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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 11 avril 2006

195e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Prévention des violences lors des manifestations sportives

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Claude Goasguen et plusieurs de ses collègues relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (nos 2999, 3011).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, un de mes collègues a appelé le texte dont nous débattons aujourd’hui « la proposition de loi Parc des Princes ». Non, il ne concerne pas seulement ce stade…

M. Alain Néri. Malheureusement !

M. Claude Goasguen, rapporteur. …même s’il est vrai que celui-ci a le triste privilège de concentrer les débordements. Ce n’est pas parce que je suis le député de cette honorable circonscription que je présente une proposition de loi mais parce qu’il y a un vrai risque de dénaturation du sport le plus populaire en France – à savoir le football. Nous espérons tous que cette dénaturation ne polluera pas les autres fédérations sportives. Le ministre rendait récemment hommage aux supporters de rugby et je m’associe à cet hommage, mais personne ne peut prétendre être à l’abri de ce genre de débordement. C’est pourquoi le texte dont nous allons débattre ce matin est à la fois dissuasif et préventif.

La question, mes chers collègues, est de savoir si l’on va pouvoir continuer à aller tranquillement suivre un match de football en famille. Dans certaines enceintes sportives, cette possibilité qui est normalement liée à la philosophie du spectacle et à l’organisation même du sport est devenue impossible, voire risquée. Alors que les rencontres sportives devraient être des événements festifs et véhiculer des valeurs positives, elles sont régulièrement le théâtre de débordements divers : dégradations de biens, actes de violence, injures, agressions racistes sont des faits récurrents lors des matchs de certaines équipes du championnat.

Ces phénomènes sont connus en France et sont largement sanctionnés mais force est de constater que, aujourd’hui, le football professionnel français subit le même hooliganisme que les championnats anglais, italien ou espagnol.

Le week-end dernier, un joueur du Barça a encore été victime de supporters de l’équipe adverse qui imitaient des cris d’animaux chaque fois qu’il touchait le ballon. Cette mode qui vient d’Italie et sévit en Espagne a franchi les Pyrénées. Ce phénomène insupportable de comportement raciste, qui pouvait paraître surréaliste il y a quelques années, risque désormais de toucher toutes les enceintes sportives.

Même si, en France, les violences n’ont pas encore atteint les niveaux enregistrés en Turquie, en Amérique du Sud ou en Afrique, l’absence d’action pourrait nous mener très vite aux mêmes manifestations de défoulement raciste.

La plupart des pays européens se sont dotés d’un arsenal juridique spécifique. Le Conseil de l’Europe comme l’Union européenne se sont penchés sur ce problème et ont formulé une série de recommandations, qui comprennent notamment l’interdiction de l’accès au stade pour les supporters violents. Cette sanction est possible en France depuis le vote de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Pour donner un ordre d’idée, en France, soixante-dix matchs de football par saison sont marqués par des incidents.

Le premier type de dérive est la dégradation matérielle. Pour illustrer ce phénomène, dans le cadre de la saison 2005-2006 en cours, 458 personnes ont été interpellées, dont 25 % à Paris à l’occasion justement de rencontres au fameux Parc des Princes.

Ces actes de délinquance sont prémédités, les hooligans s’organisant et se déplaçant. Nous voyons apparaître un phénomène nouveau d’ultra-violence, la rencontre sportive n’étant qu’un prétexte pour rechercher l’affrontement avec des groupes antagonistes ou les forces de l’ordre.

Ces pratiques n’ont rien à voir avec les violences spontanées qui peuvent avoir lieu – hélas ! – dans le cas d’arbitrages contestés. Elles se situent dans un tout autre contexte : les intéressés utilisent les forums sur Internet pour défier les groupes ennemis, s’enorgueillir des derniers « faits de gloire » et – pire encore – se donner des rendez-vous de casseurs. Au programme : alcool et bagarres dans des lieux publics isolés, dans des parkings de supermarchés ou dans des stations service, comme on l’a vu récemment. Les groupes de hooligans n’hésitent pas à faire plusieurs centaines de kilomètres pour relever le défi d’une bande appartenant à un autre club. Internet a permis l’extension de la violence : des groupes de hooligans de différentes équipes professionnelles concluent même des alliances pour peser encore plus dans les batailles rangées qu’ils organisent sur tout le territoire !

Les nuisances sont considérables pour les riverains. Je les subis personnellement autour du Parc des Princes. Un match à risque dans ce stade mobilise 2 000 policiers, contre 700 pour un match classique. Inutile de préciser que les policiers, qui ont autre chose à faire qu’à surveiller des bandes de voyous fréquentant les stades, et les particuliers, qui payent puisque la plupart des clubs sont subventionnés – et les subventions proviennent de l’argent des contribuables – ont tout intérêt à ce que cela finisse.

Le second type de dérive sont les actes racistes, que nous voyons se multiplier.

Ces nouvelles manifestations nous imposent de compléter l’arsenal répressif actuel.

La loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993, s’inspirant des mesures prises en Angleterre, interdit le port de symboles et l’introduction d’objets dangereux dans les stades. Elle est en général plutôt bien appliquée et des sanctions, comme la récente décision d’interdiction administrative, peuvent frapper les supporters à titre individuel. Des amendements ont été déposés en ce sens.

Mais c’est aux phénomènes de groupe que nous devons maintenant nous attaquer. Nous voyons en effet se développer un phénomène tout à fait incroyable : on passe du spectacle à la violence planifiée, du soutien des supporters à l’organisation de véritables contre-pouvoirs au sein des clubs, de la violence simple à l’ultra-violence fondée sur une visibilité sociale. Si le football en est la première victime, c’est parce que c’est le sport le plus médiatisé, celui où l’agression sauvage a la plus grande chance de passer à la télévision. Aujourd’hui, les manifestations les plus courantes de l’ultra-violence ont pour objectifs d’être vues à la télévision afin que leurs auteurs rentrent triomphants dans leurs quartiers. Nous avons vu récemment, dans des affrontements qui n’avaient rien de sportifs, ce genre d’« exploits » pour la parade.

Cette situation nouvelle nécessite donc une réponse collective. Celle que nous proposons s’inspire de la dissolution administrative, prévue par la loi du 10 janvier 1936 et par une ordonnance de 1943, concernant les associations de jeunesse et qui n’a jamais été appliquée. Ce mécanisme permettra de dissoudre les associations de supporters qui se livrent systématiquement à des dégradations de biens, à des actes de violence à l’encontre des personnes ou à des incitations à la haine raciale.

Afin que cette loi n’apparaisse pas trop brutale ou liberticide, nous proposons d’organiser une consultation préalable. M. Caresche et moi-même vous proposerons un amendement tendant à la composition d’une commission préalable qui, loin d’être une usine à gaz supplémentaire – rassurez-vous – fournira, parallèlement à la possibilité de dissolution administrative qui pourrait être mal perçue, les conditions d’un débat contradictoire entre avocats, clubs de supporters, fédérations et supporters eux-mêmes. Cette commission uniquement consultative sera essentiellement composée de magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire et travaillera en association avec les fédérations sportives et olympiques. Il est grand temps, en effet, de rappeler que le football est un sport et que les enceintes sportives n’ont pas vocation à être le champ clos d’affrontements entre voyous.

Nous proposons que la dissolution soit prise par décret, pour ne pas donner l’image d’un règlement de compte entre la police et ces associations de « supporters », qui ne sont rien d’autre que des clubs de voyous. Cette décision interviendrait au terme d’une réflexion approfondie, qui lui conférerait le caractère d’une mesure intermédiaire et presque « para-juridictionnelle ».

Des sanctions pénales, dissuasives, sont également prévues en cas de reconstitution d’association dissoute.

L’unanimité qui s’est dégagée en commission – où le débat a été d’une très bonne tenue – montre que le phénomène est durement ressenti par l’ensemble des députés siégeant dans cet hémicycle et devrait nous conduire à un vote consensuel également en séance plénière. Il ne s’agit pas d’une loi de droite ou de gauche, mais d’un texte qui vise à redonner au sport – et notamment à la forme la plus populaire de celui-ci – sa vraie dimension, qui est à la fois ludique et associative.

Il est beaucoup question d’argent dans le football aujourd’hui. C’est pourquoi je lance un appel aux clubs sportifs – et un message à l’adresse du ministre du sport – car la professionnalisation du football a creusé un fossé entre les supporters et les clubs sportifs, qui sont davantage orientés vers les ventes en perspective – je pense en particulier à la vente récente d’un célèbre club parisien – : il est impératif que les clubs sportifs rétablissent le contact avec leurs supporters. L’éloignement crée par l’argent et la professionnalisation doit être comblé. Le mécanisme associatif a été détruit. Il faut le reconstruire.

Les fédérations sportives et notamment la Ligue, que nous avons auditionnée en commission, ont parfaitement compris que ce n’est pas l’ère de la sévérité qui s’ouvre pour le football, mais celle de la sagesse et de la transformation. Il s’agit de remettre à leur place les casseurs qui voudraient prendre pour exutoire les tribunes des stades de football quand on les pourchasse ailleurs. Je me félicite du consensus qui règne à ce sujet. Le football est d’abord un sport, et non une occasion de « faire de la casse ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.


M. Nicolas Sarkozy,
ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, dans notre société, qui, trop souvent, doute d'elle-même, le sport reste une valeur exemplaire, un domaine préservé. Le champion olympique présent dans cet hémicycle sait ce que veut dire pour moi le respect de ceux qui ont pu, une fois dans leur vie, connaître cela.

Le sport, c'est l'expression d'un effort et d'une volonté de gagner en surmontant toutes les épreuves. Le sport, c’est un lieu d'apprentissage de règles collectives. Le sport est le lieu où l’on respecte les autres – alliés et adversaires. Mais le sport, comme l’a dit M. Claude Goasguen, c'est aussi une fête conviviale, une fête familiale.

Comme des millions de nos compatriotes, j'aime le sport, celui des amateurs comme celui des professionnels. J'aime les moments de partage qu'ils nous offrent.

