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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 4 mai 2006

207e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence,d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 156 à l’article 5.

Article 5 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 156.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, mes chers collègues, les critères établis par l’alinéa 2 de cet article ne sont pas adaptés. D’une part, ils sont trop flous pour pouvoir être appliqués correctement et de façon uniforme sur l’ensemble du territoire. D’autre part, ils reviennent à exiger d’une personne qu’elle ait acquis un certain nombre de connaissances sans lui avoir préalablement donné la possibilité d’y accéder. Or, en matière de liberté des personnes, un des principes fondamentaux de l’État de droit impose à la loi d’être précise pour éviter l’arbitraire.

Au-delà, cet amendement me fournit l’occasion de réitérer le reproche essentiel que nous adressons, depuis le début de la discussion, à ce projet de loi, notamment à son article 4, examiné ce matin : ces dispositions constituent en réalité des obstacles supplémentaires à l’intégration des étrangers dans notre pays et donnent largement place à l’arbitraire et au pouvoir discrétionnaire du préfet ou du maire. Les Verts jugent inacceptable, pour les raisons que j’ai développées ce matin, que l’on renforce les pouvoirs du maire dans un domaine aussi important. Un maire n’est ni un shérif, ni un juge de la volonté d’intégration d’une personne demandant à vivre et à travailler sur notre territoire.

Cet article 5 ne doit pas être considéré isolément ; il fait partie d’un arsenal de dispositions qui ont pour but un traitement policier de l’immigration, sous couvert de principes de générosité dont se réclament fallacieusement les défenseurs de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur l’amendement n° 156.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur Mamère, nous avons déjà eu ce débat ce matin. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. On m’a effectivement rapporté, monsieur le député, que le contrat d’accueil et d’intégration avait fait l’objet d’un long débat ce matin. Il est vrai que notre logique est totalement différente de la vôtre : nous considérons qu’un étranger, avant de pouvoir s’installer pour dix ans sur notre territoire, doit à la fois respecter nos valeurs et parler notre langue.

Pour ces motifs, l’avis du Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour une réponse rapide, puisque nous avons déjà eu ce matin des débats fournis à ce sujet.

M. Noël Mamère. J’aimerais simplement, monsieur le ministre, que vous nous apportiez une précision nécessaire puisque vous n’avez pas assisté à nos débats ce matin. J’espère que les valeurs dont vous parlez ne sont pas les « valeurs françaises » dont M. Vanneste s’est réclamé ce matin, mais les valeurs universelles…

M. Jacques Myard. Elles sont françaises !

M. Noël Mamère. …qui étaient effectivement celles des pères fondateurs de notre République. Il ne peut pas y avoir de valeurs françaises particulières qui s’opposeraient aux valeurs universelles.

L’obligation faite aux étrangers d’un « engagement » vis-à-vis de la République me paraît très floue. Les étrangers qui souhaitent vivre dans notre pays fuient en général le sous-développement ou la tyrannie, et bien souvent les deux. Confiants dans notre tradition d’accueil, ils pensent qu’ils pourront participer à notre communauté de destin.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. J’ai souhaité, à la fin de la séance de ce matin, exprimer à la fois un doute et une interrogation quant au contenu de l’article 5.

Cet article conditionne la délivrance d’un titre de résident à l’appréciation du degré d’« engagement personnel » de l’étranger à respecter certains principes. J’aimerais connaître la signification de cette innovation juridique. Comment appréciera-t-on un « engagement personnel », qui est donc d’ordre intime, à respecter les principes de la République ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que cette tâche ne reviendra pas à des psychologues ou des psychanalystes : ce sont des préfets qui devront juger de la réalité de cet « engagement personnel ». Et c’est de cette appréciation, dont chacun mesure le caractère subjectif, que dépendra la délivrance d’un titre de résident. J’ai déjà dit ce matin au ministre que cette notion me semblait une innovation dans notre droit, et je suppose que ses collaborateurs ont pu le vérifier. Et c’est en fonction d’une donnée aussi subjective que les préfets auront à juger de la capacité d’intégration d’un étranger !

M. René Dosière. En réalité c’est le ministre de la police qui décidera !

M. Bernard Roman. Il me semble que ce sujet, monsieur le rapporteur ou monsieur le ministre, mérite quelques précisions.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il est vrai, monsieur le député, que je n’étais pas là quand vous avez exprimé ces interrogations.

M. René Dosière. On ne vous le reproche pas !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Mais le Gouvernement est un, et je peux préciser que cet engagement personnel est clairement manifesté par la signature et le respect du contrat d’accueil et d’intégration. Il s’agit là d’une manifestation de volonté très concrète, et non d’une démarche passive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous nous faites un mauvais procès, monsieur Roman.

M. René Dosière. Nous ne vous faisons aucun procès !

M. Bernard Roman. Pourquoi être ainsi sur la défensive ?

M. Jean-Pierre Soisson. L’engagement personnel s’oppose à l’engagement collectif : c’est la personne qui s’engage à respecter les valeurs de la République.

Il n’y a pas dans tout le projet de loi d’article plus équilibré que l’article 5.

M. René Dosière. L’avez-vous lu au moins ?

M. Jean-Pierre Soisson. En effet, il respecte à la fois les principes de la République et notre volonté d’une plus grande fermeté. Cet engagement personnel – nous aurions pu écrire « citoyen » pour vous faire plaisir – s’oppose à l’engagement collectif : c’est la personne qui s’engage à devenir française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. N’importe quoi !

M. Noël Mamère. Il ne s’agit pas d’une demande de naturalisation !

M. René Dosière. M. Soisson ne sait même pas de quoi il parle !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Vous me permettrez, madame la présidente, de donner un petit cours de rattrapage aux quelques personnes qui n’étaient pas là ce matin. L’amendement de M. Mamère est d’autant plus justifié que, comme je l’ai déjà déploré, nous n’avons pas pu examiner celui de notre collègue Yves Jego portant article additionnel après l’article 4. Cet amendement avait l’avantage de conditionner la délivrance du titre de résident à l’obtention d’un diplôme opposable aux tiers, alors que dans l’état actuel de l’article 5 nous sommes plongés dans l’arbitraire de critères flous livrés à une appréciation subjective.

Ainsi, on ne sait toujours pas quels seront les éléments d’appréciation de cet engagement personnel à respecter les principes de la République : qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Pourquoi n’avons-nous pas de réponse sur ce point ? S’agit-il de l’obtention d’un diplôme, d’un titre ? L’amendement de M. Jego avait au moins le mérite de prévoir explicitement un certificat opposable aux tiers, ce qui signifiait qu’il garantissait l’obtention d’un titre de séjour. Dans l’état actuel du texte, on ne sait même pas de quelles conditions précises dépendra sa délivrance. L’imprécision et le flou des critères évoqués ne permettent pas d’assurer l’égalité de tous face à cette procédure.

Tout cela justifie amplement la proposition faite par M. Mamère de supprimer l’alinéa 2.

Mme la présidente. Un dernier mot, monsieur Mamère, puis nous passerons au vote, chaque groupe ayant pu s’exprimer.

M. Noël Mamère. Je souhaitais simplement, madame la présidente, rectifier l’erreur que vient de commettre M. Soisson. Vous confondez, mon cher collègue, la régularisation du séjour, qui n’ouvre pas accès à la nationalité française, avec la naturalisation.

Outre la notion d’engagement personnel, dont nous demandons la suppression en raison de son caractère extrêmement flou justifiant toutes les inquiétudes, de nombreuses dispositions de cet article 5 sont discutables. Ainsi en est-il de la distinction qu’il introduit entre intégration et insertion, ou bien encore de la notion de respect des principes de la République. À qui reviendra-t-il de l’évaluer, et selon quels critères ? Là encore les obligations imposées par l’article sont d’un caractère très subjectif, ce qui dotera de fait le préfet et le maire du pouvoir exorbitant de récompenser ou sanctionner selon qu’ils jugeront que l’étranger mérite ou non d’obtenir le titre de résident. Cet article constitue donc une légalisation de l’arbitraire, et en cela il est inacceptable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 156.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 254 rectifié de Mme Boutin.

M. Christian Vanneste. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable également.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Malgré toute mon attention, je n’ai pas bien compris les réponses que M. le ministre a apportées aux questions de Bernard Roman. Contrairement à ce que laisse supposer M. Soisson, nos interrogations ne cachent aucune arrière-pensée. Nous voulons simplement que les choses soient dites clairement et, à cet égard, monsieur le ministre, votre parole est importante.

M. Bernard Roman. Très importante !

M. Noël Mamère. Essentielle, même !

M. René Dosière. En effet, vous savez bien que, lorsque le Conseil constitutionnel, par exemple, s’interrogera sur la volonté du législateur et consultera les travaux de notre assemblée, la parole du ministre fera jurisprudence, plus encore que celle du rapporteur…

M. Bernard Roman. Ou que celle du président de la commission des lois !

M. René Dosière. …ou, en effet, du président de la commission – ce que je regrette personnellement pour avoir occupé plusieurs fois la première de ces fonctions. Il importe donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire ce que signifie l’expression : « au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française » et « du respect effectif de ces principes ». Si, en effet, les explications sont moins nécessaires pour ce qui concerne la « connaissance suffisante de la langue française » – même si les modalités peuvent donner matière à discussion – la signature du contrat n’éclaire en rien la nature de ces obligations et il importe que tous ceux qui auront à interpréter cette loi puissent savoir quelle a été la volonté du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Dosière, l’alinéa 3 de l’article 5 nous évitera de nous perdre dans des théories certes intéressantes, mais parfois un peu opaques : « Pour l’appréciation de la condition d’intégration, l’autorité administrative tient compte de la souscription et du respect » du contrat. L’étranger doit donc respecter effectivement les valeurs de la République. Ce n’est pas à vous, monsieur Dosière, qu’il faut rappeler quelles sont ces valeurs : la laïcité,…

M. Julien Dray. Comment ?

M. Patrick Braouezec. Vous avez rajouté la laïcité !

M. Jacques Myard. On ne vous a pas attendus pour la défendre !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …le respect des droits des femmes, l’éducation et la scolarisation des enfants, l’interdiction de faire subir des violences aux femmes et aux enfants. Je ne doute pas que tous ces points fassent l’objet d’un accord unanime. Vous le voyez, l’alinéa 3 vous donne tous les éléments de réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 254 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 461.

M. Christian Vanneste. Défendu !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Décidément, ils sont pressés de rentrer chez eux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement avait été réservé en commission parce qu’il devait être modifié. Des éclaircissements nous ayant été apportés, l’avis est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Les éclaircissements que vient d’évoquer le rapporteur devraient nous être communiqués.

Lorsque, ce matin, M. Braouezec notait que le diplôme était au moins un élément objectif, qui échappait à l’arbitraire, vous avez objecté que votre dispositif était parfaitement cohérent et n’avait rien d’arbitraire. Or voilà que, lorsque M. Vanneste le demande, vous rétablissez le diplôme initial de langue française – le DILF ! Quelle est la cause de ce revirement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Roman, cette mesure est la conséquence directe du fait que le test est désormais obligatoire. L’amendement répond en outre, du moins partiellement, à la question de M. Braouezec sur la valeur qu’aura le test de langue.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Jusqu’à présent, le diplôme ou le titre restent entourés de flou, car on n’en connaît pas le contenu. D’autre part, si je comprends bien, l’obtention de ce diplôme ou de ce titre flous conditionne la régularisation de la personne concernée. Cette personne aura-t-elle droit, pour reprendre l’image employée ce matin par M. Mamère, à la « session de septembre » ? En d’autres termes, peut-on repasser ce diplôme ? C’est une vraie question.

Ce matin, M. Lagarde a cité l’exemple de personnes dont je ne sais si, malgré trente ou quarante ans passés sur notre territoire, ils obtiendraient ce diplôme ou ce titre – dont le contenu, je le répète, est encore flou.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Il n’est pas question ici de régularisation, mais de l’obtention de la première carte de résident. La nuance est importante.

M. Jacques Myard. Eh oui ! Les sans-papiers n’ont rien à faire ici !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Un changement de casting…

M. Christian Vanneste. Vous voulez dire de distribution. Pas de mots anglais dans cet hémicycle ! C’est la loi Toubon de 1994.

M. Julien Dray. …nous a valu la présence de M. Hortefeux au banc du Gouvernement.

M. Jacques Myard. Jaloux !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’éviter les propos désagréables.

M. Julien Dray. Madame la présidente, pour ma part, je respecte beaucoup M. Hortefeux, que j’ai connu avant qu’il ne soit ministre et que j’espère bien connaître encore quand il ne le sera plus – c’est-à-dire dans quelques jours, si je ne me trompe. (Sourires.) C’est une personnalité compétente, très attachée aux valeurs de la République.

Le débat sur l’article 5 est très important. En effet, nous avons souligné dans la discussion générale – et nous y reviendrons – que votre dispositif créait un arbitraire puisqu’il allait donner lieu à des applications très différentes selon les préfectures. Les parlementaires savent bien, en effet, que certains préfets sont plus compréhensifs que d’autres. La vérité m’oblige à dire que nous sommes en négociation permanente avec eux, confrontant nos appréciations respectives des dossiers : sur certains, ils nous accordent le titre de séjour et sur d’autres, nous acceptons leurs remarques – car, à propos de ces situations très difficiles, notre travail s’apparente un peu à celui d’une ambulance ou du SAMU social.

Or vous renforcez l’arbitraire en adoptant une définition si vague et si générale que nul ne sait ce qui se produira. Est-ce à un nouveau préfet qui prend ses fonctions de définir ce que sont, selon lui, les valeurs de la République, différentes de celles qu’avait définies son prédécesseur ? Cela se traduira inévitablement par l’arbitraire le plus total.

Notre débat doit éclairer les services des préfectures, qui traitent à longueur de journée de tels dossiers, souvent en tâtonnant et en s’aidant non seulement des textes, mais aussi – parce qu’ils ont, les pauvres, du mal à s’y retrouver ! – des débats de l’Assemblée nationale, publiés au Journal officiel.

M. Jean-Pierre Soisson. Si seulement c’était vrai !

M. Patrick Braouezec. Monsieur Soisson, ne doutez pas du corps préfectoral !

M. Julien Dray. Monsieur Soisson, vous avez en la matière plus d’expérience que moi, et en tout cas une expérience différente, qui apportera certainement beaucoup à la discussion. Si les pratiques préfectorales sont différentes dans votre département de ce qu’elles sont dans le mien, cela ne pourra qu’illustrer mon propos : les lois de la République seront appliquées département par département, selon la personnalité du préfet et donc selon les consignes qu’il donne à ses services. C’est la définition même de l’arbitraire.

Cela ne peut, à terme, que fabriquer de nouveaux immigrés clandestins. C’est toujours la même mécanique : vous prétendez que vous allez réguler, mais ce ne sera pas le cas.

Vous nous devez au moins une définition des principes, des éléments clés qui permettront d’apprécier la situation.

Mme la présidente. Monsieur Dray, je vous demande de conclure.

M. Julien Dray. Dans un instant, madame la présidente.

En introduisant une disposition permettant aux maires de donner leur avis à propos de la délivrance des cartes de résident, vous faites un pas de plus dans l’arbitraire. Le résultat n’est pas difficile à comprendre : je sais déjà quels sont les maires qui donneront systématiquement un avis négatif et ceux qui, parce qu’ils ont les valeurs républicaines chevillées au corps, accepteront de prendre leur part de responsabilité et de partager les difficultés de l’intégration.

M. Jacques Myard. M. Mamère, par exemple !

M. Franck Gilard. Lui qui n’hésite pas à bafouer la République !

M. Julien Dray. Nous vivons cette situation dans le département de l’Essonne : je sais que le Nord du département va continuer de mener sa difficile politique d’intégration, et que le Sud, comme c’est déjà le cas pour le logement social, nous renverra tous les problèmes : les ghettos se renforceront, tandis que d’autres quartiers s’en sortiront.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis opposé à cet amendement car, pour ce qui concerne la connaissance de la langue française, le texte initial du Gouvernement me paraît suffisant pour que le reste puisse être réglé par décret.

La connaissance suffisante de la langue française conditionne l’autonomie : elle permet de vivre en France sans avoir besoin en permanence d’une personne pour traduire et pour vous assister. Ce niveau de connaissance est celui de tout un chacun – peut-être pas dans cet hémicycle (Sourires), mais dans la rue, au sortir de l’école primaire.

Instaurer un diplôme, c’est d’abord poser la question de savoir si on a le droit de le passer plusieurs fois. Si en effet on peut rester en France après l’avoir raté, quel est le sens de l’amendement ? Si en revanche on doit quitter la France, l’instauration du diplôme revient à permettre d’éliminer des gens au gré des évolutions gouvernementales, de ceux qui organisent les épreuves et de ceux qui les corrigent.

Et quand je parlais de la possibilité pour le maire de donner un avis, déjà prévue pour partie dans le texte gouvernemental, il s’agissait justement d’avoir un minimum d’objectivité. Parce que, au moins pour ce qui est de parler la langue française, il n’y a rien de plus simple à constater. Alors que faire passer un examen, définir son contenu, être sûr que les correcteurs ne vont pas pousser la barre dans un sens ou dans l’autre, tout cela introduit de l’aléatoire qui va totalement échapper à la représentation nationale.

Hier, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, disait souhaiter qu’il y ait régulièrement des débats sur l’immigration et l’intégration dans cet hémicycle, et qu’il n’était pas normal que ce domaine ait échappé aux parlementaires. Or ce type d’amendement est de nature à remettre en cause notre volonté initiale – volonté généreuse et excellente idée du Gouvernement parce qu’elle offre aux immigrés la capacité d’apprendre notre langue, contrairement à ce qui s’est passé depuis des décennies, et parce qu’elle permet de s’assurer que ceux qu’on accueille sont en mesure de vivre en France dans des conditions d’autonomie minimale. Avec cet amendement, il y aurait trop de failles pour que le dispositif puisse fonctionner.

M. Patrick Braouezec. C’est tout à fait pertinent !

M. Julien Dray. Bonnes questions !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Juste quelques précisions.

Monsieur Dray, je sais que vous aimez anticiper, mais je vous rappelle que nous parlerons du maire lorsque nous examinerons l’amendement n° 49.

Monsieur Lagarde, si le test est loupé, on pourra bien sûr le repasser plusieurs fois.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut que le Gouvernement le dise.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il me semble qu’il l’a déjà dit ce matin.

M. Patrick Braouezec. Et cela veut dire quoi ? Combien de fois pourra-t-on le repasser ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Par ailleurs, on s’adresse là à des gens qui sont en règle, qui sont en possession d’une carte de séjour d’un an ; s’ils ne réussissent pas l’examen, ils ne pourront pas obtenir le titre de dix ans, mais ils garderont leur carte de séjour. Il n’y a donc avec cet article aucune fabrique de sans-papiers.

M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec. Il y aura une fragilisation !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Une fragilisation psychologique. (« Eh bien, c’est important ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je n’ai pas argumenté pour défendre l’amendement n° 461 parce qu’il me paraissait aller de soi. Mais je vais dire rapidement trois choses car je suis désolé de voir à quel point certains de nos collègues ne comprennent pas l’importance de la langue dans notre pays.

M. Julien Dray. On n’a pas dit que la langue n’avait pas d’importance !

M. Christian Vanneste. La langue française, c’est vraiment ce qui fait la France. Et si les valeurs françaises sont aussi universelles, c’est parce que beaucoup de ces valeurs universelles ont été formulées pour la première fois dans notre langue. Ce n’est pas une mince affaire que la langue française.

Ensuite, nous ne sommes pas les seuls à exiger une connaissance minimale de la langue du pays d’accueil. La plupart des pays européens exigent eux aussi bien évidemment un examen dans leur langue. C’est le cas des Pays-Bas, par exemple, qui pourtant ne passent pas pour un pays qui s’oppose aux idées les plus libérales. Soyons sérieux !

Enfin, nous cherchons des critères qui nous éloignent de l’arbitraire, monsieur Dray. Et la maîtrise de la langue est un critère que tout enseignant – n’est-ce pas, monsieur Braouezec ? – peut vérifier, ce qui n’est pas le cas, je vous l’accorde, de critères plus subjectifs, tels que les valeurs ou les traditions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vous remercie, monsieur Dray, d’avoir rappelé que nous nous connaissions avant que je ne sois au Gouvernement. Je tiens simplement à dissiper un malentendu parce que je ne voudrais pas que la majorité m’en fasse le reproche : nous n’étions pas du même côté des barricades.

M. Julien Dray. Je peux témoigner que vous n’étiez pas trotskyste ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vous sais gré de le reconnaître publiquement. (Sourires.)

Vous avez d’abord évoqué le problème de la connaissance du français. Il est clair que le préfet tiendra compte du diplôme d’initiation à la langue française, lequel sanctionnera la formation linguistique reçue dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration. Ce ne sera pas une décision arbitraire comme vous l’avez soupçonné, en introduisant d’ailleurs une notion assez intéressante pour le ministre des collectivités territoriales que je suis, à savoir la distinction entre le Nord et le Sud d’un même département – mais je ne suis pas sûr qu’une telle subtilité concerne le préfet.

Deuxième réflexion : comme l’a dit le rapporteur, ce dispositif ne fabriquera aucun clandestin puisque les personnes dont nous parlons ont toutes une carte de séjour. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté sur ce point. Si elles échouent et que le préfet estime qu’elles n’ont pas respecté leur contrat d’accueil et d’intégration, elles n’obtiendront pas leur carte de résident mais elles conserveront leur carte de séjour.

M. Bernard Roman. Pour trois mois !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Très concrètement, cela veut dire qu’elles disposeront à ce moment-là d’une deuxième chance.

Enfin, il est vrai que je n’étais pas là ce matin, mais je suis stupéfait des réactions sur certains bancs parce que je suis très fier de défendre un texte qui associe l’immigration et l’intégration, et qui en définit les conditions. Sans vouloir polémiquer, je ne suis pas sûr que les conditions de l’intégration aient été précisées sous la précédente législature.

M. Julien Dray. Nous, on voulait vraiment intégrer ! On ne faisait pas semblant !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 461.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 157.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, la carte de séjour sera peut-être maintenue, mais vous avez décidé de mettre un terme à un dispositif de régularisation qui était automatique après dix ans de séjour. Peut-être votre disposition ne va-t-elle pas fabriquer des clandestins, mais elle va contribuer à la précarisation de l’immigré sur notre territoire.

M. Julien Dray. Exact !

M. Noël Mamère. Elle n’est absolument pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous avons beaucoup discuté sur l’alinéa 2 de l’article 5, notamment sur la question de l’engagement personnel et sur le flou de son périmètre, qui laisse une grande part d’arbitraire au préfet. Mais comme si vous n’étiez pas satisfait d’un seul arbitraire, vous en avez ajouté un deuxième avec l’alinéa 3, qui introduit le maire dans le champ de l’intégration alors que ce n’est pas du tout son rôle. En quelque sorte, vous localisez une politique qui devrait avoir un caractère national. Le maire n’est absolument pas partie au contrat d’intégration et il ne saurait donc en aucun cas intervenir dans cette procédure.

