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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 22 mars 2006

179e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de députés grecs, conduite par le président du groupe d’amitié Grèce-France, M. Christos Zois. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le chômage des jeunes Français atteint l’un des niveaux les plus élevés d’Europe : 40 % pour les jeunes sans qualification. C’est pour cette raison que le Gouvernement a prévu toute une série de mesures et que la majorité parlementaire a adopté la loi sur l’égalité des chances – le contrat première embauche – qui a été votée dans les deux assemblées…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pour les patrons !

M. Bernard Accoyer. …malgré les manœuvres d’obstruction d’une opposition qui ne propose rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ayant échoué à prendre le Parlement en otage, l’opposition poursuit son action dans la rue.

M. Manuel Valls. Votre question s’adresse-t-elle au Premier ministre ou à l’opposition ?

M. Bernard Accoyer. Ses méthodes sont toujours les mêmes : la désinformation et les contrevérités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !

M. Bernard Accoyer. La liberté d’étudier n’est plus respectée. La majorité des étudiants s’inquiètent légitimement pour leur année universitaire, et leurs parents avec eux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette opposition instrumentalise les jeunes ; elle suscite des manifestations répétées, à l’issue desquelles des casseurs déchaînent leur violence contre les personnes et les biens. (« Hou ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. C’est vous les provocateurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Je veux ici témoigner notre reconnaissance, notre gratitude et notre admiration aux forces de l’ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et souligner, avec gravité, que cent policiers ont été blessés, dont douze gravement. Nous pensons à eux.

M. Maxime Gremetz. C’est la confrontation que vous cherchez ? C’est lamentable !

M. Bernard Accoyer. Je pense aussi aux manifestants, qui encourent des risques, et à celui qui est hospitalisé.

M. Michel Lefait. Scandaleux !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé que vous souhaitiez enrichir le contrat première embauche. Vous avez rencontré les chefs d’entreprise, les présidents d’université, les jeunes, les élus. (« Retirez le CPE ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Soyez tolérants !

M. Bernard Accoyer. Pouvez-vous préciser à la représentation nationale comment vous voulez faire du contrat première embauche un véritable outil de sécurisation du parcours social, dans le dialogue et l’ouverture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Retirez le CPE !

M. le président. Monsieur Néri, calmez-vous et veuillez écouter ceux qui n’ont pas la même opinion que vous !

La parole est à M. le Premier ministre. (« Forcené ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Accoyer, c’est l’avenir des jeunes qui est en jeu.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n’y a pas de dialogue !

M. Jean-Jack Queyranne. Il n’y a rien !

M. le Premier ministre. Avec notre majorité, nous faisons le choix décisif…

Plusieurs députés du groupe socialiste. De retirer le CPE !

M. le Premier ministre. …de donner à tous les jeunes une chance supplémentaire de trouver un emploi et des garanties réelles de formation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Forcené !

M. le Premier ministre. C’est l’engagement que nous avons pris avec la bataille pour l’emploi, avec Jean-Louis-Borloo, Gérard Larcher et tout le Gouvernement. C’est l’engagement de notre majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le choix de la majorité est clair : c’est celui de la justice, de l’ouverture, de l’avenir !  Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La loi sur l’égalité des chances, le contrat première embauche, c’est la volonté de répondre à ce défi majeur. (« Retirez le CPE ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Des inquiétudes se manifestent. Je comprends ce qui se passe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), ce que ressentent et ce que disent les jeunes dans notre pays. Je comprends leur volonté d’occuper toute leur place dans notre société,…

M. Jean-Claude Lefort. Vous ne comprenez rien !

M. le Premier ministre. …leur volonté d’être écoutés, d’être entendus. (« Retirez le CPE ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ils veulent avoir les mêmes chances que leurs aînés ; c’est légitime. Ils veulent construire leur vie librement, dans la confiance et enthousiasme ; c’est légitime.

M. Jean-Marie Le Guen. Pitoyable !

M. le Premier ministre. Nous sommes là pour les aider (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et nous voulons tous leur répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Retirez le CPE !

M. le Premier ministre. Nous voulons le faire dans le respect de nos institutions et du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je souhaite avancer avec les partenaires sociaux, sans a priori, engager toutes les discussions nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elles permettront, j’en suis sûr, de répondre aux interrogations qui s’expriment.

Un député du groupe socialiste. Il fallait le faire avant !

M. le Premier ministre. Je connais l’engagement des partenaires sociaux en faveur de l’emploi. Je leur propose d’engager ces discussions dans un esprit d’ouverture, de respect et de responsabilité.

M. Jean-Claude Lefort. Avec qui et sur quoi ?

M. le Premier ministre. Au-delà du contrat première embauche, je souhaite que nous puissions travailler tous ensemble…

M. Jean-Claude Lefort. Il serait temps !

M. le Premier ministre. …sur l’emploi des jeunes et leur insertion professionnelle. Je pense, en particulier, à la formation des jeunes, aux mesures spécifiques d’accompagnement,…

M. René Couanau. Très bien !

M. le Premier ministre. …à tous ceux qui sont en difficulté, à la lutte contre les discriminations à l’embauche.

Nous devons également ouvrir l’ensemble des questions relatives aux liens entre l’université et l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Retrait !

M. le Premier ministre. Une meilleure orientation, plus d’alternance, davantage de filières professionnelles : voilà autant de pistes sur lesquelles nous pouvons avancer ensemble, avec tous les partenaires concernés.

M. Bruno Le Roux. Vous pataugez !

M. le Premier ministre. Je le répète devant la représentation nationale, ce qui nous anime, c’est la volonté d’agir de manière concrète, efficace et juste, pour les jeunes,…

M. Jean Glavany. Le dialogue !

M. le Premier ministre. …pour leur avenir, pour leur ouvrir les portes de l’emploi et de la réussite dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, hier soir devant les parlementaires de l’UMP (« Vous n’y étiez pas ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), aujourd’hui devant l’Assemblée nationale, vous avez fermé toutes les portes à une discussion sur le CPE, et je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.

Beaucoup vous demandent de motiver le licenciement. C’est d’ailleurs un principe général du droit : en matière de licenciement, comme dans tout autre domaine, la moindre des choses, pour celui qui se voit signifier une telle décision, c’est d’en connaître au moins la raison. Or Vous déniez ce droit à tous les jeunes de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Beaucoup vous demandent donc de revenir sur la loi pour introduire la motivation. Vous dites non à cette proposition.

M. Guy Geoffroy et M. Jacques Le Guen. La loi c’est la loi !

M. François Hollande. D’autres, y compris des chefs d’entreprise que vous avez reçus, vous demandent de réduire le délai de la période d’essai, dite « de consolidation ». Parce que deux ans, même pour des chefs d’entreprise, c’est exorbitant !

Que leur répondez-vous ? Vous renvoyez à une hypothétique négociation, qui ne verra jamais le jour. Alors que les syndicats et les mouvements de jeunesse vous demandent de revenir sur le CPE, de rouvrir le débat au Parlement et de faire voter un nouveau projet de loi, là encore vous dites non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous prenez donc le risque, monsieur le Premier ministre, – et je pèse mes mots – d’engager une confrontation avec le pays et avec la jeunesse. (« C’est vous qui le prenez ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec la multiplication des manifestations et le mouvement de grève qui a été décidé pour mardi, vous prenez des risques pour la paix sociale, pour l’ordre public, pour l’économie et pour l’emploi.

Dans votre majorité, au sein même de votre gouvernement, à côté de vous, monsieur le Premier ministre, certains expriment des doutes, demandent des explications, s’interrogent sur votre stratégie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quelle est, en effet, votre stratégie ?

M. Claude Goasguen. Et vous, quelle est la vôtre ?

M. François Hollande. Est-ce une stratégie pour le pays, ou au sein de votre majorité pour engager une confrontation avec la gauche ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, il y aurait du courage à retirer un mauvais texte. Le courage aujourd’hui, ce n’est ni l’obstination, ni l’entêtement, ni l’enlisement, c’est de retirer le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Tron. Lamentable !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, il n’est jamais de bon dialogue républicain de préparer une question et de ne pas être capable d’en changer lorsque le chef du Gouvernement s’est exprimé entre-temps ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous auriez dû écouter ce qu’il a dit !

Il a en effet souhaité ouvrir le dialogue sans a priori, ce qui signifie en abordant tous les sujets (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), y compris ceux que vous avez évoqués dans votre question sur les conditions de la séparation et la durée de période de consolidation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le véritable courage, c’est l’action. Le chef du Gouvernement ne cherche pas la confrontation, mais la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), sur tous les sujets, avec l’ensemble des partenaires, dans un esprit républicain et responsable. C’est ce qu’a dit le Premier ministre et c’est ce que souhaite sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

grève de la faim de Jean Lassalle

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, à quelques mètres de cet hémicycle, Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques, mène une grève de la faim depuis seize jours. Ce geste symbolique a un très fort retentissement et provoque une très vive émotion dans l’opinion publique, dans notre pays et au-delà de nos frontières.

M. François Hollande. Ce n’est pas M. Larcher qui ferait cela !

M. François Bayrou. Dans la vallée d’Aspe, au fond des Pyrénées, il reste une seule usine qui emploie 160 personnes, qui gagne de l’argent et des parts de marché…

M. François Hollande. Ce n’est pas comme l’UMP !

M. François Bayrou. ...dans le secteur des composants métalliques, des peintures pour voitures, ordinateurs et téléphones portables.

Cette entreprise, Toyal, marche si bien qu’il lui faut se développer. Alors qu’elle est présente dans cette vallée depuis quatre-vingts ans, la décision a été prise de la développer ailleurs, à une heure et demie de voiture, ce qui équivaut à une délocalisation garantie. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette décision a été prise avec le soutien financier d’une très grande entreprise, Total, qui vient de réaliser cette année 13 milliards d’euros de profits.

Cette affaire, qui pourrait paraître purement locale, soulève en réalité une interrogation universelle : les peuples ont-ils encore leur mot à dire sur leur destin ? Leurs représentants ont-ils les moyens de faire entendre leur voix ? Ou bien les décisions sont-elles toujours prises ailleurs, plus haut, dans un monde mystérieux où les puissants ne parlent qu’aux puissants ?

Monsieur le Premier ministre, vous avez appelé personnellement Jean Lassalle pour lui dire que vous étiez sensible à sa situation. Vous qui êtes le chef du Gouvernement français (« Plus pour longtemps ! » sur les bancs du groupe socialiste), qu’avez-vous l’intention de faire ? Que pouvez-vous faire, et nous avec vous, pour renverser cette fatalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je ne suis pas insensible, personne ne peut l’être, au combat d’un homme capable de mettre sa vie en danger pour défendre ce qu’il croit être juste. Le Premier ministre, vous l’avez rappelé, est très attentif au sort de votre collègue Jean Lassalle et il se tient informé quotidiennement, comme l’ensemble des membres du Gouvernement.

Je connais comme vous l’attachement de votre collègue à son territoire des Pyrénées-Atlantiques. Inquiet de l’avenir de l’usine Toyal située dans la vallée d’Aspe, il a commencé une grève de la faim voilà seize jours maintenant, pour attirer l’attention sur les évolutions qu’il craint. Chaque homme, monsieur le député, est libre, en son âme et conscience, de choisir la méthode qu’il estime être juste. Je respecte donc le choix de Jean Lassalle, qui veut éviter par son action la délocalisation d’emplois.

En l’occurrence, il n’est pas – en tout cas plus – question de délocalisation. L’entreprise Toyal, dont l’usine d’Accous, dans la vallée d’Aspe, emploie 138 personnes, a décidé d’étendre ses activités de fabrication de pâte d’aluminium sur le site de Lacq où quinze emplois nouveaux seront créés dans un premier temps, suivis de quinze autres. Il s’agit donc, non pas d’une délocalisation, mais d’une extension. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Le jour même où nous avons appris la nouvelle, j’ai moi-même pris contact avec les services de l’État dans le département, ainsi qu’avec l’entreprise pour faire le point précis de la situation. Des membres de mon cabinet ont rencontré vendredi le président japonais du groupe Toyal et obtenu des engagements sur le maintien de l’activité et des emplois sur le site d’Accous, je tiens à vous le dire.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Philippe Folliot. Pour combien de temps ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’entreprise envisage – elle l’a répété à l’occasion d’une réunion à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques – de nouveaux investissements à Accous, notamment pour développer des fabrications plus respectueuses de l’environnement.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est bidon !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il me semble que ces engagements sont sérieux et que son programme d’extension ne peut pas être qualifié de première étape vers la délocalisation.

Je souhaite que l’ensemble des acteurs du département accompagnent le développement, voulu par tous, de cette partie du département. C’est pourquoi, dans les jours qui viennent, je ferai tout mon possible pour renouer le dialogue et finaliser les discussions, afin que Jean Lassalle, à qui je renouvelle toute mon estime et mon amitié, puisse, fort des engagements pris par tous les partenaires, interrompre son jeûne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Total, le mépris des hommes !

Contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, l’« obstination déraisonnable » n’est plus seulement l’apanage de certaines pratiques médicales. Vous nous montrez aujourd’hui qu’elle peut être celui d’un gouvernement. Semaine après semaine, l’hostilité au CPE grandit. Désormais, il mobilise contre lui toutes les catégories sociales, toutes générations confondues.

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas avoir raison tout seul contre le plus grand nombre ! Retirez votre CPE ! Le semblant de dialogue que vous avez entamé avec quelques patrons n’a pas de sens. Il ne s’agit plus de corriger ou de modifier à la marge une mauvaise loi, il faut la retirer, c’est tout ! Votre responsabilité est clairement engagée et il n’y a pas d’échappatoire. Voulez-vous que le calme revienne dans les universités et dans le pays ? C’est simple : retirez le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il existe des alternatives pour l’emploi des jeunes – dont M. Accoyer semble se préoccuper – qui sont respectueuses du code du travail. La semaine dernière, les député-e-s communistes vous ont d’ailleurs fait des propositions. Mais, malgré l’intérêt que leur portait M. Borloo, votre majorité les a rejetées.

M. Richard Mallié. Souvenez-vous des emplois-jeunes ! Vous n’avez pas à nous donner de leçons.

M. Michel Vaxès. Pourtant, 600 000 départs à la retraite auront lieu dans les dix prochaines années et ils vont libérer des emplois. Nous proposons que des négociations s’ouvrent entre patronat et salariés pour préparer le remplacement de ces départs massifs. Jeunes, moins jeunes, seniors pourraient en bénéficier sans qu’il soit besoin de recourir à des contrats au rabais comme le CNE ou le CPE. Le bon fonctionnement des services publics exige également d’ouvrir largement l’accès à la fonction publique. Beaucoup de jeunes pourraient y être accueillis. Ne les décevez pas !

Monsieur le Premier ministre, la sortie de crise ne dépend que de vous. Faites preuve de responsabilité : retirez le CPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, nous avons discuté la semaine dernière de tous ce sujets, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi déposée par le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Je rappelle que notre pays a un double défi à relever. Avant même de parler de mutation démographique, il faut s’attaquer à l’emploi des seniors. Nous sommes l’un des pays où leur taux d’activité est parmi les plus bas si bien qu’au-delà de quarante-cinq ans, on n’investit plus dans la formation des salariés. Cette réalité nous a conduit, à la suite de la négociation interprofessionnelle, à préparer avec les partenaires sociaux un plan d’ensemble pour les seniors.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’anticipation de l’avenir passe par un plan de gestion des emplois et des compétences. Il faut préparer les jeunes, pour qu’ils puissent connaître des parcours moins chaotiques. Aujourd’hui même, les missions locales sont réunies et nous travaillons avec elles à mettre au point un ensemble d’outils pour sortir les jeunes du chômage, notamment ceux des 750 quartiers sensibles.

Aujourd’hui, 38 % des garçons de moins de vingt-six ans vivant dans les quartiers sont au chômage, et 41 % des filles. Et encore, certains d’entre eux ne sont même pas inscrits à l’ANPE ! C’est pourquoi nous nous efforçons, avec le Premier ministre, avec Jean-Louis Borloo, qu’ils renouent avec l’Agence nationale pour l’emploi.

Notre réponse s’appelle professionnalisation. Elle passe par les CIVIS – 161 000 ont été conclus (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste) –, par l’entrée et l’accompagnement dans l’emploi.

Le Premier ministre vient d’exprimer l’ouverture d’esprit qui est la sienne. Nous sommes à ses côtés pour sécuriser l’entrée dans l’emploi et le parcours des jeunes, car nous en avons assez de la précarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

manifestations Contre le CPE

M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns, pour le groupe UMP.

M. Louis Cosyns. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, depuis le début des manifestations contre le CPE, vous avez donné des consignes de sang-froid aux représentants des forces de l’ordre.

M. Patrick Roy. Et le CPE ?

M. Louis Cosyns. Vous avez demandé que le droit à manifester dans le calme soit garanti, et réclamé que la plus grande sévérité soit réservée aux casseurs.

La multiplication des manifestations, ces derniers jours, et les violences qui se produisent après la dissolution des cortèges font peser des risques accrus.

M. Maxime Gremetz et M. Michel Vergnier. D’où viennent-ils, les casseurs ?

M. Louis Cosyns. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous déplorons le drame qui a frappé M. Cyril Ferez, représentant du syndicat SUD. (« La faute à qui ? sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, les premiers éléments des enquêtes qui ont été diligentées ? (« Allô, allô ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et, plus largement, pouvez-vous faire le bilan des blessés au cours des épisodes violents qui ont eu lieu à la fin des manifestations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, à cet instant où Cyril Ferez est à l’hôpital, le Gouvernement, comme chacun d’entre vous ici, pense à lui, à sa famille, et forme des vœux pour sa santé.

Une double enquête, administrative et judiciaire, a été engagée. Elle permettra à chacun de connaître toute la vérité. Nous la devons à Cyril Ferez et à ses proches, nous la devons aussi à son syndicat et au pays tout entier. Rien ne sera caché et chacun pourra alors juger des responsabilités en jeu. Avant cela, tout propos de nature définitive serait insultant, soit envers la victime, soit envers les forces de l’ordre qui sont en droit d’être respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En tant que ministre de l’intérieur, je dois garantir l’ordre public. Je le ferai, et les casseurs ne doivent s’attendre à aucune faiblesse de notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le spectacle donné par un certain nombre de voyous qui polluent des manifestations, qui cassent, qui démolissent et qui s’en prennent à des fonctionnaires de police ou à des militaires de la gendarmerie est proprement scandaleux !

M. Jean-Pierre Balligand et M. Patrick Lemasle. Que pensez-vous du CPE ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les coupables seront poursuivis, interpellés, livrés à la justice et, je le souhaite, condamnés sévèrement. Il faut faire des exemples pour dissuader ceux qui auraient envie de les imiter.

Je voudrais également rendre hommage au sang-froid des forces de l’ordre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je suis certain que, sur tous les bancs de cette assemblée, vous y associerez les 309 blessés, qui n’ont fait que leur devoir. Ce n’est pas parce qu’on porte un uniforme qu’on mérite moins de solidarité que les autres quand on est à l’hôpital. Les hommes sont égaux (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), les victimes aussi.

Les forces de l’ordre font leur travail, et tout gouvernement, quel qu’il soit, est heureux de pouvoir compter sur des forces républicaines.

M. François Hollande. Quelle démagogie !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas de la démagogie (« Mais si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), c’est du respect ! Vous devriez vous souvenir que vous avez eu la responsabilité de ces fonctionnaires et que vous l’aurez peut-être demain. (Huées sur les bancs du groupe socialiste.) Ils apprécieront !

Enfin, j’ai demandé aux forces de l’ordre d’être exemplaires par la proportionnalité de leur réaction et de faire preuve de responsabilité. S’ils ont à arrêter les casseurs, ils doivent aussi protéger les plus jeunes des manifestants. J’appelle chacun au sens de la responsabilité, au calme et à la pondération. (« Vous d’abord ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C’est vrai pour chacun d’entre nous. Je dois à la vérité de dire, monsieur le premier secrétaire du parti socialiste, que nous devons tous appeler à la modération.

M. François Hollande. Nous le faisons !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Certains de ceux qui sont aujourd’hui dans la rue sont très jeunes, et cela devrait être un motif d’inquiétude pour chacun d’entre nous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

génocide arménien

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Dubernard. Je souhaite appeler l’attention du ministre des affaires étrangères sur ce qui s’est passé samedi dernier à Lyon, moins d’un an après que la première pierre d’un mémorial commémorant le génocide arménien a été posée en présence de Dominique Perben.

À l’appel d’associations franco-turques, une manifestation a rassemblé entre 2 500 et 3 000 personnes qui, au milieu de nombreux drapeaux turcs, ont brandi des banderoles et des pancartes ouvertement négationnistes. Celles-ci en effet proclamaient : « Il n’y a jamais eu de génocide » ou « Nous sommes fiers de notre passé ». Déjà, avant la manifestation, selon la presse locale, le consul général de Turquie aurait déclaré que ce mémorial constituait une « provocation » et qu’il n’y avait pas de vérité historique en ce domaine.

La communauté arménienne et les Français d’origine arménienne se sont sentis blessés, comme ont pu le constater, avec moi, pour les différentes circonscriptions de Lyon et du Rhône, Emmanuel Hamelin, Christian Philip et Christophe Guilloteau, et plus généralement en France, notamment Éric Raoult, qui m’a rapporté les réactions dont il a eu connaissance dans le département de Seine-Saint-Denis.

M. Patrick Lemasle. La question !

M. Jean-Michel Dubernard. Nombreux sont aujourd'hui les Français qui s’inquiètent de la montée du communautarisme. Ils ont raison. De plus, la loi a été bafouée.

Madame la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, je souhaite d’autant mieux connaître votre sentiment sur ces événements que les engagements pris par les organisateurs vis-à-vis de la préfecture n’ont pas été respectés et que, je le répète, la loi de janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 a été bafouée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, suite aux incidents violents que vous venez de rappeler, et qui ont suscité une très forte émotion chez nos compatriotes d’origine arménienne, dont nous sommes solidaires,…

M. Maxime Gremetz. Qui a donné l’autorisation de manifester ?

Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. …notre ambassadeur à Ankara est immédiatement intervenu auprès des autorités turques pour souligner le tort que de telles manifestations, qui font une large place au mouvement nationaliste turc, portent à l’image de leur pays. Nous regrettons notamment – je me réfère aux propos qui ont été publiés par la presse régionale et que vous avez rapportés – que le nouveau consul général de Turquie à Lyon n’ait pas tenu compte des appels à la retenue qui avaient été lancés par le ministre turc des affaires étrangères.

M. Maxime Gremetz. C’est le ministre de l’intérieur qui a donné l’autorisation de manifester ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Par ailleurs, je tiens à rappeler que les autorités françaises ne manquent jamais une occasion d’inviter la Turquie à effectuer un authentique travail de mémoire. C’est d’autant plus nécessaire que la Turquie a indiqué publiquement sa volonté d’adhérer aux valeurs de l’Union européenne, qui reposent sur l’idée de réconciliation. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lefort. Et Chypre ?

Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Le ministre des affaires étrangères en visite à Ankara en février l’a encore rappelé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, ces incidents sont d’autant plus regrettables que ce travail de mémoire semble avoir commencé en Turquie.

Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. C’est faux !

Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Récemment, des conférences et des séminaires ont été organisés sur la question arménienne. Ce sont les premiers signes d’un débat qu’il appartient aux autorités turques d’encourager. Nous y serons évidemment vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux, pour le groupe socialiste.

Mme Sylvie Andrieux. Monsieur le Premier ministre, en refusant toute amélioration législative du CPE (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous avez osé évoquer la possibilité d’une négociation par branches en vue de réduire la période d’essai de deux à un an. Or, la durée de cette période n’a jamais été fixée par le code du travail, étant renvoyée à l’accord des partenaires sociaux et aux conventions collectives. Depuis cinquante ans dans notre pays, les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour fixer la période d’essai à deux, voire trois mois, renouvelables une fois, c'est-à-dire à six mois maximum. C’est donc vous qui, en imposant le CPE, avez remis en cause cet acquis permanent de notre droit social.

M. Patrick Lemasle et M. Pierre Cohen. C’est vrai !

Mme Sylvie Andrieux. C’est pourquoi, aujourd'hui, pour sauver la face, vous en êtes réduit à utiliser cette solution saugrenue : inciter les partenaires sociaux à remettre en cause les accords existant dans toutes les conventions collectives pour échapper à l’application de la loi que vous voulez leur imposer.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il a raison !

Mme Sylvie Andrieux. Monsieur le Premier ministre, respecter les partenaires sociaux, c’est non seulement respecter les accords collectifs, mais encore respecter les Français. Et respecter les Français, c’est aussi rétablir la vérité sur le militant du syndicat SUD aujourd'hui dans un état très critique. Monsieur le Premier ministre, agir de façon responsable, c’est retirer le CPE et proposer un nouveau projet de loi.

M. Maurice Giro. N’importe quoi !

Mme Sylvie Andrieux. Êtes-vous prêt à le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

M. Patrick Lemasle. Nous voulons le Premier ministre !

M. le président. Monsieur Lemasle, laissez Mme Vautrin s’exprimer !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, vous nous avez invités à respecter les partenaires sociaux et, plus généralement, les Français. Or, les Français, aujourd'hui, ont pour première préoccupation le chômage des jeunes. Ne sont-ils pas en droit d’attendre de leurs élus qu’ils prennent enfin en compte ce sujet ?

M. Maxime Gremetz. Suivez plutôt le conseil de Mme Morano ! Elle a raison !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Depuis vingt ans, personne n’a réussi à résoudre le problème du chômage des jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Vous voulez dire depuis quatre ans !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Jamais nous n’avons réussi à faire passer le chômage des jeunes sous la barre des 20 % !

Respecter les Français, c’est donc trouver de nouvelles solutions. Vous choisissez la fatalité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous préférons l’innovation. Les parlementaires l’ont votée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il convient désormais de dialoguer.

Mme Martine Billard. Le dialogue, c’est avant, pas après !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Comme le Premier ministre l’a dit, nous souhaitons aujourd'hui instaurer ce dialogue avec l’ensemble des partenaires sociaux.

Vous avez avancé les mêmes arguments au mois d’août dernier à propos du CNE. Aujourd'hui, 400 000 contrats nouvelles embauches ont été signés, soit 10 % des contrats conclus sur cette période. Demandez aux Français s’ils regrettent l’innovation ! Demain, avec les Français, c’est dans la discussion que nous innoverons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) parce que c’est de cette façon que nous apporterons des solutions au chômage des jeunes et que…

M. Jean-Pierre Blazy. Cela suffit !

M. le président. Monsieur Blazy, laissez Mme Vautrin finir !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. …nous entendons répondre au défi démographique que doit relever notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

élections aux crous

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, pendant que nous sommes réunis ici, partout dans le monde, des hommes et des femmes se battent pour avoir simplement le droit de vivre et de s’exprimer librement. Nous avons eu la chance, nous, que nos parents, nos grands-parents, nos aïeux aient déjà mené ce combat.

M. Jérôme Lambert. Pour le droit du travail !

M. Jean-Claude Mignon. Aujourd'hui, nous avons le privilège de vivre dans une république démocratique. Nous avons le droit de nous exprimer, de nous opposer, de communiquer, de nous rassembler et de manifester. C’est pourquoi il est inadmissible qu’on tente aujourd'hui de priver une partie de la population française du droit essentiel de voter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),

M. Maxime Gremetz. Les étudiants ont voté à 80 % contre le CPE !

M. Jean-Claude Mignon. …notamment qu’un syndicat étudiant, qui, chacun le sait, est indépendant de toute appartenance politique (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), use de moyens plus que contestables pour interdire aux étudiants qui le souhaitent de s’exprimer et de voter pour décider si leur université, leur lycée ou leur collège sera bloqué ou non. C’est inadmissible (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), comme il est inadmissible que les élections aux conseils d’administrations des CROUS soient perturbées.

M. Julien Dray. La question !

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le ministre, nous sommes tous inondés de courriels ou d’appels de jeunes qui veulent s’exprimer en toute liberté (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et désigner tout aussi librement les membres qui siégeront demain aux conseils d’administration des CROUS. Ont-ils, monsieur le ministre, la possibilité de le faire dans le respect des droits élémentaires de la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Zéro !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, les étudiants sont très attachés aux élections de leurs représentants aux CROUS, qu’ils ont préparées ensemble en convenant d’un slogan : « Ne pas voter nuit à la démocratie ».

Lundi dernier, François Goulard et moi-même avions invité toutes les organisations étudiantes. Le Premier ministre s’est joint à nous pour un débat très intéressant. Les organisations qui sont venues – elles représentaient plus d’un étudiant sur deux – nous ont affirmé leur volonté de maintenir les élections aux CROUS (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Julien Dray. Vous ne savez même pas comment fonctionnent les CROUS !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …aux dates que nous avions fixées ensemble il y a déjà un certain temps. C’est pourquoi François Goulard et moi-même avons décidé de les maintenir.

L’élection des représentants aux CROUS – faut-il le rappeler – sont très importantes pour la vie quotidienne des étudiants, leur orientation et leur insertion professionnelles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Comment le savez-vous, puisque vous n’y connaissez rien ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les étudiants n’entendent pas plus être privés de ces élections que de leurs cours et de leurs examens.

J’ai donc décidé de maintenir ces élections en dépit d’incidents inadmissibles révélant l’existence de minorités hostiles à la démocratie…

M. Manuel Valls. Provocateur !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …qui campent sur des positions idéologiques négatives. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J’ai hâte de pouvoir, demain, discuter de l’avenir avec les représentants des CROUS nouvellement élus. Hier, quatorze académies ont voté. Aujourd'hui, c’est le tour des trois universités d’Île-de-France et demain des huit académies restantes. Après-demain, nous aurons des interlocuteurs pour préparer l’avenir des jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est surréaliste !

M. Julien Dray. Vous ne savez même pas comment fonctionnent les CROUS ! De toute façon, vous ne connaissez rien à l’éducation nationale !

M. le président. Monsieur Dray, veuillez ne pas vous énerver : ce n’est pas bon pour votre cœur !

bilan du contrat nouvelles embauches

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, par-delà les clivages politiques et les socles idéologiques, nous partageons tous – je le dis en présence de la délégation parlementaire grecque – la volonté d’être concrets et pragmatiques et souhaitons résoudre, dans la mesure du possible, tous les problèmes de société que les jeunes, notamment, rencontrent dans notre pays.

Cet esprit pragmatique nous a conduits les uns et les autres, ces jours derniers, à rencontrer des jeunes. C’est ce que j’ai fait.

M. Manuel Valls. Quelle aventure !

M. Jean-Claude Lenoir. J’ai rencontré des jeunes lycéens, des jeunes apprentis et des jeunes travailleurs.

M. Manuel Valls. Et alors ?

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons discuté avec des représentants d’organisations professionnelles des dispositifs offerts par la loi. Le débat a fini par porter sur le contrat nouvelles embauches, qui constitue un terrain d’expérience depuis l’automne dernier, alors que le CPE, c’est le futur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le représentant d’une organisation professionnelle – il est sur le terrain – nous a informés que, dans le département de l’Orne, où j’ai l’honneur d’être élu, un petit département, je le confesse, ce sont plus de 1 000 contrats nouvelles embauches qui ont été signés depuis le mois d’octobre.

Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais combien au plan national ?

