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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 4 mai 2006

208e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration
d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 8.

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. J’y renonce.

M. le président. Les orateurs suivants, MM. Blisko, Caresche, Dray, ne sont pas présents.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. J’y renonce également.

M. le président. Nous en venons donc aux amendements à l’article 8.

La parole est à M. Bernard Roman pour soutenir l’amendement n° 273 qui tend à la suppression de l’article.

M. Bernard Roman. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités locales, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. Plusieurs orateurs étaient inscrits sur cet article, mais ils y ont renoncé ou sont absents.

J’en viens donc à l’amendement n° 276 qui vise à supprimer l’article 9.

La parole est à M. Bernard Roman, pour le soutenir.

M. Bernard Roman. Défendu.

M. le président. La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 410.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 410.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 128 rectifié de M. Marsaud est-il défendu ?

M. Claude Goasguen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 410.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président. Les orateurs inscrits sur cet article ayant renoncé à la parole ou étant absents, nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement de suppression n° 277.

M. Bernard Roman. Défendu.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement n° 277.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Fraysse, pour défendre l’amendement n° 517.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer, dans le cinquième alinéa de l’article 10, les mots : « dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement ». En effet la volonté de jeter le travailleur étranger en fonction des besoins du marché est clairement explicitée dans ce membre de phrase. Dans un marché déjà instable, c'est évidemment le travailleur étranger qui fera les frais de ce système fondé sur la fixation de zones et de métiers prioritaires évoluant à grands coups d’arrêté censés prendre en compte les difficultés de recrutement locales.

Alors que la situation de ces travailleurs est déjà très précaire et qu’ils sont censés remplir un nombre incalculable de conditions pour avoir accès à un titre de séjour, cette utilisation abusive de leur seule force de travail nous paraît complètement inhumaine et renvoie à un modèle de société que nous ne pouvons absolument pas cautionner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si j’en crois l’exposé sommaire de cet amendement, nos collègues communistes voient comme une entrave le fait de pouvoir exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement. À cet égard je rappelle simplement que, depuis 1974, l’immigration de travail est officiellement fermée dans toutes les régions et pour tous les métiers.

Alors, madame Fraysse, le texte ne va peut-être pas aussi loin que vous le souhaiteriez, puisque vous semblez vouloir une ouverture totale, mais admettez au moins qu’il s’agit d’un progrès et que l’ouverture est nette.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame la députée, cet amendement est pour le moins surprenant. Cette précision portant sur les métiers et les zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement relève du bon sens. En effet, il faut tout particulièrement pouvoir recruter dans certaines zones de notre territoire ou dans les secteurs où l’on constate une pénurie de main-d’œuvre : hôtellerie, restauration, bâtiment, travaux publics, voire agriculture. C’est donc une mesure de souplesse qui sera source d’efficacité. En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je prends la parole, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, pour soutenir l’amendement que vient de défendre Mme Fraysse. La disposition dont notre collègue propose la suppression appelle en effet plusieurs remarques.

On ignore d’abord par qui et comment seront définis les métiers et les zones géographiques en cause : nous aimerions savoir en particulier quelle autorité administrative sera chargée d’établir cette liste, et quelle sera sa valeur juridique. Elle devrait normalement prendre la forme d’un arrêté ministériel.

On ne sait pas non plus quels seront les contours de ces zones géographiques, ni selon quelle périodicité la liste sera révisée. Il s’agit pourtant d’un élément important, puisque la pérennité du séjour en dépendra.

Par ailleurs, les deux hypothèses que je viens d’évoquer sont encore compliquées par la distinction de deux statuts. Si la délivrance de la carte « salarié » a été motivée par des difficultés de recrutement précisées dans la liste, il y a de fortes chances qu’elle soit retirée en cas de rupture du contrat de travail. Les employeurs n’hésiteront donc pas à signaler à l’autorité préfectorale cette rupture, peu coûteuse en pratique.

Certes, comme cela a été indiqué, vous avez quelque peu revu votre copie, et retiré la disposition selon laquelle « dans le cas prévu à l’alinéa précédent, la carte est retirée en cas de rupture du contrat de travail ». Cette disposition était trop voyante dans le contexte de mobilisation des Français contre le CPE, dont on connaît le résultat. Il n’en demeure pas moins que la procédure de retrait du titre est prévue, puisqu’il est précisé que la carte de séjour temporaire et la carte de séjour " Compétences et talents " sont retirées à leur titulaire qui cesse de remplir l’une des conditions exigées pour leur délivrance. La rupture du contrat de travail pourrait tout à fait être considérée comme la cessation d’une des conditions exigées pour la délivrance du titre. Précisons que, dans l’état actuel du droit, le préfet n’est pas tenu de retirer le titre dans de telles circonstances, alors que la nouvelle disposition semble lui en faire l’obligation.

Le cas de la rupture du contrat de travail étant réservé, la carte portant la mention « salarié », valable un an, reste renouvelable dans son principe. Il faudra toujours remplir les conditions qui ont prévalu à sa délivrance. Concernant les cartes délivrées sur la base de l’arrêté, le renouvellement sera plus que précaire. Dans l’esprit du projet, il sera refusé si les difficultés de recrutement du métier et dans la zone géographique concernés ont cessé, puisque ce sont elles qui avaient motivé la première délivrance.

Dans ces conditions, et dans la logique de pratiques existantes, il est légitime de penser que la carte la plus souvent délivrée sera celle portant la mention « travailleur temporaire » : elle sera moins contraignante pour les employeurs, puisqu’ils seront dispensés de signer un CDI, et elle leur offrira une plus grande flexibilité.

L’examen d’amendements suivants nous permettra de revenir sur cette question de la carte portant la mention « travailleur temporaire ».

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous me vantez, monsieur le ministre, la souplesse que permettra ce dispositif : j’ai bien compris qu’il s’agissait d’introduire une plus grande souplesse, du moins pour les employeurs. Cependant cette souplesse n’est pas assortie, à nos yeux, de garanties suffisantes pour le salarié lui-même : pour lui, elle n’entraînera que la précarité.

Je ne reviens pas sur les interrogations que M. Mamère vient de formuler : elles appellent de votre part des précisions qui auraient au moins pour effet de nous rassurer sur ce point. Pour le moment, la souplesse que vous attendez de ces dispositions n’entraînera qu’une plus grande précarité pour le salarié. Quid en effet de la situation de ce salarié en cas de rupture du contrat de travail ? On peut légitimement s’interroger sur le maintien du bénéfice de sa carte de séjour et, plus généralement, sur son devenir personnel dans un tel cas.

L’état actuel du texte nous paraît donc justifier complètement notre amendement.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 517, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

M. Noël Mamère. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. Vous avez déjà pris la parole, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Le ministre n’a pas répondu à nos questions !

M. le président. Monsieur Mamère, tout s’est bien passé jusqu’à présent.

Rappel au règlement

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Tout ne va pas bien, monsieur le président. Nous ne participons pas à un concours de vitesse, et votre qualité de président temporaire de cette assemblée ne vous autorise pas à imposer à nos débats le rythme qui vous plaît. La discussion doit suivre le cours normal qui est le sien depuis l’ouverture de ce débat. Nous attendons des réponses aux questions que nous avons posées, et vous n’avez pas à nous faire « enjamber » les articles le plus vite possible. Nous sommes ici pour débattre du sujet important de l’immigration et de l’intégration sur la base d’un texte dangereux pour les étrangers.

M. Jérôme Rivière. Mais salutaire pour la France !

M. Noël Mamère. Nous avons le devoir de les défendre ici.

Je suis prêt, monsieur le président, pour éviter tout malentendu qui naîtrait de la précipitation, à répéter les questions que nous avons posées, si elles n’ont pas été entendues par M. le rapporteur et par le Gouvernement. J’ose espérer cependant qu’ils nous ont prêté quatre oreilles attentives, et qu’ils sont capables de nous répondre avant que vous n’engagiez le vote sur cet amendement.

M. le président. Il existe certes du travail temporaire, monsieur Mamère, mais il n’y a pas de président « temporaire » de l’Assemblée. Je suis un de ses vice-présidents qui exerce ce soir la fonction de président de séance. (« Très bien ! » sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Mamère, vous vous êtes montré très assidu au cours de notre débat, mais vous avez manqué ses premières minutes. Loin de moi de vous le reprocher, mais vous auriez alors eu la réponse à vos interrogations quant au maintien du titre de séjour en cas de rupture du contrat de travail. Tel était en effet l’objet du deuxième amendement que nous avons eu à examiner hier.

Cet amendement à l’article 2 est d’ailleurs repris quasiment à l’identique par l’amendement n° 58, que nous allons examiner dans quelques instants. Il indique très clairement que « cette carte ne peut pas être retirée à son titulaire en raison de la rupture de son contrat de travail ». Vous voyez que cet amendement est de nature à apaiser votre crainte d’une « immigration jetable », pour résumer vos propos, et de la perte du titre de séjour en cas de rupture du contrat de travail.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’entends et j’accepte votre réponse, monsieur le rapporteur, mais ma question portait essentiellement sur la liste des métiers et des zones géographiques. Je répète donc qu’on ne sait pas par qui et comment cette liste sera établie.

Je sais que vous allez proposer dans quelques minutes un amendement qui répond pour partie à notre question en ce qui concerne l’autorité administrative. Néanmoins nous n’avons toujours pas de réponse en ce qui concerne la délimitation des zones géographiques et la périodicité de la révision de la liste, alors qu’il s’agit d’un élément important puisque la pérennité du séjour en dépend.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Notre souci est d’adapter au mieux le marché du travail aux réalités du terrain et d’introduire une plus grande souplesse, afin de favoriser les recrutements.

Votre question est double, monsieur Mamère, voire triple.

En ce qui concerne d’abord l’identité de l’autorité administrative et la définition de la zone géographique, je vous réponds qu’il reviendra aux préfets de région de faire connaître les métiers concernés dans le cadre d’une liste nationale.

Quant à la périodicité de sa révision, elle sera annuelle.

Telles sont les précisions qu’il me semblait utile de vous apporter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 517.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 490.

Mme Jacqueline Fraysse. Si nous proposons la suppression de cette disposition, c’est qu’elle n’a pas besoin de fondement législatif puisque, jusqu'à présent, l'administration a obtenu le même résultat, au niveau national, par arrêté ou par simple circulaire. Cette précision ne se justifie donc pas, sauf à constituer un moyen de fichage et de pression supplémentaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cette précision traduit une volonté politique, comme l’a indiqué le ministre : le Parlement est, par excellence, le lieu où s’exprime la volonté politique. Voilà pourquoi nous préférons systématiquement que ce type de précision figure dans la loi plutôt que dans une circulaire.

M. Bernard Roman. Mais le texte renvoie à une circulaire !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 490.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 56.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’imposer aux préfets de région l’obligation de consulter les organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés préalablement à l’établissement de cette liste.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement donne une base légale à l’ouverture ciblée, en vigueur depuis le 1er mai 2006, du marché de l’emploi aux ressortissants des pays d’Europe centrale et orientale ayant rejoint l’Union européenne le 1er mai 2004, afin de donner à cette mesure toute sa portée symbolique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, qui permet à la loi d’expliciter la distinction entre deux régimes d’accès au marché du travail : celui qui s’applique aux ressortissants des pays tiers, et celui qui s’applique aux ressortissants des nouveaux États membres.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement, monsieur le rapporteur, traduit-il la forte pensée exprimée hier par un de nos collègues – je crois me souvenir qu’il s’agissait de vous, monsieur Raoult – qui nous a fait savoir qu’il préférait le plombier polonais au marabout musulman ?

M. Bernard Roman. Au marabout laveur de carreaux !

M. Serge Blisko. Quid du marabout polonais ?

M. Bernard Roman. Quid du plombier musulman ?

M. Noël Mamère. Le marabout est d’ailleurs plus souvent animiste que musulman.

M. Bernard Roman. Ne jetons pas le trouble dans l’ignorance satisfaite de notre Homais !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous savez bien qu’il ne s’agit pas d’une histoire de laveur de carreaux ou de je ne sais quoi.

M. Noël Mamère. Quel besoin alors de parler de marabout ou de plombier ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit simplement d’affirmer une préférence communautaire à laquelle nous avons tous souscrit. Cela signifie simplement qu’on donne la priorité aux personnes originaires de l’Union européenne. Le problème n’est pas celui de quelque métier que ce soit : il s’agit du respect des traités.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pourquoi éprouvez-vous le besoin, monsieur le rapporteur, d’inscrire cette préférence communautaire dans la loi, alors que des directives européennes, reprises par des circulaires, l’imposent déjà ? Est-ce pour mieux repousser ceux qui ne viennent pas du premier monde ?

M. Claude Goasguen. Mais non ! C’est une sécurité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je répète, monsieur Mamère, que j’ai la faiblesse de croire que la loi est la manifestation de la volonté populaire. Je préfère une loi, texte issu du Parlement, à une circulaire, œuvre de l’administration. Je respecte l’administration, mais elle n’est que l’administration.

M. Claude Goasguen. Et une circulaire peut être attaquée devant la juridiction administrative !

M. Bernard Roman. Le texte lui-même prévoit une circulaire !

M. le président. Je veux bien vous donner une nouvelle fois la parole, monsieur Mamère, tout en vous rappelant que vous avez déjà répondu à deux reprises au rapporteur ou au Gouvernement : le règlement ne prévoit pas la possibilité de répondre aux réponses !

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, nos débats visent quand même à éclairer la représentation nationale, et cela suppose qu’on puisse porter la contradiction.

M. le président. Allez-y, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Votre vision de la loi est à géométrie pour le moins variable, monsieur le rapporteur. Quand nous avions proposé, dans un amendement examiné à la fin de la séance précédente, la création par le Gouvernement d’une commission chargée d’étudier la possibilité pour les étrangers extra-communautaires de participer aux élections locales, on nous a répondu que cela n’avait pas à figurer dans la loi. Vous nous expliquez maintenant qu’il faut donner force législative à une préférence communautaire déjà suffisamment affirmée par voie de circulaire. Je ne comprends plus très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) À moins que je ne comprenne trop bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je veux répondre au rapporteur et relayer les interrogations de M. Mamère. J’en profiterai, monsieur le ministre, pour vous demander de préciser la réponse en trois points que vous avez faite tout à l’heure à M. Mamère.

Je comprends bien, monsieur le rapporteur, l’argument qui est le vôtre, car c’est la rhétorique de M. Sarkozy : il nous a dit hier, et il nous l’a répété aujourd’hui même lors de son passage dans cet hémicycle, qu’il préférait légiférer plutôt que de laisser au pouvoir réglementaire le soin de régler les problèmes.

Cela étant, la question de la préférence communautaire a été réglée avant que nous légiférions sur ce point. Quant à la carte des emplois, le règlement aurait permis de l’établir d’une manière plus souple que la loi.

Reste un problème préoccupant : chaque année, on établira une carte régionalisée des emplois, qui conditionnera l’attribution des cartes de séjour. Alors que l’emploi est désormais mobile et que les entreprises postulent aujourd’hui à des marchés sur l’ensemble du territoire national, sinon au-delà, il me semble bizarre de limiter à certaines régions l’attribution aux salariés des contrats et titres de séjour.

Ainsi, dans le secteur du bâtiment, qui sera probablement concerné par ces mesures, toute société peut être candidate à des marchés qui se situent au moins sur l’ensemble du territoire national et le fait qu’elle ne puisse établir de contrats que dans une région précise risque d’aller à l’encontre du mouvement de mutation de l’emploi et de mobilité géographique.

Cette carte régionalisée, qui permettrait de régler bien des problèmes, si elle était définie par la voie réglementaire, ne risque-t-elle pas d’en créer si elle relève de la voie législative ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. En tant que membre, comme M. Lambert qui n’est pas parmi nous ce soir, de la délégation à l’Union européenne, il me semble très important pour ces pays, qui ont depuis deux ans le sentiment que la France les considère comme des demi-Européens, de prendre une disposition législative. Alors que l’Angleterre, la Suède ou l’Irlande ont ouvert dès le début leur marché du travail, donnant aux citoyens de ces pays l’impression qu’ils les considèrent comme de véritables Européens, il est important que la loi prévoit une mesure, si symbolique soit-elle, pour ces nouveaux adhérents de 2004.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

J’attire par ailleurs l’attention du rapporteur sur le fait que chacune de ses interventions peut susciter une réponse.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mon intervention n’avait rien de polémique !

M. Serge Blisko. Je ne souhaite que débattre, et nullement polémiquer avec M. le rapporteur ! (Sourires.)

Je dois avouer que je suis un peu gêné. Je comprends que, comme l’explique l’exposé sommaire de votre amendement, vous préfériez la loi à une circulaire. Cependant, monsieur le rapporteur, à force de mettre dans la loi, des choses trop précises on peut en arriver à certaines incongruités.

M. Roman a excellemment montré que, dans votre dispositif, l’emploi est à la fois régionalisé et soumis à une liste nationale. Je ne veux pas reprendre un débat que j’ai déjà eu voici deux jours avec Claude Goasguen, mais, sans aller jusqu’à être plus libéraux que vous, nous vous invitons à un peu plus de souplesse.

Vous établissez un système ultra-rigide qui régionalise les professions et les métiers – il serait d’ailleurs plus juste de parler de « spécialités », comme je le montrerai dans un instant – alors que, comme l’a rappelé Bernard Roman, dans le bâtiment et les travaux publics tout particulièrement, les entreprises, les chantiers et les appels d’offres sont mobiles et ont recours à la sous-traitance. Ainsi, une entreprise de 300 personnes peut être sous-traitante car, dans le système qui prévaut aujourd’hui en France, les grands groupes du bâtiment ont certainement moins d’ouvriers permanents que les entreprises qu’ils font travailler. Pour exécuter les contrats qu’ils signent – aujourd’hui en région parisienne et demain, peut-être, en Languedoc-Roussillon –, ils ont recours à des entreprises locales.

