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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 3 mai 2006

204e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Parlement norvégien, conduite par son président M. Thorbjørn Jagland. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Monsieur le président et chers collègues députés, soyez les bienvenus à l’Assemblée nationale.

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions doivent porter sur un sujet européen.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

contribution de la France
sur les institutions européennes

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Jean-Marie Le Guen. Où est le Premier ministre ?

M. le président. Je vous en prie, seul M. Bur a la parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous attendons le Premier ministre !

M. Yves Bur. Monsieur le président, je souhaite interroger Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur la contribution que la France a récemment transmise à ses partenaires pour améliorer le fonctionnement des institutions à partir des traités existants. La presse s’est faite l’écho de ces propositions, formulées dans le cadre de la période de réflexion décidée par les chefs d’État et de Gouvernement en juin 2005, après l’échec des référendums en France et aux Pays-Bas, et en vue du prochain Conseil européen sur l’avenir de l’Union.

Madame la ministre, comment doit-on interpréter ces propositions au regard du traité constitutionnel ? Auront-elles une incidence sur ce texte et sur son avenir ? Si oui, laquelle ? Un an après le non au référendum, la question se pose avec acuité, car en l’absence du « plan B » promis avec aplomb par les adversaires de l’Union, l’Europe fait du surplace et risque la paralysie. Pouvez-vous nous préciser les grands axes de la contribution française, qui vise à améliorer le fonctionnement des institutions européennes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, depuis le mois de juin dernier, le Gouvernement a donné la priorité à l’Europe des projets, en vue d’instaurer une Europe plus efficace, plus concrète, répondant mieux aux préoccupations des citoyens en matière de croissance, d’emploi et de sécurité, favorisant les investissements dans la recherche et l’éducation ainsi que dans le domaine de l’énergie. Dans le même temps, le conseil européen de juin 2005 a décidé d’ouvrir une période de réflexion sur les institutions et sur l’avenir de l’Europe, dont il doit tirer les enseignements au mois de juin prochain.

Notre pays a donc élaboré des propositions, dans le cadre des traités existants, sous la forme d’une contribution à la réflexion commune. Comme le chef de l’État l’a souhaité, celle-ci a été transmise à nos partenaires la semaine dernière. Il est à la fois possible et nécessaire de sortir du statu quo institutionnel, sans préjudice de la question de l’avenir du traité constitutionnel.

M. Jean-Pierre Brard. Il est mort !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Non seulement il n’est pas interdit d’améliorer ce qui existe déjà, mais cela est même fortement recommandé : l’Europe doit fonctionner de manière plus efficace et plus démocratique.

La liste des améliorations possibles pourrait être longue, mais nous nous sommes concentrés sur quelques sujets correspondant aux attentes de nos citoyens : renforcer le rôle des parlements nationaux et celui du Parlement européen, notamment dans le cadre de la coopération judiciaire pénale ;…

M. Jacques Myard. Certainement pas !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …utiliser la majorité qualifiée là où c’est possible, et les textes le permettent, par exemple, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme ou pour accroître la dimension sociale de l’Union européenne ; mieux coordonner l’action extérieure de l’Union européenne,…

M. Jacques Myard. Pour quoi faire ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …qu’il s’agisse de sa conduite ou de la représentation externe de l’Union ; améliorer la coordination des politiques économiques pour les rendre plus efficaces.

Telles sont les propositions qui ont été transmises à nos partenaires, au Parlement européen et à la Commission, où le président Barroso leur a fait bon accueil. Je les ai également présentées à la présidence autrichienne à Vienne. Comme vous le voyez, monsieur le député, s’agissant de l’Europe, la France a l’initiative ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

affaire Clearstream

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, notre pays vit au rythme de l’affaire Clearstream. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les révélations d’aujourd’hui viennent contredire vos déclarations d’hier. Cela est grave ! Vous avez un devoir de vérité devant la justice, le moment venu, et devant le Parlement, aujourd’hui.

M. Richard Mallié. C’est une question sur l’Europe, ça ?

M. François Hollande. Pourquoi une telle utilisation des services de l’État ? Pour quels motifs et à quelles fins ? Sous quelle autorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous devez répondre à ces questions dès maintenant ! (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire dont les députés scandent « L’Europe ! L’Europe ! ».)

M. le président. Je vous en prie ! Laissez M. Hollande parler ; chacun a le droit de s’exprimer !

M. Philippe Briand. Il devrait s’agir d’une question concernant l’Europe !

M. François Hollande. Vous avez aussi un devoir de clarté : comment un gouvernement comme le vôtre peut-il poursuivre sereinement son travail quand la suspicion s’est installée en son sein, que dis-je, en son sommet ? Cette situation ne peut pas durer !

M. Richard Mallié. Où est l’Europe ?

M. François Hollande. Vous rendez-vous compte de ce qu’est aujourd’hui le crédit de l’État ? Mesurez-vous le trouble qui s’est emparé d’une grande majorité de nos concitoyens ?

M. Bernard Deflesselles. La question ne concerne pas l’Europe ! Hors sujet !

M. François Hollande. Avez-vous conscience de la dégradation de l’image de la France ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Au nom de nos institutions, je vous demande de prendre tous ces éléments en considération.

Monsieur le Premier ministre, nul ne conteste votre expérience. Elle est grande, notamment en matière de rouages de l’État, y compris les plus obscurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais il vous en manque une : celle du suffrage universel ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Elle vous serait aujourd’hui précieuse pour comprendre ce que souhaitent les Français :…

M. Lucien Degauchy. Vous seriez surpris !

M. François Hollande. …la clarté, la vérité ! Mesurez le désarroi du pays aujourd’hui ; prenez vos responsabilités, tirez les conséquences ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Du calme !

M. Yves Nicolin. Le règlement s’applique aussi à M. Hollande ! Rappelez-le à l’ordre !

M. Jean-Michel Ferrand. Où était Ségolène Royal pendant les écoutes ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Hollande, je suis triste…

M. Noël Mamère. Nous aussi !

M. le Premier ministre. …de répondre à un responsable politique…

M. Jean-Michel Ferrand. Un irresponsable politique !

M. le Premier ministre. …qui s’érige aujourd’hui en procureur. C’est vous qui vivez au rythme des affaires ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il vous manque en tout cas quelque chose : l’exigence et la prudence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Il nous manque la vérité !

M. Guy Geoffroy. Et de la morale aussi !

M. Albert Falcon. Pas de leçons !

M. le Premier ministre. Je suis un homme comme les autres. Je suis l’objet d’attaques incessantes, calomnieuses et injustes. Oui, monsieur Hollande, j’en suis blessé !

À quelques mois de l’élection présidentielle, au moment où nous enregistrons les meilleurs résultats que la France ait jamais obtenus sur le front du chômage et de la croissance (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Jérôme Lambert. Encore un mensonge !

M. le Premier ministre. …voilà que la politique retrouve ses vieux démons : les procès d’intention, les jugements hâtifs, les approximations et, – faut-il le dire ici, dans cet hémicycle ? –,…

M. Jean-Pierre Blazy. Cela ne marchera pas !

M. le Premier ministre. …le lynchage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Tout cela n’aurait pas d’importance s’il ne s’agissait que de moi.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et Sarkozy ?

M. le Premier ministre. Mais il s’agit de notre démocratie.

M. Jean-Jack Queyranne. Justement !

M. le Premier ministre. Or dans une démocratie moderne, je suis désolé d’avoir à vous le dire, ce n’est pas la rumeur qui fait la vérité,…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le Premier ministre. …c’est la justice ! (Plusieurs députés du groupe socialiste brandissent le journal Le Monde.)

M. Jean-Marie Le Guen. Elle est là, la justice !

M. le Premier ministre. Néanmoins il s’agit de la politique, et, en politique, nous n’avons pas seulement besoin de volonté.

M. François Hollande. Nous avons besoin de vérité !

M. le Premier ministre. Nous avons besoin de courage (« De vérité ! De vérité ! » sur les bancs du groupe socialiste) ; nous avons besoin de résultats.

M. Augustin Bonrepaux. Ne mentez plus ! La vérité !

M. le Premier ministre. Monsieur Hollande, pensez-vous qu’il est digne, comme le font certains membres de votre parti, de réagir au fil d’un feuilleton de presse ?

M. Christian Bataille. Dites la vérité !

M. le Premier ministre. Aujourd’hui, croyez-moi, nul plus que moi ne veut la vérité ;…

M. François Hollande. Dites-la !

M. Augustin Bonrepaux. Qui a commandé les enquêtes ?

M. le Premier ministre. …nul plus que moi ne veut la justice. La vérité, c’est ce qu’attendent et que méritent légitimement nos compatriotes, les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

lutte contre le blanchiment

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe UDF.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je ne m’aventurerai pas sur le terrain de la polémique : elle affaiblit nos institutions et la République tout entière.

Je veux vous interroger, monsieur le ministre, sur la lutte contre le blanchiment de l’argent sale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y a dix ans, jour pour jour, était votée dans cette assemblée la loi incriminant le blanchiment de l’argent du crime organisé. C’était le début d’un vaste mouvement législatif, qui s’est poursuivi quelques années plus tard par l’interdiction des commissions dans les marchés internationaux. Cette lutte contre le blanchiment est d’autant plus utile que le financement du terrorisme représente un défi tragique.

L’Union européenne a ratifié au mois d’octobre dernier la troisième directive contre le blanchiment et le financement du terrorisme et le Conseil de l’Europe a adopté une convention sur le même sujet. Quand le Gouvernement entend-il transposer cette directive ? Comment envisage-t-il d’associer le Parlement au suivi de cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Jean-Pierre Brard. Il est bien sombre !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, en matière de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et la corruption, la France est exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Qui nous le dit ?

M. Jean-Pierre Brard. La mafia russe à Nice !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Les institutions internationales et, tout d’abord, le Fonds monétaire international…

M. Jean-Pierre Brard. Des gens de morale tout ça !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …dans son dernier rapport consacré à la France et publié par l’intermédiaire du GAFI, l’organisation internationale chargée de définir les normes applicables contre le blanchiment et le financement du terrorisme, rapport que je vous invite à consulter sur internet.

Qui nous le dit ?

C’est ensuite l’ensemble des pays du G7. La France a en effet été le premier pays à ratifier la convention sur ces questions, le 11 juillet dernier, suivie par la Grande-Bretagne. Et j’ai indiqué, il y a quinze jours, à la demande du Premier ministre, lors de la dernière réunion du G7 qui s’est tenue à Washington, qu’il était indispensable que les autres pays nous rejoignent.

Qui nous le dit ?

C’est enfin l’OCDE . Au terme d’un audit scrupuleux des voies et moyens dont la France s’est dotée contre le blanchiment et la corruption, cette organisation a indiqué que la France était exemplaire en ce domaine.

Allons-nous en rester là ? Certainement pas.

Comme vous l’avez rappelé, la troisième directive a été approuvée par les États membres, dont la France évidemment. Nous avons jusqu’au 15 décembre 2007 pour la transposer.

M. Jean-Pierre Brard. Faites-le avant, sinon vous ne serez plus là !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À cet effet, à la demande du Premier ministre, le Gouvernement nommera une personnalité qualifiée qui procédera à l’ensemble des consultations auprès des professionnels et des parlementaires. Nous lui demanderons de renforcer notre dispositif, tout en veillant, avec le garde des sceaux à ce que les droits fondamentaux, c’est-à-dire les droits des personnes, soient respectés et renforcés.

M. Jean-Pierre Brard. Les droits des brigands !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je rappelle enfin que mon ministère, par le biais de TRACFIN, l’organisation chargée de ces sujets en son sein, accomplit un travail remarquable et digne d’éloges. Je tenais à lui rendre hommage. J’ai d’ailleurs décidé de renforcer ses moyens en mettant trente postes supplémentaires à sa disposition cette année. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

suspension de l’aide financière à l’autorité palestienne

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Loin du marécage politicien, je veux évoquer une question importante, celle de la situation en Palestine.

Monsieur le Premier ministre, le conseil des ministres de l’Union européenne a confirmé la suspension de l’aide financière à l’Autorité palestinienne. Cette décision unilatérale intervient après l’annonce du gel des aides américaines et l’arrêt des transferts mensuels des taxes dont Israël assure la collecte pour l’Autorité palestinienne.

Cette décision est d’abord incohérente. En effet, comment peut-on appeler à la démocratie au Proche-Orient et refuser de reconnaître les choix des populations lorsqu’ils ne sont pas conformes aux souhaits de l’Union ?

Elle est de surcroît inique. L’Europe des Vingt-cinq veut faire pression sur le Hamas, organisation terroriste coupable de ne pas reconnaître l’existence d’Israël. Soit ! Mais je déplore qu’elle ne manifeste pas la même détermination pour obtenir de l’État hébreu l’application des résolutions de l’ONU et des dispositions de la feuille de route : retrait des territoires occupés, arrêt de la colonisation et démantèlement du mur d’annexion.

Enfin, cette décision est humainement dramatique. En effet l’Autorité palestinienne se trouve dans une situation financière proche de la banqueroute : économie bloquée, fonctionnaires non payés, alors que le chômage avoisine 70 % et que les deux tiers de la population vivent avec moins de deux dollars par jour.

Ce blocus économique n’affaiblira pas le Hamas. En revanche, il sanctionnera impitoyablement le peuple palestinien, affaiblira la position des laïcs et des modérés et accentuera l’influence des extrémistes et de l’Iran.

Mahmoud Abbas propose que l’aide européenne passe par la présidence de l’Autorité palestinienne et non par le Hamas. Monsieur le Premier ministre, comment la France compte-t-elle plaider le maintien de l’aide aux Palestiniens…

M. Lucien Degauchy. Et quoi encore ?

Mme Jacqueline Fraysse. …et promouvoir la proposition du président Abbas auprès des instances européennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, les élections législatives palestiniennes se sont soldées par une très large victoire du Hamas en mars dernier et par la mise en place d’un gouvernement palestinien dominé par ce mouvement.

À cet égard, je formulerai deux remarques : premièrement, le Hamas, vous le savez comme moi, figure sur la liste des mouvements terroristes établie par l’Union européenne ; deuxièmement, la France et l’ensemble de la communauté internationale ont demandé à cette organisation de respecter trois principes : le renoncement explicite et public à toute violence, la reconnaissance de l’État d’Israël et celle des accords passés entre l’OLP et Israël, en particulier les accords d’Oslo.

Dans ce cadre, deux éléments me paraissent essentiels : il faut d’abord renforcer la légitimité du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas ; et ensuite, je suis d’accord avec vous, aider la population palestinienne. Depuis deux mois, les fonctionnaires n’ont pas été payés, qu’il s’agisse de ceux des hôpitaux, des établissements d’enseignement ou de la magistrature. Je pense, en particulier, aux juges anti-corruption.

Le Président de la République a proposé à Mahmoud Abbas, lors de sa récente visite à Paris, que soit mis en place un fonds fiduciaire entre la Banque mondiale et l’Autorité palestinienne afin de payer les fonctionnaires. C’est à mon avis la seule solution pour qu’au chaos économique et social qui existe actuellement dans les territoires palestiniens ne se surajoute pas un chaos sécuritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique du logement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Binetruy. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité…

M. Patrick Roy. Et au RMI !

M. Jean-Marie Binetruy. …face à la profonde crise du logement que connaît la France depuis de nombreuses années, le Gouvernement a décidé d’agir avec détermination afin d’apporter des réponses à ce problème vécu quotidiennement par un trop grand nombre de nos concitoyens. Il a engagé d’importants moyens et pris toute une série de mesures pour développer l’offre locative, relancer la construction, développer l’accession à la propriété, en particulier l’accession sociale, et réhabiliter les quartiers.

Le plan de cohésion sociale que nous avons adopté comporte des mesures fortes pour résorber la pénurie de logements, fixant notamment un objectif de construction de 500 000 logements en cinq ans.

M. le président. Posez votre question, monsieur Binetruy !

M. Jean-Marie Binetruy. Les derniers chiffres publiés font état d’une forte progression : plus de 420 000 logements ont été mis en chantier au cours des douze derniers mois, soit une augmentation de 12 % par rapport à la période précédente.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer ces progrès, détailler les chiffres qui marquent un état d’avancement positif des objectifs du Gouvernement en la matière et nous dire comment vous entendez poursuivre la dynamique engagée ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Allo ! Allo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Jean-Louis Borloo, retenu en ce moment même au Sénat par l’examen en deuxième lecture du texte portant engagement national pour le logement.

Monsieur le député, vous avez raison de souligner le bilan encourageant en matière de logement. Nous enregistrons, il faut le dire, des progrès. Jugez-en plutôt : sur les douze derniers mois, le nombre de mises en chantier a augmenté de 12 % pour atteindre 420 000. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas du logement social !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. De même, il y a eu 533 000 permis de construire déposés, soit une hausse de 13 %.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce sont là – eh oui, monsieur Le Bouillonnec ! – des résultats jamais atteints en matière de logement dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ces résultats ont été rendus possibles par les deux lois de programmation proposées par Jean-Louis Borloo que vous avez adoptées, l’une de rénovation urbaine et l’autre de cohésion sociale.

M. Jacques Desallangre. Et le financement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je comprends que l’on s’époumone sur certains bancs quand on voit que, alors que l’on ne comptait que 39 000 logements sociaux en 2000, nous en sommes aujourd’hui à 80 000. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est faux !

M. le président. Ne vous énervez pas !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cela fait une différence et nos concitoyens à la recherche d’un logement peuvent juger de l’évolution.

De même, le nouveau prêt d’accession sociale à la propriété profite chaque année à 200 000 familles quand le nombre des bénéficiaires atteignait à peine 80 000 auparavant.

Voilà des résultats concrets que nos concitoyens attendaient. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Réforme des tutelles et des curatelles

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Dubernard. Monsieur le garde des sceaux, j’appelle une nouvelle fois votre attention sur l’impérieuse nécessité d’une réforme des tutelles et des curatelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Quelque 700 000 personnes sont aujourd’hui placées sous protection juridique, et elles devraient être un million en 2010, alors qu’elles n’étaient que 350 000 il y a dix ans. Pensons à leurs familles et à leurs proches.

Le sujet a fait l’objet de nombreux rapports, qui ont mis en évidence les dysfonctionnements du système actuel et souligné l’urgence de l’adapter. Combien de ces personnes ne trouvent pas de porte de sortie alors qu’une telle mesure de protection ne se justifie plus ? Combien d’entre-elles n’auraient besoin que d’un simple accompagnement social ?

L’actuel président de la commission des lois, M. Philippe Houillon, que je salue, ainsi que son prédécesseur, se sont préoccupés de la question, tout comme le médiateur de la République qui est intervenu à plusieurs reprises de manière solennelle à ce sujet. Ils vous ont saisi, monsieur le ministre, ainsi que M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Lors d’une audition commune, il y a quelques semaines, vous nous avez dit tout l’intérêt que vous portiez à cette réforme, très attendue des personnes concernées, des familles et des professionnels. Elle concerne les plus fragiles de nos concitoyens et il est de l’honneur des politiques de se préoccuper de ces personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. Que l’État paye d’abord ses dettes !

M. Jean-Michel Dubernard. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire quelles sont vos intentions en ce domaine et quel pourrait être le calendrier de votre action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Cette question ne me surprend pas venant de vous, monsieur le président de la commission des affaires sociales. Je vous remercie de la poser car Philippe Bas et moi-même œuvrons pour faire avancer ce projet fondamental compte tenu de la solidarité nationale qu’il implique.

Comme vous l’avez rappelé, les personnes placées sous protection juridique, qui sont déjà au nombre de 600 000 aujourd’hui, devraient être un million en 2010. Devant ce nombre, les associations, les tuteurs et les curateurs ne peuvent plus faire face, malgré tout leur dévouement ; souvent d’ailleurs ils agissent gratuitement.

Vous m’avez posé des questions très précises. Je vais m’efforcer d’y répondre de la manière la plus précise possible.

Avant le 30 juin, je l’espère, nous déposerons devant le Conseil d’État un projet de loi répartissant de manière différente les pouvoirs des conseils généraux et de l’institution judiciaire, réservant la tutelle d’un juge aux personnes qui en ont le plus besoin, les autres restant sous la responsabilité des conseils généraux.

Nous sommes en train de finaliser les dispositions financières de ce projet et celles concernant la formation des travailleurs sociaux. Dès que nous aurons terminé, nous pourrons examiner à l’Assemblée et au Sénat ce texte essentiel pour la solidarité nationale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Affaire Clearstream

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste

M. Philippe Martin. Monsieur le président, mes chers collègues, il y a soixante-dix ans, jour pour jour, c’était la victoire du Front populaire et du peuple souverain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En songeant à l’état d’impuissance de votre Gouvernement, je ne résiste pas à rappeler ici les mots de Léon Blum : « Toute classe dirigeante qui ne peut maintenir sa cohésion qu’à la condition de ne pas agir est condamnée à disparaître de l’Histoire. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Philippe Martin. Monsieur le Premier ministre, en constatant hier que vous ne répondiez pas aux questions pourtant précises et légitimes de mes collègues François Hollande et Christophe Caresche, on en venait à se dire que, s’il est une expérience qui vous fait défaut, ce n’est effectivement pas celle d’être nommé pour vous occuper de l’État – avec, semble-t-il, une prédilection pour ses aspects les plus glauques –, mais bien celle de ne jamais avoir été élu pour servir les Français.

Aujourd’hui encore, en dépit des évidences et des révélations (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous vous accrochez à une ligne de défense humainement émouvante, mais politiquement pathétique.

Ma question sera donc extrêmement brève et vous pouvez y répondre d’un seul mot. Le général Rondot a déclaré sous serment que, le 9 janvier 2004, dans votre bureau, en votre présence, vous avez évoqué les noms de trois personnes, qui siègent habituellement sur ces bancs : Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.

Monsieur le Premier ministre, oui ou non, avez-vous cité ces trois noms ce jour-là ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Écoutez la réponse, avant de protester ! (Mêmes mouvements.)

Asseyez-vous ! Cela ne sert à rien de crier ! Écoutez la réponse !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je regrette, monsieur Philippe Martin, le ton très polémique que vous avez choisi pour votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J’y apporterai une réponse apaisée.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne veut pas répondre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a, dans des situations difficiles comme celle que nous traversons, d’un côté, les faits – et c’est à la justice de faire toute la lumière sur les faits –, et de l’autre, la polémique, la rumeur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. L’affaire !

M. Augustin Bonrepaux. La vérité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a aussi le double langage.

Monsieur Martin, je vais rappeler à votre mémoire un ou deux faits simples.

Il y a quelques années, lorsqu’un de vos collègues avait été mis en cause, puis un peu plus tard relaxé, M. Hollande avait eu l’occasion de dire, dans une interview à L’Humanité

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le Premier ministre, répondez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …que les affaires doivent rester du domaine de la justice. M. Hollande était sage. Il avait été relayé, juste après par M. Ayrault, lors des journées parlementaires du PS en 1999,…

M. Christian Bataille. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …sans doute à une époque où, à cause des affaires, les opposants que nous étions étaient sans doute très offensifs. M. Ayrault avait alors déclaré : « Les socialistes n’ont jamais voulu faire de l’exploitation des affaires un élément de débat politique. Nous voulons être jugés seulement sur nos idées, nos actes, nos projets. »

Mesdames, messieurs, au travail ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand. Si ce n’est pas de la langue de bois !

commerce équitable

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe UMP.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, il y a un an, je remettais au Premier ministre un rapport dans lequel je formulais quarante propositions pour soutenir le développement du commerce équitable.

En effet, les Français sont très mobilisés par cet acte de consommation solidaire, qui concerne notamment le café, le cacao, le thé, mais aussi le coton et les produits artisanaux. Ce geste permet à nos concitoyens de soutenir les petits producteurs des pays en développement, en les aidant à se doter des infrastructures scolaires ou sanitaires qui font souvent défaut.

À l’heure où notre assemblée s’interroge sur la manière de réguler les flux migratoires de populations, il n’est pas inutile de rappeler que la France s’honore d’être l’un des pays de l’Union européenne les plus engagés dans l’aide aux pays du Sud.