M. le président. Monsieur Lenoir, je vous prie de poser votre question.

M. Jean-Claude Lenoir. Un lycéen nous a alors rappelé qu’un dirigeant socialiste, ancien ministre, avait prétendu que ce contrat n’avait donné lieu à aucune nouvelle embauche. Je lui ai promis de poser la question aujourd'hui, puisque, chacun le sait, les lycéens, n’ayant pas cours le mercredi après-midi, peuvent nous écouter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Monsieur Jean-Louis Borloo, pouvez-vous dresser le bilan du contrat nouvelles embauches ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Manuel Valls. Quelle comédie !

M. le président. Monsieur Valls, veuillez écouter le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je vous confirme que, dans l’Orne, un peu plus de 1 000 contrats nouvelles embauches ont été signés.

Toutefois, de façon plus générale, il convient de savoir qui signe des contrats nouvelles embauches et si ce contrat a provoqué un effet d’aubaine ou a, au contraire, répondu à une attente.

Nous pouvons répondre en nous appuyant simplement sur deux études, l’étude fiduciale et l’étude de Réseau TPE. À l’heure actuelle, monsieur Lenoir, plus de 400 000 contrats nouvelles embauches ont été signés, dont 17 % par des employeurs recrutant leur premier salarié et 13 % leur deuxième salarié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Tous les secteurs de l’activité économique sont concernés : l’artisanat, le commerce et la petite entreprise. Quant à la question de savoir si le contrat nouvelles embauches a favorisé l’emploi, je peux affirmer qu'un tiers des CNE sont de nouvelles créations d’emplois.

M. Alain Vidalies. C’est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Vous n’y croyez pas !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, il est facile de recouper les indications que je vous donne avec les statistiques de l’ACOSS, qui nous révèlent que le contrat nouvelles embauches n’a pas entraîné la diminution du nombre des contrats à durée indéterminée. Quant au nombre des apprentis ou des contrats de professionnalisation, le premier a augmenté de 8 %, et le second de 16 %. Le contrat nouvelles embauches, c’est donc pour un tiers la création d’emplois nouveaux, ce qui est énorme, et pour le reste la transformation de CDD en CNE, ce qui, avouez-le, est franchement mieux !

M. Jean Le Garrec. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela reste à démontrer !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La politique de l’emploi forme un tout : elle va des contrats seniors dont s’occupe Gérard Larcher à l’accord entre ANPE et UNEDIC. Or, ce sont bien 142 500 emplois nouveaux qui ont été créés en France l’année dernière.

M. Alain Vidalies. C’est faux !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce chiffre est le plus élevé que le pays ait jamais connu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, laissez M. Emmanuelli s’exprimer !

Vous avez la parole, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, ma question s’adresse à vous, même si je sais que vous n’y répondrez pas, pas plus que vous n’avez daigné répondre tout à l’heure au premier secrétaire du parti socialiste,…

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Il est également député !

M. Henri Emmanuelli. …ce qui, pourtant, dans une démocratie, n’aurait pas été un geste malvenu.

Vous avez préféré vous faire poser une question par M. Accoyer, qui a fait de la provocation en accusant l’opposition d’instrumentaliser la jeunesse. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est pourtant la vérité !

M. Lucien Degauchy. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Accoyer, j’ai plutôt l’impression que la jeunesse de France est aujourd’hui prise en otage pour une querelle d’investitures interne au parti majoritaire. Voilà ce que la France voit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je souhaite néanmoins changer de ton et m’adresser à nouveau à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez commis une erreur…

M. Jean-Claude Lefort. Seulement une ?

M. Lucien Degauchy. Les 35 heures, ce n’était pas une erreur ?

M. Henri Emmanuelli. …en pensant que vous pouviez abuser la jeunesse de France : au prétexte de vous occuper d’une partie d’entre elle, vous imaginiez avoir le droit de la priver tout entière d’un certain nombre de droits que vous a rappelés François Hollande.

Or la jeunesse ne s’est pas laissé abuser, la France ne se laisse pas abuser, et il est temps que vous le compreniez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Après cette première erreur, vous en avez commis une seconde en vous entêtant dans une attitude de refus, de crispation. Or je vous le dis avec une certaine gravité :…

M. Lucien Degauchy. Vous vous prenez pour qui ?

M. Henri Emmanuelli. …tenir bon face à l’ennemi est une vertu ; mais, ici, qui est l’ennemi ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vous !

M. Henri Emmanuelli. Est-ce que la jeunesse de France est votre ennemie ? La jeunesse de ce pays, c’est la vôtre, c’est la nôtre. Elle n’est pas notre ennemie ! Vous vous trompez d’adversaire !

J’attire votre attention avec gravité, j’insiste sur le fait que cela devient dangereux. Et qui le dit ? Ah ! je n’aurais pas employé le mot s’il ne s’agissait de celui du ministre de l’intérieur lui-même ! Je cite M. Sarkozy, qui a d’ailleurs préféré partir : « Il y a un danger que cette effervescence lycéenne et étudiante réveille l’agitation dans les banlieues, qui restent toujours extrêmement tendues. »

Mme Muguette Jacquaint. Il a raison !

M. Henri Emmanuelli. Je vous demande donc s’il s’agit de l’expression d’une crainte ou si vous êtes en train de mettre au point la stratégie du pire. (« Et vous ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne veux pas le croire !

Puisque vous prétendez dialoguer et que vous connaissez les conditions du dialogue, vous savez ce que vous demandent les syndicats. Dès lors, si vous souhaitez vraiment ce dialogue, faites donc ce qu’ils vous demandent !

M. Jacques Le Guen. Et voilà !

M. le président. Merci de terminer, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Vous connaissez le prix de ce dialogue. Si vous ne dites pas oui aux syndicats, vous savez que votre attitude se réduit à de la gesticulation !

M. Jacques Le Guen. Et les lois de la République, alors ?

M. Henri Emmanuelli. Si vous n’êtes pas capable de reculer, nous nous adresserons au chef de l’État pour qu’il prenne ses responsabilités et ramène le calme dans le pays car nous sommes inquiets, très inquiets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. Pyromane !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Emmanuelli, nous sommes tous responsables de la jeunesse : vous, députés de l’opposition, qui hurlez en cet instant, et vous, députés de la majorité, qui travaillez pour sortir la jeunesse de la précarité.

Cette jeunesse a des couleurs diverses : elle est celle des banlieues, celle de l’espace rural, celle de nos villes. Et c’est à toute cette jeunesse que nous entendons répondre : à celle qui est au chômage à hauteur de 40 % comme à celle qui a la chance de pouvoir se construire un avenir en France et à l’étranger. En effet, nous ne devons pas opposer telle partie de la jeunesse à une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La jeunesse, nous avons le devoir de lui répondre globalement ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pardonnez cette considération personnelle, mesdames et messieurs les députés, mais la jeunesse a les traits de mes trois enfants, qui ont entre vingt et vingt-cinq ans. Elle ressemble à tous ceux que je rencontre, et je n’accepte pas de vous voir la diviser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Julien Dray. Vos trois enfants sont dans la rue, et j’en suis fier !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Emmanuelli, la jeunesse a besoin de vérité. Et la vérité, on l’obtient en comparant le CPE au CDI. Or, au cours des deux premières années, en matière de préavis, d’indemnités de chômage, de droits à indemnités de fin de contrat, le CPE, dans son état actuel et tel qu’il sera enrichi par le dialogue social, reste pour les jeunes plus sécurisant que le CDI. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

perspectives de croissance économique

M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner, pour le groupe UMP.

M. Bernard Schreiner. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, depuis plusieurs mois, vous n’avez eu de cesse d’indiquer à la représentation nationale que la croissance économique était repartie à la hausse en France.

Or les chiffres vous ont donné raison. La croissance s’est en effet nettement accélérée au cours de la seconde partie de l’année dernière, stimulée par ses trois moteurs : la consommation des ménages, l’investissement des entreprises et les exportations, qui se sont vivement redressées.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Quel mensonge !

M. Bernard Schreiner. Nous avons entamé depuis près de trois mois l’année 2006, pour laquelle vous avez construit le budget sur une hypothèse de croissance se situant entre 2 % et 2,5 %, prévision que vous avez d’ailleurs confirmée il y a deux semaines.

M. Patrick Roy. Retirez le CPE !

M. Bernard Schreiner. Or la dernière indication conjoncturelle dont nous disposons est celle de la consommation en produits manufacturés, qui a véritablement bondi au mois de février dernier, puisqu’elle est en progression de 1,8 % par rapport au mois de janvier. Prise isolément, il s’agit évidemment d’une excellente nouvelle.

Aussi, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser trois questions.

À quel point le dynamisme de la consommation en ce début d’année 2006 est-il représentatif de la santé de notre économie ?

Plus largement, quelles sont vos perspectives de croissance pour les trimestres à venir ?

Enfin, respecterons-nous l’hypothèse sur laquelle le budget 2006 a été établi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous confirme que, pour l’année 2006, nous aurons bien une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %.

Oui, les informations dont je dispose me permettent de vous confirmer que nous attendons une croissance de 0,6 % au premier trimestre. Est-ce le fruit du hasard ? Ces chiffres tombent-ils du ciel ?

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Oui !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Eh bien non, mesdames et messieurs les députés ! Reprenez un instant les chiffres rappelés par Jean-Louis Borloo ! Plus de 142 000 créations d’emplois marchands en 2005 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela vous fait sourire, monsieur Hollande ?

M. François Hollande. Oh non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous l’avez rêvé ? Nous l’avons fait ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et sachez bien que nous allons continuer ! En effet, savez-vous ce que m’indiquent mes services ? Ils prévoient la création de 200 000 emplois en 2006 ! Savez-vous pourquoi ? C’est grâce à la signature, monsieur Hollande, de 400 000 contrats nouvelle embauche !

Mesdames et messieurs les députés, les Français consomment. Pour quelle raison ? Parce qu’il y a davantage de Français au travail, qui ont donc retrouvé confiance en l’avenir et qui consomment donc davantage ! Ainsi, l’un des moteurs de la croissance, la consommation en produits manufacturés – vous l’avez rappelé, monsieur Schreiner –, avec un taux de 1,8 % pour le mois de février, a atteint un taux historique,…

M. Augustin Bonrepaux. Bonimenteur !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et la croissance des salaires, de 2,9 % en 2005, est la plus haute depuis treize ans, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce qu’il me veut ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Grâce à cela, les Français consomment davantage, le moteur de la croissance est reparti et la confiance est de retour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Emmanuelli, asseyez-vous !

TVA sur la construction des maisons
de retraite

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Avant de poser ma question, je souhaite, moi aussi, vous faire part de notre inquiétude. Je viens en effet d’apprendre que la permanence d’un collègue député UMP de la Côte-d’Or vient d’être saccagée par des soi-disant étudiants et que l’équipe de ce député est traumatisée. On doit tout de même convenir du caractère irrationnel, inadmissible et irresponsable de ces provocations, de ces actes de violence commis par des adversaires de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’en viens à ma question. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous avez engagé un plan de modernisation et de construction d’établissements médico-sociaux, afin de combler l’important retard pris depuis trop d’années en matière d’accueil pour les personnes âgées.

Nous savons que le vieillissement de la population et l’existence de pathologies lourdes liées au handicap et à certaines maladies neurodégénératives vont nécessiter la construction de plus en plus d’établissements adaptés.

De nombreux élus locaux tentent depuis quelques années de répondre à ces défis en envisageant la construction de locaux adaptés, soit par financement public, soit par financement privé.

Monsieur le ministre, lors des travaux des commissions auxquels vous avez participé, vous avez reconnu comme nous que les moyens nécessaires sont lourds et les solutions souvent difficiles à trouver, sachant que le prix de journée reste conventionné, donc limité. Aussi, la possibilité de bénéficier d’un taux réduit de TVA sur les travaux permettra soit de faciliter la construction, soit de renforcer la qualité de la construction de ces établissements.

Pouvez-vous nous expliquer les modalités de votre proposition de réduction de la TVA, qui suscite l’intérêt des maires et des présidents de conseils généraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Door, le combat que vous menez est juste ! Je sais que l’ensemble du groupe UMP vous soutient.

Jusqu’à présent, à cause d’une anomalie grave, pour construire une maison de retraite sans médecins, sans personnels soignants, on appliquait un taux de TVA de 5,5 %.

M. Jean Glavany. Gardez votre calme, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. En revanche, pour construire une maison de retraite comme il en faut aujourd’hui, pourvues de personnels soignants et de médecins, on appliquait une TVA de 19,6 %.

Avec un certain nombre de vos collègues, vous m’avez rapidement, monsieur Door, exposé ce problème. Nous y avons travaillé ensemble avec Thierry Breton et Jean-Louis Borloo, sous l’autorité de Dominique de Villepin et je suis heureux de vous annoncer aujourd’hui…

M. André Chassaigne. Le retrait du CPE ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …que nous avons trouvé une solution à cette difficulté.

Depuis le 1er mars, nous appliquons le taux de 5,5 % pour la construction des maisons de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette mesure participe d’un effort considérable : vous savez que, cette année, pour faire face aux besoins des personnes âgées, nous augmentons de 13,5 %, grâce à la réforme de l’assurance maladie, les crédits destinés aux établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Nous avions décidé de créer 10 000 nouvelles places en quatre ans pour personnes âgées dépendantes ; nous en créons 20 000 ! Et nous avons mis en œuvre un très ambitieux plan de rénovation et d’humanisation de nos établissements pour personnes âgées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit de 500 millions d’euros pour 2006, alors que nous en avions dépensé 50 millions en tout, pour les cinq années précédentes.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est faux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Désormais, grâce à la décision qui a été prise, les maisons de retraite et les travaux dans les maisons de retraite ouvriront droit au prêt locatif social, à la TVA à 5,5 %, à l’exonération de la taxe foncière pendant vingt-cinq ans et, bien sûr, pour tous les résidents de ces maisons de retraite, à l’allocation personnalisée au logement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ceci nous permet d’ajouter une capacité de financement de 75 millions d’euros aux crédits que nous avons mobilisés pour la rénovation et l’humanisation de nos maisons de retraite. Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un effort très important, et je souhaite, monsieur Door, vous remercier du combat que vous avez mené dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Contrôle de la validité des mariages

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages (nos 2838, 2967).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages que vous examinez aujourd’hui a un objet principal simple, qui est de compléter notre droit afin que les mariages célébrés à l’étranger soient soumis aux mêmes règles que les mariages célébrés en France.

D’une part, il ne s’agit en rien de rendre plus difficile ces mariages ou de montrer du doigt les personnes concernées. Mais, d’autre part, il ne faut pas que notre législation soit lacunaire et que ces lacunes permettent des mariages frauduleux. Le détournement des règles du mariage à des fins migratoires comme les mariages forcés doivent être combattus avec détermination. C’est l’une des priorités du Gouvernement, et c’est la finalité de ce texte équilibré.

La situation du mariage a, de fait, beaucoup évolué au cours de ces dernières années. Le mariage est devenu un enjeu migratoire majeur. Ainsi, de 1999 à 2003, le nombre des mariages célébrés en France entre des Français et des ressortissants étrangers a progressé de 62 %. En 2005, ceux-ci représentaient 50 000 des 275 000 mariages célébrés en France. Dans le même temps, 45 000 autres mariages ont été contractés hors de nos frontières par nos compatriotes, essentiellement avec des ressortissants étrangers. Au total, un mariage sur trois est un mariage mixte.

Parallèlement, le rapprochement de conjoint constitue le premier motif d’immigration familiale, tandis que pratiquement 50 % des acquisitions de la nationalité française ont lieu par mariage.

Bien sûr, la plus grande part de ces mariages mixtes sont fondés sur une véritable intention matrimoniale. Force est de constater toutefois que le nombre des fraudes qui sont dénoncées aux parquets tant par les maires que par les agents consulaires et diplomatiques ne cesse d’augmenter. Ces détournements dont l’institution du mariage est trop souvent l’objet démontrent que le dispositif actuel de contrôle est inadapté.

C’est pourquoi le Gouvernement a engagé une réflexion d’ensemble pour renforcer ce dispositif. L’ambition du texte qui vous est proposé est double : il s’agit de créer les conditions d’un contrôle efficace des mariages, sans que ceux qui souhaitent sincèrement s’engager dans les liens matrimoniaux, quelle que soit leur nationalité, en soient empêchés. La liberté du mariage est en effet un principe fondamental de notre droit.

Le texte du projet de loi est le fruit d’une longue réflexion globale, cohérente et équilibrée. L’examen par votre commission des lois a permis d’en améliorer encore l’économie. Celle-ci se caractérise par trois axes forts : tout d’abord, renforcer le contrôle des mariages célébrés en France ; ensuite, soumettre au même contrôle le mariage des Français à l’étranger ; enfin, simplifier et améliorer les procédures de vérification des actes de l’état civil étranger soumis à l’administration française.

Ce projet prévoit tout d’abord plusieurs dispositions qui seront applicables à tous les mariages célébrés sur notre territoire, quelle que soit la nationalité des époux.

Sur ce point, les lois du 24 août 1993 et du 26 novembre 2003 ont déjà apporté des outils pour lutter contre les mariages frauduleux. Je pense bien sûr à l’audition préalable des époux, mais aussi à la possibilité, pour l’officier de l’état civil, de saisir le procureur de la République afin que ce dernier sursoie à la célébration ou s’oppose au mariage en cas de doute sur leur intention matrimoniale.

Bien que la circulaire du 2 mai 2005 ait répondu à de nombreuses interrogations d’officiers de l’état civil, il apparaît néanmoins nécessaire de préciser le déroulement des formalités préalables au mariage énoncées à l’article 63 du code civil.

Premièrement, le projet de loi répond aux difficultés de mise en œuvre dudit article. En particulier, comme l’ont signalé de nombreux maires, il faut préciser l’ordre dans lequel doivent être accomplies les formalités préalables au mariage. L’expérience montre par exemple que les bans sont trop souvent publiés avant que l’ensemble des formalités et vérifications préalables aient été accomplies. Or cette publication doit normalement attester que le dossier de mariage est complet et que les conditions de sa célébration sont réunies.

Il est donc proposé une nouvelle rédaction de l’article 63, qui fait apparaître plus clairement les différentes étapes qui doivent précéder la célébration, depuis la constitution du dossier de mariage jusqu’à la publication des bans.

Deuxièmement, l’identité des futurs époux doit être mieux contrôlée. Conformément à l’instruction générale relative à l’état civil, la plupart des officiers de l’état civil exigent la production d’une pièce d’identité. Toutefois, faute de disposition légale en ce sens, ceux-ci peuvent se trouver en difficulté : si les futurs époux ne défèrent pas à leur demande, ils ne peuvent pourtant refuser de célébrer le mariage, sous peine de commettre une voie de fait. Bref, on ne demande pas ses papiers à une personne qui veut se marier, la loi ne l’ayant pas prévu.

C’est pourquoi le texte fait désormais de l’obligation de présenter une pièce d’identité officielle une exigence légale : c’est bien le moins !

Troisièmement, le projet de loi s’attache à rendre effective l’audition préalable des futurs époux. Dans le prolongement des dispositions introduites par le Parlement dans la loi relative aux violences conjugales afin de lutter contre les mariages forcés, il est proposé notamment que le futur conjoint mineur soit auditionné seul, ce qui lui permettra de s’exprimer plus librement. À cet égard, je vous précise qu’en dépit de l’élévation à dix-huit ans de l’âge minimal du mariage pour les filles, cette mesure conservera toute sa pertinence, surtout dans l’hypothèse des mariages mixtes : certaines législations étrangères ayant maintenu la possibilité du mariage des mineures, nos officiers de l’état civil seront encore amenés à procéder à de telles auditions.

Au-delà de ce cas spécifique, le Gouvernement répond aux difficultés exprimées par les officiers de l’état civil quant à la réalisation de cette audition en principe obligatoire, mais à laquelle, trop souvent, ils ne peuvent procéder, notamment en raison de l’éloignement géographique du futur époux. C’est pourquoi, comme l’a demandé votre commission, l’officier de l’état civil du lieu de célébration doit pouvoir déléguer cette audition à l’agent diplomatique ou consulaire lorsque le futur époux réside à l’étranger, et réciproquement, lorsque le mariage est célébré à l’étranger.

Votre commission a par ailleurs proposé de compléter l’article 63 afin d’y faire également figurer la possibilité, pour le maire ou le consul, de déléguer l’audition à un fonctionnaire titulaire du service de l’état civil. Cette disposition avait été adoptée dans le cadre de la loi sur les violences conjugales. Vous connaissez les réticences que j’avais alors exprimées ici même : l’audition participe en effet du consentement à mariage, dont il revient à l’officier de l’état civil de s’assurer. Je comprends toutefois les raisons qui ont conduit le Parlement à adopter cette mesure. Je ne m’y opposerai donc pas, dès lors que la possibilité de délégation est limitée aux fonctionnaires titulaires du service de l’état civil. Cette prise en compte de la réalité du terrain trouvera, j’en suis certain, un prolongement efficace dans la systématisation des auditions.

Quatrièmement, le pouvoir d’opposition du ministère public, institué par la loi du 30 décembre 1993, doit être conforté. Actuellement, cette opposition est automatiquement caduque au bout d’un an. Il revient donc au procureur de la renouveler si les candidats au mariage maintiennent leur projet après ce délai. Plusieurs d’entre vous ont légitimement souligné que cette règle profite aux fraudeurs. Le projet prévoit donc que l’opposition du parquet continuera à produire effets tant que les intéressés n’auront pas obtenu du tribunal une décision en ordonnant la mainlevée.

J’en viens maintenant aux dispositions concernant les mariages contractés par les Français à l’étranger, qui constituent l’essentiel de ce projet de loi.

À l’heure actuelle, le contrôle de ces mariages s’exerce a posteriori, c’est-à-dire à l’occasion de la demande de transcription sur les registres de l’état civil. Ce dispositif présente deux inconvénients majeurs. D’abord, la transcription n’étant pas obligatoire, sauf lorsque le conjoint étranger souhaite obtenir un titre de séjour ou la nationalité française, les époux peuvent faire produire à leur mariage tous les autres effets prévus par la loi. C’est ainsi, par exemple, qu’ils peuvent bénéficier des avantages fiscaux accordés aux couples mariés sans que leur union ait fait l’objet du moindre contrôle quant à sa validité. Ensuite, le délai qui s’écoule entre le mariage et la demande de transcription ne permet pas toujours de procéder aux vérifications nécessaires. La procédure actuelle est donc très favorable aux fraudeurs. C’est pourquoi il convient que le contrôle de la validité du mariage puisse s’exercer en amont, c’est-à-dire avant même la célébration. Surtout, tant qu’il n’a pas été transcrit, le mariage contracté devant une autorité étrangère ne doit pas produire tous ses effets en France.

Le projet de loi introduit dans le code civil un nouveau chapitre, intitulé « Du mariage des Français à l’étranger », entièrement consacré à cette question, dont je rappellerai les principales dispositions.

D’abord, le projet confirme l’obligation, pour les Français envisageant de se marier à l’étranger devant une autorité étrangère, de solliciter auprès du consulat ou de l’ambassade la délivrance d’un certificat de capacité à mariage. Cette obligation figure déjà dans un décret du 19 août 1946, mais n’est que rarement respectée car aucune sanction n’y est attachée. Désormais, les intéressés devront, comme si le mariage était célébré en France, remettre un dossier, être auditionnés par l’officier de l’état civil et faire procéder à la publication des bans. Si le projet de mariage ne remplit pas les conditions de validité posées par notre droit, le parquet pourra s’y opposer. En outre, cette obligation de fournir un certificat de capacité à mariage est assortie d’une conséquence importante : sans ce certificat, la transcription du mariage sera rendue plus difficile.

À cet égard, le projet de loi distingue très clairement les trois hypothèses susceptibles de se présenter, pour apporter à chacune une réponse graduée.

Dans la première hypothèse, les époux ont obtenu le certificat de capacité à mariage. Dès lors, la transcription leur sera en principe acquise puisqu’ils bénéficieront d’une présomption de bonne foi. Certes, le parquet disposera toujours de la possibilité de s’y opposer si des éléments nouveaux le justifient. Mais, à défaut d’une action engagée en ce sens dans un délai de six mois, la transcription sera de droit.

Dans la deuxième hypothèse, le certificat de capacité à mariage n’a pas été délivré, car le parquet s’est opposé au mariage, mais les époux se sont quand même mariés devant l’autorité étrangère. Ce cas de figure ne manquera pas de se présenter. En effet, la possibilité des autorités françaises d’empêcher la célébration du mariage par une autorité étrangère est limitée par le principe d’indépendance souveraine des États. Toutefois, dans ce cas, les époux ne pourront pas faire transcrire directement leur mariage. Il leur appartiendra en effet d’obtenir préalablement du tribunal la mainlevée de l’opposition du parquet.

Dans la troisième hypothèse, les époux se sont mariés sans avoir accompli les démarches préalables à la délivrance du certificat de capacité à mariage. La demande de transcription donnera alors obligatoirement lieu à une audition, et, en cas de doute sur la validité de l’union, le parquet devra se prononcer à la demande de l’officier de l’état civil consulaire. Dans cette hypothèse extrême, les époux ne bénéficiant plus de la présomption de bonne foi, la transcription ne leur sera pas acquise de droit à l’expiration du délai de six mois. Il leur appartiendra alors de saisir le tribunal pour obtenir une décision en ce sens.

Ce nouveau dispositif rétablit l’égalité entre les Français qui se marient à l’étranger et ceux qui se marient en France, en subordonnant la délivrance d’un acte de l’état civil français à des vérifications préalables, quel que soit le lieu où le mariage a été célébré. En outre, il sera particulièrement dissuasif à l’égard des Français qui entendent se marier à l’étranger en toute connaissance de l’irrégularité de leur démarche. En effet, seuls les mariages transcrits seront désormais opposables aux tiers. Cette règle nouvelle, qui généralise les dispositions actuellement applicables au droit au séjour et à la nationalité, permettra aux seuls époux ayant obtenu la transcription de leur mariage sur les registres de l’état civil français de s’en prévaloir auprès de l’administration. Il s’agit d’une mesure essentielle, car elle est de nature à priver de tout intérêt la conclusion d’un mariage irrégulier hors de nos frontières.

Sur ce point, votre commission propose des éclaircissements judicieux. Elle suggère d’indiquer que si le mariage a été valablement célébré, il peut produire des effets entre les époux et à l’égard des enfants. Je suis favorable à cette précision, qui renforce la sécurité juridique.

Le dernier volet du projet de loi tend à modifier l’article 47 du code civil afin de simplifier la procédure de vérification des actes de l’état civil établis à l’étranger. Cette modification est indispensable. Le dispositif actuel, introduit par la loi du 26 novembre 2003, a eu le mérite de donner aux administrations le pouvoir de surseoir au traitement d’une demande pour faire vérifier l’authenticité de l’acte d’état civil étranger produit à l’appui de celle-ci. Cette procédure était fondée sur un constat de bon sens : l’absence de fiabilité de l’état civil dans de nombreux États. Malheureusement, le mécanisme mis en place en 2003 s’est avéré très lourd, ce qui a contribué à son échec et a finalement permis aux fraudes de se perpétuer.

C’est pourquoi une simplification de l’article 47 s’impose, par la suppression du mécanisme de vérification judiciaire existant. Après avoir énoncé le principe de la valeur probante attachée aux actes d’état civil faits à l’étranger conformément aux lois et formes qui y sont en vigueur, le nouvel article 47 prévoit leur éviction s’ils sont irréguliers ou frauduleux, le cas échéant après toutes vérifications utiles, notamment auprès des autorités consulaires compétentes. Un décret précisera les modalités d’application de ce nouveau dispositif, afin de laisser à l’administration un délai suffisant pour se prononcer lorsqu’elle devra procéder à des vérifications auprès d’une autorité étrangère.

Mesdames, messieurs les députés, au terme de cette présentation générale, je voudrais insister sur l’importance du débat d’aujourd’hui. Vous abordez un texte qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens et entend lutter contre les dérives dont l’institution fondamentale du mariage fait l’objet.

Le texte que vous propose le Gouvernement, amendé par votre commission des lois, me paraît instaurer un dispositif cohérent et abouti. Il préserve les principes généraux de notre droit, au rang desquels figurent la liberté du mariage et l’égalité de tous devant la loi.

M. Jean-Pierre Blazy. Pas sûr ! Nous en parlerons !

M. le garde des sceaux. Je remercie votre commission des lois, et en particulier son président, M. Philippe Houillon, son rapporteur, M. Patrick Delnatte, empêché aujourd’hui et suppléé par M. Guy Geoffroy, dont le travail rigoureux et constructif a permis d’apporter au texte les améliorations nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, suppléant M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ma présence à cette tribune est due à l’absence, bien involontaire et tout excusée, de Patrick Delnatte. Notre collègue a, pendant de longs mois, travaillé très assidûment et sérieusement à la préparation de son rapport, dont chacun pourra apprécier la qualité à travers mon intervention. C’est bien volontiers que j’ai accepté de le remplacer. Je tiens à le remercier de sa confiance et à le féliciter de l’implication dont il a fait preuve, que nous pourrons apprécier lors de l’examen du texte en deuxième lecture.

La question des mariages de complaisance, dans le paysage actuel de notre pays, n’est pas neutre. Les données statistiques qui s’y rattachent nous invitent à y réfléchir. Ce n’est certes pas la première fois que nous nous en préoccupons. Il y a douze ans, lors de l’examen de la loi de 1993, un dispositif législatif avait été mis en place pour lutter contre les mariages de complaisance. Ce dispositif avait été renforcé en 2003 par la loi relative à l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Face à la recrudescence des mariages de complaisance, les officiers d’état civil et la société française ne peuvent manquer d’être interpellés par l’utilisation à des fins totalement étrangères à son objet d’une institution qui, même si elle a été chahutée à certaines époques, reste, au cœur de notre République, un des éléments fondateurs de la stabilité de la société. Chacun ici connaît les articles 212 et 215 du code civil, surtout ceux qui procèdent en tant qu’officiers d’état civil à des mariages. L’article 212, disposant que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, et l’article 215, rappelant qu’ils s’obligent mutuellement à une communauté de vie, constituent la règle. Certes, la très grande majorité des 300 000 mariages célébrés en France et à l’étranger et concernant au moins une personne de nationalité française sont des mariages valides. Toutefois, force est de constater que ceux sur lesquels des doutes peuvent être émis et qui font l’objet de contrôles et d’annulations tendent à augmenter.

À la demande d’un de nos collègues de la commission, le Gouvernement a bien voulu me transmettre quelques chiffres qui apportent un éclairage supplémentaire. Entre 1995 et 2004, les annulations constatées ont augmenté de plus de 75 %, passant de 449 à 786. Sur 1 210 procédures engagées, 57 % l’ont été à l’initiative du ministère public et 86 % concernent des mariages mixtes. Le taux d’annulation par le juge des mariages est de 65 % : autrement dit, les deux tiers des procédures débouchent sur une annulation. C’est dire combien le fondement de cette institution du mariage, premier outil d’immigration légale dans notre pays, est remis en cause par la multiplication des unions contractées à des fins qui lui sont totalement étrangères.

Le texte qui nous est proposé est donc bienvenu. Il tend à protéger l’institution du mariage tout en respectant la liberté de se marier, en simplifiant et en rendant plus efficace la vérification de l’authenticité des actes de l’état civil de l’étranger. En renforçant les contrôles en amont de la célébration du mariage, il poursuit non seulement un objectif de protection, mais aussi de dissuasion : protection de la personne, de l’institution du mariage, de la liberté fondamentale de se marier ; dissuasion des candidats à la fraude. Si l’on compare avec les législations de nos voisins, membres de l’Union européenne, on peut constater que le texte s’inscrit dans la même perspective que les législations allemande, belge, danoise ou encore espagnole.