Vous allez au-devant de difficultés : pour l’électricien tchèque ou l’électronicien slovaque – car il n’est pas question ici de plombier polonais ! – employé par une entreprise en Alsace tout en réalisant un chantier en Picardie ou dans le Nord, prendra-t-on en compte la localisation du siège social de l’entreprise ou celle de l’appel d’offres qu’elle a remporté ? Il y a là un flou très insécurisant pour les entreprises.

Je terminerai en évoquant le tableau tout récent – il est daté du 1er mai – qui figure aux pages 93 à 95 du rapport n° 3058, très bien écrit, dont vous êtres l’auteur, monsieur Mariani.

Je vous épargnerai un inventaire à la Prévert, mais pouvez-vous nous dire, vous qui êtes beaucoup plus intelligent et cultivé que moi, ce qu’est, dans la catégorie « Personnel d’entretien et de maintenance », un « polymaintenicien » ? À la page 93, dans le secteur Bâtiment, gros œuvre, on trouve la catégorie 42231 : le poseur de revêtements rigides, qui a le droit de venir. Coup de chance : Poseur de revêtements souples – catégorie 42232 – peut venir aussi. Mais si, demain, les poseurs de revêtements souples sont trop nombreux et ne sont plus autorisés à venir, que répondra-t-on à la dame qui veut finalement, parce que son mari a changé d’avis, du plancher au lieu de la moquette qu’elle avait prévue dans la maison qu’elle construit en Gironde ?

J’ai rarement vu un tel délire administratif !

M. le président. Il faudrait conclure.

M. Serge Blisko. Pour les saisonniers – et je sais, monsieur Mariani, qu’on en a grand besoin dans votre région –, on ne peut faire venir que des maraîchers-horticulteurs, des arboriculteurs-viticulteurs, importants en effet pour votre région, et des éleveurs hors sol. Malheureux berger bulgare ou roumain – ils sont nombreux au chômage – qui veut faire paître les troupeaux sur sol : il ne pourra pas venir, car seul l’élevage hors sol est prévu. On peut prévenir immédiatement José Bové qu’il n’y a aucune concurrence à craindre des éleveurs, des bergers et des bouviers des nouveaux pays membres !

Vient un moment où le délire législatif confine au ridicule. Mieux vaudrait pour nous qu’on ne nous écoute pas et qu’on ne vienne pas vous reprocher, monsieur Mariani – même si vous n’y êtes pour rien –, ce délire des pages 93 à 95 du rapport n° 3058 !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l’amendement n° 492.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement n° 492 vise à supprimer l’alinéa 6 de l’article 10.

Il résulte en effet de l’alignement de la durée du séjour sur celle du contrat une situation de subordination extrême du salarié à l’égard de l’employeur qui, outre qu’il fait peser sur le salarié la pression inhérente à toute relation de travail, aura le pouvoir de décider de son maintien sur le sol français.

En effet, si le contrat de travail est rompu, il est prévu que la carte de séjour doit être retirée, avec toutes les conséquences que l’on imagine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, qui a été déposé un peu tard. À titre personnel, j’y suis défavorable, comme je le serai à l’amendement n° 491.

Je précise que la commission est prête à accepter les amendements nos 159 et 160, qui se rapportent à peu près au même sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je tiens à soutenir cet amendement présenté par Mme Fraysse.

Pour ce qui concerne la carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire », la question qu’on peut se poser – et que je vous pose – est de savoir quelle sera sa durée de validité. Le projet de loi n’est, en effet, guère précis sur ce point. Cette carte a vocation à concerner tous les contrats de travail à temps limité. Si le CDD proposé a une durée égale au moins à un an, la carte « travailleur temporaire » devrait avoir une durée de validité égale à celle de la carte « salarié ». Cependant les CDD atteignent très rarement une telle durée. Dans le cas contraire, on peut penser que la carte aura une durée strictement alignée sur celle du contrat du travail, comme vient de le préciser Mme Fraysse, et nul ne sait, dans l’état actuel du projet, quelles seront les mentions apposées au dos de la carte. Si l’on s’en tient à l’esprit du texte, on peut se douter qu’il sera fait référence à la liste des métiers arrêtée par l’autorité administrative, voire aux fonctions exercées par la personne.

Votre projet de loi prévoit également de modifier l’article L 341-4 du code du travail, relatif aux mentions devant figurer sur la carte. Votre rédaction, peu contraignante, laisse la porte ouverte à des abus. Depuis la loi du 26 novembre 2003, que vous avez fait voter par votre majorité et dont tous les décrets d’application n’ont d’ailleurs pas été promulgués alors même qu’on nous demande d’examiner une nouvelle loi sur l’immigration et l’intégration, on peut retirer la carte de séjour temporaire à tout étranger qui ne respecte pas les limitations professionnelles et géographiques portées au dos dudit titre ou qui exerce une activité professionnelle non salariée sans en avoir l’autorisation.

Votre projet de loi prévoit la possibilité d’accompagner l’obligation de quitter le territoire français en raison du retrait de sa carte de séjour temporaire d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle en France pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans.

Il résulte de la correspondance entre la durée du séjour et celle du contrat à temps, et incidemment de la précarité liée au statut de travailleur temporaire, une situation de subordination extrême du travailleur à l’égard de l’employeur qui, comme l’a dit Mme Fraysse, outre la pression inhérente à toute relation de travail, aura indirectement le pouvoir de décider de son maintien sur le sol français. En effet, si le contrat de travail est rompu, la condition ayant prévalu à sa délivrance n’est plus remplie et la carte est retirée par la préfecture.

On imagine alors que la personne concernée ne pourra faire valoir aucun droit au titre de l’assurance chômage, puisqu’elle sera en situation irrégulière. L’article R. 341-3 du Code du travail, qui prévoit le renouvellement du titre de séjour ou, plus précisément, son prolongement pour un an, lorsque le salarié est involontairement privé d’emploi, ne vaut que pour les cartes temporaires mention « salarié ». Le même dispositif n’est pas prévu pour les cartes « travailleur temporaire ». Le statut de travailleur temporaire s’inscrit donc dans la logique des CNE et CPE – c’est-à-dire du CNE, qui seul subsiste –, plaçant les salariés dans un état constant de pression mêlée de peur.

Votre texte vise donc avant tout à autoriser le séjour des travailleurs immigrés à la seule mesure de leur utilité et sans égard pour leurs droits. Le statut de travailleur temporaire permet d’assumer un besoin ponctuel, ou du moins affiché comme tel, de main-d’œuvre, avec des facilités offertes à l’employeur, en pratique à l’abri d’un contentieux prud’homal. Nous ne pouvons pas l’accepter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Nous abordons, depuis le début de la séance, les questions liées au droit du travail et à la matière économique et deux logiques me semblent s’opposer dans ce texte.

Le rapport de M. Mariani précise explicitement qu’il existe en France des postes qui ne sont pas pourvus malgré le nombre de chômeurs, qui « n’ont soit pas la volonté, soit pas la formation adéquate pour occuper » ces postes, ce qui conduit, dans la situation actuelle, à un recours croissant à une main-d’œuvre clandestine dont les représentants des branches professionnelles reconnaissent l’existence.

En matière économique, lorsqu’on a pour interlocuteur le MEDEF et qu’on constate l’existence de la clandestinité et de l’illégalité, on dit qu’il faut assouplir. Pourquoi donc, lorsqu’on constate de la clandestinité et de l’illégalité en matière civile, ne dit-on pas qu’il faut assouplir, mais prévoit-on qu’il faut durcir ?

J’aimerais donc qu’on nous explique pourquoi, pour lutter contre la clandestinité dans le domaine économique, il faut assouplir, alors que, pour essayer de mettre fin à la clandestinité dans le domaine civil, il faut durcir. Je le répète, ce durcissement aura pour conséquence d’accroître la clandestinité, exactement comme si on avait décidé en matière économique de durcir le dispositif au lieu de l’assouplir.

Avec vos nouvelles dispositions, il y aura trois catégories de cartes de séjour temporaire pour les salariés étrangers : mention « salarié » lorsque ceux-ci auront un contrat de travail à durée indéterminée, mention « travailleur temporaire » si le contrat de travail est à durée déterminée, et mention « saisonnier » pour les contrats de travail saisonnier. Que se passera-t-il si un étranger qui dispose d’une carte de séjour temporaire se voit proposer la transformation de son CDD en CDI ? Sera-t-il amené à refuser ce CDI, voire à démissionner de son poste parce qu’il doit retourner au pays, sa carte de séjour prenant fin, ou bien est-ce que la souplesse accordée aux employeurs pourrait aussi être envisagée pour les employés ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre l’amendement n° 491.

Mme Muguette Jacquaint. Notre amendement propose de rédiger ainsi l’alinéa 6 de cet article : « La carte porte la mention “salarié” quelle que soit la durée de l’activité. »

Nous souhaitons bien sûr que les travailleurs étrangers, qu'ils aient conclu un contrat à durée déterminée ou indéterminée, bénéficient de la même carte mention « salarié ». À défaut, ce serait multiplier les cartes mention « travailleur temporaire » dont la durée signifie fragilité, précarité dans l'accès aux droits et difficulté à s'insérer dans la société ; je pense tout particulièrement à la difficulté de trouver un logement.

On peut penser – parce que cela correspond déjà à une pratique existante – que la carte la plus souvent délivrée sera celle qui portera la mention « travailleur temporaire », simplement parce qu'elle sera moins contraignante pour les employeurs qui n'auront ainsi pas besoin de produire un CDD d'au moins un an ou un CDI et qu’elle leur offrira une flexibilité plus importante.

Les étrangers autorisés à travailler en France dans le cadre considéré doivent bénéficier d'un statut apte à offrir un minimum de stabilité leur permettant de s'insérer socialement et d'exercer leur droit à mener une vie privée et familiale normale. Le dispositif en place conduira au contraire à produire de nombreux nouveaux cas de sans-papiers.

Par ailleurs, la multiplication des cartes proposées dans ce projet de loi ne saurait en aucun cas simplifier une procédure que vous n’avez de cesse de complexifier. Expliquez-nous où est la simplification dans votre texte. Je ne la vois ni pour les autorités administratives ni, encore moins, pour les travailleurs étrangers. Mais surtout, cette multiplication de titres créera de fait une catégorisation des travailleurs qui, en fonction de leurs revenus, de leur apport à la société française, de leurs compétences et talents techniques non valorisés, se verront attribuer un statut social plus ou moins respectueux de leurs droits fondamentaux. La France deviendra ainsi une terre d’accueil zonée et catégorisée.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable car nous souhaitons maintenir la distinction entre les CDD et les CDI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Pour que les choses soient bien claires pour l’ensemble de l’Assemblée, je rappelle qu’il existe dans le texte deux types de cartes : le premier est la carte « salarié », d’une durée d’un an renouvelable, donc délivrée lorsque l’activité est exercée pour une durée de douze mois ou plus ; le second, c’est la carte « travailleur temporaire » qui, elle, est d’une durée inférieure à douze mois, et est délivrée lorsque l’activité est exercée pour moins d’un an. Voilà la différence.

Mme Muguette Jacquaint. Nous l’avions compris !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Ce n’était pas évident dans votre propos.

Mme Muguette Jacquaint. Ah si !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. L’avis du Gouvernement sur votre amendement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, vous nous avez parlé tout à l’heure de trois cartes mais vous n’en avez indiqué que deux. Vous avez oublié la carte « travailleur saisonnier ».

M. Bernard Roman et Mme Muguette Jacquaint. Il y en a donc bien trois !

M. Noël Mamère. Oui, c’est ce que je précise.

Je veux revenir sur la carte mention « salarié ».

Dans votre projet, pour l’obtenir, il faudra produire un contrat à durée indéterminée, ce qui ne sera possible que si l’emploi est répertorié sur la liste établie par l’autorité administrative dont vous avez parlé. En principe, comme vous l’avez souligné, la mention « salarié » donne le droit d'exercer n'importe quelle profession sur le territoire métropolitain, même si des limitations géographiques et professionnelles peuvent être apportées au dos de la carte. La délivrance de ce titre restera subordonnée à l'article R. 341-4 du code du travail, qui prévoit la possibilité d'opposer la situation de l'emploi à toute demande d'autorisation de travail.

Toutefois, si l’on en croit votre projet et son esprit, cette condition sera écartée en fonction des besoins de main-d'oeuvre. Partant de là, deux situations pourront se présenter : ou bien le contrat de travail soumis aux autorités compétentes, c’est-à-dire à la préfecture et à la DDTE, renverra à un métier et à une zone géographique figurant sur la liste en question, et alors la procédure s'enclenchera facilement en vue de l'obtention du visa d'entrée ; ou bien le contrat de travail concernera une profession et/ou une zone géographique absente de ladite liste, et la situation de l'emploi sera opposée dans toute sa vigueur. Dans le cas où, par miracle, l'autorisation de travail serait donnée, elle pourra encore comprendre des limitations professionnelles ou géographiques.

Vous voyez que quand on regarde de près votre projet, notamment le périmètre de la carte mention « salarié », on voit qu’il y a un certain nombre de limites très importantes et bien souvent inacceptables.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je souhaite obtenir une précision par rapport à ce que M. le ministre vient de nous expliquer sur la carte « salarié ».

La carte de séjour de quelqu’un qui est en CDI peut être renouvelable chaque année. Quand ce CDI, comme c’est normalement le cas, dure plusieurs années, que se passera-t-il si la carte de séjour n’est pas renouvelée ? Le salarié devra-t-il démissionner puisque, de ce fait, il ne pourra plus travailler ? Que fera l’employeur ?

Ne croyez-vous pas que les autorités administratives vont finir par être complètement embouteillées par des gens qui auront un CDI pour plusieurs années mais qui seront obligés d’aller frapper à leur porte tous les ans pour renouveler leur carte de séjour ?

M. le Président. Monsieur Roman, vous me demandez la parole. Vous pourrez intervenir sur les autres amendements. Sur celui-ci, un orateur a déjà répondu à la commission, un autre au ministre.

Rappel au règlement

M. Bernard Roman. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. Monsieur le président, je vois bien que vous avez envie d’accélérer les travaux. Ce n’est pas illégitime de votre part, mais il n’y a pas d’obstruction de la nôtre, il n’y a que la volonté de débattre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je crois que nous l’avons montrée.

Toutefois nous avons beaucoup de choses à dire et nous voulons débattre, discuter, essayer d’enrichir à l’occasion le texte chaque fois que nous le pouvons, quand nous pensons, comme M. Braouezec l’a souligné tout à l’heure, que l’intérêt des personnes concernées est en jeu. Plutôt que de nous forcer à utiliser les procédures qui sont à la disposition des parlementaires (« Des menaces ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il vaut mieux trouver un moyen terme qui nous permette de nous exprimer et de continuer cet échange avec le Gouvernement tout en ayant le souci d’avancer.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Roman, je vous fais remarquer que j’ai donné la parole à tous les orateurs inscrits sur les articles, et que vous avez tous renoncé à votre temps de parole. L’inscription sur l’article permet pourtant à tous les inscrits d’argumenter sur l’ensemble de l’article, alors que, dans la discussion des amendements, le règlement prévoit que deux orateurs seulement peuvent intervenir, l’un pour répondre au ministre, l’autre au rapporteur. Je ne fais qu’appliquer le règlement.

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 491.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Bernard Roman. Je demande une suspension de séance au nom du groupe socialiste.

M. le président. Monsieur Roman, la suspension vous sera accordée ultérieurement.

M. Bernard Roman. Si vous voulez pratiquer ainsi, nous allons en tirer les conséquences, monsieur le président !

M. le président. Ce n’est pas une question de pratique, j’applique le règlement à la lettre.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Roman, je vais répondre à votre question sur le nombre de catégories de cartes. Il y en a effectivement trois.

Mme Muguette Jacquaint. Voilà !

M. Bernard Roman. Suspension de séance !

M. le président. Monsieur Roman, c’est moi qui préside. Vous pouvez demander une suspension de séance, mais c’est au président de la prononcer. Pour le moment, le rapporteur a la parole pour vous répondre. Je ferai droit à votre demande de suspension ensuite.

Monsieur le rapporteur, veuillez poursuivre. ( M. Bernard Roman quitte l’hémicycle.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je précise, pour les collègues qui restent en séance, qu’il y a trois catégories de cartes : la carte « saisonnier » – pour celui qui fait chaque année les vendanges ou le ramassage des fruits –, la carte « salarié » quand on est en contrat à durée indéterminée, laquelle est renouvelée chaque année tant que le contrat continue, et la carte – qui semble bizarre à certains – correspondant à un contrat à durée déterminée, donc à un contrat inférieur à un an ; je pense à un interprète pour une traduction, à un mannequin pour des défilés, à un torero pour une saison.

Pour répondre aux remarques ironiques de M. Blisko, s’agissant des pays de l’Est, il y a effectivement une seule liste nationale. Elle a été faite en concertation avec les partenaires sociaux et les spécialistes de l’ANPE, suivant la nomenclature des codes ROM – et certaines dénominations sont ésotériques, même pour moi. Ainsi je ne sais pas ce qu’est un « polymaintenicien » !

Une autre liste, déclinée par régions et par métiers, est valable pour l’ensemble des ressortissants hors Union européenne.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 159.

M. Noël Mamère. Cet amendement vise à remplacer, à la fin de la première phrase de l’alinéa 6 de l’article, les mot : « indéterminée » par les mots : « supérieure ou égale à douze mois. »

L’alinéa 6 impose en effet, pour l’obtention d’une carte de séjour portant la mention « salarié », la production d’un contrat à durée indéterminée. Un contrat d’une durée d’au moins un an devrait suffire : c’est ce que je propose par cet amendement.

M. le ministre nous a annoncé tout à l’heure qu’il pouvait émettre un avis favorable, ce qui me semblerait opportun.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 160 et 333, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l’amendement n° 160.