Et je n'accepte pas que quelques centaines de hooligans, qui n'ont de supporters que le nom, viennent gâcher la fête. Nous ne pouvons tolérer qu'une poignée d'individus racistes, stupides et violents, au mépris du sport, au mépris des sportifs, au mépris des spectateurs, se permettent de perturber les matchs, d'insulter les joueurs, de casser les installations collectives.

C'est pourquoi je me réjouis de la proposition de loi examinée ce matin à l'Assemblée nationale, à l'initiative du groupe UMP. Je tiens à remercier les six députés, qui ont présenté ce texte aux côtés de Claude Goasguen – Dominique Tian, Jean-Marie Geveaux, Jean-Jacques Gaultier, Dominique Julliot et Bernard Depierre, même si je salue tout particulièrement le remarquable travail effectué par votre rapporteur, M. Claude Goasguen.

Je veux aussi souligner le climat de consensus qui a permis à la commission des lois d'adopter cette proposition de loi à l'unanimité.

Il s'agit d'un texte utile et équilibré auquel le Gouvernement est pleinement favorable, pour une raison simple : cette proposition de loi nous donnera un nouvel outil opérationnel pour lutter efficacement contre les formes les plus détestables de la violence des hooligans. Car cette violence gangrène aujourd’hui le sport le plus populaire de notre pays : le football. Certaines tribunes sont devenues le théâtre de luttes d'influence entre groupes rivaux, animés par des sentiments de haine et une recherche de domination. Pour mon malheur, je les ai rencontrés et je peux dire – c’est un témoignage vécu – que cela ne vole pas haut, en tout cas, intellectuellement.

La violence la plus brutale s'exprime sans limite, Les injures racistes et xénophobes sont monnaie courante. Insultes, slogans, saluts et chants néonazis, « cris de singes » proférés à la seule vue d'un joueur de couleur touchant le ballon, agressions physiques dans le stade et en dehors du stade : telle est la réalité de nos stades de football aujourd’hui. Cette réalité est inacceptable.

M. Alain Joyandet. Absolument !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je n'ai pas peur de le dire : c'est bien l'idéologie la plus nauséabonde, venue des bas-fonds de l'extrême droite, qui pollue aujourd'hui le monde du football. Aux provocations des hooligans d'extrême droite répondent les provocations des hooligans rivaux. Le cercle vicieux est alimenté par la bêtise des uns, à laquelle répond la sottise des autres. C'est l'histoire totalement absurde de la lutte que se livrent par exemple – et je n’ai pas peur de citer des noms – les « Boulogne Boys » et les « Tigris Mystics » au Parc des Princes. En effet, non contents de s’affronter entre supporters d’équipes rivales – ce qui est déjà le comble de la sottise –, ils s’affrontent maintenant entre supporters de la même équipe. Le phénomène concerne en tout premier lieu le Paris Saint-Germain, dont je suis le supporter comme un certain nombre ici depuis quelques décennies, et j’en suis fier. Nous, les vrais supporters, nous n’avons rien à voir avec cette bande de voyous. Nous sommes d’ailleurs les premiers à demander à être débarrassés de ces comportements invraisemblables dans une démocratie civilisée.

Je ne prendrai que quelques exemples, qui sont hélas édifiants. Le 17 décembre dernier, au stade de la Meinau – stade mythique du racing club de Strasbourg – une personne d'apparence africaine est agressée par un groupe de skinheads. Le 4 février, à l'occasion du match Toulouse-Nantes, une rixe oppose des supporters radicaux des deux clubs, faisant cinq blessés. Le 25 février, en marge de la rencontre Lyon-Rennes, deux personnes, dont la seule faute était d’être d'origine maghrébine reçoivent des coups et sont l’objet d’injures racistes proférées par cinq hooligans lyonnais. Le même jour, à l'occasion du match Nantes-PSG, de violents affrontements éclatent entre des hooligans parisiens rivaux, porteurs d'armes blanches, sur une aire d'autoroute. Ils ont, comme l’a indiqué M. Claude Goasguen, dévasté une station service. Et je pourrais citer bien d’autres exemples.

Le phénomène prend de l'ampleur. La direction générale de la police nationale a recensé 162 incidents lors de la saison 2004-2005 de football professionnel. Je ne masque pas la réalité, le chiffre a doublé cette année, 332 faits ont été recensés pour le championnat 2005-2006. Je ne viens pas dire à l’Assemblée nationale que tout va bien, je viens rendre compte aussi de ce qui va mal.

Face à ces violences inacceptables, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous continuons à mobiliser d'importantes forces de maintien de l'ordre, M. Claude Goasguen l’a rappelé.

Un seul match au Parc des Princes requiert au minimum 700 policiers, c’est-à-dire autant voire plus que le nombre de policiers total dans certains de vos départements Et pour les matchs « à risques », c'est vingt policiers par joueur, nous montons jusqu'à 2000 fonctionnaires de police. C’est inacceptable ! Les hooligans, non contents de choquer les valeurs républicaines, qui sont les nôtres, nous coûtent très cher ! Il est vrai qu'une partie des coûts de sécurité est prise en charge par les 40 clubs de Ligues 1 et 2. Mais le coût budgétaire pour les contribuables n'est pas négligeable. Et les policiers que nous devons employer pour surveiller les matchs et les agissements des supporters dévoyés ne sont, par définition, pas présents ailleurs ces soirs-là ou ces nuits-là.

La mobilisation des moyens de maintien de l'ordre reste nécessaire pour protéger les personnes et les biens. Mais elle n'est naturellement pas, à elle seule, une réponse satisfaisante.

Face à la violence des hooligans, mesdames et messieurs les députés, notre règle doit être claire et comprise par les individus qui pratiquent cette violence. Cette règle, c'est celle de la tolérance zéro.

II faut d'abord identifier individuellement les hooligans et les mettre hors d'état de nuire. J'ai demandé à la direction générale de la police nationale de moderniser ses méthodes et de travailler en étroite collaboration avec la Ligue de football professionnel. Je veux d’ailleurs rendre hommage à M. Thiriez, dont le comportement et les déclarations ont été en tous points exemplaires – je crois que chacun peut en porter témoignage. J'ai donc désigné, en février, un coordonnateur national chargé du football, qui a pour mission de superviser cette nouvelle organisation opérationnelle.

Le travail de renseignement effectué par la police en amont est décisif pour cibler les hooligans. L'exploitation systématique des enregistrements de vldéosurveillance en est un élément déterminant. Quelqu’un qui fait le salut nazi dans une tribune de football n’a rien à faire dans un stade. Quand on est un spectateur normal, on n’a pas à être dans la même enceinte que celui qui pense, en 2006, pouvoir faire le salut nazi dans une tribune de football. Il y a des limites à l’intolérable. Et il est intolérable d’être dans la même enceinte que des individus qui font le salut nazi. Quand on va voir un match de football, on n’a pas à être confronté à ce type de voisinage. Je veux saluer, à cet égard, la bonne coopération menée avec la Ligue, dont le règlement impose que les clubs soient équipés en systèmes de caméras. Le travail de « ciblage » de la police nationale consiste, en outre, à exercer une veille sur l'Internet. Les hooligans sont passés maîtres dans l'art d'utiliser les réseaux informatiques. Il ne faut pas présenter ces individus comme des exclus de la société, ne disposant d’aucun moyen intellectuel. Car si ces gens-là étaient exclus et n’avaient pas de moyens intellectuels, ils ne sauraient pas se servir d’Internet, comme ils le font. Ces personnes disposent d’un certain niveau de connaissances. Cela constitue de mon point de vue une circonstance aggravante. Ils vont même jusqu'à diffuser eux-mêmes, en ligne, les vidéos de leurs batailles et de leurs affrontements. Le travail de renseignements se double d’un effort d’interpellation très soutenu. À l'occasion du championnat 2004-2005 de Ligue 1 512 personnes ont été interpellées. Lors de la saison actuelle, à la trente-troisième journée du championnat, le chiffre des interpellations s'élevait à 458. Les trois quarts de celles-ci sont effectuées en dehors des enceintes des stades.

Je le dis très simplement : il est nécessaire que l'autorité judiciaire applique avec fermeté, à l'endroit de ces délinquants, les dispositions du code pénal. Les interpellations pratiquées par la police nationale n'ont en effet de sens que si les peines encourues sont véritablement dissuasives. Le nombre des condamnations a doublé en deux ans : 95 condamnations en 2002, près de 200 en 2004. Il faut appliquer le code pénal dans toute sa rigueur. Il ne l’est est pas encore avec suffisamment de sévérité.

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je me réjouis que, indépendamment des procédures judiciaires, nous disposions, depuis trois semaines, d'un nouvel instrument, que je vous avais demandé : l'interdiction administrative de stade.

Grâce à un amendement à la loi du 23 janvier 2006, voté à l'initiative de Pierre-Christophe Baguet, les préfets peuvent désormais interdire à un individu violent d'assister à un match et de fréquenter les abords du stade. L'individu se voit imposer, en outre, une contrainte supplémentaire : celle de se présenter dans des locaux de la police ou de la gendarmerie nationale, au moment du match.

J'ai obtenu du Conseil d'État qu'il approuve dans des délais très courts le décret d'application, qui a été publié le 16 mars. La nouvelle mesure a été mise en œuvre dès le match PSG-AJ Auxerre du 19 mars.

À ce jour, 34 personnes font l'objet d'une interdiction : vingt-deux supporters du PSG, quatre de l'Olympique Lyonnais, quatre de l'OGC Nice, deux du Racing Club de Lens, un du Racing Club de Strasbourg et un supporter du club de Lille Métropole. On m’a parfois dit que ce n’était pas suffisant. Je préfère que l’on agisse juridiquement, lentement et sûrement, plutôt que de faire trop et de se retrouver confrontés à des difficultés juridiques. Monsieur Goasguen, cette mesure marche et il faudra la développer. Les premiers résultats de cette interdiction administrative sont encourageants, pour une raison simple : les individus visés, tenus éloignés des stades, ne peuvent perturber les matchs. Cela ne signifie pas qu’on les a tous éloignés, mais en tout cas – permettez-moi de vous dire – on ne regrette pas ceux qui ne sont pas là.