Les lois de 1993 et de 2003 ont apporté des améliorations considérables. Ainsi, l’audition des futurs époux avant la célébration du mariage doit permettre de s’assurer de leur libre consentement. Cette audition est en principe commune, mais peut, en cas de besoin, être séparée. Si des indices sérieux laissent supposer une irrégularité, l’officier de l’état civil peut refuser le mariage et saisir le procureur de la République, lequel peut autoriser le mariage, s’y opposer ou décider d’en reporter la célébration.

La loi de 2003 a également institué un délit spécifique de participation à un mariage de complaisance ou d’organisation ou de tentative d’organisation d’un tel mariage, puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15 000 euros.

La proposition de loi relative aux violences conjugales que nous allons, à n’en pas douter, adopter demain – le hasard de notre calendrier nous fait un clin d’œil – prévoit l’introduction de dispositions tendant à lutter contre les mariages forcés. À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté que certaines dispositions issues des travaux de la mission d’information parlementaire sur la famille aient pu être introduites. Le travail que nous avons réalisé en commun avec vos services et avec vous-même permet de garantir que chaque élément de ce grand combat en faveur de l’institution du mariage trouve sa place dans l’ensemble des deux textes.

Enfin, la loi de 2003 prévoit, en conformité avec le principe de souveraineté des États, une possibilité de contrôle de la validité des actes de l’état civil de l’étranger. Le texte d’aujourd’hui, nous le savons, va beaucoup plus loin.

Force est de constater, cependant, que tous ces outils sont encore insuffisants, comme en témoignent le nombre de filières restant à démanteler, la progression des signalements de présomption de fraudes au mariage par le ministère des affaires étrangères et la recrudescence des fraudes à l’état civil. C’est pourquoi il faut, grâce au dispositif proposé, aller de l’avant.

Il améliore la détection en amont des mariages simulés. D’abord, les formalités préalables au mariage sont précisées et complétées, afin que l’officier de l’état civil puisse saisir à temps le procureur en cas de doute sur la validité du mariage. Ensuite, les effets d’une opposition à la célébration du mariage par le ministère public sont renforcés par la suppression du régime de caducité actuellement applicable au bout d’un an.

Afin de remédier aux insuffisances actuelles qui permettent à un mariage d’un Français célébré à l’étranger de produire des effets en France sans même avoir été transcrit, l’essentiel de la réforme intervient sur les mariages célébrés à l’étranger selon les règles étrangères : les mariages contractés à l’étranger seront soumis, si le présent texte est adopté, aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que ceux contractés en France. Ainsi, un Français qui désire se marier devant des autorités étrangères devra obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage attestant qu’il a rempli les formalités requises et, notamment qu’il s’est conformé à l’obligation d’audition.

Les conditions de la transcription dépendent désormais du respect des formalités préalables au mariage. Ainsi, un mariage célébré malgré l’opposition du ministère public ne pourra être transcrit qu’après mainlevée de l’opposition qui doit intervenir dans un délai d’un mois.

Soulignons que, même s’il précise et renforce la lutte contre les mariages de complaisance, le projet de loi ne remet nullement en cause la liberté de se marier, protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne des droits de l’homme. C’est un principe fondamental qui a été réaffirmé par le Conseil constitutionnel lors de son examen des lois de 1993 et de 2003.

Le projet de loi supprime, par ailleurs, la procédure de sursis administratif et de vérification judiciaire des actes de l’état civil étranger, introduite par la loi du 26 décembre 2003. Ainsi l’autorité administrative destinataire d’un acte étranger pourra-t-elle le rejeter s’il est irrégulier ou frauduleux après avoir, le cas échéant, procédé aux vérifications nécessaires.

Le texte qui nous est présenté représente un juste équilibre entre la liberté fondamentale de se marier et l’impérieuse nécessité de protéger l’institution du mariage des détournements dont elle fait l’objet.

« Respect » en est le maître mot. D’ailleurs, nous allons le faire figurer demain, dans le cadre de l’examen du texte tendant à accroître la prévention et la lutte contre la violence au sein du couple, dans l’article 212 du code civil. En effet, sans respect dès l’origine du lien qui va se nouer entre les futurs époux, sans respect de la loi et sans respect d’un pays à l’autre de ce qui fait la validité d’un engagement pris à l’étranger, il ne saurait y avoir d’institution du mariage digne de ce nom. Nous devons protéger cette institution et la promouvoir. Grâce à ce texte, c’est la voie que nous prenons, avec efficacité. La commission des lois invite donc notre assemblée à l’adopter, assorti des quelques modifications qu’elle a adoptées et que le Gouvernement a, je le sais, acceptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages. A sa lecture, on se rend compte que son titre est fort peu adapté à son objet, qui est, en réalité, le contrôle des mariages mixtes effectués à l’étranger à des fins de maîtrise des flux migratoires.

Votre objectif avoué est de lutter contre l’utilisation détournée du mariage à des fins migratoires. Il ne s’agit pas, bien évidemment, pour nous comme pour vous, de faire preuve, en la matière, de laxisme ou d’angélisme. Le phénomène est réel. Personne ne peut le nier. Il faut lutter contre le détournement de l’institution du mariage.

Pourtant, ce nouveau texte, qui concerne à la fois les mariages en France et à l’étranger, sonne avant tout comme un aveu d’échec de la loi de 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Destinée à « rendre plus efficace le dispositif de lutte contre les mariages frauduleux ou de complaisance qui peuvent être conclus par des étrangers dépourvus de titres de séjour», elle visait à rendre les mariages de complaisance moins attrayants en allongeant la durée de communauté de vie exigée pour l’obtention de la carte de résident et en renforçant le contrôle des mariages mixtes.

Certes, la plupart des décrets d’application n’ont été publiés qu’en 2005 – quand ils l’ont été. L’arsenal juridique actuel semble suffisant, mais, pour des raisons électorales, à l’approche des échéances de 2007, vous préférez présenter un nouveau texte modifiant des dispositions à peine mises en application.

Vous nous expliquez, monsieur le garde des sceaux, que, de 1999 à 2003, le nombre de mariages célébrés en France entre un Français et un étranger a crû de 62 % : on comptait 50 000 mariages de ce type en 2003, pour 45 000 célébrés à l’étranger.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Ce sont les chiffres !

M. Jean-Pierre Blazy. Pourtant, le doublement des mariages effectués à l’étranger, que vous stigmatisez,…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Nous ne stigmatisons rien du tout !

M. Jean-Pierre Blazy. … même s’il recouvre des cas de fraude – qu’il n’est pas question, encore une fois, de nier –, n’est pas forcément aussi suspect que vous le dites. Dans son rapport d’évaluation de l’application de la loi de 2003 qu’il a présenté récemment, Thierry Mariani explique pourtant qu’il faut garder à l’esprit que « les mariages purement frauduleux […] sont minoritaires et n’expliquent pas à eux seuls l’augmentation importante des mariages mixtes ».

Vous ne faites pas preuve de la même prudence dans votre interprétation des chiffres, monsieur le garde des sceaux. Il faut également tenir compte de la mondialisation et du développement des échanges. Deux millions de Français vivent à l’étranger, et l’on estime à 8 % de la population le taux de ressortissants étrangers vivant en France. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte : elle explique en partie l’accroissement important – et inévitable – du nombre de mariages mixtes.

De nouvelles pratiques sociales expliquent aussi ce phénomène, même si des cas de fraude, et même de trafic, existent. Gardons-nous donc d’une interprétation péremptoire des statistiques, celles-ci demeurant d’ailleurs opaques et partielles.

Nous avons du mal, monsieur le garde des sceaux, à suivre votre raisonnement lorsque vous rapprochez le nombre de mariages mixtes de celui des enfants nés de couples mixtes, car vous le faites sur le seul territoire national. Vous rapprochez, en fait, des données qui ne sont pas comparables.

C’est la preuve, selon vous, que le mariage est « utilisé à des fins étrangères à l’instauration d’un lien conjugal et à la fondation d’une famille ». Or vous rapprochez le nombre total des mariages mixtes en France et à l’étranger de celui des enfants nés de couples mixtes sur le seul territoire national.

Faute grossière – la juxtaposition de ces deux statistiques ne devrait pas vous permettre de tirer des conclusions aussi inattendues – ou manipulation ?

M. Serge Blisko. Manipulation !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous semblez regretter que les couples mixtes ne donnent pas naissance à suffisamment d’enfants. Mais votre majorité a toujours été la première à alimenter l’idée reçue selon laquelle les étrangers ont une fécondité envahissante, alors même qu’elle a fortement chuté en Europe du Sud et plus encore au Maghreb, où elle est tombée de sept enfants par femme en 1970 à près de 2,5 aujourd’hui.

Une chose est sûre : la Chancellerie ne communique pas sur le sujet des mariages blancs, des mariages de complaisance. Bien que je vous aie interrogé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, je n’ai toujours pas reçu de réponse claire. Vous gardez secrètes deux études de votre ministère, l’une concernant les oppositions au mariage avec un étranger, l’autre les annulations de mariage avec un étranger. Leurs conclusions seraient-elles dérangeantes ? Pour ma part, j’estime que la représentation nationale devrait disposer de tous les éléments utiles pour légiférer.

M. Serge Blisko. Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy. Notre rapporteur, M. Delnatte, a eu la sagesse, dans son rapport, de ne pas reprendre votre raisonnement hasardeux – sans pour autant développer une argumentation à même de nous convaincre totalement. Il explique que, selon les chiffres dont nous disposons, sur 45 000 mariages mixtes célébrés à l’étranger, les services consulaires n’ont saisi le Parquet de Nantes que pour 1 733 affaires et que, selon les années, 32 % à 53 % des affaires ont débouché sur une assignation. Nous avons dû attendre la réunion de la commission des lois juste avant cette séance pour obtenir, partiellement, les chiffres que nous réclamions. M. Geoffroy nous les a donnés, mais je voudrais les commenter.

En 2004, il y a eu, selon la Chancellerie, 786 décisions d’annulation de mariages. Je pose donc la question, à laquelle je voudrais une réponse : sur ce nombre, combien de mariages mixtes et combien de mariages mixtes à l’étranger ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. 86 % !

M. Jean-Pierre Blazy. Des données précises nous sont indispensables, car nous ne pouvons pas légiférer à partir de fantasmes. À s’en tenir aux assignations en 2004, moins de 2 % des mariages mixtes seraient des mariages frauduleux.

M. le garde des sceaux. Ce n’est même pas la question ! Ce n’est pas un problème de chiffres, mais de principe !

M. Jean-Pierre Blazy. Encore une fois, nous ne nions pas que puissent exister des fraudes et des mariages frauduleux qu’il faut combattre. Mais pourquoi chercher à tromper la population sur l’ampleur du phénomène ? Vous jouez sur les peurs. L’immigration pour motif familial, dont le regroupement familial n’est qu’un des aspects, est en régression, vous le savez bien. Du reste, ce n’est pas en contrôlant la validité des mariages que l’on résoudra ce problème.

Par ailleurs, la France est, selon l’Institut national des études démographiques, le pays d’Europe où la croissance démographique dépend le moins de l’immigration – seulement 40 % de l’accroissement de la population, ce qui place la France dans les derniers pays d’Europe par l’importance de l’immigration.

M. François Héran, démographe de l’INED, note : « L’immigration n’est pas massive, elle n’est pas majoritairement clandestine, elle n’est ni prolifique ni misérable, et pas davantage insaisissable. »

De manière coupable, vous vous plaisez à conforter des idées reçues contraires à la réalité. La Commission nationale consultative des droits de l’homme s’est émue de la progression inquiétante des sentiments racistes en France depuis un an.

N’avez-vous pas l’impression, monsieur le garde des sceaux, de souffler sur les braises ? Vous jouez avec les peurs.

M. Serge Blisko. C’est fait pour cela !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce projet de loi est une première étape avant l’examen du texte sur l’immigration promis par Nicolas Sarkozy, qui sera censé promouvoir une immigration choisie.

Votre but est bien de faire place nette, de limiter l’immigration familiale pour pouvoir envisager, sans trop gonfler les chiffres, l’arrivée de l’immigration de travail sélectionnée chère à votre collègue.

L’État ne peut pourtant pas se transformer en agence matrimoniale, ni vous, monsieur le ministre, en conseiller conjugal pour flatter une partie de votre électorat au risque de tout mélanger : validité des mariages, mariages blancs, mariages forcés.

Il faut être clair : soit nous traitons de la validité des mariages quelle que soit la nationalité, soit nous traitons de la question du contrôle des flux migratoires. Le flou entretenu entre les deux est préoccupant puisque vous vous servez du contrôle de la validité des mariages comme d’un outil de contrôle de l’immigration.

Vous souhaitez empêcher le détournement du mariage, mais en réalité c’est vous qui détournez cette vénérable et fondamentale institution. Nous ne contestons pas qu’il existe des abus, mais il est en revanche faux de prétendre que le mariage est la voie privilégiée d’entrée sur le territoire français.

Si le mariage est parfois détourné – et il faut lutter contre ces détournements –, il est faux de prétendre que le mariage avec un conjoint français conduit à l’acquisition automatique d’un titre de séjour et encore moins de la nationalité française. Il est mensonger de dire que le statut de conjoint « ouvre un droit quasi automatique à l’accès à la nationalité », comme l’affirmait M. le ministre des affaires étrangères dans une réponse publiée au Journal officiel du 28 février dernier à une question écrite de M. Jean-Luc Warsmann.

Depuis la loi de 2003, les critères d’acquisition de la nationalité par le mariage sont presque aussi stricts que ceux de la naturalisation. Pour les conjoints de Français, le délai de communauté de vie a été porté à deux ans et la nouvelle loi sur l’immigration, que nous devons examiner bientôt, projette même de le porter à quatre ans.

Enfin, l’acquisition de la nationalité par mariage peut être simplement rejetée pour défaut d’assimilation, indignité ou connaissance insuffisante de la langue française. Il existe donc, vous le voyez, des garde-fous importants.

En 2004, 34 440 étrangers ont acquis la nationalité française par le mariage ; cela représente deux fois moins que les 75 753 personnes qui ont été naturalisées. Il faut donc relativiser le détournement du mariage par rapport aux autres modes d’acquisition de la nationalité.

Être marié à un conjoint Français n’ouvre pas non plus de droit automatique à l’obtention d’un titre de séjour sur le territoire français. Bien au contraire, les conditions sont de plus en plus restrictives. Dans les faits, le bénéfice à tirer d’un mariage avec un Français est beaucoup moins évident que ce que vous essayez de nous faire croire.

De plus, la plupart des étrangers se mariant en France possèdent déjà un titre de séjour puisque, à défaut, ils courent un risque important d’arrestation et d’expulsion. La procédure de mariage, de fait, sert de plus en plus à contrôler la régularité du séjour des étrangers.

Il ne s’agit pas de nier que les règles du mariage sont parfois détournées de leur objet à des fins migratoires. Pourtant, les dispositions en vigueur sont assez restrictives. Le mariage avec un Français est loin d’équivaloir à l’acquisition automatique de la nationalité ou d’un titre de séjour.

Dans votre exposé des motifs, vous déclarez : « Il est inacceptable dans notre société que des jeunes filles soient mariées de force aux seules fins de permettre à leur conjoint de bénéficier de l’application de la loi française. » Les mariages forcés sont et seront toujours trop nombreux et inacceptables. Nous avons pourtant le sentiment que cet objectif n’est ici qu’un alibi et que votre projet de loi n’apportera pas d’efficacité supplémentaire dans la lutte contre ces pratiques intolérables.

Pourquoi légifère-t-on une fois de plus dans ce domaine, alors que nous allons adopter demain définitivement la proposition de loi relative à la lutte contre les violences conjugales ?

La Commission consultative des droits de l’homme affirme que la lutte contre les mariages forcés « ne doit pas pour autant conduire à jeter la suspicion sur certaines catégories de population et laisser penser que tout mariage d’une personne entrant dans l’une de ces catégories devrait a priori ou a posteriori faire l’objet d’un contrôle particulier quant à la réalité de son consentement ». Je ne suis pas sûr, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez évité cet écueil.

De toute façon, tel n’est pas votre propos. En réalité, la loi consiste à transférer aux consulats la charge de veiller à la lutte contre les mariages frauduleux sans transfert de moyens, une fois de plus sans créer de postes de magistrats à Nantes.

D’ores et déjà, la loi du 26 novembre 2003 a chargé les services consulaires d’entendre les futurs époux avant de célébrer leur mariage dès lors qu’il existait un doute sur la réalité de leur consentement. Mais vous voulez aller plus loin. Il existait pourtant d’autres solutions.

Pourquoi ne pas imaginer un mariage dans les consulats au-delà des pays déterminés par décret ? Dans sa réponse à M. Warsmann, que j’ai citée tout à l’heure, M. le ministre des affaires étrangères, que M. le président de la commission n’a pas jugé utile d’auditionner – on se demande bien pourquoi d’ailleurs –, estimait « nécessaire que nos consulats, situés aux avant-postes de la lutte contre l’immigration illégale, soient dotés de moyens correspondant à l’importance des tâches qui leur sont dévolues ». On ne peut que rester sceptique devant de telles affirmations quand on connaît la réalité des moyens dont disposent la plupart des consulats, spécialement depuis la rationalisation décidée par le Quai-d’Orsay et la fermeture de nos représentations diplomatiques dans de nombreux pays.

Le projet de loi prévoit de faciliter la réalisation des auditions et de les rendre obligatoires. La charge de travail des services consulaires va, bien évidemment, s’en trouver alourdie de manière considérable.

Les consulats n’auront pas les moyens de réaliser ces contrôles et risquent de s’opposer systématiquement dans le doute. Ces autorités n’auront pas de pouvoir d’investigation réel. Le cadre de la tolérance conseillée sera, à n’en pas douter, précisé par voie de circulaire.

Les délais vont encore s’allonger. Les effectifs sont déjà bien en deçà des besoins. Quels engagements avez-vous obtenus, monsieur le garde des sceaux, de la part de votre collègue des affaires étrangères sur ce point ? Combien d’équivalents temps plein supplémentaires sont prévus, quelles créations de postes et quels redéploiements, à quels endroits ? Les consulats semblent déjà avoir particulièrement peu de moyens en Afrique subsaharienne, alors qu’il s’agit de pays à forte émigration. Cela n’est pas pour nous rassurer. Nous attendons des réponses précises à ces questions essentielles.

J’en arrive maintenant à la seconde partie de mon intervention, dans laquelle je vais examiner le dispositif juridique proposé et montrer que, par bien des aspects, sa constitutionalité pose problème.

Nous savons que la fraude existe, mais le mariage doit d’abord – c’est le Conseil constitutionnel qui le dit – être considéré comme une liberté, et non comme un outil de régulation de l’immigration. La jurisprudence en la matière est constante.

Le Conseil le rappelle dans sa décision du 13 août 1993 : « Le législateur peut prendre à regard des étrangers des dispositions spécifiques, mais il lui appartient de respecter les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. […] Figurent parmi ces droits et libertés [...] la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale. [...] Ils doivent bénéficier de recours assurant la garantie de ces droits et libertés. »

Le Conseil constitutionnel a encore rappelé en 2003, dans des termes identiques, que le simple fait d’être un étranger en séjour irrégulier n’est pas suffisant pour suspecter un mariage de complaisance. Or l’exigence d’une pièce d’identité sera le moyen détourné et commode d’exiger de l’étranger qui se marie un titre de séjour ou de résident ; cette pratique est d’ores et déjà contraire au principe de la liberté de mariage.

Pourtant, si les dispositions de votre texte concernant les mariages entre un conjoint français et un étranger célébrés en France consistent essentiellement à réécrire le code civil, une disposition doit retenir notre attention. Celle qui prévoit que les futurs époux devront justifier de leur identité « au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ». Quelle sera cette pièce ? Le titre de séjour, évidemment !

Le Conseil constitutionnel a toujours considéré que la liberté de mariage ne saurait être subordonnée à la situation administrative de la personne. Qu’on l’approuve ou non, c’est illégal. Le Conseil est clair : un mariage conclu avec une personne en situation irrégulière n’est pas automatiquement frauduleux. Il l’a rappelé en 2003.

En outre, pour les mariages conclus à l’étranger vous montez un nouveau dispositif qui se révèle être une véritable usine à gaz. Vous multipliez les contrôles a priori, sur lesquels nous sommes d’accord à condition que les auditions ne se répètent pas à l’infini. Vous ajoutez aussi des contrôles a posteriori, sur lesquels nous nous posons beaucoup de questions, car ils s’ajoutent à la possibilité déjà existante de demander l’annulation du mariage, et ce pendant trente ans.

Première conséquence : des délais excessifs, et donc anticonstitutionnels. Faut-il vous rappeler qu’en 2003 le Conseil a validé les dispositions de la loi Sarkozy relative à l’immigration sur le contrôle a priori des mariages célébrés en France parce que les délais de l’ensemble de la procédure n’excédaient pas deux mois et quinze jours – deux mois pour le procureur et quinze jours pour le tribunal ?

Or, lorsqu’il s’agit d’un mariage à l’étranger, le temps de la procédure consulaire risque, quel que soit le consulat, de s’élever à plusieurs mois, qui viendront aggraver les délais prévus, lesquels sont déjà à la limite de ce qui est acceptable d’un point de vue constitutionnel. Au total, plusieurs années pourront même s’écouler entre le dépôt d’un dossier complet au consulat et sa prise d’effet en France. C’est inadmissible.

Vous instaurez un véritable parcours d’obstacles pour les candidats au mariage à l’étranger, spécialement quand l’un des deux époux n’est pas français. Il est certain que la multiplication des obstacles vise à dissuader le mariage – nous l’avons bien compris.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Le mariage blanc !

M. Jean-Pierre Blazy. Or, monsieur le garde des sceaux, le Conseil constitutionnel a déjà condamné la dissuasion au mariage lorsqu’elle est organisée. Êtes-vous sûr d’avoir évité cet écueil ?

Plus grave, les nouveaux mécanismes que vous prévoyez entachent également le projet qui nous est proposé d’anticonstitutionalité parce qu’ils sont arbitraires. Les candidats au mariage qui seront contrôlés vont ignorer les faits qui leur seront reprochés. Seule est prévue en effet leur qualification juridique, d’où l’impossibilité pour eux de se défendre efficacement. On demande par ailleurs aux consulats de détecter les mariages abusifs en faisant part au procureur de Nantes de leurs simples soupçons. Lequel va alors les charger d’enquêter sur les faits qu’ils ont dénoncés, et cela sans limitation de durée. Pensez-vous que l’administration soit prête à se déjuger elle-même ? Ce sera un contrôle à charge uniquement, sans contre-pouvoir.

Certes, en dernier recours et à tout moment, le tribunal de grande instance ou son président peuvent intervenir. Mais au bout de combien de temps, et à quel prix ? Trouvez-vous normal d’instaurer une sorte de mariage judiciaire pour les Français de l’étranger ? Je vous demande de réfléchir à cette question.

Quant aux intéressés, candidats au mariage ou mariés, ils devront prouver leur bonne foi sans même avoir en main la totalité des éléments de fait qui leur sont reprochés. Vous avez beau dire, il y aura bel et bien renversement de la charge de la preuve. La liberté ne se motive pas. Or le mariage est une liberté.

Votre système n’est pas seulement long, onéreux, dissuasif ; il crée une catégorie inédite de mariage : le mariage sans effet. Alors que l’action en nullité est possible à condition de disposer de preuves, il lui est préféré ici une procédure fondée sur le soupçon sans preuve, qui, aggravée par les problèmes de délais, peut aboutir à priver le mariage de ses effets en France.

Vous créez de fait une action en nullité a minima sans garantie. Les six mois de délai laissés au procureur pour se prononcer n’ont pas de sens dès lors que des éléments nouveaux postérieurs au mariage peuvent intervenir et faire courir de nouveaux délais. Concrètement, cela signifie que, pendant ces délais, la France ignorera le mariage de l’un de ses ressortissants, lui refusera le droit à une vie familiale, garantie par la Déclaration des droits de l’homme et reconnue par la Convention européenne des droits de l’homme, appartenant au bloc de constitutionnalité. C’est aussi méconnaître dans les faits le droit au divorce. C’est donc absurde.

Il y a encore pire, monsieur le garde des sceaux.

On pourra même refuser, sur simple suspicion, l’inscription dans les registres de Nantes de l'ensemble des actes de l'état civil, dont l'acte de filiation, sans même qu'un magistrat, gardien des libertés, puisse s'y opposer. Autrement dit, l'enfant d'un Français ou d'une Française ne pourra pas prouver sa filiation par le mariage de ses parents simplement parce que le pays où il est né pâtira d'une mauvaise réputation et figurera sur la liste noire d'une administration. Le seul recours sera pour lui et ses parents le tribunal de grande instance.

Au total, cette architecture aboutit à créer des inégalités entre citoyens français. En voulant établir une règle différente dès lors que le mariage concerne un étranger, le texte prend aussi le risque de restreindre l'exercice des droits des Français. Les Français désireux de se marier avec un étranger sont de facto moins libres que les autres de choisir leur conjoint. En édictant des règles plus sévères dès lors qu'il s'agit du mariage avec un étranger, on atteint de la même façon les droits du conjoint de nationalité française.

Enfin, la France est engagée non seulement par des conventions bilatérales, qui peuvent être facilement renégociées, mais aussi par des conventions internationales. La convention de 1978 sur la célébration et la reconnaissance des mariages précise quant à elle que si les conditions de fond sont réunies – consentement, publicité, absence d'inceste – le mariage doit être célébré.

Je pense aussi à la Convention des Nations unies sur le mariage, entrée en vigueur le 15 décembre 1964, selon laquelle tous les mariages devront être inscrits sur un registre officiel et ne peuvent être suspendus sur simple suspicion.

Nous le voyons, ce texte ne manquera pas d'intéresser le Conseil constitutionnel. Les précautions suspicieuses qui sont les vôtres risquent également d'être balayées par n'importe quel tribunal français en vertu du principe de la supériorité du droit international. La représentation nationale est appelée à légiférer pour l'affichage politique, et non pas pour dire le droit !

M. Serge Blisko. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Blazy. En conclusion, vous nous présentez un texte attentatoire aux libertés et contraire à nos engagements internationaux.

M. Serge Blisko. C’est dommage !

M. Jean-Pierre Blazy. Non fondé en droit, ce texte n'en est pas moins contre-productif au regard même de ses propres objectifs, à savoir la lutte contre l'immigration.

M. le garde des sceaux. Vous devez parler d’un autre texte !

M. Jean-Pierre Blazy. Évidemment, la fraude existe. Nous avons du mal à la chiffrer, mais, en tout état de cause, elle doit être combattue, personne ne le conteste.

Mais, à trop vouloir mettre des obstacles aux unions mixtes, vous allez en réalité immanquablement provoquer une immigration clandestine d'un nouveau type. Vous allez à l’encontre de ce que vous recherchez. Nul doute que les conjoints n'ayant pas pu parvenir au bout du parcours du combattant que devient la transcription se rejoindront quand même sur le territoire national. Vous serez contraints d'en tenir compte et de procéder à des régularisations massives. Ce sera le mauvais résultat d'une mauvaise politique.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de réfléchir et de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur Blazy, j’aurais pu ne pas vous répondre car j’ai le sentiment que vous parliez d’un autre texte. Contrairement à ce que vous affirmez, ce projet de loi ne vise pas à limiter l’immigration. En revanche, vous aurez, sur ce sujet, l’occasion d’exercer vos poumons à l’occasion de l’examen du texte que déposera M. le ministre d’État, et qui, lui, comportera une disposition qui rendra plus difficile l’acquisition de la nationalité par mariage ; de trois à quatre ans actuellement, le délai pour son obtention passera à quatre ou cinq ans.

Mais le présent projet de loi, s’il a des effets sur l’immigration, n’a pas du tout cette finalité. Il s’agit de rétablir la symétrie entre ceux qui se marient en France et ceux qui se marient à l’étranger. Le reste relève du discours politique !

M. Dino Cinieri. Tout à fait !

M. le garde des sceaux. Vous vous êtes trompé de discours, monsieur Blazy, mais vous pourrez le prononcer lors de la discussion du projet de M. le ministre d’État : il sera plus approprié. Pour l’instant, vous êtes hors sujet.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas sérieux !

M. le garde des sceaux. L’inconstitutionnalité que vous dénoncez ne concerne pas ce texte, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je recommence alors ?

M. le garde des sceaux. Au moment de l’examen du texte de M. Sarkozy !

M. Serge Blisko. Oui, nous reviendrons à la charge !

M. le garde des sceaux. S’agissant des chiffres, nous n’avons pas de rapports cachés : si les rapports sont validés, les chiffres sont contrôlés et ils sont publiés. Si les chiffres ne sont pas validés, ils ne sont pas publiés.

M. Jean-Pierre Blazy. Que signifie « validés » ?

M. le garde des sceaux. Selon vous, 1 700 signalements, cela ne suffit pas pour faire la loi. Mais la loi porte sur les principes : mêmes obligations en France, mêmes obligations à l’étranger. Si vous estimez que 1 700 signalements, c’est insuffisant, le texte vous donnera satisfaction, car, lorsqu’il y aura audition des candidats au mariage, il est bien évident que l’on décèlera bien plus de gens qui se servent du mariage à d’autres fins. Dans ces conditions, vous voterez peut-être le projet ou alors vous n’êtes pas cohérent avec votre critique qui semblait fondamentale il y a encore quelques instants.

Vous avez rappelé la règle constitutionnelle selon laquelle un mariage conclu avec un étranger en situation irrégulière ne peut être interdit : le projet de loi ne la remet pas en cause. S’agissant de l’exigence de la production d’une pièce d’identité, songez que l’on ne peut aujourd’hui demander une pièce d’identité à une personne souhaitant se marier. Qui peut soutenir une telle situation ?

M. Dino Cinieri. Personne !

M. le garde des sceaux. Vos collègues de l’UMP n’en revenaient pas quand j’ai fait mention de ce fait ! Vous, vous trouvez cela normal. C’est la différence entre les socialistes et l’UMP !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous caricaturez !

M. le garde des sceaux. Pas du tout ! Vous vous étonnez que l’on demande une pièce d’identité au candidat au mariage ! Êtes-vous capable de soutenir cela dans votre circonscription, monsieur Blazy ? Cela peut plaire à certains intellectuels abstraits, mais sûrement pas à l’opinion publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Bref, vous êtes toujours aussi dangereux quand il s’agit d’immigration.

M. Jean-Pierre Blazy. J’ai cru comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un texte sur l’immigration !

M. le garde des sceaux. Et malheureusement, l’expérience n’a jamais d’effet sur vous ! Vous tenez le même discours depuis vingt-cinq ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Vos arguments sont pauvres !

M. le garde des sceaux. Et si vous arrivez au pouvoir (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Surtout pas !

M. le garde des sceaux. …vous ferez une nouvelle loi sur l’immigration en nous expliquant qu’il faut bien donner des papiers à tous ces malheureux, arrivés par dizaines de milliers chez nous grâce à un faux mariage.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Vous ne répondez pas.

M. le garde des sceaux. Votre discours, monsieur Blazy, n’a pas beaucoup d’écho pour les gens de bon sens, dans cette assemblée et ailleurs.