En fait, pour aller dans le sens de ce qu’expliquait Julien Dray, votre dispositif va beaucoup plus loin que le pouvoir arbitraire donné aux préfets et aux maires puisqu’il réintroduit par ce biais une notion que le Conseil constitutionnel a rejetée : les quotas. Vous allez donner la possibilité à des maires d’introduire des quotas de résidents étrangers dans leur commune. Vous avez déjà, avec les polices municipales, transformé les maires en petits shérifs ; vous voulez leur donner un rôle dans le projet que vous préparez sur la prévention de la délinquance ; et voilà que maintenant, sur la question de l’intégration, vous leur donnez l’opportunité de faire leur tri entre les bons immigrés et ceux qu’ils n’aiment pas.

M. Daniel Mach. Il faut assumer ses responsabilités locales !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Noël Mamère se méfie des maires. Il a peut-être raison parce que j’en connais qui ne respectent pas la loi dans certains domaines…

M. Noël Mamère. Interpréter le code civil, ce n’est pas désobéir à la loi !

M. Thierry Mariani, rapporteur. À notre avis, le maire est le mieux placé pour apprécier le respect de la condition d’intégration. Il est évident qu’à Paris ou à Marseille, on ne s’attend pas à ce que le maire, quel qu’il soit, émette un avis sur l’intégration de tel ou tel, mais dans des communes moyennes – même à Bègles –, je suis persuadé que le maire peut savoir si, par exemple, la personne concernée est devenue un bon entraîneur du club de foot ou fait bien son boulot dans telle association, et émettre un avis circonstancié.

En outre, monsieur Mamère, vous nous faites un procès d’intention. Vous nous aviez fait le même procès en 2003 sur les attestations d’accueil. À l’époque, souvenez-vous, certains nous disaient que des maires allaient bloquer, n’appliqueraient pas la loi, etc. Je vous invite à lire le rapport d’application de la loi de 2003 et j’attends toujours qu’on me cite une seule commune où ces attestations n’ont pas été délivrées correctement. La commission a auditionné de nombreuses associations, je leur ai demandé de me dire si elles avaient eu connaissance de problèmes, mais aucune ne m’a cité un seul nom.

M. Julien Dray. Il y a d’autres associations ! Vous auditionnez toujours les mêmes ! Je vais vous faxer la liste des villes où ça se passe mal !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je l’attends. Mais parmi ces nombreuses associations, beaucoup étaient plutôt proches de vos amis que des nôtres.

Enfin, monsieur Mamère, je vous rappelle qu’hier – vous étiez présent –, à l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Brard, nous avons adopté un amendement que beaucoup de parlementaires de droite n’auraient pas osé déposer, qui prévoit que ce sont les maires qui remettent les titres d’accueil attribués par l’État.

M. Patrick Braouezec, M. Julien Dray et M. René Dosière. Ça n’a rien à voir !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Peut-être, mais ça leur donne de sacrées informations ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement en discussion ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Tout d’abord, monsieur Mamère, je rappelle une fois de plus que les personnes concernées disposent toutes d’un titre de séjour. Il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point.

Deuxièmement, l’avis du maire est purement consultatif et ne lie pas la décision du préfet. Mais c’est vrai qu’il peut lui apporter des précisions utiles à son information.

Enfin, je vous pose la question en dehors de tout esprit polémique : qui peut croire un seul instant qu’il existe un maire sur notre territoire qui serait totalement indifférent, imperméable au processus d’intégration des habitants étrangers de sa commune ? Si vous en connaissez un, il ne faut pas hésiter à le citer. Il est très étonnant d’entendre un maire, surtout vous-même, défendre dans cette assemblée une conception aussi napoléonienne de l’administration,…

M. Noël Mamère. Pas du tout !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …c’est-à-dire les préfets, rien que les préfets !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, je vous conseille la prudence sur le thème des noms que l’on doit citer. En ce moment, il y a des problèmes de noms sur des listes qui font une affaire d’État et un mensonge d’État.

Certains ont évoqué ce qui s’est passé à Bègles le 5 juin 2005, et je serais tenté de faire un rappel au règlement. Car il ne s’agissait pas du tout de désobéir à la loi mais d’interpréter le code civil au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Je rappelle que le ministre de l’intérieur de l’époque qui m’a suspendu de mes fonctions pendant un mois…

M. Charles Cova. Pour désobéissance !

M. Noël Mamère. …est le même qui est venu mentir devant la représentation nationale à propos d’une affaire extrêmement délicate qui remet en cause la légitimité de ce gouvernement et qui contribue à salir encore un peu plus l’image du personnel politique français. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. C’est odieux ce que vous dites !

M. Franck Gilard. C’est comme ça que l’affaire d’Outreau a commencé !

M. Noël Mamère. C’est donc vraiment la clinique qui se moque de l’hôpital !

Monsieur le ministre, même si l’avis du maire est consultatif, nous savons très bien qu’en ce domaine il est souvent suivi par le préfet. Je répète que vos arguments ne nous ont pas convaincus,…

M. Daniel Mach. Les vôtres non plus !

M. Noël Mamère. …pas plus qu’ils n’ont dû convaincre nos amis des bancs de la gauche, parce que votre dispositif donne trop d’importance aux maires. Je dis, sans défendre pour autant une conception napoléonienne, que chacun doit être à sa place. La politique d’intégration, c’est une politique nationale, ce n’est pas une politique qui doit être localisée ni qui doit donner l’opportunité au maire de choisir entre ceux qu’il va précariser et ceux auxquels il va accorder une récompense : c’est en effet ainsi que vous considérez la carte de résident.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le rapporteur, je relève une contradiction dans vos propos. Vous venez de nous dire que les maires des très grandes villes ne connaissaient pas leur population et qu’on n’allait donc pas leur demander un avis.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je n’ai pas dit cela.

M. Julien Dray. Mais si !

Pourquoi donc proposer, avec l’amendement n° 49, que la possibilité devienne obligation ? Vous vous contredisez ! Cet amendement implique en effet que tous les maires seront systématiquement consultés pour la délivrance du titre de séjour.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

M. Julien Dray. Votre contradiction révèle le problème : comment le maire d’une ville de 80 000 habitants pourrait-il donner son avis sur un individu qui, en général, ne dispose d’un titre de séjour que de six mois ou d’un an et qu’il ne connaît donc pas ? Le maire ne pourra s’appuyer que sur l’équilibre général de la commune ou sur un sentiment général. On entre alors dans l’arbitraire.

On m’objectera que tous les maires appliquent les lois de la République, mais c’est faux, vous le savez bien ! Certains maires par exemple n’appliquent pas la loi SRU, qui les oblige en principe à construire des logements sociaux. Ils préfèrent payer de fortes amendes plutôt que d’accueillir des pauvres dans leur commune, et d’ailleurs le disent ouvertement ! Ils pétitionnent auprès de la population et l’exhortent : « Soutenez ma démarche, restons entre riches, que les autres se débrouillent ! »

Il se passera exactement la même chose avec l’immigration. À l’approche des élections municipales, certains maires, notamment dans les communes où les relations avec les partis extrémistes sont tendues, seront tentés d’utiliser cette disposition pour faire des exemples, afficher leur fermeté et pouvoir clamer : « Vous voyez, je refuse d’émettre des avis favorables pour les titres de séjour ! »

L’exploitation politique est donc inévitable : vous rendez un fort mauvais service à la République et, précisément, à la politique de l’intégration. Les maires qui acceptent de prendre en charge les problèmes de la société affronteront de terribles difficultés, aggravées par ceux qui fuient leurs responsabilités.

Voilà pourquoi la disposition que vous proposez n’est pas acceptable, et encore moins sa systématisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Certains, dans cet hémicycle, sont maires depuis longtemps ; je ne le suis pour ma part que depuis cinq ans. Je trouve cette fonction passionnante et je n’accepte pas les procès d’intention que l’on fait depuis ce matin à ceux que l’on portait au pinacle il y a cinq mois !

M. Julien Dray. À certains maires seulement, comme celui de Montfermeil !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je conviens que certains ne respectent pas la loi : en ce cas c’est l’État qui ne sanctionne pas, et non les maires, qu’il faut critiquer. Quand vous ne respectez pas la loi, monsieur Mamère, l’État vous sanctionne. Si c’est le cas d’autres maires, ils devraient être sanctionnés aussi.

M. Julien Dray. Que tous les maires respectent la loi SRU !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai proposé, sur la loi SRU, un amendement en ce sens qui n’a pas été adopté.

M. Julien Dray. Et voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cessez néanmoins d’accréditer l’idée que la majorité des 36 000 maires de notre pays ne respectent pas cette loi et qu’ils utilisent leurs prérogatives pour déroger aux principes de la République !

M. Julien Dray. Cela arrive !

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet, mais vous ne pouvez tout de même pas laisser croire à nos concitoyens, par vos propos qui seront publiés au Journal officiel, que l’exception que vous dénoncez est la règle ! La fonction de maire est sans doute la plus difficile de la République, et il n’y a aucune raison de la stigmatiser.

Laissez-moi toutefois aller au bout de votre raisonnement, monsieur Dray. Si ce que vous dites est juste, pourquoi donc les maires distribuent-ils des secours par les CCAS ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. La décision n’est pas moins arbitraire ! Les maires peuvent donner à certains, et pas à d’autres !

M. Daniel Mach. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi leur laisser le droit de proposer des candidats à l’attribution des HLM ? N’est-ce pas tout aussi arbitraire ? Faudrait-il leur retirer ce pouvoir ? Pourquoi le maire définit-il la sectorisation scolaire ? Il peut aussi refuser la mixité sociale dans une école ! Pourquoi donne-t-il son avis sur le regroupement familial dans le cadre de l’OMI, devenu l’ANAEM ? Là encore, il y a de l’arbitraire !

Si l’on suit votre logique, sous prétexte que quelques-uns dérogeraient à l’esprit de nos lois et de la République, il faudrait retirer toutes ces attributions aux maires ! Que leur resterait-il ? Ils ne seraient plus des maires, mais des punching-balls : seuls face aux citoyens pour expliquer ce que l’État a décidé, sans avoir eux-mêmes aucun moyen d’action.

M. Daniel Mach. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas ma conception de cette magistrature. Je pense que les maires doivent assumer certaines responsabilités sur leur territoire. Et c’est au débat politique de faire justice des dérives électoralistes que vous évoquiez, monsieur Dray. C’est aussi cela, la démocratie.

Je suis étonné, monsieur Mamère, que l’élu girondin que vous êtes – au sens géographique et, en théorie, politique –défende la toute-puissance préfectorale : à l’époque où il en était ainsi, les choses, ce me semble, n’allaient guère mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, cette sollicitation du maire – facultative, ou systématique si l’amendement de la commission est adopté – pose problème. Aujourd’hui, les maires sont mis à toutes les sauces ! On leur transfère de plus en plus de responsabilités et de compétences.

M. Jérôme Lambert. Sans que les moyens suivent !

M. Étienne Pinte. En effet.

Au-delà des aspects financiers, la question est de savoir selon quels critères un maire pourra donner son avis au préfet. Si vous envisagiez un décret sur ce point, on pourrait y voir plus clair, mais un tel garde-fou n’est pas prévu dans le projet de loi. Il serait pourtant bien nécessaire.

Par ailleurs, comme l’ont dit M. le rapporteur et à sa suite M. Dray, si les préfets pourront toujours saisir les maires de communes moyennes, comment fera-t-on dans les communes de plus de 80 000 habitants ? Celles-ci sont trop importantes pour que le maire connaisse les tenants et aboutissants des contrats d’intégration signés par l’État. Il y aura deux poids, deux mesures. Les préfets recueilliront l’avis des maires des communes moyennes, mais ne pourront le faire avec ceux des villes plus importantes. La loi doit pourtant être la même pour tous ! Prétendre que l’on saisira les uns et pas les autres engendre une fâcheuse ambiguïté.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit ! C’est M. Dray qui l’affirme !

M. Étienne Pinte. C’est ce que vous avez déclaré tout à l’heure, monsieur le rapporteur.

Dans ces conditions, je suis défavorable à la sollicitation du maire. Je ne vois pas pourquoi, dans un domaine aussi sensible, on lui demanderait de faire des investigations. Cette disposition nous place dans la même situation que pour le logement social évoqué tout à l’heure, avec les contingents préfectoraux et les possibles dérives que l’on imagine.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Tout d’abord, monsieur Mariani, l’amendement présenté par M. Brard et adopté par notre assemblée vise à faire remettre en mairie le titre de séjour, comme c’est le cas pour n’importe quel autre titre d’identité. Cette disposition met les gens sur un pied d’égalité ; elle n’a rien à voir avec celle qui associe le maire à une décision qui lui échappe totalement.

Je ne suis pas d’accord avec les arguments de M. Lagarde. Même si certains transferts de compétences ne sont pas suivis des moyens afférents, l’aide sociale, le logement ou la sectorisation scolaire incombent désormais au maire. J’ai exercé cette fonction pendant quatorze ans et j’ai assumé mes responsabilités en la matière.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et pour le regroupement familial ? Le maire donne bien son avis !

M. Patrick Braouezec. Mais dans le cas présent, les maires devraient donner leur avis sur des personnes qui, comme l’a rappelé Étienne Pinte que j’approuve totalement sur ce point, résident depuis peu de temps en France, un avis – facultatif ou obligatoire ? – dont on ne sait d’ailleurs ce que l’on fera. On risque de tomber dans l’arbitraire le plus total !

Je ne suis pas de ceux qui jettent la suspicion a priori sur les maires, mais reconnaissez-le, celui qui administre une petite commune ne sera pas à l’abri des pressions qui pourront s’exercer pour qu’il donne un avis négatif sur une personne qui « dérange » dans le paysage : le syndrome de NIMBY – not in my backyard – ne vaut pas seulement pour les questions de logement social !

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. On prépare une situation malsaine, y compris pour les maires. La question de l’immigration est nationale et c’est préserver les maires que de laisser pleinement cette compétence à l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’ai l’impression de revivre le débat de 2003 où, pour des raisons que j’ignore, vous faisiez déjà preuve d’une grande méfiance à l’égard des maires dans ce domaine. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Avant la loi de 2003, le maire ne faisait qu’authentifier la signature sur ce que l’on appelait alors les certificats d’hébergement. Nous étions passés, je vous le rappelle, de 130 000 certificats en 1997 à 730 000 par an.

M. Bernard Roman. Pourrait-on avoir confirmation de ces chiffres ? Ils sont introuvables !

M. Julien Dray. Ce chiffre de 730 000, c’est le cumul sur cinq ans !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pas du tout, monsieur Dray : plus de 700 000 par an, lisez le rapport !

M. Julien Dray. Justement, ce n’y est pas !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Depuis que l’on a donné aux maires les moyens de vérifier, entre autres, les conditions de logement et de revenus, on a retrouvé une juste proportion. On nous annonce toujours, par ailleurs, que l’on va énumérer les villes où cela va mal : à ma connaissance, pour l’instant, on n’a cité qu’un seul nom !

Nous avons le même débat qu’en 2003, lorsqu’il s’était agi de donner davantage de moyens aux maires en matière de certificats d’hébergement et de regroupements familiaux : c’est la même suspicion.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas du tout un problème de suspicion !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il ne s’agit en l’occurrence que de donner plus de pouvoir aux maires et de les inviter à donner leur avis – et pas davantage – sur l’intégration.

Monsieur Pinte, vous avez repris les arguments de Julien Dray, mais je n’ai jamais dit qu’il y aurait deux poids, deux mesures. Simplement, lorsqu’on est maire d’une grande ville, compte tenu de l’importance de la population, je vois mal comment l’on peut avoir un avis sur les conditions d’intégration d’un individu. Il en va autrement dans les petites villes. J’ai moi-même été maire d’une commune de 10 000 habitants pendant seize ans. Au bout d’un an, je connaissais déjà ceux qui déclenchaient la panique le soir dans les rues et ceux qui apprenaient aux gosses à jouer au football.

M. Daniel Mach. Tout à fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Certains maires, parce que la taille de leur commune le leur permet, ont peut-être les moyens d’apprécier l’intégration d’un individu : pourquoi se priver de cet avis ? Nous ne proposons rien d’autre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je le rappelle une fois encore, les étrangers dont nous parlons sont ceux qui possèdent une carte de séjour depuis cinq ans.

M. Bernard Roman. Pas du tout !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Or en cinq ans, ils auront noué des relations, participé à la vie associative, scolarisé leurs enfants. Le maire et son équipe municipale sont à même de les connaître et d’éclairer de manière utile la décision du préfet. C’est bien ce dernier, en effet, qui décide d’attribuer la carte de résident.

Je pose une question simple : si un étranger se refuse à scolariser ses enfants, s’obstine à cloîtrer sa femme et tient des propos contraires aux principes républicains, quelle est la personne la mieux informée sinon le maire ? Celui-ci est le premier magistrat de la commune et il est le mieux à même de rassembler les informations en la matière.

L’opposition est en pleine contradiction sur ce point. D’un côté, Julien Dray – j’espère ne pas trahir sa pensée –dénonce l’arbitraire qui s’attacherait à la décision du préfet à cause de l’imprécision de la condition d’intégration ; de l’autre, toujours sur les bancs de l’opposition, on se refuse – en tout cas M. Mamère – à permettre au préfet de recueillir l’avis du maire. Il faut être logique dans la critique, et faire ses choix !

M. Julien Dray. C’est toujours l’arbitraire !

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’estime que l’Assemblée est maintenant bien informée des positions des uns et des autres. (Exclamations sur de nombreux bancs.)

M. Julien Dray. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous l’accorde à nouveau puisque vous venez d’être cité, mais soyez bref !

M. Julien Dray. Nous aurons l’occasion de revenir sur la question des maires mais les propos de M. Hortefeux soulèvent un autre problème : l’article 5, dit-il, concerne des étrangers présents sur notre territoire depuis plus de cinq ans. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Braouezec. Non, en effet !

M. Julien Dray. Ce sont des gens qui peuvent n’avoir qu’un récépissé. S’ils étaient là depuis cinq ans, on pourrait considérer, à la limite, que les choses sont différentes. Mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Dray, nous sommes bien dans ce cas-là : c’est l’actuel article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Je vous invite à le relire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pour finir de répondre à M. Dray, je le renvoie à la page 16 du rapport de février 2006 où il trouvera les chiffres des attestations d’accueil qu’il semble ignorer et qu’il remet en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Ce ne sont pas ceux que vous donnez ! Plus c’est gros, mieux ça passe !

M. Bernard Roman. Je demande la parole…

Mme la présidente. Non, monsieur Roman !

M. Bernard Roman. …pour un rappel au règlement !

Mme la présidente. Dans ce cas, allez-y !

M. Bernard Roman. On nous assène des chiffres comme des vérités. Nous les reprendrons encore, notamment à propos des étudiants, pour les mettre en regard de ce qu’a dit M. le ministre, hier, en présentant son texte, et de l’ambition qui est la sienne de corriger des faits que ne confirment pas les statistiques.

Monsieur Mariani, vous nous avez affirmé que le nombre d’attestations était passé de 130 000 à 700 000…

M. Patrick Braouezec. Plus : 720 000 !

M. Bernard Roman. …au cours de la période 1998 – 2005, ou plus exactement 2004.

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’ai dit 712 000 !

Mme la présidente. N’entamez pas un dialogue : ces explications intéressent l’Assemblée tout entière !

M. Franck Gilard. Mais il ne sait pas lire !

Mme la présidente. Je vous en prie, laissez parler l’orateur ! Poursuivez, monsieur Roman.

M. Bernard Roman. Je suis à la page 16 du rapport qui indique qu’en 1999 – les chiffres de 1998 n’y figurent pas –, il y a eu 436 000, et non pas 120 000, attestations d’accueil et que nous en étions, en 2004, à 570 000. Il n’y a aucune commune mesure entre un rapport de 1 à 7 et un rapport de 1 à 1,2 ! On ne saurait justifier ainsi n’importe quel discours sur l’évolution de l’immigration !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je maintiens tous mes chiffres : en 1998, 120 457 attestations d’accueil. Je vous ferai tenir ce rapport, monsieur Roman, car celui que vous avez entre les mains ne comporte pas la colonne des chiffres pour 1998 et je ne vois donc pas comment vous pouvez prétendre que j’ai menti ! J’ai cité aussi le chiffre de 2001 – soit juste avant le vote de la loi de Nicolas Sarkozy –, à savoir 712 000, chiffre effectivement supérieur à 700 000.

M. Bernard Roman. Voilà qui montre simplement que les chiffres sont utilisés à tort et à travers !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 157.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 49.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Actuellement, la saisine du maire est facultative. Nous proposons de la rendre obligatoire, ce qui ne signifie pas que le maire soit pour autant tenu de rendre un avis. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Donc, ça ne sert à rien !

M. Thierry Mariani, rapporteur. On lui demande si oui ou non il pense que telle ou telle personne remplit les conditions d’intégration. S’il a une réponse, il peut la donner. S’il n’en a pas – je conçois, par exemple, que dans une très grande ville, on ne puisse pas connaître tous les habitants –, il ne répond pas. Voilà tout ! Ce n’est qu’une faculté.

Si vous ne comprenez pas, c’est que je m’exprime mal ou que vous êtes de mauvaise foi !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il paraît utile au Gouvernement qu’il y ait une saisine systématique du maire. L’appréciation du préfet, naturellement, ne sera pas liée par l’avis du maire. Avis favorable à l’amendement n° 49.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Monsieur le rapporteur, il vous a déjà été demandé ce que ferait le préfet de l’avis du maire qu’il aura sollicité. En tiendra-t-il compte dans sa décision ? Trop souvent, dans bien d’autres domaines, on sollicite l’avis du maire, mais il n’est nullement pris en considération par la tutelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. J’aimerais m’attarder sur la question du rôle des maires en observant que M. Mariani nous avait habitués à plus de rigueur intellectuelle. Qu’il me pardonne ce propos un peu vigoureux : qu’est-ce que cette salade ? On demande l’avis du maire, en comprenant que celui d’une ville de plusieurs milliers d’habitants ne puisse le donner, car il ne peut les connaître tous, et de toute façon, il n’en est pas tenu compte, puisque c’est le préfet qui décide ! Ou bien on demande un avis, et on peut ou non s’y conformer. Ou bien on ne le demande pas ! Mais on n’en demande pas un, facultatif, dont le préfet, en tout état de cause, n’a rien à faire puisque c’est lui qui décide !

Pour ma part, je suis maire d’arrondissement et ne dispose pas de grands moyens, contrairement à M. Lagarde, semble-t-il. Je n’ai pas de fichier nominatif, et je ne connais pas tout le monde – 172 000 habitants ! Je reçois, comme chacun d’entre nous, des lettres anonymes dénonçant qui un fraudeur, qui un clandestin ; tel autre, en revanche, m’informe, en signant, qu’une personne a fait quelque chose de très bien.