Monsieur le ministre, au mois de juin 2005, vous avez introduit dans la loi sur les petites et moyennes entreprises ce concept de commerce équitable, officialisant le soutien du Gouvernement dans ce domaine.

Vous avez également fait adopter, à l’unanimité, une proposition visant à créer une commission nationale du commerce équitable. Cet organe doit assurer la transparence à laquelle les consommateurs ont droit.

À l’occasion de la sixième quinzaine du commerce équitable, qui a débuté le 29 avril dernier, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, la façon dont vous voulez poursuivre le travail ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Herth, le commerce équitable est un commerce plus juste, plus équilibré, plus généreux, auquel le Gouvernement apporte tout son soutien.

Les mesures qui ont été annoncées s’inspirent très largement du rapport que vous avez vous-même remis au Premier ministre, il y a près d’un an.

Le commerce équitable permet à des producteurs de pays en développement de bénéficier d’une juste rémunération de leur travail, en contrepartie d’engagements qu’ils prennent pour lutter contre les discriminations entre les hommes et les femmes, selon les races ou les religions, contre le travail des enfants, contre la dégradation de la santé, contre les atteintes aux libertés syndicales. Cet équilibre dépasse largement celui du simple commerce.

Actuellement, le commerce équitable, représente 0,01 % du commerce mondial, c’est peu, et 0,1 % des échanges entre l’Europe et les pays du Sud, ce qui est également peu. Néanmoins cela représente déjà 250 millions d’euros en France. Nous constatons surtout une véritable dynamique. En 2005, le commerce équitable a augmenté dans notre pays de 50 %. C’est dire l’intérêt que lui portent les Français.

Nous avons décidé d’améliorer l’environnement du commerce équitable, pour que chaque consommateur français ait la certitude d’avoir un produit qui en soit vraiment issu. C’est la raison pour laquelle la loi PME du 2 août 2005 et le décret que j’ai annoncé ce matin en conseil des ministres apporteront une totale sécurité à la fois aux consommateurs, aux commerçants et aux producteurs.

J’invite d’ailleurs l’ensemble des parlementaires à s’associer à la quinzaine du commerce équitable qui se déroule en ce moment et qui popularise auprès de nos concitoyens cette forme de commerce généreuse et efficace. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

apprentissage

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe UMP.

Mme Irène Tharin. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, l’emploi des jeunes est l’une des priorités de ce gouvernement et de notre majorité.

Le soutien et le développement de l’apprentissage, filière trop longtemps négligée, représente pourtant une voie importante pour l’insertion professionnelle de nos enfants. On peut noter d’ailleurs que 50 % des chefs d’entreprises de l’artisanat en sont même issus.

Il permet aussi de promouvoir de nombreux postes au sein des entreprises et de fournir un emploi stable et valorisant, tout en apportant une réponse aux 120 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans aucun diplôme. Le développement de cette filière est l’objectif que nous nous sommes fixés, tant dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 que dans la loi pour l’égalité des chances. L’année 2005 a été une année record avec plus de 155 000 entrées en apprentissage, ce qui porte à plus de 380 000 étudiants l’effectif total en formation.

Dans le même sens, après une année 2005 de montée en charge progressive du contrat de professionnalisation, celui-ci semble enregistrer d’excellents résultats depuis le début de l’année 2006, avec une augmentation de 27 %. Dans ces circonstances, monsieur le ministre, je me permets de rappeler que, à l’occasion du rapport remis au Premier ministre en septembre 2005, j’avais demandé que soit automatiquement proposé à tout jeune quittant l’enseignement secondaire en cours de formation un contrat de cette nature.

Pouvez-vous m’indiquer s’il est prévu de mettre en œuvre un tel dispositif dès la rentrée prochaine afin de poursuivre et d’accentuer cette tendance positive ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Aujourd’hui, madame Tharin, l’apprentissage, c’est 382 000 jeunes en formation, soit 10 % de plus qu’à la rentrée 2004.

Ces jeunes trouvent un emploi dans les trois mois pour plus de 80 % d’entre eux, et avant six mois pour 90 % d’entre eux. Ces jeunes bénéficient aujourd’hui de la mobilisation de l’État et des régions au travers de vingt-trois contrats d’objectifs et de moyens, auxquels le budget pour 2006 consacre 186 millions d’euros.

Pour la première fois, en classe de troisième, les fiches d’orientation offriront le choix de l’apprentissage sous statut d’apprenti. C’est le fruit de la loi sur l’école. M. Gilles de Robien a tenu à faire de la présentation du statut d’apprenti l’une des orientations majeures de la loi sur l’école.

Si nous comparons la France avec les autres pays, nous constatons que les Allemands, dont le taux de chômage des jeunes par rapport au taux de chômage général est plus faible, ont 1,6 million d’apprentis.

Nous voulons atteindre l’objectif de 500 000 apprentis avant 2009, c’est-à-dire avant même l’échéance que nous nous étions fixée dans le plan de cohésion sociale.

Madame Tharin, que se passera-t-il en 2006 ?

Comme l’a souhaité M. le Premier ministre, un contrat de professionnalisation sera offert à tous les jeunes qui sortiront du parcours scolaire. Ce dispositif sera mis en place avant le 1er juin, pour qu’il n’y ait pas, au moment de la sortie du système scolaire, une sorte d’oubli de ces jeunes.

La mise en place de 1 % de l’effectif dans les grandes entreprises ouvrira, dès cette année, 40 000 postes.

Enfin, à l’université, l’alternance sera développée. Notre objectif est de parvenir à un doublement dans les trois ans qui viennent.

La mise en place de l’apprentissage junior permettra aux jeunes, grâce à l’orientation vers les métiers, de parier sur cette grande filière de formation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Affaire ClearstrEam

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Danton !

M. Lucien Degauchy. Robespierre !

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, ma question est destinée à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, questionné, hier, par l’opposition sur la réalité de vos agissements dans l’affaire Clearstream, vous avez, pour votre défense, répondu que cette affaire constituait « un pétard mouillé » et que vous étiez victime – paraît-il – d’une campagne de calomnie.

Il y a deux heures, un grand quotidien national a publié l’intégralité du témoignage d’une personnalité à la réputation sans tache (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : votre ami, le général Rondot, s’exprimant sous serment devant l’autorité judiciaire.

Ce document apporte la preuve…

M. Georges Tron. Pas du tout !

M. Arnaud Montebourg. …que vous avez donné l’ordre d’enquêter sur de nombreux hommes politiques de droite et de gauche, en dehors de vos compétences, dans des conditions de nature à contourner la justice et à circonvenir vos rivaux et vos opposants.

Vous avez ainsi placé la France à la merci de vos pratiques de cabinets noirs. Vous avez fait de celle-ci l’otage de vos batailles rangées et occultes au sommet de l’État. Jugez plutôt : le numéro deux de votre gouvernement a porté plainte en justice contre le numéro un, que vous êtes, provoquant des perquisitions dans le bureau du numéro trois du gouvernement que vous dirigez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Ces propos sont scandaleux !

M. Arnaud Montebourg. C’est une gravissime affaire d’État, comprenant de graves dysfonctionnements politiques, qui ne peut donc pas rester sans sanction politique. Nous savons désormais, monsieur le Premier ministre, que vous avez menti à la représentation nationale et que, hier, vous avez menti aux Français. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La seule question, que nous vous posons tous ici est celle-ci : quand allez-vous prendre enfin vos responsabilités…

M. Yves Nicolin. Procureur !

M. Arnaud Montebourg. …et remettre enfin à M. le Président de la République votre lettre de démission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. M. le député de Saône-et-Loire est bien connu de notre hémicycle et nous aurions été surpris, monsieur Montebourg, que vous ne fassiez pas votre miel de quelque affaire que ce soit.

Vous êtes un ancien avocat,…

M. Georges Tron. Très ancien !

M. Lucien Degauchy. Un « avocaillon » !

M. le garde des sceaux. ...mais je suis frappé de constater combien vous oubliez les principes élémentaires du code de procédure pénale. Vous avez l’air de vous réjouir…

M. Francis Delattre. C’est un politicien, un politicard !

M. le garde des sceaux. …de voir le secret de l’instruction, sans doute partiellement malmené, livré aux lecteurs de journaux sans qu’il le soit au garde des sceaux lui-même. C’est en effet dans Le Monde que j’ai découvert ce que la justice reproche au Premier ministre.

M. François Hollande. Demandez-le plutôt à M. de Villepin !

M. le garde des sceaux. Vous ne pouvez fonder la moindre construction sur des articles de presse qui n’ont rien à voir avec l’enquête judiciaire. Je voudrais que l’Assemblée tout entière fasse la part entre le politicien et la justice.

M. Christian Bataille. Le titre du Monde, est-il vrai ou faux ?

M. le garde des sceaux. La calomnie est facile, mais il y a une chose que vous devriez savoir plus qu’un autre, monsieur Montebourg : le temps de la justice n’est pas le temps de la politique. Vous faites de la politique : laissez à la justice le temps de dire la vérité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

comité interministériel à l'intégration

M. le président. La parole est à M. Roger Boullonnois, pour le groupe UMP.

M. Roger Boullonnois. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Le comité interministériel à l’intégration s’est réuni lundi 24 avril sous la présidence du Premier ministre. Lors de cette réunion, de nouvelles priorités ont été fixées et une politique d’action volontariste a été décidée afin d’assurer les meilleures conditions d’intégration des étrangers accueillis dans notre pays. Les droits et les devoirs des nouveaux arrivants ont été réaffirmés, notamment la maîtrise de la langue française qui est la base et le moteur de l’intégration. Au cours de ce comité, le Gouvernement a également décidé de généraliser l’organisation d’une cérémonie d’entrée des nouveaux Français dans la communauté nationale, ainsi que de donner le droit de vote aux étrangers extracommunautaires aux élections des chambres de métiers et de l’artisanat dont ils sont adhérents.

Par ailleurs, le comité interministériel à l’intégration a décidé d’instaurer un diplôme initial de la langue française et de créer un contrat d’accueil et d’intégration.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous faire part du bilan de cette réunion et nous détailler les modalités et le calendrier prévu pour le diplôme initial de la langue française ainsi que pour le contrat d’accueil et d’intégration ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous avez raison, monsieur le député : le Premier ministre a en effet présidé il y a quelques jours le comité interministériel à l’intégration. Je rappelle au passage que la mise en place de la politique d’intégration du Gouvernement remonte au discours fondateur du Président de la République en octobre 2002 à Troyes. Depuis cette date, ce ne sont pas moins de trois comités interministériels qui se sont tenus, alors que ce comité ne s’était jamais réuni depuis 1990. C’est dire combien notre Gouvernement est mobilisé.

S’agissant du contrat d’accueil et d’intégration que vous avez évoqué, il est désormais, après avoir été expérimenté, généralisé à l’ensemble de notre territoire. Il met fin à une situation d’indifférence. En souscrivant à ce contrat, tout primo arrivant s’engage à connaître et à respecter les valeurs de notre République, mais aussi à en apprendre la langue.

Afin de vérifier les capacités d’expression des immigrants, nous avons également mis en place le diplôme initial de la langue française. En effet, nous sommes convaincus que l’on ne peut pas s’intégrer durablement dans un pays dont on ignore la langue. Cela est encore plus vrai pour les femmes. Certaines d’entre elles sont en France depuis vingt-cinq ans et parce qu’elles ne connaissent pas notre langue ne peuvent mener une vie normale. Il fallait donc réagir. Le Gouvernement financera ces mesures à hauteur de 60 millions d’euros afin d’offrir à ces femmes un véritable parcours.

Pour ce qui est du calendrier, vous aurez l’occasion, dès la fin de cette séance de questions au Gouvernement, dans le cadre des articles 4 et 5 du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration présenté par Nicolas Sarkozy, d’en débattre et de voter ces dispositions.

Quant à la cérémonie de remise du décret de nationalité, elle est tout à fait importante. En effet, parce que devenir français n’est pas un acte banal et ne se borne pas à un simple acte administratif, le Gouvernement a souhaité donner à cette démarche toute son importance en organisant une cérémonie officielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

protection de l'enfance

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon, pour le groupe UMP.

M. Jean-Yves Hugon. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Chaque année, l’aide sociale à l’enfance et les centres communaux d’action sociale aident et soutiennent plus de 270 000 enfants. C’est dire s’il est urgent d’agir. Dans ce but vous avez envisagé, depuis plusieurs mois, une réforme de la protection de l’enfance en souhaitant élargir l’action des pouvoirs publics en faveur d’une véritable politique d’aide à l’enfance.

Comme vous l’aviez indiqué, le fil conducteur de votre réforme est l’épanouissement « affectif, psychique et intellectuel de chaque enfant en privilégiant notamment la prévention. »

Vous avez ce matin, monsieur ministre, présenté votre projet de loi sur la protection de l’enfance au conseil des ministres. Pouvez-vous nous détailler les mesures phare de votre réforme et nous en préciser le calendrier ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, je suis venu cet après-midi avec une bonne nouvelle : le conseil des ministres a adopté ce matin même la réforme de la protection de l’enfance que j’ai eu l’honneur de lui présenter.

Cette réforme concernant plusieurs centaines de milliers d’enfants, vous l’avez rappelé, était nécessaire. En effet, au cours des dix dernières années, les enfants en situation de danger sont devenus de plus en plus nombreux.

Cette réforme est aussi ambitieuse et elle est le résultat d’une intense concertation. L’Assemblée nationale a ouvert la voie avec les travaux conduits par Mme Pecresse et M. Bloche au sein de la mission pour la famille.

Cette réforme, qui vise avant tout l’intérêt de l’enfant, doit tous nous rassembler, car il s’agit d’une question de société essentielle que nous voulons traiter avec pour seul souci, l’efficacité au service des enfants.

Il n’est pas normal que, sur 5 milliards d’euros consacrés chaque année à la protection de l’enfance, seuls 4 % soient affectés à la prévention. Il faut donc renforcer la prévention.

M. Augustin Bonrepaux. On ne vous a pas attendus !

M. Alain Néri. Pas n’importe comment !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La prévention est le premier volet du projet de loi qui consistera à détecter le plus tôt possible les difficultés du lien entre les parents et les enfants afin de pouvoir les régler.

Le deuxième aspect abordé par ce projet de loi est le signalement. En effet, il n’est pas normal que tant d’enfants souffrent en silence et en secret pendant des années sans que personne n’intervienne. Il n’est pas normal non plus, alors que certaines souffrances pourraient être résolues dans le cadre d’une coopération avec les parents, que la justice soit immédiatement saisie. Il faut donc organiser le signalement. C’est le rôle que la loi reconnaîtra, si vous l’adoptez, aux départements. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les départements pourront mettre en place une cellule de signalement.

M. Augustin Bonrepaux. On ne vous a pas attendus !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il leur reviendra aussi d’organiser le partage de l’information entre professionnels soumis au secret professionnel.

M. Albert Facon. Avec quels financements ? Ce ne sont que des discours !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Par ailleurs, il est anormal de n’avoir le choix qu’entre deux formules extrêmes : le maintien au domicile, avec éventuellement des risques pour l’enfant ou le placement en établissement, avec les traumatismes que cela comporte. Nous devons donc diversifier nos modes d’action : le projet de loi le permettra.

Le Président de la République a demandé ce matin, puisque vous m’interrogez sur le calendrier, que la réforme puisse être adoptée avant la fin de l’année. Le Parlement en est maintenant saisi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée nationale a commencé d’entendre les orateurs inscrits.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Julien Dray.

M. Bernard Roman. Madame la présidente, M. Dray s’entretient avec le ministre, à l’entrée de l’hémicycle. Il va arriver dans quelques instants.

Mme la présidente. Mais quel ministre, monsieur Roman ?

M. Bernard Roman. Celui qui nous soumet ce texte !

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Le ministre est là !

M. Bernard Roman. Je ne crois pas reconnaître M. Sarkozy sur les bancs du Gouvernement.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avançons ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Ce n’est pas le Gouvernement qui dirige les débats !

Mme la présidente. Je suspends la séance trois minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la présidente, ce n’est pas à M. Roman de présider la séance !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix-sept, est reprise à seize heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Bernard Roman. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. Madame la présidente, le ministre de l’intérieur a expliqué devant la commission des lois, et hier encore dans cet hémicycle, que ce texte était, en matière d’immigration, le plus important depuis des décennies. Nous avons, pour notre part, dénoncé une loi d’affichage. Or l’affichage atteint ici son paroxysme : le ministre s’est contenté de présenter son projet de loi hier à la tribune pour vaquer ensuite à d’autres occupations qui étaient à ses yeux plus importantes que de participer à nos travaux. Aujourd’hui, nous avons la surprise de constater qu’il n’est toujours pas là.

Dans ces conditions, je vous demande, madame la présidente, de suspendre la séance jusqu’à ce M. le ministre daigne venir débattre avec la représentation nationale de ce texte qu’il considère comme primordial.

Mme la présidente. Monsieur Roman, un ministre est présent au banc du Gouvernement, nous pouvons donc poursuivre la discussion. Vos propos figureront au Journal officiel.

Cela étant, si vous voulez demander une suspension de séance, je vous l’accorderai, car elle est de droit. Si ce n’est pas le cas, nous allons continuer nos travaux.

M. Bernard Roman. Madame la présidente, je demande bel et bien une suspension de séance. Elle permettra à M. le ministre de l’intérieur de venir débattre avec nous.

Mme la présidente. Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes pour réunir votre groupe.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-deux, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Madame la présidente, je veux prendre l’Assemblée à témoin : nous examinons un texte jugé essentiel par ce gouvernement, présenté par celui qui se définit comme le numéro deux du Gouvernement. Or, après avoir consacré une certaine énergie à défendre son texte devant les contradicteurs télévisuels, voici qu’il s’abstient de venir écouter et débattre avec la représentation nationale.

M. Bernard Roman. C’est effectivement étonnant !

Mme Marylise Lebranchu. C’est grave !

M. Julien Dray. Il s’agit de savoir si nous ne sommes pas en train de débattre avec un Gouvernement quasi virtuel, pris dans une tourmente à laquelle il ne sait plus comment répondre. Voilà pourquoi nous demandons au ministre de l’intérieur de nous consacrer quelques minutes afin de débattre et, surtout, de répondre aux questions que nous sommes dans l’obligation de lui poser.

J’en viens à l’objet de notre débat.

Depuis quinze ans, les textes destinés à juguler l’immigration clandestine ne cessent de s’accumuler. Loi après loi, gouvernement après gouvernement – et ma famille politique assume sa part de responsabilité dans ce diagnostic – notre législation ne cesse de se durcir sans que l’immigration irrégulière ne se tarisse, bien au contraire. Les sans-papiers sont toujours plus nombreux, leur ghettoïsation toujours plus grande et les tensions qui en découlent toujours plus importantes.

Les barrières érigées, gouvernement après gouvernement, ont toutes été contournées. C’est la grande leçon de ces quinze dernières années que vous n’ignorez pas : tout durcissement, tout méandre administratif nouveau, provoque inévitablement des contournements. Le ministre de l’intérieur est lui-même aux premières loges pour constater que l’immigration clandestine a continué de progresser après l’entrée en vigueur de la loi de 2003, qui se voulait pourtant si ferme.

Quel constat d’échec ! Quel aveu d’échec que de présenter un nouveau dispositif, moins de trois ans après une première loi vendue aux Françaises et aux Français comme l’arme absolue d’une politique d’immigration raisonnée et pérenne ! Malgré les justifications de M. le ministre d’État, le plus prosélyte des journalistes, le plus converti des citoyens de ce pays ne peut faire autrement que de voir les faits. Et ils sont têtus.

J’entends évidemment la nécessité de remettre à plat tout le système. Du reste, nous sommes un certain nombre de parlementaires à avoir dit qu’il aurait fallu le faire plus tôt. Toutefois notre méthode à nous, parlementaires de gauche, n’est pas la même que la vôtre.

Aujourd’hui, notre corps de règles administratives est totalement défaillant. Le flou de ces règles, leur extrême complexité, la multiplication des recours sont une machine à fabriquer de l’immigration irrégulière.

M. Serge Blisko. Exact !

M. Julien Dray. Il est d’ailleurs paradoxal que des parlementaires réclament à cette tribune le durcissement des lois tout en étant les premiers à intervenir auprès des préfets afin d’obtenir la régularisation ou le détournement de tel ou tel dispositif, à chaque fois pour des motifs humanitaires.

M. Éric Raoult. Nous aussi, nous avons du cœur !

M. Julien Dray. Mais vous pourriez aussi avoir une tête !

M. Serge Blisko. Alors soyez un peu logiques !

M. Julien Dray. La tête et le cœur fonctionnement parfois ensemble, monsieur Raoult !

M. Christian Vanneste. C’est équilibré, comme le projet de loi !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Dray a la parole !

M. René Couanau. Ni cœur ni tête !

M. Julien Dray. Beaucoup de migrants restent des années dans la clandestinité, la précarité, la peur et l’incertitude, en espérant trouver une faille, un alinéa au détour de ces articles de loi qui se superposent depuis des années, afin de prolonger leur séjour. Voilà la réalité.

Votre projet ajoute encore à la confusion en multipliant les complexités administratives : délais, conditions à remplir. En durcissant ainsi les conditions d’immigration sous le prétexte de la limiter, vous vous apprêtez à générer encore davantage d’immigration irrégulière.

Ainsi, limiter le droit au regroupement familial pour certaines catégories de migrants en rajoutant des conditions d’éligibilité est injuste et totalement irresponsable. Cela poussera mécaniquement à la clandestinité, car on sait pertinemment que les gens continueront légitimement à vouloir vivre en famille et qu’ils s’en donneront les moyens, légaux ou non. Nous connaissions les travailleurs clandestins ; avec votre texte, nous connaîtrons désormais les familles clandestines.

De même, en supprimant la règle de la régularisation après dix ans de présence sur le territoire, vous allez constituer une nouvelle catégorie de sous-hommes, des clandestins à vie, et peut-être même des clandestins par-delà leur propre vie, de génération en génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Raoult. On vous a connu meilleur !

M. Julien Dray. Tant que nous appréhenderons ce problème de manière autocentrée, nous ne sortirons pas de la spirale infernale : durcissement, contournement, clandestinité. Tant que nous ne travaillerons pas à la source, main dans la main avec les pays d’origine, nous n’aurons aucune chance de voir les flux se réguler.

Dans les pays d’origine, les filières ont pignon sur rue. Les offres de départ se font sur la place publique. Qui peut lutter contre cela ? Les polices locales ne font rien ; elles sont même parfois complices. C’est là que le bât blesse. Si nous ne travaillons pas avec les forces de police, avec les autorités locales, nous continuerons à vivre dans le leurre des quelques arrestations que réalisent nos forces de l’ordre. Lorsque nos services arrêtent dix clandestins à la frontière, au même moment cent passent ailleurs.

Il n’existe pas d’autre solution que de contractualiser avec les pays d’origine, sauf à se nourrir d’apparences. Et cette contractualisation est l’outil d’une régulation efficace de l’immigration clandestine mais aussi d’une véritable intégration. Elle doit se faire sur deux critères, certes nos possibilités économiques, mais aussi la part de responsabilité que nous prenons dans la solidarité, dans le codéveloppement, dans l’aide aux pays qui souffrent aujourd’hui de la misère.

M. Éric Raoult. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait pendant vingt ans ?

M. Ghislain Bray. Il n’a pas de réponse !

M. Serge Blisko. C’est nous qui avons lancé le codéveloppement !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’y a rien eu !

M. Julien Dray. Si la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, elle doit prendre sa part de responsabilité, y compris en formant et en éduquant des cadres qui seront utiles dans leur pays. C’est cette contractualisation qui permettra alors d’organiser et de préparer l’accueil des migrants, notamment par l’apprentissage de la langue, la préparation des lieux d’hébergement, les opportunités d’emplois, l’éducation aux règles du pays.

Sans cela, les migrants, fragilisés à l’extrême dans un pays qu’ils ne connaissent pas, se tournent naturellement vers ceux qui sont susceptibles de leur offrir un peu de sécurité. Malheureusement, la communauté est le ghetto ethnique où ils s’enferment.