Dans votre dernier motif d’inconstitutionnalité, vous avez rappelé le délai de deux mois retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003. C’est exactement le même délai qui est repris à l’article 171-4 du code civil. Il n’en va autrement que si l’intéressé n’a pas respecté les conditions pour conclure le mariage. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes d’accord avec l’article 171-4 et que, dans cette affaire, il n’y a rien de nouveau.

Je ne peux donc que vous encourager, mesdames et messieurs les députés, à ne pas voter une exception d’irrecevabilité qui porte peut-être sur un prochain texte mais assurément pas sur celui que je présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.

M. Serge Blisko. Je soutiens bien évidemment la motion d’irrecevabilité défendue par mon collègue Blazy. Sans être offensant, j’ai le regret de dire à M. le garde des sceaux qu’il n’a pas bien écouté l’argumentation pertinente de M. Blazy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il s’agit bien d’une rupture de droit entre des Français, selon qu’ils se marient avec un Français ou avec un étranger. C’est profondément choquant et discriminatoire par rapport à l’égalité entre les citoyens français. Ce n’est pas parce que l’on se marie ici ou là, avec telle ou telle personne, que l’on doit faire l’objet d’une enquête de suspicion.

M. Dino Cinieri. Quelle démagogie !

M. Serge Blisko. Nous avons voté une loi sur l’immigration en novembre 2003. À peine l’encre des décrets d’application est-elle sèche qu’il faut y revenir pour la compléter. Cela tourne à l’obsession, si vous me permettez ce vocabulaire médical. De plus, ce texte ne fait que compliquer les choses.

M. Blazy l’a très bien dit : il s’agit d’un détournement de procédure, car nous ne sommes pas dans le contrôle de la validité du mariage. Il s’agit, en fait, d’élever une énième barrière – illusoire, l’avenir le montrera – contre les flux migratoires.

Enfin, nous n’avons eu les derniers chiffres que dans l’après-midi, et ils sont au demeurant faibles – 1 700 signalements sur 45 000 mariages, dont 800 à 900 qui aboutissent à une annulation. Pourquoi légiférer de manière précipitée pour 800 à 900 cas, qui, de toute façon, sont déjà traités par la justice ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Inutile de légiférer dans ces conditions, car la justice fait bien son travail dans le respect de la liberté des personnes, puisqu’elle en vient à annuler 50 % des cas qui lui sont présentés.

Une fois de plus, vous entraînez notre assemblée dans un débat qui n’a pas lieu d’être. C’est donc avec détermination que nous voterons l’exception d’irrecevabilité défendue par notre collègue Jean-Pierre Blazy.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.

M. Nicolas Perruchot. Je n’ai pas été convaincu par l’exposé de notre collègue Blazy, cela pour plusieurs raisons.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Dommage !

M. Nicolas Perruchot. Lors du débat en novembre 2003 sur le projet de loi relatif à l’immigration, en particulier sur le chapitre concernant le mariage, nous avions parlé du problème posé par le texte dont nous débattons aujourd’hui, et je crois me souvenir qu’il y avait un consensus autour du problème des mariages.

Quel que soit le lieu où l’on souhaite s’unir par les liens du mariage, les règles doivent être les mêmes pour tous. Aussi, prétendre que ce texte reviendrait à légiférer sur l’immigration, régulière ou non, n’est pas convaincant. Nous devons faire face, dans nos mairies comme dans les consulats, à la recrudescence de la fraude à l’état-civil. Pour répondre à ce problème complexe, il faut pouvoir disposer de textes le plus rapidement possible. Prenons garde que les consulats ne deviennent des lieux permettant, par le biais du mariage, d’acquérir la nationalité française.

M. Jean-Pierre Blazy. On n’a pas travaillé la question.

M. Nicolas Perruchot. Il existe en France des filières qui organisent des mariages blancs. Elles agissent aussi à l’étranger, car les réseaux sont connectés. Nul doute que si nous ne légiférons pas, elles continueront à se livrer à ce business très profitable.

Pour ces raisons, le groupe UDF votera contre l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe UMP.

Mme Chantal Bourragué. Le groupe UMP ne votera pas non plus cette exception d’irrecevabilité.

Il y va du respect et de la liberté de chacun. Ce texte vise à protéger l’institution de la famille et du mariage dans notre pays et n’impose pas de contraintes supplémentaires aux personnes qui veulent se marier normalement.

Tous les maires s’interrogent sur la validité de certains mariages et sur la part qu’y prennent les filières frauduleuses.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne le nie pas !

Mme Chantal Bourragué. Loin des peurs, c’est de nos grands principes de liberté qu’il est question ici.

Ajoutons que, dans les autres pays d’Europe, des modalités comparables s’appliquent au mariage avec les étrangers depuis plusieurs années.

Cette nouvelle loi n’est pas une catastrophe, elle répond à une évolution de la société et à une exigence d’égalité pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le garde des sceaux, votre projet, à des fins de communication, vise avant tout à présenter le Premier ministre comme l’homme qui lutte contre l’immigration irrégulière. La course à l’élection présidentielle a bien commencé, avec son lot de surenchères.

Vous nous proposez de contrôler les mariages. Mais qu’évoquez-vous dès la première phrase de votre exposé des motifs ? La « lutte contre l’immigration irrégulière et les mariages forcés » ! N’y a-t-il pas un décalage entre le titre et l’objet ?

Je m’étonne par ailleurs que le Gouvernement s’empresse à nouveau de légiférer sans aucun recul. Il n’a procédé à aucune étude d’impact de la loi de 2003. Pourtant, avant de modifier ce texte, dont certains décrets n’ont été publiés qu’en 2005, il se devait de nous fournir une évaluation quantitative et qualitative de son application.

Afin de mieux mesurer l’ampleur de ce phénomène, il serait en outre souhaitable que le Gouvernement nous communique des chiffres et des évaluations. Nous ne pouvons en effet légiférer avec finesse si nous ne percevons pas la réalité avec précision. Or seuls quelques chiffres nous ont été donnés, et encore bien tardivement.

À combien évaluez-vous le nombre de mariages non consentis ou forcés et quel pourcentage concerne les mineurs ? Combien de mariages sont célébrés dans le seul objectif d’obtenir un titre de séjour et combien sont rompus une fois l’effet juridique obtenu ? Ce sont autant de précisions que vous devez nous apporter avant de nous demander de réformer le droit existant.

En fait, votre projet n’a ni plus ni moins pour objet que de renforcer le contrôle exercé sur la sincérité de l’intention matrimoniale et de lutter contre la fraude à l’état civil. Mais une lecture précise montre qu’il remet en cause la liberté matrimoniale garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui est devenue une norme obligatoire depuis la signature du pacte international des droits civils et politiques de 1966 et de son protocole additionnel. Ainsi, avec ce projet de loi, la liberté de se marier ne découlera plus de la volonté des nouveaux époux mais sera subordonnée à l’avis et à la décision soit de l’officier de l’état civil, soit du procureur de la République.

Dès lors, permettez-moi de poser une question complémentaire sur le respect des droits de l’homme : que faites-vous de l’interdiction de discrimination, posée dans l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui précise que la jouissance des droits et libertés reconnus dans cette convention « doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ?

Dans votre souci de combattre la clandestinité et la fraude, vous persistez à méconnaître les droits fondamentaux et vous faites de la vie des étrangers en France ou des étrangers voulant se marier avec des ressortissants français un véritable parcours du combattant.

La volonté affichée de clarifier les formalités préalables au mariage en est une première illustration. Sous prétexte de faire apparaître plus clairement la chronologie des formalités préalables à la célébration, l’article 63 revu fera obligation aux futurs conjoints de constituer un dossier, avec pièce d’identité officielle à l’appui, et de se soumettre à une audition alors que, dans la loi du 26 novembre 2003, l’audition ne pouvait être demandée qu’en cas de doute. Celle-ci peut se dérouler devant l’officier d’état civil ou devant un agent diplomatique, selon que le mariage se déroule en France ou à l’étranger.

S’agissant des mariages contractés par les ressortissants français à l’étranger, le projet de loi introduit dans le code civil un nouveau chapitre, le chapitre II bis, intitulé « Du mariage des Français à l’étranger », qui vient remplacer les articles 170 et 170-1 du code civil. Les ressortissants français souhaitant se marier à l’étranger devront solliciter auprès des autorités diplomatiques un certificat de capacité à mariage qui leur sera délivré après la remise d’un dossier complet et une audition destinée à vérifier la sincérité de leur intention matrimoniale. Le non-respect de ces formalités ne serait pas sans conséquence sur la transcription du mariage sur les registres de l’état civil français.

Ainsi, vous créez une inégalité de droit, une inégalité frappant cette fois-ci les Français dont le mariage sera moins reconnu que ceux des étrangers. En effet, avec la réécriture de l’article 171, vous créez une situation dans laquelle le mariage d’un Français célébré à l’étranger, que ce soit avec un Français ou avec un étranger, pourrait ne pas être reconnu si certaines formalités du droit français n’ont pas été respectées. Notre droit prétend donc s’appliquer en dehors de nos frontières alors que, dans les mêmes circonstances de fait, la France reconnaîtrait tous les effets du mariage entre deux étrangers. La volonté de deux étrangers de s’unir verrait ses effets mieux reconnus en droit français que la volonté de deux Français. Vous avouerez que c’est pour le moins paradoxal, si ce n’est absurde. À force de vouloir légiférer sur tout, ne fait-on pas courir le risque de voir l’ensemble des citoyens se rebeller contre la perte de sens née d’un excès de lois, qui asphyxie les actes les plus simples et les plus conviviaux de la vie ?

De même, vous bouleversez les règles les plus simples de notre code civil qui conditionnent la vie en bonne intelligence avec les États voisins. Aux termes de l’actuel article 47 du code civil, l’acte de l’état civil étranger fait foi, sauf s’il est établi qu’il est falsifié ou mensonger. Mais votre nouvel article 171-5 prévoit que l’acte étranger ne produit ses effets en France qu’après des formalités de transcription. Le droit français ne reconnaîtra donc plus immédiatement les actes d’état civil faits dans les États étrangers. Les personnes vivant en France – françaises et étrangères – s’étant mariées à l’étranger devront accomplir des formalités administratives et demander la transcription pour voir reconnaître leur état d’époux. Par ailleurs, imposer cette règle aux actes de tous les États étrangers, c’est soi-même accepter que, au nom du principe de réciprocité, les pays étrangers en fassent de même à l’égard des actes d’état civil français. C’est donc accepter que demain le mariage, contracté en France, de deux Français désirant s’installer en Europe ou ailleurs ne soit plus reconnu opposable aux autorités locales sans transcription préalable.

C’est une véritable usine à gaz. Et vous ne mesurez pas l’incertitude et l’insécurité juridique dans laquelle vous allez plonger les étrangers et les Français avec votre texte.

Afin de mieux lutter contre les mariages forcés, le projet de loi prévoit que les futurs époux mineurs seront entendus par l’officier de l’état civil. Mais le plus urgent est de modifier l’article 144 afin qu’avant l’âge de dix-huit ans, ni un homme ni une femme ne puisse contracter mariage. Il faut savoir en effet que la distinction actuelle en matière d’âge minimal – dix-huit ans pour les hommes et quinze ans pour les femmes – est un véritable anachronisme, qui est en complète contradiction avec les déclarations de nombreux gouvernements qui affirment vouloir lutter pour l’égalité entre femmes et hommes. La première inégalité commence avec cet article et le modifier est le meilleur moyen de lutter contre le mariage forcé. Mais si, exceptionnellement, un mineur forme le projet de se marier, il importe de procéder à son audition en dehors de la présence de ses parents. Cependant, il ne faut pas laisser à l’officier d’état civil la seule responsabilité de la décision dans le cas de possibles mariages forcés. N’oublions pas qu’il s’agit de l’avenir d’un jeune homme ou d’une jeune femme. Il serait souhaitable que l’officier de l’état civil soit assisté d’un psychologue spécialiste de l’adolescence, de façon que l’un et l’autre puissent rendre compte de cette audition en réduisant au maximum l’approche subjective.

Pour conclure, je préciserai que ce projet de loi, au prétexte de renforcer la lutte contre la fraude à l’état civil, alourdit pour les futurs époux le dispositif de vérification de l’authenticité des actes de l’état civil étrangers et instaure une suspicion visant à décourager les Français de se marier avec des étrangers alors que le mariage mixte consenti est l’une des meilleures voies de l’intégration républicaine.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la liberté de se marier est un droit fondamental garanti par notre Constitution. Encore faut-il que le mariage résulte d’un libre choix. Le code civil indique qu’« il n’y a pas de mariage lorsqu’il n ‘y a point de consentement ». Or les mariages forcés, imposés par l’entourage, existent dans notre pays.

Il s’agit d’un phénomène difficile à mesurer parce que les mariages forcés sont souvent couverts par la loi du silence. Toutefois, le Haut conseil de l’immigration, dans son avis relatif aux droits des femmes issues de l’immigration, évoque le chiffre de 70 000 adolescentes victimes de mariages forcés en France. Cette pratique serait même en progression, ce que confirment les associations de défense des femmes, et s’exercerait surtout à l’encontre des jeunes filles issues de l’immigration.

De son côté, le Défenseur des enfants est régulièrement saisi par le ministère des affaires étrangères pour secourir des mineurs français en danger à l’étranger. Il relève que ces situations concernent généralement des jeunes filles, de nationalité française ou ayant la double nationalité, âgées de seize à dix-huit ans. Elles sont mariées contre leur gré par leurs deux parents ou un seul d’entre eux à un homme qu’elles connaissent peu ou pas du tout, souvent plus âgé et de nationalité étrangère. En outre, le mariage se déroule souvent à l’étranger alors que la jeune fille y est installée ou y séjourne pour des vacances. Enfin, ces unions imposées, qui nient la liberté d’aimer et de disposer de soi-même, s’accompagnent souvent de violences, d’ordre physique ou psychologique à l’encontre des jeunes filles manifestant leur désaccord.

Un État de droit comme le nôtre n’a pas le droit de fermer les yeux sur ces souffrances. La France s’est récemment mise en conformité avec les recommandations du Comité des droits des enfants des Nations unies pour l’application de la convention internationale sur les droits des enfants, en relevant à dix-huit ans l’âge minimal du mariage pour les jeunes filles. Nous devons nous en réjouir. Ce dispositif permettra en effet de protéger davantage les mineures qui sont particulièrement vulnérables en raison de leur plus grande dépendance à l’égard de leur famille, de leur immaturité et de leur incapacité juridique.

Notre droit comporte déjà un certain nombre de mesures permettant d’empêcher ou d’annuler un mariage lorsque le consentement est vicié. Toutefois, compte tenu de la progression des mariages contraints, ce dispositif mérite d’être renforcé, ce que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux.

Tel est l’objet d’un des volets de la réforme qui nous est proposée aujourd’hui.

Pour s’assurer du libre consentement des futurs époux, le projet de loi précise, en effet, que chaque fois que les premiers éléments recueillis lors de la constitution du dossier de mariage laisseront supposer qu’il s’agit d’un mariage forcé, l’officier d’état civil devra procéder à l’audition des futurs époux.

Comme le préconisait la Délégation aux droits des femmes dans son récent rapport d’activité, les futurs conjoints seront entendus séparément. En outre, dans le cas d’un mineur, l’audition aura lieu en l’absence de ses parents et de son futur conjoint. Ainsi, le mineur pourra s’exprimer en toute liberté, sans faire l’objet de pressions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La mention des futurs conjoints mineurs revêt une grande importance car le mariage des mineurs est autorisé dans certaines législations étrangères, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux ; ce qui signifie que les autorités consulaires seront amenées à procéder à l’audition de futurs époux âgés de moins de dix-huit ans.

Par ailleurs, en l’état actuel du droit, les auditions préalables doivent être effectuées par les officiers de l’état civil ou les agents consulaires du lieu de célébration du mariage, sans possibilité de délégation. Cela rend les auditions difficiles, voire impossibles, notamment lorsque l’un des futurs époux, vivant à l’étranger, sollicite l’obtention d’un visa pour être entendu préalablement à la célébration de son mariage.

Afin de lever tous ces obstacles matériels, le projet de loi autorise les officiers de l’état civil et les agents consulaires à déléguer la réalisation de l’audition à un fonctionnaire du service de l’état civil de la mairie ou du consulat territorialement compétent.

Un deuxième volet du texte vise à lutter contre les mariages de complaisance, contractés pour permettre à l’un des conjoints d’obtenir un titre de séjour en France et, rapidement, la nationalité française. Pratiquement tous les maires de France ont eu à s’interroger sur de tels mariages.

Aujourd’hui, dans notre pays, près d’un mariage sur trois est un mariage mixte ; or seul un enfant sur dix naît d’un couple mixte. Le décalage entre ces deux chiffres montre que le mariage est parfois utilisé comme un mode d’immigration légale. Le nombre de mariages binationaux célébrés à l’étranger est aussi en forte hausse. Lors de la réunion du comité interministériel de novembre consacré à la question de l’immigration, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a indiqué que le nombre des mariages binationaux célébrés à l’étranger s’élevait à 34 000, contre 19 000 il y a dix ans.

La progression des mariages binationaux reflète, bien sûr, la mixité qui caractérise notre société. Comme l’a précisé notre rapporteur, « la grande majorité de ces unions sont sincères et résultent de l’augmentation de la population française issue de l’immigration ». Il n’en demeure pas moins que l’institution matrimoniale ne doit pas être détournée à des fins frauduleuses.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais nous sommes bien d’accord !

Mme Chantal Bourragué. Or il existe, dans notre pays, de véritables réseaux délictueux chargés d’organiser ces mariages de complaisance, en échange d’importantes contreparties financières.

Pour cette raison, le Premier ministre a rappelé qu’il importait de « lutter contre la tendance qui ferait du mariage avec un Français quelque chose qui se monnaie ».

En outre, le renforcement du contrôle de la validité des unions contractées à l’étranger s’impose pour « être en mesure de vérifier le respect de la loi qui interdit la polygamie dans notre pays ».

C’est pourquoi le présent projet de loi a pour objet de renforcer le contrôle exercé sur la sincérité de l’intention matrimoniale et de lutter plus efficacement contre la fraude à l’état civil, pour les mariages célébrés en France ou à l’étranger.

Dans le cas des mariages célébrés en France, le projet prévoit ainsi de clarifier la chronologie des formalités qui doivent être accomplies avant la célébration du mariage. L’expérience montre que de nombreux maires rencontrent des difficultés dans le déroulement de ces formalités. Il s’agit donc de permettre à l’officier d’état civil, en cas de doute sur la validité du mariage, de saisir à temps le procureur de la République. Le texte renforce notamment, et bien naturellement, le contrôle de l’identité des futurs époux, et systématise leur audition en cas de doute sur la réalité de leur projet matrimonial.

Par ailleurs, l’opposition au mariage, formulée par le parquet, actuellement caduque au-delà d’un an, continuera de courir au-delà de ce délai. Les candidats au mariage ont toujours la possibilité de saisir le tribunal afin d’obtenir la levée de l’opposition du ministère public.

Parallèlement à ce dispositif, le projet de loi prévoit que le mariage d’un Français à l’étranger sera soumis à des formalités similaires à celles en vigueur pour les mariages célébrés en France.

Sans remettre en cause le principe de validité des unions contractées à l’étranger, l’accomplissement de ces formalités permettra de contrôler la validité du mariage a priori au regard des conditions posées par le droit français. La transcription du mariage à l’état civil sera notamment subordonnée à l’obtention d’un certificat de capacité à mariage, attestant que les futurs époux ont accompli les formalités requises et se sont conformés, le cas échéant, à l’obligation d’audition préalable.

En cas de doute sur la validité du mariage, l’opposition du parquet ne pourra pas empêcher une autorité étrangère de procéder à la célébration, mais elle aura des conséquences importantes sur la transcription de l’acte de mariage dans les registres de l’état civil français. En effet, seuls les époux qui se seront conformés aux formalités prévues par la loi pourront bénéficier d’une présomption de bonne foi et obtenir rapidement la transcription de leur mariage à l’état civil.

Or, à compter du projet de loi, la transcription du mariage sur les registres de l’état civil conditionnera son opposabilité en France. Dans la mesure où seul un acte valable peut être transcrit, cette transcription supposera l’examen préalable de la validité du mariage au regard des conditions posées par le droit français.

En conclusion, mes chers collègues, le présent projet de loi ne remet pas en cause la liberté de se marier. Au contraire, il articule le respect du principe de liberté matrimoniale avec la volonté de ne pas tolérer que l’institution du mariage soit utilisée à des fins étrangères à l’instauration du lien conjugal et à la fondation d’une famille.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Mme Chantal Bourragué. Le texte que nous examinons aujourd’hui a vocation à doter l’État des moyens juridiques de s’opposer aux mariages forcés, qui constituent une atteinte particulièrement grave à la liberté des femmes, et de lutter contre les unions de complaisance.

Ce projet de loi est équilibré, puisqu’il prévoit d’appliquer les mêmes dispositions aux unions célébrées en France et aux mariages contractés par des ressortissants français à l’étranger. Il fournit des outils susceptibles de lutter contre les mariages organisés à des fins purement migratoires, prévenant ainsi l’action de filières criminelles qui exploitent la détresse d’hommes et de femmes souvent confrontés, dans leur pays, à des situations difficiles.

Voilà pourquoi, chers collègues, le groupe UMP votera le présent projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre sur un sujet qui aurait pu être passionnant : le mariage. Cependant, on ne peut guère se réjouir car seul un angle négatif, pessimiste et soupçonneux a été retenu.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est la réalité qui veut ça !

M. Serge Blisko. En effet, il aborde la question des mariages mixtes, conclus entre un Français et un étranger, dans une perspective de lutte contre les mariages de complaisance à des fins migratoires.

Je tiens, d’abord, à lever une ambiguïté, comme l’a fait avant moi Jean-Pierre Blazy. Les députés socialistes ne sont pas naïfs.

M. le garde des sceaux. Quoique !

M. Patrice Martin-Lalande. Ils souffrent tout de même d’une certaine faiblesse sur ce chapitre !

M. Serge Blisko. Ils savent qu’il existe – parfois ! – des fraudes dans les mariages mixtes. Nous n’avons pas une vision angélique du problème. Au contraire, nous voulons être concrets, et le plus près possible de la réalité. Et c’est pourquoi nous avons attendu – mais en vain ! – des chiffres et des preuves. J’y reviendrai plus tard.

Dans cette intervention, j’entends démontrer que ce projet de loi porte atteinte à la liberté fondamentale, celle du mariage,…

Mme Chantal Bourragué. Mais non, c’est un projet qui respecte les libertés !

M. Serge Blisko. …et donne lieu à une stigmatisation des relations des Français avec des étrangers.

Mme Chantal Bourragué. Pas du tout !

M. Serge Blisko. Une stigmatisation qui devient récurrente dans le climat de suspicion généralisée et de restriction des flux migratoires que le Gouvernement et sa majorité parlementaire veulent instaurer.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Serge Blisko. Premièrement, ce texte est la négation d’une liberté individuelle reconnue.

Quelle valeur un tel texte peut-il avoir au regard du droit et des libertés individuelles reconnues dans notre pays depuis des dizaines d’années ? Permettez-moi de faire un rappel des libertés fondamentales dont la France aime se prétendre le garant universel.

La liberté du mariage fait partie de ces libertés fondamentales. Elle est reconnue par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et protégée par le Conseil constitutionnel dans deux décisions majeures, de 1993 et de 2003 – nombre de mes collègues y ont fait référence, en les interprétant toutefois de façons diverses.

Le mariage est considéré par la haute juridiction comme une des composantes de la liberté individuelle – décision du 13 août 1993. Quant à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, elle consacre, dans son article 12, au titre des libertés fondamentales, le droit de se marier ; et son article 14 interdit toute restriction à l’exercice des droits protégés par la Convention en raison de considérations discriminatoires, notamment liées à l’origine nationale.

Nous sommes là au cœur du problème car ce projet de loi remet en cause ces principes fondamentaux.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. C’est faux !

M. Serge Blisko. Les couples franco-étrangers seront les victimes d’une instabilité juridique constante,…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Au contraire !

M. Serge Blisko. ...avant même la célébration de leur mariage et jusqu’à la transposition de celui-ci en droit français, des « faits nouveaux » pouvant justifier à chaque étape la saisine du procureur. Cette instabilité juridique s’accompagne d’une limitation insuffisante des délais de procédure – c’est pour y remédier que je défendrai de nombreux amendements avec mon collègue Jean-Pierre Blazy.

Peut-être est-il utile de rappeler la décision du Conseil constitutionnel de 1993, annulant une disposition qui prévoyait, déjà dans le but de sanctionner les mariages supposés de complaisance, des conditions préalables au mariage « trop longues », en l’occurrence trois mois. Le projet de loi d’aujourd’hui, en alourdissant les procédures et en multipliant les possibilités de saisine du procureur de la République, tend encore à accroître les délais de transposition des mariages, qui peuvent atteindre plusieurs années, sans considération du droit des conjoints à voir reconnue leur union dans les délais les plus brefs.

Par ailleurs, je vous demande d’être plus clair, monsieur le ministre, et de nous confirmer que ce texte prévoit bel et bien une inversion de la charge de la preuve ! Je cite votre exposé des motifs concernant la procédure de transcription : « En l’absence de réponse ou en cas de refus de faire transcrire – de la part du procureur saisi par l’autorité consulaire, on l’aura compris – les intéressés disposeront d’un recours devant le tribunal de grande instance qui se prononcera sur la transcription ». L’absence de réponse d’un procureur surchargé aura donc pour conséquence d’obliger des époux à engager eux-mêmes une procédure judiciaire afin de prouver leur bonne foi et d’exercer une liberté fondamentale. C’est, à mon sens, une atteinte aux principes généraux du droit.

Ce texte porte aussi les traits d’une stigmatisation de l’étranger.

Qu’une liberté soit mise à mal par un système de contrôle offensif, harcelant même, est une chose qui ne nous étonne guère de la part d’un gouvernement qui nous y a habitués ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais que ces dispositions aient un caractère discriminant en est une autre, et plus grave !

Mme Chantal Bourragué. Le propos est vraiment excessif !

M. Serge Blisko. En effet, le titre « contrôle de la validité des mariages », ne s’entend pas, comme le voudrait le sens commun : « contrôle de la validité de tous les mariages dans toutes les circonstances ». Non, la signification est restrictive : seuls les mariages mixtes sont visés, et plus encore, les mariages mixtes célébrés à l’étranger.

Pourquoi une telle imprécision dans le titre de ce projet de loi ? Le fait discriminant, stigmatisant, serait-il trop évident pour être avoué ?

Quoi qu’il en soit, ce texte a pour fondement et pour conséquence une discrimination basée sur la nationalité et sur d’autres critères flous.

En effet, si l’on se place en situation concrète – car la matérialité manque cruellement à ce projet de loi – donc en situation d’application du texte, les facteurs discriminants de sélection et d’appréciation des dossiers vont s’imposer.

Je me mets dans la situation que beaucoup de mes collègues connaissent, celle de membre d’un exécutif municipal, avec une fonction d’officier délégué d’état civil ou de maire. On le sait, une procédure d’audition des futurs époux avant la publication des bans a été prévue par la loi du 26 novembre 2003.

Calculons ensemble, selon un exemple pris dans la ville dont je suis maire : quinze minutes par couple, soit 200 heures pour 800 mariages par an.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. C’est pour cela qu’il y a une délégation !

M. Serge Blisko. Vous comprenez, mes chers collègues, que je dois examiner tous les mariages – entre Français, entre Français et étrangers ou entre étrangers. J’ai une obligation morale et légale de vérifier tous les mariages.

Mme Chantal Bourragué. Vous ne vous êtes jamais interrogé sur un mariage ?

M. Serge Blisko. Bien sûr que si, mais pas 800 fois ! Je ne fais pas 800 enquêtes !

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Non, mais avec un peu de clairvoyance…

M. Serge Blisko. Si je devais vérifier tous les mariages, j’ai calculé que cela me prendrait, à raison de quinze minutes par couple, plus de 200 heures. Il s’agirait en outre, vous en conviendrez, d’une consultation extrêmement rapide, face à un couple comprenant difficilement qu’on puisse l’interroger sur des faits aussi intimes. Cela étant, nous sommes d’accord, monsieur le rapporteur, nous devons sélectionner les cas et faire preuve de discernement. Mais en se fondant sur quels critères ? De nationalité ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Personne n’a dit cela !

M. Serge Blisko. C’est sur ce point que je suis en désaccord avec vous, monsieur Geoffroy. Si je commence à ne vérifier que les couples étrangers, je me rendrai coupable de discrimination.

M. Nicolas Perruchot. Vous n’avez jamais eu de doutes ?

M. Serge Blisko. On s’en remettra donc à la subjectivité des officiers de l’état-civil.

Quels seront les critères retenus par votre texte : la nationalité ? Des origines seront-elles plus tolérées ou moins surveillées que d’autres ? Devrai-je penser qu’un Européen sera par nature moins fraudeur qu’un Sub-Sahélien ? C’est en tout cas ce qui transpire de votre texte ! Des quotas selon les nationalités seront-ils fixés officiellement ou officieusement pour faciliter le travail des autorités consulaires ? Recommanderait-on d’être plus vigilant ou plus coulant selon les continents ?

M. Patrice Martin-Lalande. Alors, il ne faut rien faire ?

M. Serge Blisko. Vous voyez bien qu’on ne pourra pas entrer dans le détail, car le détail n’est pas dicible et, par conséquent, on ne pourra pas l’inscrire dans la loi.

Mme Chantal Bourragué et M. Patrice Martin-Lalande. Vous êtes donc complice !

M. Serge Blisko. Ces questions sont graves et je crains que vous ne puissiez y répondre.

Par ailleurs, est-il si inconcevable qu’un Français d’origine étrangère veuille se marier avec une personne ayant les mêmes origines mais ne possédant pas la nationalité française ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur, suppléant. Personne ne dit cela !

M. Serge Blisko. Où est le crime ? Où est la faute ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il n’y en a pas !

M. Serge Blisko. Pourquoi faire preuve de suspicion ? Le modèle d’intégration français est-il si usé qu’une union franco-étrangère vous paraisse anormale et suspecte ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Pas du tout !

M. Serge Blisko. Nous voyons quotidiennement de tels cas : un homme et une femme viennent du même pays, l’un ayant la nationalité française et l’autre non. Au lieu de leur opposer tant d’obstacles, pourquoi ne pas penser d’abord qu’ils étaient destinés à se rencontrer ?

Autre critère de suspicion possible : la différence d’âge. Là encore, une discrimination peut vite s’insinuer. N’a-t-on pas tendance à trouver normale une différence d’âge en faveur de l’homme, alors qu’une femme âgée de dix ou quinze ans de plus que son futur conjoint ferait figure de cas suspect ? Nous parlons de faits réels, qui concernent 300 000 personnes dans notre pays, et qui en concernaient un peu plus il y a dix ou vingt ans, à une époque où les mariages étaient bien plus nombreux et où il semblait normal qu’un homme ait cinq ou dix ans de plus que sa future épouse. Pourquoi conviendrait-il de penser aujourd’hui que cette situation est anormale, s’agissant notamment de personnes d’origine étrangère ? Voilà pourquoi votre texte appelle notre attention.

Bien entendu, le groupe socialiste a soutenu récemment, lors de la CMP du 7 mars 2006, le passage de l’âge de la nubilité pour les jeunes filles de quinze ans à dix-huit ans. L’unanimité de l’Assemblée sur ce sujet est une bonne chose.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous nous redonnez un peu d’espoir !