Le rôle du maire n’est pas d’effectuer un contrôle policier pas plus des nationaux que des étrangers ou des impétrants. Et nos critères courants d’intégration ne sont pas transposables à tout le monde ! Un tel est volontaire chez les sapeurs-pompiers : c’est une magnifique preuve d’intégration. Tel autre fait œuvre caritative dans une association. Mais quid d’un troisième qui aide, discrètement, sa voisine de palier paralysée à faire ses courses ? C’est tout aussi méritoire, mais personne ne me le fait savoir ! L’implication citoyenne – nous le savons tous – peut être infime mais suffisamment importante pour contribuer au bien public.

Je suis, par conséquent, extrêmement perplexe sur cette montée en puissance du rôle du maire. Même si, à un moment où la politique nationale est peu engageante, il est normal qu’on trouve les élus locaux formidables ! L’étant moi-même, je suis forcément d’accord ! (Sourires.) Ne les surestimons pas pour autant : ils ne sont ni omniscients ni omnipotents, quelle que soit la taille de leur ville et quelles que soient l’efficacité et la bonne tenue de leurs services municipaux !

Je vois que M. Sarkozy nous a rejoints. Vous nous avez demandé, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, de surveiller attentivement les mariages, en particulier lors de l’examen de la loi sur le contrôle de la validité des mariages. En moyenne, dans un arrondissement parisien, 800 mariages sont célébrés chaque année, parfois plus. J’ai calculé que si je devais – simplement pour appliquer la loi, nous avons d’ailleurs reçu, pour cela, un « mode d’emploi » du procureur – passer entre un quart d’heure et une demi-heure avec chacun des couples, dont mes adjoints auraient estimé qu’ils étaient un peu « suspects », j’y passerais plus de deux cents heures ! Nous avons opté pour une solution boiteuse : n’auditionner que certains couples, par exemple ceux qui ont une grande différence d’âge. Ce n’est d’ailleurs pas très satisfaisant : à partir de combien d’années doit-on la considérer comme anormale ?

Tout cela nous met dans des situations délicates. Je vous le dis très franchement, sans aucune intention partisane : quelle est la limite entre la mise en évidence d’un mariage forcé ou « bidon » et l’intrusion dans l’intimité d’un couple – réel, même s’il n’entre pas tout à fait dans la norme ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko. Je termine, madame la présidente.

Soumettons les maires à un certain nombre d’obligations mais, de grâce, cessez de faire croire qu’ils peuvent tout décider et qu’ils sont plus clairvoyants que l’administration préfectorale.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette polémique n’a aucun sens, monsieur Blisko. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec. C’est l’alinéa qui n’en a pas !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, je m’occuperai de vous plus tard !

M. Patrick Braouezec. Je n’ai nul besoin que vous vous occupiez de moi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je vais vous expliquer pourquoi cela n’a aucun sens.

Selon l’argumentation que défend le groupe socialiste depuis le début du débat, la régularisation par le préfet est arbitraire.

M. Jérôme Lambert. Il n’y a pas de critères !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement propose de demander l’avis des maires, ce qui présente l’immense avantage, puisqu’ils ne sont pas tous de la même couleur politique, de sortir le problème des régularisations d’un affrontement entre la gauche et la droite, car l’on peut être assuré que leur expérience et leur diversité politique permettent de tourner le dos à toute forme d’arbitraire.

M. Bernard Roman. C’est un sophisme, monsieur le ministre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je conviens que demander l’avis du maire ne constitue pas une solution parfaite. D’ailleurs, il n’y en a pas ! Mais quelle proposition nous faites-vous ?

L’alternative, ce serait de laisser le préfet décider sans demander l’avis de quiconque. Vous ne manqueriez pas, alors, de reprocher au Gouvernement cette vision administrative de la question !

Le préfet doit être obligé, comme le suggère M. Mariani, de demander l’avis des maires, et ces derniers ne sont pas obligés d’en donner un, pour la simple raison qu’ils ne connaissent pas toujours les personnes concernées. Mais ils peuvent aussi les connaître, monsieur Pinte, car il s’agit d’étrangers qui résident dans une commune depuis au moins cinq ans et qui sont si intégrés qu’ils demandent un titre de séjour de dix ans : sur nombre de ces cas, je prétends que le maire a un avis. À qui voudriez-vous que le préfet demande à un avis, sinon au maire ? Au curé, au rabbin, à l’imam ? Que n’entendrais-je pas, alors, quant au respect de la laïcité !

Vraiment, à bien y réfléchir, et après avoir écouté M. Blisko, je considère que la formule proposée par le Gouvernement est, de loin, la meilleure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je connais M. le ministre…

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Depuis quand ?

M. Julien Dray. Depuis longtemps ! Avant d’être député ! Nous étions jeunes !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et minces, et chevelus ! (Sourires.)

M. Julien Dray. Je sais que quand il est en difficulté, il hausse le ton – la technique est classique –, pensant impressionner son adversaire et le faire reculer.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Son contradicteur !

M. Julien Dray. Je vous accorde le contradicteur !

J’ai interrogé, il y a quelques instants, M. Hortefeux mais il ne m’a pas répondu. Il n’est pas vrai que l’article en question concerne des étrangers qui résident en France depuis plus de cinq ans. Le plus souvent, ce sont des personnes qui ne sont là que de façon temporaire, ne sont titulaires que d’une carte de séjour d’un an et qui vont demander à accéder à la carte de résident.

Mais laissons de côté cette question pour le moment. Nous sommes contre les décisions arbitraires et nous l’avons démontré. Si nous nous opposons à la saisine des maires, c’est parce que vous voulez les associer à cette démarche arbitraire.

Enfin, le plus grave dans cette affaire, c’est l’amendement n° 49, qui transforme en obligation la possibilité pour l’autorité administrative de saisir pour avis le maire, tout en reconnaissant que cette obligation ne pourra pas s’appliquer dans un certain nombre de communes. Faites preuve de cohérence en ne soutenant pas l’amendement de M. Mariani ! Ouvrez simplement cette possibilité au préfet ! Si vous la transformez en obligation, les maires qui ne pourront pas répondre seront mis en difficulté.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est une obligation pour le seul préfet !

M. Julien Dray. Le texte de votre amendement vise bien à substituer aux mots : « peut saisir », le mot : « saisit ». Vous voulez donc bien transformer une possibilité en obligation. Cela signifie que les maires qui ne pourront pas répondre seront mis en accusation par des gens qui se demanderont pourquoi ils ne l’ont pas fait.

Mieux vaudrait, même dans votre propre logique, en rester à la possibilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je vous le dis en toute amitié, monsieur le ministre, je n’ai pas besoin que vous vous occupiez de moi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pourquoi ?

M. Patrick Braouezec. J’ai ma famille, mes proches, mes amis, mes collègues, mes administrés…

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le parti ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. Je n’ai jamais confondu le parti et ma famille… Et je sais où sont mes amis et mes camarades !

Je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement et du rapporteur sur cet alinéa. Vous dénoncez souvent – parfois à juste titre – une bureaucratie inutile, alors que vous l’introduisez dans ce texte ! Le préfet devra en effet envoyer un courrier au maire qui répondra ou ne répondra pas. À quoi cela sert-il ? Pensez-vous vraiment que les préfets continueront longtemps à envoyer une demande d’avis aux maires sur tel ou tel ressortissant ? Cette mesure, qui ne fait que compliquer les démarches administratives, n’a aucun sens.

Par ailleurs, je ne comprends toujours pas que l’on nous dise que cette mesure s’adresse à ceux qui résident depuis plus de cinq ans sur notre territoire. En effet, l’alinéa 3 ne traite que de ceux qui sont concernés par l’article L. 311-9, c’est-à-dire les étrangers admis pour la première fois au séjour en France, qui souhaitent s’y maintenir durablement et auxquels on demande de conclure avec l’État un contrat d’accueil et d’intégration, avec l’obligation de suivre une formation civique et linguistique. Nous ne parlons pas des mêmes personnes !

Madame la présidente, je demande une suspension de séance afin de clarifier ce point.

Mme la présidente. Elle est de droit.

Auparavant, je donne la parole à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je soutiens, bien sûr, la demande de suspension de séance de M. Braouezec.

En réalité, ceux qui fragilisent les conditions d’entrée et de séjour des immigrés sur notre territoire, ce sont les auteurs de ce projet de loi, à commencer par vous-même, monsieur le ministre d’État. Gardez-vous donc, pour justifier votre texte, de nous attaquer en nous montrant du doigt comme si nous étions les tenants d’une France extrêmement centraliste qui refuseraient de donner des pouvoirs aux maires !

Votre projet de loi précarise encore un peu plus les étrangers qui résident sur notre territoire. Vous jouez sur l’amalgame entre les immigrés qui sont là depuis cinq ans et ceux qui sont arrivés depuis peu. Vous leur imposez, par une procédure policière déguisée, de nouveaux examens pour pouvoir bénéficier de l’entrée et du séjour dans notre pays.

La question des pouvoirs respectifs des préfets et des maires dans cette affaire est tout à fait secondaire par rapport à l’esprit de votre texte, lequel ne fait que fragiliser ceux qui demandent à vivre décemment dans notre pays, dans le respect des valeurs de la République. Après avoir mis en place les outils pour les précariser, vous ne faites ici qu’en rajouter en les renvoyant à l’arbitraire du préfet et à l’avis du maire qui peut encourager la sélection à la tête du client.

Voilà pourquoi nous combattons ce projet de loi, cet article et en particulier cet amendement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 50 de la commission.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 331.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le maire ne doit pas devenir une simple machine à distribuer des avis. Cet amendement vise donc à imposer au préfet, l’autorité administrative qui délivre les cartes de résident, l’obligation de l’informer de sa décision dans un délai de deux mois. Pareil engagement avait déjà été pris par le Gouvernement lors d’une loi précédente, mais il n’a jamais été tenu. Le maire doit pourtant savoir comment son avis est pris en compte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je suis favorable à l’idée, mais pas à l’amendement, qui ne relève pas du domaine législatif. J’appelle toutefois le Gouvernement à donner aux préfets des instructions en ce sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. L’essentiel est que des relations de confiance s’instaurent entre le maire et le préfet. Or je crains, monsieur Lagarde, que votre proposition ne conduise à un mécanisme trop complexe. La suggestion du rapporteur devrait cependant répondre à votre préoccupation.

M. Jacques Myard. Il va falloir rédiger une circulaire !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’entends bien vos objections. Je sais que l’on ne devrait pas avoir à écrire une telle mesure dans la loi. Elle est peut-être, en effet, du domaine réglementaire. Le problème est que nous avons eu ce débat il y a trois ans et que le Gouvernement s’est alors engagé à ce que les maires soient informés des décisions prises à la suite des avis qu’ils donnaient – je pense en particulier aux avis transmis à l’OMI, devenu aujourd’hui l’ANAEM. Or cet engagement n’a pas eu de suite. Mon amendement vise à ce que les administrations le respectent à l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. On ne peut prendre cette mesure sous la forme législative, mais je prends l’engagement de demander aux préfets d’informer les maires dans un délai de deux mois.

M. Jérôme Lambert. Cela ne coûte pas cher !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 331.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 51 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’exempter les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans de l’obligation de maîtriser la langue française pour obtenir un titre de séjour.

M. Serge Blisko. C’est le bon sens !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Un cas typique est celui d’une mère que l’on fait venir de l’étranger pour garder les enfants. Je laisse au Sénat le soin de juger si cette limite d’âge est pertinente… (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. La remarque sur le Sénat mise à part, le Gouvernement est d’accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Pour ma part, je regrette que cette limite ne soit pas abaissée à dix-huit ans. (Sourires.)

Nous sommes tous d’accord pour affirmer que la langue est un facteur d’intégration : elle ne doit pas devenir un facteur d’exclusion. J’ai rappelé ce matin que l’illettrisme touchait 20 % de la population de notre pays. Comment font les Français illettrés ? Ils se débrouillent avec l’aide de leurs enfants ; on voit refleurir les écrivains publics ; dans les petites communes, certains maires sont parfois amenés à remplir des déclarations d’impôt pour des « nés natifs ». Nous n’avons aucune raison de penser que la part des immigrés analphabètes n’est pas au moins aussi importante.

M. Jacques Myard. Parler, lire et écrire, ce n’est pas la même chose !

M. Philippe Tourtelier. Or vous les condamnez d’avance, ce qui est d’ailleurs dans la logique de tri sélectif qui caractérise ce texte : d’un côté, on instaure la carte « compétences et talents », avec un risque de pillage des cerveaux ; de l’autre, on rejette les immigrés analphabètes dans la précarité ou dans l’illégalité – même si ce n’est plus que jusqu’à soixante-cinq ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Il est très bien de prendre en compte la situation des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans qui souhaiteraient s’installer en France. Néanmoins, monsieur le ministre, a-t-on une idée du nombre de personnes concernées ? Je n’ai, quant à moi, pas d’idée globale. Toutefois, en tant qu’ancien président et actuel vice-président du groupe d’amitié France-Algérie, j’ai été souvent amené à m’intéresser à ces questions. J’ai le sentiment que nous devons faire face à de grosses difficultés quand une personne de cet âge souhaite venir en France, ne serait-ce d’ailleurs que pour rendre visite à sa famille, donc sans vouloir s’y installer.

N’êtes-vous pas en train de faire de l’humanisme pour pas cher ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je ne referai pas le débat, monsieur Lambert. Vous m’avez interrogé sur un point précis. L’année dernière, exactement 25 477 cartes de résident ont été délivrées.

M. Jérôme Lambert. Combien pour les plus de soixante-cinq ans ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 52.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Coordination !

Mme la présidente. Avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 407.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rédactionnel !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 407.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. Sur l’article 6, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. L’article 6 et ceux qui le suivent concernent plus particulièrement les étudiants.

Monsieur le ministre, j’avoue ne pas très bien comprendre où veut en venir le Gouvernement avec la politique d’immigration qu’il préconise ici. Je ne comprends pas davantage le ressort de l’analyse que M. Mariani fait de cette question dans son rapport, lequel reprend d’ailleurs des extraits de l’intervention du ministre de l’intérieur. Ainsi, partant du constat que les migrants les plus compétents partent aujourd’hui vers le continent américain, tandis que les moins compétents viennent dans notre pays suivre des études – et je le dis sans aucune arrière-pensée – de premier ou de deuxième cycle universitaire, le ministre de l’intérieur propose d’y remédier et de « faciliter la venue en France d’étudiants, de personnalités, qui pourront apporter à notre pays leurs talents et acquérir en retour une expérience utile à leur pays d’origine ». Il est formidable de proposer cette politique ! Mais elle se fonde sur une analyse, largement applaudie hier dans cet hémicycle, que tous les chiffres démentent. En effet, si, entre 1990 et 1998, le nombre d’étudiants étrangers en France avait baissé de plus de 12 000, depuis 1998, grâce à la loi RESEDA qui a obligé les consulats à motiver les refus de visas pour les étudiants et à mener une politique volontariste, il est passé, j’attire votre attention sur ce chiffre, de 29 000 en 1998 à 65 000 en 2002. Contrairement à ce que laisse entendre votre raisonnement, cette politique volontariste a permis de cibler les futures élites, notamment en les orientant vers les deuxième et troisième cycles. Nous avons donc le sentiment d’être encore dans le discours incantatoire ! À partir d’un constat que tous les chiffres et toutes les réalités démentent, on propose de mener une politique qui justifie un certain nombre de nouveaux outils.

En 2003, monsieur Mariani, vous étiez rapporteur du premier texte sur l’immigration. « Nous sommes très critiques vis-à-vis de la loi Chevènement… », disiez-vous à l’époque, et cela n’a rien d’étonnant, « …mais elle a incontestablement eu le mérite de permettre que le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers passe de 29 000 en 1998 à 65 000 en 2002. » Je vous remercie d’avoir dressé ce constat voici à peine trois ans. Mais aujourd’hui, vous écrivez dans votre rapport que « l’augmentation du nombre des étudiants étrangers ne relève pas d’une véritable stratégie. » Doit-on croire le « Mariani version 2003 » ou le « Mariani version 2006 » ? Nous connaissons aujourd’hui précisément la répartition des étudiants étrangers grâce à l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration. Je citerai quelques chiffres. Le nombre d’étudiants étrangers dans nos universités n’a cessé de croître depuis 1998. L’augmentation est plus marquée dans les deuxième et troisième cycles que dans le premier cycle. Donc, quand on nous dit qu’il faut viser l’excellence et délivrer davantage de titres de séjour pour des étudiants étrangers qui choisiront les filières les plus perfectionnées, on ne fait que rappeler ce qui se fait déjà. En 2003-2004, les étudiants étrangers représentaient 9,7 % des inscrits dans le premier cycle, 13,9 % dans le deuxième cycle et 24,8 % dans le troisième. On nous dit qu’il faut développer le deuxième et le troisième cycle, monsieur le ministre : c’est chose faite ! Nous formons déjà des élites et, contrairement aux propos du ministre et du rapporteur, cette politique conduite depuis 1998 n’a pas été modifiée en 2003.

S’agissant de l’origine géographique – et ce n’est pas neutre – plus de la moitié des étudiants étrangers sont originaires des pays d’Afrique et près d’un sur trois du Maghreb. Le nombre d’étudiants africains a augmenté de près de 75 % entre la rentrée universitaire de 1998 et celle de 2003. Un étudiant étranger sur quatre est européen. Quant aux étudiants originaires d’Asie, hors Moyen-Orient, leur effectif a augmenté de 70 % de 1998 à 2004.

Pourquoi souhaite-t-on, à partir d’un constat totalement contredit par la réalité, reprendre dans ce texte des objectifs que nous sommes en train d’atteindre, que le Gouvernement a confortés en 2003, considérant que c’était finalement la seule bonne mesure des lois précédentes, et inventer pour les titres de séjour une nouvelle usine à gaz qui contribuera à complexifier davantage la politique d’immigration en ce qui concerne les étudiants ?

Nous avons déposé un certain nombre d’amendements, mais je souhaitais soulever cette interrogation qui rejoint finalement l’analyse que nous faisons de l’ensemble du projet. Ce texte, inutile pour le droit du travail, l’est aussi en matière de statut étudiant. Il est dangereux, car il remet fondamentalement en cause toute la politique de la France en matière d’immigration familiale et de droit d’asile. Il aura de graves conséquences parce qu’il multipliera dans notre pays le nombre d’immigrés en situation irrégulière.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je n’ajouterai rien aux propos de M. Roman, si ce n’est que je me pose les mêmes questions. Quel est l’objet de cet article 6 ?

Une analyse à la fin des années quatre-vingt-dix, eu égard à la globalisation des échanges intellectuels et universitaires, avait conclu à un grave manque d’étudiants étrangers en France. Certains pays à plus forte capacité de développement économique et plus attractifs que le nôtre ont su « capter » des étudiants étrangers en plus grand nombre que nous. J’ai donc cru comprendre que nous allions – et c’était le sens de plusieurs circulaires jusqu’en 2003 – faciliter l’obtention de visas pour ces étudiants étrangers avec sans doute deux variantes.

Il convenait, en premier lieu, de distinguer, comme le précisait M. Roman, entre premier et deuxième cycle, d’une part, et troisième cycle, d’autre part, que vous semblez vouloir favoriser, ce qui peut se discuter. En effet, pour compter de bons étudiants en troisième cycle, il est nécessaire de les former en premier et deuxième cycle.

En second lieu, il ne fallait pas oublier, si l’on opte pour les troisièmes cycles ou les « post-doc », la question de l’origine géographique. Cela revient à poser le problème du rayonnement international de la France, voire du développement de la francophonie ou des modèles français aujourd’hui battus en brèche par les modèles anglo-saxons et américains, en particulier. Pour que la France continue à attirer des élites, ce qui est discutable, si cette « captation des cerveaux » s’avère inéluctable, encore faut-il avoir quelque chose à leur proposer : simplification du droit administratif, des formalités, mise en place de relais sociaux étudiants dans les universités françaises, comme il en existe dans un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur et à la Cité internationale universitaire de Paris. Cela faciliterait l’arrivée des étudiants étrangers, qui est déjà suffisamment traumatisante, car les questions du logement et de la distance entre la France dont ils rêvaient et celle qu’ils découvrent se posent et méritent d’être examinées.

Que voulez-vous exactement ? Quels étudiants voulez-vous attirer, de quel pays et pour quoi faire ? S’agit-il de préparer de futurs diplômés qui combleront les trous dans telle ou telle profession ? Pourquoi pas ? Encore faut-il le dire. Est-ce pour accentuer le rayonnement international de la France ? Ainsi, l’étudiant qui repartira dans son pays restera en rapport avec les universités françaises, avec les laboratoires et les centres de recherche et continuera à lire les publications en français. Pourquoi pas ? Souhaitez-vous plutôt des séjours temporaires qui ne déboucheront pas – et c’est tout à fait à l’inverse de ce que vous essayez maladroitement de bâtir dans les articles suivants – en matière d’intégration dans le monde professionnel français ? Souhaitez-vous former des ressortissants de pays du Sud qui ont vocation à y retourner après une période d’apprentissage universitaire et professionnel ? Comment liez-vous cette question avec celle tout à fait angoissante pour un certain nombre d’universitaires français des « post-doc » partis dans des pays anglo-saxons en particulier et qui ne rentrent pas en France, non parce qu’ils n’aiment ni son climat ni ses fromages, mais tout simplement parce qu’ils n’y trouvent aucun emploi ?

Cette question a été posée à tous les ministres de la recherche, à M. Allègre comme à Mme Haigneré et à M. Goulard. À chaque fois, nous n’avons reçu que des réponses très elliptiques, en particulier de M. Goulard. Nous ne comprenons pas quel est le but d’une telle politique.

Chaque conception peut être discutée, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. Nous, nous voyons simplement la population des étudiants qui veulent étudier chez nous et qui sont plusieurs dizaines de milliers, souvent plus proches de la trentaine que de vingt ans, et viennent de pays très différents, à un moment où l’on assiste à une internationalisation et une globalisation du « marché mondial de la matière grise » – excusez ce terme. Or, avec vos complexités, vos obscurités, vos arrière-pensées, votre méfiance, votre désir de les attirer tout en ne les attirant pas ou en cherchant à les renvoyer le plus vite possible chez eux, vous êtes en train de passer complètement à côté de ce grand courant d’échanges internationaux, au point que, aujourd’hui, les étudiants ne se précipitent plus vers la France mais lui préfèrent d’autres pays, que nous prétendions concurrencer.

J’attends des réponses à ces questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Serge Blisko vient de dire à l’instant qu’il ne comprenait pas trop bien le sens de cet article 6. De fait, il faut le lire non seulement entre les lignes mais également entre les chiffres. Au deuxième alinéa, il est écrit : « les mots : “de l’article L. 313-8 ou de l’article L. 313-10” sont remplacés par les mots : “des articles L. 313-7 ou L. 313-8” ». Il est toujours fait référence à l’article L. 313-8 mais dans un ordre différent, et – tour de passe-passe ! – on ne trouve plus l’article L. 313-10. Et ce n’est pas pour rien puisque celui-ci disposait : « La carte de séjour temporaire délivrée à l’étranger qui désire exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifie avoir obtenu cette autorisation porte la mention de cette activité, conformément aux lois et règlements en vigueur. » Vous me direz que cet article de code n’a plus rien à faire là puisque l’article 6 du projet concerne les étudiants. Mais c’est en fait une bonne manière de « dégager » tous ceux qui étaient venus pour travailler et de réintroduire dans le texte de loi la question du travail que l’on oriente ou, pour être plus clair, que l’on choisit. Nous demanderons bien entendu dans un amendement la suppression de ce deuxième alinéa, pour rétablir le texte de la loi de 2003 qui, au moins sur ce point-là, donnait une garantie de travail à ceux qui venaient dans notre pays pour travailler.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Mon intervention portera sur la question des étudiants étrangers, qui concerne à la fois l’article 6 et l’article 7.