Il apparaît, cependant que notre arsenal juridique comporte encore une lacune importante. Et c'est tout l'intérêt de la proposition de loi. Comme l'a remarquablement exposé M. Claude Goasguen, notre système juridique appréhende mal, aujourd'hui, la violence collective des hooligans. Il permet de cibler des individus, mais ne parvient pas à mettre hors d'état de nuire les groupes de hooligans,


Que l’on m’entende bien : en faisant ce constat, je n’entends nullement appeler à on ne sait quelle responsabilité collective. Je le dis très directement : il ne s’agit évidemment pas de ressusciter la "loi anti-casseurs" en créant, sur le même modèle, une "loi anti-hooligans".

Mais il s’agit de prendre conscience d’une réalité et d’y faire face. Cette réalité, à l’évidence, c’est que les supporters les plus radicaux sont grégaires. Ils sont organisés dans des associations ou des groupements de fait qui alimentent les comportements délinquants. Une trentaine de ces groupes font l’objet d’un suivi particulier, et, parmi eux, quelques-uns se signalent par un hooliganisme d’une invraisemblable violence.

Aujourd’hui, aucun instrument juridique ne nous permet de mettre fin de manière définitive aux agissements de ces groupes. Par construction, la dissolution judiciaire d’une association ne s’applique pas aux groupements de fait. Ainsi, la dissolution par le juge civil, prévue par la loi du 1er juillet 1901, ne vise que les associations « fondées sur une cause ou en vue d’un objet illicite ». Le dispositif de dissolution par le juge pénal n’est pas mieux adapté à la réalité du hooliganisme. En pratique, ces dissolutions judiciaires n’ont jamais été appliquées à des groupes de supporters violents.

Quant à la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées, elle a été conçue dans le contexte historique que chacun connaît. Elle permet au Président de la République de procéder, par décret en conseil des ministres, à une dissolution d’association ou de groupement de fait. C’est une mesure de police administrative qui peut s’appliquer dans un certain nombre de cas qui sont sans rapport direct avec le hooliganisme. Qu’il s’agisse des motifs de la dissolution, de ses critères d’application ou de la procédure, la loi sur les groupes de combat et les milices privées n’est pas adaptée à la réalité de la violence commise aujourd’hui dans les stades.

Je partage donc pleinement les réflexions qui ont conduit les auteurs de la proposition de loi à écarter l’idée qu’un simple amendement à la loi de 1936 permettrait de répondre à l’exigence opérationnelle qui est la nôtre.

II fallait donc faire œuvre d’imagination tout en veillant au respect des principes constitutionnels – ce qui supposait de trouver le bon équilibre entre le respect de la liberté d’association d’une part, et la sauvegarde de l’ordre public, d’autre part. Je crois que votre proposition, telle qu’elle a été amendée par la commission des lois, répond à ces exigences.

Le mécanisme qui est proposé permet la dissolution, par décret, d’une association ou d’un groupement dont les caractéristiques sont précisément celles du hooliganisme – mais qui ne sont que celles du hooliganisme.

Cette précision nécessaire tient à quatre éléments cumulatifs, énoncés avec précision à l’article 1er, que je souhaite rappeler :

Le choix, d’abord, de créer un dispositif au sein de la loi du 16 juillet 1984 qui est centrée sur les activités sportives ;

La nécessité, ensuite, que le groupe ait pour objet le soutien à une association sportive professionnelle – on cible donc les supporters hooligans ;

Troisièmement, le lien entre le groupe et les actes commis par ses membres, en réunion, en relation ou à l’occasion d’une manifestation sportive ;

La réitération et la gravité, enfin, de ces actes, qu’il s’agisse de dégradation de biens, de violences sur les personnes ou d’incitation à la haine ou à la discrimination.

Il me paraît très important, de plus, que la procédure de dissolution ait un caractère contradictoire. C’est ce que permettra pleinement la loi, en offrant à ces personnes le droit de présenter leur défense devant une commission spécialement créée à cette fin : la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives.

Cette commission, saisie par le ministre de l’intérieur, pourra se faire une opinion et donner son avis en toute connaissance de cause : elle disposera, d’une part, des éléments qui conduisent le ministre de l’intérieur à proposer la dissolution et, d’autre part, des arguments présentés par le groupe concerné.

Je ne verrais d’ailleurs que des avantages à ce que la composition de cette commission soit précisée par la loi. En effet, dès lors qu’il s’agit d’une garantie du respect des libertés publiques, je pense que la question n’est pas d’ordre réglementaire. Cette commission doit être indépendante du pouvoir exécutif et bénéficier de compétences complémentaires : expertise juridique de hauts magistrats, connaissance du monde sportif qui peut être apportée par des personnalités qualifiées. Je suis très favorable à un amendement allant dans ce sens, présenté par le rapporteur Claude Goasguen ainsi que par Christophe Caresche.

J’ajoute que l’équilibre du dispositif proposé tient également à une garantie qu’il convient de garder à l’esprit ; celle du contrôle juridictionnel assuré par le Conseil d’État, qui peut statuer en référé.

Ainsi défini, le nouveau dispositif de dissolution administrative sera à la fois opérationnel et respectueux des libertés publiques. Le Gouvernement entend l’utiliser lorsque cela sera nécessaire. Mais seulement lorsque cela sera nécessaire.

J’ajoute que la proposition de loi a, très opportunément, prévu un dispositif de sanctions pour réprimer les tentatives de maintien ou de reconstitution de l’organisation qui aura été dissoute. C’est une sage décision.

Je ne doute pas que la discussion qui s’ouvre permettra encore d’enrichir le texte, pour nous donner de nouveaux outils de prévention de la violence lors des manifestations sportives.

Je tiens à remercier, par avance, Pierre-Christophe Baguet, dont les deux amendements seront très utiles pour améliorer les dispositifs d’interdictions judiciaire et administrative de stade.

De même, je remercie Christophe Caresche…

M. Christophe Caresche. Je vous entends, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il n’est pas si fréquent que je vous adresse des remerciements ! (Sourires.)

M. Alain Néri. En effet, et nous allions le faire remarquer !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je remercie donc Christophe Caresche d’avoir présenté un amendement très pertinent, qui obligera les titulaires d’une autorisation de vidéosurveillance, dans un stade, à s’assurer du bon état de fonctionnement des caméras. C’est la condition sine qua non d’une exploitation efficace des images.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l’immense majorité des Français ne supporte plus qu’une infime minorité de hooligans perturbe les rencontres sportives. Nos compatriotes attendent de nous – au delà de tout clivage partisan – que nous mettions un terme à cette violence.

Par avance, je me réjouis que le Parlement, en adoptant largement cette proposition de loi, montre sa détermination à défendre les valeurs du sport, qui sont aussi celles de notre République. Le sport en général, et le football en particulier, méritent votre unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’UMP.

M. Bernard Brochand. Allez l’OM ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. Madame la présidente, monsieur le ministre, permettez-moi d’abord de féliciter et de remercier M. Goasguen pour cette proposition de loi qui va dans le bon sens et qui était très attendue par les présidents de clubs professionnels, par les joueurs et par les supporters eux-mêmes. En tant que député de la circonscription où se trouve le Parc des Princes, je sais que notre rapporteur souffre de la situation présente. Pour ma part, député de la circonscription où joue l’OM, j’ai la chance de ne pas connaître ces problèmes. Nous allons au stade Vélodrome avec plaisir, le stade étant un lieu d’intégration où se mélangent des personnes de toutes races et de toutes religions, sans incidents racistes ou antisémites.

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas toujours vrai !

M. Dominique Tian. Mes remerciements s’adressent donc aussi au public marseillais, qui est passionné et qui, s’il se montre parfois excessif, n’est jamais raciste et toujours bon enfant !

Cette proposition de loi n’est pas un texte anti-PSG : elle répond à un souci plus large, qui s’inscrit dans une perspective européenne.

Au mois de mars, la FIFA a lancé une opération contre le racisme ; Claude Goasguen a évoqué les incidents survenus lors des championnats italien et espagnol où l’on a atteint des sommets. En France, nous n’en sommes, malheureusement, pas toujours très loin. Camara, joueur de Saint-Étienne, déclarait il y a peu : « Personnellement, je me pose toujours la question de savoir si ces gens sont vraiment racistes ou s’ils ne font que suivre bêtement ceux qui le sont. »

Par ailleurs, lorsque les joueurs ont un comportement « limite », il est normal qu’ils soient sanctionnés. La Commission nationale d’éthique présidée par Dominique Rocheteau, la fédération française de football et la Ligue font un excellent travail et n’hésitent pas à prendre des sanctions.

Les hooligans désignent en Angleterre des personnes particulièrement violentes. Le hooliganisme est désormais devenu un problème européen. La Suisse elle-même qui n’est pas réputée pour ses excès a interdit de stade 366 supporters et, en prévision de l’Euro, elle s’est dotée d’une loi anti-hooligans. Et je rappelle l’exemple anglais avec l’exclusion de plus de 3 500 supporters anglais et écossais ; la politique menée au Royaume-Uni a donné des résultats très probants.

En France, les hooligans représentent moins d’un millier de personnes dont 100 à 500 au PSG. Les clubs et leurs dirigeants ont besoin qu’on les aide. Pierre Blayau, l’ancien président du PSG ne déplorait-il pas que : « sur cette minorité, nous n’avons légalement aucun moyen d’agir. » Désormais, tel ne sera plus le cas.

Le hooliganisme touche malheureusement aussi le football amateur où là aussi se manifestent des actes de racisme et de violence quasiment chaque week-end. À cet égard, le président de la ligue du Centre et vice-président de la fédération française de football estime quant à lui que le problème se situe aujourd’hui à l’extérieur du terrain, entre supporters et parents qui cherchent la bagarre.