M. Serge Blisko. Il y a quelques années, je le répète, une différence d’âge en faveur de l’homme semblait tout à fait normale et personne n’aurait compris que l’on fasse une enquête à ce propos.

Autre critère possible : le manque visible d’amour sera-t-il un élément de preuve de la fraude ? Le couple devrait montrer son état de transport amoureux, alors que, nous le savons, ces choses-là sont beaucoup plus intimes et contenues dans certaines cultures… Mes chers collègues, vous qui avez un certain sens de la psychologie, je suppose que vous ne traitez pas de la même manière tous ceux que vous mariez ? Vous savez que les situations sont très diverses. N’y a-t-il pas une chose plus difficile à évaluer que l’amour unissant un couple ? Et il serait du ressort des autorités de mesurer, d’évaluer, de quantifier l’amour de deux personnes ? Je trouve cela très étonnant et bien trop compliqué pour nous, pauvres mortels, que nous soyons élus locaux ou non !

M. le garde des sceaux. Monsieur Blisko, vous faites la bête !

M. Serge Blisko. Le manque de dialogue évident dans un couple, des points de tension visibles seront-ils suffisants pour lancer une enquête ? Dérangera-t-on le procureur si, par exemple, l’un des époux reprochait à l’autre d’être arrivé en retard ?

M. le garde des sceaux. Ne soyez pas ridicule !

Mme Chantal Bourragué. Quel cinéma !

M. Serge Blisko. Serait-ce la preuve qu’il s’agit d’un mariage de complaisance ? Si c’est le cas, la discrimination portée par ce texte aux mariages mixtes est évidente. Ce que l’on ne demande pas à des couples franco-français sera exigé de couples franco-étrangers.

Ce que je dis n’est pas simplement le fruit de mon imagination, monsieur le ministre. Le doyen Jean Carbonnier – dont personne ne peut dire qu’il était fantaisiste –…

M. Patrice Martin-Lalande. En tout cas, il s’en cachait bien !

M. Serge Blisko. …indique, dans son traité de sociologie juridique Flexible droit, pour une sociologie du droit sans rigueur, que « deux modèles populaires s’imposent : mariage de raison et mariage d’amour ». Ce projet de loi, centré sur les mariages mixtes, laisse entendre qu’aux mariages d’amour français s’opposeraient des mariages mixtes de raison ou de complaisance. Au risque de vous décevoir, je dois vous dire qu’il arrive que des mariages très franco-français se fassent pour des motifs de raison – oserai-je évoquer les avantages fiscaux ? – tandis que la très grande majorité des mariages mixtes consacrent un amour réel.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Nous n’avons jamais dit le contraire !

M. Serge Blisko. Tout au long de ce texte, monsieur le rapporteur, vous instaurez un climat de suspicion généralisée. Nombre d’orateurs l’ont exprimé – notamment Jean-Pierre Blazy et Jacques Desallangre –, le contexte actuel est marqué par la peur, par une sorte de paranoïa, comme si la France était assiégée. Ce climat de suspicion, très palpable, sous-tend ce texte. Je parlais tout à l’heure de notre souci d’exactitude en matière de fraude au mariage. Dans une certaine mesure, nous ne nions pas cette vérité, mais nous en cherchons encore les preuves, confortées par des chiffres : or ceux que vous nous avez donnés n’ont que peu de rapport avec la réalité.

Dans l’exposé des motifs, il est écrit, monsieur le ministre, que force est de constater que les règles du mariage conformes à notre idéal républicain sont trop souvent détournées de leur objet à des fins purement migratoires. Votre texte prépare à l’évidence la loi CESEDA, qui sera discutée au mois de mai dans cet hémicycle. Que signifie le « trop souvent » ? Il s’agit en réalité de préparer les esprits par une sorte de test, moins de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003.

Dans son rapport, M. Delnatte nous éclaire un peu plus sur les preuves à charge : « Le développement des mariages simulés est attesté par le changement de dimension et de nature qui affecte les mariages mixtes, ainsi que par la progression des signalements que les postes consulaires adressent au ministère public ». « Signalement », « changement de dimension » : ces mots laissent pantois ! M. Delnatte évoque aussi le nombre d’assignations. Mais combien aboutissent réellement à la preuve d’un mariage frauduleux ? Je n’accuse pas le rapporteur de faire de la rétention de chiffres, mais je constate qu’il n’apporte aucune preuve tangible d’un accroissement de la fraude et que les chiffres qu’il a donnés sont très partiels, comme l’a souligné M. Blazy.

Mme Chantal Bourragué. Et la mission d’information sur la famille ?

M. Serge Blisko. Faute d’éléments quantifiables clairs, M. Delnatte insiste dans son rapport sur la corrélation entre l’augmentation des mariages mixtes et le renforcement des contrôles de l’immigration. Ce renforcement tendrait à augmenter l’intérêt comparatif du mariage mixte. Ses avantages sont en réalité moindres. La plupart des étrangers qui se marient en France possèdent déjà un titre de séjour du fait de l’importance des risques d’arrestation et d’expulsion lorsque l’un des conjoints est en situation irrégulière. Les gens sont beaucoup moins irresponsables que vous ne l’imaginez… De plus, le bénéfice de se marier avec un Français n’est plus aussi flagrant et facile depuis que vous avez légiféré sur ce sujet en 2003. Les critères d’acquisition de la nationalité par mariage sont stricts et le délai de vie commune nécessaire a déjà été porté à deux ans, avec l’objectif de le doubler très prochainement. Le mariage mixte ne constitue donc en rien la boîte de Pandore par où se glisseraient des cohortes d’étrangers menaçant le sol national ! Ce projet ne constitue qu’un outil supplémentaire dans la stratégie de restriction et de sélection des flux migratoires

Patrick Delnatte s’inquiète dans son rapport de la « remise en cause de la valeur et de la crédibilité de l’institution du mariage ». Serait-ce là le motif qui vous guide ? Je ne le crois pas. Soyez honnêtes et dévoilez le réel objectif de ce texte : la sélection des immigrés.

Mme Chantal Bourragué. Bien sûr que non !

M. le garde des sceaux. C’est un procès d’intention !

M. Serge Blisko. Je reprends ici le terme d’« immigration choisie » mis en avant par votre majorité et par le ministre de l’intérieur qui défendra le texte dit « CESEDA » dans quelques semaines… L’utilitarisme et le calcul coût-avantage sont-ils en train de toucher tous les aspects de la vie en société ? Après la question : « Quel bon immigré es-tu ? Est-ce vraiment avantageux pour la France de t’accueillir ? », voici apparaître la question : « Ton mariage est-il assez fort au vu des exigences françaises ? »

Soyons raisonnables : il ne sert à rien de vouloir multiplier les contrôles a priori et a posteriori. Bien des Français seraient recalés à cet examen de l’« amouromètre » ! Pourquoi ne pas dire plus clairement que le principal objectif de ce texte est le contrôle de l’immigration ?

M. Jean-Pierre Blazy. Ils l’ont déjà écrit !

M. Serge Blisko. En effet ! Ils ne sont donc pas totalement innocents !

Cette progression dans la restriction sévère des flux migratoires s’explique-t-elle par le constat d’échec de vos mesures précédentes ou est-elle mise en œuvre à doses homéopathiques pour mieux faire passer les lois intolérables qui nous attendent en mai ?

Il est d’ailleurs étonnant que le président de la commission n’ait pas voulu entendre le ministre des affaires étrangères et que nous n’ayons pas un rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, alors que les autorités consulaires sont très concernées par ce projet ! C’est faire preuve de mépris envers le Parlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Ils sont aux ordres !

M. Serge Blisko. En outre, votre texte va nous mettre en difficulté avec certains pays amis avec lesquels nous entretenons des liens culturels et économiques.

Cette loi sera inapplicable, car elle est irréalisable sur le plan matériel. Les services consulaires manquent de moyens et cet accroissement de travail imposé par votre texte va susciter lenteur et lourdeur administratives, mêlées de discrimination, car le choix des cas davantage sujets à soupçons s’opérera automatiquement.

Il est paradoxal de prétendre vouloir favoriser l’accueil d’étudiants étrangers et les échanges de services et, dans le même temps, d’imposer toute une série de contraintes aux mariages franco-étrangers. Quel exemple pitoyable de non-ouverture au monde ! Osons dire le mot : nous parlons bien ici d’immigration. Cessez donc les faux-semblants ! Quelle image de la France offrons-nous à nos jeunes et au monde entier ? Celle d’un pays refermé sur lui-même, apeuré et méfiant. Un pays qui réprime…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Un pays qui prévient !

Mme Chantal Bourragué. Qui protège ! Qui respecte !

M. Serge Blisko. …en jetant à chaque instant le soupçon sur les mariages entre des cultures différentes. Pourtant, la France s’enrichit de cette confrontation avec d’autres cultures. Vous ne pourrez aller longtemps contre ce mouvement de mixité et d’ouverture.

Mme Chantal Bourragué. Mais nous n’y sommes pas opposés ! Nous luttons contre la fraude !

M. Serge Blisko. Après plus d’un siècle de libéralisation du mariage, nous voici à nouveau, à cause de vous, dans une phase de régression et de restriction des libertés fondamentales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Blisko, je vous prie de conclure.

M. Serge Blisko. Alors que le consentement paternel obligatoire a été aboli en 1927, vous substituez l’État au pater familias en donnant au premier le pouvoir exorbitant que ne détient plus le second. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrice Martin-Lalande. Que ne nous faut-il pas entendre !

M. Serge Blisko. Quelle image archaïque vous donnez de ce pays !

Vous affirmez promouvoir le mariage véritable au détriment du mariage de raison ou de complaisance. L’effet est manqué. Vous organisez aujourd’hui l’avènement du mariage judiciaire ! Nous ne pouvons que nous opposer à un texte marqué par un souci maniaque de tout contrôler et par des soupçons permanents vis-à-vis des étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrice Martin-Lalande. Bref, il faudrait continuer à ne pas agir !

M. le président. Un mot sur l’organisation de nos débats. Nous allons finir la discussion générale et M. le ministre répondra, s’il le souhaite, aux orateurs. Puis, aux alentours de dix-huit heures trente, nous examinerons le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur, avant de revenir à ce texte, le cas échéant dans le cadre d’une séance prolongée, ce qui nous éviterait de siéger cette nuit.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bonne idée !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Le mariage avec un Français ouvrant droits au séjour et à l’acquisition de la nationalité française, il arrive malheureusement qu’il soit utilisé à des fins frauduleuse. À l’heure actuelle, comme l’a rappelé le garde des sceaux, 50 000 mariages sur les 275 000 célébrés chaque année en France sont des mariages mixtes, et ce nombre est en augmentation constante.

Bien entendu, il convient de rester très prudent et de ne pas assimiler tout mariage mixte à un mariage frauduleux. Néanmoins, il existe une réalité, celle des mariages forcés à des fins frauduleuses, dont les premières victimes sont les femmes. Même si nous devons l’interpréter avec les plus grandes précautions, le décalage très important entre le nombre de mariages mixtes célébrés chaque année – environ un sur trois – et le nombre de naissances issues de couples mixtes – une sur dix – atteste que la fraude est présente.

Nous ne pouvons nier, bien entendu, la réalité et la sincérité de ces unions, notamment dans une société qui se mondialise, qui bouge et qui favorise la rencontre. Mais les filières d’immigration clandestine détournent trop souvent la finalité du mariage à des fins d’entrée sur le territoire. Mon expérience de maire me conduit régulièrement à constater l’insincérité de certaines unions.

Il existe en effet de véritables filières organisant des mariages de complaisance entre Français et étrangers. Les officiers de l’état civil sont ainsi de plus en plus en confrontés à des conjoints qui exigent d’être mariés le plus rapidement possible alors qu’ils ne se connaissent visiblement pas et ne parlent pas la même langue. J’ai même vu le cas de trois sœurs venues réclamer, en trois jours, le mariage avec un homme dont elles ne connaissaient ni le nom, ni le prénom, ni l’adresse !

Au-delà de cet enjeu migratoire, important pour certains, il existe également un enjeu humain très fort. En effet, nombre de femmes impliquées dans une union de complaisance ne le sont que sous la contrainte. C’est aussi pour éviter que ces femmes, souvent jeunes, n’aient d’autre choix que de se soumettre à des hommes peu scrupuleux que nous devons lutter contre le mariage forcé.

M. Patrice Martin-Lalande et Mme Chantal Bourragué. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. Il convient donc de trouver un juste équilibre entre le respect de la liberté d’union et la nécessité d’empêcher son dévoiement, entre la liberté du mariage et la lutte contre les mariages de complaisance.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. C’est ce que fait ce texte.

M. Nicolas Perruchot. Le texte que vous nous présentez tend à renforcer le contrôle de la validité des mariages afin de lutter contre les détournements de cette institution. Face aux difficultés que rencontrent de nombreux maires dans le déroulement des formalités préalables, il est notamment prévu de clarifier leur chronologie. Par ailleurs, afin de lutter contre la fraude, l’identité des candidats au mariage sera mieux contrôlée et l’opposition du ministère public ne sera plus caduque après une année.

En l’état actuel du droit, le contrôle des mariages contractés par les ressortissants français à l’étranger ne s’exerce qu’a posteriori, à l’occasion de la transcription sur les registres de l’état civil. Or ce système présente des lacunes, d’une part parce que le mariage célébré à l’étranger peut produire certains effets sans même avoir été transcrit, d’autre part parce que le contrôle est trop tardif.

Pour y remédier, le projet de loi propose un dispositif complet subordonnant la célébration du mariage à deux conditions : le respect des formalités en vigueur dans le pays de célébration et la conformité de l’époux français aux conditions du droit français. De même, le certificat de capacité à mariage sera délivré sous deux conditions, l’accomplissement des formalités requises et la publication des bans. Enfin, l’audition des futurs époux sera réalisée par l’officier de l’état civil du lieu de domicile en France ou par les autorités diplomatiques et consulaires territorialement compétentes en cas de résidence à l’étranger. Toutes ces mesures visent à instaurer désormais un contrôle de la validité du mariage a priori.

Quant à la transcription, il est prévu que l’acte de mariage étranger devra, pour être opposable, avoir été transcrit sur les registres de l’état civil français. Ces formalités n’ont pas pour but, à mon sens, d’empêcher les unions, ni de restreindre la liberté de contracter un mariage, mais bien de donner aux officiers d’état civil les moyens juridiques d’empêcher les mariages frauduleux. Par ailleurs, afin de lutter contre les mariages forcés et pour compléter les dispositions de la loi relative à la lutte contre les violences conjugales, il est proposé d’améliorer les conditions d’audition des futurs époux. Je souscris totalement à ces mesures, particulièrement en ce qui concerne l’audition du futur conjoint mineur, seul, hors la présence de sa famille ou du futur conjoint. Cette disposition permettra d’éviter nombre de mariages frauduleux contractés contre la volonté d’un des époux. Elle a d’ailleurs montré son efficacité dans les communes où elle a été appliquée, ce qui est le cas de celle dont je suis le maire.

Il est très délicat de légiférer en la matière tant les restrictions aux libertés publiques, et notamment à la liberté de se marier, doivent être mesurées. Mais le respect de cette institution, la lutte contre l’immigration clandestine, la protection des femmes, particulièrement des plus jeunes, nous imposent de prendre des mesures. Elles n’empêcheront pas les mariages sincères et freineront les mariages frauduleux.

Pour ces raisons, le groupe UDF apportera, bien entendu, son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. « Bien entendu » ?

M. Serge Blisko. Nous pensions que ce temps était révolu !

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux, un projet relatif au contrôle de la validité des mariages, qu’ils soient célébrés en France ou à l’étranger. Il permettra notamment de contrôler, en vue de ses effets au regard de la loi et de l’ordre public français, la régularité d’un mariage célébré à l’étranger entre un conjoint de nationalité française et un conjoint d’une autre nationalité – ou même, n’en déplaise à M. Blisko, entre deux Français –, tout en respectant la souveraineté de l’État dans lequel a lieu la célébration. L’enjeu est important dans la mesure où près d’un tiers des mariages célébrés ou transcrits dans notre pays sont aujourd’hui des mariages mixtes, situation dont on peut se réjouir, à condition qu’il n’y ait pas présomption de fraude. La multiplication des échanges et l’immigration ont généré un brassage de population, et le mariage est devenu le mode légal d’acquisition de la nationalité française. En tant que maires, nous avons souvent, à cet égard, connu des situations fort douteuses.

Si j’ai tenu à intervenir sur ce texte, ce n’est pas pour en examiner l’économie générale : notre rapporteur en a fait une présentation claire et complète, et se prépare à proposer quelques amendements utiles. Mon objectif est plus limité et se bornera à deux questions : la lutte contre les mariages forcés et le contrôle de validité des actes de l’état civil à l’étranger.

Sur le premier point, je voudrais féliciter notre commission d’avoir repris des amendements de la mission parlementaire sur la famille et les droits des enfants à laquelle j’ai participé. La proposition de loi relative à la prévention et à la répression de la violence au sein des couples ou commises contre les mineurs a, en effet, directement inspiré l’article 1er : l’officier d’état civil, s’il l’estime nécessaire, demande à s’entretenir avec l’un ou l’autre des époux, afin de vérifier la validité du mariage envisagé. En outre, l’audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint. Heureuse disposition qui prend en compte la circonstance que l’âge légal du mariage des filles est souvent, à l’étranger comme naguère en France, inférieur à celui de la majorité.

Sur le second point, les mariages à l’étranger, la clarification du pouvoir d’opposition du Parquet et la fin des transcriptions par défaut sont des dispositions utiles. L’application soulèvera peut-être quelques difficultés matérielles et techniques auxquels règlements et circulaires devraient pourvoir.

Je voudrais à cet égard insister sur les risques de fraude ou même d’erreur – lesquels pourraient être lourds de conséquences – résultant de la communication aux autorités consulaires françaises de simples extraits d’actes ou d’actes dépourvus de mentions en marge essentielles. Ainsi, dans certains pays qui donnent une option entre la monogamie et la polygamie, la mention « polygamie acceptée », qui figure en marge sur l’original d’un acte de mariage, n’est pas reprise dans l’extrait.

En droit, le progrès est sensible, puisque les consuls sont incités à opérer des vérifications sur place et sur pièces, et les officiers d’état civil et les procureurs à les réclamer.

Encore faut-il que nos postes consulaires aient les moyens de répondre à cette surcharge de travail, …

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui ! C’est le problème essentiel !

Mme Martine Aurillac. …car, malgré la possibilité d’établir des délégations, la rationalisation des services et le redéploiement ont en effet leurs limites.

Au bénéfice de ces observations, je voterai bien sûr ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat.

Mme Chantal Bourragué. Où sont les femmes socialistes ?

M. Michel CharzatMonsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, le projet de loi qui est aujourd’hui soumis à l’Assemblée porte très mal son nom. Il concerne en réalité, non pas l’ensemble des mariages, mais uniquement les mariages mixtes, et plus particulièrement ceux qui sont célébrés à l’étranger.

Le contrôle des mariages que vous nous proposez est un avant-goût du projet de loi que le ministre de l’intérieur nous annonce déjà depuis un certain temps. En attendant ce texte sur l’immigration dite « choisie », votre majorité confond abusivement mariage mixte, mariage de complaisance et accessoirement mariage forcé, alors que ces cas de figures recouvrent des réalités et des enjeux différents. Les problèmes liés aux mariages forcés ont déjà fait l’objet d’un traitement par la loi sur les violences au sein du couple. Les réintroduire dans ce texte contribue à accentuer la confusion. Dois-je rappeler que de nombreux mariages mixtes ne sont ni forcés ni frauduleux, mais reposent sur la volonté de construire ensemble un projet de vie ? Comme l’a rappelé mon excellent collègue Blisko, comment mesurer l’attachement entre deux êtres ?

Selon l’INSEE, plus de 40 000 mariages entre un ressortissant français et une personne d’une autre nationalité ont été enregistrés en 2004, soit près d’un septième des unions impliquant au moins un conjoint français. J’ajoute que, selon le ministère de la justice, 26 000 personnes auraient acquis la nationalité française par ce biais en 2002, soit moins d’un cinquième du nombre d’accédants à la naturalisation.

S’il est vrai que le nombre de mariages mixtes s’accroît au cours des dernières années, il est difficile de quantifier la part des « mariages blancs » dans cette évolution. Le nombre d’annulations de mariages mixtes frauduleux par les services du ministère des affaires étrangères, seul indicateur de mesure valable, reste incertain. C’est donc sur la base de données incomplètes que vous entendez justifier la multiplication des contrôles administratifs et l’allongement de la durée des procédures relatives aux mariages mixtes, de même que vous fragilisez la valeur probante des actes de l’état civil passés à l’étranger.

Difficiles à quantifier, les complaisances et les fraudes existent, cependant. Nous devons combattre ces pratiques qui dévoient l’institution du mariage.

La lutte contre les mariages « blancs » suppose la mise en place de solutions efficaces, pragmatiques, telles que le développement et l’approfondissement d’accords bilatéraux pour la vérification des actes ou le renforcement des ressources humaines et juridiques des services de l’état civil chargés de contrôler la validité des unions au regard du droit français. Paradoxalement, votre projet alourdit les procédures de contrôle dont la réalisation incombe aux autorités consulaires, aux maires des communes, qui peinent déjà face à la recrudescence du nombre des mariages à certaines périodes de l’année, ainsi qu’au procureur en charge de l’état civil de Nantes qui n’est pas actuellement en mesure de gérer les dossiers au cas par cas, du fait de l’absence de pouvoirs propres.

Ce texte instaure, par ailleurs, un véritable parcours du combattant pour les candidats au mariage mixte. Dans ma circonscription, des familles attendent depuis des années la transcription de leurs actes d’état civil, qu’il s’agisse de leur certificat de mariage ou des actes de naissances de leurs enfants. Je dois débloquer ces situations interminables dans lesquelles les citoyens ne peuvent faire valoir leurs droits. Et vous voulez durcir les conditions de cette transcription, déjà difficile à obtenir, sous prétexte de dissuader les mariages de complaisance !

En résumé, vous agitez l’épouvantail du mariage blanc pour assimiler tout étranger souhaitant se marier avec un Français à un contrevenant potentiel aux lois de la République. Cet amalgame sert de prétexte à la remise en cause de l’égalité des droits en érigeant des obstacles hypocrites au mariage et en créant une nouvelle catégorie de citoyens au statut absurde : celle de l’époux étranger, dont le mariage valable ne crée pas de droits en France, et celle d’enfants français sans droits, faute de pouvoir se prévaloir du mariage de leurs parents.

Dès lors, vous prenez délibérément le risque de voir votre texte frappé d’inconstitutionnalité, comme vient de l’expliquer avec brio notre collègue Jean-Pierre Blazy. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a en effet, à plusieurs reprises, réaffirmé la liberté d’union comme composante de la liberté fondamentale de l’individu. Il a, par ailleurs, condamné l’utilisation du mariage comme outil de régulation des flux migratoires. Décidément, ce texte révèle votre obsession : exploiter les problèmes, et non les traiter dans le respect de nos principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur suppléant.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Je serai très bref, mais je voulais faire écho aux propos tenus par M. Blisko lors de son intervention. Ainsi a-t-il jugé étonnant et inquiétant que le président de la commission des lois n’ait pas répondu à la demande d’audition du ministre des affaires étrangères formulée par son groupe.

Les choses sont très claires, et M. le garde des sceaux ne me contredira pas : ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres et le garde des sceaux, ministre de la justice, a été chargé, au nom du Gouvernement, d’en exposer les motifs et de le défendre à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ? Ce n’est pas le problème !

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Le rapporteur, Patrick Delnatte, dans le cadre de son intense travail de préparation, auquel j’ai rendu hommage tout à l’heure, a procédé à un certain nombre d’auditions,…

M. Jean-Pierre Blazy. On l’a vu !

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. …dont celles du directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France et du chef du service des accords de réciprocité. Il ne faut pas laisser planer l’idée selon laquelle la commission des lois et le Gouvernement auraient des choses à cacher.

M. Jean-Pierre Blazy. Des études ont été cachées !

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. L’exposé des motifs de ce projet de loi et le rapport sont clairs. Si le ministre des affaires étrangères n’a pas été entendu, ce n’est pas par volonté délibérée de cacher quoi que ce soit, mais parce qu’il s’agit tout simplement du travail ordinaire et ordinairement mené par la commission.

M. Jean-Pierre Blazy. Si vous insistez, nous allons demander une suspension de séance pour demander la présence du ministre des affaires étrangères !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Permettez-moi d’abord de vous remercier, mesdames, messieurs les députés, d’avoir exprimé, lors de cette discussion générale, des observations ou des critiques.

Monsieur Desallangre, notre texte ne remet pas en cause la liberté, constitutionnellement garantie, de se marier, mais permet simplement de mieux contrôler les mariages blancs ou – et vous l’avez quelque peu oublié dans vos critiques – les mariages forcés. De la même manière, ce projet de loi se contente d’appliquer aux mariages célébrés à l’étranger les mêmes formalités que celles appliquées en France. Alors que la gauche dénonce une rupture d’égalité – où est-elle allée chercher ce concept, je me le demande ! – c’est l’inverse.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est illusoire ! C’est un argument fallacieux !

M. le garde des sceaux. S’agissant du mariage des mineurs, je vous indique, monsieur Desallangre, au cas où vous ne l’auriez pas encore noté, que la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, qui sera examinée demain à l’Assemblée, relève de quinze à dix-huit ans l’âge légal du mariage pour les jeunes filles.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes d’accord là-dessus !

M. le garde des sceaux. La formalité de l’audition préalable du mineur ne trouvera donc à s’appliquer qu’en cas de dispense, ou lorsque la législation du pays où a lieu le mariage autorise le mariage des mineurs.

Madame Bourragué, vous avez insisté sur l’importance de l’audition des futurs époux pour vérifier l’intention matrimoniale. Celle-ci existe déjà en France. Il s’agit de la rendre obligatoire pour les mariages célébrés à l’étranger, où cette vérification s’avère particulièrement nécessaire, lorsqu’il s’agit de mineurs. C’est pourquoi ce projet prévoit que le futur époux mineur sera entendu seul, hors de la présence de la famille comme de son futur conjoint. Personne ne peut contester ce type de précision.

Monsieur Blisko, comme je viens de le préciser à M. Desallangre, le contrôle renforcé instauré par le projet de loi ne concerne pas seulement la lutte contre les mariages blancs, mais aussi les mariages forcés. Je suis heureux que vous approuviez le relèvement de l’âge légal du mariage pour les jeunes filles. Je vous rappelle que tous les indices évoqués dans la circulaire du 2 mai 2005, à laquelle vous avez fait référence, n’ont bien évidemment pas la même valeur et qu’en tout état de cause, la circulaire indique que chaque décision appelle une « appréciation individuelle circonstanciée ». Même si elles sont encore insuffisantes, les procédures d’annulation ont quasiment doublé depuis 1995.

Monsieur Perruchot, vous avez souligné que ce texte clarifiait la chronologie des formalités préalables au mariage. Il semble, en effet, que certains officiers d’état civil – et je le soulignais dans mon propos liminaire – publiaient les bans avant d’avoir procédé aux vérifications nécessaires. Ce projet de loi précise ainsi que la publication de bans constitue la démarche ultime, attestant que le dossier est complet et ne pose pas de difficultés aux yeux de l’officier d’état civil. La nouvelle rédaction de l’article 63 du code civil facilitera ainsi la tâche des maires en matière de formalités préalables au mariage. Je vous remercie enfin de votre témoignage en tant que maire.

Madame Aurillac, je vous remercie de votre soutien concernant notamment le contrôle renforcé lors de la transcription. Je vous indique – et cela vaut d’ailleurs pour l’ensemble de l’assemblée que, lors d’un comité interministériel de contrôle de l’immigration, dénommé CICI –, le Premier ministre a demandé au ministre des affaires étrangères d’augmenter les moyens des consulats en conséquence.

M. Jean-Pierre Blazy. Donnez les chiffres ! Quel budget ? Quels emplois ? Combien de postes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Laissez M. le garde des sceaux s’exprimer !

M. le garde des sceaux. On peut toujours pinailler, mais ce n’est pas le débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Vous êtes totalement flou !

M. le garde des sceaux. Vous vous trompez de débat depuis le début, monsieur Blazy !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle désinvolture !

M. le garde des sceaux. Monsieur Charzat, vous avez prétendu que le parquet de Nantes ne disposait pas des moyens nécessaires pour appliquer cette réforme. J’ai déjà renforcé ses effectifs en le dotant de deux magistrats et de quatre greffiers supplémentaires. La centralisation au parquet de Nantes du contrôle des mariages célébrés à l’étranger a déjà permis en quelques mois de traiter l’ensemble des procédures dans un délai moindre et de manière uniforme.

Telles sont, monsieur le président, les réponses que je tenais à adresser aux parlementaires qui ont animé cette discussion générale, ce dont je les remercie à nouveau.

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée après l’examen du prochain texte.

Garantie de la conformité du bien
au contrat due par le vendeur
au consommateur

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur (nos 2293, 2836).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en réponse aux vœux du Conseil constitutionnel, le 3 janvier dernier, M. le Président de la République a rappelé son souhait d’une loi normative, précise, lisible et compréhensible.

L’ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie des biens de consommation, qu’il vous est aujourd’hui demandé de ratifier, répond pleinement à ces exigences. Son objet est d’offrir au consommateur, lorsqu’il acquiert un bien auprès d’un professionnel, une action simple et efficace si le bien ne correspond pas à ce qu’il pouvait légitimement en attendre. En ce cas, il peut en demander la réparation ou le remplacement. Si l’une de ces deux solutions est impossible ou irréalisable rapidement, il peut solliciter l’annulation du contrat de vente et, par conséquent, la restitution du prix.

Ce régime a comme premier mérite celui de la clarté. Il est bien plus à la portée de chacun que la garantie des vices cachés ou l’obligation de délivrance qui, ayant un objet sensiblement équivalent, figurent dans le code civil. Surtout, c’est une mesure de bon sens, qui traduit ce dont deux parties de bonne foi conviennent naturellement lorsque le bien vendu pose problème. En traduisant cet équilibre dans la loi, ce texte permettra d’éviter le recours aux tribunaux pour nombre d’achats de la vie courante.

Ce nouveau régime constitue ainsi une réponse pratique et adaptée aux besoins des consommateurs. Pour autant, le Gouvernement a veillé à préserver la sécurité juridique des vendeurs. Ainsi, l’action devra être engagée dans un court délai de deux ans, bien inférieur à la plupart des délais de prescription.

Cette ordonnance a fait l’objet de travaux approfondis avec des praticiens et des universitaires. Il avait été un temps envisagé de transposer la directive dans le code civil. Cependant, comme nous le verrons tout à l’heure, ce code fondateur, réceptacle de nos grands principes, se prête mal à des textes dont l’application est limitée, en l’occurrence aux relations entre les professionnels et ceux qui ne le sont pas. C’est pourquoi le code de la consommation s’est révélé le support adapté à une transposition qu’il convenait d’effectuer rapidement.

Cette ordonnance découle en effet d’une directive de 1999 et la France a été condamnée le 1er juillet 2004 par la Cour de justice des Communautés européennes pour retard dans la transposition. L’habilitation que vous avez donnée au Gouvernement par la loi du 9 décembre 2004 afin de procéder en la matière par ordonnance a permis à la France d’éviter la condamnation pécuniaire qui aurait résulté d’un second arrêt, en manquement sur manquement. Ce texte a été bien reçu par les acteurs économiques et sociaux, auprès desquels il avait fait l’objet d’une large consultation. Sa ratification permettra de mettre un point final à cette transposition, ce dont je me réjouis.