Ce n’est pas l’arrivée de migrants qui pose problème, mais leur ghettoïsation systématique. Cette ghettoïsation est la source de toutes les tensions, de toutes les peurs, de toutes les angoisses qui naissent dans notre société ; elle est la face cachée systématique de toutes les politiques migratoires mises en place à partir d’une vision autocentrée. Voilà ce avec quoi nous voulons rompre.

Tenir un tel discours aux Français, leur expliquer le long travail de contractualisation et de partenariat difficile qui s’annonce, impose une communication sérieuse et responsable qui va à l’encontre de toutes les utilisations qui sont faites, y compris ces derniers jours, des fantasmes, des peurs et des angoisses. Nos concitoyens ont le sentiment que rien de sérieux n’est fait pour créer les conditions d’une vie harmonieuse avec les populations d’origine étrangère.

Monsieur le ministre, l’opposition à laquelle vous allez devoir faire face au cours de ce débat ne se contentera pas de s’offusquer de telle ou telle posture outrancière prise dans tel ou tel meeting. Elle ne se limitera pas à agiter la morale ou l’humanisme de la même manière que vous ne vivez que sur les peurs. Elle sait que, derrière ce débat, des centaines de milliers de personnes vivent parfois dans des conditions terribles de clandestinité, de misère sociale, humanitaire. Voilà pourquoi nous vous demanderons de nous expliquer, article après article, en quoi ces dispositifs favoriseront l’intégration. Exemple après exemple, comme le font aujourd’hui les associations humanitaires, nous démontrerons l’inanité de vos lois, nous prouverons que vous allez prendre la responsabilité de plonger dans la précarité et la tension des populations qui ont vocation à s’intégrer dans la société française.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Éric Raoult. C’est faux !

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Éric Raoult. Les peurs, c’est vous !

M. Julien Dray. Vous aurez finalement créé les conditions d’un legs à vos successeurs qui seront obligés, comme à chaque fois, de régulariser dans les conditions les plus terribles.

Du reste, vous l’avez fait vous-même. Souvenez-vous : en 1997, le président de l’Assemblée nationale, alors ministre de l’intérieur, a été amené à présenter une loi qui visait à corriger les précédents textes et qui n’était qu’une loi de régularisation massive. Jean-Louis Debré avait été obligé d’admettre ici même les conditions terribles d’application des anciennes lois Pasqua qui avaient créé cette catégorie particulière de personnes ni expulsables ni régularisables.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il y a dix ans !

M. Julien Dray. Il fallait bien mettre un terme à cette situation car l’identité républicaine de la France finit par s’imposer à nous tous et elle ne peut pas faire n’importe quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous débattrons pied à pied. D’ores et déjà, nous prenons date de l’échec de votre politique. Il faudra, pour la France que nous aimons, une autre politique de gestion des flux migratoires…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Laquelle ?

M. Julien Dray. …qui permette de dire haut et fort à l’ensemble des pays d’Afrique que nous avons un avenir commun et que la France ne se sépare pas d’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, le projet de loi présenté par M. le ministre d’État…

M. Arnaud Montebourg. Où est-il passé ? Il est incroyable que ce soit le ministre de l’aménagement du territoire qui soit seul présent ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Herbillon. …constitue, chacun en convient, une nouvelle approche de la politique d’immigration et d’intégration.

Cette réforme marque une rupture nécessaire, car notre société et nos compatriotes vivent mal, et depuis trop longtemps, la question de l’immigration pour que l’on ne modifie pas en profondeur les principes de notre politique en la matière.

Avec quoi faut-il rompre en ce qui concerne l’immigration ?

D’abord avec l’hypocrisie d’un discours officiel qui, depuis trente ans, répète que les frontières sont fermées alors que la France continue chaque année d’accueillir de nombreux migrants.

Ensuite avec une politique absurde qui laisse entrer des étrangers sur notre territoire mais qui ne les autorise pas à travailler légalement alors que chacun sait que le travail est le meilleur facteur d’intégration ; avec une politique qui ne se préoccupe jamais de leur insertion dans la société, les laissant vivre dans des conditions de logement sordides, à la merci de tous les trafics et du communautarisme.

Enfin, il faut rompre avec les discours démagogiques, c’est-à-dire refuser la vision angélique d’une gauche qui, aveugle et sourde à ce que nos compatriotes vivent sur le terrain…

M. Ghislain Bray. Eh oui, elle est très sourde !

M. Michel Herbillon. …s’acharne à réfuter les difficultés provoquées par une immigration mal maîtrisée ; (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et refuser aussi les discours extrémistes qui stigmatisent les immigrés et prônent de façon totalement absurde une immigration zéro, impossible à mettre en œuvre.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

M. Ghislain Bray. Exact !

M. Michel Herbillon. Disons-le clairement : l’immigration peut être un enrichissement pour la France, son économie, sa culture – notre histoire nationale le prouve – mais certainement pas dans les conditions actuelles. Aujourd'hui, il nous faut avoir une politique d'immigration cohérente qui repose sur des principes simples et de bon sens.

Il est d'abord nécessaire et naturel que la France veuille juguler l'immigration irrégulière. Beaucoup a été fait depuis 2002, grâce à l’action du ministre d'État, mais si le cours des choses s'est inversé par rapport à l'époque du gouvernement Jospin.

M. Ghislain Bray. Oh là là !

M. Michel Herbillon. Nous devons donc encore compléter les mesures engagées en mettant un terme aux régularisations automatiques, au bout de dix ans, des étrangers en situation irrégulière,...

M. Bernard Roman. Pourquoi, alors, les avoir maintenues en 2003 ? Cela était alors tolérable et ce ne l’est plus !

M. Michel Herbillon. ...et en renforçant également la lutte contre les fraudes et le détournement des mariages à des fins migratoires.

Il est de bon sens également que la France puisse demander à un migrant qui veut faire venir sa famille de donner la preuve, non seulement qu’il a la volonté de s’intégrer…

M. Ghislain Bray. Oui !

M. Michel Herbillon. …mais aussi qu'il est en mesure de faire vivre les siens par les revenus de son travail et non grâce à des revenus d'assistance.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. Michel Herbillon. Il est de bon sens enfin que la France privilégie, à l'instar des autres démocraties, l'accueil des immigrés qui, par leurs talents et leurs compétences, contribueront à son développement.

Cette politique d'immigration choisie est le préalable et le gage d'une politique d'intégration réussie, laquelle ne peut se fonder que sur l’engagement du migrant à respecter les règles et valeurs de notre société.

Le Gouvernement propose d’organiser le processus d'intégration sur la base d'un contrat obligatoire qui, en contrepartie de son respect par le migrant, lui offrira un soutien pour apprendre notre langue et obtenir un emploi ou un logement. Il s’agit d’une mesure sage.

Voilà le cœur du projet qui nous est proposé aujourd'hui : un projet global, cohérent, équilibré, qui se décline en mesures de bon sens.

C'est pourquoi je m'étonne que la gauche en appelle aux valeurs de la République pour combattre le texte. Comment l’opposition peut-elle à ce point refuser de voir la réalité et d’admettre que la politique chaotique et hasardeuse qu’elle a menée si longtemps en matière d’immigration et d’intégration s’est soldée par un tel échec qu’il a suscité de graves inquiétudes chez les Français ?

M. Ghislain Bray. Exact !

M. Michel Herbillon. Comment peut-on ignorer que la question de l’immigration, faute d’une vraie politique, mine, jour après jour, notre pacte républicain et risque de nous condamner à revivre demain un nouveau 21 avril, voire pire ?

Comment, dans ce contexte, ne pas dénoncer l'attitude irresponsable de certains dirigeants du Parti socialiste, qui militent aujourd'hui pour une opération de régularisation générale et massive des sans-papiers ?

M. Ghislain Bray. Oh là là !

M. Michel Herbillon. Il s’agit d’une vieille recette inopérante, mais surtout inacceptable, puisqu'elle représente un encouragement pour tous ceux qui ne respectent pas les lois de la République. De plus elle constituerait un prodigieux appel au développement de l’immigration clandestine.

Ces provocations sont d'autant plus regrettables que la politique d'immigration devrait, à l'instar de ce qui se passe dans de très nombreuses démocraties, faire l'objet de larges débats d’idées, de confrontations de projets, débouchant – pourquoi pas ? – sur un consensus. Il faut aujourd’hui mettre fin à la crispation qui existe depuis trop longtemps sur la question de l'immigration et qui crée tant de dommages dans notre pays.

Le projet du ministre de l’intérieur répond pleinement à cet objectif. En alliant la fermeté nécessaire dans la maîtrise des flux migratoires à la fidélité aux traditions humanistes de la France, grâce à la mise en œuvre d’une vraie politique d’intégration, ce projet répond aux attentes d’une très large majorité de nos compatriotes. C’est la raison pour laquelle il peut compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le déroulement de nos travaux.

Malgré le caractère scélérat du texte, nous ne renoncerons pas, nous l’avons dit, à exercer notre droit d’amendement. Le Gouvernement déclare que les candidats à l’immigration doivent pouvoir maîtriser le français. Il est donc essentiel que les collectivités territoriales, les associations soient autorisées à offrir des formations.

Figurez-vous, madame la présidente, que nous avions déposé des amendements qui ont été déclarés irrecevables en vertu des articles 92 et 98 du règlement. Je viens de les relire et je n’y vois rien qui justifie une telle décision.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut faire venir le président de la commission des finances !

M. Jean-Pierre Brard. Revenir sur ce refus serait légitime puisque M. le ministre prétend qu’il est ouvert à la discussion.

Toutefois vous savez bien, madame la présidente, que, en politique comme ailleurs, il vaut mieux, s’agissant des hommes – surtout des ministres ! (Sourires) – croire à leurs actes, plutôt qu’à leurs déclarations. Or, si la majorité commence par refuser d’examiner les amendements que nous proposons, comment sera-t-il possible de discuter ?

Si, d’aventure, elle ne faisait pas preuve de davantage de raison et d’ouverture d’esprit, nous serions obligés, madame la présidente, de demander une suspension de séance d’une demi-heure pour que notre groupe rencontre les membres de la commission des lois, la commission des finances – qui ne peut pas invoquer l’article 40 de la Constitution puisque nos amendements n’ont pas d’incidence financière – n’ayant pas été saisie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut reconnaître qu’il y a un problème !

M. Jean-Pierre Brard. En l’absence de réaction du Gouvernement, je vous demande donc une suspension de séance d’une demi-heure.

M. Arnaud Montebourg. Cela permettra au ministre de l’intérieur de revenir !

Mme la présidente. Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes, pour réunir votre groupe.

M. Arnaud Montebourg. Ce n’est pas beaucoup ! Nous en demanderons une autre.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Encore !

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce qui vous indispose tant, monsieur Raoult, alors que je n’ai encore rien dit !

M. Éric Raoult. Vos rappels au règlement !

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous en avons assez de vos manœuvres d’obstruction !

Mme la présidente. Seul M. Brard a la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas faire de l’obstruction que de vouloir défendre ses amendements dans l’hémicycle ; c’est être constructif !

Madame la présidente, je n’ai toujours pas obtenu de réponse satisfaisante à la question que j’ai posée sur mes amendements déclarés irrecevables, alors même que l’un d’entre eux au moins l’a été illégitimement, puisque, n’entraînant aucune dépense pour le Gouvernement, l’article 40 ne pouvait lui être opposé.

Faut-il voir à ce rejet une autre raison, tenant à l’adjonction subliminale dans le texte de la notion de bâillon qui serait imposé à la représentation nationale ?

Dans la mesure où je n’ai pas obtenu de réponse à la question que j’ai posée et dont personne ne conteste le bien-fondé, je demande une nouvelle suspension séance.

Mme la présidente. Je tiens auparavant à vous répondre, monsieur Brard : vous me direz ensuite si vous maintenez votre demande de suspension de séance.

M. Jean-Pierre Brard. Si j’obtiens une réponse satisfaisante, je ne la maintiendrai pas, madame la présidente.

Mme la présidente. Laissez-moi terminer !

M. Jean-Pierre Brard. Excusez-moi !

M. Christian Vanneste. Il est incorrect, c’est bien connu !

Mme la présidente. Je rappelle d’abord que nous sommes toujours dans la discussion générale et que nous n’avons pas encore abordé l’examen des amendements.

Je vous confirme ensuite que les amendements dont vous avez fait état ont été transmis à M. le président de la commission des finances – vous l’avez du reste reconnu. Celui-ci les a jugés irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution, dans la mesure où ils créent à l’évidence une charge publique, laquelle peut être constituée par une dépense pour l’État ou par une dépense pour les collectivités locales.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas à vous de créer des charges supplémentaires, monsieur Brard !

Mme la présidente. Enfin, il n’est pas d’usage de remettre en question les décisions du président de la commission des finances en la matière.

Je considère donc pour ma part que l’incident est clos. Vous pouvez évidemment maintenir votre demande de suspension de séance : je vous l’accorderai, celle-ci étant de droit. Toutefois, vous n’obtiendrez aucune réponse supplémentaire.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce serait faire de l’obstruction, monsieur Brard !

M. Éric Raoult. Il souhaite peut-être réunir son groupe !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a une réponse à toutes les difficultés. Il suffit d’un peu d’imagination. Or, je le sais, M. Estrosi n’en est nullement dépourvu.

Comme il arrive souvent en pareil cas, afin de permettre la discussion d’amendements déclarés irrecevables, à tort ou à raison, au titre de l’article 40, le Gouvernement lève le gage et les reprend à son compte.

Si M. Estrosi, dont l’esprit d’ouverture est quasi-proverbial, acceptait de lever ainsi la difficulté, je renoncerais à ma demande de suspension de séance. À défaut, je la maintiendrais. J’ai, en effet, d’autant moins de raison de ne pas me montrer persévérant que mes propositions vont dans le sens de la volonté, affichée par le Gouvernement, de permettre aux résidents étrangers de se former.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur Brard, il appartient à la commission des finances de décider en toute souveraineté si l’article 40 s’applique ou non à tel ou tel amendement.

Après avoir lu celui qui est en cause et consulté le rapporteur de la commission des lois, je ne vois pas d’objection à lever le gage afin de permettre au Parlement de discuter librement d’un amendement qui ne me paraît pas, du reste, aussi essentiel que vous le prétendez. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je tiens également à répondre aux députés du groupe socialiste, plus particulièrement à M. Roman et à M. Montebourg, qui n’est d’ailleurs plus là (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Ghislain Bray. Oui, où est-il ?

M. Jean Glavany. Ce n’est pas acceptable !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. … – je le dis en toute courtoisie, monsieur Glavany –, que ma modeste personne importe peu.

M. Jean-Pierre Brard. Votre modestie n’est pas crédible !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. En tant que ministre délégué à l’aménagement du territoire, j’essaie en toute humilité de me montrer digne de la confiance que le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, m’a accordée en vue de le représenter sur ce banc le temps qui sera nécessaire.

Vous n’êtes pas sans savoir que son emploi du temps a été bouleversé aujourd’hui : un gendarme a été tué en Indre-et-Loire et il est allé se recueillir sur sa dépouille. Telle est la raison de son absence, mais il nous rejoindra d’ici peu.

Cette précision apportée, je tiens également à vous demander de faire montre d’un peu plus de respect au représentant du Gouvernement, quel qu’il soit. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, la représentation nationale dans son ensemble s’associe à la démarche du ministre d’État auprès de la famille de ce gendarme.

Nous pouvons maintenant reprendre le cours de nos travaux.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, lors de leurs récents passages dans mon archipel, les ministres de l’outre-mer et de l’intérieur ont pu constater que la population attend depuis des années des mesures pragmatiques de lutte contre l’immigration irrégulière : l’ampleur de celle-ci est telle qu’il est désormais plus qu’urgent d’agir, non pas, comme le prétendent certains, pour donner satisfaction aux populistes de tous bords, mais afin de répondre à la spécificité de l’immigration illégale dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Est-ce d’ailleurs faire preuve de populisme que de souhaiter débattre sereinement d’un phénomène de société ? Certains, pratiquant la politique de l’autruche, refusent de chercher à connaître l’ampleur, le coût et les conséquences de l’immigration. En Guadeloupe, pourtant, celles-ci sont devenues pour ainsi dire palpables et les questions que pose cette situation exacerbée ne peuvent plus être éludées.

La Guadeloupe, comme la Guyane et Mayotte, doit faire face à une immigration en constante augmentation. Cela s’explique par le caractère insulaire du département, sa superficie et l’attrait économique et sanitaire qu’il exerce sur les populations des États voisins, dont on comprend aisément que 20 000 à 30 000 des ressortissants – des hommes, des femmes et des enfants – tentent, au péril de leur vie, d’échapper à l’instabilité politique et à la pauvreté qui s’aggrave chez eux d’année en année. Cependant, si la Guadeloupe est une terre d’accueil par excellence, elle ne saurait recevoir toute la misère de la Caraïbe.

Mes fonctions m’ont placée en prise directe avec une telle réalité. Il importait de réagir. La proposition de loi que mon collègue Joël Beaugendre et moi-même avons déposée le 9 février 2005 à l’Assemblée nationale avait pour origine notre inquiétude devant une situation qui semblait de moins en moins maîtrisable : corps gisants sur nos plages, arrestations de clandestins, travail illégal, mariages frauduleux et reconnaissances fictives d’enfant en vue d’acquérir la nationalité française, réactions xénophobes envers des migrants pourtant légalement intégrés ou encore inquiétude de nos compatriotes devant la multiplication des trafics en tous genres trouvant, selon eux, leur origine dans une pression migratoire trop forte pour un archipel de 1 704 kilomètres carrés.

Les dispositions de notre proposition de loi sont aujourd’hui intégrées au volet outre-mer de votre projet de loi : je m’en réjouis. Elles prévoient tout d’abord que les arrêtés de reconduite à la frontière et les obligations de quitter le territoire, appliqués à toute la Guadeloupe, ne seront plus suspensifs ; elles autorisent ensuite la visite, l’immobilisation et la neutralisation de tout véhicule terrestre ayant servi à commettre des infractions à l’entrée et au séjour des clandestins ; elles permettent enfin l’élargissement du périmètre de contrôle des titres légaux de séjour.

Monsieur le ministre, si, pour le territoire métropolitain, ce projet de loi est le second volet d’une politique migratoire choisie, il constitue pour l’outre-mer l’une des étapes vers la maîtrise de la pression migratoire. De façon constante, depuis le début de la législature, la majorité mène une lutte soutenue contre l’immigration illégale ultramarine. Elle n’est donc pas sourde aux préoccupations des Guadeloupéens, contrairement à ce que certains élus tentent de faire croire.

La loi de sécurité intérieure de 2003 a ainsi prorogé le régime de reconduite immédiate à la frontière pour Saint-Martin et la Guyane ; la loi relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de contrôle en mer permet au procureur de la République d’ordonner, dans les collectivités d’outre-mer, la destruction des embarcations dépourvues de pavillons ayant servi à commettre le trafic de stupéfiants et de personnes ; les accords signés entre l’État français et des pays de la Caraïbe ont permis d’intensifier la lutte contre le trafic de stupéfiants et de personnes ; la coopération judiciaire, policière et douanière entre la Dominique, Sainte-Lucie et les Antilles françaises a été renforcée, notamment dans le cadre des accords signés par Brigitte Girardin et vous-même ; enfin, la décentralisation des services de l’OFPRA en Guadeloupe permettra à ce département de faire face à l’explosion des demandes d’asile qu’il connaît depuis deux ans ; leur nombre est même devenu le plus élevé de tout le pays. Je tiens du reste à remercier Mme Girardin et son successeur, M. Baroin, d’avoir accédé à ma demande en la matière.

Ce sont là autant d’actions conduites de manière responsable par les élus de la majorité, auxquelles s’opposent systématiquement ceux que la pure idéologie inspire.

La réalité migratoire de la Guadeloupe n’étant nullement comparable à celle du territoire métropolitain, je souhaite appeler votre attention sur le fait que la politique d’immigration choisie, et non subie, ne sera efficace que si elle fait l’objet d’un consensus parmi les populations et si les moyens sont mis à la disposition des acteurs de la régulation de la pression migratoire. Je tiens, à ce propos, à vous remercier de la mise en circulation à compter de juillet 2006 d’une vedette supplémentaire dans la brigade nautique de Saint-François.

Il convient également d’augmenter la capacité d’accueil de notre centre de rétention administrative, ainsi que le nombre d’officiers de police judiciaire.

Toutefois, monsieur le ministre, ces mesures fortes ne seront pleinement efficaces que si elles sont accompagnées d’actions de coopération très ciblées entre les collectivités ultramarines et les États voisins, principaux pourvoyeurs d’immigrés clandestins.

À cette fin, il faut renforcer le financement de l’aide au développement et à la stabilisation politique, sociale, sanitaire, éducative et administrative. De plus, il est impératif que les coûts engendrés par la pression migratoire ne grèvent plus les budgets des collectivités locales ni des services publics de santé : dois-je rappeler que 20 à 25 % de femmes venant accoucher dans nos hôpitaux sont en situation irrégulière ?

Monsieur le ministre, un observatoire de l’immigration doit être créé en Guadeloupe comme à La Réunion et en Guyane : il sera le gage d’un ajustement plus rapide de la politique migratoire ultramarine.

En outre, pour faciliter le processus d’intégration, il faut lutter contre les mariages de complaisance et les détournements des reconnaissances d’enfants. C’est l’objet d’un de mes amendements.

Le développement économique et social de notre pays est en jeu. Je voterai donc ce projet car les intérêts de la nation et ceux de mon département le commandent. À tous ceux qui déclarent que la Guadeloupe deviendrait une terre de non droit, je rétorque qu’elle a besoin d’un développement harmonieux, auquel peuvent et doivent participer tous les migrants en situation régulière.

Je rappelle que si nous en sommes arrivés à cette situation en Guadeloupe, c’est parce que l’on a pendant trop longtemps, laissé faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Jean-Pierre Brard. Encore un gauchiste !

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question des migrations est essentielle pour une société car elle rejoint la problématique de l’existence, de la vie même de cette société, et de son identité. Aussi, que certaines critiques aient tenté de ramener cette question à des préoccupations d’opportunité politique, voire électorale est particulièrement déplacé.

Assurer un équilibre démographique entre les générations, un accroissement modéré mais permanent de la population, exige que soit menée une politique familiale aujourd’hui tragiquement insuffisante et même parfois suicidaire en Europe. De même, cela exige une politique volontariste de gestion maîtrisée des migrations.

Le Sénat a consacré, le 3 mars dernier, une journée d’étude à ceux qui partent : depuis dix ans, le nombre de nos expatriés a augmenté de 40 %, et même de 70 % vers les États-Unis. Il s’agit d’un million de Français de moins de 35 ans, souvent hyper qualifiés. L’INED prévoit que ces départs vont réduire de 46 % le nombre de nos enseignants chercheurs.

Néanmoins, l’importance des liens entre la démographie, l’économie et la cohésion sociale rend plus aigu le problème de ceux qui arrivent. Si beaucoup quittent la France pour offrir, ailleurs, leurs talents et leurs compétences, chez ceux qui arrivent, en revanche, les motivations professionnelles précises sont souvent moins importantes que les motivations sociales diffuses. Le pourcentage des travailleurs par rapport à la population étrangère totale est plus faible en France que dans les autres pays.

C’est pourquoi notre politique dans ce domaine doit être fondée, non sur un angélisme irresponsable – je pense à M. Blisko –, mais sur un humanisme responsable, qui doit avant tout bien distinguer les fins et les moyens.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Christian Vanneste. Les objectifs doivent viser à la fois les intérêts de notre nation, il faut le dire, et la solidarité légitime de celle-ci avec les pays moins favorisés, notamment ceux qui, à travers un passé commun, entretiennent avec nous des liens privilégiés.

M. Jean-Pierre Brard. Ah, oui ? Quel cynisme !

M. Christian Vanneste. Ces deux objectifs ne sont pas contradictoires : d’abord parce que la solidité économique, démographique et sociale de la France ne la rendra que davantage capable d’aider les autres ; ensuite parce que la dignité des personnes est en grande partie inséparable de leur autonomie, c’est-à-dire de leur capacité à subvenir à leurs besoins par le travail. C’est la raison pour laquelle le travail et l’insertion économique doivent être les moyens privilégiés et primordiaux de l’intégration.