M. Noël Mamère. Cet amendement ne demande pas beaucoup d’explications, puisqu’il est de coordination avec celui que notre assemblée vient d’adopter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 333 de M. Lagarde.

M. Bernard Roman. Cet amendement est en discussion commune avec l’amendement n° 160, mais il ne s’agit pas tout à fait du même sujet.

Dans un souci d’efficacité, je le retire pour me rallier à l’amendement n° 160 de M. Mamère.

M. le président. Reprendre l’amendement du collègue d’un autre groupe n’est guère habituel, monsieur Roman, mais ce qui l’est encore moins, c’est de le retirer, surtout si le groupe dudit collègue n’en a pas fait expressément la demande auprès du vôtre.

M. Bernard Roman. Monsieur le président, monsieur Lagarde m’a personnellement demandé de présenter à sa place les amendements nos 333 et 332, ce que je fais.

M. François Guillaume. On n’en a pas la preuve ! (Sourires.)

M. Noël Mamère. N’y voyez aucun signe politique, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Mamère, je préside la séance et je n’interprète aucun signe.

L’amendement n° 333 est donc retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 160 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable à cet amendement qui, comme M. Mamère l’a précisé, est de coordination avec le précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 332 et 58, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 332 de M. Lagarde.

M. Bernard Roman. M. Lagarde m’a donc également demandé de défendre cet amendement, ce que je fais volontiers puisqu’il va dans l’intérêt des salariés étrangers.

L’amendement précise que, si la rupture du contrat de travail intervient dans les trois mois qui précèdent le renouvellement de la carte, une nouvelle carte est attribuée à l’intéressé pour une durée d’un an.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 58 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 332.

M. Thierry Mariani, rapporteur. En tout état de cause, quand le salarié est au chômage, il a droit à un renouvellement. Donc avis défavorable à l’amendement n° 332.

Quant à l’amendement n° 58, il est la conséquence de l’amendement que nous avons adopté à l’article 2, hier soir, qui avait fait l’unanimité et selon lequel cette carte ne peut être retirée à son titulaire en raison de la rupture de son contrat de travail. C’est la réponse déjà apportée hier à « l’immigration jetable ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avis défavorable à l’amendement n° 332 puisqu’il est satisfait par l’amendement n° 58, auquel le Gouvernement donne son accord. Je remercie le rapporteur pour cette amélioration du texte.

Il n’entrait naturellement pas dans les intentions du Gouvernement de retirer aux étrangers leur carte de séjour en cas de licenciement. Ce serait totalement inéquitable. Il faut, bien évidemment, dans ce cas, leur offrir la possibilité de retrouver un travail et de l’exercer pendant toute la durée de validité de leur carte de séjour, avant un éventuel renouvellement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à l’amendement que j’ai défendu. Vous avez précisé que le titre de séjour garderait toute sa durée de validité. Or l’amendement n° 332 propose qu’en cas de rupture du contrat dans les trois mois qui précèdent le renouvellement du titre de séjour, le salarié puisse bénéficier d’un nouveau titre d’un an. Il ne s’agit pas de couvrir la durée résiduelle de celui qui lui a déjà été accordé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 332.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Roman, le Gouvernement partage la préoccupation de M. Lagarde d’éviter que des pressions ne s’exercent sur le salarié à l’approche de l’échéance du titre de séjour. Néanmoins cette préoccupation est d’ores et déjà prise en compte par le code du travail qui protège contre les dérives qui sont dénoncées par les auteurs de l’amendement. L’étranger privé d’emploi et pouvant prétendre à un régime d’indemnisation chômage peut bénéficier d’un renouvellement de son titre de séjour. Cela ressort de l’article R. 341-3-1.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 325 de M. Novelli est-il défendu ?

Mme Chantal Brunel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement de M. Novelli, qui opère une simplification, est très pertinent. La commission y est favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 161 et 493

La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l’amendement n° 161.

M. Noël Mamère. Notre amendement aborde le troisième volet, à savoir celui de la mention « travailleur saisonnier ».

À cet égard il importe de rappeler que les contrats saisonniers, dits OMI, étaient réservés, jusqu’à présent, aux ressortissants de pays qui ont signé avec la France une convention bilatérale ; je pense en particulier au Maroc, à la Pologne et à la Tunisie. Le dispositif que vous proposez paraît les généraliser.

Il semble, dans le même temps, malheureusement, favoriser les dérives et les pratiques abusives qui sont largement dénoncées dans le secteur agricole ; on l’a noté ces dernières semaines. Vous ajoutez en effet, dans votre projet de loi, une condition qui n’existait pas et qui nous semble être en contradiction avec la protection sociale : l’exigence de maintenir une résidence habituelle hors de France.

Cette condition doit être appréciée à la lumière des nouvelles caractéristiques du titre. Il est, en effet, délivré pour une période de trois ans et il permet à son titulaire d’exercer des travaux saisonniers n’excédant pas six mois sur douze mois consécutifs. L’allongement de la durée du titre – actuellement le droit au séjour et au travail est fixé à six mois, avec une possibilité de prolongation de deux mois – permettrait donc aux employeurs de compter sur une sorte de volant de travailleurs saisonniers sur une période plus longue. Incidemment, cela permettrait aussi d’alléger leurs démarches administratives puisqu’elles ne seraient réitérées que tous les trois ans.

Toutefois cette carte pourrait conduire son titulaire à séjourner toute la durée de la validité du titre en France, mais en étant dépourvu de protection sociale pendant la moitié de l’année. Voilà qui place le migrant, pendant cette période de l’année où il lui est absolument interdit de travailler, dans une situation de grande précarité et de grande fragilité.

En effet, le critère de la territorialité joue un rôle majeur en matière de protection sociale. Or on exige du salarié qu’il se soit engagé à maintenir sa résidence habituelle hors de France. On peut d’ailleurs se demander comment la préfecture va vérifier le respect de cette condition, même si la déclaration formelle de résidence peut être écartée au profit de la résidence de fait en cas de contestation. On connaît les difficultés auxquelles sont confrontés les étrangers pour accéder à la procédure contentieuse. Nous avons déjà eu l’occasion de les évoquer depuis le début de cette discussion.

Par conséquent, il convient d’être vigilant sur les droits qui seront ouverts aux travailleurs saisonniers. Il apparaît évident, après les explications que je viens de formuler devant vous, qu’on n'accorde pas à ces travailleurs saisonniers tous les droits auxquels ils pourraient prétendre et qu’ils peuvent même être placés dans des situations paradoxales.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 493.

M. Patrick Braouezec. Je reprends à mon compte les arguments développés par Noël Mamère, auxquels je vais ajouter quelques précisions.

Si je me souviens bien, M. Mariani m’a indiqué à ce propos en commission que nous risquions d’encourager le travail au noir. Que fera, en effet, le travailleur saisonnier pendant les six autres mois ?

Selon la manière dont on considère les personnes qui viennent sur notre territoire, soit on leur fait confiance, soit on les met tout de suite sous contrôle. Puisqu’elle détiendra un titre valable trois ans, celle qui aura un travail saisonnier pourrait très bien rester le temps qu’elle voudrait sur le territoire, en vivant du fruit de son travail, avant de retourner dans son pays, mais pas forcément au moment où s’achève son contrat de travail.

Je ne vois pas pourquoi le texte lui fait obligation de garder pour adresse personnelle habituelle une résidence hors de France. Elle pourrait très bien rester en France et y vivre de façon honnête.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements identiques.

Mettons-nous bien d’accord sur ce dont il s’agit.

La création de la carte de travailleur saisonnier constitue, selon moi, un immense progrès. J’ajoute, sans esprit malin, qu’il s’agit d’une des propositions de la plateforme de Malek Boutik présentée au parti socialiste.

Aujourd’hui, certains travailleurs étrangers viennent effectuer des saisons en France et s’y maintiennent illégalement par crainte de ne pas obtenir leur titre de séjour les années suivantes. Pour la première fois – et, je le répète, cela constitue un gros progrès – on l’accorde pour trois saisons. Qu’il soit serveur sur la côte ou qu’il participe aux travaux agricoles, vendanges ou maraîchages, il est assuré d’avoir son autorisation de travail pour trois ans.

Souvent, il s’agit de gens qui ont envie de retourner chez eux.

M. Patrick Braouezec. Dans ce cas, il n’y a pas de problème !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Un travailleur qui travaille douze mois n’est plus un saisonnier !

M. Patrick Braouezec. Il peut très bien ne pas travailler douze mois et rester sur le territoire !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’est plus question, alors, de la même catégorie de cartes. On revient à la catégorie précédente des trois cartes qu’évoquait M. Roman.

J’insiste : on assure, de cette manière, au travailleur saisonnier trois ans de sérénité. Nous pourrions nous réunir sur cette mesure.

Pourquoi une obligation de résidence hors de France ? Parce que si l’on reste douze mois, l’on n’est plus saisonnier mais permanent. Et si l’on n'oblige pas la personne à retourner dans son pays, je réitère effectivement ce que j’ai dit en commission : comme elle sera six mois sans revenus, il y a neuf chances sur dix pour qu’elle travaille au noir. Après six mois de travail déclaré, ce serait six mois au black !

Si les travailleurs saisonniers souhaitent avoir une résidence permanente sur le territoire national, ils passeront dans une autre catégorie qui n’a rien à voir avec celle-ci.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je me contenterai d’un bref complément à l’avis du rapporteur.

Il faut savoir que cette initiative provient de travaux de la Commission européenne. La tendance devrait se généraliser et la mesure s’appliquer progressivement aux États membres. Il ne s’agit donc pas d’une initiative purement hexagonale, elle s’inscrit dans un ensemble.

M. Patrick Braouezec. Si on devait faire confiance à l’Europe !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Comme Thierry Mariani, j’affirme qu’autoriser le séjour permanent en France aurait pour conséquence inéluctable d’encourager le travail illégal, ce qui irait à l’encontre de l’objectif du texte.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. La démonstration de M. Braouezec est tout à fait théorique, et je souscris aux propos tant du rapporteur que du ministre.

S’agissant des travailleurs saisonniers qui arrivent en France des pays d’origine que vous avez cités,…

M. Patrick Braouezec. Je n’en ai cité aucun !

M. le président. Seul M. Guillaume a la parole !

M. François Guillaume. …le phénomène est fort ancien : en réalité, ils viennent pendant six mois, travaillent, puis veulent eux-mêmes retourner au pays.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Bien sûr !

M. François Guillaume. Il est important de leur laisser cette possibilité, afin d’éviter qu’ils ne deviennent des travailleurs permanents, mais n’ayant pas d’activité pendant six mois de l’année !

Une autre raison plaide en ce sens : c’est qu’il ne faudrait pas qu’ils restent au chômage et qu’ils réclament le regroupement familial. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Ces amendements traduisent une préoccupation majeure. Si le Gouvernement veut éviter le procès en précarisation des immigrés que nous lui faisons, il faut qu’il la prenne en compte.

L’obligation d’une résidence hors de France conduit à plonger dans la plus grande précarité des saisonniers qui travailleront la moitié de l’année en France. En effet, les assurés appartenant aux professions à caractère saisonnier ou discontinu et qui, par définition, ne remplissent pas les conditions ordinaires de cotisations versées, ont droit à des prestations lorsqu’ils ont effectué un certain nombre d’heures de travail – huit cents, très précisément.

Un certain nombre d’entre eux ne les auront pas effectuées et se retrouveront pendant la moitié de l’année sans protection sociale. Ainsi se pose la question de la précarisation de ces travailleurs qu’on va faire venir pour occuper des emplois saisonniers.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Quand j’entends M. Guillaume et que je vois le traitement que l’on veut imposer aux travailleurs saisonniers, j’ai l’impression de me retrouver avec Etienne Pinte au comité de suivi des intermittents. Vous semblez être en train de copier le protocole, infâme, de 2003, signé par le MEDEF et une partie des partenaires sociaux, qui a provoqué l’annulation de plusieurs festivals. Et le débat que nous avons n’est pas bon signe pour le statut des intermittents dans notre pays qui revendique pourtant l’exception culturelle.

Il me semblait que la protection sociale était liée au principe de territorialité. Or que faites-vous ? Non contents de renforcer la précarité des saisonniers, les plus faibles des travailleurs, vous passez les bornes en leur imposant l’obligation de maintenir leur résidence hors de France, dévoilant ainsi le véritable objectif de votre projet : arriver à l’immigration jetable.

M. François Guillaume. Vous ne connaissez pas le sujet !

M. Noël Mamère. Le saisonnier a le droit de rester en France quelque temps, mais, dès lors qu’il a fini de travailler, il n’a plus de couverture sociale et on le renvoie chez lui. Il y a là un vrai problème.

M. François Guillaume. Six mois, cela fait 850 heures de travail !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. En gros, il y aura quatre sortes de cartes de séjour temporaires : portant l’une la mention « salarié » lorsque l’activité est exercée pour une durée indéterminée, l’autre la mention « temporaire » lorsqu’il s’agit d’un CDD, deux autres avec la mention des activités que le titulaire peut exercer, et, enfin, une dernière, intitulée « travailleur saisonnier », en fonction de la durée du travail.

M. François Guillaume. Ce n’est pas nouveau !

M. Patrick Braouezec. Au-delà des interrogations – justifiées – de Bernard Roman sur la couverture sociale des travailleurs saisonniers, j’aimerais savoir si un saisonnier, qui aura travaillé six mois en France et qui souhaitera ensuite y rester pour prendre des vacances, en aura le droit.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Non.

M. Patrick Braouezec. Il sera donc obligé de repartir dans son pays et de revenir l’année suivante.

M. François Guillaume. Vous dites n’importe quoi !

M. Patrick Braouezec. Qui comptez-vous intégrer de cette façon ?

Le lendemain même de ces six mois de travail, le travailleur saisonnier sera obligé de repartir. Ne peut-on pas permettre à quelqu’un qui a travaillé six mois dans notre pays et qui a participé à son développement économique, de rester quinze jours, trois semaines ou un mois à vivre des fruits de son travail, et non du travail au noir, véritable fantasme pour vous ? Ne peut-on considérer qu’il a gagné sa vie pendant six mois et qu’il peut dès lors rester un mois ou deux pour dépenser son argent sur place, ce qui serait d’ailleurs bon pour notre économie ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur Braouezec, je vais d’abord répondre à la question de M. Roman.

M. Patrick Braouezec. Absolument ! Cela m’intéresse !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Dans le dictionnaire permanent du droit des étrangers, à la page 2277, il est précisé que les travailleurs saisonniers bénéficient dès leur mise au travail de l’assurance accidents du travail.

M. Bernard Roman. Je parlais de la maladie !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pour bénéficier de la couverture sociale assurance maladie, le travailleur et sa famille doivent normalement résider en France ; c’est la condition de territorialité.

M. Bernard Roman et M. Patrick Braouezec. Ah !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Les dérogations à cette règle dépendent de l’existence ou non de conventions bilatérales et multilatérales de sécurité sociale signées entre la France et certains États.

M. Patrick Braouezec. Et quand il n’y en a pas ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous savez très bien que la France a signé un nombre significatif de conventions avec les États dont sont originaires les travailleurs saisonniers. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas clair !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question, mais votre réponse à celle de M. Roman sur la protection sociale prouve bien, puisque vous exigez que la résidence du travailleur saisonnier soit maintenue hors de France, qu’il ne bénéficiera pas d’une couverture sociale. En outre, vous venez de nous dire que, pour en bénéficier, il fallait que le travailleur et sa famille résident en France.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je le répète, cette carte est un plus. Nous ne refaisons pas ce soir le droit du travail saisonnier, que vous semblez découvrir alors qu’il existe depuis des années et qu’il n’est pas changé.

M. Patrick Braouezec. Je ne suis pas certain que soit mentionnée, dans le texte en vigueur, la résidence hors de France.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’y avait pas de texte !

Aujourd’hui, il y a des gens qui font la navette entre la France et leur pays d’origine et qui s’en trouvent bien. Dans ma région, il s’agit de ressortissants de la communauté marocaine : les gens sont très heureux de travailler plusieurs mois en France, mais ils rêvent de retourner, dès que possible, auprès leur famille dans leur pays, parce que l’argent qu’ils ont gagné pendant ces quelques mois leur permet de vivre confortablement le reste de l’année chez eux.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous nous avez vraiment convaincus qu’il faut absolument enlever du projet la référence à une résidence hors de France !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je le confirme et le rapporteur ne parviendra pas à nous convaincre.

La référence à la résidence hors de France sera introduite par ce texte, qui est encore plus répressif que celui de 2003. Cet ajout n’est ni technique ni anodin, car il aura pour conséquence d’exclure les travailleurs saisonniers des prestations sociales telles que la couverture maladie et l’assurance chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Guillaume. C’est faux !

M. Noël Mamère. Telle est la réalité. Il a fallu que M. le rapporteur sorte cet énorme dictionnaire sur le droit des étrangers pour nous expliquer ce que nous sommes précisément en train de lui dire. C’est un comble !

En réalité, vos ajouts ont pour seul objectif de fragiliser et de précariser encore plus les travailleurs saisonniers pour en faire des travailleurs jetables.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je profite de cette intervention pour défendre en même temps mon amendement n° 494.

Cette question des droits sociaux est très importante. Je prends l’exemple du logement.

Normalement, les employeurs ont l’obligation de loger dans de bonnes conditions les travailleurs saisonniers qui viennent, par exemple, ramasser les fruits ou faire les vendanges.

M. François Guillaume. Ce n’est pas le sujet !

Mme Muguette Jacquaint. Des actions importantes ont eu lieu en Languedoc-Roussillon pour dénoncer les conditions de logements des travailleurs saisonniers. Or, avec votre texte, les employeurs n’auront même plus cette obligation. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Guillaume. N’importe quoi !

Mme Muguette Jacquaint. On veut encore une fois faire passer les salariés et les immigrés pour des fraudeurs. Ne nous y trompons pas : les fraudeurs ne sont pas toujours du côté de ceux qu’on voudrait accuser !