C’est dans le même esprit que votre commission des affaires économiques vous propose un amendement sur le sujet proche de la responsabilité du fait des produits défectueux, auquel je suis bien évidemment très favorable. Le choix avait été fait en 1998 de transposer la directive de 1985 dans le code civil, en préservant autant que possible les mécanismes classiques du droit français. L’expérience montre aujourd’hui qu’un tel exercice n’est pas exempt de risque. Alors même qu’aucune demande n’avait été formulée en ce sens avant l’ordonnance du 17 février 2005, la Commission a finalement pointé certains décalages entre ce droit et la directive, et la Cour de justice lui a donné raison.

La France a été condamnée le 14 mars dernier à verser à la Commission une astreinte de 31 650 euros par jour tant que la transposition ne serait pas achevée. C’est dire la particulière urgence qui caractérise ce dossier.

Le problème de fond subsistant est pourtant résiduel, pour ne pas dire minime.

Tout producteur est responsable du défaut de sécurité du produit qu’il met en vente. Tant qu’il ne peut pas être identifié, le consommateur peut attraire en justice le vendeur. Dans le schéma classique du droit français, ce dernier peut alors appeler en garantie son fournisseur, qui peut lui-même faire intervenir le sien à l’instance, ainsi de suite jusqu’au producteur. De manière dérogatoire, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux prévoit déjà que les intermédiaires dans cette chaîne, en pratique le vendeur et son grossiste, peuvent s’exonérer de leur responsabilité en désignant le producteur.

La cour de Luxembourg a estimé que cette adaptation était insuffisante. Si le producteur est inconnu, chaque intermédiaire doit pouvoir demander sa mise hors de cause en désignant l’un des quelconques fournisseurs en amont. C’est cette modification ultime que je vous demande d’accepter. L’adoption de cet ajustement permettra d’arrêter le paiement de l’astreinte. La commission a en effet donné l’assurance que cette rédaction mettrait un terme au contentieux communautaire sur ce point.

Je voudrais conclure en remerciant le Parlement d’avoir accordé au Gouvernement l’habilitation qui a permis de prendre l’ordonnance qui nous réunit aujourd’hui. Cette confiance a permis à la France de mettre fin rapidement à un contentieux communautaire. Pensant notamment à l’amendement que je viens d’évoquer, je me réjouis particulièrement de vos apports à cette loi de ratification. Ils contribuent significativement à l’effort de transposition, et vous savez le prix que j’attache au respect de nos engagements européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, suppléant M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Serge Poignant, suppléant M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi déposé le 4 mai 2005 tend à ratifier l’ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur.

Cette ordonnance transpose la directive 1999/44 du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, en instaurant un nouveau régime de garantie de conformité du bien au contrat, sans remettre en cause les régimes existants de garantie de délivrance conforme et de garantie des défauts de la chose vendue.

Il s’agit d’un texte très technique, dont la ratification est importante, puisqu’il s’agit de modifications au code civil et au code de la consommation.

La nouvelle action en garantie de conformité du bien au contrat englobe le vice caché et la délivrance conforme tels qu’ils sont connus en droit français.

Les devoirs du vendeur professionnel à l’égard du consommateur consistent à livrer un bien conforme au contrat et à répondre, s’ils existent lors de la délivrance, des défauts du bien.

Le vendeur ou le fabricant qui consent une garantie commerciale au consommateur doit l’informer des droits supplémentaires dont il dispose à ce titre et lui rappeler qu’il bénéficie en tout état de cause de la garantie légale.

Le consommateur a le droit de choisir, en cas de défaut de conformité, entre le remplacement ou la réparation du bien. Subsidiairement, il peut demander la résolution du contrat ou la réduction du prix. Pendant six mois à compter de la délivrance du bien, l’antériorité du défaut de conformité est présumée.

Cette nouvelle action ne prive pas le consommateur du droit d’exercer l’une ou l’autre des actions prévues par la loi, notamment l’action en garantie des vices cachés. Le « bref délai » de cette action en garantie prévu par le code civil est réformé : elle devra être intentée dans un délai de deux ans à partir de la découverte du vice, alors que, dans le code de la consommation, le droit du consommateur se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.

Cette réforme trouve son origine dans les travaux de la Commission européenne, qui constatait en 1993, dans un Livre vert sur les garanties des biens de consommation, les difficultés juridiques majeures qui apparaissent dans le cadre du marché unique du fait des différences entre les systèmes juridiques nationaux. La directive du 25 mai 1999 visait à répondre à ces problèmes. Le Parlement européen et le Conseil ont rappelé que l’objectif était la recherche d’un équilibre entre les intérêts économiques des professionnels et ceux des consommateurs.

Considérant que la création d’un socle minimal commun de règles de droit de la consommation doit renforcer la confiance des consommateurs et leur permettre de profiter au mieux du marché intérieur, mais que les principales difficultés rencontrées par les consommateurs et la principale source de conflits avec les vendeurs concernent la non-conformité du bien au contrat, la Commission européenne a voulu également, en proposant cette directive, parvenir à un équilibre entre les différentes traditions juridiques des pays membres, sans pour autant porter atteinte aux dispositions et principes des droits nationaux relatifs aux régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Alors qu’un premier groupe d’États membres, dont la France, connaît une distinction entre la délivrance non conforme et l’action en garantie des vices ou des défauts cachés de la chose vendue, le second ignore cette action spécifique et sanctionne la non-conformité en tant que telle.

La Commission a fait le choix d’une conception élargie du défaut de conformité, qui englobe le vice caché et renonce à la distinction traditionnellement opérée par le code civil entre les deux notions.

L’article 11 de la directive rendait sa transposition obligatoire au plus tard le 1er janvier 2002 et l’article 12 prévoit que la Commission réexamine au plus tard le 7 juillet 2006 l’application de la directive et présente un rapport au Parlement européen et au Conseil, examinant notamment l’éventuelle introduction de la responsabilité directe du producteur, accompagné le cas échéant de propositions.

Le ministère de la justice a mis en place en octobre 2000 un groupe de travail sur l’intégration en droit français de la directive, qui a remis en 2002 un avant-projet soumis ensuite à une large concertation.

Un projet de loi a été déposé au Sénat en juin 2004, relatif à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux. Ce projet de loi visait à transposer la directive 1999/44, et avait également pour objet de mettre le code civil en conformité avec le droit communautaire, après la condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes en avril 2002, pour mauvaise transposition, par la loi de mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, modifiée par la directive de 1999.

Ce projet de loi n’a jamais été discuté, et la France a fait l’objet d’une condamnation en manquement par la Cour de justice en juillet 2004 pour n’avoir pas transposé la directive.

Afin de faciliter la transposition des deux directives et de répondre aux différentes condamnations en manquement, les deux aspects du projet de loi ont été dissociés et intégrés de manière différente dans la loi de simplification du droit de décembre 2004. D’une part, cette loi autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 1999/44 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, ce qui fut fait avec l’ordonnance qu’il vous est demandé de ratifier. D’autre part, cette loi reprenait les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux et modifiait plusieurs articles du code civil.

La Commission ne s’est toutefois désistée de son recours que sur deux des trois griefs. Elle considère en effet que l’une des modifications, tout en améliorant le texte, laisse subsister une différence entre la directive et la loi. La commission des affaires économiques vous propose donc un amendement assurant définitivement la mise en conformité de notre régime de responsabilité du fait des produits défectueux avec la directive du 25 juillet 1985.

Avec cette ordonnance, le Gouvernement a fait le choix d’une transposition restreinte, mais protectrice pour les consommateurs. Le consommateur conserve en effet le libre choix de l’action qu’il souhaite exercer. Ainsi, les droits résultant de la directive sont exercés sans préjudice d’autres droits dont le consommateur peut se prévaloir au titre des règles nationales relatives au droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle. Les régimes de garantie existants ne sont pas modifiés.

Par ailleurs, le Gouvernement a choisi de faire usage de la possibilité offerte par la directive d’adopter ou de maintenir en vigueur des dispositions plus strictes compatibles avec le traité pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur.

Le code civil est en effet plus protecteur sur deux points, qui sont maintenus.

Premier point, le délai pour agir. Dans le régime de garantie du défaut de conformité, au sens du code civil, pour la vente entre consommateur et commerçant, le délai de prescription de l’action est de dix ans à compter du jour de la délivrance, soit cinq fois le délai prévu par le droit communautaire. En cas de vice caché, le code civil fait partir le délai de la découverte du vice et non de la délivrance de la chose. Or la découverte du vice peut intervenir plusieurs années après la délivrance du bien.

Second point, les remèdes offerts. Le code civil permet à l’acheteur de demander le remède qu’il estime le plus adapté, sans avoir à respecter une hiérarchie des droits. Le consommateur peut donc profiter d’une plus grande souplesse, dans le cas du vice caché comme dans celui du défaut de conformité au sens strict du code civil.

La transposition de la directive offre toutefois plusieurs avantages aux consommateurs : elle offre une nouvelle possibilité d’action, utile dans toutes les situations où la distinction entre les deux notions n’est pas claire ; elle permet au consommateur de profiter de la présomption d’antériorité de six mois du défaut ; enfin, l’échec du consommateur sur le fondement du code de la consommation ne le privera pas de la possibilité d’exercer les droits reconnus à l’acquéreur par le code civil puisque le fondement de la demande sera différent.

Sur un certain nombre de points précis, l’ordonnance va plus loin que la directive. Ainsi, l’obligation de conformité couvre les défauts résultant de l’emballage. L’application cumulative des critères de conformité dans le cas des contrats d’adhésion joue également en sa faveur. Certaines causes d’exonération de responsabilité du vendeur ne sont pas reprises, ni l’obligation pour le consommateur d’informer le vendeur de l’existence d’un défaut dans un délai de deux mois après sa constatation. La présentation sous forme écrite des garanties commerciales est obligatoire.

La commission des affaires économiques vous propose un second amendement, étendant aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie commerciale lorsque la remise en état ne peut être rapide, mesure qui était applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance mais qui n’avait pas été reprise.

Mes chers collègues, la commission vous demande d’adopter le projet de loi ainsi amendé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais, en quelques minutes, au nom du groupe UMP, soutenir la ratification de cette ordonnance et évoquer de manière plus globale les sujets dont il est question, la consommation et la vie quotidienne.

Les principes généraux ont été rappelés avec précision à la fois par le ministre et par le rapporteur, Serge Poignant. Cette ordonnance prévoit un nouveau régime de responsabilité en matière de droit de la consommation, le consommateur disposant désormais d’une action en garantie uniforme fondée sur la notion nouvelle de conformité du bien au contrat.

Le principe majeur de cette disposition est un devoir du vendeur professionnel à l’égard du consommateur, devoir qui consiste essentiellement à livrer un bien conforme au contrat et à répondre, s’ils existent lors de la délivrance, des défauts du bien. Le consommateur a le droit de choisir, en cas de défaut de conformité, entre le remplacement et la réparation du bien, et il peut demander la résolution du contrat ou la réduction du prix. La capacité du consommateur à faire valoir ses droits est donc ainsi largement renforcée.

Il existe désormais une action spécifique en conformité, définie par le code de la consommation. Elle ne prive pas le consommateur du droit d’exercer l’une quelconque des actions prévues par la loi, et en particulier l’action en garantie des vices cachés, déjà prévue par le code civil.

Enfin, le délai de l’action en garantie prévu par le code civil est réformé, ce qui nous semble également un point important.

Je voudrais en deux mots replacer la ratification de cette ordonnance dans l’action menée par notre majorité depuis trois ans et demi en matière de consommation et dresser quelques perspectives pour les mois à venir.

Des mesures importantes ont été prises depuis trois ans et demi en matière d’information et de protection du consommateur. Je pense à la loi de janvier 2005 et aux lois relatives au crédit, en particulier le crédit à la consommation, de l’été 2004. Je pense également aux concertations organisées par les différents ministres responsables, essentiellement le ministre de la consommation et le ministre de l’industrie, sur des sujets aussi importants pour nos concitoyens qu’Internet, la téléphonie mobile, les banques et les assurances.

Mes chers collègues, j’ai la conviction que nous vivons depuis un certain nombre d’années une nouvelle révolution consumériste, que l’on peut apparenter un petit peu à celle que nous avons connue dans les années soixante ou soixante-dix avec l’avènement de la grande consommation. Il y a aujourd’hui une explosion de la société des services aux particuliers, qui apporte des prestations nouvelles et utiles au consommateur, mais, en même temps, le place devant des difficultés croissantes. En témoigne le nombre de litiges enregistrés à la fois par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes et par les associations de consommateurs.

On assiste à la fois à une explosion des services traditionnels, comme les banques et les assurances, et à un avènement des services liés aux nouvelles technologies – Internet, abonnements de téléphonie mobile ou de télévision –, avec des offres toujours plus nombreuses.

Une telle mondialisation de l’offre entraîne une complexification des contrats et le consommateur se trouve souvent démuni. En témoigne, selon tous les indicateurs récents, la perte de confiance du consommateur dans un certain nombre de grandes institutions et de grandes multinationales. En témoigne le nombre de litiges dans le domaine d’Internet, révélé cette semaine, qui a donné lieu à la table ronde animée par le ministre délégué à l’industrie, François Loos. Je rappelle qu’il a augmenté de 80 % l’année dernière. En témoigne également, par exemple, la condamnation des opérateurs de téléphonie pour l’entente illicite constatée par le Conseil de la concurrence.

C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’une loi fondatrice en matière de consommation est aujourd’hui nécessaire. Je ne doute pas, monsieur le garde des sceaux, que vous voudrez bien transmettre à M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de la consommation, notre volonté d’adopter, dans les mois qui viennent, une loi-cadre, à l’image de la loi Scrivener qui a permis, dans les années soixante-dix, d’encadrer la grande consommation.

Nous pourrions imaginer trois grands axes à cette loi-cadre. Le premier pourrait être d’adapter le cadre juridique à l’avènement des nouveaux services. Des questions comme la transparence de la tarification – qu’il s’agisse des services bancaires ou des services liés à l’Internet – et les temps d’attente, souvent évoquées par les associations de consommateurs lors de tables rondes, ne sont pas réglées et les différents opérateurs n’ont pas donné satisfaction.

Le deuxième axe aurait pour objet de renforcer les médiations et l’action des associations de consommateurs. Dans un rapport remis au Premier ministre il y a trois ans, j’avais proposé que soit institué un médiateur de la consommation, de la même manière que les années soixante-dix avaient vu, avec l’explosion des litiges entre les citoyens et l’administration, la création du Médiateur de la République. On observe, en effet, comme Jean-Paul Delevoye viendra en témoigner prochainement, une explosion des litiges dans les relations du citoyen au décideur dans le domaine de la consommation.

Enfin, le troisième axe serait d’ouvrir un grand chantier des recours collectifs, dans la ligne de l’excellent rapport Cerutti-Guillaume. Nous tenons à en débattre ici dans les prochaines semaines. Plus que jamais les consommateurs sont demandeurs de dispositions juridiques visant à encadrer soigneusement – sans pour autant nous aligner sur le modèle américain, car tel n’est pas notre objectif. Il est important d’apporter aux consommateurs cette possibilité de recours collectifs dans un monde de services offrant des prestations toujours plus complexes et qu’ils ont de plus en plus de mal à appréhender.

Telles étaient, mes chers collègues, les quelques propositions que je tenais à faire pour accompagner le soutien que le groupe UMP apporte au texte de la transposition de la directive européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous débattons, si l’on peut dire, de la transposition d’une directive adoptée le 25 mai 1999, par le Conseil européen. Il s’est donc passé un peu de temps avant que nous n’obtempérions – si tel est bien le terme. Cette directive devait être transposée avant le 1er janvier 2002 et le gouvernement Jospin n’avait certes pas fait preuve d’une grande diligence. Mais, depuis, il s’est passé quatre années supplémentaires alors que la transposition a minima que l’on nous présente est d’une grande simplicité.

D’autre part, même si ce n’est pas propre à ce texte, je tiens à souligner l’incohérence des modifications régulières de notre calendrier : nous devions examiner ce texte demain matin et il a été avancé au dernier moment à ce soir. Nous n’arriverons pas à nous habituer à ces modifications incessantes du calendrier de l’Assemblée nationale. Il est plus simple de compter les textes qui n’ont pas subi de décalage que ceux qui ont été examinés à la date prévue.

Sur le fond, je me pose quelques questions. Tous l’ont dit, il s’agit d’une transposition a minima, mais Luc-Marie Chatel a ouvert à juste titre sur d’autres questions. Par exemple, ne fallait-il pas aller plus loin en songeant au risque que subissent certains intermédiaires de la vente ? On couvre le consommateur – pas complètement, j’y reviendrai –, mais on ne fait assumer le risque que par le dernier vendeur. C’est souvent une PME, un artisan, un franchisé ou un concessionnaire. Beaucoup d’entre eux ont peu de moyens de recours par rapport au fournisseur ou au producteur. La question de ces moyens de recours n’a pas été évoquée, et les franchisés et les concessionnaires risquent – cela arrive parfois – de perdre la franchise ou l’enseigne.

Ensuite, pourquoi modifier seulement le code de la consommation ? La chancellerie avait mis en place en 2002 un groupe d’études qui a proposé une modification du texte du code de la consommation, mais aussi une refonte des textes du code civil pour substituer à l’action en garantie contre les défauts cachés de la chose vendue et à l’action en responsabilité pour délivrance d’une chose non conforme, une action nouvelle et unique en garantie de conformité. Cette proposition n’a pas été retenue. Au lieu de simplifier, cette transposition a minima apporte une complexification indescriptible puisqu’elle ajoute une possibilité juridique nouvelle à l’existant. On aura désormais les trois voies de recours. Certains s’en félicitent parce que les anciennes voies de recours sont conservées. Mais je voudrais vous rendre attentifs au fait que, pour un bien de consommation dont le prix n’est pas nécessairement très élevé, la complexité risque de décourager le consommateur lésé de faire un recours juridique.

En dépit de grandes déclarations sur la simplification, on nous invite malheureusement le plus souvent à voter des textes qui sont des usines à gaz. Il n’est que de regarder les deux derniers : l’un, qui a fait beaucoup de bruit, sur les droits voisins ; l’autre, qui en a fait moins et qui reviendra bientôt devant nous, sur la redevance sur les semences fermières.

Dans ce texte, la notion de défaut de conformité est assez bien définie. Pour autant, un aspect me paraît assez dangereux et est une porte ouverte à la contestation. Dire que l’acheteur n’est pas fondé à un recours s’il ne pouvait raisonnablement ignorer le défaut me semble méconnaître la réalité : bien des consommateurs, en dépit des mises en garde, sont bernés par un vendeur dont la compétence technique est meilleure que le produit qu’il vend. Nous avons déjà légiféré sur cette question à propos du crédit. Nous n’aurions pas dû ouvrir cette porte ; cela risque d’avoir des conséquences qui nous conduiront sans doute à revoir ce texte.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, ce texte est également l’occasion de vous interroger sur l’action de groupe. Le Président Chirac l’évoquait en janvier 2005. Pour lui, il fallait donner aux consommateurs les moyens de faire respecter leur droit. Il expliquait : « Aujourd’hui, ils sont démunis parce que, pris séparément, aucun des préjudices dont ils sont victimes n’est suffisamment important pour couvrir les frais d’une action en justice. » Les rapports expliquent aujourd’hui la défiance des consommateurs concernant leur protection économique.

On a alors accusé le Président de la République de légèreté – non pas à gauche, mais dans certains milieux économiques. Pourtant, très rapidement l’idée a été reprise par M. Chatel dans son excellent rapport sur les moyens de rendre la confiance aux consommateurs. Ce rapport, qui n’a été que partiellement utilisé, recèle encore beaucoup d’idées intéressantes, pourtant très majoritairement restées lettre morte.

Deux rapports officiels existent sur cette seule question : un rapport sur l’action de groupe, remis à Thierry Breton et vous-même, monsieur le garde des sceaux, le 16 décembre 2005, qui propose de créer une action inspirée des modèles nord américains et une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse ; un rapport d’information de M. Hyest qui a été publié au Sénat le 14 mars 2006. On notera également que la chambre de commerce et d’industrie de Paris a organisé un colloque sur ce thème le 13 avril 2005. Cette question nous paraît mériter un débat, mais aussi une concrétisation dans la loi.

Est-ce l’opposition du MEDEF qui empêche d’aller plus loin ? M. Ernest-Antoine Seillière avait, en effet, parlé de surprise, disant que les milieux économiques étaient « très alarmés ». Pour le MEDEF, le consommateur bénéficie d’un droit déjà « très protecteur ». Par ailleurs, on pourra lire avec intérêt que le MEDEF pose qu'« il est exclu de repenser notre système juridique en important des mécanismes juridiques étrangers totalement extérieurs à notre culture juridique ». Quelle pudeur de l’organisation patronale au regard des assauts contre le droit social qu’elle ne manque pas d’approuver !

Cette promesse du Président de la République va-t-elle rejoindre sur l’étagère des promesses oubliées la longue liste de toutes celles qui ne seront pas concrétisées avant 2007, au risque de faire crouler ladite étagère ? Au moins pourront-elles resservir puisqu’elles n’ont pas encore été utilisées !

Le groupe socialiste ne s’opposera pas à ce projet. Mais on aurait pu faire beaucoup mieux. Sans doute faudra-t-il y revenir à un autre moment, peut-être à l’occasion de la loi sur la consommation qu’évoquait M. Chatel, dont je crains qu’elle aussi ne reste un vœu pieux, du moins jusqu’en 2007.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, il nous est proposé de ratifier une ordonnance visant la transposition d’une directive de 1999 pour laquelle la France a déjà été condamnée en manquement par la Cour de justice des communautés européennes. J’imaginais que c’était l’urgence de procéder à cette transposition qui avait motivé la décision du Gouvernement de légiférer sur cette question par voie d’ordonnance.

Rappelons toutefois que le Gouvernement y a été habilité en décembre 2004, dans la loi portant simplification du droit, c’est-à-dire il y a presque deux ans. Dans ce contexte, la pertinence du choix de recourir à une ordonnance n’apparaît pas des plus crédibles. Mais le Gouvernement est, il est vrai, devenu coutumier du recours aux ordonnances, comme de l’usage de dessaisir le Parlement de ses prérogatives en usant des outils que lui permet encore notre Constitution. Le Gouvernement ne fait nul cas de l’exigence minimale, qui semblait s’être pourtant peu à peu imposée sur la période précédente, de sauvegarder le caractère exceptionnel de ces dispositions constitutionnelles, au risque de connaître les dérives que nous avons relevées et de voir porter de graves atteintes aux droits du Parlement, comme ce fut le cas très récemment lors de la discussion du CPE.

Au moins avons-nous la consolation, le privilège rare, devrais-je dire, de débattre ce soir d’un texte de ratification. D’ordinaire, en effet, ces textes ne sont pas débattus mais seulement déposés sur le bureau de l’Assemblée. Il est cependant inacceptable de se satisfaire du seul dépôt devant le Parlement d’un projet de ratification pour considérer que vous avez répondu au délai de trois mois entre l’édiction de l’ordonnance et sa ratification. Le Gouvernement ayant la maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat, il serait légitime que ce délai de trois mois s’applique entre la publication de l’ordonnance et le vote de la loi de ratification.

L’intérêt de ce délai était de permettre au Parlement de contrôler l’exercice exceptionnel de ses prérogatives par le Gouvernement. La procédure des ordonnances étant dérogatoire au droit commun, le contrôle est donc censé être strict et rapproché. Or cela fait maintenant plus d’un an que les ordonnances sont entrées en vigueur. Vous méprisez donc à double titre le Parlement : d’abord en le dessaisissant de son devoir de faire la loi par l’utilisation de la procédure des ordonnances, puis en l’empêchant de contrôler votre action dans des délais raisonnables.

Il convient cependant de saluer l'opportunité que nous avons d'examiner indirectement le contenu de la transposition, même s’il faut bien reconnaître que le texte dont nous débattons ce soir reste d'une portée limitée et que ces dispositions ne sont pas de nature à soulever de vives contestations. Qui s'opposerait en effet au principe d'une meilleure protection des consommateurs dans le cadre de la vente de biens meubles ? La directive, comme cela a déjà été dit, ne pose qu'un socle minimal de protection des consommateurs, laissant aux États la possibilité de prévoir des dispositions plus favorables, ce que fait notre code civil. Il s’agit dès lors davantage d’un travail de toilettage législatif que d’une réforme authentique.

Cela dit, quelques bonnes idées ont présidé à cette transposition, comme la nouvelle action en garantie de « conformité du bien au contrat », qui englobe le vice caché et la délivrance conforme tels qu'ils sont connus en droit français. C'est là une simplification utile. Le renforcement des obligations d'information nous paraît aussi de nature à garantir une meilleure protection des consommateurs. La réforme du délai de l'action en garantie prévu par le code civil est également à mettre au crédit de ce texte, puisque l’action du consommateur devra désormais être intentée dans un délai de deux ans à partir de la découverte du vice, et non plus à compter de la délivrance du bien.

Nous sommes en revanche un peu plus réservés quant à la rédaction retenue par l'ordonnance pour l’article L. 211-6 du code de la consommation, qui dispose que « le vendeur n'est pas tenu par les déclarations publiques du producteur s'il est établi qu'il ne les connaissait pas et n'était légitimement pas en mesure de les connaître ». Nous redoutons en effet que cette disposition ne soit de nature à dédouaner le vendeur de ses responsabilités et à restreindre en conséquence la protection des consommateurs. Le ministre ou la commission pourront sans doute nous éclairer utilement sur ce point.

On voit qu’il ne serait pas difficile de donner quitus au Gouvernement sur ce texte globalement satisfaisant, à l'image de la proposition de loi visant à « conforter la protection des consommateurs », qui a été débattue l'an dernier, initiative que nous avions d'ailleurs saluée.

II est heureux, en effet, que la majorité parlementaire garde conscience que la consommation des ménages contribue à hauteur de 54 % au PIB de notre pays, et qu'elle se souvienne que le renforcement des droits des consommateurs constitue un enjeu économique majeur.

Mais l'accroissement des droits des consommateurs et le renforcement de leur protection passent aussi par l’amélioration de leur accès aux juridictions. L'affirmation de droits nouveaux n'a que peu de sens et de portée si leur mise en œuvre s'avère dans les faits incertaine.

Il serait à ce titre judicieux d'envisager l'intégration des actions de groupe dans notre procédure judiciaire. La possibilité ouverte à un groupe de consommateurs s'estimant lésés de regrouper leurs moyens matériels pour saisir ensemble le juge favoriserait un meilleur accès à la justice. Ces actions de groupe rendraient enfin effectives les normes protectrices en accroissant la probabilité que les infractions à ces normes soient sanctionnées. L'accroissement du risque de condamnation et le montant des préjudices à indemniser conduiraient les producteurs et vendeurs à une meilleure prise en compte du droit des consommateurs. C’est pourquoi le Gouvernement devrait, passant outre à la ferme opposition du MEDEF, prêter l’oreille aux propositions qui lui sont faites en la matière, tant par la majorité que par l’opposition.

Pourvu qu’on prenne soin d’éviter les dérives que connaissent certains pays, l'instauration d’une action de groupe à la française aurait un double avantage : outre qu’il rendrait les droits des consommateurs effectifs par la systématisation de la sanction de l’infraction, ce mécanisme contribuerait à la prévention des infractions par sa valeur pédagogique vis-à-vis des producteurs et des vendeurs. Voter une telle mesure serait audacieux et pertinent.

Comment ne pas regretter par ailleurs que le Gouvernement retire d'une main ce qu'il offre de l'autre ? En effet, le paysage actuel de la protection des consommateurs est pour le moins contrasté. Le texte sur les droits d'auteur porte des atteintes graves aux droits des consommateurs ; la réforme du crédit hypothécaire, en passe d'aboutir, constituera un dispositif d'incitation à l'endettement particulièrement dangereux et bien évidemment contraire aux intérêts des consommateurs.

Si le Gouvernement entend ainsi relancer la consommation, pourquoi ne renonce-t-il pas tout simplement aux dogmes libéraux qui le conduisent depuis quatre ans à mener une politique de l'offre aux résultats désastreux que l’on sait ? Relancer la consommation en incitant à l'endettement est de mauvaise politique. C’est faire peser sur la vie quotidienne de nos concitoyens les conséquences de l'incurie de vos choix économiques.

Ce contexte éclaire quelques-uns des motifs bien peu philanthropiques de l'attention que vous portez aux consommateurs. Il s’agit de les pousser à consommer pour maquiller l'atonie de la croissance et la doper artificiellement en incitant les Français à s’endetter ou à puiser dans les réserves qu’ils ont constituées pour faire face à un avenir et des retraites de plus en plus incertains.

Sans être dupes de vos objectifs, nous saurons faire preuve de pragmatisme et approuver votre projet de loi, car nous sommes d’abord soucieux des droits de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président. Je mets aux voix l'article unique.

(L'article unique est adopté.)

M. le président. Nous en venons à des amendements portant articles additionnels après l’article unique.

Après l’article unique

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2 rectifié.

Puis-je considérer que vous avez déjà défendu cet amendement, monsieur le rapporteur suppléant ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. En effet, et je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà dit à ce propos. J’ajouterai simplement que la Commission européenne estime que le mécanisme de l'appel en garantie tel qu’il existe dans le droit français, qui permet au distributeur de faire supporter la responsabilité du dommage par son propre fournisseur, ne constitue pas une transposition suffisante des termes de la directive. C’est pourquoi la modification proposée exonère expressément de sa responsabilité le fournisseur qui indiquerait l'identité de son propre fournisseur à la victime.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’ai expliqué tout à l’heure, lors de la présentation générale du texte, comment la proposition de votre commission avait rectifié à la marge cette disposition. Nous y sommes, et nous ne pouvons que nous réjouir de cette proposition. C’est pourquoi j’invite l’Assemblée à adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. C’est un amendement de précision. Le rapport au Président de la République sur l’ordonnance indique que « le contenu de l'article L. 211-2, protecteur des consommateurs, est repris au nouvel article L. 211-16 ». Or les dispositions de l'ancien article L. 211-2 s'appliquaient aux contrats portant sur la réparation d'un bien meuble, et non aux seuls contrats de vente.

Cet amendement vise donc à corriger l'oubli des contrats portant sur la réparation d'un bien meuble.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je remercie le rapporteur de son initiative, qui répare à juste titre un oubli. En effet, l’ordonnance n’a pas pris en compte l’hypothèse où une garantie commerciale est accordée par un réparateur. Il est vrai que, le plus souvent, une garantie est consentie au moment de la vente, et l’ordonnance ne couvre que ce type de contrat. Cependant, à partir du moment où la mise en œuvre d’une garantie impose des obligations légales au vendeur, il est de bon sens de les étendre au réparateur.

L’amendement permet au consommateur qui apporte un bien en réparation de bénéficier d’un régime uniforme, quel que soit le professionnel qui a donné sa garantie. Cette rédaction permet d’harmoniser notre droit de la consommation, ce que je ne peux qu’approuver.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Titre

M. le président. Sur le titre du projet de loi, je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir cet amendement.

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Cet amendement de coordination vise à tenir compte du vote de l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Contrôle de la validité des mariages

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages (nos 2838, 2967).

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéas 1 et 3.