La réforme envisagée concernant les étudiants étrangers – cela a été dit et répété, mais je pense qu’il n’est pas inutile d’y revenir –, s’inscrit dans une volonté de sélection des meilleurs éléments et donc dans une approche utilitariste, approche qui caractérise toute l’économie de ce projet. Cela vaut pour les étudiants comme pour l’ensemble des personnes migrantes.

Par souci a priori de rationalité, le texte entend alléger le contrôle effectué par les préfectures en le confiant aux autorités consulaires dans les pays d’origine. Certes, cette vérification en amont existe déjà mais, cette fois, elle aura clairement pour effet de consacrer la sélection sur place avant tout départ des étudiants. C’est la même démarche, que nous avons critiquée, que celle concernant l’ensemble des personnes migrantes pour la délivrance du visa de long séjour.

La philosophie d’ensemble du dispositif est donc bien d’opérer une sélection des étudiants d’abord en fonction des besoins de la France : accueillir les meilleurs dans les filières les plus performantes. L’intérêt pour les étudiants étrangers d’obtenir un diplôme et une qualification dans la filière de leur choix est donc devenu secondaire. L’examen des dossiers par les responsables des diplômes dans les universités et, le cas échéant, leur acceptation sont désormais officiellement considérés comme accessoires.

Votre projet prévoit également la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour à l’issue des études afin de permettre la recherche d’un emploi en lien avec la formation acquise en France. On ne peut s’empêcher de trouver bien hypocrite le dispositif que vous mettez en place. Pendant des décennies, on a considéré que les étudiants étrangers étaient forcément de passage et qu’ils devaient, une fois leur qualification acquise, repartir pour servir leur pays d’origine ; on a donc bloqué l’accès à un titre de séjour une fois les études terminées et l’on sait combien il est devenu difficile et aléatoire de changer de statut aujourd’hui.

Même si, dans votre projet de loi, il est question de perspectives de retour et même si le développement économique de la France et du pays dont l’étudiant étranger a la nationalité y est évoqué, ce texte a surtout pour objectif de garder les personnes les plus qualifiées sortant des grandes écoles ou titulaires de masters recherchés et renommés, ce qui contredit toute idée de co-développement, exigence pourtant défendue par certains de nos collègues de droite hier et ce matin. Votre démarche consiste tout simplement à piller les pays du premier monde de ce qu’ils ont de meilleur pour contribuer à leur développement.

Au bout de six mois et si le jeune diplômé a trouvé un emploi, il sera autorisé à l’exercer sans que la situation de l’emploi lui soit opposable. C’est l’intérêt qu’il est censé représenter pour la France qui va donc justifier la délivrance d’une carte de salarié et non le prétendu développement économique du pays dont il a la nationalité. Cet objectif fait en fait figure de décoration dans le projet que vous nous proposez.

Une incertitude demeure toutefois sur l’avenir de cet étudiant étranger en France puisque votre texte parle d’une première expérience professionnelle en France. Envisagez-vous donc de limiter le renouvellement du titre, même si la personne concernée peut faire valoir un CDI ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. On ne peut que s’étonner de l’approche frileuse et presque malthusienne du projet de loi en matière de politique d’hébergement et d’accueil des étudiants étrangers dans notre pays. Il me semble que nous tournons le dos à la longue tradition d’ouverture des universités françaises à l’égard des étudiants européens. Il est vrai que la venue de ces derniers était facilitée, il y a quelques siècles, par l’usage d’une langue universitaire commune qui était le latin. Cette tradition me semble abandonnée aujourd’hui.

Lorsqu’il a reçu il y a quelques semaines une délégation de députés du groupe parlementaire France-Chine – M. Guy Drut, qui conduisait cette délégation pourra vous le confirmer –, l’ambassadeur de Chine à Paris s’est étonné du faible nombre d’étudiants chinois venus étudier en France comparé à ceux qui étudient en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Cette frilosité et cette fermeture nuisent gravement aux intérêts de notre pays. En effet, les cadres, les ingénieurs, les techniciens et les scientifiques qui font leurs études en France et qui repartent dans leur pays en possédant notre langue et en ayant pris goût à notre culture y constituent des relais très intéressants pour nos entreprises. Nous connaissons tous la croissance et la part considérable prise dans l’économie par les pays émergents, en particulier asiatiques. Nous y sommes malheureusement trop souvent absents. Alors que des membres de ce gouvernement cherchent, avec raison, à consolider la francophonie, la politique universitaire que nous développons me paraît aller complètement à contresens.

Votre politique, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, a-t-elle pour but de sélectionner des étudiants étrangers afin qu’ils viennent pallier nos carences dans certains domaines, comme en médecine ou en chirurgie ? D’ores et déjà, si les médecins étrangers exerçant dans nos hôpitaux et nos cliniques s’arrêtaient de travailler, tout notre système hospitalier serait en panne.

N’avez-vous donc d’autre but que de sélectionner les cerveaux susceptibles d’intéresser notre économie ou notre vie sociale, ou bien allez-vous vous engager dans une véritable politique de coopération avec l’ensemble des pays émergents ? Les restrictions que vous imposez aux articles 6 et 7 ne nous paraissent pas servir les intérêts de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mes chers collègues, je le dis sans agressivité aucune : j’ai l’impression que la plupart d’entre vous se sont trompés d’article. Les amendements déposés sur l’article 6 par M. Braouezec concernent en réalité la carte de salarié.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Or c’est à l’article 7 qu’il est question de cette carte lorsqu’elle est délivrée aux étudiants.

L’article 6, en réalité, n’apporte que du plus pour les étudiants étrangers, que du bonus.

M. Patrick Braouezec. Oui, mais il est restrictif pour les autres !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il est bien que vous le reconnaissiez au moins pour les étudiants !

L’article 6 n’enlève absolument rien au statut actuel des étudiants. Il précise simplement que ceux qui sont en licence et plus ont droit, une fois qu’ils ont obtenu un titre d’un an, à un titre de quatre ans. En clair, non seulement il n’est rien enlevé à ce qu’ils ont aujourd’hui, mais les procédures administratives les concernant sont simplifiées. Je considère donc que les considérations développées concernaient en fait l’article suivant.

En réalité, et c’est ce que M. Braouezec a remarqué puisque c’est sur cela que portent ses amendements, l’article 6 supprime la possibilité d’accorder la carte de salarié pluriannuelle. Mais l’honnêteté me pousse à dire que cette disposition n’avait jamais été mise en œuvre.

M. Patrick Braouezec. Ah !

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’article 6 supprime donc quelque chose qui n’a jamais été appliqué. Je cite d’ailleurs d’autres dispositions de ce genre dans mon rapport.

Je précise que la nouvelle carte « compétences et talents » instituée dans le projet de loi a une durée de trois ans. Par ailleurs, un article qui figurait dans le projet initial et a été réintroduit par la commission des lois concerne les salariés détachés de Renault. Mais je ne vais pas reprendre la genèse de ce texte.

Si je peux comprendre que les autres articles puissent susciter quelques polémiques, l’article 6, j’y insiste, n’apporte que du plus pour les étudiants.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Un constat simple s’impose à nous : il nous faut impérativement définir une nouvelle stratégie d’accueil des étudiants étrangers dans notre pays.

Certains chiffres vous ont déjà été communiqués. Je ne vais pas vous assommer en les rappelant, mais il est bon d’en garder deux en mémoire : 40 000 premières cartes de séjour sont délivrées à ce titre chaque année et on compte aujourd’hui 255 000 étudiants étrangers dans notre pays, ce qui correspond à un peu plus de 11 % de la population étudiante.

Le problème est simple : ils doivent être à la fois mieux choisis et mieux accueillis.

Mieux choisis, d’abord. Beaucoup trop d’étudiants sont en effet inscrits dans des filières qui ne répondent aux besoins ni de notre économie ni de celle de leur pays d’origine. Ils se sont en réalité engagés dans des impasses et nous les avons malheureusement laissés s’y aventurer.

Ils doivent également être mieux accueillis. Leur parcours administratif est, vous le savez, beaucoup trop complexe et peut décourager les meilleures volontés ; ces étudiants préfèrent alors rejoindre des universités canadiennes, britanniques ou américaines.

Cette stratégie d’accueil ne doit pas se faire, comme l’a rappelé le ministre d’État dans son discours de présentation du projet, au détriment des pays étrangers mais, au contraire, à leur avantage. Le nouveau dispositif, j’y insiste avec force, ne doit pas aboutir au pillage mais à la circulation des cerveaux. C’est l’objectif de ce texte.

Très concrètement, nous voulons simplifier la vie des étudiants étrangers en France en permettant à certains d’entre eux d’obtenir, au bout d’un an de séjour, un titre pluriannuel valable quatre ans au plus. Cela fera moins de formalités pour les étudiants mais aussi pour les préfectures. C’est un système dans lequel tout le monde est gagnant.

Monsieur Mamère, vous vous êtes ému d’une possible remise en cause du principe d’autonomie des universités. Je tiens à vous rassurer : ce principe est, au contraire, totalement préservé. Chaque établissement universitaire continuera de se prononcer souverainement sur les demandes d’inscription des étudiants étrangers mais, parallèlement, une meilleure coordination sera organisée entre les services des consulats, qui délivrent les visas de long séjour pour études, et les universités, qui délivrent les inscriptions dans des filières universitaires.

Jusqu’à présent, un étudiant qui obtenait un visa dans un consulat était obligé de le faire valider à nouveau en France. Avec ce système, l’étape préalable sera suffisante. C’est donc bien une simplification du parcours de l’étudiant étranger, et j’imagine que sur ce point au moins vous serez d’accord.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 506.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de reconnaître que j’avais bien saisi le seul objectif de cet article 6, qui n’a rien à voir avec la catégorie étudiant. Cet article, de fait, supprime une catégorie de personnes qui pouvaient jusqu’à présent bénéficier d’une carte de séjour temporaire, et ce dans un cadre complètement légal : celles qui « désirent exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifient avoir obtenu cette autorisation portant mention de cette activité, conformément aux lois en vigueur ». Vous me dites que cette disposition n’a jamais été appliquée, mais j’aimerais savoir pourquoi. Et alors qu’elle reste néanmoins une possibilité, pourquoi la supprimer du dispositif ?

M. Jean-Pierre Soisson. Supprimer quelque chose qui n’est pas appliqué pour le remplacer par quelque chose de mieux, ce n’est pas une mauvaise idée…

M. Patrick Braouezec. Pardonnez-moi, monsieur Soisson, mais déjà, tout à l’heure, vous n’aviez pas compris. Ce n’est pas la peine d’en rajouter ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Quelle façon de parler !

M. Jean Leonetti. C’est insultant ! C’est une mise en cause personnelle !

Mme la présidente. Je vous en prie !

M. Patrick Braouezec. Vous me direz, monsieur Mariani, que cela figurera dans l’article 1er qui viendra en discussion après l’article 12. C’est possible puisque nous allons en effet aborder la carte « compétences et talents ». Il n’empêche que vous évacuez toute une catégorie de travailleurs qui pourraient prétendre à une carte de séjour temporaire, et ce pour répondre non pas aux besoins des pays d’origine, ni à ceux des populations qui font cette démarche, mais simplement à nos propres besoins. Je rejoins donc les arguments développés par Serge Blisko ou Noël Mamère.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Pourquoi supprime-t-on cette disposition ? Pour la remplacer par quelque chose de mieux, la carte « compétences et talents », qui est automatiquement délivrée pour trois ans. C’est donc un article qui donne un bonus à toutes les catégories.

Je pense, monsieur Braouezec, que cela répond à votre inquiétude sur le futur à défaut de répondre à vos interrogations sur le passé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que le rapporteur. Cet amendement ouvrirait à des salariés la possibilité d’obtenir la même carte de séjour pluriannuelle que celle dont bénéficieraient les étudiants.

M. Patrick Braouezec. Nous proposons de revenir à la loi de 2003 dont on nous a dit qu’elle était bonne !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. L’article 6 concerne les étudiants ou les scientifiques et vous voudriez l’étendre aux salariés. Ce n’est pas l’objet de ce texte. Les actifs relèveront d’un autre régime, celui de l’article 10 pour la carte de séjour d’un an, et celui de l’article 12 pour la carte « compétences et talents » de trois ans.

C’est un souci de simplification qui a dicté la position du Gouvernement sur ce point. Il a en effet été considéré comme plus habile, plus efficace, plus simple, de ne pas multiplier les cartes. Votre amendement aurait précisément l’effet inverse et entraînerait un manque d’efficacité, de clarté et de lisibilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Ayant été mis en cause par M. Braouezec alors que j’écoutais les échanges avec beaucoup d’attention, je voudrais lui rappeler que j’ai été, en 1974, secrétaire d’État aux universités. Or les communistes ont toujours combattu la politique d’ouverture des universités.

En l’occurrence, j’ai entendu M. Braouezec et ses collègues formuler un certain nombre d’observations qui n’ont aucun rapport avec l’article 6. Si nous modifions, corrigeons, aménageons certaines dispositions de la loi de 2003, c’est pour la rendre mieux applicable et donc plus conforme aux intérêts des Français.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 506.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 507.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à rétablir les dispositions de la loi de 2003 pour permettre à certaines catégories de salariés de bénéficier d’une carte temporaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Par cohérence, avis défavorable à l’amendement n° 507 ainsi qu’aux amendements n°s 508 et 509.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 507.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Même vote sur l’amendement n° 508 ?...

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Ainsi que sur l’amendement n° 509 ?...

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.

(L’article 6 est adopté.)

Après l’article 6

Mme la présidente. Nous en venons à une série d’amendements portant article additionnel après l’article 6.

Sur l’amendement n° 464 rectifié, la parole est à M. Jacques Myard, qui va enfin pouvoir s’exprimer… (Sourires.)

M. Jacques Myard. Merci, madame la présidente. Je vois que vous m’invitez à parler longuement !

Mme la présidente. Cinq minutes, comme tout le monde !

M. Jacques Myard. Bien sûr ! C’est l’égalité républicaine et c’est aussi l’application du règlement.

Nous savons que l’immigration zéro est un mythe et elle n’est d’ailleurs pas souhaitable car les échanges sont multiples et variés sur la scène internationale. Mais force est de constater, comme l’a rappelé hier M. Estrosi, que le nombre des attestations d’accueil a été quasiment multiplié par huit, atteignant les 700 000. Quand on examine, comme tout maire qui se respecte, quelles en sont les motivations, on constate qu’il s’agit d’un flux normal, transnational, en provenance du monde entier. Il n’en demeure pas moins que ces attestations d’accueil peuvent être une source de fraudes, voire parfois de véritables filières institutionnalisées d’immigration clandestine.

C’est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, de créer un fichier national qui permettrait de vérifier que les personnes ont bien quitté le territoire national à l’échéance de leur visa. Car nous n’avons aucune suite ; ces attestations d’accueil n’ont qu’un effet très faible en termes de maîtrise des flux migratoires. Par ailleurs, un fichier national permettrait de savoir quelles sont les personnes qui reviennent régulièrement, et pour quelles raisons.

Je ne vous cache pas, mes chers collègues, que je crois nécessaire la mise en place de ce fichier. À l’heure de l’informatique, il doit être possible aux maires de faire transiter dans un fichier central les attestations d’accueil. Nous y gagnerions aussi bien pour la maîtrise des flux migratoires que pour la libre circulation des personnes, lorsqu’elle est nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je suis plutôt réservé.

M. Noël Mamère. On l’espère !

M. Patrick Braouezec. Et même un peu plus que réservé !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne veux pas polémiquer, mais je maintiens les chiffres que j’ai cités tout à l’heure sur les attestations d’accueil et qui figurent dans le rapport de juin 2003 : on était passé de 120 457 attestations d’accueil en 1998 à 753 000 avant la première loi présentée par Nicolas Sarkozy. C’était l’une des plus grosses dérives et certainement l’une des principales sources de maintien illégal sur le territoire de personnes entrées légalement.

Il semble que le nouveau dispositif adopté en 2003, qui a donné aux maires un certain nombre de moyens…

M. Jacques Myard. Non, ils n’ont pas les moyens !

M. Thierry Mariani, rapporteur. …et permis des contrôles, entre autres de la surface des logements et du montant des revenus, donne satisfaction puisque les attestations d’accueil ont diminué de manière importante ; on n’en comptait déjà plus que 550 000 environ en 2004.

En revanche, le système proposé par mon ami Jacques Myard me semble très dur et très lourd à appliquer. Nous sommes arrivés à faire baisser correctement les attestations d’accueil et, depuis deux ans, le nouveau régime semble fonctionner de manière satisfaisante. Avis défavorable donc, à titre personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. La loi de 2003 a en effet considérablement renforcé les pouvoirs des maires, qui sont désormais seuls compétents pour valider ou refuser l’attestation d’accueil. L’évolution des chiffres apporte la démonstration flagrante des résultats obtenus. Le nombre des attestations est passé de 634 000 en 2002 à 354 00 en 2005 ; il a été quasiment divisé par deux.

Par ailleurs, les maires qui le souhaitent peuvent effectivement créer un fichier informatisé.

Enfin, vous avez raison monsieur Myard, il faut que les consuls informent les maires de manière beaucoup plus régulière sur le sort qui est réservé aux demandes de visa ; le ministre d’État le leur a demandé. Il a également demandé aux consuls de contrôler les retours par des convocations au consulat.

Pour l’ensemble de ces raisons, mais principalement au vu des chiffres que je viens de vous communiquer, je souhaiterais le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être avancé par mon ami Thierry Mariani. Certes, il est possible de contrôler si les logements sont adéquats, mais l’on ne sait pas si la personne est repartie ! Jusqu’à nouvel ordre, une fois qu’un étranger dispose d’une attestation, il peut librement circuler sur le territoire national.

Vos chiffres sont peut-être exacts mais, sur les 350 000 personnes qui ont bénéficié d’une attestation d’accueil, combien ont quitté le territoire ? Nous ne le savons pas. Il y a bien un problème. La législation actuelle ne prévoit pas de demander à l’hébergeant qui a pris la responsabilité d’accueillir une personne de nous signaler son départ.

On n’échappera pas à l’instauration d’un fichier national, qui ne s’apparente en rien à un flicage. Chacun a le droit de venir en France, pour des raisons familiales ou touristiques, et il est normal que le flux transnational évolue, mais nous ouvrons une porte sans savoir si elle sera refermée par la suite.

Les pouvoirs qui ont été accordés aux maires sont réels en ce qui concerne la venue d’un étranger sur le territoire national, mais vous n’avez rien prévu concernant son départ. Pardonnez-moi, mais la convocation par le consul en pays étranger est inadéquate : la personne n’y répondra pas, et de toute façon nous ne le saurons jamais. Il serait préférable d’instaurer un contrôle effectif sur le territoire national. Avec la déclaration de départ, la personne qui a invité un étranger attesterait que celui-ci est reparti. Cet amendement est de bon sens et je le maintiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’espère que nos collègues ont lu attentivement l’amendement de M. Myard…

M. Jacques Myard. Même le maire de Bègles !

M. Noël Mamère.… et qu’ils se sont rendu compte de l’énormité de ce qu’il propose.

M. Jacques Myard. Venant de vous, c’est un compliment !

M. Noël Mamère. Ce fichier des étrangers nous ramène aux heures les plus noires de notre histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. C’est nul !

M. Noël Mamère. Je me félicite de voir que le rapporteur et le ministre représentant le Gouvernement aient refusé cet amendement, mais j’aurais aimé qu’ils le fassent avec davantage de détermination. Adopter cet amendement reviendrait à instiller un poison dans la loi. Vous nous proposez un fichier des étrangers : vous rendez-vous compte de ce que cela représente ? Vous souvenez-vous de ces heures, les plus noires de notre histoire, où l’on fichait les étrangers ? C’est pourtant cela que vous proposez !

M. Jacques Myard. Ça suffit, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Rejeter votre amendement avec la dernière énergie est une opération de salubrité publique !

M. Jacques Myard. C’est insultant !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je souscris naturellement aux arguments de Noël Mamère.

M. Jacques Myard. C’est très bien !

M. Patrick Braouezec. J’ai réfléchi aux chiffres qui ont été cités. Comme vous le savez, une attestation d’accueil permet à une personne étrangère de bénéficier d’un visa pour entrer sur le territoire français, sa validité étant de deux ou trois mois. Dans certains pays, il peut être très difficile d’obtenir un visa, et il arrive que des personnes soient contraintes de refaire trois ou quatre fois leur attestation d’accueil.

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Patrick Braouezec. Dans ma circonscription, j’ai eu l’occasion d’intervenir pour des personnes qui souhaitaient que leur mère vienne en visite sur notre territoire. Elles n’ont obtenu leur visa qu’après trois ou quatre demandes ! Cela explique peut-être l’augmentation du nombre de celles-ci. Le problème n’est pas tant l’attestation d’accueil en elle-même que l’obtention du visa.

M. Jérôme Lambert. Très juste !

M. Patrick Braouezec. S’agissant de l’amendement de M. Myard, la loi de 2003 permet aux maires d’exercer un contrôle, qui ne s’apparente pas à un contrôle policier, et de vérifier un certain nombre de critères relatifs au séjour d’un étranger sur le territoire français. On nous dit qu’un fichier national permettrait aux maires de ne pas donner leur accord. Mais de retour dans son pays, un étranger fera d’autres demandes de visa.

M. Jacques Myard. S’il est reparti !

M. Patrick Braouezec. Nous disposons aujourd’hui d’éléments qui nous permettent de contrôler leur sortie effective du territoire, sans tomber dans les extravagances et les erreurs du passé. Alors, n’instaurons pas un fichier policier !

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. On peut comprendre le souci de vérifier si la personne accueillie a bien quitté notre territoire…

M. Jacques Myard. Comment ?

M. Étienne Pinte. …mais je ne pense pas que le fichier soit une solution. En revanche, il y a plusieurs années, le Gouvernement avait envisagé d’instaurer un triptyque, comprenant un volet pour l’intéressé, un volet pour la personne accueillante et un volet à remettre à la frontière lorsque la personne quitte le territoire national.

M. Charles Cova. Cela existe aux États-Unis !

M. Étienne Pinte. Je me suis toujours demandé pourquoi le Gouvernement avait abandonné cette solution plus souple qui permettrait aux maires, sans donner l’impression de poursuivre ou de ficher les personnes, de vérifier que les personnes sont bien reparties.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Après avoir étudié plus en détail cet amendement, je confirme l’avis négatif de la commission. Je comprends tout à fait l’intention de M. Myard, mais sa solution n’est pas la bonne. Le dernier alinéa de son amendement dispose que tout étranger qui bénéficie d’un visa est tenu d’informer de son retour la représentation diplomatique ou consulaire. Honnêtement, celles-ci sont déjà débordées !