Ce projet, à la suite des lois de 2003, est une réponse courageuse et responsable face à l’enjeu que représente l’immigration. Vous proposez à la nation de passer d’une immigration constatée, mal mesurée et non maîtrisée à une politique d’immigration contractuelle. Je dis « contractuelle » plutôt que « choisie », parce que le choix paraît unilatéral alors que le contrat beaucoup plus équilibré.

Il implique en effet l’accord de deux volontés. D’abord celle de l’immigrant, qui doit assumer les conséquences de ce qu’il veut : le respect des lois et l’apprentissage de la langue sont indissociables de sa présence en France. Ensuite, la volonté pour un pays d’accueillir des étrangers suppose la capacité d’offrir emploi et logement. Le contrat d’accueil et d’intégration illustre parfaitement cet équilibre. La notion de contrat est donc au cœur du texte.

Par ailleurs, une politique renforcée de coopération avec le pays d’origine doit être encouragée. Là encore, c’est le contrat, l’accord de volontés, c’est-à-dire le respect mutuel qui l’emporte. Intégration et codéveloppement sont les deux aspects de cette politique contractuelle, clairement indiqués par le ministre d’État.

J’ai déposé plusieurs amendements dont le but est d’approfondir les moyens d’intégration mis à la disposition des étrangers.

M. Jean-Pierre Brard. Désormais vos collègues se méfient de vos amendements !

M. Christian Vanneste. Par souci d’équité, les stages effectués par les étrangers doivent être rémunérés. Vous voyez, monsieur Brard, que, pour une fois, nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Brard. Plutôt que d’être d’accord avec vous, je préfère être pendu !

M. Christian Vanneste. Les élèves primo-arrivants doivent impérativement être répartis dans des établissements scolaires différents, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, par exemple, dans cette école d’Halluin située dans ma circonscription, qui regroupe en nombre, sans moyens supplémentaires, les jeunes étrangers non francophones. Cette nouvelle répartition est nécessaire pour favoriser le travail pédagogique mais aussi pour créer les conditions psychologiques de l’intégration des plus jeunes.

Enfin, une cérémonie officielle en mairie doit être organisée, tel un baptême républicain, afin de signifier solennellement l’entrée de l’étranger naturalisé dans la communauté nationale.

Cette loi est l’occasion d’affirmer l’attachement de notre pays aux valeurs d’un humanisme responsable. Je le répète : pour devenir Français, un seul droit prévaut et l’emporte sur les oppositions stériles et idéologiques, c’est celui de la volonté, avec ses droits mais aussi, surtout, avec ses devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe UMP, pour cinq minutes.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un festival de gens modérés !

Mme Chantal Brunel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis l’élue d’une circonscription de la grande couronne de la région parisienne et je peux me rendre compte chaque jour des limites de notre législation dans le domaine de l’immigration ou, plus grave encore, de sa non-application.

M. Jean-Pierre Brard. Que fait donc Mme la députée ?

Mme Chantal Brunel. Voilà des années que nous refusons de voir que l’immigration actuelle ne conduit pas à la même intégration que lors des décennies précédentes.

Votre texte, que je soutiens, monsieur le ministre, est courageux car il propose des solutions à des questions difficiles : le regroupement familial, l’arrêt des facilités de naturalisation, la priorité donnée aux immigrés capables de s’intégrer dans notre pays.

Pour moi, la France a été et demeure une terre d’accueil, mais il est aussi de notre devoir de lutter contre le phénomène massif de l’immigration clandestine. Non par repli ou par ostracisme, mais tout simplement parce que cette immigration non maîtrisée nuit à l’intégration de tous ceux arrivés légalement sur notre sol et parce qu’elle entraîne malheureusement chez certains de nos concitoyens, des comportements racistes non contrôlés. Dire cela, ce n’est pas être de droite ou de gauche ; c’est se montrer responsable.

« En trente ans, l’immigration non contrôlée a créé des zones de non-droit dans nos villes, et rendu l’intégration difficile. Pour que le droit fondamental à l’asile soit respecté comme il le doit, je considère qu’il revient au gouvernement d’édicter des lois qui régissent son bon fonctionnement. » Cette analyse, que je partage, est celle du sénateur-maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, membre du parti socialiste, et développée devant les évêques de France à Lourdes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. M. Bockel est un modéré !

Mme Chantal Brunel. Je comprends, par ailleurs, la hiérarchie de l’Église qui réaffirme avec force que tout homme est notre frère et a droit à l’accueil ; mais il revient aux élus de voir ce que notre pays peut faire et peut supporter.

M. Jean-Pierre Brard. Vous interprétez la parabole du bon samaritain ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Silence, Peppone !

Mme Chantal Brunel. Nous devons concilier le réalisme et nos principes. Or le réalisme nous force à admettre que l’immigration excessive entraîne des effets pervers indéniables dont l’un est la ghettoïsation de certains quartiers qui deviennent des lieux où les comportements asociaux se multiplient et où la violence et la délinquance règnent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ah ! Nous y voilà : immigration égale délinquance !

M. Patrick Braouezec. Il n’a pas fallu attendre longtemps !

Mme Chantal Brunel. Le réalisme nous force aussi à admettre que les temps ont changé : nous ne sommes plus à l’époque des Trente glorieuses, à l’époque où notre pays devait se reconstruire, à l’époque où nos usines manquaient de bras pour des tâches répétitives de plus en plus assumées, aujourd’hui, par des machines automatiques.

Ce réalisme devrait donc nous conduire à freiner une immigration que notre pays ne peut plus accueillir et, dans le même temps, à mieux intégrer ceux que des politiques laxistes ont laissé entrer.

On leur a dit dans leurs pays d’origine que la France leur procurerait des droits, des allocations, une couverture médicale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

Mme Marylise Lebranchu. et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qui a dit cela ?

Mme Chantal Brunel. …et qu’ils ne craignaient rien à venir illégalement, sachant que, périodiquement, on procéderait à des régularisations massives.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On leur dit le contraire !

Mme Chantal Brunel. Il faut remarquer, d’ailleurs, que la plupart de nos voisins ont su, eux, mettre des freins plus tôt que nous.

M. Bernard Roman. Quels pays voisins ?

Mme Chantal Brunel. Nous avons laissé croire trop longtemps à ces nouveaux arrivants que la France leur apporterait le bien-être, le confort et le bonheur.

Mme Marylise Lebranchu. Qui donc ?

Mme Chantal Brunel. La réalité est souvent toute autre et il faut le savoir.

M. Jean-Pierre Brard. Citez vos sources ! Il s’agit de Nicolas III !

M. Claude Goasguen. Pourquoi pas Nicolas II ?

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas II a mal fini !

M. Claude Goasguen. Il aurait fallu citer Nicolas Ier ! Et ne prenez pas toujours la Russie comme exemple, monsieur Brard !

M. Éric Raoult. Son idole c’est Béria !

Mme Chantal Brunel. Non seulement ces immigrants sont coupés de leurs racines, de leur environnement, de leur famille, mais ils se retrouvent dans un pays pourvu d’une mentalité complètement différente de la leur, et qu’ils ne peuvent ou ne veulent assimiler. Il convient donc en priorité d’aider leurs pays d’origine à progresser – j’insiste sur ce point –, à se développer, afin que leurs habitants puissent y vivre dignement et dans un univers qui est le leur.

Il nous faut aussi favoriser l’intégration des milliers de personnes déjà en France, déracinées et sans beaucoup d’espoir quant à leur avenir ou à celui de leurs enfants. La tâche est lourde dans les domaines de l’alphabétisation, de l’accueil, de l’intégration et de l’éducation.

Un étranger a le droit de venir avec sa culture, sa religion, ses traditions. Il a le droit de les conserver s’il le souhaite, mais à condition qu’elles n’entrent pas en conflit avec nos valeurs fondamentales.

En tant que femme, je suis choquée par la condition de beaucoup de femmes immigrées dans notre pays. Je suis choquée par toutes les coutumes ou traditions qui dévalorisent la femme, à contre-courant du combat que nous menons pour l’égalité homme-femme. Dans certains de nos quartiers, dans notre France, il y a des situations de régression des droits des femmes, il y a des situations de semi-esclavage,…

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce de la Mamounia que vous parlez ? (Rires.)

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous en prie !

Mme Chantal Brunel. …et je suis inquiète également de voir dans nos collèges et nos lycées, des attitudes nouvelles de soumission de certaines jeunes filles.

Oui, je me bats depuis 2003 contre la polygamie et j’espère que ce débat verra l’adoption – enfin ! – de mesures contre ce phénomène inacceptable dans notre pays.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

Mme Chantal Brunel. Je vous proposerai donc, chers collègues, de voter un amendement visant à éviter qu’un père polygame puisse gérer lui-même les prestations familiales qu’il touche, moyen pour lui de créer un lien de dépendance et de soumission envers ses femmes et ses enfants.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

Mme Chantal Brunel. Un autre phénomène me choque terriblement en tant que femme et mère : la violence infligée aux enfants en application de coutumes intolérables en France. Je vous demanderai donc de voter un amendement visant à empêcher la délivrance d’une carte de résident à un étranger ayant excisé ou ayant fait exciser une mineure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pendant longtemps, l’immigration a été un sujet tabou. Un consensus s’était établi pour ne pas voir la réalité, pour ne pas agir ; mais M. le ministre d’État s’est attaqué à ce problème dès 2003. Ce nouveau texte est une étape importante qui permet de passer d’une immigration subie à une immigration choisie, pour mieux accueillir ceux qui viennent dans notre pays, pleins d’espoir en des jours meilleurs.

C’est en conciliant à la fois les valeurs d’humanisme qui sont les miennes, ma sensibilité de femme qui s’insurge contre des pratiques contraires à leur dignité, le respect des valeurs de mon pays et la conscience de le servir, que je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Patrick Braouezec. On va crescendo !

M. Jean-Pierre Brard. Il va être question de la discrimination dans les réserves à bourgeois.

M. Éric Raoult. Je veux d’abord dire à notre collègue Jean-Pierre Brard, qui a beaucoup d’humour,…

M. Bernard Roman. Il est excellent !

M. Éric Raoult. …qu’il pourrait respecter ses collègues…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et réciproquement !

M. Éric Raoult. …lorsqu’ils ne sont pas de son avis. Je fais référence aux propos tout à fait déplacés à l’égard du ministre de l’intérieur, tenus lors de la manifestation du 30 avril à la mémoire de la Déportation.

M. Jean-Pierre Brard. Je les maintiens !

M. Éric Raoult. Eh bien, ils sont regrettables !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur Raoult, j’aimerais que vous abordiez la question qui nous préoccupe.

M. Éric Raoult. On vous fera passer ce qu’a dit monsieur Brard.

J’en viens à mon propos.

Le projet sur l’immigration n’est pas craint ; il est attendu par le peuple. Il est commenté par les élites, on le voit sur ces bancs, et si les terrasses tiers-mondistes de Saint-Germain-des-Prés ne l’approuvent peut-être pas, les HLM de Clichy et les pavillons de Montfermeil, sachez-le, le souhaitent impatiemment.

M. Jérôme Rivière. C’est très vrai !

M. Éric Raoult. Les progressistes des beaux quartiers apprécient souvent l’exotisme de l’immigration à travers leurs gens de maison alors que la Seine-Saint-Denis connaît, elle, les difficultés de la promiscuité, de l’intégration.

M. Noël Mamère. Simplisme ! Populisme !

M. Éric Raoult. Je rappelle à mes collègues de gauche qu’il ne faut pas tenir un double langage : applaudir Sarkozy dans sa ville, et le siffler ici.

Il s’agit pour nous de donner une réponse à la crise d’intégration que connaît notre pays, car votre texte est un antidote contre tous les 21 avril possibles ou à venir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !

M. Éric Raoult. Il s’agit pour nous d’envisager la France de demain, qui, fidèle à des valeurs d’humanisme et d’accueil, ne veut pas pour autant voir dériver son identité.

Pour la première fois, un projet de loi conjugue les questions de l’immigration et de l’intégration. Il apporte les outils d’une immigration raisonnée, cette « immigration choisie », pour reprendre le concept européen, qui doit permettre une intégration réussie.

Il est inutile d’y insister : chacun d’entre nous constate les limites que rencontre notre modèle français d’intégration. La communauté nationale dont nous sommes les représentants tend, c’est un fait, à devenir une mosaïque de communautés ayant chacune une existence propre, des règles distinctes et un territoire déterminé. Or elle ne doit précisément pas être une juxtaposition d’ethnies, d’origines et de nationalités. Au sein de ces communautés, en raison du manque d’enracinement et de reconnaissance, l’individualisme n’est plus synonyme d’émancipation, mais d’enfermement.

C’est la situation que nous vivons aujourd’hui dans le département de la Seine-Saint-Denis, et c’est sur ce terreau que croissent les exclusions et les discriminations de notre société, mais aussi le rejet de l’autre, qui s’accompagne du refus de notre nation.

À cela, il est une cause que chacun admet mais que peu ont jusqu’à présent combattue : le constat de l’immigration subie, celle qui manifeste, qui revendique, qui défile et qui souffre.

Cette situation, nous la connaissons dans nos permanences d’élus, car il n’y a pas d’un côté les sans-papiers que vous défendriez, mes chers collègues de la gauche, et de l’autre, les sans-pitié que nous soutiendrions.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Ce qui est certain, c’est qu’il y a des sans-pitié face aux sans-papiers !

M. Éric Raoult. Il nous est offert aujourd’hui d’y mettre un terme pour parvenir à une immigration réussie. Ce texte propose un équilibre en ce qu’il lie, enfin, l’immigration et l’intégration.

Il s’agit tout d’abord de maîtriser quantitativement l’immigration. Des objectifs prévisionnels seront définis chaque année en fonction des capacités d’accueil tant en termes d’emploi que de logement. Tous les grands pays de l’OCDE ont fait ce choix : pourquoi ne pourrions-nous pas le faire aussi ?

C’est ensuite une inflexion de la politique d’immigration familiale. Outre le nécessaire allongement de la durée du séjour, le migrant devra faire preuve de sa volonté d’intégration, comme le veut la tradition française de la nation ouverte. Il devra en outre être en mesure de pourvoir aux besoins de sa famille par son travail et non par les allocations perçues. Notre pays n’est pas une vaste terre de peuplement comme l’Australie ou le Canada. C’est donc l’ensemble des conditions d’intégration qui seront désormais examinées.

La réussite de cette immigration par une intégration au sein de notre communauté passe par le choix le plus judicieux possible des candidats à l’immigration. Chacun sait qu’un emploi est l’outil majeur d’une bonne intégration. C’est à cette seule fin qu’est proposée la mise en place de la carte « Compétences et talents ».

M. Bernard Roman. Elle vaut aussi pour les footballeurs…

M. Éric Raoult. Cette carte de séjour spécifique constitue une innovation qui va permettre de mener de front la bataille de l’intégration et la bataille de l’emploi. Nous ne pouvons que saluer cette initiative car, chers collègues, comme tous mes compatriotes, je préfère en effet le plombier polonais aux marabouts et autres laveurs de carreaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Christiane Taubira. Quelle hystérie !

Mme Martine Lignières-Cassou. De tels propos sont incroyables ! Ça dérape !

M. Jean-Pierre Brard. Le groupe de l’UMP devrait être plus attentif dans le choix de ses orateurs !

M. Éric Raoult. Un effort substantiel est également proposé en direction des étudiants et chercheurs, qui pourront, à la suite de leur formation, obtenir une autorisation de séjour à la fin d’une première expérience professionnelle dans leur domaine de compétence. Il s’agit aussi de faire fructifier leur formation afin qu’ils puissent, le moment venu, en faire profiter leur pays d’origine.

La primauté sera une nouvelle fois donnée à l’intégration lors de l’attribution des cartes de séjour de dix ans. Le candidat devra démontrer son intégration. Il devra en outre s’engager à respecter les règles et principes de la République française, et en maîtriser la langue. Loin d’être choquant, ce rappel devrait au contraire être évident !

À ce titre, le contrat d’accueil et d’intégration institue un processus itératif, l’État s’engageant sur la formation linguistique et civique et en faveur d’un certain nombre de démarches, tandis que le migrant s’engage de son côté au respect de nos lois et valeurs. C’est le respect de ce contrat qui conditionnera l’obtention de la carte de résident. La France ne veut être ni un bunker, ni un hall de gare.

Avec ce nouveau dispositif législatif, être résident sera la conséquence d’une volonté affichée et affirmée. Ce texte, contrairement à ce qui a pu être dit sur les bancs de la gauche, n’est pas un texte de fermeture, ni un texte d’exclusion : c’est un texte de réalité et de volonté – cette réalité que vous vivez mais que vous oubliez, chers collègues de l’opposition, et cette volonté que vous n’avez pas. Ce texte est généreux avec ceux qui aiment la France et qui veulent appartenir à sa communauté nationale ; il est ferme avec ceux qui souhaitent profiter de ses avantages en défiant ses règles.

C’est donc un texte équilibré, comme le rapporteur et le ministre d’État l’ont souligné. Il renoue avec la tradition d’une nation ouverte et responsable, où le seul critère est celui de la volonté de s’intégrer au sein de notre communauté.

Monsieur le ministre, c’est ce texte qui va enfin permettre une immigration maîtrisée et une intégration approuvée dans les quartiers. La Seine-Saint-Denis, ce département du monde, et ses élus vous disent merci. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

Mme Marylise Lebranchu. Rappel au règlement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour un rappel au règlement.

Mme Marylise Lebranchu. Ce rappel au Règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Ici même et sans doute bien au-delà de cette enceinte, un grand débat pourrait avoir lieu sur la question de l’immigration et de nos liens avec les pays en très grande difficulté. C’est un grand sujet d’équilibre pour la France, ainsi qu’un grand sujet de droit.

Nous sommes la représentation nationale. Nous travaillons, si vous me passez cette image, sous le ciel républicain de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme. Il nous est interdit d’utiliser des arguments qui humilient des êtres humains – fussent-ils laveurs de carreaux, monsieur Raoult ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Cessez de donner des leçons !

M. Bernard Roman. Il y en a pourtant certains, sur vos bancs, qui ont baissé la tête en vous écoutant, monsieur Raoult !

M. Jean-Claude Viollet. Même le ministre était gêné !

M. Éric Raoult. Il n’y a pas eu pire garde des sceaux que vous, madame Lebranchu ! Votre seule réussite, ç’a été l’affaire Seznec !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Marylise Lebranchu. C’est précisément parce que j’ai été garde des sceaux, monsieur Raoult, que je considère que le respect du droit et des grands textes et déclarations relatifs aux droits de l’homme est fondamental dans notre hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il était nécessaire de le rappeler.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Enfin un orateur modéré ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hors de tout contexte politique, le texte qui nous est proposé pourrait laisser croire que notre pays vit des moments paisibles, dans un contexte économique de forte croissance, et que, tranquillement, nous allons discuter pour décider des flux migratoires dont le pays aurait besoin. Hélas ! Comme l’a rappelé Nicolas Sarkozy hier après-midi, la France est en crise.

M. Patrick Braouezec. Et la crise du Gouvernement ?

M. Jérôme Rivière. Une crise d’identité grave et longue : trente années de repentance et de masochisme soixante-huitard ont étouffé toute fierté, toute conviction sereine d’être nous-mêmes.

M. Jean-Pierre Brard. Selon vous, monsieur Rivière, il n’y aurait pas de crise sociale ?

M. Jérôme Rivière. Et pourtant, à l’heure de la mondialisation, les cultures, les racines, les appartenances sereines et fortes sont les meilleurs remparts contre le racisme. Un pays qui n’est pas sûr de son identité ne peut pas s’ouvrir aux autres sans peur.

M. Christian Vanneste. Très juste ! C’est Claude Lévi-Strauss qui le dit !

M. Jérôme Rivière. Mais j’ajouterai, monsieur le ministre, que quelle que soit la force morale d’un pays, il existe un seuil d’immigration à partir duquel un pays se regarde dans le miroir sans se reconnaître.

M. Jean-Pierre Brard. Si c’est vous qu’il y voit, il est évident qu’il ne se reconnaîtra pas !

M. Jérôme Rivière. Ce seuil est aujourd’hui largement atteint en France.

Les Français, jamais consultés sur cette immigration de peuplement – car c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler –, subissent ces changements avec surprise et sans y adhérer aucunement. Leur colère ne manquera pas d’éclater un jour ou l’autre.

La France est, depuis plus de mille ans, un pays d’héritage judéo-chrétien. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or, chaque année, les dizaines de milliers de demandeurs d’asile, qui pour la plupart s’évaporent dans la nature, et les 130 000 arrivées régulières, fondées pour l’essentiel sur le regroupement familial ou sur un lien de famille avec des Français – les étrangers naturalisés qui vont chercher leur épouse dans leur pays d’origine –, sans parler des clandestins toujours plus nombreux, sont pour l’immense majorité d’entre eux d’origine musulmane et viennent modifier profondément la nature de notre société. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Entendre cela à l’Assemblée nationale ! C’est une honte !

M. Gérard Charasse. Incroyable !

M. Bernard Roman. La République est laïque !

M. Jérôme Rivière. Pour parler d’intégration, il faudra bien un jour évoquer sereinement cet état de fait. Mais les effets directs de l’islam sur la société restent inexplicablement tabous. Au rebours des endormeurs médiatiques et des donneurs de leçons, toujours nombreux sur les bans de la gauche,…

M. Jean-Pierre Brard. En l’occurrence, c’est vous qui prétendez donner des leçons !

M. Jérôme Rivière. …je suis persuadé que cette situation préoccupe gravement nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard. C’est du Barrès, moins la culture !

M. Jérôme Rivière. Leurs craintes concernent la place de l’islam à l’école, dans les administrations, mais aussi sa conquête de la rue et de la vie de tous les jours. La plupart des décideurs y font référence à la marge, sans aucune mise en perspective. Depuis trop longtemps, les responsables politiques agissent comme si la vague migratoire extra-européenne ne remettait pas brutalement en question le destin même et l’identité pluriséculaire de notre pays.

M. Patrick Braouezec. « L’identité pluriséculaire », rien que ça !

M. Jérôme Rivière. Aussi, monsieur le ministre, face à cette crise, nous devons aller plus loin.

Je comprends vos intentions lorsque vous parlez d’immigration « choisie », mais cette notion s’apparente, à mes yeux, à une sorte de tri sélectif par lequel nous priverions les pays d’origine de leurs élites, les maintenant dans une situation où l’émigration est une absolue nécessité. De plus, la question des étrangers que nous n’aurons pas choisis mais qui continueront de choisir la France restera pendante.

Pour favoriser l’intégration, vous évoquez la discrimination positive, qui permettra d’exiger la représentation des minorités dans l’entreprise ou les médias, alors même qu’il reste interdit en France de demander, à l’occasion des recensements, l’origine ethnique ou la religion des personnes interrogées.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne manquerait plus que ça !

M. Jérôme Rivière. La polygamie est interdite en France, mais largement pratiquée, et payée par nos impôts.

M. Jean-Pierre Brard. Le Pen n’a pas besoin de siéger ici : il est représenté par ses adeptes !

M. Christian Vanneste. Staline l’est bien, lui !

M. Jérôme Rivière. Nos concitoyens savent tout cela et il nous faut, comme le disait hier Claude Goasguen, en finir avec toutes les hypocrisies.

Aussi proposerai-je des amendements pour que le Parlement français marque une réserve d’interprétation sur l’article 8 de la CEDH, amendements qui sont dans l’esprit du texte qui avait été présenté au Conseil d’État. Cet article 8 constitue en effet un véritable tunnel pour l’immigration en permettant de s’affranchir des contraintes de notre législation.

Deux blocs coexistent au sein du Conseil de l’Europe. Il y a celui des pays de l’ouest de l’Union Européenne, dont les systèmes économiques et sociaux exercent sur les ressortissants des pays les moins favorisés un effet d’attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. Et puis il y a un deuxième bloc, constitué des pays dont les populations voient dans l’émigration un objectif prioritaire.