Permettez-moi de le citer : « Quand le ton monte, les dirigeants essaient bien de ramener le calme, mais c’est exténuant. Ils sont bénévoles pour le plaisir du foot, pas pour faire la police. Et comment peuvent-ils éviter les incidents après le match, comme les caillassages de cars ou de voitures ? »

L’arbitrage n’est pas non plus épargné. Un article du Figaro titrait en effet : « Football : les arbitres en première ligne ». « Pas moins de quatre cents arbitres – selon cet article – sont victimes de violences chaque année ! L’Union nationale des arbitres de football – UNAF – met les pieds dans le plat dans sa contribution au dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance.

« Signe de la dégradation du climat dans les stades, les rencontres sont de plus en plus souvent interrompues. Les arrêts de match ont ainsi augmenté de 68 % en quatre ans. Le football amateur est la première victime de ces violences qui sont généralement le fait de joueurs irascibles. Huit fois sur dix, des coups sont portés qui s’accompagnent d’insultes et parfois de menaces de mort. »

Cela dit, des sanctions existent, mais il faut donner un signal très fort en direction du football amateur qui représente tout de même plus de deux millions de personnes. C’est la raison pour laquelle je proposerai dans un amendement la création d’un référent qui assisterait l’arbitre, souvent très seul lors des rencontres.

Cette proposition de loi est excellente et va incontestablement dans le bon sens. Elle était attendue par tous, et j’espère qu’elle sera votée à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi déposée par la majorité parlementaire, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives. Comme je l’ai indiqué en commission des lois, je vous fais part d’emblée de notre accord de principe. Le moment est en effet venu de mettre un coup d’arrêt à des comportements que nous condamnons tous : comportements racistes, haineux, violents, lesquels n’impliquent pas la grande masse des supporters qui soutiennent pacifiquement leur équipe lors des matchs, mais qui sont le fait de quelques centaines de personnes qui, depuis des années et des années, se livrent à ces agissements sans que l’autorité publique, les différents acteurs, les clubs notamment, ne trouvent véritablement de solutions. Sur ce plan, il faut bien reconnaître que jusqu’à présent, nous n’y sommes pas parvenus. Je tiens d’ailleurs, monsieur le ministre, à saluer votre implication personnelle dans ce dossier qui vous tient à coeur.

Le moment est venu aussi de changer les modalités de traitement de ce phénomène qui ont prévalu jusqu’à présent en concentrant des effectifs de police de manière tout à fait disproportionnée, et qui donc, vous l’avez dit, monsieur le ministre, ne sont pas présentes ailleurs. Cette forte concentration policière peut susciter des violences et des dérapages, et, surtout, cela donne une image tout à fait détestable des manifestations sportives : le Parc des Princes est devenu une enceinte quasi militarisée avec des forces de police casquées, bottées et munies de canons à eau pour disperser les manifestants.

Il faut trouver les moyens permettant de cibler les fauteurs de troubles et de traiter les problèmes différemment. Les clubs anglais y sont parvenus. Vous avez fait remarquer que beaucoup de pays étaient confrontés aux phénomènes que nous connaissons en France, mais il est à noter que l’Angleterre a réussi à juguler le phénomène de l’hooliganisme qu’elle avait connu dans les années quatre-vingt. Aujourd’hui, les clubs anglais font preuve de leur capacité à organiser les matchs, dans des conditions tout à fait satisfaisantes : les forces de police y sont extrêmement discrètes, les enceintes sportives sont peu sécurisées, les supporters ayant quasiment accès à la pelouse. Là aussi, c’est très surprenant, alors qu’il y a quinze ans, l’Angleterre connaissait un hooliganisme d’une grande violence.


Deux mesures, à souligner, ont rendu possible ce succès en Grande-Bretagne.

Il s’agit d’abord de l’interdiction de stade à l’encontre de ceux qui n’ont rien à y faire, qui constitue un dispositif extrêmement performant.

Il s’agit ensuite d’une mesure qui est davantage du ressort des organisateurs, je veux parler de la fixation de l’heure des matches, qui se déroulent dans l’après-midi avec un public familial, comprenant beaucoup d’enfants. En France, pour des impératifs liés aux retransmissions télévisées, il est difficile d’avancer les horaires. Pourtant, c’est l’un des éléments qui pourrait apporter davantage de quiétude et de sérénité.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je l’ai demandé et je l’ai obtenu.

M. Christophe Caresche. En France, plusieurs dispositifs ont d’ores et déjà été mis en place, tant au plan local que national.

Il s’agit d’abord du contrat local de sécurité du Parc des Princes, dont l’élaboration a réuni tous les acteurs concernés. Mais il trouve ses limites dans la mesure où les clubs de supporters refusent toujours de signer la charte proposée par le préfet de police. Or en l’absence d’une coopération pleine et entière de leur part, il est difficile de juguler les phénomènes de violence. C’est un fait, que nous avons tous constaté, que des ambiguïtés persistent chez certains, qui conduisent à une tolérance à l’égard de ces phénomènes. Sur ce plan, votre proposition de loi va dans le bon sens car elle conduira à exercer une pression salutaire sur ces clubs en les mettant face à leurs responsabilités.

Il s’agit ensuite des interdictions de stade. Une première proposition avait donné à la justice la capacité d’en prononcer.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Elle ne le fait pas !

M. Christophe Caresche. Mais force est de constater que cette mesure n’a pas produit ses effets. Je le regrette, mais je dois le signaler car c’est un problème.

Avec notre appui, vous avez donc décidé de passer à un autre niveau, avec les interdictions administratives. Vous nous avez donné des premiers éléments d’évaluation. Je pense que cette mesure devrait donner des résultats significatifs, à l’instar de la Grande-Bretagne où une mesure similaire a permis d’éradiquer ces phénomènes de violence.

Vous proposez une nouvelle disposition concernant les clubs de supporters. Elle va dans le bon sens, mais il faut veiller à bien l’encadrer sur le plan juridique et éviter de donner l’impression aux clubs de supporters que l’on fait des amalgames. Cette mesure doit donc être appropriée et ciblée. Vous avez choisi la voie administrative, ce que je ne vous reprocherai pas, même s’il aurait été possible d’adopter une démarche de type judiciaire.

Pour l’encadrer, j’avais particulièrement insisté sur l’importance de la composition de la commission et je vous remercie d’avoir tenu compte de mes remarques Cette dernière, loin d’être un « comité Théodule », aura à se prononcer de façon très concrète. Il était prévu de renvoyer sa composition à un décret, mais il est préférable qu’elle soit précisée dans la loi, ce qui offre toutes les garanties que j’ai évoquées.

Une autre disposition que je suggérais portait sur la vidéosurveillance. Souvent, les caméras sont là mais ne fonctionnent pas, comme c’était le cas à Strasbourg, il y a quelques mois. Les clubs doivent prendre leurs responsabilités et faire en sorte que les équipements soient en état de marche.

Le groupe socialiste apporte son soutien à cette proposition, tout en évoquant les dispositions supplémentaires que nous avons suggérées et que vous avez d’ores et déjà bien voulu accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier M. le ministre d’État pour l’action constante qu’il a menée dans la lutte contre le hooliganisme et pour l’écoute bienveillante et surtout efficace que vous n’avez cessé de nous apporter, à mon collègue Claude Goasguen et à moi-même, nous dont les circonscriptions se situent de part et d’autre du Parc des Princes.

Avec cette proposition de loi, nous allons encore progresser dans la lutte contre les violences et le racisme lors des manifestations sportives. Nous finirons bien, tous ensemble, par redonner au sport et plus particulièrement au football le caractère festif et familial qu’il n’aurait jamais dû perdre.

Le sport ne peut plus et ne doit plus rimer avec violence. Le phénomène du hooliganisme a longtemps épargné la France. Mais à l’heure où nos voisins européens, et plus particulièrement la Grande-Bretagne, ont mis en place des mesures draconiennes pour lutter contre ces déchaînements de violence, la France s’est trouvée désemparée face à cette nouveauté.

Je ne retracerai pas ici l’histoire du hooliganisme mais c’est particulièrement dans les années soixante et surtout soixante-dix que le phénomène devient hyperactif en Europe, après avoir fait son apparition en Angleterre. À la différence du supporter, le hooligan se sert du prétexte de la compétition sportive pour rechercher l’affrontement avec d’autres groupes. À leur paroxysme, ces actes de violences n’ont pour cadre ni le stade, ni ses abords mais des lieux neutres où les groupes de supporters se donnent rendez-vous pour s’affronter, loin de la présence policière de rigueur autour des enceintes sportives. Ainsi aux Pays-Bas, la haine entre les supporters de l’Ajax d’Amsterdam et ceux du Feyenoord de Rotterdam est telle que les hooligans des deux équipes se retrouvent dans des terrains vagues à mi-chemin des deux villes pour se battre. Et John King relate dans son ouvrage Football Factory que les aires d’autoroute de l’Angleterre sont le théâtre de toutes les violences. Quelle est dès lors la place du sport ?

C’est en 1985 que le hooliganisme éclate à la face du monde. À la suite au drame du Heysel, l’Europe prend conscience de ces hordes de prétendus supporters qui sèment la terreur et la mort. Il faut attendre 1989 et le drame d’Hillsborough pour voir la mise en oeuvre d’une vraie politique globale des supporters en Angleterre. Reposant sur la vidéosurveillance et sur la mise en place d’un arsenal juridique spécifique, les années quatre-vingt-dix ont montré des résultats probants en la matière. Désormais, les actes de violence sont résorbés et le nombre de policiers s’est nettement réduit.

En France, l’agression du gendarme Nivel lors d’affrontements entre supporters lors de la Coupe du monde a suscité un véritable émoi. Mais jusque-là, nous n’avons pas assisté à des batailles rangées entre groupes organisés. Si ce n’est le triste classique du championnat de France de football Paris-Saint-Germain – Marseille, le hooliganisme n’avait pas beaucoup frappé la France. Néanmoins, même si nos manifestations sportives n’ont heureusement pas été le théâtre de drames similaires à ceux de nos voisins, la montée de la violence est réelle.