Rappelez-vous cet inspecteur du travail qui s’est fait tuer simplement parce qu’il venait vérifier dans quelles conditions l’employeur logeait et faisait travailler ses travailleurs saisonniers.

Avec ce texte, on pourra les loger pendant six mois dans n’importe quelles conditions.

M. François Guillaume. Cela n’a rien à voir avec le texte !

Mme Muguette Jacquaint. Il me semble important de dénoncer le fait qu’on puisse travailler six mois en France en étant logé dans une cabane.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 161 et 493.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Madame Jacquaint, je puis considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n° 494.

Mme Muguette Jacquaint. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

La suppression de la limitation de durée annuelle de travail n’est pas envisageable, car s’il est possible de travailler douze mois sur douze, ce n’est plus du travail saisonnier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Également défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Naturellement, je suis opposé à cet amendement qui transforme un salarié saisonnier en salarié permanent. C’est d’ailleurs toute la démarche de la gauche depuis une demi-heure.

Mme Muguette Jacquaint. Pas du tout !

M. François Guillaume. Je précise que les six mois de travail ne constituent pas un intervalle entre deux périodes de six mois, mais doivent être effectués au cours de l’année civile. Par exemple, si j’embauche un saisonnier pour faire les vendanges…

M. Bernard Roman. Cela ne durera pas six mois !

M. François Guillaume. …et qu’il revient pour ramasser les fraises au mois de juin, naturellement, il n’y a pas un délai d’un an entre les deux périodes de travail. Par contre, il y a six mois de travail au cours de l’année civile.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Nous proposons, dans notre amendement n° 494 de permettre à un saisonnier de travailler plus de six mois dans l’année, dès lors que ce n’est pas pour le même employeur. À cet égard je reprends l’exemple qu’a évoqué M. Mariani.

Dans le secteur de la restauration, il y a une saison d’été couvrant les mois de juin, juillet, août et septembre et une saison d’hiver allant de décembre à mars, voire avril lorsqu’il y a beaucoup de neige, comme cette année. Quelqu’un peut donc se voir proposer deux contrats saisonniers de quatre mois chacun, l’été dans un établissement, l’hiver chez un autre employeur. Comme vous avez une curieuse conception du travail saisonnier, vous m’objecterez que cela fait plus de six mois de travail dans l’année. Mais pourquoi empêcher quelqu’un qui donne satisfaction de travailler quatre mois ici et quatre mois là ? Pourquoi vouloir un turn over plus rapide, alors que vous prônez l’intégration ?

M. Richard Mallié. Cela n’a rien à voir avec l’intégration !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Ne nous prenez pas pour plus naïfs que nous sommes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne peux que soutenir l’amendement de notre collègue Patrick Braouezec.

En l’état actuel du droit, et jusqu’à ce que cette loi entre en application – je préférerais que cela n’arrive jamais, mais les Français n’ont pas voulu que nous soyons majoritaires…

M. Bernard Roman. Ils ont eu tort !

M. Noël Mamère. Sans doute, mais c’est à nous de leur prouver qu’ils se sont trompés.

Aujourd’hui, donc, les travailleurs saisonniers ont le droit de travailler six mois par an, avec une prolongation possible de deux mois. Le présent texte prévoit de donner au titre de séjour une validité de trois ans et de permettre à son titulaire d’exercer des travaux pour une durée n’excédant pas six mois sur douze mois consécutifs. Cette pirouette permet aux employeurs de compter sur un volant de travailleurs saisonniers durant une période plus longue. Elle ne conduit pas à mieux protéger les travailleurs saisonniers, mais procure un avantage à ceux qui les emploient, dans des conditions rappelées par ma collègue Muguette Jacquaint.

Incidemment, vous allégez les démarches des employeurs, qui n’ont plus à réitérer leurs demandes que tous les trois ans. Vous leur donnez donc beaucoup plus d’avantages qu’aux salariés.

De plus, avec cette carte, le titulaire pourra résider en France pendant la durée de validité de son titre de séjour, mais il sera dépourvu de protection la moitié de l’année, pendant laquelle il lui sera strictement interdit de travailler dans notre pays. Le salarié, taillable et corvéable, subit donc une plus grande précarité. Encore une fois, vous lui faites payer les cadeaux que vous accordez aux employeurs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur auquel je rappelle une nouvelle fois qu’il ouvre ainsi la possibilité à un orateur de lui répondre.

M. Thierry Mariani, rapporteur. François Guillaume a bien résumé votre position : vous niez la réalité du travail saisonnier.

Mme Muguette Jacquaint. Mais non !

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est le cas lorsque vous voulez remettre en question l’obligation d’avoir une résidence hors de France, modifier la durée du travail saisonnier ou la rapporter au nombre d’employeurs.

Certains, chez vous, ont pourtant réfléchi à ces questions. Laissez-moi vous lire un texte intitulé Une nouvelle politique des flux et des mouvements, extrait d’un document interne au parti socialiste et signé de M. Malek Boutih.

M. Patrick Braouezec. Cela ne nous concerne pas !

M. Noël Mamère. Moi non plus !

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Roman, au moins, sera intéressé.

Cette carte destinée aux travailleurs saisonniers, je le répète, constitue une immense avancée, car elle apporte à la personne concernée l’assurance de pouvoir revenir trois ans de suite. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas la question !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Certains sont dans une logique d’installation. Pour eux, un parcours d’intégration est nécessaire. Mais d’autres sont dans une logique de mobilité : ils souhaitent travailler six mois en France, et passer le reste de l’année auprès de leur famille dans leur pays d’origine. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Laissez-les donc retourner chez eux s’ils le désirent !

M. Patrick Braouezec. S’ils le souhaitent, d’accord, mais c’est autre chose que de les y obliger !

M. le président. Monsieur Braouezec !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je lis le texte de Malek Boutih : « Un titre de séjour périodique, la carte bleue, valable cinq ans et renouvelable, permettra à des étrangers un séjour et une autorisation de travail pendant six mois, cumulés ou non. Les bénéficiaires seront les travailleurs saisonniers […]. Ce titre ne permet pas une installation définitive ou régulière sur le territoire. »

Mme Jacqueline Fraysse. Répondez à nos questions !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne suis pas toujours d’accord avec M. Boutih, mais voilà quelqu’un qui a réfléchi aux multiples logiques de travail : installation ou mobilité. Or il parvient à la même conclusion que nous, à cela près qu’il propose une durée de validité de cinq ans, au lieu de trois, pour la carte de travailleur saisonnier. Est-ce que cela ne signifie pas que cette mesure correspond à un réel besoin ?

M. Patrick Braouezec. C’est une convergence douteuse !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Dans une des villes de ma circonscription, Valréas, située dans une zone agricole, je vois des saisonniers marocains très heureux de travailler en France pendant six mois. Avec l’argent qu’ils ont gagné, ils n’ont aucune envie de faire du tourisme ; ils préfèrent retourner vivre très correctement, auprès de leur famille, au Maroc !

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ils sont dans une logique de mobilité et ne souhaitent pas en changer.

Mme Muguette Jacquaint. Et les jeunes qui n’ont aucun lien familial ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous souhaitez que l’on ne les oblige pas à repartir. Mais ceux qui veulent rester toute l’année peuvent demander une carte de séjour temporaire : il s’agit d’une autre catégorie.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Le problème, c’est qu’ils ne l’obtiendront pas !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Une technique à laquelle le ministre de l’intérieur a régulièrement recours consiste à s’appuyer sur des déclarations de tel ou tel membre de l’opposition pour affirmer qu’il a raison. C’est généralement pour M. Sarkozy l’occasion de distribuer, de façon professorale, bons et mauvais points. Il l’a encore fait, hier, en conclusion de la discussion générale.

Vous employez cette technique, monsieur Mariani, en utilisant un rapport interne au parti socialiste, …

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il figurait pourtant dans Le Monde.

M. Claude Goasguen. C’est comme pour Clearstream, il y a eu des fuites !

M. Bernard Roman. …un document de travail qui ne reflète pas la position du parti.

Soit, utilisez ce procédé, mais alors laissez-moi m’inspirer d’une proposition du président de l’UMP – très officielle cette fois, puisqu’elle a été formulée devant une convention de son parti – et réclamer la reprise du débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Cette disposition, bien qu’elle s’inspire d’une tradition ancienne, est probablement une des plus modernes de ce texte.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

M. Claude Goasguen. En effet, comment peut-on, à l’instar de M. Dray, appeler à l’immigration partagée et au co-développement, tout en refusant que des travailleurs viennent rechercher des ressources dans notre pays sans s’y installer, ce qui est la définition même du travail saisonnier, du travail frontalier ? Aujourd’hui, le travailleur transfrontalier peut être un Sénégalais, situé à quatre heures d’avion de chez nous, …

Mme Muguette Jacquaint. Le coût du transport n’est cependant pas le même !

M. Claude Goasguen. …ou même venir de l’autre bout de la planète. Cette forme de coopération par le travail a le mérite de l’équilibre : elle ne défavorise personne, et donne un certain degré de liberté à l’intéressé qui, s’il en a le souhait et la possibilité, peut passer du statut de saisonnier à celui de travailleur.

Pourquoi donc s’obstiner à rejeter une mesure qui, compte tenu des moyens de communication modernes et de notre volonté de favoriser le co-développement, est probablement appelée à un grand avenir ?

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, puis à M. Braouezec. Après ces onze interventions sur l’amendement n° 494, je considérerai l’Assemblée comme suffisamment éclairée et nous passerons au vote.

M. Noël Mamère. Sera-t-elle vraiment éclairée ? Nous verrons !

Défini par M. Goasguen, le co-développement ne manque pas de charme, mais on peut juger sa conception « abracadabrantesque », …

M. Claude Goasguen. Pas du tout !

M. Noël Mamère. …pour employer une expression qui a connu son heure de gloire.

À vous entendre parler des travailleurs sénégalais, vous semblez confondre le Paris-Dakar avec les candidats à l’émigration, sénégalais ou maliens, qui traversent le désert pour être accueillis à Melilla par des fusils !

M. Claude Goasguen. Les Sénégalais et les Maliens peuvent effectuer du travail saisonnier ! On peut les y aider !

M. Noël Mamère. Nous prenez-vous pour des imbéciles ?

M. Claude Goasguen. Je m’en garderais bien !

M. Noël Mamère. Comment pouvez-vous, sans sourire, parler de co-développement alors que ce projet de loi va contribuer à rendre les travailleurs saisonniers taillables et corvéables à merci ? Le statut qu’il leur accordera donnera à leurs employeurs une latitude encore plus grande et surtout les privera de protection sociale.

M. Claude Goasguen. C’est faux ! Il existe un droit du travail saisonnier !

M. Noël Mamère. Est-ce cela que vous appelez le co-développement ? Il y a de quoi tomber de l’armoire !

M. Jérôme Rivière. Quelle mauvaise foi !

M. Noël Mamère. Cette mesure n’a rien de moderne. Elle représente au contraire une régression, même par rapport au texte de 2003. Nous nous rapprochons dangereusement du texte de 1937, le plus répressif à ce jour, un texte qui avait été conservé par le régime de Vichy.

M. Jérôme Rivière. Et voté par le Front populaire !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Au risque de vous contredire, monsieur le président, on ne peut pas considérer que l’Assemblée est éclairée, car il subsiste de larges zones d’ombre.

Sur un point, toutefois, les réponses qui ont été données sont presque trop claires, et méritent que l’on s’y arrête afin de mettre en garde les salariés concernés. Notre amendement n° 493 proposait la suppression de la condition de résidence hors de France, parce que dans le cas contraire, les travailleurs saisonniers ne pourront pas bénéficier d’une couverture sociale.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai ! Il y a un droit des saisonniers !

M. Jérôme Rivière. Lisez le code du travail !

M. Patrick Braouezec. Par ailleurs, monsieur Mariani, je ne suis pas ici pour vous entendre déclamer des textes rédigés par le parti socialiste. Si je veux en prendre connaissance, il me suffit de m’adresser directement à mes collègues. Je suis ici pour entendre vos réponses en tant que rapporteur, ainsi que celles du Gouvernement. Or vous n’avez pas répondu à deux questions précises.

Premièrement, quelle serait la situation d’un travailleur saisonnier – car c’en est un – qui bénéficierait de deux contrats de quatre mois dans la même année ? Faudra-t-il l’expulser lorsqu’il aura effectué les deux premiers mois de son deuxième contrat, et demander à un autre travailleur de venir le remplacer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous me demandez d’être pragmatique et réaliste ! Voilà un exemple concret !

M. François Guillaume. De telles situations n’existent pas !

M. Patrick Braouezec. Si, c’est la réalité !

Mme Muguette Jacquaint. Cela se fait, vous le savez bien !

M. Patrick Braouezec. Par ailleurs, je comprends que l’on ait envie de retrouver sa famille dès que l’on a fini son travail, mais beaucoup de travailleurs saisonniers sont célibataires, et peuvent vouloir passer quelques semaines supplémentaires en France.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vais essayer de répondre le plus précisément possible à vos questions. Auparavant, cependant, je veux souligner l’essentiel : cette disposition constitue une avancée importante. Rappelons que le saisonnier n’aura plus l’obligation de demander chaque année le renouvellement de sa carte de séjour ; je m’étonne d’ailleurs que vous ne fassiez pas mention de cet avantage.

M. Claude Goasguen. C’est qu’ils ne veulent pas l’entendre !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le travailleur disposera désormais d’un titre de séjour valable trois ans, et de la garantie de pouvoir travailler en France six mois par an. Toutefois il n’aura effectivement pas le droit d’y travailler plus longtemps, faute de contredire la définition même du travail saisonnier.

En ce qui concerne la première question, je vous indique que le travailleur saisonnier, dès la première minute de son activité professionnelle, est couvert par l’assurance maladie.

Mme Jacqueline Fraysse. Encore heureux !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Mettez-vous d’accord : je ne fais que répondre à la question posée par M. Braouezec.

Mme Jacqueline Fraysse. La question portait sur les mois suivant l’activité !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Quant à votre deuxième question, monsieur Braouezec, je la comprends mal. Vous prenez le cas d’un travailleur saisonnier qui travaillerait d’abord quatre mois, puis à nouveau quatre mois. Allez jusqu’au bout de votre raisonnement ! Pourquoi pas trois fois quatre mois ou quatre fois trois mois ? Dans ce cas, il ne s’agit plus un travailleur saisonnier.

M. Patrick Braouezec. Je confirme ! Je suis d’accord avec vous, ce n’est pas possible !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Donc, la définition est précise : au-delà de six mois, ce n’est plus du travail saisonnier.

Pour répondre à votre troisième question : à l’expiration de ces six mois, le travailleur peut encore rester trois mois en tant que touriste. S’il veut prolonger son séjour, il devra faire une nouvelle demande de titre. Là aussi, c’est très clair.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 494.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 495.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement est défendu, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Monsieur Braouezec, deux périodes successives de six mois auprès de deux employeurs, ce n’est plus du travail saisonnier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 59.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Comme nous l’avons dit et répété, l’article 10 crée une carte « saisonnier » pour trois ans. C’est un progrès et cela ne change rien au droit social actuel. En contrepartie de l’obtention de cette carte, le travailleur doit s’engager à conserver sa résidence habituelle hors de France, donc à séjourner dans notre pays pendant une ou des périodes qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. Cependant, la carte étant pluriannuelle, son détenteur la détiendra en continu pendant ces trois années. Comment s’assurer du respect de la condition de séjour maximum ? La seule solution envisageable est d’inscrire les dates de séjour autorisé sur la carte même. Le travailleur pourra, bien évidemment, modifier ces dates d’une année sur l’autre pour les mêmes périodes, tant que la carte est valide. Nous sommes partis d’une idée simple : il est très improbable que le travailleur saisonnier étranger passe l’été comme serveur sur la Côte d’Azur avant, l’année suivante, de revenir faire les vendanges ou le ramassage des fraises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avis favorable : cet amendement nous donne les moyens de vérifier que le travailleur saisonnier étranger respecte bien la durée de son séjour, limitée à six mois.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est plus du travail saisonnier, mais du travail par saison !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 60.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le succès de la carte repose sur l’absence de détournement de la procédure, tant de la part des employeurs potentiels qui pourraient être tentés d’embaucher des travailleurs saisonniers pour des durées supérieures à six mois, que des travailleurs eux-mêmes qui pourraient souhaiter rester sur le territoire après leurs six mois légaux d’embauche. Cela serait d’autant plus préjudiciable que, dans ce cas, comme on le disait tout à l’heure, ils travailleraient clandestinement.

En complément de l’amendement précédent, l’amendement n° 60 renvoie à un décret pour les modalités concrètes permettant à l’administration de contrôler le respect de la double condition de six mois de séjour et de travail. En effet, dans l’attente de l’informatisation des autorisations de travail des étrangers, qui ne sera pas effective avant la mi-2007 au mieux, la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ne sera pas en mesure d’indiquer à un agriculteur du département du Var, par exemple, si un travailleur étranger a déjà exercé son activité pendant six mois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avis favorable, car cet amendement permet d’annoncer très clairement que le Gouvernement entend veiller au respect des limitations de durée de séjour prévues pour les travailleurs saisonniers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 61.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet article 10 apporte un autre progrès : le statut de détaché en mission.

M. Patrick Braouezec. C’est vrai !

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’un des objectifs majeurs de ce projet de loi est de renforcer l’attractivité du territoire français, source d’investissement, de croissance et donc d’emplois. La France est globalement bien placée en matière d’accueil des investissements étrangers, mais elle est handicapée par l’absence de statut du détachement, problème que rencontrent également les grands groupes français implantés dans le monde. On sait en effet que les groupes internationaux présents dans plusieurs pays ont besoin d’assurer la mobilité des cadres et techniciens entre leurs différentes implantations. Pour autant, ces déplacements doivent être compris dans une logique de carrière plutôt que d’installation durable. Très concrètement, un cadre qui doit cesser de cotiser dans son pays au titre de son assurance maladie ou de sa retraite pour travailler deux ans en France, préférera renoncer à l’expatriation. Certes, l’administration peut édicter des circulaires permettant d’accorder les autorisations provisoires de travail aux salariés détachés, mais cette procédure est lourde, restrictive et particulièrement instable pour les salariés concernés.