Les membres du Conseil signataires de la CEDH ne peuvent donc pas avoir de vision commune sur les problèmes migratoires. Et je souffre de recevoir, à la Cour de Strasbourg, des leçons en matière de respect des droits de l’homme de la part de juges issus des systèmes ukrainien, azéri, turc ou géorgien, pour ne citer que quelques pays signataires.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C’est scandaleux !

M. Bernard Roman. À quand l’étoile jaune ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est du Gobineau !

M. Jérôme Rivière. Enfin, il est indispensable de modifier les règles pour l’accès aux soins gratuits. Le critère de risque vital doit donc formellement devenir un critère auquel s’ajoute l’immédiateté. La France, dont le système de santé occupe la première place du classement mondial de l’OMS et garantit la gratuité de l’ensemble des soins médicaux aussi bien aux étrangers admis au séjour pour soins qu’à ceux qui sont en situation irrégulière, exerce sur les ressortissants des pays moins favorisés un effet d’attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. Cela doit être encadré avec la plus grande rigueur.

M. Jean-Pierre Brard. Malheureusement, certaines maladies sont incurables…

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Rivière.

M. Jérôme Rivière. Notre société change, et c’est bien ainsi. Qu’elle s’enrichisse des apports de ceux qui souhaitent vivre chez nous et que nous acceptons librement. Mais il ne faut pas oublier que vivre avec nous, c’est aussi vivre comme nous. Le premier devoir des immigrés est de respecter la culture du pays qui les accueille. Ce n’est pas négociable.

Mme la présidente. Veuillez terminer, monsieur Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je conclus, madame la présidente.

Les Français ne nous écoutent plus : ils l’ont montré en 2002, en 2004 et en 2005.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ça, c’est incontestable !

M. Jérôme Rivière. Continuons à nous excuser d’être nous-mêmes, marquons une hésitation à l’occasion de nos débats, et ils nous le montreront à nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Jérôme Gobineau !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Nous savions, en engageant ce débat, que nous allions entendre des choses innommables.

M. Jean-Pierre Brard. Ignobles !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, nous avons atteint l’ignoble. Comment peut-on, à la tribune de l’Assemblée nationale,…

M. Jean-Pierre Brard. Où Jaurès s’exprima !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …évoquer la Convention européenne des droits de l’homme en ces termes ? Comment peut-on qualifier d’inacceptable l’arrivée dans notre pays de gens qui pratiqueraient telle religion plutôt que telle autre ?

M. Éric Raoult. Il n’a jamais dit ça !

M. Jérôme Rivière. Jamais !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais si ! Vous lirez les comptes rendus !

Il a dit que ceux qui pratiquent la religion musulmane ne devaient pas entrer dans notre pays.

M. Jérôme Rivière. C’est faux !

M. Éric Raoult. Vous n’êtes pas procureur, vous êtes avocat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a tourné autour de cette idée, c’était le sens de ses propos. Dans sa bouche, les notions de polygamie ou d’islamisme sont nécessairement liées à l’immigration. Pour nous, la religion renvoie aux principes de la République française, et à notre constitution, …

M. Jérôme Rivière. Et la tolérance ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec…qui garantit la liberté de croyance dans le cadre de ce que nous appelons la laïcité.

M. Christian Vanneste. La laïcité implique la tolérance !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est incroyable d’entendre quelqu’un, à cette tribune, méconnaître à ce point un des principes fondamentaux de notre État laïque, selon lequel aucune discrimination ne peut être exercée en raison de la conviction religieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il est inacceptable de considérer que cette dernière pourrait constituer un obstacle à l’entrée dans le territoire français. Si c’est ce débat que la majorité veut avoir, nous l’aurons ! Mais nous nous opposerons à ces idées contraires aux principes républicains et à la Convention européenne des droits de l’homme, dont nous considérons qu’elle représente aussi, dans notre pays, un des fondements du vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. Jérôme Rivière. Madame la présidente, je demande la parole.

Mme la présidente. S’il s’agit d’un fait personnel, vous ne pourrez l’évoquer qu’en fin de séance.

M. Éric Raoult. Vous n’avez pas respecté cette règle tout à l’heure !

Mme la présidente. Je vais suspendre la séance.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Il est des débats difficiles et celui-ci en est un. Qu’il existe des opinions différentes, voire complètement opposées, surtout sur un tel sujet, n’est pas nouveau dans notre pays. Mais après l’intervention de Jérôme Rivière, les propos de M. Raoult paraissent être ceux d’un homme de gauche !

Jeter ainsi les étrangers en pâture n’est pas acceptable. J’appartiens, quant à moi, à une culture internationaliste, et j’en suis fier. Je pense qu’il est des choses qui ne peuvent être dites dans cet hémicycle. Certes, des gens très différents se sont exprimés. Mais quand je vois cette tribune, je pense à des hommes honorables comme Aristide Briand, Clemenceau ou Jaurès, lors de l’affaire Dreyfus. La haine de l’étranger n’est pas nouvelle chez nous. On a haï les Belges, les Polonais, les Italiens, les Espagnols, surtout quand ils étaient républicains, les Portugais quand ils étaient anti-salazaristes, les Marocains, les Algériens, et aujourd’hui, les gens du sud du Sahara. Il est vrai qu’il y a toujours eu, dans notre pays, des gens de droite pour s’identifier à Maurras ou Barrès, même s’il y en a heureusement toujours eu qui avaient la fibre patriotique. On pense tous, ici, avec émotion au général de Gaulle, même si d’autres ont terni cette assemblée, comme Papon qui, hélas pour notre République, a même été ministre !

M. Jérôme Rivière. Caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Quand je me bats contre votre texte, je suis fidèle à ma tradition anticolonialiste. Que d’autres soient fidèles à une tradition inverse, d’accord, mais qu’ils l’assument ! Lorsqu’on voit l’état des pays victimes de la colonisation,…

M. Christian Vanneste. Vous parlez des colonies soviétiques ?

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous demande de conclure !

M. Jean-Pierre Brard. …monsieur Vanneste, on comprend évidemment que la France a un devoir de réparation et de solidarité.

M. Claude Goasguen. L’Afghanistan !

M. Christian Vanneste. Le Turkménistan ! L’Ouzbékistan !

M. Jean-Pierre Brard. La littérature universelle compte de beaux textes, propriété de tous.

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous demande de conclure !

M. Christian Vanneste. La plupart de vos propos sont ceux d’un refoulé du stalinisme, monsieur Brard ! Ce que vous dites n’a pas de sens !

M. Jean-Pierre Brard. Certains évoquent la charité, d’autres la fraternité. Je voudrais simplement en lire un, si je ne suis pas interrompu par M. Vanneste : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger… » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

Mme la présidente. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. «… j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu… »

Mme la présidente. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. « …j’étais malade, et vous m’avez visité ; » Méditez ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. Christian Vanneste. Pensez-vous à tous les chrétiens qui ont été envoyés au bagne par vos amis de l’URSS ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière, pour un rappel au règlement.

M. Jérôme Rivière. Je rappellerai aux collègues qui me font face que nous ne sommes pas dans un tribunal, mais à l’Assemblée nationale…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Justement !

M. Jérôme Rivière. …et que nous ne jouons pas la comédie.

Le compte rendu en fera foi, je n’ai jamais parlé de haine de l’autre et de refus de l’étranger. J’ai expliqué que se posaient, en France, un certain nombre de problèmes et que nous devions les exposer avec sérénité, à rebours des caricaturistes que vous êtes et de ceux qui refusent de voir ces problèmes. L’Assemblée nationale n’est pas un tribunal ! Respectez ce qui a été dit !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko, pour un rappel au règlement.

M. Serge Blisko. Je ne peux que m’associer au rappel au règlement de M. Brard. Le groupe socialiste est, lui aussi, très préoccupé, choqué du tour invraisemblable que prennent les propos de certains de nos collègues – pas tous heureusement – de la majorité.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Le règlement est dévoyé !

M. Serge Blisko. Il n’est pas possible, vis-à-vis du public, de nous-mêmes, de tous ceux qui considèrent que ce débat est important, malgré nos divergences d’opinion, – et je salue l’arrivée, tant attendue, de M. le ministre de l’intérieur, auteur de ce projet, qui va nous permettre, enfin, de dialoguer avec lui sur ces questions –, il n’est pas possible d’accepter l’invective, la dénonciation, la mise au pilori des étrangers.

En écoutant M. Rivière et certains orateurs qui l’ont précédé dans la dernière demi-heure de la discussion générale, je me demandais ce qu’auraient pensé ces grands Français d’origine étrangère que furent Gambetta, Zola, Waddington, qui, bien qu’anglo-saxon, fut ministre des affaires étrangères à vingt-quatre ans, Necker et bien d’autres encore, de droite, ou de gauche, qui ont apporté leur concours, leur talent, à la France. Je me demandais quelles pouvaient être les causes de ce prurit xénophobe qui agite nos collègues, pour qu’ils donnent libre cours, dès qu’on aborde un texte sur l’immigration, à leur haine de l’autre, de l’étranger.

M. Jérôme Rivière. Vous déformez mes propos !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Ce n’est pas un rappel au règlement, madame la présidente.

M. Serge Blisko. Nous ferions collectivement une œuvre importante pour notre pays, pour son image, si, au moins, nous arrivions, chers collègues caricaturaux, quelles que soient nos différences, à éviter que ce débat ne finisse dans le caniveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Vous auriez pu citer une femme, Marie Curie par exemple, monsieur Blisko.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en présentant ce texte, j’ai formé le vœu que l’on sorte des oppositions frontales, en refusant que les Français soient prisonniers de deux extrémismes, l’immigration zéro d’un côté, l’immigration totale de l’autre – j’aurais pu en évoquer un troisième, l’incantation du passé pour mieux ignorer l’avenir ou la peur de l’avenir pour se réfugier dans un présent frileux. La discussion générale a montré que l’idéologie restait une option privilégiée par certains. J’essaierai néanmoins de continuer à organiser le débat le plus concret possible.

Personne ne considère la situation actuelle comme acceptable, personne n’a pu me dire qu’aujourd’hui le système fonctionnait bien : pour les uns, il y a trop d’immigration, pour les autres, il n’y en pas assez. Dès lors, la question qui nous est posée est assez simple : comment fait-on pour nous en sortir ? Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’y a pas trente-six solutions, il n’y en a qu’une : essayer d’être pragmatique et moins idéologique. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le besoin d’immigration, c’est, neuf fois et demie sur dix, une nécessité plus qu’un choix. On ne quitte pas sa terre par plaisir mais par nécessité.

Tout le volet concernant le codéveloppement devrait pouvoir faire l’objet d’un consensus et être géré ensemble. Personne n’est contre le codéveloppement.

Les personnes les plus raisonnables, dans toutes les formations politiques, y compris le Parti communiste, je pense aux élus, qui savent bien que les grandes déclarations des chefs de parti ne répondent pas aux impatiences de la population qui se manifestent sur le terrain, tous me disent que nous ne pouvons pas accepter tout le monde. Je n’ai pas entendu une seule personne sérieuse, sur les bancs de cette assemblée – je ne parle pas en dehors – qui soit pour une immigration vraiment totale.

M. Noël Mamère. Personne n’a dit cela !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tout le monde est bien d’accord pour considérer qu’il faut maîtriser l’immigration.

M. Patrick Braouezec. Justement ! Personne ne dit le contraire !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Débattons donc des moyens de la maîtriser. Moi, je propose l’immigration choisie. Si quelqu’un a une autre option à proposer, qu’il ne se gêne pas, débattons, et voyons ce que nous pouvons en retenir.

M. Julien Dray. C’est ce que nous avons fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant de l’intégration, je lisais encore la nuit dernière le rapport de Malek Boutih.

M. Patrick Braouezec. Vous avez de mauvaises lectures !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Malek Boutih est quelqu’un pour qui j’ai du respect et qui apporte sans doute beaucoup à la vie politique française.

M. Patrick Braouezec. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et ce n’est pas parce qu’il s’appelle Malek Boutih qu’il a moins d’importance que d’autres, monsieur Braouezec.

M. Jean-Pierre Brard. Oh !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En tout cas, son rapport est intéressant.

M. Patrick Braouezec. Facile !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous m’avez cherché, vous m’avez trouvé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Malek Boutih, après tout, en sait autant que vous en matière d’immigration parce qu’il a fait le chemin lui-même.

M. Jean-Pierre Brard. Manouchian aussi, il l’a fait lui-même ! Et il a été fusillé pour ça !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Que dit Malek Boutih ? Qu’il faut aller jusqu’aux quotas. Cette voie ne me fait pas peur, comme le sait Julien Dray qui lui-même a été tenté pendant un temps par cette option.

M. Julien Dray. Je l’ai même défendue ! Et j’assume !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Entre les quotas proposés par Julien Dray et Malek Boutih et l’immigration choisie que je propose…

M. Julien Dray. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …je suis persuadé qu’il y a moyen de trouver un consensus. Pourquoi, monsieur Dray ? Pour une raison très simple, je le dis sans polémiquer : parce que je suis sûr que les lois que nous sommes en train de voter, dans vingt ou trente ans, la gauche et la droite devront les appliquer. Vous avez donc tout intérêt, que vous soyez dans l’opposition ou dans la majorité, à essayer de faire que cette loi, que vous appliquerez un jour parce que, du fait de l’alternance, ce sera votre tour, puisse être appliquée. Et on verra à ce moment-là si vous la changez.

M. Jean-Pierre Brard. On l’abrogera !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Une chose est sûre, monsieur Brard, c’est que vous ne serez pas au pouvoir. De ce côté-là, il n’y a pas de risque. Et c’est heureux, cela nous rassure. On ne peut pas avoir que de mauvaises nouvelles. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Ne dites jamais : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! »

M. Julien Dray. D’ores et déjà, j’annonce que je prendrai M. Brard comme ministre ! Il sera très bon comme ministre de la ville !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je suis persuadé que, dans ce débat, les partis de gouvernement peuvent améliorer les choses.

M. Quentin a souligné, à juste titre, combien le projet de loi s’inspirait des conclusions de la mission d’information sur Mayotte, qu’il a conduite main dans la main avec le socialiste M. Dosière, auquel je veux rendre hommage. J’ai en effet repris ces conclusions quasiment intégralement.

Je ne citerai qu’un chiffre : au premier trimestre, nous avons exécuté 3 500 reconduites à la frontière, soit un chiffre en augmentation de 250 % par rapport à la même période de 2005. Disons les choses comme elles sont, et je veux rendre hommage aux élus des départements et territoires d’outre-mer, qui, tous, se sont exprimés sur le sujet : on ne peut pas lutter contre l’immigration clandestine de la même façon dans l’hexagone et outre-mer. Affirmer cela, ce n’est pas vouloir rompre avec la tradition française, c’est tenir compte de la réalité. J’étais à Cayenne il y a huit jours, la situation y est explosive, tout comme en Martinique et en Guadeloupe où je me suis rendu il y a quelques semaines. Le seul département qui maîtrise à peu près les choses, c’est la Réunion, en raison de sa situation géographique. Je remercie donc M. Quentin pour son travail.

Quant à M. Montebourg, il est permis de se demander s’il a lu le même projet de loi. Il est vrai que M. Montebourg s’intéresse tellement à lui qu’il n’a pas dû avoir beaucoup de temps à consacrer à mon texte. (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Ne voyez pas les autres à votre image, monsieur le ministre !

M. Noël Mamère. C’est la clinique qui se moque de l’hôpital !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le lyrisme qui l’a échauffé lui a fait perdre le sens commun. Je m’étonne notamment qu’il ait pu déceler, dans le livre que j’ai écrit, Libre, une quelconque contradiction avec la politique d’immigration que je mets en œuvre aujourd’hui.

M. Bernard Roman. Si !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En écrivant « Les étrangers voulus et acceptés pourraient l’être avec leur famille », je ne faisais qu’annoncer l’immigration choisie.

M. Bernard Roman. En faisant en plus l’apologie du regroupement familial !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et je redéfinissais la notion de regroupement familial.

La réforme du regroupement familial que nous proposons respecte strictement les principes constitutionnels et du droit européen.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut procéder à une réédition corrigée !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’était vraiment pas la peine de s’énerver pour si peu.

Mme Marylise Lebranchu. Nous ne sommes pas énervés !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. M. Perruchot nous a permis, grâce à son expérience du terrain, de revenir à un peu plus de bon sens, et je l’en remercie. Il a souligné la nécessité d’avancer vers une complète unification des trois administrations en charge de l’immigration, difficile problème qu’un certain nombre de pays européens ont résolu. Les trois administrations n’ont pas la même logique : celle des affaires étrangères, c’est le rayonnement de la France, celle des affaires sociales, c’est la générosité, celle de l’intérieur, c’est l’ordre public. Sur quinze pays de la Communauté, douze confient l’immigration au ministre de l’intérieur. À la réflexion, je pense que, compte tenu de l’importance du sujet, il serait bon qu’à terme, un ministre de l’immigration soit nommé, à qui seraient rattachées toutes les administrations. Je pense d’ailleurs que l’organisation gouvernementale serait plus pertinente si on partait des problèmes plutôt que des administrations. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est comme La Trinité : trois en une !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En tout cas, l’immigration sera, à l’horizon de trente ans, un sujet d’une telle importance pour le pays, que nous avons vraiment intérêt à rassembler l’ensemble des administrations.

C’est d’ailleurs une réforme, monsieur Perruchot, que nous avons engagée depuis le mois de juin, et Patrick Stéfanini, qui pilote au quotidien le secrétariat général, a accompli un travail considérable. Certes, ce n’est qu’un premier pas, mais qui en annonce d’autres. On commence par un comité interministériel, un secrétariat général, un ministre en charge de la coordination, ce qui est nouveau. Mais, comme vous, je ne verrais que des avantages, même si cela ne figure pas dans le texte du projet de loi, à unifier les administrations. L’objectif doit être de constituer un réseau unique d’agents de l’État spécialistes de l’immigration, issus des réseaux préfectoraux et consulaires parce que, à l’évidence, ces deux réseaux doivent travailler main dans la main. La première réunion des consuls et des préfets a d’ailleurs eu lieu à Marseille au mois de juillet dernier.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes d’accord.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En ce qui concerne M. Jean-Pierre Brard, il n’y a qu’une seule bonne nouvelle, ce sont ses constantes références épiscopales.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Ça, vous n’arrivez pas à vous y habituer !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pour l’Église, c’est une grande nouvelle : M. Brard a été frappé par la révélation. Cela prouve que rien n’est jamais perdu, que toutes les montagnes peuvent bouger. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Où est le bulldozer ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le même M. Brard, qui m’accusait de porter atteinte à la laïcité dans mon ouvrage sur les religions, n’a de cesse, aujourd’hui, de brandir les déclarations des évêques. M. Brard est passé du « Livre rouge » à la Bible ! C’est une conversion étrange mais sympathique, je voulais l’en remercier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Une conversion tardive !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous êtes plutôt fils de Satan !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais assimiler, comme il l’a fait, la nouvelle politique de l’immigration à la traite des esclaves est tout simplement inacceptable. Vous vous grandiriez, monsieur Brard, en nous présentant des excuses. Mais, comme vous ne le ferez pas, nous ne vous les demandons pas, cela nous fera gagner du temps. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier l’a dit fort justement : « Ceux qui disent que nous manquons de générosité manquent de lucidité ». Ce n’est pas être généreux en effet que de laisser monter le flot d’une immigration doublement subie, par les Français et par les migrants eux-mêmes. M. Teissier a voulu souligner ainsi que ne pas maîtriser l’immigration, c’était d’abord porter atteinte aux souhaits d’intégration des migrants en situation régulière car les premiers à souffrir de l’immigration non contrôlée, ce sont les migrants réguliers.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. M. Christophe Caresche s’est livré quant à lui à une intéressante défense et illustration de la gestion que j’ai mise en œuvre depuis juin 2002 et de la loi du 26 novembre 2003. Il juge celle-ci raisonnable, je l’en remercie. Je regrette simplement qu’il ne l’ait pas votée.

M. Claude Goasguen. Absolument !

Mme Marylise Lebranchu. Nous sommes à l’Assemblée ici, pas au tribunal.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, beaucoup de parlementaires trouvent la loi de 2003 assez raisonnable, suffisante. Pourquoi ne l’ont-ils pas votée à l’époque si cette loi a maintenant tellement de mérites ? Pourquoi l’ont-ils combattue à ce moment-là ?

M. Bernard Roman. On vous a sans doute mal rapporté les propos de M. Caresche. Changez de conseiller parlementaire, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Brard. Si vous aviez été présent, vous auriez entendu ce que nous avons dit.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne sous-estime pas l’ampleur du désaccord sur la nécessité du projet de loi que nous débattons aujourd’hui, mais je suis certain que M. Caresche, avec qui j’ai l’habitude de travailler et qui a des idées, voudra enrichir notre texte.

M. Jean-Pierre Brard. Vos oreilles vous ont trahi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je relève tout de même une faille dans son raisonnement. Il a soutenu l’idée que nous pourrions réformer par simple circulaire. Cela est très surprenant de la part d’un législateur. Qui pourrait nous en vouloir de porter le débat démocratique devant l’Assemblée nationale ? Convenons d’ailleurs qu’il est parfaitement anormal que l’immigration ne fasse pas plus souvent l’objet de débats au Parlement.

M. Nicolas Perruchot. C’est vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le Parlement débat quotidiennement de sujets dont on peut se demander s’ils sont aussi importants. Il est contradictoire qu’un homme de la qualité de M. Caresche puisse à la fois considérer que l’immigration est un sujet important – c’est même un sujet majeur pour l’identité de la France – et se plaindre qu’on en débat trop. Si c’est important, on n’en débat jamais assez. On ne peut donc pas me faire le reproche de vous proposer un projet de loi supplémentaire.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant des régularisations, j’insiste : celles intervenant au cas par cas, ponctuelles, réfléchies restent possibles. Nous supprimons les seules régularisations automatiques. Par ailleurs, je m’expliquerai sur la création d’une commission nationale visant à l’harmoniser les pratiques préfectorales. S’il est en effet un point sur lequel nous pouvons tous être d’accord, c’est qu’il serait très choquant que dans certains départements il y ait une pratique très généreuse de la régularisation et dans d’autres une pratique très sévère.

Il est un second point sur lequel, me semble-t-il, nous pouvons également être d’accord, c’est la composition de la commission. J’aimerais qu’elle soit composée pour moitié de représentants des administrations et pour moitié de représentants du monde associatif afin d’être véritablement une structure d’appel. Nous pourrions alors faire un travail intéressant. D’ailleurs la période de dix ans pour régulariser n’est absolument pas pertinente. Pourquoi dix ans ? Pourquoi pas cinq ans ?

M. Julien Dray. La carte est de dix ans !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et pourquoi tout le monde ?

Mme Muguette Jacquaint a pris la défense des étrangers victimes du travail clandestin. C’est bien de le dire, mais pour notre part nous préférons agir avec détermination contre les employeurs sans scrupule. Entre le 1er septembre et le 31 décembre 2005, nous avons mené 601 opérations « coup de poing », dont 291 dans le secteur du BTP, 123 dans l’hôtellerie-restauration, 62 dans l’agriculture ; 15 000 personnes ont été contrôlées et 925 ont été placées en garde à vue, dont 611 employeurs, qui ont été déférés devant la justice. Certes ce n’est pas suffisant, mais cela ne s’était jamais produit auparavant. Nous ne fermons pas les yeux devant le travail clandestin. Je vous propose d’ailleurs de dresser le 15 juin un nouveau bilan de ces opérations « coup de poing » contre ceux qui exploitent la misère en proposant des emplois clandestins, et de faire désormais ce bilan deux fois dans l’année. Cela permettra de stimuler les services de police et de gendarmerie. Ces chiffres me semblent intéressants pour la représentation nationale. Je vous les communique bien volontiers. Je ne crois pas que cela ait été fait auparavant.

