantissant l’interopérabilité pour développer des logiciels compatibles avec des œuvres protégées. Ce sont précisément les questions soulevées par les auteurs de logiciels libres qui nous ont conduits à ne pas sanctionner – vous l’avez évoqué et nous y reviendrons plus loin dans l’examen du texte – le contournement des mesures techniques à des fins d’interopérabilité.

Tout cela étant dit, je réaffirme par ailleurs calmement que l’ensemble de ces dispositions doit s’appliquer dans le respect du droit d’auteur. Dès lors que celui-ci est respecté – c’est le cœur du dispositif –, la technologie ne doit pas se transformer pour l’internaute ou le consommateur en un parcours du combattant.

M. Richard Cazenave. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Que l’Assemblée nationale parvienne à dégager sur ce point une position quasi unanime aurait à mes yeux valeur de symbole. Sans doute est-ce irréaliste mais cela constituerait un message fantastique aussi bien vis-à-vis du monde culturel et artistique que vis-à-vis de la communauté scientifique. Nous voulons concilier les intérêts des uns et des autres et leurs légitimes aspirations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)