Cet amendement propose donc de mettre enfin en place un statut du séjour du salarié détaché, déjà mentionné dans le code du travail depuis la loi du 2 août 2005. Il doit logiquement trouver son pendant dans le CESEDA. Nous devons néanmoins légiférer en évitant de créer des dispositifs susceptibles d’être contournés. En l’occurrence, il faut veiller à ce que les entreprises ne les utilisent pas pour employer de la main-d’œuvre étrangère à bas prix.

M. Patrick Braouezec. C’est vrai !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Braouezec, comme nous avons deviné votre pensée, nous avons pris deux précautions dont vous reconnaîtrez – car je suis persuadé que vous êtes de bonne foi –, qu’elles évitent toute interprétation litigieuse. Cet amendement rappelle donc explicitement que les règles applicables, notamment en matière de rémunération et de réglementation de travail, sont celles de la législation française. De plus, ce statut sera réservé à des personnes gagnant au moins 1,5 fois le SMIC. Nous sommes donc loin d’une certaine directive européenne que vous connaissez bien : la directive Bolkestein. Je citerai un exemple concret : si Renault veut implanter une usine en Iran et y employer des cadres locaux qui n’ont aucune envie de s’installer durablement en France, mais qui ont besoin d’y venir en mission, le statut de détaché leur sera appliqué, leur rémunération sera supérieure au SMIC et ils bénéficieront en totalité du droit social français. Les garanties ainsi apportées devraient éviter toute interprétation tendancieuse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avis très favorable. Je comptais, quant à moi, citer l’exemple de la fabrication de la Logan de Renault en Roumanie.

La proposition du rapporteur est très simple : il faut favoriser la mobilité du salarié au sein d’un même groupe.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Dans un élan du cœur, j’ai tout d’abord approuvé, mais la tête prend toujours le relais, et c’est dommage pour vous, monsieur Mariani !

Cette disposition garantit, certes, un certain nombre de droits pour des salariés qui arrivent sur notre territoire avec une mission précise et ponctuelle. Cela étant, ce n’est, au fond, qu’une adaptation intelligente à la mondialisation du travail. Vous justifiez votre décision par des impératifs familiaux, mais vous avez fini par avouer qu’il s’agissait de faciliter la mobilité des salariés au niveau mondial. N’est-ce pas – et j’en reviens toujours à cette question – pour privilégier le profit aux dépens du travail ?

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. C’est le quatrième type de carte : après le CDI, le CDD et le travail saisonnier, voici le statut d’expatrié en mission en France – nous devrions même parler d’« impatrié ». Cela prouve à quel point vous êtes mal préparés à cette refonte du droit du travail. À chaque situation, vous êtes contraints de créer une nouvelle carte. C’est peut-être mieux que ce qui existe aujourd’hui, comme vous le prétendez, mais c’est trop rapide.

M. Jérôme Rivière. De votre côté, vous ne faites aucune proposition !

M. Serge Blisko. Combien de dizaines de milliers de personnes cela concernera-t-il ?

Les obstacles sont nombreux. Il y a un risque de dumping social ? De plus, les travailleurs étrangers doivent être considérés comme les travailleurs nationaux, que ce soit en matière de conditions de travail, de salaires ou de droit du travail. Vous placez un seuil plancher à 1,5 fois le SMIC, évitant ainsi que des travailleurs ne perçoivent que 300 euros par mois, comme on a pu le constater sur de nombreux chantiers en France. Pourtant, vous démembrez totalement l’unité du droit du travail sur la base de la nationalité et du motif d’arrivée.

Pour reprendre votre exemple : l’Iranien, spécialiste dans les peintures, embauché chez Renault, pourra-t-il accepter un emploi chez PSA ? En d’autres termes, aura-t-il le droit de changer d’entreprise avec cette carte d’expatrié ou plutôt d’« impatrié » ?

Enfin, ce cadre en formation ou en adaptation, pour deux ans en France, a-t-il le droit de faire venir sa famille ? Quels droits ce nouveau statut ouvre-t-il et pourquoi ne pas tout simplement donner à ces salariés la carte « compétences et talents » ? Je ne comprends pas votre démarche.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président. Si j’ai bien compris, monsieur Roman, le groupe socialiste renonce à s’exprimer sur l’article 11 ?

M. Bernard Roman. Si on peut échanger sur les amendements comme on vient de le faire, il n’y a pas de problème !

M. le président. Dans ce cas, je donnerai la parole au moins à deux intervenants sur chaque amendement. Est-ce ce que vous souhaitez ?

M. Bernard Roman. Tout à fait, monsieur le président, mais je ne parle qu’au nom de mon groupe !

M. le président. Je crois savoir que les orateurs communistes ont également renoncé à prendre la parole.

Je donne la parole à M. Richard Mallié qui désire s’exprimer au nom du groupe UMP.

M. Richard Mallié. Lorsque je suis intervenu sur l’article 3, j’ai abordé la question des devoirs de l’immigrant. Abordons maintenant celle de ses droits. En effet, soyons lucides, nous ne vivons pas dans le monde enchanté d’Alice au pays des Merveilles, et nombreux sont ceux qui profitent de la détresse, des rêves de ces étrangers venus chercher dans notre pays une vie meilleure, en leur vendant de la poudre aux yeux. C’est notamment le cas de tous ceux que l’on appelle les marchands de sommeil qui profitent de leurs compatriotes étrangers et leur louent un couchage qui est toujours plein par roulement ; c’est le cas de tous ces employeurs étrangers qui exploitent, et le mot est faible, les candidats à l’immigration, en leur donnant une poignée de figues contre un travail qui s’approche bien trop souvent de l’esclavage.

Je range également dans cette catégorie les « négriers », ces étrangers en situation régulière, qui font venir du pays leurs compatriotes en leur promettant un emploi bien payé et qui, une fois sur place, les rémunèrent au lance-pierre et les menacent de dénonciation à la moindre rébellion.

De telles situations sont humainement inacceptables. C’est pourquoi je ne peux que me réjouir du durcissement de la législation contre tous ces marchands de rêves. En instaurant la possibilité d’interdire l’exercice d’une activité professionnelle en France à l’employeur étranger d’un travailleur clandestin, pendant trois ans à compter de son éloignement, nous faisons déjà un grand pas en avant dans la protection des immigrés, monsieur le ministre.

Mais pour ma part, je serais allé plus loin encore. Pourquoi, en effet, autoriser cet étranger, une fois les trois ans échus, à revenir travailler sur le territoire ? En quoi cet éloignement de trois ans nous assurera qu’il ne recommencera pas ?

Dans la mesure où il n’a pas hésité à exploiter une fois la misère de certains, je vois mal quel remords l’empêchera de recommencer. Certes, nous avons tous droit à une seconde chance. Mais peut-on raisonnablement parler de « droit à l’erreur », lorsqu’on exploite la misère humaine ? Pas à mon sens. C’est pour cette raison que j’aurais souhaité que l’on prononce à l’encontre de cet étranger une interdiction définitive du territoire, non seulement par mesure de protection vis-à-vis de ceux qu’il pourrait de nouveau abuser, mais aussi par respect pour ceux qu’il a déjà trompés, et exploités.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais après avoir entendu M. Mallié, je me sens dans l’obligation de lui répondre.

M. le président. Vous ne répondez pas à M. Mallié, vous intervenez sur l’article.

M. Noël Mamère. Ce que propose M. Mallié n’est qu’une autre forme de double peine.

M. le ministre de l’intérieur s’était engagé sur la suppression de la double peine, mais nous nous sommes aperçus que ce n’était que du bluff.

M. Mallié affirme qu’il faudrait être encore plus sévère à l’égard des employeurs étrangers qui exploitent les sans-papiers.

M. Richard Mallié. Vous trouvez normale cette exploitation ?

M. Noël Mamère. Mais n’oublions pas, mon cher collègue, les employeurs français qui exploitent, dans des conditions absolument indignes, des travailleurs qui n’ont pas de papier et qui profitent de leur situation de fragilité, de précarité, de leur peur des autorités et de leur crainte d’être rejetés. Notre pays manque singulièrement d’inspecteurs du travail pour infliger les sanctions.

M. Richard Mallié. On en a créé 800 !

M. Noël Mamère. La délinquance, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, est sous-pénalisée, ce qui permet à certaines professions, que je ne citerai pas mais que nous connaissons tous, de continuer ce travail d’exploiteurs et de mettre en situation d’esclavage moderne des travailleurs étrangers.

Faut-il rappeler que plusieurs grands chantiers qui font, paraît-il, la grandeur de la France ont été menés à bien notamment grâce à l’utilisation de travailleurs sans-papiers, exploités dans des conditions absolument indécente ? Faut-il rappeler que le plus grand paquebot du monde, construit à Saint-Nazaire, l’a été en utilisant sans vergogne une main-d’œuvre venue d’Afrique et même des pays de l’Est, contrainte de travailler dans des conditions indignes d’un pays comme le nôtre ?

Alors, monsieur Mallié, plutôt de s’attaquer toujours aux mêmes, de faire de l’étranger un bouc émissaire, un profiteur qu’il faut soupçonner en permanence, balayons d’abord devant notre porte.

M. Jérôme Rivière. Vous aimez l’auto-flagellation !

M. Noël Mamère. Voyez ces employeurs français qui exploitent honteusement les travailleurs étrangers et que le projet de loi que vous soutenez place dans une situation de plus grande précarité encore !

M. le président. Monsieur Mamère, vous êtes trop attentif au respect de notre règlement pour ignorer que, dans cet hémicycle, les députés ne se répondent pas entre eux, mais s’adressent au président et à l’ensemble de l’Assemblée.

M. Noël Mamère. En effet.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Le problème que soulève M. Mallié pose la question de l’objectif que l’on se fixe. Comme vient de le rappeler Noël Mamère, notre pays manque d’inspecteurs du travail pour contrôler les conditions de travail faites aux salariés et la régularité de leur contrat. Je crains que l’on ne demande désormais à ces inspecteurs du travail d’être plus spécifiquement attentifs aux agissements des employeurs étrangers, au risque de laisser de côté nos « bons négriers » français qui pourront continuer tranquillement à faire la même chose, mais avec, de fait, une certaine protection puisque l’on n’aura pas les moyens de les contrôler.

Je n’ai aucune pitié pour les exploiteurs, quelle que soit leur nationalité, mais j’aimerais que la répression s’applique à tous.

Quant à la mesure préconisée par M. Mallié – l’interdiction définitive du territoire en sus des sanctions pénales ordinaires – elle rétablit la double peine.

M. Claude Goasguen. Notre groupe n’a déposé aucun amendement en ce sens !

M. le président. Je vous rappelle que M. Mallié est intervenu sur l’article. Il n’a soutenu aucun amendement.

Je suis saisi d’un amendement n° 278.

La parole est à M. Bernard Roman, pour le soutenir.

M. Bernard Roman. J’appelle l’attention du Gouvernement sur le caractère particulièrement contradictoire de cet article 11 que notre amendement tend à supprimer. À côté de la vilenie de sa loi de 2003 le ministre de l’intérieur se targue d’avoir supprimé la double peine.

Je vais illustrer la défense de mon amendement par un fait divers qui s’est passé dans ma région hier. Une descente conjointe des forces de police, du fisc, et de l’URSSAF sur un chantier public de l’hôpital d’Arras – chantier remporté par le groupe Bouygues – a permis de révéler l’existence d’une filière de travailleurs clandestins d’origine indienne. Il s’agit de plusieurs dizaines de personnes, travaillant pour le compte d’entreprises sous-traitantes de la société Bouygues, disposant de faux papiers, rémunérées vingt à trente euros par jour pour dix à douze heures de travail quotidien.

L’une des sociétés sous-traitantes est dirigée par deux personnes nées en Inde mais de nationalité française. Ces personnes, qui ont déjà été poursuivies, continuent à gérer leur société en dépit d’une condamnation à 30 000 euros d’amende et à six mois de prison ferme. C’est le droit pénal classique qui s’est appliqué pour ces employeurs une première fois. Il s’appliquera sans doute une deuxième fois, de façon aggravée, après l’opération d’hier. Employer un étranger démuni d’une autorisation de travail est un délit passible de trois ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.

De façon plus générale, la jurisprudence a toujours fait peser sur les chefs d’entreprise une responsabilité pénale, dite de principe, pour l’ensemble des infractions liées aux relations de travail et, pour la première fois, il y est frontalement porté atteinte. Rappelons qu’il est possible aujourd’hui de poursuivre en même temps pour délit d’emploi d’étrangers non autorisés à travailler en France, les dirigeants, les personnes physiques et les sociétés personnes morales.

Faire entrer clandestinement des étrangers par le biais de filières dans notre pays peut être sanctionné d’une peine de prison de cinq ans et, si l’introduction de clandestins est réalisée en contrepartie d’avantages financiers ou de façon répétée, si elle concerne plus de cinq personnes, la simple tentative d’introduction est largement plus punissable.

Aujourd’hui vous proposez, en sus de la sanction pénale, une sanction complémentaire lorsque l’employeur est étranger. Un employeur français, qui entretient des filières – comme c’est le cas précisément à Arras – est condamné à une peine de prison ferme, à une amende et peut continuer de gérer ses sociétés.

M. Jérôme Rivière. Nous souhaitons alourdir les sanctions.

M. Bernard Roman. Je lis le texte !

M. Jérôme Rivière. Nous déposerons des amendements.

M. Bernard Roman. De son côté, un employeur étranger, coupable des mêmes délits, se voit infliger outre la sanction pénale, une sanction administrative lui interdisant de travailler en France pendant trois ans. Trois ans c’est peu et c’est beaucoup. C’est peu puisque le droit pénal est applicable et doit être appliqué, mais c’est beaucoup si l’on considère que ce ne seront pas les donneurs d’ordres de gros réseaux qui seront visés mais plutôt les petits commerçants : celui qui fait travailler son fils sans avoir accompli toutes les formalités.

M. Richard Mallié. N’importe quoi !

M. Bernard Roman. En revanche, la société Bouygues reste à l’abri de la sanction pénale comme de la sanction administrative. Subir une double peine parce que l’on a le malheur d’être immigré et bénéficier de l’impunité totale parce que l’on est un grand groupe, voilà qui n’est pas acceptable !

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Bernard Roman. Alors que la double peine a été formellement supprimée – même si on ne le constate pas forcément sur le terrain – ne la rétablissez pas trois ans plus tard dans le nouveau texte de loi sur la situation des immigrés !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. L’article 11 vise à compléter les sanctions administratives auxquelles s’exposent les employeurs de nationalité étrangère qui font travailler des étrangers ne disposant pas d’un titre de travail.

Dorénavant, ces employeurs s’exposeront, en plus du retrait de leur titre de séjour et d’éventuelles sanctions pénales, à une sanction administrative ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle en France pendant une durée de trois ans.

M. Bernard Roman. C’est la double peine.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Dans une décision de 1997, le Conseil constitutionnel avait admis le cumul du retrait du permis de séjour avec une sanction pénale. Il avait laissé une large marge d’appréciation au législateur en indiquant que « les sanctions administratives prévues […] ne sont pas entachées, même compte tenu des sanctions pénales qui peuvent être le cas échéant applicables, d’une disproportion manifeste ; qu’en l’absence d’une telle disproportion, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des sanctions attachées aux comportements qu’il entend réprimer […] ».

En l’espèce, le nouveau cumul des sanctions prévu par le projet de loi ne semble donc pas disproportionné car qu’il existe, monsieur Roman, un lien direct entre la finalité de la sanction administrative – qui est de lutter contre le travail illégal – et sa nature, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Gouvernement a engagé une lutte efficace et constante contre le travail illégal. Entre le 1er septembre et le 31 décembre 2005, 601 opérations ont été menées dans 100 départements, 15 390 personnes ont été contrôlées et 611 employeurs interpellés. Je ne peux pas vous donner de chiffres plus récents puisque nous ne les aurons qu’au début du mois de juin. Mais je ne pense pas qu’ils auront considérablement évolué.

Nous souhaitons, pour lutter contre ces filières esclavagistes, nous assurer que l’employeur étranger de travailleurs clandestins sera sanctionné, non seulement par l’obligation de quitter la France, mais aussi par une interdiction de travailler en France pendant trois ans.

Vous y voyez une sorte d’acharnement sur l’employeur étranger. Mais nous avons veillé aussi au parallélisme des sanctions. Il n’y a pas qu’un seul objectif dans le viseur de la lutte contre le travail clandestin et illégal. Le Gouvernement marquera sa détermination à donner au juge la possibilité de punir d’interdiction des droits civiques les employeurs français – ce qui répond à votre préoccupation – détournant les règles en matière de travail temporaire des étrangers, grâce à l’amendement n° 402 proposé par Jérôme Rivière. Il y a une volonté d’équilibre, donc de justice.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je prends acte des bonnes intentions du Gouvernement. D’un côté, il veut que les employeurs étrangers soient interdits d’activité pendant trois ans s’ils font travailler des étrangers ne disposant pas d’autorisations de travail. De l’autre côté, parallélisme des formes, il veut priver de droits civiques les personnes physiques de nationalité française, coupables des mêmes faits.