Pendant la saison 2004-2005, une forte progression des actes de violence a été enregistrée et le phénomène du hooliganisme s’installe insidieusement en France. J’en veux pour preuve l’accroissement de la présence policière autour des stades. Comment un match de football peut-il mobiliser jusqu’à 2000 policiers, notamment pour les matches se déroulant au Parc des Princes ? Comment pouvons-nous tolérer que les abords du stade du PSG soient en état de siège à chaque confrontation à risque, faisant du quartier un camp retranché où les gaz lacrymogènes le disputent à l’odeur des voitures calcinées ? Chaque rencontre sportive devient source de désagréments et d’inquiétudes pour les riverains des enceintes sportives. Entre le risque de retrouver son véhicule dégradé, le parcours du combattant que constitue l’accès à son domicile, le bouclage de certains quartiers durant uns journée entière, le sentiment d’insécurité et la perturbation de la tranquillité publique durant plusieurs heures, nos concitoyens subissent les dommages collatéraux d’une fête qui devrait rester familiale et sportive. Comment ne pas réagir aussi au coût financier supporté pour partie par l’ensemble des contribuables de France ?

Nous avons attendu longtemps que des mesures dissuasives soient prises et ce n’est qu’à la suite d’incidents lors d’un match Caen-PSG en 1993 que la loi dite Alliot-Marie a vu le jour. Elle sert aujourd’hui de base juridique à la lutte contre le hooliganisme : interdiction de boissons alcoolisées dans une enceinte sportive, délit d’introduction d’objets dangereux dans les stades et interdiction de stade à l’encontre des personnes reconnues coupables des faits précédents en sont les principales mesures. Mais malgré toutes ces mesures, justifiées par la prolifération d’actes de violence, l’imagination des voyous nous éloigne toujours un peu plus du sport. A-t-on besoin, en effet, pour assister à une rencontre sportive de porter un couteau, un pic à glace, des bombes lacrymogènes ou bien encore des drapeaux néonazis, comme l’a souligné M. le ministre d’État. La loi de sécurité intérieure de 2003 a complété le dispositif en établissant un fichier des personnes interdites de stade et en autorisant les services d’ordre à procéder à des palpations de sécurité. Bien entendu, toutes ces mesures vont dans le bon sens et c’est à ce titre que j’ai souhaité compléter le dispositif en janvier 2006, avec votre soutien, monsieur le ministre d’État, en faisant adopter un amendement, inspiré du modèle anglais de lutte contre le hooliganisme, instaurant la possibilité pour les préfets d’interdire de stade les supporters les plus violents. Cette mesure de police administrative a pour but de prévenir les troubles à l’ordre public en interdisant aux supporters les plus violents de se rendre dans les stades et en leur imposant de répondre aux convocations des autorités à l’occasion des événements sportifs.

Pour que la prévention soit encore plus efficace, notre rapporteur Claude Goasguen propose par ce texte de répondre à l’approche collective de la violence en permettant la dissolution administrative des associations de supporters dont les membres se sont livrés à des actes de violence ou d’incitation à la haine raciale. Car au-delà des bagarres entre supporters, il est intolérable que le stade soit devenu le prétexte à la résurgence d’idéologies totalitaires dont la haine raciale constitue le fonds de commerce. Croix gammées, croix celtiques, saluts nazis, cris de singe contre les joueurs de couleur, autant d’actes qui n’ont pas leur place dans un stade.

Le groupe UDF apportera son soutien à ce texte qui s’inscrit dans la droite ligne du combat que nous menons depuis fort longtemps avec Claude Goasguen. En outre, afin de lutter plus efficacement et durablement contre le hooliganisme et interdire l’accès de certains individus aux enceintes sportives, j’ai déposé deux amendements visant, d’une part, à rendre automatique l’obligation de pointage et, d’autre part, à compléter l’interdiction administrative en prévoyant une disposition identique à celle en vigueur pour les interdictions judiciaires.

Au nom de toutes les victimes qui ne demandaient rien d’autre que de passer un bon moment en famille ou entre amis dans un stade, le groupe UDF votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe communiste.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux collectivités locales, mes chers collègues, c’est avec une certaine perplexité que j’aborde cette proposition de loi relative à la violence dans les manifestations sportives que – ai-je besoin de le dire ? – nous rejetons et combattons sans réserve. N’assistons-nous pas encore une fois à la discussion d’une loi de circonstance qui prétend régler un problème réel, alors que de nombreux textes existent et sont seulement mal appliqués ?


Ainsi, cette proposition de loi entend prendre en compte, en complément du dispositif législatif existant, la très préoccupante réalité des violences dans et autour des stades, et renforcer les mesures préventives de sécurité.

Il est communément admis que le hooliganisme concerne essentiellement le football, quels que soient les pays ou les continents. Si, dès la fin du XIXe siècle, des bagarres occasionnelles ou spontanées surviennent au cours des matches, la Grande-Bretagne voit apparaître, au cours des années 1960 et suivantes, de nouvelles formes de violence, concomitantes aux rencontres de football. Mais, aujourd'hui, une proportion croissante des affrontements ne trouve plus nécessairement son origine dans le jeu ou le résultat du match, ni même dans la rivalité sportive induite par la compétition.

Afin de lutter contre ces agissements qui ternissent l'image et insultent l'esprit du sport, le Parlement a adopté le 23 janvier dernier – vous voyez, ce n’est pas vieux – dans le cadre d'une loi contre le terrorisme, une mesure permettant aux préfets d'interdire de stade des supporters potentiellement dangereux, sans que ces derniers aient été préalablement jugés par un tribunal. Moins de deux mois plus tard, la loi a été appliquée pour la première fois à l'occasion de la rencontre PSG-Auxerre, pour laquelle trente supporters parisiens se sont vu adresser une lettre leur interdisant l'accès au Parc des princes et les obligeant à pointer au commissariat.

La présente proposition de loi instaure une procédure de dissolution des associations et groupements de fait de supporters commettant des violences avec des sanctions renforcées pour les meneurs et les instigateurs. Pour illustrer mon propos liminaire contre l'inflation législative, je tiens à rappeler que la dissolution administrative était déjà prévue par la loi du 10 janvier 1936 pour les associations menaçant l'ordre public.

Le nouveau régime de dissolution administrative proposé prévoit, quant à lui, de prendre en compte deux types d'actes correspondant aux débordements fréquemment constatés lors des rencontres sportives : d'une part, les actes de violence contre des personnes ou des biens ; d’autre part, des actes d'incitation à la haine ou à la discrimination, contre des personnes à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance – vraie ou supposée – à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Trois autres critères devront être réunis pour que la dissolution d'une association ou d'un groupement de supporters puisse être décidée : les agissements devront être le fait de plusieurs personnes, commis collectivement et de manière répétée. En cas de persistance des troubles à l'ordre public, il est proposé que la dissolution soit prononcée par le ministre de l'intérieur après avis d'une commission ad hoc : la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives.

Il est pour le moins légitime, même si c’est peut-être à tort, de s’inquiéter de la création d'une nouvelle commission dans un contexte de simplification du droit et de s’interroger. Quelles seront les relations entre la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives et la commission nationale de prévention et de lutte contre la violence dans le sport créée par Marie-George Buffet ? Au lieu de légiférer, n’aurait-il pas été plus judicieux de s'interroger sur le comportement de certains dirigeants de club qui est loin d'être irréprochable ? En effet les clubs sportifs adoptent des politiques variables, et même très variables, vis-à-vis des supporters.

De plus, la lutte contre l’homophobie est absente de cette proposition de loi alors qu’à mes yeux, elle n’est pas moins grave que le racisme. J’ai donc proposé un amendement visant à corriger ce que je qualifie magnanimement d’oubli. Le phénomène n'est pourtant pas absent des stades. Il y a quelque temps, Fabrice Fiorèse et Frédéric Déhu, qui évoluent aujourd'hui dans un grand club, ont été constamment sifflés, injuriés et visés par de nombreux projectiles lancés par des supporters, au point d’être obligés de se placer sous la protection des CRS.

Autre remarque et autre amendement, le concept de « race », tout le monde en conviendra, n'a pas la moindre légitimité scientifique. Depuis, plus de trente ans, nombreux ont été les scientifiques qui ont montré que les « races » n'existent pas dans la famille humaine. J'espère que vous supprimerez cette référence aberrante.

Je tiens à rappeler combien les fauteurs de troubles potentiels composent une population hétérogène, une nébuleuse le plus souvent extrémiste, aux contours mal définis, dont les motivations exactes restent souvent difficiles à cerner. Dès lors, comment traiter le cas des « indépendants » ? Ces supporters ne sont affiliés à aucun groupe et se déplacent par leurs propres moyens, en marge de tout dispositif de sécurité. C'est parmi eux que l'on trouve les hooligans qui cherchent de manière quasi systématique l'affrontement avec le camp adverse. Je crains bien que cette proposition de loi n'ait aucun effet sur de tels individus.

Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi, que j’ai qualifiée à la fois d'exception et de circonstance, s'inscrit dans un contexte bien particulier, celui d'une politique libérale de rigueur et d'austérité, adoptée au détriment des classes populaires, et qui aggrave la fracture sociale. Cette politique catalyse l'essor du hooliganisme qui réunit de jeunes exclus comme de braves pères de famille ayant perdu toute illusion, incarnant une nouvelle espèce de desperados, plus ou moins suicidaires.

Alors que la société donne tant de signes préoccupants, de nombreux groupes de supporters, pacifiques et respectueux, apportent réconfort, soutien et solidarité. Il est bon de le rappeler pour ne pas faire le jeu de certains qui stigmatisent la jeunesse et les classes sociales jugées dangereuses.

Au risque de vous étonner, ce texte ne mérite à nos yeux ni opposition ni adhésion. En conséquence, nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour le groupe de l’UMP.