Mme Véronique Besse est la suppléante de M. Philippe de Villiers, et cela se voit. Elle en a le calme, la modération et la grande ouverture d’esprit ! Si elle était là, je lui dirais qu’elle illustre parfaitement l’extrémisme que je refuse totalement.

Mme Christine Boutin. Très bien.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne me reconnais en rien dans ce qu’elle dit, pense et incarne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le mythe de l’immigration zéro, ces slogans désagréables sur l’Islam, la francisation, la fin du regroupement familial, la préférence étrangère, je ne les reconnais en rien ! Et si Mme Besse se sent en désaccord avec moi, elle a raison, je le lui confirme. Elle n’aurait d’ailleurs pas dû se donner la peine de le dire, je l’aurais fait tout seul. Je ne laisserai pas caricaturer la droite républicaine française par des propos aussi outranciers, manquant à ce point de cœur et de générosité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comment peut-on se dire pour la « francisation » et être aussi éloigné de l’esprit français, de la tradition et de l’histoire françaises ? On comprend pourquoi nous n’habitons pas dans la même maison. Qu’elle reste dans la sienne !

Mme Juliana Rimane a fait honneur aux valeurs républicaines. Permettez-moi de vous raconter une anecdote : lorsque je me suis rendu, avec Léon Bertrand et François Baroin, aux obsèques de ce policier tué dans des conditions dramatiques à Cayenne, je me suis trouvé à la sortie du commissariat devant une manifestation de 300 personnes qui scandaient « Sarkozy, le Kärcher ! ». Je me suis dit, voilà des gens qui ne sont pas contents – je précise, pardon de cette précision, que les personnes présentes étaient toutes originaires de la Guyane. En m’approchant pour discuter avec eux, je me suis aperçu que loin d’exprimer leur mécontentement, elles me demandaient d’user du Kärcher à Cayenne où l’immigration clandestine fait des ravages sur ce territoire grand comme le Portugal, en plein milieu de la forêt amazonienne et fait totalement exploser le pacte social. Cette situation ne peut perdurer. Il faut accroître les moyens de lutte contre l’immigration clandestine dans les conditions géographiques qui sont celles de la Guyane, où je retournerai au mois de juin. Au premier trimestre, nous avons reconduit 2 363 personnes, soit une hausse de 164 %. On me dit que cela ne sert à rien puisque ces personnes reviennent le soir même. Mais si l’on ne reconduit pas, que fait-on ? Certes, je suis prêt à convenir que ce n’est pas l’alpha et l’oméga, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut renoncer à agir.

Claude Goasguen, je l’en remercie, a parfaitement rappelé l’exigence cardinale de ce projet de loi : mettre fin à l’hypocrisie des bons sentiments au profit d’une gestion volontariste des flux migratoires.

M. Julien Dray. En quoi les bons sentiments sont-ils hypocrites ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dans le projet et dans le propos de M. Goasguen, il y a la reconnaissance de l’utilité de l’immigration, mais une immigration à qui on propose un projet d’intégration.

M. Delnatte a très justement souligné plusieurs dispositions du projet de loi qui protègent les étrangers en situation de grande faiblesse : victimes de la prostitution, mineurs étrangers protégés par l’aide sociale à l’enfance.

Le Gouvernement a écouté avec attention, comme d’habitude, Mme Boutin.

Mme Christine Boutin. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’espère la convaincre, article par article, que ce texte ne fragilise pas la vie familiale des étrangers.

M. Patrick Braouezec. Ça va être compliqué !

M. Julien Dray. Exercice impossible !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Non : Mme Boutin est une personne extrêmement honnête, qui accepte parfois de changer d’avis pour peu que l’on débatte loyalement.

M. Jean-Pierre Brard. Justement !

M. Jean Le Garrec. Cela ne va pas être facile !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’ai dit que Mme Boutin était une personne honnête, ce sera donc facile ! Au demeurant, que des parlementaires aient des convictions, notamment sur la famille, me paraît plutôt rassurant. D’ailleurs, je l’ai dit, je suis là pour en débattre.

Permettez-moi, madame Boutin, de prendre l’exemple des mariages de complaisance. Ce n’est pas une vue de l’esprit. En avril, nous avons interpellé quarante-sept personnes appartenant à une filière d’organisation de mariages de complaisance à Montpellier. Pour mettre en relation des ressortissants nord-africains avec des Françaises en situation précaire, les entremetteuses percevaient 9 000 euros versés par le client étranger. C’est donc le prix d’un mariage de complaisance. Je n’ai pas peur de le dire, c’est le prix d’achat d’une épouse française qui donnera droit automatiquement à une carte de séjour et, quelques années plus tard, à la nationalité française. Il est temps d’en finir avec ces automatismes destructeurs ! Mais si votre souci, madame Boutin, c’est que l’on évite l’amalgame entre fraude et amour, le Gouvernement répondra présent ! Améliorez notre texte, discutons-en, nous ne sommes pas des idéologues, nous voulons trouver la bonne solution.

Mme Christine Boutin. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. M. Kamardine s’est fait, avec conviction, le porte-parole de Mayotte où j’ai considérablement renforcé ces derniers mois les moyens opérationnels. Je souhaite qu’une étude technique soit diligentée dès le mois de juin en vue de l’installation d’un troisième radar positionné sur la côte est. Ce n’est pas parce qu’elles sont éloignées que l’on doit avoir moins le souci de ces circonscriptions.

Mme Taubira a cité René Char qui disait que les mots savent de nous plus que nous en savons nous-mêmes. Chacun dans cet hémicycle serait donc bien inspiré d’y réfléchir. Du reste, madame Taubira, vous vous adressiez à tout le monde et non à certains interlocuteurs.

Mme Christiane Taubira. À vous, monsieur le ministre, et sans ambiguïté !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. De grâce évitons les anathèmes inutiles !

Mme Christiane Taubira. Assumez les mots que vous utilisez !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mme Taubira, je ne veux pas croire que vous vous adressiez qu’à moi. Une voix comme la vôtre doit porter sur tous les bancs de cette assemblée.

Mme Christiane Taubira. C’est votre texte, assumez-le !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Chacun donc en profitera, vos amis comme vos adversaires.

Mme Christiane Taubira. Cela s’appelle une stratégie d’évitement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Michel Piron a insisté sur la nécessité d’un dialogue des cultures et sur la réciprocité de l’intégration. Il a parfaitement raison : on ne peut prétendre s’intégrer sans un minimum d’efforts. C’est une question absolument essentielle. Monsieur Piron, lorsque nous examinerons les articles relatifs au contrat d’intégration, je suis sûr que vous veillerez à enrichir notre texte.

René-Paul Victoria est intervenu en véritable républicain. Je n’en attendais pas moins d’un représentant de l’île de la Réunion. Cette île est un exemple extraordinaire : avec un million d’habitants, le dialogue des cultures y est vécu de façon exceptionnelle. Le conseil général y est présidé par une femme, jeune, de couleur, de confession musulmane et membre de l’UMP – bref, que des qualités ! Ce qui montre bien l’esprit de tolérance de la Réunion. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La mosquée de Saint-Denis de la Réunion est la plus ancienne de France : elle a été construite en 1905, donc bien avant celle de Paris qui remonte à la Première Guerre mondiale. Les élus de la Réunion ont donc beaucoup à nous apporter en matière de respect de l’autre et de tolérance. Exceptionnelle, la société réunionnaise est véritablement un exemple de réussite.

Par comparaison – il ne s’agit pas de juger – avec un territoire comme la Nouvelle-Calédonie où il y a eu peu de métissage entre Canaques et Caldoches, la Réunion est marquée par un métissage très important entre les hindous, les chrétiens, les musulmans, une partie de ceux qui sont venus d’Afrique, de Madagascar, les Européens ; c’est un exemple exceptionnel de réussite. Cela montre que les départements et territoires d’outre-mer peuvent constituer un modèle pour la métropole.

Étienne Pinte s’est fait l’écho des interrogations de Christine Boutin – à moins que ce ne soit l’inverse. (Sourires.) J’ai l’habitude de travailler avec Étienne Pinte, nous avons fait grâce à lui la réforme de la double peine. Le Gouvernement lèvera, article par article, les malentendus et apportera des améliorations, notamment sur le délai de recours contre un refus de séjour, qui est, je le sais, l’une de ses préoccupations.

Bernard Deflesselles a observé avec raison que la panne de l’ascenseur social rend nécessaire une vraie politique de l’intégration. Si l’ascenseur social est en panne pour les Français qui n’ont pas de problèmes d’intégration, il l’est encore plus pour les ceux qui en ont des problèmes d’intégration.

Joël Beaugendre s’est fait l’écho des préoccupations de nos compatriotes de Guadeloupe. Notre objectif pour 2006 est de parvenir à 2 000 reconduites à la frontière en Guadeloupe, soit une hausse de 40 %. J’ai pu également vérifier en Guadeloupe l’extrême sensibilité de nos compatriotes sur cette question.

M. Herbillon a manifesté son soutien à la politique du Gouvernement, je l’en remercie.

Mme Louis-Carabin a, comme M. Beaugendre, évoqué avec éloquence la Guadeloupe. Je lui ai répondu hier lors de la séance des questions au Gouvernement.

Je remercie M. Christian Vanneste d’avoir insisté sur la logique contractuelle du contrat d’intégration, qui est essentielle. L’immigration ne peut exister que si elle crée des obligations réciproques. Il n’y a aucune raison que celles-ci incombent au seul pays d’accueil et que celui qui est accueilli n’ait d’autre obligation que de venir. La logique contractuelle est extrêmement intéressante en ce qu’elle reconnaît au migrant des droits – il est une personne – mais aussi des devoirs ; et en les lui imposant elle le reconnaît comme un citoyen à part entière. Quant au partenariat avec les pays d’origine, nous aurons l’occasion d’en reparler.

Madame Brunel, merci d’avoir mis l’accent sur la situation des femmes issues de l’immigration, particulièrement préoccupante dans certaines communautés. Le Gouvernement est très ouvert à votre amendement permettant la mise sous tutelle par le juge des enfants des allocations familiales des familles polygames. Disons les choses comme elles sont : le mot polygamie n’est pas un gros mot. On a le droit d’en parler. Ce n’est pas faire preuve de racisme que de dire que la polygamie ne doit pas exister en France.

M. Éric Raoult, élu de la Seine-Saint-Denis, est un homme remarquable, généreux et réélu avec constance.

M. Jean-Pierre Brard. Il va être renouvelé à la tête de l’UMP de Seine-Saint-Denis.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il apportera à ce texte son expérience et sa générosité, car il sait aller au-delà des simples clivages idéologiques.

Monsieur Rivière (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), je ne conteste pas votre droit de ne pas être d’accord, mais permettez-moi de vous dire une chose que l’expérience m’a apprise : en politique, on a toujours intérêt à adopter une position équilibrée, en l’occurrence entre la justice à l’endroit de ceux envers lesquels nous avons des devoirs, et la fermeté. Je ne voudrais pas que vous pensiez que dans le territoire dont vous êtes l’élu, le souci de fermeté exclut totalement celui de justice. Moi qui connais bien et qui aime votre département et votre ville, je sais que l’attachement à la fermeté, à l’autorité et à l’ordre y est accompagné d’une grande humanité.

Il me semble, monsieur le député, étant donné votre talent, que votre position de fermeté gagnerait à ne pas négliger ce souci de justice. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Christiane Taubira. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Patrick Braouezec. Peut mieux faire !

M. Serge Blisko. Pour l’instant il n’a pas la moyenne !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Du moins fait-il partie de ceux avec qui on ne perd pas sa peine, parce que la considération et l’amitié qu’on éprouve à leur égard nourrissent l’espérance, ce qui n’est pas le cas de tout le monde !

M. Jean-Pierre Brard. Dans ce cas on peut s’en dispenser avec M. Rivière !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si je vous dis cela, monsieur Rivière, c’est qu’une droite caricaturale est la meilleure chance de succès pour la gauche, et si vous avez raison de stigmatiser certaines faiblesses, vous devez tout autant vous défier de certains excès.

C’est la raison pour laquelle je tiendrai sur une position d’équilibre, au-delà de laquelle je n’accepterai pas d’aller. Je sais parfaitement où je veux m’arrêter.

M. Bernard Roman. C’est au Parlement d’en décider, pas à vous !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cela ne signifie pas, monsieur Rivière, que je refuse le débat, bien au contraire. J’accepte de débattre avec vous…

M. Noël Mamère. Si on vous gêne, on peut s’en aller !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.…, mais je refuse de débattre avec Le Pen ou avec de Villiers. Avec vous, en effet, le débat n’est pas médiocre.

M. Jean-Pierre Brard. Vous devez être content, monsieur Rivière, vous servez d’escabeau !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le débat ne doit pas se limiter au côté gauche de cet hémicycle : je dois aussi prendre le temps et la peine de convaincre son côté droit.

Il n’est pas honteux de vouloir une politique de fermeté. Mais pour y avoir beaucoup réfléchi, je sais qu’il y a une limite que je ne franchirai pas, celle au-delà de laquelle est rompu cet équilibre entre fermeté et humanité qui est cher à la France et à chaque Français.

En effet, j’ai passé l’âge où l’on croit que la France qui est partisane de la fermeté est différente de celle qui est favorable à la générosité : je sais désormais qu’il s’agit d’une seule et même France. Chacun de nous est à la fois contribuable et usager, favorable à la dépense publique et excédé par les impôts. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez pour Neuilly !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Chacun de nous a le cœur serré devant le spectacle d’un squat évacué, tout en étant excédé de voir notre pays laisser entrer qui veut sur notre territoire.

C’est pourquoi je ne trouve pas anormal que nous débattions de ce nécessaire équilibre en matière d’immigration, au contraire : la droite a commis une grande faute en faisant l’économie de ce débat dans le passé. Je ne suis pas homme à dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » quand il y a à voir et à discuter.

Le problème est celui de savoir où mettre le curseur. Ainsi j’assume notre désaccord sur la question des étrangers gravement malades. Je ne permettrai pas qu’on dénature mon texte en y introduisant un élément qui le ferait basculer de l’humanité, qui le caractérise dans son état actuel, dans l’absence de générosité. Voilà ce qui, au-delà de la mesure en cause, est le plus important.

Je suis sûr, monsieur Rivière, que vous reconnaissez autant que moi la nécessité de soupeser chaque point que nous aborderons au cours de nos débats, en veillant à ce qu’il ne remette pas en cause cet équilibre entre fermeté et humanité, fermeté et justice, avec le souci de ne jamais franchir la ligne.

C’est un travail complexe, monsieur Rivière, car il n’est nulle part de grand-livre où serait écrit ce qui est généreux et ce qui ne l’est pas ; seule l’analyse politique nous permettra de le déterminer, et pour ma part je ne refuse pas de faire de la politique. Car qu’attend-on d’un homme politique sinon une analyse politique ?

M. Patrick Braouezec. Des convictions !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est précisément cette raison qui me conduit à fixer d’entrée une limite à nos débats. Ce n’est pas que je refuse vos convictions, mais je ne permettrai pas qu’on fasse tomber ce texte dans la caricature.

Mme Christine Boutin. Bravo !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si j’ai voulu prendre le temps de vous répondre, c’est que je considère qu’il est légitime de débattre de la question de l’immigration à l’intérieur même de la majorité, et pas seulement avec l’opposition : il s’agit de trouver le bon équilibre.

Ce souci du bon équilibre est d’autant plus légitime que l’UMP a vocation à couvrir un spectre électoral assez large (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Serge Blisko. Voilà qui est franc !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut un grand râteau pour ratisser large !

M. Noël Mamère. Catch-all-Party !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le débat au sein de l’UMP ne me gêne en rien, mesdames et messieurs, si cela lui permet de définir une véritable politique de l’immigration, au contraire du Parti socialiste, où chacun donne son avis de son côté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’ai donc aucun problème en la matière.

Je tiens à vous dire, madame Boutin et monsieur Rivière, pour des raisons opposées, qu’on peut parfaitement assumer des désaccords sur tel ou tel point du texte tout en étant d’accord sur sa globalité.

M. Jean-Pierre Brard. Et le président de l’UMP se posera comme le fléau de la balance !

M. Patrick Braouezec. Le fléau tout court !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je tenais à vous préciser ce point très important à mes yeux.

Monsieur Dray (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.), vous êtes quelqu’un que j’apprécie, comme vous apprécient beaucoup sur ces bancs. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Moi qui vous connais depuis longtemps, je sais que vous vous êtes toujours intéressé à la question de l’immigration, que vous n’avez jamais considérée comme taboue : ils n’étaient pas si nombreux à gauche à avoir ce courage, et vous l’avez eu bien avant eux. Mais ce n’est pas à moi de vous rendre hommage, et je ne voudrais pas vous gêner – encore que vous devez apprécier les compliments, comme tout le monde !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a des compliments qui flétrissent !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Profitez-en bien, Julien Dray, car ils risquent d’être les derniers !

M. Jean-Pierre Brard. C’est probable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je suis désolé d’avoir à préciser que toute formation politique doit compter des hommes et de femmes qui acceptent de s’affronter aux problèmes des Français. Sauf à débattre seule, la majorité a besoin d’un interlocuteur qui reconnaisse que l’immigration est un sujet légitime.

Je ne peux que vous inviter, Julien Dray, à relire attentivement les propositions que vous avez soumises il y a quelque mois au Parti socialiste, qui expriment une approche intéressante : celle de la régulation quantitative. Je suis tout à fait prêt à vous rejoindre sur cette approche de la régulation quantitative, monsieur Dray : soyez sûr que le Gouvernement sera ouvert aux amendements que vous proposeriez en ce sens. Puisque vous avez des idées sur l’immigration, monsieur Dray, exprimez-les, plutôt que de proposer des amendements de suppression dans un esprit d’obstruction qui n’est pas digne de vous : certaines seront peut-être reprises. Pour ma part, en tout cas, la régulation quantitative, je l’accepte.

M. Julien Dray. Vous n’avez pas lu mon intervention !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais si, monsieur Dray : rien de ce que vous dites, ni même de ce que vous pensez, ne m’est indifférent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est bien le malheur !

M. Jean-Pierre Brard. Il est sur écoutes !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne me résous pas à ce que le Parti socialiste ne propose que des amendements de suppression, car un parti de gouvernement a le devoir de proposer une vision de la politique d’immigration, et non pas se contenter d’une opposition frontale dans ce domaine. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Ce n’est pas ce que nous faisons !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je terminerai par trois points.

L’immigration choisie, c’est l’immigration régulée.

M. Julien Dray. Non !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est ouvert à toute autre définition d’un objectif d’immigration maîtrisée. Je pense en effet que plus nous nous rapprocherons du consensus sur cette question, mieux cela sera : la question de l’immigration ne peut pas se résoudre à une opposition gauche-droite.

Deuxièmement, dissocier immigration et intégration n’a pas de sens : c’est un point qui, je crois, peut aussi nous rassembler, pourvu qu’on sorte des faux-semblants.

Troisièmement, la politique d’immigration doit s’inscrire dans une véritable stratégie du codéveloppement : quand les pays de départ offriront du travail et un avenir, le nôtre n’aura plus à faire face à des flux aussi importants. C’est pourquoi nous devons avoir une grande ambition en matière de codéveloppement.

Avant de vous remercier de votre attention, mesdames et messieurs les députés, je voudrais m’excuser de n’avoir pas pu être présent plus tôt dans cet hémicycle : j’ai dû bouleverser mon agenda pour pouvoir assister aux funérailles d’un gendarme, ce qui ne m’a pas permis d’être présent aux questions d’actualité et à la reprise de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Serge Blisko. C’est dommage !

Rappel au règlement

Mme Christiane Taubira. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour un rappel au règlement.

Mme Christiane Taubira. Ma demande s’appuie sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement.

Je vous demanderais, monsieur le ministre d’État, d’éviter les raccourcis par lesquels vous prétendez parler au nom de tous les Guyanais : rien ne vous autorise à attribuer à l’ensemble des Guyanais, comme vous l’avez fait tout à l’heure, l’appel à l’emploi du Kärcher à l’encontre du Guyana qui aurait été, à vous en croire, lancé par trois cents personnes manifestant leur indignation – ô combien légitime – devant le meurtre du policier Jean-Richard Robinson. Il n’est ni dans la tradition, ni dans la culture, ni dans l’esprit des Guyanais de stigmatiser un peuple tout entier. Même si trois cents personnes avaient crié d’une seule et même voix qu’elles en avaient « marre du Guyana », cela ne vous autoriserait pas à prétendre qu’elles expriment l’opinion de plus de 200 000 Guyanais. Trois cents personnes, cela ne représente même pas 10 % de la population : vous nous avez habitués à un peu plus d’ambition en termes de sondages !

Cessez donc de donner une telle image des Guyanais. Le jeune Robinson a été tué par un voyou, et nous demandons une lutte sévère, déterminée et sans complaisance contre la criminalité. Mais cette lutte n’a aucune chance d’être couronnée de succès aussi longtemps qu’on continue d’entretenir la confusion entre immigration et criminalité. Les immigrants clandestins qui sont reconduits à la frontière, jusqu’à trois fois dans l’année pour certains d’entre eux, ne sont pas des criminels, mais le plus souvent des travailleurs, arrêtés sur les chantiers ou en ville ; ils ne mettent pas en danger la vie des citoyens ou des policiers.

Je suis par ailleurs ravie que vous n’ayez pas apprécié le contenu de mon intervention d’hier, même si je déplore que vous n’ayez retenu qu’une phrase de René Char d’un propos de dix minutes. Je vous répéterai donc une autre phrase de mon intervention, que René Char semble avoir écrite à votre intention : « Monter, grimper, oui ; mais se hisser, oh ! comme c’est difficile ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée maximale de l’intervention.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, les propos de M. le ministre d’État, que j’ai écoutés avec attention, ne m’ont pas convaincu et je ne vois donc pas de raisons de remettre en cause la motion que je vais défendre.

L’immigration est aujourd’hui un phénomène de plus en plus massif, qui répond trop souvent pour les intéressés à une question de vie ou de mort et se présente comme une stratégie de survie. Au niveau international, plus de 175 millions de personnes seraient touchées.

Les États sont tellement préoccupés par la gestion des flux migratoires qu’ils en éludent fréquemment la protection des migrants et la reconnaissance de la vitalité que ceux-ci injectent dans les circuits économiques, alors que la migration est avant tout un droit et relève de l’exercice des droits humains. Ce droit est consacré par plusieurs instruments internationaux, notamment par les pactes internationaux, premiers instruments de portée globale et juridiquement contraignants, qui forment avec la Déclaration universelle des droits de l’homme le noyau dur de la protection internationale des droits humains et des obligations des États.

Si la réglementation relative aux migrations et aux migrants reste une compétence de l’État, son exercice ne peut être arbitraire. Elle est au contraire soumise aux obligations internationales de l’État, que ces obligations relèvent du droit conventionnel ou du droit coutumier. Ainsi, toute législation nationale, toute mesure administrative ou toute forme de régulation juridique des migrants doit se conformer strictement aux normes universellement reconnues par des instruments internationaux.

Aussi les États, dont la France, doivent-ils s’acquitter de la façon la plus rigoureuse des obligations qu’ils ont contractées en vertu des deux pactes internationaux de 1966 et, s’il y a lieu, des protocoles facultatifs se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qu’elle consacre, sans distinction notamment de race, de couleur ou d’origine nationale. Ces grands instruments internationaux relatifs aux droits humains s’appliquent de la même façon aux ressortissants et aux non-ressortissants – en l’occurrence à tous les migrants, indépendamment de leur statut et de leur nationalité.

C’est en citant des exemples de vie que je justifierai avec la plus de pertinence le renvoi du texte en commission. Ils montrent en effet combien le Gouvernement est loin de respecter ses obligations internationales et régionales et quelles situations de vie dramatiques entraîne ce non-respect.