Puis-je vous suggérer, monsieur le ministre, que vos bonnes intentions aillent jusqu’à interdire de marchés publics les donneurs d’ordres qui sous-traitent avec des entreprises utilisant de la main-d’œuvre clandestine ? Si cette disposition était prise dès aujourd’hui, un certain nombre de grands groupes français, Bouygues le premier, seraient interdits de marchés publics dans notre pays. Ce serait là une mesure de justice vis-à-vis de l’épicier arabe qui devra fermer sa boutique parce qu’il aura employé son cousin sans le déclarer. Je vous suggère d’intégrer cette réflexion dans vos propositions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Roman, l’article L. 364-8 du code du travail prévoit déjà dans ce cas l’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans ou plus.

M. Bernard Roman. Pourquoi n’est-ce jamais appliqué ?

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il existe un décalage entre le code du travail, dont M. le ministre vient de nous lire un article, et les moyens mis en œuvre pour le faire appliquer.

Nous l’avons déjà dit, notre pays manque cruellement d’inspecteurs du travail – ils ont d’ailleurs protesté contre leurs effectifs particulièrement squelettiques. Aujourd’hui nous n’arrivons pas à appliquer le code du travail à des grands groupes qui répondent à des commandes publiques et dont nous savons qu’ils utilisent, dans le cadre de la sous-traitance, des personnes en situation irrégulière. Et ce sont toujours les mêmes qui sont sanctionnés, les petites gens que l’on oblige à fermer leur boutique ou à cesser leurs activités, tandis que les grands groupes, eux, continuent de prospérer sur le dos de ces esclaves du monde moderne.

Puisque nous en sommes à parler des commandes publiques, permettez-moi, si j’ose dire, un cavalier dans cette discussion. Je vous rappelle que ces grands groupes qui répondent à des commandes publiques sont aussi, pour certains d’entre eux, ceux qui détiennent la majorité dans le conseil d’administration et dans le capital de grandes chaînes de télévision. Peut-être pourrait-on aussi interdire, comme d’autres pays l’ont fait, que de grands groupes qui bénéficient de la commande publique, puissent détenir la majorité du capital des chaînes de télévision privée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 278.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(L’article 11 est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 11.

Je suis saisi d’un amendement n° 402.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. Cet amendement répondra en partie aux interrogations légitimes soulevées par M. Roman. S’il se trouve sur notre territoire des travailleurs clandestins, c’est qu’il existe des employeurs délinquants, coupables de les employer, que ceux-ci soient étrangers ou Français. L’esprit de ce projet de loi est de lutter efficacement contre une inflation de travailleurs clandestins. Il est donc nécessaire de faire preuve de la plus grande fermeté à l’encontre de cette forme de délinquance.

Les sanctions prévues par le code du travail incluent d’éventuelles peines de prison. L’objet de cet amendement est de permettre aux tribunaux de prononcer une peine complémentaire d’interdiction des droits civiques, civils et de famille. Et comme M. le ministre vient de le rappeler, l’article L.364-8 du code du travail prévoit l’exclusion des sociétés concernées des marchés publics et la confiscation des matériels utilisés.

À la différence de l’amendement de M. Roman, le dispositif que nous proposons évite l’automaticité de cette peine. M. Roman connaissant parfaitement la jurisprudence du Conseil d’État sur les sanctions automatiques pourrait peut-être nous rejoindre sur cet amendement qui répond sur la forme et dans l’esprit aux préoccupations qui nous animent tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur le président, l’amendement n° 279 du groupe socialiste ayant le même objectif, peut-être pourrait-il être présenté maintenant, puis je donnerai l’avis de la commission sur les deux amendements.

M. le président. En effet, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 279.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pressentant que l’article 11 ne serait pas supprimé, nous avons déposé un amendement qui s’inscrit dans la même logique : puisqu’il faut sanctionner, sanctionnons, mais sanctionnons tout le monde ! Cet amendement a donc pour objet de faire prononcer la perte des droits civiques pour l’employeur qui emploie dans des conditions irrégulières.

En matière de travail illégal, le secteur du bâtiment est le plus touché. Plus de 20 % des procès-verbaux dressés pour emploi de main-d’œuvre illégale concernent ce secteur. L’évaluation en termes de recouvrement d’URSSAF est de 5,6 millions d’euros. Tous secteurs confondus – ces chiffres ont d’ailleurs été donnés par M. Borloo – 55 milliards d’euros sont détournés au détriment de l’État.

Il y a une double atteinte, non seulement aux droits sociaux nécessairement exigibles de la part de l’employeur, mais également à la situation des salariés. L’inspection du travail a relevé que les travaux les plus pénibles, ceux qui mettent le plus en cause l’intégrité physique étaient ceux qui étaient le plus souvent susceptibles d’être confiés à des clandestins.

Dans ce cadre, la première chose inacceptable, c’est l’attitude de l’employeur. Nous proposons que l’article L. 364-8-1 du code du travail soit complété pour que les employeurs de main-d’œuvre illégale encourent une peine complémentaire automatique de déchéance de leurs droits civiques pendant six ans. Qu’on ne nous objecte pas sur ce point l’avis du Conseil d’État : c’est au législateur d’en décider, et seul le Conseil constitutionnel pourrait mettre en cause ses choix. Si ce n’est pas automatique, il y aura toujours milles raisons de ne pas appliquer la sanction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ces amendements ont le même objectif : mieux lutter contre le travail clandestin en punissant davantage les employeurs illégaux. Néanmoins, tout en jugeant l’amendement n° 279 intéressant, la commission l’a repoussé au motif qu’il pouvait être critiquable de prévoir une peine automatique. J’y vois pour ma part une contradiction avec des propos tenus précédemment.

L’amendement n° 402 nous semble plus respectueux des droits de la défense et de l’indépendance des magistrats puisqu’il ne prévoit pas de peine automatique. C’est pourquoi j’y suis, à titre personnel, plus favorable.

En outre, il prévoit des sanctions que ne prévoit pas l’amendement n° 279, notamment l’exclusion des marchés publics et l’interdiction d’exercer l’activité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je constate un consensus sur tous les bancs pour alourdir les peines à l’encontre des employeurs de main-d’œuvre illégale. Je le souligne, car il n’est pas si fréquent, que M. Roman et M. Rivière se retrouvent sur une position commune ! (Sourires.)

L’automaticité de la peine est contraire à la convention européenne des droits de l’homme. Il faut donc davantage de souplesse. Si je me le permettais, je dirais que nous faisons davantage que vous confiance au juge, mais j’ai peur que cela n’entraîne d’autres débats !

Seront désormais également couverts les détournements des règles sur le travail temporaire des étrangers et surtout les fausses déclarations pour obtenir des autorisations de travail. Cette proposition, monsieur Rivière, répond tout à fait aux préoccupations du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si j’ai bien compris, l’automaticité vous pose problème pour les employeurs français, mais pas pour les employeurs étrangers. C’est difficile à admettre, c’est pourquoi nous allons développer nos arguments. Le travail illégal est inacceptable, nous sommes tous d’accord sur ce point. Si vous appliquez la répression prévue dans l’article 11, il faut maintenir l’automaticité à l’égard des employeurs de nationalité française, qui agissent tout aussi illégalement que les autres et d’une manière tout aussi insupportable. Nous admettons le principe de l’automaticité, mais il faut qu’il s’applique à tous les employeurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 12

M. le président. Sur l’article 12, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. On nous propose avec cet article 12 un nouveau gadget à ajouter au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et que certaines associations appellent les faveurs du prince. La carte « compétences et talents » est la grande fantaisie de cette réforme. Initialement dénommée « capacités et talents », elle est devenue « compétences et talents ». Cet article définit ainsi les conditions nécessaires à la délivrance du titre et les qualités que l’on attend des postulants : « La carte de séjour "compétences et talents" est accordée à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable, au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel et sportif de la France ou du pays dont il a la nationalité. ». Bel exemple de langue de bois !

Quelles seront les destinataires de cette carte ? Pas de réponse. Nous savons qu’elle sert à attirer ceux dont la présence en France est particulièrement souhaitée. Mais comment se mesurent les compétences et les talents ? Sur quels critères ? Qui en décidera ? Toujours pas de réponse.

On sait que les autorités consulaires joueront un rôle important. Elles ont déjà pour rôle de pratiquer une présélection dans le pays de ceux qui demandent un visa de long séjour. Les postulants seront obligés de s’adresser aux autorités consulaires. Or, dans certains pays, l’obtention d’un visa demande beaucoup de temps. Il est certain que, grâce à cette présélection, certains postulants obtiendront un visa beaucoup plus rapidement que les autres. Ce sera une sélection à la tête du client, subjective, correspondant aux besoins de notre pays, et non une sélection basée sur des critères humains.

Certes, ce n’est pas qu’une simple mesure utilitariste puisque la France, bon prince, pourra accorder la carte à l’étranger susceptible de participer au développement ou au rayonnement du pays dont il a la nationalité. Mais là encore, ce n’est que le fait du prince.

La carte « compétences et talents » n’est qu’un gadget. Elle traduit la volonté de procéder à une fine sélection des meilleurs éléments. Aujourd’hui, les sportifs de haut niveau – à condition qu’ils le soient réellement – les industriels, les chercheurs et les artistes de renommée internationale obtiennent un titre de séjour. Il s’agit de les attirer avec une carte à l’intitulé gratifiant, leur signifiant qu’ils sont vraiment désirés.

Ce nouveau dispositif officialise, d’une certaine manière, l’économie générale de ce texte et la conception que votre gouvernement a de l’immigration. Mais il va bien au-delà : il correspond à la philosophie du président de l’UMP, par ailleurs ministre de l’intérieur.

M. Patrick Braouezec. C’est pire que cela !

M. Noël Mamère. Discours après discours, le ministre d’État défend ce qu’il appelle la « République du mérite ». Cet article est une application directe de sa conception libérale de l’immigration et de la société – une société qui fonctionne au mérite…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Le mérite est une bonne chose !

M. Noël Mamère. …une société qui reconnaît les inégalités, exalte le mérite et la sélection des talents. Mais c’est à l’administration qu’il appartiendra de choisir, de manière totalement arbitraire et discrétionnaire, les talents qui donneront à un étranger le droit de séjourner dans notre pays. Ce droit ne lui sera pas accordé pour des raisons familiales ou parce qu’il a des attaches dans notre pays. C’est un détournement, une sorte de dévoiement de l’idée que l’on peut se faire de l’immigration et de l’intégration.

M. Jérôme Rivière. C’est une immigration qui nous apporte quelque chose !

M. Noël Mamère. C’est une rupture avec le droit à la vie privée et familiale, une rupture avec la tradition française de l’immigration, initiée depuis 1974, et une atteinte à la convention européenne des droits de l’homme.

En légalisant le droit accordé à l’administration de choisir, en fonction de critères imprécis, volontairement flous, votre projet de loi officialise et définit comme règle générale le fait du prince et les faveurs qu’il accorde à ceux qui veulent vivre sur notre territoire.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet article 12 est sans doute celui qui me choque le plus, pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, il représente une forme d’adaptabilité au capitalisme moderne.

Autrefois, on allait chercher la main-d’œuvre sur les marchés aux esclaves : on évaluait la musculature des personnes, on vérifiait si elles avaient de bonnes dents. Aujourd’hui, dans l’économie capitaliste moderne, on va chercher ceux qui peuvent nous apporter leurs compétences et leurs talents. Et ce n’est pas pour eux, ni pour leur pays d’origine – cela, c’est l’artifice du texte – mais uniquement pour leurs compétences. C’est la même démarche !

En outre – et cela me pose un problème encore plus grand – est-ce que vous vous rendez compte du message qu’on envoie aux personnes qui n’auront pas été jugées comme ayant des compétences ou des talents ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle catastrophe !

M. Patrick Braouezec. Est-ce que vous vous rendez compte du message que vous envoyez à tous les salariés, à tous les travailleurs, y compris français, à qui l’on dira : « Ce que vous faites ne révèle ni talents, ni compétences » ?

Certes, un certain nombre de métiers seront répertoriés – culturels, sportifs, le showbiz

M. Claude Goasguen. Et les savants, et les chercheurs !

M. Patrick Braouezec. …bref, la société du spectacle, que l’on met en avant pour montrer qu’on peut réussir dans la vie ! Comme si on ne pouvait réussir sa vie en étant simplement employé, ouvrier ou professeur. C’est catastrophique !

M. Franck Gilard. C’est du délire !

M. Patrick Braouezec. Non, ce n’est pas du délire ! C’est comme cela que votre texte sera perçu, et ce sera la vérité !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Quelle démagogie !

M. Patrick Braouezec. Quel mépris pour ces personnes et pour tous les métiers qui n’auront pas été répertoriés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, l’article précise que la carte sera attribuée aussi « au vu de la personnalité ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Je veux bien qu’il y ait des critères objectifs pour juger des compétences et des talents, même si c’est méprisant pour les autres…

M. Claude Goasguen. Une personne qui a un prix Nobel de physique, par exemple, a plus de talent qu’une autre !

M. Patrick Braouezec. …mais sur quels critères évaluer la personnalité ? Va-t-on faire passer à ces personnes des tests de personnalité, leur proposer un saut à l’élastique pour voir comment ils réagissent ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avez-vous déjà essayé ?

M. Patrick Braouezec. Non ! Les conduites de ce type-là ne m’intéressent pas.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Moi non plus !

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Mes collègues socialistes et moi-même sommes un peu effrayés par cet article 12.

Peut-on introduire dans la loi les notions de compétences et de talents, qui sont presque métaphysiques ? Pour le footballeur, le sportif exceptionnel ou le chef d’orchestre d’origine asiatique – qui naturellement recevront cette carte – on pouvait utiliser d’autres moyens : il suffisait de leur donner une carte de dix ans.

Il y a dans notre pays des gens qui travaillent depuis plusieurs années avec leurs compétences et leurs talents – je pense aux médecins étrangers, qui d’ailleurs ont beaucoup de difficultés. Il y a parmi eux des personnalités très intéressantes. D’autres le sont moins, mais n’en font pas moins l’ordinaire de notre vie professionnelle. Va-t-on leur dire : « N’ayant ni compétence ni talent, vous serez condamnés à l’arbitraire, aux cartes à renouveler, aux files d’attente dans les préfectures, à la demande incessante de papiers, etc… » ? Il y aura une autre catégorie d’êtres. Mais choisis par qui ? En fonction de critères extrêmement subjectifs, que je ne vais pas relire, ils ont déjà été cités, prenant en compte la « personnalité », les « aptitudes de l’étranger ». Mais qu’est-ce que c’est que ce vocabulaire ? Qu’est-ce que c’est que ces notions ? Quelle aptitude peut-on déceler ?

M. Claude Goasguen. Ce sont des notions évidentes, enfin !

M. Serge Blisko. Soyons triviaux. Un footballeur de trente ans a de bonnes jambes et est plein de talent. À trente-cinq ans, il décide de raccrocher ses crampons parce qu’il commence à être usé, comme le disait notre ami Zidane. Tout le monde le trouvait formidable, mais on lui retirera sa carte en lui disant : « Tu n’as plus aucun talent, plus aucune compétence aujourd’hui, mon pauvre ami, puisque tes jambes sont usées » !

Quant au peintre qui a une panne d’inspiration, vous allez lui dire qu’il n’a plus ni compétence ni talent ?

M. Jérôme Rivière. Vos arguments sont spécieux !

M. Serge Blisko. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Quelle administration peut se permettre de dire tout d’un coup à quelqu’un : « Aujourd’hui, vous pouvez bénéficier d’une carte spéciale, mais demain, on pourra vous la retirer » ? Et l’on pourra redire cela tous les trois ans !

M. Jérôme Rivière. Vous aurez critiqué, critiqué et jamais proposé !

M. Serge Blisko. Ces personnes passeront alors quoi ? Un examen ? Prendra-t-on en compte leur cote, le fait qu’ils sont connus, qu’ils sont passés à la télévision, que des articles élogieux sont parus à leur sujet dans les journaux ?

Quel est ce monde nouveau et effrayant que vous nous préparez où une administration pourra tout juger, y compris des talents, des compétences d’une manière totalement subjective et inégalitaire ?

M. Claude Goasguen. Et quand on se fait piquer des chercheurs par les Américains, c’est normal ?

M. Serge Blisko. Même en admettant que vous ayez une formule magique – à laquelle je ne crois pas – pour déterminer les talents, allez-vous pomper les meilleurs éléments de tous les pays du tiers-monde en les faisant venir dans des conditions exorbitantes qui en feront des immigrés de luxe, en étant accompagnés de leur famille, sans connaître les mêmes avanies que les autres immigrés ?

M. Claude Goasguen. Le talent n’a pas de nationalité !

M. Serge Blisko. Pour terminer, je dirai que nous avons un passé un peu trouble à ce sujet. Je rappelle qu’en 1934-1935, un certain nombre de gens très talentueux étaient venus d’Allemagne, d’Autriche où ils étaient chassés par le nazisme, en particulier en raison de leurs origines. Ces gens-là n’ont pas pu rester en France pour des raisons malthusiennes. La plupart d’entre eux sont allés créer la science et la médecine modernes aux États-Unis où ils ont été bien accueillis.

Utilisons les moyens que nous offre le droit, comme le statut de réfugié, mais pas ce dispositif élitiste, qui est de nature à creuser encore plus les inégalités entre les Français et les étrangers et entre les étrangers eux-mêmes.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 162 et 280.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 162. (« Il l’a déjà fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il peut reparler !

M. Noël Mamère. Tout à fait, c’est mon droit de défendre la suppression de l’article 12 !

Comme vous avez pu le constater, non seulement il s’agit d’un article gadget, mais s’il est mis en œuvre, il instituera des discriminations extrêmement graves.

M. Claude Goasguen. Supprimez le prix Nobel !

M. Noël Mamère. Dans la discussion sur cet article, l’un de mes collègues a évoqué le statut des médecins étrangers qui travaillent dans notre pays et sans lesquels nos hôpitaux, et notamment les services d’urgence, ne pourraient fonctionner. À ces médecins-là, on ne demande pas leurs compétences et leurs talents, au contraire, on leur impose des conditions de travail scandaleuses, largement au-dessous de leur savoir-faire.