M. Charles Cova. Il est vrai qu’elles ne répondent jamais à nos demandes !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Myard, vous le savez mieux que moi, vous qui fûtes diplomate !

M. Jacques Myard. Si peu !

M. Patrick Braouezec. Il a perdu sa diplomatie sur ces bancs !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ou nous votons des lois applicables, ou nous nous faisons plaisir. Si nous voulons que ce texte soit applicable, il nous faut immédiatement doubler, par voie d’amendement, le corps consulaire. Aujourd’hui, cette disposition est techniquement inapplicable, même si l’idée est bonne.

La suggestion d’Étienne Pinte est pertinente, mais nous avons mis en place les visas biométriques, qui auront les mêmes effets dans quelques années, lorsqu’ils seront opérationnels. Lorsque la totalité de l’espace Schengen sera équipée de visas biométriques, nous saurons exactement où une personne est entrée et où elle est sortie.

Aujourd’hui, monsieur Myard, la véritable question est la sortie de l’espace Schengen. Les procédures, en attendant la généralisation du visa biométrique, n’étant pas uniformisées, les mouvements de personnes sont incontrôlables. Votre amendement est intéressant, mais il va beaucoup trop loin. Il serait peu efficace et saturerait totalement les services consulaires.

Enfin, la loi de 2003, qui pourtant ne faisait pas l’unanimité, a permis de réduire de moitié le nombre des attestations d’accueil. Ne tombons pas dans l’excès, alors que nous avons réussi à revenir à des proportions raisonnables.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Sans allonger le débat, car ce projet de loi comporte d’autres articles très importants, je voudrais apporter quelques précisions.

Tout d’abord, je rejoins notre collègue Étienne Pinte concernant le triptyque, mais celui-ci devra tôt ou tard être informatisé. Nous n’y échapperons pas.

Ce que je souhaite, c’est obliger une personne qui invite un étranger à informer le maire de son départ effectif. Dans ma commune, où le nombre des attestations d’accueil a doublé, ce sont toujours les mêmes personnes qui font les demandes, et je n’ai jamais la preuve que les étrangers sont repartis. Je considère que l’impossibilité de contrôler les départs est un vrai problème, M. Mariani l’a parfaitement compris.

M. Patrick Braouezec. Vous n’avez pas non plus la preuve qu’ils sont arrivés ! En réalité, ils n’ont peut-être même pas obtenu un visa !

M. Jacques Myard. Je me tourne enfin vers M. Mamère et M. Braouezec : il est indigne de faire un amalgame avec les temps sombres de notre histoire, durant lesquels ma famille politique était à la pointe du combat !

M. Christian Vanneste. Et avant beaucoup d’autres !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Myard, ce n’est pas parce que la personne aura quitté la famille qui l’héberge qu’elle aura quitté le territoire. Votre solution n’apporte donc pas de réponse. Vous saurez qu’elle a quitté Maisons-Laffitte, mais elle sera peut-être allée dans le XVIe, chez M. Goasguen ! (Rires.)

M. Claude Goasguen. Mauvais exemple !

Mme la présidente. Voilà que le XVIe est une terre d’accueil !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Sans revenir sur ce que j’ai déjà dit, j’indique à Étienne Pinte que le diptyque, bien connu, est déjà ancien. Nous avons choisi la méthode plus moderne des visas biométriques, qui seront généralisés d’ici à la fin de l’année 2007.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 464 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 53.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse M. Pinte le présenter, puisqu’il en est le coauteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Cet amendement a pour objet de permettre la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour à des étrangers qui souhaitent effectuer en France une mission de volontariat auprès d’une fondation, d’une association reconnue d’utilité publique ou d’une association adhérente d’une fédération reconnue d’utilité publique, à cinq conditions : que la mission revête un caractère social ou humanitaire, que le contrat de volontariat ait été conclu préalablement à l’entrée sur le territoire national, que l’association ou la fondation ait attesté de la prise en charge du demandeur, que celui-ci soit en possession d’un visa de long séjour, et enfin qu’il ait pris par écrit l’engagement de quitter le territoire national à l’issue de sa mission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je remercie M. Pinte pour cette proposition, qui relève de ce que le ministre d’État évoquait dans son discours, la circulation des compétences. Il s’agit ici de la compétence du cœur, du dévouement, du bénévolat associatif, du service rendu par le biais des associations et des fondations reconnues d’utilité publique.

Cette proposition utile est par ailleurs assortie de garde-fous. Il s’agit de proposer à de jeunes étrangers de passer quelques mois en France, en toute régularité, pour effectuer une mission sociale ou humanitaire. Elle ne présente donc aucun risque migratoire, dans la mesure où le dispositif sera bien encadré. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je comprends parfaitement les compétences du cœur et je trouve cette disposition encourageant le volontariat tout à fait intéressante. Mais je m’interroge, surtout après le débat que nous venons d’avoir, sur la dernière des conditions d’obtention de cette autorisation. La personne a pris l’engagement de quitter le territoire à l’issue de sa mission : comment peut-on contrôler l’effectivité de cet engagement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je suis d’accord avec Jacques Myard. Je comprends le talent du cœur et je respecte ces associations reconnues d’utilité publique ou adhérentes à une fédération elle-même reconnue d’utilité publique, mais le départ repose uniquement sur un engagement écrit, ce qui me semble bien léger au regard de l’esprit de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Jacques Myard. La vision policière de l’histoire est de retour !

M. Noël Mamère. Vous finirez par faire honte à la représentation nationale en tenant de tels propos !

M. Jacques Myard. C’est vous !

M. Jérôme Rivière. Vous avez fait honte à tous les maires !

M. Noël Mamère. Comment pouvez-vous remettre en cause l’amendement de M. Pinte, soutenu par la commission et le Gouvernement, alors que vous avez défendu ce matin, monsieur Myard, un amendement relatif au codéveloppement et que les associations et les fondations permettent à des personnes migrantes de participer à des actions sur notre territoire ? Je ne comprends pas cette peur de l’étranger que vous développez, article après article,… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Nous ne craignons même pas que le ciel nous tombe sur la tête !

M. Noël Mamère. ...comme s’il s’agissait de construire des murs autour de la France afin de rester entre nous, au risque d’être totalement décalés par rapport au reste du monde, alors que nous avons souscrit des conventions internationales, que nous sommes adhérents de l’Union européenne, ce qui implique la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises.

Et vous voudriez que l’on demeure dans cette culture judéo-chrétienne que vous affectez et que vous nous mettez sur la table de l’Assemblée à chaque minute, chaque instant qui passe au cours de cette discussion !

S’il vous plaît, un peu de cœur ! On ne vous demande même pas de la compassion, mais un peu de générosité ! Et faites confiance à ceux qui, dans votre majorité, proposent des amendements qui vont dans le sens de l’ouverture de notre pays !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Avec l’amendement de M. Myard et la réaction à l’amendement de M. Pinte – repris unanimement par la commission, présenté à la fois par M. Pinte et le rapporteur, et, je le suppose, soutenu par le Gouvernement – nous sommes en train de montrer une image peu glorieuse dans ce débat.

M. Jacques Myard. Ah !

M. Bernard Roman. Je le dis avec une certaine gravité, monsieur Myard. Si chaque fois qu’un étranger vient en France, on ne peut l’admettre qu’à condition de pouvoir en contrôler la sortie, c’est considérer les étrangers avec une suspicion systématique qui ne fait pas honneur à l’histoire de notre pays. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Mallié. Vous êtes d’une naïveté !

M. Patrick Braouezec. Différence de philosophie !

M. Bernard Roman. J’ai peur, monsieur Myard, que derrière ce texte et un certain nombre de questions qui peuvent apparaître juridiques, techniques, il y ait une philosophie de l’immigration, une idéologie de l’immigration qui frise, comme je l’ai dit hier, une conception nationaliste et xénophobe.

Je souhaiterais que chacun puisse mesurer les arguments qu’il utilise en défendant un certain nombre d’amendements qui sont indignes de la République française.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. On se croirait au catéchisme, avec des leçons de morale en veux-tu, en voilà !

Il est indigne de porter des accusations de ce genre ! Nous sommes ici dans nos fonctions de législateurs parce que se pose un problème d’immigration illégale dans ce pays. Vous le niez, vous niez la réalité. Si vous êtes aveuglés par votre idéologie, libre à vous ! Il n’en demeure pas moins que, sur le terrain, on rencontre des difficultés. Je ne connais pas un État au monde, un État démocratique, un État civilisé qui, lorsqu’un étranger entre, ne contrôle pas s’il est sorti au moment où il a dit qu’il sortirait. C’est le cas du Canada.

M. Bernard Roman. Faux !

M. Jacques Myard. C’est le cas des États-Unis !

M. Bernard Roman. Faux !

M. Jacques Myard. C’est le cas de l’Angleterre !

M. Bernard Roman. Faux ! Cessez de mentir !

M. Jacques Myard. Regardez un peu comment les choses se passent avant de porter des accusations indignes !

Monsieur Roman, si vous pointez du doigt comme vous le faites, je vais vous citer un proverbe anglo-saxon qui dit que, lorsque vous montrez quelqu’un du doigt de cette manière, ce sont trois doigts qui vous regardent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Voilà une colère qui n’impressionnera que votre immeuble, ou seulement vos voisins de palier, mais ne croyez pas qu’en vous mettant dans des colères pareilles, vous allez nous émouvoir, monsieur Myard ! Nous ne sommes pas ici pour fonctionner à l’émotion, mais pour construire l’État de droit.

M. Jacques Myard. Justement, et vous, vous faites de la catéchèse, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Nous sommes ici pour donner au peuple de France qui nous a donné mandat pour voter et pour construire l’État de droit non pas l’image de représentants du peuple qui referment le pays sur lui-même et qui font de l’étranger la figure de l’indésirable sujet au soupçon,…

M. Jacques Myard. Cela n’a rien à voir !

M. Noël Mamère. ...mais pour donner l’image de représentants qui défendent une société ouverte, un pays ouvert qui – contrairement à ce que vous affirmez, car c’est une contrevérité – n’est pas un pays menacé par le flot et la tempête de la clandestinité et des sans papiers ! C’est un pays dans lequel le nombre d’étrangers qui y vivent n’a pas augmenté depuis plus de dix ans, dans lequel on estime qu’il y a entre 200 000 et 400 000 clandestins et où le vrai problème qui se pose aujourd’hui n’est pas celui que vous prétendez, mais celui des Français diplômés qui partent à l’étranger. Ces derniers étaient 45 000 en 2003, ils sont trois fois plus aujourd’hui, parce qu’ils ne trouvent pas de débouchés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et ça, c’est un problème économique de notre pays !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur,  puis nous passerons au vote de l’amendement.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Trois remarques.

L’engagement par écrit : certains peuvent trouver cela insuffisant, c’est vrai, mais c’est le seul cas où on le demande. Il n’y a pas d’autre cas où l’on demande un engagement par écrit.

Deuxièmement, toutes les autres procédures de reconduite à la frontière s’appliquent au cas où la personne resterait illégalement sur le territoire.

Troisièmement, il s’agit ni plus ni moins d’une transposition de la directive 2004/114 du 13 décembre 2004, qui est à votre disposition dans un document.

M. Jacques Myard. Excellent document !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Merci, puisque j’en suis l’auteur ! Vous y avez la compilation des quatorze directives dont une bonne partie sert à ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je crois que la démarche de vigilance, qui est réclamée à juste titre, ne doit pas empêcher des logiques de confiance, monsieur Myard.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Jacques Myard. D’accord, mais moi, je suis comme saint Thomas !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Des garde-fous sont prévus. Je vous les rappelle. Le dispositif est limité aux fondations et aux associations qui sont reconnues d’utilité publique, ce qui signifie que ce n’est pas ouvert à tout vent, il y a une prise en charge matérielle de l’étranger par la structure d’accueil et, comme vient de le dire le rapporteur, il y a l’engagement écrit de quitter le territoire.

Je pense que, de temps à autre, très ponctuellement, monsieur Myard, on peut encourager cette démarche de confiance.

M. Jacques Myard. Qu’Allah vous entende !

Mme la présidente. Nous allons passer au vote, comme je l’ai annoncé. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. J’avais demandé la parole, madame la présidente !

Mme la présidente. J’ai annoncé que nous voterions après l’intervention de M. le rapporteur. Nous passons donc au vote de l’amendement n° 53. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Rappel au règlement ! J’avais demandé la parole avant !

Mme la présidente. Vous n’avez pas demandé la parole avant. Je regarde bien l’ensemble de l’hémicycle !

M. Claude Goasguen. Je suis désolé, mais je n’ai pas encore parlé depuis le début de l’après-midi !

Mme la présidente. Vous n’avez peut-être pas parlé, mais on vous entend !

M. Claude Goasguen. On m’entend, moi ? Si vous voulez m’entendre, vous allez m’entendre et vous allez voir la différence ! Ne me parlez pas sur ce ton !

Mme la présidente. Faites attention !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mi-temps !

Mme la présidente. Monsieur Mariani, inutile d’en rajouter !

M. Claude Goasguen. C’est vous qui en rajoutez, permettez-moi de le dire ! Je suis le porte-parole du groupe majoritaire !

Mme la présidente. Je suis ravie de l’apprendre !

M. Claude Goasguen. Renseignez-vous !

Mme la présidente. Je vais vous donner la parole, mais je n’aime pas la façon dont vous avez procédé, vous n’aviez pas demandé la parole auparavant.

M. Claude Goasguen. Eh bien moi, sauf votre respect, madame la présidente, je n’aime pas du tout la manière dont vous m’avez parlé !

Mme la présidente. Cela recommencera si vous vous comportez de la même façon !

M. Claude Goasguen. Je recommencerai aussi !

Mme la présidente. Vous avez la parole.

M. Claude Goasguen. Merci, madame la présidente de me laisser parler quelques minutes ! J’ai parlé, paraît-il, depuis que je suis dans l’hémicycle cet après-midi !

Je voterai sans problème cet article additionnel.

Je tiens à souligner qu’il y a énormément d’associations reconnues d’utilité publique et beaucoup de fondations. De ce point de vue, lorsque la gauche signe des conventions, notamment dans les établissements scolaires, lorsqu’elle donne, et elle a raison de le faire, à ces associations des possibilités d’expression, elle établit une liste limitative et publique. Or là, ce n’est pas ce que vous faites.

Pour ma part, je souhaite que, par la voie réglementaire, nous fassions un additif à cet article – dont je reconnais la générosité mais, même dans la générosité, il peut y avoir des abus –, que nous puissions le compléter par une liste limitative qui donnerait un certain engagement à l’association, une certaine responsabilité en cas d’abus. Cela relève du pouvoir réglementaire et cet esprit limitatif et de précaution est bien sûr possible.

Mme la présidente. Vous avez relancé le débat. Je vais donc redonner la parole, mais c’est la dernière fois que nous procédons ainsi pour un amendement.

La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. J’ai bien entendu l’intervention spontanée et apaisée de Claude Goasguen. Comme d’habitude, je suis attentif à ses propositions et je suis assez d’accord pour que nous établissions une liste limitative, d’agrément en quelque sorte. Cela préserve la logique de confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Cette liste existe déjà !

M. Noël Mamère. Ça suffit, là !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. En 2003, lorsque nous débattions de ces questions, nous avions eu l’occasion, avec mon collègue Nicolas Perruchot, d’auditionner des associations dont certaines sont reconnues d’utilité publique. Certaines nous disaient, lors de ces auditions, que lorsque la loi ne leur plaisait pas, elles cherchaient tous les moyens de la contourner, voire de la détourner.

Sans esprit de polémique, elles peuvent avoir raison de vouloir détourner la loi, monsieur Mamère, mais quand on est législateur, on doit au moins considérer que la loi doit être respectée. Sinon, pourquoi la faire, pourquoi être ici ensemble ?

Je tiens simplement à apporter un témoignage : autant faire changer la loi est un combat – et c’est légitime, même de la part d’une association –, autant le fait que certaines associations affirment à des parlementaires qu’on peut vouloir la détourner laisse pantois. Pour ma part, je reconnais que l’amendement de M. Pinte a un intérêt réel et sérieux. Mais il doit revenir au Gouvernement de veiller à ce qu’on ne fasse pas de fausses attestations, de faux stages. Il est utile à la France de pouvoir bénéficier de ce dispositif, mais il ne faut pas non plus qu’un système soit détourné simplement pour contourner une loi qui ne plairait pas à une minorité agissante sous couvert d’association.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Ce débat est assez révélateur de la difficulté que ce gouvernement a avec une partie de sa majorité.

Le groupe communiste et, je pense, l’ensemble des élus socialistes et verts sont contre cette loi pour les raisons que nous avons évoquées dans nos motions de procédure ou nos explications de vote. Néanmoins, nous sommes aussi dans l’état d’esprit de faire en sorte qu’elle évolue le plus possible dans l’intérêt des personnes qui sont concernées par cette loi,…

M. Bernard Roman. Exactement !

M. Patrick Braouezec. …mais aussi dans l’intérêt de l’ensemble de la société française. Car je rappelle à tous ici que plus il y a de gens sans papiers, plus il y a de précarité et plus on précarise l’ensemble des salariés et l’ensemble de la société française.

Il y a vraiment deux philosophies dans cette assemblée, l’une repose sur la confiance, l’autre sur la défiance, sur la suspicion a priori. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et je m’aperçois que, lorsque des amendements vont dans le sens de la confiance que l’on peut faire aux gens, ou dès qu’un amendement, qu’il vienne d’un membre de votre majorité comme M. Pinte ou même du Gouvernement mais sans aller dans le sens de cette philosophie qui est pour vous une sorte de résistance, le naturel revient ! Et on entend à nouveau développer les mêmes arguments !

Il y a des associations, des fondations qui sont d’utilité publique. En ce qui me concerne, comme je ne suis pas policier mais élu, je suppose qu’à partir du moment où une association ou une fondation est d’utilité publique, c’est qu’on reconnaît son utilité publique et qu’il y a, à un moment ou à un autre, des contrôles qui peuvent être faits, mais pas par moi, par des autorités compétentes !

M. Claude Goasguen. Pas dans ce domaine !

M. Patrick Braouezec. À partir de là, je ne vois pas pourquoi on remettrait cela en cause et pourquoi on aurait aussi une suspicion non plus sur des personnes, mais sur des associations ou des fondations qui sont d’utilité publique, reconnues par l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Revenons sur le terrain du droit. L’amendement de M. Pinte vise « une mission de volontariat en France auprès d’une fondation ou d’une association reconnue d’utilité publique ou d’une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d’utilité publique », et énumère diverses conditions de façon limitative. Si le texte est voté, le pouvoir réglementaire ne pourra donc ajouter aucune condition supplémentaire et n’aura pas le droit de dire qu’il s’appliquera à telle ou telle association ou fondation reconnue d’utilité publique, car quiconque voudrait attaquer un tel décret ou un tel arrêté devant le Conseil d’État, serait sûr de l’emporter.

M. Jérôme Lambert. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Soisson. J’ai entendu les raisons des uns et des autres : soit nous voterons l’amendement, soit nous ne le voterons pas, mais nous ne pourrons pas, ensuite, si nous ne l’avons précisé dans la loi, ajouter une condition à celles qui sont limitativement énumérées dans le texte de l’amendement de M. Pinte.

M. Jacques Myard. C’est élémentaire, mon cher Watson !

M. Claude Goasguen. M. Soisson a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. À l’heure actuelle, les missions de volontariat ne sont maîtrisées ou encadrées par aucune législation, par aucune réglementation. Or l’amendement que je vous propose a justement pour objet d’introduire dans la loi un dispositif réglementant le fonctionnement du volontariat d’origine étrangère.

M. Jacques Myard. Nous sommes d’accord !

M. Étienne Pinte. Il me semble que cela devrait emporter l’adhésion unanime de cette assemblée, qui, tout en étant soucieuse de fermeté, peut également avoir des ouvertures de générosité, d’autant que j’ai prévu cinq conditions. Les volontaires étrangers pourront ainsi venir suivre des stages de formation dans des associations ou fondations françaises reconnues d’utilité publique, avant de retourner travailler dans leur pays d’origine. Il s’agit en particulier d’associations ou de fondations qui s’occupent de handicapés. L’une d’elles, l’Arche, très connue sur le plan national et international, a l’un de ses sièges dans notre département, monsieur Myard : elle dispose de quarante filiales à l’étranger, éparpillées aux quatre coins du monde, et a besoin de former, en France, des hommes et des femmes qui s’occuperont ensuite, dans leurs pays, de handicapés profonds. Mon amendement peut être utile à cette association, que nous connaissons bien, et à d’autres qui ont les mêmes objectifs humanitaires.

M. Jacques Myard. C’est le contrôle du retour qui pose problème !

M. Patrick Braouezec. C’est obsessionnel, chez M. Myard !

M. Étienne Pinte. Si, par malheur, une association ou une fondation ne respectait pas les engagements qu’elle a pris contractuellement et qui sont prévus dans mon amendement, elle n’obtiendrait plus de visas pour ses volontaires étrangers. Il faut avoir un minimum de confiance.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Peut-être, pour être efficace, est-il temps de formuler une proposition. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour répondre à M. Soisson, je propose un sous-amendement du Gouvernement qui complète l’amendement n° 53 par un second alinéa et qui, je le suppose, devrait pouvoir être adopté à l’unanimité. Soyez attentifs au libellé : « L’association ou la fondation mentionnées au premier alinéa font l’objet d’un agrément préalable par l’autorité administrative, dans des conditions définies par décret. »

M. Jacques Myard. C’est mieux !

M. Claude Goasguen. Parfait !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Ce n’est choquant pour personne, cela ne remet nullement en cause l’esprit de générosité, si constamment cher à Étienne Pinte − et d’ailleurs à tout le monde dans cet hémicycle. L’équilibre est ainsi respecté.

M. Jacques Myard. L’agrément pourra être retiré en cas de bavure !

Mme la présidente. Il s’agit du sous-amendement n° 605.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le ministre, ne donnez pas de gages à ceux qui cultivent la suspicion.

M. Jean-Pierre Soisson. Voilà qu’ils sont contre ce sous-amendement, maintenant !

M. Bernard Roman. M. Pinte fait une proposition qui devrait être acceptée avec enthousiasme par tous les élus de la représentation nationale.

M. Jacques Myard. Laxisme romantique !

M. Jérôme Lambert. Monsieur Myard, vous parlez d’un amendement de la majorité !

M. Bernard Roman. Il ne s’agit pas d’accorder des visas touristiques ou de contrôler des entrées, mais de permettre à des fondations revêtues du label Conseil d’État, à des associations reconnues d’utilité publique, et donc revêtues du label Gouvernement, de faire appel à des étrangers, dans des conditions agréées par le Gouvernement et après délivrance d’un titre de séjour, pour mener des actions dont l’intérêt public a été reconnu ou par l’exécutif ou par le Conseil d’État. Cependant, on nous dit qu’il faut faire attention, qu’il faut exercer des contrôles, que ces gens-là risquent de ne pas repartir chez eux. J’ai l’impression qu’on marche sur la tête.