J’évoquerai d’abord la situation de monsieur M.H.K. – que je ne désignerai, si vous me le permettez, que par ses initiales –, Kashmiri du Pakistan arrivé en France en janvier 2002 comme demandeur d’asile. Débouté malgré un dossier très éloquent, il reste sur le territoire et rencontre une Française, avec laquelle il vit en concubinage à compter de février 2003 et se marie en décembre 2004. monsieur M.H.K. dépose une demande de titre de séjour, qui lui est refusée le 22 août 2005. Il forme alors un recours gracieux, arguant notamment du fait que sa femme est enceinte, mais un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – ou APRF – lui est notifié en février 2006, alors que son épouse est enceinte de huit mois, ce que la préfecture n’ignore pas. La décision relative à l’APRF n’est pas encore rendue et l’enfant français est né. Toujours est-il que, dans l’intervalle, on a « fait du chiffre » en matière d’APRF et empoisonné la vie de ce couple. Monsieur M.H.K., toujours sans papiers, ne peut pas travailler.

Ce cas fait d’abord apparaître une violation de la Déclaration universelle des droits de l’homme : monsieur M.H.K. a été débouté de sa demande d’asile. Violation également de la convention européenne des droits humains : le refus d’un titre de séjour au mari d’une Française prive ce couple de son droit au respect de la vie privée et familiale. Violation, enfin, du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : monsieur M.H.K., toujours sans papiers, ne peut travailler.

Selon notre Constitution, qui prévoit que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, ces violations ne devraient pas se produire. Il s’agit bien ici, en effet, de normes internationales signées par la France, qui devrait promouvoir et protéger efficacement les droits humains de tous les migrants.

Je comprends alors pourquoi, en 2004, la plupart des communications transmises aux gouvernements par la rapporteuse spéciale du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur les droits de l’homme des migrants étaient relatives à des cas de discrimination dont ils faisaient l’objet dans le contexte de l’application des lois nationales et des normes internationales. La rapporteuse spéciale a par ailleurs exprimé sa très vive préoccupation devant les campagnes menées dans certains milieux politiques et dans les médias de plusieurs pays européens en vue de criminaliser l’immigration en la reliant directement à l’augmentation de la délinquance – attitude dont nous avons encore eu quelques exemples dans cet hémicycle voici quelques instants.

Un an après, la rapporteuse spéciale relève dans son rapport à la Commission des droits de l’homme que « les personnes dont la couleur, l’apparence physique, le vêtement, l’accent ou la religion diffèrent de ceux de la majorité de la population du pays hôte sont souvent soumises à des violences physiques et autres violations de leurs droits, quel que soit leur statut juridique ». Qui plus est, les mesures antiterroristes prises par certains États n’épargnent guère les migrants, qui subissent des contrôles disproportionnés et des abus lors des interrogatoires, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement assimilés à des terroristes.

Autre exemple : celui de monsieur K.J., Angolais qui, lors de son arrivée en France en 1992, a déposé une demande d’asile à la préfecture. Toutes ses demandes ont été rejetées sans motif et monsieur K.J. a vécu jusqu’en 1999 dans l’illégalité. À partir de cette date, il a été interpellé sur la voie publique et retenu à de nombreuses reprises en centre de rétention, jusqu’à ce qu’un juge ayant entendu son histoire demande à l’OFPRA de rouvrir le dossier. Depuis juillet 2002, monsieur K.J. a le statut de réfugié, après dix ans de vie d’errance, de droits bafoués, de suspicion et de traque. Dix ans de vie de sans-papiers pour un premier refus non justifié !

Force est de constater que les migrations sont devenues, au cours des dix dernières années, des questions sociales, économiques et politiques parmi les plus délicates. L’État français pense avoir trouvé avec ce projet de loi – comme il le pensait déjà en 1996 et 1997 en présentant dans cet hémicycle les lois Pasqua et Debré – la solution miracle : il suffit de rendre l’entrée sur le territoire de plus en plus difficile, voire complexe, en multipliant les statuts et les titres de séjour. Cette difficulté s’exprime même dans la différence radicale de traitement des migrants selon que l’on se trouve en métropole, dans les DOM ou à Mayotte. Ainsi, les étrangers ayant obtenu une carte de séjour avec mention « salarié » dans les DOM ne pourront pas changer de département : ils devront rester dans le département de délivrance de la carte. Impossible de passer de la Guadeloupe à la Martinique ou de la Guyane à la Guadeloupe ! Malgré les différences notoires qui ont été évoquées, ne sommes-nous pas toujours en France ? Pourquoi, alors, un traitement différent entre la métropole et l’outre-mer ?

Dans tous les cas, pour ce gouvernement, le succès de la politique migratoire se mesurera au nombre de migrants déboutés du droit d’entrer sur le territoire – vous nous en avez d’ailleurs donné un bel exemple tout à l’heure, monsieur le ministre, en vous contentant de nous citer des chiffres. Le rapport précise cependant que le nombre de migrants est passé de 82 000 à 60 000 entre 2002 et 2005.

En matière d’immigration, il faut reconnaître que le traité européen – contre lequel je me suis par ailleurs battu, car ce projet représentait une régression sur les dispositions qui devraient régir la vie de tous les citoyens de l’Union européenne – était plus raisonnable que notre gouvernement. Il insiste en effet, au point 1 de son article III-266, sur le fait qu’il ne s’agit pas de faire diminuer le nombre de réfugiés ou de demandeurs d’asile, mais d’assurer à ceux-ci une protection internationale et l’application du principe de non-refoulement, avec une politique conforme à la convention de Genève du 28 juillet 1951 et dans le respect du droit international applicable aux réfugiés.

Serait-il possible que ceux qui nous ont traités d’irresponsables politiques ou de mauvais citoyens parce que nous avons refusé le TCE n’aient pas vu cette précision et qui, tout en plaidant pour le TCE, veulent aujourd’hui que nous adoptions dans un délai très bref cette loi qui viole le cadre juridique !

J’ajoute par parenthèse que, malgré le souhait que vous affichez, on ne peut parler ici d’un véritable débat. En effet, le rapport consolidé n’a été remis aux groupes de notre assemblée qu’hier matin à partir de 9 heures 30 : quelle latitude les députés et leurs collaborateurs ont-ils eue de retravailler avec les associations – car c’est ainsi que nous travaillons – les motions ou propositions d’amendements qu’appelait ce dernier rapport ? Nous laisser le temps de faire ce travail aurait la condition d’un vrai débat d’idées et aurait témoigné d’un bon usage de la démocratie.

Mais vous êtes pressé et l’on voit bien que vous visez, derrière votre course à l’adoption de projets de loi, les échéances de 2007 et de 2008. C’est la raison pour laquelle vous allez très prochainement nous proposer de travailler dans les mêmes conditions sur le projet relatif à la prévention de la délinquance des mineurs.

Vous estimez et basez votre politique sur le rendement, sur des chiffres – au point même d’utiliser des sondages de décembre 2005 comme arguments d’autorité.

Permettez-moi de citer d’autres sondages, comme celui qu’a réalisé l’institut Louis Harris les 28 et 29 avril et selon lequel 54 % des Français pensent que la France doit être un pays d’accueil pour l’immigration, 46 %, soit près d’un Français sur deux, qu’elle est un atout général pour la France et 76 %, dont je fais partie, sont favorables à la régularisation des sans-papiers présents depuis cinq ans sur notre territoire. Vous utilisez, quant à vous, le sondage de décembre pour justifier la réduction du nombre de migrants.

Cette préoccupation n’est pas, j’en conviens, propre à la France, mais si certains pays ont revu plusieurs fois leur législation relative à l’immigration, ces pays ont procédé en même temps, comme vous auriez dû le préciser aussi, à de très nombreuses régularisations – ce qui n’est pas le cas de la France.

Vous faites de réalités dont vous taisez les causes profondes, comme les cités-ghettos, les squats qui brûlent, les violences urbaines ou les phénomènes de bandes, les arguments fondateurs de votre projet de loi réducteur de nombreux droits fondamentaux. De fait, ce projet ne répond pas aux valeurs qu’une démocratie doit garantir – à savoir, la capacité à gérer à la fois les aspects humains et politiques. Un homme politique digne de ce nom ne peut pas se contenter d’avoir le regard fixé sur les sondages d’opinion : il a un devoir de conviction, qui ne doit pas fluctuer en fonction des sondages.

Je ne peux m’empêcher, monsieur le ministre, même si vous avez déjà évoqué cette partie de votre livre, de citer ce que vous écriviez il y a à peine cinq ans dans Libre, évoquant « le regroupement familial qui s’imposera tout à la fois pour des raisons humanitaires et par souci d’intégration ». Vous avez omis tout à l’heure de rappeler ce que vous ajoutiez alors : « Comment réussir l’intégration paisible d’un homme vivant à des milliers de kilomètres de sa femme et de ses enfants ? » C’est la question que vous posait la semaine dernière Stéphane Hessel, ancien ambassadeur, dans la tribune qu’il a publiée dans Le Monde, et c’est aussi celle que vous posent le collectif de cinq cents associations unies contre l’immigration jetable et l’ensemble des églises.

D’ici peu de temps, la CNCDH devra certainement constater encore, après celui de 2003, l’apparition sous la même législature d’un nouveau projet de loi relatif à l’immigration – bien qu’on ait associé cette fois à ce terme celui d’« intégration ». Elle pourra encore dire que la législation sur les étrangers ne cesse d’être modifiée, qu’elle est de plus en plus complexe et qu’on ne se donne pas même les moyens d’en voir les résultats.

Je souscris à ce jugement, et ajouterai même que cette complexité vise à rendre pratiquement impossible aux spécialistes, aux avocats et aux associations travaillant sur le droit des personnes – dont celui des étrangers migrants – de trouver une ouverture permettant d’introduire une procédure de recours. Le projet que vous nous proposez est conçu pour fermer, pour verrouiller toutes les portes et fenêtres qui permettaient d’utiliser le droit pour faire reconnaître le droit des migrants à résider sur notre sol.

À ce jeu-là, les migrants – et avec eux la société française – perdent la liberté individuelle et la sûreté, notamment les libertés d’aller et de venir, de se marier, de mener une vie familiale normale et de bénéficier de la protection sociale dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français. Ils perdent aussi le droit de bénéficier du recours garantissant ces droits et libertés.

Selon les termes de la décision 325 DC du 13 août 1993, je le rappelle, « le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, mais il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ». Or ce projet de loi marque plutôt le désir du Gouvernement de se débarrasser des migrants.

Le Gouvernement est si pressé d’arriver à ses fins que le texte, rédigé dans la précipitation, contient quelques incongruités qui méritent d’être relevées et que nous évoquerons lors de la discussion des articles. Certaines mesures ne sont que poudre aux yeux, gadget ou habillage. Cela ne pourra pas cacher que ce projet va installer la France dans la catégorie des pays qui ne respectent plus le droit et violent les libertés individuelles et publiques. Pour vous y aider, vous édictez de nombreuses règles, portant notamment sur la lutte contre le mariage frauduleux ou la polygamie, mais aucune n’est étayée sur des éléments probants.

De fait, le rapport manque considérablement de tels éléments. Il précise certes le nombre de saisines demandant l’annulation d’un mariage, mais en soi ce nombre ne signifie rien. Si vous voulez que nous considérions sérieusement ce projet, indiquez-nous le nombre de mariages annulés après saisine, en précisant les périodes et les lieux de ces annulations. En effet, des avocats travaillant sur ce problème dans le département du Var m’ont alerté, indiquant que, dans certains départements, la saisine est systématique en cas de mariage « mixte ».

Communiquez-nous les statistiques utilisées pour justifier la décision de durcir la loi – par exemple celles des mariages entre Français et étrangers, qui ont donné lieu entre 2003 et 2006 à un renforcement des contrôles visant à lutter contre les fraudes. La loi existe pourtant déjà.

En osant sous-entendre, comme vous semblez le faire, que le fait de se marier avec un étranger en situation irrégulière cache nécessairement un mariage de complaisance, vous portez atteinte à la liberté du mariage – qui a, je le rappelle, valeur constitutionnelle. En dotant le Gouvernement du droit de dénonciation, qui vient doubler les pratiques déjà adoptées par le parquet, vous soumettez le droit constitutionnel à une règle qui relève uniquement de la police des étrangers.

Tout en portant atteinte à la Constitution, vous visez aussi à supprimer la possibilité de se marier avec un étranger. Vous êtes soupçonneux envers le mariage mixte car, en l’état, le mariage est créateur de droits pour ceux qui le contractent et d’obligations pour la société. Votre projet vise à supprimer le plus possible de droits pour les étrangers, comme pour les Français, qui auraient l’audace de maintenir envers et contre tout leur droit à l’amour. Personnellement, je défends l’amour dans le mariage. Pour aimer quelqu’un d’un autre pays, le plus simple sera bientôt d’aller se marier dans un autre pays de l’Union européenne : non content d’être impuissant face à la délocalisation des entreprises, vous allez bientôt favoriser – si je puis me permettre cette boutade – la délocalisation du mariage !

Votre préférence : créer pour l’ensemble des citoyens des obligations en réduisant le plus possible les droits. Avec ce gouvernement, la démocratie perd chaque jour un peu plus de son éthique morale et politique. Est-ce ainsi que vous entendez la démocratie moderne ?

Il est vrai, je le répète, que cette situation n’est pas spécifique à la France. Il faut cependant s’interroger sur les raisons de la migration, qui est bien liée au phénomène de la mondialisation, quoi qu’en disent ceux qui voient là un argument facile et récurrent pour expliquer les problèmes de société. Ne vous en déplaise, la migration a bien ses sources dans ce que la mondialisation impose à de nombreux pays.

Certains voudraient faire croire que la mondialisation peut, si elle est menée selon les critères de la bonne gouvernance, réduire le besoin d’émigrer. Or, malgré la grande ouverture des marchés, les pays en développement sont de plus en plus destinataires des biens de consommation étrangers et ne sont toujours pas des lieux stables, capables de retenir sur place les travailleurs émigrés potentiels.

La mondialisation n’a pas seulement produit des effets sur les flux de capitaux et de biens ; elle a aussi modifié le caractère de la migration internationale de la main-d’œuvre : flexibilisation, chômage massif, appauvrissement généralisé des pays en voie de développement.

Ne circulent finalement que des personnes réduites à la condition de main-d’oeuvre, c’est-à-dire de marchandise comme n’importe quelle autre, soumise aux seules règles du marché. Écoutez les paroles de ce vieil Algérien, retraité, ayant travaillé toute sa vie pour l’économie de notre pays. Il disait à Abdelrhaman Sayyed – sociologue –, les paroles suivantes : « Les fiches de paie, partout où tu te présentes, on te demande que ça ! Qu’est ce que tu es ici ? Tu n’es qu’une fiche de paie par mois. Comme s’ils ont peur que tu manges leur pain [...] avec nous les immigrés, ça dépasse tout : c’est tout de suite le soupçon ; un immigré c’est fait pour travailler, il faut prouver que tu travailles ; tu travailles pas, alors à quoi tu sers ? »

Cette soumission au marché libéral signifie, hélas, le démantèlement des systèmes de protection sociale, car le libéralisme ne saurait admettre que la circulation totalement libre des travailleurs au niveau mondial soit encadrée par des réglementations nationales protectrices : salaire minimum, limitation de la durée du travail, conditions minimales d’hygiène et de sécurité, et dans le travail et dans le logement, interdiction du travail des enfants.

M. Francis Delattre. C’est le goulag pendant que vous y êtes !

M. Patrick Braouezec. Le seul mot que vous savez dire, c’est « goulag » ! Il faudrait évoluer un peu !

En fait, à une certaine mondialisation de la richesse, dont profitent les couches sociales dominantes des pays pauvres, correspond une mondialisation de la pauvreté, qui atteint de vastes secteurs de la population des États riches, comme nous le savons, notamment les personnes d’origine étrangère, plus particulièrement celles qui s’y trouvent en situation irrégulière. Il faut admettre que la migration est une des formes que prend la mondialisation néo-libérale. Et avec celle-ci, les dérégulations sociales et économiques sont légion. Que ce soit au niveau politique – intégration difficile, et ce n’est pas ce contrat d’accueil et d’intégration qui réglera les questions politiques liées à l’arrivée de migrants –, au niveau culturel – racisme : je dois constater qu’il y a quelque dix ans, il aurait été impossible d’entendre ou de lire ce qu’il y a dans ce projet, ou d’entendre ce qui a été dit dans cette assemblée il y a quelques minutes ! –, ou encore au niveau social – avec des conditions d’accueil problématiques.

M. Francis Delattre. Et les bulldozers ?

M. Patrick Braouezec. Ces dernières années, la migration est plus que jamais au coeur des débats, et pour ma part je n’ai jamais fui ces discussions, depuis les premières lois Pasqua. Mais elle en est au coeur de la plus mauvaise façon : a contrario du débat dominant, il faudrait constater que les travailleurs migrants, sur le marché du travail, sont surreprésentés dans les emplois mal payés demandant peu de qualifications et que leur taux de chômage est supérieur à celui des ressortissants nationaux.

M. Richard Mallié. C’est pourquoi il faut choisir l’immigration !

M. Patrick Braouezec. Leur position de faiblesse en termes de salaires et de taux d’activité ne peut pas être seulement expliquée par des facteurs objectifs.

Mais ce projet de loi ne s’embarrasse pas de tout cela ou d’une analyse politique. Il lui suffit de démontrer par des critères présentés comme objectifs – quitte à jouer un peu avec eux – que l’immigration est devenue presque partout un délit poursuivi à la fois par les pays de départ et par les pays de destination. Souvenons-nous de Ceuta et Melilla ! La migration ainsi criminalisée, les politiques migratoires des pays européens se transforment en panoplies militaro-policières plutôt qu’en véritables politiques d’insertion.

Les migrants, victimes de cette mondialisation libérale à outrance, continuent de constituer un réservoir de main-d’oeuvre bon marché. Leur situation est encore aggravée par leur dépendance à l’égard des réseaux mafieux de trafic d’êtres humains, sans l’entremise desquels il devient presque impossible de pénétrer sur le territoire des pays riches. C’est certainement pour obtenir cette main-d’œuvre bon marché que vous avez créé le concept d’immigration « choisie » ; en fait, ne sont créés que des travailleurs jetables. Le Gouvernement, au regard de ses déclarations, voudrait clairement que des salariés, dont le séjour a été autorisé pour occuper un poste qui n’existe plus ou, surtout, qui pourrait désormais être assuré par un Français, quittent la France. De là, l’idée de la multiplication des statuts et des cartes : certains se verront retirer leur titre de séjour dès qu’ils perdront leur emploi, même contre leur gré, ou bien dès que l’administration décidera que la pénurie de travailleurs qui justifiait leur venue n’existe plus.

Ils seront donc entièrement inféodés à leur employeur, et soumis indéfiniment aux changements d’avis imprévisibles de l’administration. Ils n’auront pas la possibilité d’obtenir, même à long terme, une carte de résident, en raison de la précarité de leurs moyens d’existence et des conditions de leur activité professionnelle. Un autre exemple : monsieur S.D. vient du Bangladesh. Après de grandes difficultés pour trouver un domicile et déposer sa demande d’asile, il obtient enfin de la préfecture le formulaire de l’OFPRA. On lui indique qu’il dispose d’un mois pour le renvoyer. Entre-temps, la loi change, le délai passe à vingt et un jours. Il n’en a eu aucune connaissance. Au vingt-quatrième jour, il renvoie son formulaire, qui est refusé par l’OFPRA. Voici un sans-papiers, voici quelqu’un « qui n’a pas le bon papier au bon moment » – pour reprendre une expression entendue hier dans cet hémicycle, et qui a été critiquée. Est-ce ainsi que vous prétendez maîtriser l’intégration, en faisant passer la majorité des migrants sous les fourches Caudines de règles ou de circulaires restreignant de plus en plus leurs droits ?

En revanche, pour ceux titulaires de la carte « compétence et talents », la vie sera un peu moins difficile : ils pourront rester en France, même après la perte de leur emploi ; ils bénéficieront de conditions moins contraignantes en ce qui concerne le changement d’employeur, d’emploi, ou de région.

Le Gouvernement fait grand bruit autour de son objectif, qui est de favoriser une immigration choisie, c’est-à-dire une immigration de travailleurs hautement qualifiés. Or, cet objectif, à supposer même qu’il soit légitime, ne sera pas facilement atteint par le projet de loi. En fait, celui-ci va avoir du mal à faire venir des étrangers hautement qualifiés ; car ceux-ci, avant de quitter leur pays d’origine, voudront s’assurer de la pérennité de leur situation de travail en France. Ils compareront la situation qu’ils auraient avec celle qu’ils pourraient obtenir dans d’autres pays d’Europe, aux États-unis ou ailleurs, et ils verront que certains pays font une offre nettement plus alléchante que celle de la France, à tel point que nos étudiants préfèrent, de plus en plus, aller travailler en Angleterre, en Italie, ou aux USA où les candidats à l’immigration de très haut niveau se voient délivrer immédiatement la célèbre carte verte, l’équivalent de notre carte de résident.

De plus, l’offre française n’assure pas la sécurité du séjour. De sérieux doutes planent sur le renouvellement de la carte de séjour mention « salarié ». Combien de jeunes espoirs du foot – pour prendre une profession que vous estimez, monsieur le ministre d’État – ont-ils été recrutés pour être formés, mais hélas pour eux, à cause d’une blessure ou à cause de résultats estimés moyens, se sont vu remerciés sans autre forme de procès, et surtout sans titre de séjour leur permettant de trouver une autre orientation ? Combien sont-ils en France à être aujourd’hui des sans-papiers ?

Le Gouvernement, avec l’introduction de la carte « compétences et talents », trouve le moyen de continuer à piller les ressources des pays en développement. Après les ressources naturelles, il s’attaque aux ressources humaines intellectuelles. L’effet principal de ce projet est d’ouvrir, pour la première fois depuis 1974, la porte à l’immigration du travail. Cela permettra d’admettre surtout des travailleurs jetables moyennement qualifiés qui seront taillables et corvéables à merci et qui, une fois jetés, iront grossir les rangs des sans-papiers. Le seul titre de séjour vraiment sûr est la carte de résident de dix ans, renouvelable de droit, mais qui n’est délivrée à un étranger détenteur de la carte « salarié » ou « compétence et talents » qu’après cinq ans de séjour, et à la discrétion – vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre d’État – de l’administration.

En définitive, ce sont surtout les travailleurs de niveau moyen qui bénéficieront de la mesure phare du projet de loi, celle qui permet à l’autorité administrative de fixer des métiers et des zones géographiques où la situation de l’emploi ne sera pas opposable aux candidats étrangers, en raison des difficultés de recrutement. Cela rappelle une certaine réunion, organisée par la Commission européenne à Barcelone en 2000, entre des chefs d’entreprise et des responsables de la formation professionnelle, où il était déjà question que les formations des lycées professionnels correspondent uniquement aux demandes des entreprises dans des régions précises, donc concrètement aux besoins du marché. Ces salariés vivront dans une situation de grande précarité, la pérennité de leur séjour dépendant tant du bon vouloir de leur patron que du jugement porté par l’administration sur la situation de l’emploi.

Mais les pouvoirs de l’administration ne s’arrêteront pas là : ils définiront aussi les conditions de l’éloignement, qui deviennent une véritable menace pour les droits de la défense, ainsi que les restrictions au droit de vivre en famille en durcissant les conditions du regroupement familial. Un dernier exemple ? M. K, du Cameroun, entré en France en juillet 2000, est atteint d’une paraplégie asymétrique nécessitant un suivi médical ne pouvant être réalisé dans son pays d’origine. En 2001, il a obtenu sa carte de séjour pour traitement médical renouvelé. Fin 2001, la COTOREP lui a reconnu 80 % d’incapacité et attribué une allocation adulte handicapé. En 2002, il dépose une demande de regroupement familial pour son épouse et ses deux enfants. Elle est rejetée un an plus tard au motif que ses ressources sont insuffisamment stables et parce qu’il devrait quitter la France dès l’amélioration de son état. De demandes de recours gracieux en rejets, sa femme a cru qu’il ne voulait plus d’eux ; elle a demandé le divorce. Signalons que Monsieur K. est entré sur ses compétences et ses talents puisqu’il était sportif de haut niveau, qu’il pratiquait le basket handisport en fauteuil roulant dans les équipes nationales. Mais sa situation administrative a conduit à l’annulation de ses déplacements et des tournées. Et M. K. est sans-papiers.