Les critères qui accompagnent le dispositif sont arbitraires, discrétionnaires, ils restent flous dans la loi pour que précisément vous puissiez faire ce que vous voulez et sélectionner à la tête du client. C’est la raison pour laquelle j’insiste une nouvelle fois : faites attention à ce que vous demandez aux députés de voter, car cet article vise tout simplement à instituer le fait du Prince et la faveur accordée à quelques manants un peu plus estimés que les autres parce qu’ils auraient, paraît-il, des compétences et des talents, mais qui n’en resteront pas moins des manants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable car adopter cet amendement reviendrait à remettre en cause l’une des innovations du projet de loi.

Vous me permettrez de rappeler l’article VI d’un texte que vous allez certainement reconnaître : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Il s’agit de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui date de 1789. L’idée n’est pas tellement nouvelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Blisko. Il n’existe pas d’article VI bis qui prévoie que l’administration choisit les plus talentueux !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous proposons effectivement une immigration choisie, et nous le revendiquons, en attribuant à des personnes hautement qualifiées, et que nous choisissions, autre chose qu’un titre de séjour d’un an. Notre pays a envie d’arrêter d’être imbécile et veut faire comme d’autres grandes démocraties qui mettent en œuvre cette politique depuis un certain nombre d’années.

M. Patrick Braouezec. Vous prenez ce qu’il y a de plus mauvais chez les autres et vous ne retenez pas le meilleur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous pourrions d’ailleurs nous interroger sur les raisons de l’expatriation des jeunes Français talentueux qui, après avoir été formés chez nous de la maternelle à l’université, finissent par faire carrière aux États-Unis, au Canada, au Japon ou ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je ne vois pas pourquoi la France s’interdirait de mener une politique semblable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Commencez par garder les talents français !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Tel est le choix que vous propose le Gouvernement. Les personnes concernées bénéficieront, en tout cas, d’un ensemble de droits étendus.

Je voudrais profiter de cet instant si précieux et, en même temps, si savoureux pour vous rappeler que l’article 21-18 du code civil distingue déjà parmi les étrangers ceux qui peuvent rendre à la France, par leurs capacités et leurs talents, des services importants par l’accès à la nationalité. Il existe donc un précédent, qui date de 1973. Je suis très étonné que la gauche, qui a gouverné si longtemps depuis, n’ait pas pris la moindre initiative pour supprimer cette disposition. Je ne vois pas ce qui peut la pousser à s’y opposer aujourd’hui.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez raison, il faut l’enlever !

Rappel au règlement

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Le rapporteur a cité la Déclaration des droits de l’homme. Il oublie une précision importante : ce texte garantit l’égalité de tous devant la loi ! Or le projet de loi qui est soumis à notre sagacité organise l’inégalité de traitement.

Pour prolonger les propos du M. le ministre, si l’on en croit certaines études, en 1993, 45 000 Français partaient vivre en Grande-Bretagne ; en 2003, ils étaient trois fois plus nombreux. Pourquoi de jeunes Français hautement qualifiés partent-ils ? Parce qu’ils n’ont pas de perspectives en France, en raison d’une politique de stagnation en matière d’emploi !

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que des milliers de chercheurs sont descendus dans la rue pour dénoncer l’état de grande déshérence dans lequel ce gouvernement a laissé la recherche ? Faut-il rappeler les propos de M. le Président de la République qui, en complète contradiction avec ses actes, nous a rappelé à plusieurs reprises que la recherche était un des moteurs de l’activité d’une nation et qu’elle était son avenir ? Or quand nous avons été appelés, ici, à nous prononcer sur la loi sur la recherche, nous avons constaté que le ministre de la recherche ne tenait pas les engagements pris à l’occasion des états généraux de la recherche.

Par conséquent, au lieu de nous faire croire à une vague d’immigration qui nous envahirait et nécessiterait des sélections entre les bons et les mauvais, entre les bons pays et les mauvais pays, entre les bons chercheurs et les mauvais chercheurs, entre les bons Indiens et les mauvais Sénégalais, occupez-vous des jeunes Français hautement qualifiés qui quittent notre pays et demandez-vous pourquoi. Nous n’avons pas un problème d’immigration, mais d’émigration.

M. Serge Blisko. Tout à fait ! Aujourd’hui, nos talents s’en vont !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l’amendement n° 280 rectifié.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous demandons également la suppression de l'article 12.

Le choix d’une immigration choisie aboutira à une inégalité fondamentale. Je ne fais pas partie de la commission des lois, mais j’ai lu dans son rapport que la carte « compétences et talents » serait délivrée par le ministère de l’intérieur, à partir de propositions faites par les ambassadeurs ! Ces derniers sont effectivement qualifiés pour connaître toutes les compétences, tous les talents, pour apprécier la personnalité de chacun ! C’est effectivement leur boulot de tous les jours !

Soyons sérieux ! Allons-nous placer des psychanalystes auprès du ministère de l’intérieur qui pourra juger tel ou tel trait de caractère ? Comment pourra-t-on évaluer a priori le talent d’un futur grand peintre ?

L’article 12 est plus qu’un gadget, il est révoltant !

Par ailleurs, le travailleur qui aura obtenu la carte « salarié », que nous avons évoquée il y a une demi-heure, n’aura pas le droit de venir avec sa femme et ses enfants, tandis que le travailleur compétent et talentueux − encore faudra-t-il prouver ces qualités, qui seront définies par je ne sais qui − pourra arriver avec sa famille.

M. Serge Blisko. C’est monstrueux !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Et on ose parler d’intégration ! La situation d’immigré n’est déjà pas facile, mais voilà qu’on crée deux catégories d’immigrés : les uns auront droit à une vie familiale heureuse, les autres en seront privés et ne seront bons qu’à travailler. Cette inégalité sera mal vécue. Nous avons tous besoin que l’intégration soit réussie, mais cet article va nous éloigner de cet objectif.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 162 et 280 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 498.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais rappeler avec insistance le caractère inacceptable de la disposition qui instaure une carte de séjour portant la mention « compétences et talents ».

M. Claude Goasguen. Qu’est-ce que vous voulez mettre à la place ?

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit donc de distinguer les citoyens étrangers ordinaires de ceux qui seraient talentueux.

M. Jérôme Rivière. Vous vous rendez compte, il y a des gens qui ont du talent ! C’est atroce !

Mme Jacqueline Fraysse. Mesurez-vous ce qu’implique ce classement en catégories : catégorie 1, catégorie 2, catégorie 3 ?

M. Claude Goasguen. Il faut supprimer le prix Nobel !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est absolument inacceptable, c’est méprisant, c’est discriminatoire, c’est − j’ose le dire − contraire aux droits de l’homme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est un génocide ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. Vous ne pouvez pas instaurer une telle disposition dans un pays comme le nôtre, avec son histoire.

Le pillage des autres pays, dont on a déjà parlé, est très grave. Je me demande d’ailleurs comment vous pourrez, en droit, appliquer une telle mesure qui est complètement arbitraire. On ne nous donne aucune précision sur la façon dont sera conduite l’évaluation.

M. Claude Goasguen. Comment fonctionnent les universités ? Comment choisit-on les professeurs ?

Mme Jacqueline Fraysse. Quel recours auront ceux dont on aura refusé de remarquer les talents ou les compétences ? Je suis très surprise que les cerveaux qui ont élaboré ce texte aient pu aller aussi loin dans l’incroyable et l’inacceptable. Il est temps de corriger cette anomalie grave qui n’honore pas notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. Patrick Braouezec. C’est laconique par rapport à tout ce qui a été dit !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 498.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 62.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’un amendement quasi rédactionnel.

M. Patrick Braouezec. Il n’est pas vraiment rédactionnel ! Ne nous prenez pas que pour des imbéciles !

M. Thierry Mariani, rapporteur. La rédaction actuelle semble laisser entendre que la carte « compétences et talents » est un droit, alors qu’il s’agit au contraire, monsieur Braouezec, d’un outil pour une immigration choisie. Il faut laisser un pouvoir d’appréciation à l’administration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement n’est pas simplement rédactionnel : en l’occurrence, remplacer « est » par « peut être », c’est renforcer le côté arbitraire du dispositif. Mme Fraysse l’a dit, quel recours auront ceux dont on aura rejeté la demande ? On peut considérer que nos ambassadeurs et nos consuls ne seront pas seuls à explorer les pays à la recherche de talents et de compétences. Il se trouvera bien des talents et des compétences pour se rendre dans nos ambassades et dire : j’ai un talent, j’ai une compétence, j’ai envie de venir chez vous. Or la procédure sera entièrement discrétionnaire. En outre, comme le disait tout à l’heure un de nos collègues, il va falloir renforcer nos services consulaires avec tout un arsenal de professionnels aptes à juger des compétences ou des talents, de la personnalité des candidats. D’ailleurs, jusqu’où ira-t-on dans l’étude de la personnalité ? Ne risque-t-on pas de rejeter certains talents jugés un peu fous ? Fera-t-on appel à des sociétés privées…

M. Bernard Roman. À des chasseurs de têtes ?

M. Patrick Braouezec. …ou à des chasseurs de têtes pour dépister, au fin fond de chaque pays, tous les talents et toutes les compétences ? Loin d’être purement rédactionnel, cet amendement en rajoute dans l’arbitraire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Effectivement, on en rajoute dans le discrétionnaire. Le principe du projet de loi n’est pas que l’on va accueillir, mais que l’on pourra éventuellement accueillir.

M. Claude Goasguen. Mais nous ne sommes pas obligés d’accueillir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je lisais le compte rendu du débat en commission : à une question de Bernard Roman et René Dosière, le rapporteur avait répondu que la carte serait délivrée par le ministre de l’intérieur, sur proposition des ambassadeurs. C’est bien la situation décrite par M. Braouezec. Dès lors qu’on supprimait l’automaticité, n’aurait-on pas dû fixer des règles, des principes, définir des critères de choix ? Au contraire, nous sommes privés d’indications. Je trouve ce texte honteux.

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, honteux !

M. Jérôme Rivière. Vous devriez surtout avoir honte de n’avoir rien à répondre !

M. Claude Goasguen. Supprimez l’agrégation : il y a un premier et un deuxième !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Permettez-moi de relire deux articles du projet de loi, pour que l’hémicycle soit parfaitement informé de ce nous sommes en train d’adopter : « Art. L. 315-1. - La carte de séjour “Compétences et talents” est accordée à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont il a la nationalité. Elle est accordée pour une durée de trois ans. Elle est renouvelable. »

M. Jérôme Rivière. Ça va, on sait lire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. « Art. L. 315-2. - La carte mentionnée à l’article L. 315-1 est attribuée au vu de la personnalité et des aptitudes de l’étranger,…

M. Jérôme Rivière. Monsieur le président, il ne va tout de même pas lire tout le projet de loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …du contenu de son projet et en particulier de la nature de l’activité qu’il se propose d’exercer et de l’intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et pour le pays dont l’étranger a la nationalité. »

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est très bien, tout cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si j’ai lu cela…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est une très bonne lecture !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …c’est pour que le Journal officiel puisse relater très exactement la réalité de votre démarche. Je dédie ce texte scandaleux à ce chirurgien malgache, qui est venu en France et qui, pendant trente-deux ans, a fait fonction d’interne à 9 000 francs par mois…

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …alors qu’il enseignait auparavant la pathologie à l’université de Madagascar.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous ne parlons pas ici de l’article 12 en général, mais simplement de l’amendement n° 62 de M. le rapporteur.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Ce débat est quand même formidable !

Mme Jacqueline Fraysse. Il est très instructif !

M. Claude Goasguen. Au fond, ce que vous critiquez dans notre système, c’est la méritocratie.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. Non, nous réclamons le respect de la personne !

M. Claude Goasguen. Mais la méritocratie n’a pas attendu ce projet de loi pour exister. Le prix Nobel, ça existe, on ne va pas le supprimer. Une des premières décisions de la Convention fut d’accorder la nationalité française à Benjamin Franklin et à d’autres savants. Était-ce de la méritocratie ? N’était-ce pas une reconnaissance de talents et de compétences ?

Mme Jacqueline Fraysse. Mais ce n’était pas marqué sur la carte d’identité !

M. Claude Goasguen. Faut-il supprimer l’agrégation sous prétexte qu’il y a un premier et un deuxième, et qu’il vaudrait mieux que tous soient deuxièmes plutôt qu’un seul premier ?

Vos propos sont d’autant plus ridicules qu’ils vont à l’encontre de tout ce que vous avez dit. Mon cher Le Bouillonnec, avec la carte « compétences et talents » que nous allons créer, votre professeur de pathologie aurait pu sortir des difficultés qu’il a connues.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est justement ce dont je doute !

M. Claude Goasguen. Les savants qui vont venir travailler pour la collectivité nationale à ITER, qui vont, par conséquent, apporter leurs compétences à la France et aider ainsi de nombreux salariés, faudra-t-il qu’ils connaissent toutes les difficultés quotidiennes ? Faut-il accepter que les pays étrangers nous enlèvent nos intellectuels et s’interdire de leur prendre les leurs ?

Mme Jacqueline Fraysse. Quelle honte !

M. Claude Goasguen. On est en droit d’attendre de notre assemblée un minimum de compétences. Or, avec vos propos, on est au niveau de l’école primaire, et vous ne vous rendez même pas compte de ce que vous dites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. On entend assez peu nos collègues de droite depuis quelque temps. On a bien entendu M. Myard nous faire une colère, mais elle était très artificielle. Nous venons d’avoir droit au même scénario de la part de M. Goasguen, mais il ne nous a pas convaincus.

M. Claude Goasguen. Ma colère n’a rien d’artificiel !

M. Noël Mamère. Il est vrai que nous ne sommes pas à l’école primaire : nous sommes les représentants du peuple, qui nous a mandatés pour débattre d’une loi qui est dangereuse pour le pays.

M. Claude Goasguen. Vous seriez le premier à donner à José Bové toutes les nationalités de la Terre !

M. Noël Mamère. Comme mon collègue Le Bouillonnec, je voudrais relire le passage infâme que vous avez introduit dans l’exposé des motifs du projet de loi et qui, en dix lignes, trahit l’état d’esprit qui est le vôtre en matière de discrimination.

M. Claude Goasguen. Supprimez l’agrégation !

M. Noël Mamère. Cela concerne bien l’amendement de M. Mariani, qui renforce le caractère discrétionnaire et arbitraire de l’article 12. Je voudrais dédier cette lecture à tous les médecins étrangers qui sont venus nous voir dans nos permanences de députés ou dans nos bureaux de maires, qui, depuis des années, demandent à être reconnus…

M. Claude Goasguen. C’est pour ça qu’on fait la loi !

M. Noël Mamère. …et qui sont exploités d’une manière éhontée. L’exposé des motifs est ainsi formulé : « L’article 12 crée une carte portant la mention “compétences et talents”…

M. Claude Goasguen. Et alors, comment fallait-il l’appeler ? La carte « toquards » ?

M. Noël Mamère. …d’une durée de validité de trois ans renouvelable, dont la vocation est de faciliter les conditions d’admission au séjour des étrangers susceptibles de participer de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif, de la France ou de leur pays d’origine. »

M. Claude Goasguen. Vous trouvez cela dramatique ?

M. Noël Mamère. « Les bénéficiaires de cette carte seront choisis en prenant en compte la personnalité et les aptitudes de l’étranger, le contenu de son projet, la nature de l’activité qu’il se propose d’exercer, et l’intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et le pays d’origine. »

M. Claude Goasguen. C’est très bien !

M. Noël Mamère. « La carte “compétences et talents” permettra l’exercice de toute activité professionnelle. Le séjour de la famille du titulaire de cette carte sera facilité par la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire “vie privée et familiale”. » Franchement, vous n’honorez pas notre pays en votant une telle disposition.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Mamère a raison, vous déshonorez le pays !

M. Jérôme Rivière. Les Français ne sont pas dupes !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne vais pas me livrer comme M. Goasguen à de la provocation gratuite.

M. Claude Goasguen. Ce n’était pas de la provocation !

M. Patrick Braouezec. Mais si !

M. Claude Goasguen. Je ne faisais qu’appeler à la raison !

M. Philippe Vitel. C’est vous qui faites de la provocation, monsieur Braouezec !

M. Patrick Braouezec. Il ne sert à rien de vociférer, mes chers collègues. Reprenez donc votre calme à cette heure avancée avant que nous allions, d’ici à une demi-heure peut-être, régénérer notre force de travail ! (Sourires.)

Cette disposition n’a rien à voir avec la méritocratie,...

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

M. Patrick Braouezec. ...même si je ne suis pas favorable à celle-ci. Le mérite existe pour tous, quelle que soit l’activité que l’on exerce.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr !

M. Patrick Braouezec. En l’occurrence, il ne s’agit pas de méritocratie, mais d’élitisme mal placé.

M. Claude Goasguen. Supprimons le prix Nobel ! L’Union soviétique n’en voulait d’ailleurs pas.

M. Patrick Braouezec. Ainsi que je le faisais remarquer, l’image que vous donnerez à tous ceux qui n’auront pas cette carte « compétences et talents », y compris aux ressortissants français,...

M. Claude Goasguen. Demandez-leur s’ils n’ont pas envie d’avoir de grands médecins étrangers !

M. Patrick Braouezec. ...sera celle de personnes qui n’ont aucune compétence ni aucun talent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Donc aucune valeur !

M. Patrick Braouezec. Vous me renvoyiez, monsieur Goasguen, à l’école primaire où j’ai enseigné pendant vingt ans. Non seulement j’en suis fier, mais je ne pense pas que vous ayez, en qualité de professeur d’université, plus de talent et de compétence que moi ! Vous n’en avez même pas plus qu’un travailleur manuel !