Monsieur le ministre, votre sous-amendement est contradictoire avec le premier alinéa.

M. Jacques Myard. Pas du tout !

M. Bernard Roman. L’amendement prévoit que les actions de volontariat seront possibles pour les fondations reconnues d’utilité publique, et le sous-amendement précise dans quelles conditions celles-ci seront agréées : or ce n’est pas du tout ce que demande M. Pinte. Monsieur le ministre, je ne suis pas vous − ce qui est heureux, sans que je puisse dire si ça l’est davantage pour le Gouvernement ou pour moi −, mais, à votre place, je ne céderais pas aux sirènes de la défiance vis-à-vis des étrangers…

M. Jacques Myard. Faut-il pour autant céder aux sirènes de la naïveté ?

M. Bernard Roman. …qui se double en l’espèce d’une défiance vis-à-vis de fondations et d’associations d’intérêt public, qui mènent souvent des actions remarquables.

M. Richard Mallié. Ce procès d’intention est scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je souhaiterais dire à notre collègue Pinte que même ceux d’entre nous qui sont les plus sourcilleux quant au respect de l’esprit du projet de loi − qui est bien une régulation à la baisse des flux migratoires − comprennent et partagent l’esprit de générosité de son amendement. Nous craignons cependant que certaines associations soient tentées de dénaturer cet esprit, comme l’a très bien dit tout à l’heure notre collègue Jean-Christophe Lagarde.

M. Patrick Braouezec. Toujours la suspicion !

M. Jérôme Rivière. Certaines utilisent en effet les actes de générosité à des fins déloyales, pour introduire des étrangers sur notre territoire et les y maintenir. Le sous-amendement proposé par le Gouvernement permet d’accompagner cet acte de générosité auquel nous souscrivons bien évidemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas parce que des associations et des fondations ont été reconnues d’utilité publique qu’il ne peut pas y avoir de problèmes. Je pourrais citer le cas d’associations nationales, reconnues d’utilité publique, qui ont fait l’objet de malversations financières,…

M. Richard Mallié et M. Jean-Pierre Soisson. L’ARC !

M. Jacques Myard. …de détournements de fonds. Le label de qualité ne suffit pas. Qu’une fondation ait été reconnue d’utilité publique en 1936 ne garantit pas qu’elle sera toujours au-dessus de tout soupçon en 2006 ou en 2007. Je me rallie donc au sous-amendement du Gouvernement, tout en faisant mienne la générosité du cœur souhaitée par Étienne Pinte. Il faut un véritable pouvoir de vérification, pour éviter d’éventuelles malversations, et cela pourra se faire avec le contrôle d’agrément.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Le Gouvernement a tort…

M. Jacques Myard. Si Mamère le dit, c’est que le Gouvernement a raison !

M. Jérôme Rivière. C’est bon signe !

M. Noël Mamère. …de céder devant cette petite troupe de braconniers qui s’aventurent sur les terres de l’extrême droite.

M. Thierry Mariani, rapporteur. N’en rajoutez pas trop !

M. Jacques Myard. C’est le retour de l’interdiction de la chasse !

M. Noël Mamère. En acceptant l’amendement qu’ils proposent et en le sous-amendant, le Gouvernement commet une faute politique : il reconnaît, dans cet hémicycle et devant l’opinion, qu’il y a plusieurs droites dans la droite.

M. Jacques Myard. Attention au dérapage, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Une partie de la majorité a déjà franchi la ligne jaune…

M. Jacques Myard. M. Mamère vient de déraper !

M. Noël Mamère. …et se situe déjà dans la partie extrême de la droite.

M. Jacques Myard. M. Mamère est dans le mur !

M. Noël Mamère. Elle défend absolument les mêmes idées, fait tenir au ministre de l’intérieur des propos qui ont déjà été tenus avant lui par M. Le Pen,… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Cessez de radoter et réfléchissez un peu !

M. Noël Mamère. …jette non seulement la suspicion sur les étrangers,…

M. Jérôme Rivière. Et vous, vous jetez la suspicion sur la diplomatie française !

M. Noël Mamère. …mais, comme on vient de l’entendre de la bouche de M. Myard, sur des associations déclarées d’utilité publique, comme s’il fallait désormais exiger un peu plus de garanties de ceux qui sont reconnus par le Conseil d’État et par nos institutions. Je demande solennellement au Gouvernement de ne pas céder devant ces braconnages, devant ces outrances, devant ces extrêmes : il commettrait une faute politique et reconnaîtrait, devant la représentation nationale, qu’il ne peut plus tenir une partie de sa majorité, qui a déjà versé dans l’extrémisme.

M. Jacques Myard. La « mamérisation » de l’extrême gauche, c’est vraiment la déconfiture de la raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne tiendrai pas les mêmes propos que Noël Mamère, mais reviendrai à…

M. Christian Vanneste. À des choses sérieuses, peut-être ?

M. Patrick Braouezec. Non, ce que M. Mamère a dit était très sérieux, mais je veux revenir à la proposition de M. le ministre. Là où je suis en parfait accord avec ce qu’a dit Noël Mamère, c’est pour regretter que vous cédiez à cette pression.

M. Charles Cova. Ce n’est pas de la pression, c’est du bon sens !

M. Patrick Braouezec. Vous y cédez en avançant un argument qui peut faire plaisir à d’aucuns et les rassurer, mais qui n’est en rien une garantie.

M. Claude Goasguen. C’est la procédure de Mme Buffet lorsqu’elle était ministre !

M. Patrick Braouezec. Aujourd’hui, nous avons une liste de fondations reconnues par le Conseil d’État et une liste d’associations reconnues d’utilité publique par l’État. Quand M. le ministre nous propose une nouvelle liste exhaustive, on est en droit de se demander quelles seront celles qu’il faudra supprimer, et selon quels critères. Les seuls critères que j’accepte de prendre en considération − mais la liste qu’ils permettraient d’établir ne nous mettra pas à l’abri des surprises − sont ceux qu’a évoqués M. Myard tout à l’heure, à propos des associations qui détournent de l’argent et deviennent véreuses : en tout état de cause, elles perdent leur label et ne rentrent plus dans le cadre de l’amendement de M. Pinte.

M. Jacques Myard. C’est une autre affaire !

M. Patrick Braouezec. Ne tergiversons donc pas : les fondations et les associations d’utilité publique existantes n’ont pas à être remises en cause,…

M. Claude Goasguen. Mais l’agrément a toujours existé !

M. Patrick Braouezec. …on ne doit pas les suspecter a priori d’être de mauvaises gestionnaires ou de détourner de l’argent.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le problème !

M. Patrick Braouezec. C’est, en tout cas, le problème que soulevait M. Myard. D’ailleurs, pour terminer, je voudrais lui poser une question, à laquelle il n’est pas obligé de répondre ici.

M. Jacques Myard. Si la question est publique, la réponse le sera !

M. Patrick Braouezec. Monsieur Myard, vous vivez en permanence en état de suspicion…

M. Jacques Myard. Mais non !

M. Patrick Braouezec. …et pas forcément pour de bonnes raisons. Vous dites que vous vous interrogez toujours pour savoir quand la personne qui est entrée sur notre territoire l’a quitté. Mais vous interrogez-vous aussi, parfois, pour savoir si la personne à laquelle vous avez délivré une attestation d’accueil est bien arrivée ?

M. Jacques Myard. On peut le vérifier !

M. Patrick Braouezec. Vous vous interrogez sur le retour, mais assez peu souvent sur l’arrivée. Comme vous êtes obligé de délivrer plusieurs fois des attestations d’accueil pour que la personne obtienne enfin son visa, j’espère que vous vous posez autant de fois la question.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Voilà une heure que nous parlons de cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Nous sommes en démocratie : cela signifie que chacun a des droits et des devoirs, mais que la République doit avoir la possibilité d’exercer des contrôles.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Richard Mallié. Il ne vous est pas demandé n’importe quoi, mais simplement d’ajouter un alinéa qui permettra de retirer l’agrément en cas de dérapage. Cela n’implique aucune suspicion systématique. La différence entre les deux côtés de l’hémicycle est très simple : en face, on est laxiste et angélique.

M. Patrick Braouezec. Non : on est respectueux du droit !

M. Richard Mallié. Ici, on est réaliste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne suis pas systématiquement suspicieux. Mais, là encore, permettez-moi un témoignage dont je n’ai pas voulu faire part à l’Assemblée tout à l’heure pour ne pas prolonger le débat.

Lors des auditions que nous conduisions, les représentants d’une association, la CIMADE, pour ne pas la nommer – qui est reconnue d’utilité publique pour des raisons qui ne sont d’ailleurs pas forcément absurdes puisque ses membres aident les étrangers à connaître leurs droits –, nous ont expliqué que certains militants se trouvent sur ce que M. Braouezec appelait hier la plus grande frontière française,...

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. ...à savoir l’aéroport Roissy–Charles-de-Gaulle, et plus précisément, à la demande même de l’État, dans la zone internationale, non pour expliquer à des demandeurs d’asile les démarches à effectuer, mais pour suggérer aux arrivants sans titre de séjour de demander l’asile avant qu’ils ne franchissent le poste de contrôle de la police de l’air et des frontières.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si quelqu’un vient dans notre pays parce qu’il est persécuté dans le sien, il sait que c’est pour demander l’asile. Le suggérer à tous les arrivants, c’est dévoyer la mission dont on est investi.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je me rallie donc à la proposition de M. le ministre, conscient que ce n’est pas pour autant que cette association ne doit pas être reconnue d’utilité publique.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Prévoir, si ce que nous aurons voulu ensemble est dévoyé, un retrait, fût-ce temporaire, de l’agrément ne me paraît pas scandaleux.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est pourquoi la proposition qui nous est faite me semble équilibrée.

Le besoin qu’ont certains sinon de se donner des horions du moins de se lancer des caricatures à la figure ne peut s’expliquer que par la proximité de l’élection présidentielle ; je l’ai déjà dit, débattre de ce texte dans la tension politique actuelle ne permet pas de légiférer pour longtemps.

Cependant, je le répète, le sous-amendement du Gouvernement me paraît équilibré. Le pays connaîtra d’ailleurs des alternances politiques. L’autorité qui délivre les agréments est donc appelée à changer. Après avoir dressé l’état des lieux, elle verra bien qui respecte ou non selon elle l’esprit de la loi et doit donc recevoir ou non – ce qui, je l’espère, ne se produira pas – l’agrément.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Puisque M. Braouezec m’a posé une question publiquement, je lui répondrai publiquement : cela ne me pose aucun problème de délivrer des attestations d’accueil. Ce que je ne veux pas, c’est être pris – pardonnez-moi, madame la présidente – pour un con d’andouille, comme dit le bon peuple.

Quand une famille asiatique vient me demander pratiquement tous les quinze jours une telle attestation, je m’interroge. Si c’est parce que la personne attendue n’est pas arrivée, j’en prends acte, et une nouvelle attestation est délivrée. Mais si c’est pour pervertir le système actuel des attestations qui, il faut le reconnaître, sont délivrées de façon très libérale, et pour créer, ce que vous regrettez, des clandestins, en délivrer une serait de ma part aller à l’encontre de l’intérêt général.

M. Patrick Braouezec. Vous ne répondez pas à ma question !

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Ce n’est pas parce que l’on ajoutera une sixième condition, l’obtention d’un agrément, que nous serons pour autant sûrs à 100 %...

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Étienne Pinte. ...que telle personne, à partir du moment où il y a suspicion, a bien regagné son pays d’origine.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le problème !

M. Étienne Pinte. Faut-il prévoir le retrait de l’agrément s’il y a dérapage ? Le Gouvernement comme le Conseil d’État, ainsi que cela a été souligné, ont déjà la possibilité de retirer...

M. Patrick Braouezec. À tout moment !

M. Étienne Pinte. ...à une fondation ou à une association son label d’utilité publique. Je ne vois donc pas en quoi l’agrément ajouterait quelque chose en matière de contrôle du retour dans le pays d’origine.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Jacques Myard. Cela nous manquait !

M. Noël Mamère. Je souhaite conforter mon collègue Étienne Pinte,...

M. Jacques Myard. On avait compris !

M. Richard Mallié. Même combat !

M. Noël Mamère. ...et si le Gouvernement persiste à maintenir son sous-amendement, je refuserai de participer au vote.

Je dirai enfin à notre collègue M. Lagarde qu’il n’est pas bon de jeter le soupçon sur une association comme la CIMADE, dont on connaît le travail extraordinaire...

M. Jacques Myard. Un travail de sape !

M. Patrick Braouezec. Oh !

M. Noël Mamère. ...dans les camps de rétention en faveur des sans-papiers. Nous avons besoin de cette association.

Vous semblez l’ignorer mais, hier, le rapporteur a accepté, en connaissance de cause, un amendement qui avait été suggéré par la CIMADE. Cette association reconnue d’utilité publique mérite notre reconnaissance.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je n’ai jamais dit le contraire !

M. Jacques Myard. Assez, monsieur le curé Mamère !

M. Noël Mamère. Lorsque la CIMADE estime que la dignité humaine est atteinte, elle fait ce qu’elle croit juste, et elle a raison.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 605.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 53, modifié par le sous-amendement n° 605.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Jean-Pierre Soisson. Où est la générosité, messieurs de l’opposition ?

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 460.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le défendre.

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai insisté à plusieurs reprises sur le caractère primordial de l’intégration par l’apprentissage linguistique. Je voudrais encore fois soulever le problème particulier de l’intégration des primo-arrivants dans notre système éducatif.

Les chiffres sont éloquents : chaque année, 19 000 primo-arrivants sont intégrés dans le premier degré et 17 000 dans le second degré. Ce qui est surtout préoccupant, c’est qu’ils sont concentrés à 50 % dans les ZEP alors que celles-ci ne représentent que 20 % de la population scolaire.

Cette concentration pose deux problèmes : l’un sur le plan pédagogique, l’autre sur le plan linguistique, en empêchant l’immersion des jeunes lorsqu’ils arrivent en France.

Face à cela, il nous faut mobiliser des moyens, ce qui n’a pas toujours été le cas. Comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, nous avons tardé à mettre en place le diplôme d’étude de la langue française. C’est tout récemment que les décrets ont été pris. L’effort à fournir est d’autant plus nécessaire qu’un primo-arrivant sur quinze non seulement ne connaît pas le français, mais n’a même jamais été scolarisé.

C’est la raison pour laquelle je souhaite une répartition systématique des primo-arrivants, au-delà du simple respect de la carte scolaire, et une mise à leur disposition d’assistants d’éducation afin de faciliter leur insertion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement, déposé tardivement, n’a pu être examiné par la commission.

Sur le fond, je suis, à titre personnel, mille fois d’accord. Mais je ne peux qu’y être défavorable s’agissant de la forme, car il relève du pouvoir réglementaire.

M. Claude Goasguen. Il relève bien sûr de l’article 34 !

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’en profite, monsieur le ministre, pour rappeler l’un des sujets sur lesquels j’insiste depuis 1993, date de mon entrée dans cet hémicycle, à savoir dans les classes les cours de langue et de civilisation d’origine : cela me semble en opposition avec l’idée même d’intégration.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Vanneste, vous avez raison : il faut plus de mixité scolaire. Les enfants des immigrés ne doivent pas être scolarisés dans les mêmes établissements.

Votre objectif – tel en tout cas que le comprend le Gouvernement – est d’éviter autant que possible la formation et la pérennisation de ghettos. Cela suppose une organisation rénovée de l’éducation nationale. Vous ouvrez donc là un chantier particulièrement important, celui de la carte scolaire, laquelle, il est vrai, ne nous aide pas en la matière.

Le moment est-il venu d’engager cette réforme ? Je n’en suis pas convaincu. Aussi le Gouvernement s’en remet-il prudemment à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Vanneste ?

M. Christian Vanneste. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 460.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 462 rectifié.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. Cet amendement, qui traite d’un problème de même nature que le précédent, risque de recevoir une réponse analogue de la part de M. le rapporteur et de M. le ministre. Mais les problèmes les plus graves et les plus profonds ne s’expriment-ils pas de la meilleure façon au Parlement sous une forme déclarative plutôt que normative ?

Rejoignant une prise de position de notre collègue Christine Boutin, il me semble que l’un des meilleurs moyens de répondre au problème de l’immigration, c’est de le traiter à la source, en favorisant le codéveloppement des régions dont sont issus les immigrés. Dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, que Bernard Roman connaît bien, de très nombreuses collectivités territoriales ont noué des relations extrêmement positives avec leurs homologues africaines. Souvent, de tels accords sont plus efficaces que toute autre forme d’aide au développement. Il en va ainsi pour la région de Kaye, au Mali, où ma région intervient : ce territoire, qui est totalement enclavé, ce qui rend son développement impossible, serait dénué de ressources si nombre de Maliens ne venaient pas travailler en France.

C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’une action décisive soit menée par le Gouvernement en faveur de la coopération décentralisée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable sur le fond, totalement défavorable sur la forme. Christian Vanneste l’a lui-même reconnu, nous sommes là dans le normatif, pour ne pas dire le déclamatoire.

M. Christian Vanneste. Oh !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je lui demande, me plaçant sur le plan juridique et non sur le plan déclaratif, de bien vouloir retirer son amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Vanneste, nous sommes évidemment favorables à la coopération décentralisée. Les collectivités territoriales ont à l’évidence un rôle important à jouer en matière de codéveloppement. Mais la disposition proposée, ainsi que vient de le rappeler M. le rapporteur, n’est pas normative.

En revanche, j’imagine que vous vous associerez à l’amendement que Mme Boutin présentera à l’article 12, par lequel elle propose que les titulaires de la carte « compétences et talent » soient tenus de participer à une action de coopération décentralisée définie par la France et un pays de voie développement.

Le Gouvernement souhaite donc que vous retiriez votre amendement n° 462 rectifié.

Mme la présidente. Maintenez-vous cet amendement, monsieur Vanneste ?

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre, j’ai cosigné avec d’autres cet amendement de notre collègue Christine Boutin. Mon intention en la matière était surtout d’insister sur un problème essentiel. Comme je crois avoir été entendu, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 462 rectifié est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 600 rectifié.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.

M. Noël Mamère. Il s’agit par cet amendement de faire en sorte que le Gouvernement crée par décret un groupe d’études pour définir les dispositions selon lesquelles les citoyens étrangers ou communautaires résidant en France, majeurs, des deux sexes, peuvent être électeurs aux élections locales à partir du 1er janvier 2008.

Cette disposition s’inscrit parfaitement dans la logique de ce projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration. Y a-t-il meilleur moyen de s’intégrer que de participer aux votes et donc de décider ensemble de notre communauté de destin ?

Cet amendement s’inspire également de récents propos de M. le ministre de l’intérieur, qui s’est déclaré favorable au vote des étrangers aux élections locales.

M. Jacques Myard. Ah !

M. Noël Mamère. Je tiens d’ailleurs à vous rappeler, monsieur le ministre délégué, qu’en avril 2000 votre serviteur est monté à cette tribune pour présenter une proposition de loi au nom des Verts, qui a été votée à l’unanimité par la majorité de l’époque. Elle est donc à la disposition de M. le ministre de l’intérieur pour qu’il en fasse un projet de loi et le présente à l’Assemblée comme au Sénat, où, j’en suis sûr, sa majorité le suivra.

On mettrait ainsi un terme à une double inégalité : inégalité dans notre Constitution, qui ne prévoit pas le vote des étrangers, et inégalité entre les étrangers puisque, depuis le traité de Maastricht, et suite à la modification de cette même Constitution, les ressortissants communautaires qui vivent dans notre pays peuvent voter aux élections locales et même accéder à certaines fonctions électives.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas normal ! Ils devraient voter à toutes les élections !

M. Noël Mamère. Je rejoins sur ce point mon collègue Lagarde. Je pense en effet que les étrangers qui vivent depuis un certain temps chez nous devraient, au nom de la citoyenneté de résidence, pouvoir participer à l’ensemble des élections. Je rappelle que pour déterminer le nombre de conseillers municipaux dans une commune, on comptabilise l’ensemble des habitants de la commune et donc les étrangers, qui n’ont pas le droit de vote.

M. Patrick Braouezec. Tout à fait !

M. Noël Mamère. Ces mêmes étrangers qui n’ont pas le droit de vote sont également sollicités pour participer à la richesse de la France. Et nous savons bien qu’un certain nombre de Français se considèrent un petit peu comme des « étrangers de l’intérieur » parce que leurs parents ou leurs grands-parents, qui n’ont pas choisi la nationalité française, ne peuvent pas voter.

Le vote est un des éléments fondateurs, un des éléments essentiels de la citoyenneté. Les élus que nous sommes peuvent parfois avoir la tentation – c’est humain – de ne pas traiter avec les mêmes égards ceux qui n’ont pas le droit de vote et ceux qui peuvent les sanctionner à l’occasion des rendez-vous démocratiques que sont les élections.

Voilà pourquoi je me suis permis de proposer cet amendement. Cet amendement, nécessaire pour la cohésion de notre pays, devrait pouvoir être accepté par le Gouvernement, puisqu’il va dans le sens de ce qui a été proposé par M. le ministre de l’intérieur, et être adopté par une majorité de représentants, de droite comme de gauche.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Mamère, qui est un homme astucieux, nous propose en réalité, via la création d’un groupe d’études, un débat sur le vote des étrangers aux élections.

M. Jérôme Rivière. Hors sujet !

M. Claude Goasguen. La ficelle est grosse !

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement qui a été déposé à la dernière minute.

Je dirai simplement, comme le soufflent certains, que la ficelle est évidente.

M. Jacques Myard. C’est une corde !

M. Thierry Mariani, rapporteur. À titre personnel, je suis résolument hostile à cette proposition.

M. Noël Mamère. Vous n’êtes pas d’accord avec le ministre de l’intérieur, alors ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je reste pour ma part attaché au fait que le droit de vote soit lié à la nationalité.

Monsieur Mamère, vous avez raison de souligner qu’il y a une inégalité de traitement entre les étrangers, mais n’oubliez pas que, pour les étrangers européens, il existe un droit de réciprocité, ce qui n’est pas le cas pour les autres.

M. Noël Mamère. Cela n’a rien à voir !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Enfin, je vous rappelle qu’aujourd’hui, on peut demander à devenir français après cinq ans de présence sur le territoire. Si une personne veut voter, une très bonne solution s’offre à elle : remplir toutes les procédures pour devenir française. (« Très bien ! sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Roman. Cela va être intéressant de connaître l’avis du ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Mamère, je vous rappelle, mais vous le savez certainement, que la question du droit de vote des étrangers est d’ordre constitutionnel. C’est la raison pour laquelle votre amendement n° 600 rectifié a été jugé irrecevable.