M. Emmanuel Hamelin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je suis, comme beaucoup de Français, un passionné de sport, notamment de football. Je suis d'ailleurs l'élu d'une ville dont le club, l’Olympique lyonnais, est depuis quatre années consécutives champion de France et en passe de le rester encore en 2006.

Le sport est devenu un fait social majeur. Or, la pratique sportive est, hélas ! marquée par l’incivilité, et parfois par des actes de violence inadmissibles, susceptibles d'engendrer la démobilisation des bénévoles et, à terme, la disparition des valeurs éducatives et sociales du sport.

La violence et le racisme sont aux antipodes des valeurs universelles de générosité et de dépassement de soi qu'offre le sport. La lutte contre ces agissements est l'affaire de tous : spectateurs, joueurs, arbitres, dirigeants, éducateurs et parents. C'est le comportement de chacun qui permettra d’éliminer la violence et de transmettre les valeurs éducatives que sont le respect du jeu et celui de l'adversaire. Ne laissons pas les actes d'incivilité dénaturer l'image du sport en France. Nous devons tous nous sentir concernés par ce chantier ambitieux.

Si les dispositions actuelles sont utiles et régulièrement appliquées, il convient aujourd'hui, face à la persistance des violences, de se donner de nouveaux moyens d'action. L'objet de la proposition de loi de mon collègue Claude Goasguen est de prendre en compte, en complément du dispositif législatif existant, la dynamique collective du phénomène, dans et autour des stades, et de renforcer les mesures préventives de sécurité.

Tous les gouvernements ont tenté de remédier aux nuisances par des mesures pénales, puis par la mise en place en mars 2006 de l'interdiction administrative de stade. Cependant, ces actions n'ont pas permis de rendre leur dignité et leur caractère festif aux manifestations sportives.

L'article 1er de la proposition de loi instaure une procédure de dissolution des associations et groupements de fait de supporters, ou prétendus tels, commettant des violences, avec des sanctions renforcées pour les meneurs et les instigateurs. Ce dispositif de dissolution administrative contribuera à responsabiliser davantage les dirigeants des associations ou groupements de supporters en les incitant à pacifier leurs relations mutuelles et à faire adopter à leurs membres un comportement conforme à l’esprit festif qui doit caractériser le déroulement des rencontres sportives. La création de cette nouvelle procédure est rendue nécessaire par l’inadaptation du dispositif de dissolution administrative des associations et groupements de fait prévu par la loi de janvier 1936. Je soutiens donc l'amendement du rapporteur adopté par la commission prévoyant que la dissolution d'une association de supporters sera prononcée par décret.

Il est créé à cette fin une commission consultative chargée de rendre un avis préalable. Composée de magistrats, de représentants du monde sportif et d'experts, elle entendra les représentants des associations concernées, qui pourront ainsi présenter leur défense.

L'organisation de toute compétition sportive nécessite une préparation minutieuse en liaison avec la ligue sportive, les clubs concernés, les comités de supporters, mais aussi avec les services de police. Face à la multiplication des actes de violence, il convenait de renforcer et d'améliorer les méthodes et les instruments permettant de prévenir et d'endiguer la violence et les troubles lors de manifestations sportives. Je me réjouis donc de cette proposition de loi attendue par tous les amateurs de sport en général, et de football en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste.

M. Alain Néri. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nul ne peut nier ni contester la place croissante prise par le sport dans nos vies quotidiennes. Le sport a un rôle social : il rassemble et constitue en cela un vecteur d’intégration, de mixité et de lien social. Il offre une occasion de rencontre entre les citoyens, indépendamment de leurs origines sociales ou culturelles, et entre les générations. Le sport exerce aussi une fonction éducative en favorisant l’apprentissage du respect de la règle, du respect de l’autre, de l’estime réciproque.

Aujourd’hui, il y a de quoi s’inquiéter des dérives et de la mise en cause, dans certaines enceintes sportives, de valeurs que nous partageons tous. Certes, soutenir son club est tout à fait louable – cela crée des liens à l’intérieur des communautés que sont les communes ou les quartiers – et, si c’est reconnaître qu’il y a des adversaires, il ne s’agit pas pour autant d’ennemis. On risquerait pourtant de le croire au vu de certaines pratiques en totale contradiction avec l’esprit du sport et à l’olympisme. Les Jeux olympiques ont été rétablis avec l’idée d’en faire un moment de paix, un lieu de rassemblement, où des hommes et des femmes, venus de toute la planète, se rencontrent dans une même communion.

Dès lors, les dérives constatées sont inacceptables et on ne peut laisser se perpétuer le spectacle des violences, des injures et actes racistes commis dans les stades, qui sont d’autant plus insupportables qu’ils ont valeur d’exemple. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l’amour du sport qui nous réunit ici aujourd’hui nous commande de mettre fin à ces agissements.

Il me souvient que, lorsque j’étais enfant, j’allais souvent au match tout seul. À l’entrée du stade, il n’était pas rare qu’un adulte me donne la main jusqu’aux tribunes. J’étais en sécurité.


Aujourd’hui, monsieur le ministre, je m’interroge : devons-nous encore emmener nos enfants à certains matchs ? J’aime, pour ma part, le football. Toutefois, depuis ma dernière expérience d’un match entre Paris-Saint-Germain et l’Olympique de Marseille, il y a deux ou trois ans, je n’ai plus aucune envie d’aller assister à un match, si remarquable soit-il ! En effet, monsieur le rapporteur, dans votre belle circonscription, je me suis retrouvé à l’entrée du stade, coincé poitrine contre poitrine par un cordon de CRS – ce qui, reconnaissez-le, est loin d’être agréable –, puis, à la sortie, enveloppé dans un nuage de gaz lacrymogènes et sous une grêle de cailloux ! Allons-nous au stade pour vivre cela ? Il est temps, en effet, de mettre un terme à une telle situation, et c’est pourquoi le groupe socialiste, Christophe Caresche l’a annoncé, votera votre proposition de loi.

Je le répète, il n’est plus raisonnable, aujourd’hui, d’emmener nos enfants à certains spectacles sportifs : injures et actes de violence y constituent autant d’exemples déplorables, alors que ces spectacles devraient être des lieux d’apprentissage de la vie sociale. L’habitude étant d’aller au stade entre amis ou en famille, le caractère festif ou convivial des rencontres sportives doit être maintenu. Il est intolérable, monsieur le ministre, que les stades soient aujourd’hui devenus des lieux de haine. Ils doivent redevenir des lieux de bonheur partagé.

Dans cette optique, et afin d’améliorer le dispositif, l’indépendance de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors de manifestations sportives doit être garantie : les amendements devraient permettre de s’en assurer ; de plus, cette commission doit rassembler des personnalités qualifiées, notamment des autorités sportives – responsables de la Fédération, du mouvement olympique et de la Ligue, qui sont partie prenante dans l’organisation du sport professionnel. En outre, les violences ne concernant pas seulement le sport professionnel, il est nécessaire que la Commission inclue les responsables des fédérations.

Enfin, cette proposition de loi devrait être pour nous l’occasion de nous interroger sur la place de l’argent dans le sport. Je l’ai déjà dit à maintes reprises à cette tribune : il y a trop d’argent dans le sport et pas assez pour le sport ! Comment, dans ces conditions, ne pas être inquiet des dérives que pourrait entraîner la cotation des clubs sportifs en Bourse ? Les clubs sportifs n’ont pas pour vocation d’être cotés en Bourse ! L’éthique sportive se refuse à faire de l’argent : elle vise à éduquer et à rassembler.

Monsieur le ministre, je le répète : le groupe socialiste votera cette proposition de loi, car nous considérons que le sport doit recouvrer toute sa dimension de convivialité et de bonheur partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Zuccarelli.

M. Émile Zuccarelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour l’essentiel, la proposition de loi qui nous réunit ce matin a mon entière approbation. Outre le diagnostic sur le caractère intolérable des violences, je partage sans réserve celui sur la dangerosité de certains groupes de supporteurs sportifs.

Les mesures proposées ne soulèvent pas davantage de problème majeur : elles sont équilibrées et respectueuses des libertés fondamentales et les critères retenus pour les mettre en œuvre pertinents.

Il est donc inutile que je m’appesantisse trop longuement sur le dispositif. Il reste évidemment à préciser quelques points. En ce qui concerne la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, je suis favorable au principe, adopté en commission, d’une définition par la loi de sa composition. En revanche, je suis plus réservé sur l’idée, avancée lors de nos travaux préparatoires, d’instituer des commissions régionales. En effet, cet échelon ne présenterait pas toutes les garanties d’indépendance et de sérénité requises.

Toutefois, par-delà les mesures que nous examinons ce matin, il me semble nécessaire d’analyser en profondeur la nature de ces dérives violentes et racistes qui émaillent les rencontres sportives si nous souhaitons les éradiquer.

Or, à y regarder de près, ces comportements, plus proches du tribalisme primaire que de la voyoucratie organisée,…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Il n’y a guère de différence !

M. Émile Zuccarelli. …concernent presque exclusivement le football. Il faut avoir le courage de le reconnaître ! D’autres sports engendrent la passion, drainent un public nombreux ou bénéficient d’une forte médiatisation – le tennis ou l’athlétisme par exemple. Aucun, comme le football, n’engendre une telle violence et ce tribalisme primaire ! Le caractère aléatoire du résultat doit être pris en considération. Au contraire des rencontres de basket-ball, dont les scores sont élevés, et dont la formation du résultat final, hormis le caractère pousse-au-crime du chronométrage final, est aisément compréhensible par le spectateur, dans le football, le caractère aléatoire du résultat, qui, trop souvent, est très serré – zéro à zéro ou un à zéro –, conduit à une forme moderne de l’invocation des dieux antiques qu’on cherchait à se concilier par des sacrifices d’animaux, voire des sacrifices humains.