M. Claude Goasguen. C’est vrai qu’en Union soviétique on mettait les prix Nobel au trou !

M. le président. Monsieur Braouezec, je vous demande d’éviter de prendre à parti qui que ce soit.

M. Patrick Braouezec. Je ne faisais que répondre à M. Goasguen.

M. le président. Ma remarque valait également pour M. Goasguen.

Permettez-moi tout de même de vous rappeler encore une fois, mes chers collègues, que l’amendement n° 62 tend simplement à substituer au mot « est » les mots « peut être ».

M. Patrick Braouezec. Puisque vous m’assurez, monsieur le président, que M. Goasguen ne s’énervera plus, je puis donc développer mon argumentation en relisant l’article L. 315-2, lequel me paraît d’ailleurs bien mal écrit. En CM2, j’aurais mis comme appréciation : « Peut mieux faire au niveau grammatical. » (Sourires.)

M. Jérôme Rivière. Moi, je mettrais « Hors sujet » à votre intervention : l’amendement ne porte pas sur l’article L. 315-2 mais sur le L. 315-1 !

M. Patrick Braouezec. Je lis l’article L. 315-2 : « La carte mentionnée à l’article L. 315-1 est attribuée au vu de la personnalité et des aptitudes de l’étranger, du contenu de son projet et en particulier de la nature de l’activité qu’il se propose d’exercer et de l’intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et pour le pays dont l’étranger a la nationalité. » Le moins que l’on puisse dire est que l’on abuse de la conjonction « et ». Une autre formulation serait préférable. Tout le monde s’en porterait mieux.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Patrick Braouezec. Pour en revenir à la substitution du mot « est » par les mots « peut être » – je ne perds jamais le fil de mes idées ! – l’amendement n° 62 renforce par là même l’arbitraire, sachant qu’il ne faudrait pas pour autant se leurrer : cette carte ne nous rendra pas attractifs, monsieur Goasguen. Vous avez en effet si peur de ces compétences et de ces talents,...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

M. Patrick Braouezec. ...que la carte pourra être retirée si son titulaire ne remplit plus les conditions exigées lors de sa délivrance.

M. Serge Blisko. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Si un sportif, que l’on a fait venir pour renforcer nos rangs, se casse la jambe ou que son talent n’est finalement pas aussi bon qu’on l’escomptait et qu’il ne devient pas champion du monde,...

M. Jérôme Rivière. Vous oubliez que ce sont des équipes nationales qui concourent dans les championnats du monde !

M. Patrick Braouezec. ...il sera très vite mis dehors. Tous les sportifs le comprendront à la lecture de ce nouvel article. Nous ne serons donc pas aussi attractifs que vous le pensez, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. Il est sûr que si l’on vous entend, nous ne serons jamais attractifs !

M. le président. N’en rajoutez pas, monsieur Claude Goasguen.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Notre débat présente des aspects quelque peu effrayants. Je citerai à cet égard cet extrait de l’article 12 : les bénéficiaires de la carte seront choisis « au vu de la personnalité et des aptitudes de l’étranger, du contenu de son projet et en particulier de la nature de l’activité qu’il se propose d’exercer et de l’intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et pour le pays dont l’étranger a la nationalité. » Cela s’appelle une sélection, au mauvais sens du terme !

M. Claude Goasguen. Cela aurait pu s’appliquer à Léonard de Vinci : François Ier n’aurait donc pas dû le choisir ?

M. Serge Blisko. C’est même ce que j’appellerai de l’eugénisme social et professionnel, digne d’Alexis Carrel. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir ! Alexis Carrel traitait de génétique !

M. Serge Blisko. Qui aura droit au bonheur, c’est-à-dire à la carte de trois ans ? Qui pourra faire venir son conjoint et ses enfants, et bénéficier d’un bon salaire et de la protection sociale ? Celui qu’on aura choisi parce qu’il est un « être supérieur » ! C’est honteux ! Tous les républicains, tous les démocrates, se sont toujours battus contre de telles idées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, cette carte « compétences et talents » pourrait être une bonne idée.

M. Patrick Braouezec. Mais...(Sourires.)

M. Étienne Pinte. Mais elle n’est pas encore tout à fait satisfaisante. Vous n’en tirez pas en effet tout le profit qu’elle pourrait procurer à notre pays et à ceux dans lesquels nos autorités diplomatiques choisiront ces compétences et ces talents.

Dans un article publié par le journal Le Monde d’aujourd’hui, Jean-Baptiste Meyer, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, écrit : « Cultiver les diasporas, notamment celles d’expatriés hautement qualifiés, dans une stratégie de codéveloppement : voilà qui pourrait constituer un volet majeur d’une politique migratoire authentiquement française et européenne. »

M. Claude Goasguen. C’est exactement ce que propose le texte !

M. Étienne Pinte. Je poursuis ma lecture : « L’option du codéveloppement semble heureusement être prise en considération par le gouvernement français dernièrement. »

Dans cet esprit, pourquoi ne pas avoir inscrit cette notion de codéveloppement dans l’article 12, ce qui aurait valorisé ce dernier alors qu’en l’état, il reste frustrant pour nombre d’entre nous ?

M. Claude Goasguen. Elle y figure pourtant !

M. Étienne Pinte. Notre impression est que l’on va voler des talents dans les autres pays, sans qu’ils soient valorisés au profit de ces derniers.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas cela le codéveloppement !

M. Étienne Pinte. Le Gouvernement devrait faire en sorte que la carte de séjour « compétences et talents » bénéficie non pas seulement à notre pays, mais également, voire surtout, aux pays qui pourraient bénéficier de ces compétences et talents après que nous les aurons en quelque sorte valorisés grâce à une formation complémentaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je partage totalement vos convictions et vos valeurs, monsieur Pinte. Le Gouvernement a d’ailleurs prévu d’aller dans ce sens...

M. Claude Goasguen. Tout à fait.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. ...puisque l’alinéa 4 de l’article 12 vise à prendre en compte l’intérêt du projet et de l’activité pour la France « et pour le pays dont l’étranger a la nationalité. »

M. Patrick Braouezec. Cela relève de la déclaration de principe ! Ce n’est pas ce que M. Goasguen a soutenu !

M. Claude Goasguen. Si !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je précise également que nous accepterons plus tard dans la discussion l’amendement n° 256 de Mme Boutin qui conforte encore cet aspect.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Triste instant !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 163.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.

M. Patrick Braouezec. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. J’ai mis l’amendement aux voix, monsieur Braouezec.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 363.

Vous pouvez maintenant intervenir, monsieur Braouezec, pour le défendre.

M. Patrick Braouezec. Ce que vous avez fait n’est pas bien, monsieur le président. Vous m’avez refusé la parole sur l’amendement précédent alors qu’il aurait fallu choisir entre le « et » et le « ou » des articles L. 315-1 et L. 315-2.

M. le président. Je ne sais si ce que j’ai fait est bien ou mal, monsieur Braouezec, mais, pour votre part, vous n’avez pas à soutenir un amendement que M. Mamère a déjà défendu.

M. Patrick Braouezec. Il n’en reste pas moins que nous avons avec ces deux articles deux rédactions contradictoires.

M. le président. Monsieur Braouezec, l’amendement auquel vous faites allusion a été repoussé. Vous avez la parole pour défendre l’amendement n° 363, et lui seul.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement n° 363 tend à remplacer l’expression : « de façon significative et durable au développement économique » par : « de façon significative au développement durable ».

Le développement économique s’inscrit en effet au sein du développement durable, car cette notion inclut toutes les formes d’activité économique, notamment les moins classiques, telles que le commerce équitable ou l’économie sociale et solidaire, que le Gouvernement se targue de promouvoir. Notre logique n’est pas celle du développement économique productiviste – et l’on sait de quoi l’on parle !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Le développement durable est certes important, mais la notion qu’il recouvre est un peu restrictive.

M. Patrick Braouezec. Pas du tout !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Comment y faire entrer les sportifs, les musiciens ou les peintres que vous évoquiez tout à l’heure ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Soyons sérieux, monsieur le rapporteur ! Mon amendement tend en effet à rédiger l’article L. 315-1 de la façon suivante : « La carte de séjour "compétences et talents" est accordée à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative au développement durable ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ». Il ne s’agit donc pas d’englober dans une notion de développement durable limitativement comprise, les sportifs ou les acteurs du monde culturel. Cette notion est en effet plus globale que celle du simple développement économique.

Mais peut-être faut-il comprendre, monsieur le rapporteur, que vous n’incluez pas le développement économique dans le concept de développement durable. Mais ne vous targuez pas alors de défendre le commerce équitable et l’économie sociale et solidaire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 363.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 164 et 499

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 164.

M. Noël Mamère. Défendu !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 499.

M. Patrick Braouezec. Défendu également !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 164 et 499.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 327.

M. Philippe Vitel. Il est défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani. Favorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 327.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 63.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse à M. Pinte le soin de défendre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je propose que l’article 12 mentionne également le rayonnement « humanitaire ».

Mme Jacqueline Fraysse. Ça fera du bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 320 et 364.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 320.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 364.

M. Patrick Braouezec. Même si nous ne sommes pas d’accord sur cette carte « compétences et talents », nous proposons de supprimer les termes pour le moins flous de « personnalité et d’aptitudes de l’étranger » pour nous en tenir au « contenu du projet de l’étranger ». Cela dit, je serais presque tenté de ne pas défendre cet amendement, parce que j’ai l’impression que je vous rends service.

M. Bernard Roman et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Patrick Braouezec. Ce qui n’est peut-être pas nécessaire.

M. Bernard Roman. Certes !

M. Patrick Braouezec. Mais puisque nous avons dit que nous essayerions de rendre ce texte le moins mauvais possible, nous allons au bout de notre démarche, même si le chemin est long, et nous vous suggérons de supprimer ces notions de personnalité et d’aptitudes de l’étranger qui ne correspondent à rien, qui n’ont aucune valeur objective.

M. Claude Goasguen. Si !

M. Patrick Braouezec. De toute manière, ce sera au vu du contenu du projet, c’est déjà pas mal, que nos ambassades jugeront si le candidat est bon ou pas.

M. Bernard Roman. Les aptitudes, cela peut être des aptitudes à investir par exemple.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si M. Braouezec était d’accord, je lui proposerais de rectifier son amendement. La notion d’aptitude est concrète et mérite d’être conservée. La notion de personnalité est, il est vrai, plus discutable et pourrait être supprimée. Acceptez-vous cette proposition, monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec. Ne me demandez pas de faire une chose aussi impossible pour moi, monsieur le rapporteur. Je vous rends déjà service.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si vous ne rectifiez pas votre amendement, la commission émettra un avis négatif.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pas malin !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agirait de supprimer à l’alinéa 4 de l’article 12 les mots : « de la personnalité et ».

M. le président. Monsieur Mamère, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 320 au profit de l’amendement n° 364 rectifié qui serait ainsi rédigé : « Dans l’alinéa 4 de l’article 12, supprimez les mots : “de la personnalité et”. »

M. Noël Mamère. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 320 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 364 rectifié ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Sagesse.

M. le président. Ça complique tout. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 364 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Claude Goasguen. M. Braouezec n’a pas voté pour ! Il n’est pas fou !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 64.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 329.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour le soutenir.

M. Claude Goasguen. Afin qu’on ne vienne pas m’opposer le caractère discriminant et aléatoire d’un choix effectué par la seule administration, critique formulée par une partie de cette assemblée que je comprends, je propose qu’une commission composée d’intellectuels, d’artistes, de toutes nationalités, élabore une série de critères à utiliser par les personnels qui délivrent des visas.

Je précise, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que, comme je l’ai dit dès le début, le monde est divisé en deux parties. Nous avons des devoirs particuliers à l’égard de la francophonie et je ne souhaite absolument pas que cette carte puisse être considérée comme un moyen de s’emparer des intellectuels, des professeurs de pays en développement. Je souhaite, au contraire, que cette carte s’inscrive dans un esprit de codéveloppement à l’égard des pays francophones. Pour autant, je ne vois pas pourquoi nous nous priverions d’une mise en concurrence avec les autres grands pays qui recrutent dans le monde entier des chercheurs de renom, des prix Nobel, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Ce n’est pas le seul moyen, j’en conviens, mais nous devons vraiment essayer de nous rendre plus attractifs. Et que l’on ne vienne pas me dire que j’essaie de déshabiller certains pays, auxquels je suis très profondément attaché.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Tout à fait favorable. La création d’une commission réunissant des personnalités de tous bords et de compétences diverses est une formule consensuelle parfaitement adaptée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 329.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 256, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 603.

La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 256.

M. Étienne Pinte. Cet amendement propose que « lorsque le titulaire de la carte de séjour « compétences et talents » est originaire d’un pays en voie de développement, il est tenu d’apporter son concours pendant la durée de validité de cette carte à une action de coopération ou d’investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité. » Cela rejoint ce que j’ai dit précédemment sur le codéveloppement.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 603 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 256.

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission n’avait pas retenu l’amendement n° 256 que son auteur n’avait pu lui présenter, elle s’était uniquement prononcée sur la forme.

Le concept « originaire d’un pays en voie de développement » est assez peu juridique. D’ailleurs, les géographes ne parlent plus des « pays en voie de développement » mais de « pays en développement ».

L’amendement pourrait être accepté s’il était rectifié par le sous-amendement n° 603 qui propose de faire référence au « ressortissant d’un pays de la zone de solidarité prioritaire », concept beaucoup plus précis et identifiable puisque se rapportant à une liste claire d’une cinquantaine de pays fixée par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est bien sûr favorable au sous-amendement n° 603 et très favorable à l’amendement n° 256 qu’a déposé Mme Boutin. D’ailleurs, le ministre d’État n’avait pas manqué de souligner à la tribune combien il voyait dans cette proposition une avancée importante qui se greffait sur le texte initial. Je souhaitais le rappeler.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 603.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256, modifié par le sous-amendement n° 603.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce thème mais je voulais indiquer que l’amendement n° 38 de M. Guillaume, qui n’a pas été défendu, son auteur n’étant pas là, demandait la suppression de l’alinéa 6 de l’article 12. Or cet alinéa dispose que « le conjoint et les enfants d’un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l’article L.315 -1 bénéficient de plein droit de la carte de séjour » tandis que l’article 30 de ce projet de loi porte d’un an à dix-huit mois la durée de séjour minimum nécessaire avant toute demande de regroupement familial. Cherchez l’erreur !

M. Bernard Roman. Bien vu !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 65.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous allons revenir à l’article premier, précédemment réservé.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, nous travaillons depuis deux jours sur les amendements dans de bonnes conditions, même si c’est dur, sportif parfois. Mais aborder l’article premier à une heure trente du matin ne me paraît pas raisonnable.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas sérieux.

M. Patrick Braouezec. Si vous décidiez malgré tout de poursuivre, je demanderais des suspensions de séance, ce qui ferait traîner le débat.

Notre discussion est d’un très bon niveau parce que des questions fondamentales sont abordées avec des options différentes d’un côté et de l’autre. Vous aurez remarqué qu’aucune obstruction n’a été pratiquée, que les amendements portent sur le fond. Il n’y a pas urgence à aborder l’article premier à cette heure tardive.

M. Bernard Roman. Il a raison.

M. Noël Mamère. Nous ne pouvons pas avancer à marche forcée !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il ne s’agit pas d’avancer à marche forcée. Dès la présentation en commission, je prends à témoin M. Roman, j’avais dit que l’article 1er n’était en réalité que la conséquence de ceux que nous avons adoptés jusqu’à présent.

M. Bernard Roman. On peut l’examiner demain.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’apporte rien de nouveau. Il ne fait que coordonner les onze articles déjà votés. Cela nous permettrait d’achever l’examen d’un bloc cohérent.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Comme vous le constatez, nous n’avons pas fait d’obstruction systématique, nous n’avons pas multiplié les amendements, nous avons simplement cherché à défendre notre point de vue.

Afin de garder à nos débats toute leur sérénité, je propose, comme M. Braouezec, que nous les reprenions demain.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans le prolongement de ce qu’a indiqué le rapporteur, je veux dire au nom du Gouvernement que la cohérence eût commandé de conclure cette séance par l’examen de l’article premier.

Messieurs Braouezec et Roman, je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons depuis le début mené des débats de fond, de manière constructive. Le nombre d’amendements adoptés à l’unanimité en témoigne d’ailleurs.

M. Bernard Roman. Trois !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Bien évidemment, si l’Assemblée le souhaite, on s’en tiendra là ce soir. Mais puisque les parlementaires présents ce soir sont particulièrement expérimentés,…

M. Patrick Braouezec. Mais nous reviendrons demain !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …je considère que si chacun était prêt à faire un petit effort pour garder au débat sa cohérence, dans la mesure où l’article premier ne fait que prolonger le débat que nous avons engagé sur les articles précédents, nous ferions, en menant dès à présent sa discussion, un travail efficace.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Même si cela ne prend pas beaucoup de temps, nous allons quand même développer un certain nombre d’arguments, et il ne serait pas sérieux de le faire à cette heure. A titre d’exemple, nous proposons dans un amendement de remplacer les termes : « compétence et talents » par les mots : « tout type de compétences professionnelles ou de talents ». Cela mérite un vrai débat lié à celui que nous avons eu avec M. Goasguen sur les compétences professionnelles.

Laissons-nous donc le temps de discuter. Cela prendra peut-être une demi-heure ou trois quarts d’heure, mais ce ne sera pas du temps perdu.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’article premier n’est pas un article technique, même si le rapporteur nous explique qu’il est en cohérence avec ce dont nous avons discuté jusqu’à présent. C’est précisément à cause de cette cohérence qu’il faut se laisser le temps de pouvoir expliquer ce qu’est cet article premier, car, en réalité, c’est lui qui guide l’ensemble du projet. Nous ne pouvons donc pas en discuter à une heure trente-cinq du matin, dans de mauvaises conditions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, nous nous en remettons à votre arbitrage !

M. Thierry Mariani, rapporteur. À vos compétences et à vos talents ! (Sourires.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration.

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

Éventuellement, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 5 mai 2006, à une heure trente-cinq.)