Je regrette que, dans la première partie de nos débats, au cours de la discussion générale, les réponses du Gouvernement aient été insuffisantes. Le ton même de ces réponses, monsieur le ministre, exprimait une certaine désinvolture envers la représentation nationale, et en particulier envers l’opposition. Vous m’avez en effet accusé d’être « pinailleur » – c’est le terme que vous avez employé – parce que je posais des questions. Est-il anormal qu’un député – en l’espèce, de l’opposition, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’un député de la majorité – pose des questions ? Ce n’est pas du pinaillage : c’est le rôle même du parlementaire.

Comment, d’ailleurs, pourrait-on pinailler sur des chiffres qui ne sont pas donnés ? Est-ce du pinaillage que de dire au ministre qu’il doit nous donner tous les chiffres dont il dispose ? En commission des lois déjà a été évoqué le rapprochement de deux chiffres : puisqu’un mariage sur trois est mixte, en France et à l’étranger, et qu’un enfant sur dix seulement naît d’un couple mixte, la fraude au mariage serait manifeste, ce qui justifierait le projet de loi qui nous est présenté.

Lorsque j’ai fait référence à des études non publiées de votre ministère, vous m’avez répondu que ces études n’étaient pas publiées parce qu’elles n’étaient pas validées, ce qui revient à reconnaître qu’elles existent.

Je souhaiterais donc que vous nous fournissiez davantage de précisions sur les 786 décisions d’annulation de mariages prononcées en 2004. Comment ce chiffre se décompose-t-il ?

Vous vous êtes également étonné que nous ayons demandé en commission des lois, puis à nouveau en séance publique, si les consulats disposeraient de moyens supplémentaires – ce que demandent aussi certains députés de la majorité. Or vous ne répondez pas à cette question. L’audition du ministre des affaires étrangères, que nous avions demandée, nous paraît encore pouvoir se révéler très utile.

M. le président. Le garde des sceaux pourra répondre à vos deux questions…

M. Jean-Pierre Blazy. Avant qu’il ne nous réponde, je demande une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

M. le président. Avant de faire droit à votre demande, je vais donner la parole à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous avez la parole, monsieur le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je suis tout prêt à dire à M. Blazy tout ce que je sais. Malheureusement, il estimera à juste titre que je n’en sais pas assez, car nous ne disposons pas de tous les chiffres dont il souhaiterait que nous disposions.

Je lui rappellerai volontiers ceux que j’ai déjà cités dans mon propos initial : on compte 440 oppositions par an à la célébration de mariages, qui correspondent à un contrôle a priori. On compte également 780 annulations de mariage, correspondant à un contrôle a posteriori et concernant à la fois les mariages célébrés en France et les mariages mixtes célébrés à l’étranger. Pour ces derniers, les annulations sont le fruit de signalements opérés par les autorités diplomatiques ou consulaires, dont le nombre est, en tendance annuelle, de l’ordre de 1 700.

Ce chiffre souffre du fait que les mariages célébrés à l’étranger ne sont pas soumis aux mêmes formalités que les mariages célébrés en France – tel est bien d’ailleurs le problème qui justifie le texte que nous examinons. Avec ce projet de loi, les auditions seront systématisées et les fraudes mieux repérées. Le nombre des signalements et des annulations devrait alors augmenter.

J’espère que ces précisions chiffrées répondent à votre attente car, en toute sincérité, je n’en ai pas d’autres.

M. le président. Monsieur Blazy, cette réponse vous satisfait-elle, de telle sorte que nous puissions éviter une suspension de séance ?

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire.

M. Serge Blisko. Ce serait difficile !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet, nous n’avons pas obtenu de réponse quant à la structure des 786 décisions d’annulation prononcées, qu’il serait pourtant intéressant de connaître. Le ministre, qui a justifié son projet de loi sur la base de chiffres, semble maintenant nous dire qu’il est pauvre en chiffres !

Il est donc vraiment nécessaire, monsieur le président, pour que nous puissions y voir clair, de réunir notre groupe.

M. le garde des sceaux. J’ai beau retourner mes poches, je n’ai plus un chiffre à vous donner ! (Sourires.) C’est une situation fâcheuse : je suis tellement sincère que je ne sais comment vous l’expliquer.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 rectifié.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 19.

L’amendement n° 11 rectifié vise notamment à donner à l’officier de l’état civil la possibilité de demander à l’autorité diplomatique ou consulaire de réaliser l’audition d’un Français résidant à l’étranger, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur suppléant ?

M. Guy Geoffroy, suppléant M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir le sous-amendement n° 19.

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement de la commission permet à un officier de l’état civil de déléguer la réalisation de l’audition des futurs époux à un fonctionnaire. Nous en sommes d’accord, mais notre sous-amendement rappelle que cette audition peut aussi être déléguée à un ou plusieurs adjoints au maire, et surtout précise que les fonctionnaires à qui cette tâche sera déléguée devront avoir été spécialement formés à cet effet, comme les élus d’ailleurs.

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes d’accord sur le principe des auditions, mais, comme nous l’avons déjà dit dans nos interventions, c’est un exercice difficile. Il y a donc nécessité de former ceux qui doivent les conduire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 19 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. L’avis de la commission est défavorable, pour deux raisons.

En premier lieu, il est inutile de préciser que l’audition peut être déléguée aux adjoints au maire. En effet, en application de l’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales, les adjoints tiennent leur qualité d’officier de l’état civil de la loi, et peuvent exercer les fonctions correspondantes sans délégation du maire à cet effet.

En second lieu, les modalités de formation des fonctionnaires chargés de réaliser l’audition relèvent bien évidemment du domaine réglementaire et n’ont pas, à ce titre, à figurer dans le code civil.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1 rectifié et sur le sous-amendement n° 19 ?

M. le garde des sceaux. Je comprends tout à fait le souhait de M. Blazy parce qu’il est parfaitement clair qu’à partir du moment où l’Assemblée adopte l’amendement de la commission qui permet de déléguer l’audition aux fonctionnaires municipaux du service de l’état civil, ce type de travail nécessite une préparation et implique évidemment une formation. Mais cela ne relève pas de la loi. Certes, il y a nécessité pour les communes de s’y préparer et de faire en sorte qu’il y ait un rapprochement au niveau des différents centres locaux du CNFPT, qui pourrait peut-être assurer ce type de formation.

M. Blazy a cependant raison de souligner l’indispensable préparation à l’application des dispositions prévues à l’article 1er.

Je suis donc favorable à l’amendement n° 1 rectifié et défavorable au sous-amendement n° 19.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le garde des sceaux, votre réponse est intéressante sur un point : vous reconnaissez qu’il résultera de tout cela, pour les maires et pour les services de l’état civil, une charge supplémentaire. Vous dites qu’il faudra que les maires pensent à former leurs agents, mais en payant eux-mêmes leur formation. Ce transfert de charge non compensé…

M. Serge Blisko. On a l’habitude !

M. Jean-Pierre Blazy. …concernera évidemment les collectivités locales. Et l’on voit bien quelles seront les plus concernées : ce seront des collectivités qui ont déjà souvent des ressources insuffisantes. On peut accepter l’idée d’un transfert de charges, mais, puisque vous reconnaissez la nécessité de former les agents communaux…

M. Serge Blisko. C’est très délicat !

M. Jean-Pierre Blazy. …qui vont recevoir délégation des élus, je vous demande comment les communes pourront réellement les former si elles n’en ont pas les moyens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur suppléant.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Je voudrais dire à M. Blazy et à M. Blisko que cette question a été évoquée en cette enceinte il y a quelque temps, à propos de dispositions du même ordre, que nous avons unanimement retenues, dans le cadre de la proposition de loi visant à prévenir et à réprimer les violences au sein du couple. Je vous invite donc à faire vôtre l’enthousiasme manifesté alors par M. Bloche et certains de ses collègues, car pourquoi cette initiative serait-elle extrêmement intéressante et sans problème d’application lorsqu’il s’agit d’une proposition de loi sur les mariages forcés, et commencerait-elle à poser problème lorsqu’il s’agit d’un projet de loi sur la validité des mariages ?

Nous sommes bien tous d’accord : il faut faire en sorte que, face à une législation plus demandeuse de compétence, celle-ci soit plus avérée ; elle l’est déjà pour beaucoup de nos agents titulaires de nos collectivités, qui font très bien le travail que nous leur demandons ; elle le sera dans le cadre de la loi contre les violences, et aussi, bien évidemment, dans le cadre du présent texte.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. C’est le premier d’une série d’amendements qui se ressembleront parce que nous insistons pour que les futurs conjoints qui auront été « recalés », au terme de l’enquête administrative et de l’audition, puissent comprendre pourquoi le compte rendu a été défavorable. S’il est favorable, la procédure se poursuivra et ils en comprendront donc aisément les conclusions ; mais s’il est défavorable, ils ne devront pas être tenus dans l’ignorance car les conséquences juridiques d’un rejet du mariage a priori seront tout de même très graves : premièrement, ils ne pourront pas se marier ; deuxièmement, il y aura tout un ensemble de conséquences pour un Français qui se marient à l’étranger, notamment sur le plan professionnel. On n’est pas obligé de faire un rapport d’enquête sociale, mais il faut au moins indiquer aux « fiancés » – pardonnez-moi ce terme peu juridique – pourquoi ils ne pourront pas se marier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission a émis un avis défavorable.

Il faut tout d’abord rappeler que les modalités du déroulement de l’audition des futurs époux relèvent du domaine réglementaire.

J’ajoute que la circulaire du 2 mai 2005, dont parlait d’ailleurs le garde des sceaux tout à l’heure, prévoit que les comptes rendus d’audition sont signés par les personnes entendues, et que, si elles se refusent à les signer, ce refus doit être mentionné dans le compte rendu. Ces modalités permettent donc d’évidence aux candidats au mariage de prendre connaissance du compte rendu de l’audition et par là même d’être informés de ce qui s’y est dit et des conclusions qui en sont tirées. Elles leur offrent de meilleures garanties que la simple transmission prévue par l’amendement. Les textes existants donnent entièrement satisfaction à la légitime préoccupation des auteurs de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Comme l’a dit le rapporteur, à la fin de l’entretien, les futurs époux devront contresigner le compte rendu. S’il y a refus de leur part, il leur sera possible, dès lors que ces candidats au mariage auront des avocats, d’obtenir copie du compte rendu de leur audition. Le respect des droits de la défense sera donc parfaitement garanti puisque la procédure judiciaire qui s’ensuivra éventuellement sera contradictoire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 20.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous n’avons pas été satisfaits par les réponses qui nous ont été apportées. Notre amendement revient sur la question de la formation : il apparaît nécessaire que la loi prévoie qu’un décret fixe les conditions de la formation dont il s’agit parce que l’on se rend bien compte que les meilleures conditions ne sont pas assurées alors qu’il est évident qu’il y aura un renforcement de la charge des services de l’état civil, et donc la nécessité de former, en particulier les personnels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2 rectifié.

Cet amendement fait l’objet de trois sous-amendements, nos 21, 24 et 22.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir l’amendement n° 2 rectifié.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement relatif aux auditions réalisées par l’autorité diplomatique et consulaire est le pendant du précédent. Il permettrait à l’autorité diplomatique ou consulaire de déléguer à un fonctionnaire chargé de l’état civil – comme les officiers de l’état civil en France peuvent le faire – la réalisation de l’audition, que celle-ci intervienne préalablement au mariage, au moment de la demande du certificat de capacité, ou postérieurement, au moment de la demande de transcription.

Il s’agit, là encore, de maintenir une disposition que nous venons d’insérer et qui le sera définitivement demain matin, je l’espère, dans la proposition de loi relative aux violences au sein du couple.

Il est bien évidemment précisé que la délégation ne peut être faite qu’au profit de fonctionnaires titulaires, afin d’éviter que l’audition ne soit confiée à des recrutés locaux.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir les sous-amendements nos 21, 24 et 22.

M. Serge Blisko. Le groupe socialiste votera pour l’amendement n° 2 rectifié. Il regrette seulement que les mots : « et spécialement formés à cet effet » ne soient pas insérés après les mots : « chargés de l’état civil », comme le prévoit le sous-amendement n° 21.

L’amendement n° 2 rectifié de la commission constitue une amélioration, d’ailleurs homothétique de l’une des dispositions qui seront discutées demain matin, dans la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.

Les amendements nos 24 et 22 sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 21, 24 et 22 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2 rectifié et sur les sous-amendements nos 21, 24 et 22 ?

M. le garde des sceaux. Favorable à l’amendement et défavorable aux sous-amendements.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 21.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 24.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 22.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. L’article 2 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. Sur l’article 3, je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir cet amendement.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement est rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 4, 25 et 36, pouvant être soumis à une discussion commune malgré la place et pour des raisons de forme.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir les amendements nos 25 et 36.

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement n° 25 propose une autre rédaction de l’alinéa 8 de l’article 3.

Contrairement à ce que pensent la majorité de nos concitoyens, le mariage d’un Français par l’officier de l’état civil consulaire est très rare : cela est en principe réservé au cas où les deux époux sont de nationalité française, donc interdit si l’un des deux époux ne l’est pas, sauf par application d’un décret de 1939, modifié en 1958 et inchangé depuis. En vertu de ce décret, les mariages mixtes peuvent être célébrés par les consulats ou agences diplomatiques françaises en Afghanistan, en Arabie Saoudite, en Chine, en Égypte, en Irak, en Iran, au Japon, au Maroc – dans la zone de Tanger –, dans le sultanat d’Oman, en Thaïlande et au Yémen.

Dans les autres pays, les mariages mixtes doivent suivre la procédure locale, et non celle de la France.

C’est peut-être pour cela que les mariages célébrés à l’étranger inspirent une méfiance dont vous entendez d’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, exploiter les ressorts psychologiques les plus secrets.

Vous en profitez aussi pour faire peser sur les consulats la charge des contrôles, d’où notre amendement n° 36, qui supprime les alinéas 32 à 37 de l’article 3. Espérons que des moyens substantiels seront alloués aux consulats pour assurer les auditions, le contrôle a priori et a posteriori durant les années qui précéderont la transcription au registre de l’état civil de Nantes.

Par l’amendement n° 25 nous proposons de modifier la règle, sans pour autant revenir sur nos engagements bilatéraux. Évitons les tracas administratifs à nos ressortissants de bonne foi et autorisons-les, s’ils le désirent – il ne s’agit en effet que d’une option – à se marier en terre française, quelle que soit la nationalité de leur futur conjoint.

Nous n’aurons plus à craindre les difficultés de gestion nées de pratiques maritales locales et il sera plus facile de s’assurer du respect indispensable de nos principes fondamentaux, qui tiennent à la volonté réciproque des époux et à la publicité du mariage.

Tous les pays considérés comme sûrs ne témoignent pas aux futurs conjoints le même respect que la France : certaines jeunes femmes sont parfois vendues en mariage, ce qui apparente presque ce dernier à un mariage blanc.

M. Patrice Martin-Lalande. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Dino Cinieri. Ce n’est pas très clair !

M. Jean-Pierre Blazy. Un mariage conclu en France pourra donc inciter les intéressés à sortir de leur passivité.

Par ailleurs, certaines jeunes femmes, comme vous le savez, risquent leur vie ou leur liberté si la famille réprouve leur alliance. Vous craignez les mariages blancs, mais sachez qu’il existe aussi de vrais mariages qui se terminent mal. Nous devons en tenir compte, y compris pour nos compatriotes.

Du point de vue matériel, les dépenses consenties en amont seront largement compensées par les économies réalisées en aval pour ce qui regarde l’enquête et les comptes rendus d’auditions.

Sur le plan juridique enfin, dès lors que les époux ont le choix et que le mariage est réputé célébré en France, nos engagements bilatéraux conservent toute leur portée pour les mariages conclus hors de nos frontières et selon le droit étranger.

Je crois enfin savoir que les représentants des Français de l’étranger ne sont pas hostiles, bien au contraire, à cette proposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 25 et 36 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il convient de clarifier les choses sur le texte même de l’amendement n° 25, car M. Blazy semble s’en être quelque peu éloigné au cours de ses explications.

Cet amendement évoque, non le mariage prononcé à l’étranger par l’autorité étrangère, mais le mariage prononcé à l’étranger par l’autorité française. En l’état actuel de notre droit – M. Blazy l’a rappelé –, un consul ne peut célébrer un mariage qu’entre deux personnes possédant la nationalité française. Ce n’est qu’à titre exceptionnel, et en application d’accords en effet très anciens, qu’il est possible, dans une dizaine de pays désignés par décret, de célébrer un mariage entre une personne de nationalité française et une autre de nationalité étrangère.

En adoptant l’amendement n° 25, nous reviendrions sur un principe et généraliserions la pratique des mariages mixtes à tous nos consulats. Or, le droit international interdit désormais aux États de prendre des actes relatifs à l’état civil de ressortissants étrangers : si l’on souhaitait autoriser nos consuls à célébrer des mariages mixtes, il faudrait donc accorder la réciprocité, ce qui ne manquerait pas d’engendrer des conflits et des difficultés bien plus nombreux que ceux que cet amendement, en toute bonne foi, veut prévenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Soyons prudents, en effet !

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Quant à l’amendement n° 36, l’avis de la commission est également défavorable : les consuls doivent bien sûr garder la possibilité de surseoir à la transcription d’un mariage, notamment lorsque, après sa célébration, des éléments nouveaux montrent qu’il est frauduleux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion ?

M. le garde des sceaux. M. le rapporteur a déjà très bien répondu sur l’amendement n° 25. Nous devrions en effet accorder la réciprocité. Or, dans nombre des pays concernés, le mariage religieux précède le mariage civil, ce qui la rend impossible. Cette disposition n’est donc pas même envisageable.

Avis défavorable aux amendements nos 25 et 36, et favorable à l’amendement n° 4.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 25 et 36 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il s’agit d’un amendement de clarification, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Cet amendement est de cohérence. Les futurs époux doivent être informés clairement des raisons du refus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable, par souci de cohérence également.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement de clarification prévoit de définir les cas où la procédure d’opposition au mariage pourra jouer par référence directe aux conditions de validité de ce dernier, et non aux conditions dans lesquelles il peut être annulé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 27.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement propose de compléter l’alinéa 15 de l’article 3 par les mots : « sans délai ».

Il faut en effet éviter de laisser perdurer les situations douteuses. En cas de soupçon, l’agent diplomatique ou consulaire doit saisir le plus vite possible le procureur, qui doit lui-même réagir dans des délais assez brefs.

Nous sommes au moins d’accord sur la nécessité d’éviter les fraudes, mais encore faut-il pouvoir se donner les moyens d’intervenir rapidement. Il ne serait pas raisonnable que l’autorité consulaire ou administrative s’accorde plus de temps pour réagir que la loi n’en donne au procureur de Nantes.

Tel est l’objet de la précision que nous proposons d’insérer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Favorable. La commission a en effet considéré que la précision n’était pas inutile.

S’il y a transcription du mariage, le texte prévoit par ailleurs que l’autorité diplomatique ou consulaire doit informer immédiatement le parquet de ses soupçons. La même obligation de diligence pourrait jouer en cas de sursis à la célébration du mariage.

Quant au choix des termes – « immédiatement » ou « sans délai » –, restons-en à ce que M. Blazy et ses collègues socialistes ont proposé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Je m’étonne de l’avis émis par la commission. Que signifie en droit l’expression « sans délai » ? Si c’est le lendemain, cela équivaut à un délai de vingt-quatre heures ! L’expression n’est donc pas envisageable du point de vue juridique.

Sur le fond, l’exigence que M. Blazy défend est implicitement requise. Le droit du pays s’appliquant, la contestation du procureur de la République n’empêche pas le mariage : les agents diplomatique ont donc tout intérêt à agir sans délai – avant que le mariage ne soit célébré –, même si l’on ne peut pas l’écrire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Cet amendement vise lui aussi à clarifier la question des délais.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 29.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 18 de l’article 3, soit le dernier alinéa du texte proposé pour l’article 171-4 du code civil.

La nouvelle rédaction que nous proposons prévoit qu’à tout moment l’opposition du procureur au mariage peut faire l’objet d’une procédure de mainlevée. Le tribunal de grande instance se prononce alors sur la demande dans les dix jours, en première instance comme en appel – conformément aux dispositions des articles 177 et 178 –, mais cela ne garantit pas au demandeur la connaissance des griefs qui, en fait et en droit, justifient l’opposition.

L’amendement n° 29 prévoit donc que la procédure d’opposition soit la plus transparente possible. C’est pourquoi nous insistons sur le caractère contradictoire de la demande de mainlevée judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable. Dans la mesure où il s’agit de procédure civile, la disposition relève du domaine réglementaire. En tout état de cause, le caractère contradictoire de la procédure est bien prévu par le nouveau code de procédure civile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis, monsieur le président, et je n’ai rien à ajouter aux propos de M. le rapporteur suppléant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8 rectifié.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 30.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir l’amendement n° 8 rectifié.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Le projet de loi subordonne l’opposabilité du mariage d’un Français devant une autorité étrangère à sa transcription. Désormais, un mariage non transcrit sur les registres de l’état civil français pourra être parfaitement valable sans pour autant produire ses effets en France.

Par cet amendement, la commission des lois propose de mieux définir la notion d’opposabilité, en précisant qu’elle ne jouera que vis-à-vis des tiers, le mariage produisant ses effets familiaux. Ainsi, un mariage non transcrit ne pourra pas être opposé à un tiers en France, et notamment à une autorité publique. Il n’aura pas, en particulier, d’effets fiscaux.

En revanche, s’il est valable au regard de l’article 171-1 du code civil, il produira ses effets civils entre époux et à l’égard des enfants, même s’il n’a pas été transcrit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir le sous-amendement n° 30.

M. Jean-Pierre Blazy. Quoi qu’en dise le Gouvernement dans l’exposé des motifs, l’absence de transcription induit une inopposabilité totale du mariage célébré à l’étranger. Autrement dit, les époux mariés ne pourront en aucune manière se prévaloir en France de leur union. Ainsi, ils ne pourront pas faire valoir d’obligation alimentaire et ne pourront même pas divorcer. Quant à leurs enfants, ils ne bénéficieront pas de la possibilité de prouver leur filiation par le mariage de leurs parents.

La disposition proposée dans l’amendement n° 8 rectifié tente de sauver les liens du mariage dans la sphère privée, en l’absence de transcription. Le mariage d’un Français valablement célébré à l’étranger par une autorité étrangère produit ses effets civils en France à l’égard des époux et des enfants.

Il nous apparaît nécessaire d’aller plus loin en ouvrant aux enfants la possibilité de réclamer tous les droits qu’ils détiennent en propre pour ce qui concerne les allocations familiales ou la scolarité, sans que l’administration puisse se prévaloir de l’inopposabilité du mariage.

Le texte proposé pour l’article 171-6 du code civil prévoit que, lorsque le mariage a été célébré malgré l’opposition du procureur de la République, l’officier de l’état civil consulaire ne peut transcrire l’acte de mariage étranger sur les registres de l’état civil français qu’après remise par les époux d’une décision de mainlevée judiciaire.

Il convient enfin que les époux soient informés de cette impossibilité. Celle-ci leur sera signifiée, ainsi que les indices sérieux qui ont justifié l’opposition du procureur.

Tel est l’objet de notre sous-amendement n° 30.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission a émis un avis défavorable.

Le mariage ne confère aucun droit aux enfants à l’égard d’une autorité administrative. Par ailleurs, sur le plan civil, il n’est pas inutile de rappeler que l’ordonnance de juillet 2005 a supprimé les notions de filiation légitime et naturelle. Il n’existe donc plus de différence de traitement entre les enfants, selon qu’ils sont nés de parents mariés ou non. Seule subsiste la présomption de paternité qui ne joue que dans le mariage. Or, sur ce point, l’amendement de la commission, que le sous-amendement est censé modifier, a justement pour effet de faire jouer la présomption de paternité, dans un mariage valablement célébré à l’étranger, même s’il n’a pas été transcrit.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. le garde des sceaux. Je rappelle à M. Blazy que le seul effet du mariage à l’égard des enfants est précisément la présomption de paternité. L’application de cette présomption n’est pas remise en cause par le projet puisque, même s’il n’est pas transcrit, le mariage produit ses effets civils familiaux.

Par ailleurs, je rappelle que, depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, il n’existe plus de différence entre enfants légitimes et naturels, et que ce n’est pas le mariage qui détermine les droits des enfants, notamment à l’égard de l’administration, mais bien l’existence d’un lien de filiation qui est légalement établi et qu’établit précisément le mariage. Il n’y a donc aucun risque de non-transcription du mariage, ni que l’administration puisse utiliser cet argument contre les enfants.

Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement.

S’agissant de l’amendement n° 8 rectifié, la nouvelle rédaction de l’article 171-5 proposée est conforme aux objectifs poursuivis par le projet de loi. Elle apporte une précision très utile concernant les conséquences de l’absence de transcription.

Je le répète, la volonté du Gouvernement est d’empêcher qu’un mariage célébré à l’étranger, dont la validité n’a pas encore été vérifiée, puisse être opposé aux tiers en France, et notamment aux autorités publiques. En effet, au vu des avantages que procure le mariage, il est normal qu’une telle vérification ait lieu avant que les époux n’en bénéficient. Cette règle est exactement la même que celle qui s’applique à ceux qui se marient en France, dont le mariage est célébré et produit ses effets seulement s’il est valable. Toutefois, à défaut de transcription, le mariage doit néanmoins produire, à l’égard des époux et des enfants, ses effets civils légaux dès lors qu’il a été valablement célébré.

Comme l’a indiqué fort justement le rapporteur suppléant, la rédaction proposée par la commission fait apparaître plus clairement cette distinction entre les effets à l’égard des époux et des enfants et l’opposabilité aux tiers. C’est pourquoi je suis très favorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 30.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 31.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Le texte proposé pour l’article 171-6 du code civil prévoit d’interdire la transcription d’un mariage célébré malgré l’opposition du procureur. Cette disposition se justifie d’autant plus qu’un recours devant le juge reste ouvert. Toutefois, nous souhaitons rendre l’ensemble des procédures plus transparentes et plus justes. Dès lors, nous proposons que les époux, mariés malgré tout, puissent disposer des informations nécessaires pour être à même de saisir utilement le juge de l’opposition. Cela est possible si, comme nous le souhaitons, les arguments qui ont motivé en droit et en fait l’opposition du procureur leur sont transmis en même temps que le refus de transcription qu’ils ne peuvent ignorer.

Dans cette affaire, il faut respecter le libre examen par les futurs époux d’un refus qui a de graves conséquences pour eux, mais aussi pour leurs enfants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. La précision proposée est tout à fait inutile puisque l’article 171-4 auquel il est fait allusion prévoit justement l’obligation de signifier l’opposition aux futurs époux. Ainsi, l’interdiction de transcrire un mariage célébré malgré l’opposition du procureur ne jouera que si l’opposition a été signifiée aux intéressés. Nos collègues du groupe socialiste ont donc satisfaction.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 32.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir…

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, nous allons un peu trop vite !

M. le président. Vous avez tout le temps de vous exprimer !

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne crois pas que l’on puisse accuser l’opposition de faire de l’obstruction en la matière. Je souhaiterais simplement que, sur un texte aussi important, les réponses du Gouvernement soient un peu plus étayées. Il ne peut pas se contenter de dire qu’il est d’accord avec le rapporteur !

Notre amendement vise à compléter l’alinéa 25 de l’article 3 par les mots : « , dans de brefs délais ». On nous répondra sans doute qu’il est satisfait ou qu’il relève du domaine réglementaire. En fait, le texte multiplie les obstacles pour les mariages mixtes à l’étranger. L’objectif est clairement affirmé : il s’agit d’être le plus dissuasif possible. On ne garantit pas le principe de la liberté constitutionnelle du mariage en multipliant les obstacles, en faisant du mariage mixte à l’étranger un véritable parcours du combattant.

Une fois de plus, nous proposons de limiter dans le temps les obstacles. Il est souhaitable que la procédure retrouve sa qualité dans les plus brefs délais ou que les conséquences qui s’imposent, à savoir la nullité du mariage, puissent être prononcées sans trop tarder. Je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que ce sont tout de même des êtres humains qui sont concernés !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, jugeant que l’expression « , dans de brefs délais » est imprécise. Sans, bien entendu, jeter le discrédit sur ce que souhaitent nos collègues du groupe socialiste, je dirai qu’on est là dans l’appréciation dite du « fût du canon ». Je ne vois pas vraiment ce que cette appréciation très imprécise apporterait à un texte de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’avoue ne pas connaître grand-chose au fût du canon ! (Sourires.)

J’ai déjà indiqué à M. Blazy que les termes « brefs délais » n’ont aucune portée juridique. L’administration a effectivement intérêt à aller très vite, sinon le juge est saisi et, comme il n’y a pas de preuves contraires, il enregistrera le mariage. La rapidité est donc implicite.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il s’agit de donner à l’autorité diplomatique ou consulaire les mêmes possibilités de déléguer la réalisation de l’audition préalable à la transcription d’un mariage que celles existant pour la célébration d’un mariage. La commission propose d’insérer une telle disposition car elle manquait probablement à la cohérence du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Vous allez me dire que nos amendements se suivent et se ressemblent, puisque, une fois de plus, nous proposons que soient ajoutés les mots : « ainsi qu’aux futurs conjoints ».

Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d’informer les premiers intéressés. Si, s’agissant de l’amendement précédent, les mots « , dans de brefs délais » pouvaient paraître imprécis sur le plan juridique, ce dont je veux bien convenir, pourquoi ne pas proposer une meilleure formulation ?

Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement se braque à chaque fois qu’on parle des intéressés et de délais brefs. Il devrait, au contraire, montrer qu’il ne cherche pas à accumuler les obstacles et les impedimenta aux mariages mixtes, mais pour séparer le bon grain de l’ivraie, si je puis dire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 10.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il s’agit d’une clarification importante dans la mesure où la rédaction actuelle, qui fait état d’un mariage « célébré à l’étranger », pourrait laisser à penser que la procédure d’annulation s’applique à tout mariage célébré à l’étranger, ce qui n’est évidemment pas le cas. N’est concerné que le mariage qui aura été prononcé sans certificat de capacité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 34.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Notre objectif est toujours le même et je déplore le peu d’écoute dont fait preuve la majorité.

Nous proposons de compléter l’alinéa 29 de l’article 3 par les mots : « et au plus tard dans un délai d’un an à compter de la célébration du mariage », pour imposer au procureur de la République de se prononcer dans un délai précis. Vous ne pourrez pas nous reprocher de ne pas être normatifs !

J’aimerais, monsieur le rapporteur, que vous soyez plus attentif à nos propositions, qui sont constructives.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Malheureusement pour nos collègues du groupe socialiste, la commission a émis un avis défavorable à leur amendement.

On ne peut pas imposer au tribunal de se prononcer sur la transcription d’un mariage dans un délai d’un an à compter de sa célébration, pour la bonne et simple raison que la transcription peut être demandée bien après. Fixer un délai, quel qu’il soit, risquerait de mettre les intéressés eux-mêmes dans une situation très délicate.

Même si l’intention n’est pas méprisable, la commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Votre amendement, monsieur Blazy, soulève deux objections.

D’une part, il n’est pas possible de prévoir un délai maximum en fonction de la date de célébration du mariage puisque les époux peuvent demander la transcription de l’acte plusieurs années après. Certains ne la demandent même jamais, notamment quand ils restent à l’étranger. En pratique, c’est souvent le cas : sur les 45 000 mariages mixtes actuellement célébrés à l’étranger, rares sont les époux qui reviennent en France.