Du reste, cette situation n’est pas l’apanage du football professionnel. Le football amateur donne lui aussi l’image de comportements scandaleux – on en dénombre des centaines tous les dimanches. Mais le mauvais exemple vient d’en haut : telle est la raison pour laquelle la situation touchant le football professionnel est très grave. Il ne convient donc pas de passer sous silence, dans la recherche des causes de cette violence primaire, la responsabilité de certains dirigeants, entraîneurs de clubs ou joueurs vedettes, minoritaires, heureusement, qui ont pris l’habitude de stigmatiser de prétendues injustices d’arbitrage. Ainsi, la mise en cause de l’arbitrage est devenue une tradition pour certains entraîneurs du Paris-Saint-Germain. Ils ne sont malheureusement pas les seuls en France. Ce faisant, ils oublient l’impératif d’exemplarité qui s’attache à leur fonction. En prenant à témoin le public de leur frustration, ils font le lit des débordements de supporteurs.

C’est pourquoi, en vue de prolonger et de renforcer l’efficacité de la présente proposition de loi, il nous appartient d’approfondir encore le travail à effectuer auprès des fédérations sportives. Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir transmettre ce message à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales. Je le lui transmettrai, monsieur Zuccarelli.

M. Émile Zuccarelli. Certes, la Fédération et la Ligue ont déjà fait des efforts louables, mais il convient de les poursuivre avec une grande détermination et de cesser de s’inquiéter des résultats futurs de l’équipe de France de football lorsque telle ou telle vedette du football a été justement sanctionnée pour un acte de violence intolérable commis en public. Ayons le courage de rompre avec de tels comportements ! Le sport est une trop belle chose pour que nous le laissions pervertir par ceux-là même qui en ont la charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Decocq.

M. Christian Decocq. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi vient à point pour lutter contre le hooliganisme. En effet, comme l’a rappelé Christophe Caresche, le paradoxe est tel aujourd’hui que le hooliganisme, né en Grande-Bretagne, a disparu là-bas, n’y subsistant que sous une forme résiduelle et marginale, et que le championnat anglais peut servir de refuge à des joueurs victimes de la violence et du racisme de certains supporteurs dans d’autres championnats européens. C’est ainsi qu’un joueur originaire de Guadeloupe a quitté l’an dernier un club français pour aller jouer dans un club de la Ligue 1 anglaise.

De fait, la gangrène du hooliganisme s’est bel et bien installée dans l’Europe du football, s’exprimant par des actes de violence à caractère raciste, antisémite ou fasciste. Le ministre d’État a trouvé, comme toujours, les mots justes en évoquant les bas-fonds de l’extrême droite. On pourrait tout autant évoquer ceux de la bêtise ou de la barbarie humaines.

Chacun a en mémoire des exemples. En Espagne, des cris de singe ont été lancés aux joueurs de couleur Didier Drogba, au cours du match européen opposant le Real Madrid à Chelsea, et Samuel Eto’o, durant le match de championnat espagnol entre Barcelone et Saragosse. En Italie, des supporteurs de la Lazio de Rome se voient confortés et même exaltés, dans la revendication et l’expression de leur fascisme, par le propre capitaine de l’équipe romaine, Paolo Di Canio, qui les a salués, à plusieurs reprises, d’un bras droit tendu. En France, ce sont deux tribunes du Paris-Saint-Germain qui s’affrontent ! Inutile d’insister : ce serait le stigmatiser.

Certes, le monde du football a réagi. Les instances de la Fédération internationale de football, par la voix du président Sepp Blatter, et les représentants de l’Union européenne de football ont récemment prôné une approche plus sévère de la lutte contre le racisme, la violence et la discrimination.

L’association FARE – Football Against Racism in Europe – a pris quant à elle la tête du combat contre le racisme en Europe, et certains joueurs internationaux, comme l’Ivoirien Marc Zoro ou le Français Thierry Henry, ont décidé de s’impliquer personnellement dans ce combat dont ils ne veulent plus être les victimes.

En France, la Ligue de football a adopté, au mois de décembre 2004, une charte contre le racisme afin de responsabiliser les clubs, les incitant à recourir à la justice.

Il demeure que, par-delà les déclarations d’intention et en complément de la mobilisation de certains clubs, il appartient au législateur, en prenant la situation à bras-le-corps, de tenter d’endiguer concrètement cette violence qui a gagné les stades français. Certes, elle ne date pas d’aujourd’hui, mais c’est une raison de plus d’intervenir. D’aucuns se souviennent peut-être encore du geste odieux de jets réguliers de bananes au gardien de nationalité camerounaise Joseph-Antoine Bell, qui joua en France dans les années 1980 sous les couleurs de Marseille et de Bordeaux. Toutefois, la violence s’étant installée, il est temps d’intervenir : ce sont en effet 204 incidents qui ont été recensés par les Renseignements généraux, pour notre seul championnat de football entre l’été 2005 et la trêve hivernale.

La proposition de loi apporte une réponse pour trois raisons principales, déjà évoquées. D’abord elle comble un vide juridique en appréhendant désormais la violence dans son expression collective. Il est très important de le souligner, afin de lever doutes qui ont surgi sur l’efficacité du dispositif prévu : le texte vise à encadrer la démarche collective.

Ensuite, elle complète utilement le dispositif légal des interdictions de stades pour ceux que le ministre de l’intérieur, qui trouve toujours les mots justes, a qualifié dans ses derniers vœux à la presse de « malades de la violence » et de « malades du racisme ». Si, comme nous le souhaitons, cette proposition est adoptée, les actes de violence et d’incitation à la haine commis collectivement, de manière répétitive, et en lien avec une manifestation sportive, pourront entraîner la dissolution du groupe.

Enfin, je tiens à évoquer un argument qui ne l’a pas encore été : il convient de permettre aux rencontres sportives de recouvrer leur caractère non seulement familial – d’autres, à juste titre, l’ont souhaité avant moi – mais également économique. Sinon, la fréquentation des stades français restera plafonnée comme aujourd’hui à 74 %, contre 95 % en Grande-Bretagne – différence qui a des conséquences évidentes sur le fonctionnement et le développement économique des clubs de football français.

À quelques mois de la coupe du monde de football, qui aura lieu en Allemagne, pays qui a su prendre, comme la Grande Bretagne, des mesures drastiques contre la violence dans ses stades, la France se devait de remettre de l’ordre dans les siens. À ceux qui ont oublié que c’est une équipe de France « multiple » qui a remporté la Coupe du monde en 1998, à ces « malades de violence et de racisme » qui, dernièrement, ont osé brandir une banderole « Allez les Blancs ! », la représentation nationale – c’est sa dignité – lance aujourd’hui un message clair de fermeté et d’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)


Mme la présidente.
La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, je souhaite revenir sur certains points soulignés par les orateurs.

Je remercie tout d’abord Dominique Tian pour avoir rappelé que le football, à Marseille comme ailleurs, doit avant tout favoriser l’intégration, qu’il ne doit pas être dévoyé par les hooligans qui, les différents intervenants l’ont évoqué, font honte au sport, à son image, et surtout à celle des clubs de supporteurs. Je comprends votre préoccupation, monsieur Tian, d’élargir la réflexion au sport amateur qui n’est lui-même pas épargné par la violence. C’est pourquoi le Gouvernement se montrera favorable à l’amendement n° 11 que vous avez eu raison de présenter.

Monsieur Caresche, je souhaite, au nom du Gouvernement et, en particulier, au nom du ministre d’État, vous remercier de votre accord avec cette proposition de loi. Le ministre d’État, comme l’ensemble du Gouvernement, partage votre exigence d’un équilibre de la procédure de dissolution qui doit respecter, naturellement, le principe d’un examen contradictoire. En outre, comme vous le souhaitez, Le Gouvernement est favorable à ce que la composition de la commission soit fixée par la loi, et nous y reviendrons à l’occasion de deux amendements.

Monsieur Pierre-Christophe Baguet, arrivé pendant votre intervention, je n’en souhaite pas moins vous remercier à titre personnel, et, à travers vous, le groupe UDF, pour votre entier soutien. Directement concerné compte tenu de la localisation de votre circonscription, vous avez rappelé à juste titre la gravité du sujet dont nous parlons et je souhaite m’associer à l’hommage que vous avez rendu au gendarme Nivel, sauvagement agressé en 1998 lors de la coupe du monde de football.

Monsieur Goldberg, nous nous sommes manqués il y a quelques jours à Montluçon, mais nous n’aurions peut-être pas été du même côté de la barrière. Il est plus facile de dialoguer ici. (Sourires.)

M. Pierre Goldberg. J’étais, moi, du bon côté de la barrière !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vous ai cherché, mais ne vous ai pas vu et, plus grave encore, je ne vous ai même pas entendu ! Sans doute étiez-vous néanmoins dans les parages…

M. Pierre Goldberg. Vous ne manifestiez pas, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. J’étais du côté des plus nombreux puisque du côté des manifestants – je me permets cette digression – les services s’étaient montrés quelque peu optimistes en annonçant 800 personnes alors qu’il n’y en a eu que 15, il est vrai regroupées autour d’un drapeau rouge, mais au pied duquel vous ne vous trouviez pas ! Sans doute étiez-vous un peu plus loin… (Sourires.) Je suis donc heureux de pouvoir vous saluer aujourd’hui.

Vous avez manifesté quelques réserves que j’ai bien notées, mais vous ne vous êtes pas pour autant opposé à la proposition de loi, « non-opposition » qu’il m’est particulièrement agréable de retenir et de souligner.

M. Hamelin a exprimé le soutien du groupe UMP, et je lui en suis très reconnaissant.

La préoccupation exprimée par M. Néri déborde le cadre de sa circonscription qui, vous le savez peut-être, monsieur Caresche, jouxte le stade Gabriel-Montpied. Il faut reconnaître que les matchs organisés dans ce stade posent assez peu de problèmes. Il est vrai que l’équipe du Clermont-Foot n’obtient pas des résultats spectaculaires cette année, mais ils s’amélioreront certainement l’année prochaine. (Sourires.) Par ailleurs, je remercie Alain Néri du soutien qu’il a apporté à la proposition de loi. Je suis toujours attentif à ses réflexions qui portent alternativement et avec régularité, comme vous savez, sur le sport puis sur le monde des anciens combattants. (Sourires.)