M. Francis Delattre. Est-ce que cela justifie votre motion de renvoi en commission ?

M. Patrick Braouezec. Victime du refus du droit à la famille, du droit à se faire soigner, privé de son droit à exercer ses compétences, monsieur K. comme beaucoup d’autres, est victime de votre système qui jette tout ce qui dérange. Tous les efforts qu’il a accomplis l’ont encore plus éloigné de cette valeur dont le Gouvernement nous rebat les oreilles : l’intégration. Aujourd’hui, s’agissant de monsieur K., l’intégration que vous prônez l’a désintégré.

Votre projet de loi, malgré toute votre force de conviction, ne réglera pas la question de la migration, et les nouveaux sans-papiers créés par vos soins continueront à faire fantasmer ce gouvernement qui se demandera quelle nouvelle loi projeter pour mettre fin une bonne fois pour toutes aux sans papiers, et vous nous rebattrez encore les oreilles que vous faites cela parce « la France est trop fragile pour subir l’épreuve de la régularisation ». De fait, nous voyons, de lois en projets de lois, que le Gouvernement continue à désigner l’étranger comme le responsable de tous les maux…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Mais non !

M. Patrick Braouezec. …et l’immigration comme le grand problème. Il organise sa politique de l’immigration sur la peur de l’autre, la crainte de l’avenir, dans un contexte social difficile où est organisée la dérégulation des rapports sociaux, où la lutte contre le terrorisme sur le plan mondial depuis septembre 2001 devient le principe organisateur du nouvel ordre économique que l’on impose aux citoyens. Messieurs les ministres, vous tentez de cacher que le problème principal que pose la gestion du flux migratoire reste le conflit qui réside dans la tension entre ceux qui veulent faire le maximum de profits et le travail. Vous refusez de vous prononcer ou de répondre à cette réalité, vous préférez éluder et déplacer le conflit entre les salariés avec papiers et les travailleurs sans papiers. Faisant cela, vous optez pour un choix de société : celui de la recherche du profit, au plus vite et au maximum. Qui peut en être dupe ?

Ce projet de loi ne réforme rien, pas plus qu’il n’est une avancée ou une rupture ; il n’est qu’une continuité de ce qui se fait depuis plus de vingt ans. Il se conforme parfaitement aux autres choix de société que vous nous avez proposés ou que vous nous préparez avec ardeur – je fais référence au CNE ou au CPE – : surveiller, punir, exclure, et vous testez la faisabilité de nouvelles règles, circulaires, décrets, sur le terrain d’expérience qu’est l’outre-mer, qui devient, en ce moment, le laboratoire de la lutte contre l’immigration clandestine.

À cette politique dangereuse, je préfère un modèle de société solidaire basé sur le respect des droits fondamentaux ; je préfère que ne soient pas mis à mal certains points de la constitution française, certains éléments du code civil, de la Déclaration des droits de l’homme, de la convention européenne des droits humains ; je préfère sauvegarder le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Je préférerai que l’on suive les recommandations du Conseil européen de Tampere qui, en 1999, visait à élaborer une législation commune en matière de droit d’asile et d’immigration, définissant une base politique permettant à l’Union européenne d’harmoniser sa législation dans ce domaine : traitement équitable pour tous les migrants, mise en place d’une politique d’intégration et de lutte contre la discrimination, amélioration de la coopération dans le cadre d’un vrai codéveloppement, élaboré non pas d’ici mais en fonction des besoins des populations concernées, à partir de mesures politiques équitables et durables avec les pays tiers dont sont issus les migrants, afin d’inverser le processus des flux migratoires. Et même si cela reste pour l’instant difficile, il faudra bien le faire. Car nous devons, dans un contexte de mondialisation généralisée, trouver les moyens de mettre en place une politique de l’amélioration, du renforcement et du respect du cadre de protection des droits humains qui garantissent l’égalité de traitement ainsi que des conditions juridiques identiques pour les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux.

Ce projet de loi ne répond en rien à ces préoccupations ; il n’est qu’un répertoire de faux-semblants, qui ne vont certainement pas apporter une réponse respectueuse des obligations internationales de la France et des préoccupations des Français qui, aussi soucieux soient-ils des problèmes sociaux que nous traversons – j’ai bien entendu ce que disait M. Raoult sur la population séquano-dionysienne –, n’en sont pas moins – ne lui en déplaise – des citoyens responsables et solidaires.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je demande que ce projet de loi soit renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Michel Vaxès. Et le ministre d’État s’en va !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous avez raison de vous soucier des demandeurs d’asile, monsieur Braouezec, mais ne vous trompez pas de cible : avant 2002, ils devaient attendre deux ou trois ans – trois ans d’incertitude et de désarroi – avant que l’on ne statue sur leur demande. Nous avons ramené ce délai à un an en moyenne. Mieux accueillir les demandeurs d’asile, mieux respecter l’esprit de la convention de Genève, c’est en effet d’abord répondre rapidement aux demandeurs d’asile.

Vous confondez par ailleurs la lutte contre les détournements de procédure ou les abus de l’immigration familiale – lutte qui est au cœur de notre projet – avec la violation du droit de gens. Mais l’assemblée générale du Conseil d’État vous a répondu par avance en approuvant l’ensemble de notre projet de loi. Cet avis présage heureusement, j’en suis convaincu, de l’éventuelle décision du Conseil constitutionnel.

Nous le revendiquons : ce projet de loi prend en compte les besoins de notre économie.

M. Michel Vaxès. Voilà qui a le mérite d’être clair !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je crois en effet à la valeur du travail,…

M. Patrick Braouezec. Du profit, pas du travail !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …principal facteur d’intégration.

Nous voulons donc tout faire pour que les étrangers qui choisissent de s’installer en France puissent le faire en fonction de leur capacité à y trouver un emploi.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est l’honneur de la France que de s’assurer de sa capacité à offrir un emploi à un étranger avant de l’accepter sur son territoire.

Quant au « pillage des cerveaux », pour la première fois dans l’histoire récente de la législation relative à l’immigration, notre projet de loi prend en compte l’intérêt du pays d’origine. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Ah oui ? Dans quel article du projet ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous revendiquons cette préoccupation qui devrait vous interdire, monsieur Braouezec, de nous donner des leçons.

Ayant lu le rapport de la commission des lois, j’ai pu mesurer l’importance du travail réalisé par l’ensemble des intervenants. Ce rapport ayant en outre été mis en ligne dès vendredi dernier, je ne vois sincèrement aucune raison pour demander un renvoi en commission. Cette dernière a me semble-t-il suffisamment débattu, aussi le Gouvernement demande-t-il à l’Assemblée de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quelques mots d’abord pour féliciter M. Braouezec : il demande un renvoi en commission faute d’informations suffisantes mais il a tout de même exposé pendant plus d’une demi-heure son point de vue sur ce projet !

M. Patrick Braouezec. C’est un peu le but de l’exercice !

MM. François Loncle et Noël Mamère. Et c’est le droit de l’Assemblée !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je veux malgré tout, pour lui répondre, rappeler l’importance des travaux de la commission.

En novembre 2005, à la demande de M. Baroin, ministre de l’outre-mer, j’ai décidé de mettre en place une mission d’information sur Mayotte, mission pluraliste présidée par M. Dosière, du groupe socialiste, et dont le rapporteur était M. Quentin, du groupe de l’UMP. Après quatre mois de travail et des déplacements, cette mission a rendu son rapport, lequel a été adopté, pour ainsi dire, à l’unanimité – puisque le groupe communiste, par son abstention, n’a pas manifesté son opposition. Or le projet de loi dont nous débattons reprend précisément les propositions contenues dans ce rapport.

Deuxièmement, notre rapporteur a présenté, le 1er mars dernier, un rapport d’application de la précédente loi de 2003.

Troisièmement, le ministre de l’intérieur s’est exprimé devant la commission le 29 mars dernier, à la sortie du conseil des ministres au cours duquel ce projet venait d’être adopté. Une discussion générale a ensuite eu lieu. Un mois plus tard, notre rapporteur a présenté le texte devant la commission, après avoir entendu une cinquantaine de personnes.

Comme vous pouvez en témoigner, monsieur Braouezec, chacun a pu s’exprimer en commission ; certains – n’est-ce pas monsieur Roman – ont même pu changer d’avis et de vote.

M. Bernard Roman. Sur un aspect très particulier, vous le savez bien !

M. Philippe Houillon, président de la commission. En tout état de cause, les débats ont été libres et je ne sache pas qu’on m’ait demandé, à aucun moment, de les prolonger.

Le rapport a été mis en ligne le 28 avril…

M. Bernard Roman. Non !

M. Patrick Braouezec. Il n’était pas sur Internet vendredi soir !

M. Philippe Houillon, président de la commission. …même si le texte imprimé, il est vrai, a été distribué le 2 mai.

Si j’en juge enfin au nombre d’amendements déposés lors de l’examen en commission, il est clair que celle-ci a eu largement le temps de débattre et qu’elle a été pleinement informée.

Loin d’envisager un renvoi en commission, je voudrais féliciter le rapporteur, ainsi que tous les membres de la commission, toutes sensibilités confondues, pour la qualité du travail accompli. Je comprends bien, monsieur Braouezec, que vous utilisiez la procédure pour vous exprimer sur le fond du texte, mais chacun conviendra qu’il n’y a évidemment pas lieu de renvoyer ce dernier en commission.

Mme la présidente. Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Je perçois mal le lien entre les cas particuliers évoqués par M. Braouezec et la demande de renvoi du projet de loi en commission.

Il est évident que le droit de l’immigration est, comme tous les droits, soumis à des difficultés d’interprétation et donc à des contentieux. En l’espèce, ceux-ci sont d’autant plus délicats que les règles sont complexes et qu’ils ont trait à des situations humaines souvent douloureuses. Cependant, M. Braouezec a surtout mis en cause le droit actuel…

M. Patrick Braouezec. Que vous aggravez !

M. Michel Diefenbacher. …et non le projet de loi qui nous est soumis.

Quant aux observations qu’il formule sur le texte lui-même, elles peuvent très bien être examinées dans le cadre des amendements, encore faut-il pour cela commencer la discussion des articles !

Le sujet que nous abordons, chacun en est bien conscient, est important et grave. Il ne mérite ni les formules à l’emporte-pièce, ni les procès d’intention. Et de grâce, évitons les caricatures ! La future loi que nous allons discuter, amender et voter aura des conséquences sur des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, sur leur destin et leur dignité.

Elle aura aussi des conséquences sur la France, son image et sa cohésion, laquelle, il faut bien le reconnaître, est sérieusement mise à mal depuis trente ans : les cités-ghettos, les violences urbaines, les communautarismes et leurs conséquences politiques, la montée des extrémismes nous montrent que la France souffre et qu’il est urgent de l’écouter.

L’immigration n’est évidemment pas seule responsable, mais son maintien à un niveau élevé, alors que le chômage a doublé en trente ans, a des conséquences inacceptables pour les migrants eux-mêmes et pour notre pays : pour les migrants, qui n’ont le plus souvent ni emploi, ni logement, ni perspective ; pour notre pays, où l’intégration est aujourd’hui dramatiquement en panne.

Le moment est venu, je crois, de sortir de l’hypocrisie. Pour se réclamer de l’humanisme, il ne suffit pas de faire montre de beaux sentiments…

M. Jean-Pierre Brard. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas vous les reprocher !

M. Michel Diefenbacher. …et d’ouvrir les bras : il faut encore être capable d’accueillir concrètement les migrants et de leur assurer une vie digne. L’humanisme qui se résume aux beaux sentiments et ignore toute action concrète n’est que tartuferie.

Face à la situation que nous connaissons, que propose la gauche ? Le statu quo, comme d’habitude. Elle applique une fois encore ce qui semble être désormais son adage : « ça ne va pas, alors surtout, ne changeons rien ! » Tel est le langage, monsieur Braouezec, que vous et vos amis n’avez cessé de tenir depuis quatre ans, à l’occasion de toutes les grandes réformes : celle des retraites, de la sécurité sociale, de l’État, de l’école, de l’emploi des jeunes…

M. Patrick Braouezec. Du CPE !

M. Michel Diefenbacher. …ou des entreprises publiques. Depuis près de trente ans, le peuple clame son désarroi et son impatience face à la montée inexorable d’une immigration incontrôlée,…

M. René Dosière. C’est faux !

M. Michel Diefenbacher. …et il faudrait renvoyer le texte en commission, c’est-à-dire différer encore une réforme que nos concitoyens attendent et dont la France a besoin ?

Face à cet immobilisme, le Gouvernement fait preuve d’une véritable ambition. Il ne s’agit pas de verrouiller l’immigration, mais de réussir l’intégration. Comme toujours lorsque le laxisme a été la règle, il faut revenir à plus de fermeté. Mais il faut aussi, comme pour toute réforme, faire preuve de justice et d’équité. Tel est l’équilibre difficile que le Gouvernement a cherché et que le Parlement doit atteindre avec lui : c’est l’objet des amendements que nous avons déposés.

Nous devons tous espérer que cette discussion soit sereine…

M. Patrick Braouezec. Cela dépendra beaucoup des propos tenus !

M. Michel Diefenbacher. …et, autant que possible, sans tabous.

Je ne reviendrai pas sur tous les aspects que vous avez évoqués, monsieur Braouezec. Je dirai simplement, pour conclure, que la démocratie, c’est la liberté de choisir : la politique, les gouvernants, le destin du pays, le mode de vie personnel.

M. Bernard Roman. Et on choisit aussi ses immigrés ?

M. Michel Diefenbacher. On pourrait donc tout choisir, sauf la politique de l’immigration ?

Disons-le clairement : refuser par principe une immigration choisie procède non de la logique mais d’un a priori idéologique. Laissons la gauche s’aveugler et écoutons, chers collègues de la majorité, le peuple ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le temps n’est plus aux querelles idéologiques mais à l’action concrète, c’est-à-dire au débat et au vote.

Dans cette optique, le groupe de l’UMP ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on entend M. Diefenbacher dire : « écoutons le peuple », il faut vraiment se pincer pour s’assurer qu’on ne rêve pas ! Le peuple, monsieur Diefenbacher, vous a botté les fesses plusieurs fois depuis 2002 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’ai un excellent ORL à l’hôpital de Montreuil, et je peux intervenir pour qu’il vous donne une consultation particulière !

Vous semblez oublier jusqu’aux leçons les plus récentes. Nous vous avons entendu, il y a plus de deux mois, chanter les louanges du CPE, avant de faire votre acte de contrition dans l’hémicycle. Il est vrai que les Français ont dû descendre dans la rue pour que vous les entendiez vraiment.

M. Houillon a déclaré qu’une demi-heure pour M. Braouezec, c’était bien long. C’est peu au contraire, quand vous rompez avec les valeurs qui font rayonner notre pays depuis la Révolution française. Et vous entendez bâcler nos débats, les réduire à quelques échanges mal fondés, mal renseignés et d’une mauvaise foi totale ?

M. Richard Mallié. Cela vous va bien, de parler de mauvaise foi !

M. Jean-Pierre Brard. Le président de la commission a précisé que le bilan du texte de 2003 avait été établi en commission, mais où est le bilan du Gouvernement ? Quand, dans les propos des ministres, a-t-on entendu ne serait-ce que l’esquisse de ce bilan ? Il n’y en a pas eu !

M. Francis Delattre. Vous n’avez pas voté la loi de 2003 !

M. Jean-Pierre Brard. La commission, quant à elle, pourrait encore beaucoup travailler. Puisque, selon M. Sarkozy, les autres pays agissent comme vous vous apprêtez à agir, pourquoi proposez-vous que le Parlement adopte une liste de pays dits sûrs différente de celle de l’Union européenne ?

En réalité, comme l’a dit Patrick Braouezec, vous violez la déclaration des droits de l’homme, la Déclaration des droits humains.

J’ai dit, hier, à la tribune, qu’à Montreuil, la semaine dernière, nous avions tenu une réunion pour débattre du présent texte. Il aurait fallu que vous entendiez ces résidents étrangers qui sont parfois chez nous depuis quarante ans, qui ont passé leur vie à travailler chez nous afin de faire vivre leur famille là-bas, pour mesurer ce que cela veut dire que de condamner des hommes ou des femmes mariés au célibat de fait et d’obliger des enfants à vivre loin de leur père. Est-ce humain ? Bien sûr que non ! Interdire à des gens de vivre avec leur famille est scandaleux !

M. Sarkozy s’est adressé tout à l’heure à M. Jérôme Rivière, qui a une utilité politique manifeste dans cet hémicycle : il sert d’escabeau au ministre de l’intérieur, pour qu’il puisse faire passer sa salade en se situant en position centriste ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourtant, ses positions sont extrêmement graves. Je le rappelle, 20 000 reconduites à la frontière ont été effectuées : vous voulez faire du chiffre ! Comme si on pouvait s’honorer de le faire sur des choses aussi inhumaines ! Que voulez-vous ? Passer de 5 % de clandestins reconduits à 7 ou 8 % ? Sur 400 000 clandestins estimés, cela ne changera rien !

En réalité, vous voulez imposer une précarisation générale. Et je me demande si, lors de l’évaluation de la personnalité des candidats, vous ne jugerez pas a posteriori de l’aptitude au syndicalisme, par exemple ! Comment cela se traduira-t-il sur le maintien du titre de séjour ?

Vous nous dites de ne pas vous faire de procès d’intention. Vous avez raison : ce n’est pas sur vos intentions que nous vous jugeons, mais sur vos actes ; sur des actes que vous accomplissez, que vous commettez déjà, et que vous voulez aggraver encore.

M. Estrosi, lui, au moins, assume ses propos. Il déclare : pour faire tourner notre économie, nous avons besoin de salariés « importés » – comme on importe 80 millions de tonnes de pétrole !

M. Jérôme Rivière. Caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! C’est ce qui a été dit ! Il nous faut, affirme-t-on, ces salariés pour les besoins de notre économie !

M. Christian Vanneste. C’est ce qu’on appelle une projection ! Et c’est vraiment typique de vos positions !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Vanneste, je n’ai pas de conseil à recevoir de vous mais votre ire me satisfait, parce que le jour où vous me féliciterez, je me demanderai, comme August Bebel le recommandait aux révolutionnaires, quelle bêtise j’ai bien pu faire !

M. Richard Mallié. Ça suffit !

M. Jean-Pierre Brard. Vos attaques sont l’hommage du vice à la vertu…

M. Christian Vanneste. La vertu de la terreur !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. …tant il est vrai qu’on ne jette pas de pierres à l’arbre qui ne porte pas de fruits ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Assez !

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, madame la présidente, en citant à nouveau le ministre d’État, qui a déclaré, hier – M. Estrosi, qui était présent, peut le confirmer – que nous pourrions « prendre », par exemple, des médecins chinois et des informaticiens indiens. Je le vois très bien, avec son panier, faire son marché international…

Mme la présidente. Monsieur Brard, concluez !

M. Jean-Pierre Brard. …et vider les pays en développement de leurs forces vives ! Vous voulez les piller, aujourd’hui, comme les pillaient, hier, les troupes coloniales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Roman. M. Houillon s’est évertué – ce qui ne remet nullement en cause les grandes qualités dont il fait preuve à la présidence de la commission des lois – à expliquer que la demande de renvoi en commission n’avait pas de fondement. Pour ma part, m’associant à l’ensemble des propos de Patrick Braouezec, je voudrais vous démontrer le contraire.

Dans cette affaire – nous aurons l’occasion d’y revenir tout au long du débat – M. Sarkozy apparaît comme un homme pressé que sa loi devienne une réalité.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est normal !

M. Bernard Roman. Personne, d’ailleurs, ne le conteste. Bien des ministres, d’ailleurs, doivent être jaloux que l’un d’eux – certes le numéro deux du Gouvernement – soit capable, le jour où son projet est examiné en conseil des ministres, de venir le présenter en commission des lois et qu’il puisse le voir si vite inscrit à l’ordre du jour du Parlement, un ordre du jour ô combien chargé pourtant, et compliqué encore par la crise du CPE !

Oui, M. Sarkozy est un homme pressé, si pressé que la commission des lois, alors que ce n’est pas la coutume, a été convoquée pendant une période où l’Assemblée ne siégeait pas. Des travaux en cours dans le bâtiment nous ont, d’ailleurs, causé quelques difficultés pour organiser les auditions des organisations et associations concernées !

Vraiment, M. Sarkozy est un homme pressé, puisqu’il a déclaré, à l’ouverture du débat, l’urgence sur le texte. Pour ma part, je suis enclin à penser – mais j’ai cru comprendre, dans la réponse du ministre de l’intérieur aux orateurs intervenus dans la discussion générale, qu’il ne partageait pas cet avis – que le rôle du Parlement peut être particulièrement important, et même décisif, dans l’élaboration de la loi ! Et la navette parlementaire présente un intérêt majeur, surtout lorsqu’il est question de textes comme celui que nous examinons, dans lequel subsistent des approximations qui feront les délices de la jurisprudence. Le rôle des députés est de laisser le moins d’espace possible à cette dernière et de faire en sorte que les positions du législateur ne puissent pas être interprétées de manière trop large par les juges.

Oui, décidément, M. Sarkozy est un homme pressé. Pourtant, il y avait matière à débattre. Quand dans un texte de loi, il est prévu que l’administration apprécie « la personnalité » du migrant pour la délivrance d’une carte de séjour,…

M. Jean-Pierre Brard. Tom Cruise !

M. Bernard Roman. …qu’elle contrôle « la stabilité et l’intensité des liens personnels », qu’elle juge si le migrant devient ou non une « charge déraisonnable » pour le système social français, le législateur me semble avoir bien du travail à faire pour préciser ce que nous entendons par là.

M. Claude Goasguen. C’est ce que vous ne voulez pas faire !

M. Bernard Roman. Il aurait donc été justifié qu’on y consacre quelques heures en commission.

Enfin, s’agissant d’un texte essentiel, que nous combattons et continuerons de combattre à la faveur de l’examen des articles, en disant ce que nous pensons de certaines mesures, ne croyez-vous pas que nous aurions pu approfondir certains points, en poussant la réflexion au-delà de ce qui a été fait – M. Houillon le rappelait – en amont ?

L’évolution du nombre des mariages mixtes est impressionnante, c’est vrai. Mais que cache-t-elle ? On nous assène des chiffres : un tiers des mariages, un dixième des enfants. Mais qu’y a-t-il derrière cette réalité ?

M. Claude Goasguen. Répondez à la question !

M. Bernard Roman. Nous n’avons pas eu de réponse lors du débat sur les mariages mixtes. N’est-il pas du rôle de la commission de mener des investigations et d’obtenir des explications ?

Nous aurions pu nous poser une deuxième question à propos des mariages mixtes. Voici un exemple concret dans ma circonscription : un Français s’est marié avec une Irakienne qui suivait ses études à l’université de Lille. Avec ce texte, cette jeune femme – irakienne, mais elle pourrait être afghane ou d’une autre nationalité – devrait retourner en Irak demander au consulat de France un visa long séjour pour obtenir un titre de séjour en France.

M. Patrick Braouezec. Mission impossible !

M. Bernard Roman. Croyez-vous qu’il soit raisonnable et responsable qu’un Parlement comme le nôtre légifère ainsi et prenne des décisions qui peuvent conduire à des situations inextricables ?

Enfin, avons-nous suffisamment réfléchi aux conséquences, pour les femmes étrangères mariées, de cette véritable force de répudiation que nous donnons à leur mari, en la liant au maintien de leur titre de séjour dans notre pays ? Si une femme étrangère est mariée en France, elle ne détient, en effet, son titre de séjour que par le bon vouloir de son mari de la garder pendant quatre ans ! Et si jamais il utilise – ce qui n’est pas impossible – ce pouvoir pour la mener à la baguette et la réduire à ce que personne ne souhaite ici, elle n’a qu’à se taire, sinon elle perd son titre de séjour.

Mes chers collègues, sur une question aussi essentielle, qui a des implications sur des hommes, des femmes et des enfants, nous devrions prendre le temps de mesurer les conséquences de notre décision. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

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Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration :

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)