M. Noël Mamère. Je propose seulement la mise en place d’un groupe d’études.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le rapporteur a habilement déjoué l’artifice que vous avez utilisé car l’injonction qui serait faite au Gouvernement de créer un groupe de travail ne relève naturellement pas de la loi.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Sur le fond, il est vrai qu’aujourd’hui treize États de l’Union européenne se sont engagés dans la voie d’un vote des étrangers aux élections locales. Cela signifie, il faut le reconnaître simplement, sereinement si possible, qu’un jour, un débat devra être organisé sur ce sujet. Ce sera l’occasion pour chacun d’exprimer son choix et de mesurer les avantages et les inconvénients d’une telle initiative.

Mais ce débat constitutionnel, heureusement d’ailleurs pour le représentant du Gouvernement que je suis, ne peut se dérouler aujourd’hui, dans cet hémicycle. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cette proposition.

M. Claude Goasguen. Elle est irrecevable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Vous le comprendrez aisément : je soutiens l’amendement qu’a déposé Noël Mamère.

D’abord, parce que c’est logique. En effet, vous le savez sans doute, la ville de Saint-Denis a organisé récemment un référendum sur le droit de vote des étrangers, en faisant d’ailleurs voter sur une liste complémentaire les étrangers qui s’étaient inscrits. Le résultat est probant puisque plus de 65 % de ceux qui se sont déplacés pour voter se sont prononcés favorablement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Avec quel taux de participation ?

M. Patrick Braouezec. La participation a été de 30 %, ce qui est beaucoup.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela fait tout de même 70 % d’abstentions !

M. Patrick Braouezec. Si toutes les consultations sur des enjeux électoraux institutionnels avaient aujourd’hui 30 % de participation, ce ne serait pas mal. La plupart du temps, cela oscille entre 20 et 28 %, pour des élections avec de véritables enjeux électoraux.

Je ne me satisfais pas des réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre. Ce projet de loi nous propose déjà la création de commissions, pour observer et évaluer les conditions de l’immigration et de l’intégration. La proposition de M. Mamère, et ce n’est pas une ficelle,…

M. Noël Mamère. Certainement pas !

M. Claude Goasguen. C’est une corde à nœuds !

M. Patrick Braouezec. …est tout à fait raisonnable. Il s’agit de créer un groupe de travail pour étudier les conditions permettant à l’ensemble de ceux qui vivent sur notre territoire, avec peut-être une durée de séjour minimum, de participer pleinement à la vie citoyenne. On a des exigences envers les étrangers, parfois même plus importantes que pour les résidents français, mais dès qu’il s’agit d’élire des représentants, notamment au niveau des collectivités locales, on leur demande de ne plus être citoyens.

M. Christian Vanneste. Ce ne sont pas des citoyens !

M. Patrick Braouezec. Mais on peut détacher la citoyenneté de la nationalité, monsieur Vanneste.

M. Christian Vanneste. Pas du tout.

M. Patrick Braouezec. Et puisque vous aimez citer les pays étrangers, regardez le nombre de pays européens qui, aujourd’hui, ont intégré le vote des étrangers non communautaires aux élections locales dans leur Constitution.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Patrick Braouezec. Ils sont sans doute plus nombreux que ceux que vous nous citez en contre-exemples.

Aborder cette question ne constituerait donc aucunement une offense, nous ne ferions pas bande à part vis-à-vis des autres pays européens, et même si, j’en conviens, ce n’est pas tout à fait l’objet de notre discussion, l’idée de créer par décret un groupe de travail n’est pas sans rapport avec le texte qui nous réunit aujourd’hui, qui porte sur les conditions d’accueil et de séjour des étrangers et leur intégration.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est au moins un point sur lequel je serai d’accord avec M. Mamère, celui concernant les citoyens communautaires, lesquels ne devraient d’ailleurs pas, selon moi, être qualifiés d’étrangers puisque nous avons choisi de créer une citoyenneté de l’Union européenne. Les citoyens communautaires sont dans une situation à la fois absurde et scandaleuse : ils ne peuvent voter que pour deux élections, les municipales et les européennes, et ils peuvent remplir des fonctions électives dans les conseils municipaux sans pouvoir être maires adjoints.

M. Patrick Braouezec. Ni maires !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ni maires, bien sûr. C’est totalement absurde et contraire à l’histoire de France.

M. Patrick Braouezec. En effet. Il y a eu des maires étrangers !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons décidé de créer une citoyenneté communautaire. Or, dans l’histoire de France, la citoyenneté, ce n’est ni le sang, ni la langue, ni la culture, c’est un acte de volonté politique.

M. Bernard Roman. Un acte de volonté, pas de volonté politique !

M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd’hui, les électeurs portugais ou italiens de Drancy, et ils sont nombreux, ont le droit de désigner les députés européens mais pas d’élire le député français de la circonscription, lequel consacre 70 % de son temps à appliquer des directives européennes. Mieux, ils peuvent voter pour des représentants de la France, puisque les députés européens élus en France sont des représentants de la France, pour parler au nom du peuple français dans les institutions européennes, cependant qu’ils n’ont pas le droit de voter pour le chef de l’État, qui va parler au nom du peuple français dans les institutions européennes.

Je suis donc favorable, monsieur Mamère, et je tenais à préciser ce point, à l’idée de donner aux citoyens communautaires vivant dans notre pays un droit de vote complet, sans restrictions.

En revanche, pour les étrangers non communautaires, il faut revenir à la notion de citoyenneté. M. Braouezec vient de dire que cette notion pouvait être découplée de la nationalité.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison pour un certain nombre de pays. Mais il se trouve que chaque pays a sa propre construction nationale et que la construction nationale française s’est faite à partir de la notion de volonté. On est Français parce qu’on naît en France, là on n’a pas le choix, on devient Français parce qu’on le veut. Pour moi, la citoyenneté est essentiellement attachée à cette volonté.

J’ai donc déposé trois ou quatre amendements qui visent à faciliter l’acquisition de la nationalité française. Aujourd’hui, c’est un véritable parcours du combattant qui peut durer quatre ans, cinq ans parfois, et qui est humiliant pour les gens,…

M. Jérôme Rivière. Oh !

M. Jean-Christophe Lagarde. …parce qu’on leur demande de revenir quinze fois avec le même papier.

C’est notre histoire et l’intérêt de la France. Dès lors qu’une personne est admise sur notre territoire et qu’on lui délivre un titre de résident, il est normal que nous lui proposions de devenir française – il ne s’agit pas de le lui imposer. Quelqu’un qui ne souhaite pas devenir français – il a le droit de rester citoyen national de son pays d’origine – ne doit pas non plus devenir électeur. Mais si nous respectons l’histoire de France et la générosité dont notre pays a fait preuve depuis toujours, il est normal que nous souhaitions que celui qui le désire puisse devenir Français.

Enfin, je refuse l’argument selon lequel vous devez pouvoir être électeur, par exemple aux élections locales, parce que vous payez des impôts.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Car vous payez également des impôts au département, vous devriez donc pouvoir voter pour le conseil général ; vous payez des impôts à la région, et vos enfants fréquentent les lycées, vous devriez donc voter pour le conseil régional ; vous payez des impôts nationaux, vous devriez donc voter pour les élections législatives, les élections présidentielles.

M. Noël Mamère. Bien sûr !

M. Christian Vanneste. Le vote n’a rien à voir avec l’impôt ! Le système censitaire n’existe plus !

M. Jean-Christophe Lagarde. Dire que l’on va limiter à l’élection locale le droit de vote des étrangers, c’est avancer masqué. En réalité, il faudrait accorder ce droit pour toutes les élections. Mais alors, le pacte national s’en trouve modifié parce que le fait de vouloir être français n’est plus la condition de l’adhésion politique à la nation française.

Je suggérerai dans un amendement que l’on propose systématiquement un dossier de naturalisation aux personnes qui veulent renouveler leur titre de résident. Il ne s’agit pas d’imposer, je respecte toutes les personnes qui souhaitent garder leur nationalité d’origine, mais dès lors que nous accueillons quelqu’un qui va passer dix, vingt, trente, quarante ans dans notre pays, c’est à la fois notre intérêt, notre honneur et le respect de notre histoire que de faire en sorte que cette personne devienne française. Si elle pouvait le devenir en moins d’un an, le problème du droit de vote des étrangers ne se poserait plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Quel débat passionnant ouvert par un amendement…

M. Jean-Christophe Lagarde. Intelligent !

M. Bernard Roman. …déposé par M. Mamère au hasard de ce texte.

Je suis en partie d’accord avec M. Lagarde en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité française. Je prendrai l’exemple d’un médecin du CHRU de Lille, mais des centaines de médecins étrangers sont dans ce cas et bien des hôpitaux devraient fermer si leurs titres de séjour étaient invalidés.

M. Patrick Braouezec. La quasi-totalité !

M. Bernard Roman. Ce médecin étranger, d’origine libanaise, en poste à Tourcoing, je le dis pour le député de Tourcoing ici présent, est venu suivre ses études en France. Il a effectué sa spécialité en France – trois médecins en France dans sa spécialité. Il est en poste depuis huit ans, adjoint à un chef de service du centre hospitalier régional. Il est sous contrat annuel, avec un salaire naturellement bien inférieur à ce que devrait toucher un médecin dans ce poste. Il demande la nationalité française. Il essuie un premier refus. Il fait une deuxième demande. Il essuie un nouveau refus, au prétexte que sa situation professionnelle est instable. Naturellement, son contrat doit être renouvelé chaque année pour occuper, à la demande du gouvernement français, un poste qu’aucun autre médecin français n’aurait pu prendre. Il a fallu intervenir avec beaucoup d’insistance auprès de M. Borloo pour qu’à titre tout à fait exceptionnel il soit dérogé à la décision initiale et que ce médecin finisse par acquérir la nationalité française.

Je pense que ce n’est pas un cas unique et que nous devrions – nous serons un certain nombre à soutenir les amendements que M. Lagarde a déposés en ce sens – favoriser pour l’ensemble des étrangers qui le souhaitent l’accès à la nationalité française.

On ne va pas reprendre ici la discussion sur citoyenneté et nationalité, mais est-on à côté du débat sur l’intégration quand on parle du droit de vote des étrangers aux élections locales ? Il me semble au contraire que nous y sommes en plein. Tant qu’on n’aura pas reconnu aux parents, quelquefois aux grands-parents, des jeunes dont on a tant parlé en évoquant la délinquance, l’insécurité et toutes les difficultés des banlieues, le droit à une forme de dignité citoyenne qui passe par une reconnaissance de leur citoyenneté locale, nous n’aurons pas franchi la première marche de l’intégration.

Je m’étonne donc un peu de la réponse de M. Hortefeux, dont on connaît les liens de proximité avec le ministre de l’intérieur. Le ministre de l’intérieur revendique – et ce n’est pas illégitime de sa part – ce débat sur l’immigration et l’intégration. Il est nécessaire, parce que nous approchons d’échéances capitales et qu’il faut que nous puissions nous adresser aux Français sur cette question. Mais comment peut-il le revendiquer haut et fort – je vous renvoie à son interview dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, le 29 mars dernier – et se taire sur un sujet à propos duquel il a pourtant pris position et qui est au cœur de la question de l’intégration, celui du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales ? Il me semble qu’il y a là soit un oubli volontaire soit une volonté de ne pas déplaire à ceux que l’on ne veut pas heurter sur la question de l’immigration.

Il serait donc mieux que chacun sache clairement à quoi s’en tenir : M. Sarkozy, président de l’UMP, est pour le droit de vote des étrangers aux élections locales ; M. Sarkozy, ministre de l’intérieur, est contre.

Il existe pourtant des éléments de citoyenneté pour lesquels nous ne nous posons pas de question concernant les étrangers et au sujet desquels nous sommes bien contents que la représentativité et la délégation puissent exister. Lorsqu’on vote dans notre pays pour élire les représentants dans les comités d’entreprise ou aux conseils de prud’hommes, lorsque on vote pour élire les représentants de parents d’élèves dans les conseils d’établissement, rien n’interdit aux résidents étrangers d’y siéger. Et je vous invite à regarder à l’intérieur de vos circonscriptions, dans les quartiers qui ont des difficultés et où les étrangers sont en nombre important, combien il y a de délégués de parents d’élèves, de représentants des comités d’entreprise et d’élus aux conseils de prud’hommes qui sont de nationalité étrangère et dont personne ne conteste la citoyenneté.

Le débat méritait d’être posé, et nous voterons avec enthousiasme l’amendement de M. Mamère.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère. (Protestations de M. le rapporteur.)

M. Noël Mamère. Je voudrais rebondir sur une phrase récente prononcée par M. le ministre de l’intérieur, qui disait en gros : « Si vous n’aimez pas la France, quittez-la », reprenant ainsi un slogan de M. Le Pen, adopté à son tour par M. de Villiers. Suivant ce slogan, on peut répondre au ministre de l’intérieur que la France n’aime pas des millions de ses citoyens qui vivent depuis des années sur notre territoire. Elle ne les aime pas parce qu’elle ne veut pas leur donner le droit de vote et les considérer comme des citoyens. Ces gens qu’on est souvent allé chercher dans nos anciennes colonies, qui sont là depuis trente ou quarante ans et dont les enfants et petits-enfants sont français, continuent, eux, d’aimer la France. La France a beau ne pas les aimer, ils y restent, parce que la France est leur pays.

Tout à l’heure, M. Vanneste nous parlait de Rousseau. Rappelons donc que la tradition de notre pays n’est pas simplement celle du choix de la nationalité. Ce n’est d’ailleurs pas la République qui a inventé la citoyenneté de résidence, c’est la monarchie, avec un roi qui s’appelait François Ier, pour un peintre qui s’appelait Léonard de Vinci.

Mme Christine Boutin. Grand talent !

M. Noël Mamère. La citoyenneté de résidence a été inventée au XVIe siècle pour que l’on s’empresse de la faire disparaître avec l’avènement de la République !

M. Christian Vanneste. Vous dites n’importe quoi : il n’y avait pas de citoyens à l’époque mais uniquement des sujets !

M. Noël Mamère. M. Lagarde nous disait tout à l’heure qu’il y avait un lien indissociable entre le vote et la nationalité. Nous, nous disons que le principe de la nationalité n’est pas exclusif de la citoyenneté de résidence et qu’on n’a pas besoin d’être un national quand on vit depuis plusieurs années dans ce pays, qu’on y a fondé sa famille, qu’on y élève ses enfants, qu’on y grandira et qu’on y mourra, pour avoir le droit d’exercer les mêmes droits et les mêmes devoirs de citoyen que l’ensemble de ceux qui vivent dans ce pays. Or, parmi ces droits et ces devoirs, il y a la possibilité de pouvoir participer à son destin collectif.

Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’un problème constitutionnel et qu’on ne peut dans cet hémicycle, à l’occasion de cette loi sur l’intégration, accepter mon amendement. Mais vous n’avez pas assisté à la totalité des débats, et vos amis ont voté plusieurs articles dans lesquels vous renvoyez à des décrets en Conseil d’État. Or je vous propose tout simplement que le Gouvernement mette en place par décret une commission qui examine les conditions dans lesquelles des citoyens non français, pour la plupart issus de nos anciennes colonies, pourront voter dans un premier temps lors des élections locales, à partir du 1er janvier 2008. Je ne vois donc aucune opposition administrative ou juridique, aucune opposition autre que politique, au refus de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 600 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, inscrit sur l’article.

M. Claude Goasguen. Ce dont nous allons débattre dans les articles 7, 8 et 9 est important et difficile. Difficile notamment pour l’article 7, car il s’agit des étudiants étrangers, qui constituent l’un des problèmes les plus complexes de notre enseignement et de notre politique de coopération.

Si la situation est préoccupante, ce n’est guère à cause du nombre de ces étudiants : nous en avons beaucoup, et souvent au détriment des exigences qualitatives que mérite l’université. Je le dis d’autant mieux que j’ai exercé pendant plusieurs années des fonctions universitaires dans une université de Seine-Saint-Denis, à Paris XIII, et que j’ai eu l’occasion de m’y occuper du problème spécifique des inscriptions.

Monsieur le ministre, l’article 7 est un progrès réel mais il ne clôt pas le débat. La question de l’inscription des étudiants étrangers est en effet liée au problème du financement des universités. Si nous n’arrivons pas à améliorer qualitativement notre recrutement universitaire étranger, si nous sommes souvent contraints de nous en remettre à des critères quantitatifs, c’est parce que le financement des universités repose sur la somme des individus qui s’inscrivent, et ce au détriment de l’examen des dossiers. Pour des raisons très estimables, les présidents d’université qui ont des difficultés financières profitent souvent des inscriptions étrangères ; ils savent, d’une part, que ces inscriptions aboutiront à des subventions supplémentaires pour leur établissement et, d’autre part, que les étudiants étrangers ne seront parfois pas là tout au long de l’année.

Il est primordial de remédier à cette situation dans les années à venir. Dans cette perspective, le Gouvernement a pris des mesures extrêmement intéressantes qui témoignent d’une vision plus moderne de l’inscription dans les universités françaises. Je parle notamment des CEF, ces organismes au statut un peu particulier qui permettent aux étudiants étrangers, à travers le réseau des consulats et des ambassades, de s’inscrire par internet depuis leur pays d’origine dans l’université de leur choix. Cela règle beaucoup de formalités administratives très pesantes et simplifie l’inscription proprement dite.

Le statut de nos universités pourra sans nul doute évoluer grâce à ce système, mais j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur une réserve et une préoccupation partagées par beaucoup dans cet hémicycle, à droite comme à gauche. Il s’agit de la responsabilité très particulière que nous avons à l’égard de nos universités francophones.

Celles-ci ne doivent pas pâtir de la politique d’extension de notre zone d’influence universitaire, qu’il faut prioritairement mener dans les pays où nous ne sommes pas assez présents – je pense notamment à la Chine, à l’Inde, à l’Égypte – et où les universités anglo-saxonnes drainent l’essentiel du potentiel étudiant et produisent des diplômés qui soit intègrent leurs filières de recherche, soit regagnent leur pays d’origine.

Si nous appliquons à la lettre l’article 7 – mais je sais que vous ne le ferez pas –, il y a fort à craindre pour l’avenir du Sénégal, de la Côte d’Ivoire ou du Mali, dont les universités me sont personnellement chères, car j’y ai enseigné. Ce sont des universités formidables, que nous avons aidées, et dont les étudiants sont pleins de détermination et de courage.

M. Patrick Braouezec. Oui !

M. Claude Goasguen. C’est, au bout du compte, à notre pays que nous rendrions le pire des services en privant ces universités francophones de leurs meilleurs éléments pour les faire venir chez nous. Si des mesures préservent le droit au retour, on sait parfaitement qu’un étudiant venu d’Abidjan pour étudier dans une université française n’aura pas forcément envie de retourner en Côte d’Ivoire s’il a obtenu ici un bon diplôme.

J’attire donc l’attention de l’administration, qu’il s’agisse du ministère des affaires étrangères, du ministère de l’intérieur ou de l’enseignement supérieur sur l’application qui sera faite de l’article 7 de la loi. S’il doit être utilisé strictement pour les pays dans lesquels nous devons renforcer notre présence face à nos concurrents américains, anglais et allemands, il serait beaucoup plus souhaitable d’envisager avec les universités francophones des pays que je viens de mentionner des accords de coopération et de codéveloppement. Cela permettra, mes chers collègues, d’éviter une deuxième catastrophe dans une dizaine d’années, à savoir le danger pour ces pays qui nous sont chers de se voir privés de leurs forces vives de développement et de nous exposer, nous, au risque d’une nouvelle vague d’immigration dont ceux qui viendront après nous auraient à subir les conséquences.

Cet article est très bon, il est moderne, mais jouons d’abord dans son application la concurrence avec nos adversaires naturels, sans défavoriser les universités francophones.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Une fois n’est pas coutume, je partage certaines des préoccupations exprimées par M. Goasguen, même si je ne suis pas d’accord avec le jugement positif qu’il porte sur l’article 7.

S’agissant, d’abord, de l’attractivité de nos universités, il sait de quoi il parle puisqu’il a enseigné à Paris XIII, qui est symbolique de la misère universitaire française. L’université est dépourvue d’équipements sportifs. Certaines ne sont pas desservies par les transports en commun. Quant aux logements universitaires, ils ne sont pas en nombre suffisant pour accueillir de façon satisfaisante les étudiants étrangers. C’est un premier obstacle et nous ne pouvons donc concurrencer les pays cités.

S’agissant, ensuite, des universités francophones, je partage aussi la crainte de M. Goasguen. En revanche, je ne comprends pas qu’il soutienne cet article 7, qui va aggraver la situation. En effet, on va sélectionner les meilleurs, les « cerveaux », en fonction de nos propres besoins, en ne tenant compte ni des intérêts des pays d’origine ni de l’intérêt des étudiants eux-mêmes. Il y a fort à craindre que les consulats et les préfectures n’écartent d’office la plupart des étudiants qui n’entrent pas dans les catégories que l’on veut favoriser. Des autorités administratives vont ainsi se substituer aux universités dans le choix des étudiants à accueillir. Cela aura pour effet, en outre, d’empêcher des confrontations fructueuses entre étudiants français et étrangers.

Je fais donc le même constat que M. Goasguen, mais mon analyse est différente. Voilà pourquoi je souhaite que l’article 7 soit supprimé.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 4.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. Par cet amendement, je demande qu’avant de délivrer la carte, on vérifie que l’étudiant a une connaissance suffisante de la langue – le plus souvent le français – dans laquelle l’enseignement va être dispensé. J’ai en tête le cas d’un étudiant coréen, inscrit en DESS à Assas, qui ne parlait pas un mot de français et a donc fait une année blanche parce qu’il ne comprenait rien à l’enseignement qui lui était dispensé.

Mme la présidente. Je vous suggère de défendre également l’amendement n° 5, monsieur Rivière.

M. Jérôme Rivière. Les chiffres ont été rappelés tout à l’heure par Claude Goasguen. Nous accueillons aujourd’hui dans le cadre de l’enseignement supérieur environ 250 000 étudiants étrangers et notre système présente des intérêts qui ne sont pas toujours liés à notre enseignement : coûts de scolarité relativement bas, logements étudiants subventionnés et système de santé attractif. L’amendement n° 5 tend donc à subordonner la délivrance de la carte à la justification de l’affiliation de l’étudiant étranger à un régime d’assurance maladie couvrant les frais de ses éventuels soins de santé pendant la durée de son séjour en France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement n° 4 a été rejeté par la commission. A la réflexion, après les auditions auxquelles nous avons procédé – je pense notamment à celle de M. Monteil, directeur des études –, il m’apparaît comme une fausse bonne idée. En effet, il nous priverait d’étudiants capables d’apprendre très vite le français. Par ailleurs, il revient aux écoles et universités de fixer les critères d’évaluation permettant une inscription en leur sein. Il n’est donc pas nécessaire de légiférer sur ce point.