Monsieur Zucarelli, monsieur le ministre, vous avez raison de souligner l’importance du hooliganisme dont il est vrai qu’il évolue heureusement dans le bon sens. Reste que le renseignement, M. le ministre d’État l’a souligné dans son intervention, est extrêmement important pour cibler les hooligans et donc pour lutter le plus efficacement contre ce phénomène détestable. Soyez, vous aussi, remercié pour votre accord et soyez assuré de mon attention aux exemples que vous avez donnés.

Enfin, monsieur Christian Decocq, vous avez replacé le débat dans son contexte européen, et rappelé très justement un certain nombre de faits bien gravés dans les mémoires quand d’autres avaient pu être oubliés. Vous avez raison, de partager l’engagement du ministre d’État de doter la France d’un outil performant et opérationnel pour mettre hors d’état de nuire ces gangs de hooligans qui gangrènent le sport. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

Mme la présidente. Nous en arrivons à la discussion des articles.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 11 rectifié, portant article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. M. le ministre, à l’instar des différents orateurs, est revenu sur le football amateur. Il me paraît très important de lancer un signal aux clubs amateurs. Cet amendement va dans ce sens puisqu’il permet aux fédérations de se faire éventuellement assister par des membres de la réserve civile de la police nationale lors de matchs qui présentent des difficultés. Or, le monde amateur, qui regroupe dans les stades deux millions de personnes tous les week-ends, souvent témoins de scènes de violence, attend ce genre de signal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement mais, à titre personnel, j’y suis très favorable. Il remplace un autre amendement que M. Tian avait présenté, tout à fait souhaitable et applicable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Gouvernement émet un avis favorable. L’idée de recourir à des réservistes de la police nationale paraît excellente et juste en ce qu’elle permet de tirer parti de leur expérience professionnelle sans qu’on ait à mobiliser parallèlement les forces actives parfois présentes sur d’autres fronts. Les actions de prévention prévues par votre proposition pourraient être ainsi appuyées et améliorées dans chaque département par un « référent » bénéficiant de l’expérience de la police nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je souhaite dire un mot sur le fond. L’amendement est intéressant, seulement, il n’a aucun caractère normatif ni législatif. Cette mesure est purement administrative.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 8.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. En cas de peine complémentaire d’interdiction d’accès aux enceintes sportives et de leurs abords, prononcée par les juridictions compétentes en application de la loi du 16 juillet 1984, je propose que cette peine soit complétée par une obligation de pointage devant toute autorité ou personne qualifiée, désignée par le tribunal.

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que j’avais présenté et qui avait été adopté en novembre dernier lors de la discussion sur le projet de loi contre le terrorisme, amendement qui portait sur les interdictions administratives de stade. Je propose qu’à toute interdiction judiciaire de stade ou de ses abords soit associée une obligation automatique administrative de pointage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. La proposition de M. Baguet présente un double avantage : celui de l’efficacité et celui de la simplicité. Cette obligation de pointage paraissant utile, le Gouvernement émet un avis très favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 9.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Toujours dans un souci de cohérence entre l’autorisation donnée aux autorités administratives d’interdire de stade les voyous, et les interdictions judiciaires en vigueur, je propose que toute mesure administrative prononcée puisse être communiquée aux fédérations sportives agréées et aux associations de supporteurs reconnues.

L’identité des coupables dévoilée, je suis convaincu que tous les responsables associatifs ou fédéraux seront ainsi poussés à coopérer encore plus contre le hooliganisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement d’autant plus pratique que les associations en question disposent de moyens de diffusion tels que l’Internet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission, d’autant que le conseil national des activités physiques et sportives est très favorable à cette proposition.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie de deux amendements, nos 7 et 6, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour les soutenir.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le ministre, j’ai entendu comme un regret à peine voilé de votre part dans le fait que nous n’ayons pas été du même côté à Montluçon. En effet, vous êtes aujourd’hui du côté du rejet du CPE ; disons que je vous ai un peu devancé – peut-être le dois-je au bénéfice de l’âge. (Sourires.)

Je présente deux des amendements qui n’ont pas eu l’aval de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Je commencerai par l’amendement n° 6, avec votre permission, madame la présidente. Le mot « race » est apparu pour la première fois dans notre législation et érigé en catégorie juridique explicite en 1940, dans la législation antisémite de Vichy. Dès 1945, en réaction contre le nazisme et contre le régime de Vichy, un certain nombre de textes ont proscrit les discriminations fondées sur la « race ».

Mais ce faisant, le législateur a malgré lui entériné – hélas ! – l’existence de ce terme. Pis, dans toutes les lois où il apparaît, le mot « race » est suivi ou précédé des mots « religion », « nation », « ethnie » ou « origine ». Pour le législateur, la race est donc une donnée aussi objective que l’appartenance à une religion, à une ethnie ou à une nation.

Or, il est grand temps, à notre avis, de prendre acte que ce concept de race n’a désormais plus la moindre légitimité scientifique. En effet, depuis plus de trente ans, nombreux sont les scientifiques qui ont montré – je devrais dire démontré – que les races n’existent pas dans la grande famille humaine. Tel est le sens de ce premier amendement.

Quant à l’amendement n° 7, il concerne l’homophobie. Il y a quelque temps, je le disais dans mon intervention, Fabrice Fiorèse et Frédéric Dehu, qui évoluent aujourd’hui à l’Olympique de Marseille, ont été sifflés, injuriés et visés par de nombreux projectiles lancés par des supporteurs,…

M. Dominique Tian. C’était à l’extérieur !

M. Pierre Goldberg. …au point que les CRS ont dû les protéger avec leurs boucliers lorsque ces joueurs frappaient des corners !

Sepp Blatter, président de la FIFA, répondant à une question sur l’homophobie dans les stades a expliqué que son credo était : « Le football pour tous, tous pour le football, sans discrimination de quelque nature que ce soit. » De son côté, Jean-François Lamour, ministre des sports, a jugé cette violence inacceptable. De plus, de nombreuses associations se sont mobilisées pour dénoncer ces actes scandaleux.

Aussi ne comprenons-nous pas, je l’ai déjà dit, le silence de cette proposition de loi sur le sujet, et demandons-nous que les injures et incitations à la haine homophobe puissent être punies au même titre que les injures racistes et sexistes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. L’avis de la commission sur l’amendement n° 7, à propos de l’orientation sexuelle, est favorable.

En revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 6, relevant d’un débat récurrent, le texte de la proposition précise que sont condamnés les actes contre des personnes à raison « de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ce débat sur la race est bien sûr extrêmement important, mais ne plus faire référence à ce mot affaiblirait juridiquement le texte. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement, alors qu’elle a accepté celui qui concerne l’orientation sexuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?


M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
Favorable à l’amendement n° 7, conformément à l’avis du rapporteur, et plutôt défavorable à l’amendement n° 6. Je ne comprends pas très bien votre raisonnement, monsieur Goldberg : pour moi, le meilleur moyen de combattre le racisme, c’est quand même de le nommer précisément !

M. Claude Goasguen, rapporteur. Bien sûr !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Sans doute est-ce cette différence au bénéfice de l’âge que vous évoquiez : nous ne tirons pas les mêmes conclusions du fait que le texte doit être rapporté au préambule de la Constitution de 1946, lequel comporte la formule « sans distinction de race ». Le mot « race » se retrouve à l’article 1er de la loi Gayssot du 13 juillet 1990. Plus récemment, l’article 19 la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE dispose que « chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race ».

Sur le constat, donc, nous nous rejoignons, mais pas sur les conséquences et les conclusions qu’il faut en tirer. C’est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 2.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. Le texte prévoit que la commission entendra les représentants des associations ou groupements susceptibles d’être incriminés ou dissous. Selon moi, les dirigeants des clubs doivent aussi être entendus : il est logique que l’on dispose de leur version des faits.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 rectifié de M. Christophe Caresche et 10 rectifié de M. Claude Goasguen.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Ces deux amendements identiques, qui résultent d’une discussion en commission des lois, tendent à fixer la composition de la commission nationale consultative. Comme celle-ci est, en quelque sorte, la pierre angulaire du dispositif, il convient de s’entourer du maximum de garanties en y faisant siéger, notamment, des magistrats et des représentants du mouvement sportif.

Mme la présidente. L’avis de la commission est sans nul doute favorable, monsieur le rapporteur, puisque vous avez signé l’un de ces deux amendements…

M. Claude Goasguen, rapporteur. En effet, madame la présidente.

Mme la présidente. Sauf erreur de ma part, monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que l’avis du Gouvernement était également favorable.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Oui, madame la présidente. L’intervention de la commission nationale consultative apporte des garanties importantes dans la procédure que nous créons. Saisie par le ministre de l’intérieur, elle pourra se forger un avis en toute connaissance de cause, puisqu’elle disposera à la fois des éléments qui conduisent le ministre à proposer la dissolution d’une association ou d’un groupement et des arguments présentés en défense par les représentants de l’association ou du groupement en question. Avis favorable, donc.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 4 rectifié et 10 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portants articles additionnels après l’article 1er.

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 5.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Les dispositifs de vidéosurveillance installés dans les stades doivent être opérationnels. J’ai évoqué l’exemple d’une rencontre qui a dégénéré dans un stade où l’on a constaté que le dispositif de vidéosurveillance ne fonctionnait pas. Mon amendement prévoit donc une sanction pour de telles défaillances, de façon à responsabiliser les organisateurs des matchs, et notamment les clubs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. L’article 2 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de programme, n° 2977, relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs :

Rapport, n° 3003, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À vingt et une heures, troisième séance publique :

Proposition de loi, n° 3013, de MM. Bernard Accoyer, Jean-Michel Dubernard et Laurent Hénart sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise :

Rapport, n° 3016, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures vingt.)