M. Jean-Pierre Blazy. Après les reproches que vous nous avez faits, donnez-nous des chiffres précis !

M. le garde des sceaux. Vous avez l’art de me demander ce que j’ignore, monsieur Blazy ! Cela fait plusieurs fois que je vous dis que je ne les ai pas, mais vous ne me croyez pas. Maintenant que les statistiques sont centralisées à Nantes, nous aurons les chiffres. Faisons la réforme et nous vous les donnerons !

D’autre part, votre amendement est incompatible avec le mécanisme prévu au texte proposé pour l’article 171-7 du code civil, qui prévoit qu’à l’expiration d’un délai de six mois, les époux peuvent saisir le tribunal si le procureur ne s’est pas prononcé sur la transcription, afin qu’il soit statué sur celle-ci. Ce dispositif étant meilleur, je demande à l’Assemblée de rejeter l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 35.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.

M. Serge Blisko. Je voudrais revenir sur vos propos, monsieur le garde des sceaux.

C’est tout de même extraordinaire ! Vous n’êtes pas plus précis que nous, à qui vous reprochez de prévoir un certain délai...

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas un texte de loi ! C’est un commentaire !

M. Serge Blisko. Je ne peux que partager votre irritation devant l’évanescence des chiffres.

Les couples qui se sont mariés dans un pays étranger, mais dont la transcription du mariage est en suspens, de sorte que leur union n’est pas reconnue, risquent de se trouver pris dans un imbroglio juridique dont tous les juristes et tous les travailleurs sociaux peuvent mesurer immédiatement les conséquences négatives. Il faut à tout prix éviter une telle situation et c’est la raison pour laquelle M. Blazy défendait des délais fixes. Sinon, au bout de quelques années, les couples qui, entre-temps, auront eu des enfants qui pourront être français, ne sauront plus de quel régime ils relèveront. Nous touchons là aux limites de l’exercice.

Si le Parlement a vocation à clarifier les situations, je crains que nous ne remplissions pas notre rôle. Nous sommes au contraire en train de créer des problèmes inextricables. De plus, quoi que vous fassiez, les mariages « binationaux » entre étrangers et Français ont tendance à augmenter, si bien que nous sommes en train de préparer des bombes juridiques à retardement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Avis défavorable. Selon l’alinéa 29, qui n’est pas dissociable du suivant, « le procureur de la République se prononce sur la transcription dans les six mois à compter de la saisine ». L’alinéa 30 complète en précisant que, « s’il ne s’est pas prononcé à l’échéance de ce délai ou s’il s’oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu’il soit statué sur la transcription du mariage ». Tel est le cadre dans lequel les époux peuvent obtenir du juge civil la transcription de leur mariage.

L’adoption de l’amendement n° 35 aurait deux conséquences : d’une part, une transcription de droit du mariage célébré sans certificat de capacité et présumé frauduleux, en complète contradiction avec l’esprit du texte qui entend réserver au juge la transcription d’un mariage douteux, et non à l’administration ; d’autre part, il en résulterait un vide juridique puisque, au cas où le procureur s’opposerait à la transcription, rien n’autoriserait les époux à saisir le tribunal de grande instance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 11.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 11.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement vise à garantir que les époux, dont la transcription du mariage fait l’objet d’une opposition, obtiendront une décision du TGI dans le délai d’un mois. En cas d’éloignement géographique entre la juridiction française et le lieu de résidence des époux, ce délai pourrait passer à trois mois, en application de l’article 643 du nouveau code de procédure civile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir le sous-amendement n° 44.

M. Jean-Pierre Blazy. Le rapporteur se rallie enfin à nos arguments en proposant que le tribunal se prononce dans le délai d’un mois. Nous suggérons une précision supplémentaire en prévoyant une transcription de droit à l’expiration du délai prévu.

M. Serge Blisko. Nous parachevons l’œuvre du rapporteur !

M. Jean-Pierre Blazy. Notre sous-amendement est dans le droit fil de l’amendement du rapporteur, que nous soutenons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission est sensible aux marques d’intérêt des auteurs du sous-amendement (Sourires), mais leur explication partielle conduit à une appréciation partiale, pour le coup. L’avis de la commission est défavorable pour les mêmes motifs que ceux qui ont été opposés à l’amendement n° 35 : il n’est pas opportun – et c’est une litote – de prévoir la transcription de droit d’un mariage célébré sans certificat de capacité et présumé frauduleux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 11, mais très défavorable au sous-amendement n° 44, qui annulerait la totalité du texte pour revenir à la situation actuelle. Il faut oser, tout de même !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 44.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement se situe dans le prolongement des mesures que nous venons d’adopter et qui seront certainement confirmées demain par le vote de la proposition de loi relative aux violences au sein du couple, afin de lutter contre les mariages forcés.

Le projet de loi prévoit que la transcription d’un mariage célébré à l’étranger ne prive pas les époux, ni le ministère public, d’en demander ultérieurement l’annulation au titre de l’article 184 du code civil, c’est-à-dire pour absence de consentement.

La commission propose d’étendre la possibilité d’annuler un mariage au titre de l’article 180, c’est-à-dire pour vice de consentement. Ainsi, conjoints et ministère public pourront demander l’annulation d’un mariage célébré à l’étranger sans le consentement libre des époux, même s’il a été transcrit à l’état civil français.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi d’un amendement n° 37.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.

M. Serge Blisko. Cet amendement vise à faire mentionner dans l’acte, en plus des motifs, les faits qui justifient l’opposition à la célébration du mariage, tant les actes administratifs, surtout dans ces domaines, ont tendance à être lapidaires.

Monsieur le garde des sceaux, vous qui connaissez l’histoire juridique comme personne, vous savez que nous fêtons cette année le centième anniversaire de la réhabilitation du capitaine Dreyfus. Eh bien, même si comparaison n’est pas raison, nous demandons, toutes choses égales par ailleurs, que la décision précise non seulement qu’il est un traître mais aussi qu’un bordereau a été retrouvé dans une corbeille. Bref, il faut préciser les raisons de l’opposition au mariage : inexactitude des pièces d’état civil, mariage antérieur non dissous, impossibilité de retrouver la trace d’une filiation. Il est possible d’être bref, mais il faudrait rapporter les faits qui fondent l’opposition. Compte tenu de la conjoncture, vous devriez, monsieur le garde des sceaux, être sensible à l’intérêt qu’il y a à motiver des décisions lourdes de conséquences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

Le texte est suffisamment précis puisqu’il indique que l’acte d’opposition doit contenir les motifs de l’opposition, ce qui signifie clairement que l’opposition n’aura pas de valeur si les motifs n’ont pas été inscrits dans l’acte d’opposition. Y rajouter, comme l’amendement n° 37 le prévoit, les mots « et les faits qui l’ont justifiée » est donc inutile. On évoque trop souvent les lois bavardes pour ne pas se contenter de ce qui est très précisément prévu dans le cadre de la rédaction actuelle.

M. Serge Blisko. Nous voulons prévenir les motivations purement formelles !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Il est évident, monsieur Blisko, que le droit oblige à motiver ce type de décisions. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, c’est l’article 176 du code civil qui oblige de façon précise à la motivation en droit et en fait. La jurisprudence est du reste très sévère en cas d’absence de motivation. Tout cela est donc implicite. Le problème est que certains font du droit, d’autres de la politique, ce qui n’est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas sérieux !

M. le garde des sceaux. Du reste, cette confusion ne donne jamais les résultats escomptés.

Ce soir, nous ne faisons que du droit ! Or, la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 4 ne posant aucun problème, l’amendement n° 37 est superflu et vous pouvez le retirer en toute sécurité.

M. Serge Blisko. Il n’en est pas question !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le garde des sceaux, en nous regardant, vous affirmez que nous faisons de la politique, et vous du droit ! Votre texte est pourtant bien politique !

M. le garde des sceaux. Au sens où tout est politique !

M. Jean-Pierre Blazy. Le politique doit conserver son éminence sur le droit, qui lui est secondaire.

Certes, il s’agit de faire du bon droit, mais l’objectif que vous poursuivez n’en est pas moins politique puisqu’il consiste à dissuader les mariages mixtes : vous faites donc du droit pour réaliser un objectif politique. Or, à nos yeux, vous ne faites pas du bon droit car, que vous le vouliez ou non, vous mettez en cause la liberté constitutionnelle du mariage en multipliant obstacles et délais. Vous ne pouvez donc opposer ceux qui font de la politique à ceux qui font du droit !

C’est faire preuve d’une attitude désinvolte à l’égard du Parlement sur un sujet…

M. Serge Blisko. Qui concerne des milliers de personnes !

M. Jean-Pierre Blazy. …que nous examinons dans un hémicycle quasiment vide alors qu’il concerne effectivement dans notre pays 90 000 mariages par an, c'est-à-dire un mariage sur trois. Ce n’est tout de même pas rien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 13.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. En effet, monsieur le président.

M. le garde des sceaux. Et le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur suppléant, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Le code civil prévoit actuellement que, lorsqu’un membre de la famille des futurs époux fait opposition au mariage, cette opposition devient caduque au bout d’un an.

Néanmoins, la famille a la possibilité de renouveler son opposition, sauf si, entre-temps, les époux ont obtenu sa mainlevée judiciaire. Le projet de loi a pour effet de supprimer cette possibilité de renouvellement. La commission des lois propose de la rétablir parce que, dans le cas contraire, il suffirait aux futurs époux d’attendre un an pour passer outre à l’opposition familiale, sans avoir à en demander la mainlevée au juge. Ce serait contraire à l’esprit de la loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir le sous-amendement n° 39.

M. Jean-Pierre Blazy. Le sous-amendement n° 39 vise, après le mot : « renouvelé », à supprimer la fin de l’alinéa 2 de l’amendement.

L’article 176 traite du contenu et de la caducité de l’acte d’opposition à la célébration du mariage. Dans le projet de loi, l’avant-dernier alinéa prévoit : « Après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. » Or, la commission a voulu donner aux aïeuls la possibilité de renouveler l’opposition devenue caduque faute d’effet au bout d’un an.

Il convient de donner à l’opposition tout son sérieux et de laisser à l’action en nullité toute sa portée. Pour l’une et l’autre raison, il paraît utile d’éviter la multiplication des actions en révision, lesquelles ne doivent jamais se substituer aux actions en annulation au motif que la suspicion est plus facile à justifier que la nullité à prouver.

Notre sous-amendement vise donc à ne pas autoriser le renouvellement de l’opposition de la famille pour mariage d’un adulte. On voit trop bien, en effet, l’usage que pourrait faire de cette disposition une famille qui désapprouverait l’union de son enfant avec un ou une étrangère. Nous avons néanmoins laissé ouverte la possibilité pour le procureur de renouveler l’opposition devenue caduque, car nous ne croyons pas que la disposition précédente, qui crée l’opposition éternelle, et – je le répète – le mariage judiciaire –, puisse sérieusement être tenue pour valide.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 39 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable car, si nous adoptions ce sous-amendement, nous serions dans une situation juridique surprenante, puisqu’elle serait à mi-chemin entre ce qui existe et que nous voulons rétablir dans le projet de loi et ce que le Gouvernement a proposé dans le texte initial.

En effet, en supprimant la référence à l’article 173 du code civil, on ne supprime pas pour autant l’article 173, qui existe bel et bien ! Le sous-amendement aurait pour conséquence, ce que personne ne peut accepter, de permettre à un ascendant de renouveler son opposition à un mariage lorsque celle-ci a été levée par le juge. L’article 173 du code civil existant toujours, la cohérence de l’amendement de la commission exige qu’il continue de figurer à l’article 176.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l’amendement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable au sous-amendement n° 39, puisqu’il rendrait possible le renouvellement d’une opposition même après une décision de mainlevée judiciaire – ce qui serait tout à fait étonnant ! Ce serait de plus contraire au souhait de ses auteurs de ne pas voir se multiplier les procédures d’opposition.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 14 de la commission, puisqu’il a pour objet d’interdire à la famille de faire une seconde opposition au mariage dans l’hypothèse où la mainlevée d’une première opposition a été ordonnée par le tribunal.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 39.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 38.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. L’amendement n° 38 vise à supprimer l'alinéa 5 de l’article 4.

En effet, cet alinéa instaure un droit d'exception quand l'opposition à un mariage émane du ministère public, si bien que l'opposition du ministère public, dans les cas d'inertie, demeure jusqu'à ce que les époux saisissent la justice. Cette disposition heurte des principes fondamentaux de notre droit puisqu’elle dissocie le mariage de ses effets, sans justification suffisante. De plus, la durée de l'opposition pourra être illimitée, ce qui est incompatible avec la notion – certes subjective – de délai raisonnable exigé par le Conseil constitutionnel. Enfin, elle oblige des époux dont le mariage a été jusqu'à preuve du contraire valablement célébré aux yeux du droit local comme du droit français – aucune action en nullité n'étant en cours – à faire reconnaître leur mariage en justice.

Le Conseil constitutionnel regardant le mariage comme une liberté fondamentale, il y a lieu ici d'appliquer l'adage selon lequel « la liberté ne se motive pas ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

L’intervention du procureur n’a de sens qu’en tant qu’il est le gardien de l’ordre public. C’est dans ce cadre que le parquet peut s’opposer à la célébration d’un mariage. L’alinéa 5 est donc tout à fait justifié. C’est pourquoi la commission souhaite le maintien du texte en l’état afin que l’opposition du ministère public, à la différence de celle faite par la famille, puisse subsister dans le temps.

De plus, la notion de délai raisonnable, à laquelle l’amendement n° 38 fait référence, et prévue par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, n’est pas en cause. Il ne convient pas, en effet, de confondre le délai imposé au juge pour prendre sa décision et la durée d’application de la décision du juge.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. L’article 5 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Sur l’article 6, je suis saisi de deux amendements, nos 40 et 45, le second étant un amendement de repli.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, chacun pourra constater que nous avançons à un bon rythme !

L’amendement n° 40 vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 6 – article qui modifie l’article 47 du code civil. Il convient de rétablir le droit en vigueur et de replacer entre l’administration toute-puissante et les époux titulaires d’un droit fondamental un magistrat, le procureur de la République, que le Conseil constitutionnel considère encore, me semble-t-il, comme le gardien du respect des libertés individuelles.

La loi de 2003, en instaurant un mécanisme de vérification au profit des administrations, a pris le soin de maintenir les interventions nécessaires du procureur de la République de Nantes saisi par les administrés. Le projet de loi, dans un souci d’efficacité dont personne ne saurait douter, simplifie la question en supprimant cette garantie. Peut-être le procureur de Nantes, surchargé par les tâches qui lui sont confiées au point de ne pouvoir fournir de vraies statistiques, ne peut-il consacrer le temps nécessaire au contrôle de l’administration au profit des administrés. Toutefois, monsieur le garde des sceaux, un tel argument domestique n’est pas recevable lorsqu’il s’agit de principes de valeur constitutionnelle. Vous devez vous donner les moyens de vos ambitions ! À quoi sert, en effet, la justice si elle n’a pas les moyens de décider à la place de l’administration ?

M. Serge Blisko. C’est tout le drame !

M. Jean-Pierre Blazy. Sans doute ! Et le seul silence arbitraire de l’administration française vaudra dénégation de la valeur du titre de l’état civil fait dans un état étranger.

Il faut s’arrêter un instant sur cette question parce que nous prenons à la va-vite des décisions très graves. J’attire sur ce point l’attention de mes collègues de la majorité qui, sans doute, suivent le rapporteur, mais les yeux fermés : ils doivent réfléchir aux responsabilités qu’ils prendront en votant ce texte.

M. Dino Cinieri. Nous le voterons en notre âme et conscience !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 40 et 45 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Défavorable.

L’amendement n° 40 a pour effet de maintenir la procédure de sursis administratif et de vérification judiciaire instaurée par la loi du 26 novembre 2003 en cas de doute sur la régularité d’un acte de l’état civil étranger. Or force est de constater que cette procédure n’a pas fonctionné : seuls dix-neuf cas ont été transmis au parquet de Nantes et aucune saisine n’a pu aboutir compte tenu de la rigidité de la procédure. Il est donc parfaitement justifié de la supprimer. C’est pourquoi la commission propose le maintien du texte initial.

L’amendement de repli n° 45, quant à lui, est complexe et engendrerait sans aucun doute des difficultés puisque, en cas de rejet d’un acte de l’état civil étranger produit à l’appui d’une demande administrative, il donnerait compétence au tribunal de grande instance pour statuer sur la validité de l’acte. Son adoption aboutirait à un véritable dédoublement de compétence qui se révélerait complexe et inutile. Compétent en cas de recours contre la décision de rejet opposée par l’administration – cette compétence, personne ne peut la lui ôter –, le juge administratif devrait surseoir à sa décision dans l’attente de celle du tribunal de grande instance, ce qui ne favoriserait pas une solution rapide. En outre, l’adoption en l’état de l’amendement n° 45 poserait problème, puisqu’il ne précise pas qui saisirait le tribunal de grande instance.

Pour toutes ces raisons cumulées, je le répète, la commission a émis un avis défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 40 et 45 ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l’amendement n° 40, qui prévoit le maintien du dispositif actuel de vérification des actes de l’état civil étranger. Or, au cours de la discussion générale, je me suis expliqué assez longuement sur ce sujet, rappelant la nécessité de modifier l’article 47 du code civil, justement pour ne pas avoir à répondre plus tard aux objections que vous soulevez. Je rappelle en outre que le souci du Gouvernement est de rendre efficace un dispositif qui ne l’était pas en raison de sa complexité et de la confusion entre procédure administrative et procédure judiciaire qui en résultait.

Quant à l’amendement n° 45, il marque un retour en arrière en visant à rétablir une procédure de vérification judiciaire des actes de l’état civil étranger devant le TGI. Il revient totalement sur l’esprit du projet de loi en imposant la saisine du juge en cas de doute. Le Gouvernement n’y est donc pas favorable non plus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. Sur l’article 7, je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 15…

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 15.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. Sur l’article 8, je suis saisi d’un amendement n° 16.

La parole est à M. le rapporteur suppléant pour soutenir cet amendement.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Le projet de loi prévoit l’entrée en vigueur des nouvelles formalités de célébration et de transcription des mariages quatre mois après la promulgation du texte. C’est la date de célébration du mariage qui déterminera le régime applicable, seuls les mariages célébrés après l’entrée en vigueur de la loi étant soumis aux nouvelles formalités.

Subsiste néanmoins une incertitude pour les dossiers en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire pour les demandes de mariage déposées avant la date de promulgation, et dont la célébration aurait lieu après. Par cet amendement, la commission propose donc d’appliquer les nouvelles formalités prévues par le projet de loi, non seulement aux demandes qui parviendront aux officiers de l’état civil après la date d’entrée en vigueur, mais également aux dossiers qui seront en cours à ce moment-là. Ainsi, si l’amendement est adopté, seuls les mariages célébrés avant la date d’entrée en vigueur seront exclus de l’application du nouveau régime de contrôle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 16.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41, portant article additionnel après l’article 8.

La parole est à M. Serge Blisko pour soutenir cet amendement.

M. Serge Blisko. L’amendement formule un souhait devenu habituel : que le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel d’évaluation de l’exécution de la loi. Nous avions d’ailleurs obtenu une telle disposition pour la loi sur l’immigration, dont le rapport, du reste, révèle des chiffres intéressants.

À l’issue du débat, je souhaite m’exprimer brièvement sur une disposition qui me paraît indispensable. Au cours de la discussion, nous n’avons disposé que de chiffres flous, non certifiés, au lieu de données statistiques précises, au point que nous nous sommes demandé si nous ne légiférions pas pour seulement quelques dizaines de cas, autrement dit – veuillez excuser cette expression familière – si nous n’étions pas totalement à côté de la plaque.

Dans l’une de ses interventions, M. le rapporteur a employé trois fois le mot « complexe ». Je suis d’accord avec lui : le sujet est extrêmement complexe, comme le montre bien le dernier amendement de la commission. La procédure peut en effet se révéler longue, surtout quand il s’agit de rechercher des pièces à l’étranger, et elle peut être compliquée par des effets juridiques induits. Cet amendement de la commission, portant sur les délais d’application de la loi, met bien en évidence que nous nous trouvons dans une incertitude juridique.

Aussi, une évaluation est-elle nécessaire, d’autant plus que, comme le rappelait M. Blazy tout à l’heure, nous risquons de mécontenter un certain nombre de pays étrangers, de pays amis avec lesquels nous avons des relations économiques, culturelles et sociales étroites – je pense aux pays du Maghreb.

Mme Chantal Bourragué. Il existe des accords particuliers avec ces pays !

M. Serge Blisko. Je pense aussi à la Turquie, un des grands partenaires d’aujourd’hui et de demain de l’Europe.

Mme Chantal Bourragué. Mais vous la voulez en Europe, la Turquie !

M. Serge Blisko. Et cela, en dépit de la turcophobie qui vous agite parfois. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Permettez-moi de faire preuve d’un peu de bon sens et de rappeler qu’en la matière nous partons du droit des personnes pour aboutir aux relations diplomatiques. Il ne s’agit pas seulement de traquer les fraudeurs au mariage, mais de savoir que nous allons devoir affronter des drames humains pouvant se révéler très graves comme ceux subis par les enfants lors des divorces internationaux.

D’où la nécessité de disposer d’une évaluation sans complaisance de l’exécution de la loi. Nous ne légiférons pas dans une bulle. Rappelez-vous que l’article 4 de la loi du 23 février 2005 a tout de même failli empêcher la signature du traité d’amitié avec l’Algérie et a entraîné le recul que l’on sait de la langue française dans ce pays. Et cela simplement parce que vous avez essayé de faire plaisir à quelques députés qui n’ont pas encore compris que la guerre d’Algérie était terminée depuis 1962 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous devez donc assumer la responsabilité de vos actes, en particulier au regard des engagements internationaux de la France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. La commission est heureuse d’indiquer aux auteurs de l’amendement qu’ils ont satisfaction, et depuis fort longtemps, puisque la loi du 26 novembre 2003 prévoit la présentation d’un rapport sur les orientations de la politique de l’immigration, rapport qui donne d’ores et déjà des informations sur le contrôle de la validité des mariages.

M. Serge Blisko. Non, il ne porte pas là-dessus !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Il m’est agréable de rappeler en votre présence, monsieur le président, qu’une récente disposition du règlement de l’Assemblée, l’alinéa 8 – qui vous doit tant – de l’article 86, prévoit une mission d’évaluation de l’application des lois six mois après leur entrée en vigueur. Je ne doute pas que cette disposition donne satisfaction aux auteurs de l’amendement.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Titre

M. le président. Sur le titre du projet de loi, je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. Serge Blisko pour soutenir cet amendement.

M. Serge Blisko. Nous souhaitons modifier le titre du projet de loi car ce n’est pas du « contrôle de la validité des mariages » qu’il s’agit, mais, soyez francs, du « contrôle de la validité des mariages célébrés entre des époux dont l’un est étranger et spécialement des mariages célébrés à l’étranger ».

Le titre que nous proposons est peut-être un peu lourd du point de vue grammatical, je le reconnais volontiers, mais il a au moins le mérite de la franchise et montre ce qui est sur le point d’arriver. Nous sommes en train d’ennuyer – pour rester poli – certains de nos concitoyens qui ont eu l’idée bizarre d’aller se marier à l’étranger, au nombre tout de même de 45 000 par an ou plutôt, si j’ai bien compris, de 22 500.

M. le président. Quel est l'avis de la commission, que je pressens défavorable ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il est en effet défavorable, monsieur le président, et pour deux raisons.

D’abord, et M. Blisko en est lui-même convenu, le texte est lourd. Ensuite, si parler des « mariages célébrés entre des époux dont l’un est étranger » s’applique bien aux mariages mixtes, ajouter : « et spécialement des mariages célébrés à l’étranger », aboutit au résultat bien curieux d’englober les mariages célébrés à l’étranger entre deux ressortissants français.

Il serait vraiment surprenant que nous atteignons tous nos objectifs avec cette rédaction que je qualifierai d’inutilement allongée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable, ce qui ne vous surprendra pas, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l’ensemble du projet de loi, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous allons dans quelques instants nous prononcer sur un texte intitulé : « Contrôle de la validité des mariages ». L’amendement que vient de défendre M. Blisko explicitait le sens de ce titre, révélant la réalité d’un choix politique, celui du Gouvernement et de sa majorité, qu’on aurait du mal à comprendre, ne soyons pas naïfs, si nous n’étions à la veille de l’échéance de 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. C’est petit, ça !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous nous préparons d’ailleurs à légiférer de nouveau sur l’immigration dans quelques semaines,…

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. …procédant à une rupture avec la loi de 2003 qui n’a pas produit tous ses effets. Il s’agira bien d’une loi de rupture, de rupture avec vous-même, ce qui est aussi un choix, celui, notamment, de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La rupture est en effet un thème qui lui est cher !

Ainsi, dans un contexte préélectoral où vous vous trouvez en difficulté, vous espérez vous rétablir en jouant avec des peurs qui agitent la société.

M. Jean-Pierre Gorges. Vous avez bien inventé le Front national, vous !

M. Jean-Pierre Blazy. N’oubliez pas que le rapport de la Commission des droits de l’homme a montré que le racisme en France a augmenté en 2005. Faites donc attention avec le texte qui va venir en discussion prochainement.

Pour en revenir au projet de loi dont nous débattons, nous insistons sur le fait qu’avant de légiférer, il faut évaluer l’impact des dispositions prévues. Au terme de nos débats, la critique principale que l’on peut formuler à l’encontre de ce projet est la vanité d’une nouvelle législation sur le contrôle des mariages.

En effet, plus de 2 millions de Français vivent à l’étranger – c’est l’un des rares chiffres qu’on a bien voulu nous donner, mais il est réel. On dénombre 45 000 mariages mixtes à l’étranger. Les conjoints étrangers espèrent venir en France, selon vous, ce qui n’est pas assuré, mais, au bout du compte, peu le feront car l’obtention d’un titre de séjour n’est pas automatique, pas plus que ne le serait l’acquisition de la nationalité parce qu’on se marie avec un Français ou une Française.

Ensuite, quant à la fraude,…

M. Serge Blisko. C’est leur obsession !

M. Jean-Pierre Blazy. …qui est votre obsession, nous n’en nions pas l’existence, et il faut la combattre. Nous sommes d’ailleurs un certain nombre ici à être maires !

M. Serge Blisko. M. Blazy sait de quoi il parle !

M. Jean-Pierre Blazy. Je suis pour ma part maire dans la banlieue Nord de Paris, alors, veuillez m’excuser, je peux observer ces questions de près ! À cet égard, la pratique des auditions me paraît bonne et, puisqu’elle peut se révéler utile, je la mets en œuvre dans ma commune.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il faut voter le projet de loi, alors !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, il faut lutter contre la fraude au mariage, nous en sommes d’accord, mais il ne faut pas fantasmer sur la question.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Ne fantasmez pas sur nos intentions non plus !

M. Jean-Pierre Blazy. Soyons donc objectifs ! Or, ce soir, M. le garde des sceaux a fini par reconnaître qu’il n’était pas en mesure de nous fournir beaucoup de chiffres, même si nous l’avons quelque peu presque harcelé.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Il est accablé, le pauvre ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. Au dernier moment, il nous a néanmoins donné celui-ci : 786 annulations de mariages. Sur 2 millions de Français qui vivent à l’étranger, on compte 45 000 mariages mixtes, 1 700 faisant l’objet d’un signalement, pour aboutir à seulement 786 annulations.

M. Antoine Carré. Mais c’est énorme !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est une donnée sur laquelle, d’ailleurs, nous aurions aimé obtenir des précisions. C’est sur ce chiffre que nous allons donc légiférer ! Aussi peut-on bien parler d’obsession pour ce qui vous concerne.

Enfin, à trop vouloir mettre d’obstacles aux unions mixtes…

M. Jean-Pierre Gorges. On va tuer l’amour ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne sais pas si vous allez tuer l’amour. Je ne le crois pas, car l’amour est éternel, mes chers collègues !

M. Serge Blisko. L’amour toujours…

M. Jean-Pierre Blazy. Vous allez tout de même attenter aux libertés et à nos engagements internationaux.

Même si vous prenez appui sur les pratiques d’un certain nombre de pays de l’Union européenne en matière de contrôle de l’immigration irrégulière, le contrôle des mariages est un autre sujet et vous allez en réalité provoquer, immanquablement, une immigration clandestine d’un nouveau type.

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet – et vous parliez d’amour –, si la transcription du mariage se révèle pour les conjoints un véritable parcours du combattant, ils finiront par se rejoindre sur le territoire national…

M. Serge Blisko. Et dans des conditions irrégulières !

M. Jean-Pierre Blazy. …dans des conditions irrégulières,…

M. Serge Blisko. À cause de l’amour…

M. Jean-Pierre Blazy. …et vous serez contraints d’en tenir compte et de procéder à des régularisations massives.

Une fois que vous aurez voté ce texte, nous devrons nous préparer à des effets sans doute catastrophiques en matière d’immigration irrégulière, à l’opposé de l’objectif recherché. Ce sera, je le répète, le mauvais résultat d’un mauvais choix, d’une mauvaise loi et d’une mauvaise politique.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe UMP.

Mme Chantal Bourragué. Ce projet de loi vise d’abord à assurer le respect de l’institution du mariage et de la liberté de se marier, ainsi que la protection de la famille et des enfants.

M. Guy Geoffroy, rapporteur suppléant. Très bien !

Mme Chantal Bourragué. Aujourd'hui, la fraude et les mariages de complaisance ne respectent ni les personnes ni l’institution française. Il est de notre responsabilité que la justice s’applique aux réseaux organisant des mariages de complaisance. La perspective de ce texte est le respect des lois par tous.

Au vu des conclusions de la mission d’information sur la famille concernant l’évolution des mariages mixtes, il était important que nous mettions en place ces moyens de lutte contre la fraude. Il ne s’agit nullement de dénoncer des libertés fondamentales,…

M. Serge Blisko. Encore heureux !

Mme Chantal Bourragué. …mais au contraire de faire face à la réalité et de s’adapter à des situations nouvelles, afin que l’institution française du mariage conserve toutes ses valeurs. Ce choix politique se fonde sur la responsabilité des personnes et tend à la protection des plus faibles. La législation des autres pays européens en matière de mariages irréguliers va d’ailleurs dans le même sens…

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

Mme Chantal Bourragué. …et ce texte n’emporte pas de conséquences sur la filiation.

Protéger les femmes et les plus faibles : tel est l’objectif de votre projet de loi, monsieur me garde des sceaux. Le groupe de l’UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.

M. Nicolas Perruchot. Ce texte va permettre des avancées nécessaires dans le contrôle de la validité des mariages. Il soumet notamment les mariages de Français à l’étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que les mariages célébrés sur le territoire national. Ces mariages ouvrant les mêmes droits dans notre pays, il est normal qu’ils soient soumis à un contrôle de même nature. En d’autres termes, il s’agit de rétablir l’équilibre entre les droits des Français qui se marient en France et ceux qui se marient à l’étranger.

En outre, ce texte permettra de donner un coup d’arrêt à la fraude et aux filières qui ont fait du mariage de complaisance une économie parallèle.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

déclaration de l’urgence
d’un projet de loi

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant que le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Jeudi 23 mars 2006, à dix heures, première séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs :

Rapport, n° 2927, de M. Guy Geoffroy.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2611 rectifié, relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs :

Rapport, n° 2966, de M. Dominique Juillot, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche :

Rapport, n° 2945, de M. Jean-Michel Dubernard.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt.)