S’agissant de l’amendement n° 5, on ne saurait adopter une disposition qui, au motif de mettre un terme à quelques abus, pénaliserait tous les étudiants. Donc, avis très défavorable. Pour les personnes venant en France avec un simple visa, en revanche, je vous rappelle que nous avons voté, en 2003, le principe d’une affiliation à une assurance. C’est déjà une grande avancée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission. L’amendement n° 4 risquerait de nous priver d’étudiants à fort potentiel, qui se précipiteraient dans des universités britanniques, canadiennes ou américaines. Son adoption aurait un effet pervers. Quant à l’amendement n° 5, j’en comprends la motivation mais celle-ci disparaît grâce aux garde-fous que nous mettons en place avec les centres pour les étudiants en France : il ne pourra plus y avoir de cartes d’étudiant « bidon ». Vous pouvez donc être rassuré, monsieur Rivière.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Sans doute des étudiants brillants et motivés sont-ils capables d’apprendre très rapidement notre langue. Je retire donc l’amendement n° 4.

Quant à l’amendement n° 5, le fait que le taux de réussite des étudiants étrangers soit inférieur d’un tiers à celui des étudiants français laisse craindre d’importants abus. Cela dit, dès lors que les centres vérifieront que la demande d’inscription dans une université n’est pas motivée par le désir de bénéficier du système de santé français, je retire également cet amendement.

Mme la présidente. Les amendements nos 4 et 5 sont retirés.

Je suis saisie d’un amendement n° 408.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est un amendement purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 408.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 54 et 330.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 54.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse M. Goasguen le défendre.

M. Claude Goasguen. J’espère que cet amendement, identique à mon amendement n° 330, sera adopté à l’unanimité. Il va à l’encontre de la méfiance que l’on nous prête à l’égard de ceux qui viennent se former dans notre pays. Le système actuel suscite des tracasseries administratives, une épouvantable suspicion et une surcharge les directions du travail. Il s’agit donc d’éviter aux étudiants étrangers qui ont un travail à temps partiel des tracasseries administratives inutiles et désagréables, et de leur permettre ainsi d’étudier dans les meilleures conditions.

La stratégie de la compétition universitaire et de recherche dans laquelle nous sommes engagés est un aspect primordial de la mondialisation à laquelle nous sommes confrontés. Ce n’est pas simplement une bataille de prestige ; elle peut fondamentalement transformer l’avenir de notre potentiel économique et social. C’est un sujet dont les Français commencent à comprendre l’extraordinaire importance. Par conséquent, je souhaite que l’on fasse ce geste à l’égard des étudiants étrangers qui choisissent de venir dans nos universités.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il s’agit de remplacer un contrôle a priori fictif par un contrôle a posteriori bien réel. Avis très favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Une fois n’est pas coutume, nous allons voter cet amendement de M. Goasguen, car c’est un amendement de bon sens. En effet, il est bon d’autoriser a priori le travail à mi-temps annualisé pour les étudiants étrangers sans les tracasseries administratives actuelles. Cela concerne d’ailleurs aussi les employeurs. Une telle disposition permettra en outre aux directions départementales du travail de consacrer des dizaines d’heures par mois à d’autres tâches bien plus utiles, n’en déplaise à Mme Parisot !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Nous nous attachons à faire en sorte que ce texte soit le moins négatif possible pour les personnes concernées. Comme votre proposition va dans le bon sens, monsieur Goasguen, il n’y a aucune raison que nous ne la votions pas.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 54 et 330.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisie d’un amendement n° 534.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Chacun a compris que cet amendement propose, en insérant dans l’article un alinéa supplémentaire, de rétablir la motivation des refus consulaires des visas aux étudiants, afin que leur droit de venir se former en France ne se heurte pas à un refus systématique et injustifié.

Rétablir cette disposition garantirait le droit des étudiants, sinon d’étudier en France, du moins de connaître, le cas échéant, la motivation du refus qui leur a été opposé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’ai écouté vos explications, monsieur Braouezec. À mon avis, vous faites une confusion.

Votre amendement prévoit la généralisation pour tous les étudiants de l’obtention de plein droit de la carte d’étudiant, alors que notre objectif est de limiter les procédures pour ceux qui passent par les centres pour les études en France. L’amendement ne contient aucune proposition relative aux visas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. La réforme que nous proposons consiste à donner automatiquement une carte de séjour aux étudiants qui, dans leur pays d’origine, auront été choisis selon quatre procédures : ils peuvent être sélectionnés par les centres pour les études en France, reçus au concours d’établissements conventionnés, boursiers du gouvernement français ou originaires d’un pays ayant signé un accord de réciprocité avec la France.

Vous comprenez aisément qu’on ne peut, sans la dénaturer, ouvrir cette disposition à tous les étudiants qui souhaiteraient venir en France, ce qui conduirait à la remettre en cause.

En outre, sachant qu’il n’y a pas de centres pour les études en France dans chaque consulat, on ne peut manifestement faire droit à toutes les demandes, ce qui irait de toute façon contre l’esprit du projet de loi.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je comprends l’objection du rapporteur. Mais, si l’on introduisait cet alinéa dans le texte, les étudiants à qui on refuse le droit d’étudier en France s’en verraient au moins notifier la raison. Ne peut-on pas motiver les refus consulaires des visas pour les étudiants ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Braouezec, nous avons déjà eu ce débat hier soir. Pardonnez-moi, mais j’ai l’impression que vous mélangez le visa et le titre de long séjour, pour lequel aucune motivation n’est prévue.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Pour compléter ce que j’ai dit, j’insiste sur le fait que tous les consulats disposeront bientôt de CEF, mais il faut respecter la progressivité de leur mise en place. Quant à la notification du refus des visas, vous l’avez compris, elle a été supprimée par la loi de 2003 dans un souci de simplification.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. M. Braouezec a raison. Le projet de loi vise à multiplier les centres pour les études en France, déjà opérationnels auprès des consulats de douze pays en 2006, et qui devraient être généralisés à compter de 2007.

Je ne comprends pas votre position, monsieur le rapporteur : derrière un souci apparent de rationalité, vous allégez le contrôle effectué par les préfectures en le confiant aux autorités consulaires dans les pays d’origine. Vous pratiquez donc une sélection en choisissant les étudiants. Je vous rappelle les termes du dispositif : « À compter de la rentrée 2006, les étudiants bénéficiant d’un visa seront choisis selon un nouveau système multicritères (prenant en compte plusieurs points : le projet d’études, le parcours académique et personnel, les compétences linguistiques, les relations bilatérales ainsi que les intérêts de la France et du pays de l’étudiant étranger), s’ajoutant aux critères actuels (ressources, inscription dans un établissement d’enseignement, absence de menace à l’ordre public). »

La proposition de M. Braouezec me paraît juste. Le Gouvernement devrait l’accepter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 534.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 274 et 511, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 274.

M. Bernard Roman. Ces amendements visent à supprimer, l’un les alinéas 10 à 20, l’autre les alinéas 10 à 14 de l’article 7, qui nous inspirent quelques doutes quant à l’objectif réellement visé par le Gouvernement et la commission. Ces alinéas définissent les conditions dans lesquelles on traite les étudiants qui ont atteint le niveau bac plus cinq ou effectuent un doctorat dans nos universités.

Ceux qui sont dans ce cas disposent d’un délai de six mois pour trouver un premier emploi en France. Pendant cette période, ils peuvent bénéficier d’un stage qui, s’il est rémunéré, répond aux règles spécifiques définies dans le projet de loi. Ce stage peut lui-même déboucher sur un emploi ou une promesse d’embauche sans que l’état du marché du travail constitue un obstacle à l’autorisation de travail, dès lors accordée par l’administration de manière systématique.

Alors qu’on nous affirme que la France veut mener des politiques de codéveloppement, nous craignons que ces mesures ne visent finalement qu’à récupérer les élites étrangères.

En outre, le Gouvernement n’a pas répondu aux questions que je lui ai posées, lors de l’examen de l’article 6, sur le nombre réel d’étudiants étrangers présents en France. Aujourd’hui, ceux-ci représentent, dans le premier cycle, 9,7 % des étudiants inscrits, dans le second cycle, 13,9 % et, dans le troisième cycle, 24,8 %, soit près du quart. L’idée selon laquelle nous n’aurions pas d’élite étudiante étrangère dans nos universités est donc fausse.

J’ajoute, pour répondre à M. Goasguen, qu’on ne peut pas prétendre que l’attractivité des universités américaines est supérieure aujourd’hui à celle des universités françaises. Aux États-Unis, le nombre d’étudiants étrangers dans les universités scientifiques a baissé de 13 % entre la rentrée de l’année 2004-2005 et la rentrée de 2005-2006.

Notre inquiétude quant au pillage des cerveaux des pays étrangers qui envoient des étudiants dans les universités françaises semble par conséquent justifiée et nous demandons, par l’amendement n° 274, la suppression des alinéas 10 à 20 de l’article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 511.

Mme Muguette Jacquaint. Dans la continuité de l’amendement qui vient d’être défendu, nous proposons la suppression des alinéas 10 à 14 de l’article. Je rappelle le point de vue que nous avons défendu lors de la discussion générale. Il faut éviter le pillage des cerveaux des pays étrangers. En outre, comme nous l’avons dit plusieurs fois, nous craignons que les bons étudiants ne soient systématiquement sélectionnés, tandis que d’autres, moins brillants, n’auraient pas la même chance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. Toute polémique mise à part, il s’agit d’un vrai désaccord de fond. Nous souhaitons en effet que les étudiants étrangers ayant achevé leur cursus puissent rester en France et y trouver une première expérience professionnelle, alors que vous proposez au contraire qu’ils repartent immédiatement chez eux sans bénéficier d’une telle expérience.

M. Bernard Roman. Pas du tout !

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas le point de vue que nous avons défendu !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pardonnez-moi : ce n’est peut-être pas ce que vous recherchez, mais c’est exactement ce qui se produira si l’on supprime les alinéas 10 à 20 ou 10 à 14 de l’article, comme ces amendements proposent de le faire.

Je persiste à dire qu’il faut absolument que ces étudiants puissent bénéficier d’une première expérience professionnelle en France. Au reste, ne nous berçons pas d’illusions : dans le cas où un étudiant d’un pays africain, pour prendre cet exemple, n’a pas envie de retourner dans son pays, il sera accepté par d’autres pays si la France le refuse. C’est exactement ce qui fait aujourd’hui le bonheur du Québec et du Canada. Je réitère donc, pour des raisons de fond, l’avis défavorable de la commission sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Braouezec, madame Jacquaint, j’ai l’impression que nous nous comprenons mal, car je suis persuadé que nous pourrions nous retrouver sur un même objectif.

L’intention du Gouvernement est d’instaurer une circulation de compétences, c’est-à-dire une forme de partenariat ou de codéveloppement entre notre pays et les pays d’émigration. Concrètement, nous voulons créer un sas vers le marché du travail pour les étrangers titulaires d’un master qui souhaitent acquérir une première expérience professionnelle en vue de retourner dans leur pays d’origine. Cela signifie très concrètement qu’il faudra apprécier l’utilité de leur formation.

Prenons le cas des médecins béninois, dont on a beaucoup parlé.

M. Bernard Roman. Ils sont nombreux, en effet.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Si l’un d’eux a fait ses études en France, il repartira rapidement dans son pays, où le besoin de médecins est cruel et patent. En revanche, si un Béninois a fait ses études dans une école de travaux publics, il peut avoir besoin de concrétiser l’enseignement qu’il a reçu grâce à une période de formation professionnelle. Cette expérience sera également utile à son pays quand il y retournera.

Nous n’avons pas de position dogmatique. Notre idée est d’établir une circulation des compétences dans une volonté affirmée de solidarité et de codéveloppement.

Mme Muguette Jacquaint. Où est-il, dans votre texte, le codéveloppement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Tant mieux si nous nous comprenons mal, monsieur le ministre : cela signifie que nous sommes d’accord sur certains points. Nous voulons que les étudiants qui ont terminé leurs études bénéficient d’un stage ou d’une première expérience en France, dans le cadre de ce codéveloppement sur lequel le ministre de l’intérieur a beaucoup insisté hier.

Le problème est que le marché du travail français, notamment dans les entreprises au sein desquelles ce stage ou cette première expérience auront été effectués, sera on ne peut plus ouvert.

Vous ne pouvez pas prétendre mener une politique de codéveloppement en affirmant que les étudiants étrangers seront formés en France avant de retourner chez eux à l’issue d’une première expérience si vous faites en sorte que les entreprises puissent garder les meilleurs. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des alinéas 10 à 20 de l’article 7.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous souhaitons que ces alinéas s’inscrivent réellement dans une politique de codéveloppement. Vous ne pouvez pas tirer la ficelle par les deux bouts et pratiquer une forme de pillage qui ne dit pas son nom en tentant de retenir les meilleurs éléments du premier monde, tout en prétendant mener une réelle politique de codéveloppement. À cet égard, les amendements que nous proposons vont dans le bon sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 274.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 511.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 158 et 512.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 158.

M. Noël Mamère. Cet amendement vise à supprimer le caractère non renouvelable de l’autorisation de séjour de six mois délivrée aux étudiants qui souhaitent acquérir une première expérience professionnelle, car l’on sait parfaitement qu’il est extrêmement difficile de trouver un emploi dans ce délai.

Une telle limitation est une autre manière de dire aux étrangers qu’ils ne sont pas les bienvenus chez nous. Il s’agit d’une barrière supplémentaire, qui s’ajoute à toutes celles que nous dénonçons depuis le début de la discussion. Il nous paraît normal que l’autorisation de séjour puisse être renouvelée si la personne prouve l’effectivité de ses recherches.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 512.

Mme Muguette Jacquaint. Six mois, c’est très court. Il serait intéressant que l’entreprise qui emploie cet étudiant puisse prolonger l’expérience si elle le souhaite. J’ajoute qu’il est contradictoire de promouvoir l’immigration choisie, qui consiste à demander à des étrangers de venir travailler en France en fonction des besoins de notre pays, et de proposer en même temps une telle limitation temporelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Ces amendements ont pour objet de permettre le renouvellement de la période de six mois offerte au jeune diplômé étranger pour trouver un emploi – et non pour travailler, madame Jacquaint.

Tout d’abord, je rappelle qu’une simple promesse d’embauche avant six mois suffira. Surtout, les étudiants à haut potentiel – puisqu’il s’agit ici essentiellement des titulaires de masters – sont généralement recrutés très rapidement après l’obtention de leur diplôme, voire pré-recrutés avant même l’obtention de celui-ci, à l’issue de leur stage de fin d’études notamment. En outre, cette facilité est destinée à des étudiants ayant une démarche volontariste qui les aura conduits à entamer leur parcours de recrutement bien avant la sortie de l’école ou de l’université. Les étudiants qui n’auront pas trouvé de travail au bout de six mois – ce qui peut arriver, notamment dans certaines filières – n’en auront peut-être toujours pas trouvé au bout d’un an. Il ne s’agit pas de mettre en place un régime de droit au séjour pour les étudiants, mais de leur ouvrir le marché du travail de manière ciblée.

Enfin, vous venez de nous proposer, avec les amendements nos 274 et 511, de supprimer la possibilité, pour les étudiants, de travailler à la fin de leurs études et, maintenant, vous nous reprochez de prévoir une période trop courte pour trouver un emploi. J’ai du mal à comprendre votre logique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission. La plupart des étudiants concernés ont le niveau master ou équivalent master. Or ceux-ci n’ont pas de difficulté à trouver un emploi : ils sont même parfois prérecrutés avant l’obtention du master.

Par ailleurs, comme le disait Thierry Mariani, il y a quelques minutes, vous nous indiquiez que la période de six mois conduisait à un pillage épouvantable des cerveaux des pays concernés et, maintenant, vous nous expliquez qu’elle est trop brève. Il faudrait choisir.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 158 et 512.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 514.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Nous nous interrogeons sur la limitation de la possibilité de travailler pour les seuls détenteurs de masters. Les titulaires d’un diplôme moins élevé ou technique devraient pouvoir bénéficier de cette ouverture de droits. Tous les étudiants étrangers ne seront pas boursiers et certains d’entre eux seront donc obligés de travailler pour pourvoir à leurs besoins. La réforme envisagée vise à sélectionner les meilleurs étudiants et confirme donc l’approche utilitariste du projet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La disposition proposée dans l’amendement n° 514 risquerait d’inciter les étudiants à arrêter leurs études, puisqu’ils pourraient travailler dès qu’ils ont le bac. Or l’objectif du projet de loi est de leur permettre de travailler après l’obtention d’un diplôme de niveau bac + 5.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. C’est bien la preuve que vous sélectionnez les étudiants. Vous n’autorisez pas les titulaires de ce que vous considérez comme un petit diplôme à travailler, pour ne garder que les élèves des grandes écoles ou les titulaires de masters. Vous contribuez donc au pillage des élites des pays du premier monde.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Notre objectif est d’inciter les étudiants étrangers à venir en France. Il ne s’agit pas de permettre aux titulaires d’un bac de travailler et d’arrêter leurs études.

Mme Muguette Jacquaint. En France, beaucoup de titulaires du bac ont besoin de travailler pour financer leurs études !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour une brève intervention.

M. Noël Mamère. Beaucoup de Français qui ont le bac arrêtent leurs études pour travailler. Je ne vois pas pourquoi on interdirait à un étranger de travailler après son bac. Si vous voulez que notre pays se nourrisse de la diversité, il faut que l’éventail des personnes concernées soit le plus large possible.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 514.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 357.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Le débat fait clairement apparaître que les aspects économiques sont absolument déterminants dans vos choix politiques pour organiser la sélection des immigrés. Ces derniers sont vus comme des rouages efficaces de la machine économique gérée selon le dogme libéral, qui oriente toute la politique menée par le Gouvernement. Votre texte limite donc au développement économique le contenu et la finalité de la première expérience professionnelle que peut souhaiter faire un jeune étudiant étranger ayant achevé un cycle de formation conduisant à l’acquisition d’un diplôme au moins équivalent au master.

Cette rédaction excessivement restrictive crée une source d’inégalité entre les étudiants selon la filière qu’ils ont choisie. C’est pourquoi nous vous proposons d’y adjoindre les domaines culturel, scientifique et social, qui ont pleinement vocation à être reconnus comme susceptibles de fournir une première expérience professionnelle enrichissante, tant pour l’intéressé que pour notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le développement économique s’entend ici au sens large : il concerne tous les secteurs de notre économie. Il est donc inutile de préciser qu’il recouvre les secteurs culturel, scientifique et social, voire, pourquoi pas, humanitaire. Je propose donc que l’on en reste à la rédaction du projet de loi. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission. Ne jouons pas sur les mots, madame Jacquaint. Il s’agit de contribuer au développement économique de notre pays et du pays d’origine des étudiants, développement économique qui couvre tous les secteurs d’activité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, on dit toujours que nos amendements compliqueraient les textes, mais nous savons d’expérience où mène trop d’imprécision. Combien de décrets d’application n’ont jamais été publiés ? Ne nous reprochez pas d’être pointilleux, car un texte aussi important et aussi technique mérite qu’on le soit.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 357.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 513.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 513.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 515.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 515.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 55.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous proposons d’assouplir la procédure pour les jeunes diplômés des pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Union européenne qui, jusqu’en 2009 ou 2011, sont soumis, comme tout travailleur issu de ces pays, à l’obligation de détenir un titre de séjour s’ils souhaitent exercer une activité salariée après leurs études. Dès lors qu’ils seront titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur français de niveau bac + 5, ces jeunes diplômés pourront exercer une activité professionnelle sans disposer d’un titre de séjour. Il s’agit de faire un geste vers ces jeunes afin de leur montrer que nous ne les considérons pas comme des Européens de seconde zone.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. En 2011, les ressortissants de ces pays seront soumis au droit commun européen. L’amendement du rapporteur a pour objet d’anticiper cette situation. Cette mesure contribue à l’attractivité de notre pays. Le Gouvernement ne peut donc qu’y être favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 516, 463 et 478, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 516.

Mme Muguette Jacquaint. Par cet amendement, nous entendons manifester notre refus de la logique actuelle qui consiste à ne pas indemniser les stagiaires, qu’ils soient étrangers ou français. Il est contradictoire d’imposer la gratuité du stage et de demander dans le même temps que l’étudiant étranger « dispose de moyens d’existence suffisants », à moins que seuls les enfants issus de familles étrangères aisées soient visés par cet article.

Il apparaît très clairement que ces différents aspects du projet ne permettront qu’à une frange aisée des étudiants étrangers de rester en France : ceux issus de familles dont les moyens financiers sont suffisamment conséquents. Or, comme on le sait, certaines familles se privent énormément pour permettre à leurs enfants de poursuivre des études. Instituer un obstacle ayant pour conséquence de priver certains d’entre eux de la possibilité de poursuivre leurs études constituerait une inégalité de plus, contre laquelle nous nous élevons.

Mme la présidente. Les amendements nos 463 et 478 sont identiques.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l’amendement n° 463.

M. Christian Vanneste. Ce texte, qui se veut humaniste et responsable, tend vers l’égalité de situation entre les étrangers et les Français, à l’exception de ce qui relève de la citoyenneté.

Notre amendement vise à faire en sorte que l’une des avancées accomplies par ce Gouvernement avec la loi sur l’égalité des chances bénéficie également aux étrangers. La loi sur l’égalité des chances posant le principe de l’indemnisation pour les stages supérieurs à trois mois, il nous paraît souhaitable que les étrangers puissent eux aussi en bénéficier. Or le texte semble réserver l’obtention d’une carte de séjour temporaire aux seuls stagiaires non rémunérés. Notre amendement vise par conséquent à rétablir une véritable équité entre les uns et les autres.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l’amendement n° 478.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Notre amendement, identique à celui que vient de présenter M. Vanneste, a lui aussi été rédigé dans un souci de cohérence avec la loi sur l’égalité des chances, même si nous n’avons malheureusement pas eu la possibilité de discuter de l’article 9, sur lequel nous aurions eu beaucoup de choses à dire.

M. Christian Vanneste. C’est un hommage du vice à la vertu !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Quoi qu’il en soit, ce texte a été voté, et il nous semble souhaitable d’éviter une inégalité de traitement entre les étudiants stagiaires selon qu’ils sont français ou étrangers.

Sachant que, dans certains cursus, il est pratiquement obligatoire de faire un stage pour valider son diplôme, il serait injuste d’empêcher les étudiants étrangers de valider un diplôme souvent obtenu à l’issue d’un long parcours universitaire, alors que les étudiants français en auraient la possibilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 516. Elle est en revanche favorable aux amendements n° 463 et 478, qui lui paraissent répondre de manière beaucoup plus satisfaisante à la préoccupation exprimée.

Je précise que, si le texte de l’article 7 réservait la délivrance de la carte de séjour temporaire aux étudiants stagiaires non rémunérés, c’était pour respecter l’article 10 de la directive européenne du 13 décembre 2004. Cela étant, rien n’empêche d’indemniser les stagiaires et de respecter ainsi l’article 9 de la loi sur l’égalité des chances.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à l’amendement n° 516 et favorable aux amendements nos 463 et 478. Le fait que la carte de séjour temporaire puisse être délivrée pour des stages rémunérés est conforme à la loi sur l’égalité des chances.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 516.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 463 et 478.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration.

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)